N° 765 - Rapport d'information de Mme Catherine Coutelle déposé par la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes sur l'action, l'organisation et les moyens des déléguées régionales aux droits des femmes



N° 765

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 février 2013.

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES ET À L’ÉGALITÉ DES CHANCES
ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES SUR l’organisation, les moyens et l’action
du
Service du droit des femmes et de l’égalité entre les femmes
et les
hommes,

PAR Mme Catherine COUTELLE,

Députée.

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La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes est composée de : Mme Catherine Coutelle, présidente ; Mme Conchita Lacuey, Mme Monique Orphé, M. Christophe Sirugue, Mme Marie-Jo Zimmermann, vice-présidents ; Mme Edith Gueugneau, Mme Cécile Untermaier, secrétaires ; Mme Huguette Bello, M. Jean-Louis Borloo, Mme Brigitte Bourguignon, M. Malek Boutih, Mme Marie-George Buffet, Mme Pascale Crozon, M. Sébastien Denaja, Mme Sophie Dessus, Mme Marianne Dubois, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Martine Faure, M. Guy Geoffroy, Mme Claude Greff, Mme Françoise Guégot, M. Guénhaël Huet, Mme Valérie Lacroute, Mme Sonia Lagarde, M. Serge Letchimy, Mme Geneviève Levy, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Jacques Moignard, Mme Dominique Nachury, Mme Ségolène Neuville, Mme Maud Olivier, Mme Barbara Pompili, Mme Josette Pons, Mme Catherine Quéré, Mme Barbara Romagnan, M. Philippe Vitel.

INTRODUCTION 7

I.– LE RÉSEAU DU DROIT DES FEMMES A VU SON CADRE JURIDIQUE BOULEVERSÉ PAR LA RGPP 10

A. UNE ADMINISTRATION CENTRALE AU POSITIONNEMENT COMPLEXE 10

1. La RGPP a privé le service du droit des femmes de sa visibilité et de son autonomie 11

2. Le rôle de pilotage de la politique de l’égalité a été confié à la direction générale de la Cohésion sociale 12

B. LES DÉLÉGUÉES RÉGIONALES ONT PERDU LEUR VISIBILITÉ AU SEIN DE L’ADMINISTRATION 13

1. Le positionnement hiérarchique des déléguées régionales au sein du secrétariat général aux affaires régionales 14

2. L’intégration des délégations régionales dans les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale 15

3. Un recrutement sous l’autorité dominante du préfet de région jusqu’en 2012 18

4. Le rôle et les modalités d’action des déléguées régionales 18

C. LES CHARGÉS DE MISSION : UNE ARTICULATION COMPLEXE AVEC L’ÉCHELON NATIONAL ET RÉGIONAL 20

1. L’intégration du réseau départemental des droits des femmes dans les directions départementales interministérielles chargées de la cohésion sociale 20

2. Les modalités d’action du chargé de mission départemental 23

3. Le recrutement et la gestion des postes de chargé de mission départemental 24

D. LE DÉROULEMENT DE CARRIÈRE DES AGENTS DU RÉSEAU DOIT ÊTRE AMÉLIORÉ 25

1. Les effectifs du service des droits des femmes se composent en majorité d’agents contractuels 25

2. La spécificité de la fonction des agents du réseau est reconnue mais leur position hiérarchique et fonctionnelle les dessert à certains égards 26

3. Faciliter la mobilité des agents des services décentralisés, favoriser une titularisation conforme aux compétences et savoirs faire développés dans leur emploi 29

4. L’appellation des agents des deux niveaux d’administration déconcentrée doit être unifiée 33

E. REDONNER UNE VISIBILITÉ AUX DÉLÉGATIONS RÉGIONALES ET DÉPARTEMENTALES ET RÉTABLIR UNE MEILLEURE COMPLÉMENTARITÉ ENTRE ELLES 35

II.– DES MOYENS À CONSOLIDER, DES PRIORITÉS À AFFIRMER 38

A. UNE FAIBLE LISIBILITÉ DES CRÉDITS DU SERVICE DES DROITS DES FEMMES, DISPERSÉS ENTRE PLUSIEURS PROGRAMMES BUDGÉTAIRES 38

B. LES EMPLOIS DU SERVICE DOIVENT ÊTRE CONSOLIDÉS APRÈS LES ANNÉES DE RÉDUCTION 40

1. L’administration centrale se reconstitue avec quelques emplois supplémentaires 42

2. Le réseau déconcentré, affaibli depuis 2009, sera stabilisé pour trois ans 43

C. L’ÉVOLUTION DES CRÉDITS D’INTERVENTION TRADUIT LE NOUVEL ÉLAN DONNÉ À LA POLITIQUE DE L’ÉGALITÉ 44

1. L’évolution des crédits d’intervention sur la période 2006 à 2012 45

2. Une hausse des crédits en loi de finances initiale pour 2013 46

3. Le soutien du Fonds social européen, dans le cadre de la politique « Égalité des chances et de traitement » de l’Union européenne 49

D. LA DÉLÉGATION DES CRÉDITS VERS LES RÉGIONS, DE PLUS EN PLUS PRIORISÉE, MONTRE UNE RECENTRALISATION DE LA DÉFINITION DES ACTIONS 50

1. La forte priorisation par action des crédits délégués vers le niveau régional… 50

2. … peut être analysée comme une recentralisation excessive de l’action, limitant à l’extrême l’initiative du réseau « sur le terrain » 52

3. Quelle capacité pour les déléguées régionales d’utiliser leurs crédits pour mieux adapter les politiques aux territoires ? 53

4. Une visibilité insuffisante de l’action du réseau déconcentré en particulier dans les territoires ruraux 54

E. LA RÉPARTITION DES CRÉDITS AU NIVEAU DÉPARTEMENTAL 54

1. La répartition des crédits entre les départements soulève parfois des difficultés 54

2. Quelles relations avec les associations et quelle continuité des actions ? 55

III.– LES CHAMPS D’INTERVENTION DU SERVICE S’ÉLARGISSENT ET LES MÉTHODES D’ACTION DOIVENT ÉVOLUER 58

A. L’AFFIRMATION D’UNE DIMENSION INTERMINISTÉRIELLE ET TRANSVERSALE DE LA POLITIQUE DE L’ÉGALITÉ 58

1. L’ébauche d’une approche interministérielle plus systématique à partir de 2010 58

2. L’année 2012 marque une rupture avec une nouvelle impulsion donnée à la transversalité et l’interministérialité des actions 59

B. LES PLANS RÉGIONAUX STRATÉGIQUES : PRIVILÉGIER LES EXPÉRIENCES INNOVANTES ET FAIRE CONNAÎTRE LES BONNES PRATIQUES 60

C. L’ÉVOLUTION DES DOMAINES D’ACTION PRIVILÉGIÉS DU RÉSEAU DÉCONCENTRÉ : UN RÉÉQUILIBRAGE AU PROFIT DE L’EMPLOI ET DE L’ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE 63

1. La prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes : de nouvelles modalités d’action récemment décidées au plan national 63

2. L’éducation à l’égalité et à la vie affective et sexuelle : une action indispensable qu’il convient de relancer et de généraliser 64

3. Des missions renforcées dans le domaine de l’emploi et de l’égalité professionnelle 65

D. FACE AUX NOUVEAUX MODES D’ACTION, UN BESOIN DE REDÉFINITION DES COMPÉTENCES ET D’OUTILS RENFORCÉS 68

1. Le besoin d’une nouvelle circulaire actualisée à la suite des décisions prises par la ministre des Droits des femmes 68

2. Le besoin d’outils plus adaptés 69

E. QUELLE DÉMARCHE DE PERFORMANCE POUR LE SERVICE DES DROITS DES FEMMES ET DE L’ÉGALITÉ ? 70

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION 73

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES 84

PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE 88

COMPTES RENDUS DES AUDITIONS DE LA DÉLÉGATION 91

ANNEXE N°1 : INSTANCES AUXQUELLES DOIVENT PARTICIPER LES AGENTS-E-S EN CHARGE DE LA POLITIQUE DES DROITS DES FEMMES ET DE L’ÉGALITÉ 139

ANNEXE N°2 : CRÉDITS OUVERTS POUR LE PROGRAMME ÉGALITÉ ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES (2006-2012) 141

ANNEXE N°3 : NOTIFICATION POUR L’ANNÉE 2013 DES CRÉDITS DU PROGRAMME ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES 143

ANNEXE N°4 : PLAN RÉGIONAL STRATÉGIQUE 2012-2014 EN PROVENCE-ALPES-CÔTE-D’AZUR (EXTRAIT) 144

ANNEXE N°5 : PLAN RÉGIONAL STRATÉGIQUE 2012-2013 EN POITOU-CHARENTES (EXTRAIT) 146

ANNEXE 6 : PLAN RÉGIONAL STRATÉGIQUE 2012-2017 EN BASSE-NORMANDIE (EXTRAIT) 147

ANNEXE 7 : PLAN RÉGIONAL STRATÉGIQUE 2012-2017 EN BASSE-NORMANDIE (EXTRAIT) 148

ANNEXE 8 : PLAN RÉGIONAL STRATÉGIQUE 2012-2013 EN ÎLE-DE-FRANCE (EXTRAIT) 149

MESDAMES, MESSIEURS,

Pour la première année de cette législature, notre Délégation aux droits des femmes a souhaité examiner l’organisation du service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes, « chahuté » par cinq années de révision générale des politiques publiques (RGPP) de 2007 à 2012.

Au cours de la précédente législature, la Délégation alors présidée par Mme Marie-Jo Zimmermann s’était à plusieurs reprises inquiétée publiquement, à l’occasion de prises de position au sein de ses séances mais aussi lors de questions au Gouvernement, des effets néfastes de la RGPP. En effet, elle a eu de façon rapide et visible un impact sur l’efficacité du réseau des déléguées régionales et des chargés de mission départementaux  (1) : désorganisant un service fragile, elle a contribué à limiter leur action au gré de moyens qui se réduisaient. De plus, l’absence de ministre aux Droits des femmes de plein exercice dans les Gouvernements précédents n’aura pas permis de compenser cette érosion, faute d’impulsion politique réelle. Comme de nombreux autres élus, la Rapporteure a donc fait le constat sur le terrain que le réseau des déléguées régionales et chargés de mission départementaux y avait perdu en somme de sa visibilité et avait été par trop souvent la variable d’ajustement de la RGPP appliquée aux préfectures. Deux raisons organisationnelles précises étayent ce constat.

La première est que, depuis 2009, l’intégration des déléguées régionales aux secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR) a augmenté le risque d’affaiblissement de leur indépendance par rapport à l’administration déconcentrée. Les délégués départementaux ont été également dissociés de la hiérarchie du service des droits des femmes et placés sous l’autorité de la direction générale de la cohésion sociale. Il convient alors de s’interroger sur l’articulation de ces deux niveaux d’action faute de lien juridique entre eux : sont-ils complémentaires ou ont-ils tendance à coexister ?

La seconde est la diminution des ressources en personnel, non seulement avec le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, commun à la plupart des services de l’État, mais également par le non-remplacement de personnels mis à disposition. Or les équipes du réseau du droit des femmes ont toujours été restreintes, aussi peut-on se demander dans quelle mesure les missions peuvent être accomplies correctement lorsqu’il ne reste plus qu’une seule personne en place, d’autant plus que le champ de ces missions a été récemment accru, ce qui est par ailleurs une évolution positive.

La question du statut et celle également des moyens d’action sont centrales : permettent-ils aux déléguées et chargés de mission d’être suffisamment reconnues par l’administration régionale, par les services départementaux, par les associations et l’ensemble des citoyennes et des citoyens ?

La légèreté et la souplesse de son organisation en fait une administration de « missions » dont l’objet, à partir du diagnostic partagé sur les territoires (traduits en plans régionaux stratégiques), est de susciter des actions en lien avec les élus locaux, dont le rôle est déterminant, les associations qui connaissent le terrain, et l’ensemble des partenaires des politiques d’égalité (Éducation nationale, Justice, Police, Pôle Emploi notamment). Le budget du service des droits des femmes, même modeste, a un effet « levier » très important, y compris pour des financements européens. C’est pourquoi les coupes dans les crédits délégués au niveau régional, même si elles peuvent paraître minimes, mettent parfois en péril des actions qui demandent persévérance, continuité et visibilité.

Étudier l’organisation, les moyens et modes d’action du réseau conduit à observer les évolutions mises en place par le gouvernement de M. Jean-Marc Ayrault. La question qui sous-tend cette étude est la suivante : la Ministre en charge des Droits des femmes a-t-elle les moyens opérationnels d’une ambition forte, qui doit s’exprimer tant aux échelons centraux que régionaux et départementaux ?

Avec le nouveau Gouvernement mis en place en mai 2012, des signaux forts ont été envoyés : la constitution du premier Gouvernement paritaire de l’histoire de la République et le choix de nommer Mme Najat Vallaud-Belkacem Ministre des Droits des femmes de plein exercice (la première depuis Mme Yvette Roudy), ce dont beaucoup de députés se sont réjouis. Une nouvelle étape s’est ouverte dans la mise en œuvre de la politique de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Sous la précédente législature, l’absence d’un tel interlocuteur au sein du Gouvernement conduisait souvent les membres de la Délégation aux droits des femmes à constater que ce sujet n’était pas pris en considération. L’action des déléguées régionales et départementales devra assurément y gagner en visibilité et en légitimité.

La lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes est redevenue une priorité politique : dès cette année, des initiatives importantes ont été prises, comme l’obligation pour les projets de loi de comporter une étude d’impact sur les conséquences des dispositions proposées en matière de droit des femmes et d’égalité entre les sexes ; la nomination de hauts fonctionnaires à l’égalité entre les femmes et les hommes dans chaque ministère ; la réunion du comité interministériel aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes, le 30 novembre dernier, alors qu’il n’avait pas été réuni depuis douze ans.

Les études d’impact en particulier revêtiront une grande importance, car elles permettent d’anticiper les conséquences futures d’une loi sur les droits des femmes. Votre Rapporteure, comme d’autres membres de la Délégation, a constaté, lors de l’adoption de la loi sur les retraites, que le manque de vision à long terme peut entraîner des conséquences défavorables aux femmes et un effet contre productif de la législation. Dans cet exemple, l’effet défavorable n’avait pas été pris en considération malgré les mises en garde du Comité d’orientation des retraites et de la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale.

D’autres initiatives, comme le réseau des hauts fonctionnaires chargés de l’égalité entre les femmes et les hommes créé dans les administrations, la mise en place de référents aux différents niveaux déconcentrés, la formulation de « feuilles de route » par l’administration, sont également très positives.

La restauration d’un ministère a déjà eu des retombées concrètes pour le réseau : un arbitrage plutôt encourageant en ce qui concerne les crédits permettant au réseau de poursuivre sa mission, un « fléchage » des crédits par l’administration du Premier ministre permettant de mieux garantir leur utilisation par le réseau et non par d’autres services, le rétablissement des emplois dans l’administration centrale et la « sanctuarisation » des emplois du réseau au niveau actuel.

Ces mesures sont encourageantes, d’autant qu’elles s’ajoutent aux impulsions politiques essentielles déjà soulignées. Il faudra cependant d’autres consolidations pour compenser les diminutions de postes passées et pour que le réseau déconcentré du service des droits des femmes puisse fonctionner dans des conditions satisfaisantes. Mais il faudra aussi apporter des modifications plus substantielles à son organisation et à sa gestion des ressources humaines. Ce réseau souffre d’une cohésion insuffisante entre ses différents niveaux, tant sur le plan hiérarchique que fonctionnel, et a besoin d’une réelle reconnaissance pour que les politiques d’égalité voulues par le Gouvernement s’inscrivent fortement sur tous les territoires.

Elles se renforceront en outre elles-mêmes au contact des initiatives des collectivités territoriales, dont certaines ont développé des actions dynamiques et innovantes et des modalités exemplaires de prise en charge des personnes concernées par les actions du réseau, ainsi dans le cas des violences faites aux femmes mais en bien d’autres domaines également.

En s’appuyant sur les nombreuses auditions qu’elle a conduites, et sur les enquêtes réalisées auprès des acteurs et actrices du réseau au niveau central, régional et départemental, la Délégation aux droits des femmes a émis vingt-et-une recommandations structurant le présent rapport, s’inscrivant dans une logique contributive : les propositions opérationnelles du législateur dans sa mission de contrôle et d’évaluation doivent permettre au Gouvernement de conduire avec plus d’efficacité sa politique d’instauration de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

I.– LE RÉSEAU DU DROIT DES FEMMES A VU SON CADRE JURIDIQUE BOULEVERSÉ PAR LA RGPP

La révision générale des politiques publiques (RGPP), lancée en juillet 2007, a modifié considérablement le cadre juridique et le fonctionnement de l’ensemble du service du droit des femmes, du positionnement de son administration centrale à celui des déléguées régionales et des chargées de mission départementales.

L’historique des structures en charge des droits des femmes et de l’égalité remonte à 1965, date de la création du Comité d’étude et de liaison des problèmes du travail féminin. Ensuite, le champ de compétence de ces structures a été élargi à tous les domaines de la vie des femmes, avec la création par Valéry Giscard d’Estaing, en 1974, du secrétariat d’État à la Condition féminine placé auprès du Premier ministre, alors confié à Françoise Giroud. C’est à partir de cette date qu’ont été nommées les premières déléguées régionales.

La grande étape suivante est l’institution par François Mitterrand, en 1981, d’un ministère des Droits de la femme de plein exercice. Dirigé par Yvette Roudy, ce ministère aura sous son autorité, à partir de 1984, le service chargé des droits des femmes ainsi que les déléguées régionales et les chargées de mission départementales.

Votre Rapporteure examinera d’abord le positionnement du service central des droits des femmes avant de se pencher sur la situation de son réseau déconcentré au niveau régional, puis départemental. Enfin, seront évoqués les problèmes transversaux que rencontre le service dans son ensemble.

A. UNE ADMINISTRATION CENTRALE AU POSITIONNEMENT COMPLEXE

Le positionnement initial du service central, des déléguées régionales et départementales, sous l’autorité de la ministre des Droits de la femme avait donné une impulsion volontariste à cette jeune administration ainsi qu’une forte cohérence. Les personnels étaient néanmoins rattachés pour leur gestion aux services du Premier ministre puis au ministère des Affaires sociales et de l’emploi.

Ce volontarisme et cette clarté se sont malheureusement dilués à partir de 1991, alors que le service était successivement rattaché à différents ministères. Un comité interministériel chargé de l’action pour les femmes avait été institué en 1978, élargi dans ses compétences en 1982, puis supprimé en 1998.

1. La RGPP a privé le service du droit des femmes de sa visibilité et de son autonomie

Les modifications décidées dans le cadre de la RGPP ont été effectuées en deux étapes.

La première est la suppression très regrettable, en avril 2008, du centre de documentation du service des droits des femmes, qui abritait un fonds documentaire constitué depuis 1965, contre laquelle les organisations syndicales du service avaient fortement protesté. La seconde est le rattachement du service lui-même à la direction générale de la cohésion sociale lors de la création de celle-ci en janvier 2010, effectuée par le décret n°2010-95 du 25 janvier 2010 relatif à l’administration centrale des ministères chargés des affaires sociales et portant création d’une direction générale de la cohésion sociale (DGCS).

Le service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes (SDFE) devient l’un des trois services de la DGCS. Il perd donc son autonomie et plusieurs de ses fonctions qui sont mutualisées au sein de la direction générale : la communication, les affaires européennes et internationales, la recherche et les statistiques et surtout la gestion de ses ressources humaines.

Parmi les conséquences de cette nouvelle organisation, celle qui suscite le plus d’interrogations est la disparition du lien juridique avec le réseau déconcentré, ne laissant qu’un « lien moral », selon les propres termes employés par M. Fabrice Heyriès, le directeur général de la Cohésion sociale nouvellement nommé, lors de la journée nationale du service des doits des femmes et de l’égalité, le 1er février 2010.

Au cours de son audition par la Délégation, le 23 octobre dernier, Mme Sabine Fourcade, actuelle directrice générale de la Cohésion sociale, a présenté le fonctionnement de la direction générale et la place du SDFE en son sein.

En effet la direction générale, qui est interministérielle, est placée sous l’autorité de plusieurs ministres en fonction des questions qu’elle traite : tantôt la ministre des Affaires sociales et de la santé et ses ministres déléguées, tantôt la ministre des Droits des femmes, tantôt le ministre de l’Économie sociale et solidaire, tantôt la ministre de l’Égalité des territoires et du logement.

Ainsi que l’a précisé Mme Sabine Fourcade, la direction générale est organisée pour que chaque action soit conduite sous l’autorité du ministre qui en assure le pilotage politique et pour que tous les sujets soient traités de manière cohérente entre eux.

Pour ce qui concerne son action en matière de droits des femmes et d’égalité, ses missions principales, ainsi que l’a souligné la directrice générale, consistent à « promouvoir l’égalité réelle, notamment par la déconstruction des stéréotypes, et le développement des potentialités de chacun selon ses capacités, notamment par le moyen de l’égalité professionnelle, et à protéger les plus vulnérables, par la lutte contre les violences par exemple ».

2. Le rôle de pilotage de la politique de l’égalité a été confié à la direction générale de la Cohésion sociale

La création de la direction générale de la Cohésion sociale avait pour objectif d’assurer la coordination entre les différentes politiques qui concourent à la démarche globale d’égalité des chances entre les femmes et les hommes, que ces politiques visent plus particulièrement les droits des femmes, la famille, le logement, le développement économique, notamment.

En sa qualité de déléguée interministérielle aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes, la directrice générale de la Cohésion sociale impulse et suit la politique d’égalité au niveau interministériel et s’assure de sa prise en compte par l’ensemble des ministères. Le service des droits des femmes et de l’égalité, service dédié à cette politique, en assure le pilotage au sein de la direction générale.

La directrice générale peut être également, ainsi qu’elle l’a déclaré devant la délégation, l’interlocutrice des directeurs d’administration centrale pour évaluer la mise en œuvre de la politique de l’égalité entre les hommes et les femmes.

Les divergences pouvant apparaître entre les ministres devraient être résorbées et les blocages être évités par le fait de recourir à une même administration : les phénomènes de concurrence entre les services sont ainsi éliminés et les ministres disposent d’éléments d’information communs présentant l’ensemble des aspects à prendre en considération.

Le positionnement de ce directeur général – ou directrice – est cependant particulièrement complexe, puisque dans la configuration du gouvernement actuel, il est placé sous l’autorité de huit ministres ou ministres délégués.

La pratique des dernières années ne semble pas lui avoir donné par sa seule position l’autorité nécessaire pour mener à bien la mission d’impulsion et de coordination, probablement faute d’une priorité édictée au niveau politique. Un exemple en est donné par l’absence de réunion du comité interministériel aux droits des femmes et à l’égalité pendant douze années.

Il faut espérer que l’initiative émanant dorénavant de la ministre des Droits des femmes permettra de donner une impulsion plus visible à la politique de l’égalité et de surmonter un positionnement qui peut paraître difficile en termes d’autorité et peu confortable, pour un service peu étoffé, placé, au sein de la direction générale de la cohésion sociale, entre des sous-directions (pauvreté, enfance et famille, autonomie) aux effectifs plus nombreux, et de plus sans lien juridique avec ses agents déconcentrés.

