N° 764 - Rapport d'information de MM. Denis Jacquat et Jean-Louis Touraine déposé en application de l'article 146-3 du règlement, par le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l'évaluation des politiques publiques de lutte contre le tabagisme



N° 764

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 février 2013.

RAPPORT D’INFORMATION

déposé
en application de l’article 146-3, alinéa 6, du Règlement

par le COMITÉ D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES POLITIQUES PUBLIQUES
sur l’évaluation des politiques publiques de lutte contre le tabagisme

et présenté

PAR MM. Denis JACQUAT et Jean-Louis TOURAINE

Députés.

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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS 11

I.– UNE PRIORITÉ POUR L’ACTION PUBLIQUE : ACCROÎTRE L’EFFICACITÉ DE LA POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LE TABAGISME 17

A.– DES OBJECTIFS PEU LISIBLES MALGRÉ L’IMPORTANCE DE L’ENJEU 17

1. Un enjeu majeur pour la collectivité 17

2. Des objectifs foisonnants et évolutifs 19

3. Un suivi perfectible avec des failles dans le dispositif d’observation 22

B.– DES EFFORTS RÉELS AU COURS DE LA DERNIÈRE DÉCENNIE, MAIS DES MOYENS DISPERSÉS ET INÉGALEMENT MOBILISÉS 23

1. Des moyens administratifs dispersés 23

2. Des moyens budgétaires relativement limités 24

3. Un cadre réglementaire protecteur mais insuffisamment appliqué et une utilisation discontinue du levier fiscal 25

C.– DES RÉSULTATS INSUFFISANTS 26

1. Une hausse de la prévalence tabagique entre 2005 et 2010, qui reste supérieure aux objectifs fixés et à celle de pays voisins 26

2. Des problématiques particulières : les jeunes, les femmes et les personnes en situation de précarité 31

3. Des progrès toutefois significatifs en matière de tabagisme passif 35

II.– LA STRATÉGIE : RÉNOVER LA GOUVERNANCE ET LE PILOTAGE POUR ENGAGER DANS LA DURÉE UNE ACTION GLOBALE ET COORDONNÉE 38

A.– RENFORCER LA COORDINATION ET CLARIFIER LES COMPÉTENCES 38

1. Au niveau interministériel : améliorer le dispositif de coordination avec un portage politique fort et continu 38

2. Au niveau des opérateurs : clarifier les compétences et l’organisation des agences sanitaires 41

3. Au niveau régional : soutenir le développement de politiques territoriales et partenariales de prévention 44

B.– ÉLABORER UNE STRATÉGIE PLURIANNUELLE DE RÉDUCTION DU TABAGISME AVEC UN SUIVI RESSERRÉ, SOUS LE CONTRÔLE DU PARLEMENT 46

1. Un pilotage plus stratégique : une priorité et des objectifs clairement définis dans la prochaine loi de santé publique 47

2. Un pilotage plus resserré et plus réactif : se doter d’un tableau de bord permettant de suivre de près les principaux indicateurs 48

3. Un pilotage plus exigeant : améliorer l’information du Parlement et rendre compte régulièrement des résultats de l’action publique 51

C.– DÉVELOPPER LA RECHERCHE ET L’ÉVALUATION POUR MIEUX ÉTAYER LA DÉCISION PUBLIQUE 54

III.– LES INSTRUMENTS : UTILISER ET METTRE EN SYNERGIE TOUS LES LEVIERS DE L’ACTION PUBLIQUE, AVEC UNE LARGE MOBILISATION DES ACTEURS 58

A.– APPLIQUER : CRÉER LES CONDITIONS D’UNE MEILLEURE MISE EN œUVRE DE LA RÉGLEMENTATION 59

1. Tirer les enseignements d’une application incomplète des interdictions de fumer dans les lieux publics et de la vente de tabac aux mineurs 59

2. Établir un programme national de contrôle avec des objectifs chiffrés par département 62

3. Prévoir des mesures d’accompagnement et préciser la réglementation 63

B.– PRÉVENIR ET DISSUADER 65

1. Utiliser le levier fiscal dans un objectif de santé publique et amplifier la lutte contre les achats hors du réseau des buralistes 65

2. Réduire l’attractivité des produits du tabac 75

3. Développer des stratégies ambitieuses de prévention et de communication 82

C.– PRENDRE EN CHARGE 86

1. Améliorer le remboursement des produits d’aide au sevrage 86

2. Renforcer l’implication des professionnels de santé 90

3. Améliorer la prise en charge et intensifier les actions en direction des femmes enceintes 93

AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES 97

EXAMEN PAR LE COMITÉ 117

ANNEXES 127

ANNEXE N° 1 : PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS 129

ANNEXE N° 2 : COMPTE RENDU DE LA TABLE RONDE DU 12 DÉCEMBRE 2012 SUR « LA LUTTE CONTRE LE TABAGISME DES JEUNES : QUELS RÉSULTATS, QUELS AXES DE PROGRÈS ? » 133

ANNEXE N° 3 : CONTRIBUTION DU SECRÉTARIAT DE LA CONVENTION-CADRE DE L’ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ (OMS) POUR LA LUTTE ANTI-TABAC 151

ANNEXE N° 4 : ÉPIDÉMIOLOGIE ET ASPECTS SOCIOLOGIQUES CONCERNANT LES JEUNES ET LE TABAC 155

ANNEXE N° 5 : SUIVI DE LA MESURE 10 « POURSUIVRE LA LUTTE CONTRE LE TABAC » DU PLAN CANCER 2009-2013 171

ANNEXE N° 6 : CAMPAGNES ANTI-TABAC DE 2002 À 2012 DE L’INSTITUT NATIONAL DE PRÉVENTION ET D’ÉDUCATION A LA SANTÉ (INPES) 175

ANNEXE N° 7 : RÉGLEMENTATION ET MESURES DE LUTTE CONTRE LE TABAGISME AU ROYAUME-UNI 179

COMMUNICATION DE LA COUR DES COMPTES SUR L’ÉVALUATION DES POLITIQUES DE LUTTE CONTRE LE TABAGISME 183

INTRODUCTION

La consommation de tabac constitue aujourd’hui, et de loin, la première cause de mortalité évitable en France, avec environ 73 000 décès chaque année, soit 200 morts par jour. En particulier, le tabagisme est actuellement responsable de plus d’un décès sur cinq chez les hommes.

Enjeu majeur de santé publique, le tabagisme représente également une charge élevée pour la collectivité, même si la mesure précise de ses coûts sanitaires et sociaux mériterait d’être approfondie. Une étude publiée en 2006 avait ainsi estimé le coût social total du tabagisme à environ 47 milliards d’euros (1).

Entre liberté individuelle et protection collective, les politiques de lutte contre le tabagisme ont permis plusieurs progrès significatifs, en particulier suite à la « loi Evin » de 1991 (2) , au premier Plan cancer de 2003 ainsi qu’au décret du 15 novembre 2006 relatif à l’interdiction de fumer dans les lieux publics, qui visait à renforcer la protection de la population contre le tabagisme passif.

Toutefois, les dernières données disponibles font état d’une remontée préoccupante de la prévalence tabagique sur la période récente, en particulier chez les femmes. En effet, les fumeurs réguliers représentaient 29,1 % de la population âgée de 15 à 75 ans en 2010, contre 27 % en 2005 (3), marquant ainsi une rupture après plusieurs années de baisse continue, et les objectifs chiffrés fixés par la loi de santé publique de 2004 sont encore loin d’être atteints.

Par ailleurs, alors que la France a été le premier pays en Europe à ratifier la convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la lutte anti-tabac (CCLAT), en 2004, ses résultats sont aujourd’hui clairement moins bons que plusieurs pays voisins, par exemple le Royaume-Uni, où la prévalence tabagique a significativement baissé depuis plusieurs années : désormais, seul un anglais sur cinq fume, contre une personne sur trois en France.

Le tabagisme reste ainsi un enjeu collectif majeur mais aussi une « urgence durable », selon les termes du directeur général de la santé, M. Jean-Yves Grall (4).

Il était donc particulièrement nécessaire de passer au crible de l’évaluation l’ensemble de l’action publique dans ce domaine, c’est-à-dire d’apprécier les résultats obtenus au regard des objectifs assignés et des moyens mis en œuvre, en vue d’accroître l’efficacité de la politique publique de lutte contre le tabagisme.

Aux termes de l’article 47-2 de la Constitution, tel qu’issu de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, « la Cour des comptes assiste le Parlement et le Gouvernement (…) dans l’évaluation des politiques publiques ». En application de cette disposition constitutionnelle, l’article L. 132-5 du code des juridictions financières (5) donne la possibilité au Président de l’Assemblée nationale de saisir la Cour des comptes d’une demande d’évaluation d’une politique publique, de sa propre initiative ou sur proposition du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC).

Sur le fondement de ces dispositions, le Comité a décidé, lors de sa réunion du 30 juin 2011, de demander l’assistance de la Cour pour l’évaluation des politiques publiques de lutte contre le tabagisme, sur la proposition du Président de l’Assemblée nationale, président du CEC, M. Bernard Accoyer. La programmation de cette évaluation avait initialement pour objectif de faciliter la reprise des travaux du Comité, dès l’ouverture de la quatorzième législature.

Par lettre en date du 18 juillet 2011, le Président de l’Assemblée nationale a formellement saisi la Cour des Comptes d’une demande concernant « l’évaluation des politiques publiques de lutte contre le tabagisme ». La sixième chambre de la Cour, compétente sur les questions de santé publique, a conduit à l’automne 2011 de premières investigations sur le sujet. Ultérieurement, une réunion de travail avec M. Jean Mallot, vice-président du Comité, et un échange de courriers entre le Premier président de la Cour et le Président de l’Assemblée nationale ont permis de préciser le champ de la mission et les modalités d’intervention de la Cour (6).

Suite à la reconstitution du Comité sous la présente législature, M. Denis Jacquat (UMP) et M. Jean-Louis Touraine (SRC) ont été désignés rapporteurs par le Comité, le 18 octobre dernier. Une réunion organisée avec l’équipe des magistrats de la Cour, en octobre dernier, a permis de présenter la méthodologie et la nature des investigations engagées pour cette évaluation.

Le 13 décembre 2012, le rapport de la Cour a été présenté par le Premier président, M. Didier Migaud, lors d’une réunion du CEC dont le compte rendu est présenté en annexe.

Résultat de plus d’une année d’investigations, cette étude de grande qualité a permis aux rapporteurs de disposer d’un état des lieux précis sur ces questions. Les rapporteurs tiennent à saluer les moyens importants mobilisés par la Cour pour cette évaluation, en particulier, outre les auditions des parties prenantes, la constitution d’un groupe d’appui dont les membres ont été choisis pour la diversité de leurs compétences, une revue de la jurisprudence et de la littérature scientifique internationale ainsi que des déplacements en région et à l’étranger.

Au-delà de cette expertise très instructive, les rapporteurs ont également engagé plusieurs travaux et exploité les différentes contributions qui leur ont été adressées pour cette mission d’évaluation, en particulier :

– l’enquête d’opinion commandée par l’Assemblée nationale et réalisée par l’institut IFOP, en juin 2012 ;

– l’organisation de dix auditions et trois tables rondes, ayant permis d’entendre une trentaine de personnes dont la liste est présentée en annexe (experts, représentants des associations de lutte contre le tabagisme, des fabricants et des buralistes, responsables administratifs, etc.) ;

– un déplacement au collège de Fontenay-sous-Bois, en novembre dernier ;

– une table ronde consacrée à la question du tabagisme des jeunes, en présence notamment du directeur général de la santé, ouverte aux membres de la commission des Affaires sociales et dont le compte rendu est présenté en annexe ;

– un questionnaire adressé à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), auquel il a été répondu en décembre 2012 ;

– une contribution écrite du secrétariat permanent de la convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la lutte anti-tabac (CCLAT) ;

– des éléments recueillis auprès de l’ambassade de France au Royaume-Uni sur la lutte contre le tabagisme et les conditions de vente, en février 2013 ;

– une réponse du Commissaire européen chargé de la santé et des consommateurs, M. Tonio Borg, en date du 6 février 2013, en réponse au questionnaire adressé par les rapporteurs.

Les rapporteurs ont également été soucieux de s’appuyer sur les travaux antérieurs de l’Assemblée nationale sur le tabac ou la prévention sanitaire, en particulier les rapports de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss), de missions constituées par la commission des Affaires sociales et par la commission des Finances, de la mission d’information sur l’interdiction de fumer dans les lieux publics (7), ainsi que le rapport récent de M. Yves Bur sur la politique de lutte contre le tabac (8).

Le présent rapport a également pris en compte les travaux parlementaires récents dans le cadre de l’examen des projets de loi de finances (PLF) et de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2013.

Quant au champ temporel retenu pour la présente évaluation, il recouvre les politiques mises en œuvre au cours de la dernière décennie, y compris la proposition de directive européenne sur le tabac, présentée le 19 décembre 2012 – après donc la présentation du rapport de la Cour – ainsi que les mesures prévues par la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012.

Agir plus efficacement pour diminuer la consommation de tabac suppose tout d’abord de poser le bon diagnostic, autrement dit d’identifier les forces et les faiblesses du dispositif actuel et de mesurer dans quelles conditions les objectifs fixés ont été ou non atteints, et pour quelles raisons. Dans cette perspective, la première partie du présent rapport présente les principaux points saillants qui ressortent de l’évaluation de cette politique publique, sans revenir sur le détail des différents dispositifs, compte tenu des développements approfondis sur ce point du rapport de la Cour.

Pour remédier aux faiblesses ainsi identifiées et assurer, dans la durée, la cohérence et l’efficacité de l’action publique, plusieurs propositions sont formulées concernant la gouvernance et le pilotage, dans la deuxième partie du présent rapport. Enfin, différentes mesures doivent être envisagées pour utiliser au mieux tous les leviers de l’action publique (prévention, fiscalité, contrôles, etc.).

Ces propositions concrètes sont guidées par la volonté :

– d’agir simultanément en direction des non-fumeurs, pour éviter la première cigarette, et des fumeurs, pour soutenir au mieux ceux d’entre eux qui souhaitent s’arrêter et donner envie aux autres de s’engager dans cette démarche ;

– de mettre en œuvre des mesures volontaristes et efficaces, en s’inspirant notamment de bonnes pratiques observées à l’étranger, mais aussi réalistes et opérationnelles, en cherchant à comprendre au mieux les difficultés qui peuvent se poser concrètement sur le terrain et à associer davantage les acteurs concernés ;

– de faire une priorité du renforcement de la prévention et de l’aide à arrêt, en particulier auprès des plus jeunes ; une véritable politique de santé publique ne saurait en effet se résumer à un empilement de taxes et d’interdictions.

Par l’ensemble de ces mesures, il s’agit ainsi de poursuivre et d’amplifier les efforts entrepris, pour donner un nouveau souffle à la politique de réduction du tabagisme et placer la France dans le « peloton de tête » des pays les mieux protégés face à ce problème majeur et prioritaire de santé publique.

PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS

PREMIER AXE DE RÉFORME :

RÉNOVER LA GOUVERNANCE ET LE PILOTAGE POUR ASSURER, DANS LA DURÉE, LA COHÉRENCE ET L’EFFICACITÉ DE L’ACTION PUBLIQUE

● Renforcer la coordination et clarifier les compétences

Proposition n° 1 : Renforcer la coordination interministérielle, avec un portage politique fort :

– instituer un comité interministériel de lutte contre le tabagisme, présidé par le Premier ministre et dont le ministre chargé de la santé sera le rapporteur général ;

– confier le secrétariat du comité à la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie (MILDT) et prévoir la désignation d’une personne spécifiquement chargée de la lutte contre le tabac ;

– renforcer le positionnement de la MILDT, en faisant explicitement référence au tabac dans son appellation et dans les textes réglementaires définissant ses missions.

Proposition n° 2 : Clarifier les compétences et l’organisation des différents opérateurs et agences sanitaires :

– préciser, dans les contrats d’objectifs et de moyens, leurs missions respectives et leurs engagements d’actions partenariales en matière de lutte contre le tabagisme ;

– rapprocher certains opérateurs, par exemple la Haute Autorité de santé (HAS) et le Haut conseil de la santé publique (HCSP) ;

– organiser un débat à l’Assemblée nationale sur la réforme des agences sanitaires afin de faire un bilan des résultats de la modernisation de l’action publique (MAP).

Proposition n° 3 : Soutenir le développement de politiques régionales de prévention, en association avec l’ensemble des acteurs concernés, et développer la coordination et la complémentarité des actions au niveau local :

– prendre en compte le tabagisme dans les instructions adressées aux agences régionales de santé (ARS) et dans leurs contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens ;

– impliquer l’ensemble des acteurs concernés (collectivités territoriales, professionnels de santé, santé scolaire, santé au travail, etc.), dans le cadre notamment des commissions de coordination des ARS et de l’élaboration des projets régionaux de santé (PRS).

● Élaborer une stratégie pluriannuelle avec un suivi régulier, sous le contrôle du Parlement : un pilotage plus stratégique, plus resserré et réactif et plus exigeant

Proposition n° 4 : Fixer clairement un cap dans la prochaine loi de santé publique, avec des objectifs mieux identifiés et déclinés dans un plan d’actions :

– faire de la lutte contre tabagisme une des priorités de la prochaine loi de santé publique, en fixant un objectif chiffré de réduction de la prévalence d’ici 5 ans et 10 ans, en population générale et par groupes-cibles (jeunes en particulier) ;

– décliner la loi dans un plan stratégique, adopté et périodiquement réévalué par le comité interministériel, qui précisera les différentes actions programmées en matière de lutte contre le tabagisme et sera décliné au niveau local.

Proposition n° 5 : Assurer un pilotage plus resserré et plus réactif, avec un tableau de bord permettant de suivre de près les principaux indicateurs :

– établir un tableau de bord au moins une fois par an sur le tabagisme, comportant une sélection d’indicateurs pertinents (indicateurs de mise en œuvre, de suivi et de résultats), afin de mesurer régulièrement l’efficacité et la pertinence des leviers utilisés et de mettre en place immédiatement les mesures nécessaires ;

– publier chaque année des données sur la prévalence du tabagisme et sur les modes d’approvisionnement, en particulier hors du réseau des buralistes, pour suivre plus finement l’évolution de la consommation réelle.

Proposition n° 6 : Améliorer l’information et le contrôle du Parlement :

– introduire un indicateur spécifique au tabagisme dans le projet annuel de performances (PAP) du programme 204 annexé au projet de loi de finances ;

– prévoir la présentation d’une estimation des moyens consacrés à la lutte contre le tabagisme, ventilés par grands opérateurs et actions, dans le document de politique transversale (DPT) « Politique de lutte contre les drogues et la toxicomanie » ;

– prévoir le dépôt d’un rapport annuel au Parlement sur les conditions de réalisation de l’objectif chiffré quinquennal de réduction de la prévalence tabagique ainsi que sur les mesures et moyens mis en œuvre pour y satisfaire.

● Mieux étayer la décision publique en développant la recherche

Proposition n° 7 : Développer l’évaluation et la recherche sur le tabagisme, dans le cadre d’un programme pluriannuel interdisciplinaire :

– établir, sous l’impulsion de l’Institut national du cancer (InCA), une stratégie nationale de recherche multidisciplinaire, afin de définir des axes prioritaires et les moyens financiers nécessaires, de renforcer la coordination entre les différents organismes et de faire réaliser une nouvelle estimation du coût du tabac pour la collectivité ;

– développer les évaluations de l’impact des actions locales de prévention (par exemple, par le suivi de cohortes), en confiant à un organisme indépendant une mission de suivi de ces actions et de diffusion des expériences qui ont fait la preuve de leur efficacité ;

– prévoir, dans toutes les études et expertises publiées concernant le tabagisme, la déclaration systématique des liens éventuels de leurs auteurs avec l’industrie du tabac ou l’industrie pharmaceutique.

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SECOND AXE DE RÉFORME :

UTILISER ET METTRE EN SYNERGIE TOUS LES LEVIERS DE L’ACTION PUBLIQUE, EN MOBILISANT L’ENSEMBLE DES ACTEURS

● Créer les conditions d’une meilleure application de la réglementation

Proposition n° 8 : Améliorer l’application de l’interdiction de fumer dans les lieux publics et de la vente du tabac aux mineurs :

– veiller à une application stricte de l’interdiction de fumer dans les lieux fermés et couverts recevant du public (bars à chicha, gares, etc.) ;

– généraliser cette interdiction à l’ensemble des enceintes sportives ainsi qu’aux terrasses n’étant pas totalement en plein air ou séparées des espaces intérieurs ;

– organiser une campagne de communication sur l’interdiction de vente aux mineurs en direction du grand public et prévoir l’obligation de présenter une pièce d’identité lors de l’achat de tabac ;

– mobiliser les corps de contrôle concernés par l’application de la réglementation relative au tabac, en définissant un plan de contrôle annuel avec des objectifs chiffrés d’augmentation des contrôles et un suivi annuel précis par département, rendu public.

●  Mieux prévenir et dissuader en agissant sur l’accessibilité et l’attractivité des produits du tabac

Proposition n° 9 : Réformer la fiscalité des produits du tabac :

– simplifier la fiscalité et taxer à la même hauteur tous les produits du tabac ;

– à l’avenir, privilégier un relèvement de la fiscalité des produits du tabac en vue d’une augmentation significative des prix, plutôt que plusieurs augmentations de prix régulières et modérées à l’initiative des fabricants.

Proposition n° 10 : Amplifier la lutte contre les achats hors du réseau des buralistes (achats illicites et transfrontaliers) :

– prendre rapidement toutes les mesures nécessaires à la mise en œuvre des dispositions prévues par le protocole international de lutte contre le commerce illicite, adopté en novembre 2012, la loi de finances rectificative du 29 décembre 2012 (marquage des paquets et traçabilité) et la prochaine directive sur le tabac ;

– développer les coopérations internationales pour réprimer plus efficacement le trafic de tabac et renforcer les moyens de lutte contre les achats sur Internet ;

– promouvoir une meilleure harmonisation de la fiscalité et des prix, aux niveaux européen et bilatéral, et l’introduction d’une disposition communautaire spécifique permettant un strict encadrement quantitatif des importations privées de tabac.

Proposition n° 11 : Réduire l’attractivité des produits du tabac :

– élargir à l’ensemble des produits du tabac les interdictions relatives aux « cigarettes-bonbons », étendre le champ de ces interdictions à certains arômes, dans le cadre de la directive sur le tabac en cours de discussion, et interdire les cigarettes très fines ;

– accroître la taille des avertissements sanitaires sur les paquets, étudier les effets de la vente sous le comptoir à l’étranger, et diligenter une évaluation de l’impact de l’introduction des paquets neutres, dans la perspective d’une éventuelle application en France, voire dans l’ensemble de l’Union européenne ;

– interdire la publicité sur les lieux de vente ;

– prévoir la diffusion d’un message antitabac avant la diffusion de films comportant une séquence de valorisation du tabac.

●  Mieux prévenir et dissuader en développant des stratégies ambitieuses de communication et d’éducation à la santé

Proposition n° 12 : Développer des stratégies plus ambitieuses de prévention et de communication :

– organiser régulièrement des campagnes d’information relayées au niveau local, comprenant à la fois des messages offensifs et une communication positive valorisant les non-fumeurs et les bienfaits de l’arrêt du tabac ;

– développer des actions de prévention et d’accompagnement ciblées sur les femmes, les jeunes et les populations précaires ;

– soutenir le développement et le suivi des actions d’éducation à la santé en milieu scolaire, en y impliquant les jeunes et l’ensemble de la communauté éducative, les parents et des intervenants extérieurs et en améliorant la formation des enseignants.

●  Améliorer la prise en charge par le système de santé

Proposition n° 13 : Améliorer la prise en charge des substituts nicotiniques, en prévoyant leur remboursement intégral comme des médicaments, avec une mobilisation accrue de l’Assurance maladie.

Proposition n° 14 : Mieux associer les professionnels de santé, en particulier les généralistes, à la politique de lutte contre le tabagisme :

– améliorer la formation initiale et continue des professionnels de santé sur les addictions et la prise en charge de la dépendance tabagique et mettre à la disposition des médecins libéraux des outils spécifiques d’information des patients, en sensibilisant les professionnels au fait que le tabac demeure la première cause de mortalité évitable et qu’il s’agit donc de la première préoccupation de santé publique ;

– encourager et valoriser l’implication des médecins en matière de prévention, en expérimentant l’introduction d’un indicateur relatif au tabac dans le dispositif de rémunération sur objectifs de santé publique (« pay for performance ») ainsi que des consultations de prévention dédiées, à certaines tranches d’âge ;

– instaurer un parcours d’aide au sevrage coordonné impliquant les médecins traitants, les pharmaciens et les personnels paramédicaux ;

– renforcer les consultations d’addictologie dans les structures hospitalières et médico-sociales, en identifiant des compétences spécialisées en tabacologie.

Proposition n° 15 : Améliorer la prise en charge et intensifier les actions en direction des femmes enceintes :

– renforcer la formation de l’ensemble des professionnels de santé sur les effets du tabagisme pendant la grossesse et former les professionnels impliqués dans le suivi de la grossesse au dépistage et à la prise en charge du tabagisme ;

– généraliser la mesure du monoxyde de carbone expiré pendant les consultations de suivi de grossesse et soutenir le déploiement du dispositif « Maternité sans tabac » et procéder régulièrement à son évaluation ;

– organiser régulièrement des actions de communication en direction des femmes enceintes.

I.– UNE PRIORITÉ POUR L’ACTION PUBLIQUE : ACCROÎTRE L’EFFICACITÉ DE LA POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LE TABAGISME

Selon la définition prévue par le décret du 18 novembre 1998 (9), l’évaluation d’une politique publique a pour objet « d’apprécier l’efficacité de cette politique en comparant ses résultats aux objectifs assignés et aux moyens mis en œuvre ».

Afin de pouvoir envisager les mesures les plus appropriées, il convient donc d’examiner successivement les objectifs assignés aux politiques publiques de lutte contre le tabagisme, les moyens mis en œuvre ainsi que les principaux résultats observés. Il en ressort que des efforts significatifs ont été faits au cours de la dernière décennie, mais qu’ils doivent encore être amplifiés pour mieux répondre à cette priorité de santé publique.

A.– DES OBJECTIFS PEU LISIBLES MALGRÉ L’IMPORTANCE DE L’ENJEU

Si le tabagisme a de très lourdes conséquences sanitaires, économiques et sociales, l’importance particulière de cette question de santé publique ne semble que partiellement prise en compte dans la définition et le suivi des objectifs assignés aux politiques publiques.

1. Un enjeu majeur pour la collectivité

Sur le plan sanitaire, la consommation de tabac est un facteur de risque majeur des maladies cardio-vasculaires, des cancers des poumons et de la vessie ainsi que d’autres pathologies. Selon une étude épidémiologique récente (10), le tabagisme serait aujourd’hui responsable d’environ 73 000 décès par an. Outre les décès qui lui sont directement liés, le tabagisme est également une source de handicap importante par les conséquences qu’il entraîne (insuffisance respiratoire, maladies pulmonaires obstructives, insuffisance cardiaque…) et par les thérapeutiques lourdes qu’il impose. Il s’agit ainsi d’une cause très importante de mortalité et de morbidité (11).

En Europe, le tabagisme est responsable d’environ 700 000 décès précoces, soit plus de quatre fois plus que les accidents de la route, les homicides, les drogues, le sida, les suicides et les accidents du travail réunis, comme l’illustre le graphique ci-après. Par ailleurs, près de la moitié des fumeurs décèdent prématurément, en moyenne 14 ans plus tôt que les non-fumeurs.

NOMBRE DE DÉCÈS ANNUELS ATTRIBUABLES AU TABAGISME DANS L’UNION EUROPÉENNE PAR RAPPORT À D’AUTRES CAUSES DE MORTALITÉ


Nombre de décès annuels causés par le tabagisme, les accidents de la route, les drogues, les suicides, les homicides, le sida et les accidents du travail

Source : Commission européenne, infographie «Tobacco in the EU. Why we care » (2012)

Enjeu majeur de santé publique, le tabagisme représente également une charge élevée pour la collectivité, beaucoup plus importante que les recettes fiscales qu’il génère (15 milliards d’euros par an (12)).

En effet, une étude publiée en 2006 (13) avait estimé à plus de 45 milliards d’euros le coût social total du tabagisme, en prenant notamment en compte les coûts sanitaires directs mais aussi ceux liés aux pertes de prélèvements obligatoires, de revenus et de productivité liées à la morbidité et aux décès prématurés des fumeurs.

LE COÛT SOCIAL DU TABAGISME EN FRANCE SELON UNE ESTIMATION PUBLIÉE EN 2006

(en millions d’euros et en pourcentage)

Sources des coûts sociaux

Montant

Coûts directs des soins (soins hospitaliers et médecine de ville)

18 254,22 (38,24 %)

Coûts directs de prévention et de recherche

2,82

Coûts directs de pertes de prélèvements obligatoires

3 737,80 (7,83 %)

Autres coûts directs imputables (incendies)

1,78

Coûts indirects des pertes de revenu et des pertes de production

25 743 (53,92 %)

Coût social total

47 739,62

Coût social en pourcentage du produit intérieur brut (PIB)

3,05 %

Source : Pierre Kopp et Philippe Fenoglio, « Le coût social de l’alcool, du tabac et des drogues illicites en 2000 », Actualité et dossier en santé publique (ADSP) n° 55 (juin 2006)

Plus récemment, une étude menée par la CNAMTS, à la demande de la Cour, estime à 12 milliards d’euros par an la charge liée au tabac pour la seule branche maladie du régime général. Cette évaluation reste toutefois très partielle, faute d’une analyse fine des effets indirects et différés du tabagisme.

Si l’estimation de l’ensemble des coûts du tabagisme peut soulever plusieurs questionnements méthodologiques, en particulier pour l’évaluation des coûts indirects, une étude publiée en 2011 (14), qui s’inscrivait dans le cadre d’une analyse « coût-bénéfice », sous ces mêmes réserves, chiffrait à environ 14 milliards d’euros l’impact négatif du tabac sur le bien être de la collectivité. En Angleterre, le coût global du tabagisme, qui est à l’origine d’environ 80 000 décès par an, a été évalué à 13,7 milliards de livres par an (15), soit 17,2 milliards d’euros.

2. Des objectifs foisonnants et évolutifs

Si la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique a défini une cible quantifiée de baisse de la consommation, les objectifs assignés à la politique de lutte contre le tabagisme apparaissent foisonnants et assez évolutifs.

● Des objectifs clairement définis dans la loi de santé publique de 2004 mais qui se retrouvent quelque peu « noyés » au sein d’une centaine d’objectifs…

Aux termes de la loi de 2004 précitée, « la loi définit tous les cinq ans les objectifs de la politique de santé publique » et le Gouvernement doit préciser à cette fin, dans un rapport annexé au projet de loi, les objectifs de sa politique et les principaux plans d’action qu’il entend mettre en œuvre (16). Dans ce cadre, cent objectifs de santé publique ont été définis et assortis d’indicateurs, parmi lesquels deux portent spécifiquement sur le tabagisme, actif et passif. Ce rapport annexé prévoyait également plusieurs plans stratégiques ayant, du moins implicitement, valeur de priorité et dont l’un portait sur la lutte contre le cancer.

La loi de santé publique a ainsi permis l’adoption d’un objectif pluriannuel chiffré de réduction de la prévalence (17) tabagique par la représentation nationale, mais aussi, dans son article premier, la ratification la convention-cadre de l’OMS pour la lutte anti-tabac (CCLAT), signée en mai 2003. Alors que la santé publique a trop longtemps constitué le « parent pauvre » du système de santé français, l’instauration d’une démarche structurée pour la définition, la conduite et l’évaluation des politiques publiques de santé, avec un cadre méthodologique fort, a incontestablement marqué un progrès significatif dans ce domaine.

LES OBJECTIFS FIXÉS PAR LA LOI DE SANTÉ PUBLIQUE DE 2004

Objectifs quinquennaux de santé publique

Indicateurs souhaitables pour le suivi

Abaisser la prévalence du tabagisme (fumeurs quotidiens) de 33 à 25 % chez les hommes et de 26 à 20 % chez les femmes d’ici à 2008, en visant en particulier les jeunes et les catégories sociales à forte prévalence (objectif n° 3)

Âge moyen d’initiation au tabac ; prévalence des fumeurs (fumeurs quotidiens) par sexe, classe d’âge et catégorie socioprofessionnelle ; prévalence du tabagisme au cours de la grossesse

Réduire le tabagisme passif dans les établissements scolaires (disparition totale), les lieux de loisirs et l’environnement professionnel (objectif n° 4)

Proportion des lieux de loisirs (restaurants, discothèques…) où l’usage du tabac est effectivement prohibé ou qui limitent la consommation de tabac à des espaces réservés et convenablement ventilés ; Proportion de lieux de travail où l’usage du tabac est prohibé ou qui limitent la consommation de tabac à des espaces réservés et conventualité ventilés.

Source : loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique (rapport annexé)

Toutefois, la révision de la loi de santé publique, initialement programmée pour 2009, n’est pas intervenue depuis lors : de ce fait, les objectifs fixés par le législateur en matière de lutte contre le tabagisme sont restés inchangés depuis 2004. Par ailleurs, comme cela a été souligné à plusieurs reprises au cours des auditions, leur lisibilité a été amoindrie par le nombre important des objectifs quinquennaux définis par ce même texte.

Première cause de mortalité évitable en France, le tabagisme se retrouve en effet relégué au même rang que des questions telles que l’indice carieux des enfants âgés de 6 et 12 ans (objectif n° 91), le sel dans l’alimentation (objectif n° 11) ou encore l’incontinence urinaire (objectif n° 78)… En définitive, la loi de santé publique n’a donc pas permis de faire de la lutte contre le tabagisme une priorité stratégique clairement établie pour l’action publique.

●… et rendus moins lisibles par un foisonnement d’objectifs dans ce domaine et l’interférence d’enjeux extérieurs

Le pilotage de cette politique publique a été également rendu plus complexe par la multiplicité des différents objectifs définis en matière de lutte contre le tabagisme, comme en témoigne le tableau récapitulatif présenté ci-après.

À cet égard, le rapport de la Cour souligne par exemple que le plan de lutte contre les drogues illicites, le tabac et l’alcool, qui recouvrait la période de cinq ans couverte par la loi de santé publique de 2004, a multiplié les objectifs populationnels ou comportementaux, sans toutefois reprendre les objectifs de diminution de la prévalence par sexe qui étaient prévus par celle-ci. L’association Droit des non-fumeurs a également regretté, dans une contribution écrite, que les objectifs en matière de prévention changent avec les gouvernements.

LES PRINCIPAUX OBJECTIFS ASSIGNÉS EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LE TABAGISME

Textes

Objectifs

Convention-cadre de l’OMS

Réduire régulièrement et notablement la prévalence du tabagisme et l’exposition à la fumée du tabac (CCLAT).Cible préconisée par l’OMS pour la région Europe : prévalence inférieure à 20 %.

Loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique

Abaisser la prévalence du tabagisme (fumeurs quotidiens) de 33 à 25 % chez les hommes et de 26 à 20 % chez les femmes d’ici à 2008 en visant en particulier les jeunes et les catégories sociales à forte prévalence (objectif n° 3).

Réduire le tabagisme passif dans les établissements scolaires (disparition totale), les lieux de loisirs et l’environnement professionnel (objectif n° 4).

Projet annuel de performance (PAP) annexé au PLF pour 2013

Pas d’objectif et d’indicateur portant spécifiquement sur le tabac.

À noter cependant qu’au cours des années précédentes, des PAP comportaient des indicateurs sur le tabagisme, par exemple en 2010 (prévalence du tabagisme quotidien chez les jeunes) ou en 2006 et 2007 (pourcentage de la prévalence du tabagisme dans la population, par sexe et pour les jeunes).

Programme de qualité et d’efficience (PQE) « Maladie »

Annexe 1 au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2013

Objectif 2.-3 « Prévenir les conduites addictives » avec notamment deux indicateurs :

– Prévalence du tabagisme quotidien des 15 à 75 ans :

2005

2005

Objectif 2010

Population générale 15-75 ans

27,1 %

29,1 %

24 %

Femmes 15-75 ans

23,3 %

26 %

18,8 %

Jeunes 15-19 ans

23,3 %

23,6 %

28 %

Jeunes 20- 25 ans

42 %

40,9 %

  Prix du paquet de 20 cigarettes le plus bas au 31 décembre :

Plan cancer 2009-2013

Objectifs de la mesure 10 « Poursuivre la lutte contre le tabac » : réduire la prévalence du tabagisme de 30 % à 20 % dans la population française. ; réduire les incitations multiples à la consommation de tabac, afin de limiter la demande de tabac, en prenant également en compte la nécessité de s’attaquer aux inégalités sociales et régionales face au tabac.

Plan cancer pour 2003-2007

Diminution de 30 % du tabagisme des jeunes. Diminution de 20 % du tabagisme des adultes.

Plan contre les drogues 2008-2011

Pas d’objectif portant spécifiquement et exclusivement sur le tabagisme, le plan se concentrant sur l’alcool et les drogues illicites. (Plan gouvernemental de lutte contre les drogues et toxicomanies, MILDT, 2008)

Plan gouvernemental de lutte contre les drogues illicites, le tabac et l’alcool pour 2004-2008

(Chapitre 9 –Évaluer l’action gouvernementale avec des objectifs chiffrés)

Abaisser la prévalence du tabagisme, en visant particulièrement les jeunes et les autres populations prioritaires : diminution de la part des jeunes de moins de 14 ans qui ont expérimenté le tabac (- 25 % au terme de la période quinquennale) ; diminution de la prévalence du tabagisme quotidien chez les jeunes (moins 10 %), diminution de la part de femmes qui fument au cours de leur grossesse (divisé par 2).

Réduire le tabagisme passif en milieu scolaire, dans les trains et dans les établissements de santé pour en faire à terme des lieux exemplaires sans tabac : baisse du pourcentage de fumeurs déclarant qu’il leur arrive de fumer à l’intérieur des trains (divisé par trois au terme de la période quinquennale), diminution du pourcentage de personnel hospitalier qui fume durant les heures de travail (divisé par deux).

Améliorer le respect de l’interdiction de fumer dans les espaces non réservés sur les lieux collectifs (milieu scolaire, hôpitaux, transports, lieux de travail, restaurants et administrations) : augmentation de la part des personnes qui estiment que les zones non-fumeurs sont respectées. (plus 20 %) ; augmentation du personnel hospitalier constatant que la loi Évin est respectée durant les heures de travail.

Réduire le tabagisme chez les professionnels de santé : diminution du pourcentage de médecins généralistes qui consomment du tabac (moins 5 %).

Plan santé des jeunes (2008)

Pas d’objectif concernant spécifiquement le tabagisme des jeunes.

Plan périnatalité 2005-2007

Pas d’objectif concernant spécifiquement le tabagisme des femmes enceintes.

Enfin, les objectifs fixés dans ce domaine ont pu entrer en tension avec des objectifs poursuivis par ailleurs par d’autres politiques publiques et, en particulier, par des préoccupations économiques et budgétaires. Ainsi, l’affectation à la sécurité sociale des recettes fiscales liées au tabac peut rendre plus complexe l’arbitrage entre des objectifs financiers de rendement, du moins à court terme, et des impératifs de santé publique, l’ensemble de ces difficultés étant de nature à affaiblir la vigueur et la continuité de la politique de lutte contre le tabagisme.

3. Un suivi perfectible avec des failles dans le dispositif d’observation

Si différents organismes sont aujourd’hui chargés de produire et d’analyser les principales données relatives au tabagisme, en particulier l’OFDT (18), l’Inpes, la Drees (19) et le Haut conseil de la santé publique, ces deux derniers assurant le suivi et l’évaluation des objectifs de la loi de santé publique, le dispositif d’observation présente toutefois plusieurs insuffisances.

En particulier, le suivi de la prévalence du tabagisme, qui constitue un indicateur central pour le pilotage des politiques de santé, fait l’objet d’une enquête approfondie et de grande qualité – le Baromètre santé publié par l’Inpes – mais qui n’est établie qu’une fois tous les cinq ans. Si d’autres enquêtes sont réalisées sur la consommation déclarée de tabac, elles comportent toutefois des limites, liées par exemple à la petite taille de l’échantillon (comme c’est le cas des baromètres européens) ou ne concernent qu’une partie de la population (les jeunes par exemple).

Par ailleurs, les chiffres des ventes des produits du tabac sont régulièrement rendus publics, mais les données relatives aux achats hors du réseau des buralistes (achats transfrontaliers, par internet, contrefaçon, etc.) ne font l’objet que d’estimations qui ne permettent pas, à l’heure actuelle, d’en mesurer finement les inflexions conjoncturelles. Il en résulte un suivi encore très approximatif des évolutions de la consommation réelle de tabac.

En définitive, la définition des objectifs et des moyens de la lutte contre le tabagisme et le suivi de leur mise en œuvre souffrent d’un dispositif d’observation qui reste lacunaire, discontinu et dispersé, comme l’a constaté le rapport de la Cour.

Or cette situation pose des difficultés sérieuses pour le pilotage des politiques publiques. Par exemple, en l’absence de données nationales sur la prévalence tabagique, en population générale, depuis 2010, il apparaît difficile d’apprécier finement l’impact des mesures prises depuis trois ans, s’agissant en particulier des différentes hausses de prix du tabac.

B.– DES EFFORTS RÉELS AU COURS DE LA DERNIÈRE DÉCENNIE, MAIS DES MOYENS DISPERSÉS ET INÉGALEMENT MOBILISÉS

L’évaluation de la politique de lutte contre le tabagisme nécessite, dans un second temps, d’analyser « les moyens juridiques, administratifs ou financiers mis en œuvre (20) » afin de rechercher s’ils « permettent de produire les effets attendus » et d’atteindre les objectifs fixés. De cette analyse, il ressort que les moyens mobilisés présentent plusieurs limites au regard d’un tel enjeu de santé publique et ce, aussi bien sur les plans administratif et budgétaire que réglementaire et fiscal.

1. Des moyens administratifs dispersés

Au cours de la dernière décennie, des efforts réels ont été accomplis en matière de lutte contre le tabagisme, notamment dans le cadre des deux Plans cancer de 2003 et 2009, de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (21) ainsi que du décret du 15 novembre 2006 sur l’interdiction de fumer dans les lieux publics (« décret Bertrand »).

Le secrétariat permanent de la convention-cadre de l’OMS pour la lutte anti-tabac (CCLAT) souligne d’ailleurs également, dans sa contribution adressée aux rapporteurs à l’occasion de la table ronde sur le tabagisme des jeunes, que des progrès ont été accomplis par la France dans la mise en œuvre de plusieurs articles de la convention, notamment sur le sevrage tabagique, la communication et la sensibilisation du public, la recherche et le suivi ou encore la réglementation et la notification de la composition des produits du tabac.

Toutefois, les moyens mis en œuvre dans le cadre de la politique de réduction du tabagisme apparaissent aujourd’hui singulièrement dispersés, comme cela a été souligné à plusieurs reprises au cours des auditions.

Cette politique se caractérise en effet par l’éclatement des responsabilités entre les différents acteurs concernés. Les actions en matière de tabagisme relèvent ainsi de plusieurs ministères (santé, finances, intérieur, etc.) et, en leur sein, de différentes directions d’administration centrale (direction de la sécurité sociale, direction générale de la santé, des douanes, du budget, etc.), mais aussi des organismes d’assurance maladie (22), d’agences sanitaires – Haute Autorité de santé (HAS), Institut national du cancer (InCA), Inpes, Institut national de veille sanitaire (InVS), HCSP, etc. – de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) et, au niveau local, des agences régionales de santé (ARS).

La complexité du paysage administratif actuel est d’autant plus problématique que la coordination des politiques mises en œuvre est restée pour le moins incertaine, du fait de l’absence persistante d’une instance de décision clairement identifiée et, plus largement, d’un « pilotage marqué par de nombreuses faiblesses », selon le rapport de la Cour.

En outre, les dispositions prises en matière de tabagisme sont dispersées dans plusieurs plans de santé publique, qui recouvrent un champ plus large que cette seule question et dont le contenu et le périmètre ont évolué sensiblement dans le temps, avec parfois des interruptions dans leur succession : Plan cancer 2003-2007, Plan cancer 2009-2013, Plan de prise en charge et de prévention des addictions 2007-2010 (qui n’a pas été reconduit), Plan gouvernemental de lutte contre les drogues illicites, le tabac et l’alcool pour 2004-2008, le second plan contre les drogues piloté par la MILDT ne traitant plus spécifiquement du tabac….

En définitive, le Plan cancer pour 2009-2013 est actuellement le seul dispositif gouvernemental à traiter de la lutte contre le tabagisme (23).

2. Des moyens budgétaires relativement limités

Pour différentes raisons, liées notamment à la multiplicité des acteurs mais aussi à la nomenclature budgétaire actuelle (24), il apparaît difficile d’identifier précisément les moyens publics alloués à la politique de lutte contre le tabagisme, en termes de crédits et de personnels.

Sous ces réserves, il semblerait que les crédits de lutte contre le tabagisme soient demeurés modestes, le rapport de la Cour évoquant en effet des dépenses de prévention du tabagisme relativement faibles, qui ne dépasseraient pas la centaine de millions d’euros par an.

Ce constat rejoint l’analyse développée par M. Yves Bur, dans son rapport récent sur la politique de lutte contre le tabac (25), en estimant qu’« on ne peut que s’étonner des moyens dérisoires consacrés au contrôle du tabac pour la France, moyens estimés entre 0,06 et 0,08 euro par habitant et par an, alors que les pays les plus avancés dans ce domaine y consacrent entre 1 à 5 euros par habitant et par an avec des résultats déjà très appréciables (Australie, Angleterre …) ».

En outre, si le budget total de la mesure 10 relative au tabac du Plan cancer 2009-2013 s’élève à environ 220 millions d’euros sur la période, une partie non négligeable n’a pas été exécutée, comme l’indique le tableau ci-après. Il s’agit essentiellement des crédits du Fonds national de prévention, d’éducation et d’information sanitaires (FNPEIS) de l’Assurance maladie, chargé notamment du remboursement des produits d’aide au sevrage, mais également, dans une plus faible mesure, de ceux de l’Inpes. Il conviendrait par conséquent d’approfondir les raisons de ce phénomène.

Il est également troublant de constater que parmi l’ensemble des dépenses publiques consacrées aux drogues en 2003 (1,15 milliard d’euros), l’essentiel des dépenses concernait les drogues illicites (environ 80 %), la part la plus faible étant consacrée au tabac (moins de 5 %), selon une étude de l’OFDT (26)

EXÉCUTION BUDGÉTAIRE DE LA MESURE 10 DU PLAN CANCER 2009-2013 « POURSUIVRE LA LUTTE CONTRE LE TABAC »

 

Budget total de la mesure

Réalisé 2009-2011

Taux d’exécution

 

Budget de la période 2009-2011

Taux d’exécution de la période

PLFSS (FNPEIS)

171 400 000 €

46 120 079 €

26,9 %

 

79 000 000 €

58,4 %

DGS

8 000 €

8 000 €

100 %

 

8 000 €

100 %

INPES

49 900 000

24 686 364 €

49,5 %

 

29 940 000 €

82,5 %

Total

221 308 000 €

70 814 443 €

32 %

 

108 948 000 €

65 %

Source : Plan cancer 2009-2013 : cinquième rapport d’étape au Président de la République (juin 2012)

Il ne s’agit pas pour autant de donner à penser qu’il faut nécessairement dépenser toujours plus pour améliorer les politiques publiques, a fortiori dans le contexte budgétaire actuel. Il est en revanche nécessaire et légitime d’interroger les priorités données à l’allocation des ressources publiques au regard :

– d’une part, de l’importance particulière de ce problème de santé publique et des moyens par ailleurs prévus pour d’autres actions publiques ; par exemple, les actions de communication routière disposent d’un budget de l’ordre de 55 millions d’euros par an, alors que la mortalité attribuable au tabac est dix-fois huit supérieure à celle des accidents de la route ;

– d’autre part, des recettes fiscales générées par le tabac, qui représentent près de 15 milliards d’euros par an, mais aussi des économies très importantes susceptibles d’être générées à terme, pour l’Assurance maladie et l’ensemble de la collectivité, par des actions de prévention et de diminution du tabagisme.

3. Un cadre réglementaire protecteur mais insuffisamment appliqué et une utilisation discontinue du levier fiscal

S’agissant des moyens juridiques, il apparaît tout d’abord que la France dispose d’une réglementation protectrice. Celle-ci prévoit en effet des obligations, par exemple sur le conditionnement (messages sanitaires), ainsi que de nombreuses interdictions, assorties de sanctions pénales et professionnelles (27), concernant notamment la vente, la publicité ou la propagande directe ou indirecte en faveur des produits du tabac, mais aussi leur composition et leur consommation dans les lieux publics et professionnels.

