N° 3531
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er mars 2016.
PROPOSITION DE LOI
visant à instaurer la transparence des subventions publiques
versées aux organismes de presse,
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Gilbert COLLARD,
député.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
C’est à juste titre que nos concitoyens sont attachés à l’indépendance de la presse ; quel qu’en soit le support ; que ce soit l’imprimé, l’audiovisuel ou la communication électronique.
Or chacun peut constater qu’il existe des relations quasi adultérines entre certains médias d’une part et les titulaires de fonctions publiques d’autre part. Il n’est pas utile de décrire la soumission parfois caricaturale de certains quotidiens régionaux aux exécutifs locaux en place. Cette dépendance, due sans doute à la crise financière qui frappe le secteur de l’information, s’étend par capillarité aux nouveaux supports (télévisions locales, internet, web TV) créés par la presse quotidienne régionale (P.Q.R.) afin de retrouver un lectorat perdu. Cette consanguinité entre les médias et les élus locaux nuit fortement à l’indépendance de la presse. C’est la raison pour laquelle la présente proposition de loi vise à rendre publics les canaux financiers à travers lesquels les collectivités publiques, c'est-à-dire leurs usagers et contribuables, perfusent financièrement certains médias souvent exsangues.
Force est de constater que ces canaux de financement sont à l’heure actuelle pour le moins opaques. L’État doit certes publier ses aides annuelles à la presse ; ce qui permet d’ailleurs d’en constater le caractère arbitraire. Par ailleurs, les collectivités publiques doivent chaque année faire figurer dans leur compte administratif les subventions attribuées à toutes les personnes physiques et morales ; au sein desquelles on trouve parfois des subventions à des clubs de journalistes.
Mais l’essentiel de l’aide publique indirecte aux médias échappe totalement à toute comptabilisation. En effet, les organes de presse sont trop souvent stipendiés par des voies indirectes : publicité institutionnelle, contrats d’image ou de partenariat, publication des marchés publics, ou cofinancements évènementiels. De plus, les collectivités publiques agissent souvent par le biais de sociétés d’économie mixte ou de syndicats mixtes dont le financeur n’apparaît pas clairement.
C’est la raison pour laquelle la présente proposition de loi se fonde sur une définition du périmètre concerné qui n’est autre que le domaine de la compétence de la Cour des comptes ainsi que de ses Chambres régionales et territoriales. Sont ainsi concernées toutes les aides directes ou indirectes attribuées à la presse par une collectivité publique ou ses filiales ou ses sous filiales.
Ces aides devront être publiées annuellement par chaque média dans ses propres colonnes ou dans celles de ses sites internet. Ce retour à plus de clarté devrait permettre de rétablir une plus grande indépendance des supports d’information et très probablement d’économiser des deniers publics puisés dans les poches de nos concitoyens.
PROPOSITION DE LOI
La loi du 29 juillet 1881 est complétée par un chapitre VI ainsi rédigé :
Chapitre VI
« Transparence des subventions publiques directes et indirectes
versées à la presse »
« Art 71. – Les directeurs des publications périodiques diffusées sur le territoire français doivent impérativement informer annuellement avant le 31 mars, des subventions directes ou indirectes, dotations, et apports financiers de toute nature émanant de tous les organismes publics et reçus par cette publication durant l’année civile précédente.
« Art. 72. – Sont visés par les précédentes dispositions les organes de presse vendus ou distribués et utilisant tout support de l’écrit, de la parole, de l’image ou tout autre moyen de diffusion électronique.
« Art. 73. – Les organismes publics visés à l’article 71 de la présente loi sont l’Union européenne, la République française, toute collectivité territoriale, tout établissement public ou entreprise publique rattaché aux précédentes personnes morales, et plus généralement toute personne morale mentionnée aux articles L. 111-3 à L. 118-8-3 du code des juridictions financières.
« Art. 74. – Sont visés par le présent chapitre toute subvention directe ou indirecte, tout avantage en espèces ou en nature, tout marché ou toute commande publique de prestation intellectuelle, de contrat d’image, de publicité institutionnelle ou d’annonce légale, attribué à un organe de presse visé à l’article 72 de la présente loi par une personne morale mentionnée à l’article 73 de la présente loi.
« Art. 75. – L’omission totale ou partielle de déclaration annuelle d’une subvention publique par une publication concernée par le présent chapitre sera punie d’une amende de 45.000 € par omission constatée. »
Les modalités de présentation de l’information annuelle définie à l’article 1er de la présente loi seront précisées par décret en Conseil d’État.
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