Le service des droits des femmes et de l’égalité est animé par sa cheffe, placée sous l’autorité hiérarchique du directeur général de la Cohésion sociale.

On peut s’interroger sur la logique qui a présidé à ce que ce soit la personne en charge de la direction générale qui soit en même temps déléguée interministérielle aux droits des femmes et non la chef du service des droits des femmes elle-même. Ce cumul des deux qualités sur la même tête avait pourtant été prévu dans la définition du poste alors vacant de chef du service des droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes, parue au Journal officiel le 18 mars 2009.

L’organigramme de la direction générale de la Cohésion sociale, joint en annexe au présent rapport, met en évidence que le service est peu visible au sein du vaste ensemble de services que constitue cette direction générale. Seul un ministère des Droits des femmes déterminé et engagé peut faire exister pleinement ce service, fragilisé à plusieurs égards par la réorganisation de 2009.

La disparition de ce « lien moral » entre le service central et le réseau déconcentré, le premier n’ayant aucune prise sur le second, a affaibli sa capacité d’impulsion et donc son efficacité. Il convient de rétablir entre les différents niveaux d’administration du service un lien qui peut être celui d’une implication plus forte de la responsable du service dans les nominations, les renouvellements de contrat des agents non titulaires, les mobilités et les promotions, ainsi qu’un rôle dans la gestion des primes attribuées aux agents.

Recommandation n°1 : le service central des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes doit retrouver sa visibilité au sein de l’administration et sa responsabilité interministérielle. Sa responsable doit regagner un rôle dans la gestion des ressources humaines, pour ce qui concerne les nominations, la mobilité et les promotions. Cette implication est essentielle pour assurer la cohérence de l’action de l’échelon central jusqu’à l’échelon départemental.

B. LES DÉLÉGUÉES RÉGIONALES ONT PERDU LEUR VISIBILITÉ AU SEIN DE L’ADMINISTRATION

Depuis 1974, les déléguées régionales, sous l’autorité de leur chef de service, étaient placées dans le cabinet du préfet de région, où elles travaillaient à la fois avec le secrétaire général aux affaires régionales et le directeur de cabinet du préfet.

La circulaire du 2 février 2001 (2) prévoyait que « les délégué(e)s régionaux (ales)et les chargé(e)s de mission départementaux (ales) sont placés sous l’autorité hiérarchique directe respectivement du préfet de région et du préfet de département ». Ils étaient rattachés fonctionnellement au cabinet du préfet.

La circulaire demande aux préfets que l’implantation de leurs locaux leur permette d’exercer leurs missions dans des conditions satisfaisantes, dans la proximité géographique des préfets. Selon les indications recueillies auprès des déléguées ayant une certaine ancienneté, le secrétaire général aux affaires régionales avait déjà une place importante dans le dispositif et en pratique, les déléguées lui communiquaient des indications sur le travail mené au niveau régional.

1. Le positionnement hiérarchique des déléguées régionales au sein du secrétariat général aux affaires régionales

En même temps que s’élaborait la réorganisation du service central décrite plus haut, le décret du 25 mai 2009 relatif aux missions des secrétaires généraux pour les affaires régionales (SGAR) modifiait l’organisation du service en région en disposant que le délégué régional aux droits des femmes et à l’égalité assiste le secrétaire général, sous l’autorité duquel il est placé. Le décret positionne également auprès du SGAR son adjoint, les chargés de mission auprès du SGAR et le délégué régional à la recherche et à la technologie.

Ce positionnement est précisé par l’instruction du Gouvernement du 5 août 2011, signée par Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des Solidarités et de la cohésion sociale : « les délégués régionaux sont affectés administrativement, pour ordre, à la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) et sont fonctionnellement mis à la disposition des SGAR. Ils ou elles relèvent d’une gestion administrative assurée par la DRJSCS ».

Les déléguées et leurs équipes, lorsqu’elles en ont, sont donc des agents du ministère social en charge des droits des femmes et de l’égalité, ou des agents mis à disposition par d’autres départements ministériels ou par un établissement public. Le réseau a d’ailleurs subi les conséquences de cette organisation car plusieurs administrations d’origine ont mis fin à la mise à disposition de leur agent sous la pression du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Ce positionnement est différent en Outre-mer. Ainsi par exemple en Martinique, la déléguée se trouve fonctionnellement au sein du pôle des chargés de mission de la Délégation à l’aménagement du territoire, et relève administrativement de la secrétaire générale adjointe de préfecture, également sous-préfète de la cohésion sociale.

La présidente de l’association des déléguées régionales, Mme Françoise Kieffer, a fait part de la satisfaction des déléguées quant à leur intégration au sein des secrétariats généraux pour les affaires régionales, l’estimant de loin préférable à une intégration au sein des directions régionales de la Jeunesse et des sports et de la cohésion sociale, qui avait été un temps évoquée, et qui n’aurait pas été, selon elle, adaptée à la dimension interministérielle que doit prendre cette politique. Les capacités d’intervention en auraient été forcément limitées.

La place des déléguées au sein d’une équipe, avec les chargés de mission du secrétaire général, lui semble notamment un élément intéressant.

Néanmoins ceux qui ont connu le positionnement antérieur peuvent estimer qu’il conférait aux déléguées une latitude et une marge de manœuvre et une visibilité supérieures à leur actuel statut. Cet inconvénient en termes d’impulsion de l’action régionale et d’autonomie peut être compensé dans le cas d’une volonté politique forte au niveau gouvernemental, mais la lutte pour les droits des femmes et l’égalité y perd du terrain lorsque ce n’est pas le cas.

Recommandation n°2 : procéder, dans le cadre de la future modernisation de l’action publique, à une révision de l’organisation territoriale du service des droits des femmes et de l’égalité telle qu’elle résulte de la réorganisation de l’administration territoriale (RÉATE). Cette révision doit avoir pour objectif de redonner au réseau déconcentré du service une visibilité et une légitimité lui permettant de mieux exercer ses missions interministérielles et transversales, et de voir son efficacité ainsi renforcée.

2. L’intégration des délégations régionales dans les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale

L’organisation des niveaux déconcentrés du service des droits des femmes a été profondément modifiée dans le cadre de la RéATE, réforme de l’échelon régional et de l’échelon départemental du réseau déconcentré, conduite à partir de 2008.

La RéATE, pilotée par le secrétariat général du Gouvernement, devait, selon la circulaire du premier ministre du 7 juillet 2008, préserver la « logique verticale » ministérielle au niveau régional. Cependant les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) sont interministérielles, de même que par exemple les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE).

La réforme a opéré la reconfiguration des services placés sous l’autorité du préfet, en fonction des politiques auxquelles ils concourent. Les objectifs recherchés étaient la lisibilité de l’action de l’État, notamment vis-à-vis des collectivités territoriales, la mutualisation de certaines compétences techniques ainsi que des économies sur les fonctions support et sur l’immobilier. En conséquence, l’ensemble des services de l’État ont été diminués de dix-huit à huit au niveau régional et de treize à quatre ou cinq au niveau départemental.

L’autonomie du service de la déléguée régionale (la délégation régionale aux droits des femmes et à l’égalité) a disparu dans ce mouvement, comme celle de beaucoup de services régionaux.

L’implication du préfet de région dans la politique interministérielle de l’égalité est variable. Certaines déléguées régionales indiquent bénéficier de toute leur autonomie pour concevoir les actions et les mettre en œuvre : elles se réfèrent au SGAR pour le budget et soumettent au préfet de région toutes les prises de décision porteuses d’enjeux. L’une des déléguées interrogées indique par exemple transmettre une cinquantaine de notes par an au préfet, afin de bénéficier de son soutien ; les préfets successifs ont toujours témoigné de leur soutien et, notamment, été présents pour les signatures de protocoles d’accord.

Les postes des déléguées régionales dépendent de la DRJSC en ce qui concerne la gestion des ressources des ressources humaines (salaires, attribution de primes, congés maladie, compte-épargne-temps), les crédits correspondant se trouvant sur le budget opérationnel de programme des ministères sociaux. Les conséquences de cette intégration seront développées plus loin, mais il sera souligné ici que les déléguées régionales sont loin des décisions prises à leur encontre, et que beaucoup d’entre elles ont le sentiment qu’elles ne sont pas prises à leur avantage. Il est certain qu’il y a un manque de cohérence lorsque un agent dépend hiérarchiquement d’une autorité (SGAR) et que les décisions de gestion des ressources humaines sont prises par une autre autorité qui n’a aucun lien hiérarchique (DRJSCS), et qui n’interroge pas toujours la première avant de prendre les décisions en question.

Cette incohérence conduit à penser qu’une partie de la gestion des ressources humaines devrait être confiée au niveau central.

Recommandation n°3 : donner une plus grande visibilité aux déléguées régionales en les plaçant auprès du préfet de région, ce qui renforcera leur légitimité pour la dimension transversale de leur action, et leur permettra de développer des synergies avec tous les services de l’État et avec les collectivités territoriales.

Le schéma suivant traduit cette réorganisation et montre l’intégration des services régionaux et départementaux des droits des femmes dans les directions interministérielles. Il démontre surtout que, si les niveaux déconcentrés du service apparaissaient dans le premier organigramme (DRDFE et DDDFE), ils ont disparu dans le second, illustrant la perte de visibilité actuelle des déléguées régionales et des chargés de mission départementaux, tant au sein de l’administration que surtout, aux yeux des citoyens.

ORGANISATION DES SERVICES TERRITORIAUX CIVILS DE L’ÉTAT,
AVANT ET APRÈS LA RÉATE

Source : DGME – juin 2008, repris dans le rapport « Bilan de la RGPP et conditions de réussite d’une nouvelle politique de réforme de l’État », présenté le 12 septembre 2012 par trois services d’inspection générale de l’État.

3. Un recrutement sous l’autorité dominante du préfet de région jusqu’en 2012

L’article 9 du décret du 25 mai 2009 précise, par renvoi à l’article 6, que peuvent être nommés dans l’emploi de délégué régional les fonctionnaires de catégorie A ou assimilés, les magistrats, les officiers ainsi que des agents contractuels d’un niveau équivalent. En outre, les candidats doivent détenir des compétences ou une expérience dans des domaines utiles à la promotion des droits des femmes et de l’égalité.

Les postes de déléguées régionales sont des « postes à profil », de même que ceux des chargés de mission départementaux : ils appellent une connaissance des législations relatives à la parité et à l’égalité entre les femmes et les hommes et un réel engagement personnel, dans la mesure où les personnes qui les occupent ne voient guère jusqu’à présent leur mobilité et leur carrière renforcées à la suite de leur expérience dans le réseau des droits des femmes. Il est indispensable, et votre Rapporteure y reviendra, que la tâche exigeante des déléguées, qui a été décrite, soit mieux reconnue à l’avenir et leur donne accès à une formation professionnelle améliorée.

L’expérience des parlementaires et les informations recueillies pour le présent rapport tendent à montrer une forte implication du préfet, qui fait un choix entre les candidatures. La candidature sélectionnée doit ensuite être validée par la cheffe du service des droits des femmes, qui peut s’opposer à une candidature. L’existence d’une ministre des Droits des femmes entraîne depuis 2012 une validation par le cabinet ministériel lui-même. La nomination à l’emploi est ensuite prononcée par arrêté du ministre chargé des Droits des femmes pour une durée de trois ans.

Il serait souhaitable de rééquilibrer la prééminence donnée au préfet dans la sélection des candidatures par un rôle plus actif de la cheffe du service, en lui permettant de choisir la candidature sur une liste proposée par le préfet.

Recommandation n°4 : donner à la cheffe du service des droits des femmes la possibilité de choisir la déléguée régionale à nommer sur la liste des candidatures sélectionnées par le préfet de région.

4. Le rôle et les modalités d’action des déléguées régionales

Le chapitre IV du décret du 25 mai 2009 décrit la mission du délégué régional comme « chargé de développer, au niveau régional, la prise en compte des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’ensemble des politiques de l’État et de mener toutes les actions nécessaires à cette fin auprès des collectivités territoriales, des organismes socio-économiques et des associations. »

Le décret indique également que le délégué régional « anime et coordonne » le réseau des chargés de mission départementaux aux droits des femmes et à l’égalité, placés sous l’autorité des préfets.

L’instruction du 5 août 2011 (voir ci-dessus) leur confie une mission de veille, d’expertise, d’ingénierie, d’animation et de coordination des différents acteurs locaux. Ils « promeuvent, développent et contribuent » à la mise en œuvre de l’ensemble des politiques publiques en faveur de l’égalité dans l’ensemble des politiques publiques locales. En outre, ils sont chargés du repérage d’actions innovantes et du partage des bonnes pratiques.

Les modalités d’action des délégués comportent tout d’abord l’élaboration du Plan régional stratégique en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, définissant des actions concrètes (avec des engagements quantifiés et mesurables) sur les thématiques abordées dans le rapport. La plupart de ces plans sont aujourd’hui élaborés : leur teneur sera examinée dans la troisième partie du présent rapport.

Les déléguées animent le réseau des correspondant-e-s « égalité entre les femmes et les hommes » mis en place auprès de chaque partenaire et coordonnent – sous couvert des directeurs départementaux – l’action des chargés de mission départementaux de la région.

L’instruction de 2011 inclut un apport très positif, à savoir la liste des instances régionales auxquelles la déléguée régionale participe pour la bonne exécution de sa mission. Cette liste, annexée pour information au présent rapport, permet d’assurer la présence de la déléguée régionale dans les enceintes relatives à l’emploi, à l’apprentissage et à la formation professionnelle, à l’insertion des populations immigrées, à la programmation des fonds structurels européens, à la santé publique, à la création et au développement des entreprises, au contrat de projet État-région et au pilotage du contrat urbain de cohésion sociale.

Cette liste donne à toutes les déléguées des moyens d’information et d’intervention dans les principales enceintes de concertation et de pilotage régionales, et évite que la possibilité d’y participer soit liée à la bonne volonté du préfet ou à la capacité d’initiative personnelle de la déléguée.

Enfin, la déléguée propose au préfet de région la programmation des crédits mis à disposition par le ministère en charge des droits des femmes. Cette proposition s’effectue sous l’autorité du SGAR et en principe en concertation avec les chargés de mission départementaux. Elle veille ensuite à l’exécution des engagements de crédits.

La mission incombant aux déléguées est très exigeante : le succès de leur action sur le terrain dépend du réseau partenarial qu’elles auront su établir tant avec les autres administrations qu’avec les collectivités et les entreprises, notamment, pour convaincre les partenaires de mettre en place les actions et aussi de les financer, compte tenu de la modicité des crédits qu’elles peuvent engager.

Il apparaît aujourd’hui que les missions, les modalités d’action et l’autorité des déléguées régionales devront être mieux définis, car, comme il sera dit plus loin, leur champ d’action est élargi en direction de l’emploi et du travail par exemple, et suppose de nouvelles méthodes d’action.

C. LES CHARGÉS DE MISSION : UNE ARTICULATION COMPLEXE AVEC L’ÉCHELON NATIONAL ET RÉGIONAL

Après l’analyse du niveau central et du niveau régional du service des droits des femmes, l’on s’intéressera à son organisation au niveau départemental.

Ainsi que nous l’avons vu, les délégués départementaux aux droits des femmes (ainsi nommés à l’origine) étaient dans un premier temps totalement intégrés dans la hiérarchie du service des droits des femmes et sous l’autorité de sa cheffe.

La réorganisation de l’administration territoriale (RéATE), conduite à partir de 2008, a porté ses effets également au niveau départemental, avec la création des directions départementales interministérielles. Le positionnement des chargés de mission départementaux du service des droits des femmes qui en est issu et totalement différent ; s’y est ajoutée la rupture du lien juridique entre le service central et le réseau déconcentré, dont votre Rapporteure a rappelé les circonstances.

En conséquence de ces deux réformes, ni le service central, ni la déléguée régionale n’ont aujourd’hui de pouvoir hiérarchique sur les chargés de mission départementaux en poste dans les régions. Les chargés de mission départementaux dépendent hiérarchiquement du directeur départemental de la Cohésion sociale. La déléguée régionale étant sous l’autorité du SGAR et dépendant pour la gestion des ressources humaines des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS), il apparaît que les uns et les autres sont positionnés auprès d’entités administratives très distinctes, sans complémentarité.

1. L’intégration du réseau départemental des droits des femmes dans les directions départementales interministérielles chargées de la cohésion sociale

La création des directions départementales interministérielles (DDI), par le décret du 3 décembre 2009 (3), a constitué un changement considérable : ce sont des services fusionnant différents services déconcentrés de l’État, relevant du Premier ministre, et placés sous l’autorité du préfet de département.

En particulier, l’article 4 du décret indique que la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) est compétente en matière de politiques de cohésion sociale et de politiques relatives à la jeunesse, aux sports, à la vie associative et à l’éducation populaire. À ce titre, elle « met en œuvre dans le département les politiques relatives (…) aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes ».

Avant même l’intégration officielle du service des droits des femmes à la Direction générale de la cohésion sociale, la création des DDI s’est traduite pour le réseau par l’intégration des délégations départementales au sein d’une direction départementale de la Cohésion sociale (DDCS) ou d’une direction départementale de la Cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) selon les configurations départementales. Il est vrai que le Service des droits des femmes et de l’égalité avait déjà été placé à plusieurs reprises sous l’autorité de ministres des Affaires sociales. Mais ce choix aurait pu être autre : ainsi certaines déléguées départementales ont observé qu’il apparente la thématique « femmes » au social, alors qu’on aurait pu l’apparenter à l’égalité professionnelle et à l’insertion professionnelle en positionnant les chargés de mission auprès des directions responsables du travail et d’emploi.

Les chargés de mission départementaux sont rattachés directement au directeur départemental de la Cohésion sociale afin de préserver le caractère interministériel de leur fonction, selon les termes de l’instruction précitée du 5 août 2011.

Ils sont chargés de la mise en œuvre départementale de la politique publique des droits des femmes et de l’égalité sur l’ensemble des champs, à l’exclusion de toute autre mission. Ils sont membres du réseau régional des chargés de mission, piloté et animé par les délégués régionaux. Leur rôle est précisé par l’instruction de 2011 : il s’agit d’une mission de veille, d’expertise, d’ingénierie, d’animation et de coordination des acteurs départementaux.

Le positionnement décidé en 2009 pour les chargés de mission départementaux a suscité des interrogations : notre Délégation aux droits des femmes, par la voix de sa présidente Marie-Jo Zimmermann et de Mme Pascale Crozon, s’était alors exprimée en faveur du positionnement de l’équipe des droits des femmes auprès des préfets ; cette solution n’a pas été retenue.

L’organisation actuelle pose des difficultés en ce qui concerne l’articulation entre les deux niveaux d’administration territoriale, car le lien hiérarchique des chargés de mission n’est plus le service des droits des femmes ou la ministre des Droits des femmes, mais la direction départementale interministérielle (DDI) de la Cohésion sociale. Cette question très importante a retenu l’attention de la Rapporteure et sera abordée plus longuement plus loin.

Cette organisation pose aussi une difficulté en ce qui concerne le champ d’action des chargés de mission. En effet, les directions départementales interministérielles restent dans le champ de regroupement des anciennes directions ministérielles et n’ont pas pour vocation d’exercer leur action dans tout le champ de l’interministérialité. Les chargés de mission n’ont pas de relation avec les autres directions ministérielles et ont en conséquence perdu en visibilité et en capacité d’initiative en comparaison avec la période où ils étaient positionnés auprès du préfet de département. Leur visibilité extérieure et leur capacité d’initiative est aujourd’hui liée à l’engagement et au volontarisme plus ou moins réel de leur directeur.

Comme l’observe l’Association des délégué-e-s départementales, ce positionnement dans les DDCS rend plus difficile la mobilisation des partenaires pour la politique qu’ils ont à servir, car elle dépasse largement le champ du social. Les autres liens à nouer, avec les cabinets des préfets, les DIRECCTE, les inspections académiques ou les parquets « se limitent à la bonne ou moins bonne volonté des personnes, et ne peuvent s’appuyer sur une légitimité institutionnelle ». Peu de délégués départementaux ont un accès régulier au préfet et les rencontres tripartites impliquant le préfet, le directeur départemental et le chargé de mission départemental ne semblent pas prendre place de manière régulière.

Toutefois, le positionnement fonctionnel des chargés de mission dans les DDCS présente des avantages ; cette intégration a créé une « affiliation », et a inscrit les chargés de mission dans les services, les moyens et l’action sociale de proximité. Ce montage fonctionnel, aujourd’hui stabilisé, pourrait être préservé en cas de changement de positionnement hiérarchique.

Recommandation n°5 : placer les chargés de mission départementaux sous l’autorité directe du préfet de département, pour renforcer la transversalité de leur action et la cohérence des actions au sein d’une même région. Leur positionnement fonctionnel au sein de la direction départementale de la Cohésion sociale peut être maintenu.

Le positionnement hiérarchique auprès du préfet aurait l’avantage d’éviter que des chargés de mission départementaux ne consacrent une partie de leur temps à des tâches confiées par la direction départementale de la Cohésion sociale, ce qui se produit parfois. Les chargés de mission doivent consacrer toute leur activité aux tâches qui leur incombent au titre de la promotion des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes. En outre, le circuit de l’information et de la décision allant du service des droits des femmes, par le préfet, vers les chargés de mission, en serait simplifié, le directeur départemental pouvant cependant être destinataire pour information.

2. Les modalités d’action du chargé de mission départemental

Les chargés de mission départementaux doivent contribuer à l’élaboration, à la déclinaison et à la mise en œuvre du plan régional stratégique en faveur de l’égalité, en suscitant des partenariats avec l’ensemble des acteurs locaux, y compris les acteurs socio-économiques comme les entreprises, les chambres consulaires, les branches professionnelles ou les partenaires sociaux.

Ils doivent être consultés pour la programmation des crédits dans le cadre du dialogue de gestion et instruisent les dossiers de demande de subvention dans leur département.

De même que pour les déléguées régionales, l’instruction de 2011 a dressé en annexe la liste des instances départementales auxquelles les chargés de mission doivent participer pour la bonne exécution de leurs missions. Ces instances concernent les domaines de l’emploi, de la prévention de la délinquance, l’aide aux victimes et la lutte contre la drogue, la sécurité, l’égalité des chances et la citoyenneté, la prévention des expulsions, l’insertion et la création d’entreprises, le sport, notamment. L’énumération de ces nombreux domaines met bien en exergue le caractère réducteur du positionnement des chargés de mission départementaux au sein des directions départementales de la Cohésion sociale et témoigne de compétences bien au-delà de ce champ d’action.

Les chargés de mission ont tissé des réseaux associatifs et interprofessionnels dans les départements, afin de construire des partenariats locaux. Ils tiennent aujourd’hui à les préserver, craignant qu’ils ne s’affaiblissent avec la montée en charge des plans stratégiques régionaux. Pour lever cette appréhension, les plans stratégiques, dans leur élaboration, leurs choix prioritaires, leur mise en œuvre, doivent faire l’objet d’échanges entre les deux niveaux du réseau.

L’appréciation sur la manière dont les agents du SDFE sont associés aux autres administrations varie selon les personnes : si certains estiment fructueuse l’association de représentants du réseau à différentes enceintes et conférences de concertation et d’élaboration des politiques (intervenant en général dans les champs sociaux), d’autres sont plus circonspects quant à cette association, considérant la difficulté au jour le jour d’obtenir des financements sur les actions proposées, qui souvent ne trouvent pas ou plus de concrétisation faute de moyens.