L’efficacité de ce dispositif est toutefois amoindrie par le nombre limité de contrôles et l’application encore insuffisante de la réglementation, en particulier pour les interdictions de fumer dans les lieux publics et de vendre du tabac aux mineurs, pour les raisons développées dans la dernière partie du présent rapport. Des associations ont ainsi souligné que la France dispose d’un cadre réglementaire « très bon », voire «  avant-gardiste », mais « appliqué de manière incohérente ».

Enfin, rejoignant le constat dressé par la Cour, plusieurs personnes entendues par les rapporteurs ont signalé un fléchissement de l’action publique sur la période récente. De même, le Haut conseil de la santé publique (28) a regretté qu’« aucune initiative majeure n’ [ait] été prise contre le tabagisme actif en France depuis 2005 en dehors de l’interdiction de vente aux mineurs relevée de 16 à 18 ans en juillet 2009 ».

C.– DES RÉSULTATS INSUFFISANTS

Au regard des objectifs assignés aux politiques publiques de lutte contre le tabagisme, et particulièrement ceux fixés par la loi de santé de publique de 2004, les résultats observés apparaissent relativement contrastés et plutôt décevants sur la période récente, s’agissant du moins de la consommation. La prévalence du tabagisme est en effet repartie à la hausse entre 2005 et 2010, en particulier chez les femmes, les jeunes et les personnes en situation de précarité. Les résultats sont toutefois plus positifs concernant le tabagisme passif.

1. Une hausse de la prévalence tabagique entre 2005 et 2010, qui reste supérieure aux objectifs fixés et à celle de pays voisins

Au préalable, il convient de préciser que les données statistiques peuvent faire référence à la prévalence des fumeurs quotidiens, occasionnels ou habituels (29), ce qui peut expliquer des différences de chiffrages selon les estimations.

● Une remontée récente de la prévalence, qui contraste avec un mouvement de baisse continue pendant plusieurs années…

En 2010, 29,1 % de la population âgée de 15 à 75 ans déclarait fumer quotidiennement, soit deux points de plus qu’en 2005. Près de dix ans après son adoption, les objectifs chiffrés fixés par la loi de 2004 n’ont donc toujours pas été atteints, comme l’indique le tableau ci-dessous.

ÉVOLUTION DE LA PRÉVALENCE DU TABAGISME RÉGULIER PAR RAPPORT À L’OBJECTIF FIXÉ PAR LA LOI DE SANTÉ PUBLIQUE DE 2004

 

Prévalence en 2000

Objectif n° 3 fixé en 2004

Prévalence en 2005

Prévalence en 2010

Écart 2010 / objectif de 2004

Hommes

33,3 %

25 %

31,3 %

32,4 %

7,4 points

Femmes

26,8 %

20 %

22,9 %

26 %

6 points

Total

30 %

-

27 %

29,1 %

-

Les données ci-dessus concernent les fumeurs réguliers (au moins une cigarette par jour) au sein de la population âgée de 15 à 75 ans.

Sources : Baromètres santé (Inpes), loi de santé publique du 9 août 2004 et étude de la Cour des comptes

De la même manière, l’objectif d’abaisser à 20 % la prévalence du tabagisme dans la population française, qui était fixé par le Plan cancer 2009-2013, ne pourra pas être atteint. Cette progression sur la période récente marque une rupture avec le mouvement de baisse continue amorcée avec la « loi Veil » de 1976 (30)  et poursuivie après la « loi Evin » de 1991, à la suite de laquelle une inflexion de la courbe de consommation des femmes a pu être observée, comme l’illustre le graphique ci-dessous.

ÉVOLUTION GLOBALE DU TABAGISME (31) ENTRE 1975 ET 2010

Sources : données des enquêtes CFES de 1974 à 2000 et INPES 2003, 2005 et 2010 (présentation de M. François Beck, chef du département Enquêtes et analyses de l’Inpes, le 12 décembre 2012)

Ce graphique fait également apparaître qu’en l’espace de trente ans, la prévalence du tabagisme des hommes a été presque divisée par deux (de 60 % à 38 %), ce qui tend à démontrer une certaine efficacité, au moins sur longue période, des politiques de lutte contre le tabagisme, d’autant plus que le nombre moyen de cigarettes fumées a également diminué sur la période récente (32).

● … ainsi qu’avec les résultats obtenus par d’autres pays voisins.

Selon le rapport de la Cour, les données de comparaisons internationales existantes montrent que la France occupe une « position internationale médiocre » s’agissant de la prévalence tabagique. Sur ce point, le graphique présenté ci-après, issu d’un rapport de l’OCDE de 2011, fait apparaître un niveau de tabagisme quotidien sensiblement plus élevé en France (26,2 %) que dans d’autres pays européens, tels que le Royaume-Uni (21,5 %) ou la Suède (14,3 %), mais aussi une diminution beaucoup moins marquée sur la dernière décennie que la moyenne des pays de l’OCDE.

Le Haut conseil de la santé publique a également souligné récemment que « la France fait partie des pays européens à forte consommation » : avec 32 % de fumeurs quotidiens en 2010 parmi les hommes de 15 à 75 ans, ces données situaient la France au 20ème rang sur 27 pays européens (33). La consommation moyenne en France (13,5 cigarettes par jour) est cependant inférieure à celle d’autres pays européens (34) et une enquête réalisée en mai 2012 au niveau européen (35) fait état de résultats plus encourageants, en situant la France au niveau de la moyenne européenne (28 %), ces données devant néanmoins être interprétées avec prudence, compte tenu de la faible taille de l’échantillon.

Il n’en reste pas moins que si l’on compare, en tendance et en niveau, la position de la France avec celle d’autres pays développés, en particulier le Royaume-Uni, le Canada ou l’Allemagne, le niveau de prévalence tabagique en France est bien supérieur à celui d’autres pays, qui se situe autour de 20 %, soit l’objectif fixé par l’OMS. Selon le secrétariat général de la CCLAT, ce sont surtout les pays ayant de fermes politiques de lutte antitabac et appliquant totalement la convention-cadre qui connaissent une diminution de la consommation du tabac (36).

NIVEAU ET ÉVOLUTION ENTRE 1999 ET 2009 (OU ANNÉE LA PLUS PROCHE) DE LA POPULATION ADULTE DÉCLARANT FUMER QUOTIDIENNEMENT DANS LES PAYS DE L’OCDE


Source : OCDE, Panorama de la santé 2011. Les indicateurs de l’OCDE (novembre 2011)

ÉVOLUTION DE LA PRÉVALENCE DU TABAGISME AU ROYAUME-UNI, AUX ÉTATS-UNIS, AU CANADA, EN FRANCE, ALLEMAGNE, IRLANDE, AUSTRALIE ET EN NOUVELLE-ZÉLANDE

Source : “Healthy lives, healthy people. A tobacco control plan for England”, Department of health (mars 2011)

L’analyse selon laquelle la France se caractérise par « des résultats récents décevants » et une position internationale « médiocre » pourrait toutefois être tempérée :

– d’une part, par le décalage dans le temps qu’il peut y avoir entre le constat ainsi dressé et les données sur lesquelles il s’appuie, qui datent pour l’essentiel de 2010. En effet, il n’est pas à exclure que la consommation ait pu évoluer sensiblement depuis lors, comme peuvent le laisser espérer la diminution de près de 5 % des ventes de cigarettes en 2012 (37) ainsi que les résultats de l’enquête européenne précitée de mai 2012 ;

– d’autre part, par le fait que les résultats des politiques de lutte contre le tabagisme ne doivent pas uniquement être appréciés à l’aune de l’évolution de la consommation et des ventes, y compris sur le marché parallèle – autrement dit, du tabagisme actif – , mais considérer également les évolutions observées en matière de tabagisme passif, lequel faisait l’objet d’un des deux objectifs relatifs au tabac de la loi de 2004, avec des résultats clairement plus satisfaisants sur ce point (cf. infra).

2. Des problématiques particulières : les jeunes, les femmes et les personnes en situation de précarité

Les politiques de lutte contre le tabagisme semblent avoir été sensiblement moins efficaces concernant certaines catégories de la population, évoquées à plusieurs reprises au cours des auditions.

● Les femmes : une progression préoccupante

Alors que la loi de santé publique de 2004 s’était donné comme objectif d’abaisser à 20 % la prévalence du tabagisme chez les femmes, 26 % des femmes déclaraient fumer quotidiennement en 2010, soit trois points de plus qu’en 2005, avec une progression particulièrement marquée chez les femmes de 45 à 64 ans.

ÉVOLUTION DE L’USAGE QUOTIDIEN DE TABAC PARMI LES FEMMES DE 2005 À 2010

Source : Baromètres santé 2005 et 2010 (présentation de M. François Beck, Inpes, 12 décembre 2012)

De plus, les résultats de la France apparaissent clairement moins bons que ceux d’un certain nombre de pays européens (38).

Or cette progression est d’autant plus préoccupante que le tabagisme féminin pose des problèmes particuliers en termes de santé publique (risques accrus pour certains cancers spécifiques aux femmes (39), risques liés à l’association du tabac avec une contraception orale ou encore à sa consommation pendant la grossesse), et qu’elles semblent également avoir plus de difficultés à arrêter (40).

POURCENTAGE DE FUMEURS QUOTIDIENS DANS LES FEMMES ÂGÉES DE 15 ANS ET PLUS EN FRANCE ET EN EUROPE ENTRE 1980 ET 2008

Source : OCDE et Eurostat, Haut conseil de la santé publique (mars 2012)

Pour pouvoir engager des actions de santé publique adaptées, il est en tout état de cause essentiel de chercher à comprendre les ressorts de cette évolution et d’identifier les facteurs susceptibles de favoriser le tabagisme féminin (par exemple, comme cela a été évoqué au cours des auditions, la crainte d’une prise de poids à l’arrêt, la recherche d’une forme d’émancipation, l’influence des médias, voire le conditionnement ou la forme des cigarettes).

● Les populations précaires : un creusement des inégalités sociales

Des études ont montré que la consommation de tabac est pour partie liée au niveau socio-économique, avec une différenciation sociale croissante (41). En 2010, la proportion de fumeurs quotidiens parmi les chômeurs était ainsi sensiblement plus élevée que celle des actifs occupés (51,1 % contre 33,4 %). A contrario, les plus diplômés sont moins souvent fumeurs.

En outre, les fumeurs les plus précaires sont plus dépendants et plus souvent confrontés à l’échec dans leur tentative d’arrêt, alors même que le tabac représente un poste de dépenses significatif – environ 15 % des fumeurs consacrant plus de 20 % de leur revenu au tabac, selon l’Inpes – avec donc un arbitrage qui s’opère aux dépens d’autres consommations, par exemple pour l’alimentation ou la santé, comme cela a été souligné au cours des auditions.

PRÉVALENCE DU TABAGISME RÉGULIER PARMI LES 15 À 75 ANS SELON L’ACTIVITÉ

Source : Baromètres santé (d’après les données présentées le 12 novembre 2012, Inpes)

Le tabagisme est ainsi le reflet des inégalités sociales : de ce fait, des mesures de relèvement des prix prises isolément, c’est-à-dire sans mesure d’accompagnement (aide au sevrage par exemple), pourraient avoir pour effet d’accroître les inégalités sociales de santé et de paupériser davantage ces ménages.

● Les jeunes : un enjeu décisif en termes de santé publique

Le tabac entraîne une forte dépendance et 94 % des fumeurs commencent à fumer avant 25 ans (42) : la priorité est doit donc être de dissuader les jeunes d’allumer leur première cigarette. En effet, la précocité de l’initiation au tabac (cigarettes, mais aussi le tabac à rouler ou le narguilé par exemple) a des conséquences très graves car elle installe durablement une habitude et crée une dépendance plus difficile à combattre, sans compter que le fait de consommer un nombre plus important de cigarettes au cours de sa vie multiplie le risque de pathologies (« effet dose »).

En France, les dernières données disponibles, concernant les fumeurs quotidiens, font état d’une remontée de la consommation chez les jeunes, qui semble également plus élevée, à l’âge de 16 ans, que dans d’autres pays européens.

L’adolescence peut être un contexte favorable au tabagisme, du fait par exemple de l’influence du groupe, d’une recherche identitaire, avec une difficulté à se projeter, ou encore d’un besoin de transgression et d’émancipation, de manière paradoxale s’agissant d’une dépendance. Le tabac pourrait également constituer un « produit d’entrée » vers des produits illicites, tels que le cannabis (43).

TABAGISME DE LA POPULATION EUROPÉENNE ÂGÉE DE 16 ANS


Note : données concernant le tabagisme dans le mois.

Source : enquête Espad 2011 (présentation précitée lors de la table ronde du 12 décembre 2012)

ÉVOLUTION DU TABAGISME QUOTIDIEN DES JEUNES

Source : enquêtes Espad, HBSC, Escapad (présentation précitée du 12 décembre 2012)

Il est donc essentiel de tenir compte de l’ensemble des caractéristiques particulières des populations les plus touchées dans la conception des politiques publiques de lutte contre le tabagisme et ce, aussi bien en matière de prévention que de soutien à l’arrêt.

3. Des progrès toutefois significatifs en matière de tabagisme passif

Au-delà de la prévalence, les politiques doivent également être évaluées à l’aune des résultats observés en matière de protection contre l’exposition de fumée du tabac, dès lors qu’il « est clairement établi, sur des bases scientifiques, que l’exposition à la fumée du tabac entraîne la maladie, l’incapacité et la mort (44) », selon les termes de la convention-cadre de l’OMS (CCLAT).

En France, depuis le décret précité du 15 novembre 2006 (45), il est totalement interdit de fumer dans l’enceinte des établissements scolaires et de santé, et la réglementation est devenue très contraignante pour le milieu professionnel et les lieux de loisirs. Dans le cadre du suivi des objectifs de la loi de santé publique de 2004, le Haut conseil de la santé publique (HCSP) et la DREES ont ainsi souligné les progrès constatés en matière d’exposition au tabac.

SUIVI DE L’OBJECTIF N° 4 RELATIF AU TABAGISME PASSIF DE LA LOI DE SANTÉ PUBLIQUE DU 9 AOÛT 2004

Objectif n° 4 fixé en 2004

Suivi de l’objectif par le HCSP et la DREES

Réduire le tabagisme passif dans les établissements scolaires (disparition totale), les lieux de loisirs et l’environnement professionnel

« L’objectif 4 (tabagisme passif) peut être considéré comme partiellement atteint, même si la disparition totale dans les établissements scolaires n’est pas mesurée. En effet, l’indice mensuel du tabagisme passif de l’Inpes a montré une nette diminution de l’exposition déclarée au tabagisme passif dans les lieux de travail, les lycées, universités et lieux de convivialité, et ce, dès l’application effective de la réglementation. » (HCSP, 2010)

« Le tabagisme passif a par ailleurs été identifié comme un problème spécifique de santé publique. (…). Le décret du 15 novembre 2006 est venu modifier le cadre réglementaire précédent et assure cet objectif de moyens de mise en œuvre beaucoup plus opérationnels. (…). Désormais, les lieux de travail (46) apparaissent effectivement comme des lieux sans fumée de tabac. De façon plus spectaculaire pour les lieux de convivialité que sont les bars, cafés, pubs, hôtels, restaurants et discothèques, l’application du décret d’interdiction apparaît avoir radicalement modifié le paysage tabagique des lieux destinés à un usage collectif » (DREES, 2011)

Sources : Évaluation des objectifs de la loi du 9 août 2004, HCSP (avril 2010), et L’état de santé de la population en France. Suivi des objectifs annexés à la loi de santé de publique. DREES (novembre 2011)

Les rapporteurs se félicitent en particulier de la diminution significative de l’exposition à la fumée du tabac dans les lieux de convivialité, même si l’application de la réglementation reste à améliorer, par exemple sur les terrasses.

ÉVOLUTION DEPUIS 2007 DU NOMBRE DE PERSONNES DÉCLARANT NE JAMAIS ÊTRE EXPOSÉES À LA FUMÉE DES AUTRES DANS LES LIEUX DE CONVIVALITÉ

Source : indice mensuel du tabagisme passif Inpes/BVA (2010)

Au regard de l’interdiction de fumer dans les lieux publics, la France se situe ainsi parmi les pays ayant un niveau élevé de protection, comme l’illustre le graphique ci-après (47).

LÉGISLATIONS SUR L’INTERDICTION DE FUMER DANS LES LIEUX PUBLICS EN EUROPE EN MARS 2011


En conclusion, ainsi que l’a indiqué l’une des associations entendues par les rapporteurs, les politiques publiques de lutte contre le tabagisme ont permis de faire évoluer considérablement la protection des individus mais leur évolution, jugée erratique, n’a pas permis de considérer ce fléau à sa juste valeur. En outre, près de dix ans après sa signature, certains articles de la convention-cadre de l’OMS pour la lutte anti-tabac doivent faire l’objet d’une plus grande attention pour assurer le plein respect des exigences de ce traité.

Pour mieux répondre à cette priorité collective et accroître l’efficacité des politiques publiques, il convient donc de poursuivre et d’amplifier les efforts entrepris, en mettant en œuvre une série de mesures concernant, d’une part, le pilotage et la gouvernance et, d’autre part, les différents leviers de l’action publique (fiscal, réglementaire…) susceptibles de réduire et prévenir le tabagisme.

II.– LA STRATÉGIE : RÉNOVER LA GOUVERNANCE ET LE PILOTAGE POUR ENGAGER DANS LA DURÉE UNE ACTION GLOBALE ET COORDONNÉE

Aux « foisonnement et cloisonnement » qui caractérisent pour partie le système actuel, il faut opposer une remise à plat ordonnée, globale et cohérente de l’action publique, avec une vision stratégique s’inscrivant dans la durée.

Dans cette perspective, la gouvernance doit tout d’abord être simplifiée et la répartition des compétences plus clairement définie entre les différents acteurs. Il convient par ailleurs de se doter des outils nécessaires pour assurer un pilotage plus efficace de cette politique et, parallèlement, de développer la recherche afin de mieux étayer la décision publique et, partant, d’améliorer les résultats mais aussi d’accroître la légitimité des actions de lutte contre le tabagisme.

A.– RENFORCER LA COORDINATION ET CLARIFIER LES COMPÉTENCES

Les faiblesses de la gouvernance des politiques de lutte contre le tabagisme, liées notamment à la dispersion des acteurs et des dispositifs, doivent être corrigées à la fois aux niveaux national (coordination interministérielle mais aussi des différents opérateurs et agences sanitaires) et régional, en soutenant le déploiement de politiques territoriales et partenariales de santé publique.

1. Au niveau interministériel : améliorer le dispositif de coordination avec un portage politique fort et continu

Une coordination interministérielle forte et constante est indispensable, ce qui nécessite, sans qu’il soit besoin de créer une nouvelle structure administrative, d’emprunter deux voies complémentaires.

● En réunissant un comité interministériel de lutte contre le tabagisme, avec un rôle prééminent confié au ministre chargé de la santé…

Dans sa contribution adressée aux rapporteurs, le secrétariat permanent de la convention-cadre de l’OMS pour la lutte anti-tabac (CCLAT) observe que la France n’a pas encore mis en place de comité national, interministériel et multisectoriel pour la lutte antitabac et qu’elle n’a pas non plus élaboré de stratégie, de plan ou de programme national, global, multisectoriel et puissant contre le tabac, tel que préconisé par l’article 5 de la convention-cadre. De même, le rapport de la Cour souligne-t-il l’absence d’un organe spécifique de coordination de la lutte contre le tabagisme.

Pour créer les conditions d’une politique coordonnée et efficace, les rapporteurs proposent d’instituer par décret un comité interministériel de lutte contre le tabagisme, comme l’a recommandé la Cour, mais selon des modalités légèrement différentes (48), notamment pour tenir compte des outils existants (MILDT).

La mise en place d’un dispositif national de coordination préconisée par la convention-cadre de l’OMS pour la lutte anti-tabac (CCLAT)

« Chaque Partie élabore, met en œuvre, actualise et examine périodiquement des stratégies et des plans et programmes nationaux multisectoriels globaux de lutte antitabac conformément aux dispositions de la Convention et des protocoles auxquels elle est partie. À cette fin, chaque Partie en fonction de ses capacités : (a) met en place ou renforce, et dote de moyens financiers, un dispositif national de coordination ou des points focaux nationaux pour la lutte antitabac ; (b) et adopte et applique des mesures législatives, exécutives, administratives et/ou autres mesures efficaces et coopère, le cas échéant, avec d’autres Parties afin d’élaborer des politiques appropriées pour prévenir et réduire la consommation de tabac, l’addiction nicotinique et l’exposition à la fumée du tabac. »

Source : article 5 (« Obligations générales ») de la convention-cadre pour la lutte anti-tabac (CCLAT) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), adoptée en mai 2003 et ratifiée par la France en octobre 2004

La composition et les missions du comité, réunissant l’ensemble des ministres concernés, devront être définies par décret, selon les principes suivants :

– il sera présidé par le Premier ministre pour assurer un arbitrage et une mobilisation politique au plus haut niveau ;

– la ministre chargée de la santé en sera le rapporteur général, ne serait-ce que pour marquer symboliquement la primauté des questions de santé publique sur d’autres considérations ;

– le comité aura notamment pour missions d’adopter un plan gouvernemental et de suivre le tableau de bord de la lutte contre le tabagisme (cf. infra) et les progrès le cas échéant observés vers l’atteinte des objectifs fixés par le législateur en matière de prévalence tabagique ;

– enfin, le secrétariat du comité sera confié à la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie (MILDT), sans que ne soit créée une nouvelle structure administrative.

● … et en renforçant parallèlement le positionnement de la MILDT.

Placée sous l’autorité directe du Premier ministre, la MILDT est chargée d’animer et de coordonner les actions de l’État en matière de lutte contre la drogue et la toxicomanie. À ce titre, elle a notamment piloté le plan gouvernemental de lutte contre les drogues illicites, le tabac et l’alcool pour 2004-2008. Elle s’appuie également sur l’Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT), qui établit un tableau de bord mensuel sur le tabac (cf. infra).

Entendue par les rapporteurs, la nouvelle présidente de la MILDT a souligné la vocation interministérielle de cet organisme sur l’ensemble des conduites addictives et confirmé sa volonté d’inscrire des mesures fortes de lutte contre le tabac dans le prochain plan gouvernemental de lutte contre les drogues pour 2013-2015, comme cela a été indiqué aux magistrats de la Cour. Les rapporteurs ont également noté avec intérêt la nomination, en janvier 2013, du délégué de la MILDT, le docteur Gilles Lecoq, qui a été chargé de coordonner les actions en matière de lutte contre le tabagisme.

Au cours des auditions, plusieurs réserves ont toutefois été émises concernant le rôle de la MILDT en matière de tabagisme et, de fait, son action s’est surtout concentrée, au cours de la période récente, sur les drogues illicites et l’alcool. Ceci peut toutefois s’expliquer en partie par le fait que le tabac n’est pas explicitement cité dans les dispositions du code de la santé publique définissant ses missions. Il conviendrait donc de les modifier, par décret, et de changer également l’appellation de la Mission pour y faire clairement référence au tabac.

Les missions de la MILDT telles que définies par le code de la santé publique

Une Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie placée sous l’autorité du Premier ministre, anime et coordonne les actions de l'État en matière de lutte contre la drogue et la toxicomanie, en particulier dans les domaines de l'observation et de la prévention de la toxicomanie, de l’accueil, des soins et de la réinsertion des toxicomanes, de la formation des personnes intervenant dans la lutte contre la drogue et la toxicomanie, de la recherche, de l’information. La mission prépare les délibérations du comité interministériel et veille à leur exécution. Le président de la mission est nommé par décret. Il est assisté d'un délégué nommé, sur sa proposition, par arrêté du Premier ministre.

Sources : articles R.3411-13 et R. 3411-14 du code de la santé publique

Enfin, les rapporteurs souhaitent que soit prévue la nomination d’une personne spécifiquement chargée de la lutte contre le tabagisme. Il pourrait s’agir par exemple d’un fonctionnaire ou d’une personnalité extérieure à l’administration, qui serait nommée par le Premier ministre, sur proposition de la présidente de la MILDT. Pour pérenniser cette fonction, le principe pourrait également en être prévu dans le code de la santé publique, dans le cadre du décret évoqué plus haut.

Proposition n° 1 : Renforcer la coordination interministérielle, avec un portage politique fort :

– instituer un comité interministériel de lutte contre le tabagisme, présidé par le Premier ministre et dont le ministre chargé de la santé sera le rapporteur général ;

– confier le secrétariat du comité à la MILDT et prévoir la désignation d’une personne spécifiquement chargée de la lutte contre le tabac ;

– renforcer le positionnement de la MILDT, en faisant explicitement référence au tabac dans son appellation et dans les textes réglementaires définissant ses missions.

2. Au niveau des opérateurs : clarifier les compétences et l’organisation des agences sanitaires

Pour améliorer la coordination et l’efficacité des politiques de réduction du tabagisme, les rapporteurs jugent nécessaire d’aller bien au-delà de la seule création d’un comité interministériel ad hoc.

La complexité du paysage institutionnel actuel a en effet été soulignée à plusieurs reprises au cours des auditions, des personnes entendues par les rapporteurs ayant par exemple suggéré de mettre en place un opérateur unique pour les politiques de prévention. À tout le moins, le développement des agences et opérateurs dans le domaine de la santé nécessite de s’interroger sur la cohérence de l’appareil d’État, au vu d’un dispositif qui apparaît source de dilution des responsabilités, mais aussi de difficultés de coordination et de pilotage, avec des administrations centrales parfois concurrencées sur leurs fonctions stratégiques.

Ainsi, comme l’a observé le Premier président de la Cour des Comptes lors de son audition par le CEC, les responsabilités en matière de lutte contre le tabagisme apparaissent aujourd’hui diluées. Les rapporteurs préconisent dès lors de tirer toutes les conséquences de ce constat en clarifiant le paysage administratif.

● En veillant à ce que les missions des opérateurs soient clairement définies dans les contrats d’objectifs et de gestion…

Avant d’envisager un « big bang » institutionnel, il conviendrait, a minima, de veiller à ce que les contrats d’objectifs et de moyens, conclus entre l’État et chacun des opérateurs, définissent clairement leurs missions respectives, au moins sur les grandes priorités, parmi lesquelles le tabagisme. En particulier, il est à noter que le contrat d’objectifs et de performance de l’InCA pour 2011-2014 ne comporte aucune référence à la question spécifique du tabagisme, alors même qu’il s’agit du principal facteur de cancer.

Ces documents de contractualisation devront également préciser les engagements concernant le développement des partenariats, en vue de renforcer la collaboration avec d’autres opérateurs. Les démarches, déjà engagées dans ce sens (49), doivent se généraliser et prendre en compte la question du tabagisme, pour un fonctionnement plus fluide et coordonné du système de santé.

●…. et en envisageant des rapprochements entre certains organismes.

Sans aller jusqu’à la création d’une grande Agence nationale de la prévention, comme cela pu être suggéré, en s’inspirant notamment de l’Allemagne, des rapprochements pourraient être envisagés entre certains opérateurs.

Par exemple, la Haute autorité de santé (HAS) et le Haut conseil de la santé publique (HCSP), qui sont deux instances d’expertise créées en 2004 dans deux lois distinctes, ont un statut différent (50), mais leurs missions présentent plusieurs champs de recoupement (51). Concernant le tabagisme, ces deux instances ont ainsi rendu plusieurs avis sur la période récente, notamment sur les questions d’aide au sevrage (52). Or, il n’est pas à exclure qu’un jour, des avis sensiblement différents puissent être émis sur un même sujet, ce qui serait à l’évidence préjudiciable pour le pilotage et la crédibilité de l’action publique.

Un rapport récent de la Mecss de l’Assemblée nationale (53) a dès lors préconisé d’intégrer le collège du HCSP au sein de la HAS, en conservant son expertise médicale d’évaluation des stratégies de santé publique. Cette question a également été soulevée par la mission d’information sur les agences sanitaires (54).

Sans remettre aucunement en cause la grande qualité des travaux du HCSP, il apparaît nécessaire de rationaliser un dispositif déjà touffu d’aide à la décision, en rapprochant ces deux organismes, pour plus d’efficacité. Ce rapprochement pourrait par ailleurs constituer une première étape dans le sens d’une plus vaste réorganisation des agences sanitaires – chantier qui avait d’ailleurs été engagé sous la précédente législature avec la réforme importante des ARS mais aussi, par exemple, la création de l’ANSES (55) et qui est appelé à se poursuivre dans le cadre de la modernisation de l’action publique (MAP).

En effet, lors de la réunion du comité interministériel de modernisation de l’action publique (CIMAP) du 18 décembre 2012, il a été prévu d’intégrer les agences et opérateurs dans la modernisation de l’action publique, et en particulier :

– de rénover le pilotage stratégique des agences et opérateurs existants, avec la mise en place d’un groupe de travail interministériel en vue notamment de professionnaliser la tutelle et renforcer la gouvernance ;

– de clarifier le paysage des agences et des opérateurs rattachés à l’État, avec une revue des petits opérateurs ainsi que l’élaboration d’une stratégie de rationalisation pour chaque ministère d’ici mars 2013 (56) ; à cet égard, la ministre des Affaires sociales et de la santé a évoqué récemment une réorganisation des agences et opérateurs dans le domaine de la santé, en observant qu’ils étaient trop foisonnants pour être totalement satisfaisants (57).

Enfin, il est à noter que le CIMAP a également programmé plusieurs évaluations de politiques publiques, dont l’une porte sur « le pilotage territorial de la politique de prévention et de lutte contre les drogues et la toxicomanie », qui devrait être lancée en avril 2013.

Sur ces questions, il sera important de veiller à l’information du Parlement sur l’avancement de la MAP, dans l’esprit des dispositions adoptées en loi de finances pour 2013, à l’initiative de MM. Christian Eckert et François Cornut-Gentille, dans le prolongement de leurs travaux d’évaluation sur la revue générale des politiques publiques (RGPP). Au cours des semaines de contrôle, un débat en séance pourrait par exemple être envisagé sur la question des agences sanitaires et le bilan des résultats de la MAP, ce qui permettrait également de faire le point sur les suites données aux travaux récents de la commission des Affaires sociales (58).

Suivi de la modernisation de l’action publique par le Parlement : les dispositions prévues par la loi de finances pour 2013, à l’initiative des rapporteurs du CEC sur la RGPP

I.- Au moins 15 jours avant chaque réunion du comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (CIMAP), le Gouvernement peut transmettre aux commissions chargées des finances et aux autres commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat l'ordre du jour détaillé ainsi que tout élément d'information mentionné au II disponible à cette date.

II.- Au début de chaque trimestre, le Gouvernement transmet aux commissions chargées des finances et aux autres commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat les éléments utiles faisant état : 1° des résultats des évaluations réalisées ; 2° du suivi de la mise en œuvre des réformes précédemment décidées et de leur incidence constatée sur les dépenses et les emplois publics; 3° des décisions prises et de leur incidence sur les emplois et les dépenses publics ; 4° Des modalités d'association des agents publics et des usagers des services publics.

III.- Les commissions parlementaires concernées peuvent adresser au Premier ministre et au ministre chargé de la réforme de l’État toutes observations qui leur paraissent utiles. Ces éléments peuvent donner lieu à un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Source : article 92 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013

Il s’agit là, sans doute, d’un chantier de longue haleine, mais nécessaire dans un souci de bonne administration et de maîtrise de la dépense publique et, surtout, en vue d’améliorer l’efficacité et la coordination des politiques de santé, qui doivent aussi être renforcées au niveau régional, s’agissant en particulier des actions de lutte contre le tabagisme.

Proposition n° 2 : Clarifier les compétences et l’organisation des différents opérateurs et agences sanitaires :

– préciser, dans les contrats d’objectifs et de moyens, leurs missions respectives et leurs engagements d’actions partenariales en matière de lutte contre le tabagisme ;

– rapprocher certains opérateurs, par exemple la Haute Autorité de santé (HAS) et le Haut conseil de la santé publique (HCSP) ;

– organiser un débat à l’Assemblée nationale sur la réforme des agences sanitaires afin de faire un bilan des résultats de la modernisation de l’action publique (MAP).

3. Au niveau régional : soutenir le développement de politiques territoriales et partenariales de prévention

Suite à l’adoption de la loi précitée du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital (« loi HPST »), la mise en place des agences régionales de santé (ARS) a constitué une avancée majeure en termes de coordination et de décloisonnement des politiques de santé, en réunissant les champs de la prévention, de l’hôpital, de la médecine de ville et du secteur médico-social.

La création des ARS devait ainsi permettre une meilleure mise en œuvre régionale des politiques de santé publique, en association avec l’ensemble des acteurs concernés. Aux termes de la loi, les agences ont ainsi pour missions de définir et de mettre en œuvre un ensemble coordonné de programmes et d’actions concourant à la réalisation, à l’échelon régional et infrarégional, des objectifs de la politique nationale de santé. En particulier, les agences « définissent et financent des actions visant à promouvoir la santé, à éduquer la population à la santé et à prévenir les maladies (59) ».

Pour aider les ARS dans leur démarche de prévention, la direction générale de la santé (DGS) anime des ateliers pratiques, notamment dans le cadre des séminaires interrégionaux des directeurs d’agences, et a également diffusé auprès des ARS trois guides méthodologiques, élaborés sous l’impulsion de l’Inpes (60).

Dans le domaine de la prévention, la déclinaison régionale des politiques de santé présente toutefois plusieurs limites.

D’une part, la lutte contre le tabagisme semble insuffisamment prise en compte dans les plans stratégiques de santé et les schémas régionaux de prévention, au vu des éléments recueillis par la Cour (61). Il semblerait par ailleurs que les différentes instructions méthodologiques adressées aux ARS ne visent pas précisément la lutte contre le tabagisme ; selon la Cour, cette question n’est pas davantage mentionnée dans les cinq domaines qui doivent structurer les plans stratégiques de santé. De la même manière, le dernier rapport d’activité des ARS, publié en février 2012, n’évoque pas spécifiquement le tabagisme.

UN PILOTAGE STRATÉGIQUE UNIQUE DE LA POLITIQUE DE SANTÉ : LE PROJET RÉGIONAL DE SANTÉ (PRS) ÉLABORÉ PAR L’ARS

Source : ministère des Affaires sociales et de la santé

Sous l’impulsion du Conseil national de pilotage des ARS (CNP), présidé par les ministres chargés de la santé, de l’assurance maladie, des personnes âgées et des personnes handicapées (62), les instructions adressées aux ARS doivent donc mieux prendre en compte la question du tabagisme. Il en va de même pour leurs contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) (63).

Pour accroître la coordination et la complémentarité des actions menées au niveau local, il convient, d’autre part, de veiller à l’implication de l’ensemble des acteurs. À cet égard, le rapport de la Cour juge souhaitable de veiller à la participation des services concernés de l’éducation nationale à l’élaboration du schéma régional d’éducation pour la santé et du plan régional de santé. De même, les plans régionaux de santé au travail devraient comporter des actions de lutte contre le tabagisme.

Ainsi, la mutation des anciennes agences régionales de l’hospitalisation (ARH) doit se poursuivre et les ARS investir pleinement le champ de la santé publique. Les agences pourraient, par exemple, apporter un appui méthodologique aux initiatives des différents acteurs (médecins libéraux, protection maternelle et infantile, établissements de santé, santé scolaire, services interentreprises de santé au travail…). Ceci doit se faire notamment dans le cadre des commissions de coordination des politiques publiques de santé (« commissions prévention ») des ARS (64) ainsi que lors de l’élaboration des projets régionaux de santé (PRS).

Les agences doivent également impulser des politiques ambitieuses en matière d’offre de soins, concernant, par exemple, l’aide au sevrage, les activités hospitalières en addictologie et le suivi des crédits consacrés au tabagisme.

Proposition n° 3 : Soutenir le développement de politiques régionales de prévention, en association avec l’ensemble des acteurs concernés, et développer la coordination et la complémentarité des actions au niveau local :

– prendre en compte le tabagisme dans les instructions adressées aux ARS et dans leurs contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens ;

– impliquer l’ensemble des acteurs concernés (collectivités territoriales, professionnels de santé, santé scolaire, santé au travail, etc.), dans le cadre notamment des commissions de coordination des ARS et de l’élaboration des projets régionaux de santé (PRS).

Ces mesures permettront ainsi de mieux coordonner les actions de lutte contre le tabagisme, dont le pilotage doit parallèlement être amélioré.

B.– ÉLABORER UNE STRATÉGIE PLURIANNUELLE DE RÉDUCTION DU TABAGISME AVEC UN SUIVI RESSERRÉ, SOUS LE CONTRÔLE DU PARLEMENT

Concevoir des politiques publiques efficaces en matière de réduction du tabagisme suppose de remplir au moins deux conditions :

– d’une part, fixer des objectifs clairs sur les résultats à atteindre afin de déterminer les leviers adaptés pour y parvenir ;

– d’autre part, mettre en place un outil de suivi permanent pour mesurer l’évolution du tabagisme en vue de vérifier, au moins chaque année, que ces leviers sont suffisants et demeurent pertinents, ou doivent être adaptés.

C’est pourquoi trois séries de mesures sont nécessaires pour une conduite de l’action publique à la fois plus stratégique, avec des objectifs clairement identifiés, plus resserrée et réactive, en s’appuyant sur un tableau de bord adapté, et enfin plus exigeante, par le renforcement du rôle du Parlement.

1. Un pilotage plus stratégique : une priorité et des objectifs clairement définis dans la prochaine loi de santé publique

Avant toute chose, il est impératif de renforcer la lisibilité de l’action publique en définissant une stratégie de moyen terme, c’est-à-dire de programmer des actions cohérentes pour atteindre des objectifs clairs, avec une trajectoire quantifiée de diminution du tabagisme. Cette stratégie doit également reposer sur une forte mobilisation politique, au niveau du Parlement et du Gouvernement.

● Une priorité de la prochaine loi de santé publique…

La prochaine loi de santé publique doit faire de la lutte contre le tabagisme une véritable priorité, et pour cela :

– définir un objectif chiffré de réduction du tabagisme (en population générale), à un horizon de cinq ans et de dix ans pour inscrire cette action publique dans la durée ;

– prévoir également des objectifs spécifiques pour certaines catégories de la population, par exemple les jeunes et les femmes ; dans le cadre du plan quinquennal de lutte contre le tabagisme de 2011 (65), le ministère de la santé anglais s’est ainsi fixé comme objectifs d’ici à 2015 de réduire la prévalence du tabagisme de 21,2 % à 18,5 % chez les adultes, de 15 % à 12 % chez les jeunes et de 14 % à 11 % chez les femmes enceintes ;

– hiérarchiser les finalités de la politique de santé publique en fixant, pour cinq ans, les principaux objectifs, pour éviter que le tabagisme ne se retrouve noyé au milieu d’une centaine d’objectifs d’inégale importance (66; le rapport précité de la Mecss avait d’ailleurs également préconisé d’élaborer une nouvelle loi de santé publique fixant un nombre limité de priorités, déclinées dans les contrats d’objectifs, le rapporteur ayant identifié le tabagisme parmi l’une d’entre elles ;

– comporter un volet relatif au tabac, qui réunira l’ensemble des mesures législatives nécessaires pour améliorer le dispositif actuel, et appliquer les mesures prévues par des accords internationaux, en particulier la CCLAT et le protocole de lutte contre le commerce illicite, ainsi que la proposition de directive européenne sur le tabac, en cours de discussion (67. Il s’agirait ainsi d’une forme de loi-cadre fixant clairement un cap et regroupant l’ensemble des mesures législatives dans ce domaine.

● … qui devra être déclinée dans un plan d’action stratégique national.

Après que le Parlement aura fixé les grandes orientations de l’action publique, le volet tabac de la prochaine loi de santé publique devra être décliné dans un plan gouvernemental. Ce plan de santé publique devra :

– inscrire l’action publique dans la durée, avec un plan pluriannuel adopté et périodiquement réévalué par le comité interministériel évoqué plus haut ;

– programmer un ensemble de mesures, notamment réglementaires, visant à atteindre les objectifs fixés par le législateur, en complément de celles adoptées dans le cadre de la loi de santé publique et en mobilisant l’ensemble des leviers de l’action publique (réglementation, prévention, aide au sevrage, etc.) ;

– définir et articuler au mieux les missions respectives des différents acteurs et administrations concernés, en prévoyant notamment des objectifs chiffrés assortis d’indicateurs de suivi, ainsi que la déclinaison, au niveau local, des orientations du plan, en particulier dans les outils de programmation des ARS ;

– établir un plan interministériel de contrôle coordonnant l’action des divers corps concernés par le respect de la réglementation (cf. infra) ; il pourrait s’agir soit d’un plan spécifique dédié, soit d’un plan s’inscrivant dans un programme de lutte contre les addictions, qui pourrait être préparé la MILDT avec le ministère de la santé, et au sein duquel la spécificité et l’importance particulière du tabac seraient naturellement prises en compte.

Proposition n° 4 : Fixer clairement un cap dans la prochaine loi de santé publique, avec des objectifs mieux identifiés et déclinés dans un plan d’actions :

– faire de la lutte contre tabagisme une des priorités de la prochaine loi de santé publique, en fixant un objectif chiffré de réduction de la prévalence d’ici 5 ans et 10 ans, en population générale et par groupes-cibles (jeunes en particulier) ;

– décliner la loi dans un plan stratégique, adopté et périodiquement réévalué par le comité interministériel, qui précisera les différentes actions programmées en matière de lutte contre le tabagisme et sera décliné au niveau local.

2. Un pilotage plus resserré et plus réactif : se doter d’un tableau de bord permettant de suivre de près les principaux indicateurs

Une fois le cap fixé par le Parlement et assorti d’une feuille de route précise pour les prochaines années, il sera essentiel de suivre régulièrement l’évolution des indicateurs pertinents en matière de tabagisme, en s’inspirant de la démarche adoptée pour le suivi de l’objectif quantifié de réduction de la pauvreté. Il sera en tout cas essentiel de mettre en place un dispositif d’observation incontestable, autant par la qualité et l’indépendance des expertises produites, que par le caractère régulier de la publication des données.

La démarche innovante mise en place sous la précédente législature pour le suivi de l’objectif quantifié de réduction de la pauvreté

La définition d’un objectif quantifié, par période de cinq ans, et le dépôt d’un rapport annuel au Parlement sur les conditions de réalisation de l’objectif, prévus par la loi

Dans son article 1er, la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active (RSA) et réformant les politiques d’insertion a prévu que « Le Gouvernement définit, par période de cinq ans (…), un objectif quantifié de réduction de la pauvreté, mesurée dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (article L. 115-4-1 du code de l’action sociale et des familles). Cet article prévoit également que le Gouvernement « transmet au Parlement, chaque année, un rapport sur les conditions de réalisation de cet objectif, ainsi que sur les mesures et les moyens financiers mis en œuvre pour y satisfaire ».

L’élaboration d’un tableau de bord annuel de suivi de l’objectif, prévue par décret

Le décret n° 2009-554 du 20 mai 2009 relatif à la mesure de la pauvreté a prévu que « L’objectif quantifié de réduction de la pauvreté mentionné à l’article L. 115-4-1 est suivi au moyen d’un tableau de bord composé d’indicateurs relatifs à onze objectifs thématiques de lutte contre la pauvreté » (article R. 115-5 du même code). Des indicateurs ont ainsi été définis par décret pour chacun des objectifs thématiques, concernant par exemple la pauvreté des personnes qui ont un emploi, la pauvreté des enfants ou encore l’accès au logement et aux soins. Le tableau de bord a été élaboré suite à une phase de concertation de plusieurs mois (groupe de travail animé par la Direction générale de l’action sociale, discussions avec les principales associations de lutte contre la pauvreté et les partenaires sociaux). Le décret prévoit également que le tableau de bord est annexé au rapport annuel au Parlement évoqué plus haut.

● Établir un tableau de bord annuel sur le tabagisme

Dès 2004, le plan gouvernemental de lutte contre les drogues avait prévu l’élaboration d’un tableau de bord par l’OFDT, groupement d’intérêt public (GIP) financé par la MILDT ainsi que par des crédits européens. À la demande de la MILDT, un tableau de bord mensuel des indicateurs relatifs au tabac a été réalisé par l’OFDT, afin de rassembler et de présenter de manière synthétique des chiffres récents de nature diverse (68), et de les rendre publics dans des délais rapides. Afin de le rendre plus complet et plus clair, plusieurs modifications ont été opérées dans le « tableau de bord mensuel Tabac » en 2012 (69.

Le dispositif actuel présente cependant plusieurs limites.

Tout d’abord, le bilan annuel réalisé par l’OFDT se limite essentiellement à des graphiques sur les ventes et prix du tabac, comme le fait observer la Cour. En outre, le tableau de bord mensuel est insuffisamment articulé avec le suivi de l’avancement de mesures prévues dans le cadre du Plan cancer 2009-2013 (mesure 10 « Poursuivre la lutte contre le tabac », dont l’avancement, en juin 2012, est présenté en annexe du présent rapport).

Enfin, au-delà des chiffres relatifs aux ventes, il ne comporte pas de données actualisées ou suffisamment robustes concernant l’évolution annuelle de la consommation (prévalence déclarée ou suivi de la consommation réelle, y compris les achats hors du réseau des buralistes), en raison des faiblesses du dispositif d’observation. L’évolution de la consommation de tabac devrait pourtant constituer l’indicateur central de suivi et de pilotage des politiques publiques dans ce domaine – et donc le premier « voyant » sur le tableau de bord.

En conséquence, un décret devrait prévoir l’établissement d’un tableau de bord annuel, le cas échéant après une phase de consultations, de même que pour le tableau de bord annuel sur la pauvreté. Son élaboration serait confiée à la MILDT qui pourrait ainsi mobiliser l’expertise de l’OFDT, avec l’appui de la direction générale de la santé. Il devra comporter une sélection restreinte d’indicateurs :

– financiers et d’exécution budgétaire (par exemple, les crédits prévus pour le remboursement des substituts nicotiniques ou les campagnes de communication) ;

– d’activité et de mise en œuvre, à l’instar de ce qui a été fait pour le Plan cancer 2009-2013 (en indiquant si le planning a été respecté ou si un retard est observé), au moins pour les mesures les plus emblématiques ;

– de résultats, ce qui implique de pouvoir mesurer et suivre de manière beaucoup plus fine l’évolution de la consommation du tabac.

● Publier chaque année des données sur la prévalence du tabagisme mais aussi sur les achats, en particulier hors du réseau des buralistes

En décrivant les principales positions des fabricants de tabac, le rapport de la Cour indique qu’ils réclament la réalisation d’un tableau de bord incontestable pour le pilotage des politiques de lutte contre le tabagisme, avec des indicateurs objectifs, afin que toutes les décisions soient prises au vu d’études approfondies et régulières, notamment sur les approvisionnements parallèles.

Partageant cette analyse, les rapporteurs préconisent de réaliser des enquêtes annuelles sur les modes d’approvisionnement des fumeurs (estimations des achats auprès des buralistes, mais aussi transfrontaliers, sur internet, etc.), afin de mieux mesurer les évolutions de la consommation réelle. Il faut aussi que ces études soient établies par un organisme de recherche indépendant.

Il conviendrait également de publier plus régulièrement des données épidémiologiques, par l’établissement d’un baromètre annuel de la prévalence tabagique, qui serait confié à l’Inpes. Il est en effet essentiel de pouvoir suivre plus finement les évolutions conjoncturelles et mesurer l’impact des mesures prises, par exemple des hausses de prix, sans devoir attendre la parution de la prochaine enquête de prévalence tabagique, une fois tous les cinq ans.

Les rapporteurs n’ignorent naturellement pas que la réalisation de ces enquêtes aura un coût, mais jugent cet investissement indispensable pour le pilotage de la politique de réduction de tabagisme, laquelle peut générer des économies considérables pour la collectivité, comme cela a déjà été souligné. Au demeurant, les rapporteurs observent que le Plan cancer annoncé en 2009 prévoyait déjà de « rendre plus régulière la publication de données sur la consommation de tabac » et de « renforcer le suivi des mesures de lutte contre le tabac par l’établissement d’un baromètre annuel » (mesure 10.3 du plan 2009-2013).

Par ces dispositions, il s’agit de permettre aux pouvoirs publics de suivre en temps réel, autant que possible, les évolutions des principaux indicateurs relatifs au tabac et de mesurer régulièrement l’efficacité et la pertinence des leviers, et pouvoir ainsi réagir immédiatement, en adoptant les mesures nécessaires aussitôt qu’un « clignotant » s’allume sur le tableau de bord.

