N° 4016 - Proposition de loi de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet pénalisant la prédication subversive



N° 4016

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 août 2016.

PROPOSITION DE LOI

pénalisant la prédication subversive,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, Damien ABAD, Élie ABOUD, Jean-Louis CHRIST, Charles de LA VERPILLIÈRE, Camille de ROCCA SERRA, Nicolas DHUICQ, Julien DIVE, Daniel FASQUELLE, Laurent FURST, Annie GENEVARD, Arlette GROSSKOST, Patrick HETZEL, Jacques LAMBLIN, Thierry MARIANI, Patrice MARTIN-LALANDE, Bernard PERRUT et Bérengère POLETTI,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Après chaque attentat qui meurtrit notre pays, chacun s’interroge : le drame aurait-il pu être évité ? L’émotion nous conduit souvent à envisager des solutions très éloignées de l’État de droit, car nous faisons face à l’impensable : des personnes qui souhaitent détruire la France et les Français. Et nous nous disons : comment ce terroriste a-t-il pu en arriver là ?

Le terrorisme prospère souvent sur un terreau de radicalité politico-religieuse. Avant de passer à l’acte, nombre de terroristes ont suivi un processus de radicalisation de ce type.

La radicalité politico-religieuse est prêchée, enseignée et diffusée par des prédicateurs qui défendent la supériorité de leurs lois religieuses sur les principes constitutionnels et fondamentaux de la République, en prônant notamment une ségrégation identitaire et communautaire à rebours de l’État de droit.

Ces prédicateurs créent des salles de prière et des associations, dirigent des lieux de culte, prodiguent des enseignements et sont responsables du contenu éditorial d’ouvrages et de sites internet.

Leur objectif est simple : faire disparaître l’État de droit derrière la religion. Nier la France et s’imposer par la résistance à nos fondements constitutionnels, notamment les plus précieux : la liberté, l’égalité et la fraternité.

Leur discours est de nature à déclencher une radicalisation identitaire prédisposant soit à la lutte contre les droits constitutionnels, soit à l’action violente et terroriste.

C’est pourquoi le prêche, l’enseignement et la diffusion des idéologies politico-religieuses radicales constituent réellement une menace pour notre sécurité, ainsi qu’une atteinte aux intérêts fondamentaux de notre Nation.

Il est donc nécessaire et juste de déclarer ces activités hors-la-loi en pénalisant la prédication subversive. Nécessaire, car nous ne pouvons tolérer que des personnes assument publiquement des propos qui consistent à rejeter en bloc nos fondamentaux et nos valeurs. Juste, car c’est une réponse proportionnée et légale, la seule qui permette une meilleure protection des Français sans bafouer notre État de droit. Efficace et responsable.

Pénaliser la prédication subversive, c’est offrir une base légale solide à la condamnation des prédicateurs d’idéologies politico-religieuses radicales et de leurs complices, ainsi qu’à l’interdiction des livres et la fermeture des lieux de culte, des associations et des sites internet qui diffusent ces idéologies.

C’est aussi permettre à l’action judiciaire d’intervenir plus en amont du processus de radicalisation politico-religieuse qui peut mener à la commission des faits terroristes, sans pour autant attenter à la liberté des individus puisque cette intervention s’effectue dans le respect du principe de légalité des délits et des peines.

La pénalisation de la prédication subversive ne nuit pas à la liberté de conscience dans la mesure où elle n’y porte atteinte que de façon proportionnée, ces activités étant susceptibles de provoquer un danger et une menace à la sécurité publique si elles visent explicitement à nier la supériorité des lois républicaines sur les principes religieux.

L’article 1er ajoute l’incrimination de « prédication subversive » à la section 1 (« De l’attentat et du complot ») du chapitre II (« Des autres atteintes aux institutions de la République ou à l’intégrité du territoire national ») du titre 1er (« Des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation ») du livre IV (« Des crimes et délits contre la Nation, l’État et la paix publique ») du code pénal.

La nouvelle section 1 est ainsi renommée « Section 1 : de l’attentat, du complot et de la prédication subversive ».

L’article 2 crée un nouvel article 412-3 du code pénal qui définit la « prédication subversive » comme le « prêche, l’enseignement et la propagande, par des paroles ou des écrits publics et réitérés, d’une idéologie qui fait prévaloir l’interprétation d’un texte religieux sur les principes constitutionnels et fondamentaux de la République ».

Il prévoit une peine d’emprisonnement de cinq ans et une amende de 75 000 euros pour l’auteur d’une prédication subversive.

L’article 2 dispose que sont complices les personnes qui assistent volontairement et régulièrement au prêche ou à l’enseignement de cette idéologie, ou qui consultent volontairement et régulièrement des sites internet diffusant cette idéologie.

Il prévoit une peine d’emprisonnement de trois ans et une amende de 50 000 euros pour le complice d’une prédication subversive.

L’article 3 crée un nouveau chapitre VI dans le livre II du titre II du code de la sécurité intérieure intitulé « Fermeture de lieux de culte », ainsi qu’un nouvel article L. 226-1 qui dispose que « le ministre de l’intérieur, pour l’ensemble du territoire et le préfet, dans le département, peuvent ordonner la fermeture provisoire des lieux de culte où la prédication est subversive au sens de l’article 412-3 du code pénal. »

L’article 4 modifie l’article 706-23 du code de procédure pénale afin que les sites internet visés par l’article 412-3 du code pénal puissent être arrêtés par le juge des référés à la demande du ministère public ou de toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

À l’intitulé de la section 1 du chapitre II du titre 1er du livre IV du code pénal, les mots : « et du complot » sont remplacés par les mots : « , du complot et de la prédication subversive ».

Article 2

La même section du même chapitre du même titre du même livre est complétée par un article 412-2-1 ainsi rédigé :

« Art. 412-2-1. – Constitue une prédication subversive le prêche, l’enseignement ou la propagande, par des paroles ou des écrits publics et réitérés, d’une idéologie qui fait prévaloir l’interprétation d’un texte religieux sur les principes constitutionnels et fondamentaux de la République.

« L’auteur de la prédication subversive est celui qui prêche ou enseigne cette idéologie, ou qui diffuse par tous moyens de propagande le prêche ou l’enseignement de cette idéologie. Il est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

« Est passible de complicité toute personne qui assiste volontairement et régulièrement au prêche ou à l’enseignement de cette idéologie, ou qui consulte volontairement et régulièrement des services de communication au public en ligne diffusant cette idéologie.

« Le complice d’une prédication subversive est puni de trois ans d’emprisonnement et de 50 000 euros d’amende. »

Article 3

Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

I. – À l’article L. 212-1, après le 7° est inséré un 8° ainsi rédigé :

« 8° Ou qui sont responsables d’un lieu de culte où la prédication est subversive au sens de l’article 412-2-1 du code pénal. » ;

II. – Le titre II du livre II est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :


« Chapitre VI


« Fermeture de lieux de culte

« Art. L. 224-1. – Le ministre de l’intérieur, pour l’ensemble du territoire et le préfet, dans le département, peuvent ordonner la fermeture provisoire des lieux de culte où la prédication est subversive au sens de l’article 412-2-1 du code pénal. »

Article 4

L’article 706-23 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« L’arrêt d’un service de communication au public en ligne peut être prononcé par le juge des référés pour les faits prévus aux articles 412-3 et 421-2-5 du code pénal, à la demande du ministère public ou de toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir. »


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