Comme les déléguées régionales, les chargés de mission ont vu leurs missions s’élargir et évoluer. Leurs modes d’intervention gagneraient à être mieux définis et mieux articulés, afin de sécuriser ces interventions. Les méthodes pourraient en être précisées dans certains domaines d’action comme les violences ou la prostitution, afin de conforter les chargés de mission dans les actions qu’ils peuvent entreprendre.

Recommandation n°6 : définir plus précisément les modes et méthodes d’intervention des chargés de mission départementaux dans leurs domaines d’action privilégiés, afin de sécuriser leur action vis-à-vis de leur hiérarchie et des autres administrations et leur éviter d’éventuelles mises en cause.

3. Le recrutement et la gestion des postes de chargé de mission départemental

Depuis la réorganisation de l’administration territoriale (RÉATE) mise en œuvre à partir de 2008, la gestion des ressources humaines incombe à la direction de l’administration générale et de la modernisation des services des ministères chargés des Affaires sociales ; la gestion budgétaire des personnels est effectuée par la sous-direction des affaires financières de la direction générale de la Cohésion sociale ou la direction des affaires financières des ministères chargés des Affaires sociales.

La manière dont la cheffe du service des droits des femmes est associée au recrutement des déléguées régionales a été décrite. Son intervention est encore plus réduite pour la gestion des ressources humaines au niveau départemental : elle ne nomme donc plus aux postes, ne peut ni décider le renouvellement d’un contrat, pas plus que de mettre fin à un contrat.

Le recrutement n’a pas cependant pas été déconcentré, car la direction générale de la Cohésion sociale a souhaité garder la responsabilité du recrutement et « veiller à la qualité des personnels affectés à ces postes », ainsi que l’a précisé Mme Sabine Fourcade, directrice générale, soulignant qu’il arrive qu’un candidat ne présentant pas un profil adapté soit écarté.

Si la cheffe du service est tenue informée des recrutements, il apparaît là encore que cette responsable de la mise en œuvre des choix politiques ministériels et de l’efficacité de l’action du réseau dans son entier devrait avoir une prééminence dans les décisions importantes relatives aux nominations, à la mobilité, les promotions et les fins de contrat.

Comme cela a déjà été indiqué au sujet des déléguées régionales, la gestion de proximité des ressources humaines relève aujourd’hui des plates-formes régionales des directions régionales de la Jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (les DRJSCS). L’impératif de mutualisation et d’efficacité qui a présidé à ce regroupement est bien compréhensible, néanmoins il présente des inconvénients auxquels il faut remédier.

Ainsi, les agents du réseau des droits des femmes constatent un manque de considération, de la part des gestionnaires de ces plates formes, pour leur travail et leur engagement accru à la suite de l’extension des champs d’intervention et de la raréfaction des personnels : la gestion des primes en particulier leur semble défavorable et peu adaptée – il en est ainsi, par exemple, de l’attribution des reliquats de prime fonctionnelle de déléguée régionale et de chargé de mission départemental.

L’impératif d’efficacité souligné plus haut conduit à redonner à la cheffe du service la main sur les éléments principaux de la gestion des ressources humaines tant pour son service central que pour son réseau déconcentré. Les moyens humains et matériels de cette gestion peuvent demeurer dans leur positionnement actuel.

Recommandation n°7 : redonner à la cheffe du service des droits des femmes une implication dans la gestion des ressources humaines en ce qui concerne les nominations aux postes de chargés de mission départementaux, en ce qui concerne leurs primes, leur mobilité, leur promotion ou la fin de leur contrat.

Votre Rapporteure abordera dans la deuxième partie du présent rapport la question des moyens du service à ses différents niveaux. Elle indiquera les conditions minimales en termes de personnels pour un fonctionnement correct du réseau.

D. LE DÉROULEMENT DE CARRIÈRE DES AGENTS DU RÉSEAU DOIT ÊTRE AMÉLIORÉ

La situation indemnitaire des déléguées régionales et des chargés de mission départementaux est conforme à celle des agents des ministères sociaux, et reconnaît en outre leur spécificité avec une indemnité de fonction spécifique, en revanche, le déroulement des carrières est difficile et suscite des déceptions chez des personnes qui se sont investies de manière courageuse et volontaire dans une mission délicate à exercer.

La mobilité et les promotions posent des difficultés, et les agents ne se sentent pas soutenus ni valorisés par rapport aux autres agents ayant exercé leur fonction dans des services plus nombreux et plus visibles. De même, les modalités de la titularisation ouverte par la loi relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, dite « loi Sauvadet », font encore débat.

1. Les effectifs du service des droits des femmes se composent en majorité d’agents contractuels

Les effectifs du service des droits des femmes se composent d’agents contractuels, traditionnellement les plus nombreux (56,1 %), et d’agents titulaires (43,9 %). Dans ces deux catégories une partie des agents sont mis à disposition par d’autres administrations ou organismes publics : ces mises à disposition ne concernent plus que huit personnes actuellement, car leurs services d’origine ont mis fin à cette pratique sous l’effet de la tension des effectifs.

SERVICE DES DROITS DES FEMMES ET DE L’ÉGALITÉ
EFFECTIFS PHYSIQUES SELON LES STATUTS (ANNÉE 2012)

 

Catégorie A

Catégorie B

Catégorie C

Agents mis à

disposition

TOTAL

Administration centrale

       

39

Contractuels

13

0

0

 

13

Titulaires

13

6

7

 

26

Administration déconcentrée

       

148

Contractuels

80

8

0

4

92

Titulaires

33

9

10

4

56

Total

139

23

17

8

187

En pourcentage

74,3 %

12,3 %

9,1 %

4,3 %

100 %

Source : Ministère des Affaires sociales et de la santé

2. La spécificité de la fonction des agents du réseau est reconnue mais leur position hiérarchique et fonctionnelle les dessert à certains égards

Le positionnement hiérarchique et fonctionnel des déléguées régionales et des chargés de mission départementaux a été décrit ci-dessus. Les carrières de ces agents sont gérées par les services des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale.

Votre Rapporteure, au cours des échanges qu’elle a eus avec des représentantes des deux niveaux de l’administration déconcentrée, a été témoin d’un certain découragement chez beaucoup d’entre elles.

Pour les agents fonctionnaires, la gestion des ressources humaines est ressentie comme peu encourageante, tant pour les déléguées régionales que pour les chargés de mission départementaux, à tel point qu’occuper ces fonctions est vécu par beaucoup comme pénalisant pour la carrière. Les promotions semblent peu soutenues par la hiérarchie et se heurtent à des obstacles. Pour les agents contractuels, la mobilité est très limitée, pas par l’effet de limitations réglementaires mais par le manque de postes ouverts pour la mobilité. Ces difficultés suscitent de manière très compréhensible un sentiment d’injustice chez nombre d’agents, compte tenu de l’investissement dont elles font preuve dans leur fonction.

a) La situation indemnitaire des agents du réseau des droits des femmes

La gestion de la carrière de ces agents fait partie de la gestion des emplois du secteur santé-solidarité ; leur rattachement indemnitaire est celui de l’échelle 2 pour les déléguées régionales (soit un niveau d’indice comparable à celui d’attaché principal) et de l’échelle 3 pour les chargés de mission. Le positionnement y est ensuite déterminé par l’ancienneté, les revalorisations intervenant selon un rythme régulier et automatique.

Certaines déléguées, ayant été volontaires pour une mise à disposition par leur administration d’origine ont indiqué à votre Rapporteure avoir une situation moins enviable sur le plan financier que dans leurs corps d’origine, et en venir à constater qu’elles érodent leurs droits à la retraite, en l’absence de compensation de la part de la direction générale de la Cohésion sociale. Il est certain que le système indemnitaire des ministères sociaux est moins avantageux que celui d’autres ministères, mais il ne s’agit pas en cela d’un élément qui toucherait de manière particulière le réseau des droits des femmes.

Les postes des agents sous contrat sont positionnés dans la grille indemnitaire en fonction de leur niveau de diplôme et de leur expérience dans le secteur public ou privé. Le régime indemnitaire dont ils bénéficient est moins favorable que celui des fonctionnaires, toutefois un supplément de rémunération (sur-indiciarisation) a été mis en place, à travers lequel les diplômes sont pris en compte au niveau de 74 points d’indice pour un master 2 ou de 37 points d’indice pour une licence.

b) La spécificité des fonctions des agents du réseau déconcentré est reconnue par leur régime indemnitaire

Les dispositions applicables au réseau des droits des femmes en ce qui concerne les rémunérations sont celles applicables aux agents des ministères sociaux. Les rémunérations sont liées au statut, fonctionnaire ou contractuel, selon le dispositif général.

Cependant, la particularité des fonctions des déléguées régionales et des chargés de mission départementaux est reconnue par une indemnité de fonction spécifique, s’ajoutant aux rémunérations accessoires perçues comme les autres agents des ministères sociaux.

Cette indemnité a été instituée par le décret du 31 janvier 2007 : elle concerne les déléguées régionales, des chargés de mission départementaux et des correspondants du service des droits des femmes à Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Cette indemnité annuelle, versée mensuellement, s’élève à 4 740 euros de référence pour les déléguées régionales et 1 584 euros de référence pour les chargés de mission. La cheffe du service des droits des femmes détermine, dans une fourchette comprise entre 80 % et 120 % des montants de référence, les attributions individuelles de chaque agent, au regard de sa manière de servir.

Les agents contractuels bénéficient aussi d’une indemnité complémentaire, ce qui n’est pas l’usage dans tous les ministères : cette indemnité est inférieure au montants indiquées ci-dessus ; toutefois, la rémunération de base des agents contractuels est souvent plus élevée que celle des agents statutaires.

Les auditions conduites par votre Rapporteure ont fait apparaître que, malgré la règle rappelée plus haut, les chargés de mission départementaux sous contrat ont le sentiment que leurs niveaux de salaires sont assez disparates, et la logique d’ensemble des positionnements indemnitaires semble échapper à certains d’entre eux. Dans un cadre de gestion qui cherche à prendre en considération les situations individuelles pour individualiser la rémunération, il est probable que la coexistence des statuts fonctionnaire et contractuel, et des disparités de diplôme et d’ancienneté qui peuvent exister entre les agents contractuels, conduisent à des incompréhensions.

Par ailleurs, il paraît souhaitable, selon votre Rapporteure, de donner à la cheffe du service des droits des femmes un droit de regard et une possibilité de recours en cas de décision qui pourrait sembler discriminante.

Recommandation n°8 : clarifier les positions variées des chargés de mission départementaux sous contrat ainsi que les critères qui président aux rémunérations et aux primes.

c) Le positionnement des agents du réseau en marge des services de la Cohésion sociale ne favorise pas leur situation s’agissant de l’accès aux primes

L’attention doit également être apportée aux rémunérations par le biais des primes, alignées sur celles des agents de la direction de la Cohésion sociale, qui sont placées à un niveau plus bas que dans d’autres administrations. Ainsi l’indemnité de fonctions instituée en 2007, avec des modularités de plus ou moins 20 % en fonction de la performance, a été considérée par plusieurs des personnes rencontrées comme portant sur des montants peu élevés. Les primes n’ont pas évolué depuis, et leur niveau paraît aux agents insuffisamment refléter la disponibilité dont ils font preuve dans des conditions de travail devenues plus difficiles par la réduction des emplois, ainsi par exemple les déléguées régionales lorsqu’elles sont seules dans les « petites » délégations régionales.

Il a déjà été souligné que la gestion des primes par les DRJSCS était susceptible de défavoriser les agents du réseau des droits des femmes, car ceux-ci se trouvent en marge des services de la cohésion sociale, et constatent qu’ils ne sont pas prioritaires dans l’attribution des primes.

La question posée doit faire l’objet d’une réponse attentive, car l’État doit être exemplaire en matière d’égalité professionnelle. Votre Rapporteure souhaite rappeler que lors de l’examen par le Parlement de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, il est apparu clairement une différence de salaire de 15 % entre les femmes et les hommes dans la fonction publique, explicable par le jeu des primes et des avancements.

Il serait souhaitable que les déléguées régionales et les chargés de mission départementaux soient associés aux comités de direction des ministères sociaux (CODIR), car cela n’est pas toujours le cas pour les chargés de mission. Leur présence en comité de l’administration régionale (CAR) est aussi très importante à cet égard. Cette présence aux deux instances permettrait de mieux défendre leurs intérêts en matière de rémunération et de carrière.

Il appartient aux directeurs régionaux de la Jeunesse, des sports et de la cohésion sociale et aux directeurs de la Cohésion sociale d’associer respectivement les déléguées régionales et les chargés de mission départementaux : certains le font mais cela n’est pas systématique.

3. Faciliter la mobilité des agents des services décentralisés, favoriser une titularisation conforme aux compétences et savoirs faire développés dans leur emploi

Les auditions menées par votre Rapporteure ont permis de constater que deux questions préoccupaient beaucoup les agents du réseau déconcentré, la question de la mobilité, très difficile et semble-t-il peu encouragée, et les modalités de la titularisation ouverte par la loi relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, dite « loi Sauvadet ».

a) Une mobilité jusqu’à présent très limitée

La question de la mobilité se pose évidemment d’une manière différente pour les agents titulaires ou pour les agents contractuels du réseau.

Les agents titulaires sont encouragés à la mobilité ; toutefois, une mobilité au sein du service des droits des femmes dépend de l’ouverture d’un poste ou d’un mouvement au sein du réseau.

C’est pourquoi, en pratique, la mobilité des déléguées est très restreinte au sein du réseau régional : les mouvements y sont très rares, car d’une part, il n’y a plus d’ouverture de poste, et, d’autre part, les déléguées recrutées sur un poste puis titularisées ont eu jusqu’à présent tendance à y demeurer très longtemps.

Le positionnement des déléguées régionales auprès du SGAR aura une conséquence importante en termes de gestion de carrière : en effet le décret « SGAR » du 25 mai 2009 prévoit que leur nomination sur un emploi est prononcée pour une durée de trois ans, et peut être prolongée de trois ans à la demande de la déléguée ; toutefois la durée totale d’occupation d’un même emploi ne peut excéder six ans. Cette durée maximale ne concerne d’ailleurs pas seulement les déléguées aux droits des femmes, mais également le SGAR lui-même et les chargés de mission placés auprès de lui. Après ces six années, la déléguée doit évoluer vers un autre poste.

On pourrait considérer comme souhaitable que la déléguée régionale puisse inscrire son action dans une durée plus longue sur le même territoire afin de donner un maximum d’impact au réseau qu’elle aura pu constituer. Cependant la cohérence entre les caractéristiques des différents postes de collaborateurs du préfet justifie de ne pas créer d’inégalité entre eux. Cette règle des six années correspond en outre à la pratique de mobilité des sous directeurs d’administration centrale.

Quoiqu’il en soit, l’obligation de mobilité après six années n’a pas encore été constatée, car l’application du décret SGAR a eu pour conséquence, dans un premier temps, de prolonger les contrats en cours pour une durée de six années. Par exemple, une déléguée entrée en fonction en 2004 verra son contrat de trois ans, auxquels s’ajoutent deux années de prorogation, prolongé de six années : elle pourra donc se maintenir dans le même emploi jusqu’en 2015. Il n’est pas rare que les agents soient ainsi restés près de quinze ans au même poste.

Au-delà des six années, le passage sur un autre poste sera possible, mais en fonction des emplois à pourvoir : les possibilités sont nécessairement limitées aux 26 régions.

Pour les agents intégrés à l’administration par un contrat (limité à six années dans un même poste depuis la loi visant à lutter contre la précarité dans la fonction publique de 2005, dite « loi Jacob »), la mobilité professionnelle – non seulement géographique, mais également vers d’autres ministères, dépend de l’offre qui leur est faite ou non d’un contrat à durée indéterminée. Ils peuvent également entrer dans le processus de titularisation. Cette transformation en contrat à durée indéterminée n’est pas automatique et il arrive également qu’aucun contrat ne soit proposé.

En pratique, les déléguées et les chargés de mission ont pu dans le passé demeurer très longtemps dans le même poste. Dans les cas où la mobilité a pu se faire, elle a en général eu lieu vers d’autres postes au sein des Affaires sociales, car les agents préfèrent en pratique demeurer dans des fonctions proches de celles qu’ils ont déjà occupées.

La définition des postes des agents du réseau constitue parfois un obstacle à leur promotion.

En effet, à l’absence de mobilité, due davantage à la rareté des postes qu’à un obstacle réglementaire, s’ajoute pour beaucoup d’agents le sentiment que le temps consacré au réseau n’est pas valorisé par des promotions de carrière. En effet, face à une éventuelle promotion, la comparaison avec les dossiers d’agents ayant accompli d’autres fonctions dans l’administration leur serait défavorable. Les agents du réseau ne peuvent faire état d’une mobilité suffisante, et n’ont pas l’expérience de fonctions d’encadrement, ni de gestion financière. Ces manques constitueraient un obstacle à la promotion, selon les témoignages que votre Rapporteure a entendus. L’administration doit veiller, au contraire, à prendre en considération les autres aptitudes démontrées par les agents du réseau déconcentré, afin d’en faire des atouts pour leur carrière.

La situation des agents contractuels devrait s’améliorer dans le sens de meilleures perspectives de carrière et d’une réelle mobilité avec l’intégration dans la fonction publique permise par la loi « Sauvadet ». Une grande partie des agents contractuels du réseau devrait remplir, selon la direction des ressources humaines du ministère des Affaires sociales, les conditions de cette titularisation. Restera le cas des personnes qui ne s’inscriront pas dans le processus, pour lesquelles l’absence de mobilité demeurera.

b) Les modalités de titularisation dans le cadre de la loi « Sauvadet » sont appropriées, mais des obstacles doivent être levés

Les possibilités de titularisation ouvertes par la loi relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, dite Sauvadet (4), concernent pleinement le réseau des droits des femmes, puisque 64 agents peuvent prétendre au processus de titularisation, selon la direction des Ressources humaines du ministère des Affaires sociales. Les agents se verront adresser une fiche individuelle leur faisant part de leur éligibilité au dispositif, comportant une notice d’information et l’indication du corps dans lequel ils ont intérêt à se porter candidat.

L’orientation privilégiée par l’administration pour les déléguées est l’intégration par concours dans un emploi de catégorie A avec un grade d’attaché, grade qui a une vocation généraliste. Les contractuels de niveau B ont vocation à rejoindre le corps de secrétaires administratifs. Ce grade de base à la titularisation a été défini tant par la du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique, dite « loi Sapin » que par la loi « Sauvadet ». Les agents nommés à l’issue du processus de titularisation auront vocation à rester sur les postes qu’ils occupent actuellement. Ils conserveront l’ancienneté acquise ce qui devrait leur permettre de passer assez rapidement, dans un grand nombre de cas, le concours d’attaché principal.

Les échanges que votre Rapporteure a eus avec de nombreuses déléguées ont montré que ces conditions de titularisation sont contestées par les déléguées régionales, car elle les placent à un échelon administratif qui leur paraît insuffisant au regard de leur position actuelle au sein de l’administration préfectorale de région et de la nature de leur fonction caractérisée par un besoin de légitimité et d’interministérialité. Cette titularisation aurait en outre pour conséquence de rendre le nouveau statut moins intéressant financièrement pour certaines déléguées que leur actuel contrat à durée indéterminée.

Il convient d’examiner les autres éventuelles possibilités d’intégration.

Une titularisation sur des postes d’attaché principal (A +) serait mieux adaptée, mais les modalités en semblent complexes étant donné qu’il s’agit d’un grade de promotion acquis à l’issue d’un examen professionnel très sélectif. Des nominations par arrêté ministériel à ce grade sont possibles mais recourir à ce moyen conduirait à rendre usuelle une procédure jusqu’à présent dérogatoire.

L’intégration des déléguées régionales devrait s’effectuer dans un corps qui leur permette d’accéder au poste de directeur de préfecture. Cela peut être par le moyen d’une intégration dans un corps technique comme par exemple celui des inspecteurs des affaires sanitaires et sociales, pour lequel les conditions d’accès externe et interne correspondent au niveau de diplôme ou d’expérience attendus des déléguées régionales. L’inconvénient serait alors l’absence de caractère interministériel du corps et le fait que le métier des IASS est tourné vers des missions d’inspection.

L’administration encourage en fait les agents non intéressés par le grade d’attaché à se présenter au concours de leur choix, sous réserve qu’ils remplissent les conditions exigées de niveau et de durée de service.

Votre Rapporteure souhaite que ces agents bénéficient plutôt d’une intégration dans le cadre de la fonction publique selon les modalités ouvertes par la loi du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique, dite « loi Sapin » (5). Cette loi a permis l’ouverture de concours dédiés et de recrutements par des jurys prenant en compte l’expérience professionnelle des candidats à la titularisation.

Recommandation n°9 : proposer aux déléguées régionales et chargés de mission départementaux une titularisation dans le cadre d’un concours dédié ou d’une admission sans concours comme l’avait autorisé la loi du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique.

La création du corps interministériel à gestion ministérielle actuellement en cours a été présentée par la direction des ressources humaines des ministères chargés des Affaires sociales comme pouvant offrir de bonnes perspectives aux déléguées régionales comme aux chargés de mission départementaux. Il s’agira d’un statut unique permettant l’évolution d’un ministère à l’autre sans avoir recours au détachement. Il permettra d’accéder jusqu’au grade d’attaché hors classe sous la condition d’une ancienneté d’au moins huit ans dans certaines fonctions. La qualité des dossiers en vue de la titularisation dans ce corps sera appréciée par la commission administrative paritaire (CAP).

Cette forme de titularisation pourrait être une modalité adéquate par l’accès qu’elle offrirait à une carrière interministérielles. Mais il n’est pas actuellement assuré que les agents du réseau des droits des femmes puissent en bénéficier en pratique. Il est nécessaire pour cela que l’arrêté liste définissant les postes dont les titulaires pourront prétendre au grade d’attaché hors classe intègre les fonctions des déléguées régionales et des chargés de mission départementaux. Ceux-ci ont développé nombre des qualités recherchées : management d’équipes, fonctions d’expertise, conduite de politiques publiques, coordination, conduite de projets. Il ne faudrait pas là encore, que l’absence de mobilité freine l’insertion des agents du réseau des droits des femmes.

Recommandation n°10 : ouvrir aux déléguées régionales et aux chargés de mission départementaux la possibilité d’une titularisation dans le nouveau corps interministériel à gestion ministérielle, qui permettra l’accès à un grade d’attaché hors classe, ou dans le corps des inspecteurs des affaires sanitaires et sociales.

Dans la définition des postes dont les titulaires pourront prétendre au grade d’attaché hors classe, ne pas faire obstacle à l’intégration des agents du réseau des droits des femmes, eu égard aux particularités de leur emploi –où la gestion du personnel et la gestion financière sont absentes ainsi que les particularité de leur cadre actuel admettant une faible possibilité de mobilité.

4. L’appellation des agents des deux niveaux d’administration déconcentrée doit être unifiée

L’analyse des missions conduites sur le terrain par les déléguées régionales et les chargés de mission départementaux conduit à la conclusion qu’il s’agit des mêmes métiers, exigeant la même formation, la possibilité d’une mobilité du niveau départemental vers le niveau régional, et qu’il n’est guère justifié de maintenir une appellation différente des délégués suivant leur positionnement régional ou départemental, ainsi que l’ont fait la circulaire du 2 février 2001 relative à leurs missions et l’instruction du 5 août 2011.