Proposition n° 5 : Assurer un pilotage plus resserré et plus réactif, avec un tableau de bord permettant de suivre de près les principaux indicateurs :

– établir un tableau de bord au moins une fois par an sur le tabagisme, comportant une sélection d’indicateurs pertinents (indicateurs de mise en œuvre, de suivi et de résultats), afin de mesurer régulièrement l’efficacité et la pertinence des leviers utilisés et de mettre en place immédiatement les mesures nécessaires ;

– publier chaque année des données sur la prévalence du tabagisme et sur les modes d’approvisionnement, en particulier hors du réseau des buralistes, pour suivre plus finement l’évolution de la consommation réelle.

3. Un pilotage plus exigeant : améliorer l’information du Parlement et rendre compte régulièrement des résultats de l’action publique

Se doter d’une stratégie de moyen terme, avec une feuille de route détaillée et un suivi régulier, constitue une condition nécessaire d’un pilotage plus efficace des politiques de santé. Mais dans le cadre d’un « État responsable », au double sens anglo-saxon de « prendre en charge » et de « rendre compte », il faut aussi améliorer l’information du Parlement, devant lequel le Gouvernement doit régulièrement rendre compte de son action et des résultats obtenus en matière de réduction du tabagisme. Deux axes de réforme sont proposés à cette fin.

● Étoffer les documents budgétaires pour améliorer la conception et le suivi des politiques de lutte contre le tabagisme

Conformément aux dispositions prévues par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), des annexes explicatives sont jointes chaque année au projet de loi de finances (PLF) afin de développer le montant des crédits, par programme ou par dotation. Ces annexes sont accompagnées du projet annuel de performances (PAP) de chaque programme, lequel doit notamment comporter la présentation des actions, des coûts associés, des objectifs poursuivis, des résultats obtenus et attendus pour les années à venir, mesurés au moyen d'indicateurs précis dont le choix est justifié (70).

S’agissant du programme n° 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », le PAP annexé au projet de loi de finances pour 2013 ne comporte aucun objectif ou indicateur concernant spécifiquement le tabagisme, alors même qu’il s’agit du premier problème de santé publique dans notre pays.

Projets annuels de performances (PAP) des programmes 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » et 129 « Coordination du travail gouvernemental »

Concernant la mission « Santé », les actions de lutte contre le tabagisme relèvent du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » (objectif n° 2 « Améliorer l’état de santé de la population et réduire les inégalités territoriales »). Actuellement, trois indicateurs sont associés à cet objectif n° 2 (sur la consommation d’alcool, le taux de participation au dépistage organisé du cancer du sein et la proportion de séropositivités diagnostiquées au stade du sida), mais aucun ne porte sur le tabagisme.

L’action de la MILDT s’inscrit dans le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », qui relève de la mission « Direction de l’action du gouvernement ». Ce programme rassemble des entités rattachées au Premier ministre. En son sein, l’action 15 regroupe les crédits de la MILDT, qui font l’objet de l’objectif n° 4 du PAP « Améliorer la coordination des actions interministérielles de lutte contre les drogues et les toxicomanies », auquel deux indicateurs sont associés (niveau de connaissance des citoyens sur le danger des drogues et mobilisation des partenaires locaux dans la lutte contre les drogues).

On ne peut à l’évidence se satisfaire de l’abandon de tout indicateur de performance dans ce domaine, quelles que peuvent être les difficultés rencontrées pour choisir un indicateur pertinent et susceptible d’être actualisé régulièrement, ce qui requiert un suivi plus régulier de la prévalence tabagique (71).

Dans le prolongement de leur proposition n° 5 concernant l’établissement de données annuelles, les rapporteurs proposent par conséquent d’introduire un indicateur concernant le tabagisme dans le projet annuel de performances (PAP) du programme 204. À l’avenir, la question pourrait d’ailleurs également se poser pour le programme 129 « Coordination de l’action gouvernementale », duquel relève la MILDT. En tout état de cause, il est impératif qu’il y ait au moins un indicateur en rapport avec la lutte contre le tabagisme, dans le dispositif de suivi de la performance du budget de l’État.

Par ailleurs, pour améliorer l’efficacité, mais aussi l’efficience des politiques de lutte contre le tabagisme, encore faut-il être en mesure de pouvoir mesurer, même approximativement, le montant de l’effort financier consenti en faveur de celles-ci. Or, comme le relève le rapport de la Cour, mesurer la part des financements publics consacrés à la lutte contre le tabagisme soulève plusieurs difficultés. De fait, l’administration et les opérateurs concernés ne sont pas en mesure, dans la plupart des cas, d’identifier précisément les moyens alloués à cette action de santé publique. Il s’agit pourtant de données fondamentales pour le pilotage de l’action publique.

Il conviendrait par conséquent de prévoir la présentation, dans le document de politique transversale (DPT) relatif à la lutte contre les drogues et les toxicomanies, d’une estimation annuelle des moyens consacrés à la lutte contre le tabagisme, ventilés par grands postes de dépenses et par opérateurs. Ces dispositions pourraient faire l’objet d’un amendement au prochain projet de loi de finances.

Le document de politique transversale (DPT) « Politique publique de lutte contre les drogues et les toxicomanies »

En application de l’article 128 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, dix-huit DPT sont présentés sous forme d’annexes générales au projet de loi de finances de l’année, dont l’un porte sur la « politique publique de lutte contre les drogues et les toxicomanies ». Le DPT doit permettre d’améliorer la coordination d'actions de l’État relevant de plusieurs ministères et de plusieurs programmes qui concourent à une politique interministérielle, en favorisant l’obtention de résultats socio-économiques communs. Il développe, pour chaque politique concernée, la stratégie mise en œuvre, les objectifs et indicateurs y concourant. Il comporte également une présentation détaillée de l’effort financier consacré par l’État à ces politiques, ainsi que des dispositifs mis en place, pour l’année à venir, l’année en cours et l'année précédente.

● Prévoir la présentation d’un rapport annuel au Parlement sur le suivi de l’objectif chiffré de réduction du tabagisme

Pour un pilotage plus efficace, les rapporteurs préconisent enfin d’introduire un dispositif analogue à celui prévu pour le suivi de l’objectif de réduction de la pauvreté. À l’occasion de la prochaine loi de santé publique, il s’agirait ainsi de prévoir le dépôt d’un rapport annuel au Parlement sur les conditions de réalisation de l’objectif quinquennal de réduction du tabagisme, fixé par celle-ci, ainsi que sur les mesures et les moyens financiers mis en œuvre pour y satisfaire. Le tableau de bord annuel évoqué plus haut lui serait annexé.

Le dépôt d’un rapport annuel permettrait par ailleurs d’envisager d’autres formes de suivi et d’évaluation, par le Parlement, des actions mises en œuvre en matière de tabagisme (par exemple, des auditions par les commissions, un débat en séance publique, voire un bilan des résultats obtenus, à mi-parcours de l’échéance quinquennale fixée par la loi, par les rapporteurs budgétaires ou les coprésidents de la Mecss).

Ainsi l’efficacité de l’action publique serait-elle renforcée, à travers un suivi vigilant et continu du respect des grandes orientations définies dans la loi de santé publique et de l’action du Gouvernement.

Proposition n° 6 : Améliorer l’information et le contrôle du Parlement :

– introduire un indicateur spécifique au tabagisme dans le projet annuel de performances (PAP) du programme 204 annexé au projet de loi de finances ;

– prévoir la présentation d’une estimation des moyens consacrés à la lutte contre le tabagisme, ventilés par grands opérateurs et actions, dans le document de politique transversale (DPT) « Politique de lutte contre les drogues et la toxicomanie » ;

– prévoir le dépôt d’un rapport annuel au Parlement sur les conditions de réalisation de l’objectif chiffré quinquennal de réduction de la prévalence tabagique ainsi que sur les mesures et moyens mis en œuvre pour y satisfaire.

C.– DÉVELOPPER LA RECHERCHE ET L’ÉVALUATION POUR MIEUX ÉTAYER LA DÉCISION PUBLIQUE

Pour concevoir des stratégies efficaces de réduction du tabagisme et mettre en œuvre des politiques « fondées sur les preuves » (evidence-based policies), il est impératif que l’action publique puisse s’appuyer sur des données suffisamment robustes et scientifiquement validées. Dans cette perspective, une impulsion doit être donnée à la recherche et à l’évaluation des pratiques en matière de tabagisme, en confortant parallèlement l’indépendance de l’expertise.

● Définir une stratégie ambitieuse de recherche, avec un programme interdisciplinaire établi sous l’impulsion de l’Institut national du cancer (InCA)

Préconisant de lancer un programme national de recherche et d’évaluation, le rapport précité de M. Yves Bur (mars 2012) soulignait que la recherche sur le tabac s’apparente plus aujourd’hui à une mobilisation de quelques bonnes volontés, au lieu de s’inscrire dans une approche pluridisciplinaire. Si des progrès ont toutefois été faits sur la période récente, avec plusieurs projets menés ou soutenus par l’Institut national du cancer (InCA) et l’Inpes (72), plusieurs contributeurs à ce rapport ont regretté l’absence d’une politique nationale de recherche et la faible reconnaissance par leurs pairs des chercheurs impliqués sur ces questions.

De façon convergente, le rapport de la Cour dresse le constat d’« un effort de recherche dispersé et insuffisant », en pointant des faiblesses, qui portent aussi bien sur l’épidémiologie du tabagisme et ses conséquences sanitaires, que sur les données médico-économiques, les stratégies de prévention, les sciences sociales ou l’économie du secteur.

Pour améliorer les connaissances sur le tabagisme et l’impact des actions menées et, ainsi, mieux éclairer la décision publique, les rapporteurs préconisent de définir une stratégie nationale de recherche, sous l’impulsion de l’InCA, en adoptant un programme de référence pluriannuel définissant des priorités et s’inspirant notamment du dispositif mis en place au Royaume-Uni.

La recherche sur le tabac au Royaume-Uni (Centre for tobacco control studies)

Au Royaume-Uni, les services du ministère de la santé ont développé des liens forts avec le monde de la recherche, qui apporte ainsi une dimension déterminante à la politique de lutte contre le tabac en termes d’évaluation, d’aide à la décision et d’innovation. Cette interaction se traduit par le financement, par appel à projets, de travaux pluridisciplinaires, dont l’essentiel est mis en œuvre par un réseau informel d’universités, le UK Centre for tobacco control studies (UK CTCS). Créé en juin 2008, celui-ci regroupe sept équipes universitaires, coordonnées par l’université de Nottingham, qui ont toutes une expertise poussée dans la recherche sur le tabagisme, dans des disciplines variées et complémentaires, allant de l’épidémiologie à l’économie de la santé, en passant par l’évaluation des politiques de santé et les sciences sociales. Ce réseau a disposé à son origine d’un budget de 5 M£ pour 5 ans, alloué par le ministère de la santé, auxquels s’ajoutent d’autres fonds nationaux et internationaux. Une partie des projets de recherche répond à des demandes issues de l’unité chargée du tabac au département de la santé en vue d’éclairer les décideurs. Ainsi, le dernier projet financé vise-t-il à étudier l’impact potentiel de l’introduction du paquet neutre au Royaume Uni. La pérennité des financements et leur masse critique ont permis la montée en puissance d’équipes stables, à même d’acquérir une expertise et de s’entourer de doctorants et de post-doctorants.

Source : étude de la Cour des Comptes

Ce programme de recherche et d’évaluation devrait :

– définir des axes prioritaires de recherche et identifier les moyens nécessaires, en prévoyant des modes de financement, par appels à projets, permettant de sécuriser des projets à long terme et de mobiliser des doctorants ;

– porter sur l’ensemble des disciplines (épidémiologie, sciences sociales, santé publique, médecine et addictologie, économie, neurosciences, etc.) ; pour les travaux des chercheurs, une approche pluridisciplinaire permettrait d’apporter une aide à la décision mais aussi d’éclairer leurs confrères d’autres disciplines ;

– renforcer la coordination entre les différents organismes en mobilisant, plus encore, les grandes structures de recherche ; s’agissant de la recherche sur le cancer le rapport de la Cour souligne en effet la difficulté de coordination entre les différentes instances (InCA, Agence nationale de la recherche, CNRS, INSERM, etc.), en suggérant une mise en réseau plus efficace des initiatives (73;

– confier à l’InCA un rôle d’impulsion dans ce domaine, en vue de stimuler et de coordonner la recherche pour la lutte contre le tabagisme en France et de promouvoir à ce titre son programme d’actions de recherche intégrées (74).

● Procéder à une nouvelle estimation de l’impact financier du tabagisme

Si le tabagisme demeure l’un des premières causes de mortalité prématurée, les coûts sanitaires directs pour l’assurance maladie sont encore très insuffisamment connus (75). L’ensemble des incidences négatives pour la collectivité devraient également être plus méthodiquement évaluées, ainsi que l’a souligné à juste titre le rapport de la Cour, et ce d’autant plus que ces imprécisions sont de nature à fragiliser les politiques publiques de lutte contre le tabagisme.

Les rapporteurs préconisent par conséquent de procéder à une nouvelle évaluation, selon une méthodologie rigoureuse, des coûts de la morbidité et de la mortalité liées au tabac, pour l’assurance maladie et pour la collectivité. Dans ce sens, un appel à projet pourrait être lancé rapidement, dans le cadre du programme national de recherche évoqué précédemment.

● Renforcer l’évaluation des actions locales et diffuser les bonnes pratiques

Lors de leur déplacement dans un collège du Val-de-Marne, les rapporteurs ont pu constater tout l’intérêt des actions de prévention mises en œuvre au niveau local, mais aussi la nécessité de procéder à des évaluations approfondies de leur impact, de manière aussi objective, sinon scientifique, que possible. Par exemple, il serait intéressant de suivre dans le temps une cohorte de jeunes ayant suivi un programme de prévention et de comparer ensuite la proportion de fumeurs parmi celui-ci par rapport à un groupe témoin de jeunes n’ayant pas bénéficié d’un tel programme, ou encore de comparer la proportion de fumeurs avant et quelques années après le lancement du programme.

Plus généralement, il est en tout cas essentiel de mieux évaluer l’impact des actions de prévention au niveau local et de repérer les bonnes pratiques pour ensuite mieux faire connaître les actions dont l’efficacité a été démontrée. Dans cette perspective, un organisme indépendant pourrait se voir confier la mission de recenser et d’évaluer les expérimentations et initiatives locales dans le domaine de la prévention, pour pouvoir le cas échéant les généraliser.

Il conviendrait en particulier de veiller à la mise à disposition de supports méthodologiques et de référentiels de bonnes pratiques, à la diffusion des stratégies probantes et à la généralisation d’expériences locales. Pourrait par exemple être élaboré un guide d’aide à l’action, se fondant sur les bonnes pratiques observées sur le terrain, afin d’aider les porteurs de projets à mettre en œuvre des actions de prévention du tabagisme en milieu scolaire.

● Conforter l’indépendance de l’expertise et prévoir la mention systématique des éventuels liens d’intérêts de leurs auteurs

Ainsi que l’a souligné le Haut conseil de la santé publique, dans son avis relatif aux moyens de relancer la lutte contre le tabagisme (septembre 2010), « l’activité intense de l’industrie du tabac pour faire publier des articles niant l’évidence du risque lié au tabagisme passif a été dénoncée. ». À l’appui de cette affirmation, le Haut conseil rappelle notamment les résultats d’une étude (76) portant sur 106 articles scientifiques publiés sur le sujet et dont il ressortait que, parmi les 37 % qui concluaient à une absence de risque, les trois quarts avaient été rédigés par des auteurs financés par l’industrie du tabac.

Au-delà de ce sujet particulier, l’application de l’article 5.3 de la convention-cadre de l’OMS (77) – autrement dit la question de l’influence de l’industrie du tabac sur les politiques de santé publique – a également été soulevée au cours des auditions. À cet égard, l’une des associations entendues a par exemple suggéré de mettre en place des règles de fonctionnement transparentes et des dispositions relatives aux conflits d’intérêts (78). Le secrétariat permanent de la CCLAT a également observé que la France n’a pas signalé l’application de mesures pour éviter que l’industrie n’influence les politiques de santé publique (article 5.3), et qu’il s’agit d’un des domaines possibles d’amélioration, ce dont fait également état le rapport de la Cour.

Enfin, les rapporteurs soulignent, à nouveau, l’importance de produire des données et des études de haut niveau, se fondant sur des méthodes scientifiques et établies par des organismes indépendants (du Gouvernement, comme des industries du tabac), pour que les résultats fassent autorité et ne puissent être contestés.

En tout état de cause, il serait souhaitable de prévoir, dans toutes les expertises ou contributions publiques concernant le tabagisme, la mention systématique des liens éventuels de leurs auteurs avec l’industrie du tabac ou l’industrie pharmaceutique (aides au sevrage), ainsi que le suggère la Cour. Plus largement, l’indépendance de l’expertise doit être confortée.

Dans ce sens, la proposition de loi relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement (79), adoptée par l’Assemblée nationale le 31 janvier 2013, prévoit la création d’une commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement. Elle sera notamment chargée d’émettre et de diffuser des recommandations générales sur les principes déontologiques qui doivent s’appliquer à l’expertise scientifique et technique, notamment dans le domaine de la santé. Elle pourra également être consultée sur les codes de déontologie mis en place dans les établissements et organismes publics ayant une activité d’expertise ou de recherche dans le domaine de la santé.

Enfin, des représentants de l’industrie du tabac ont fait état de certaines recherches tendant à diminuer la toxicité des produits. Il conviendra d’analyser les résultats de ces recherches avec recul et objectivité.

Proposition n° 7 : Développer l’évaluation et la recherche sur le tabagisme, dans le cadre d’un programme pluriannuel interdisciplinaire :

– établir, sous l’impulsion de l’INCA, une stratégie nationale de recherche multidisciplinaire, afin de définir des axes prioritaires et les moyens financiers nécessaires, de renforcer la coordination entre les différents organismes et de faire réaliser une nouvelle estimation du coût du tabac pour la collectivité ;

– développer les évaluations de l’impact des actions locales de prévention (par exemple, par le suivi de cohortes), en confiant à un organisme indépendant une mission de suivi de ces actions et de diffusion des expériences qui ont fait la preuve de leur efficacité ;

– prévoir, dans toutes les études et expertises publiées concernant le tabagisme, la déclaration systématique des liens éventuels de leurs auteurs avec l’industrie du tabac ou l’industrie pharmaceutique.

III.– LES INSTRUMENTS : UTILISER ET METTRE EN SYNERGIE TOUS LES LEVIERS DE L’ACTION PUBLIQUE, AVEC UNE LARGE MOBILISATION DES ACTEURS

Des mesures efficaces en matière de réduction du tabagisme requièrent :

– d’utiliser tous les leviers de l’action publique (application de la réglementation, information et prévention, prise en charge sanitaire, coopération internationale, répression du trafic, etc.) ;

– de mobiliser largement la société civile et tous les acteurs concernés qui ont tous un rôle à jouer pour enrayer l’augmentation de la prévalence (professionnels de santé, enseignants, parents, forces de l’ordre, buralistes, associations, etc.) ;

– d’agir en direction des non-fumeurs et des fumeurs, pour soutenir au mieux ceux d’entre eux qui souhaitent s’arrêter (80) et encourager les autres à le faire.

Pour cela, l’amélioration de l’application de la réglementation doit constituer un préalable à l’adoption de nouvelles mesures afin de mieux prévenir et de mieux dissuader, mais aussi d’améliorer la prise en charge par le système de santé.

A.– APPLIQUER : CRÉER LES CONDITIONS D’UNE MEILLEURE MISE EN œUVRE DE LA RÉGLEMENTATION

Avant que d’envisager de nouvelles mesures, la mise en œuvre effective de la réglementation existante doit constituer une priorité, ce qui implique de renforcer sensiblement les contrôles, mais aussi les mesures d’accompagnement.

1. Tirer les enseignements d’une application incomplète des interdictions de fumer dans les lieux publics et de la vente de tabac aux mineurs

De nombreuses obligations ou interdictions sont aujourd’hui prévues concernant la vente, l’usage, la publicité, le conditionnement et la composition des produits du tabac. Toutefois, de nombreuses failles existent dans l’application de chacune des règles existantes, ainsi que le souligne le rapport de la Cour. C’est particulièrement le cas pour deux interdictions.

● Les contournements à l’interdiction de fumer dans les lieux publics

En application du décret précité du 15 novembre 2006, il est désormais interdit de fumer dans tous les « lieux fermés et couverts » accueillant du public ou constituant des lieux de travail (81), dans les moyens de transport collectif, dans les espaces non couverts des écoles, collèges et lycées, ainsi que des établissements destinés à l’accueil, à la formation ou à l’hébergement des mineurs. Ces mesures protectrices en matière de tabagisme passif sont aujourd’hui très clairement soutenues par l’opinion publique et ce, y compris pour les lieux de convivialité (cafés, bars et restaurants), comme l’indique le sondage réalisé par l’Ifop en juin 2012. Seules 39 % des personnes interrogées ont toutefois jugé que cette interdiction est « complètement » respectée.

Les rapporteurs ont en effet pu constater que la réglementation n’est pas correctement appliquée dans certains lieux ou interprétée d’une manière contraire à l’objectif de protection générale des non-fumeurs qu’elle poursuit. Selon plusieurs personnes entendues par les rapporteurs, notamment l’association Droits des non fumeurs, c’est notamment le cas dans les lieux de convivialité, avec en particulier les terrasses, « nouvel espace de contournement de la loi », mais aussi les bars à chicha (82), les discothèques ou encore les établissements dont les fumoirs ne respectent pas les dispositions légales.


LES RÉSULTATS DE L’ENQUÊTE D’OPINION RÉALISÉE EN JUIN 2012 : LE JUGEMENT PORTÉ SUR LES INTERDICTIONS ET LE RESPECT DE LEUR APPLICATION

« Une adhésion élevée sur les trois mesures mais minorée auprès des moins de 25 ans qui se montrent par ailleurs plus septiques que la moyenne sur la mise en œuvre et le respect effectif de ces mesures. »



Source : enquête réalisée par l’IFOP pour l’Assemblée nationale (juin 2012), graphique présenté lors de la table ronde sur le tabagisme des jeunes (12 décembre 2012)

En particulier, le nombre des « terrasses fumeurs » serait passé de 30 000 en 2007 à 45 000 en 2009 selon une étude publiée en mai 2011 (83), ce qui est particulièrement problématique dans le cas de terrasses encloses de vitres ou de bâches (84). En outre, cette règlementation a déplacé les fumeurs des lieux où le tabac était habituellement consommé, notamment vers les trottoirs jouxtant les cafés et restaurants, entraînant des nuisances pour les riverains. En l’état actuel du droit, certains lieux apparaissent par ailleurs insuffisamment protégés, comme par exemple les tribunes des stades semi-ouverts.

L’application de la réglementation est également insuffisante dans certains lieux de travail (85) ainsi que dans les transports collectifs, où des infractions à la réglementation sont régulièrement constatées. Sur ce dernier point, les rapporteurs soulignent le devoir d’exemplarité des services publics et appellent au respect de l’interdiction de fumer dans les transports collectifs et les gares en particulier. Il en va de même pour les établissements de santé par exemple. En définitive, l’interdiction de fumer dans les lieux publics apparaît comme « une mutation encore incomplète », comme le souligne la Cour.

● Une application insuffisante de l’interdiction de vente aux mineurs

L’interdiction de vente de tabac aux mineurs, dont l’âge a été relevé de 16 à 18 ans par la loi du 21 juillet 2009 précitée (loi « HPST »), fait l’objet d’une très large adhésion au sein de la population. L’ensemble des représentants des fabricants de tabac entendus par les rapporteurs ont également déclaré soutenir cette mesure protectrice. Son application demeure toutefois demeure incomplète, ainsi que l’a notamment fait apparaître une enquête réalisée en 2011 dont les résultats sont présentés infra. De même, le sondage réalisé en juin 2012 par l’institut Ifop indique que 28 % des personnes interrogées jugent cette interdiction respectée et seulement 3 % qu’elle l’est « complètement ».

Les résultats d’une enquête publiée en novembre 2011
concernant l’application de l’interdiction de vente aux mineurs

L’Institut national du cancer (InCA) a confié au Comité national contre le tabagisme (CNCT), avec le soutien de l’Inpes, une évaluation de l’interdiction de la vente de tabac aux mineurs de moins de 18 ans. Pour mesurer son effectivité, une « enquête clients mystères » a été réalisée auprès d’un échantillon représentatif de 430 débits de tabac, du 16 au 28 mai 2011(86). Elle a été confiée à un institut d’enquêtes spécialisées (LH2). Il en ressort notamment que :

– 49 % des buralistes respectent l’ensemble des conditions en matière de signalétique : existence, conformité et visibilité de l’affichette rappelant l’interdiction ;

– concernant la possibilité de demander une pièce d’identité en cas de doute sur l’âge de l’acheteur, 8 % l’ont fait et 26 % ont demandé l’âge ; tous les débitants ayant demandé une pièce d’identité ont ensuite refusé la vente ; selon le CNCT, « cette disposition essentielle, visant à faciliter l’application de la loi, est malheureusement encore très peu utilisée. Or, on constate que parmi les débitants qui ont demandé d’emblée une pièce d’identité, la vente a été refusée. Ceci montre l’efficacité du dispositif dès lors qu’il est appliqué » ;

– 59 % acceptent spontanément de vendre des produits du tabac aux mineurs ; lorsque le mineur invoque un prétexte, la proportion de débitants acceptant de vendre aux mineurs augmente légèrement et passe à 62 % ; si l’on distingue selon l’âge des enfants : 38 % acceptent spontanément de vendre à des enfants de 12 ans et 85 % à des mineurs de 17 ans.

Source : Observatoire CNCT/LH 2 (novembre 2011)

● Quelles conclusions en tirer ?

Le constat ainsi dressé n’a évidemment pas pour objectif de jeter l’opprobre sur une profession, qu’il s’agisse des agents de l’État chargés de veiller au respect de la réglementation ou des buralistes, mais simplement de chercher à mieux en comprendre les raisons et les difficultés qui se posent, concrètement, pour pouvoir y répondre au mieux et agir plus efficacement.

À cet égard, l’imprécision de certaines notions peut tout d’abord rendre plus complexe l’application de la réglementation, par exemple celles de lieux fermés ou encore de lieux accueillant des mineurs. L’association Droits des non fumeurs a ainsi suggéré de « se pencher sur une clarification des termes du décret du 15 novembre 2006 qui permettent des interprétations quelquefois contraires à la volonté du législateur », en particulier pour certaines notions (87).

Par ailleurs, les débitants, qui sont parfois exposés à des problèmes d’insécurité, peuvent rencontrer des difficultés pour exiger, pour certains clients, une pièce d’identité, et ce d’autant plus que la réglementation n’est pas toujours bien connue de tous et qu’aucune véritable action de communication n’a été organisée en direction du grand public. Enfin, les moyens mis en œuvre en termes de contrôle apparaissent aujourd’hui insuffisants et peu structurés.

2. Établir un programme national de contrôle avec des objectifs chiffrés par département

Le rapport de la Cour fait clairement apparaître que les contrôles publics restent à la fois dispersés et peu actifs, en soulignant notamment que la probabilité pour un débitant d’être contrôlé sur place par l’administration des douanes était de l’ordre d’une fois par siècle… De même, le directeur général de la santé, M. Jean-Yves Grall (88), a-t-il admis l’insuffisance des contrôles et la nécessité d’une stratégie globale, les corps de contrôle étant actuellement trop dispersés.

En conséquence, un programme national de contrôle doit être établi afin d’améliorer l’application de la réglementation relative au tabac. Adopté par le comité interministériel de lutte contre le tabagisme, ce plan devra :

– coordonner l’action des différents agents concernés et être décliné annuellement par corps de contrôle (y compris l’administration des douanes) ;

– prévoir des objectifs chiffrés dans chaque département ;

– faire l’objet d’un suivi régulier annuel (nombre de vérifications effectuées, nombre et nature des infractions constatées et sanctions prononcées, etc.).

3. Prévoir des mesures d’accompagnement et préciser la réglementation

Au-delà du nécessaire renforcement des contrôles par les pouvoirs publics, il faut aussi et surtout, en amont, faire œuvre de pédagogie et aider au mieux les acteurs concernés sur le terrain, ce qui suppose tout d’abord de veiller aux moyens alloués aux principales associations dans ce domaine (89).

Par ailleurs, des mesures d’accompagnement sont nécessaires pour mieux aider les buralistes, préposés de l’administration, dans l’exercice de leurs missions. Dans ce sens, leur formation pourrait tout d’abord être améliorée, à la fois concernant la réglementation mais aussi, par exemple, les manières de refuser la vente, sans susciter de tension avec la clientèle. En outre, comme l’a suggéré le président de la Confédération des buralistes de France, une campagne d’information doit être lancée en direction du grand public, ce qui créera un environnement plus favorable au respect spontané de la réglementation.

Enfin, alors que la réglementation actuelle prévoit que le débitant peut demander la production d’une pièce d’identité pour établir la preuve de la majorité de l’acheteur (90), il conviendrait de s’inspirer des actions mises en œuvre au Royaume-Uni et de prévoir l’obligation, à la charge du client, quel que soit son âge, de présenter une pièce d’identité pour l’achat de tabac. Cette présentation systématique vise à aider et à protéger les débitants en faisant peser sur le client l’obligation de prouver son âge, d’autant plus que cette obligation serait clairement affichée dans les lieux de vente. Au demeurant, dans bien des circonstances de la vie quotidienne (pour prendre l’avion, acheter une place de cinéma à tarif réduit, etc.), la présentation d’une pièce d’identité ne pose pas de difficulté.

La campagne de communication « No ID, no sale » (pas de carte d’identité, pas de vente)

L’interdiction de la vente de tabac (sous toutes ses formes) aux mineurs (moins de 18 ans) est effective depuis le 1er octobre 2007 au Royaume-Uni. La vente de tabac à un mineur peut donner lieu à une amende de 2.500 £. En Angleterre, Pays de Galles et Irlande du Nord, les détaillants n’ont pas besoin d’un permis pour vendre des produits de tabac. En revanche, toute infraction de la loi en matière de vente aux mineurs peut entraîner une interdiction de vente. Tous les détaillants ont l’obligation d’afficher de manière visible dans leur boutique le message « It is illegal to sell tobacco products to anyone under 18 years of age ». Une absence d’affichage peut donner lieu à une amende de 1.000 £. Dans le doute sur l’âge de l’acheteur, les détaillants doivent demander une pièce d’identité. En l’absence de celle-ci, les représentants des détaillants (Tobacco Retailers Alliance) invitent les vendeurs à refuser la vente, en application du principe « No ID no sale ».

La campagne de communication « No ID no sale » a été lancée en 2005 à l’initiative de l’association CitizenCard, dont l’objectif est de promouvoir les bénéfices de l’usage d’un titre d’identité valide. Dans ce cadre, cette association a mis en place plusieurs dispositifs, dont la CitzenCard ID (qui se présente comme une carte d’identité, acceptée par les services de police), et a lancé la compagne « No ID no sale » dont l’objectif est d’aider les professionnels à faire passer le message auprès des jeunes clients qu’une pièce d’identité doit être produite pour pouvoir acheter des produits dont la vente est interdite aux mineurs (comme le tabac, l’alcool, les produits de la loterie). Le détaillant peut commander un pack de communication en ligne. Depuis son lancement, l’association représentant les détaillants de tabac (Tobacco Retailers Alliance) estime que 150.000 packs ont été envoyés. Ce pack contient des posters, autocollants, torches UV (pour vérifier la validité des cartes d’identité) ainsi qu’un refusals register (un registre des refus), dans lequel le vendeur peut consigner le nombre de fois où il a refusé de vendre du tabac, à qui et pour quelles raisons. Ce registre peut être utilisé devant le Trading Standards Institute (organisme en charge de faire respecter les droits des consommateurs) pour montrer que le détaillant demande et vérifie régulièrement l’âge des clients. La phrase « No ID, no Sale » est généralement répandue et connue, visible sur les portes d’entrée, dans les supermarchés, supérettes, marchands de journaux, PMU…

Source : ambassade de France au Royaume-Uni (février 2013)

Enfin, le cadre réglementaire doit être précisé et complété sur plusieurs points :

– l’interdiction de fumer doit être généralisée à l’ensemble des enceintes sportives, notamment pour la protection de la santé du public, et particulièrement des jeunes, mais aussi au regard de l’image véhiculée par les lieux de sports. Il faudrait pour cela modifier par décret l’article R. 3111-1 du code de la santé publique ;

– la notion de lieux fermés et couverts pourrait également être précisée, et en tout état de cause, comme le préconise la Cour, il convient d’interdire de manière générale l’usage du tabac sur les terrasses qui ne sont pas totalement en plein air et séparées des espaces intérieurs.

Proposition n° 8 : Améliorer l’application de l’interdiction de fumer dans les lieux publics et de la vente du tabac aux mineurs :

– veiller à une application stricte de l’interdiction de fumer dans les lieux fermés et couverts recevant du public (bars à chicha, gares, etc.) ;

– généraliser cette interdiction à l’ensemble des enceintes sportives ainsi qu’aux terrasses n’étant pas totalement en plein air ou séparées des espaces intérieurs ;

– organiser une campagne de communication sur l’interdiction de vente aux mineurs en direction du grand public et prévoir l’obligation de présenter une pièce d’identité lors de l’achat de tabac ;

– mobiliser les corps de contrôle concernés par l’application de la réglementation relative au tabac, en définissant un plan de contrôle annuel avec des objectifs chiffrés d’augmentation des contrôles et un suivi annuel précis par département, rendu public.

B.– PRÉVENIR ET DISSUADER

Les politiques de hausses de prix peuvent avoir un impact significatif sur la consommation de tabac, à la condition toutefois de lutter activement, dans le même temps, contre les achats hors du réseau des buralistes (marché parallèle et achats transfrontaliers). Au-delà de l’accessibilité des produits du tabac, leur attractivité doit également être réduite, s’agissant notamment de la composition ou du conditionnement. Enfin, des stratégies ambitieuses de prévention doivent être déployées pour éviter la première cigarette et dissuader les fumeurs de continuer.

1. Utiliser le levier fiscal dans un objectif de santé publique et amplifier la lutte contre les achats hors du réseau des buralistes

● Remobiliser l’outil de la fiscalité au service de la santé publique

La charge fiscale représente aujourd’hui environ 80 % du prix de vente des cigarettes (91). Le niveau de taxation fixé par l’État joue donc un rôle majeur pour la formation du prix, toute hausse de la fiscalité ayant un fort effet de levier : un surcroît de charge fiscale de 1 % oblige en effet le fabricant, pour maintenir le niveau de la marge commerciale, à augmenter le prix de quelque 10 %, selon le rapport de la Cour.

Les mesures financières et fiscales constituent « un moyen efficace et important de réduire la consommation de tabac », en particulier chez les jeunes, selon les termes de l’article 6 de la convention-cadre de l’OMS (CCLAT), ratifiée par la France en 2004. En particulier, des études menées au niveau international ont montré l’impact significatif de l’augmentation des prix sur la consommation.

Les évaluations de l’impact des hausses de taxes et de prix sur la consommation de tabac

L’augmentation des prix est considérée par les organisations internationales (Banque mondiale et Organisation mondiale de la santé, OMS) comme la mesure la plus efficace et la moins coûteuse pour lutter contre le tabagisme (92). Un rapport de la Banque mondiale paru en 2000 (93) indiquait ainsi qu’« en moyenne, on compte qu’une hausse de 10 % sur le prix d’un paquet de cigarettes se traduit par une baisse de la demande qui atteint 4 % dans les pays à revenu élevé et 8 % dans les pays à revenu faible et intermédiaire, où les gens sont généralement plus sensibles aux variations de prix. »

Selon le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), dans sa publication sur les méthodes d’évaluation des politiques de contrôle du tabac (94), plus de 100 études centrées sur les pays développés ont montré que l'augmentation de 10 % des taxes et du prix des produits du tabac réduit la consommation de tabac entre 2,5 et 5 % (un peu plus de la moitié de l’effet prix se répercute sur la prévalence et un peu moins de la moitié de l’effet prix a une incidence sur la consommation moyenne des fumeurs qui n'ont pas arrêté de fumer). L’impact de cette hausse des taxes concerne principalement les jeunes et les catégories socio-économiques les plus défavorisées (CIRC, 2008).

Sources : Institut national du cancer (InCA), Banque mondiale et Centre international de recherche sur le cancer (CIRC)

En particulier, le Haut conseil de la santé publique a souligné, dans son avis précité de janvier 2012, que « ce sont les plus jeunes qui présentent la plus grande sensibilité aux variations de prix », ce qui semble corroboré par les résultats de l’enquête réalisée par l’Ifop en juin dernier.

L’EFFICACITÉ PERÇUE, SELON L’ÂGE, DES AUGMENTATIONS DU PRIX DU TABAC

Source : enquête d’opinion réalisée par l’IFOP pour l’Assemblée nationale (juin 2012), présentation préparée pour la table ronde du 12 décembre 2012 sur le tabagisme des jeunes

En France, le levier fiscal n’a toutefois été mobilisé qu’inégalement au cours de la dernière décennie, et « davantage dans une stratégie d’optimisation financière, tant pour les fabricants que pour les buralistes et l’État, que dans une approche de santé publique », selon le rapport de la Cour.

En effet, aux mesures volontaristes adoptées en 2003 et 2004 (relèvements fiscaux des droits d’accises ayant induit des hausses de prix approchant au total 40 %), qui ont eu un impact significatif sur la consommation, a succédé un « moratoire fiscal », prolongé de fait pendant plusieurs années, avec plusieurs hausses de prix modérées (de l’ordre de 6 % par an, sauf en 2008) principalement à l’initiative des fabricants (95).

Or, au cours de cette seconde phase, les ventes sont restées globalement stables, comme l’illustre le graphique présenté ci-après, tandis que la prévalence tabagique a sensiblement progressé entre 2005 et 2010.


ÉVOLUTION DES VENTES MENSUELLES DE CIGARETTES
ET DU PRIX DE LA CLASSE DE CIGARETTES LA PLUS VENDUE ENTRE 2000 ET 2012

Ventes mensuelles de cigarettes (en millions d’unités) Prix de la classe la plus vendue (en euros)

Entre 2002 et 2010, les hausses annuelles de prix des cigarettes étaient de  (96) :

+ 28,5 % (2002) + 9 % (2003) + 6 % (2007) + 6 % (2009) + 6 % (2010)

Les ventes annuelles de cigarettes s’élevaient à 80,53 milliards d’unités en 2002, à 54,92 milliards d’unités en 2004 et à 54,11 milliards en 2011 (OFDT, 2013). La prévalence tabagique des fumeurs réguliers a baissé de 3 points entre 2000 et 2005 (de 30 à 27 %) et progressé entre 2005 et 2010 (29, 1 %) de 2,1 points (Baromètres santé de l’Inpes).

Source : d’après les données des séries longues de l’OFDT

Plusieurs personnes auditionnées ont ainsi souligné que les hausses de prix successives sur la période récente n’avaient pas permis de diminuer la consommation, contrairement à la « marche haute » de 2003 et en raison du niveau modéré de chacune d’elles – et sans doute également de l’application hétérogène des augmentations de prix par les fabricants (97). Le professeur Gérard Dubois, membre de l’Académie de médecine, a ainsi regretté l’absence d’augmentation dissuasive du prix du tabac depuis 2004. Dans le même sens, le Haut conseil de la santé publique (HCSP), composé notamment d’une commission spécialisée de prévention, dont les rapporteurs ont entendu le président, a préconisé récemment « l’augmentation progressive, continue et conséquente des taxes visant au minimum une augmentation de 10 % du prix de vente TTC des produits du tabac (98) ».

Toutefois, alors que l’outil fiscal n’avait pas été utilisé depuis plusieurs années, la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2013 (99) a prévu, d’une part, l’extension des mécanismes fiscaux appliqués à la cigarette (le tabac à rouler se voit ainsi imposer un taux spécifique de 30 %) et, d’autre part, un relèvement des droits sur le tabac à partir du 1er janvier 2013, puis en juillet 2013 (100).

Le rapport de la Cour souligne le progrès représenté par les ajustements de la fiscalité portés par la LFSS pour 2013, tout en considérant que l’objectif de santé publique exige une dissuasion plus vigoureuse par les prix, en appelant par conséquent à mettre en œuvre, dans la durée, au-delà des mesures déjà annoncées pour 2013, « une politique volontariste de relèvement soutenu des prix du tabac, en usant de l’outil fiscal à un niveau suffisant pour provoquer une baisse effective et durable de la consommation ».

LA RÉFORME DE LA FISCALITÉ DES PRODUITS DU TABAC PRÉVUE PAR LA LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE (LFSS) POUR 2013

 

Taux normal

Taux spécifique

 

Applicable en 2012

Depuis le 1er janvier 2013

En juillet 2013

Applicable en 2012

Depuis le 1er janvier 2013

En juillet 2013

Cigarettes

64,25 %

64,25 %

64,7 %

9 %

12,5 %

15 %

Cigares et cigarillos

27,57 %

28 %

28 %

0

5 %

5 %

Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes

58,57 %

60 %

62 %

0 %

30 %

30 %

Autres tabacs à fumer

52,42 %

55 %

55 %

0 %

10 %

10 %

Tabacs à priser

45,57 %

50 %

50 %

0 %

0 %

0 %

Tabacs à mâcher

32,17 %

35 %

35 %

0 %

0 %

0 %

Sources : article 575 A du code général des impôts et article 23 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2013

Les rapporteurs préconisent en conséquence d’utiliser le levier fiscal dans un objectif de santé publique, en prenant en compte les orientations suivantes :

– se doter d’un dispositif lisible et compréhensible, ce qui suppose de simplifier la fiscalité des produits du tabac, mais aussi de faire la pédagogie des relèvements de prix, dont que l’objectif premier est de protéger la santé publique, et non pas de « remplir les caisses de l’État ou des organismes de sécurité sociale » ;

– poursuivre l’harmonisation de la fiscalité des produits du tabac : en particulier, le tabac à rouler doit être imposé exactement autant que les cigarettes, pour éviter les reports de consommation ; ceci irait d’ailleurs pleinement dans le sens des dispositions adoptées au niveau international, en novembre 2012, par la Conférence des Parties à la convention-cadre de l’OMS pour la lutte anti-tabac (101) ;

– à l’avenir, privilégier par rapport aux augmentations modérées à l’initiative des fabricants, les relèvements de la fiscalité en vue d’augmenter sensiblement les prix du tabac et diminuer la prévalence du tabagisme.

À cet égard, le secrétariat permanent de l’OMS a souligné que le prix du tabac est plus élevé dans d’autres pays (102), et notamment au Royaume-Uni ou en Irlande, comme l’illustre la carte présentée ci-après. Toutefois, la France n’étant pas une île, toute politique de hausse de prix doit avoir pour corollaire de lutter plus efficacement contre le commerce illicite des produits du tabac et de limiter les achats transfrontaliers.

LE PRIX MOYEN PONDÉRÉ DU TABAC EN EUROPE

Source : association Droits des non fumeurs (DNF), janvier 2012

Proposition n° 9 : Réformer la fiscalité des produits du tabac :

– simplifier la fiscalité et taxer à la même hauteur tous les produits du tabac ;

– à l’avenir, privilégier un relèvement de la fiscalité des produits du tabac en vue d’une augmentation significative des prix, plutôt que plusieurs augmentations de prix régulières et modérées à l’initiative des fabricants.

● Lutter plus efficacement contre la contrebande et achats transfrontaliers

Les achats hors du réseau des buralistes représenteraient environ 20 % de la consommation totale, dont les trois quarts correspondraient à des achats transfrontaliers légaux.

ESTIMATIONS DES MODES D’APPROVISIONNEMENT EN CIGARETTES

(en tonnes)

 

Cigarettes

Répartition

Ventes officielles

54 800

79,0 %

Achats transfrontaliers légaux

10 700

15,4 %

Achats illégaux

3 900

5,6 %

Consommation totale estimée

69 400

100 %

Source : direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), 2011, à partir des données de l’Institut national des hautes études de sécurité (INHES) et de l’OFDT

Les importations de produits de tabac par des ressortissants français se font en grande partie dans des pays limitrophes dans lesquels le tabac est vendu moins cher, notamment en Espagne, en Andorre, au Luxembourg et en Allemagne.

Dès lors qu’ils ne dépassent pas une certaine quantité (103) et compte tenu du principe de libre circulation au sein du marché unique, ce type d’achats ne peut être sanctionné, et d’autant moins que le régime des acquisitions communautaires est fragilisé juridiquement, ainsi que le souligne le rapport de la Cour. En effet, ce régime, qui jusqu’à présent limitait le nombre de cigarettes qu’il était possible d’importer, est aujourd’hui remis en cause au niveau européen.

ÉVOLUTION DES VENTES DE CIGARETTES PAR HABITANT SELON LE DÉPARTEMENT (1999-2009) ET DIFFÉRENTIELS DE PRIX DU PAQUET DE 20 CIGARETTES EN 2009 ENTRE LA FRANCE ET LES PAYS LIMITROPHES

(en pourcentage et en euros)


Sources : direction Altadis, OFDT, BAT France/Epsy

À cet égard, tout en soulignant que la libre circulation des marchandises est un principe fondamental du droit de l’Union européenne, le commissaire européen chargé de la santé a indiqué aux rapporteurs que, pour ce qui est de l’achat transfrontalier légal de tabac à usage personnel, « la Commission européenne est pleinement consciente des problèmes rencontrés par certains États membres à l’égard des produits du tabac provenant d’un autre État membre, où les droits d’accises sont plus bas ». Selon les informations recueillies par les rapporteurs, les services de la Commission pourraient inclure cet aspect dans leur analyse en préparation d’une révision de la législation de l’Union Européenne concernant la structure et les taux des accises applicables aux tabacs manufacturés, qui est a priori prévue dans les prochaines années.

Il conviendrait par conséquent de mobiliser efficacement notre diplomatie dès à présent en vue d’obtenir une disposition communautaire spécifique, qui permettrait, en raison de la dangerosité particulière du produit et pour des raisons majeures de santé publique, une exception à la libre circulation pouvant justifier un strict encadrement quantitatif des importations privées légales de tabac.

Pour limiter ces achats transfrontaliers, qui par définition se font hors du réseau des buralistes, la convergence des prix du tabac en Europe est bien sûr souhaitable, mais sans doute ne peut-elle être menée que sur le long terme. Il n’en reste pas moins nécessaire de poursuivre les efforts dans ce sens et de développer des coopérations bilatérales avec les pays frontaliers.

Concernant la question d’une plus grande harmonisation de la fiscalité et des prix des produits du tabac en Europe, le commissaire européen chargé de la santé s’est dit persuadé, dans le courrier adressé aux rapporteurs, que l’adoption en novembre 2012 des principes directeurs et des recommandations pour l'application de l'article 6 (104) de la CCLAT, relatif aux mesures financières et fiscales, ainsi que le processus en cours concernant la poursuite de l’élaboration de lignes directives pour l’application de cet article, contribueront à optimiser l’utilisation des prix et des mesures fiscales sur les produits du tabac comme moyen de réduction de la demande, moyen reconnu comme efficace et important. Avec davantage de convergence fiscale sur le tabac entre l’Union européenne et les pays tiers, les achats transfrontaliers à usage personnel et surtout la contrebande deviendraient moins attractifs, ce qui contribuerait également à la réduction de la consommation.

S’agissant précisément de la contrebande, différents types de trafics de tabacs et cigarettes sont aujourd’hui identifiés en France : le trafic organisé par les grands réseaux internationaux de contrebande, qui sont capables d’affréter des conteneurs entiers (105; le trafic dit « fourmi », c'est-à-dire les envois répétés par fret postal ou express d’une ou deux cartouches de cigarettes ; l’achat de tabac par des particuliers qui pratiquent le « tourisme fiscal » dans les États membres voisins de la France au-delà des quantités autorisées.

La lutte contre le trafic de tabacs et de cigarettes constitue l’une des priorités de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) : l’action de l’administration des douanes a ainsi permis d’empêcher l’arrivée sur le marché de 462 tonnes de ces produits en 2011, le volume de cigarettes saisies ayant significativement progressé au cours des dernières années, comme l’illustre le graphique ci-dessous. S’agissant plus particulièrement de la lutte contre les achats par Internet (106), celle-ci repose sur un service créé en 2009 : la cellule « Cyberdouane », composée de 15 agents, qui identifie les sites de commerce et mobilise les services du contrôle du fret express ou postal pour l’interception des livraisons.

ÉVOLUTION DU NOMBRE ET DU VOLUME DE CIGARETTES SAISIES

(en nombre de saisies et en tonnes)

Source : OFDT (janvier 2013)

Ces efforts doivent toutefois être amplifiés afin de lutter plus efficacement contre toute forme de commerce illicite, dès lors que le développement d’un marché parallèle a pour effet d’affaiblir les politiques de lutte contre le tabagisme, en diminuant en particulier l’efficacité des mesures prises pour accroître les prix, mais aussi en permettant le contournement des dispositions protectrices concernant la vente de tabac aux mineurs.

