N° 3704
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 avril 2016.
PROPOSITION DE LOI
visant à renforcer l’encadrement des établissements privés
hors contrat et à limiter les possibilités de dérogation
à l’obligation scolaire,
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Éric CIOTTI, Damien ABAD, Bernard ACCOYER, Jean-Claude BOUCHET, Philippe BRIAND, Olivier DASSAULT, Bernard DEBRÉ, Jean-Pierre DECOOL, Bernard DEFLESSELLES, Charles de LA VERPILLIÈRE, Nicolas DHUICQ, Jean-Pierre DOOR, Marie-Louise FORT, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Charles-Ange GINESY, Jean-Jacques GUILLET, Michel HEINRICH, Jacques LAMBLIN, Lionnel LUCA, Patrice MARTIN-LALANDE, Pierre MORANGE, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Claudine SCHMID, Fernand SIRÉ, Guy TEISSIER, Philippe VITEL, Éric WOERTH et Lionel TARDY,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La loi du 28 mars 1882 dite « loi Ferry » a instauré pour tous les enfants, âgés de six à seize ans, une obligation scolaire. La loi française autorise néanmoins que cet enseignement soit dispensé dans des établissements privés hors contrat ou au sein de la famille.
Plus qu’une obligation de fréquentation d’une école, la loi impose en réalité une obligation d’instruction aux parents. Cette particularité a favorisé sur notre territoire l’émergence de deux phénomènes particulièrement préoccupants : la déscolarisation d’un nombre croissant d’enfants, surtout des filles, pour des motifs d’ordre essentiellement religieux d’une part, et la multiplication d’écoles privées hors contrat prônant un islam radical, d’autre part.
Les enfants sont alors victimes de propagande idéologique sous couvert de programmes éducatifs alternatifs. Ils risquent d’être marginalisés et embrigadés, car ils ne disposent pas encore de l’esprit critique qui leur permettrait de conserver leur liberté de conscience.
Dans un État de droit, la loi doit garantir à tous les enfants en âge scolaire le droit à l’instruction sans détournement possible.
Ainsi, le premier objet de cette proposition de loi est de durcir les conditions d’ouverture d’un établissement hors contrat et de renforcer les contrôles auxquels ils doivent être soumis.
Il existe en France 1 300 écoles privées hors contrat. Parmi celles-ci, il existe 300 établissements confessionnels. 56 000 enfants et adolescents y sont scolarisés, dont 4 000 à 5 000 dans des structures musulmanes.
Le contrôle de l’État sur ces écoles apparaît largement insuffisant : ouvrir un établissement d’enseignement répond à un régime déclaratif sans qu’un contrôle exhaustif ne soit systématiquement réalisé.
Or, certains de ces établissements présentent non seulement de graves faiblesses pédagogiques mais également des risques de radicalisation religieuse. Beaucoup sont en effet sous l’emprise des Frères musulmans, qui prônent un islam radical. Comme le souligne Gilles Kepel, « le projet…est la construction d’une communauté qui négocie son insertion dans la République ». « L’objectif, c’est bien de créer une rupture entre la République “méchante” et la jeunesse musulmane afin que celle-ci ne croie plus au projet républicain. » (Mohamed Louizi, auteur de : Pourquoi j’ai quitté les Frères musulmans).
Cette situation est intolérable. Les lieux d’enseignements doivent rester des sanctuaires préservés de toute influence idéologique ou politique contraire aux valeurs républicaines et doivent poursuivre un projet commun : celui de la construction d’une communauté nationale. Les écoles doivent demeurer des lieux où se transmettent les savoirs et non les idéologies.
Pour ce faire, les articles 1, 2 et 3 de la présente proposition de loi proposent de durcir les conditions d’ouverture d’un établissement privé hors contrat, de renforcer les contrôles auxquels ils sont soumis et de durcir les sanctions en cas de violation des prescriptions légales.
L’article 1er durcit les conditions pour l’ouverture d’un établissement privé hors contrat, en s’inspirant de ce qui existe d’ores et déjà en Alsace et en Moselle où prévaut un système d’autorisation préalable. L’administration donnera l’autorisation d’ouvrir l’établissement seulement après avoir vérifié que sont satisfaites l’ensemble des conditions requises. Cela permettra de prévenir l’ouverture d’établissements où s’expriment des formes d’intégrisme religieux.
Actuellement, le code de l’éducation prévoit pour l’essentiel une inspection portant sur la moralité, l’hygiène et la salubrité de ces établissements. L’article 2 prévoit de renforcer les contrôles de ces écoles en les étendant à l’existence d’atteinte aux valeurs de la République (comme l’égalité homme/femme ou le respect des institutions). L’objectif est d’éviter que les enseignants ne fassent passer le prosélytisme avant l’éducation des enfants.