En effet, à chaque niveau, la mission qui incombe au réseau des droits des femmes et la création, l’animation et la coordination d’un réseau d’acteurs locaux publics, d’associations et de partenaires du monde économique afin de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes.

Les agents doivent développer un rôle d’expertise, et conduire des actions spécifiques en faveur des femmes. Ils doivent intervenir auprès des décideurs publics locaux pour la prise en compte, dans toutes les politiques publiques locales, de l’égalité entre les femmes et les hommes.

À cet égard, la demande faite par l’association des chargé-e-s de mission départementales d’ouvrir une réflexion sur un référentiel de leur métier est très appropriée : elle permettra de constater les nombreux points communs des deux fonctions.

Si leur rôle dans la préparation et la mise en œuvre du plan régional stratégique n’est pas exactement le même, ce rôle repose néanmoins sur les mêmes connaissances et expertises : expertise dans les domaines économiques, social et administratif, connaissance du milieu de l’entreprise, des associations, des publics spécifiques, notamment.

On constate également que les agents des deux niveaux éprouvent les mêmes besoins de formation : connaissance des politiques et des dispositifs dans leurs différents champs d’intervention, savoir-faire dans la conduite de projets et de l’animation d’équipes. Les besoins nouveaux en matière de formation seront évoqués dans le troisième chapitre du présent rapport, en lien avec les développements concernant les plans régionaux stratégiques et les nouveaux modes d’action des agents du réseau des droits des femmes.

Recommandation n°11 : unifier sous le même nom de « délégué » les agents au niveau régional et départemental, considérant que par ailleurs il s’agit du même « métier », qui nécessite la même formation et doit ouvrir la possibilité de passer d’une fonction à l’autre.

E. REDONNER UNE VISIBILITÉ AUX DÉLÉGATIONS RÉGIONALES ET DÉPARTEMENTALES ET RÉTABLIR UNE MEILLEURE COMPLÉMENTARITÉ ENTRE ELLES

La constatation qui se dégage des rencontres et des auditions effectuées dans le cadre de la préparation de ce rapport est la nécessité d’une meilleure cohérence et articulation des décisions et des actions entre les niveaux d’action. Au-delà de ce diagnostic assez partagé, la difficulté est de comprendre comment celles-ci peuvent être atteintes.

La différence de positionnement et la disparition du lien hiérarchique entre le niveau d’action régional et le niveau départemental pose la question de leur articulation. La réorganisation opérée en 2009 a eu pour conséquence une certaine imprécision dans la logique d’action du réseau, qui incline à se demander si elle a résulté ou non d’une volonté d’affaiblissement. C’est pourquoi il convient aujourd’hui de mieux définir les missions respectives du niveau régional et du niveau départemental.

Le niveau régional est compris par les déléguées comme celui du pilotage des politiques, le niveau d’impulsion et de priorisation : il doit adapter les grandes orientations nationales aux particularités des territoires – selon qu’il s’agit d’un territoire urbain, rural, avec un tissu associatif et des services publics plus ou moins denses. Cette adaptation locale s’effectue en lien avec les chargés de mission départementaux. C’est à l’échelon régional que le budget est délégué.

Ce niveau régional doit jouer son rôle entre l’échelon national des directives ministérielles et les départements, ainsi que l’a formulé la présidente de l’association des déléguées régionales, insistant sur l’impossibilité de mener des « politiques saupoudrées » dont on n’a guère les moyens. Il est certain qu’une intervention bien articulée entre le niveau régional et le niveau départemental serait garante d’une meilleure efficacité et d’une plus grande visibilité sur les territoires.

Les priorités données par le niveau régional sont validées par les préfets de région. Mais ensuite, l’impulsion donnée par le niveau régional en faveur de certaines actions doit s’appuyer sur la connaissance des territoires et des partenaires des chargés de mission départementaux.

Il semble que ce modèle d’organisation ne corresponde pas toujours à la réalité constatée sur le terrain. Sa cohérence pourrait donc être améliorée, en précisant le rôle du niveau régional et du niveau départemental. De fait, les dispositions du décret du 25 mai 2009 sont peu précises quant aux compétences des déléguées régionales.

Comme il a déjà été souligné, les deux métiers sont très semblables et peuvent d’ailleurs être réunis, dans certains cas, sur la même personne, comme le démontrent les postes à double compétence dans les départements de préfecture de région. Il convient de mieux les articuler, non pas en rétablissant une hiérarchie entre eux, mais par une meilleure complémentarité et un dialogue intégrant la compétence détenue à chaque niveau.

Plusieurs « scénarios » sont possibles, sur lesquels votre Rapporteure a eu des échanges avec les agents du réseau et les conseillers de la ministre des Droits des femmes.

1. Renforcer le niveau régional pour atteindre une masse critique plus visible ?

Cette organisation reproduirait l’exemple des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE). Elle renforce le niveau régional et lui donne une autorité plus grande sur l’action du niveau départemental. Cependant, l’absence d’implication permanente plus proche du terrain serait un inconvénient important.

2. La reconstitution d’un service autonome rétablissant un lien hiérarchique entre les trois niveaux d’administration n’est pas indispensable

Le développement des missions interministérielles et transversales confiées au service des droits des femmes, et qui modifient progressivement ses modalités d’action conduit à se demander s’il serait souhaitable de reconstituer une administration cohérente consacrée aux droits des femmes et à l’égalité sous l’autorité de la ministre.

Le réseau semble très partagé sur les avantages qu’il y aurait à reconstituer un service autonome au niveau central assurant une hiérarchie entre en direction des niveaux déconcentrés.

Reconstituer l’autonomie du service au niveau central présenterait sans doute des avantages en termes d’action ; mais la pratique du positionnement en interministérialité des chargés de mission départementaux est aujourd’hui appréciée par beaucoup d’agents du réseau.

Par ailleurs, il serait impossible de restituer au service les fonctions dont il disposait auparavant, aujourd’hui mutualisées, et il est très probable que cette administration ne pourrait être plus étoffée qu’actuellement. D’autres solutions doivent donc prévaloir.

Il est certain que le lien fonctionnel entre les différents niveaux d’action doit être renforcé, ce qui participera à la cohérence de l’action du réseau.

Ce lien ne passe pourtant pas, selon votre Rapporteure, par la restauration d’une autorité hiérarchique, mais par une méthode coopérative à élaborer, respectueuse des compétences et expériences de chacun des niveaux d’administration, renforcée par des directives ministérielles et des priorités clairement énoncées. Inscrire les actions dans la durée contribuera aussi à la cohérence recherchée.

3. Choisir un rattachement hiérarchique auprès des préfets pour les déléguées régionales et les chargés de mission départementaux ?

Le rattachement hiérarchique auprès des préfets de région et de département a ses partisans, parmi lesquels votre Rapporteure. Ce positionnement redonnerait de la visibilité aux délégués des deux niveaux, leur faciliterait l’accomplissement de leurs missions interministérielles et transversales.

Au niveau départemental, il permettrait de renforcer le rôle d’impulsion et d’expertise du chargé de mission et faciliterait son action en direction des territoires ruraux.

II.– DES MOYENS À CONSOLIDER, DES PRIORITÉS À AFFIRMER

La réorganisation qui a touché le service des droits des femmes, d’une part, et la recherche les modifications de l’architecture budgétaire en missions et programmes élaborée dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), d’autre part, ont conduit à ce que les crédits finançant le réseau des Droits des femmes et de l’égalité soient situés sur plusieurs programmes budgétaires. La lecture qui en résulte est assurément complexe et rend très difficile la comparaison d’une année sur l’autre.

Le réseau a subi une diminution de ces moyens en termes de personnel mais aussi de moyens de fonctionnement au cours des dernières années : certaines délégations régionales et missions départementales sont réduites au minimum quant à leurs forces humaines, le sentiment qui prédomine est celui d’une paupérisation quant au fonctionnement aussi, qu’il s’agisse des crédits de fonctionnement courant ou du matériel informatique par exemple. Ce retard dans les moyens n’est pas propre au réseau des droits des femmes, il a également concerné les administrations sociales dans leur ensemble.

A. UNE FAIBLE LISIBILITÉ DES CRÉDITS DU SERVICE DES DROITS DES FEMMES, DISPERSÉS ENTRE PLUSIEURS PROGRAMMES BUDGÉTAIRES

Les crédits permettant le fonctionnement du service des droits des femmes sont répartis entre différents programmes budgétaires.

Tout d’abord, le programme n°137 Égalité entre les femmes et les hommes (au sein de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances) vise à impulser et coordonner les actions relatives à l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, économique, politique et sociale, à la promotion des droits et à la prévention et la lutte contre les violences sexistes.

Les crédits d’intervention du réseau, relatifs aux actions et objectifs du projet annuel de performance sont donc intégrés dans ce budget opérationnel de programme (BOP) 137. Ils permettent de déléguer des crédits à des associations et des structures, et de monter des opérations. Ils doivent produire un effet levier puissant puisqu’ils appellent d’autres financements nationaux, mais également européens, régionaux, départementaux et locaux.

Ce budget opérationnel intègre aussi une petite partie des dépenses de fonctionnement (téléphone, papier, fournitures, notamment), car pour le reste les délégations régionales sont hébergées par les préfectures de région, dans des locaux le plus souvent mis à leur disposition.

Les crédits de personnel (rémunérations) sont, depuis le 1er janvier 2011, réunis dans le programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative. Ce programme relève de la mission Solidarité et réunit les crédits de personnel de nombreuses administrations. Conséquence de cette intégration dans le programme 124, les rémunérations des agents du service des droits des femmes sont gérées dans les régions par les directions régionales de la Jeunesse, des sports et de la cohésion sociale.

Les crédits correspondant aux personnels mettant en œuvre les politiques pour les droits des femmes ont été, en 2011 et 2012, inclus dans l’action 3 de ce programme Gestion des politiques sociales, avec une sous-action Gestion du programme Égalité des chances. Pour identifier ces dépenses de personnel, un sous-plafond d’emploi spécifique était indiqué, reprenant les emplois de déléguées régionales, de chargés de mission départementaux et de leurs collaborateurs.

Ce regroupement des crédits de personnel en ce vaste ensemble que représente le programme 124 a accompagné la mutualisation de la gestion des emplois au sein des ministères sociaux, comme répondant à une meilleure efficience de gestion. Il a fait l’objet de critiques quant aux modalités de mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 : en effet, il contredit l’objectif de prise en considération analytique du coût des politiques publiques, et a rendu dans un premier temps moins lisible la connaissance de la masse salariale du réseau des droits des femmes et de l’égalité, et donc la connaissance du coût de cette politique.

La lisibilité a été améliorée lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2013, avec la création d’une sous-action 20 consacrée au personnel du service, dotée de 10,88 millions d’euros et d’un plafond d’emplois de 189 ETPT (équivalent temps plein travaillé).

Les crédits de fonctionnement des chargés de mission départementaux étaient avant la réorganisation de l’administration territoriale gérés par la déléguée régionale dans une enveloppe unique. Depuis que les chargés de mission ont été intégrés dans les directions départementales interministérielles, les crédits ont été transférés vers le programme 333 Moyens mutualisés des administrations déconcentrées piloté par le secrétariat général du gouvernement (BOP des DDI). Le programme 333 prend également en charge les dépenses relatives aux loyers et charges immobilières des déléguées régionales et de leur équipe, au titre des charges de fonctionnement des préfectures de région dont relèvent les SGAR auprès desquels sont rattachées les déléguées régionales.

Il est regrettable que certains crédits de fonctionnement des déléguées régionales comme le remboursement de leurs frais de déplacement aient été intégrés au BOP 124 de la DRJSCS, dont elles ne dépendent pas fonctionnellement, ce qui place ces crédits dans une vaste enveloppe dont les gestionnaires n’ont guère à connaître l’action des déléguées. Il est à craindre que l’obtention de ces remboursements ne soit pas facile pour les déléguées.

Enfin, les dépenses de communication s’inscrivent pour partie dans celles du service d’information du Gouvernement (le SIG), et pour partie dans les crédits de communication des ministères sociaux.

En effet, les moyens de communication courants, comme notamment les actions locales, font partie des frais de fonctionnement de l’administration concernée. En cas d’actions de communication de grande envergure, celles-ci peuvent être financées par les services de communication du Premier ministre.

Cette dispersion des crédits de fonctionnement du service central et du réseau est préjudiciable à la lisibilité de ses moyens. Il s’agit d’une conséquence de la réorganisation ayant éclaté les composantes territoriales du réseau entre différentes administrations, décrite dans la première partie du présent rapport.

À cet égard, la création d’un document budgétaire de politique transversale (fascicule orange) récapitulant les crédits concourant à l’égalité entre les femmes et les hommes au sein de l’ensemble des missions de l’État a constitué un progrès incontestable, permettant de porter une vue globale sur l’ensemble des actions et des financements afférents (6).

B. LES EMPLOIS DU SERVICE DOIVENT ÊTRE CONSOLIDÉS APRÈS LES ANNÉES DE RÉDUCTION

Les effectifs des délégations régionales et des missions départementales ont été réduits au cours des dernières années, de même que pour les autres administrations. Le plafond d’emplois du service a suivi une baisse semblable à celle de l’ensemble des services de l’État, phénomène rendu plus aigu par le non remplacement d’un nombre important de personnels mis à disposition ces dernières années.

Ce plafond d’emploi est passé de 204 emplois temps plein en 2006 à 191 emplois temps plein en 2010, en loi de finances initiale.

Les tableaux ci-après présentent l’évolution du plafond d’emplois pour le service des droits des femmes : il fait l’objet de deux séries car pour la période 2006 à 2010, l’administration centrale comportait une vingtaine d’agents chargés des fonctions support ; après la réorganisation du service, soit à partir de 2011, ces agents ne sont plus comptabilisés au sein du service mais dans les services support des administrations sociales (ils sont pris en compte pour quatorze emplois temps plein à compter de 2011).

PROGRAMME ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES
PLAFOND D’EMPLOIS DE 2006 À 2010

(En emplois temps plein)

 

2006

2007

2008

2009

2010

En loi de finances initiale

204

202

200

196

191

En exécution

184

193

192

180

178

Le tableau suivant présente le plafond d’emplois depuis 2011, soit après transfert des agents accomplissant les fonctions support vers le programme 124.

SERVICE DES DROITS DES FEMMES ET DE L’ÉGALITÉ
ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES
PLAFOND D’EMPLOIS DEPUIS 2011

(En emplois temps plein)

En loi de finances initiale

2011

2012

2013

2014 – 2015
(prévision)

Administration centrale

20

20

25

 

Réseau déconcentré

164

139

139

 

TOTAL

184

184(1)

189(1)

189(1)

(1) Le total des emplois temps plein inclut les agents chargés de fonctions support, figurant dans le plafond d’emplois du programme 124 de soutien.

Le premier tableau fait apparaître, outre la baisse progressive des effectifs du réseau, l’écart entre le nombre d’emplois votés en loi de finances initiale et la réalisation constatée en loi de règlement.

Si un écart entre le plafond d’autorisation d’emplois et l’exécution est normal, un écart important pour une administration aussi peu nombreuse (il porte sur 8 à 20 postes) montre toutefois que la gestion du personnel a été très tendue et que la vacance des emplois a tendance à se prolonger.

Il faut se réjouir que la priorité de la lutte pour l’égalité, affirmée par le Gouvernement de M. Jean-Marc Ayrault, se traduise dès 2013 en termes de moyens en personnel : alors que les effectifs des administrations sociales diminueront – quoique plus faiblement qu’en 2012 – le réseau des droits des femmes sera exonéré de ces réductions.

Cette stabilisation comporte deux éléments : la création de cinq emplois pour le service des droits des femmes en administration centrale, d’une part, et la stabilisation pour trois ans des effectifs du réseau, d’autre part.

1. L’administration centrale se reconstitue avec quelques emplois supplémentaires

Le service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes compte actuellement trente-neuf personnes. Vingt-cinq d’entre elles sont directement en charge des politiques d’égalité, les quatorze autres sont indiquées comme étant en charge des fonctions support, mutualisées pour l’ensemble des politiques de cohésion sociale, comme les ressources humaines, la communication ou le budget.

La loi de finances pour 2013 prévoit, au niveau de l’administration centrale, la création de cinq postes dont l’un suivra les nouvelles actions expérimentales en région mises en place en 2013, un suivra la réalisation des études d’impact annexées aux projets de loi, et trois seront affectés à la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains. Pour mettre en œuvre ces nouvelles initiatives, quelques emplois devraient être mis à disposition par les ministères de l’Intérieur et de la Justice auprès de la ministre des Droits des femmes.

Il convient de prendre en considération les conséquences en termes de personnel des nouvelles tâches conférées au service : ainsi la réalisation des études d’impact qui doivent dorénavant être annexées aux projets de lois peut demander un volume de travail important, et cet aspect doit être mis en place avec beaucoup d’attention afin de ne pas risquer l’échec.

Étant donné les impératifs de restrictions budgétaires, il apparaît judicieux, ainsi que l’a indiqué la cheffe du service des Droits des femmes, d’envisager la réalisation des études d’impact en termes de « boîte à outils », faisant appel à l’aide de différents partenaires.

À cet égard, une méthodologie de ces études est en cours d’élaboration avec le concours de l’École d’économie de Paris et de l’Institut d’études politiques. Lorsqu’elle aura été établie, la réalisation des études d’impact et leur publication devraient se faire sous le contrôle du Secrétariat général du gouvernement, qui sera chargé de vérifier que l’ensemble des ministères à l’origine d’un projet de loi ont bien appliqué la méthodologie commune et que, par conséquent, l’étude d’impact permet bien d’éclairer le projet de loi en termes de genre et d’égalité entre les femmes et les hommes.

2. Le réseau déconcentré, affaibli depuis 2009, sera stabilisé pour trois ans

Le ministère des Affaires sociales a eu pour principe, au cours des dernières années, d’affecter une déléguée régionale par région et une chargée de mission par département. Malgré la charge accrue de travail, l’affectation d’une ou deux personnes supplémentaires auprès des déléguées régionales n’est toujours pas prioritaire aujourd’hui.

Le service des droits des femmes doit remédier à quelques vacances de postes ; un poste de déléguée régionale n’est actuellement pas pourvu en Guyane, et trois départements connaissent une vacance du poste de chargé de mission. Plusieurs déléguées régionales occupent en même temps le poste de chargée de mission départementale dans le département chef-lieu : ce cumul doit être évité autant que possible.

Votre Rapporteure regrette que, en cas de départ d’un agent, le temps de remplacement soit souvent assez long, malgré les autorisations de recrutement. L’intégration des postes « droits des femmes » dans le budget opérationnel de programme 124 a pour inconvénient de les soumettre au même plafond d’emplois que les autres agents des administrations sociales : lorsque le plafond d’emploi est atteint au niveau global du BOP, certains postes vacants ne peuvent être pourvus dans l’immédiat, et les postes « droits des femmes » ne sont pas considérés comme prioritaires si l’on doit choisir les postes à pourvoir en urgence.

De fait, sont « structurellement » vacants depuis plusieurs mois un poste de déléguée régionale (en Guyane) et trois postes de chargé de mission départemental, en Ardèche, Loire et Manche, car le budget opérationnel de programme ne permet pas de pourvoir ces postes qui l’étaient jusqu’à présent grâce à des personnels mis à disposition par d’autres administrations.

D’autres postes sont également vacants mais les agents y sont en cours de recrutement : en Dordogne, Charente maritime, Deux-Sèvres, Bouches-du-Rhône, Hautes-Alpes et à Paris.

Si l’on considère les postes « structurellement » vacants, les mises à dispositions non renouvelées et les quelques postes vacants du fait de maladie de longue durée et non remplacés, le réseau déconcentré semble aujourd’hui à la limite de la rupture dans certaines régions et départements.

Ces vacances « structurelles » et les mises à disposition non remplacées mettent en échec la continuité de la politique des droits des femmes et les actions en cours sur le terrain. Il est important que le service des droits des femmes ne serve plus, à l’avenir, de variable d’ajustement en cas de restriction budgétaires et de personnel.

Recommandation n°12 : la direction générale de la Cohésion sociale doit apporter la plus grande diligence afin que les postes vacants soient rapidement pourvus, car l’absence prolongée d’un chargé de mission dans un département met en échec la continuité de la politique et les actions en cours sur le terrain.

Il convient de souligner que le ministère des Droits des femmes a pu obtenir, à l’automne 2012, la préservation des moyens du réseau au niveau de 2010 : l’engagement a été obtenu de renouveler la dizaine de mises à dispositions sur laquelle comptait le réseau au cours des dernières années, d’une part, et les postes des agents titulaires et contractuels seront préservés, d’autre part, pour la prochaine période triennale. Il importera de vérifier si cet engagement est bien tenu lors de l’exécution.

La réduction progressive des emplois a abouti à ce qu’un certain nombre de déléguées régionales travaillent seules, sans collaboratrice ni adjointe.

Il serait en outre souhaitable de bénéficier de quelques postes supplémentaires dans le réseau à partir de 2014, afin de renforcer certaines délégations régionales où la déléguée est seule : la présence d’une adjointe, ou la recréation d’un poste de secrétariat, même à temps partiel, serait très utile selon les cas.

Il conviendrait également d’obtenir un renforcement même modeste du réseau en département, car certains postes de chargés de mission départementaux ne disposent pas même d’un temps partiel de secrétariat, ce qui serait pourtant fort nécessaire. Les difficultés à pourvoir les postes se doublent ici de la diminution drastique des emplois de catégorie C.

Recommandation n°13 : établir à partir de 2014 une couverture territoriale assurant la nomination d’une personne, adjoint(e) ou soutien administratif, auprès de chaque déléguée, et un chargé de mission dans chaque département, appuyé par un poste de soutien administratif.

C. L’ÉVOLUTION DES CRÉDITS D’INTERVENTION TRADUIT LE NOUVEL ÉLAN DONNÉ À LA POLITIQUE DE L’ÉGALITÉ

Le programme 137 Égalité entre les hommes et les femmes est le plus petit programme de la mission Solidarité du point de vue budgétaire : il bénéficiera à partir de 2013 d’une nouvelle dynamique en ce qui concerne les moyens de fonctionnement. Votre Rapporteure souligne que l’évolution des missions du réseau, en particulier avec le caractère interministériel et transversal renforcé de la politique en faveur de l’égalité, appellera certainement un renforcement des moyens à partir de 2014.

1. L’évolution des crédits d’intervention sur la période 2006 à 2012

Les crédits du programme 137 inscrits en loi de finances initiale ont connu une progression sur la période jusqu’en 2010, où ils ont atteint 29 millions d’euros en prévision. Un tableau présentant ces crédits initiaux pour la période 2006 à 2012, ainsi que leur répartition par action, figure en annexe 2 au présent rapport.

Les crédits réellement consommés étaient cependant moins élevés, s’élevant à 27,8 millions d’euros en 2010.

Si les crédits d’intervention se sont maintenus, avec un fléchissement cependant en 2009, les emplois affectés au programme connaissaient une érosion progressive, expliquant la situation difficile dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui dans certaines délégations régionales et missions départementales.