Les rapporteurs se félicitent donc de l’adoption de plusieurs mesures récentes visant à renforcer la lutte contre les achats illégaux de tabac, en particulier la conclusion, en novembre 2012, d’un nouveau protocole international pour combattre le commerce illicite, signé par la France en janvier 2013.

L’adoption d’un nouveau Protocole international
pour combattre le commerce illicite des produits du tabac en novembre 2012

Le Protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac a été adopté lors de la cinquième session de la Conférence des parties à la convention-cadre de l’OMS pour la lutte anti-tabac (CCLAT) le 12 novembre 2012, à Séoul. Le Protocole a été négocié par un organe intergouvernemental de négociation, mandaté à cet effet par la Conférence des Parties en 2007. Adopté par les délégués de plus de 140 Parties à la convention-cadre, ce texte fixe les règles pour combattre le commerce illicite par le contrôle de la chaîne logistique et la coopération internationale. Le Protocole engage les pays à instaurer un système mondial de suivi et de traçabilité, mesure cruciale pour réduire le commerce illicite des produits du tabac. Premier protocole à la Convention-cadre de l’OMS, il constitue un traité international en soi.

Éliminer toutes les formes de commerce illicite du tabac

« L’élimination de toutes les formes de commerce illicite des produits du tabac, y compris la contrebande et la fabrication illégale, est un élément essentiel de la lutte antitabac », estime le président de la Conférence des parties, l’ambassadeur Ricardo Varela. « En adoptant aujourd’hui ce nouveau protocole par consensus, les pays ont réaffirmé leur engagement historique à protéger la santé de leurs habitants, en particulier les jeunes et les personnes vulnérables.» Le commerce illicite des produits du tabac est un problème d’ampleur mondiale. Il compromet la réalisation des objectifs de santé, impose une charge supplémentaire aux systèmes de santé et affaiblit les mesures fiscales et autres destinées à renforcer la lutte antitabac. Il entraîne d’importantes pertes de revenu pour les gouvernements du monde entier mais rapporte d’énormes profits à ceux qui agissent dans l’illégalité. Ces profits servent souvent à financer la criminalité transnationale.

Définition des actes illicites et des mesures de coopération

« Les gouvernements et les populations auront tout à gagner de l’éradication du commerce illicite des produits du tabac », commente le Dr Haik Nikogosian, chef du secrétariat de la convention-cadre. Le protocole détermine les activités qui constituent des actes illicites et définit des mesures de détection, de répression et de coopération internationale, comme la délivrance de licences, l’échange d’informations et l’entraide judiciaire, qui aideront à parer au commerce illicite et, au final, à l’éliminer. Après son adoption par la Conférence des Parties, les étapes de la procédure pour l’entrée en vigueur du Protocole sur le commerce illicite des produits du tabac sont les suivantes : protocole ouvert à la signature des Parties pendant un an à compter du 10 janvier 2013, à Genève, puis au siège de l’Organisation des nations unies (ONU), à New York, jusqu’au 9 janvier 2014 ; processus de ratification, en fonction de la législation nationale ; entrée en vigueur 90 jours après 40 ratifications.

Source : Organisation mondiale de la santé (OMS)

La loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 a également prévu plusieurs dispositions concernant la mise en place d’un dispositif de traçabilité des produits du tabac, permettant d’identifier et de mieux lutter contre les réseaux de contrefaçon et de contrebande. Il s’agissait ainsi de mettre en œuvre les dispositions de la convention-cadre et du protocole qui sera ratifié par la France, précisait l’étude d’impact du projet de loi. Pour lutter plus efficacement contre le trafic de tabac sur Internet, la loi de finances précitée a permis, d’autre part, de renforcer les moyens de l’administration des douanes sur Internet, en organisant la réalisation d’opérations sous identité cachée (« coups d’achats »), des dispositions étant également prévues concernant la fermeture administrative des commerces vendant illégalement du tabac.

Enfin, le commissaire européen chargé de la santé a précisé aux rapporteurs que la proposition de directive prévoit un système d’identification et de traçabilité ainsi que des dispositifs de sécurité, le but étant de s’assurer que seuls les produits en conformité avec la directive circulent dans l’Union européenne, en précisant que ces mesures sont tout à fait compatibles avec les engagements pris par l’Union Européenne et les États membres dans le cadre du protocole international évoqué plus haut. Selon le commissaire, toutes ces actions contribueront à lutter contre le commerce illicite des produits du tabac, qui entraîne une perte estimée à 10 milliards d’euros chaque année pour l’Union européenne et ses États membres.

Il convient donc de prendre rapidement toutes les mesures nécessaires à l’application de l’ensemble de ces mesures, notamment la ratification du protocole et l’élaboration des textes réglementaires nécessaires concernant le marquage et la traçabilité des paquets (107).

En outre, la lutte contre les achats sur Internet doit constituer une priorité pour les pouvoirs publics : le plan gouvernemental de lutte contre le tabagisme préconisé par les rapporteurs (cf. supra) pourrait comporter un volet spécifique sur cette question, avec par exemple un renforcement des moyens humains et matériels des douanes en matière de cyberdélinquance, en fixant des objectifs précis dans ce domaine. Différentes mesures pourraient également être étudiées, afin de durcir l’arsenal répressif, en habilitant par exemple la justice à désactiver un site suspect le temps d’une enquête et à saisir les noms de domaine des sites illégaux. Les buralistes ou leurs organismes professionnels pourraient en outre être encouragés à se porter partie civile contre les acteurs des trafics illicites (108).

Enfin, le rapport de la Cour indique que si, selon l’administration des douanes, le régime de sanction en France est plus sévère et plus complet que celui qui existe dans de nombreux autres pays de l’Union européenne, l’application de ces sanctions se heurte toutefois à des difficultés (109). Il estime en conséquence qu’une application plus stricte et plus cohérente du dispositif de sanction du trafic organisé de cigarettes devrait être recherchée notamment à travers un renforcement des modalités de coopération bilatérale ou multilatérale des services concernés avec leurs homologues étrangers.

Proposition n° 10 : Amplifier la lutte contre les achats hors du réseau des buralistes (achats illicites et transfrontaliers) :

– prendre rapidement toutes les mesures nécessaires à la mise en œuvre des dispositions prévues par le protocole international de lutte contre le commerce illicite, adopté en novembre 2012, la loi de finances rectificative du 29 décembre 2012 (marquage des paquets et traçabilité) et la prochaine directive sur le tabac ;

– développer les coopérations internationales pour réprimer plus efficacement le trafic de tabac et renforcer les moyens de lutte contre les achats sur Internet ;

– promouvoir une meilleure harmonisation de la fiscalité et des prix, aux niveaux européen et bilatéral, et l’introduction d’une disposition communautaire spécifique permettant un strict encadrement quantitatif des importations privées de tabac.

2. Réduire l’attractivité des produits du tabac

Plusieurs réformes doivent être engagées concernant la composition et le conditionnement des produits du tabac mais aussi la publicité en leur faveur, en lien avec la révision en cours de la directive sur le tabac (110), dont l’un des principaux objectifs est de « décourager l’initiation au tabagisme chez les jeunes et de réduire ainsi la consommation des produits du tabac sur le long terme », ainsi que l’a précisé aux rapporteurs le commissaire européen chargé de la santé et des consommateurs.

● La composition des produits du tabac

La loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires a interdit la vente de cigarettes aromatisées dont la teneur en ingrédients donnant une saveur sucrée ou acidulée dépasse des seuils fixés par décret (111). Cette disposition vise notamment à décourager l’accès des mineurs au tabac, en supprimant des procédés masquant l’âpreté des premières cigarettes. En application de cette disposition, le décret n° 2009-1764 du 30 décembre 2009 (112) relatif à la composition des cigarettes aromatisées a fixé la teneur maximale de certains ingrédients (la vanilline, l’éthylvanilline et l’édulcorant sur la manchette, c’est-à-dire le papier enroulant le filtre).

La réglementation actuelle comporte toutefois des failles jugées importantes par le Comité national contre le tabagisme (CNCT). En particulier, elle ne s’applique qu’aux cigarettes à l’exclusion des autres produits du tabac. Or, selon une étude réalisée en 2011 par le CNCT en partenariat avec le magazine 60 millions de consommateurs, certains cigarillos avaient des taux de vanilline et d’éthylvanilline jusqu’à dix fois supérieurs à ce qui est autorisé pour les cigarettes et des pourcentages de l’ordre de 30 % de sucre ajouté ont été constatés dans certains tabacs à chicha. De même, les édulcorants sont interdits sur la manchette des cigarettes, mais pas sur le papier pour le tabac à rouler. L’association a également alerté (113) sur la nécessité d’interdire tout type d’ingrédient, et pas seulement les arômes, qui accroissent l’attractivité des produits du tabac, tels que les sucres et édulcorants, parfums, etc.

Évoquant une « application défaillante » de la réglementation relative aux produits interdits, le rapport de la Cour souligne en particulier que « l’interdiction des cigarettes aromatisées se heurte encore à une sérieuse difficulté d’application », l’administration des douanes ayant notamment indiqué ne pas avoir obtenu une liste précise des références concernées (114).

Par ailleurs, la proposition de directive sur le tabac, présentée par la Commission européenne le 19 décembre 2012, prévoit, dans son article 6, l’interdiction de la mise sur le marché des cigarettes contenant un arôme caractérisant (115). Le commissaire européen chargé de la santé a indiqué à cet égard qu’il est prévu l’interdiction des cigarettes et tabacs à rouler présentant des arômes caractéristiques, mais aussi des produits contenant des additifs qui augmentent la toxicité et l’effet de dépendance, en précisant que les additifs essentiels à la fabrication de produits de tabac ne sont pas couverts par l’interdiction, à condition qu’ils ne confèrent pas au produit un arôme caractérisant.

À la faveur de la révision de la directive européenne sur le tabac, les rapporteurs préconisent donc d’élargir à l’ensemble des produits du tabac les dispositions actuellement prévues pour les cigarettes aromatisées (116) et d’étendre le champ des interdictions à certains additifs, par exemple le menthol. Les cigarettes dont le diamètre est inférieur au format classique (« slims »), qui semblent plus spécifiquement ciblées sur les femmes, voire suggérer une nocivité réduite, devraient également être interdites (117).

● Le conditionnement des cigarettes

Le conditionnement des produits du tabac doit être encadré à la fois pour assurer l’information du consommateur, sur la composition du produit comme sur les risques liés au tabagisme, mais aussi pour tenir compte du fait que les emballages constituent un vecteur de communication pour les fabricants et qu’ils peuvent dès lors contribuer à rendre plus attractif le tabac, en particulier auprès des plus jeunes.

En France, la réglementation du conditionnement des produits du tabac, et notamment l’obligation de faire figurer un message général et un message spécifique de caractère sanitaire (118), a été renforcée récemment par un arrêté du ministre chargé de la santé en date du 15 avril 2010, qui a prévu l’apposition d’un message au recto et au verso du paquet, représentant respectivement 30 et 40 % de la surface, et d’avertissements graphiques pouvant comporter des photographies en couleurs (« photos chocs »).

Sur ce point, la proposition de directive européenne précitée prévoit que des avertissements combinés (une image associée à un message) et couvrant 75 % de la surface devront figurer sur les deux faces des emballages des produits du tabac et apparaître en alternance (119). Selon la Commission européenne, la proposition s’appuie notamment sur de nouveaux éléments démontrant que les mises en garde plus grandes assorties d’images sont plus efficaces et que « la taille précise des avertissements (75 %) a été avancée après une analyse approfondie des preuves scientifiques et des pratiques mondiales (120), de l’évolution sur le plan international (l’article 11 de la CCLAT et ses directives préconisent de grands avertissements sous forme d’images, apposés sur les deux faces, et des règles strictes en matière d’informations trompeuses) ainsi que des effets entraînés pour les acteurs économiques. »

L’AUGMENTATION DE LA TAILLE DES AVERTISSEMENTS SANITAIRES SUR LE CONDITIONNEMENT : LA RÉFORME PROPOSÉE PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE

Source : Commission européenne (« Towards a new tobacco products directive », présentation du Commissaire européen chargé de la santé et des consommateurs, décembre 2012)

Au-delà de l’agrandissement des avertissements, selon un pourcentage qui reste à définir dans le cadre de la discussion en cours de la proposition de directive, faut-il aller jusqu’à envisager des « paquets neutres », sans logo, ni iconographie propres à la marque ?

La convention-cadre de l’OMS (CCLAT) invite à examiner cette question (121) et, selon le ministère des Affaires sociales et de la santé (122), « la littérature internationale suggère que le paquet neutre standardisé réduit l’image positive des cigarettes et du tabagisme, améliore la visibilité et l’efficacité des messages d'avertissements sanitaires et constitue un frein à l’entrée des jeunes dans le tabagisme ». Au cours des auditions, il a été rappelé qu’une étude récente menée en France va également dans ce sens (123). Dans cette étude, le paquet standardisé était jugé négativement par une majorité des personnes interrogées et perçu comme étant plus efficace que le paquet actuel pour informer sur la dangerosité des cigarettes, donner envie de ne pas commencer à fumer et diminuer sa consommation de tabac ou arrêter.

En sens inverse, l’introduction du paquet neutre suscite des interrogations, voire des inquiétudes auprès de certains acteurs, concernant notamment son impact réel sur la consommation ou encore sur le développement du marché parallèle. Selon l’enquête réalisée par l’IFOP en juin 2012, si seulement 30 % des personnes interrogées jugent efficace la création de paquets neutres, les jeunes, auprès desquels l’attrait des marques est souvent plus important, y semblent en revanche clairement plus sensibles, comme l’indique le graphique ci-après.

L’EFFICACITÉ PERÇUE, SELON L’ÂGE, DE LA CRÉATION DE PAQUETS NEUTRES


Source : enquête d’opinion réalisée par l’IFOP pour l’Assemblée nationale (juin 2012), présentation préparée pour la table ronde du 12 décembre 2012 sur le tabagisme des jeunes

Les rapporteurs ont par ailleurs noté avec intérêt qu’une étude, financée par la direction générale de la santé (DGS), sur l'impact du paquet neutre standardisé en conditions réelles d'utilisation, est actuellement engagée, ses résultats étant attendus courant 2013.

L’Australie étant le premier pays à s’engager dans cette voie, avec l’instauration du paquet neutre en décembre 2012, il conviendra de suivre attentivement les résultats de cette expérimentation à l’échelle de ce pays.

L’introduction des « paquets neutres » en Australie

Pour quelles raisons le Gouvernement australien introduit-il le conditionnement neutre ?

Le tabagisme reste une des causes principales de mortalité et de maladies évitables chez les Australiens, tuant environ 15 000 Australiens chaque année. Les maladies liées au tabagisme coûtent à l’économie et à la société australiennes environ 31,5 milliards de dollars par an. Le gouvernement australien s’est engagé à aider les fumeurs à cesser de fumer, ainsi qu’à réduire le nombre d’Australiens qui contractent l’habitude de fumer. Les études montrent que la stratégie de marque de l’industrie et le design du conditionnement des produits du tabac peuvent tromper les consommateurs sur les méfaits du tabagisme, rendre la consommation de tabac plus attrayante, en particulier chez les jeunes, et réduire l’efficacité des mises en garde sanitaires concernant les produits du tabac.

Quelles sont les modalités de la réforme ?

Depuis le 1er décembre 2012, tous les produits du tabac vendus, mis en vente ou fournis de toute autre manière en Australie doivent obligatoirement être emballés dans un conditionnement neutre et porter les nouvelles mises en garde sanitaires agrandies. L’introduction du conditionnement neutre du tabac fait partie d’un train de réformes mises en œuvre par le gouvernement pour réduire le tabagisme, qui comprend notamment de nouvelles mises en garde sanitaires agrandies sur le conditionnement de détail du tabac, une augmentation de taxe sur le tabac en avril 2010, plus de 85 millions de dollars d’investissement dans les campagnes de marketing social antitabac ainsi que l’élargissement de la liste des traitements nicotiniques de substitution et des autres soutiens au sevrage tabagique pris en charge par le régime de prestations pharmaceutiques.

Source : site Internet du gouvernement australien (Department of health and ageing, 2012)

À ce stade, les rapporteurs préconisent donc d’accroître la taille des avertissements sanitaires sur les paquets et d’évaluer l’impact des paquets neutres en Australie dans la perspective d’une éventuelle application en France, voire dans l’ensemble de l’Union européenne. Il serait par ailleurs intéressant de mieux évaluer les effets de l’instauration de la vente sous le comptoir dans les pays où elle a été mise en œuvre (124), même si la réforme du conditionnement des paquets, telle qu’elle est prévue par la Commission, conduirait de fait, en l’état du projet de directive, à instaurer des paquets aux trois quarts neutres, ce qui rend donc moins aiguë la question de leur exposition dans les lieux de vente.

● La publicité, directe ou indirecte, en faveur des produits du tabac

Évoquant les « frontières incertaines » de l’interdiction de la publicité, du parrainage et de la propagande (125) , le rapport de la Cour souligne que, si une délibération sur l’exposition du tabac à la télévision (126) a été adoptée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), on ne compte qu’une vingtaine d’interventions de celui-ci sur des manquements relatifs au tabac entre 1991 et 2011. En outre, la plupart des affaires ne donnent lieu qu’à de simples lettres au diffuseur concerné, aucune sanction financière n’ayant jamais été infligée. Ces questions mériteraient certainement plus de vigilance de la part du CSA (127).

Par ailleurs, l’attention des rapporteurs a été appelée sur la question de la présence du tabac dans les œuvres cinématographiques, qui semble assez fréquente dans les films français, comme le suggère une enquête récente de mai 2012 (cf. l’encadré ci-dessous). Or, le rôle du cinéma doit être pris en compte : voir son acteur préféré fumer peut exercer une certaine influence, en particulier auprès du jeune public.

Les résultats d’une enquête sur la représentation du tabac au cinéma (mai 2012) : « Lors d’un film, la présence du tabac équivaut à cinq publicités » 

Afin d’évaluer la représentation du tabac dans les œuvres cinématographiques, la Ligue contre le cancer a entrepris une veille sur la présence et la valorisation du tabac dans les films à succès. En 2012, une enquête a ainsi été effectuée, en collaboration avec l’institut de sondage IPSOS, sur les films français de 2005 à 2010. L’analyse a porté sur 180 films qui ont comptabilisé le plus grand nombre d’entrées au cinéma (30 premiers films du box-office de chacune de ces six années). Il ressort de cette enquête qu’environ 80 % des 180 films visionnés présentent des situations avec une représentation du tabac. Les mises en scène mettent en avant tant le tabagisme que les objets tels les briquets, cendriers et paquets de cigarettes. Ces situations sont présentes en moyenne à l’écran 2,4 minutes sur une durée moyenne par film de 99 minutes (soit 2,5 % de la durée du film). Selon la présidente de la Ligue contre le cancer, Mme Jacqueline Godet, « 2,4 minutes d’exposition au tabac correspondent à l’équivalent de 5 publicités commerciales habituellement projetées à la télévision ou au cinéma ; 5 publicités que les industriels auraient dû payer en moyenne 600 000 € sur les écrans télévisés français. En plus de faire des économies, ces industriels détournent, de cette façon, la loi Evin interdisant la publicité, la promotion et le sponsoring du tabac. »

Source : « Tabac et cinéma : La ligue révèle les résultats édifiants d’une enquête inédite menée depuis 2005 sur 180 films français », Ligue contre le cancer (31 mai 2012) et Ipsos

C’est pourquoi, tout en respectant le principe de liberté d’expression et de création, les rapporteurs préconisent de prévoir la diffusion d’un message de prévention du tabagisme, avant la diffusion d’un film comportant des séquences d’exposition ou de valorisation du tabac, comme cela avait d’ailleurs été évoqué par le groupe de travail de l’Académie de médecine, coordonné par le professeur Maurice Tubiana (128). D’autres pistes de réflexion pourraient également être étudiées, par exemple la création d’un sigle pour les films très « enfumés », l’élaboration d’une charte, voire même la prise en compte de cette question, dans les soutiens accordés par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC).

Les rapporteurs préconisent également de supprimer la publicité sur les lieux de vente, qui en principe s’adresse aux personnes déjà fumeurs, mais pourrait avoir un impact non négligeable sur la population (129), s’agissant de lieux comportant d’autres activités commerciales et librement accessibles aux mineurs et aux non-fumeurs, et peut renforcer la propension à « l’achat d’impulsion ». Préconisée par la Cour, ainsi que par le secrétariat permanent de la CCLAT, cette mesure était d’ailleurs prévue par l’avant projet de loi de santé publique préparé sous la précédente législature.

Proposition n° 11 : Réduire l’attractivité des produits du tabac :

– élargir à l’ensemble des produits du tabac les interdictions relatives aux « cigarettes-bonbons », étendre le champ de ces interdictions à certains arômes, dans le cadre de la directive sur le tabac en cours de discussion, et interdire les cigarettes très fines ;

– accroître la taille des avertissements sanitaires sur les paquets, étudier les effets de la vente sous le comptoir à l’étranger, et diligenter une évaluation de l’impact de l’introduction des paquets neutres, dans la perspective d’une éventuelle application en France, voire dans l’ensemble de l’Union européenne ;

– interdire la publicité sur les lieux de vente ;

– prévoir la diffusion d’un message antitabac avant la diffusion de films comportant une séquence de valorisation du tabac.

3. Développer des stratégies ambitieuses de prévention et de communication

Des auditions des rapporteurs, comme des travaux de la Cour des comptes, il ressort un très large consensus sur la nécessité de renforcer la prévention et en particulier d’éviter l’entrée des jeunes dans le tabagisme. Les représentants des buralistes et des fabricants se sont également prononcés en ce sens, en invitant notamment à s’inspirer de l’exemple de l’Allemagne et en formulant plusieurs propositions concrètes. Le sondage commandé pour la présente évaluation fait en outre apparaître que le développement des actions de prévention ainsi que l’amélioration de la prise en charge des produits d’aide à l’arrêt sont largement privilégiés en vue de limiter la consommation de tabac.

LA PERCEPTION DE L’EFFICACITÉ DES MESURES DESTINÉES À LIMITER
LA CONSOMMATION DE TABAC

Source : enquête d’opinion réalisée par l’IFOP pour l’Assemblée nationale (juin 2012)

Dans ce domaine, l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé (INPES) joue bien évidemment un rôle majeur, à travers l’organisation de campagnes d’information et de sensibilisation (130), mais aussi la production de documents d’information sur le tabac destinés au grand public et aux professionnels de santé. L’InCA est également chargé de l’information des professionnels et du public sur l’ensemble des problèmes relatifs au cancer.

Il faut cependant amplifier ces efforts et développer des stratégies plus ambitieuses et efficaces de prévention, d’autant plus que le sondage réalisé par l’Ifop montre une certaine méconnaissance des risques liés au tabagisme.

Le rapport de la Cour fait en effet apparaître une attention insuffisante portée par les pouvoirs publics aux actions d’éducation et de prévention.

En particulier, la Cour note que, malgré une professionnalisation des actions de communication et leur évaluation, le rôle de l’Inpes semble pâtir d’un manque d’intégration dans une politique globale de lutte contre le tabagisme, mais aussi d’une absence d’articulation avec le niveau local. Il est en effet fondamental que les campagnes nationales puissent être effectivement relayées par des démarches de terrain, au plus près des populations. C’est précisément pour répondre à ce constat que les rapporteurs ont formulé des recommandations concernant les politiques régionales de prévention, le développement de la recherche et de l’impact des actions locales ou encore le pilotage des opérateurs (131).

La communication sur le tabac, en particulier auprès des jeunes, doit dès lors changer d’intensité. Il faut allouer à la lutte contre le tabagisme des moyens de communication au moins comparables à ceux déployés en faveur de la sécurité routière. De la même manière, l’examen du budget analytique de l’Inpes (132) fait apparaître que le programme relatif au tabac est doté de crédits (8,5 millions d’euros), qui sont inférieurs, par exemple, à ceux consacrés à la nutrition et l’activité physique (9,15 millions d’euros) ou encore à la santé sexuelle, au VIH et aux hépatites (28,5 millions d’euros).

Les rapporteurs préconisent par conséquent d’organiser plus régulièrement des campagnes d’information d’envergure et relayées au niveau local, avec des messages plus offensifs et réalistes, comme cela a notamment été suggéré lors de la table ronde sur le tabagisme des jeunes (133), mais aussi des formes de communication positive valorisant les non-fumeurs et les bienfaits de l’arrêt du tabac.

Il faut également s’appuyer sur les ressorts de communication pertinents, concernant notamment les jeunes (communication sous forme de manga, comme l’a fait récemment l’Inpes, mais aussi, par exemple, via les réseaux sociaux, les applications pour smartphones, etc.). Il en va de même pour les femmes (par exemple, dans les PMI, chez les gynécologues, etc.), et particulièrement les femmes enceintes, en direction desquelles des actions de prévention et d’aide à l’arrêt doivent être mises en place (cf. infra). La convention-cadre de l’OMS (CCLAT) souligne d’ailleurs « la nécessité de stratégies sexospécifiques» en matière de lutte antitabac (134). Des actions spécifiques et ciblées de prévention et d’aide au sevrage doivent également être développées en direction des personnes en situation de précarité, par exemple, pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU).

Enfin, les rapporteurs préconisent de renforcer les actions d’éducation à la santé en milieu scolaire, dont ils ont pu mesurer tout l’intérêt lors de leur déplacement dans un collège du Val-de-Marne.

Le programme de prévention du tabagisme dans le collège de Fontenay-sous-Bois

● Objectifs : développer les compétences psychosociales des élèves, prévenir l’expérimentation et l’essai précoce du tabac, consolider les idées négatives qu’avaient les élèves sur le tabac, informer sur les effets, les dangers du tabac et les risques de dépendance liés à une consommation précoce. Public visé : élèves des classes de cinquième.

● Contenus et objectifs de l’action : en cours d’éducation physique et sportive (EPS), mesure du souffle pendant une séance d’endurance, rappel sur la respiration, les effets du tabac sur le souffle avec visionnage d’un document vidéo « respirer sans tabac », performance et souffle : témoignage d’un ancien sportif ; en cours de sciences et vie de la terre (SVT), fonctionnement de l’appareil respiratoire, écriture de scénarios « comment convaincre un camarade d’arrêter de fumer » ; débat théâtral avec la compagnie « Entrée de jeux », suivi d’un débat sur le pourquoi de la première cigarette : l’influence du groupe, le mal être.

● Membres de l’équipe éducative impliqués dans l’action : les professeurs de SVT, d’EPS, de sciences physiques, l’assistante sociale, le conseiller principal d’éducation (CPE) et l’infirmière scolaire, coordonnatrice de l’action.

● Évaluation : questionnaires anonymes en fin d’action : 90 % des élèves disent que cette action était intéressante et les a fait réfléchir, 4 % des élèves sont sans opinion et 6 % des élèves ont trouvé l’action inutile. Les élèves ont particulièrement apprécié le débat théâtral.

Source : déplacement des rapporteurs au collège Jean Macé de Fontenay-sous-Bois (23 novembre 2012)

Dans cette perspective, il est important de veiller à l’association de l’ensemble de la communauté éducative, ce qui implique notamment d’améliorer la formation des enseignants, mais aussi des parents et des partenaires extérieurs. Par ailleurs, les rapporteurs jugent essentiel de développer l’évaluation des actions ainsi menées avec non seulement des éléments qualitatifs, tels que des questionnaires, mais aussi, autant que possible, des éléments objectifs (suivi de cohortes, taux de fumeurs moyen avant et après une action, groupe témoin, etc.).

Selon le rapport de la Cour, les actions dans ce domaine sont laissées le plus souvent à des initiatives individuelles, parfois de qualité mais déconnectées des actions menées sur l’ensemble de la population ainsi que des programmes scolaires la mise en œuvre d’actions de lutte contre le tabagisme restant à la discrétion des responsables d’académie, des médecins scolaires et des infirmières. Les rapporteurs tiennent cependant à rappeler que le législateur a prévu plusieurs dispositions précises concernant l’organisation de telles actions de prévention en milieu scolaire (135).

Proposition n° 12 : Développer des stratégies plus ambitieuses de prévention et de communication :

– organiser régulièrement des campagnes d’information relayées au niveau local, comprenant à la fois des messages offensifs et une communication positive valorisant les non-fumeurs et les bienfaits de l’arrêt du tabac ;

– développer des actions de prévention et d’accompagnement ciblées sur les femmes, les jeunes et les populations précaires ;

– soutenir le développement et le suivi des actions d’éducation à la santé en milieu scolaire, en y impliquant les jeunes et l’ensemble de la communauté éducative, les parents et des intervenants extérieurs et en améliorant la formation des enseignants.

C.– PRENDRE EN CHARGE

La prise en charge par le système de santé des fumeurs doit être améliorée concernant le remboursement des produits d’aide au sevrage, l’implication des professionnels de santé ainsi que la question du tabagisme des femmes enceintes.

1. Améliorer le remboursement des produits d’aide au sevrage

Quel que soit l’âge auquel il intervient, l’arrêt du tabac est bénéfique pour la santé des anciens fumeurs, les risques de développer une pathologie attribuable à la consommation de tabac se stabilisant ou diminuant tous, sans exception, suite à l’arrêt du tabac. Il est également bénéfique pour les comptes de la protection sociale et la littérature scientifique internationale (136) atteste du rapport « coût-efficacité » positif de l’aide médicamenteuse au sevrage. Les travaux de la Haute Autorité de santé ont aussi montré l’efficacité du remboursement du sevrage tabagique (137).

En France, un dispositif de prise en charge partiel a été mis en place en février 2007 par l’Assurance maladie (forfait de 50 euros par an et par personne, porté à 150 euros pour les femmes enceintes depuis 2011). Depuis lors, la CNAMTS a engagé plusieurs actions d’information sur celui-ci, en direction des assurés mais aussi des professionnels de santé, qui sont présentées ci-après.

Les actions d’information engagées par la CNAMTS concernant l’aide au sevrage

Information des assurés sociaux :

– Revue « En pratique » de janvier - février 2007 : présentation du dispositif de prise en charge des substituts nicotiniques ;

– Mise en ligne sur le site internet de l’Assurance Maladie « Ameli.fr » de la liste des substituts remboursables dans le cadre du dispositif ;

– Site internet « Ameli Santé » : à ce jour 150 affections y sont explicitées aux assurés avec des conseils de prévention ; une information détaillée est donnée pour toutes les pathologies liées au tabac sur les modalités d’arrêt et de remboursement forfaitaire des substituts nicotiniques ; un dossier spécifique est consacré à l’arrêt du tabac ;

– Femmes enceintes : guide maternité remis aux femmes lors de la déclaration de grossesse qui intègre des éléments de prévention vis-à-vis des risques liés au tabac ; parcours prévention spécifique aux femmes enceintes accessible sur le compte Ameli sur Internet (ce compte est activé par les femmes qui ont fait une déclaration de grossesse) ; en réflexion : actions à destination des femmes enceintes (relances téléphoniques – appels sur rebonds) ;

– En cours de réalisation : messages d’information sur les décomptes des assurés sociaux

Information des professionnels de santé : lettres aux médecins et aux pharmaciens de janvier 2007 (information sur la mise en place du dispositif) ; communications au niveau local, via les caisses d’assurance maladie, auprès des médecins et pharmaciens de leur circonscription sur le dispositif de prise en charge ; information auprès du Conseil national de l’ordre des sages femmes sur le triplement du forfait pour les femmes enceintes (en septembre 2011)

Source : réponse au questionnaire adressé par les rapporteurs à la CNAMTS (décembre 2012)

Toutefois, une partie non négligeable des moyens financiers prévus à ce titre, dans le cadre du Fonds national de prévention, d’éducation et d’information sanitaires (FNPEIS), n’a pas été consommée et on peut également observer une diminution du montant des remboursements effectués en 2011 (138).

CRÉDITS DU FNPEIS CONSACRÉS À LA PRISE EN CHARGE DES SUBSTITUTS NICOTINIQUES

(en euros et en pourcentage)

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Crédits prévus COG*

20 000 000

20 000 000

20 000 000

17 000 000

20 000 000

23 000 000

26 000 000

Dépenses effectuées (exécutées)

15 669 222

19 526 744

15 658 494

16 838 364

13 842 472

Non disponible

Non disponible

Écart

78,35 %

88,98 %

78,29 %

99,04 %

69,21 %

Non disponible

Non disponible

* Convention d’objectifs et de gestion (COG)

Source : CNAMTS (réponse au questionnaire adressé par les rapporteurs, décembre 2012)

En outre, le montant forfaitaire actuel (50 euros) ne permet pas de couvrir l’ensemble des coûts liés au traitement – l’initiation d’un sevrage tabagique impliquant un budget minimum de 180 euros sur trois mois, selon le rapport précité de la HAS de 2007 – , ce qui peut constituer un frein réel à l’arrêt, en particulier pour les populations les plus précaires. Il convient d’ailleurs de rappeler que le Plan cancer 2009-2013 avait prévu l’augmentation de ce forfait pour les bénéficiaires de la CMU, mais cette mesure n’a pas été pas mise en œuvre à ce jour.

COÛT MOYEN D’UN TRAITEMENT D’AIDE AU SEVRAGE SUR TROIS MOIS EN 2007

Traitement / dosage

Coût unitaire moyen
en pharmacie

Coût moyen d’un traitement sur 3 mois

Gommes 2 mg

Boîte de 30 : 8 €

Boîte de 72 : 18 €

Boîte de 96 : 25 €

Sur la base d’une gomme dosée à 2 mg et la prise quotidienne de 10 gommes pendant 6 semaines puis 5 gommes pendant 7 semaines : 175 €

Timbres sur 24 h, 7, 14 ou 21 mg

Boîte de 28 : 60 €

Sur la base d’un patch 24 heures dosé à 21 mg pendant 28 jours, puis 14 mg pendant 28 jours, puis 7 mg pendant 28 jours : 150 à 180 €

Pastilles 1,5 mg

Boîte de 12 pastilles : 4 €

Sur la base d’une prise quotidienne de 12 pastilles pendant 6 semaines puis 6 pastilles pendant 7 semaines : 250 €

Inhaleur, cartouche de 10 ml

Boîte de 6 cartouches : 12 €

Boîte de 18 cartouches : 18 €

Sur la base de 12 prises/jour pendant 1 mois, puis 6 prises/jour pendant 1 mois, puis 3 prises/jour pendant 1 mois : 1 200 €

Bupropion 150 mg

Boîte de 60 comprimés : 94 €

Sur la base d’un comprimé par jour la première semaine puis 60 comprimés par mois : 280 €

Source : Haute Autorité de santé (Stratégies thérapeutiques d’aide au sevrage tabagique. Efficacité, efficience et prise en charge financière, 2007)

En outre, la prise en charge de ces traitements, qui est subordonnée à leur inscription sur une liste des produits remboursables et à leur prescription sur une ordonnance distincte, ne permet pas de rembourser plusieurs tentatives d’arrêt au cours d’une même année, s’agissant d’un forfait annuel, alors qu’il faut souvent plusieurs tentatives pour réussir.

Le rapport de la Cour évoque de manière très intéressante les actions mises en place au Royaume-Uni, où l’aide massive au sevrage constitue un levier essentiel de la politique de lutte contre le tabagisme (139), en observant a contrario que l’expérience de soutien financier au sevrage est encore hésitante en France.

Or, comme l’a signalé l’un des représentants des médecins libéraux entendus par les rapporteurs, une récente étude française de l’unité de recherche clinique en économie de la santé (140) de l’AP-HP (URC Eco Île de France), visant à mesurer l’impact d’une prise intégrale par l’Assurance maladie du traitement de sevrage, a conclu à un effet favorable pour la sécurité sociale.

Les résultats d’une étude de l’URC Eco d’Île de France (fin 2012) sur l’impact d’une prise en charge intégrale du traitement d’aide au sevrage

« La France compte 12 millions de fumeurs réguliers et le tabac est responsable chaque année de 70 000 décès. Parmi les maladies liées au tabagisme, trois sont en cause dans plus de la moitié de ces décès : le cancer du poumon, la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) et les maladies cardio-vasculaires, dont respectivement 90, 60 et 13 % des décès sont liés au tabac. Toutes trois sont prises en charge à 100 % par l’Assurance maladie au titre des affections de longue durée (ALD) et représentent 3,4 % des dépenses annuelles de celle-ci. Le surcoût est ainsi de 2,34 milliards pour les maladies cardio-vasculaires, 1,2 milliard pour la BPCO et 900 millions pour le cancer du poumon. Depuis 2007, les fumeurs qui décident d’arrêter bénéficient d’un forfait annuel de seulement 50 € pour l’achat de substituts nicotiniques. Quel serait l’impact en termes de dépenses de santé d’une couverture totale de la prise en charge médicale du sevrage tabagique ? Pour le déterminer, les chercheurs de l’URC Eco d’Ile de France ont analysé le rapport coût/efficacité de chaque stratégie en prenant en compte, d’une part, les coûts évités par la diminution de fréquence de chacune des trois maladies, et d’autre part, l’impact budgétaire de cette action de prévention.

Ils ont utilisé un modèle probabiliste, le modèle de Markov, appliqué à une cohorte fictive de 1000 fumeurs (plus d’une cigarette par jour) pour comparer la stratégie actuelle de remboursement forfaitaire à celle d’une prise en charge financière complète d’un programme d’arrêt du tabac selon les pratiques actuelles des centres de tabacologie. Les taux de sevrage ont été estimés à partir des résultats d’essais randomisés et des taux d’utilisation des médicaments de sevrage. Les taux de mortalité sont ceux de la littérature. Plusieurs scenarii ont été envisagés à partir de ces données et des taux escomptés d’adhésion. Selon ces différents scenarii, en prenant en compte un taux de sevrage annuel de 7,04 %, plus de 75 % des valeurs du ratio coût/efficacité sont cost-saving, c’est-à-dire que la stratégie de remboursement à 100 % du sevrage tabagique est une stratégie dominante par rapport au remboursement actuel forfaitaire dans la grande majorité des cas. »

Source : « Le remboursement à 100 % du sevrage tabagique : bénéfique pour les fumeurs et pour les comptes de la sécu ! », Le Quotidien du Médecin (3 décembre 2012) sur l’étude précitée de l’URC Île de France (2012)

Les rapporteurs ont également souhaité interroger la CNAMTS sur les calculs le cas échéant effectués concernant le coût d’une meilleure prise en charge des substituts nicotiniques, mais aussi les économies susceptibles d’être générées à moyen terme, dans le cadre d’une démarche de gestion du risque assurantiel en santé. La réponse de la CNAMTS montre qu’en prenant en compte trois des trente affections de longue durée (ALD), et uniquement les cas fatals sur une période de 16,5 ans, un euro investi dans le sevrage tabagique pourrait conduire à économiser 6,6 euros.

Par ailleurs, selon les informations recueillies par les rapporteurs, une réflexion est en cours sur la possibilité de faire évoluer le dispositif d’aide au sevrage tabagique, un rapport de la HAS étant attendu pour le début de l’année 2013. Celui-ci pourrait permettre d’évaluer la meilleure stratégie à mettre en place. À cet égard, la littérature et les expériences, anglo-saxonnes notamment, semblent montrer la pertinence du recours à une prise en charge globale associant accompagnement par des professionnels de santé et éventuellement prescriptions de traitements nicotiniques de substitution. La probabilité de réussite du sevrage avec accompagnement médical serait en effet multipliée par dix par rapport à un simple remboursement de substituts nicotiniques (141). Pour la CNAMTS, une généralisation de la prise en charge des traitements nécessiterait dès lors, en préalable, la protocolisation d’un parcours de soins que devrait définir la HAS.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, les rapporteurs préconisent donc de prévoir le remboursement intégral des traitements de substitution nicotiniques, au même titre que des médicaments, ce qui permettrait notamment la prise en charge de plusieurs tentatives d’arrêt. Il resterait à examiner dans quelles conditions cette mesure pourrait éventuellement s’inscrire dans le cadre d’un parcours de soins coordonné visant à aider et à accompagner au mieux les fumeurs dans l’arrêt du tabac. En tout état de cause, l’Assurance maladie doit parallèlement poursuivre et amplifier les actions d’information concernant les aides au sevrage.

Proposition n° 13 : Améliorer la prise en charge des substituts nicotiniques, en prévoyant leur remboursement intégral comme des médicaments, avec une mobilisation accrue de l’Assurance maladie.

2. Renforcer l’implication des professionnels de santé

En première ligne auprès de la population, les professionnels de santé et, en particulier, les médecins généralistes, doivent être mieux associés à la mise en œuvre, mais aussi à la conception, de la politique de lutte contre le tabagisme, en tirant ce faisant tous les enseignements de la gestion de la pandémie de grippe A (H1N1). Les représentants des médecins libéraux entendus par les rapporteurs ont formulé plusieurs propositions concrètes dans ce sens.

Le rapport de la Cour souligne à cet égard que, s’il existe une offre diversifiée de soins en matière d’arrêt du tabac, « le cloisonnement des acteurs, l’insuffisant encouragement au rôle de prévention des généralistes et des pharmaciens, l’identification incertaine de la tabacologie au sein des consultations d’addictologie suscitent cependant un manque de lisibilité du dispositif et une difficulté à l’évaluer. »

Pour améliorer l’offre de soins et mieux encourager et valoriser l’implication des professionnels en matière de prévention, plusieurs mesures apparaissent dès lors nécessaires.

● Constituant l’un des leviers d’amélioration de la qualité des pratiques médicales, la formation initiale (142) et continue (143) des professionnels de santé doit tout d’abord être améliorée. S’agissant de la formation initiale, l’enseignement doit être assez percutant et intervenir dès la première année des études de santé commune aux études de médecine, odontologiques, de sage-femme et de pharmacie, pour toucher un large public. Il conviendrait également de renforcer l’enseignement de l’aspect pratique de la prévention et de la prise en charge du sevrage à la fin des études, en intégrant le tabagisme dans les enseignements portant sur les maladies chroniques et l’éducation thérapeutique, et ce, non seulement pour les médecins, mais aussi pour les sages-femmes qui peuvent désormais prescrire des substituts nicotiniques.

● Au-delà de la formation stricto sensu, il est également important de veiller à la mise à disposition des médecins libéraux de documents d’information adaptés, pour les accompagner au mieux dans leurs pratiques médicales (par exemple, des fiches conseils ou éléments d’information synthétique, voire des « kits de communication », le cas échéant pour certaines catégories de patients). Comme l’a souligné l’un des représentants des médecins libéraux, il serait également opportun de prévoir, dans les campagnes de communication, un message invitant à s’adresser à son médecin traitant, et non pas seulement à la ligne « Tabac info service ».

● En outre, le dépistage du tabagisme doit être prévu systématiquement dans tout dossier médical informatisé (en médecine ambulatoire ou hospitalière), et le repérage du tabagisme être également intégré aux recommandations professionnelles. Il va sans dire que le déploiement du dossier médical personnel (DMP) permettrait de faciliter grandement la pratique médicale et le dépistage du tabagisme en particulier.

Le rapport de la Cour souligne par ailleurs que « par rapport à d’autres situations à l’étranger, l’engagement des généralistes français dans une prise en charge active de l’arrêt du tabac chez leurs patients, qui nécessite du temps, reste cependant faible ». Selon la Cour, cette particularité s’expliquerait « pour partie par l’absence de valorisation des actes de prévention dans le système français, qui demeure fondé sur la rémunération à l’acte des praticiens ».

● Pour y remédier, les rapporteurs proposent de :

– installer un groupe de travail entre la CNAMTS et les médecins libéraux pour étudier les conditions dans lesquelles un indicateur relatif au tabac  (144) pourrait être introduit dans le dispositif de rémunération sur objectifs de santé publique (« pay for performance » ou « P4P »), prévu par la nouvelle convention médicale de juillet 2011 (145; l’objectif serait de donner un « bonus » aux médecins qui s’impliquent dans des actions de santé publique dans cadre du « P4P » ;

– expérimenter des consultations de prévention, selon des modalités à définir en concertation avec les représentants des médecins, afin de leur permettre d’aborder ces questions avec leurs patients, en y consacrant le temps nécessaire. Une consultation dédiée, qui pourrait être organisée pour certaines tranches d’âges, aurait également pour vertu de « dramatiser » le message délivré au patient, en renforçant ainsi le rôle et l’implication des professionnels libéraux dans le champ de la prévention. Évoquée au cours des auditions des rapporteurs, cette question a d’ailleurs fait l’objet d’une recommandation récente de la Mecss (146).

● Par ailleurs, il pourrait être envisagé d’expérimenter des protocoles de coopération entre professionnels pour permettre à des professionnels paramédicaux (infirmiers par exemple) de participer à la démarche de sevrage, y compris concernant la prescription de substituts nicotiniques. Ceci pourrait favoriser l’augmentation significative d’une offre de soins aujourd’hui insuffisante. De même, les pharmaciens pourraient être associés à la prise en charge du dépistage et du sevrage. Enfin, comme l’a relevé l’un des représentants des médecins libéraux, la mise en œuvre de politiques régionales de lutte contre les addictions et le soutien apporté aux maisons et pôles de santé pluriprofessionnels pourraient contribuer utilement aux actions de lutte contre le tabagisme.

La mise en place d’un parcours coordonné d’aide au sevrage pourrait ainsi être étudiée, en s’appuyant sur les recommandations de la Haute Autorité de santé. Ce parcours pourrait comporter des étapes intégrant le dépistage systématique, l’orientation vers Tabac Info service ou une consultation assurée par des professionnels de santé, la prise en charge des substituts nicotiniques et enfin une orientation organisée vers des consultations spécialisées dans les cas complexes (centres d’aides à l’arrêt). Il serait défini en coordination avec la ligne Tabac info service et avec des centres pouvant assurer une prise en charge individualisée. À cet effet, les consultations d’addictologie dans les structures hospitalières et médicosociales devraient être renforcées, en identifiant des compétences spécialisées en tabacologie. En particulier, dans la mesure où les consultations de tabacologie hospitalières ne sont pas fréquentées par les jeunes, il faut développer les lieux de proximité où les jeunes peuvent être écoutés, pris en charge ou orientés si besoin vers d’autres structures.

La mobilisation des professionnels de santé est en tout état de cause essentielle. Tous les professionnels doivent ainsi être sensibilisés au fait que le tabagisme constitue la première cause de mortalité évitable en France, avec plus de 70 000 morts par an, et qu’il s’agit donc de la première priorité de santé publique.

Proposition n° 14 : Mieux associer les professionnels de santé, en particulier les généralistes, à la politique de lutte contre le tabagisme :

– améliorer la formation initiale et continue des professionnels de santé sur les addictions et la prise en charge de la dépendance tabagique, mettre à la disposition des médecins libéraux des outils spécifiques d’information des patients, en sensibilisant les professionnels au fait que le tabac demeure la première cause de mortalité évitable et qu’il s’agit donc de la première préoccupation de santé publique ;

– encourager et valoriser l’implication des médecins en matière de prévention, en expérimentant l’introduction d’un indicateur relatif au tabac dans le dispositif de rémunération sur objectifs de santé publique (« pay for performance ») ainsi que des consultations de prévention dédiées, à certaines tranches d’âge ;

– instaurer un parcours d’aide au sevrage coordonné impliquant les médecins traitants, les pharmaciens et les personnels paramédicaux ;

– renforcer les consultations d’addictologie dans les structures hospitalières et médico-sociales, en identifiant des compétences spécialisées en tabacologie.

3. Améliorer la prise en charge et intensifier les actions en direction des femmes enceintes

Fumer pendant la grossesse constitue un facteur de risque de complications périnatales telles que les fausses couches précoces, les retards de croissance intra-utérins, les accouchements prématurés et les morts périnatales (fœtales et néonatales) Or, la consommation de tabac chez les femmes enceintes reste à un niveau élevé en France, comme l’indique l’encadré ci-après.

Pour améliorer cette situation, plusieurs mesures ont été prises sur la période récente, notamment la possibilité pour les sages-femmes de prescrire de substituts nicotiniques, l’augmentation du forfait de prise en charge des substituts nicotiniques (150 euros pour les femmes enceintes), ou encore la circulaire du 17 février 2012 relative à la formation des personnels des maternités (147).

« C’est en France que les femmes fument le plus pendant la grossesse » : les enseignements d’une étude portant sur douze pays européens (mars 2012)

Dans la plupart des pays européens, plus de 10 % des femmes fument pendant leur grossesse. Le pourcentage de femmes enceintes fumeuses se situe entre 5 et 7 % en Lituanie, République tchèque, Suède et Malte contre 16 % au Danemark et 17,1 % en France en 2010. Sur les douze pays comparés, la France est le pays qui affiche la plus grande part de femmes enceintes fumeuses. Cela retentit très défavorablement sur les indicateurs de périnatalité, en particulier la prématurité et le retard de croissance (2,5 fois plus fréquent chez une femme fumant plus de dix cigarettes par jour).

