N° 4092 - Proposition de loi de M. Bernard Gérard visant à renforcer la protection des personnes placées sous tutelle ou sous curatelle



N° 4092

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 octobre 2016.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer la protection des personnes placées
sous tutelle
ou sous curatelle,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Bernard GÉRARD, Vincent LEDOUX, Didier QUENTIN, Jacques MYARD, François VANNSON, Frédéric REISS, Thierry MARIANI, Julien DIVE, Philippe VITEL, Bernard PERRUT, Bérengère POLETTI, Marc-Philippe DAUBRESSE, Lionel TARDY, Jean-Pierre DECOOL, Bernard ACCOYER, Thierry LAZARO, Philippe GOSSELIN, Marie-Jo ZIMMERMANN, Virginie DUBY-MULLER, Lionnel LUCA, Paul SALEN, Alain GEST, Alain MARTY, Laurence ARRIBAGÉ, Damien ABAD, Lucien DEGAUCHY, Michel VOISIN, Pierre LELLOUCHE, Dominique DORD, Alain MOYNE-BRESSAND, Josette PONS, Philippe COCHET, Philippe Armand MARTIN, Arnaud VIALA, Michel HEINRICH, Annie GENEVARD, Michèle TABAROT, Jean-Luc REITZER, Alain CHRÉTIEN, Marine BRENIER, Jean-Michel COUVE, Jacques Alain BÉNISTI, Guy TEISSIER, Dominique NACHURY, Guy GEOFFROY, Jean-Claude MATHIS, Patrick HETZEL, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Valérie BOYER et Jean-Pierre BARBIER,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 27 avril 2016, une jeune femme de 33 ans est retrouvée décédée à son domicile de Tourcoing. L’autopsie constatera que cette personne est morte de faim et ce, depuis plusieurs mois. Pourtant, cette jeune femme, décédée dans des circonstances inhumaines, avait fait l’objet d’une mesure de curatelle renforcée en 2013, mesure qui n’a pas été renouvelée en 2015 faute de respecter les conditions de renouvellement prévu par le code civil. En effet, en l’absence de certificat médical établi par un médecin agréé, la protection n’avait pu être renouvelée par le juge des tutelles.

Le juge décidait, début décembre 2015, de prononcer une mainlevée de l’ordonnance de tutelle comme le lui impose la loi. Il semblerait que les acteurs chargés de la protection des majeurs protégés soient dégagés de toute responsabilité.

Le cas de cette malheureuse personne doit mener à une réelle réflexion pour analyser les articles du code civil qui concernent la protection civile des majeurs vulnérables.

La France a développé un système d’aide envers ses concitoyens les plus fragiles et il est important de rappeler que ces personnes doivent être au cœur de la justice sociale de la France afin qu’elles puissent vivre le moins péniblement leurs difficultés.

Notre droit français est très attentif à ne pas transformer une protection légale en une contrainte mal vécue par la personne vulnérable. Le législateur a établi des degrés de protection pour adapter le suivi de cette dernière à son degré d’handicap. Le libre arbitre de toute personne physique est préservé tant que la preuve n’est pas apportée de son incapacité.

Le législateur, par la loi de 2007, a conforté cette position en prévoyant aussi que toute mesure de protection doit être limitée dans le temps. L’article 441 du code civil fixe au maximum à cinq ans le temps de la protection légale. Le renouvellement de la mesure ne peut plus se faire automatiquement (sauf cas exceptionnel) afin d’éviter des situations de personnes abusivement maintenues en situation d’incapacité civile. Le juge des tutelles s’appuie essentiellement sur le certificat médical d’un médecin référent pour ouvrir ou prolonger une mesure de tutelle.

L’article 442 du code civil précise que « le juge peut, à tout moment, mettre fin à la mesure, la modifier ou lui substituer une autre mesure prévue au présent titre, après avoir recueilli l’avis de la personne chargée de la mesure de protection. Il statue d’office ou à la requête d’une des personnes mentionnées à l’article 430, au vu d’un certificat médical et dans les conditions prévues à l’article 432. » Toutefois le refus de la personne sous tutelle de voir un médecin peut entraîner l’absence de certificat médical. Ainsi, le caractère obligatoire de l’expertise médicale n’existe pas. Il paraît impératif qu’elle le devienne.

Afin d’éviter toute situation où le juge ne disposerait d’aucun certificat médical lui ayant été communiqué, l’article premier de cette présente proposition de loi prévoit que le juge puisse solliciter ledit certificat dans les conditions de l’article 431du code civil. Le juge peut alors exiger du médecin un certificat médical circonstancié de carence dans lequel celui-ci développe les moyens mis en œuvre pour rencontrer l’intéressé et les échecs subis.

Par ailleurs, la loi ne détermine pas les obligations élémentaires d’un gérant de tutelle. Une rigueur légale devrait exiger des rapports réguliers des organismes. Une veille des services départementaux devrait être organisée. Cela garantirait notamment la bonne information des différents services et acteurs tutélaires en cas de situation dégradée ou difficile. L’article 2 de la présente proposition pose des exigences en termes de contact et de rencontres de la personne protégée, d’appréciation de l’évolution de sa situation personnelle et de repérage des indices de fragilisation.

Une autre amélioration à apporter au régime des tutelles et curatelles concerne la coordination des informations relatives au suivi des personnes vulnérables. Force est de constater que les informations concernant la protection civile d’une personne incapable civilement ne sont pas coordonnées entre elles. Aucune mise en relation des services de police et de justice n’est prévue par la loi. Seule une convention informelle peut être envisagée entre ces institutions. Par exemple, si une personne placée sous tutelle dépose une main courante, ou même fait l’objet d’une main courante, le commissariat ne transmet pas automatiquement l’information aux services tutélaires et au juge des tutelles. Cela permettrait pourtant de déceler une dégradation de la situation.

Il est donc proposé à l’article 3 de la présente proposition de loi que toutes les mains courantes relevant d’une personne placée sous tutelle ou curatelle, victime ou auteur de faits connus des services de police, soient transmises au service des tutelles du tribunal concerné. À titre indicatif, il y en avait eu 12 en 2016 et 17 en 2015 à Lille. Ces informations auront pour incidence d’alerter les services de tutelle des situations problématiques.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Au début du premier alinéa de l’article 442 du code civil, est insérée une phrase ainsi rédigée :

« Avant l’expiration de la durée fixée pour la mesure de protection, le juge sollicite la communication d’un certificat médical circonstancié rédigé dans les conditions prévues à l’article 431 ainsi que le rapport prévu au deuxième alinéa de l’article 453-1. »

Article 2

Après l’article 453 du même code, il est inséré un article 453-1 ainsi rédigé :

« Art. 453-1. – Le tuteur ou le curateur rencontre la personne protégée selon une régularité permettant d’apprécier l’évolution de sa situation personnelle et de repérer, le cas échéant, les indices d’une fragilisation de celle-ci.

« Avant que la mesure de protection ne prenne fin, le tuteur ou le curateur adresse au juge des tutelles territorialement compétent un rapport relatif à la situation de la personne protégée. »

Article 3

Après l’article 463 du même code, il est inséré un article 463-1 ainsi rédigé :

« Art. 463-1. – Toute déclaration émanant d’une personne placée sous tutelle ou sous curatelle et enregistrée auprès d’un service de police ou de gendarmerie est transmise au juge des tutelles territorialement compétent. »


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