N° 350 - Rapport d'information de M. Xavier Breton et Mme Martine Pinville déposé en application de l'article 146-3 du règlement, par le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur la mise en oeuvre des conclusions du rapport d'information (n° 3968) du 17 novembre 2011 sur la médecine scolaire



N° 350

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 novembre 2012

RAPPORT D'INFORMATION

déposé

en application de l'article 146-3, alinéa 8, du Règlement

par le comité d’évaluation et de contrôle
des politiques publiques

sur la mise en œuvre des conclusions du rapport d’information (n° 3968)
du 17 novembre 2011 sur la
médecine scolaire

et présenté

par M. Xavier BRETON et Mme Martine PINVILLE,

Députés.

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INTRODUCTION 5

I.– LA POLITIQUE DE SANTÉ À L’ÉCOLE : UNE DÉFINITION DES OBJECTIFS ENCORE INABOUTIE 7

A.– UNE PHASE NÉCESSAIRE DE CLARIFICATION DE LA PLACE DE LA SANTÉ À L’ÉCOLE 7

B.– POUR UNE MEILLEURE DÉFINITION DES AXES DE LA POLITIQUE DE SANTÉ À L’ÉCOLE 9

1. La protection de la santé à l’école 9

2. La santé comme déterminant de la réussite scolaire 10

3. La santé comme enjeu éducatif 11

II.– COMMENT METTRE EN œUVRE UNE POLITIQUE DE SANTÉ OPÉRATIONNELLE À L’ÉCOLE ? 15

A.– POUR UNE MEILLEURE ADÉQUATION AVEC LES BESOINS DE SANTÉ DES ENFANTS ET DES ADOLESCENTS 15

1. S’inscrire dans une politique de santé de l’enfant et de l’adolescent rénovée 15

2. Repenser les niveaux d’intervention à l’échelle territoriale 17

3. Mettre en cohérence tous les éléments de la politique de santé à l’école au sein d’un « parcours santé à l’école » attaché à l’élève 19

B.– L’AVENIR DU DISPOSITIF DE SANTÉ À L’ÉCOLE 21

1. Un cadre statutaire en voie de rénovation 22

a) Des mesures d’urgence visant à enrayer la perte de personnels qualifiés 22

b) L’adaptation aux futurs cadres d’emploi 24

2. Le choix d’un modèle organisationnel pour le service médical à l’école 25

EXAMEN PAR LE COMITÉ 27

ANNEXE : CIRCULAIRE N° 2002-024 DU 31 JANVIER 2002 RELATIVE À LA MISE EN œUVRE D’UN PLAN D’ACTION POUR LES ENFANTS ATTEINTS D’UN TROUBLE SPÉCIFIQUE DU LANGAGE ORAL OU ÉCRIT 39

INTRODUCTION

En 2011, les rapporteurs avaient pris connaissance du constat formulé par la Cour des comptes à l’issue d’une évaluation approfondie du dispositif de médecine scolaire. Ce constat constituait en lui-même un signal d’alarme :

– une situation démographique des professionnels concernés très préoccupante, laissant entrevoir en particulier un déclin rapide de la profession de médecin scolaire dans les cinq prochaines années ;

– une accumulation des missions, édictées sans les mettre en regard avec les capacités de mise en œuvre effective des personnels concernés ;

– une organisation peu structurée, subissant l’héritage du passé.

Face à ce constat, la priorité était de présenter un ensemble cohérent de propositions constituant des orientations pour formuler une réponse à la mesure de la crise.

Dans les mois qui ont suivi la présentation du rapport devant le CEC, plusieurs documents institutionnels ont été rendus publics, montrant que les propositions des rapporteurs ont été prises en compte par les acteurs institutionnels :

– le Haut conseil de la santé publique (HCSP) a approuvé le 7 décembre 2011 un avis tendant à faire le point des connaissances et à proposer des recommandations pour la mise en place d’une véritable politique de santé à l’école. Cet avis sera suivi de quatre avis spécifiques portant chacun sur l’un des thèmes suivants : médecine scolaire ; établissements scolaires ; territoire et santé publique ; formation des acteurs de la prévention et d’éducation à la santé à l’école ;

– le ministère de l’Éducation nationale, par le biais de la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO), a publié une nouvelle circulaire sur la promotion de la santé à l’école, et en particulier l’éducation à la santé, qui constitue une véritable mise à niveau de la circulaire de 2003 antérieure relative au plan quinquennal de prévention et d’éducation pour la santé des élèves.

Le présent rapport de suivi prend sa place dans un contexte caractérisé par la perspective d’évolutions législatives importantes dans le domaine de l’éducation et de la santé :

– une large concertation, intitulée « Refondons l’école de la République », a été lancée en juillet dernier en préalable à la présentation devant le Parlement d’un projet de loi sur l’éducation au début de l’année 2013 ;

– en 2013 devrait également présenté un projet de loi de santé publique dont un volet pourrait être la politique de santé à destination des enfants et des adolescents, annoncée comme un chantier présidentiel.

Dans des entretiens qu’ils ont menés dans le cadre du présent rapport de suivi, les rapporteurs ont pu constater que la crise traversée par la santé scolaire est désormais mieux comprise et reconnue, et notamment l’effet de ciseaux, résultant de l’élargissement non maîtrisé des missions imputées aux personnels de santé à l’école et de l’amoindrissement concomitant des ressources humaines dont dispose l’Éducation nationale dans ce domaine.

En ce qui concerne les mesures d’urgences nécessaires à la pérennité du dispositif existant, les rapporteurs notent avec satisfaction que le diagnostic formulé par la Cour des comptes a conduit le ministère de l’Éducation nationale à engager des discussions sur la révision des statuts des professionnels de santé de ce ministère, qui dataient de 1991 et 1994. Ces discussions ont abouti à la publication des décrets nos 2012-761 et 2012-762 du 9 mai 2012 relatifs au personnel infirmier, ainsi que des décrets nos 2012-899 et 2012-900 relatifs aux médecins, offrant à ces personnels des statuts rénovés. Les rapporteurs considèrent cette mesure de revalorisation comme un premier pas vers la construction d’un corps interministériel de médecins de prévention et de santé publique dans la fonction publique d’État, qu’ils appellent de leurs vœux dans le cadre d’une politique de prévention sanitaire rénovée.

Du point de vue des missions toutefois, aucune nouvelle solution n’est avancée par le ministère de l’Éducation nationale qui, confronté à une demande récurrente de hiérarchisation des priorités d’intervention de la part des syndicats de personnels de santé scolaire, n’aborde pas ce sujet dans sa dernière circulaire générale (1). Ce sujet ne figure pas non plus dans les documents de synthèse de la concertation sur la refondation de l’école dont les conclusions ont été rendues publiques le 9 octobre dernier.

Les missions de l’école et de ses personnels relatives à la santé conservent la forme d’un catalogue de prescriptions d’origines et de formes diverses, dans lequel chacun devrait piocher les objectifs lui paraissant les plus facilement atteignables.

Les rapporteurs en sont convaincus : une réflexion d’ensemble sur la santé à l’école doit s’appuyer sur une clarification au plus haut niveau des missions de l’école relatives à la santé. L’école du XXIe siècle doit être porteuse d’une politique de santé qui lui est propre, non réductible aux missions revenant aux personnels de santé du ministère de l’Éducation nationale.

I.– LA POLITIQUE DE SANTÉ À L’ÉCOLE : UNE DÉFINITION
DES OBJECTIFS ENCORE INABOUTIE

A.– UNE PHASE NÉCESSAIRE DE CLARIFICATION DE LA PLACE DE LA SANTÉ À L’ÉCOLE

Sur le plan des principes, la politique de santé à l’école est associée à un objectif général de promotion de la santé qui a bénéficié des travaux de recherche menés par la communauté internationale sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé depuis l’adoption de la charte d’Ottawa en 1984.

Toutefois, force est de constater que, ainsi que l’avaient établi les rapporteurs (2), la promotion de la santé correspond en France à une vision très éthérée de la santé à l’école qui n’a pas véritablement remplacé la conception originelle de la santé scolaire, centrée sur le service médical, mais s’y est davantage superposée.

Dans les conclusions de leur rapport initial, les rapporteurs ont souligné combien les incertitudes portant sur le périmètre de la mission de promotion de la santé confiée à l’éducation nationale ont porté tort à une prise en compte adéquate des questions de santé à l’école, l’absence d’une définition claire et reconnue donnant place à des interprétations plurielles du contenu de cette mission.

La plus récente tentative de synthèse, apparue à la suite du rapport du CEC, tient dans une « politique éducative de santé », notion inspirant la circulaire éponyme du ministère de l’Éducation nationale du 2 décembre 2011 ainsi que la lettre de mission de l’animateur en charge de l’atelier la santé à l’école de la concertation sur la refondation de l’école. Cette nouvelle notion repose sur l’idée que les questions de santé à l’école se réduisent à deux « piliers » : d’une part, la réalisation de bilans médicaux et, d’autre part, les préoccupations d’éducation à la santé, qui s’inscrivent dans une logique de projets, conduits au sein des comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) autour de sept thématiques prioritaires.

Les risques d’une telle approche, réduisant les questions de santé à un « cœur de métier », restent élevés, alors que dans le même temps le caractère global des questions de santé à l’école a été très présent par exemple dans les réflexions présentées par les participants de la consultation sur la refondation de l’école. Ceux-ci ont ainsi regretté la logique de la segmentation des ateliers du groupe de travail Les élèves au cœur de la refondation qui distingue le thème de la santé à l’école d’autres problématiques, relatives aux rythmes éducatifs, au handicap, à la citoyenneté et au climat scolaire. Dans tous ces ateliers, la question de la santé se trouve pourtant évoquée de manière transversale, soit comme enjeu (pour les rythmes scolaires, le climat scolaire, ou la citoyenneté), soit comme déterminant (pour le handicap ou la réussite scolaire) (3).

À l’instar des représentants du Haut conseil à la santé publique (HCSP) qu’ils ont auditionnés le 10 octobre dernier, les rapporteurs considèrent que l’approche de la santé à l’école organisée autour de l’idée d’un cœur de métier ne prend pas en compte l’ensemble des interrogations relatives à la santé, qu’il s’agisse par exemple de la question des rythmes scolaires ou celle des relations individuelles au sein des établissements. De plus, elle comporterait à terme des risques clairement identifiés, pointés par les représentants du HCSP, de « médicalisation excessive » de certaines questions de santé posées à l’école, pouvant conduire à une saturation de certains réseaux spécialisés de prise en charge sanitaire (4).

De telles évolutions ne font que souligner, aux yeux des rapporteurs, la nécessité d’inscrire dans la loi la place de la santé à l’école, afin de faire de la promotion de la santé une composante du droit à l’éducation et de définir clairement le contenu de cette mission de l’école, à l’exemple de la proposition ci-dessous.

