N° 3853
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 juin 2016.
PROPOSITION DE LOI
donnant aux autorités de l’État des pouvoirs exceptionnels
afin de mettre hors d’état de nuire les terroristes islamistes
qui menacent la Nation,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Éric CIOTTI, Guillaume LARRIVÉ, Bernard ACCOYER, Julien AUBERT, Jean-Pierre BARBIER, Jean-Claude BOUCHET, Valérie BOYER, Xavier BRETON, Édouard COURTIAL, Olivier DASSAULT, Marc-Philippe DAUBRESSE, Charles de LA VERPILLIÈRE, Bernard DEBRÉ, Jean-Pierre DECOOL, Nicolas DHUICQ, Jean-Pierre DOOR, Dominique DORD, Virginie DUBY-MULLER, Marie-Louise FORT, Marc FRANCINA, Laurent FURST, Annie GENEVARD, Bernard GÉRARD, Charles-Ange GINESY, Philippe GOUJON, Arlette GROSSKOST, Jean-Claude GUIBAL, Jean-Jacques GUILLET, Michel HERBILLON, Guénhaël HUET, Sébastien HUYGHE, Denis JACQUAT, Christian KERT, Valérie LACROUTE, Jacques LAMBLIN, Thierry LAZARO, Pierre LELLOUCHE, Véronique LOUWAGIE, Lionnel LUCA, Thierry MARIANI, Alain MARLEIX, Alain MARTY, Jean-Claude MIGNON, Alain MOYNE-BRESSAND, Pierre MORANGE, Jacques MYARD, Yves NICOLIN, Jacques PÉLISSARD, Jean-Luc REITZER, Paul SALEN, Fernand SIRÉ, Michel SORDI, Guy TEISSIER, Éric STRAUMANN, Alain SUGUENOT, Michèle TABAROT, Jean-Sébastien VIALATTE, Philippe VITEL, Michel VOISIN, Éric WOERTH,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Il est vital, pour notre Nation, que tous les terroristes islamistes soient mis hors d’état de nuire.
Des pouvoirs exceptionnels doivent être donnés aux autorités administratives et judiciaires de l’État, pour protéger réellement la Nation.
La présente proposition de loi reprend des mesures qui ont déjà été présentées par leurs auteurs lors de débats législatifs au long de la présente mandature.
Trop de temps a été perdu.
L’État de droit doit être fort. S’il est faible, il n’est plus l’État et il n’y a plus de droit.
Chacun doit prendre ses responsabilités.
L’Assemblée nationale doit cesser de tergiverser. Et s’il apparaissait que le Conseil constitutionnel croyait devoir désapprouver certaines mesures adoptées par le Parlement, il conviendrait alors que le Constituant lui-même tranche ce différend. Car c’est à la représentation nationale de choisir ce qui doit être décidé pour protéger la Nation.
C’est pourquoi l’article 1er donne au ministre de l’intérieur le pouvoir d’assigner, dans un centre de rétention fermé, tout individu à l’égard duquel il existe des raisons sérieuses de penser qu’il constitue, par son comportement, une grave menace pour la sécurité nationale. Le cas échéant, ces individus pourront faire l’objet, non pas d’un placement en centre de rétention, mais d’un placement sous surveillance électronique, décidé par le ministre de l’intérieur.
Seul le Conseil d’État sera compétent pour connaître, quant au fond, de la légalité de ces décisions de police administrative ; toutefois, conformément à l’article 66 de la Constitution, le juge des libertés et de la détention, c’est-à-dire l’autorité judiciaire, sera compétent pour connaître du maintien de l’assignation en centre de rétention ou du placement sous surveillance électronique, au-delà d’un mois à compter de la décision initiale du ministre. Le juge pourra décider du maintien de la mesure pour une durée qui ne peut excéder cinq mois, aux termes de laquelle le ministre pourra, le cas échéant, prendre une nouvelle décision d’assignation dans un centre de rétention ou de placement sous surveillance électronique.
L’article 2 a pour objet de supprimer, en matière de terrorisme, toute automaticité de réduction de peines.
L’article 3 prive les auteurs d’actes de terrorisme du bénéfice de la suspension et du fractionnement des peines prévus à l’article 720-1 du code de procédure pénale.