Source : HCSP, La santé en Europe : convergences et contrastes (mars 2012)

Selon les informations recueillies par les rapporteurs (148), différentes actions ont également été menées par l’Assurance Maladie afin de sensibiliser à cette question les assurées ainsi que les professionnels de santé (149) (gynécologues, sages femmes et médecins traitants). La nouvelle convention médicale de juillet 2011 (150) prévoit par ailleurs que « de nouveaux programmes de prévention doivent être développés pour (…) prévenir les risques liés au tabac chez la femme tout au long de la vie et particulièrement pendant la grossesse».

Le tabagisme des femmes enceintes n’en doit pas moins faire l’objet d’une attention plus soutenue, à travers notamment les mesures suivantes :

– la généralisation de la mesure du monoxyde de carbone (CO) expiré pendant les consultations de suivi de grossesse, proposée par plusieurs personnes entendues par les rapporteurs ainsi que par l’Académie de médecine ;

– l’amélioration de la formation de l’ensemble des professionnels de santé sur les effets du tabagisme pendant la grossesse, mais aussi sur le dépistage et sur la prise en charge du tabagisme (maternités, professionnels libéraux, services de PMI) ;

– le soutien au déploiement de la charte « Maternité sans tabac » : le rapport précité du professeur Maurice Tubiana soulignait, en mai 2009, que la charte proposée n’avait été signée que par 55 % des maternités et qu’elle n’était pas complètement respectée. Le respect de cette charte pourrait être pris en compte dans la certification, par la HAS, des établissements de santé.

D’autres mesures en direction des femmes enceintes mériteraient également d’être étudiées, par exemple des relances téléphoniques ou autres actions d’information par les caisses de sécurité sociale. Des actions de communication en direction des femmes enceintes doivent également être organisées régulièrement.

Proposition n° 15 : Améliorer la prise en charge et intensifier les actions en direction des femmes enceintes :

– renforcer la formation de l’ensemble des professionnels de santé sur les effets du tabagisme pendant la grossesse et former les professionnels impliqués dans le suivi de la grossesse au dépistage et à la prise en charge du tabagisme ;

– généraliser la mesure du monoxyde de carbone expiré pendant les consultations de suivi de grossesse et soutenir le déploiement du dispositif « Maternité sans tabac » et procéder régulièrement à son évaluation ;

– organiser régulièrement des actions de communication en direction des femmes enceintes.

AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD,
PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES

Lors de sa séance du 13 décembre 2012, le Comité entend M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, sur l’évaluation des politiques publiques de lutte contre le tabagisme, réalisée par la Cour des comptes à la demande du Comité.

M. le président Claude Bartolone. Nous allons entendre le Premier président de la Cour des comptes, M. Didier Migaud, nous présenter la contribution de la Cour des comptes à l’évaluation des politiques publiques de lutte contre le tabagisme.

Je vous rappelle que cette évaluation a été demandée par le Comité d’évaluation et de contrôle à la fin de la treizième législature. Après l’évaluation de la médecine scolaire et de l’hébergement d’urgence, il s’agit du troisième rapport d’évaluation d’une politique publique remis par la Cour des comptes au Comité. Un quatrième rapport portant sur les dispositifs publics d’aide à la création d’entreprises nous sera présenté en janvier prochain.

Le Premier président Didier Migaud nous fait l’honneur de présenter lui-même ce rapport. Il est accompagné de M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour, de M. Jean-Marie Bertrand, président de chambre et rapporteur général, de M. Jean Picq, président de chambre et contre-rapporteur de cette évaluation, ainsi que de l’équipe des rapporteurs dont les travaux ont été coordonnés par Mme Marianne Levy-Rosenwald, conseillère maître.

Cette audition, à laquelle participent nos deux rapporteurs, Denis Jacquat et Jean-Louis Touraine, est ouverte à la presse.

Le rapport a été distribué.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Monsieur le président de l’Assemblée nationale, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, c’est la troisième fois que je viens présenter un rapport d’évaluation réalisé par la Cour à la demande du Comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale. Le sujet de la lutte contre le tabagisme répond à une préoccupation forte. Il a commencé à nourrir vos travaux au cours des dernières semaines et je sais toute l’implication de vos deux rapporteurs. La Cour vous présente aujourd’hui sa contribution à l’évaluation de cette politique publique.

Pour cela, j’ai à mes côtés M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour, M. Jean-Marie Bertrand, président de chambre et rapporteur général de la Cour, M. Jean Picq, président de chambre maintenu et contre-rapporteur, Mme Marianne Levy-Rosenwald, présidente de section, M. Christian Phéline, conseiller maître, Mme Delphine Champetier de Ribes, auditrice, ainsi que Mme Esmeralda Luciolli, rapporteur. Ils m’assisteront pour répondre à vos questions.

La Cour a mis en place de nouvelles procédures et méthodologies de travail pour conduire les évaluations de politiques publiques, mission nouvelle que la Constitution lui a confiée en 2008. Ainsi, pour mener son évaluation de la politique de lutte contre le tabagisme au cours des dix dernières années, elle a décidé de s’entourer d’un groupe d’appui dont les membres ont été choisis intuitu personae pour la diversité de leurs compétences. Ce groupe, qui s’est réuni à échéances régulières tout au long du contrôle, a permis de s’assurer de la prise en compte la plus exhaustive possible des travaux d’expertise réalisés en ce domaine, d’être informé des recherches les plus abouties en France et à l’étranger, et d’identifier les pays en pointe dans la lutte contre le tabagisme.

La Cour a également exploité les résultats d’un sondage d’opinion que l’Assemblée nationale a bien voulu commander sur sa proposition à l’IFOP et que je commenterai dans quelques instants.

En tant qu’évaluateur, la Cour s’est attachée à solliciter l’ensemble des parties prenantes à un titre ou à un autre, au-delà des seuls acteurs de santé publique. Elle a ainsi recueilli le point de vue des buralistes, des fabricants de tabac et des responsables de cafés, hôtels ou restaurants. Elle a auditionné longuement et à deux reprises leurs représentants, leur a demandé de formaliser leur position par écrit s’ils le souhaitaient et leur a soumis tout ou partie de ce rapport dans la traditionnelle phase de contradiction de ses travaux. C’est, me semble-t-il, une des valeurs ajoutées de ce rapport : mettre en lumière le jeu des différents acteurs et les freins, patents ou cachés, qu’ils peuvent opposer à l’atteinte des objectifs de lutte contre le tabagisme.

Enfin, la Cour s’est attachée à prendre en compte la dimension internationale, en particulier dans ses aspects communautaires et au regard des engagements pris par la France en application de la convention cadre de lutte contre le tabac adoptée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Elle a également pris le soin d’étudier, y compris sur place s’agissant de la Grande Bretagne, les politiques publiques menées dans d’autres pays. Ces comparaisons internationales ont été particulièrement riches d’enseignements.

Je vais maintenant vous présenter les principaux enseignements qui peuvent être tirés de ce rapport et les plus importantes des trente-deux recommandations que la Cour a formulées.

Le premier enseignement est que les risques liés au tabagisme, qui constitue de très loin, avec 73 000 décès par an – soit 200 décès par jour –, la première cause de mortalité évitable en France, sont encore gravement sous-estimés par la population, alors que le tabagisme connaît désormais, après plusieurs années de baisse continue, une inquiétante progression, en particulier chez les femmes, les jeunes et les personnes en situation de précarité.

Le second enseignement est que, malgré ces enjeux, la volonté de l’État a fléchi et une véritable politique de lutte contre le tabagisme n’a pas été structurée : les acteurs sont dispersés, les initiatives parcellaires et discontinues, les objectifs visés parfois contradictoires.

Le troisième enseignement est que les moyens de l’État ont été mobilisés de façon trop importante pour le soutien aux buralistes. Les aides dont ceux-ci ont bénéficié, très importantes au regard des sommes allouées aux autres aspects de cette politique, ont pour l’essentiel donné lieu à un pur effet d’aubaine, car le revenu des buralistes a connu une forte progression. Ce constat, combiné avec le moratoire fiscal décidé par les pouvoirs publics, met en évidence le poids toujours important des intérêts économiques et financiers qui viennent émousser les efforts de lutte contre le tabagisme.

Le quatrième et dernier enseignement est que l’action de l’État devrait être redéployée en faveur de la prévention, de l’aide à l’arrêt du tabac et du renforcement des contrôles. En effet, les multiples réglementations à visée sanitaire, qui se sont renforcées dans la période récente – interdiction de vente aux mineurs, interdiction de fumer dans les lieux publics notamment –, font l’objet d’une application souvent défaillante et de contrôles publics déficients.

Je vais revenir sur chacun de ces quatre enseignements.

Le premier concerne la méconnaissance des risques liés au tabagisme, alors que la consommation de tabac a cessé de baisser depuis 2005 et que l’on enregistre depuis 2011 une inquiétante progression du tabagisme, en particulier chez les femmes, les jeunes et les personnes en situation de précarité.

La lutte contre le tabagisme représente un enjeu de santé publique de première importance : le nombre de décès attribuables au tabac dans notre pays, estimé à 60 000 par an jusque récemment, peut désormais être évalué, comme je l’ai dit, à 73 000 selon une étude nouvellement parue menée par une épidémiologiste reconnue, Catherine Hill, à partir d’une méthodologie validée par l’OMS. Le tabac est, de loin, la première cause de décès évitables, bien plus que l’alcool – environ 30 000 décès par an –, les suicides – 10 000 décès – et les accidents de la route – 4 000 décès. Les pathologies associées au tabac – cancers, maladies cardio-vasculaires, pathologies respiratoires chroniques – sont d’une exceptionnelle gravité : un fumeur sur deux décède d’une pathologie liée au tabac.

Fumer tue. Trop de Français ignorent à quel point. Selon le sondage de l’IFOP, une personne sur quatre sous-estime la proportion de décès de fumeurs liés au tabac, en l’évaluant à moins d’un sur dix. S’agissant du nombre de décès par an, une personne sur deux estime le nombre de morts par an à 600 ou 6 000, alors que le chiffre est plus de douze fois supérieur. La méconnaissance des risques est la plus forte chez les jeunes, les femmes, les catégories socio-professionnelles les moins favorisées, ainsi que chez les fumeurs eux-mêmes. Alors que la communication est un outil indispensable à la lutte contre le tabagisme, la modestie des moyens qui lui sont affectés en limite la portée : ils sont près de dix fois moins importants que ceux consacrés à la communication sur la sécurité routière alors même que le tabac provoque un nombre de décès sans commune mesure avec les accidents de la route. La Cour recommande qu’une vigoureuse campagne pluriannuelle d’information soit engagée.

Au-delà de la santé de chaque fumeur, il s’agit d’un enjeu collectif majeur. Le tabagisme est à l’origine de dépenses de soins et de coûts indirects considérables. Les coûts liés aux décès et aux pathologies du tabac sont cependant très insuffisamment documentés. Une étude réalisée par la Caisse nationale d’assurance maladie à la demande de la Cour estime, dans une évaluation qui reste très partielle, à 12 milliards d’euros au minimum par an la charge pour le seul régime général de sécurité sociale. Mais les effets indirects et différés du tabac sur la santé, qui sont à l’évidence considérables, ne font toujours pas l’objet d’analyse fine. Les incidences négatives pour la collectivité, en prenant en compte notamment l’ensemble des pertes liées aux décès prématurés des fumeurs, ont été estimées à plus de 45 milliards d’euros, mais cette étude est déjà ancienne. Le sujet du coût du tabac mériterait d’être davantage étudié. Les lacunes en la matière mettent en évidence la faiblesse des moyens dont dispose la recherche en épidémiologie sur le tabac.

Ces imprécisions ne peuvent en effet que fragiliser la lutte contre le tabagisme. Elles nourrissent de fait une suspicion, diffusée notamment par les fabricants de tabac, sur la réalité des enjeux médico-économiques du tabagisme. Certains vont jusqu’à émettre l’idée que la contribution des fumeurs à la collectivité par le biais des taxes qu’ils acquittent serait en définitive supérieure aux coûts qu’ils induisent. Au-delà des questions éthiques que soulève un tel raisonnement, la Cour appelle à ce que soit rapidement mise en place une méthode fiable et publique d’évaluation de ces coûts. Le raisonnement sur le coût du tabac dans la prise en charge de la dépense de santé doit s’inscrire dans l’enjeu plus large de la croissance des affections de longue durée (ALD), car la progression des pathologies liées au tabac en constitue l’une des explications principales. Près des trois quarts des prises en charge par l’assurance maladie des pathologies liées au tabac s’effectuent déjà dans le cadre des ALD et cette proportion continue d’augmenter.

La persistance d’une méconnaissance de la dangerosité du tabac est particulièrement inquiétante dans le contexte actuel qui voit une recrudescence du tabagisme. Si les ventes de tabac ont baissé en longue période, pour être divisées par deux entre 1991 et aujourd’hui, ce mouvement de baisse s’est interrompu depuis 2005. Les hausses de prix pratiquées depuis cette date n’ont donc pas produit l’effet attendu. Sans qu’on puisse mesurer précisément leur impact sur les volumes consommés, les achats de tabac en dehors du réseau des buralistes ont progressé et représentent désormais 20 % des achats d’ensemble. Ces achats hors réseau sont pour les trois quarts légaux. Combinés avec la stagnation des achats dans le réseau, ils conduisent à penser que la consommation de tabac s’est inscrite sur une trajectoire croissante. Ils mettent aussi en évidence la nécessité d’une meilleure coordination européenne des politiques de lutte contre le tabagisme, et notamment du maniement de l’outil fiscal, afin de ne pas créer des écarts de prix d’un pays à l’autre qui favoriseraient excessivement les achats hors réseau, légaux comme illégaux. Ce constat devrait aussi conduire la France à négocier une exception à la libre circulation des biens dans l’Union européenne permettant de limiter les importations légales de tabac, notamment par les particuliers.

Le tabagisme a de fait connu depuis 2011, selon les dernières statistiques épidémiologiques, une sensible remontée. Il touche 38 % des hommes et 30 % des femmes. Les objectifs fixés à cet égard pour 2009 par la loi de santé publique d’août 2004 sont encore très loin d’être atteints : l’écart est de 7 points pour les femmes et de 6 points pour les hommes. Notre pays se situe dans une position internationale médiocre, plus défavorable que celle de l’Allemagne, de l’Italie ou du Royaume-Uni. Un Français sur trois fume, contre un Britannique sur cinq. Certains signes sont inquiétants, comme le maintien d’une prévalence du tabac élevée chez les femmes enceintes, ainsi que la progression du tabagisme des jeunes, déjà particulièrement élevé par rapport aux autres pays européens.

Cela m’amène au deuxième enseignement de l’évaluation : cette recrudescence du tabagisme peut être mise en relation avec l’absence, depuis plusieurs années, d’une politique suffisamment volontariste et structurée pour inverser la tendance. Les acteurs sont dispersés ; les initiatives ont été parcellaires et discontinues, les objectifs visés parfois contradictoires.

Tout d’abord, les obligations internationales qui encadrent et guident les politiques de lutte contre le tabagisme sont encore insuffisamment connues et appliquées dans notre pays.

La France a pu sembler, il y a quelques années, être une « bonne élève ». Notre pays a en effet été, en octobre 2004, le premier État européen à ratifier la convention cadre de lutte contre le tabac de l’Organisation mondiale de la santé. Mais huit ans après, une partie importante des recommandations issues soit directement de la convention cadre soit des lignes directrices qui l’accompagnent ne sont pas appliquées, qu’il s’agisse du caractère spécifique à donner à cette politique, de la nécessité de sa continuité, ou des dispositions recommandées pour limiter l’attractivité des produits du tabac, telles que l’instauration d’un paquetage neutre ou l’interdiction de les exposer sur les lieux de vente. La Cour recommande que ces deux mesures soient mises en œuvre, car elles peuvent avoir un impact significatif sur la consommation de tabac, en particulier chez les jeunes, qui sont les plus sensibles à l’effet des marques. Elle recommande également l’interdiction totale de la publicité, même sur les lieux de vente.

Les responsabilités en matière de lutte contre le tabagisme apparaissent diluées : elles concernent plusieurs ministères – celui de la santé certes, mais aussi celui des finances et celui de l’intérieur –, la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, ainsi que différentes directions d’administration centrale, y compris au sein même du ministère de la santé, les agences sanitaires et les agences régionales de santé.

Depuis la loi Veil de 1976, qui est restée le seul texte consacré spécifiquement à la lutte contre le tabagisme, la politique menée s’est toujours inscrite dans des plans de santé à vocation plus large, notamment les plans de lutte contre le cancer. L’OMS souligne le manque de clarté et la dispersion des outils de lutte contre le tabagisme en France.

Alors que le premier plan cancer 2003-2007 prévoyait des mesures volontaristes, notamment une hausse importante de la fiscalité, l’interdiction de la vente aux mineurs et l’interdiction de fumer dans les lieux collectifs, le second plan cancer 2009-2013 qui l’a suivi marque une ambition bien moindre. Il demeure cependant à ce jour le seul dispositif national de santé publique visant à lutter contre le tabagisme. En effet, le premier plan sur les addictions 2007-2011, qui traitait du tabagisme, n’a pas été reconduit. Ni le plan « Santé des jeunes 16-25 ans » adopté en 2008 ni le plan « Périnatalité » ne font référence au tabagisme. Ces exemples illustrent la dispersion des outils, la discontinuité dans l’action, l’absence de mise en cohérence d’ensemble ainsi qu’un net fléchissement dans le volontarisme.

Dans ce contexte, les résultats des politiques de lutte contre le tabagisme au cours des dernières années sont préoccupants au vu de la récente remontée de la prévalence du tabagisme.

La Cour recommande un portage politique fort et continu – et l’Assemblée nationale, en commandant ce rapport, va en ce sens –, comme celui que connaît la sécurité routière. L’animation, par la direction générale de la santé, d’un comité interministériel permettrait de définir des objectifs, de décider des actions, d’impliquer l’ensemble des administrations et d’améliorer les capacités d’observation dont la Cour souligne les lacunes, dans le cadre d’un plan de santé publique dédié, comme le demande l’OMS.

Le troisième enseignement concerne l’efficacité des outils d’action de l’État : ceux-ci ont été mobilisés prioritairement pour un soutien de grande ampleur aux buralistes qui s’est révélé un effet d’aubaine pour la plupart.

La tabaculture française est aujourd’hui résiduelle et la fabrication de produits du tabac n’est désormais plus assurée en France que par quatre usines comptant environ 700 salariés, ce secteur industriel étant désormais complètement internationalisé. L’industrie du tabac est pour autant un acteur présent et critique à l’égard des modalités de la lutte contre le tabagisme, notamment sur l’efficacité de fortes hausses de prix : elle considère que ces hausses ont pour principal effet l’augmentation des achats hors du réseau des buralistes. Les buralistes et les fabricants de tabac ont ainsi obtenu de l’État un moratoire sur la fiscalité qui représente aujourd’hui 80 % du prix des cigarettes. Ce moratoire n’a pas empêché les fabricants de procéder à des hausses régulières de prix. Ces hausses ont certes été fiscalement et commercialement rémunératrices, selon une stratégie d’optimisation financière à la fois pour l’État, les fabricants et les buralistes, mais elles sont restées en deçà du rythme propre à modérer durablement le volume de la consommation. Or, selon la convention cadre de l’OMS, l’augmentation des prix du tabac et le levier de l’impôt doivent être considérés comme « un moyen efficace et important » des politiques de santé publique, et non pas comme un simple facteur de rendement financier. La Cour recommande de renforcer l’indépendance de la prise de décision publique et de poursuivre une politique volontariste de relèvement des prix, suffisamment marquée pour provoquer l’effet attendu pour la santé publique, c’est-à-dire une baisse effective et durable de la consommation.

Les buralistes ont, en tant que préposés de l’administration, le monopole de la distribution du tabac. Ils ont bénéficié de près de 2,6 milliards d’euros d’aides entre 2004 et 2011, soit plus de 300 millions d’euros par an, notamment par le biais de deux « contrats d’avenir » successifs. Ces contrats étaient destinés à l’origine à compenser la stagnation, voire la baisse de chiffre d’affaires qui était attendue au moment où, en 2003, une hausse importante de la fiscalité a été décidée. Or, c’est l’inverse qui s’est produit : le chiffre d’affaires des buralistes a continué de progresser, et la rémunération moyenne des débitants, hors aides publiques, a progressé de près de 54 % de 2002 à 2011, dès lors que celle-ci est demeurée proportionnelle aux prix. Aides publiques comprises, la progression a été de 70 %, à comparer à une inflation de l’ordre de 20 % sur la période et au contexte général de stabilité ou de baisse de pouvoir d’achat de la plupart des catégories professionnelles. Il en a résulté, pour la plupart des bénéficiaires, un effet d’aubaine massif. Même si les débitants situés à proximité des frontières ont effectivement souffert de la progression des achats transfrontaliers qui représentent environ 15 % de la consommation – le trafic illicite étant pour sa part évalué à 5 % –, les aides n’ont pas été ciblées sur eux. Cette dépense publique nécessite d’être recentrée sur les seuls buralistes rencontrant un repli significatif de leur revenu. Dans le même temps, notre pays doit intensifier la lutte contre la contrebande de tabac et préserver le régime de limitation des acquisitions de tabac à l’étranger que risque de fragiliser un contentieux communautaire en cours.

Ce constat illustre l’incohérence de l’utilisation des moyens financiers de l’État. Alors que près de 300 millions d’aides sont chaque année consenties au bénéfice des professions potentiellement touchées à terme par la réduction attendue de la consommation du tabac, mais dont le revenu continue aujourd’hui de croître, ce sont seulement quelques dizaines de millions d’euros qui sont consacrés chaque année au financement des dispositifs de prévention du tabagisme.

Ce n’est pas la seule singularité de l’équation financière dans laquelle s’inscrit la politique de lutte contre le tabagisme.

Le tabac apporte une contribution importante au financement des comptes sociaux. Les ressources tirées de la fiscalité du tabac atteignent près de 15 milliards d’euros par an, dont 11,5 sont affectés à la sécurité sociale, essentiellement pour le financement de l’assurance maladie, laquelle supporte la charge la plus directe du tabagisme. Cette dernière se trouve donc placée dans une situation paradoxale de dépendance à l’égard d’une ressource dont le niveau est directement lié au maintien d’une addiction qu’elle est supposée combattre. Dès lors, l’arbitrage entre les objectifs immédiats de rendement financier et les impératifs de santé publique est délicat. Cette situation, conjuguée avec la pression qu’exercent les acteurs économiques du tabac, favorise des choix de court terme – dont le moratoire fiscal est une illustration – qui font perdre de vue l’essentiel : les bénéfices à long terme qui pourraient être tirés d’une forte diminution de la consommation de tabac, même d’un strict point de vue financier, dépassent largement la perte de fiscalité qui en résulterait.

Le quatrième et dernier enseignement est donc que les moyens devraient être redéployés en faveur de la prévention, de l’aide à l’arrêt du tabac et du renforcement des contrôles.

La Cour a constaté que les multiples réglementations à visée sanitaire, qui se sont renforcées dans la période récente – interdiction de vente aux mineurs, interdiction de fumer dans les lieux publics notamment –, faisaient l’objet d’une application souvent défaillante et de contrôles publics déficients. L’insuffisance des contrôles est particulièrement manifeste en matière d’interdiction de vendre du tabac aux mineurs ou de fumer dans les lieux publics : un buraliste ne risque d’être contrôlé sur place qu’une fois par siècle par les agents de la direction des douanes ; à trois exceptions près, les préfets n’ont pas fait remonter au ministère de l’intérieur le bilan qui leur avait été demandé de l’application de l’interdiction de fumer dans les lieux publics.

Dans ces conditions, ce sont les associations antitabac qui, par leurs actions judiciaires et dans la mesure de leurs moyens limités, veillent à l’application de la réglementation. La revue de jurisprudence à laquelle la Cour a fait procéder dans le cadre de cette évaluation est à cet égard une première. Elle est particulièrement instructive sur la diversité et l’ampleur des manquements que ces associations ont pu relever et faire condamner.

Si la France dispose en définitive d’un arsenal réglementaire très développé, supérieur à celui de bien d’autres pays, l’efficacité de ce dispositif est réduite du fait de l’absence de contrôles et de sanctions effectives, qui, une fois de plus, contraste avec l’implication des administrations de l’État dans la politique de sécurité routière. Cette situation contraste également avec celle qui prévaut au Royaume-Uni. La crédibilité de l’ensemble des actions de lutte contre le tabagisme ne peut en être que gravement affectée.

La prévention du tabagisme et l’aide à l’arrêt du tabac constituent un enjeu essentiel qui est resté très insuffisamment pris en compte. J’ai déjà évoqué les dépenses pour l’organisation de campagnes de communication vers le grand public. Plus généralement, une attention très insuffisante est portée à la prévention de l’entrée dans le tabagisme, en particulier chez les jeunes : les services de santé scolaire sont dépourvus d’outils et en demeurent à des initiatives isolées. Quant à l’aide à l’arrêt du tabac, elle pâtit d’une offre de consultations spécialisées mal identifiée et qui pourrait être démultipliée si des personnels paramédicaux formés à cet effet pouvaient également contribuer à la prise en charge des actions de sevrage tabagique, comme au Royaume-Uni ou au Québec. La prise en charge des substituts nicotiniques par l’assurance maladie fait l’objet d’une expérimentation à la fois limitée dans son champ et hésitante dans son ciblage. Cette prise en charge pourrait s’intégrer, comme cela est notamment le cas en Grande-Bretagne, dans une stratégie d’ensemble mettant en cohérence une politique de prix élevés, une réglementation rigoureuse, rigoureusement appliquée et méthodiquement contrôlée, des campagnes de communication actives. Dans ce contexte, une aide au sevrage prise en charge par l’assurance maladie pourrait trouver sa place dans le cadre d’un accompagnement spécifique organisé autour d’un réseau de consultations spécialisées et des professionnels de santé libéraux de premier recours, médecins et pharmaciens, vers lesquels les lignes d’assistance téléphonique dédiées à l’information sur le tabac pourraient renvoyer, ce qui n’est actuellement pas le cas en France.

C’est de fait par une telle politique alliant pédagogie, aide concrète et personnalisée, contrôle très strict et systématique de l’application de la réglementation, que le Royaume-Uni est parvenu à réduire de près de dix points le niveau de consommation du tabac en dix ans : la proportion de fumeurs dans l’ensemble de la population y est passée de 30 % à 20 % ; près de 800 000 fumeurs sont entrés, en 2010, dans le dispositif d’aide à l’arrêt du tabac, particulièrement accessible et efficace.

Devant les inquiétants reculs qu’elle a constatés, la Cour met en lumière l’impérieuse nécessité de passer de politiques seulement juxtaposées à une politique renouvelée de lutte contre le tabagisme, coordonnée, visible, définie dans une loi de santé publique et conduite comme telle dans la durée. Cette inscription de l’effort dans le temps long est incontournable, eu égard à l’échelle de temps nécessaire pour modifier en profondeur les comportements et obtenir des résultats pérennes. La Cour cherche ainsi à contribuer au nouvel élan qu’appelle une action qui a donné d’indiscutables résultats depuis la loi Veil de 1976 et la loi Évin de 1991, mais qui s’est essoufflée. Le précédent de la sécurité routière illustre la possibilité d’un retournement collectif du comportement et de la perception dominante. Même si l’une des caractéristiques de la lutte contre le tabagisme est l’absence de lien univoque entre les divers outils de l’action publique et leur incidence propre sur la baisse de l’addiction, c’est avec le souci de vous permettre de disposer d’un large éventail de propositions susceptibles de contribuer à une relance de la politique de lutte contre le tabagisme que la Cour a conduit son évaluation.

M. le président Claude Bartolone. Merci pour ce rapport important et inquiétant, monsieur le Premier président.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Au nom du Comité d’évaluation et de contrôle, je remercie à mon tour chaleureusement le Premier président et les magistrats de la Cour des comptes pour ce travail clair et inquiétant qui nous oblige à des actions rapides et efficaces.

Avec, comme cela a été rappelé, 73 000 morts par an, le tabagisme est le premier enjeu de santé publique de notre pays. Première cause de mortalité évitable, il progresse de façon inquiétante parmi les jeunes. Notre action doit donc être plus déterminée, plus cohérente et plus efficace.

Nous sommes en accord total avec l’ensemble des analyses et des propositions du rapport de la Cour. Ce document sera porté en annexe du rapport que nous remettrons en février et qui comportera d’autres éléments issus des auditions, des visites et des observations internationales que nous avons pu réaliser. Au total, ce corpus devra permettre de convaincre l’ensemble des responsables français de l’impérieuse nécessité d’une action volontaire et durable.

Nous sommes aujourd’hui dans le peloton de queue européen. Nous devons revenir dans le peloton de tête que la loi Veil de 1976, la loi Évin de 1991 et les mesures de 2004 nous avaient permis de rejoindre. À chacun de ces moments, la prévalence du tabagisme et la consommation du tabac ont diminué.

Rappelons à cet égard que le risque de surmortalité par infarctus du myocarde cesse dans les jours qui suivent l’arrêt de la consommation de tabac. En d’autres termes, si l’effet sur la mortalité par cancer est bien évidemment différé, l’effet sur les maladies cardiovasculaires est immédiat.

Malheureusement, le relâchement des mesures prises, un certain laxisme, voire un épuisement de certains acteurs, ont entraîné la perte de cohérence et d’efficacité de la politique menée. Pendant ce temps, le lobby du tabac poursuit sa démarche de recrutement de populations supplémentaires.

Il est nécessaire de prévoir le plus tôt possible une grande loi de santé publique consacrant un volet très substantiel à la lutte contre le tabagisme. Ce texte devra permettre, bien entendu, un combat contre toutes les addictions. Mais le tabac est la première d’entre elles et souvent la porte d’entrée vers d’autres addictions. Beaucoup de jeunes deviennent dépendants avant d’atteindre leur centième cigarette. Plus ils ont commencé tôt, plus le sevrage est difficile. Bien souvent, ils commencent ensuite à fumer du cannabis.

Pour aider les Français à se libérer du fléau du tabagisme sans aller jusqu’à la prohibition, il faut mener deux principaux combats.

D’abord la prévention primaire, qui vise à réduire le nombre des jeunes qui entrent dans l’addiction tabagique et pour laquelle le rapport de la Cour préconise toute une série de mesures.

Ensuite l’aide au sevrage. La Cour souligne tout le bénéfice d’une telle démarche non seulement en termes de vies humaines, mais aussi en termes financiers puisque le coût de sa prise en charge est modique. Il faudra donc la mener avec plus de détermination et d’ampleur, à l’instar de la politique qui a permis aux Britanniques d’obtenir des résultats positifs.

J’en viens à mes questions.

Si la Cour mentionne les mesures additionnelles qu’il conviendra de prendre, elle souligne aussi qu’il faut d’abord faire respecter les nombreuses mesures existantes. En effet, le dispositif français n’est pas moins important qu’ailleurs, mais il est moins bien appliqué. L’interdiction de vente aux mineurs n’est guère respectée. Vous l’avez indiqué, un buraliste risque d’être contrôlé par les douanes une fois par siècle. Un réel respect de l’interdiction nécessite des conditions tout autres ! Pourquoi ne pas adopter le principe du « no ID, no sale » – « pas de carte d’identité, pas de tabac » – affiché chez tous les buralistes de Grande-Bretagne ? Trop souvent, l’enfant prend prétexte qu’il vient acheter des cigarettes pour ses parents, ou il ajoute deux ou trois ans à son âge réel. Quel est le point de vue de la Cour des comptes sur la possibilité d’appliquer, en France, une mesure contraignant à présenter sa carte d’identité à chaque achat ?

La Cour souligne la nécessité de faire respecter l’interdiction de la publicité, suggérant même de l’étendre aux lieux de vente. Comment éviter que des dérogations n’affaiblissent le message ?

La Cour met également en évidence une fiscalité à géométrie variable : des taxes différentes s’appliquent aux cigarettes, au tabac à rouler, aux cigarillos, aux cigares. J’ignore les raisons de telles différences, mais cela n’a pas de sens ! Mieux vaudrait une fiscalité unique et claire sur tous les produits dérivés du tabac, étendue d’ailleurs au papier à cigarette dont l’usage, qu’il serve au tabac ou au cannabis, n’a pas à être encouragé.

Enfin, la Cour relève comme nous l’implication insuffisante des professionnels de santé. Face au risque d’épidémie de grippe H1N1, on a voulu vacciner les Français sans impliquer les médecins généralistes et les pharmaciens. Ce fut un fiasco. De même, lutter contre le tabagisme sans impliquer le médecin de famille ne peut que conduire à l’échec.

Il faudrait que chaque patient puisse avoir un entretien avec son médecin au sujet du tabac dans le cadre d’une consultation spécifique. Quelques secondes à la fin d’une consultation pour une autre pathologie ne suffisent pas : il faut y passer du temps et il faut un coaching. Le médecin doit pouvoir expliquer à son patient qu’un échec n’est pas rédhibitoire, par exemple. La plupart des anciens fumeurs ne se sont arrêtés qu’après deux ou trois tentatives, voire davantage. Chacune de ces tentatives ne devrait-elle pas faire l’objet d’une aide financière, pour prendre en charge les moyens du sevrage et donner au médecin le temps de discuter avec son patient, de l’encourager ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Je tiens à remercier Jean-Louis Touraine pour notre coopération qui se traduira par la remise d’un rapport en février. Je remercie également le président Bernard Accoyer qui a saisi la Cour des comptes d’une demande d’évaluation de la politique de lutte contre le tabagisme, et le président Claude Bartolone qui a pris le relais. Le rapport du Comité d’évaluation et de contrôle devra apporter sa contribution à la grande loi de santé publique que nous appelons tous de nos vœux.

Jean-Louis Touraine a dit tout le bien que nous pensions de l’évaluation de la Cour des comptes. Ce rapport à la fois complet et facile à lire comporte des recommandations fortes qui alimenteront notre réflexion.

Il y a, en France, beaucoup de textes réglementaires, mais ils ne sont pas appliqués. Il suffit de voir le nombre de personnes qui fument dans les gares en dépit des messages sonores délivrés par la SNCF ! J’ai même vu des employés en tenue fumer devant les passagers. Par rapport aux pays étrangers, l’application de l’interdiction de fumer dans les lieux publics a chez nous quelque chose de très particulier !

Le rapport souligne également la nécessité de mettre en place une politique de prévention auprès des jeunes. En moyenne, un jeune Français fume pour la première fois à quatorze ans et un mois. Après cent cigarettes, la dépendance s’établit. Jean-Louis Touraine et moi sommes tous deux médecins et nous en connaissons bien les conséquences. De plus, un an après la première cigarette, les statistiques montrent la survenue d’addictions à d’autres produits, en particulier au cannabis. Avec Claude Bartolone et Michel Ghysel, nous avions d’ailleurs effectué une mission d’étude sur ce sujet à l’étranger et nous avions relevé les excellents résultats de la politique néerlandaise.

La Cour dénonce à juste titre la dispersion des acteurs en France. Les 100 millions d’euros consacrés à la lutte contre le tabagisme sont non seulement insuffisants, mais aussi dépensés en vain en l’absence de toute coordination. La nouvelle présidente de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) et plusieurs autres acteurs nous ont confirmé que le tabac entrait dans les compétences de la MILDT. Nous ne voulons pas ajouter au millefeuille existant mais, comme la Cour, nous estimons qu’il faut réfléchir à la gouvernance de la politique de lutte contre le tabagisme.

Un autre point m’a frappé : on sait que 30 % des femmes fument et que cette proportion s’accroît, mais il apparaît aussi que 17 % des femmes enceintes fument. Il faudrait mener une évaluation sur les conséquences du tabagisme au moment de la grossesse de manière aussi complète que pour l’alcoolisme. Les campagnes d’information devront insister sur les dangers que cette addiction présente pour l’enfant à naître.

Une coordination fiscale européenne sur le tabac est bien entendu souhaitable, mais je sais d’expérience que ces processus sont lents. On ne peut s’appuyer sur cette perspective pour résoudre tous les problèmes. Au Luxembourg, pays dont mon département est limitrophe, le paquet de cigarette est vendu 2,20 euros moins cher qu’en France. Les chiffres des ventes légales seront donc toujours tronqués.

Je me rappelle aussi les courriers que le professeur Tubiana nous avait envoyés pour dénoncer la nocivité du tabac à rouler, plus grande encore que celle de la cigarette. Pourtant, dans les supermarchés et les stations-service, le papier à rouler est mis en évidence en tête de gondole et certains clients – en particulier des jeunes – n’achètent que ce produit. On entend souvent dire qu’il y a moins de tabac dans une cigarette roulée, mais c’est ignorer les produits additionnels. Une étude doit être menée pour éviter des pathologies physiques et psychiques très graves.

La politique forte et volontariste que souhaite la Cour des comptes passe également par l’aide au sevrage. À l’heure actuelle, une personne qui souhaite arrêter de fumer a droit à 50 euros, moyennant une ordonnance séparée du médecin. Si l’essai n’est pas concluant – ce qui arrive dans 23 % des cas –, il n’y a pas de deuxième aide. Pour les jeunes et les personnes en situation de précarité, qui sont les plus touchés par le tabagisme, cela signifie qu’il n’y aura pas de nouvelle tentative. C’est pourquoi Jean-Louis Touraine et moi-même recommandons que l’aide se poursuive jusqu’au bout. Lorsqu’une personne a décidé d’arrêter le tabac, l’important est de l’aider au maximum en supprimant les freins financiers.

D’un côté, les taxes sur le tabac procurent une recette de 15 milliards d’euros ; de l’autre, la prévention ne recueille que 100 millions. Il reste des efforts à faire !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission des affaires sociales. S’agissant du tabac, on parle non pas de drogue, mais de substance psychoactive. Et c’est la seule substance psychoactive licite dont la consommation ne désocialise pas la personne. Quand un jeune entre dans le tabagisme à quatorze ans, cela ne provoque pas de désocialisation. Je prendrai un exemple volontairement provoquant : on peut devenir prix Nobel en fumant trois paquets de cigarettes par jour, c’est impossible en étant alcoolique. Ayant travaillé dans des réseaux de lutte contre la toxicomanie, je sais bien qu’il y a une différence entre un adolescent de quatorze ans qui fume une cigarette et un autre qui boit une bière : le second n’est plus dans son état normal et commence à se désocialiser.

En matière de prix, il faut distinguer deux niveaux. Pour un jeune qui n’a pas encore de dépendance physiologique au tabac, le prix du paquet de cigarettes peut être réellement dissuasif. Quand on est déjà dans l’addiction, en revanche, on continuera d’acheter des cigarettes même si le prix est très élevé, quitte à se priver d’autre chose. Bref, au risque de mécontenter les buralistes, j’affirme qu’une forte augmentation du prix limitera le primo-accès au tabac.

Par ailleurs, il faut dépasser la réticence dont font preuve les Français face à l’emploi d’images « trash ». Nous devrions diffuser des images très choquantes, comme les pays anglo-saxons sont capables de le faire dans leurs campagnes de prévention.

Je rejoins l’analyse des rapporteurs concernant le tabac à rouler : j’ignore pourquoi ce produit est moins taxé, mais je sais que c’est une porte d’entrée pour le cannabis.

Il faut également poser la question du périmètre d’implantation de bureaux de tabac autour des lycées et des collèges. Il sera toujours plus compliqué, pour un jeune, d’aller acheter un paquet de tabac si le buraliste n’est pas à proximité.

Les contrôles, on l’a dit, sont insuffisants. Pour avoir fait des tournées avec la gendarmerie et la police à Toulouse, j’ai constaté que l’on fumait dans certaines boîtes de nuit le samedi soir. Les lieux festifs devraient faire l’objet d’une surveillance accrue de ce point de vue.

Lorsque l’on avait effacé la cigarette d’une image de Malraux, fumeur notoire, une vive polémique avait éclaté. Pensons aussi aux films anciens ou aux séries télévisées des années 70. L’inspecteur Columbo, par exemple, ne cesse de fumer !

La transformation de « Drogues Alcool Tabac Info Service » (DATIS), qui était connu de beaucoup de monde, en « Addictions Drogues Alcool Info Service » (ADALIS) a complètement brouillé le message. Le public ne sait plus à qui s’adresser.

Le rôle du médecin, du pharmacien et des professions paramédicales est assurément primordial, mais quels sont aujourd’hui les moyens de la médecine scolaire pour faire de l’information auprès des jeunes ?

Je reviendrai pour finir sur l’image du tabac : pour les jeunes, ce n’est pas un produit dangereux, car il ne les met pas dans un état second qui les désocialise.

M. Jacques Myard. Le chiffre de 200 morts par jour, cité par le Premier président Migaud, est effrayant. Puisque l’on ne peut que constater les limites de la politique de prévention, ne convient-il pas de se demander s’il ne faudrait pas interdire complètement la vente de tabac ? Certes, les politiques de prohibition ne sont pas toujours les meilleures, surtout pour un produit aussi « culturel » que le tabac, mais on peut se poser la question.

En outre, la limitation de la circulation des produits du tabac au titre de l’article 36 du traité communautaire suppose que l’on abandonne la liberté de vente à l’intérieur des frontières. Il faudra donc choisir.

Comme les intervenants précédents, je suis frappé par le non-respect de la réglementation en matière de tabac, notamment aux terrasses de café qui sont en plein air l’été mais fermées et chauffées en hiver. Un jour viendra, n’en doutons pas, où un garçon de café atteint d’un cancer du poumon attaquera son employeur sur ses conditions de travail. Les préfets devraient mettre un peu d’ordre dans ces pratiques qui sont presque devenues la règle.

Je conclurai par un coup de chapeau à la Cour des comptes, qui a fait un excellent travail.

Mme Claude Greff. Je tiens moi aussi à féliciter la Cour des comptes pour la qualité de son rapport.

La coordination européenne des prix du tabac est un vrai problème qu’il convient de résoudre. En effet, les différences de prix à l’intérieur de l’Union européenne génèrent un trafic d’autant plus dangereux qu’il permet la circulation de cigarettes dont on ignore la véritable composition.

Vous avez évoqué, monsieur le Premier président, le plan cancer 2003-2007, qui a permis de mener une excellente action en matière de prévention. Monsieur le président de l’Assemblée, de 2007 à 2012, j’ai coprésidé, aux côtés de Jean-Louis Touraine, le groupe d’études sur le cancer, qui réunit la droite et la gauche de l’Assemblée nationale, mais j’ai le regret de constater que Jean-Louis Touraine est désormais seul à la barre. J’en suis d’autant plus marrie que nous avions fait ensemble un travail très utile, le combat contre le cancer ne connaissant pas la fracture politique.

Nous devons multiplier notre action, notamment en vue de généraliser la prévention. N’oublions pas en effet que si l’arbitrage sur les objectifs est délicat, compte tenu de l’apport financier du tabac aux finances publiques, le coût de celui-ci est bien plus élevé en termes de santé publique. C’est pourquoi il convient de redéployer les moyens de la prévention. Mme la présidente de la commission des affaires sociales a fait des remarques pertinentes sur le sujet, notamment en matière de médecine scolaire, laquelle est aujourd’hui dépourvue de moyens et de considération. Il faudrait en outre associer davantage le personnel paramédical, qui a une très grande proximité avec la jeunesse. De manière générale, la prévention et les aides au sevrage doivent être davantage encouragées.

D’aucuns ont souligné que les lois sur le tabagisme sont plus ou moins bien respectées. Cela dit, la fumée est en voie d’être bannie des appartements, et cela sans l’intervention d’aucune loi. L’habitude a été prise d’aller fumer dans le jardin, sur le balcon ou à la fenêtre. Le changement des comportements ne passe donc pas forcément par l’interdiction. Nous devons également nous interroger sur la progression de la consommation de tabac par les jeunes filles et sur le pourcentage trop élevé de femmes enceintes qui fument. Je ne pense pas qu’obliger les buralistes à demander leur carte d’identité aux jeunes soit une bonne mesure. Il faut approfondir la réflexion sur tous ces sujets, notamment au sein du groupe d’études de l’Assemblée nationale, afin de dégager des solutions pragmatiques, lesquelles devront être associées à une triple prévention, médicale, financière et scolaire, le tabac n’étant pas désocialisant, comme l’a remarqué à juste titre Mme Lemorton.

M. François Loncle. L’augmentation du chiffre d’affaires des buralistes ne s’expliquerait- elle pas aussi par l’explosion des jeux ? Il faudrait évaluer avec précision la part du tabac dans ce chiffre d’affaires.

À mes yeux, il convient de lutter en priorité contre les trafics internationaux. Je suis chargé d’un dossier sur le drame du Sahel : le trafic de cigarettes s’y ajoute aux trafics de drogues et d’armes. N’oublions pas non plus, à l’intérieur de l’Europe, les trafics interfrontaliers. La France n’est évidemment pas épargnée. La politique de répression doit prioritairement porter sur ces trafics, qui sont énormes. Il faut y consacrer les moyens nécessaires, d’autant que les cigarettes frelatées sont encore plus nocives que les cigarettes vendues légalement. Un grand nombre de trafiquants fabriquent de vrais poisons. Or les pouvoirs publics ne semblent pas faire de cette lutte leur priorité.

Ma dernière remarque déplaira à certains, mais je tiens à affirmer que l’intégrisme qui se manifeste de plus en plus sur le sujet peut être contre-productif. À force d’interdire, de réprimer ou de sanctionner, y compris les voyageurs qui fument sur les quais de gare en plein air, on risque d’obtenir l’effet inverse. J’ai même vu des piétons arrêter un passant dans la rue pour le sermonner parce qu’il fumait ! Ce n’est certainement pas ainsi que l’on détournera les jeunes du tabagisme ! Détournons-nous de l’obsession répressive !

M. Laurent Furst. Je trouve la réflexion de M. Loncle pertinente et je m’y associe bien volontiers.

Ce rapport a le mérite de mettre en évidence le fait que l’avant-dernière augmentation du prix du tabac a fait perdre 3 milliards d’euros de recettes à l’État en raison tant du développement des achats transfrontaliers ou sur internet que des achats illégaux –perte de recettes qui se creusera mécaniquement à chaque nouvelle augmentation du prix du paquet.

Je dois avouer que la présentation du chiffre d’affaires des buralistes m’a troublé, car on ne saurait traiter cette profession dans le cadre d’une statistique nationale qui n’a aucun sens. En effet, la situation d’un buraliste installé en zone frontalière n’a rien à voir avec celle d’un buraliste parisien ! En Alsace, ce métier disparaît, notamment dans les zones rurales. Il faut analyser la situation des buralistes avec lucidité en rompant avec des statistiques nationales desquelles on ne peut tirer aucun enseignement fiable.

Comme Mme Lemorton a eu raison de le noter, nous sommes confrontés à un phénomène culturel et non à une simple réalité économique. L’augmentation du tabagisme chez les jeunes ou les femmes enceintes ne saurait donc être traitée uniquement par l’augmentation du prix du paquet de cigarettes.

Par ailleurs, l’évolution de la qualité des cigarettes, qui sont de plus en plus légères et dont les émanations pénètrent de plus en plus profondément dans les bronchioles, induit-elle des surcoûts pour l’assurance maladie ?

Quant à l’ouverture du débat sur le cannabis, n’est-ce pas un mauvais signal dans la mesure où certains pourraient considérer que la légalisation du cannabis devrait s’accompagner d’une plus grande libéralisation de la consommation de tabac ?

Enfin, de nombreux Français ont le sentiment d’être privés de libertés par une accumulation de politiques répressives en matière de sécurité routière ou de lutte contre le tabagisme. Ces politiques sont nécessaires, je ne le nie pas, mais les représentants de la nation ne doivent pas ignorer ce malaise d’un nombre croissant de nos concitoyens.

M. Pierre Morange. Cet excellent rapport s’inscrit dans la suite logique de ceux sur l’évaluation des politiques de santé publique et sur la médecine scolaire. On y retrouve les mêmes problématiques de gouvernance, de définition des objectifs et donc d’allocation des moyens, sans que soient omises les difficultés rencontrées en matière d’évaluation.

Le rapport évoque notamment la nécessité de mettre en place une politique d’éducation sanitaire obligatoire dans l’ensemble des établissements scolaires français – idée que j’avais émise au cours d’une précédente réunion du CEC. On ne saurait bien sûr réduire cette politique au constat d’une insuffisance des moyens alloués à la médecine scolaire. En effet, une politique de prévention ayant pour objectif de modifier les comportements, il est essentiel d’y associer tous les partenaires – enseignants, parents d’élèves, élus. La situation actuelle ne fait que refléter la disharmonie qui caractérise le paysage sanitaire français, notamment dans le cadre de la politique de santé publique.

Je lancerai dans ma circonscription, à partir de septembre 2013, au sein d’une trentaine d’écoles primaires, une expérimentation qui coûtera quelque 50 000 euros par an et qui vise à rendre obligatoire, pour les classes de CE2, CM1 et CM2, une politique d’éducation sanitaire sous le contrôle du rectorat. La généralisation de cette politique sur l’ensemble du territoire français coûterait entre 20 millions et 30 millions d’euros par an, somme dérisoire si on la rapporte à l’enveloppe sanitaire de l’assurance maladie.