L’année 2011 marque une rupture et rend la compréhension de l’évolution difficile, du fait du retrait des dépenses de personnel du programme 137, conséquence de la réorganisation décrite dans le I du présent rapport.

Un tableau retraçant les crédits votés et les crédits réellement disponibles pour les actions du programme 137 Égalité entre les hommes et les femmes sur la période allant de 2006 à 2012 est joint en annexe 2 au présent rapport. Le tableau suivant présente les crédits consommés pendant les mêmes années.

CRÉDITS DU PROGRAMME 137 ÉGALITÉ ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES (2006-2011) CRÉDITS CONSOMMÉS

(en crédits de paiement)

Crédits consommés

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Action 1

640 175

539 913

465 326

269 563

282 531

295 804

Action 2

5 161 871

5 888 594

5 456 979

4 917 115

4 698 769

4 934 056

Action 3

10 161 114

10 223 759

10 609 931

10 593 531

11 607 135

13 620 149

Action 4

177 891

237 849

201 646

152 955

252 515

134 438

Action 5

9 730 314

10 154 462

10 466 447

10 590 912

10 952 800

875 449

Dépenses de fonctionnement

1 063 560

993 226

1 129 444

1 219 023

1 043 711

3 443 851

Dépenses de personnel

8 666 754

9 161 236

9 337 003

9 371 889

9 909 089

 

Total

25 871 365

27 044 577

27 200 329

26 524 076

27 793 750

19 859 896

Plafond d'emploi

184

193

192

180

178

 

Total hors dépenses de personnel

17 204 611

17 883 341

17 863 326

17 152 187

17 884 661

19 859 895

Taux de consommation

98,69%

98,58%

99,62%

99,62%

97,06%

98,38%

Source : Service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes

Le rapport pour avis sur les crédits de la Solidarité, présenté depuis plusieurs années par M. Christophe Sirugue au nom de la commission des Affaires sociales, a souligné à plusieurs reprises la difficulté de suivre l’évolution des crédits consacrés aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes. En effet, les évolutions touchant, d’une année à l’autre, la définition des actions et l’intégration ou non des dépenses de personnel, ont nui fortement à la visibilité des moyens consacrés à cette politique.

Votre Rapporteure souhaite que la présentation des actions, des emplois et des crédits du programme 137 soit dorénavant plus stable, afin que l’engagement du Gouvernement en faveur de cette politique puisse être suivi et constaté par le Parlement comme par les citoyens.

2. Une hausse des crédits en loi de finances initiale pour 2013

Sans présenter en détail les crédits du programme 137 pour lesquels il convient de se reporter aux travaux relatifs à l’examen de la loi de finances pour 2013, les différentes actions prioritaires et les crédits afférents, dont la gestion appartient au service des droits des femmes, seront rappelées brièvement.

Les crédits du programme 137 progressent de 20,3 millions en loi de finances initiale pour 2012 à 23,46 millions d’euros pour 2013 (+ 15,78 %).

Quatre priorités ont été définies dans le projet annuel de performance pour 2013 : la promotion de l’égalité professionnelle, la lutte contre les violences faites aux femmes, le droit des femmes à disposer de leur corps, la lutte contre les stéréotypes sexistes à l’école, dans les médias et dans le sport.

Le tableau suivant présente les crédits du programme 137 pour 2013. Ils sont présentés suivant une architecture modifiée par rapport à l’année précédente, qui explique notamment l’évolution importante constatée à l’action 11.

PROGRAMME 137 : CRÉDITS D’ENGAGEMENT ET DE PAIEMENT EN 2012 ET 2013

(en euros)

Numéro et intitulé de l’action

LFI 2012

LFI 2013

Évolution

11- Égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, économique, politique et sociale

5 089 500

1 893 858

- 62,79 %

12- Promotion des droits, prévention et lutte contre les violences sexistes

14 517 503

14 690 239

+ 1,19 %

13- Soutien du programme égalité entre les hommes et femmes

657 378

577 381

- 12,17 %

14- Actions de soutien, d’expérimentation en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes (nouveau)

 

6 300 000

-

Total

20 264 381

23 461 478

+15,78 %

Source : Direction générale de la Cohésion sociale.

En effet, une nouvelle action a été instituée pour 2013, l’action 14 Actions de soutien, d’expérimentation en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Des crédits y sont individualisés pour mettre en œuvre des programmes de soutien et d’expérimentation et fonder les bases de nouvelles pratiques au service de l’égalité professionnelle et de la protection effective des femmes face aux violences. Une partie des dotations de l’action 11 Égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, économique, politique et sociale a été transférée vers cette nouvelle action, ce qui explique la forte baisse de crédits de l’action 11 pour l’année 2013. C’est ainsi que les crédits correspondant aux contrats pour la mixité des emplois et l’égalité professionnelle sont transférés vers l’action 14.

Enfin, un autre élément expliquant la baisse des crédits de l’action 11 est l’arrêt du financement du prix de la vocation scientifique et technique.

L’action 11 conserve les subventions aux associations relayant les actions du ministère des droits des femmes, notamment par le biais des centres d’information des droits des femmes et des familles (CIDFF). Dans ce cadre, bénéficient de subventions 57 bureaux d’accompagnement individualisé des femmes vers l’emploi (les BAIE) et 20 services emploi. Leurs crédits ont été reconduits à l’identique par rapport à l’année précédente, soit 740 000 euros.

L’action 12 est principalement consacrée à la lutte contre les violences faites aux femmes, qui représente 62,2 % des crédits du programme 137, pour un montant de 14,47 millions d’euros. Un quart de ces crédits s’oriente vers les grandes associations nationales ; au niveau local, 180 lieux d’accueil de jour et espaces neutres de rencontre parents-enfants sont financés pour un montant de 1,37 million d’euros. Il est important de ne pas fragiliser ces structures par des incertitudes de financement.

Les crédits consacrés à la lutte contre la prostitution apparaissent limités : 1,87 million d’euros, correspondant à des actions de prévention et d’accompagnement, notamment des maraudes. Pourtant, ces crédits auraient connu des difficultés, dans certains départements, à être intégralement consommés en 2011 : cela a pu être le cas dans les départements où l’on ne trouve pas ou peu d’associations menant des actions en direction des personnes prostituées et relayant ainsi la politique de l’État.

Ce problème de consommation des crédits peut également être lié à la difficulté rencontrée par les associations de répondre aux appels à projets : le financement des actions intervient actuellement très souvent dans le cadre de telles procédures, qui exigent beaucoup de travail et de temps pour les associations. Si les associations disposant de personnel permanent peuvent y répondre, ce n’est pas le cas des petites associations privilégiant le travail au contact du terrain, et dont l’action doit être « sécurisée » de manière pluriannuelle selon des modes de conventionnement à élaborer.

L’action 13 correspond à une petite ligne de dépenses de fonctionnement, par exemple les frais engagés par des délégations qui louent des locaux, lorsqu’elles ne sont pas hébergées par les préfectures.

Enfin, la nouvelle action 14 répond à la volonté gouvernementale d’un changement des méthodes d’intervention, notamment par le développement de la culture de l’expérimentation et de l’évaluation pour permettre d’une part, de dynamiser le partenariat avec les ministères, les collectivités territoriales et les autres acteurs publics et privés et, d’autre part, d’accroître l’efficacité globale de la réponse publique en matière d’égalité entre les femmes et les hommes.

En particulier, les actions d’expérimentation pour la mixité des emplois et l’égalité professionnelle seront développées dans huit régions partenaires, afin de favoriser l’insertion des femmes dans l’emploi.

Les régions pourront choisir les axes d’expérimentation. Ces expérimentations pourront par exemple consister en des interventions en milieu scolaire et dans les médias pour lutter contre les stéréotypes de genre ou en des mesures visant à favoriser la poly activité et la sécurisation des parcours professionnels dans certaines branches professionnelles où l’emploi est à forte dominance féminine (propreté, services à la personne, commerce et distribution).

L’action 14 est dotée de 6,3 millions d’euros à raison de 5,3 millions pour les expérimentations sociales et de 1 million pour les crédits d’études et d’évaluation.

Le prix de la vocation scientifique et technique, pour lequel un montant de 650 000 euros avait été versé en 2012, ne sera plus financé. Le ministère souhaite créer un nouveau prix « Mixité » visant notamment à encourager les garçons à intégrer des métiers dits « féminins ».

Se félicitant de cette création, votre Rapporteure regrette pourtant l’abandon du prix de la vocation scientifique et technique, dont le besoin reste d’actualité et qui suscitait la mobilisation des acteurs et de bonnes retombées médiatiques, nécessaire pour combattre les préjugés et stéréotypes de genre encore liés aux métiers scientifiques. Un partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale permettrait de le poursuivre, en améliorant son principe, par une modulation en fonction des ressources du récipiendaire par exemple.

3. Le soutien du Fonds social européen, dans le cadre de la politique « Égalité des chances et de traitement » de l’Union européenne

À ces crédits s’ajoutent les crédits européens mobilisables dans les régions : les délégations régionales disposent d’enveloppes globales du Fonds social européen, au sein desquelles la sous-mesure 222(7) permet, par exemple, de financer des actions en faveur de l’emploi des femmes.

La prise en compte de l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les axes du Fonds social européen est estimée à 255 millions d’euros pour la période de programmation 2007-2013.

À titre d’exemple, un appel à projets dédié aux actions relatives à l’égalité professionnelle et salariale a été lancé, pour cette période de programmation, au niveau national avec une dotation de 2 millions d’euros, dans le cadre de la sous-mesure 222. Cet appel à projet a pour objectif de faire émerger des projets novateurs et « emblématiques » visant à une meilleure promotion de l’égalité. Les priorités ont été l’accompagnement des acteurs de l’entreprise et des branches dans leurs démarches d’information, de promotion et de mise en œuvre de l’égalité effective, ainsi que l’articulation des temps de vie. Les projets retenus vont se dérouler jusqu’en 2013.

Il apparaît que l’animation de ces actions en région est variable, certaines régions étant très actives sur le sujet, lançant des appels à projet réguliers sur la thématique, et d’autres moins. Cette dynamique repose certainement sur l’instauration d’un bon partenariat entre la déléguée régionale et la direction de régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECTTE).

Pour les régions, l’apport du Fonds social européen peut être important : ainsi la région Bretagne pourra mobiliser sur le programme, pour la période 2007-2013, plus de 6 millions d’euros de crédits pour des actions en faveur de l’emploi des femmes. Cette enveloppe est pluriannuelle avec des tranches de financement, ce qui permet d’évaluer à un million d’euros le montant annuel mobilisable sur la période.

Les régions ont cependant connu, dans leur majorité, une baisse des crédits européens mobilisables au titre des actions en faveur de l’emploi des femmes ces deux dernières années, qui correspondent à la fin de l’actuelle période de programmation allant de 2007 à 2013. Toutefois, au-delà de la sous-mesure 222, les déléguées régionales ont pu faire appel à d’autres lignes de crédit du Fonds social européen, dans la mesure où leur action est transversale et que les femmes constituent un public éligible à d’autres dispositifs également.

D. LA DÉLÉGATION DES CRÉDITS VERS LES RÉGIONS, DE PLUS EN PLUS PRIORISÉE, MONTRE UNE RECENTRALISATION DE LA DÉFINITION DES ACTIONS

Il convient de souligner ici que, pour ce qui concerne la consommation des crédits d’intervention, les déléguées régionales et les chargés de mission départementaux sont très impliqués dans l’établissement de partenariats avec les régions, les départements, les établissements publics de coopération intercommunale mais aussi les administrations ou associations, afin d’obtenir leur appui pour les actions qu’ils initient et faire jouer l’effet de levier des crédits budgétaires pour obtenir, en soutien, les financements complémentaires de ces collectivités, mais aussi des fonds structurels européens.

1. La forte priorisation par action des crédits délégués vers le niveau régional…

En région, les crédits du réseau ne font pas l’objet d’un budget de programme (BOP), car ils ne sont pas assez importants, mais une unité opérationnelle (UO) au sein du BOP central permet d’accompagner un certain nombre de projets tout en assurant un bon suivi.

La répartition des crédits est effectuée entre les actions du programme, et les crédits sont délégués après soustraction de la réserve de précaution budgétaire, qui peut varier entre 0 % pour l’action 11 et 8,29 % pour l’action 14 par exemple.

L’enveloppe de crédits régionale – auparavant négociée auprès de l’administration centrale – est présentée dans le cadre des conférences administratives régionales (les CAR), instances qui réunissent mensuellement les préfets et les chefs de service régionaux.

Les grandes orientations de l’action en région sont présentées dans ces instances une fois par an afin de les faire valider, de les partager avec les chargés de mission départementaux et, en fonction de cela, de proposer des répartitions d’enveloppes. Toutefois, pour une grande part, les crédits sont déjà fléchés par le niveau national. Ce fonctionnement implique un dialogue actif de tous les niveaux, du niveau national au niveau départemental.

Les principes de répartition des crédits au niveau régional vers les différentes actions du programme 137 sont élaborés au niveau central. L’examen des principes de répartition pour 2013 permet de constater que plusieurs dotations sont reconduites par rapport à l’année précédente, ce qui est un élément positif dans le contexte budgétaire restreint actuel. Un principe de répartition fréquent consiste à prévoir une dotation de base complétée par une dotation proportionnelle à la population régionale.

Effectuée sur la base de ces critères, la notification des crédits délégués aux régions porte sur 16,92 millions d’euros 137 pour 2013. Sa répartition entre les régions est présentée dans un tableau en annexe 3 au présent rapport.

La priorisation ou « fléchage » des crédits consacrés à chacune des actions est stricte. Cette règle est plus ou moins bien vécue aux deux niveaux déconcentrés du réseau.

Elle comporte en effet un inconvénient important, à savoir l’impossibilité de réorienter les crédits non utilisés vers une autre thématique que la thématique initiale. Un exemple peut illustrer cet obstacle : il est arrivé que les crédits destinés à la lutte contre la prostitution ne puissent être utilisés dans certains départements où le milieu associatif s’avère moins spécialisé dans ce type d’actions. Faute d’interlocuteur en première ligne pour mener les actions de terrain, les crédits ne peuvent pas être consommés, et la priorisation comme, à un moindre degré, les règles budgétaires liées à la justification au premier euro, empêchent de réorienter les crédits en fonction des autres besoins et actions locaux, ce qui est regrettable.

Pourtant, la répartition des crédits entre les différentes actions peut être modifiée par le responsable de programme, c'est-à-dire en l’occurrence le directeur général de la Cohésion sociale.

La rigidité accrue qui s’est appliquée au cours des deux dernières années s’explique par un autre facteur : la mise en œuvre du troisième plan interministériel de lutte contre les violences faite aux femmes pour les années 2011-2013. En effet, la mobilisation de crédits importants en provenance d’autres ministères –  en provenance du programme budgétaire 177 relatif à l’hébergement d’urgence) par exemple –  a eu pour contrepartie le « fléchage » strict des crédits sur les actions prévues, à l’exclusion de toute réorientation en cours d’année.

C’est pourquoi les crédits consacrés à la lutte contre la prostitution, notamment, comme les crédits consacrés aux accueil de jour et aux lieux neutres, ont été strictement fléchés du fait d’une décision politique, au-delà des règles budgétaires applicables.

2. … peut être analysée comme une recentralisation excessive de l’action, limitant à l’extrême l’initiative du réseau « sur le terrain »

Les déléguées éprouvent, pour nombre d’entre elles, le besoin d’une plus grande autonomie de gestion pour l’initiative au plus près du territoire et concevoir la manière dont le réseau associatif doit être soutenu dans ses actions. Les chargés de mission départementaux s’estiment quant à eux généralement privés d’initiative par le « fléchage » portant sur une partie croissante des crédits délégués, alors qu’ils élaborent des initiatives répondant aux besoins locaux, imaginent de nouvelles modalités d’action et sont en contact permanent avec les associations et très informés du suivi et du résultat des actions.

Votre Rapporteure estime que le « fléchage » des crédits délégués aux départements, qui est passé de 72 % des crédits en 2010 à 94 % en 2013, est devenu réellement excessif. Cette méthode ne permet plus l’adaptation de la politique nationale aux besoins locaux et prive les chargés de mission de toute initiative qui pourrait être adaptée de manière fine à ces besoins.

Pour ne donner que quelques exemples, la part priorisée des crédits est de 95 % en Martinique, et donc la part des initiatives locales de 5 % (soit 10 220 euros).

En outre, la baisse des crédits sur certaines actions en 2013 porte sur les crédits non « fléchés », ce qui réduit encore la marge d’intervention des agents du réseau quant aux actions de terrain.

Quelques exemples sont éclairants : le budget des actions locales et régionales sera ramené de 200.853 euros en 2012 à 76.530 euros en 2013 dans la région Nord-Pas-de-Calais. Des réductions drastiques porteront en conséquence sur les dispositifs locaux mis en place sur les violences, ou sur l’entreprenariat féminin).

3. Quelle capacité pour les déléguées régionales d’utiliser leurs crédits pour mieux adapter les politiques aux territoires ?

Cette limitation de la ressource disponible pour l’action locale montre à quel point les déléguées doivent faire preuve de force de conviction, lorsqu’elles ont identifié des besoins émergents, pour obtenir l’appui d’autres financeurs – caisse d’allocations familiales, collectivités territoriales, communauté urbaine et communautés de communes…ainsi que des crédits du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) dont la disponibilité s’est également amenuisée.

De plus, les besoins repérés dans les régions ne sauraient être les mêmes à La Réunion et en Poitou-Charentes ! Il est important de laisser au niveau régional une certaine latitude pour adapter les actions en fonction des caractéristiques de la région et de la vitalité des partenaires, et il en est de même au niveau des départements. Le budget d’une administration de mission ne peut être construit d’une manière aussi rigide.

Les échanges qu’a eus votre Rapporteure avec les déléguées et les chargés de mission lui ont fait constater que beaucoup avaient élaboré des projets répondant aux besoins locaux qu’il leur était impossible de mettre en place faute de financement. Peuvent être citées les actions de soutien (préincubateur) pour les créatrices d’entreprises, les plates formes d’aide à la création de crèches (DOM), le conseil de gestion en milieu rural pour les femmes créatrices d’entreprises agricoles (DOM)…

La capacité pour une déléguée de faire levier pour attirer des financements vers les initiatives suggérées dépendra de la conviction de ses supérieurs hiérarchiques pour impulser une dynamique collégiale sur le territoire. Le positionnement au sein de la Cohésion sociale peut être une limitation à la légitimité de la déléguée dans ses actions en faveur de l’emploi ou dans d’autres domaines. La dynamique interministérielle n’est pas toujours probante. C’est en ce sens que le positionnement auprès du préfet, proposé dans le premier chapitre du présent rapport, serait préférable.

La tendance à la priorisation des crédits semble difficile à inverser pour l’administration, qui veut garder une visibilité sur toutes les allocations de crédits.

L’administration fait valoir que l’expérimentation qui va commencer dans 9 régions, déjà évoquée, mettra en œuvre de nouvelles procédures entre le niveau central et le niveau déconcentré : les régions pourraient négocier l’utilisation de crédits priorisés dans un premier temps, et réintroduire de cette manière la prise en compte des besoins locaux.

Recommandation n°14 : restituer une marge de manœuvre aux niveaux déconcentrés pour adapter la politique aux territoires, sous la forme d’un pourcentage significatif de crédits non « fléchés ».

4. Une visibilité insuffisante de l’action du réseau déconcentré en particulier dans les territoires ruraux

L’action du réseau déconcentré est insuffisamment perceptible dans les territoires ruraux : ceux-ci sont souvent éloignés des préfectures, et le manque d’effectifs conduit à des lacunes de l’intervention, alors que des questions sociétales de plus en plus graves se posent également dans ces territoires, où les femmes sont souvent seules face à leurs difficultés. Les réseaux associatifs, quand ils existent, peuvent, en outre, être peu accessibles – c’est ainsi que certaines communes se trouvent à une heure et demie d’un pôle associatif.

Il convient de rechercher comment la politique en faveur des femmes peut être plus visible et plus efficace, à partir des départements,dans les territoires ruraux. Une coordination avec les collectivités locales, communes ou communautés de communes, pourrait être étudiée lorsque ces collectivités sont prêtes à s’investir.

E. LA RÉPARTITION DES CRÉDITS AU NIVEAU DÉPARTEMENTAL

Les crédits mobilisables dans les départements proviennent de la répartition des crédits régionaux. Ils sont gérés dans le cadre d’une unité opérationnelle (UO) régionale car il n’y en a pas au niveau départemental.

1. La répartition des crédits entre les départements soulève parfois des difficultés

La répartition des dotations est proposée par la déléguée régionale ; cette répartition est examinée, dans le cadre d’une concertation des chargés de mission départementaux, avec le directeur départemental de la cohésion sociale ou le directeur départemental de la cohésion sociale et de la protection des populations selon les cas. La concertation a lieu sur la base des orientations définies dans le cadre du dialogue de gestion conduit entre les trois niveaux d’administration.

Ce point semble très sensible car il peut arriver que la répartition des crédits soit très « contentieuse ». Cette procédure de répartition, qui n’est pas harmonisée, fait ressortir les ambiguïtés qui touchent l’organisation du réseau.

Ainsi, il est demandé à la déléguée régionale d’élaborer et de mener une stratégie sur le territoire, ce qui l’entraîne probablement à prendre une décision de répartition de crédits cohérente avec cette stratégie : or cela peut être mal compris des chargés de mission placés dans la logique de leur action proche du terrain. L’élaboration et le partage de la stratégie et des actions est indispensable.

Les chargés de mission constatent en outre qu’ils rencontrent une difficulté croissante à faire fonctionner l’effet levier des crédits. Face aux restrictions budgétaires, les dispositifs de droit commun se recentrent sur leur « cœur de métier » et acceptent de moins en moins d’intégrer dans leur programme les actions ou les propositions extérieures, comme celles qui pourraient venir du service des droits des femmes. Un exemple est donné avec les crédits relatifs aux contrats urbains de cohésion sociale et à la prévention de la délinquance, plus difficiles à mobiliser depuis 2011.

Dans ce contexte, les chargés de mission sont demandeurs d’engagements formalisés des ministères, avec l’appui de la ministre des Droits des femmes.

2. Quelles relations avec les associations et quelle continuité des actions ?

Un autre problème souvent souligné est le manque de prévisibilité des financements publics sur le moyen terme pour les associations impliquées dans des actions mettant en œuvre, sur le terrain, la politique des droits des femmes et de l’égalité. La dépendance à l’égard des moyens alloués par la puissance publique est telle qu’il est impossible pour ces associations d’élaborer de nouveaux projets, de lancer de nouvelles campagnes sans une sécurisation des financements d’une année sur l’autre.

Le service des droits des femmes est d’ailleurs à présent sollicité par les associations pour participer, en fin d’année, à des tours de table financiers destinés à faire le point, avec l’ensemble des cofinanceurs, sur les engagements pour l’année suivante.

Les modalités de partenariat entre le réseau et les associations, tant à l’échelon national que local, doivent être réexaminées, dans la mesure où la méthode prévalente aujourd’hui des appels à projet conduit les associations à monter de très nombreux dossiers chaque année, en y consacrant beaucoup de temps au détriment de l’action sur le terrain. Ces appels à projet devaient être évités lorsqu’ils portent sur des actions d’un montant très faible, car ils sont très « chronophages » pour les associations, et donc coûteux.

