N° 4015 - Proposition de loi de M. Jean-Pierre Decool relative au défibrillateur cardiaque



N° 4015

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 août 2016.

PROPOSITION DE LOI

relative au défibrillateur cardiaque,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean-Pierre DECOOL, Damien ABAD, Olivier AUDIBERT TROIN, Patrick BALKANY, Jean-Pierre BARBIER, Marcel BONNOT, Jean-Claude BOUCHET, Xavier BRETON, Bernard BROCHAND, Dominique BUSSEREAU, Jean-Louis CHRIST, Dino CINIERI, Édouard COURTIAL, Marie-Christine DALLOZ, Marc-Philippe DAUBRESSE, Claude de GANAY, Lucien DEGAUCHY, Stéphane DEMILLY, Camille de ROCCA SERRA, Nicolas DHUICQ, Julien DIVE, Dominique DORD, Virginie DUBY-MULLER, Nicolas DUPONT-AIGNAN, Daniel FASQUELLE, Yannick FAVENNEC, Yves FOULON, Marc FRANCINA, Yves FROMION, Laurent FURST, Annie GENEVARD, Guy GEOFFROY, Bernard GÉRARD, Alain GEST, Claude GOASGUEN, Philippe GOMÈS, Arlette GROSSKOST, Jean-Jacques GUILLET, Michel HEINRICH, Michel HERBILLON, Antoine HERTH, Patrick HETZEL, Francis HILLMEYER, Sébastien HUYGHE, Denis JACQUAT, Guillaume LARRIVÉ, Thierry LAZARO, Isabelle LE CALLENNEC, Marc LE FUR, Vincent LEDOUX, Lionnel LUCA, Alain MARTY, Jean-Claude MATHIS, Damien MESLOT, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Dominique NACHURY, Jacques PÉLISSARD, Bernard PERRUT, Axel PONIATOWSKI, Josette PONS, Didier QUENTIN, Jean-Luc REITZER, Arnaud RICHARD, Franck RIESTER, Martial SADDIER, Maina SAGE, Paul SALEN, André SANTINI, Claudine SCHMID, Jean-Marie SERMIER, Fernand SIRÉ, Alain SUGUENOT, Lionel TARDY, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Guy TEISSIER, Michel TERROT, Jean-Marie TÉTART, François VANNSON, Patrice VERCHÈRE, Francis VERCAMER, Jean-Pierre VIGIER, Philippe VIGIER, François-Xavier VILLAIN, Philippe VITEL, Michel VOISIN et Marie-Jo ZIMMERMANN,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Environ cinquante mille personnes, en France, décèdent, chaque année des suites d’une fibrillation cardiaque. Il s’agit d’une « urgence absolue » puisque l’on ne dispose que de quelques minutes pour réagir. À défaut, les fonctions vitales sont gravement altérées et le décès survient.

L’installation de défibrillateurs cardiaques entièrement automatiques sur l’ensemble de notre territoire permet donc d’accroître considérablement les chances de sauver les victimes à condition, bien entendu, que les appareils soient disponibles, facilement accessibles et connus du grand public. Toute personne sans formation particulière est apte à utiliser cet appareil conformément au décret du 4 mai 2007 (n° 2007-705).

L’expérience nord-américaine montre que le taux de survie, en la matière, est directement proportionnel au nombre d’appareils installés. Aux États-Unis, 26 % des personnes victimes de fibrillation, hors domicile, sont sauvées, 3 % à 5 % en France…

Notre retard est donc considérable.

Depuis 2006, Alex Turk, sénateur du Nord, avec Sylvie Desmarescaux, ancienne sénatrice du Nord, en collaboration avec les maires du Nord, ont mis en place un réseau de mille huit cents appareils, sur le territoire de plus de quatre cent cinquante communes et ce, grâce au recours au mécanisme de la réserve parlementaire. Ce réseau a permis de sauver plus d’une trentaine de personnes victimes de fibrillation cardiaque en dehors de leur domicile.

Cette expérience est donc extrêmement positive, mais elle a permis de déceler trois questions appelant des réponses urgentes.

La présente proposition de loi a pour objet d’y répondre : le vol ou la dégradation des appareils ; l’information du grand public ; le caractère obligatoire de leur installation sur certains sites.

