N° 4029
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 septembre 2016.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Roger-Gérard SCHWARTZENBERG, Jean-Noël CARPENTIER, Gérard CHARASSE, Stéphane CLAIREAUX, Olivier FALORNI, Paul GIACOBBI, Joël GIRAUD, Gilda HOBERT, Jacques KRABAL, Jérôme LAMBERT, Jean-Pierre MAGGI, Dominique ORLIAC, Thierry ROBERT, Stéphane SAINT-ANDRÉ, Alain TOURRET,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le droit de grâce du chef de l’État, qui figure à l’article 17 de la Constitution, apparaît comme une prérogative régalienne, issue de la tradition monarchique d’Ancien Régime.
Pour que cette prérogative ne s’exerce pas de manière solitaire, la Constitution de la IVème République précisait à son article 35 : « Le Président de la République exerce le droit de grâce en Conseil supérieur de la magistrature. »
La Constitution actuelle ne reprend pas cette disposition. Au demeurant, celle-ci ne serait plus matériellement applicable aujourd’hui puisque, depuis la révision de 2008, le chef de l’État ne préside plus le Conseil supérieur de la magistrature.
Toutefois, dans sa rédaction initiale, l’article 65, alinéa 3, de la Constitution de 1958 précisait : « Le Conseil supérieur de la magistrature… est consulté sur les grâces dans les conditions fixées par une loi organique. »
Depuis les révisions de 1993 et 2008, aucun article constitutionnel n’évoque plus cette consultation. Ce qui est regrettable.
Il conviendrait d’inscrire de nouveau dans la Constitution ce rôle consultatif du Conseil supérieur de la magistrature pour les recours en grâce formés en matière pénale.
De la sorte, l’exercice du droit de grâce apparaîtrait moins individualisé. Ce qui est souhaitable pour des décisions pouvant affecter durablement le sort des condamnés formant un recours en grâce.
Le Comité Balladur soulignait lui aussi, en 2008, l’utilité pour le chef de l’État de consulter le Conseil supérieur de la magistrature dans l’exercice de son droit de grâce. Il proposait de rédiger ainsi l’article 17 : « Le Président de la République a le droit de faire grâce après que le Conseil supérieur de la magistrature a émis un avis sur la demande. »
En revanche, un point positif est à maintenir : l’article 19 de la Constitution ne classe pas le décret de grâce parmi les actes du chef de l’État dispensés de contreseing. Ce décret du Président de la République est donc contresigné par le Premier ministre, le ministre de la Justice et éventuellement un autre ministre dont le département est concerné par la condamnation.
Ce contreseing n’est pas purement théorique. Ainsi, en 1962, le Premier ministre, Georges Pompidou, soutenu par le ministre de la Justice, Jean Foyer, contresignataire lui aussi des décrets de grâce, a offert sa démission pour obtenir du chef de l’État la grâce du général Jouhaud, condamné à la peine capitale pour sa participation au putsch des généraux d’avril 1961.
Toutefois, la modification d’une autre disposition est souhaitable. Initialement, dans la Constitution de 1958, l’article 17 était ainsi rédigé : « Le Président de la République a le droit de faire grâce. » Mais, depuis la révision de 2008, cet article est ainsi conçu : « Le Président de la République a le droit de faire grâce à titre individuel. »
La volonté du chef de l’État alors en fonction était, en effet, de supprimer les grâces collectives, comme par exemple celles souvent accordées à l’occasion de la fête nationale du 14 juillet.
Ces grâces collectives pouvant être utiles tant pour les condamnés que pour le système pénitentiaire, il convient de rétablir officiellement la faculté d’y recourir, en revenant à la rédaction initiale de cet article 17.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
L’article 17 de la Constitution est ainsi modifié :
« Le Président de la République a le droit de faire grâce.
Le Président de la République consulte, pour avis, le Conseil supérieur de la magistrature sur les recours formés en matière pénale. »
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