La logique est d’inscrire ce travail dans la durée sans diaboliser tel ou tel comportement. M. Loncle a raison : pour modifier les comportements, il ne faut pas ostraciser ; il faut faire de la pédagogie auprès des plus jeunes.

Mme Catherine Lemorton. Les problèmes liés au médicament ont soulevé des interrogations sur les conseillers des ministres de la santé. Or, pas plus tard qu’hier, nous avons appris qu’un ancien conseiller des ministres Xavier Bertrand, Jean Leonetti et Chantal Mme Jouanno venait d’être embauché par Philip Morris : j’espère que ce n’est pas pour services rendus auprès du Gouvernement dans sa politique contre le tabac ! Il faut toujours faire attention aux parcours des conseillers ministériels !

M. le président Claude Bartolone. Chacun a conscience de la difficulté de la tâche. Les grands groupes mondialisés du tabac reconstituent leurs marges, en particulier grâce aux marchés des pays émergents – je pense notamment à la consommation du tabac en Chine. Peut-être se désintéresseront-ils, comme le fait la Formule 1, des pays où l’on fume moins, ou, au contraire, essaieront-ils d’y contourner les dispositifs adoptés.

Je suis particulièrement inquiet du fait que, de nouveau, fumer redevienne valorisant aux yeux des jeunes, qui font société en fumant ensemble notamment à la sortie du collège ou dans certains restaurants. Certaines terrasses sont même plus accueillantes que l’intérieur des établissements eux-mêmes. S’il convient de réguler la consommation de tabac, notamment au travers de mesures financièrement pénalisantes, il faut prendre conscience que c’est sur le plan culturel que nous remporterons la bataille. Les mesures en la matière ne sont pas hors de portée : c’est par les enfants qu’a été gagné le combat pour le port de la ceinture de sécurité ou pour l’hygiène dentaire. Les comportements évoluent actuellement dans le bon sens puisque, comme cela a été remarqué, la fumée est de plus en plus bannie des appartements. Parallèlement aux mesures d’interdiction, il est donc nécessaire, comme l’a souligné la Cour des comptes, de commencer par faire passer le message. Fumer étant valorisé en termes de sociabilité, il convient en priorité d’informer les Français des conséquences réelles du tabagisme, ce qui n’interdira pas de prendre ensuite des mesures de réglementation.

M.  Loncle a eu raison de demander une évaluation précise de la part du tabac dans le chiffre d’affaires des buralistes. Toutefois, le tonnage de mégots ramassé par la ville de Paris est à lui seul un bon indicateur de la consommation massive de tabac.

Ce rapport, monsieur le Premier président, est l’illustration du travail intelligent réalisé par la Cour des comptes et l’Assemblée nationale. Grâce à vous, la représentation nationale peut identifier les problèmes à résoudre, problèmes sur lesquels la Cour des comptes porte un regard institutionnel plus distant que celui porté par l’Assemblée. Ce concentré d’intelligence que vous mettez également à la disposition des médias, que je remercie de leur présence, nous permet d’améliorer nos propres rapports. L’année prochaine, nous verrons comment mieux coordonner la présentation des rapports de la Cour des comptes et du CEC.

M. Didier Migaud. Je vous remercie de vos appréciations sur la qualité du rapport de la Cour des comptes. Nous souhaitons vous être utiles, la représentation nationale étant la seule à même d’assurer des débouchés au travail réalisé en amont par la Cour : il appartient en effet au législateur d’adopter les dispositions permettant d’accroître l’efficacité des politiques de lutte contre le tabagisme.

Le sondage que vous avez réalisé montre combien nos concitoyens sont insuffisamment sensibilisés aux risques du tabagisme, alors même que le tabac tue chaque année 73 000 personnes en France – 200 par jour. Ces chiffres ne rendent que plus manifeste le déséquilibre entre les politiques menées par les pouvoirs publics contre l’insécurité routière et celles visant à lutter contre le tabagisme. L’augmentation du prix du paquet ne saurait être évidemment la seule composante de la lutte contre le tabagisme : elle doit s’accompagner d’une politique volontariste et continue en matière de sensibilisation, de prévention et d’aide au sevrage.

Il ne faut pas perdre de vue que le tabac est une dépense avant d’être une recette puisqu’il rapporte moins en taxes qu’il ne coûte en termes de santé publique. Et c’est précisément parce que les rentrées sont immédiates et que les conséquences se font sentir à plus long terme – le tabac tue lentement, comme l’ont rappelé les deux rapporteurs, MM. Jacquat et Touraine, qui sont également médecins –, qu’il convient d’insister sur le coût élevé du tabac pour les finances publiques.

Monsieur Loncle, la Cour des comptes reviendra, dans le cadre du rapport public annuel, sur la part de chaque activité dans le chiffre d’affaires des buralistes. Il n’en est pas moins vrai que les buralistes ont anticipé la diminution de la part de leur chiffre d’affaires liée au tabac en sollicitant des aides auprès des pouvoirs publics. Or, comme les ventes de tabac n’ont pas diminué, les aides, qui ont été accordées de façon uniforme par la représentation nationale, ont produit un effet d’aubaine. Il faut donc cibler ces aides sur les buralistes qui en ont vraiment besoin.

M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes. À la page 132 du rapport, une carte met en lumière la grande disparité des prix du tabac au sein de l’Union européenne. Cette disparité a pour origine le caractère trop peu contraignant de la directive européenne de 2001, qui visait théoriquement à assurer une meilleure convergence des prix du tabac au sein de l’Union grâce à une plus grande homogénéisation des fiscalités. Une nouvelle étape est prévue pour le 1er janvier 2014, mais de telles dispositions pourront être absorbées par les fabricants de tabac, via une compression de leurs marges ou une modification différenciée du prix de leurs produits. Le cadre européen est donc à l’heure actuelle insuffisant.

Par ailleurs, le régime des acquisitions communautaires rend la situation fragile en matière d’achats transfrontaliers. En effet, la Commission européenne a mis en cause le code général des impôts français, qui limite les possibilités d’achats dans les pays voisins, et refuse d’entendre les arguments de la France. Sera-t-il possible d’obtenir une exception à la libre circulation d’un produit dont la dangerosité est aujourd’hui universellement reconnue ? Rien n’est moins sûr, malheureusement.

C’est en France que la proportion de femmes enceintes qui fument est la plus importante. Il faut donc travailler à la sensibilisation des femmes et à la formation des professionnels de santé sur le sujet. Sans doute convient-il de donner suite à la proposition de l’Académie de médecine visant à dépister systématiquement, au cours des consultations de grossesse, le taux de monoxyde de carbone, afin de prévenir les femmes enceintes des risques que le tabagisme fait courir à leur enfant.

Le sevrage est une question essentielle. C’est pourquoi le rapport suggère que la Caisse nationale d’assurance maladie rembourse davantage les frais liés au traitement par substitut nicotinique à condition qu’il soit accompagné par les professionnels de santé. L’exemple anglais montre en effet que ce traitement doit être accompagné par un professionnel de santé, médecin ou non, pour se révéler efficace. Les pharmaciens, en tant que professionnels de santé de premier recours, ont un rôle particulier à jouer en la matière.

M. Didier Migaud. Monsieur Touraine, la Cour recommande évidemment l’extension des mesures fiscales relatives au tabac à tous les produits de celui-ci, y compris au tabac à rouler bien sûr, pour éviter tout effet de substitution.

Mme Claude Greff. S’agissant du sevrage, pourquoi la Cour des comptes ne propose-t-elle pas tout simplement le patch à un euro ? Ce serait un dispositif clair pour tous les Français.

M. le président Claude Bartolone. Cela relève plus du travail de nos rapporteurs que de celui de la Cour des comptes !

M. Didier Migaud. En effet, la Cour ouvre des pistes, mais c’est à vous qu’il appartient de prendre des mesures concrètes !

M. le président Claude Bartolone. Je tiens à remercier le Premier président de la Cour des comptes et tous ses collaborateurs pour la qualité de leur travail.

En février 2013, les deux rapporteurs du CEC nous présenteront leur propre rapport, auquel sera annexé celui de la Cour des comptes.

EXAMEN PAR LE COMITÉ

Lors de sa séance du 28 février 2013, le Comité examine le présent rapport.

Mme Martine Pinville, présidente. Le rapport sur l’évaluation des politiques de lutte contre le tabagisme que nous allons examiner a bénéficié d’une contribution de la Cour des comptes qui nous a été présentée le 13 décembre dernier.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Le tabagisme, premier facteur de mortalité évitable, loin devant l’alcoolisme, l’addiction à d’autres drogues, le sida, les meurtres, les suicides et les accidents de la route, est la première cause de santé publique : 73 000 personnes en meurent chaque année dans notre pays. Un fumeur sur deux meurt prématurément des pathologies provoquées par la consommation de tabac. On s’est longtemps, bien à tort, accoutumé à ce méfait. Jusqu’à la Première Guerre mondiale, on n’y prêtait guère attention. Puis, le nombre de fumeurs augmentant fortement chez les hommes, on a commencé à en mesurer les conséquences, notamment cancéreuses et cardio-vasculaires. À la fin du XXe siècle, les femmes se sont également mises à fumer et l’addiction au tabac place aujourd’hui la France dans une mauvaise position sanitaire, par comparaison avec les pays voisins.

Pour mettre en œuvre une politique de lutte plus efficace contre le tabagisme, nous préconisons une double action : diminuer la prévalence chez les nouveaux fumeurs, notamment en rendant le tabac moins attractif pour les jeunes, et faciliter le sevrage des fumeurs.

Je remercie chaleureusement les administrateurs de l’Assemblée nationale qui nous ont apporté une aide précieuse pour l’élaboration de notre rapport.

Je remercie également la Cour des comptes qui nous a aidés dans l’évaluation des politiques de lutte contre le tabagisme et nous a permis de disposer d’un état des lieux précis. À partir de cette expertise, nous avons mené nos propres travaux, avec une quinzaine d’auditions et de tables rondes, dont l’une consacrée au tabagisme des jeunes, phénomène très préoccupant. Nous avons également recueilli des éléments d’information complémentaires auprès de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et du commissaire européen chargé de la santé, M. Tonio Borg.

Nous avons également pris en compte les travaux parlementaires antérieurs, notamment ceux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), mais aussi les textes présentés ou adoptés récemment, en particulier la proposition de directive sur le tabac de la fin décembre 2012.

Dans ce rapport, nous soulignons tout d’abord la nécessité d’accroître l’efficacité des politiques de lutte contre le tabagisme, et présentons à cette fin quinze propositions concrètes, guidées par la volonté d’agir en direction des fumeurs, pour soutenir au mieux ceux d’entre eux qui souhaitent s’arrêter et pour donner envie aux autres de s’engager dans la démarche de sevrage, ainsi qu’en direction des non-fumeurs, pour éviter la première cigarette.

Nous entendons aussi mettre en œuvre des mesures volontaristes et efficaces, mais aussi réalistes et opérationnelles, en cherchant à comprendre au mieux les difficultés qui peuvent se poser concrètement sur le terrain, et à associer davantage tous les acteurs concernés, qui sont nombreux.

Ces propositions s’inscrivent dans le cadre d’une stratégie de réforme fondée sur deux axes : d’une part, rénover le pilotage et la gouvernance de la politique publique afin d’engager dans la durée une action globale et coordonnée ; d’autre part, agir sur tous les leviers de l’action publique en mobilisant largement les acteurs sociaux.

Agir plus efficacement pour diminuer la consommation de tabac suppose tout d’abord de poser le bon diagnostic, autrement dit d’identifier les forces et les faiblesses du dispositif actuel, et de mesurer dans quelles conditions les objectifs fixés ont été atteints.

Dans cette perspective, la première partie du rapport présente une analyse des objectifs, des moyens et des principaux résultats observés en matière de lutte contre le tabagisme. Cette évaluation est d’autant plus nécessaire qu’il s’agit là d’un enjeu majeur pour la collectivité.

Si un fumeur sur deux meurt prématurément d’une maladie liée au tabac, l’enquête réalisée par l’Institut français d’opinion publique (IFOP) fait toutefois apparaître une grave sous-estimation de ces risques par les Français, notamment par les jeunes.

Le tabagisme représente un coût élevé pour la collectivité. Ainsi, une étude réalisée par la CNAMTS à la demande de la Cour des comptes estime, dans une évaluation qui reste très partielle, à plus de 12 milliards d’euros par an la charge pour la seule branche maladie du régime général de sécurité sociale. Ses effets indirects et différés ne font toutefois pas l’objet d’une analyse fine. De plus, en prenant notamment en compte les pertes liées aux décès prématurés des fumeurs, les incidences négatives pour la collectivité ont été estimées à plus de 45 milliards selon une étude datant de 2006. Cela pourrait donc approcher les 50 milliards actuellement. Par comparaison, la ressource publique globale issue du tabac atteint 15 milliards d’euros en 2012, soit moins du tiers de son coût. Autrement dit, le coût global du tabagisme pour la collectivité est bien supérieur au montant des recettes fiscales qu’il génère. Il n’en reste pas moins nécessaire de réactualiser ces estimations et d’évaluer plus méthodiquement les incidences négatives du tabac, qui présente un coût humain considérable et un coût économique désastreux.

M. Denis Jacquat, rapporteur. J’espère que notre rapport débouchera sur des décisions concrètes, car nous avons observé que, malgré la loi Évin et la loi relative à la politique de santé publique de 2004, les objectifs et les dispositions de la lutte contre le tabagisme étaient peu lisibles et fluctuants.

Le dispositif d’observation mis en place est perfectible. Il lui manque des données régulières sur la prévalence tabagique, le baromètre santé n’étant publié que tous les cinq ans. Les estimations des achats de tabac en dehors du réseau des buralistes, tels que les achats transfrontaliers et sur internet, ne sont pas suffisamment bien établies. On sait toutefois qu’une personne sur cinq en France fume des cigarettes achetées par ces filières, dont 15 % à l’étranger et 5 % sur des marchés parallèles. Ces données sont pourtant nécessaires pour le pilotage de la politique, afin de permettre un suivi fin des inflexions de la consommation réelle et d’apprécier l’impact des mesures prises.

Les moyens mis en œuvre restent dispersés et les crédits engagés – de l’ordre de 100 millions d’euros – extrêmement limités.

En France, le nombre de femmes enceintes qui continuent de fumer est élevé – elles sont 17 % chez nous, mais 4 à 10 % chez nos voisins. Il s’agit un véritable échec qui doit nous mobiliser, surtout quand on connaît les conséquences sur l’enfant à naître.

Le tabagisme touche particulièrement les jeunes. En France, en moyenne, les fumeurs fument leur première cigarette à quatorze ans et un mois. Nous savons également que dès qu’un jeune a fumé cent cigarettes, il devient dépendant.

Le tabagisme a par ailleurs de très graves conséquences sur les publics en situation de précarité qui cumulent souvent les problèmes physiologiques.

Si nous constatons que les politiques de lutte antitabac mises en œuvre en Allemagne, au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas sont plus efficaces que celles menées en France dans la même période, nous enregistrons heureusement quelques réussites. Ainsi, la lutte contre le tabagisme passif a produit de très bons résultats. Grâce au décret pris par M. Xavier Bertrand, alors ministre de la santé et des solidarités, on ne fume plus dans la plupart des lieux publics, comme les bars et cafés. Néanmoins, ces règles ne sont pas toujours respectées, en particulier dans les stades ou dans les gares.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Au foisonnement et au cloisonnement qui caractérisent pour partie le système actuel, il faut opposer une remise à plat ordonnée, globale et cohérente de l’action publique, avec une vision stratégique s’inscrivant dans la durée.

Dans cette perspective, la gouvernance doit être simplifiée et la coordination renforcée. Une coordination interministérielle forte et constante est indispensable. Nous proposons d’instituer un comité interministériel, présidé par le Premier ministre et dont le ministre chargé de la santé serait le rapporteur général. Il est également nécessaire de renforcer le positionnement de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie (MILDT) qui pourrait être chargée du secrétariat du comité. Nous proposons également de prévoir la désignation d’un « Monsieur » ou d’une « Madame antitabac ».

Nous suggérons aussi de prendre plusieurs mesures en vue de clarifier les compétences des opérateurs et agences sanitaires, et de rapprocher certains organismes pour améliorer l’efficacité et la coordination des politiques de santé, qui doivent aussi être renforcées au niveau régional. Les agences régionales de santé (ARS) doivent en effet investir pleinement le champ de la prévention. Notre rapport comporte plusieurs recommandations en vue de soutenir le déploiement de politiques de santé publique territoriales et partenariales, visant en particulier le tabagisme. Le premier facteur de mortalité évitable doit constituer une priorité pour les ARS.

Parallèlement, il est impératif de renforcer l’efficacité du pilotage, en définissant une stratégie de moyen terme, avec un cap clairement fixé et un ensemble d’actions cohérentes s’inscrivant dans une trajectoire quantifiée de diminution du tabagisme. Pour cela, la prochaine loi de santé publique doit faire de la lutte contre le tabagisme une véritable priorité, en fixant notamment un objectif chiffré de réduction de la prévalence sur cinq et dix ans, global et par groupes cibles – femmes, jeunes, personnes en situation de précarité, notamment les chômeurs. Les orientations de cette loi devraient par ailleurs être complétées et déclinées dans un plan d’action gouvernemental.

Plus stratégique, le pilotage doit aussi être plus resserré et réactif. À cette fin, nous proposons d’établir au moins une fois par an un tableau de bord qui permettrait de mesurer régulièrement l’efficacité des leviers utilisés et de réagir immédiatement dès qu’un « clignotant » s’allume. Cela suppose de publier plus régulièrement des données sur la prévalence et les modes d’approvisionnement.

Pour un pilotage plus performant, il faut enfin améliorer l’information du Parlement, devant lequel le Gouvernement doit régulièrement rendre compte de son action et des résultats obtenus, avec le dépôt d’un rapport annuel sur le suivi de l’objectif quinquennal et des documents budgétaires étoffés en matière de tabagisme.

Enfin, pour concevoir des stratégies efficaces de réduction du tabagisme et mettre en œuvre des politiques fondées sur les preuves, il faut pouvoir s’appuyer sur des données suffisamment robustes et scientifiquement validées. Dans cette perspective, une impulsion doit être donnée à la recherche et à l’évaluation des pratiques, en s’inspirant notamment du dispositif mis en place avec efficacité en Grande-Bretagne, avec le UK Centre for tobacco control studies.

Il convient d’élaborer un programme national de recherche pluridisciplinaire, sous l’impulsion de l’Institut national du cancer, en renforçant la coordination entre les différents organismes concernés. Il faut aussi faire réaliser dans ce cadre une nouvelle estimation du coût du tabagisme pour la collectivité, et développer les évaluations de l’impact des actions locales de prévention ainsi que la diffusion des expériences qui ont fait la preuve de leur efficacité. Il est également nécessaire de conforter l’indépendance de l’expertise, et de prévoir la mention des liens éventuels d’intérêt de leurs auteurs avec l’industrie du tabac ou l’industrie pharmaceutique.

Ces actions permettront de mieux étayer la décision publique et, ainsi, d’améliorer les résultats, mais aussi d’accroître la légitimité des actions de lutte contre le tabagisme. À elles seules, ces mesures précises, effectuées chaque année en temps réel, inciteront au progrès en vertu de l’adage selon lequel « tout ce qui se mesure s’améliore ».

M. Denis Jacquat, rapporteur. Il convient d’agir sur tous les leviers de l’action publique en mobilisant l’ensemble des acteurs. Un empilement de taxes et d’interdictions ne constitue pas une véritable politique de santé publique qui doit en revanche faire du renforcement de la prévention et de l’aide à l’arrêt de la consommation, en particulier celle des jeunes, une priorité.

La prise en charge doit être améliorée. Nous demandons le remboursement intégral des substituts nicotiniques, comme des médicaments, jusqu’à ce que le traitement soit efficace. Il existe aujourd’hui un forfait de 50 euros, mais la cure n’est aujourd’hui remboursée qu’une seule fois, alors que les résultats ne sont concluants que dans 23 % des cas. Je rappelle que les dépenses induites par les incidences négatives, sur le plan sanitaire et social, résultant des méfaits du tabac sont trois fois plus élevées que les recettes générées par les taxes perçues sur la vente de ce produit.

Nous préconisons également de mieux associer les professionnels de santé et d’améliorer leur formation initiale et professionnelle ainsi que la prise en charge des femmes enceintes.

Nous devons veiller à l’application stricte de l’interdiction de fumer dans les lieux fermés et couverts, et résoudre le problème des terrasses de café. Même à proximité de l’Assemblée nationale, des terrasses de café fumeurs sont totalement fermées et, en été, on trouve de plus en plus de terrasses dont les clients fument en extérieur, sans être séparés des tables voisines situées à l’intérieur.

L’interdiction de la vente de tabac aux mineurs peut être renforcée en prévoyant la présentation systématique d’une pièce d’identité par tous les consommateurs, de même que lorsque l’on règle par chèque ou que l’on prend l’avion. Cette mesure mettrait fin à la stigmatisation des buralistes qui sont accusés de vendre aux jeunes.

Nous proposons également de jouer sur le levier fiscal en taxant tous les produits du tabac au même niveau afin d’éviter les transferts de consommation d’un produit à l’autre en cas de hausse.

Nous suggérons de privilégier des modifications de la fiscalité entraînant une modification significative et dissuasive des prix, car nous avons constaté qu’une augmentation modérée n’a que peu d’impact.

L’amplification de la lutte contre les achats hors réseaux de buralistes est nécessaire, mais difficile. Si l’on peut souhaiter des harmonisations de la fiscalité et des prix au niveau européen, de telles décisions n’ont guère de chance d’être mises en œuvre à court terme.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous devons nous donner les moyens de faire respecter les lois déjà en vigueur, notamment l’interdiction de vente aux mineurs. Il faut aider au sevrage en sachant que plusieurs tentatives sont souvent nécessaires.

Il convient également de réduire l’attractivité du tabac en renforçant la réglementation sur les arômes et en élargissant les dispositions de la loi sur les cigarettes-bonbons aux autres produits. Les cigarettes très fines, dites « slims », qui semblent cibler un public féminin, devraient également être interdites.

Nous proposons par ailleurs d’augmenter la taille des avertissements sanitaires sur les paquets de cigarettes et d’évaluer les effets de l’introduction du paquet neutre en Australie. Enfin, un message de prévention devrait précéder la diffusion de films comportant une séquence valorisant des produits du tabac. Il faudrait par ailleurs interdire la promotion sur les lieux de vente.

Parallèlement, il est essentiel de développer des stratégies plus ambitieuses de prévention et de communication, en organisant régulièrement des campagnes d’information, relayées au niveau local. Elles devraient s’appuyer sur les ressorts de communication pertinents, et diffuser des messages plus offensifs et réalistes, mais aussi plus positifs, valorisant les non-fumeurs et l’arrêt du tabac. Des actions ciblées de prévention et d’accompagnement doivent également être développées en direction notamment des femmes et des jeunes. Il en va de même pour les actions d’éducation à la santé en milieu scolaire, en impliquant l’ensemble de la communauté éducative, les jeunes et les parents.

Ces mesures visent à poursuivre et à amplifier les efforts entrepris pour donner un nouveau souffle à la politique de réduction du tabagisme et placer la France dans le peloton de tête des pays les mieux protégés de ce fléau. Vouloir supprimer la mortalité liée au tabac peut sembler utopique. Pourtant, plusieurs organisations internationales, dont l’OMS, ont déjà envisagé un monde sans tabac. Nous vous proposons de parcourir les premières étapes de cette ambitieuse aventure humaine !

M. Jacques Myard. Il est indispensable de mener très régulièrement des campagnes de communication. L’expérience de la prévention routière nous apprend que la répétition du message est essentielle.

Le comportement de l’État n’est pas toujours logique. Peut-être devrait-il chercher à réduire l’offre en diminuant le nombre de points de vente pour avoir des effets sur la demande ? Pour ma part, je suis maire d’une ville de 23 000 habitants qui compte trois bureaux de tabac !

Nous savons que le même processus physiologique et chimique rend dépendant au café, au chocolat, au jeu, à l’alcool ou au tabac. Il faut donc pousser les recherches pour parvenir à combattre efficacement ces dépendances.

M. Gérard Bapt. Monsieur Jacquat, avec quelle régularité et à quelle échéance devraient intervenir selon vous les augmentations significatives des prix du tabac que vous appelez de vos vœux ? Depuis la mise en œuvre du premier Plan cancer, voulu par Jacques Chirac en 2003, les hausses sont annuelles et ne dépassent pas 5 à 6 %.

Les chiffres que vous nous fournissez montrent que les dépenses consacrées à la communication antitabac sont dix fois inférieures aux montants investis en faveur de la sécurité routière, alors que le tabagisme tue beaucoup plus que la route. Quelles mesures peut-on prendre pour améliorer l’information du public ? L’Éducation nationale ne devrait-elle pas jouer un grand rôle en la matière étant donné le risque couru par les mineurs ?

Pourquoi les indices de prévalence ne sont-ils publiés que tous les cinq ans ? Est-ce pour une raison financière ? La médiatisation régulière de ces chiffres actualisés aurait des vertus pédagogiques et permettrait de soutenir des actions de prévention.

M. Dominique Lefebvre. J’ai quelques souvenirs de l’époque où, conseiller au cabinet de Michel Rocard à Matignon, je travaillais à la préparation de la loi Évin sur le tabac et l’alcool. Je me souviens de réunions homériques avec des députés, élus de circonscriptions viticoles du sud de la France, et de la puissance des lobbies de l’industrie du tabac.

En 1990, nous préconisions que les avertissements sanitaires sur les paquets de cigarettes aient la taille qui est la leur aujourd’hui ; à l’époque, nous nous étions fait battre en arbitrage. Il ne faut jamais oublier que, hier comme aujourd’hui, des intérêts économiques extrêmement puissants sont à l’œuvre – ils impliquent tous ceux qui vivent des financements de l’industrie du tabac.

Cette dernière adopte en permanence une stratégie simple : elle cible les plus jeunes. Au moment même où nous mettions en œuvre la loi Évin, la SEITA a voulu lancer sur le marché une nouvelle marque de cigarettes, la « Chevignon », afin de créer une accoutumance chez les plus jeunes.

Nos marges de manœuvre sont donc étroites, mais nous pouvons jouer sur trois leviers : le prix, la restriction de publicité et la réglementation.

Je rappelle que, avant 1990, on fumait dans les boîtes de nuit ou sur les quais de métro. Les choses se sont donc améliorées, en particulier sous l’impulsion du Président Jacques Chirac. Il faut une volonté politique ; il faut aussi une communication permanente et régulière. Tout en préservant la liberté individuelle, l’esprit public doit finir par considérer que ne pas fumer est la norme ; fumer doit être l’exception. L’ajustement des comportements devrait au moins permettre de sauver ceux qui sont exposés au tabagisme passif.

Il faut sans doute aussi renouveler les mesures prises et la communication, même si l’effet des « mesures-chocs » est souvent bref. Les fumeurs ont sans doute été traumatisés quelques jours par les photos dissuasives apparues sur les paquets de cigarettes ; aujourd’hui, ils ne les regardent même plus. Seule la répétition du message pourra modifier les comportements.

Mme Martine Pinville, présidente. La prévention est sans doute essentielle, en particulier à l’égard des trois populations cibles que sont les précaires, les femmes, notamment lorsqu’elles sont enceintes, et les jeunes.

Pour avoir récemment travaillé à une évaluation de la médecine scolaire, j’estime que l’éducation nationale devrait être davantage associée à la politique de prévention, par exemple grâce au travail des médecins ou des infirmières scolaires. Quoi qu’il en soit, il est clair que les « années collège » sont un moment crucial pour s’adresser aux jeunes sur ce sujet.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. La pédagogie, c’est la répétition. Les messages doivent être inlassablement répétés et reformulés. Pour s’adresser aux jeunes, il faut aussi utiliser des relais spécifiques, car ils sont peu sensibles à la communication institutionnelle. Le message sera plus efficace s’il est positif et s’il évite de culpabiliser les fumeurs.

Au sein de l’éducation nationale, il existe actuellement des initiatives isolées qui ne sont généralement pas évaluées. Nous avons eu néanmoins connaissance d’un résultat non conforme à nos attentes : on comptait un plus grand nombre de fumeurs chez des lycéens passés par une classe de collège ayant bénéficié d’une action de prévention que chez les autres ! Un message directement négatif adressé par les adultes à un public adolescent, tenté par la transgression, peut rendre attractif ce qu’il voulait disqualifier. Le contenu des actions doit donc être très sérieusement évalué.

Une volonté de réduire l’offre se heurterait au réseau des buralistes – dont il ne faut toutefois pas surestimer l’importance. Elle risquerait aussi de favoriser les trafics contre lesquels une action efficace devrait être menée en coordination avec le service des douanes – sachant que les buralistes grossissent le trait : hors ventes frontalières, les ventes parallèles ne représentent que 5 % du marché.

Monsieur Myard, une étude internationale montre que le tabac crée une dépendance bien supérieure à celle provoquée par le café ou le chocolat, et correspondant plutôt à celle créée par les drogues les plus dures. Nous savons que les récepteurs neuronaux des femmes sont plus sensibles que ceux des hommes : elles auront en conséquence plus de difficultés pour se sevrer. Cela devrait conduire à exploiter la première grossesse et à mobiliser le réseau des gynécos-obstétriciens pour qu’ils incitent fortement au sevrage.

La science nous montre aussi que la dépendance s’installe dès le cinquième paquet et que, plus le sujet est jeune, plus ses effets sont difficiles à combattre. Il est en conséquence très préoccupant de voir baisser l’âge de la première cigarette. La recherche nous a beaucoup appris et de nouveaux progrès doivent maintenant permettre de délivrer ceux qui sont victimes d’une addiction.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Monsieur Myard, notre proposition n° 7 porte sur la nécessité de développer la recherche grâce à une approche globale. Un encadré dans notre rapport est consacré à la recherche au Royaume-Uni.

Le système français de distribution du tabac est spécifique et il faut rappeler que le nombre de buralistes a significativement diminué et qu’il y a eu des baisses du nombre de paquets de cigarettes vendus, mais aussi que la profession a d’autres activités, en particulier la vente de la presse et surtout des jeux.

Monsieur Bapt, la Cour des comptes a expliqué que le Baromètre santé n’était publié que tous les cinq ans pour des raisons de coût. Nous estimons qu’il faudra parvenir à publier un bilan annuel de la prévalence tabagique.

Les souvenirs de M. Dominique Lefebvre concernant la loi Évin sont exacts ; j’étais moi-même à l’époque l’un des porte-parole du groupe UDF sur le texte. Que de chemin parcouru depuis ! Il reste que 73 000 personnes meurent tous les ans en France à cause du tabac, qui tue donc beaucoup plus que la route.

Madame la présidente, nous avons constaté que des expériences très positives se déroulaient dans des collèges d’Île-de-France. Une fois ces jeunes entrés au lycée, nous avons moins de données sur l’impact des expériences en question. En tout état de cause, nos concitoyens ont très jeunes l’esprit frondeur.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Si la loi Évin a été efficace, de même que le premier Plan cancer, nous n’avons pas enregistré depuis de véritable décrochage de la consommation. Certes, l’interdiction de fumer dans les lieux publics a fait régresser le tabagisme passif, et elle a eu un impact sur le nombre moyen de cigarettes fumées, mais elle n’a pas fait diminuer le nombre de fumeurs.

Les augmentations de prix ayant été trop faibles pour avoir un réel effet, des hausses de prix de plus de 10 % seraient souhaitables. Une augmentation de 15 % tous les trois ans sera plus incitative qu’une augmentation de 5 % par an.

Mme Martine Pinville, présidente. Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leur travail et pour leurs propositions qui seront remises au Gouvernement.

Le Comité autorise la publication du présent rapport.

ANNEXES

ANNEXE N° 1 :
PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

1. Auditions

– M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, M. Jean Picq, président de chambre maintenu en activité, Mme Marianne Lévy-Rosenwald, conseiller maître, et M. Christian Phéline, conseiller maître (24 octobre 2012).

– M. François Bourdillon, président de la commission spécialisée Prévention, éducation et promotion de la santé du Haut conseil de la santé publique (HCSP), et M. Christian Ben Lakdhar économiste et membre de la commission Prévention du HCSP (7 novembre 2012).

– Mme Danièle Jourdain-Menninger, présidente de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) (7 novembre 2012).

– Mme Magalie Gérard, directrice de clientèle, département Opinion et stratégies d’entreprise de l’Institut français d’opinion publique (IFOP) (7 novembre 2012).

– Mme Zoueihid Soraya, présidente de British American Tobacco (BAT) France, Mme Aude-Marie Cartron, responsable juridique, et M. Massimiliano Di Domenico, responsable des relations institutionnelles (28 novembre 2012).

– Mme Jeanne Pollès, présidente de Philip Morris international (PMI) France, Mme Caroline Missika, chef du service des affaires fiscales, et M. Antoine Lefranc, directeur des affaires publiques et de la communication (28 novembre 2012).

– M. Daniel Sciamma, président de Japan tobacco international (JTI) France (28 novembre 2012).

– M. Martin Carroll, président, et M. Eric Sensi, directeur des affaires corporate France, SEITA – groupe Imperial tobacco (28 novembre 2012).

– M. Pascal Montredon, président de la Confédération des buralistes de France, M. Jean-Paul Vaslin, directeur général, et M. Jean-Luc Renaud, secrétaire général (28 novembre 2012).

– M. Jérôme Fournel, directeur général des douanes et droits indirects, et M. Henri Havard, sous-directeur des droits indirects, ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique (28 novembre 2012).

2. Tables rondes

● Table ronde avec des associations de lutte contre le tabagisme (21 novembre 2012) :

– M. Bertrand Dautzenberg, pneumologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, président de l’Office français de prévention du tabagisme (OFT) ;

– M. Yves Martinet, chef du service de pneumologie au centre hospitalier universitaire (CHU) de Nancy, président du Comité national contre le tabagisme (CNCT) et de l’Alliance contre le tabac ;

– M. Emmanuel Ricard, délégué à la prévention et au dépistage de la Ligue nationale contre le cancer (LNCC), médecin de santé publique ;

– M. Gérard Audureau, président de l’association Droits des non-fumeurs.

● Table ronde avec des représentants des médecins libéraux (5 décembre 2012) :

– M. Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), et M. Michel Combier, président de l’Union nationale des omnipraticiens français (UNOF) – CSMF ;

– M. Roger Rua, président du Syndicat des médecins libéraux (SML) ;

– M. Jacques Battistoni, secrétaire général du syndicat des médecins généralistes – MG France, et M. Jean-Luc Gallais, chargé de mission santé publique à MG France.

● Table ronde sur « La lutte contre le tabagisme des jeunes : quels résultats, quels axes de progrès ? » (12 décembre 2012) :

– M. Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’IFOP ;

– M. François Beck, sociologue et statisticien, responsable du département Enquêtes et analyses statistiques de l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé (INPES) ;

– M. Jean-Yves Grall, directeur général de la santé ;

– M. Gérard Dubois, membre de l’Académie nationale de médecine, professeur de santé publique, chef du service d’évaluation médicale du CHU d’Amiens et président d’honneur de l’Alliance contre le tabac ;

– Mme Sylviane Ratte, experte internationale pour le contrôle du tabac, consultante en santé publique et conseillère pour l’Union internationale contre la tuberculose et les maladies respiratoires ;

– Mme Sandra Loisy, animatrice et coordinatrice prévention de l’association Avenir Santé – La prévention par les jeunes pour les jeunes.

3. Déplacement des rapporteurs

Entretiens au collège Jean Macé de Fontenay-sous-Bois, dans le Val-de-Marne (23 novembre 2012) avec :

– M. François Sparagano, principal ;

– Mme Pascale Petit, principale adjointe ;

– Mme Jeannine Abdelkader, infirmière scolaire ;

– Mme Françoise Bénédict, infirmière, conseiller technique au rectorat de l’académie de Créteil ;

– M. Adrien Bernardot, professeur d’éducation physique et sportive (EPS) ;

– Mme Léna Keromest, professeur de sciences et vie de la terre (SVT) ;

– Mme Sophie Pilotto, professeur d’éducation physique et sportive (EPS) ;

– groupe de collégiens en classe de quatrième.

ANNEXE N° 2 :
COMPTE RENDU DE LA TABLE RONDE DU 12 DÉCEMBRE 2012 SUR « LA LUTTE CONTRE LE TABAGISME DES JEUNES : QUELS RÉSULTATS, QUELS AXES DE PROGRÈS ? »

M. Denis Jacquat, rapporteur. Nous accueillons ce matin de « grands témoins » afin d’évoquer avec eux les résultats de la lutte contre le tabagisme des jeunes, ainsi que les nouveaux chemins qu’elle doit emprunter.

Je vous remercie, mesdames et messieurs, d’avoir accepté notre invitation.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je remercie à mon tour les intervenants, ainsi que nos collègues de la Commission des affaires sociales.

Le tabagisme des jeunes est un enjeu central et prioritaire des politiques de santé publique. Première cause de décès évitables dans notre pays, la consommation de tabac fait des ravages chez les enfants de plus en plus jeunes, sans parler du tabagisme passif auquel ils sont souvent soumis avant même qu’ils ne soient tentés de fumer leur première cigarette.

C’est sous la précédente législature que le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a décidé d’inscrire à son programme de travail l’évaluation de la politique de lutte contre le tabagisme. Dans ce cadre, en juillet 2011, le président de l’Assemblée nationale Bernard Accoyer a sollicité la Cour des comptes et, en octobre dernier, le CEC a confié à Denis Jacquat et à moi-même la responsabilité de la mission d’évaluation des politiques de lutte contre le tabagisme, ce qui nous a amenés à engager une série d’auditions et de déplacements sur le terrain, en particulier dans un collège, afin de dresser un état des lieux précis. Nous rendrons notre rapport en février prochain.

En matière de tabagisme, la France n’est pas exemplaire, malgré quelques progrès enregistrés à deux reprises au cours des années précédentes. Cette situation nous distingue de pays voisins comme l’Allemagne ou la Grande-Bretagne, qui compte un fumeur sur cinq habitants – contre un sur trois en France. Nous avons donc un retard à combler en la matière.

Si nous avons fait le choix de cibler les jeunes, c’est d’abord que, comme le montrent de récentes études, la proportion de fumeurs à l’âge de 17 ans est passée de 28,9 % en 2008 à 31,5 % en 2011.

D’autre part, les jeunes sont une cible privilégiée de l’industrie du tabac, dont l’objectif est de leur donner l’envie de consommer du tabac et de créer une accoutumance – dont nous savons qu’elle intervient souvent bien avant la centième cigarette. Afin d’accroître le tabagisme chez les jeunes, cette industrie propose des cigarettes très attractives et détourne l’interdiction de la publicité pour le tabac en utilisant des moyens à la frontière de la légalité. Face à cette stratégie avérée, nous devons développer des actions efficaces, et qui impliquent ces industriels eux-mêmes.

Il n’est pas normal que les objectifs définis par les pouvoirs publics ne soient pas appliqués dans notre pays. Or la loi n’est pas appliquée, loin s’en faut. Ainsi pour l’interdiction faite aux buralistes de vendre du tabac à des mineurs : la probabilité que l’un d’eux soit contrôlé par le service des fraudes est d’une fois par siècle !

Je l’ai dit, la consommation du tabac intervient de plus en plus tôt chez les jeunes. Cette précocité a des conséquences très graves car elle installe durablement une habitude et crée une dépendance plus difficile à combattre, sans compter que le fait de consommer un nombre plus important de cigarettes au cours de sa vie multiplie le risque de pathologies.

Les jeunes ne connaissent pas réellement la nocivité du tabac – ce qui ne leur est d’ailleurs pas propre puisque 59 % des Français ignorent qu’un fumeur sur deux mourra des conséquences de son tabagisme. C’est pourquoi il est urgent de les éduquer aux méfaits du tabac. Cette sensibilisation doit s’appuyer sur des éléments scientifiques et doit être menée sans sous-estimer la propension des adolescents à transgresser les règles. Nous savons que des jeunes se sont montrés plus enclins à fumer après une campagne maladroite qui leur avait désigné le tabac comme la chose à proscrire, ce qu’ils ont perçu comme une incitation. Pour contourner la difficulté, il est absolument indispensable de les associer aux démarches de sensibilisation, mais aussi d’évaluer soigneusement la perception qu’ils ont des messages qui leur sont délivrés.

Faisant de la lutte contre le tabagisme une priorité, il nous faut prendre rapidement une série de mesures drastiques dans le cadre d’une grande loi de santé publique. La Commission européenne s’apprête, certes, à présenter une directive sur différents aspects de la lutte contre le tabagisme, dont l’obligation de « paquets neutres ». Nous appliquerons ces mesures européennes, mais nous ne pouvons nous contenter d’attendre qu’elles interviennent.

Cela étant, l’importance des ventes transfrontalières de tabac donne une dimension européenne à la lutte contre le tabagisme. Actuellement, 80 % du tabac consommé en France est acheté dans les bureaux de tabac, 5 % provient de fraudes diverses, notamment de la contrebande, et 15 % de ventes transfrontalières ou de boutiques duty free. Les différences de prix excessives constatées entre la France et ses voisins sont sources de trafics et appellent donc un effort d’harmonisation car la possibilité pour les jeunes et les moins jeunes de se procurer du tabac à moindre coût nuit aux politiques de santé publique.

M. Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Institut IFOP. L’enquête dont je vais vous présenter les résultats a été réalisée à la demande du CEC, du 25 au 27 juin derniers, à partir d’entretiens téléphoniques avec un échantillon de 1 004 personnes, âgées de 15 à 60 ans et représentatives de la population française.

Cette enquête visait à évaluer le niveau de connaissance qu’ont les Français des risques liés à la consommation de tabac ainsi que leur jugement sur les mesures prises par les pouvoirs publics. Mon exposé portera bien sûr plus particulièrement sur les résultats acquis en interrogeant les moins de 25 ans, mais en les rapportant à ce que nous avons appris du reste de la population. Je rappelle que, comme tout sondage, celui-ci repose sur des données déclaratives, et peut donc comporter une part de « sous-déclaration » ou de « sur-déclaration ».

Près d’un tiers des jeunes âgés de 18 à 24 ans déclarent fumer, contre 12 % des 15-17 ans. Si 56 % des fumeurs de moins de 25 ans déclarent fumer de une à dix cigarettes par jour, ils sont 40 % à déclarer entre dix et vingt cigarettes par jour. Les jeunes sont également plus exposés que la moyenne au tabagisme passif puisque 71 % des moins de 25 ans disent être dans ce cas, contre à peine la moitié des personnes âgées de 15 à 60 ans.

Quant aux risques liés au tabagisme, ils sont largement sous-estimés. Seulement 41 % des personnes âgées de 15 à 60 ans savent qu’un fumeur sur deux est susceptible de mourir d’une maladie directement lié à cette addiction – cancer ou maladie cardiovasculaire –, ce qui veut dire que six Français sur dix méconnaissent ce risque, la proportion étant encore plus élevée parmi les 15-17 ans.

Nous avons constaté le même phénomène s’agissant du nombre annuel de décès directement imputables à la consommation régulière de tabac : seulement 33 % des personnes interrogées savent que 60 000 décès par an en France lui sont imputables, la proportion tombant à 29 % chez les moins de 25 ans. Quant à la surestimation du risque, elle est relativement marginale puisqu’elle concerne 16 % des Français et 18 % des jeunes.

Cette méconnaissance peut être nuancée en ce qui concerne le risque lié au tabagisme passif puisque 78 % des Français considèrent qu’une personne exposée régulièrement à la fumée de tabac dans son environnement familial, sur son lieu de travail ou dans un lieu public court un risque élevé de contracter à terme une maladie grave. La proportion est similaire chez les jeunes : de 77 % parmi les 15-17 ans, elle atteint même 82 % entre 18 et 24 ans. Il est également à noter que cette question fait apparaître un clivage de genre, les femmes étant plus nombreuses à reconnaître ce risque du tabagisme passif.

J’en viens au jugement que portent nos compatriotes et les jeunes en particulier sur les différentes mesures de lutte contre le tabagisme. Pour deux tiers des Français, les augmentations successives du prix du tabac au cours des dix dernières années n’ont pas contribué à faire baisser la consommation. Près d’un sur trois dénonce même la totale inefficacité de cette stratégie. Ne font exception que les 15-17 ans – qui par définition n’ont pas de revenus – puisque 41 % d’entre eux considèrent que ces hausses ont un impact sur la consommation, contre 35 % de l’ensemble des Français et 34 % de l’ensemble des moins de 25 ans.

Cette question fait apparaître un clivage très net entre catégories socioprofessionnelles. En effet, les employés et ouvriers, parmi lesquels les fumeurs sont surreprésentés et qui sont plus que d’autres catégories préoccupés par leur pouvoir d’achat, sont pourtant les plus nombreux à minimiser l’impact des augmentations de prix sur la consommation de tabac. Ce qui montre bien qu’en matière de lutte contre le tabagisme comme de sécurité routière, l’appréciation de l’efficacité d’une mesure est fonction de l’adhésion ou du rejet que cette mesure suscite.

Les interdictions ciblées de fumer rencontrent un large soutien dans l’opinion, notamment l’interdiction de la vente de tabac aux mineurs, que 86 % approuvent, 51 % jugeant même la mesure très bonne. Le jugement des jeunes est toutefois légèrement en retrait, avec un écart de 11 points chez les 15-17 ans, qui sont les plus concernés, et de 17 points chez les 18-24 ans. Cette question est aussi la seule qui ne fasse pas apparaître de clivage entre fumeurs et non-fumeurs.

Les autres dispositions de la loi Evin font également l’objet d’une importante adhésion : 88 % des Français jugent positive l’interdiction de fumer sur les lieux de travail et 87 % font de même pour l’interdiction de fumer dans les cafés, bars et restaurants, malgré une proportion légèrement moindre chez les moins de 25 ans qui sont, sur ce point aussi, moins nombreux à juger la mesure « très bonne », contrairement aux femmes, aux cadres supérieurs et aux non-fumeurs.

En revanche, des doutes non négligeables se font jour quant à l’application effective de ces mesures. Pour l’interdiction de la vente de tabac aux mineurs, il faut même parler de véritable constat d’échec puisque 72 % des Français – et 94 % des 15-17 ans ! – considèrent qu’elle n’est pas respectée. En revanche, 83 % des Français ont le sentiment que l’interdiction de fumer sur le lieu de travail l’est et ils sont 91 % à penser de même pour l’interdiction de fumer dans les cafés, bars et restaurants, avec, ici encore, une appréciation des jeunes en léger retrait par rapport à la moyenne de ceux qui estiment que la mesure est « complètement respectée ».

Les Français attendent des pouvoirs publics qu’ils fassent appliquer les mesures de lutte contre le tabagisme : 47 % d’entre eux considèrent qu’ils n’agissent pas suffisamment. Comme en matière de sécurité routière encore, nos compatriotes souhaitent un arsenal législatif relativement coercitif, les jeunes se distinguant à peine de leurs aînés sur ce point.

La mise en œuvre systématique d’actions de prévention dans les collèges et lycées recueille un réel soutien de l’opinion publique mais, alors que les réponses des 18-24 ans sont conformes à celles des autres générations, 60 % seulement des 15-17 ans jugent ces actions efficaces. L’amélioration de la prise en charge par la sécurité sociale des produits d’aide à l’arrêt de la consommation de tabac serait de même largement approuvée, et, cette fois, tout spécialement par les 15-17 ans. En revanche, l’efficacité d’augmentations fortes et régulières du prix du tabac suscite des appréciations en net retrait, sauf comme on l’a vu chez les 15-17 ans, et c’est aussi le cas, encore plus nettement, de l’interdiction de fumer en voiture et, dans une moindre mesure toutefois du côté des mineurs, de l’interdiction de fumer sur les terrasses des cafés, bars et restaurants. La prévention l’emporte donc sur tout le reste. Quant à la création de paquets de cigarettes neutres – sans aucun signe publicitaire –, elle n’emporterait l’adhésion que de moins de la moitié des personnes interrogées, les 15-17 ans étant seulement un peu plus nombreux que les autres à la juger efficace.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Cette idée de paquets neutres n’est pas neuve, mais elle rencontre un grand scepticisme de la part des Français. Sachant qu’elle est appliquée en Australie depuis le 1er décembre, je me demande si, avant de préconiser cette mesure, nous ne devrions pas attendre un an pour bénéficier de l’expérience de ce pays.

M. François Beck, sociologue et statisticien, responsable du département Enquêtes et analyses statistiques de l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé (INPES). Le travail d’épidémiologie que je vais vous présenter s’appuie sur quatre enquêtes : trois ont été réalisées au collège et au lycée et auprès de jeunes de 17 ans dont une partie n’était plus scolarisée ; la dernière est effectuée tous les cinq ans auprès de quelque 30 000 adultes.