De même, l’article 4 écarte toute possibilité de réduction supplémentaire des peines et l’article 5 exclut toute possibilité de libération conditionnelle pour les auteurs d’actes de terrorisme.
L’article 6 interdira qu’un individu condamné à une peine de prison pour terrorisme puisse être libéré, avant la fin de sa peine de prison et bénéfice alors du régime de placement sous surveillance électronique.
L’article 7 supprime le bénéfice d’exécution de la peine sous le régime de la semi-liberté ou du placement à l’extérieur pour ces mêmes individus.
L’article 8 exclut, de même, toute possibilité de permission de sortie.
L’article 9 modifie l’article 706-53-13 du code de procédure pénale, afin de permettre le prononcé, par l’autorité judiciaire, d’une décision de rétention de sûreté contre les auteurs de certains crimes terroristes. En effet, lorsqu’une personne condamnée par une cour d’assises présente une telle dangerosité que les mesures de surveillance judiciaire ou de suivi socio-judiciaire apparaissent insuffisantes pour protéger la société d’un risque de récidive, le code de procédure pénale prévoit la possibilité de prononcer une rétention de sûreté, sous réserve que soient remplies des conditions tenant à la personnalité de l’individu et à la nature de sa condamnation. Prévue aux articles 706-53-13 et suivants du code de procédure pénale, la rétention de sûreté a été créée par la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Elle n’est pas ordonnée par la cour d’assises lors du prononcé de la condamnation, mais à la fin de la peine par la juridiction régionale de rétention de sûreté. Elle consiste à placer un criminel, considéré comme particulièrement dangereux, dans un centre de sûreté à l’issue de sa peine de prison, tout en lui proposant une prise en charge médicale, sociale et psychologique.
La rétention de sûreté prévue à l’article 706-53-13 fait aujourd’hui l’objet d’une double limitation puisqu’elle s’applique aux personnes :
– « dont il est établi, à l’issue d’un réexamen de leur situation intervenant à la fin de l’exécution de leur peine, qu’elles présentent une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu’elles souffrent d’un trouble grave de la personnalité » ;
– « à la condition qu’elles aient été condamnées à une peine de réclusion criminelle d’une durée égale ou supérieure à quinze ans pour les crimes, commis sur une victime mineure, d’assassinat ou de meurtre, de torture ou actes de barbarie, de viol, d’enlèvement ou de séquestration (…) [ou] pour les crimes, commis sur une victime majeure, d’assassinat ou de meurtre aggravé, de torture ou actes de barbarie aggravés, de viol aggravé, d’enlèvement ou de séquestration aggravé (…) ou, lorsqu’ils sont commis en récidive, de meurtre, de torture ou d’actes de barbarie, de viol, d’enlèvement ou de séquestration ».
Tel qu’il est actuellement rédigé, l’article 706-53-13 laisse donc en dehors de son champ d’application les incriminations spécifiques prévues au titre II (« Du terrorisme ») du livre IV (« Des crimes et délits contre la Nation, l’État et la paix publique ») du code pénal. L’article 9 les y inclut.
L’article 10 élève à quinze ans la peine d’emprisonnement pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme. En effet, en matière de terrorisme, le motif de condamnation le plus fréquemment retenu est la participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme. Aux termes de l’article 421-2-1 du code pénal, « constitue (…) un acte de terrorisme le fait de participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un des actes de terrorisme mentionnés aux articles [421-1 et 421-2] ». Ces deux derniers articles visent notamment les atteintes volontaires à la vie ou à l’intégrité de la personne, l’enlèvement et la séquestration, le détournement d’aéronef ou encore les vols et extorsions, lorsqu’ils « sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ».
L’incrimination de la participation à une association de malfaiteurs à but terroriste constitue un élément central de l’arsenal juridique de lutte contre le terrorisme car elle réprime le simple projet criminel, matérialisé par des actes préparatoires, et permet ainsi de prévenir la commission d’actes terroristes.
Selon le droit en vigueur, ce délit est puni, aux termes de l’article 421-5, d’un maximum de « dix ans d’emprisonnement et de 225 000 euros d’amende ».