1. Aggravation des peines pour toute dégradation

À titre d’exemple, dans le département du Nord, selon notre expérience, le taux de dégradation est environ de 8/1000. Certes, les assurances peuvent intervenir pour le remplacement de ces appareils mais ces faits sont inacceptables. D’autant plus que, durant le délai de remplacement de l’appareil manquant ou défectueux, aucune solution ne peut être proposée.

C’est pourquoi la présente proposition de loi prévoit l’aggravation de la peine encourue par toute personne qui se livre à ces actes de vandalisme ou de vol à l’encontre de dispositifs d’intervention d’urgence ou de systèmes de sécurité intéressant les lieux et les personnes, (défibrillateur cardiaque, alarme, extincteur, bouche d’incendie, bouée, etc.).

2. Sur le plan de la formation, il est prévu que chaque citoyen, dans le cadre de la « Journée défense et citoyenneté » au sein des établissements scolaires, reçoive une formation complète et pratique.

Ainsi l’article L. 312-13-1 du code de l’éducation prévoit que « tout élève bénéficie, dans le cadre de sa scolarité obligatoire, d’une sensibilisation à la prévention des risques et aux missions des services de secours ainsi que d’un apprentissage des gestes élémentaires de premier secours. Cette formation ne peut être assurée que par des organismes habilités ou des associations agréées en vertu de l’article 35 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile. ». En outre, les élèves préparant un baccalauréat professionnel ont l’obligation de suivre un module « sauvetage et secourisme du travail ».

La connaissance des gestes de premiers secours fait d’ailleurs partie du socle commun de connaissances et de compétences depuis le décret n° 2006-830 du 11 juillet 2006 qui prévoit que l’élève doit être capable « de porter secours : l’obtention de l’attestation de formation aux premiers secours certifie que cette capacité est acquise ». Cette attestation qui a été remplacée par la PSC1 (Prévention et secours civiques de niveau 1), contient une formation à l’utilisation d’un défibrillateur automatique externe.

L’article L. 114-3 du code du service national prévoit, pour sa part, que lors de la « journée défense et citoyenneté », les jeunes Français y participant « bénéficient également d’une sensibilisation à la prévention des risques et aux missions des services de secours ainsi que d’un apprentissage des gestes élémentaires de premier secours ».

Si cette disposition ne précise pas que ces gestes élémentaires de premiers secours incluent l’utilisation d’un défibrillateur externe, l’article 1 de l’arrêté du 16 juillet 2010 relatif à l’initiation du grand public à la prise en charge de l’arrêt cardiaque et à l’utilisation de défibrillateurs automatisés externe prévoit que « dans le cadre de la sensibilisation de la population aux gestes de premiers secours, il est mis en place une initiation à la prise en charge d’une victime qui présente un arrêt cardiaque et à l’utilisation d’un défibrillateur automatisé externe ».

Or, selon de nombreux témoignages, cette initiation n’est pas pratiquée systématiquement et dépend de la disponibilité des acteurs compétents ou de la mobilisation des académies. Personne n’est en mesure de préciser le pourcentage de personnes « sensibilisées ». Dès lors, nous proposons que la formation à destination de tous les élèves dans le cadre de leur parcours scolaire (au niveau de l’enseignement de premier et de second degrés) soit rendue réellement (article 2).

3. Obligation d’installation des appareils

Afin de prolonger les initiatives lancées de part et d’autre pour équiper notre pays de ces appareils et éviter les disparités, il apparaît désormais nécessaire de rendre obligatoire l’installation des défibrillateurs dans de nombreux endroits. Seraient tout d’abord concernés les entreprises et les équipements commerciaux. Certaines grandes enseignes ont d’ores et déjà installé ces appareils. Afin de généraliser la présence de ces appareils, il est proposé de rendre leur installation obligatoire à partir d’un certain seuil. Le seuil retenu est celui de mille mètres carrés correspondant à celui défini par la loi de modernisation de l’économie pour définir les projets devant être soumis à la commission départementale ou nationale d’équipement commercial.

S’agissant du logement collectif, la présence de ces appareils apparaît également essentielle pour sauver des vies. Toutefois, les mesures d’application sont renvoyées à un décret en Conseil d’État.