Les enquêtes sur lesquelles nous travaillons à l’INPES sont moins fréquentes que celles d’autres organismes, de sorte qu’elles peuvent être plus anciennes, mais elles reposent sur des échantillons qui permettent de limiter l’« intervalle de confiance » – autrement dit d’augmenter la précision des résultats. D’après nos chiffres, ce ne sont pas 12 % de 15-17 ans qui fument, comme l’indique l’enquête qui vient de nous être présentée – et qui reposait sur un échantillon dont l’effectif ne devait pas dépasser la soixantaine –, mais plus de 30 %.

L’évolution globale du tabagisme depuis les années 1970 montre une chute de la prévalence tabagique chez les hommes, amorcée avec la loi Veil de 1976 et poursuivie après 1991, date de la loi Evin. C’est seulement à partir de cette dernière, en revanche, qu’on observe une inflexion de la courbe de consommation des femmes, jusque-là ascendante. Il faut donc saluer l’apport de ce texte, dont tous nos voisins européens reconnaissent l’exemplarité. Entre 2005 et 2010, nous avons assisté à une légère reprise de la consommation, surtout chez les femmes de 45 à 64 ans. Dans le cadre de notre étude sur les inégalités sociales de santé, nous avons également observé que le tabagisme, s’il n’augmente pas chez les cadres, est en forte hausse chez les ouvriers et plus encore chez les chômeurs, parmi lesquels la proportion de fumeurs est passée de 41 à 51 % entre 2000 et 2010.

De façon générale d’ailleurs, le lien entre tabagisme et inégalités sociales pose des questions difficiles. Ce que nous pouvons dire, c’est que, si les augmentations fortes et répétées des prix ont entraîné une baisse globale de la prévalence, elles se sont aussi accompagnées d’un creusement de ces inégalités.

L’évolution de la prévalence tabagique à l’adolescence est semblable à celle que l’on observe chez les adultes : à une baisse de la consommation a succédé, cette fois à partir de 2008, une remontée et, en 2011, la proportion de jeunes de 17 ans fumant quotidiennement a atteint 31 %, soit, je le répète, nettement plus que le pourcentage dont fait état l’étude de l’IFOP. Si l’on ajoute les fumeurs occasionnels, on doit arriver à 35 %...

Les garçons fument leur première cigarette plus tôt que les filles mais, progressivement, le rapport s’inverse et, à la fin de l’adolescence, celles-ci sont plus nombreuses à avoir expérimenté le tabac. C’est un phénomène nouveau auquel il nous faut être attentifs.

L’analyse de l’évolution du tabagisme quotidien entre 2005 et 2010 montre une hausse du tabagisme et son aggravation à mesure qu’on avance dans l’adolescence, même si cette courbe est irrégulière. Cela étant, l’usage quotidien de tabac reste rare avant 12 ans et, à ce propos, je voudrais nuancer l’idée selon laquelle les jeunes entrent de plus en plus tôt dans le tabagisme. Certes, plus cette date est précoce, plus le risque d’addiction, y compris à d’autres substances telles que l’alcool ou les drogues, sera élevé. Mais toutes les enquêtes concordent sur ce point : même si les jeunes sont plus nombreux à fumer régulièrement, l’âge moyen d’entrée dans le tabagisme quotidien a plutôt tendance à reculer.

M. Denis Jacquat, rapporteur. L’entrée dans la « polytoxicomanie » est-elle, elle, de plus en plus précoce ?

M. François Beck. Elle n’est pas plus précoce, mais l’augmentation générale du tabagisme chez les jeunes augmente naturellement le nombre de jeunes « polyconsommateurs ».

C’est au collège que l’usage de tabac se développe. Les élèves des classes de sixième sont seulement 12,7 % à déclarer avoir déjà fumé. En troisième, la proportion dépasse la moitié et, entre-temps, cette expérimentation est devenue davantage le fait des filles que des garçons. Quant à l’usage quotidien du tabac, il est vraiment exceptionnel en sixième – ce qui justifierait peut-être une action spécifique sur ces cas particuliers –, mais il concerne 10 % des élèves en quatrième, moment où se fait le basculement et où, d’ailleurs aussi, s’inverse le rapport entre filles et garçons pour l’expérimentation du tabac. Dès lors, on peut penser que la période où une sensibilisation serait la plus utile se situe au niveau de la classe de cinquième.

Le parcours scolaire d’un élève est fortement dépendant de sa consommation de tabac et de cannabis. Or le risque pour lui de devenir fumeur est très différent selon qu’il appartient à telle ou telle catégorie : à l’âge de 17 ans, il est plus important pour une fille, pour un enfant qui a pris ses distances avec ses parents et pour celui qui se trouve dans une situation sociale défavorable.

Si l’on observe la carte de la consommation tabagique à 16 ans, la France se situe désormais dans le peloton de tête des pays d’Europe, avec les pays baltes où le paquet de cigarettes coûte moins de 2 euros. En revanche, la consommation tabagique est moindre en Irlande et au Royaume-Uni, qui pratiquent des prix très élevés. La prévalence tabagique est donc très étroitement corrélée au prix de vente du tabac, excepté pour la France qui se singularise à cet égard.

Après avoir diminué dans la plupart des pays d’Europe entre 2003 et 2007, la consommation de tabac a augmenté entre 2007 et 2011 en France et dans plusieurs autres pays d’Europe, pendant qu’elle poursuivait son recul dans d’autres pays, dont il serait intéressant de savoir quelle politique de « dénormalisation » du tabac ils ont menée.

Si nous disposons de travaux sur le tabagisme des personnes en situation de précarité, travaux qui montrent la nécessité d’une action en direction de ces populations, en revanche peu d’études sociologiques ont porté sur le tabagisme des jeunes. Toutefois, quelques études anglo-saxonnes ont confirmé que l’adolescence était le moment où les jeunes s’éloignaient du modèle parental pour élaborer leurs propres normes. Les pouvoirs publics doivent composer avec cette volonté d’émancipation, comme sait le faire l’industrie du tabac qui utilise sans vergogne les idéaux de liberté des adolescents pour leur vendre un produit créateur de dépendance.

Nous développons depuis peu à l’INPES le « marketing social » qui nous amène à nous concentrer sur des publics précis, pour comprendre les ressorts de leur tabagisme et tenter de les sortir de cette dépendance, ou pour définir les messages spécifiques auxquels ils peuvent être sensibles – ainsi l’augmentation du tabagisme féminin requiert une communication adaptée. Et, bien sûr, nous sommes constamment attentifs à l’effet que peuvent avoir les mesures de santé publiques sur les inégalités sociales.

Mme Sandra Loisy, animatrice et coordinatrice « prévention » de l’association Avenir Santé – la prévention par les jeunes pour les jeunes. Fondée à Lyon en 1998, notre association Avenir Santé se consacre pour l’essentiel à trois thématiques : les addictions, les accidents de la route et la sexualité. Présents dans sept régions et nous appuyant sur 21 salariés, sur autant de jeunes en service civique volontaire et sur 260 jeunes intervenants bénévoles, nous intervenons dans le milieu festif – soirées, discothèques, festivals –, dans le milieu éducatif – collèges, lycées, centres de formation en alternance, facultés – et, avec nos équipes mobiles, dans l’espace public – aux abords des soirées, avant qu’elles ne commencent. Nous rencontrons ainsi chaque année plus de 270 000 jeunes. Nous disposons depuis 2010 d’un site Internet et nous avons mis en place une veille destinée à analyser les stratégies marketing adoptées par les alcooliers en vue d’inciter les jeunes à consommer.

Nous avons développé une solide expertise de terrain en matière de prévention des conduites à risque, en particulier des consommations de tabac et de cannabis, qui sont très souvent liées. Nous intervenons sur ce thème surtout en milieu scolaire, en association avec les équipes médico-pédagogiques – professeurs, conseillers principaux d’éducation, infirmières. Notre objectif, en l’espèce, est de maintenir les non-fumeurs dans leur statut et d’inciter les fumeurs à arrêter ou, tout au moins, à réduire leur consommation. Ces interventions se déroulent dans les classes et/ou dans un espace prévention dédié, et portent sur les trois éléments susceptibles de modifier un comportement. En premier lieu, nous essayons de comprendre les influences– médias, amis – et les représentations qui peuvent inciter à fumer. Puis nous dispensons des informations scientifiquement validées qui, même si elles ne suffisent pas à changer les comportements, sont indispensables sur un sujet où abondent les idées reçues. Enfin, nous diffusons des conseils pratiques et orientons les jeunes vers des structures professionnelles locales susceptibles de poursuivre le travail que nous avons esquissé. Nous utilisons des outils interactifs qui diffusent des messages ludiques, les seuls capables d’attirer les jeunes et de les inciter à participer, notre but n’étant pas de leur faire la morale ou de les culpabiliser, mais plutôt de les amener à réfléchir.

Nous constatons que pour les jeunes, surtout pour les collégiens, le tabac reste un produit qui les met en valeur auprès de leurs camarades : il ne s’est absolument pas banalisé, contrairement à ce qu’on observe chez les adultes. Quant à la pratique du narguilé – de la chicha –, elle est perçue comme récréative et inoffensive. C’est pourtant une porte d’entrée dans le tabagisme.

Parmi les jeunes que nous rencontrons, les 60 % qui se déclarent fumeurs disent vouloir arrêter ou diminuer leur consommation, et cette préoccupation est d’autant plus affirmée qu’ils avancent en âge. Ainsi, alors que les collégiens ne se disent pas dépendants, il n’en va pas de même des lycéens qui reconnaissent que leur consommation de tabac est liée au stress et qu’il ne leur sera pas facile d’arrêter.

Les jeunes soulignent volontiers certaines incohérences des politiques publiques. Ils comprennent les interdictions de fumer dans les lieux collectifs et de vendre du tabac aux mineurs, mais ils savent que ces mesures ne sont pas appliquées et qu’en outre, comme ils nous le font très souvent remarquer, le tabac rapporte de l’argent à l’État.

Il est exact que le prix du tabac est un frein à sa consommation, mais il amène les jeunes à se tourner vers le tabac à rouler, qu’ils perçoivent comme moins dangereux que la cigarette alors même que sa toxicité est au moins aussi importante.

Nos recommandations sont au nombre de trois.

Il nous paraît tout d’abord nécessaire de poursuivre et d’intensifier les actions de prévention en y impliquant les jeunes. En effet, l’idée que les collégiens se font de la prévention n’est pas toujours très positive ; en outre, ils ont déjà le sentiment de tout connaître du sujet et sont dès lors enclins à écouter passivement. Il faut les inviter à créer des outils, à réfléchir, par exemple, à la meilleure façon de sensibiliser leurs parents aux risques du tabac. Les actions de prévention doivent également être ciblées et adaptées au profil du public visé : fumeurs ou non-fumeurs, préadolescents ou adolescents. Elles doivent en outre s’adresser aux adultes qui entourent les jeunes – famille, intervenants des activités extrascolaires – et qui, souvent, ne savent pas comment aborder avec eux les problèmes d’addiction.

Il faut, en second lieu, maintenir les interdictions de fumer dans les lieux collectifs et de vendre du tabac aux mineurs. Quant aux augmentations du prix du tabac, elles doivent être significatives et étendues au tabac à rouler.

Il importe enfin, dans la communication en direction du grand public, de valoriser les personnes qui adoptent un comportement responsable en choisissant de ne pas fumer ou d’arrêter de fumer, d’insister sur les bienfaits qu’apporte cette abstention, tant sur le plan financier qu’esthétique, et sur le bien-être que l’on y gagne – ce qui implique d’informer sur les aides qu’on peut trouver pour rompre avec le tabac car beaucoup ne savent pas vers qui se tourner, ou ignorent que les substituts nicotiniques peuvent leur être remboursés par la sécurité sociale.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Mais une seule fois ! Or ces substituts ne sont pas forcément efficaces dès le premier usage. Mon collègue Jean-Louis-Touraine et moi serions assez enclins à préconiser une prise en charge à 100 %...

Nous avons été surpris de voir à quel point une action de prévention, ciblée sur les jeunes collégiens n’ayant pas encore fumé, les avait marqués et sensibilisés, au point de retarder le moment de leur première cigarette.

Vous évoquez le report de la consommation sur le tabac à rouler, dont le Pr Tubiana a en effet démontré qu’il comportait plus de goudron que les cigarettes. Il y a quelques années, une mission de l’Assemblée nationale s’est même interrogée sur les conséquences psychiatriques que pouvait avoir la consommation de ce produit. Or il est largement distribué. Quant aux bars à chichas, il est étonnant qu’ils soient présentés comme inoffensifs car les mélanges odorants contenus dans les narguilés sont tout aussi toxiques que le tabac.

Mme Sylviane Ratte, experte internationale pour le contrôle du tabac, consultante en santé publique et conseillère pour l’Union internationale contre la tuberculose et les maladies respiratoires. Les études internationales le confirment, notre pays accuse un important retard par rapport à bien d’autres en matière de lutte contre le tabagisme. Cela n’a pas toujours été le cas : François Beck a rappelé que nous étions à la pointe de ce combat en 1991, année où la France se dotait d’une législation pionnière. Sous la présidence de Jacques Chirac, le plan Cancer a permis des avancées significatives. La France se caractérisait alors par une volonté politique affirmée de lutter contre le tabagisme selon une stratégie bien définie, se traduisant par des mesures efficaces et novatrices.

En revanche, notre pays n’a jamais pris la mesure des stratégies extrêmement sophistiquées déployées par l’industrie du tabac pour recruter de jeunes consommateurs, ni compris la nécessité de s’y attaquer frontalement. Au contraire, le Royaume-Uni, où la prévalence du tabagisme est nettement inférieure – autour de 20 % – a compris l’importance de cet enjeu. En 1998, les stratégies mises en œuvre par l’industrie du tabac pour cibler les jeunes ont fait l’objet d’une enquête du Parlement britannique. À la même période, la justice américaine contraignait les compagnies du tabac à rendre publics leurs documents internes, qui révélaient également ces pratiques. On ne pourra pas enrayer le tabagisme des jeunes tant que l’on n’aura pas pris la mesure des manœuvres auxquelles se livrent les industriels pour séduire cette clientèle, via la mobilisation de tous les canaux de communication – cinéma, réseaux sociaux, musique, jeux vidéo, et d’abord le paquet de cigarettes lui-même, parfois conçu comme un véritable accessoire de mode. De ce point de vue, on ne peut nier l’efficacité du paquet neutre pour lutter contre le tabagisme.

Les pouvoirs publics ne doivent plus traiter avec l’industrie du tabac comme s’il s’agissait d’une activité normale, mais la considérer pour ce qu’elle est, à savoir une industrie prédatrice, dont les pratiques plus ou moins légales sont régulièrement condamnées par les tribunaux. Lors de la conférence qui a réuni en novembre à Séoul les 140 parties à la convention cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, la CCLAT, la directrice générale de l’OMS s’est exprimée d’une façon particulièrement ferme à cet égard.

En France, en revanche, les discours des pouvoirs publics et leurs relations avec les cigarettiers sont marqués par l’ambiguïté. Notre pays devrait s’inspirer de ce que font en la matière des pays comme l’Australie, le Royaume-Uni, le Canada ou certains États américains. Certes, nous disposons d’un important arsenal législatif, mais ces dispositions ne sont pas réellement appliquées. L’industrie du tabac parvient même à contourner notre législation interdisant la publicité en faveur du tabac et des produits dérivés, qui était pourtant un modèle pour les autres pays. Sept ans après que l’interdiction de fumer dans les lieux publics a été renforcée, on manque encore des moyens de la faire respecter. Les buralistes sont une véritable calamité en ce qu’ils contribuent à ce climat spécifiquement français. En effet, ils n’hésitent pas à enfreindre l’interdiction de vente aux mineurs et à vendre des cigarettes à des enfants de douze ans. Autre anomalie propre à notre pays, ils n’hésitent pas à relayer la propagande de l’industrie du tabac. Il est anormal qu’une profession qui exerce son activité au nom et pour le compte de l’État se permette ainsi de critiquer des mesures de santé publique. De telles pratiques sont dues à l’incapacité de notre pays à prendre la mesure de toutes ces pratiques, et c’est ce qui fait de notre combat contre le tabagisme des jeunes un perpétuel recommencement.

Certes, tout le monde s’accorde sur la nécessité de protéger les jeunes du tabagisme, notamment grâce à des programmes d’éducation à la santé et de prévention, mais le cœur du problème réside dans notre incapacité à faire respecter les obligations que nous impose la CCLAT, traité international. Notre pays, qui a joué un rôle moteur dans le combat international contre le tabagisme lorsqu’il présidait l’Union européenne, doit enfin se saisir des outils qu’offre cette convention : il y a là tout le nécessaire. De nombreux rapports ont été consacrés à la question, venant de l’Académie de médecine, de la direction générale de la santé, de la Cour des comptes ou encore de l’Assemblée nationale, en la personne de M. Yves Bur : il est temps désormais d’agir car nous sommes en train de perdre du terrain dans cette bataille alors que le monde entier progresse. La Turquie a réussi à réduire de deux millions le nombre de ses fumeurs : pourquoi ne pourrions-nous pas faire de même ?

S’agissant plus spécifiquement de la lutte contre le tabagisme des jeunes, j’aurais quelques recommandations à formuler. Il faut d’abord donner à la politique fiscale des objectifs de santé publique. Si nos concitoyens pensent que c’est pour « s’en mettre plein les poches » que l’État alourdit la taxation du tabac, c’est qu’on n’a pas fait la pédagogie de cette mesure, alors que dans d’autres pays, on explique que le produit de ces taxes est affecté à des missions tout à fait nobles.

Il faut ensuite élaborer une stratégie globale qui soit pilotée par un interlocuteur unique, sur le modèle de ce qui a été fait avec succès pour la sécurité routière. Je le répète, nous avons un canevas tout prêt : la CCLAT.

Nous devons mener des campagnes antitabac en nous inspirant des modèles internationaux et de l’abondante littérature consacrée à ce sujet. Hormis la communication en faveur des mesures prises contre le tabagisme passif, qui est parvenue à faire connaître les risques de cette forme de tabagisme, les campagnes conduites en France sont trop molles, trop gentillettes pour sortir les fumeurs de leur dépendance. Par peur de tenir un discours anxiogène ou culpabilisant, on finit par ne rien dire alors qu’il faudrait au contraire provoquer un choc, comme on le fait désormais en matière de sécurité routière en montrant la réalité des risques, par exemple en faisant témoigner des victimes.

La répugnance manifestée par notre pays envers ce type de communication réaliste est peut-être culturelle. Pourtant, de telles campagnes ont du succès dans des pays aussi différents que la Turquie, l’Inde, la Chine ou l’Indonésie, où elles contribuent à débanaliser le tabagisme. Une telle pédagogie est essentielle en ce qu’elle facilite considérablement l’application des législations antitabac.

Je voudrais enfin souligner la nécessité pour la France de se réengager dans la lutte contre le tabagisme, notamment au sein des instances européennes, sur lesquelles le lobby des industriels du tabac exerce en ce moment une pression colossale. Il est anormal qu’on permette à ce secteur de favoriser impunément et en toute connaissance de cause la dépendance des jeunes.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Il est vrai que la Turquie était jusqu’à récemment un pays de gros fumeurs.

Mme Sylviane Ratte. On disait : fumer comme un Turc ! Ce qui ne sera bientôt plus vrai.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Vous avez raison d’insister sur la nécessité de faire appliquer la réglementation existante, notamment l’interdiction de fumer dans les lieux publics. Moi qui suis un usager régulier du train, je vois constamment des passagers, et même des agents de la SNCF en tenue, fumer sur les quais, alors même que sont diffusés des messages leur rappelant qu’il est interdit de fumer dans les gares.

M. Gérard Bapt. Votre expérience européenne vous a-t-elle appris comment la France peut lutter contre le trafic transfrontalier, en provenance notamment de l’Espagne et du Luxembourg ?

Mme Sylviane Ratte. Je rappelle que les vingt-sept États membres de l’Union européenne sont parties à la CCLAT. Il faut que la France se remobilise au niveau européen afin d’assurer le respect de cette convention par tous ses signataires et de pousser à une harmonisation des prix. La cinquième conférence des parties à la CCLAT venant de se prononcer pour un alourdissement de la taxation du tabac, le moment serait bien choisi pour demander aux instances européennes ce qu’elles comptent faire en faveur de cette harmonisation.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Siégeant depuis une quinzaine d’années au Conseil de l’Europe, où j’ai pu mesurer combien la mise en place d’une réglementation européenne prend du temps, je crains que vous n’ayez pas satisfaction avant une cinquantaine d’années !

Mme Sylviane Ratte. Ces pays n’ont pas seulement l’obligation de rapprocher leurs prix en augmentant les taxes : ils y ont aussi intérêt, ne serait-ce que sur le plan financier. On peut également envisager des actions bilatérales avec les pays frontaliers.

M. Jean-Yves Grall, directeur général de la santé. Quand je vivais en Lorraine, j’ai pu constater que l’effet de l’aggravation du prix du tabac y était très rapidement annihilé par la possibilité de se procurer extrêmement facilement des cigarettes coûtant 30 % moins cher que sur notre territoire. C’est pourquoi je souscris totalement aux propos de Mme Ratte.

M. Gérard Dubois, professeur de santé publique, chef du service d’évaluation médicale du CHU d’Amiens, membre de l’Académie de médecine et président d’honneur de l’Alliance contre le tabac. Je préside également la commission « Addictions » de l’Académie nationale de médecine, qui prend position régulièrement sur le sujet du tabagisme.

Il y a quand même eu un immense progrès en matière de lutte contre le tabagisme : les agents du ministère de la santé ne fument plus à proximité du panneau d’interdiction de fumer !

Il y a près de dix ans, mon livre Le Rideau de fumée montrait déjà l’horrible réalité de l’industrie du tabac telle que la révélaient ses documents internes, dont la justice américaine lui avait imposé la publication en 1998.

Je voudrais d’abord réagir à certains des propos qui viennent d’être tenus.

La meilleure démonstration de l’efficacité du paquet neutre en matière de lutte contre le tabagisme, ce sont les hauts cris poussés par l’industrie du tabac qui la fournissent ! C’est ce qu’on appelle en anglais le scream test : plus cette industrie crie, plus on est sûr d’être sur le bon chemin ; à l’inverse, nous avons toute raison de nous inquiéter quand elle ne réagit pas à une mesure antitabac. En l’occurrence, elle a été jusqu’à exercer des actions judiciaires contre la loi australienne imposant le paquet neutre, actions qui ont été balayées d’un revers de main par la Cour suprême de ce pays. Et je ne parle pas d’actions internationales confinant au ridicule – les cigarettiers ont ainsi obtenu que l’Ukraine, dont le caractère démocratique est bien connu, les soutienne dans ce combat. Cela dit, il existe aussi des études, notamment françaises, qui prouvent également l’efficacité du paquet neutre.

Je voudrais opposer aux propos qui ont évoqué l’attrait de la transgression sur les jeunes les analyses de psychologues tels que Marie Choquet, qui, sans nier cet attrait, montrent qu’il ne faut pas le craindre : dans leur immense majorité, les jeunes font ce qu’on leur prescrit. L’interdit parental, surtout s’il est ferme et exprimé par les deux parents, constitue un barrage extrêmement efficace à l’entrée dans le tabagisme. Il en va de même s’agissant de la position des enseignants et de la société envers le tabagisme. D’où l’importance du discours des pouvoirs publics : des propos favorables au tabac, même tenus sur un mode humoristique, auront un impact négatif immédiat sur les comportements.

L’argument selon lequel l’effet de l’augmentation de la taxation du tabac varie en fonction du niveau social, souvent brandi par l’industrie du tabac elle-même, a fait l’objet de nombreux débats, notamment au sein du Haut conseil de la santé publique à la fin de l’année dernière. La conclusion en est que, même si le fait est avéré, il ne remet pas en cause l’efficacité d’une augmentation répétée et substantielle de ces taxes pour réduire la consommation de tabac de toutes les catégories sociales, même si c’est dans des proportions variables. Or il n’y a pas eu d’augmentation dissuasive du prix du tabac depuis 2004.

Il est scandaleux que les traitements du tabagisme ne soient pas remboursés : c’est comme si les traitements de l’hypertension artérielle ou du diabète ne l’étaient pas. D’ailleurs l’article 14 de la CCLAT pose que chaque pays partie à la convention doit faciliter l’accès à ces traitements en en rendant le coût abordable.

L’explosion actuelle de la pratique de la chicha à travers le monde s’apparente à une véritable épidémie, au point que la Tunisie envisage son interdiction. Notre pays en a également été victime à travers la multiplication des bars à chichas. Contrevenant au décret du 15 novembre 2006 qui interdit de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, ces établissements sont totalement illégaux et doivent être définitivement fermés.

Le public, parfaitement relayé par les politiques, est très demandeur d’actions en milieu scolaire. Or les essais randomisés visant à évaluer leur efficacité ont donné des résultats négatifs. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut en mener aucune, mais qu’on ne peut pas fonder la lutte contre le tabagisme des jeunes sur ces seules actions. Agir auprès des élèves de tous les collèges supposant des investissements, notamment financiers, qui sont hors de notre portée, il ne pourra jamais s’agir que d’une politique marginale.

De même, l’interdiction de la vente de tabac aux mineurs n’a pas démontré son efficacité. Cependant, cette mesure s’imposait à mes yeux avec la force de l’évidence, simplement parce qu’on ne peut pas accepter qu’un produit dont il est avéré qu’il tue la moitié de ses consommateurs soit vendu à des jeunes. Nous savions cependant que cette mesure ne serait pas appliquée, faute d’une volonté politique et gouvernementale de la faire respecter, en particulier du côté du ministère du budget dont relèvent les débitants de tabac.

En revanche, les campagnes de sensibilisation du public aux dangers du tabac peuvent être efficaces. Je ne parle pas des campagnes « gnangnan » prétendant toucher des jeunes qui ne se projettent pas au-delà du week-end et sont donc insensibles au risque de mourir dans des décennies. Les campagnes qui ont fait la preuve de leur efficacité sont celles qui dénoncent frontalement les mensonges et les manipulations de l’industrie du tabac. Je pense par exemple à la Truth Campaign de la Floride, qui a mobilisé tous les médias et dont l’impact a été considérable sur les jeunes. Il ne faut pas hésiter à opposer la vérité, aussi dure soit-elle, à la tromperie. La campagne de prévention montrant un alcoolo-tabagique à l’article de la mort a prouvé qu’on pouvait utiliser des images horriblement réalistes sans susciter de réaction négative, pourvu qu’elles soient vraies.

Je voudrais rappeler que c’est à la suite d’une plainte du gouvernement américain et sur la base de la législation anti-mafia, ou loi Rico, que la juge fédérale Gladys Kessler a condamné, en 2006, l’industrie américaine du tabac. Cela signifie que les compagnies de tabac ont été considérées comme des organisations mafieuses. Il y a une quinzaine de jours, cette même juge a condamné les cigarettiers à financer pendant deux ans des campagnes où ils reconnaîtront avoir délibérément menti au public pour lui dissimuler la dangerosité de leurs produits.

Les campagnes s’attaquant au produit lui-même sont également efficaces. La campagne télévisée de l’INPES intitulée « Révélation » et dénonçant la présence sur le marché d’un produit comprenant des composants toxiques, qui s’avérait être la cigarette, a particulièrement marqué les esprits. Tout le monde est réceptif à cette forme de communication, et les jeunes ne font pas exception. C’est pourquoi je ne suis pas très favorable aux campagnes qui les ciblent spécifiquement : l’essentiel est de « taper fort » et de façon argumentée.

Dans sa lutte contre le tabagisme des jeunes, la France peut s’appuyer sur la CCLAT. Notre pays a joué un rôle moteur dans l’adoption par les membres de l’OMS de cette convention cadre, qu’elle a ratifiée en 2004. J’ai une grande admiration pour le docteur Gro Harlem Bruntland, ancien premier ministre de Norvège, qui, en tant que directrice générale de l’OMS de 1999 à 2003, a été à l’origine de cet instrument. J’ai moi-même participé à ce travail en tant que président du groupe de travail consacré à l’interdiction de la publicité du tabac, la France ayant réussi, à travers la loi Évin, à mettre en œuvre une telle interdiction.

La politique française en matière de lutte antitabac fut longtemps exemplaire. Un épidémiologiste aussi éminent que sir Richard Peto, élève de Sir Richard Doll, a résumé son efficacité au fait que, depuis la loi Évin, les prix des produits du tabac avaient triplé et les ventes de cigarettes avaient été divisées par deux, de même que le nombre d’hommes jeunes victimes d’un cancer du poumon.

Cependant, la division par deux des ventes de cigarettes depuis vingt ans n’est pas le fruit d’une évolution régulière. En effet, la courbe de leur consommation indique une diminution pendant dix années, distribuées en deux périodes dont chacune a été suivie d’une phase de stabilisation, la dernière ayant commencé en 2004 : depuis cette date, la consommation connaît un plateau, voire a augmenté dans la période récente. Nous aurions donc pu faire deux fois mieux, et la France fait la démonstration éclatante qu’à chaque fois qu’on « appuie sur le bouton » pour relever les taxes, les ventes de cigarettes diminuent, et qu’elles cessent de baisser dès qu’on relâche – volontairement – la pression, comme cela a été le cas de 1997 à 2002, et comme c’est le cas depuis 2004.

À ceux qui m’opposeraient les augmentations de 2007, 2009, 2010, 2011 et 2012, je répondrai par une image. Les augmentations de 2007, 2009 et 2010 ont été si faibles qu’elles équivalaient à tirer sur le sumo de l’industrie du tabac avec des balles de tout petit calibre. Dans le cadre du premier plan Cancer, on avait tiré trois balles de gros calibre : la somme de ces trois augmentations dépassait 50 % et a provoqué une baisse d’un tiers des ventes. En revanche, quand les augmentations sont faibles, elles ne traversent même pas la graisse du sumo. Au contraire, elles lui permettent de s’engraisser encore en augmentant ses profits.

Certes, après avoir encaissé les augmentations de l’année dernière et de cette année, le sumo commence un peu à marquer le coup. Il reste que ce n’est pas la bonne méthode : il ne sert à rien de tirer avec du petit calibre sur l’industrie du tabac. Les augmentations de taxes doivent être dissuasives, c’est-à-dire au moins égales à 10 %, et répétées – au moins tous les deux ans. Une telle politique est d’autant plus efficace que la consommation des jeunes et des femmes est particulièrement sensible à l’augmentation des taxes, comme on l’a constaté en 2003 et en 2004 – mais repart également plus vite à la hausse quand la pression se relâche.

Je conclurai en disant qu’il faut assigner à la lutte contre le tabagisme des objectifs ambitieux. L’année dernière, le sommet de l’ONU sur les maladies non transmissibles a identifié trois épidémies « industrielles », c’est-à-dire provoquées par des produits industriels : le tabagisme, l’abus d’alcool et l’alimentation transformée, auxquelles il convient d’ajouter les maladies dues aux véhicules de transport. C’est pourquoi les sommets internationaux sur le tabac évoquent désormais l’end game : il est temps de faire de la fin de la consommation du tabac notre objectif commun. La Nouvelle-Zélande et La Finlande se sont déjà assigné cet objectif, cependant que l’OMS vise une réduction drastique de cette consommation. Ces prises de position sont importantes en ce qu’elles fixent une orientation. Mais une fois cette orientation décidée, il faut se donner les moyens de la suivre. Cela suppose de se doter d’un pilotage unique, ayant notamment pouvoir de décider de la taxation du tabac. Or, si la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT, a à nouveau la lutte contre le tabagisme parmi ses compétences, elle n’a pas ce pouvoir.

M. Jean-Yves Grall. La direction générale de la santé (DGS) est un des instruments essentiels de la lutte contre le tabagisme des jeunes, mais il n’est pas le seul. Or la stratégie extrêmement organisée et redoutable des cigarettiers exige que nous lui opposions une politique globale, visant à installer un environnement général propice à l’éradication de ce fléau. Cette approche globale doit se retrouver dans l’implication des acteurs de terrain, notamment des associations qui peuvent toutefois décliner cet ensemble de mesures à travers le ciblage de populations spécifiques, mais aussi des professionnels qui doivent assurer l’assise la plus large à cette grande cause nationale, au-delà des consultations d’addictologie.

La DGS combat le tabagisme des jeunes en visant cinq grands objectifs : la réduction de l’attractivité des produits du tabac ; la réduction de leur accessibilité ; l’amélioration et le contrôle du respect de la réglementation ; des stratégies de communication et de prévention efficaces ; enfin, l’aide à l’arrêt du tabac pour les jeunes fumeurs.

La réduction du marketing autour des produits du tabac vise tout particulièrement le packaging, objet de stratégies très efficaces. Deux mesures sont à l’étude : le paquet neutre et l’augmentation franche de la taille des avertissements sanitaires, dont nous souhaiterions qu’ils couvrent plus de 75 % du paquet de cigarettes, contre 30 ou 40 % aujourd’hui, et qu’ils comportent des photographies réalistes des effets du tabagisme, susceptibles de frapper l’esprit des consommateurs les plus déterminés. On pourrait également envisager de renforcer la réglementation restreignant la publicité des produits du tabac, en imposant par exemple la vente « sous le comptoir ».

La réduction de l’accessibilité passe essentiellement par la hausse du prix du tabac.

Quant au cadre réglementaire, sa fermeté et sa clarté ne sont pas douteuses. Le problème, comme cela a été dit, réside dans l’absence de contrôles suffisants pour en garantir le respect, et c’est donc surtout sur ce point que nous devons travailler. Là encore, un pilotage global est nécessaire, les corps de contrôle étant actuellement trop éclatés. Il faut instituer, sinon un corps de contrôle unique, du moins une stratégie coordonnée et concertée.

Pour ce qui est de la présence d’édulcorants dans les cigarettes, je rappellerai que, depuis un décret de 2009, l’addition de vanilline et d’éthylvanilline est limitée. Il faut continuer dans cette voie et nous nous y employons.

En matière de stratégie de communication en direction des jeunes, il importe d’être constant car cette communication est essentielle. Certaines associations mènent à cet égard des actions très utiles pour contrer l’effet d’un marketing particulièrement efficace.

Les dispositions visant à faciliter l’arrêt de la consommation de tabac, enfin, doivent être au bénéfice de l’ensemble des consommateurs, et pas seulement des jeunes fumeurs. L’approche médicale est importante, même si la consultation des services de tabacologie est rarement de première intention chez les jeunes.

Pour revenir à mon premier propos, je pense donc qu’une lutte efficace contre le tabagisme des jeunes suppose l’adoption d’une stratégie globale, constante, animée par des professionnels et largement médiatisée. Elle doit s’appuyer sur des indicateurs d’objectifs, sur le modèle de la politique de sécurité routière. D’autre part, nous devons favoriser le développement de cette lutte au niveau international, en imposant l’application pleine et entière de la CCLAT. C’est en ce sens que nous travaillons, et c’est la politique que Mme la ministre des affaires sociales et de la santé a défendue tout récemment au niveau européen.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Je vous remercie tous, au nom de l’Assemblée nationale, pour ces exposés de grande qualité qui ne manqueront pas de nourrir notre réflexion en vue de donner un second souffle à la lutte contre le tabagisme.

ANNEXE N° 3 :
CONTRIBUTION DU SECRÉTARIAT DE LA CONVENTION-CADRE DE L’ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ (OMS) POUR LA LUTTE ANTI-TABAC

Le secrétariat permanent de la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la lutte antitabac (CCLAT) a adressé aux rapporteurs, en décembre 2012, une contribution écrite à l’occasion de la table ronde sur la lutte contre le tabagisme des jeunes, organisée le 12 décembre 2012 à l’Assemblée nationale, et dont le texte est reproduit ci-après.

« Consommation de tabac chez les jeunes. Le Secrétariat a récemment achevé l’analyse des rapports sur la mise en œuvre présentés en 2012 par les Parties à la Convention.

À l’échelle mondiale, selon les données récentes basées sur 126 rapports de mise en œuvre présentés par les États Parties à la Convention, pour le tabac à fumer et en moyennes pondérées, la proportion de garçons qui fument (16 %) est presque trois fois plus élevée que celle des filles (6 %). Pour le tabac sans fumée, la moyenne pondérée calculée à l’échelle mondiale montre que 8 % des garçons et 6 % des filles consomment ce type de produits. Le tableau dans les différents pays, en termes de diminution ou d’augmentation de la prévalence au cours des cinq dernières années, est hétérogène.

En Europe, le tabac est fumé par 16 % des garçons et 12 % des filles. Pour le tabagisme chez les filles, le chiffre européen est le plus élevé de toutes les régions. Pour ce qui est du tabac sans fumée, les taux européens restent plus bas que la moyenne mondiale, pour les garçons comme pour les filles (4 % et 2 % respectivement). En ce qui concerne les tendances de la consommation de tabac sans fumée, les données comparables de certains pays européens (Danemark, Islande, Norvège) indiquent que la prévalence de la consommation de tabac à priser et de tabac à chiquer augmente chez les jeunes.

La France, qui a ratifié la Convention en octobre 2004, a une prévalence de la consommation de tabac chez les jeunes (mais aussi chez les adultes) bien supérieure aux moyennes mondiale et européenne. Près d’un tiers des garçons et des filles de 15 à 17 ans fument et la tendance est également à l’augmentation chez les jeunes. Selon les chiffres du Baromètre santé 2010 de l’INPES, 31 % des hommes et 24 % des femmes adultes fument tous les jours, soit une augmentation de deux points de pourcentage chez les hommes comme chez les femmes entre 2005 et 2010.

Liens entre la prévalence de la consommation de tabac et le niveau de mise en œuvre de la Convention. Les données sur la prévalence du tabagisme chez les adultes indiquent que ce sont surtout les pays ayant de fermes politiques de lutte antitabac et appliquant totalement la Convention-cadre de l’OMS qui connaissent une diminution de la prévalence de la consommation du tabac, comme l’Australie, le Canada, la Finlande, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, le Panama, la Suède, la Turquie, l’Ukraine et d’autres. Pour ce qui est de la diminution de la consommation du tabac chez les jeunes, on trouve de bonnes pratiques nationales dans certains pays comme l’Espagne, la Finlande, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni, Singapour, la Slovénie et l’Ukraine. De plus, la Nouvelle-Zélande et la Finlande ont annoncé qu’elles aimeraient devenir dans un futur proche des pays pour l’essentiel « non-fumeurs » d’ici 2025 et 2040.

Réalisations et difficultés de la France dans la mise en œuvre de la Convention-cadre de l’OMS. Le dernier rapport de la France sur la mise en œuvre de la Convention-cadre a révélé que des progrès ont été accomplis dans la mise en œuvre de plusieurs articles de la Convention, dont ceux sur le sevrage tabagique, l’éducation, la communication et la sensibilisation du public (avec une campagne récente visant les jeunes) ; la recherche, la surveillance et le suivi ; la réglementation et la notification de la composition et des émissions des produits du tabac par l’industrie. En revanche, il semble que certains articles de la Convention doivent faire l’objet d’une plus grande attention pour assurer le plein respect des exigences du traité.

Domaines dans lesquels une action est nécessaire. Par exemple, la France n’a pas encore mis en place de comité national, interministériel, multisectoriel pour la lutte antitabac et elle n’a pas non plus élaboré de stratégie, de plan ou de programme national, global, multisectoriel et puissant contre le tabac, tel que préconisé par l’Article 5 de la Convention. Elle a mis en place un Plan national de lutte contre le cancer (2009-2013), mais celui-ci ne souligne que la nécessité de durcir encore les mesures concernant les ventes aux mineurs.

Les autres domaines où de nouvelles actions seraient éventuellement nécessaires sont les suivants :

● La France n’a pas signalé l’application de mesures pour éviter que l’industrie du tabac n’influence les politiques de santé publique en matière de lutte antitabac (article 5.3 de la Convention) ;

● Les mesures concernant les ventes de tabac aux mineurs (article 16) ne sont pas appliquées efficacement. Une enquête faite en mai 2011 indique que les buralistes sont loin de respecter suffisamment l’interdiction des ventes de tabac aux personnes âgées de moins de 18 ans ;

● Il faut encore augmenter les prix des produits du tabac (article 6), toujours relativement bas par rapport aux pris dans d’autres pays développés comme, par exemple, l’Australie, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni ou Singapour ;

● Il existe aussi des failles dans la législation antitabac (article 8), qui n’exige qu’une interdiction partielle du tabagisme dans les universités, les taxis, le secteur de l’hôtellerie et de la restauration et les établissements culturels ;

● La publicité en faveur des produits du tabac est encore possible dans les points de vente (article 13).

Le Secrétariat de la Convention se tient prêt à apporter au gouvernement français l’aide qu’il pourrait souhaiter pour le renforcement de sa législation nationale et de sa politique en matière de lutte antitabac, afin de les mettre en totale conformité avec les exigences de la Convention-cadre pour la lutte antitabac. »

ANNEXE N° 4 :
ÉPIDÉMIOLOGIE ET ASPECTS SOCIOLOGIQUES CONCERNANT LES JEUNES ET LE TABAC






ANNEXE N° 5:
SUIVI DE LA MESURE 10 « POURSUIVRE LA LUTTE CONTRE LE TABAC » DU PLAN CANCER 2009-2013

Le tableau ci-après présente les actions prévues dans le cadre de la mesure 10 « Poursuivre la lutte contre le tabac » du Plan cancer 2009-2013, les pilotes qui étaient identifiés dans celui-ci, ainsi que l’état d’avancement de chacune d’entre elles, selon les informations présentées dans le dernier rapport d’étape (151) remis au Président de la république en octobre 2012 (152).

ÉTAT D’AVANCEMENT DES ACTIONS DE LA MESURE 10 DU PLAN CANCER 2009-2013

 

Actions

Pilotes

État courant

10.1

Réduire l’attractivité des produits du tabac.

– Mettre en œuvre les avertissements sanitaires graphiques

DGS, en partenariat avec les acteurs concernés

Retard mineur

 

– Proposer de mettre fin par voie législative à la publicité sur les lieux de vente et lors des retransmissions des images de sports mécaniques à la télévision

10.2

Renforcer la politique d’aide au sevrage tabagique.

– Développer l’accès aux substituts nicotiniques pour les femmes enceintes et les personnes bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUc)

DSS, en partenariat avec les acteurs concernés

Retard mineur

 

– Améliorer l’aide à distance et renforcer son accessibilité et son efficience

INPES, en partenariat avec les acteurs concernés

 

– Développer des campagnes d’information sur les risques du tabagisme

 

– Améliorer la qualité de l’aide à l’arrêt par de nouvelles recommandations professionnelles

HAS, en partenariat avec les acteurs concernés

10.3

Rendre plus régulière la publication de données sur la consommation de tabac.

INPES, en partenariat avec les acteurs concernés

Planning respecté

 

– Renforcer le suivi de mesures de lutte contre le tabac par l’établissement d’un baromètre annuel

10.4

Mettre en œuvre les mesures de protection des mineurs face au tabagisme adoptées dans la « loi HPST (153) ».

– Assurer l’effectivité de l’extension de l’interdiction de vente du tabac aux mineurs de 16 à 18 ans

– Rendre effective l’interdiction des cigarettes bonbons

DGS, en partenariat avec les acteurs concernés

Planning respecté

10.5

Aboutir à l’interdiction de la vente des produits du tabac par Internet par la signature d’un protocole additionnel à la Convention-cadre de la lutte anti-tabac en 2011

DGDDI (douanes), en partenariat avec les acteurs concernés

Planning respecté

Sources : Plan cancer 2009-2013 (2009) et Cinquième rapport d’étape au Président de la République sur l’avancement du Plan cancer 2009-2013 (octobre 2012)

COMMENTAIRE GLOBAL SUR LA MESURE 10 (RAPPORT D’ÉTAPE, 2012)

10.1 – Les avertissements graphiques sont en vigueur depuis avril 2011 pour les cigarettes et avril 2012 pour les autres produits du tabac. L’action proposant de mettre fin par voie législative à la publicité sur les lieux de vente et lors des retransmissions des images de sports mécaniques à la télévision n’a pas été réalisée (retard).

10.2 – Le triplement du forfait TSN (traitements de substitution nicotiniques) pour les femmes enceintes a été mis en place en septembre 2011, mais non étendu aux bénéficiaires de la CMU (retard). Le groupe de travail de la Haute Autorité de santé (HAS) sur l’« aide à l’arrêt de l’usage de tabac » débutera le 27 juin 2012 et se terminera en décembre 2012.

10.3 – Le chapitre tabac du baromètre cancers va être publié en juin 2012. Les données d'enquête ESCAPAD, ESPAD et HBSC sur la consommation de tabac des jeunes ont été publiées au 1er semestre 2012. La consommation de tabac régulière augmente chez les 16-17 ans.

10.4 – Publication en novembre 2011 des études sur l’effectivité des mesures de la loi HPST : 62 % des débitants ne respectent pas l’interdiction de vente de tabac aux mineurs. Le décret de 2009 sur les « cigarettes bonbons » est respecté. Une circulaire a été diffusée aux préfets et agences régionales de santé (ARS) pour renforcer le contrôle de l'application des dispositions prises suite à la loi HPST.

Le rapport du groupe missionné par le ministre de la santé, présidé par le député Yves Bur, a été remis le 2 mars 2012 : il formule des propositions pour l’adoption d’une nouvelle politique de lutte contre le tabac, coordonnée sur le long terme.

RAPPEL DES OBJECTIFS DE LA MESURE 10

– Réduire la prévalence du tabagisme de 30 % à 20 % dans la population française.

– Réduire les incitations multiples à la consommation de tabac, afin de limiter la demande de tabac, en prenant également en compte la nécessité de s’attaquer aux inégalités sociales et régionales face au tabac.

EXÉCUTION BUDGÉTAIRE DE LA MESURE 10

Voir le tableau présenté dans la première section du présent rapport.

INDICATEURS DE RÉALISATION SUR LA MESURE 10

ANNEXE N° 6 :
CAMPAGNES ANTI-TABAC DE 2002 À 2012 DE L’INSTITUT NATIONAL DE PRÉVENTION ET D’ÉDUCATION A LA SANTÉ (INPES)

2002

« Révélation » : la cigarette contient du mercure, de l’acétone, de l’ammoniac, etc. Spot télévisé « Micro trottoir » versions 46' et 63' (réalisateur : Stephan Moszkowicz) et teaser. « Vous n’avaleriez pas ce que vous fumez ». Spots télévisés Camion poubelle et Tri sélectif ; « Le sport, nouvel allié contre le tabac » (Journée mondiale) ; Affiche de l'OMS « Pour un sport sans tabac » ; « Le tabac, seul produit de consommation courante qui tue un fumeur sur deux ». Dossier de presse juin 2002. « C’est quand même mieux sans la clope » –5 programmes courts diffusés sur M6. Magazine « Femmes sans fumée ».

2003

Quatre spots radio « Vous l’avez dans l’os » : la dépendance, les cancérigènes, un sur deux et les jeunes. « Tabac : l’offensive » (journée mondiale). Affiche Journée mondiale « C’est surprenant tout ce qu'on peut mettre dans une cigarette » (Fûts chimiques). Spot radio « Plomb de la cigarette, essence sans plomb ». « J’arrête, et vous ? », 45 programmes courts en partenariat TF1, avec Ophélie Winter. Site www.jarreteetvous.org (site n’existant plus).

2004

« Le tabac, rien ne peut l’arrêter à part vous » (journée mondiale contre le tabac). Deux spots télévisés « Brûlure de cigarette » et deux affiches « Faisons de notre corps un espace non-fumeur » (homme et femme). Affiche Journée mondiale « Chaque jour, 2 000 personnes gagnent contre le tabac. Pourquoi pas vous ? ». Brochure « Tabac, 30 raisons de dire non » avec Okapi. Cinq spots radio « Tabacologue » de Tabac Info Service. Affiche « Femmes enceintes : oui aux envies, non aux cigarettes » ; Affiche « Quand vous fumez à côté d'un non-fumeur, il fume aussi ». Deux spots télé « Tabagisme passif » : maison et entreprise. Sept spots radio pour inciter les fumeurs à arrêter.

2005

Journée mondiale sans tabac « Femmes sans tabac, le magazine féminin gratuit qui aide à arrêter de fumer ! ». Deux affiches « Ici, un non-fumeur a fumé 14 757 cigarettes » et « Ici, un non-fumeur a fumé 52 858 cigarettes » et site www.tabac-info-service.fr.

2006

« Pas à pas, une entreprise sans tabac » : un guide pour aider les entreprises à lutter contre le tabac. « Le tabac, mortel sous toutes ses formes » (journée mondiale contre le tabac). Deux spots « Quand vous fumez à côté d'un non-fumeur, il fume aussi » : maison et entreprise. Affiche « Le tabac tue. Peu importe comment vous le fumez ». Trois affiches « Ce lieu est désormais non-fumeur » : bouquet, lampe et lierre. Guide « Une opération chirurgicale se vit mieux sans tabac ». « Les années enfumées » : trois spots télévisés : voiture, restaurant et bureau. « Le tabac tue un fumeur sur deux. L’industrie du tabac compte sur vous pour les remplacer ». Spot télévisé Toxic Corp, site www.toxic-corp.fr.