La politique de la santé à l’école

Proposition de définition

La promotion de la santé est une composante du droit à l'éducation et constitue un service gratuit et obligatoire dont les élèves bénéficient dans tous les établissements. Elle participe des politiques de santé publique et a pour finalité de favoriser la réussite scolaire des élèves tout au long de leur parcours scolaire, en les soutenant dans la construction de leur projet de vie personnelle, scolaire, professionnelle et leur insertion socioprofessionnelle. Elle contribue à réduire les inégalités de santé par le développement des démarches de prévention.

Le champ de la mission de promotion de la santé à l’école comprend :

– la mise en place d'un environnement scolaire favorable à la santé ;

– la mise en œuvre d’actions destinées à développer les compétences des élèves à l'égard de leur santé et de celle des autres ;

– la participation à la politique de prévention sanitaire mise en œuvre en faveur des enfants et des adolescents, aux niveaux national et régional ;

– la réalisation des examens médicaux et des bilans de santé nécessaires pour améliorer les conditions de scolarisation des élèves.

B.– POUR UNE MEILLEURE DÉFINITION DES AXES DE LA POLITIQUE DE SANTÉ À L’ÉCOLE

L’effort de clarification des objectifs de la politique de santé à l’école doit s’accompagner d’une identification de ses composantes, comme le souligne le Haut conseil de la santé publique dans son avis sur la politique de santé à l’école, rendu public en juillet 2012. Se référant aux travaux théoriques internationaux sur le sujet, le HCSP indique qu’une politique de santé à l’école doit se développer selon trois axes : une action en termes de protection, une action en termes de prévention et une action en termes d’éducation.

Les rapporteurs ont déjà eu l’occasion de signaler le constat émis par un grand nombre d’observateurs qualifiés (inspecteurs généraux de l’Éducation nationale ou spécialistes en santé publique) du nombre élevé et de l’hétérogénéité des textes officiels relatifs aux questions de santé à l’école. Ce phénomène, qui est autant une accumulation – les textes nouveaux ne se substituant pas toujours aux précédents – qu’un foisonnement – les sujets ponctuels étant traités par de nouveaux textes –, reflète une réelle variété d’approche des questions de santé (5), autant que la pluralité des rôles joués par l’école en matière de santé. Si l’on peut se réjouir de voir se construire une cohérence d’ensemble sur le sujet, il est temps aujourd’hui de la faire partager par tous. Les rapporteurs sont convaincus qu’il convient d’assurer une meilleure lisibilité des principales missions dévolues à l’école et d’expliciter en termes simples ces missions, afin que celles-ci soient mieux comprises par les personnels et les parents d’élèves.

1. La protection de la santé à l’école

En tant qu’institution publique, l’école est le relais et un acteur à part entière des politiques de santé menées par l’État en direction des enfants dont elle a la charge en tant qu’élèves. Les rapporteurs ont rappelé dans leur rapport initial que, dès son origine, l’école républicaine s’est située comme un acteur de santé publique (6).

Il faut toutefois noter que la conception française du rôle sanitaire de l’école a été marquée par la prééminence d’une approche populationnelle qui voit dans l’école un point de passage obligé pour l’ensemble d’une génération pouvant faire l’objet de campagnes de dépistage. La conception populationnelle du suivi sanitaire des élèves demeure prégnante dans le code de l’éducation, qui fixe les modalités de ce suivi sous la forme d’examens médicaux programmés sans référence aux objectifs de la politique sanitaire.

Cet héritage est toutefois remis en cause par l’approfondissement du champ de la prévention sanitaire à l’école, en particulier dans le domaine de la santé psychique où les atteintes précoces ont de lourdes conséquences.

Le volet protection de la politique de santé à l’école doit pouvoir mieux s’adapter aux politiques de santé définies par les pouvoirs publics, ce qui ne sera possible que si le cadre législatif est davantage centré sur la définition de ces objectifs que sur les modalités pratiques de la politique de santé.

2. La santé comme déterminant de la réussite scolaire

Parce qu’une bonne santé est un facteur de succès scolaire, l’école, qui a fait de la réussite du projet de formation de ses élèves le cœur de sa mission, ne peut négliger ce déterminant.

Elle doit en particulier s’efforcer de dépister précocement les difficultés des élèves susceptibles d’entraver leur scolarité (repérage des troubles du langage et de l’apprentissage), mais elle doit aussi faciliter l’insertion dans l’école des enfants souffrant d’une maladie ou d’un handicap.

Cette mission est qualifiée de « prévention » par le Haut conseil de la santé publique dans son avis, non pas au sens d’une prévention sanitaire, mais dans l’idée de prévenir des problèmes susceptibles d’entraver la réussite scolaire. Pour citer les propres termes de l’avis du HCSP, « l’axe prévention correspond à un travail spécifique sur les problématiques de santé susceptibles d’affecter la réussite scolaire ».

Une perspective identique irrigue la notion de réussite éducative qui fait partie des priorités du Gouvernement, ainsi qu’en témoigne la nomination, le 16 mai 2012, d’une ministre déléguée auprès du ministre de l’Éducation nationale en charge de cette question. La réussite éducative est plus que la réussite scolaire. Elle met l’accent sur la nécessité d’agir sur toutes les dimensions et sur tous les déterminants de la réussite, et motive une prise en charge globalisée de l’élève.

L’institution éducative doit par exemple mieux prendre en compte le phénomène de fatigue des élèves, fatigue qui est à la fois la conséquence des rythmes scolaires inadaptés (7) et le résultat d’un manque de sommeil sur lequel l’éducation à la santé doit attirer l’attention.

Aux yeux des rapporteurs, le positionnement transversal de la santé à l’égard des enjeux majeurs que connaît l’institution éducative (réussite scolaire, rythmes scolaires, qualité des relations individuelles) justifie la prise en compte de ce volet dans une politique de santé à l’école rénovée et la reconnaissance à part entière de cette mission.

3. La santé comme enjeu éducatif

Le troisième volet de la mission de l’école en faveur de la santé est plus proprement éducatif. La spécificité de l’éducation à la santé, qui n’est pas un ensemble de mesures particulières mais un objet d’enseignement, est reconnue par le code de l’éducation. Dans certains pays où la tradition de santé publique est forte, l’éducation à la santé est une discipline scolaire (8).

La place singulière que l’éducation à la santé doit aujourd’hui avoir dans l’enseignement scolaire trouve sa justification dans les données de santé publique qui soulignent l’importance des comportements individuels comme facteur de décès prématurés et évitables.

• Une définition actualisée de l’éducation à la santé

L’expérience acquise dans le domaine de la santé publique montre que réduire l’éducation à la santé à la délivrance d’une information sanitaire, comme le fait actuellement le code de l’éducation dans les articles L. 312-16 à L. 312-18 consacrés à ce sujet, n’est pas une réponse adaptée aux enjeux actuels. S’il est par exemple important de savoir qu’il est préjudiciable de fumer du tabac, il est clair qu’à elle seule cette information sanitaire ne permet pas de saisir les ressorts de la consommation de tabac, en particulier chez les adolescents.

Le regard de la santé publique sur l’éducation à la santé (9) montre que les objectifs de cette mission de l’éducation nationale devraient être actualisés pour replacer les obligations d’information posées par la loi dans une perspective élargie, s’appuyant sur ses liens avec l’éducation à la citoyenneté.

• Un lien affirmé avec la citoyenneté

Ainsi que l’ont souligné les responsables du Haut conseil de la santé publique lorsqu’ils ont été auditionnés par les rapporteurs, l’idée selon laquelle l’éducation à la santé est une dimension de l’éducation à la citoyenneté et vise, à ce titre, à accompagner les élèves vers la liberté et la responsabilité en matière de santé est peu fréquemment évoquée.

Parce qu’elle vise à aider chaque jeune à s’approprier des comportements responsables en matière de santé, pour lui-même autant que vis-à-vis d’autrui, mais aussi parce qu’elle invite plus largement les individus à réfléchir à l’incidence des choix collectifs sur la santé, l’éducation à la santé prépare les jeunes à exercer leur citoyenneté.

Mis en œuvre au sein des Comités d’éducation à la citoyenneté et à la santé (CESC) institués dans tous les établissements du second degré, les projets d’éducation à la santé et à la citoyenneté contribuent à l’exercice d’une responsabilité à l’égard de soi autant que des autres, que l’article L. 122-1-1 du code de l’éducation relatif à la définition du socle commun place comme l’aboutissement de notre culture humaniste et scientifique.

Les rapporteurs considèrent ainsi que la politique de santé à l’école doit promouvoir une vision de l’éducation à la santé qui soit le volet sanitaire d’une éducation à la citoyenneté s’inspirant d’une philosophie commune, et qui soit développée non à partir d’une liste de problèmes de santé à éviter mais en vue d’une capacité à faire des choix responsables.

• Une meilleure intégration dans les enseignements

L’éducation à la santé est mise en œuvre dans les établissements scolaires dans le cadre d’une démarche de projet que la circulaire du 2 décembre 2011 relative à la politique éducative de santé qualifie de « systématique ».

Comme l’avaient souligné les rapporteurs, ce dispositif présente à la fois des points forts et des points faibles. Son intérêt est de ne pas transférer la responsabilité de ce volet éducatif à une seule catégorie de personnel et de permettre à chacun d’y contribuer à sa mesure. Le risque est un émiettement des actions, dès lors que, faute de moyens ou d’une volonté affirmée, la structure chargée de les piloter n’ancre plus les priorités affichées dans la dynamique de l’établissement.

S’ils se réjouissent que la circulaire ministérielle du 2 décembre 2011 vienne définir un nouveau cadre hiérarchisé des priorités nationales en matière d’éducation à la santé (10) ainsi qu’un dispositif d’indicateurs de suivi, les rapporteurs souhaitent que le caractère transversal du dispositif d’éducation à la santé en France ne soit pas être un obstacle à une meilleure intégration de ce volet éducatif dans les enseignements, notamment  par :

– la définition d’un « curriculum » – selon le terme choisi par le HCSP – décrivant les compétences à acquérir à chacune des étapes de la scolarité ;

– une véritable évaluation de l’impact du dispositif d’éducation à la santé, portant sur une validation des acquis par les élèves, qui fait actuellement défaut (11) ;

– un renforcement effectif de la formation des personnels de l’éducation nationale dans le domaine de l’éducation à la santé assurant en particulier que les enseignants et les personnels du service public de l'éducation reçoivent dans le cadre de leur formation initiale une formation aux questions de santé susceptible de relever de leur champ de compétence professionnelle. Á cet égard, le HCSP a souligné l’intérêt qu’il y aurait à ce que les futures écoles supérieures du professorat et de l’éducation établissent un partenariat avec l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP) pour mettre en place dans chaque académie un programme de formations en santé communes aux personnels enseignants, infirmiers et médecins de l’Éducation nationale.