Enfin, et de manière générale, il semble important d’en rendre l’installation obligatoire dans tous les établissements recevant du public à partir d’un seuil défini en Conseil d’État. Ce principe de portée générale s’appliquerait à la fois aux établissements privés (salles de spectacles, cinémas) mais aussi publics, comme les administrations et les établissements scolaires (1). Il répondrait également à une demande de l’Académie Nationale de médecine, qui dans son rapport « Mort subite au cours des activités physiques et sportives. Recommandations pour des mesures préventives » (2), préconise la présence obligatoire de ces appareils dans les stades et les enceintes sportives.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

I. – Après le 11° de l’article 311-4 du code pénal, il est inséré un 12° ainsi rédigé :

« 12° Lorsqu’il porte sur des objets nécessaires à la sécurité ou à la santé des personnes ou des lieux. »

II. – La section 2 du chapitre II du titre II du livre III du même code est complétée par un article 322-11-2 ainsi rédigé :

« Art. 322-11-2. – La destruction, la dégradation ou détérioration est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende lorsqu’elle porte sur des objets nécessaires à la sécurité ou à la santé des personnes ou des lieux.

« Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende lorsque l’infraction prévue au présent article est commise avec la circonstance prévue au 1° de l’article 322-3 ».

Article 2

La première phrase de l’article L. 312-13-1 du code de l’éducation est remplacée par trois alinéas ainsi rédigés :

« La sensibilisation à la prévention des risques et aux missions de services de secours ainsi que l’apprentissage des gestes élémentaires de premiers secours est obligatoire et incluse dans les programmes d’enseignement de premier et de second degrés.

« Le contenu de cette formation, incluant l’utilisation d’un défibrillateur externe automatisé, est défini par décret.

« Cette formation ne peut être assurée que par des organismes habilités ou des associations agréées en application de l’article L. 725-3 du code de la sécurité intérieure ».

Article 3

I. – Le chapitre Ier du titre premier du livre II de la quatrième partie du code du travail est complété par un article L. 4211-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 4211-3. – Dans les établissements de plus de 50 salariés, les lieux de travail sont équipés d’un défibrillateur automatisé externe accessible.

« Cette obligation s’impose également aux équipements commerciaux dont la surface est supérieure à 1 000 mètres carrés.

« Toutefois un défibrillateur automatisé externe peut être mis en commun entre des entreprises ou locaux commerciaux mentionnés aux deux premiers alinéas, lorsqu’ils sont réunis sur un même site ou à proximité immédiate.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »

II. – Après le chapitre III du titre II du livre Ier du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un chapitre III bis ainsi rédigé :


« Chapitre III
bis


« Sécurité des personnes

« Art. L. 123-5. – Les immeubles collectifs à usage principal d’habitation comportant un nombre de logements supérieur à un seuil défini par un décret en Conseil d’État sont équipés d’un défibrillateur automatisé externe accessible.

« Art. L. 123-6. – À partir d’un seuil fixé par décret en Conseil d’État, tous les établissements recevant du public sont équipés d’un défibrillateur.

« Toutefois un défibrillateur automatisé externe peut être mis en commun entre des entreprises ou locaux commerciaux mentionnés les alinéas précédents, lorsqu’ils sont réunis sur un même site ou à proximité immédiate.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »

Article 4

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

1 () Cette obligation, de portée générale, ne peut donc être considérée comme une augmentation de charge publique au sens de l’article 40 de la Constitution.

2 () Par Patrice Queneau, membre de l’Académie nationale de médecine, membre correspondant de l’Académie nationale de pharmacie, représentant l’Académie nationale de médecine au Collège de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) et au Comité de préfiguration des modalités d’instauration du profil biologique du sportif, doyen honoraire de la Faculté de médecine de Saint-Etienne. Michel Rieu, Ancien Conseiller scientifique de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD). Dominique Lecomte, membre correspondant de l’Académie nationale de médecine, Professeur de Médecine Légale à l’Université Paris 5 et ancien directeur de l’Institut Médico-légal de Paris. Jean-Pierre Goullé, Membre de l’Académie nationale de médecine et de l’Académie nationale de pharmacie, représentant l’Académie nationale de pharmacie au Collège de l’AFLD. Vincent Probst, professeur de cardiologie au CHU de Nantes, responsable du centre de référence national pour la prise en charge des maladies héréditaires rythmiques et du centre de prévention de la mort subite du sujet jeune et Xavier Jouven, professeur de cardiologie à l’hôpital européen Georges Pompidou (AP-HP), responsable d’équipe mixte de recherche AP-HP/Université Paris Descartes/Inserm, et coordonnateur du centre d’expertise de la mort subite de l’adulte.


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