Le partenariat avec les associations repose le plus souvent sur la signature de protocoles thématiques, et les conventions pluriannuelles sont rares. Le financement est souvent une aide au démarrage, portant sur trois ans, le temps de convaincre d’autres partenaires de participer au financement. Ce fonctionnement conduit donc à stopper le soutien après cette période d’aide au démarrage ; par ailleurs, la baisse des crédits non fléchés depuis deux ans a aussi contribué à l’arrêt des financements pour un certain nombre d’actions.

Des instructions ont été données par le ministère des Affaires sociales pour l’établissement de telles conventions pluriannuelles avec les associations têtes de réseau impliquées dans la politique des droits des femmes et de l’égalité, comme c’est le cas par exemple avec le Centre d’information des droits des femmes et des familles (CIDFF).

Votre Rapporteure insiste, comme l’a fait M. Christophe Sirugue, rapporteur pour avis des crédits de la Solidarité dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2013 (8), sur l’importance de mener à bien et de généraliser ces conventions à caractère pluriannuel, dont la durée pourrait être de trois ans au minimum.

Cette mise en œuvre de conventions pluriannuelles pose la question du fléchage des financements alloués. Les associations têtes de réseau souhaitent un fléchage précis des crédits, considérant que son absence crée des disparités et des inégalités territoriales dommageables. Cette difficulté a en effet été constatée à propos des incertitudes qui ont entaché la délégation des crédits provenant de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSé), et s’élevant depuis quelques années à 500 000 euros. Ces crédits devraient revenir clairement au ministère des droits des femmes afin d’éviter une répartition, dans les départements, des subventions allouées non conforme à la politique poursuivie, répartition qui a pu s’avérer inégalitaire et inefficace.

Cette observation sur le fléchage porte sur la réelle mise à disposition des crédits au profit des actions du réseau ; elle ne contredit pas la recommandation d’une marge de manœuvre accrue pour les responsables au niveau régional et départemental.

La simplification des procédures doit être recherchée, et la méthode des conventions globales – lorsque la même association sollicite des financements pour deux ou trois projets différents – est une bonne initiative pour éviter que chaque projet fasse l’objet d’une demande spécifique, ce qui exige beaucoup de temps et de travail de la part des associations.

Le renforcement du dialogue avec les collectivités est également très souhaitable, afin de pouvoir éviter de trop grandes disparités sur les territoires, et de sécuriser quelque peu les financements.

Les services du ministère délégué à la Vie associative doivent concevoir des procédures simplifiées, évitant de consacrer un temps excessif au montage des dossiers. L’accent pourrait alors être mis davantage sur la manière dont les associations doivent rendre compte de leur action, dans la mesure où elles reçoivent de l’argent public.

Recommandation n°15 : mettre en œuvre des conventions à caractère pluriannuel, dont la durée pourrait être de trois ans au minimum, avec les associations intervenant de manière régulière dans la mise en œuvre de la politique des droits des femmes et de l’égalité.

III.– LES CHAMPS D’INTERVENTION DU SERVICE S’ÉLARGISSENT ET LES MÉTHODES D’ACTION DOIVENT ÉVOLUER

La politique de l’égalité initiée dans les années 1970 a connu beaucoup de transformations depuis lors, élargissant son champ d’action à de nouveaux domaines et acquérant une dimension interministérielle accrue. Aujourd’hui, il s’agit d’une action intégrée, qui a l’ambition d’inscrire l’égalité entre les femmes et les hommes au cœur de toutes les politiques publiques.

Les missions ont aussi évolué à la suite de la révision générale des politiques publiques, qui a fait sortir le niveau départemental du champ d’action de la déléguée régionale, qui se centre principalement sur le niveau régional. La fonction de structuration et de coordination des actions départementales par la déléguée régionale a été renforcée, et la méthode de construction des plans régionaux stratégiques a encore conforté cette évolution. L’expérience de l’élaboration de la première génération de ces plans montre cependant qu’il conviendra d’infléchir certaines méthodes pour rétablir une meilleure coordination de l’ensemble de l’équipe régionale.

Enfin, la multiplicité des actions dans des champs très variés confère beaucoup d’exigence à cette politique, car les moyens humains et financiers sont, comme cela a été souligné, limités. Les agents du réseau déconcentré doivent s’appuyer sur différents partenaires pour être efficaces, partenaires dont les objectifs et les obligations sont parfois très différents des leurs.

A. L’AFFIRMATION D’UNE DIMENSION INTERMINISTÉRIELLE ET TRANSVERSALE DE LA POLITIQUE DE L’ÉGALITÉ

La nécessité d’une action interministérielle renforcée est constatée à partir de 2010, notamment dans le cadre des stratégies internationales et communautaires de l’égalité, comme le Pacte européen 2011-2020 pour l’égalité entre les femmes et les hommes du Conseil de l’Union européenne, et la stratégie de l’égalité 2010-2015 de la Commission européenne.

1. L’ébauche d’une approche interministérielle plus systématique à partir de 2010

Le service des droits des femmes a alors élaboré un plan d’action interministériel en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes pour 2010-2015, qui s’articule autour de quatre lignes directrices : État employeur, État exemplaire, garantir la production de statistiques sexuées, lutte contre les stéréotypes de genre et prise en compte à tous les niveaux et dans toutes les politiques de l’égalité entre les femmes et les hommes ( gender mainstreaming ).

En même temps se met en place la mise en œuvre du troisième plan interministériel de lutte contre les violences faite aux femmes pour les années 2011-2013.

C’est dans ce contexte qu’intervient l’instruction du Gouvernement sur la politique interministérielle de l’égalité entre les femmes et les hommes, signée le 5 août 2011 par la ministre des Solidarités et de la cohésion sociale Roselyne Bachelot-Narquin. Cette instruction donne un cadre à l’interministérialité et veut instituer une approche systématique partenariale avec les autres ministères et les organismes publics, mais aussi avec les collectivités territoriales, les entreprises et le secteur associatif, afin de promouvoir les thématiques du Plan d’action interministériel.

Cette approche est à l’origine des plans régionaux stratégiques en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes (PRSEFH) institués par cette instruction du Gouvernement, plans élaborés au cours de l’année 2011 et 2012, aujourd’hui pour la plupart adoptés et connaissant un début de mise en œuvre.

Ce rappel de l’interministérialité qui doit présider aux actions du réseau des droits des femmes souligne le caractère indispensable du repositionnement du service.

2. L’année 2012 marque une rupture avec une nouvelle impulsion donnée à la transversalité et l’interministérialité des actions

Depuis mai 2012, l’objectif fixé par le Gouvernement est d’inscrire le thème de l’égalité au cœur de l’action publique, dans une approche transversale et interministérielle. Cette volonté politique doit associer une action intégrée, car il s’agit d’inscrire l’égalité entre les femmes et les hommes au cœur de toutes les politiques publiques, et spécifique puisqu’il subsiste des inégalités de fait qui nécessitent encore des mesures positives en faveur des femmes.

Il semble que cette évolution conduise à donner à l’action régionale en matière de droits des femmes un aspect beaucoup plus sociétal, plus large encore que l’aspect de la cohésion sociale, comme l’a observé Mme Françoise Kieffer, présidente de l’association des déléguées régionales lors de son audition par la Délégation. Les questions traitées peuvent en effet embrasser l’ensemble des politiques. Cela suppose évidemment que l’action soit appuyée au plus haut niveau de l’État et rendue visible sur les territoires. Les échanges que votre Rapporteure a eus avec les conseillers techniques de la ministre des Droits des femmes confortent cette compréhension des enjeux et donnent bon espoir quant à la mise en œuvre de cette politique intégrée ambitieuse.

La directive nationale d’orientation annuelle (DNO) pour le pilotage et la mise en œuvre au niveau territorial des politiques de cohésion sociale, de la ville, des droits des femmes, de sports, de jeunesse et de vie associative pour l’année 2013 a expressément rappelé la recherche de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes : elle a renforcé, tant pour la politique de l’égalité que pour d’autres politiques, la transversalité entre les politiques et les dispositifs. Elle place la promotion des femmes et de cette égalité réelle au cœur des programmes d’intervention régionaux.

La méthode retenue comporte l’élaboration de feuilles de route et une démarche d’évaluation renforcée : les plans régionaux stratégiques construits l’année dernière par les déléguées régionales répondent à cette méthode : le présent rapport les commentera dans sa troisième partie.

Il convient surtout de souligner la tenue, le 30 novembre 2012, du comité interministériel aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes, qui ne s’était pas réuni depuis douze ans. Ce comité, il convient de le souligner, a eu lieu en présence du Premier ministre Jean-Marc Ayrault et de la ministre des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem.

Les décisions prises par ce comité interministériel devront se traduire par des mesures fortes et immédiates. Sont abordés de nombreux domaines, de l’éducation à la santé, outre les domaines attendus comme l’égalité professionnelle ou la lutte contre les violences. Ces décisions apparaissent ambitieuses et courageuses dans de domaines difficiles comme les temps partiels subis, par exemple.

B. LES PLANS RÉGIONAUX STRATÉGIQUES : PRIVILÉGIER LES EXPÉRIENCES INNOVANTES ET FAIRE CONNAÎTRE LES BONNES PRATIQUES

L’une des nouvelles modalités d’action des déléguées régionales est l’élaboration du plan régional stratégique en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes (PRSEFH) : il est élaboré en concertation avec les chargés de mission départementaux, et avec les autres acteurs locaux travaillant sur les sujets concernés.

Le plan est issu de l’analyse de la situation et de la place des femmes dans la région. Il doit proposer des actions concrètes, accompagnées notamment d’engagements quantifiés et mesurables annuels et/ou pluriannuels de chacun des niveaux du réseau déconcentré sur les thématiques retenues.

Le plan vise à mobiliser les acteurs locaux sur l’importance et l’enjeu d’intégrer le genre dans les politiques publiques, et de rendre visible, dans un document transversal unique, les engagements des différents services pour la période 2012-2013, voire sur trois ans selon les plans. Les plans régionaux ont dû être élaborés, selon la circulaire du 12 septembre 2011 relative à leur mise en œuvre, à partir des priorités nationales précisées par la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, et obligatoirement structurés en deux volets d’intervention : l’égalité dans la vie professionnelle, économique, politique et sociale et la promotion des droits des femmes, et la déclinaison locale du 3ème plan interministériel de lutte contre les violences.

Les modalités d’adoption des plans ont été précisées dans l’instruction ministérielle du 5 août 2011 : les plans sont présentés devant le comité de l’administration régionale (CAR) et validés par ce dernier. Les actions portées par le plan doivent faire ensuite l’objet d’un suivi et d’une évaluation régulière.

L’élaboration des plans stratégiques, qui sont conclus pour deux ou trois ans, a été lancée en 2011. Les déléguées régionales ont fait valider en 2012 les plans qu’elles ont élaborés : leur élaboration a constitué un travail important lorsque la déléguée est seule. L’année 2013 est la première année d’exécution de ces plans. Selon la directive nationale d’orientation du 25 octobre 2012, les plans doivent « prendre en compte les orientations du plan d’action ministériel arrêté en novembre 2012 par le Gouvernement dans le cadre du comité interministériel aux droits des femmes et à l’égalité », cependant les plans sont antérieurs au comité interministériel… il faut donc espérer qu’ils seront parfaitement compatibles.

L’élaboration a suivi les étapes suivantes. D’abord, la réflexion animée par la déléguée a eu pour objet d’établir les enjeux propres à la région. Ces enjeux ont ensuite donné lieu à la définition d’axes de travail sur lesquels les partenaires du plan régional stratégique s’engagent à conduire un certain nombre d’avancées. Enfin, les plans présentent des priorités transversales susceptibles de mobiliser l’ensemble des services de l’État. Leur caractère opérationnel et concret est très variable suivant les PRS.

Ayant pris connaissance d’un certain nombre de PRS, votre Rapporteure considère que les axes de travail débouchant sur des améliorations concrètes et quantifiables des situations des publics visés doivent être privilégiés. L’aspect de capitalisation des bonnes pratiques développées dans les départements est aussi un élément essentiel auquel il faut accorder beaucoup d’attention.

Après la présentation de tous ces éléments, les plans régionaux stratégiques comportent vingt à trente fiches « action ». Les actions initiées sont très diverses : certaines établissent un diagnostic ou réalisent un répertoire d’opérateurs référents dans la région, d’autres concernent la formation, la mixité des métiers, l’insertion professionnelle des femmes de quartiers défavorisés, l’accompagnement du dialogue social d’entreprise, la formation des professionnels de santé pour venir en aide aux femmes subissant des violences, notamment.

La nature des actions est donc différente : sensibilisation, communication, actions événementielles, prévention, enquêtes et recueil de données, actions d’accompagnement spécifique, amélioration des conditions d’emploi…Votre Rapporteure considère qu’un certain équilibre entre ces modes d’intervention doit être trouvé ; elle estime que les actions à caractère opérationnel ayant une traduction concrète et visible à court terme pour le public visé doivent figurer en bonne part, car les actions poursuivant l’amélioration des connaissances des phénomènes et d’analyse peuvent être conduites par les services de recherche des administrations ou par les établissements supérieurs de recherche scientifique et technique de la région.

En pratique, l’élaboration des plans semble avoir été différente selon les cas. Certains ont été préparés par la seule déléguée régionale sans association des chargés de mission. D’autres ont impliqué les chargés de mission, mais sans prévoir de latitude pour une déclinaison départementale. D’autres enfin ont été bâtis avec une écoute des chargés de mission, qui ont pu proposer leurs actions, lesquelles ont été intégrées dans le plan.

La Rapporteure estime nécessaire un travail de coordination entre niveaux régional et départemental, dans le respect des priorités définies par le ministère. Il est aussi très important que les chargés de mission conservent un rôle d’animation des réseaux et n’aient pas le sentiment de devenir un simple rouage de l’exécution du plan régional stratégique.

Recommandation n°16 : : l’élaboration et la mise en œuvre des plans régionaux stratégiques doivent être conduites dans le cadre d’une coordination de l’ensemble de l’équipe régionale, afin de mieux articuler priorités définies par le ministère et actions locales. Au cours de l’élaboration en particulier, les chargés de mission doivent pouvoir proposer leurs actions comme susceptibles d’être intégrées dans le plan.

Recommandation n°17 : lors de l’élaboration des plans régionaux stratégiques, privilégier les actions opérationnelles aux actions de recherche et d’enquête, sans les exclure si elles sont nécessaires pour mettre en place des actions structurantes et opérationnelles dans un terme assez court.

Recommandation n°18 : les plans régionaux stratégiques sont établis à partir de priorités nationales et d’un diagnostic territorial effectué par les déléguées régionales : il est essentiel que ce diagnostic soit établi en prenant en compte les politiques engagées par les collectivités territoriales dans le domaine des droits des femmes et de l’égalité.

C. L’ÉVOLUTION DES DOMAINES D’ACTION PRIVILÉGIÉS DU RÉSEAU DÉCONCENTRÉ : UN RÉÉQUILIBRAGE AU PROFIT DE L’EMPLOI ET DE L’ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE

Les domaines d’intervention des déléguées régionales et des chargés de mission départementaux sont constants, mais les missions ont évolué, comme il a déjà été souligné, vers plus d’inter ministérialité et vers le travail partenarial avec plusieurs collectivités, administrations et acteurs dans certains cas.

1. La prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes : de nouvelles modalités d’action récemment décidées au plan national

Le troisième plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes pour les années 2011-2013 avait été adopté sous l’impulsion de la ministre des Solidarités et de la cohésion sociale d’alors, Mme Roselyne Bachelot-Narquin. Soutenu par un financement de 31,6 millions d’euros, ce plan maintenait la vigilance sur les questions de violences intrafamiliales, de mariages forcés et de polygamie, mais il abordait également la question des violences sexistes et sexuelles au travail, ainsi que le viol et les agressions sexuelles, ainsi que la prostitution et la traite des êtres humains.

Une nouvelle étape s’est ouverte avec la tenue du comité interministériel aux droits des femmes et à l’égalité, le 30 novembre dernier, comme votre Rapporteure l’a souligné. Le comité interministériel a consacré une partie de ses décisions à la protection des femmes contre la violence, et demandé la préparation d’un plan global de lutte contre la violence.

Les mesures annoncées par le comité interministériel sont très complètes et très ambitieuses dans ce domaine comme dans d’autres, couvrant les questions de premier accueil, de prévention, de prise en charge des auteurs et de prévention de la récidive, d’accompagnement des victimes, de lutte contre les mariages forcés et la polygamie…Il ne fait pas de doute que la mise en œuvre de ces mesures aura des répercussions sur le travail des déléguées régionales et davantage encore, des chargés de mission départementaux qui, en lien avec les associations, ont pour mission de participer à leur mise en œuvre.

En outre, une mission interministérielle pour la protection de femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains sera prochainement mise en place, comme l’a annoncé la ministre des Droits des femmes début janvier (9). Inspirée de l’Observatoire des violences mis en place en Seine-Saint-Denis, cette mission devra apporter des solutions concrètes aux personnes, s’inspirant d’expérimentations réussies dans les territoires : le portable d’urgence, ou la présence de travailleurs sociaux dans les commissariats, par exemple.

Les crédits du programme 137 sont limités aux actions d’accompagnement et de prévention, mais l’action des chargés de mission départementaux n’est possible qu’en contact et relation étroite avec les services de police et le parquet, relation qui s’est bien établie suivant les témoignages des membres du réseau entendus lors des auditions menées par votre Rapporteure.

La lutte contre les violences fait l’objet d’une coordination dans le cadre des conseils départementaux de prévention de la délinquance, avec un volet « violences » ; cette formation a généralement intégré la commission départementale des violences faites aux femmes, qui ne se réunit donc plus en tant que telle.

Ce domaine d’action a donné lieu à de nombreuses initiatives de la plupart des déléguées régionales et des chargés de mission départementaux. Les plans régionaux stratégiques présentent chacun plusieurs actions dans ces domaines : un exemple figure en annexe 4 au présent rapport, qui fait état de la mise en œuvre, dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, d’un accompagnement global en faveur des personnes prostituées. La déléguée régionale participe à son élaboration, puis aux appels à projet.

Des dispositifs nouveaux sont mis en place pour répondre aux besoins : votre Rapporteure citera par exemple la mise en place en Martinique d’un dispositif d’urgence et d’accompagnement, impliquant les forces de l’ordre, qui aide les victimes à préserver leur intégrité physique en cas de crise, assure un accompagnement sur le lieu d’hébergement d’urgence et une écoute spécialisée. Face à ce dispositif, une cellule d’accompagnement psychosocial des auteurs de violences est mise en place, coordonnée au parquet pour des injonctions de suivi par un groupe de responsabilisation, pendant la période post-sentencielle. Pour cette action, qui pourrait être étendue aux auteurs d’infractions sexuelles, la déléguée régionale a établi un partenariat avec le service d’insertion et de probation pénitentiaire.

2. L’éducation à l’égalité et à la vie affective et sexuelle : une action indispensable qu’il convient de relancer et de généraliser

Des « commissions contraception » avaient été mises en place, à partir de 2002, dans le cadre départemental, afin d’évoquer les questions liées à la sexualité, à la vie affective et sexuelle, auxquelles prenaient part l’ensemble des acteurs - Éducation nationale, structures associatives, services d’action sanitaire et sociale du conseil général, services de l’État. Ces commissions de concertation permettaient de faire le point sur les actions conduites dans ces domaines, à la fois en direction des établissements scolaires, des jeunes et de tous les publics. Ces commissions favorisaient, selon les chargées de mission départementales interrogées par votre Rapporteure, la visibilité des actions menées.

Aucune instruction n’a semble-t-il été donnée après la réorganisation administrative qui a touché le réseau déconcentré des droits des femmes. Aussi, si certains chargés de mission départementaux (qui co-pilotaient cette commission avec les anciennes directions départementales des affaires sanitaires et sociales) ont maintenu le principe d’une réunion de concertation, cela ne semble pas être le cas le plus fréquent. L’agence régionale de santé (ARS) détient à présent une compétence en matière d’éducation et d’information à la contraception, mais n’a pas mis en place d’instance de concertation systématique sur la contraception et l’éducation des jeunes.

En pratique, des actions sont poursuivies à l’initiative de divers intervenants selon les départements : les conseils généraux, les ateliers Santé-ville au titre de la politique de la ville, le Planning familial ou d’autres associations, l’Éducation nationale par les infirmières scolaires, l’enseignement privé avec des personnels de santé intervenants associatifs… Des établissements d’éducation ne semblent pas être destinataires du tout de telles actions : les établissements d’enseignement agricole et les maisons familiales rurales (qui dépendent du ministère de l’Agriculture), ou encore les centres de formation des apprentis, ce qui est très regrettable.

Il conviendrait de faire un état des lieux des actions d’information et d’éducation mises en œuvre, par quels intervenants et avec quels outils. En effet, les documents de travail et d’information mis au point par l’ARS devraient être adressés à différents publics, sans se focaliser sur les adolescentes uniquement, comme c’est le cas actuellement selon les observations de certaines chargées de mission. Il conviendrait donc de travailler au niveau régional de façon plus précise pour que ces questions soient bien identifiées dans les plans régionaux de santé, en associant l’Éducation nationale à ces échanges. Les déléguées régionales pourraient s’emparer de ce sujet afin de dresser l’état des lieux des actions existantes, et de proposer une concertation débouchant sur une méthode de prise en charge de cet aspect éducatif ainsi que des outils à élaborer.

3. Des missions renforcées dans le domaine de l’emploi et de l’égalité professionnelle

Jusqu’à présent, le réseau n’a pu jouer qu’un rôle discret en matière de politique de l’emploi et d’égalité professionnelle. Ce rôle est très variable d’une région à l’autre, certaines déléguées régionales plaçant avec volontarisme l’emploi des femmes au centre de leur action : c'est le cas des déléguées de l’Outre-mer par exemple.

Les déléguées régionales sont toutes cependant en relation avec les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), et notamment leur pôle travail, afin de mener avec elles dans les entreprises des actions ciblées de promotion de l’égalité professionnelle.

La Direction générale du travail a demandé à certaines DIRECCTE d’entreprendre des expérimentations : c’est l’occasion pour les déléguées régionales d’engager un travail en direction des entreprises, en lien avec la déléguée départementale, qui pourrait prendre pour thème les accords d’entreprise et le rapport de situation comparée.

Il ne relève actuellement pas de la compétence de la déléguée régionale d’examiner ou de prendre position sur le rapport de situation comparée (RSC) relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes au sein de l’entreprise, mais un accompagnement des entreprises pourrait être envisagé afin de contribuer à l’ouverture de la négociation, et à ce qu’elle aboutisse à un rapport de qualité. Cette possibilité est évidemment liée à la formation de la déléguée dans ce domaine. Ainsi, le plan stratégique régional élaboré en Basse-Normandie comporte une action, figurant en annexe 6 du présent rapport, dont l’objet est de suivre et accompagner la production du RSC et la mise en œuvre des négociations dans les entreprises, comme de veiller au respect de la législation et du décret d’application sur l’égalité professionnelle.

La lecture des plans régionaux stratégiques montre, comme votre Rapporteure l’a souligné, la diversité et le caractère innovant de nombreuses actions, notamment dans ce domaine de l’emploi dans lequel l’action des déléguées régionales prend de plus en plus d’ampleur.