II.– COMMENT METTRE EN œUVRE UNE POLITIQUE DE SANTÉ OPÉRATIONNELLE À L’ÉCOLE ?

Le second volet du présent rapport de suivi est consacré aux conditions de mise en œuvre d’une politique de santé opérationnelle à l’école, volet qui regroupe un certain nombre de préconisations formulées par les rapporteurs dans leur rapport initial.

Sur ce point, le constat des dysfonctionnements mis à plat par la Cour des comptes dans sa mission d’assistance au Parlement est désormais unanimement partagé, mais il est aujourd’hui clair qu’une solution durable ne peut être envisagée qu’à condition de définir :

– une politique de santé de l’enfant et de l’adolescent territorialisée, structurée autour d’objectifs sanitaires clairement identifiés ;

– un schéma d’organisation rénové du dispositif de santé à l’école, susceptible de répondre aux interrogations des personnels et des décideurs.

A.– POUR UNE MEILLEURE ADÉQUATION AVEC LES BESOINS DE SANTÉ DES ENFANTS ET DES ADOLESCENTS

1. S’inscrire dans une politique de santé de l’enfant et de l’adolescent rénovée

La politique de santé à l’école est un pilier de toute politique de santé de l’enfant et de l’adolescent. Celle-ci se trouve en effet caractérisée par une forte dimension éducative et préventive, ainsi que par une prise en charge de proximité. Au regard de ces deux critères, l’école a un rôle incontournable à jouer.

S’il n’est pas dans l’objet du présent rapport de suivi d’aborder la question de la politique de santé mise en œuvre à l’égard des jeunes d’un point de vue global autrement que pour signaler le caractère parcellaire de la politique sanitaire actuelle (12), il est clair que cette insuffisance n’est pas sans conséquence sur le pilotage ministériel de la santé à l’école.

Les circulaires du ministère de l’Éducation nationale ont beau rappeler depuis dix ans la nécessité d’une coordination avec les services du ministère de la Santé, faute d’objectifs sanitaires précis, les conventions passées sont des catalogues de « ressources disponibles » (13), et les instances de coordination, des lieux désertés.

En tête de leurs préconisations, les rapporteurs avaient souligné que le renforcement du système de prévention à l’égard des enfants et des adolescents, notamment de sa coordination interministérielle, était « la condition première d’une meilleure efficacité de la médecine scolaire ». Pourtant, si la loi de santé publique de 2004 avait effectivement prévu la création d’un Comité national de santé publique ayant pour mission de « coordonner l’action des différents départements en matière de sécurité sanitaire et de prévention » (14), ce comité, selon les informations communiquées par les représentants du HCSP, n’a jamais été réuni. Même s’il n’a jamais été explicitement supprimé de la partie législative du code de la santé publique, la liste de ses attributions (15)qui figurait à l’article R. 1413-25 de ce code, a été supprimée par un décret du 8 juin 2006, et le comité s’est trouvé supplanté dans la pratique par des comités de pilotage ad hoc, tels que celui créé par le décret n° 2007-558 du 13 avril 2007 pour piloter le programme national nutrition santé 2006-2010.

L’absence de coordination interministérielle est patente s’agissant de la définition des référentiels à prendre en compte, à propos desquels le code de l’éducation et le code de la santé publique ne sont pas suffisamment harmonisés. L’article L. 1411-6 du code de la santé publique prévoit que les programmes de prévention sanitaire, comprenant des consultations médicales périodiques de prévention et des examens de dépistage, sont mis en place par arrêté conjoint du ministre de la santé et des ministres concernés. La liste de ces bilans de santé est fixée, selon les termes de l’article L. 1411-6, par arrêté du ministre chargé de la santé après avis de la Haute autorité de santé. L’article L. 1411-7 précise également que le ministre de la Santé détermine les conditions de mise en œuvre de ces consultations, les informations nécessaires à l’évaluation du dispositif et les missions confiées aux agences régionales de santé pour la mise en œuvre des programmes de santé. Or, parce qu’elle n’a pas été retranscrite dans le code de l’éducation, cette architecture construite par la loi de santé publique de 2004 n’est pas appliquée pour la santé à l’école.

Bien que la Haute autorité de santé ait publié en 2005 dans un document intitulé « Propositions portant sur le dépistage individuel chez l’enfant de 7 à 18 ans, destinées aux médecins généralistes, pédiatres et médecins scolaires » un référentiel portant sur 14 problèmes de santé pouvant utilement faire l’objet de dépistages individuels chez les enfants et adolescents (16), aucun texte, en particulier émanant du ministère de la Santé, ne définit la nature des bilans de santé prévus par l’article L. 541-1 du code de l’éducation. De même, les principes, posés par l’article L. 1411-8 du code de la santé publique, d’une prise en charge globale articulée entre les différents services de santé ainsi que d’une évaluation des dispositifs par le ministère de la santé ou les ARS, restent largement ignorés de l’article L. 541-1 du code de l’éducation, dont la dernière modification substantielle date pourtant de 2007.

Les rapporteurs ont ainsi la conviction que le renforcement de la coordination interministérielle en vue d’une prise en charge globale de l’enfant dépend avant tout d’une volonté politique de décider concrètement :

– d’inscrire le volet sanitaire de la politique de santé à l’école dans le cadre général et la méthodologie des programmes de prévention définis par les articles L. 1411-6 à L. 1411-8 du code de la santé publique, donnant une place pleine et entière aux décisions du ministre de la Santé dans son domaine de compétence. Pour cela, les dispositions spécifiques de l’article L. 541-1 du code de l’éducation doivent être modifiées afin d’être actualisées ;

– de placer sous le double timbre des ministères de l’Éducation nationale et de la Santé les principaux déterminants de la politique de santé à l’école, tels que la définition des missions des personnels de santé du ministère de l’Éducation nationale – dès lors que leur action relève de la politique sanitaire – ou des orientations de l’éducation à la santé.

2. Repenser les niveaux d’intervention à l’échelle territoriale

La nécessité d’une adaptation de la politique de santé à l’école à la situation des établissements scolaires trouve sa justification dans l’hétérogénéité géographique des indicateurs de santé observés. Elle n’est contestée par personne. Dans sa circulaire du 25 mai 2002 intitulée Politique de santé en faveur des élèves, le ministre de l’Éducation nationale, considérant que l’impulsion académique était essentielle dans ce domaine, a demandé aux recteurs de définir les objectifs et les axes d’un volet santé de leur projet académique « à partir des caractéristiques et des besoins de [leur] académie en matière de santé des élèves ». La circulaire précise que, pour analyser ces besoins, les services académiques « pourront disposer des indicateurs épidémiologiques sur la base d’un programme triennal d’enquêtes […] ou sur une cohorte d’élèves de CM2 ou de 3e, ou encore sur les enquêtes thématiques développées en lien avec les organismes de recherche ».

Cette politique académique a été relancée par la circulaire ministérielle de santé du 2 décembre dernier, intitulée Politique éducative de santé dans les territoires académiques, selon deux axes : un accent mis sur les projets d’éducation à la santé, faisant l’objet « d’une mise en œuvre systématique », et la mise en place d’un tableau d’indicateurs destinés à permettre un suivi national de la mise en œuvre des priorités.

De leur côté, les rapporteurs avaient insisté dans leurs préconisations sur deux aspects :

– la nécessité de doter les services académiques d’un pôle santé suffisamment autonome du point de vue décisionnel et des ressources matérielles pour établir des partenariats actifs avec les agences régionales de santé ;

– la phase de collecte et de traitement des données épidémiologiques indispensable à l’établissement d’un diagnostic territorial pertinent, phase pour laquelle la création d’un observatoire régional d’épidémiologie avec le soutien de l’ARS et des collectivités territoriales, a été recommandée.

À cet égard, il est révélateur que, interrogé par les rapporteurs en juillet dernier sur le rôle des ARS dans l’organisation de la prévention en milieu scolaire, le ministère de l’Éducation nationale ait cité en exemple l’académie de Montpellier qui vient de signer une convention avec les ARS ciblant cinq axes : la veille sanitaire, l’observation de la santé des jeunes scolarisés, la promotion de la santé, la formation des personnels enseignants, d’éducation et d’orientation et l’intégration des élèves présentant un handicap. À la connaissance des rapporteurs, l’académie de Montpellier est en effet l’une des deux seules académies de métropole à s’être dotée d’un observatoire d’épidémiologie scolaire permettant l’identification des besoins de santé.

Poursuivant leur analyse, au terme des auditions menées dans le cadre du présent rapport de suivi, les rapporteurs distinguent trois niveaux territoriaux d’intervention, porteurs d’enjeux différenciés pour la politique de santé à l’école :

– le niveau régional (académique), qui est un niveau institutionnel de pilotage conjoint de la politique de santé par l’ARS et le rectorat, et a donc pour fonction de rendre des arbitrages relatifs aux priorités de santé et aux financements ;

– le niveau des bassins d’éducation, qui est appelé à être un niveau de médiation avec le système de santé ainsi que d’animation des réseaux de ressources sur lesquels s’appuient les actions ;

– le niveau des établissements scolaires, qui est un niveau de conception et de mise en œuvre des actions de la politique de santé à l’école.

Au niveau régional, les rapporteurs se sont interrogés sur les moyens de renforcer la capacité d’impulsion des ARS, en se demandant notamment si les lacunes constatées sur le terrain à ce niveau étaient dues à une définition trop peu contraignante des objectifs de prévention ou à des moyens réglementaires insuffisants. Interrogés sur ce sujet, les ministères de l’Éducation nationale et de la Santé se sont accordés pour ne pas envisager, pour le moment, de modification des missions et des pouvoirs de l’ARS dans ce domaine et ont mis l’accent sur un renforcement de la dynamique de collaboration entre les ARS et les rectorats.

S’il est actuellement peu évoqué, le niveau territorial des bassins d’éducation devrait voir son rôle affirmé dans le cadre de la politique de santé à l’école. Les bassins d’éducation regroupent plusieurs établissements au sein d’une cartographie conçue par le ministère de l’Éducation nationale autour de la notion de parcours de l’élève de la maternelle au supérieur (17). Co-animé par un inspecteur correspondant pédagogique de bassin et un chef d’établissement « animateur du bassin », le bassin d’éducation constitue un niveau infra-départemental d’animation de la politique pédagogique qui offre des fonctions de support logistique et de constitution d’un réseau de pairs. Comme le soulignent les représentants du HCSP, la politique de santé à l’école devrait s’emparer de ce niveau infra-départemental pour en faire un niveau d’animation, d’évaluation et de coordination avec les autres acteurs de prévention, regroupés au sein des territoires intermédiaires de santé. Ces bassins d’éducation, qui regroupent plusieurs secteurs d’intervention de médecins scolaires, devraient échoir à des médecins scolaires chargés de fonctions d’encadrement ou d’expertise transversale (ce qui correspond aux emplois de médecins conseillers techniques adjoints nouvellement créés par le nouveau cadre statutaire de juillet 2012).

