N° 4347
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 décembre 2016.
PROPOSITION DE LOI
visant à agir concrètement en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mesdames et Messieurs
Marie-George BUFFET, François ASENSI, Bruno Nestor AZEROT, Huguette BELLO, Alain BOCQUET, Jean-Jacques CANDELIER, Patrice CARVALHO, Gaby CHARROUX, André CHASSAIGNE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE, Alfred MARIE-JEANNE, Jean-Philippe NILOR, Nicolas SANSU et Gabriel SERVILLE,
député-e-s.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les inégalités entre les femmes et les hommes dans le monde du travail demeurent criantes dans notre pays. Tous contrats confondus, une femme gagne en moyenne 27 % de moins qu’un homme. Pour les seuls emplois à temps plein, cet écart est encore de 19 %. Plus largement, si les femmes représentent aujourd’hui environ 48 % de la population active, elles sont toujours aussi nombreuses à occuper des emplois précaires. Ainsi, 82 % des salariés à temps partiel et deux tiers des travailleurs pauvres sont des femmes.
Plusieurs éléments expliquent la persistance de ces inégalités professionnelles.
Alors qu’elles sont désormais plus diplômées que les hommes, les femmes éprouvent toujours des difficultés à accéder à l’emploi qualifié. À la sortie du système éducatif, les hommes et les femmes sont souvent titulaires de diplômes et de spécialités différentes. Même lorsque ce n’est pas le cas, les femmes s’insèrent dans des métiers distincts, souvent moins rémunérés et moins valorisés. Ainsi, plus de la moitié de l’emploi féminin se concentre sur une dizaine de métiers. Cette situation est avant tout liée à l’inertie des schémas de domination patriarcale qui continuent à freiner les femmes dans le déroulement de leur carrière professionnelle.
Les écarts salariaux s’expliquent également par le recours croissant des entreprises au temps partiel. Ces contrats, qui concernent 4,6 millions de personnes, dont 3,7 millions de femmes, représentent aujourd’hui 19 % des emplois, contre 10 % il y a trente ans. Certaines entreprises en ont fait un mode ordinaire de gestion des ressources humaines. Or ces emplois ne sont par définition pas rémunérés à taux plein, ce qui a pour conséquence de réduire le salaire et les primes disponibles en fin de mois. Aussi, un grand nombre de femmes, parfois seules avec des enfants, vivent dans une grande précarité, alors que le temps partiel s’accompagne en général d’une intensification de la charge de travail ou encore d’une amplitude des horaires de travail largement supérieure à la durée légale d’une journée de travail.
Mais cela n’explique pas tout : à contrat, diplômes, expérience et responsabilités égales, une femme gagne en moyenne 10 % de moins qu’un homme. Cette différence est directement liée au sexe des salariées : c’est parce qu’elles sont femmes qu’elles sont moins payées que les hommes. À cela s’ajoute le fait que, du machisme ordinaire au harcèlement sexuel, en passant par la récurrence des comportements sexistes, les femmes salariées sont confrontées à diverses violences physiques et symboliques. Souvent mal informées, elles éprouvent des difficultés à faire valoir leurs droits.
En dépit de quarante ans de lois sur l’égalité professionnelle, celle-ci n’est pas encore réalisée. Ces dernières années, pas moins de huit lois spécifiques ont été votées. Pour autant, notre législation reste peu contraignante pour les employeurs. Si l’ouverture de négociations sur l’égalité professionnelle est obligatoire dans les entreprises sous peine de sanction, il n’y a pas d’obligation de conclure un accord, ni d’obligation de résultat. Au final, 60% des entreprises n’ont ni d’accord, ni plan d’action en matière d’égalité professionnelle. Et sur les 40 % qui en ont mis en place, pour la moitié d’entre elles, il s’agit de plans unilatéraux qui n’ont pas été négociés avec les syndicats.
Malgré la récente loi du 4 août 2014 sur l’égalité réelle, la France demeure au 134e rang mondial sur 144 pays en matière d’égalité salariale selon le dernier rapport du Forum économique mondial. Le temps est donc venu de passer des bonnes intentions aux obligations de résultat.