Votre Rapporteure souhaiterait mettre de nombreuses actions en exergue pour refléter cette diversité riche en initiatives pertinentes : trois seulement sont présentées dans les annexes du rapport, mises en œuvre en Basse-Normandie et en Île-de-France. Est aussi présentée l’action mise en place dans la région Poitou-Charentes intitulée « Du travail en journée, pour améliorer les conditions d'emploi des agents de service du secteur de la propreté ». Cet objectif, bien que simple et évident en apparence, est très complexe à mettre en œuvre et impose de nombreuses évolutions des habitudes ; son impact sur la qualité de vie des salariées peut s’avérer très important. Il convient de souligner que cette expérience avait été conduite, à l’origine, par la ville de Rennes, à l’initiative de son Bureau des Temps.

Cette expérimentation, présentée dans le tableau de l’annexe n° 5 du présent rapport, a suscité une réflexion plus large sur l’approche économique à instaurer pour améliorer le mode de travail des salariés des entreprises de nettoyage, qui sont en grande majorité des femmes, souvent mères de famille. Cette approche doit prendre en compte les besoins des entreprises et des administrations, et le contexte de travail des personnels de nettoyage intervenant en plusieurs lieux dans la journée dans le cadre de multi-contrats, mais en réalité à la recherche de temps pleins. Elle impose donc la concertation entre les entreprises de nettoyage et leurs clients, administrations déconcentrées et collectivités locales au début, puis les entreprises dans un second temps.

L’exemplarité de cette initiative est complétée par sa transposition au cabinet de la ministre des Droits des femmes, dans une expérimentation de changement des horaires de travail du personnel d’entretien des bureaux, afin de retarder d’une heure l’horaire de début de travail des salariés. De telles initiatives pourraient être généralisées par la suite, de même que les pratiques respectueuses de l’environnement devaient l’être par le plan « État exemplaire » de 2008.

Ce dernier exemple a été mis en exergue pour appeler à une meilleure articulation entre les plans régionaux stratégiques et le niveau national, et à une information systématique sur les bonnes pratiques, qui permettent d’entraîner des évolutions favorables en partant du niveau local pour remonter au niveau national.

Recommandation n°19 : mettre en place, à l’échelon de l’administration centrale, un outil de diffusion des bonnes pratiques, qui permette d’entraîner des évolutions favorables à partir du niveau local.

La grande conférence sociale tenue en juillet 2012 a permis d’établir une feuille de route, arrêtée par le Premier ministre le 10 juillet 2012, et partagée entre l’État, les organisations syndicales représentatives de salariés et les organisations patronales. Cette feuille de route établit différentes méthodes pour assurer une réelle effectivité du droit en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, notamment dans le monde de l’entreprise. Dans ce cadre, l’État va engager une expérimentation intitulée « territoires d’excellence pour l’égalité » dans huit régions : Aquitaine, Bretagne, Centre, Île-de-France, Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais, Poitou-Charentes et Rhône-Alpes.

Des conventions cadres y sont signées, dans lesquelles l’État et la région s’accordent sur des objectifs comme la réalisation de l’égalité professionnelle dans le PME et les TPE ou la mixité des métiers et des filières par exemple (convention avec l’Île-de-France). Ces conventions impliquent différents acteurs qui seront mobilisés : le conseil régional, Pôle Emploi, les DIRECCTE, notamment.

Les actions envisagées sont de l’ordre suivant : sensibilisation et information, accompagnement, communication vers les partenaires professionnels, formation des acteurs, enquêtes…

On soulignera que cette expérimentation a pour effet de donner aux déléguées régionales un rôle accru dans le champ de l’emploi, où elles étaient peu présentes jusqu’alors.

Dans le cadre de ces nouvelles expérimentations en région, le ministère des droits des femmes souhaite voir associés les chargés de mission dans la définition et la mise en œuvre du projet régional. Cela paraît en effet très important, afin que l’expérience des chargés de mission soit mise à contribution pour des actions répondant parfaitement aux réalités et aux besoins locaux.

D. FACE AUX NOUVEAUX MODES D’ACTION, UN BESOIN DE REDÉFINITION DES COMPÉTENCES ET D’OUTILS RENFORCÉS

Si le périmètre d’attributions au sens juridique n’a pas changé, d’importantes évolutions ont eu lieu en ce qui concerne les méthodes de mise en œuvre des missions des déléguées régionales.

De manière générale, ces méthodes connaissent depuis 2012 une évolution positive et dynamique : les déléguées régionales et les chargés de mission départementaux devront pouvoir y répondre, en termes de moyens mais aussi de modalités d’action. Plusieurs d’entre eux avec lesquels votre Rapporteure s’est entretenue ont indiqué leur besoin de voir redéfinies les missions incombant aux unes et aux autres, selon leur position territoriale.

1. Le besoin d’une nouvelle circulaire actualisée à la suite des décisions prises par la ministre des Droits des femmes

Le texte réglementaire en vigueur est celui du 5 août 2011 : sans être ancien, il ne répond plus aujourd’hui au besoin de cadrage juridique d’une action très variée, multiforme, interministérielle et créative telle que l’impulsion donnée au niveau ministériel va l’exiger.

Une nouvelle circulaire serait donc bienvenue, et la ministre des Droits des femmes en a fait l’annonce le 13 novembre devant les préfets. Il serait sans doute souhaitable qu’elle revête l’autorité du Premier ministre pour conforter le statut et l’action des agents du réseau des droits des femmes dans leur nouvelle version transversale et pleinement interministérielle. Cette circulaire doit porter tant sur l’orientation de la politique que sur la redéfinition du rôle et des modalités d’action des agents du réseau.

Recommandation n°20 : élaborer une nouvelle circulaire, signée par le Premier ministre, sur la mise en œuvre de la politique interministérielle relative à l’égalité entre les femmes et les hommes, afin de donner plus de poids, de légitimité et donc plus d’efficacité au réseau déconcentré des droits des femmes et de l’égalité.

2. Le besoin d’outils plus adaptés

Votre Rapporteure a constaté une forte demande des agents du réseau, tant au niveau régional que départemental, de bénéficier d’une formation élargie pour s’adapter à l’évolution de leur mission et des actions qu’ils doivent conduire, ainsi qu’à l’évolution des politiques et des textes législatifs et réglementaires. Une partie de ces formations, ainsi qu’une indispensable formation à la gestion de projets, doit être assurée lors de la prise de poste.

D’autres savoir-faire sont aujourd’hui requis dans la position des déléguées régionales, comme la conduite de diagnostics territoriaux, la conception d’actions de sensibilisation et de formation des professionnels ou du grand public, l’animation de comités de pilotage, la négociation d’objectifs partagés et d’actions avec les élus et les organisations professionnelles et de branches, la maîtrise de l’ingénierie financière et de projet, l’évaluation de la politique régionale…

Les déléguées doivent aussi détenir des compétences d’animation d’équipes pour assurer la mise en œuvre au plan local de la politique définie au plan national sans s’appuyer sur un lien hiérarchique classique, du fait du positionnement des chargés de mission sous une autre autorité hiérarchique, ou le travail de manière transversale avec les différentes administrations concernées par une action.

Pour les deux niveaux, la conduite de projets devient également indispensable, comme la création et l’animation de réseaux pour mettre en œuvre la politique de l’égalité de manière interministérielle et partenariale. Peut être ajoutée également la capacité de mettre en œuvre des techniques de négociation professionnelle.

Les déléguées régionales doivent aussi animer un travail de concertation et de partenariat entre le niveau régional et le niveau départemental, afin d’utiliser au mieux les « remontées d’expérience » du niveau départemental, et éviter que les chargés de mission n’aient le sentiment d’une politique dictée au niveau national et régional sans prise en considération suffisante des réalités et des expériences locales.

Enfin, l’action dans certains domaines, comme les violences ou l’accompagnement des personnes prostituées, appelle une formation particulière, juridique et d’accès aux droits, et des outils élaborés au plan national pour que les chargés de mission disposent d’une méthode de travail et de données de référence et de comparaison entre départements.

Recommandation n°21 : La transversalité de l’action des déléguées régionales et des chargés de mission nécessite une formation et une maîtrise de modes de travail particuliers.

C’est pourquoi l’offre de formation qui leur est destinée doit être renforcée, tant au moment de la prise de fonctions que pendant l’occupation de l’emploi pour les agents déjà en poste. Cette formation doit intégrer le renforcement des compétences en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, la connaissance de l’accès aux droits personnels et sociaux, mais aussi les techniques de l’animation d’équipes territoriales pour améliorer la coordination des actions entre le niveau régional et départemental, comme pour mener des concertations locales réunissant les différents partenaires mobilisés en fonction des actions de terrain.

Par ailleurs, une animation du réseau plus dynamique au plan national serait certainement très utile, avec une meilleure diffusion des bonnes pratiques par exemple, par le biais d’un intranet. Un tel support compléterait utilement les réunions d’information régulières animées par la cheffe du service, ainsi que les déléguées au niveau de leur région.

Certaines déléguées régionales ont souligné le besoin de compétences en communication, tant interne au sein des services de l’État, qu’externes en direction des médias notamment.

Enfin, les moyens de communication au niveau régional et départemental pourraient être mieux coordonnés, afin de mieux mutualiser les moyens et éviter des dépenses de communication à chacun des deux échelons.

Votre Rapporteure prend acte de l’intention de la direction générale de la Cohésion sociale d’enrichir, en 2013, les formations dédiées au service des droits des femmes, en améliorant les formations existantes et en ouvrant deux nouvelles formations relatives à la « conduite d’équipes territoriales et de mode projet » et à « l’accès aux droits personnels et sociaux ».

E. QUELLE DÉMARCHE DE PERFORMANCE POUR LE SERVICE DES DROITS DES FEMMES ET DE L’ÉGALITÉ ?

L’évaluation n’est pratiquée que depuis peu dans ce champ d’action des politiques gouvernementales. Cependant il convient de souligner, par exemple, que les programmes régionaux stratégiques comportent des indicateurs pour chaque action, et que des évaluations doivent avoir lieu chaque année. Les protocoles et les conventions signées par les agents du réseau déconcentré comportent également des indicateurs pour évaluer les actions qui y sont inscrites.

Il est vrai que la méthodologie pour cette politique est difficile. L’augmentation du nombre de déclarations de violences conjugales par les femmes pourrait être considérée comme un manque d’efficacité de l’action : elle signifie pourtant que de plus en plus de femmes osent porter plainte. Si des indicateurs sont possibles pour des résultats quantifiables, comme l’orientation des jeunes filles vers des sections technologiques par exemple, ils sont plus difficiles à élaborer sur des réalisations en partenariat.

Ainsi que l’a exprimé Mme Françoise Kieffer, présidente de l’association des déléguées régionales, lors de son audition par la Délégation, « il n’est pas évident de savoir quels sont les indicateurs à partir desquels on peut évaluer l’efficacité de notre travail. Par exemple, nous serions bien en mal de dire que nous avons amélioré l’orientation des filles au sein du système éducatif, mais nous pouvons envisager la question sous l’angle du nombre des personnes qui ont été sensibilisées à cette problématique pour que le changement puisse d’opérer. Et sur ce point précis, nous pouvons exprimer une certaine satisfaction. »

Il convient d’examiner les outils de mesure de la performance disponibles pour évaluer les actions conduites par le service des droits des femmes.

Les outils de mesure de la performance, mis en place conformément à la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, sont aujourd’hui très limités et incomplets : ils comptaient jusqu’en 2012 deux objectifs assortis de quatre indicateurs, et ne comptent plus en 2013 que deux indicateurs de résultat pour les deux objectifs intitulés Contribuer au développement de l’égalité professionnelle par l’orientation, la diversification des emplois et la négociation collective pour le premier et Améliorer la qualité de service des permanences téléphoniques nationales d’aide aux personnes victimes de violence pour le second.

Le premier des deux indicateurs maintenus en 2013 (figurant dans le programme annuel de performance annexé au projet de loi de finances) mesure la Proportion de dispositifs pour l’égalité hommes-femmes mis en place dans le monde de l’entreprise, en prenant en considération le pourcentage d’accords de branche, d’une part, d’accords d’entreprise, d’autre part, qui visent à la réduction des inégalités entre les femmes et les hommes parmi l’ensemble des textes conventions conclus – conventions collectives, accords interprofessionnels et professionnels ou avenants. La prévision pour 2013 a été établie à 9 % des accords, ce qui peut être regardé comme insuffisant considérant que cette proportion a déjà été dépassée en 2011. La cible à atteindre en 2015 est établie à 10 %, objectif qui apparaît aujourd’hui en deçà des principes posés par la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, et en particulier par son article 99 instituant une sanction financière à l’encontre des entreprises d’au moins 50 salariés n’ayant pas conclu d’accord d’égalité professionnelle ou, à défaut, de plan d’action de leur rapport de situation comparée.

Par ailleurs, l’un des sous-indicateurs de ce premier indicateur concerne le nombre de bénéficiaires de contrats pour la mixité des emplois et l’égalité professionnelle mais il n’est pas encore opérationnel, ayant remplacé un indicateur antérieur semblable mais limité à trois secteurs professionnels.

Le second indicateur mesure le Taux d’appels traités par les permanences téléphoniques nationales ; il concerne deux plates-formes nationales d’appels : celles de la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF) et du Collectif féministe contre le viol (CFCV). Cet indicateur a été amélioré pour apprécier l’augmentation des appels traités par rapport aux appels entrants, et non par rapport à l’ensemble des appels acheminés vers la plate-forme.

Ces indicateurs de résultat ne portent donc que sur deux aspects de la politique d’égalité et sont donc très réducteurs, ne pouvant refléter la diversité des actions menées par le service et son réseau déconcentré dans le cadre du programme 137.

Un autre outil devrait être élaboré : la directive nationale d’orientation (DNO) pour le pilotage et la mise en œuvre au niveau territorial des politiques de cohésion sociale, de la ville, des droits des femmes, de sports, de jeunesse et de vie associative pour l’année 2013 prévoit un tableau de bord pour renforcer la démarche d’évaluation des résultats. Celui-ci comportera un socle d’indicateurs de résultat défini au niveau national, tout en laissant la possibilité aux responsables des budgets opérationnels de région de présenter des indicateurs propres à la région.

Votre Rapporteure souligne que la directive nationale d’orientation prévoit dans son annexe 3 une remontée systématique des bonnes pratiques vers le service des droits des femmes. La valorisation des actions doit aussi être recherchée au moyen des sites Internet des préfectures et des outils mis en place par le ministère des Droits des femmes, comme la lettre d’information, le site Internet femmes.gouv.fr, par exemple. Votre Rapporteure approuve pleinement cette démarche.

Néanmoins, il conviendra de rebâtir, en vue du projet de loi de finances pour 2014, de nouveaux objectifs et indicateurs de performance mesurant l’efficacité des principaux dispositifs mis en œuvre par le service et son réseau déconcentré. Il sera en particulier important de constater l’effet de levier produit par les actions et dispositifs, notamment par le biais des financements de droit commun mobilisés à partir des initiatives du réseau.

Ces objectifs et indicateurs devront se fonder sur des méthodes d’évaluation à construire, et qui ne devront pas perdre de vue l’objectif de l’émergence de pratiques innovantes et fructueuses pour les droits des femmes et l’égalité.

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION

La Délégation aux droits des femmes s’est réunie le mercredi 23 janvier 2013 pour examiner le rapport d’information.

Mme la présidente Catherine Coutelle. La Délégation aux droits des femmes a décidé, le 2 octobre dernier, de consacrer des travaux à l’organisation du service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes, qui a été, comme vous le savez, profondément modifiée par la révision générale des politiques publiques et la réorganisation de l’administration territoriale, dans les années 2008 à 2011.

La réforme conduite tant au niveau central qu’au niveau déconcentré a eu, de façon rapide et visible, un impact sur l’efficacité du réseau des déléguées régionales et des chargés de mission départementaux. Elle a désorganisé ce service, et a contribué à limiter son action et son efficacité au gré de moyens en personnels qui se réduisaient. L’absence de ministre aux Droits des femmes de plein exercice dans les gouvernements précédents n’aura pas permis de compenser cette érosion, faute d’impulsion politique réelle. Comme de nombreux autres élus, j’ai fait le constat sur le terrain que le réseau des déléguées régionales et chargés de mission départementaux y avait perdu de sa visibilité et avait été par trop souvent la variable d’ajustement du manque de moyens.

Deux raisons étayent ce constat.

La première raison est que, depuis 2009, l’intégration des déléguées régionales aux secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR) a augmenté le risque d’affaiblissement de leur indépendance par rapport à l’administration déconcentrée. Les délégués départementaux ont été également dissociés de la hiérarchie du service des droits des femmes et placés sous l’autorité des directeurs départementaux de la cohésion sociale. Il convient alors de s’interroger sur l’articulation de ces deux niveaux d’action faute de lien juridique entre eux : sont-ils complémentaires ou ont-ils tendance à coexister ?

La seconde raison est la diminution des ressources en personnel, non seulement avec le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, commun à la plupart des services de l’État, mais également par le non remplacement de personnels mis à disposition par d’autres administrations ou établissements publics. Or les équipes du réseau du droit des femmes ont toujours été restreintes, aussi peut-on se demander dans quelle mesure les missions peuvent être accomplies correctement lorsqu’il ne reste plus qu’une seule personne en place (voire aucune pendant plusieurs mois dans certains départements), d’autant plus que le champ de ces missions a été récemment accru, ce qui est par ailleurs une évolution positive.

Étudier l’organisation, les moyens et modes d’action du réseau conduit à observer les évolutions mises en place par le gouvernement de M. Jean-Marc Ayrault. La question qui sous-tend cette étude est la suivante : la ministre des Droits des femmes a-t-elle les moyens opérationnels d’une ambition forte, qui doit s’exprimer tant à l’échelon central qu’à l’échelon régional et départemental ?

La question du statut et celle également des moyens d’action sont centrales : permettent-ils aux déléguées et chargés de mission d’être suffisamment reconnus par l’administration régionale, par les services départementaux, par les associations et l’ensemble des citoyennes et des citoyens ?

La lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes est redevenue une priorité politique : dès cette année, des initiatives importantes ont été prises. La restauration d’un ministère a d’ailleurs déjà eu des retombées concrètes pour le réseau : un arbitrage encourageant en ce qui concerne les crédits, permettant au réseau de poursuivre sa mission, le rétablissement des emplois dans l’administration centrale et la « sanctuarisation » des emplois du réseau au niveau actuel.

Ces mesures sont encourageantes. Il faudra cependant d’autres consolidations pour compenser les diminutions de postes passées et pour que le réseau déconcentré du service des droits des femmes puisse fonctionner dans des conditions satisfaisantes. Mais il faudra aussi apporter des modifications plus substantielles à son organisation et à sa gestion des ressources humaines. Ce réseau souffre d’une cohésion insuffisante entre ses différents niveaux, tant sur le plan hiérarchique que fonctionnel, et a besoin d’une réelle reconnaissance pour que les politiques d’égalité voulues par le Gouvernement s’inscrivent fortement sur tous les territoires.

Je vais maintenant vous présenter les recommandations que je formule en conclusion de mon rapport.

Les trois premières recommandations visent à redonner une visibilité, une autorité et donc plus d’efficacité au réseau déconcentré du service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes. Cela suppose de placer les déléguées régionales auprès du préfet de région, ce qui renforcera leur légitimité pour la dimension transversale de leur action.

Mais le fonctionnement du service central doit aussi connaître des modifications : sa responsable doit en particulier regagner un rôle dans la gestion des ressources humaines, pour ce qui concerne les nominations, la mobilité, les promotions, et pour les agents contractuels, les reconductions de contrat et les fins de contrats. Cette implication me semble essentielle pour assurer la cohérence de l’action de l’échelon central jusqu’à l’échelon départemental.

Une deuxième série de recommandations a pour but d’assurer la transversalité, la cohérence et la valorisation des actions menées par les déléguées régionales et les chargés de mission départementaux. À cet égard, l’une des principales mesures serait de placer les chargés de mission départementaux sous l’autorité hiérarchique du préfet de département, ce qui permettrait de renforcer la transversalité de leur action. Leur positionnement fonctionnel au sein de la direction départementale de la cohésion sociale peut être maintenu.

Ensuite, deux recommandations visent à garantir la présence des déléguées régionales et des chargés de mission départementaux sur tout le territoire. Il faudrait en particulier mettre en place, à partir de 2014, une couverture territoriale assurant la nomination d’une personne, adjointe ou soutien administratif, auprès de chaque déléguée, et un chargé de mission dans chaque département, appuyé par un poste de soutien administratif.

Il est important de renforcer les déléguées régionales, pour renforcer les politiques publiques en direction des droits des femmes et de l’égalité. À ce titre, j’estime que la diffusion d’une nouvelle circulaire, consacrée à la mise en œuvre de la politique interministérielle relative à l’égalité entre les femmes et les hommes, serait utile. Signée par le Premier ministre, elle donnerait plus de poids, de légitimité et donc plus d’efficacité aux déléguées régionales, et à leurs actions en direction des droits des femmes.

Enfin, la transversalité de l’action des déléguées régionales et des chargés de mission nécessite une formation et une maîtrise de modes de travail particuliers. C’est pourquoi l’offre de formation qui leur est destinée doit être renforcée, tant au moment de la prise de fonctions que pendant l’occupation de l’emploi pour les agents déjà en poste. Cette formation doit intégrer le renforcement des compétences en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, la connaissance de l’accès aux droits personnels et sociaux, mais aussi les techniques de l’animation d’équipes territoriales pour améliorer la coordination des actions entre le niveau régional et départemental, et pour mener à bien les concertations locales réunissant les partenaires mobilisés en fonction des actions de terrain.

En conclusion, je voudrais préciser que ce rapport et ses recommandations seront soumis à votre adoption au cours d’une prochaine réunion car il nous faut encore approfondir un point important, en cours d’évolution, qui a trait aux conditions d’intégration des déléguées régionales contractuelles, comme des chargés de mission départementaux, dans la fonction publique. Je souhaite recueillir l’analyse de l’association des chargés de mission départementaux, ainsi que les explications du ministère des Affaires sociales comme celles du ministère de la Réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.

En effet, la loi relative à l’accès à l’emploi titulaire du 12 mars 2012, dite « loi Sauvadet », a ouvert de nouvelles possibilités d’intégration, mais le corps de rattachement de ces agents, qui ont souvent une ancienneté importante, n’a pas encore été décidé. La loi relative à la résorption de l’emploi précaire du 3 janvier 2011, dite « loi Sapin », qui reposait sur la même logique, avait conduit à intégrer certaines d’entre elles dans le corps de l’inspection des affaires sociales à l’issue d’un examen, par un jury, de leur expérience et de leurs compétences. Il serait selon moi souhaitable que leur intégration s’inspire de cette solution, qui était transparente et garantissait la qualité des personnels ainsi intégrés dans la fonction publique.

Mme Pascale Crozon. Je m’interroge sur le positionnement de la déléguée régionale auprès du préfet de région, qui est l’objet de la proposition n°1. Il est vrai que, actuellement, les déléguées régionales ont perdu toute visibilité en étant placée au sein du secrétariat général pour les affaires régionales (SGAR). Néanmoins, elles sont recrutées par le cabinet du préfet, sans que le secrétaire général aux affaires régionales intervienne. En outre, il est important qu’elles puissent compter sur la collaboration, non seulement des services du SGAR, mais de l’ensemble des services de la région.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Placer les déléguées régionales auprès du préfet de région leur assurerait une visibilité, mais il est vrai que la proposition pourrait souligner qu’elles doivent bénéficier de l’appui de l’ensemble des services de la région.