Au niveau des établissements prévaut désormais l’enjeu de la cohérence des actions de la politique de santé du point de vue de l’élève. Cet enjeu de cohérence a été évoqué par plusieurs interlocuteurs des rapporteurs sous les termes de « parcours santé de l’élève ». Par ces termes, les spécialistes pointent la responsabilité de l’ensemble de la communauté éducative locale, y compris celle des professionnels de santé attachés à l’établissement, dans la constitution d’un ensemble de mesures de protection, de prévention et d’éducation à la santé, dont la cohérence et la continuité au cours de la scolarité soient mieux garanties.

3. Mettre en cohérence tous les éléments de la politique de santé à l’école au sein d’un « parcours santé à l’école » attaché à l’élève

La notion de parcours santé à l’école de l’élève que les rapporteurs souhaitent voir reprise par les pouvoirs publics regroupe toutes les actions susceptibles d’être mises en œuvre à l’échelle d’un établissement dans le cadre de la politique de santé à l’école : bilans infirmiers, consultations médicales, avis portés par les psychologues scolaires, adaptations mises en place dans le cadre d’un projet d’accueil individualisé (PAI) ou d’un projet personnalisé de scolarisation (PPS), aides sociales…

Cette notion recentre la politique de santé à l’école sur la personne de l’élève en mettant l’accent sur les interactions qu’il convient de définir, au niveau de l’établissement, entre les différents éléments de cette politique, à travers les prestations individuelles et collectives prévues par le code de l’éducation.

De même que notre système de santé cherche à s’appuyer sur un parcours de soins diversifié, variable selon la gravité de la pathologie, un « parcours santé à l'école » se justifie dans un réseau interprofessionnel afin d'assurer à l'élève une réponse adaptée et graduée en fonction de son âge et de ses besoins propres en matière de santé physique et psychologique.

Du point de vue des dépistages, le « parcours santé à l’école » doit conduire à passer des prestations individuelles prévues de manière ponctuelle par le code de l’éducation à la définition de stratégies de dépistage à part entière, incluant les phases de repérage, de diagnostic et d’orientation vers les soins, auxquelles l’ensemble de la communauté éducative est susceptible de contribuer, chacun dans son domaine de compétence.

Le plan d’action pour les enfants atteints d’un trouble spécifique du langage oral ou écrit décrit par la circulaire n° 2002-024 du 31 janvier 2012 – jointe en annexe au présent rapport – est une illustration exemplaire de ce que devrait être le parcours santé à l’école dans le domaine particulier des troubles de l’apprentissage. Mettant l’accent sur le caractère protéiforme mais aussi parfois transitoire des troubles de l’apprentissage, le plan met en garde contre un « double écueil, celui de la banalisation comme celui de la stigmatisation ». Il insiste sur la nécessité de « connaître et comprendre ces troubles » en les replaçant dans une réflexion sur le développement de l’enfant menée par l’équipe éducative, associant à l’enseignant les personnels des réseaux d’aides spécialisées, les professionnels de santé de l’éducation nationale ainsi que les parents d’élèves. À cette phase de repérage, qui est une phase de questionnement, peuvent succéder, si elle est positive, des phases de dépistage et de diagnostic pouvant prendre appui sur les visites médicales normalement programmées et pouvant aboutir à l’élaboration d’un projet individualisé de scolarisation (PAI ou PPS) adapté à la nature et à la sévérité des troubles. Des actions collectives sont également prévues, sous la forme d’actions de prévention et de diffusion d’outils d’évaluation en grande section et en cours préparatoire. La troisième section de la circulaire est consacrée à l’inventaire des réponses que le système de santé (réseaux de professionnels de santé libéraux, centres médico-psychologiques, centres de référence…) peut apporter aux cas les plus sévères.

Cette vision d’un « parcours santé à l’école » mettant en interaction de manière fluide les différents éléments du dispositif vise à répondre de manière plus appropriée à un éventail de questions de santé qui s’est élargi au fil des années et dont le niveau de priorité varie selon les bassins d’éducation.

L’élargissement du champ de la santé, en particulier au domaine de la santé psychologique et des troubles de l’apprentissage, a complexifié la question du suivi sanitaire des élèves. Les rapporteurs ont eu l’occasion de souligner dans leur rapport initial combien les modalités de ce suivi sanitaire, symbolisé par les visites médicales prévues par la loi, sont devenues un point de cristallisation de la crise que connaît la médecine scolaire. Les acteurs sanitaires rencontrés comprennent difficilement pourquoi la loi fixe de manière rigide des modalités de visites médicales, dont la justification sur le plan sanitaire n’est pas évidente à leurs yeux, au lieu de viser directement les démarches de santé publique les plus efficaces en fonction des objectifs de santé poursuivis.

Dans leurs conclusions, les deux rapporteurs avaient ainsi souhaité que le Haut conseil de la santé publique se saisisse de cette question et puisse se prononcer sur la pertinence des bilans de santé aux âges prescrits par la loi. Interrogés sur ce sujet, les représentants du HCSP auditionnés par les rapporteurs ont repris à leur compte la position de la Haute autorité de santé (HAS), selon laquelle les consultations médicales prévues aux âges de 9 et 15 ans ne s’inscrivent pas dans une démarche de santé publique poursuivant des objectifs précis. Ils ont en revanche insisté sur les consultations prévues à 6 et 12 ans, qu’ils considèrent comme des éléments forts d’une politique de santé à l’école.

Conscients de l’enjeu que cette question représente pour les personnels de santé du ministère de l’Éducation nationale qui sont chargés de sa mise en œuvre, les rapporteurs considèrent que les modalités du suivi sanitaire des élèves, largement évoquées lors de la concertation sur la refondation de l’école, ne doivent pas être mises de côté et doivent être reformulées en faisant prioritairement référence aux objectifs et aux démarches de santé publique qui en sont le fondement.

B.– L’AVENIR DU DISPOSITIF DE SANTÉ À L’ÉCOLE

La réflexion des pouvoirs publics sur le dispositif de santé à l’école, initiée par le Parlement et conduite avec l’assistance de la Cour des comptes, a convaincu le Gouvernement d’engager une rénovation des statuts des professionnels de santé concernés au cours de l’année 2012. Il faut s’en féliciter.

Même si, au-delà du sujet immédiat des rémunérations, les professionnels de santé attendent que la question de leurs missions soit également abordée, les rapporteurs ont enregistré les témoignages d’une reprise de confiance des personnels dans une amélioration de leurs conditions de travail.

1. Un cadre statutaire en voie de rénovation

a) Des mesures d’urgence visant à enrayer la perte de personnels qualifiés

Dans leur rapport initial, les rapporteurs avaient évalué à 272 le nombre de postes de médecins scolaires devenus vacants depuis 2005 du fait d’une insuffisance de candidats au concours d’entrée dans le corps. Pour les personnels infirmiers, si les effectifs sont en croissance, ils demeurent en deçà du nombre souhaité par le Gouvernement du fait également de l’insuffisance de candidats. Le manque d’attractivité des carrières proposées par l’Éducation nationale a été mis en avant comme la cause première du manque de vocations.

Les derniers chiffres fournis par le ministère de l’Éducation nationale à la demande des rapporteurs montrent que ces tendances se sont prolongées jusqu’à l’entrée en vigueur des nouvelles décisions statutaires :

ÉVOLUTION DU NOMBRE DES PERSONNELS DE SANTÉ DEPUIS 2010

 

Médecins
de l’Éducation nationale

Infirmiers
de l’Éducation nationale

Février 2010

1 405

7 708

Février 2011

1 376

7 939

Février 2012

1 274

7 911

RECRUTEMENT DES PERSONNELS DE SANTÉ DEPUIS 2010

 

Médecins de l’Éducation nationale

Infirmiers de l’Éducation nationale

Février 2010

26, pour 49 postes offerts (*)

525, pour 700 postes offerts

Février 2011

26, pour 40 postes offerts (*)

275, pour 687 postes offerts

Février 2012

24, pour 100 postes offerts (*)

272, pour 405 postes offerts

* 40 % des médecins recrutés comme titulaires exerçaient déjà des fonctions de médecins scolaires comme agents contractuels.

En ce qui concerne les médecins de l’Éducation nationale, les recrutements sont trois fois moins nombreux que les départs, ce qui explique la perte constatée au niveau des effectifs du corps. Les entrées dans le corps sont inférieures de moitié à ce qu’elles devraient être pour compenser simplement les départs à la retraite, alors que les départs vers d’autres fonctions qui s’y ajoutent sont de plus en plus nombreux et sont en passe d’annuler à eux seuls l’effet des recrutements.

Si la question de la reconnaissance des personnels concernés parmi les professionnels de santé revêt de multiples dimensions, l’attractivité insuffisante des carrières offertes tenait en premier lieu à une rémunération parmi les plus basses proposées à ces professionnels. Elle justifiait que le Gouvernement prenne des mesures d’urgence pour enrayer le phénomène.

La rénovation du statut des infirmiers concerne tous les corps d’infirmiers de la fonction publique : corps des infirmiers du ministère de la Défense, corps des infirmiers du ministère de l’Éducation nationale et corps d’infirmiers des autres ministères. La réforme est une conséquence de l’évolution du niveau de recrutement des personnels infirmiers liée à la réforme des cycles de formation : le diplôme d’État d’infirmier est placé au grade de licence depuis 2009. Les infirmiers de la fonction publique d’État demandaient le bénéfice d’une grille indiciaire de catégorie A, à l’image de la revalorisation obtenue en 2010 dans le secteur hospitalier.

Les décrets nos 2012-761 à 2012-763 du 9 mai 2012 organisent la suppression des corps d’infirmiers de la fonction publique régis par le décret du 13 novembre 1994 et la création d’un nouvel espace statutaire (NES) spécifique pour les personnels relevant des filières de soin et paramédicales. Les décrets définissent les dispositions permanentes applicables aux trois corps et notamment leur structure de carrière, qui est constituée de deux grades, un grade d’infirmier divisé en une classe normale et une classe supérieure, et un grade d’infirmier hors classe. Le bornage indiciaire de la classe normale s’étend désormais de l’indice brut 370 à l’indice 620 et celui de la classe supérieure de l’indice 490 à l’indice 680. Le nouveau grade d’infirmier hors classe a pour borne inférieure l’indice 444 et pour borne supérieure l’indice 730 (au terme d’une période transitoire de trois ans).

En ce qui concerne les médecins de santé scolaire, la durée des discussions a été plus longue en raison de la nécessité de définir un dispositif adapté à la diversité des postes à responsabilités proposés en fin de carrière.