Pour ce faire, la présente proposition de loi entend agir sur différents leviers pour rendre pleinement effective l’égalité entre les hommes et les femmes dans le monde du travail et lutter contre la précarité professionnelle des femmes.
En premier lieu, ce texte propose de renforcer les sanctions à l’encontre des entreprises négligentes en matière de négociation sur l’égalité professionnelle.
L’article 1er supprime la réduction générale de cotisations patronales lorsque l’employeur ne s’engage pas à supprimer les écarts de rémunération. Si la législation actuelle oblige l’employeur à ouvrir des négociations sur les salaires et l’égalité professionnelle, elle n’impose pas de les conclure. L’entreprise qui n’est pas couverte par un accord ou un plan d’action sera sanctionnée financièrement, mais les critères et le montant de la sanction ne reste que peu dissuasifs. Cet article vise à imposer aux entreprises une obligation de résultat en matière de négociation. Bénéfique pour les comptes sociaux, cette mesure renforcerait l’action des syndicats pour réduire les écarts salariaux.
L’article 2 propose de sanctionner sur la base de la pénalité existante (1 % de la masse salariale) les entreprises de plus de cinquante salariés qui ont l’obligation de négocier un accord ou de produire un plan d’action, mais qui ne produisent pas les informations sur la situation comparée des femmes et des hommes au sein de l’entreprise. Ces informations, qui ont remplacé le rapport de situation comparé, sont pourtant essentielles pour permettre d’identifier et de résorber les écarts salariaux entre les femmes et les hommes au sein des entreprises.
En outre, la lutte contre les inégalités salariales implique d’encadrer plus fortement le temps partiel imposé qui concerne majoritairement les femmes. À ce titre, la présente proposition de loi prévoit de renchérir le coût du temps partiel.
Alors que le temps partiel subi va souvent de pair avec de faibles rémunérations, l’article 3 propose de sanctionner les employeurs qui recourent de manière abusive au temps partiel en réduisant les allégements généraux de charges sociales sur les bas salaires auxquelles ils peuvent prétendre.
L’article 4 rend pleinement effective la durée hebdomadaire minimale de 24 heures pour les contrats à temps partiel, instaurée par la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013. Du fait de nombreuses dérogations, le principe d’une durée minimale a été vidé de son utilité et ne permet pas de protéger les travailleurs à temps excessivement partiel. Des accords de branche prévoient ainsi des durées minimales dérogatoires dérisoires dans plusieurs secteurs d’activité. Sans empêcher les dérogations à cette durée, cet article prévoit de les encadrer en majorant le paiement des heures à temps partiel effectuées en deçà de 24 heures par semaine.
L’article 5 prévoit que la majoration des heures complémentaires soit de 25 % dès la première heure. Il s’agit par cette mesure de redonner du pouvoir d’achat aux salariés tout en incitant les employeurs à embaucher à temps plein ou sur des temps partiels plus longs.
L’article 6 encadre la pratique des compléments d’heures permise par la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013. Ce dispositif permet d’augmenter temporairement par avenant la durée du travail prévue au contrat, sous la forme de « compléments d’heures » dès lors qu’ils sont prévus par un accord de branche étendu. Pour limiter ces pratiques dérogatoires de la part des employeurs, il convient que les heures effectuées dans le cadre d’un complément d’heures fassent l’objet d’une majoration salariale qui ne peut être inférieure à 15 %.
Parallèlement, les femmes sont aujourd’hui pénalisées dans le déroulement de leur carrière professionnelle, car elles assument en grande partie l’exercice de la parentalité. À l’inverse, les hommes usent très peu de leur congé paternité en dépit de l’aspiration montante à consacrer du temps à ses enfants. Il importe donc d’améliorer les droits liés à l’exercice de la parentalité et son partage.
L’article 7 étend le congé maternité à 18 semaines, comme le recommandent et l’Organisation internationale du travail (OIT) et la Confédération européenne des syndicats (CES).