Enfin, aujourd’hui, en application de l’article L. 441-4 du code de l’éducation, le fait d’ouvrir ou diriger une école sans remplir les conditions prescrites est puni de 3 750 euros d’amende. Cette somme semble dérisoire au regard des enjeux en cause. L’article 3 propose de la porter à 150 000 euros.
Le second objet de cette proposition de loi est de limiter les possibilités de dérogation à l’obligation scolaire.
En 2010-2011, en France, 18 818 enfants étaient instruits à domicile, dont 5 063 en dehors d’une inscription réglementée au Centre national d’enseignement à distance (Cned). Cela représente une augmentation de 54,6 % en trois ans.
Ce phénomène a été rendu possible par les nombreuses lacunes dont souffre notre législation. L’article L. 131-1-1 du code de l’éducation se borne à prévoir que « l’instruction obligatoire est assurée prioritairement dans les établissements d’enseignement ». Cela apparaît largement insuffisant : le renforcement de l’obligation scolaire est indispensable pour assurer le droit de tous les enfants à l’instruction, à l’éducation et pour favoriser l’épanouissement de leur personnalité. Dans un contexte de menace terroriste inédite couplée à un développement sans précédent du communautarisme, il est indispensable que le contrôle de l’État sur l’éducation de tous les enfants soit renforcé.
Aussi, l’article 4 soumet l’instruction à domicile à l’autorisation préalable de l’inspecteur d’académie qui ne pourra y donner droit que dans l’une des hypothèses suivantes :
– l’exigence de soins médicaux,
– situation de handicap en attente de scolarisation dans un établissement médico-social,
– activités sportives ou artistiques,
– parents itinérants,
– éloignement géographique d’un établissement scolaire.
L’article 227-17-1 du code pénal prévoit une peine de six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende pour les parents qui refusent d’inscrire leur enfant dans un établissement d’enseignement en dépit d’une mise en demeure de l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation. L’article 5 prévoit que ces sanctions seront également applicables en cas d’instruction à domicile en l’absence de l’autorisation de l’inspecteur d’académie. De plus, l’article L. 131-3 du code de l’éducation prévoit que le versement des prestations familiales est subordonné à la présentation d’un certificat attestant que l’enfant est instruit dans sa famille. Par conséquent, les parents procédant à l’instruction dans la famille en l’absence d’autorisation ne pourront percevoir de prestations familiales.
Enfin, l’article L. 131-10 du code de l’éducation prévoit un contrôle de l’inspecteur d’académie portant sur la réalité de l’instruction dispensée, sur les acquisitions de l’enfant et sa progression. Le champ de ce contrôle semble trop restreint car l’éducation d’un enfant ne passe pas exclusivement par la transmission des savoirs, mais aussi par la construction de sa personnalité. Aussi, l’article 6 prévoit d’étendre ce contrôle à l’absence d’influence idéologique ou politique contraire aux valeurs républicaines dans l’instruction dispensée à l’enfant.
PROPOSITION DE LOI
Le quatrième alinéa de l’article L. 441-2 du code de l’éducation est ainsi rédigé : « L’établissement ne peut être ouvert qu’après autorisation expresse de représentant de l’État dans le département. »
La seconde phrase du II de l’article L. 241-4 du code de l’éducation, après le mot : « Constitution », sont insérés les mots : « , aux valeurs de la République ».
Au premier alinéa de l’article L. 441-4 du code de l’éducation, le montant : « 3 750 euros » est remplacé par le montant : « 150 000 euros ».
L’article L. 131-1-1 du code de l’éducation est complété par six alinéas ainsi rédigés :
« l’instruction dans la famille doit faire l’objet d’une autorisation préalable de l’inspecteur d’académie et doit être justifiée par :
– l’exigence de soins médicaux ;
– une situation de handicap en attente de scolarisation dans un établissement médico-social ;
– des activités sportives ou artistiques ;
– des parents itinérants ;
– l’éloignement géographique d’un établissement scolaire. »
Au premier alinéa de l’article 227-17-1 du code pénal, après le mot : « continue », sont insérés les mots : « de procéder à l’instruction dans la famille en l’absence d’autorisation de l’inspecteur d’académie ou ».
Le troisième alinéa de l’article L. 131-10 du code de l’éducation est complétée par les mots : « et que l’enfant ne fait l’objet d’aucune influence idéologique ou politique contraire aux valeurs de la République ».
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