L’économie générale de la revalorisation met l’accent sur le début de carrière, afin d’élargir le vivier des médecins susceptibles de rejoindre l’Éducation nationale : la rémunération en début de grille indiciaire a été mise au niveau de celle perçue par un interne de médecine générale, et les échelons de la grille indiciaire des médecins scolaires de deuxième classe ont été rapprochés de ceux des médecins inspecteurs de santé publique pour favoriser les passerelles entre ces deux populations.

En ce qui concerne la fin de carrière, l’ancien statut a été amélioré avec la création d’un sixième échelon pour le premier grade, donnant accès à des indices hors échelle A, et le réaménagement de l’emploi fonctionnel de médecin conseiller technique (MEN-CT). Afin de mieux prendre en compte la variété des situations correspondant à l’emploi de MEN-CT, les décrets nos 2012-899 et 2012-900 du 20 juillet 2012 opèrent une nouvelle classification des emplois de MEN-CT en trois groupes, permettant de valoriser de manière graduée les responsabilités. Ainsi distingue-t-on parmi les emplois, ceux qui correspondent aux responsabilités les plus élevées (groupe I comprenant deux conseillers des services centraux et les conseillers auprès des recteurs dans une dizaine d’académies les plus importantes) et ceux qui correspondent à des emplois auprès des autres recteurs ou dans des départements présentant des difficultés particulières (groupe II). Cette hiérarchisation des emplois fonctionnels met l’accent sur les fonctions de pilotage aux niveaux central et académique. Par ailleurs, un nouveau groupe III ouvre la possibilité d’une reconnaissance d’emplois soit d’encadrement (adjoints à un MEN-CT), soit de conduite de projet ou d’expertise transversale (MEN-CT chargés de missions). L’impact de ce dernier groupe sur l’organisation de la médecine scolaire risque cependant d’être malheureusement limité si la grille indiciaire du groupe III demeure similaire à celle des médecins scolaires de première classe, comme elle a été fixée jusqu’à présent.

Pour les personnes qui choisissent aujourd’hui d’entrer dans la carrière, l’ensemble de ces mesures porte des effets immédiats grâce à la revalorisation du premier échelon des cadres d’emploi. Les personnels déjà en poste bénéficient d’un reclassement dans la nouvelle grille indiciaire à l’échelon correspondant à l’indice immédiatement supérieur à leur indice actuel. Le gain est donc variable selon les échelons. Toutefois, les personnels qui étaient parvenus au sommet de la grille indiciaire de leur catégorie voient leurs perspectives salariales s’améliorer à moyen terme de manière significative, du fait de l’allongement de la carrière et de la création de nouveaux échelons.

b) L’adaptation aux futurs cadres d’emploi

À l’instar des organisations syndicales, les rapporteurs voient dans ces mesures d’urgence un levier pour enrayer la perte d’effectifs actuelle.

Toutefois, le dialogue constructif mené maintenant depuis plus d’un an et demi avec les personnels concernés leur a donné la conviction que les particularités de l’exercice médical en milieu scolaire, et notamment les évolutions importantes qu’il a connues depuis une décennie, ne sont pas encore suffisamment reconnues. Les difficultés dont font état certains médecins scolaires pour obtenir une validation de leur expérience professionnelle de la part des structures départementales et nationale de l’Ordre des médecins en sont un exemple. Les rapporteurs avaient également signalé le refus inexplicable que présentaient certaines caisses d’assurance maladie de rembourser les prescriptions de médecins scolaires portant sur des actes diagnostiques de leur champ de compétence tels que des bilans orthophoniques. Ces problèmes ne se sont pas résolus.

S’il ne leur appartient pas de se prononcer sur des questions de doctrine et de reconnaissance d’une spécialité médicale, les rapporteurs tiennent à souligner qu’à leurs yeux, ces difficultés sont emblématiques des problèmes que rencontre l’organisation de la prévention sanitaire, pour l’instant insuffisamment structurée en France.

Se plaçant dans la perspective d’un futur projet de loi de santé publique, les rapporteurs réaffirment l’intérêt que présente le regroupement au sein d’un même corps interministériel des professionnels de santé de la fonction publique d’État intervenant dans le champ de la prévention, sous l’intitulé par exemple de « médecin de prévention et de santé publique ». Ce corps serait assorti de différentes voies de spécialisation.

2. Le choix d’un modèle organisationnel pour le service médical à l’école

La question du modèle d’organisation de la santé à l’école le plus adapté à la situation française a fait l’objet de plusieurs études comparatives internationales. Elle est l’objet de discussions et d’interrogations parmi les spécialistes de santé publique.

Une première étude a été publiée en 2007 intitulée La santé à l’école dans les pays européens. Analyse comparative menée dans un cadre universitaire et dirigée par Mme Jeanine Pommier et M. Didier Jourdan, cette étude intégrait six pays dans son champ : la France, le Portugal, l’Espagne, la Suisse, la Belgique, la Pologne et le Danemark. Conduite selon les principes d’analyse sociologique, cette étude prenait acte de la variété des modèles d’organisation en Europe et proposait une typologie distinguant trois modèles d’organisation du suivi médical des élèves : un modèle d’organisation centré sur la population ou « communautaire », un modèle centré sur le milieu scolaire ou « intégré » (correspondant au choix français) et un modèle qualifié de « sanitaire », centré sur les problématiques sanitaires.

Les résultats de cette étude ont été enrichis par la publication en décembre 2011 d’une étude comparative, réalisée par les services du Sénat à la demande de Mme Maryvonne Blondin, sénatrice, et portant sur l’organisation des services de santé en Belgique, au Danemark, aux Pays-Bas et en Suède. Cette étude a montré que les États étudiés ont fixé les règles relatives à la santé des élèves au niveau national, alors même que la mise en œuvre de ces règles était le plus souvent l’affaire des collectivités décentralisées. Dans trois pays sur quatre, des lois récentes, datant de 2008 et 2010, témoignent du souci de ces États d’actualiser le modèle d’organisation du service de santé des élèves.

Sur cette base, les rapporteurs ont pu observer que deux modèles d’organisation sont aujourd’hui en concurrence pour structurer la politique de santé à l’école en France :

– un modèle qualifié de « traditionnel », centré sur un pôle médical, qui regroupe toutes les personnes habilitées au secret médical et qui a vocation à devenir l’interlocuteur des personnels qui participent à la politique de santé à l’école (chefs d’établissement, enseignants référents...) ;

– un modèle qualifié de « matriciel », organisé autour d’une double fonction, d’une part de proximité et d’autre part de médiation avec le système de santé. Ce modèle conduirait à séparer plus distinctement les fonctions qui sont du ressort des personnels présents au sein d’un établissement scolaire et les fonctions d’expertise ou de médiation qui sont communes à un groupe d’établissements. Les fonctions de proximité se trouveraient ainsi rassemblées sous l’objectif de coordination du parcours santé à l’école et placées sous la direction du chef d’établissement, tandis que les fonctions d’expertise et de médiation médicale seraient regroupées au sein d’un secteur en lien avec l’organisation de la prévention sanitaire.

Le choix du modèle d’organisation vers lequel doit évoluer le dispositif de médecine scolaire est un point essentiel aux yeux des personnels de santé scolaire, pour lesquels il représente un réel enjeu d’identité professionnelle.

Les rapporteurs n’ignorent pas cependant l’héritage issu des circulaires relatives aux missions de la santé scolaire de 1991 et 2001 qui laissaient en suspens la question des missions partagées entre les différentes catégories de personnels de santé. Cet héritage paraît faire barrage au modèle d’organisation structuré autour d’un pôle professionnel, qui serait vécu comme un retour en arrière par certains (18), et c’est l’hypothèse du second modèle d’organisation, basé sur l’autonomie des établissements, qui semble être la plus compatible avec les contraintes actuelles.

En toute hypothèse, la question de la définition des missions communes aux personnels de santé ne devrait pas être éludée, car le renforcement de la collaboration entre les personnels spécialisés paraît aux yeux des rapporteurs la clef de la réussite de toute évolution du dispositif.

EXAMEN PAR LE COMITÉ

Au cours de sa séance du 8 novembre 2012, le Comité examine le présent rapport de suivi.

M. le Président Claude Bartolone. Notre ordre du jour appelle l’examen du rapport sur les suites données à l’évaluation de la médecine scolaire, réalisée à la fin de la précédente législature et présentée au Comité le 17 novembre dernier. Ce rapport de suivi a été préparé par Mme Martine Pinville, co-auteure du rapport initial, et par M. Xavier Breton, qui a remplacé M. Gérard Gaudron.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Mes chers collègues, je voudrais d’abord vous convaincre de l’importance de ce sujet. Alors qu’il nous semblait au départ bien circonscrit, Gérard Gaudron et moi-même nous sommes progressivement aperçus qu’il obligeait à aborder toutes les questions relatives à la santé de notre jeunesse : par exemple la prévention et le traitement des addictions ou encore des troubles du comportement. Il est donc de notre devoir et de notre intérêt à tous de le traiter sérieusement, même si la tâche n’est pas si aisée, en raison de la nature interministérielle de la matière.

Dans notre rapport initial, nous avons constaté une crise profonde de la médecine scolaire, la faiblesse des effectifs empêchant de suivre la santé des enfants comme il conviendrait. Nous avons donc préconisé des mesures d’urgence en faveur de ces professionnels et, au-delà, appelé à arrêter des orientations plus claires pour la politique de santé à l’école. Le présent rapport vise à rendre compte des mesures d’urgence prises, mais il évoque également les évolutions législatives possibles. La concertation sur la refondation de l’école de la République a certes été l’occasion d’aborder ce thème de la santé scolaire, notamment à propos de l’accueil du handicap à l’école, mais on ne saurait trop insister sur la nécessité d’un suivi et, comme je l’ai dit, de dispositions législatives. Nos enfants ont en effet besoin d’une organisation et d’un environnement scolaire qui favorisent la transmission du savoir, qui les mettent tous dans les meilleures conditions pour apprendre et assimiler.

Pour nous, adultes, la médecine scolaire évoque la visite médicale du CP, qui permettait de prendre une photographie de l’état général de l’enfant : on le pesait, on évaluait sa vision… Il faut aujourd’hui aller au-delà. D’ores et déjà d’ailleurs, la santé à l’école recouvre de nouveaux domaines, par exemple la lutte contre les addictions – prévention et traitement – ou l’éducation sexuelle. Il faut amplifier ce mouvement et, en particulier, développer l’éducation à la santé dès le niveau du collège. Sachant qu’elle accueille tous les enfants jusqu’à l’âge de 15 ou 16 ans, l’école est le lieu par excellence à partir duquel peuvent se mettre en place des politiques de santé publique. Prenons par exemple la détection des troubles de l’apprentissage et du langage : si elle ne se fait pas précocement dès l’école primaire, les enfants atteints de dyslexie ou de dyscalculie vont avoir des difficultés à poursuivre leurs études sans qu’on se préoccupe d’en déterminer la cause, puis auront du mal à s’insérer, ce qui affectera la société tout entière. Prendre le problème à temps n’aura sans doute pas toujours des effets immédiats mais, à long terme, cette prévention sera pour tous un facteur de mieux-être. Certaines structures sont déjà en place, tel le Comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté dans les collèges : il faut les renforcer et préciser les objectifs à leur assigner.