2007

« Restons mobilisés ! » (journée mondiale contre le tabac). Douze dépliants d’information sur le tabac : Le tabac et la loi, Les risques du tabagisme et les bénéfices à l’arrêt, La dépendance au tabac, Les solutions pour arrêter de fumer, Les substituts nicotiniques, Arrêter de fumer sans prendre de poids, Aider les adolescents à ne pas fumer, Grossesse et tabac, Le tabac en quelques chiffres, La composition de la fumée du tabac, Petite histoire du tabac, L’industrie du tabac.

2008

« Ne laissez pas le tabac décider pour vous » (journée mondiale contre le tabac) Deux spots télévisés, deux affiches « Après l'arrêt de la cigarette, l’envie de reprendre s'éloigne de jour en jour. Ça vaut le coup d'essayer » et « Chaque tentative est un pas de plus vers l’arrêt définitif de la cigarette. Ça vaut le coup d'essayer». Deux annonces presse « 72 heures après l’arrêt de la cigarette, respirer devient plus facile, ça vaut le coup d’y penser » et « Une envie de fumer ne dure que 3 à 4 minutes, ça vaut le coup de résister ». Deux cartes postales « Entre les plats, le tabac décide pour vous » et « À l’heure du café, le tabac décide pour vous ». Flyer « Après les cours, le tabac décide pour vous ». Site www.vous-decidez.fr.

2009

« Un fumeur sur deux meurt prématurément de son tabagisme » (journée mondiale contre le tabac). Spot télé « Un fumeur sur deux meurt du tabac » (Tabac actif). Deux affiches « Un homme a une chance sur 650 millions d'être dévoré par un requin » et « Un homme a une chance sur 1,5 million de mourir foudroyé ». Affiche et dépliant TIS « J’hésite à arrêter de fumer », trois spots radio TIS 39 89. Guide pratique « J’arrête de fumer ». « Vous êtes enceinte et vous souhaitez arrêter de fumer ? », affiche et dépliant.

2010

Une campagne pour rappeler les risques du tabagisme actif et promouvoir l’arrêt du tabac (journée mondiale contre le tabac). Deux spots télévisés « Arrêtez avant qu’il ne soit trop tard » (homme et femme). Six spots radio : coaching, femme enceinte, famille, rentrée, tabac à rouler et vacances. Trois annonces presse : ménopause précoce, baisse de la fertilité et cancers. Affiche « Même bien habillée, la cigarette reste un poison ». Manga interactif « Attraction » réalisé par Kōji Morimoto.

2011

Campagne sur le sevrage tabagique avec un spot télévisé (de 30 et 40 secondes). « On entend toujours le même refrain quand on veut arrêter de fumer. Pour être bien conseillé, appelez Tabac Info Service au 39 89 ». Rediffusion de la campagne radio de 2010 « C’est plus facile quand on sait » sur le dispositif TIS avec six spots : le coaching personnalisé, la femme enceinte, la famille, la rentrée, le tabac à rouler, les vacances. Affiche « Mille façons d’arrêter un seul numéro : 39 89 » pour soutenir la journée mondiale sans tabac.

2012

Campagne médiatique : spot télé « Les raisons » de 40 secondes. Signature « On a tous une bonne raison d’arrêter de fumer, quelle que soit la vôtre, il existe une solution. Appeler TIS au 39 89 », déclinée dans la presse (7 annonces peau, entourage, 30 ans, argent, goût, conjoint (« Pour Nina »), enfant à venir (« Pour demain ») et par affichage (7 affiches), sur le web (bannières). Huit spots radio de trente secondes de la campagne « Les appels à Tabac info service ». Site www.tabac-info-service.fr revu  : nouveaux contenus sur l’arrêt et nouvelle charte graphique. Affiche de la Journée mondiale sans tabac « Que l’industrie du tabac ne vous trompe pas ». Affiche du 31 mai « On a tous une bonne raison d’arrêter de fumer » Fiche entretien motivationnel destinée aux médecins (collection « Essentiel de l’Inpes »).

ANNEXE N° 7 :
RÉGLEMENTATION ET MESURES DE LUTTE
CONTRE LE TABAGISME AU ROYAUME-UNI

Les éléments présentés ci-après ont été recueillis auprès de l’Ambassade de France au Royaume-Uni, en février 2013.

1. Présentation de la législation britannique en matière de tabac

a) L’interdiction de la vente de tabac (sous toutes ses formes) aux mineurs (moins de 18 ans) est effective depuis le 1er octobre 2007 au Royaume-Uni (154).

La vente de tabac à un mineur peut donner lieu à une amende de 2.500 £.

En Angleterre, Pays de Galles et Irlande du Nord, les détaillants n’ont pas besoin d’un permis pour vendre des produits de tabac. En revanche, toute infraction de la loi en matière de vente aux mineurs peut entraîner une interdiction de vente. Depuis le 1er octobre 2011, l’Écosse impose aux détaillants de s’enregistrer pour avoir le droit de vendre du tabac. Ceux qui ne sont pas inscrits risquent une amende de 20.000 £ / 6 mois de prison.

Un détaillant contrôlé 3 fois au cours d’une période de 2 ans en train de vendre des produits de tabac à un mineur, dont une fois donnant lieu à une condamnation, fait face à un restricted premises order (RPO) ou à un restricted sales order (RSO). Un RPO pénalise le détaillant pour un an, tandis qu’un RSO pénalise le vendeur, en leur interdisant de vendre du tabac pour un maximum d’un an. Toute violation de cette interdiction peut engendrer une amende de 20.000 £.

Tous les détaillants ont l’obligation d’afficher de manière visible dans leur boutique le message « It is illegal to sell tobacco products to anyone under 18 years of age ». Une absence d’affichage peut donner lieu à une amende de 1.000 £.

Il est par ailleurs désormais interdit de vendre les cigarettes individuellement : elles doivent être vendues dans leur emballage d’origine, avec les messages d’avertissement des dangers pour la santé. L’amende maximum pour la vente des cigarettes individuelles est de 1.000 £.

Il convient de signaler qu’il n’est pas illégal pour un adulte d’acheter du tabac pour un mineur, sauf en Écosse où cette pratique est sanctionnée. De même, il n’est pas illégal pour un mineur de faire une tentative d’achat de tabac, sauf en Écosse également où cette pratique est sanctionnée.

Concrètement, la responsabilité de la mise en œuvre de la loi sur l’âge minimum de vente repose sur les détaillants. Dans le doute sur l’âge de l’acheteur, les détaillants doivent demander une pièce d’identité. En l’absence de celle-ci, les représentants des détaillants (Tobacco retailers alliance) invitent les vendeurs à refuser la vente, en application du principe « No ID no sale » (cf. ci-dessous).

b) L’interdiction de fumer dans les lieux publics s’applique depuis 2007 et est globalement bien respectée

L’interdiction de fumer dans les lieux publics et sur les lieux de travail en Angleterre est applicable depuis juillet 2007 (155) (mars 2006 en Écosse, avril 2007 au Pays de Galles et Irlande du Nord). Les études montrent que cette interdiction est globalement bien respectée. Le rapport Impact of smokefree legislation in England : evidence review (mars 2011) apporte des informations complémentaires sur ce point.

Une récente étude conduite par des chercheurs d’Imperial College vient de souligner l’impact positif de cette interdiction sur le nombre d’admissions à l’hôpital des enfants pour des crises d’asthmes. Après une première baisse de 12 % en 2008, les chercheurs ont constaté un recul de 3 % en 2009 et 2010, correspondant à une baisse des admissions de 6 800 sur 3 ans. Pour les auteurs de l’étude, la législation a introduit des changements de comportement positifs, un nombre croissant de personnes s’abstenant désormais de fumer à domicile, constatant les bienfaits de l’interdiction de fumer dans les lieux publics.

Le Ministère de la santé en Angleterre n’envisage pas d’étendre l’interdiction de fumer à d’autres lieux, contrairement à l’Irlande qui examine un projet de loi sur l’interdiction de fumer en voiture en présence d’enfants.

2. Dans le cadre du plan quinquennal de lutte contre le tabagisme de 2011, de nouvelles mesures visant à réduire la prévalence du tabagisme ont été adoptées

Le Ministère de la santé a publié en mars 2011 un plan de lutte contre le tabagisme, dont l’objectif est de réduire le nombre de fumeurs et le coût du tabagisme (Healthy Lives Healthy People).

On compte 8 millions de fumeurs en Angleterre. Le coût du tabagisme, qui est à l’origine d’environ 80 000 décès par an, est évalué pour le système de santé à 2,7 Mds ₤ en 2006-2007 et pour la société, à 13,7 Mds ₤/ an. En 2008-09, 463 000 adultes de plus de 35 ans ont été admis à l’hôpital pour une pathologie liée au tabac et dans l’ensemble, le tabac est responsable pour plus d’un quart des morts liées aux cancers au Royaume-Uni.

Selon les statistiques de Cancer Research UK, une des plus importantes associations de recherche sur le cancer, le taux le plus élevé des fumeurs se trouve chez les 20-24 ans (27 % en 2010), suivi par les 25-34 ans (26 % en 2010). On estime que 330.000 jeunes de moins de 16 ans fume pour la première fois chaque année, et qu’environ 6 % des 11-15 ans sont des fumeurs réguliers. Le taux le plus bas des fumeurs se trouve chez les plus de 60 ans (13 % en 2010). La différence entre les générations tend à augmenter : ainsi, parmi les personnes âgées de plus de 60 ans, la prévalence du tabagisme a diminué de plus de 50 % entre 1974 et 2010 (passant de 34 % à 13 %) tandis que chez les personnes âgées de 20-24 ans, la diminution a été plus modeste, de 48 % à 27 % sur la même période.

Dans le cadre du plan « Healthy Lives Healthy People », le Ministère de la santé s’est fixé comme objectifs d’ici à 2015 de réduire la prévalence du tabagisme de 21,2 % à 18,5 % chez les adultes, de 15 % à 12 % chez les jeunes et de 14 % à 11 % chez les femmes enceintes.

Plusieurs mesures ont été adoptées pour encadrer davantage la vente de tabac :

– depuis octobre 2011, la vente de cigarettes dans les machines (rendant l’accès au tabac plus facile pour les jeunes car ces machines sont moins contrôlées) est interdite en Angleterre (février 2012 au Pays de Galles, mars 2012 en Irlande du Nord, avril 2013 en Écosse) ;

– depuis le 6 avril 2012, tous les paquets de tabac en Angleterre doivent être placés hors de vue des clients dans les magasins (supermarchés) qui les commercialisent. Pour les autres commerces, la mesure entrera en vigueur à compter d’avril 2015. Elle vise en particulier à protéger les jeunes, particulièrement sensibles à la publicité et aux images sur les paquets de cigarette, et à les dissuader de commencer à fumer ;

– ces initiatives s’accompagnent d’une action vigoureuse sur les prix. Les taxes sur le tabac ont été relevées chaque année depuis 3 ans, ce qui fait que l’Angleterre est l’un des pays dans lequel le prix d’un paquet de cigarettes est le plus élevé d’Europe. Lors du dernier budget, les taxes sur le tabac ont été relevées de 5 points au-dessus de l’inflation, augmentant le prix moyen d’un paquet de cigarettes de 37p à 7.46£. Avant cette dernière augmentation, les taxes et la TVA représentent 77 % du prix d’un paquet.

Par ailleurs, entre avril et août 2012, le Ministère de la santé a lancé une consultation sur l’opportunité de rendre neutres les paquets de cigarettes (plain packaging), mentionnant uniquement l’information brute, sans aucun habillage. Il s’agit d’une vieille revendication des associations de lutte contre le tabagisme.. Le contenu de la consultation peut être consulté à l’adresse suivante : http://consultations.dh.gov.uk/tobacco/standardised-packaging-of-tobacco-products/consult_view. Les résultats de cette consultation n’ont pas été à ce stade publiés.

Les représentants des buralistes (Tobacco Retailers’ Alliance) s’opposent à une telle mesure, considérant qu’elle aurait un effet néfaste pour les petits détaillants en particulier et qu’elle encouragerait le commerce illégal de cigarettes. Selon les chiffres des services fiscaux (HMRC), 16 % des cigarettes sont issues de la contrebande ou d’une contrefaçon (20 % en 2005-2006), représentant près de 2,2 Mds £ de pertes en termes de taxes.

3. La campagne de communication « no ID, no sale » (pas de carte d’identité, pas de vente)

La campagne de communication « No ID no sale » a été lancée en 2005 à l’initiative de l’association CitizenCard, dont l’objectif est de promouvoir les bénéfices de l’usage d’un titre d’identité valide.

Dans ce cadre, cette association a mis en place plusieurs dispositifs, dont la CitzenCard ID (qui se présente comme une carte d’identité, acceptée par les services de police) et a lancé la compagne « No ID no sale » dont l’objectif est d’aider les professionnels à faire passer le message auprès des jeunes clients qu’une pièce d’identité doit être produite pour pouvoir acheter des produits dont la vente est interdite aux mineurs (comme le tabac, l’alcool, les produits de la loterie).

Le détaillant peut commander un pack de communication en ligne à l’adresse suivante : http://www.noidnosale.com/. Depuis son lancement, l’association représentant les détaillants de tabac (Tobacco Retailers Alliance) estime que 150.000 packs ont été envoyés.

Ce pack contient des posters, autocollants, torches UV (pour vérifier la validité des cartes d’identité) ainsi qu’un refusals register (un registre des refus), dans lequel le vendeur peut consigner le nombre de fois où il a refusé de vendre du tabac, à qui et pour quelles raisons. Ce registre peut être utilisé devant le Trading Standards Institute (organisme en charge de faire respecter les droits des consommateurs) pour montrer que le détaillant demande/vérifie régulièrement l’âge des clients.

La phrase « No ID, no Sale » est généralement répandue et connue, visible sur les portes d’entrée, dans les supermarchés, supérettes, marchands de journaux, PMU…

COMMUNICATION DE LA COUR DES COMPTES
SUR L’ÉVALUATION DES POLITIQUES DE LUTTE
CONTRE LE TABAGISME

1 () Le coût social des drogues en 2003. Les dépenses publiques dans le cadre de la lutte contre les drogues, Pierre Kopp et Philippe Fenoglio, Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT), avril 2006.

2 () Loi n° 91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme.

3 () Baromètres santé 2005 et 2010 de l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé (INPES).

4 () « La lutte contre le tabagisme : une urgence durable », M. Jean-Yves Grall, in Lutte contre le tabagisme : toujours une priorité, Actualité et dossier en santé publique (ADSP) n° 81, décembre 2012.

5 () Introduit par la loi n° 2011-140 du 3 février 2011 tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques.

6 () Lettre adressée le 3 février 2012 par le Premier président de la Cour et réponse du Président de l’Assemblée nationale, président du CEC, en date du 22 février 2012.

7 () Rapport d’information n° 4334 sur la prévention sanitaire (Mecss février 2012), rapport n° 3627 de la mission d’information sur les agences sanitaires (juillet 2011), rapport d’information n° 3786 sur les conséquences fiscales des ventes illicites de tabac (octobre 2011), rapport n° 3627 de la mission d’information sur les agences sanitaires (juillet 2011), rapport d’information n° 3353 au nom de la mission, créée en Conférence des présidents, sur l’interdiction du tabac dans les lieux publics (octobre 2006).

8 () Propositions pour une nouvelle politique de lutte contre le tabac, rapport de M. Yves Bur au ministre du Travail, de l’emploi et de la santé (février 2012).

9 () Décret n° 98-1048 du 18 novembre 1998 relatif à l’évaluation des politiques publiques.

10 () Catherine Hill, « Épidémiologie du tabagisme », La Revue du Praticien (20 mars 2012).

11 () La morbidité se définit comme le nombre de personnes atteintes d’une maladie dans une population déterminée, à un moment donné.

12 () Les droits de consommation représentaient 10,7 milliards d’euros en 2011 et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) brute collectée 3,4 milliards d’euros en 2011. Compte tenu de la licence versée par les débitants, la ressource publique globale issue du tabac atteint 15 milliards d’euros en 2012, selon le rapport de la Cour.

13 () Le coût social des drogues en 2003. Les dépenses publiques dans le cadre de la lutte contre les drogues, Pierre Kopp et Philippe Fenoglio, Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT), avril 2006.

14 () « Les drogues sont-elles bénéfiques pour la France ? », Pierre Kopp, Revue économique (septembre 2011).

15 () Selon les informations communiquées par l’ambassade de France au Royaume-Uni.

16 () Article L. 1411-2 du code de la santé publique.

17 () En épidémiologie, la prévalence désigne la proportion d’individus d’une population qui présente une maladie ou un facteur de risque ; pour le tabac, il s’agit donc d’un indicateur de la consommation déclarée.

18 () L’Observatoire français des drogues et de la toxicomanie est financé par des crédits de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et les toxicomanies (MILDT).

19 () Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees).

20 () Selon les termes du décret n° 90-82 du 22 janvier 1990 relatif à l'évaluation des politiques publiques.

21 () La loi « HPST » a notamment prévu le relèvement de 16 à 18 ans de l’interdiction de vente de tabac aux mineurs, ainsi que l’interdiction des « cigarettes bonbons », et de l’implantation de lieux de vente de tabac dans les zones dites « protégées », qui existent actuellement pour les débits de boissons à consommer sur place, ainsi que le renforcement des pouvoirs des agents de contrôle sur les mesures sur le tabac. Plus généralement, cette loi a également prévu la création des agences régionales de santé (ARS).

22 () En particulier, le Fonds national de prévention, d’éducation et d’information sanitaires (FNPEIS) de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).

23 () Voir sur ce point, le suivi de l’avancement de la mesure n° 10 du plan cancer « Poursuivre la lutte contre le tabac », extrait du rapport au Président de la République de juin 2012, en annexe au présent rapport.

24 () En particulier, il n’est désormais plus possible d’individualiser les crédits de l’Etat consacrés au tabac parmi ceux prévus pour les « pratiques addictives à risques » (dont le tabac et l’alcool) dans le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ». Il en va de même pour les structures médico-sociales en addictologie.

25 () Pour une nouvelle politique de lutte contre le tabac, rapport au ministre chargé de la santé (février 2012).

26 () Le coût social des drogues en 2003. Les dépenses publiques dans le cadre de la lutte contre les drogues, Pierre Kopp et Philippe Fenoglio, Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT), avril 2006.

27 () Articles L. 3512-1 et R. 3215 et suivants du code de la santé publique. Sur le détail de chacune de ces réglementations, le lecteur pourra se reporter à la contribution de la Cour présentée en annexe.

28 () Avis relatif aux moyens nécessaires pour relancer la lutte contre le tabagisme, rapport du Haut conseil de la santé publique (22 septembre 2010).

29 () Les données sur les fumeurs quotidiens correspondent au pourcentage de personnes qui fument au moins une fois par jour dans la population âgée de plus de 15 ans, tandis que la catégorie des fumeurs habituels regroupe les fumeurs quotidiens et ceux qui ne fument qu’occasionnellement.

30 () Loi n° 76-616 du 9 juillet 1976 relative à la lutte contre le tabagisme.

31 () Données concernant les fumeurs actuels (qui fument du tabac même seulement occasionnellement).

32 () Le nombre de cigarettes fumées quotidiennement par les fumeurs réguliers était de 13,6 en 2010, contre 15,1 en 2005 (Baromètre santé).

33 () La santé en France et en Europe : convergences et contrastes, HCSP (mars 2012).

34 () Le rapport national ITC France (projet international d’évaluation des politiques publiques) de février 2009 soulignait ainsi que les fumeurs français enregistrent l’un des plus bas niveaux de consommation parmi l’ensemble des pays ITC étudiés, avec une consommation quotidienne moyenne de 13,5 cigarettes.

35 () Eurobaromètre n° 332, « L’attitude des européens à l’égard du tabac », Commission européenne (mai 2012).

36 () La contribution écrite du secrétariat permanent évoque notamment l’Australie, le Canada, la Finlande, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, le Panama, la Suède, la Turquie et l’Ukraine.

37 () Selon les données du tableau de bord mensuel sur le tabac (décembre 2012), publié par l’OFDT.

38 () Avec 26 % de fumeurs quotidiens parmi les femmes, la France se situerait sur ce plan au 25ème rang sur 27 pays européens (ordre croissant), selon le HCSP (rapport précité de mars 2012).

39 () En effet, le tabac augmente le risque de cancer du col de l’utérus et de l’ovaire, et peut par ailleurs augmenter le risque de cancer du sein, selon le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).

40 () Selon l’InCA, des études ont montré que les femmes faisaient moins de tentatives de désaccoutumance que les hommes et qu’elles échouaient plus souvent (Cepada-Benito, « Meta-analysis of the efficacy of nicotine replacement therapy for smoking cessation: differences between men and women », 2004).

41 () La cigarette du pauvre. Enquête auprès des fumeurs en situation précaire, Patrick Peretti-Watel (2012).

42 () Commission européenne (direction générale de la santé et des consommateurs).

43 () Concernant l’âge moyen d’initiation parmi les jeunes consommateurs, la première cigarette a lieu en moyenne à 14,1 ans, soit un an avant le premier joint.

44 () L’article 8 de la convention-cadre prévoit que « Chaque Partie adopte et applique, dans le domaine relevant de la compétence de l’État (…) et encourage activement, dans les domaines où une autre compétence s’exerce, l’adoption et l’application des mesures législatives, exécutives, administratives et/ou autres mesures efficaces prévoyant une protection contre l’exposition à la fumée du tabac dans les lieux de travail intérieurs, les transports publics, les lieux publics intérieurs et, le cas échéant, d’autres lieux publics ».

45 () Décret n° 2006-1386 fixant les conditions d’application de l’interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif.

46 () Alors qu’au mois de janvier 2007, seules 45 % des personnes concernées déclaraient ne jamais être en contact avec la fumée des autres sur leur lieu de travail, elles sont 74 % sur le premier semestre 2008.

47 () Dans une enquête récente (Eurobaromètre spécial, mai 2012), les Français se déclaraient également moins exposés à la fumée du tabac dans certains lieux que la moyenne des États membres (par exemple, 79 % déclaraient ne jamais être exposés à la fumée à l’intérieur des lieux de travail, contre 72 % pour la moyenne européenne).

48 () Il y était proposé de confier au ministre de la santé le rôle de coordination et de pilotage de l’ensemble des actions publiques en ce domaine et l’animation à cet effet d’un comité interministériel ad hoc. Le rapport évoque l’animation par le ministère de la santé d’un Conseil interministériel pour la lutte contre le tabagisme, réunissant les représentants des services concernés et de la MILDT (mission interministérielle). Dans ce schéma, la politique de lutte contre la fraude devait toutefois rester sous la coordination de la MILDT, qui en est également chargée en matière de trafics de produits illicites.

49 () L’INPES, l’INCa, la HAS et l’INVS ont conclu des accords-cadres visant à établir ou renforcer leur collaboration dans leurs champs communs de compétences complétés dans certains cas par des plans annuels d’actions communes. Le contrat d’objectifs et de performance de l’Inpes prévoit par ailleurs d’ « engager avec les organismes publics et structures ministérielles intervenant dans le champ de la prévention et de l’éducation à la santé, des négociations sur leurs champs respectifs d’intervention et les domaines de travail en commun afin d’optimiser l’utilisation des financements publics ».

50 () La HAS est une autorité publique indépendante à caractère scientifique, tandis que le HCSP est un organisme consultatif rattaché à la DGS (composé de personnalités qualifiées, principalement des médecins).

51 () En effet, le HCSP est chargé de fournir « aux pouvoirs publics, en liaison avec les agences sanitaires, l'expertise nécessaire à […] la conception et à l’évaluation des politiques et stratégies de prévention » (il cumule les missions d’évaluation de la loi de santé publique, de conseil aux pouvoirs publics et d’expertise en liaison avec les agences sanitaires), tandis la HAS est chargée « d’évaluer la qualité et l'efficacité des actions ou programmes de prévention, notamment d'éducation pour la santé, de diagnostic ou de soins ».

52 () Stratégies thérapeutiques d’aide au sevrage tabagique : efficacité, efficience et prise en charge financière (HAS, 2007), Arrêt de la consommation de tabac : du repérage au maintien de l’abstinence (note de cadrage de la HAS, 2012) ; les recommandations de bonne pratique devraient être publiées au premier semestre2013, Avis relatif aux moyens de lutte contre le tabagisme (HCSP, 2010) et à l’augmentation des taxes (HSCP2012).

53 () Rapport d’information n° 4333 précité sur la prévention sanitaire (8 février 2012).

54 () Rapport d’information n° 3627 précité sur les agences sanitaires (juillet 2011).

55 () Créée en janvier 2010, l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) est issue de la fusion de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) et l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET).

56 () Cette revue des opérateurs dont les effectifs sont inférieurs à 50 ETP doit être réalisée pour le CIMAP de juin 2013. Par ailleurs, la participation des opérateurs et agences aux politiques publiques sera systématiquement prise en compte dans les travaux d’évaluation des politiques publiques. En parallèle, les programmes ministériels de modernisation et de simplification à finaliser pour le CIMAP de juin 2013 seront l’occasion de définir une stratégie de rationalisation pour chaque ministère.

57 () Vœux à la presse de Mme Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la santé (23 janvier 2013).

58 () Rapports précités sur la prévention sanitaire, sur les agences sanitaires et rapports budgétaires.

59 () Articles L. 1431-1 et L. 1431-2 du code de la santé publique.

60 () Selon la communication de la Cour à la commission des Affaires sociales sur la prévention (novembre 2011).

61 () Selon le rapport de la Cour des comptes, une première analyse de 14 schémas régionaux de prévention réalisée par la DGS au cours du premier semestre 2012 fait apparaître que seuls quatre d’entre eux visent explicitement le tabagisme.

62 () Le CNP formule des orientations générales sur les politiques et les mesures mises en œuvre par les ARS. Il veille à la cohérence des objectifs, du contenu et de l'application des politiques conduites par les ARS dans les domaines de la santé publique, de l'organisation de l'offre de soins, de la prise en charge médico-sociale et de la gestion du risque. Les ministres chargés du budget et de la sécurité sociale en sont membres, ainsi que différents directeurs d’administration centrale, les directeurs généraux d’organismes de protection sociale (CNAMTS, MSA, RSI, CNSA), le chef de l’IGAS et le secrétaire général des ministères sociaux.

63 () Aux termes de l’article L. 1433-2 du même code, « les ministres chargés de la santé, de l'assurance maladie, des personnes âgées et des personnes handicapées signent avec le directeur général de chaque agence régionale de santé un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens de l'agence », conclu pour 4 ans.

64 () Placée auprès de chaque ARS, la « commission de coordination dans les domaines de la prévention, de la santé scolaire, de la santé au travail et de la protection maternelle et infantile » réunit l’ensemble des membres prévus par l’article D. 1432-1 du code de la santé publique (représentants du préfet, des services déconcentrés concernés, des collectivités, des organismes de sécurité sociale, etc.).

65 () « Healthy lives, healthy people » (informations transmises par l’ambassade de France au Royaume-Uni).

66 () Il conviendrait pour cela de modifier par amendement la rédaction de l’article L. 1411-2 précité, aux termes duquel « la loi définit tous les cinq ans les objectifs de la politique de santé publique ».

67 () Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente du tabac et de ses produits, présentée par la Commission européenne le 19 décembre 2012.

68 () Ventes des cigarettes, du tabac à rouler, des médicaments d’aide à l’arrêt, fréquentation des consultations d’addictologie et de la ligne « Tabac info service », budget des campagnes de communication, etc.

69 () En particulier, deux indicateurs ont été ajoutés : le nombre de forfaits de 50 € versés par la CNAMTS et le nombre moyen de patients suivis dans les consultations de tabacologie.

70 () En application de l’article 51 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

71 () Sur les différentes tentatives effectuées dans ce sens (indicateurs sur la prévalence du tabagisme), voir l’étude de la Cour présentée en annexe.

72 () Par exemple, dans le cadre de la participation de l’INPES et l’InCA au projet international d’évaluation des politiques publiques de lutte contre le tabac « International tobacco control (ITC) France » (enquête de cohorte sur un échantillon représentatif de fumeurs et de non fumeurs adultes en France, mise en place en 2006 pour évaluer de manière rigoureuse l’impact de la législation française). L’InCA a également financé plusieurs projets menés par des équipes de recherche ou des associations de lutte contre le tabac.

73 () Selon la Cour, une mise en réseau plus efficace des initiatives devrait être conçue en cohérence avec l’effort récent de rationalisation de la recherche médicale engagé au sein de l’Alliance pour les sciences de la vie et de la santé autour d’instituts thématiques multi-organismes, dont l’un notamment concerne la santé publique.

74 () Les programmes d’actions intégrées de recherche (PAIR), mis en œuvre par l’InCA ont pour ambition de soutenir l’ensemble des dimensions et questions de recherche (biologie fondamentale, recherche clinique, épidémiologie, technologies innovantes, prévention, dépistage, diagnostic et aspects humains et sociaux) dans le cadre d’une pathologie (par exemple le PAIR sur les cancers des voies aéro-digestives supérieures.

75 () La mesure du coût de prise en charge sanitaire suppose d’identifier les pathologies liées au tabac, d’évaluer la part qui lui est attribuable et d’en calculer le coût pour l’assurance maladie.

76 () Deborah E. Barnes, Lisa A. Bero. Why Review Articles on the Health Effects of Passive Smoking Reach Different Conclusions. JAMA 1998; 279(19): 1566-70.

77 () Selon l’article 5 (paragraphe 3) de la CCLAT, « En définissant et en appliquant leurs politiques de santé publique en matière de lutte antitabac, les Parties veillent à ce que ces politiques ne soient pas influencées par les intérêts commerciaux et autres de l’industrie du tabac, conformément à la législation nationale. »

78 () Contribution écrite du Comité national contre le tabagisme (CNCT).

79 () Proposition de loi n° 83 relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte, adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture le 31 janvier 2013.

80 () En France, plus de la moitié (57,6 %) des fumeurs réguliers âgés de 15 à 75 ans déclarent avoir envie d’arrêter, selon les résultats du Baromètre santé 2010 de l’Inpes.

81 () Cette interdiction de fumer ne s’applique pas dans les emplacements réservés aux fumeurs au sein de ces lieux, créés le cas échéant par l’exploitant (salles closes ou « fumoirs »).

82 () Les bars à narguilé font partie des lieux dits « de convivialité », et l’interdiction de fumer est donc applicable à ces établissements comme aux autres. En conséquence, les établissements dont l’activité principale est de servir des narguilés encourent les sanctions prévues par le code de la santé publique, à défaut de fumoir conforme aux dispositions réglementaires.

83 () « Pollution liée au tabac de l’air des terrasses et de l’intérieur des cafés et restaurants en France en 2008 », Emmanuel Brunner (DNF), Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) n°20 (mai 2011).

84 () Sur la réglementation applicable aux terrasses et les précisions successives apportées par la direction générale de la santé, voir les développements approfondis du rapport de la Cour présenté en annexe.

85 () Si le décret de 2006 a permis d’améliorer nettement la situation, la seconde vague de l’étude ITC pour la France (projet international d’évaluation des politiques publiques de lutte anti-tabac), menée à la fin 2008, montre néanmoins que 2 personnes sur 10 ne disposent pas d’un lieu de travail totalement non fumeur.

86 () Concrètement, un mineur de moins de 18 ans se rendait dans un débit, suivi d’un adulte en charge d’observer le point de vente et notamment de contrôler l’affichette et la réaction du vendeur face à la demande du jeune en fonction des différents scénarii définis.

87 () Par exemple, les notions de « lieu », de « lieu affecté à un usage collectif », de « lieu fermé et couvert », d’« accueil du public », d’« espace affecté à la consommation de tabac », de « signalisation apparente », de « moyen de transport collectif » (contribution écrite de l’association à la Cour des comptes).

88 () Voir le compte rendu de la table ronde du 12 décembre 2012, présenté en annexe.

89 () Selon le Premier président de la Cour, ce sont en effet « les associations antitabac qui, par leurs actions judiciaires et dans la mesure de leurs moyens limités, veillent à l’application de la réglementation. La revue de jurisprudence à laquelle la Cour a fait procéder dans le cadre de cette évaluation est à cet égard une première. Elle est particulièrement instructive sur la diversité et l’ampleur des manquements que ces associations ont pu relever et faire condamner » (cf. le compte rendu de la réunion du CEC en annexe).

90 () Aux termes de l’article R. 3512-3 du code de la santé publique, «  La personne chargée de vendre des produits du tabac peut exiger que les intéressés établissent la preuve de leur majorité, par la production d’une pièce d’identité ou de tout autre document officiel muni de leur photographie ».

91 () Concrètement, le prix d’un paquet de cigarettes vendu à 5,40 euros se décomposait de la manière suivante en 2011 : 0,88 € pour la TVA (16,38 %), 3,47 € pour les droits de consommation (64,25 %), 0,59 € pour la part fournisseur (10,93 %) et 0,46 € (8,44 %) pour la remise brute (buralistes).

92 () “The taxation of tobacco products”, Chaloupka F, Hu TW, Warner Ke, et al. (2000), in : Tobacco Control in developing countries, Jha P, Chaloupka FK, eds., Oxford University Press.

93 () L’État et les aspects économiques de la lutte contre le tabagisme, Banque mondiale, 2000.

94 () Methods for evaluating tobacco control policies, International agency for research on cancer (IARC) Handbooks of cancer prevention, volume 12 (2008).

95 () En effet, aucune nouvelle hausse du barème fiscal n’est intervenue jusqu’en janvier 2011, date à laquelle le taux normal appliqué aux cigarettes a été augmenté de 0,4 % en passant de 64 % à 64,25 %. À charge fiscale inchangée, le changement de définition du prix de référence intervenu fin 2010 par transposition de la directive européenne a conduit à une hausse faciale des taux s’y référant, selon le rapport de la Cour, qui indique également qu’en janvier 2012, le taux de la « part spécifique » applicable aux cigarettes est passé de 9 % à 12 % sans que le montant du droit ne soit modifié. De 2007 à 2011, ces augmentations « spontanées » de prix ont eu pour seule incidence fiscale, selon la Cour, un relèvement corrélatif du minimum de perception, visant par un « effet de cliquet » à ce que les produits les moins chers ne décrochent pas du rythme moyen des hausses. Enfin, il est à noter que des hausses de prix sont intervenues en octobre 2011 et 2012.

96 () Données relatives aux différentes hausses de prix depuis 2002 présentées dans l’annexe n° 3 du rapport au Parlement relatif à l’harmonisation de la fiscalité sur les tabacs dans l’Union européenne (juillet 2011).

97 () Par exemple, lorsque les fabricants ont décidé d’augmenter les prix de 6 % en août 2007, une marque de cigarettes blondes est passé de 4,70 à 4,80 euros, soit une augmentation de seulement 2,1 % (HCSP, 2012).

98 () Avis relatif à l’augmentation des taxes sur le tabac en vue de réduire la prévalence du tabagisme (2012).

99 () Loi n° 2012-1404 du17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2013.

100 () Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) mais aussi taxes spécifiques au tabac, comme le minimum de perception et les accises (droits indirects), fixes et proportionnels (droits de consommation).

101 () Décision de la Conférence des Parties, adoptée à Séoul le 17 novembre 2012, sur les principes directeurs et recommandations pour l’application de l’article 6 de la Convention-cadre de l’OMS (CCLAT) – Mesures financières et fiscales visant à réduire la demande de tabac – dont l’une des recommandations est que : « Tous les produits du tabac devraient être taxés de manière comparable, en particulier lorsque le risque de remplacement d’un produit par un autre existe. »

102 () Selon cette contribution, les prix du tabac sont encore relativement bas par rapport aux prix dans d’autres pays développés comme l’Australie, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni ou Singapour.

103 () En application des articles 302 D, 575 G et 575 H du code général des impôts, nul ne peut détenir dans des entrepôts, locaux commerciaux et à bord de moyen de transports plus de deux kilogrammes de tabacs manufacturés. En outre, ceux-ci ne peuvent circuler après leur vente au détail par quantité de plus d’un kilo sans un document d’accompagnement.

104 () Décision de la Conférence des Parties à la convention-cadre de l’OMS pour la lutte anti-tabac, adoptée à Séoul le 17 novembre 2012, sur les principes directeurs et recommandations pour l’application de l’article 6 de la convention-cadre (« mesures financières et fiscales visant à réduire la demande de tabac »).

105 () Plusieurs découvertes ont ainsi été réalisées sur des conteneurs maritimes, chacun d’entre eux renfermant parfois plus de 10 millions de cigarettes de contrebande. Les saisies sur ce vecteur représentent la part la plus importante des saisies globales.

106 () En France, la vente au détail de tabacs manufacturés (cigarettes, tabac à rouler, tabac à narguilé, tabac à priser...) est un monopole confié à l’administration des douanes et droits indirects qui l’exerce par l’intermédiaire des débitants de tabac. L’article 568 ter du code général des impôts précise que la commercialisation à distance des tabacs manufacturés est interdite en France métropolitaine et dans les départements d’Outre-mer. Ainsi, l’achat de tabac sur Internet ou par téléphone est strictement interdit quel que soit le lieu d’implantation du site.

107 () L’article 13 de la loi de finances prévoit notamment que les conditionnements des cigarettes soient revêtus d’une marque d’identification unique, sécurisée et indélébile dont les modalités seront fixées par décret en Conseil d’État ainsi que la mise en place d’un traitement informatisé de données, tenu par les professionnels du secteur. L’étude d’impact du projet de loi précisait qu’« un cahier des charges concernant ce marquage a été élaboré avec les acteurs du secteur du tabac », et que le décret en Conseil d’État « devra prévoir un délai de deux ans pour l’application de l’authentification des cigarettes et un délai de cinq ans pour l’application pour la traçabilité des cigarettes ».

108 () Mesures préconisées par le rapport n° 3786 de la mission d’information sur les conséquences fiscales des ventes illicites de tabac (octobre 2011), de MM. Jean-Marie Binetruy, Thierry Lazaro et Jean-Louis Dumont, dont le rapport de la Cour indique (page 111) qu’elles n’ont pas été suivies d’effets.

109 () Voir sur ce point les développements présentés page 114 du rapport de la Cour.

110 () Proposition de directive présentée par la Commission européenne le 19 décembre 2012, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente du tabac et de ses produits.

111 () Article L. 3511-2 du code de la santé publique.

112 () Article D. 3511-16 du code de la santé publique.

113 () Communiqué de presse du 19 décembre 2012 du CNCT, présidé par le professeur Yves Martinet.

114 () Selon le rapport de la Cour, le groupe British american tobacco (BAT) a déposé un recours gracieux en janvier 2012 pour demander l’abrogation sur ce point de la circulaire du 3 août 2011, en contestant que certains de ses produits qui y sont visés dépassent les seuils légaux. De son côté, la DGDDI estime ne pas avoir obtenu de la DGS une liste précise des références incriminées et les analyses des laboratoires afférentes, en indiquant que, dans l’attente, ses services sont tenus d’enregistrer les demandes d’homologation des prix de ces références émanant des fournisseurs de tabac.

115 () L’« arôme caractérisant » étant défini par l’article 2 de la proposition de la directive comme un parfum ou un goût reconnaissable autre que celui du tabac, provenant d’un additif ou d’une combinaison d’additifs, notamment à base de fruits, d’épices, de plantes aromatiques, d’alcool, de confiseries, de menthol ou de vanille (liste non exhaustive), et qui est détectable avant ou pendant l’usage prévu du produit du tabac.

116 () Il conviendrait pour cela de modifier l’article L. 3511-2 du code de la santé publique.

117 () Aux termes de l’article 12 de la proposition de directive, « les éléments et dispositifs interdits comprennent notamment les messages, symboles, noms, marques commerciales, signes figuratifs ou non, couleurs susceptibles d’induire en erreur, encarts et autres éléments tels que des étiquettes adhésives, autocollants, suppléments, éléments à gratter et pochettes (liste non exhaustive); ils peuvent également concerner la forme du produit du tabac proprement dit », en précisant que «  les cigarettes d’un diamètre inférieur à 7,5 mm sont considérées comme étant de nature à induire en erreur » .

118 () Article L. 3511-6 du code de la santé publique.

119 () Selon les précisions apportées par le commissaire européen, concernant l’étiquetage et le conditionnement des paquets, la proposition de la Commission prévoit un avertissement sanitaire associant une image et un message textuel sur tous les paquets de cigarettes et de tabac à rouler et cet avertissement doit couvrir 75 % des faces avant et arrière du paquet et inclure des informations sur les services d'aide au sevrage tabagique.

120 () 75 % sur les deux faces au Canada, 30% et 90 % en Australie et en Nouvelle Zélande, 80 % sur les deux faces en Uruguay, 60 % et 70 % à Maurice, 30 % et 100 % au Mexique.

121 () « Les Parties devraient envisager d'adopter des mesures visant à limiter ou interdire l'utilisation de logos, de couleurs, d'images de marque ou de textes promotionnels sur les conditionnements hormis le nom de la marque et celui du nom du produit imprimés avec des caractères normaux et dans une couleur standardisée (conditionnement neutre) » (article 11) et « Les Parties devraient envisager d'adopter des exigences concernant un conditionnement neutre » (article 13).

122 () Réponse du ministère des affaires sociales et de la santé à une question écrite de Mme Chantal Jouanno, sénatrice (Journal officiel du 25 octobre 2012).

123 () « Perception de l’efficacité des paquets de cigarettes standardisés. Une étude dans un contexte français », Karine Gallopel-Morvan (Université de Rennes), Emmanuelle Béguinot (CNCT), Figen Eker, Yves Martinet, David Hammond, Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH), mai 2011.

124 () Islande, Irlande, Norvège, Thaïlande notamment, et en cours de mise en œuvre au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande, selon le rapport de la Cour.

125 () Articles L. 3511-3 et L. 3511-4 du code de la santé publique.

126 () Délibération n° 2008-51 du 17 juin 2008 relative à l’exposition des produits du tabac, des boissons alcooliques et des drogues illicites à l’antenne des services de radiodiffusion et de télévision.

127 () Autorité administrative indépendante, le CSA est en effet investi par la loi sur la liberté de la communication d’un pouvoir de contrôle et de sanction à l’égard des diffuseurs notamment quant au respect de l’interdiction de la publicité et de la propagande directe ou indirecte sur le tabac.

128 () Rapport sur le tabagisme coordonné par le professeur Maurice Tubiana, approuvé par le conseil d’administration de l’Académie nationale de médecine le 25 mai 2009 (M. Gérard Dubois, Mme Catherine Hill et Mme Karine Gallopel étaient notamment membres de ce groupe de travail).

129 () Selon la publication du CNCT sur la promotion des produits du tabac sur le lieu de vente (2011), la promotion encourage les jeunes à commencer à fumer (Hastings et al., 2008), banalise et normalise les produits du tabac (Wakefield, Terry - Mc Brath, Chaloupka et al., 2002), dissuade l’arrêt du tabac chez les fumeurs et incite à la reprise chez les ex-fumeurs (Wakefield, Germain et Henriksen, 2007) et encourage les achats d’impulsion des produits du tabac (Feighery, Ribisl, Schleicher).

130 () Voir le récapitulatif des campagnes anti-tabac lancées par l’Inpes depuis 2002, en annexe au présent rapport.

131 () Propositions n° 2, 3 et 7 du présent rapport.

132 () Source : répartition analytique du budget 2011 par thématique présentée en annexe du rapport d’activité de l’Inpes pour 2011.

133 () Voir le compte rendu en annexe de la table ronde du 12 décembre 2012 « La lutte contre le tabagisme des jeunes : quels résultats, quels axes de progrès ? ».

134 () Préambule et article 4 de la convention-cadre de l’OMS pour la lutte anti-tabac (CCLAT) de l’OMS.

135 () L’article L. 3511-9 du code de la santé publique prévoit en effet que « dans le cadre de l’éducation à la santé, une sensibilisation au risque tabagique est organisée, sous forme obligatoire, dans les classes de l’enseignement primaire et secondaire » et l’article L. 312-8 du code de l’éducation (issu de la loi de santé publique de 2004, à l’initiative de M. Bernard Accoyer) prévoit qu’ « Une information est délivrée sur les conséquences de la consommation de drogues sur la santé, notamment concernant les effets neuropsychiques et comportementaux du cannabis, dans les collèges et les lycées, à raison d'au moins une séance annuelle, par groupes d'âge homogène. Ces séances pourront associer les personnels contribuant à la mission de santé scolaire ainsi que d'autres intervenants extérieurs. »

136 () Voir sur ce point l’annexe n°8 de l’étude de la Cour des Comptes.

137 () Stratégies thérapeutiques d’aide au sevrage tabagique. Efficacité, efficience et prise en charge financière, Haute Autorité de santé (HAS), janvier 2007.

138 () Selon les précisions apportées par la CNAMTS, ce phénomène peut s'expliquer par plusieurs facteurs : une tendance à l'augmentation du tabagisme (comme souvent en période de crise) pouvant engendrer moins de demandes et de démarches de sevrage tabagique ; le retrait du Champix® de la liste des médicaments d’aide au sevrage tabagique pris en charge à partir de juillet 2011, en raison des risques sanitaires liés à l’utilisation potentielle de ce produit chez les femmes enceintes.

139 () Voir en particulier l’encadré sur l’aide massive au sevrage au Royaume-Uni dans le rapport de la Cour des Comptes (page 186) ainsi que l’annexe n° 11 relative aux politiques de lutte contre le tabac au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, au Québec et en Australie.

140 () « Arguments médico-économiques pour le remboursement intégral du sevrage tabagique en France. Evaluation coût-efficacité prenant en compte les coûts evités par les maladies associées au tabac », Karine Chevreul, Benjamin Cadier, Isabelle Durand-Zaleski, Daniel Thomas (URC Eco Île de France), présentation au congrès de la société française de tabacologie (8 novembre 2012), et « Cost effectiveness of full coverage of the medical management of smoking cessation in France », mêmes auteurs, Tobacco control (novembre 2012).

141 () Selon les informations communiquées par la CNAMTS.

142 () Le document de politique transversale (DPT) pour 2013, évoqué plus haut, présente le contenu des différentes formations et indique en particulier que la formation à l’addictologie est déjà bien présente au cours de la 2ème partie du 2ème cycle des études médicales, dont le programme constitue celui des épreuves classantes nationales d’accès à l’internat.

143 () Dispositif de développement professionnel continu (DPC), suite à la réforme de la formation médicale continue (FMC) et l’évaluation des pratiques professionnelles (EPP), suite à la réforme de la « loi HPST ».

144 () Piste envisagée notamment par le syndicat MG France, en évoquant par exemple la connaissance du statut tabagique de la population ou l’aide offerte dans le domaine de la prévention et de l’information.

145 () Selon les précisions apportées par la CNAMTS, s’il n’y a pas d'objectif chiffré lié, par exemple, à la prescription de substituts nicotiniques, la nouvelle convention médicale de 2011 prévoit, dans le cadre de la rémunération sur objectifs de santé publique, la rédaction d'une synthèse médicale qui comprend une rubrique facteurs de risque.

146 () Le rapport précité sur la prévention sanitaire (2012) proposait en effet d’ « organiser des consultations de prévention systématiques en fonction des tranches d’âge chez le médecin traitant, en s’appuyant sur des recommandations de la Haute Autorité de santé » (proposition n° 26).

147 () Circulaire DGOS/RH4 n° 2012-80 du 17 février 2012 relative à la formation des personnels des maternités à la prévention et à la prise en charge du tabagisme chez les femmes enceintes.

148 () Réponse de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) au questionnaire adressé par les rapporteurs (décembre 2012).

149 () Informations qualitatives sur le suivi des femmes enceintes de leur département et leur région, supports d'aide à la pratique mis à leur disposition : mémo grossesse reprenant les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) sur le suivi de la femme enceinte, publiées en 2007 et documents destinés aux patientes pour les sensibiliser notamment aux risques liés au tabac et à l'alcool.

150 () Convention nationale conclue le 26 juillet 2011 entre la CNAMTS et les représentants des médecins généralistes spécialistes, approuvée par arrêté du 22 septembre 2011.

151 () Plan cancer 2009-2013. Cinquième rapport d’étape au Président de la République (octobre 2012).

152 () La mise en œuvre du Plan cancer fait l’objet chaque semestre d’un rapport au Président de la République par le comité de pilotage interministériel.

153 () Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (« loi HPST »).

154 () Children and Young Persons (sale of tobacco) Order, 2007. Pour mémoire, la santé est une compétence dévolue aux pays au sein du Royaume-Uni, chaque pays appliquant sa propre législation.

155 () Health Act-juillet 2006.


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