Ce plafond de dix ans apparaît aujourd’hui insuffisamment sévère. Il importe de rendre plus ferme la répression de ce délit sans pour autant aller jusqu’à la qualification criminelle, qui entraîne une procédure très lourde. À titre d’illustration, rappelons que la cour d’assises spéciale statuant sur les crimes commis en matière de terrorisme est composée de sept magistrats (en première instance) au lieu de trois.
Aussi, bien que le seuil de dix ans constitue normalement un maximum en matière de répression des délits, le présent amendement propose, pour celui prévu à l’article 421-2-1 du code pénal, d’élever la peine d’emprisonnement à quinze ans.
L’article 11, corollaire du précédent, vise à créer, au sommet de l’échelle des peines correctionnelles d’emprisonnement encourues par les personnes physiques, une peine d’emprisonnement de quinze ans au plus. La création d’une peine de quinze ans d’emprisonnement modifierait certes la classification traditionnelle qui distingue aujourd’hui, d’une part, les délits, punis d’un maximum de dix ans d’emprisonnement et jugés par les tribunaux correctionnels, et, d’autre part, les crimes, pour lesquels la peine encourue va de dix ans de réclusion criminelle à la perpétuité et pour lesquels la juridiction compétente est en principe la cour d’assises. La volonté de réprimer plus sévèrement et plus efficacement le délit de participation à une association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme doit primer sur le maintien formel des catégories juridiques habituelles.
L’article 12 écarte les conditions restrictives en matière de fouilles, régies par l’article 57 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 modifiée par la loi du 3 juin 2016, s’agissant des personnes condamnées ou mises en examen pour terrorisme.
PROPOSITION DE LOI
Le ministre de l’intérieur peut prononcer l’assignation dans un centre de rétention, ou le placement sous surveillance électronique, de tout individu à l’égard duquel il existe des raisons sérieuses de penser qu’il constitue, par son comportement, une grave menace pour la sécurité nationale.
Seul le Conseil d’État est compétent pour connaître de la légalité de la décision du ministre. Le maintien de l’assignation dans un centre de rétention, ou du placement sous surveillance électronique, au-delà d’un mois à compter de la décision initiale du ministre peut être autorisé par le juge des libertés et de la détention, pour une durée qui ne peut excéder cinq mois, aux termes de laquelle le ministre peut, le cas échéant, prendre une nouvelle décision d’assignation dans un centre de rétention ou de placement sous surveillance électronique.
Au premier alinéa de l’article 721 du code de procédure pénale, après le mot : « bénéficie », sont insérés les mots : « , sauf s’il a été condamné pour l’un des actes de terrorisme visés aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, ».
L’article 720-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article n’est pas applicable aux personnes condamnées pour l’un des actes de terrorisme visés aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal. »
Après le troisième alinéa de l’article 721-1 du même, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article n’est pas applicable aux personnes condamnées pour l’un des actes de terrorisme visés aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal. »
Après le dixième alinéa de l’article 729 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la personne a été condamnée pour l’un des actes de terrorisme mentionnés aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, une libération conditionnelle ne peut lui être accordée ».
L’article 723-7 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article n’est pas applicable aux personnes condamnées pour l’un des actes de terrorisme visés aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal. »
L’article 723-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article n’est pas applicable aux personnes condamnées pour l’un des actes de terrorisme mentionnés aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal. »
L’article 723-3 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article n’est pas applicable aux personnes condamnées pour l’un des actes de terrorisme mentionnés aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal. »
Après le deuxième alinéa de l’article 706-53-13 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il en est de même pour les crimes prévus aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal. »
Le premier alinéa de l’article 421-5 du code pénal est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« L’acte de terrorisme défini à l’article 421-2-1 est puni de quinze ans d’emprisonnement et de 225 000 € d’amende.
« L’acte de terrorisme défini à l’article 421-2-2 est puni de dix ans d’emprisonnement et de 225 000 € d’amende. »
Après le premier alinéa de l’article 131-4 du même code, il est inséré un 1° A ainsi rédigé :
« 1° A Quinze ans au plus ; ».
L’article 57 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les restrictions prévues au présent article ne sont pas applicables aux fouilles relatives aux personnes condamnées pour l’un des actes de terrorisme mentionnés aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal ou mises en examen pour des faits qualifiés d’actes de terrorisme. »
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