Ayons donc conscience que, par la médecine scolaire et par un effort de prévention, nous pouvons préparer les enfants à devenir des adultes mieux insérés dans la société !

M. Xavier Breton, rapporteur. Je tiens tout d’abord à rendre hommage au travail accompli par mon prédécesseur, Gérard Gaudron.

Le second volet du rapport de suivi s’attache à définir les conditions auxquelles doit satisfaire une politique de santé à l’école pour être véritablement opérationnelle, ce à partir des préconisations formulées dans le rapport initial du CEC, rédigé par Martine Pinville et par Gérard Gaudron.

Les conclusions de ce rapport ont convaincu le Gouvernement d’engager, au cours de l’année 2012, une rénovation du statut des professionnels de santé concernés, ce dont nous pouvons nous féliciter. Auparavant, le constat établi par la Cour des comptes avait favorisé une appréciation objective des difficultés dont souffre la médecine scolaire, au premier rang desquelles, précisément, le manque d’attractivité des carrières proposées, qui explique le manque de vocations.

Les chiffres fournis au mois d’août dernier par le ministère de l’Éducation nationale montrent que la baisse du nombre de personnels qualifiés, relevée dans le rapport initial, s’est poursuivie entre 2010 et février 2012. En ce qui concerne les médecins scolaires, les plus touchés, les départs vers d’autres professions ont été en constante augmentation et ont annulé à eux seuls l’effet des recrutements, sans même tenir compte des départs à la retraite, en nombre bien supérieur. Et si l’effectif des infirmiers s’est en revanche accru, il demeure en deçà du nombre souhaité par le Gouvernement, également du fait de l’insuffisance de candidats.

À la suite du rapport du CEC, le Gouvernement a donc engagé à partir du mois de janvier 2012 des discussions pour une rénovation du statut des professionnels de santé du ministère de l’Éducation nationale. Les personnels infirmiers souhaitaient être reclassés dans un corps de fonctionnaire de catégorie A, comme l’avaient été leurs collègues de la fonction publique hospitalière après que le niveau de la licence eut été attribué aux titulaires du diplôme d’État d’infirmier : l’intégration de l’ensemble des corps infirmiers de l’État dans la catégorie A a été décidée par voie de décret le 9 mai 2012.

Pour les médecins scolaires, les discussions ont été plus longues dans la mesure où il fallait définir un dispositif adapté à la diversité des postes à responsabilité proposés en fin de carrière. L’économie générale du nouveau statut, défini par décret le 20 juillet 2012, met l’accent sur le début de carrière afin d’élargir le vivier des médecins susceptibles de rejoindre l’Éducation nationale. Les personnels déjà en poste bénéficient d’un reclassement dans la nouvelle grille indiciaire à l’échelon correspondant à l’indice immédiatement supérieur à leur indice actuel. Cependant, les personnels qui sont parvenus au sommet de la grille indiciaire de leur catégorie voient leurs perspectives salariales s’améliorer à moyen terme, du fait de l’allongement de la carrière et de la création de nouveaux échelons.

L’ensemble de ces mesures a rendu confiance aux personnels en améliorant leurs conditions de travail – nous en avons recueilli des témoignages. Cependant, au-delà de la question immédiate des rémunérations, les intéressés attendent que soit également abordée celle de leurs missions. La profession de médecin scolaire est insuffisamment reconnue, y compris parmi les professionnels de santé, car la politique de santé à l’école à laquelle ils participent est insuffisamment lisible.

En ce qui concerne les corps des professionnels de santé du ministère de l’Éducation nationale, nous souhaitons, comme cela a été indiqué dans le rapport initial, qu’ils aient davantage accès à la mobilité interministérielle et qu’ils soient inclus dans le mouvement de regroupement qui a permis de réduire le nombre des corps de la fonction publique de 700 à 333 au cours de ces cinq dernières années.

Il est d’autre part souhaitable que la politique de santé à l’école s’appuie sur des structures plus visibles, que ce soit au niveau local, à l’échelle régionale ou au niveau interministériel.

Nous recommandons ainsi d’introduire dans les établissements scolaires la notion de « parcours de santé de l’élève », regroupant toutes les actions susceptibles d’être menées, à cette échelle, dans le cadre de la politique de santé à l’école : bilans infirmiers, consultations médicales, avis portés par les psychologues scolaires, adaptations réalisées dans le cadre d’un projet d’accueil individualisé (PAI) ou d’un projet personnalisé de scolarisation (PPS), aides sociales... De même que notre système de santé cherche à s’appuyer sur un parcours de soins diversifié, variable selon la gravité de la pathologie, ce parcours de santé à l’école devrait assurer à l’élève une réponse aux questions de santé qui se posent à lui, adaptée et graduée en fonction de son âge et de ses besoins. Il s’agirait de recentrer la politique de santé à l’école sur la personne de l’élève en mettant l’accent sur les interactions à établir, au niveau de l’établissement, entre les différents éléments de cette politique, au travers des prestations individuelles et collectives prévues par le code de l’éducation.

Nous souhaitons également que la prévention en faveur des enfants et des adolescents soit mieux articulée avec le système de santé local, afin qu’il y ait un lien plus effectif entre les examens de dépistage et l’accès aux soins. Pour ce faire, il convient de renforcer les fonctions d’expertise et de médiation médicales à l’échelle d’un groupe d’établissements scolaires constitué au sein d’un même bassin d’éducation. Les bassins d’éducation devraient ainsi devenir un lieu d’animation et d’évaluation de la politique de santé à l’école, ainsi que de coordination avec les autres acteurs de la prévention. Ils le sont parfois déjà dans certaines zones géographiques mais cette organisation mérite d’être généralisée.

Suivant les recommandations du CEC, le ministère de l’Éducation nationale a relancé la politique éducative de santé à l’échelon des académies, par le biais d’une instruction en date du 2 décembre 2011. Si nous nous félicitons de voir ainsi affirmé le caractère prioritaire de la politique régionale de santé, nous regrettons que les structures de pilotage préconisées dans le rapport du CEC, notamment pour la collecte et le traitement des données épidémiologiques régionales, n’aient pas encore été généralisées.

De même, nous regrettons que les structures de coordination interministérielle ne jouent pas leur rôle au niveau national, ce qui entraîne un découplage entre les orientations de la politique de santé publique et la politique conduite par le ministère de l’Éducation. Cette absence de coordination interministérielle est patente s’agissant de la définition des référentiels à prendre en compte pour les bilans de santé programmés à l’école. Sur ce point, le code de l’éducation doit être mis en conformité avec l’organisation des programmes de prévention sanitaire prévue par la loi de santé publique de 2004. Les acteurs sanitaires que nous avons rencontrés comprennent difficilement pourquoi la loi fixe de manière rigide, pour les visites médicales, des modalités dont la justification sur le plan sanitaire n’est pas toujours évidente aux yeux mêmes de la Haute autorité de santé, plutôt que de s’attacher à déterminer de manière précise les objectifs de santé publique poursuivis et d’identifier ensuite les démarches y contribuant le plus efficacement.

Les politiques de santé en faveur de la jeunesse ont une forte dimension éducative et préventive, et supposent une prise en charge de proximité. Au regard de ces deux critères, l’école a un rôle irremplaçable à jouer. Le rapport d’évaluation rendu public par le CEC en novembre dernier nous a permis de prendre conscience de la crise aiguë que traverse la médecine scolaire. En donnant le coup d’envoi à une réflexion collective sur l’avenir de la politique de santé à l’école, ce travail d’évaluation prolongé par le présent rapport de suivi vise à éclairer le législateur sur les choix qu’il aura à faire, le moment venu.

Mme Marianne Dubois. Je regrette que nous soyons bien peu nombreux ce matin pour débattre d’un sujet d’une telle importance !

Les rapporteurs évaluent à 272 le nombre de postes de médecins scolaires devenus vacants depuis 2005, en raison d’un nombre trop faible de candidats au concours : une telle situation n’est pas acceptable. Mais pensez-vous que la revalorisation de leur statut suffira à surmonter cette crise des vocations ? Pour quelles raisons notre pays a-t-il tardé à actualiser son modèle de service de santé scolaire ?

La définition de la politique de santé à l’école devra s’accompagner d’un renforcement de la formation initiale dispensée aux enseignants et aux autres personnels du service public de l’éducation sur ces questions de santé : quel sera le format de cette formation ? Y aura-t-il une formation commune avec les médecins et infirmières ?

Enfin, le comité national de santé publique créé par la loi du 9 août 2004 n’ayant jamais été réuni, n’y aurait-il pas lieu de le dissoudre dans le cadre de la future loi de santé publique ?

M. François de Rugy. J’espère que ce rapport sera transmis à nos collègues des commissions des Affaires sociales et des Affaires culturelles et de l’éducation, afin qu’ils en tirent les conséquences concrètes.

Les sept objectifs prioritaires retenus dans la circulaire ministérielle de décembre 2011 sont plutôt pertinents, me semble-t-il. Ce texte est cependant trop centré sur les seuls personnels de santé alors qu’on gagnerait à une approche pluridisciplinaire : dans certains établissements de ma circonscription, on a ainsi réalisé un travail sur les questions d’estime de soi et de confiance en soi, travail qui a eu des effets bénéfiques sur certaines conduites dangereuses pour la santé, telles que la consommation de tabac ou d’alcool.

Les tableaux figurant dans le rapport illustrent éloquemment les difficultés rencontrées dans le recrutement des personnels de santé, particulièrement des médecins et des infirmiers. Mais l’organisation de la santé doit-elle reposer exclusivement sur ces deux catégories de professionnels ? Ne peut-on envisager de faire intervenir dans les établissements scolaires des personnels extérieurs à l’Éducation nationale, par exemple lorsqu’il s’agit de prévention des maladies sexuellement transmissibles ? Cela s’est pratiqué dans d’autres domaines, par exemple pour l’éveil à la culture, avec une efficacité prouvée.

M. Philippe Gosselin. Il est toujours bon d’« appuyer là ça fait mal » et nos deux rapporteurs viennent opportunément nous rappeler que la situation de la médecine scolaire reste alarmante, en raison d’une faible attractivité de ces métiers. J’apprécie aussi la proposition, formulée par François de Rugy, d’ouvrir ce secteur à d’autres professionnels, venus d’autres horizons : même s’il n’est pas question, bien sûr, de nier le rôle éminent de l’Éducation nationale, on aurait tort d’y enfermer la médecine scolaire.