De la même manière, l’article 8 allonge le congé paternité, qui est de 11 jours actuellement à 4 semaines, et à 6 semaines en cas de naissances multiples.
Enfin, le combat pour l’égalité professionnelle suppose de lutter contre les discriminations à l’embauche. Dans cet objectif, l’article 9 instaure un registre d’embauche et impose à l’employeur de remettre à chaque candidat une notification des droits.
PROPOSITION DE LOI
RENDRE EFFECTIVE L’ÉGALITE PROFESSIONNELLE
ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES
Le VII de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est ainsi rétabli :
« VII. – Lorsque l’employeur, durant l’année civile, n’a pas conclu d’accord salarial dans le cadre des obligations définies aux articles L. 2242-5 et L. 2242-8 du code du travail dans les conditions prévues aux articles L. 2242-1 à L. 2242-4 du même code, la réduction est supprimée. »
La première phrase de l’article L. 2242-9 du code du travail est complétée par les mots :
« ou lorsqu’elles ne produisent pas les informations et indicateurs sur la situation comparée des femmes et des hommes au sein de l’entreprise, mentionnés au 1° bis de l’article L. 2323-8. »
ENCADRER LE TEMPS PARTIEL IMPOSÉ
Après le VII de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, est inséré un VII bis ainsi rédigé :
« VII bis. – Lorsque dans les entreprises d’au moins vingt salariés, l’effectif compte en moyenne sur l’année civile plus de 15 % de salariés à temps partiel par catégorie d’emploi, le montant de la réduction est diminué de 20 % au titre des rémunérations versées cette même année. »
L’article L. 3123-7 du code du travail est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque dans le respect des dispositions précédentes, la durée convenue est inférieure à vingt-quatre heures par semaine, les heures de travail sont rémunérées à un taux majoré de 10 %.
« Lorsque cette durée est inférieure à quinze heures par semaine, les heures de travail sont rémunérées à un taux majoré de 15 %.
« Lorsque cette durée est inférieure à huit heures par semaine, les heures de travail sont rémunérées à un taux majoré de 25 %.
« Lorsque la période de travail est inférieure à deux heures dans une même journée, ces heures sont rémunérées à un taux majoré de 25 % supplémentaires. »
Le code du travail est ainsi modifié :
1° La seconde phrase de l’article L. 3123-21, le taux « 10% » est remplacé par le taux « 25% ».
2° Après le mot « est », la fin de l’article L. 3123-29 est ainsi rédigée :
« d’au moins 25 % pour chacune des heures accomplies. »
Le 2° de l’article L. 3123-22 du code du travail est ainsi rédigé :
« 2° Détermine la majoration salariale des heures effectuées dans le cadre de cet avenant qui ne peut être inférieure à 15% ; »
PARTAGER LA PARENTALITE
Le premier alinéa de l’article L. 1225-17 du code du travail est ainsi rédigé :
« La salariée a le droit de bénéficier d’un congé de maternité de dix-huit semaines qui commence sept semaines avant la date présumée de l’accouchement. »
Au premier alinéa de l’article L. 1225-35 du code du travail, les mots : « onze jours consécutifs » sont remplacés par les mots : « quatre semaines consécutives », et les mots : « dix-huit jours consécutifs » sont remplacés par les mots : « six semaines consécutives ».
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS À L’EMBAUCHE
Le code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 1221-13 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour chaque poste ouvert au recrutement, les candidatures reçues sont inscrites dans une partie spécifique du registre unique du personnel avec les mentions suivantes : nom, prénom, sexe, lieu de résidence, date et lieu de naissance des candidats à l’embauche. Les curriculum vitae sont conservés pendant cinq ans. » ;
2° L’article L. 1221-6 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’employeur remet à chaque candidat lors de l’entretien d’embauche une notification de ses droits reprenant les dispositions prévues à l’article L. 1132-1 ainsi que la liste de personnes à saisir en cas de non-respect de ses droits. Un décret détermine la forme et le contenu de la notification des droits. »
Les charges qui pourraient résulter pour les organismes de la sécurité sociale de l’application de la présente proposition de loi sont compensées à due concurrence par la majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
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