N° 3873
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 juin 2016.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
EUROPÉENNE
pour que la France s’oppose à toute application du CETA et du TAFTA avant la consultation formelle du Parlement français,
(Renvoyée à la commission des affaires européennes, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames, Messieurs
Jean-Noël CARPENTIER, Gérard CHARASSE, Jérôme LAMBERT, Stéphane CLAIREAUX, Jean-Pierre MAGGI, Joël GIRAUD, Gilda HOBERT, Jeanine DUBIÉ, Alain TOURRET,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le processus de ratification de l’accord de libre-échange avec le Canada – dit CETA – conclu en septembre 2014, ainsi que les négociations pour un traité transatlantique de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis (Partenariat transatlantique du commerce et d’investissement PTCI) - dit TAFTA --, en cours depuis 2013 inquiètent légitimement les opinions publiques.
Ces traités, dits de nouvelle génération, privilégient les intérêts des grandes multinationales au détriment des États et des peuples. Ainsi en est-il du projet d’instaurer des tribunaux spéciaux, avec des arbitres privés au lieu de juges publics, pour soi-disant régler des différends entre les investisseurs et les États. Cela est une menace pour la souveraineté des États et des peuples afin d’instaurer leurs propres politiques publiques.
Quel sort va-t-il nous être réservé ?
Il ne s’agit pas de remettre en cause la mondialisation, mais d’instaurer une mondialisation qui respecte les hommes et la nature avec des règles et une régulation économique.
Le « business » à tout prix, la finance, la marchandisation généralisée, tout cela ne peut constituer la seule perspective de l’humanité.
Avec les accords TAFTA et CETA, les multinationales et les ultralibéraux veulent niveler vers le bas toutes les normes sociales, environnementales et alimentaires. Les accords de la COP21 risquent ainsi d’être remis en cause et le chantage au dumping social international s’aggraver davantage.
Ces perspectives ne sont pas rassurantes. Bien que le TAFTA, après 13 cycles de négociations laborieuses et peu de chapitres ayant réellement avancé, soit à la peine - ce dont on peut se réjouir -, l’accord entre l’Europe et le Canada (CETA), lui, est fin prêt, depuis la nouvelle mouture adoptée en février dernier. La Commission européenne souhaite depuis une rapide application provisoire en attendant la ratification des États membres, ce qui est anti-démocratique.
La France, compte tenu de son rang en Europe et dans le monde, pourrait prendre une initiative forte pour que cet accord ne puisse pas s’appliquer de manière provisoire en attendant la ratification des parlements nationaux afin de favoriser un véritable débat public.
C’est donc l’objet de cette proposition de résolution qui demande au Gouvernement :
– de s’opposer à l’application provisoire de tout ou partie du TAFTA et du CETA avant la ratification formelle et définitive par le Parlement français ;
– de ne pas ratifier le TAFTA, ni le CETA en l’état et d’exiger la modification du texte conformément à la résolution adoptée par l’Assemblée nationale en novembre 2014.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
L’Assemblée nationale
Vu l’article 88-4 de la Constitution,
Vu les articles 206, 207 et 218 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
Vu la recommandation de la Commission au Conseil, du 27 avril 2009, visant à autoriser la Commission à engager des négociations en vue d’un accord d’intégration économique avec le Canada,
Vu la résolution du Parlement européen, du 8 juin 2011, sur les relations commerciales entre l’Union européenne et le Canada,
Vu la résolution européenne de l’Assemblée nationale sur le mandat de négociation de l’accord de libre-échange entre les États-Unis d’Amérique et l’Union européenne, n° 156, juin 2013,
Vu le texte de l’accord finalisé lors du sommet bilatéral d’Ottawa du 26 septembre 2014 et mis à jour le 29 février 2016,
Vu la résolution européenne sur le projet d’accord économique et commercial entre l’Union européenne et le Canada, adoptée par l’Assemblée nationale, n° 428, le 23 novembre 2014,
Vu la résolution européenne de l’Assemblée nationale sur le projet d’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique, n° 339, de mai 2014,
Considérant les défis nouveaux posés par ces traités (CETA et TAFTA) dits de nouvelle génération en matière de contrôle démocratique et les conséquences importantes sur la souveraineté de nos institutions locales, nationales et européennes ;
Considérant que les négociations en cours vont bien au-delà des enjeux classiques de libre-échange et qu’ils portent essentiellement sur l’harmonisation des normes de protection des consommateurs, des salariés, des citoyens ou de l’environnement ;
Considérant le caractère « vivant » inédit de ces traités qui prévoit que les négociations sur l’harmonisation des normes se poursuivent bien après l’adoption formelle du traité, faisant de fait évoluer son contenu à posteriori ;
Considérant que ces traités veulent instaurer des tribunaux spéciaux pour régler des différends entre les investisseurs et les États au risque de menacer la possibilité des peuples à instaurer leurs propres politiques publiques ;
Considérant les conclusions du rapport de l’Assemblée nationale sur la résolution sur le règlement des différends entre investisseurs et États dans les projets d’accords commerciaux entre l’Union européenne, le Canada et les États-Unis, n° 134, novembre 2014, quant au caractère incomplet de la réforme proposée par l’Union européenne et au risque de non-conformité avec les traités européens ;
Considérant que le CETA et le TAFTA ne sont pas compatibles avec les engagements pris par l’Union européenne lors de la COP21 pour lutter efficacement contre le changement climatique ;
Considérant les 3 476 795 signatures - dont 383 492 en France – recueillies par l’initiative citoyenne européenne et l’érosion progressive des opinions publiques à ces projets ;
Considérant que le CETA ne garantit pas le principe de précaution inscrit à l’article 191 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
Considérant que le CETA et le TAFTA sont des accords « mixtes » nécessitant une ratification de l’ensemble des États membres selon leurs règles constitutionnelles propres et par conséquent en France d’un vote du Parlement ;
Demande de s’opposer à l’application provisoire de tout ou partie du CETA et du TAFTA avant la ratification formelle et définitive par le Parlement français ;
Demande de ne pas ratifier le TAFTA, ni le CETA en l’état et d’exiger la modification du texte conformément à la résolution adoptée par l’Assemblée nationale en novembre 2014.
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