Dans quelle mesure peut-on enfin faire de la prévention un axe majeur de la politique de la santé à l’école ? La fonction de soigner revenant avant tout à la médecine de ville, la médecine scolaire ne devrait-elle pas être davantage tournée vers cette mission de prévention et d’éducation à la santé et à la nutrition ?

Mme Martine Pinville, rapporteure. Le défaut d’attractivité de la médecine scolaire constitue en effet un problème préoccupant. Nos auditions nous l’ont montré : plus encore que du niveau des rémunérations, la profession souffre d’être mal reconnue. Nous avons rencontré des médecins qui se donnent sans réserve à leur métier, mais qui se sentent tenus en marge et qui se plaignent de ne pas recevoir les moyens de travailler correctement – pas d’ordinateur portable, pas de bureau…

En début de carrière, un médecin scolaire touche un salaire inférieur à celui d’un interne de médecine, en dépit d’un niveau d’études supérieur ! Dans notre rapport initial, nous avions d’ailleurs suggéré la création d’un corps de médecins de prévention, qui pourrait regrouper ces médecins scolaires et les médecins de PMI – j’avais même pensé leur adjoindre les médecins du travail, mais la situation de ce secteur est trop différente, ne serait-ce qu’en raison de son mode de financement particulier. Il me semble qu’il vaudrait la peine de réfléchir à cette possibilité, qui serait de nature à favoriser la mobilité et à rendre plus attrayant l’exercice de la médecine scolaire.

Sans doute faut-il renforcer la prévention – qui existe mais sans se voir accorder l’importance qu’elle mérite. À l’école primaire et au collège, l’éducation à la citoyenneté doit faire une place à l’éducation à la santé conçue au sens large, c’est-à-dire incluant l’éducation à la sexualité ou à une nutrition saine, et même une action sur les comportements. On ne saurait en effet s’en tenir à la santé au sens strict, d’autant que nous avons constaté que le suivi médical est déjà assuré pour un certain nombre d’enfants, ce qui permettrait de passer à une approche préventive. Cela étant, ce n’est pas toujours le cas : l’insuffisance de médecins et le manque de moyens des établissements empêchent souvent la réalisation d’examens obligatoires, y compris celui du CP que l’on s’efforce pourtant de maintenir.

Quant à l’intervention de personnes extérieures, il me semble nécessaire de conserver la spécificité de la politique de santé à l’école, ciblée sur l’enfant et l’éducation, ce qui diffère d’une politique générale de santé publique. Les médecins et infirmiers scolaires dépendent du ministère de l’Éducation nationale, et nous pensons que le travail de prévention et d’épidémiologie doit être maintenu dans la sphère scolaire.

M. Philippe Gosselin. Nous ne souhaitons pas que la prévention se substitue à la mission principale du service de médecine scolaire : nous la concevons comme un complément.

M. Xavier Breton, rapporteur. Certes, madame Dubois, la revalorisation du statut n’est pas suffisante, mais elle est nécessaire. Cela dit, il est indéniable qu’il faut aussi une meilleure reconnaissance des professionnels et une clarification de leurs missions.

L’examen du projet de loi d’orientation et de programmation sur la refondation de l’école donnera l’occasion d’ajouter à la formation initiale des enseignants un volet consacré aux questions de santé. Il faudra ensuite déterminer selon quelles modalités il pourra être intégré au programme des futures Écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ÉSPÉ).

Le recours aux intervenants extérieurs se pratique déjà, mais sur des sujets tels que la santé, l’hygiène de vie ou les comportements, qui touchent à la vie intime, il importe de s’assurer de leur parfaite objectivité et de leurs compétences pour éviter toute démarche à caractère militant.

Je suis bien sûr favorable à une politique de prévention, mais les campagnes actuelles sont à mon goût trop souvent négatives : on se borne à mettre en garde contre des dangers ou des menaces, alors que l’éducation devrait aussi s’appuyer sur des messages positifs, mettant en avant les comportements bénéfiques pour la santé.

M. Jean-Christophe Fromantin. Les jeunes rencontrent toutes sortes de problèmes – pathologies, addictions, dépression, anorexie, etc. – qui affectent directement leur scolarité, mais auxquels la médecine scolaire est incapable de répondre, en raison d’une insuffisante formation des médecins et des infirmières. C’est pourquoi il y a trois ans, en accord avec les établissements scolaires, nous avons ouvert dans ma ville un « Espace santé jeunes » au sein duquel les jeunes peuvent évoquer leurs difficultés avec des intervenants qualifiés.

Une réforme de la médecine scolaire doit prendre en compte toutes ces difficultés, dont beaucoup sont nouvelles et qui exigent de faire appel à de nouvelles compétences, venant le cas échéant de l’extérieur de l’éducation nationale.

Je suis frappé aussi de constater que les parents ont autant besoin d’aide que les jeunes. Bien souvent, ces parents ne découvrent les difficultés scolaires ou l’absentéisme de leur enfant adolescent que lorsque les professeurs les alertent, et ils apparaissent totalement démunis pour y faire face. Le médecin traitant ou le médecin scolaire ne pouvant les aider, ils n’ont d’autre solution que de venir à nos réunions d’information, afin d’apprendre à redevenir des intermédiaires entre leur enfant et l’école. Avez-vous perçu ce problème, et comment pensez-vous que les parents d’élèves pourraient être pris en compte dans une rénovation de la médecine scolaire ?

M. François Brottes. Avant tout, je suis surpris de l’approche très corporatiste de ce rapport. Peut-être cela vient-il du cadre imposé à ce rapport de suivi mais ce qui me frappe surtout, c’est que, dans notre pays, des milliers d’enfants échappent aux visites médicales scolaires durant toute leur scolarité maternelle et élémentaire. Quelles qu’en soient les raisons, nous ne pouvons plus nous satisfaire de cette situation. Dès lors, la question qui peut se poser, c’est de savoir s’il faut laisser à la seule médecine scolaire le soin de faire de la prévention auprès des enfants…

En tant que maire, je m’étonne que le rapport ne mentionne à aucun moment les collectivités locales. C’est pourtant sur elles que reposent les moyens mis à la disposition de la médecine scolaire, même si cela ne figure dans aucun texte ! Mais, lorsqu’une commune décide de fournir un ordinateur au médecin scolaire ou d’aménager un local où il pourra recevoir les élèves, et qu’elle sollicite pour cela une participation des autres communes du bassin scolaire, celles-ci rechignent bien souvent à contribuer à cet investissement. C’est un frein à l’amélioration des conditions de travail des professionnels de santé, fréquemment réduits à exercer dans des locaux qui ont tout sauf l’apparence d’un cabinet médical.

Les médecins généralistes réalisent des examens pour autoriser ou non la pratique de tel ou tel sport. Pourquoi ne pas intégrer ces visites, qui sont obligatoires, dans le parcours de santé des enfants ? Quant à la création d’un corps de médecins dédiés à la prévention, je la trouve pour ma part très intéressante, d’autant que ces médecins travailleraient à des heures plus compatibles avec la vie familiale – puisqu’il faut bien tenir compte de la féminisation des professions médicales.

Enfin, les campagnes de visites médicales scolaires permettent de détecter des cas d’inceste. Compte tenu des conséquences pour l’enfant – conséquences qui ne peuvent que s’aggraver au fil du temps –, il est vital qu’aucun n’échappe à ces visites.

M. Régis Juanico. La sédentarisation est un des fléaux qui affectent la santé des jeunes. On peut la décrire comme la combinaison d’une dépense énergétique insuffisante, d’une addiction aux écrans et d’une alimentation trop riche ou déséquilibrée.

Les enfants de 6 à 11 ans passent 45 % de leur temps de loisir devant un écran ; les adolescents de 15 à 24 ans passent en moyenne 5 heures 20 minutes par jour devant leur ordinateur ou devant la télévision ! Cette « culture des écrans » contribue à la surcharge pondérale : 15 ou 16 % des jeunes sont en surpoids ou souffrent d’obésité. Or nous savons que 80 % des enfants obèses le resteront à l’âge adulte.

Les médecins scolaires se sont-ils rapprochés de ceux qui, à un titre ou un autre, interviennent dans l’alimentation des élèves ou dans l’organisation de la pause méridienne, en particulier des professeurs d’éducation physique et sportive en vue de prescrire aux enfants en surpoids des activités physiques et sportives en dehors de l’école ou de développer le recours à la « mobilité douce » ? Puisque se prépare une nouvelle organisation du temps éducatif, ne peut-on envisager, dans ce cadre, de consacrer l’après-midi à des activités physiques, sportives et culturelles ?

Mme Nathalie Chabanne. Les phénomènes de harcèlement, qui jusqu’ici concernaient presque exclusivement des adolescents, gagnent de plus en plus à l’école primaire. Or il est très difficile de détecter les enfants qui sont ainsi victimes de leurs camarades. Les enseignants n’y sont pas plus formés qu’au repérage des cas de dyslexie ou de dyscalculie ; en conséquence, il peut s’écouler des mois avant que l’enfant n’exprime lui-même sa souffrance. Mais les enseignants seront alors impuissants à l’aider, d’autant qu’ils n’ont plus la possibilité de recourir à des psychologues ou aux réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED). Existe-t-il un relais entre ces enseignants, les infirmières scolaires et au moins un interlocuteur médical formé à ces questions ?

M. François de Rugy. Je m’associe aux propos de François Brottes quant à la nécessité d’un partenariat avec les collectivités locales.

À quel ministère – Éducation nationale ou Santé – rattacher les médecins et infirmières scolaires ?

Vous dites, monsieur le rapporteur, vouloir éviter les démarches militantes d’intervenants extérieurs. Je ne comprends pas, ou plutôt je préfère ne pas comprendre... Il va de soi que ces intervenants, qui n’agiraient qu’en complément des personnels de santé, devraient eux-mêmes être des professionnels : il pourrait notamment s’agir de psychologues ou de psychiatres, seuls aptes à détecter certains troubles. L’effort devrait d’ailleurs porter spécialement sur les territoires qui en ont le plus besoin, sachant qu’il existe une corrélation très nette entre situation économique et sociale et situation sanitaire. Une politique uniforme serait une aberration.

M. Pierre Morange. La MECSS, que je préside, a eu l’occasion de dénoncer les imperfections de la gouvernance de notre santé publique, et l’absence d’articulation entre les différents dispositifs comme de coordination entre les différentes autorités, ce qui nous a conduits à suggérer la création d’un délégué interministériel placé sous l’autorité du Premier ministre. Nous avons également appelé à une actualisation de la loi quinquennale de santé publique, qui énonce tant d’objectifs – plus de cent – qu’elle en devient contre-productive : nous devons désormais nous concentrer sur quelques priorités claires.

