N° 3404 - Proposition de loi de M. Alain Moyne-Bressand visant à supprimer l'impôt de solidarité sur la fortune



N° 3404

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 janvier 2016.

PROPOSITION DE LOI

visant à supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Alain MOYNE-BRESSAND, Dino CINIERI, Laurent FURST, Laurence ARRIBAGÉ, Lucien DEGAUCHY, Gérard MENUEL, Claudine SCHMID, Bernard BROCHAND, Damien ABAD, Claude de GANAY, Bernard ACCOYER, Bernard GÉRARD, Michel VOISIN, Yannick MOREAU, Guy TEISSIER, Patrick HETZEL, Patrick BALKANY, Michèle TABAROT, Luc CHATEL, Marc FRANCINA, Virginie DUBY-MULLER, Arlette GROSSKOST, Alain MARTY, Marc LAFFINEUR, Didier QUENTIN, Guy GEOFFROY, Pierre LELLOUCHE, Axel PONIATOWSKI, Jean-Charles TAUGOURDEAU et Éric WOERTH,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les articles 2 à 9 de la loi n° 81-1160 ont institué à compter du 1er janvier 1982 un impôt annuel sur les grandes fortunes (IGF). Celui-ci a été abrogé par l’article 24 de la loi n° 86-824 du 11 juillet 1986. Mais l’article 26 de la loi n° 88-1149 du 23 décembre 1988 a mis en place un impôt annuel de solidarité sur la fortune (ISF) à compter du 1er janvier 1989, qui est régi par les mêmes règles que l’impôt sur les grandes fortunes.

Pourtant, institué dans le but de financer le revenu minimum d’insertion (RMI), l’impôt de solidarité sur la fortune relève, selon d’éminents juristes, d’une conception pervertie de l’impôt puisqu’un impôt n’a pas pour vocation de couvrir une charge particulière de l’État. Alors qu’il est un impôt symbolique qui n’a pas pour fonction véritable de fournir des revenus, l’ISF porte atteinte à la neutralité fiscale en induisant certains comportements chez les contribuables telle que l’obligation d’expatriation. Portant également atteinte au droit de propriété, l’ISF est incontestablement un impôt confiscatoire.

Au total, les recettes de l’impôt de solidarité sur la fortune s’élevaient à 5,2 milliards d’euros en 2014, soit près d’un milliard de plus que l’année précédente et elles devraient s’établir à 5,6 milliards d’euros pour 2016, soit le même montant que la prévision actualisée pour 2015.

Comme l’écrit l’avocate fiscaliste, Manon Laporte (1) « d’un rapport minime de quelques milliards annuels, l’ISF s’avère en revanche d’un coût certain au regard des exils fiscaux qu’il entraîne. Par ailleurs, l’impôt de solidarité sur la fortune s’accompagne de nombreuses exonérations et abattements qui en grignotent son rendement. Il fait donc le bonheur des conseillers en optimisation à l’affût des exceptions permettant de le rendre supportable aux plus riches… et le malheur des classes moyennes qui, par contrecoup, doivent à elles seules supporter davantage le poids de l’impôt sur le revenu. Son existence résume à elle seule un esprit fiscal français préférant la multiplication des règles ésotériques d’exemption à une suppression de bon sens. Il a été mis en évidence que par ce biais, l’impôt de solidarité sur la fortune faisait perdre dix milliards d’euros par an à l’État ».

Alors que la France maintient l’impôt de solidarité sur la fortune, ses voisins se livrent à un dumping fiscal. On sait qu’aux pays qui ne connaissent pas d’impôt sur la fortune, il faut ajouter ceux, en Europe même, qui avaient auparavant un impôt sur la fortune et qui l’ont supprimé, comme l’Autriche et l’Allemagne. Outre-Rhin, le faible rapport de l’impôt sur la fortune (4,5 milliards d’euros sur un produit total des impôts de 407,6 milliards d’euros) a, en partie, justifié sa suppression en 1997. La décision de la cour constitutionnelle fédérale de limiter à 50 % des revenus le total des impôts payés par un contribuable a également, et très fortement, poussé à cette suspension de la collecte de l’impôt de solidarité sur la fortune. Aujourd’hui, le prélèvement de cet impôt ne pourrait être rétabli, le Bundesrat et les Landers (qui en percevaient le produit) y étant résolument opposés.

Tous les arguments qui plaident en faveur de la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune sont très largement connus. Et depuis bien longtemps ! Au moins depuis 1978, date à laquelle le Premier ministre, Raymond Barre, désigna une commission de trois personnalités pour étudier les problèmes que soulèverait l’institution d’un prélèvement éventuel sur les grosses fortunes.

Leur conclusion était limpide : « la création d’une taxe annuelle sur la fortune aurait des inconvénients économiques très sérieux : dans la mesure où elle provoquerait une certaine réorientation des placements, il y aurait plus de probabilité pour que celle-ci se fasse en faveur de placements non productifs ou à l’étranger plutôt que dans un sens profitable à l’économie nationale ».

Voilà qui est toujours d’actualité et nous rappelle que nous n’avons que trop tardé à supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune.

Tel est, Mesdames, Messieurs, l’objet de la présente proposition de loi que nous vous demandons de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

I. – Le chapitre Ier bis du titre IV de la première partie du code général des impôts est abrogé.

II. – La perte de recettes résultant des dispositions du I est compensée par une majoration à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

1 () Manon Laporte, Le massacre fiscal, Éditions du Moment 2015


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