L’intervention du médecin scolaire ne suffit pas. Il faut tout un travail éducatif visant à modifier les comportements, en sorte d’en finir avec cette scandaleuse inégalité que constitue un écart d’espérance de vie de six ou sept ans entre nos concitoyens ; les dernières études internationales ont démontré que cette différence n’était pas liée uniquement aux conditions de travail mais, plus fondamentalement, à des inégalités culturelles qui prennent leur source, dès le plus jeune âge, dans le cursus éducatif.

Avec le concours de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES), a été mis en place il y a quelques années, en particulier dans la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur mais également à Lille, un programme d’éducation sanitaire obligatoire. Destiné aux classes de CE2, CM1 et CM2, il fédérait personnels de médecine scolaire, enseignants, directeurs d’établissement, associations de parents d’élèves et collectivités territoriales. Les résultats de cette expérimentation ont été spectaculaires si l’on en juge par les résultats d’une évaluation, effectuée quelques années plus tard, en classe de troisième, et portant sur quatre points : tabagisme, alcoolisme, sédentarité et obésité. Par rapport à des classes témoins qui n’avaient pas bénéficié de ce programme, on a constaté un écart vertigineux des taux d’intoxication alcoolique et tabagique, un écart notable pour ce qui est des addictions et un écart de 15 à 20 % des cas de surcharge pondérale. En septembre 2013, grâce à un financement de la caisse primaire d’assurance maladie, ce programme sera étendu aux 25 écoles élémentaires de ma circonscription.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Monsieur Brottes, vous nous reprochez une approche corporatiste, mais il faut bien voir que les problèmes d’effectifs et de moyens sont ici centraux. Nous avons pu constater des actions très positives ici ou là – dans les académies d’Aix-Marseille et de Lille, notamment –, mais les médecins et les infirmières scolaires sont si peu nombreux qu’ils parent au plus urgent. S’ils s’occupent par exemple de l’insertion scolaire des enfants handicapés ou organisent des visites médicales dans les lycées professionnels, ils sont contraints ensuite de délaisser d’autres points pourtant essentiels. Ainsi, alors qu’il y a consensus sur la nécessité de maintenir la visite en cours préparatoire, ce n’est pas toujours le cas dans la pratique. La création d’un corps de médecins de prévention serait la bienvenue, mais comment sera-t-elle possible sachant que, dans trois ou quatre ans, nous aurons encore perdu quelques centaines de médecins scolaires ? La situation oblige à des choix : ce n’est pas satisfaisant, mais c’est ainsi. On va au plus urgent, au « plus obligatoire », et il est clair qu’il en résulte de graves lacunes.

La lutte contre le harcèlement relève de l’éducation à la citoyenneté et non de la santé scolaire, seul objet de notre rapport. Quoi qu’il en soit, compte tenu de l’état d’urgence dans lequel elle se trouve, la médecine scolaire n’en a pas les moyens. Puisqu’on ne pourra tout faire, il importe de clarifier les objectifs. Mais cela pose notamment le problème délicat du pilotage interministériel…

La contribution des collectivités a en effet permis des expériences très intéressantes à Villeurbanne, à Montpellier, à Lyon, à Lille… Cette participation, qui peut aller au-delà de la mise à disposition de locaux, pose cependant un problème d’équité territoriale, toutes les collectivités n’agissant pas de même. Il faut que les enfants bénéficient partout de la même prise en charge.

M. Xavier Breton, rapporteur. Si notre approche est quelque peu corporatiste ou si nous avons négligé le rôle des collectivités, monsieur Brottes, c’est que ce rapport est un rapport de suivi, dont l’objet est de présenter ce qui a été réalisé au cours de l’année précédente. Or il s’est essentiellement agi d’évolutions statutaires. Cela étant, il vaudrait effectivement la peine de s’intéresser à la « territorialisation » de la médecine scolaire, en lien à la fois avec l’Éducation nationale et avec les collectivités.

Monsieur Juanico, la pratique du sport nous renvoie à l’articulation entre les diverses politiques de santé publique et la politique de santé scolaire. Dans le même ordre d’idées, je serais enclin pour ma part à insister sur la question du sommeil des enfants, le rapport sur les rythmes scolaires que j’ai rédigé avec Yves Durand nous ayant conduits à des constats inquiétants en la matière.

S’agissant de la lutte contre le harcèlement, l’absence de formation des enseignants est une chose mais tous les problèmes ne peuvent être médicalisés. Il faut trouver un niveau intermédiaire qui pourrait consister à disposer au sein de chaque établissement d’une personne capable de détecter ces problèmes avant de diriger les enfants vers les personnes qualifiées.

Même si elle est insuffisamment développée, l’implication des parents d’élèves n’est pas une idée nouvelle : il va de soi qu’ils doivent être totalement associés à toute politique de la santé scolaire, ne serait-ce que parce qu’ils sont en première ligne pour veiller à la bonne alimentation et au sommeil des enfants.

M. le président Claude Bartolone. Je remercie les rapporteurs.

Le Comité autorise la publication du présent rapport de suivi.

ANNEXE

CIRCULAIRE N° 2002-024 DU 31 JANVIER 2002 RELATIVE À LA MISE
EN œUVRE D’UN PLAN D’ACTION POUR LES ENFANTS ATTEINTS
D’UN TROUBLE SPÉCIFIQUE DU LANGAGE ORAL OU ÉCRIT

1 () Circulaire du 2 décembre 2011 sur la politique de santé dans les territoires académiques.

2 () Rapport d’information n° 3698 présenté le 8 novembre 2011 devant le CEC, p. 53.

3 () Contributions du syndicat des médecins scolaires et universitaires aux ateliers du groupe de travail n° 2 de la concertation sur la refondation de l’école.

4 () Les représentants du HCSP ont notamment évoqué la question de l’encombrement des centres de référence traitant les cas les plus sévères de troubles de l’apprentissage.

5 () À l’approche « populationnelle » classique de la santé publique, qui voit dans l’école le lieu de convergence et de passage obligé de l’ensemble d’une génération d’enfants se sont ajoutées d’autres approches éducatives : informative (fondée sur la transmission d’un savoir scientifique et sanitaire), communautariste (fondée sur la prise de conscience des déterminants individuels et collectifs de la santé, en vue d’une appropriation des moyens d’un changement) ou autonome (fondée sur le sens d’une responsabilité propre dans la préservation de l’intégrité corporelle).

6 () Rapport d’information n° 3968, p. 18.

7 () Ainsi que l’un des rapporteurs l’a montré dans un précédent rapport d’information (rapport d’information n° 3028 sur les rythmes de vie scolaires, présenté le 8 décembre 2010 par MM. Xavier Breton et Yves Durand devant la commission des Affaires culturelles et de l’éducation).

8 () M. Didier Jourdan cite l’exemple du Royaume-Uni, des États-Unis et de l’Irlande (Didier Jourdan, Éducation à la santé : quelle formation pour les enseignants ? )

9 () Définissant les finalités de l’éducation à la santé comme la transmission des connaissances et le développement des compétences permettant aux élèves d’acquérir une capacité à identifier et à s’approprier les comportements utiles à la santé.

10 () Les sept objectifs prioritaires sont les suivants :

– faire acquérir aux élèves de bonnes habitudes d'hygiène de vie ;

– généraliser la mise en œuvre de l'éducation nutritionnelle et promouvoir les activités physiques (intégrant la prévention du surpoids et de l'obésité) ;

– généraliser l'éducation à la sexualité (accès à la contraception et prévention des IST et du sida) ;

– généraliser la prévention des conduites addictives ;

– organiser la prévention des « jeux dangereux » et participer à la prévention et à la lutte contre le harcèlement entre élèves ;

– repérer les signes d'alerte témoignant du mal-être et organiser le cas échéant la prise en charge des élèves repérés, notamment des victimes ou des auteurs de harcèlement ;

– renforcer l'éducation à la responsabilité face aux risques (formation aux premiers secours).

11 () Lors de ses réponses précédentes, le ministère de l’Éducation nationale avait fait référence à une enquête nationale nouvellement engagée sur les projets d’éducation à la santé mis en œuvre dans les établissements. Les résultats de cette enquête ont été publiée dans la revue du ministère « Note d’information – semaine du 11-17 décembre 2012 ». Leur interprétation est cependant malaisée en ce qui concerne l’impact des projets d’éducation à la santé auprès des jeunes, les interrogations étant centrées sur les modalités de mise en œuvre des instructions ministérielles par les chefs d’établissements.

12 () Évoquée par le rapport d’information n° 3968 (pp. 103 et 75) ainsi que par le Pr Danièle Sommelet dans son rapport « L’enfant et l’adolescent : un enjeu de société, une priorité de système de santé » de mars 2007.

13 () Ne faisant pas exception à la règle, la dernière circulaire du ministère de l’Éducation nationale publiée le 2 décembre 2011 comporte ainsi 20 pages de « ressources » de toute nature, pour quatre pages d’instructions.

14 () Article 2 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004, mis en place par le décret n° 2005-1202 du 22 septembre 2005.

15 () L’article indiquait notamment que le Comité national de la santé publique contribuait :

« 1° À la définition, à court et moyen terme, des priorités de santé publique en matière de prévention et de sécurité sanitaire compte tenu des objectifs pluriannuels inscrits dans le rapport annexé à la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique et à la cohérence de l'allocation des ressources correspondantes ;

2° À la coordination dans ces domaines des actions mises en œuvre par les différents services de l'État et les régimes d'assurance maladie ;

3° À la détermination des modalités d'évaluation de la politique publique dans ces domaines. »

16 () Les problèmes de santé étudiés par la HAS sont les troubles de l’apprentissage, les troubles de l’hyperactivité avec déficit de l’attention, les anomalies du développement pubertaire, la scoliose, l’obésité, l’asthme et rhino-conjonctivite allergique, les troubles de la vision et de l’audition, les risques liés à la sexualité, les troubles anxieux, les conduites à risque, les troubles des conduites, les troubles oppositionnels, les conduites suicidaires, les consommations de produits addictifs, les troubles du comportement alimentaire et la dépression.

17 () Circulaire n° 2001-114 du 20 juin 2011.

18 () L’expertise collective de l’INSERM intitulée Santé de l’enfant : propositions pour un meilleur suivi rappelle que « depuis la séparation entre le service infirmier et le service médical en 2001, les conditions d’une bonne coopération sont devenues difficile et les modes de collaboration très variables d’un département à l’autre ». La nécessité d’un dialogue plus serein a été également perçue par les participants à la concertation sur la refondation de l’école, qui ont pris note de la diffusion par le Syndicat national des infirmiers conseillers de santé (SNICS) et le Syndicat national des infirmiers éducateurs de santé (SNIES) le 20 septembre 2012 d’un communiqué de presse réaffirmant l’opposition de ces syndicats à un « éventuel pilotage ou cadrage médical de la politique de santé des élèves ».


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