Mme Pascale Crozon. La question des modalités d’élaboration et celle du contenu des plans régionaux stratégiques me semblent importantes. Dans quelle mesure les chargés de mission ont-ils participé à la construction de ces premiers plans régionaux ? Il est important qu’ils soient élaborés en réelle concertation entre la déléguée régionale et les chargés de mission départementaux, avec une prise en compte de la connaissance du terrain et de l’expérience des seconds. Les plans doivent comporter à la fois des éléments communs à tous, et des éléments purement locaux, tenant compte des besoins et de l’existence d’associations actives dans tel ou tel domaine.

Mme la présidente Catherine Coutelle. L’élaboration des plans stratégiques, qui sont conclus pour deux ou trois ans, a été lancée en 2011. Elle est désormais achevée. Leur élaboration semble avoir été différente selon les cas. Certains ont été préparés par la seule déléguée régionale sans association des chargés de mission. D’autres ont impliqué les chargés de mission, mais sans prévoir de latitude pour une déclinaison départementale. D’autres enfin ont été bâtis avec une écoute des chargés de mission, qui ont pu proposer leurs actions, lesquelles ont été intégrées dans le plan. J’estime nécessaire un travail de coordination entre niveaux régional et départemental, dans le respect des priorités définies par le ministère.

Je voudrais signaler qu’en dépit de l’intérêt de ces plans stratégiques, qui ont donné l’occasion de faire le point sur les actions conduites et celles à mener à l’avenir, ils constituent une nouvelle catégorie de plans dans un domaine où ceux-ci sont déjà nombreux. Une petite entreprise peut ainsi être associée à un plan pour l’égalité, un autre sur le handicap, un troisième en faveur de la diversité… Chaque ministère élabore un instrument qui lui est propre. Notre administration a un fonctionnement en « tuyaux d’orgue » qui pose un problème, d’autant que la politique en faveur de l’égalité hommes-femmes est transversale par nature.

Mme Pascale Crozon. Effectivement, les plans régionaux ont une construction différente suivant les régions, et j’insiste sur le fait que la stratégie régionale comme les situations locales doivent y être présentes. Par ailleurs, il faut insister sur la nécessité d’harmoniser les statuts desquels relèvent les chargés de mission départementaux. Il est vrai qu’il y a trop d’incohérences actuellement.

Mme la présidente Catherine Coutelle. La question des statuts renvoie aussi à celle de la mobilité de ces personnels. Pour les déléguées régionales, depuis le décret « SGAR » de 2009, une mobilité obligatoire est imposée au-delà de six ans dans le même poste, comme pour les autres personnels auprès des SGAR. On peut se demander si cette obligation ne conduit pas à une perte de savoir-faire, dans la mesure où il est rare qu’elles exercent ensuite les mêmes fonctions dans une autre région. On ne peut encore se prononcer sur les conséquences de cette limitation, car les déléguées déjà en poste ont vu leur contrat renouvelé à partir de 2009 ; elles peuvent donc rester en poste jusqu’en 2015.

Les discussions que j’ai eues avec les chargés de mission départementaux m’ont fait apparaître que leur mobilité était jusqu’à présent très restreinte, faute de postes ouverts ou faute de soutien de leur hiérarchie. Or il y a une réelle demande de mobilité de leur part, que la titularisation devrait résoudre, pour les agents qui pourront et voudront en bénéficier, vu les conditions peu attractives qui leur sont proposées pour le moment, liées au passage d’un concours.

Mme Pascale Crozon. Une mobilité au bout de six ans me semble excessive, mais il est vrai que les déléguées peuvent ensuite exercer des fonctions à responsabilité dans d’autres services régionaux.

Je suis d’accord avec la proposition demandant la généralisation des conventions pluriannuelles, même si elle se heurte au principe de l’annualité budgétaire. Les collectivités locales signent déjà de telles conventions, pour ne pas fragiliser les petites structures qui ont besoin de prévisibilité financière. Le conseil général du Rhône par exemple y recours beaucoup, ce qui donne un meilleur cadre de fonctionnement à la coopération avec ce tissu associatif pour mener à bien les actions.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je voudrais évoquer aussi la question des relations entre déléguées régionales et unions régionales des centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF). Comme les crédits délégués au niveau régional par le service des droits des femmes assurent l’essentiel du financement de ces centres, les premières ont tendance à utiliser les secondes comme un « bras armé », ce qui est souvent mal perçu.

Surtout, la pérennité de leur financement apparaît aujourd’hui menacée. Ces unions régionales jouent un rôle important en assurant la coordination entre les centres départementaux, en remplissant des fonctions en matière de communication et en organisant des actions de formation, notamment à destination de bénévoles. Il faudrait au contraire renforcer leurs moyens.

Mme Pascale Crozon. Il existe en effet des problèmes ponctuels entre déléguées régionales et unions régionales des CIDFF, qui ont un statut associatif et ont donc en principe leur liberté d’action pour organiser les modalités de travail. J’estime que ces dernières doivent conserver une liberté d’action.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Ces difficultés ont surgi avec la remise en question des financements. J’ai souligné enfin dans le rapport l’évolution, que je trouve peu opportune, vers un fléchage de plus en plus strict des crédits délégués en région, pour plusieurs raisons qui sont évoquées. Ce fléchage prive l’action au niveau du département de toute latitude ou presque, dans la mesure où les crédits non « fléchés » disponibles, qui étaient de 10 à 12 % encore il y a deux ans, se limitent à présent à 5 à 6 % du total. Cela est très mal vécu par les chargés de mission départementaux. Il faudrait rendre un peu de marge de manœuvre au niveau local.

Mme Pascale Crozon. Le fléchage répond à une certaine logique, notamment de garantir l’utilisation des crédits pour les actions s’inscrivant dans des thématiques prioritaires, comme la lutte contre les violences. Mais il comporte l’inconvénient d’obliger à dépenser ces crédits, au lieu de pouvoir les reporter sur d’autres actions en cas de difficulté à les utiliser de manière optimale.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je vous propose donc d’enrichir les conclusions à la suite de ce débat et de les proposer très prochainement à l’adoption de la délégation.

La Délégation aux droits des femmes s’est réunie le mercredi  13 février 2013 pour examiner la suite du rapport d’information.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Nous avons consacré une partie de notre réunion du 23 janvier dernier à la présentation du travail que j’ai conduit depuis le mois d’octobre sur l’organisation, les moyens et l’action du service des droits des femmes, tant en ce qui concerne son administration centrale qu’en ce qui concerne son réseau déconcentré, constitué des déléguées régionales (ces postes sont tous occupés par des femmes) et des chargés de mission départementaux (dont je parle au masculin car l’un des postes est occupé par un homme).

La question centrale qui a sous-tendu le présent rapport est la suivante : la ministre des Droits des femmes aura-t-elle les moyens de mettre en œuvre la politique ambitieuse et bienvenue à laquelle s’est engagé le Gouvernement ?

Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), le service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes (SDFE) a été rattaché à la direction générale de la Cohésion sociale lorsque celle-ci a été créée en janvier 2010. Il y a perdu son autonomie et plusieurs de ses fonctions, mutualisées au sein de la direction générale : la communication, les affaires européennes et internationales, la recherche et les statistiques et surtout la gestion des ressources humaines.

Ce service central doit retrouver plus de visibilité au sein de l’administration ainsi que sa responsabilité interministérielle. Sa responsable doit regagner un rôle dans la gestion des ressources humaines, pour ce qui concerne les nominations, la mobilité et les promotions. Cette implication est essentielle pour assurer la cohérence de l’action de l’échelon central jusqu’à l’échelon départemental.

Abordons ensuite à nouveau, plus brièvement, la situation du réseau déconcentré : il doit rester une « administration de mission » ; pour autant, il faut lui donner les moyens d’une efficacité accrue.

En même temps que le service central intégrait la direction générale de la Cohésion sociale, le décret du 25 mai 2009 relatif aux missions des secrétaires généraux pour les affaires régionales (SGAR) disposait que les déléguées régionales aux droits des femmes et à l’égalité assistent le secrétaire général, sous l’autorité duquel elles sont placées. L’autonomie du service de la déléguée régionale (la délégation régionale aux droits des femmes et à l’égalité) a disparu dans ce mouvement, ainsi que, à mon sens, une partie de sa visibilité et de son autorité : elles les retrouveront en étant positionnées auprès du préfet de région, ce qui renforcera leur légitimité pour la dimension transversale de leur action.

Pour ce qui est de la nomination des déléguées régionales, la pratique a montré une forte implication du préfet, qui fait un choix entre les candidatures qui lui sont présentées. La candidature doit ensuite être validée par la cheffe du service des droits des femmes, qui peut s’y opposer. L’existence d’une ministre des Droits des femmes entraîne depuis 2012 une validation par le cabinet ministériel lui-même. Il me semble cependant, comme je l’ai déjà évoqué, qu’il serait souhaitable de donner à la cheffe du service des droits des femmes la possibilité de choisir la déléguée régionale sur la liste des candidatures sélectionnées par le préfet de région, car c’est elle qui est responsable de la cohérence de l’action du réseau.

Enfin, pour le niveau départemental, j’ai déjà souligné que le rattachement des chargés de mission départementaux au directeur départemental de la Cohésion sociale posait des difficultés en termes de champ d’action et d’articulation entre les deux niveaux d’administration territoriale. Les chargés de mission ont aussi perdu en visibilité et en capacité d’initiative en comparaison de la période où ils étaient positionnés auprès du préfet de département. Leur visibilité extérieure et leur capacité d’initiative sont aujourd’hui souvent liées à l’engagement et au volontarisme plus ou moins réel de leur directeur.

C’est pourquoi il m’a paru souhaitable de placer les chargés de mission départementaux sous l’autorité hiérarchique du préfet de département, pour renforcer la transversalité de leur action et la cohérence des actions au sein d’une même région. Leur positionnement fonctionnel pourrait être maintenu au sein de la direction départementale de la cohésion sociale, car les chargés de mission s’y sont habitués et y trouvent des avantages pour traiter les dossiers sociaux, par exemple.

Là encore, j’ai souligné dans le rapport que la responsable du SDFE, responsable de la mise en œuvre des choix politiques ministériels et de l’efficacité de l’action du réseau dans son entier, devrait avoir une prééminence dans les décisions relatives aux nominations, à la mobilité, à la promotion et aux fins de contrat en ce qui concerne les chargés de mission.

Comme je l’ai mentionné lors de notre première réunion consacrée à ce sujet, les modalités de titularisation proposées aux agents du réseau sont loin de recueillir une adhésion unanime de ces personnels. Elles prévoient la titularisation dans le grade d’attaché par la voie du concours, ce qui ne reconnaît guère l’ancienneté et l’expérience acquises par ces agents. Le grade d’attaché principal, qui correspondrait aux missions remplies par les déléguées, ne pourrait en outre être atteint que par le passage du concours et dans des conditions d’ancienneté très exigeantes. L’administration se montre très restrictive dans ses propositions, alors qu’il s’agit d’un corps d’agents peu nombreux et pour beaucoup, détenteurs d’ancienneté et d’expérience.

C’est pourquoi je propose une recommandation visant à ce qu’il soit ouvert aux déléguées régionales une titularisation dans le cadre d’un concours dédié ou même d’une admission sans concours, comme l’avait autorisé la loi du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique, dite « loi Sapin ».

Par ailleurs, il est prévu de créer très prochainement un corps interministériel à gestion ministérielle, présenté par l’administration des Affaires sociales (dont dépendent les agents du SDFE) comme pouvant offrir de bonnes perspectives à ces agents. Mais il faut que l’arrêté fixant la liste des emplois dont les titulaires peuvent prétendre à intégrer ce corps n’exclue pas ces agents, eu égard aux particularités de leur emploi.

Dans ce cas et de manière générale, comme l’ont souligné de nombreuses personnes entendues, les particularités caractérisant les emplois du réseau leur nuisent pour ce qui concerne les promotions et les demandes de mobilité : les déléguées régionales et les chargés de mission départementaux n’ont pas l’occasion de gérer du personnel ni de faire de la gestion financière, et leur mobilité a été faible jusqu’à présent. Il est temps que les qualités développées par ces agents dans leur travail d’expertise, d’animation de réseau, transversal et partenarial, de conduite de projet, soient prises en compte de manière positive pour cet accès au corps interministériel à gestion ministérielle, et de manière générale dans la gestion des ressources humaines à leur égard.

Je propose aussi que l’intitulé des fonctions de ces agents soit unifié sous le même nom de délégué régional ou délégué départemental, considérant qu’il s’agit du même « métier », qui appelle la même formation et doit permettre la possibilité de passer d’une fonction à l’autre.

Enfin, j’ai insisté sur la nécessité de mieux articuler ces deux niveaux d’administration, non pas en rétablissant une hiérarchie entre eux, mais par une meilleure complémentarité et un dialogue intégrant la compétence et l’expérience détenues à chaque niveau. Une méthode coopérative doit être élaborée, renforcée par des directives ministérielles et des priorités clairement énoncées à ce niveau.

Nous avons déjà évoqué les améliorations qui peuvent être apportées à la méthode de construction des plans régionaux stratégiques. J’ajouterais, pour conclure, qu’un outil de diffusion, au plan national, des bonnes pratiques me paraît indispensable, afin de favoriser les progrès concrets des droits des femmes et de l’égalité en partant du niveau local pour remonter au niveau national, avant d’irriguer d’autres régions.

Mme Pascale Crozon. J’estime également que les déléguées régionales devraient être placées auprès du préfet de région, et les chargées de mission départementales auprès du préfet de département. Elles sont, chacune à leur niveau, responsables de la mise en œuvre de la politique nationale sur leur territoire ; il faut donc leur rendre le maximum de visibilité et de légitimité pour s’adresser à l’ensemble des services de l’État, au-delà des services de la Cohésion sociale. La déléguée régionale doit coordonner, animer mais aussi donner des directives. Concernant la question du fléchage des crédits, ces crédits sont délégués au niveau régional, c’est donc la déléguée régionale qui exerce, de fait, une hiérarchie sur le niveau départemental. Si les orientations prises par le conseil régional pour ses actions et celles que la déléguée régionale souhaite conduire ne sont pas les mêmes, une négociation doit s’engager.

Mme Ségolène Neuville. Concernant la recommandation relative à l’élaboration des plans régionaux stratégiques par les déléguées régionales, je m’interroge sur l’articulation entre le contenu et les priorités de ces plans avec les plans « droits des femmes » mis en place par les régions. N’y a-t-il pas un risque de doublon ou de manque de coordination ? Ne faut-il pas encourager à une coordination de ces plans entre eux ?

Mme la présidente Catherine Coutelle. J’avais évoqué, lors de notre précédente réunion consacrée à ce sujet, la manière dont ces premiers plans régionaux stratégiques, introduits par la ministre Roselyne Bachelot en 2011, avaient été élaborés : certains bâtis avec une écoute des chargés de mission, qui ont pu proposer leurs actions, qui ont été intégrées dans le plan, d’autres sans association des chargés de mission. J’avais souligné que les déléguées départementales connaissent très bien les départements et qu’elles devaient donc être parties prenantes à l’élaboration de ces plans.

Les plans régionaux ont dû être élaborés, selon la circulaire du 12 septembre 2011 relative à leur mise en œuvre, de manière pragmatique à partir des priorités nationales précisées par la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Ils sont contraints puisqu’ils devaient obligatoirement être structurés en deux volets d’intervention : l’égalité dans la vie professionnelle, économique, politique et sociale et la promotion des droits des femmes, et la déclinaison locale du 3ème plan interministériel de lutte contre les violences. Il est difficile d’établir une coordination avec les régions car ce serait leur imposer les vues du ministère. Il est impossible de mettre les régions sous tutelle ; cependant le « diagnostic territorial » fait partie de la démarche, et il doit prendre en considération les actions et les efforts des collectivités territoriales.

Mme Ségolène Neuville. La question est : qui pilote ? Pour l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) par exemple, c’est le conseil régional qui pilote. Mais pour les droits des femmes, il n’y a pas de pilote et il est impossible que la déléguée régionale décide seule. Ainsi par exemple, l’action du département de la Seine-Saint-Denis en matière de lutte contre les violences faites aux femmes est une action d’ampleur, notamment avec le travail de l’Observatoire des violences. La déléguée régionale ne peut l’ignorer lorsqu’elle bâtit son plan régional stratégique. Il serait souhaitable que la Délégation adresse une recommandation quant à la cohérence des actions entre le réseau déconcentré des droits des femmes et l’action des collectivités, du moins dans la recherche de synergies et de liens facilités entre les différents réseaux.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Les déléguées régionales doivent mettre en œuvre des priorités nationales, notamment dans le cadre du plan stratégique. Elles doivent aussi donner l’impulsion à de nouvelles politiques décidées par la ministre des Droits des femmes, et il faut pouvoir adapter ces politiques, ce qui implique en effet des moyens de coordination.

Il est vrai que les régions ou les départements disposent de moyens financiers beaucoup plus importants pour conduire des actions dans le domaine de l’égalité professionnelle ou des violences faites aux femmes. L’articulation s’impose donc au niveau territorial entre les différents partenaires.

Mme  Pascale Crozon. Encore faut-il que le conseil régional soit engagé dans des actions sur les mêmes domaines ! Chaque collectivité intervient selon ses compétences. La répartition actuelle des compétences pourrait d’ailleurs être modifiée à l’avenir.

Les comités départementaux de lutte contre les violences ne se réunissent pas dans tous les départements, ce qui est dommage car à défaut, les chargées de mission départementales ne reçoivent pas de directives du préfet en ce qui concerne la question des violences faites aux femmes. Il faudrait arriver à une concertation plus spécifique sur ces violences afin de donner un cadre d’action et des procédures plus précis aux chargées de mission pour les conforter dans leurs initiatives et leur action.

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Au cours de sa réunion du mercredi 13 février 2013, la Délégation a adopté le rapport et les recommandations.

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES

La question centrale qui a sous-tendu le présent rapport est la suivante : la ministre des Droits des femmes aura-t-elle les moyens de mettre en œuvre la politique ambitieuse et bienvenue à laquelle s’est engagé le Gouvernement ? Les présentes recommandations entendent concourir à la réussite visée. La Délégation s’est placée dans une logique d’évaluation de l’existant et dans une approche contributive.

Il est souhaitable que le réseau des déléguées régionales et des chargés de mission départementaux reste une « administration de mission » ; pour autant, la Délégation propose ici des moyens pour lui conférer une efficacité accrue, et pour que les actions engagées par ce réseau obtiennent un meilleur effet de levier en direction des politiques territoriales et des politiques européennes. Les recommandations qui suivent s’articulent autour de cinq grands axes.

Redonner une visibilité, une autorité et donc plus d’efficacité au réseau déconcentré du service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes

Recommandation n°1 : le service central des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes doit retrouver sa visibilité au sein de l’administration et sa responsabilité interministérielle. Sa responsable doit regagner un rôle dans la gestion des ressources humaines, pour ce qui concerne les nominations, la mobilité et les promotions. Cette implication est essentielle pour assurer la cohérence de l’action de l’échelon central jusqu’à l’échelon départemental.

Recommandation n°2 : procéder, dans le cadre de la future modernisation de l’action publique, à une révision de l’organisation territoriale du service des droits des femmes et de l’égalité telle qu’elle résulte de la réorganisation de l’administration territoriale (RÉATE). Cette révision doit avoir pour objectif de redonner au réseau déconcentré du service une visibilité et une légitimité lui permettant de mieux exercer ses missions interministérielles et transversales, et de voir son efficacité ainsi renforcée.

Recommandation n°3 : donner une plus grande visibilité aux déléguées régionales en les plaçant auprès du préfet de région, ce qui renforcera leur légitimité pour la dimension transversale de leur action, et leur permettra de développer des synergies avec tous les services de l’État et avec les collectivités territoriales.

Assurer la transversalité, la cohérence et la valorisation des actions menées par les déléguées régionales et les chargés de mission départementaux

Recommandation n°4 : donner à la cheffe du service des droits des femmes la possibilité de choisir la déléguée régionale à nommer sur la liste des candidatures sélectionnées par le préfet de région.

Recommandation n°5 : placer les chargés de mission départementaux sous l’autorité directe du préfet de département, pour renforcer la transversalité de leur action et la cohérence des actions au sein d’une même région. Leur positionnement fonctionnel au sein de la direction départementale de la cohésion sociale peut être maintenu.

Recommandation n°6 : définir plus précisément les modes et méthodes d’intervention des chargés de mission départementaux dans leurs domaines d’action privilégiés, afin de sécuriser leur action vis-à-vis de leur hiérarchie et des autres administrations et leur éviter d’éventuelles mises en cause.

Recommandation n°7 : redonner à la cheffe du service des droits des femmes une implication dans la gestion des ressources humaines en ce qui concerne les nominations aux postes de chargés de mission départementaux, en ce qui concerne leurs primes, leur mobilité, leur promotion ou la fin de leur contrat.

Recommandation n°8 : clarifier les positions variées des chargés de mission départementaux sous contrat ainsi que les critères qui président aux rémunérations et aux primes.

Recommandation n°9 : proposer aux déléguées régionales et chargés de mission départementaux une titularisation dans le cadre d’un concours dédié ou d’une admission sans concours comme l’avait autorisé la loi du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique.

Recommandation n°10 : ouvrir aux déléguées régionales et aux chargés de mission départementaux la possibilité d’une titularisation dans le nouveau corps interministériel à gestion ministérielle, qui permettra l’accès à un grade d’attaché hors classe, ou dans le corps des inspecteurs des affaires sanitaires et sociales.

Recommandation n°11 : unifier sous le même nom de « délégué » les agents au niveau régional et départemental, considérant qu’il s’agit du même « métier », qui nécessite la même formation et doit ouvrir la possibilité de passer d’une fonction à l’autre.

Garantir la présence des déléguées régionales et des chargés de mission départementaux sur tout le territoire

Recommandation n°12 : la direction générale de la Cohésion sociale doit apporter la plus grande diligence afin que les postes vacants soient rapidement pourvus, car l’absence prolongée d’un chargé de mission dans un département met en échec la continuité de la politique et les actions en cours sur le terrain.

Recommandation n°13 : établir à partir de 2014 une couverture territoriale assurant la nomination d’une personne, adjointe ou soutien administratif, auprès de chaque déléguée, et un chargé de mission dans chaque département, appuyé par un poste de soutien administratif.

Favoriser la prise d’initiatives et la diffusion des bonnes pratiques afin de créer une dynamique opérationnelle renforcée

Recommandation n°14 : restituer une marge de manœuvre aux niveaux déconcentrés pour adapter la politique aux territoires, sous la forme d’un pourcentage significatif de crédits non « fléchés ».

Recommandation n°15 : mettre en œuvre des conventions à caractère pluriannuel, dont la durée pourrait être de trois ans au minimum, avec les associations intervenant de manière régulière dans la mise en œuvre de la politique des droits des femmes et de l’égalité.

Recommandation n°16 : l’élaboration et la mise en œuvre des plans régionaux stratégiques doivent être conduites dans le cadre d’une coordination de l’ensemble de l’équipe régionale, afin de mieux articuler priorités définies par le ministère et actions locales. Au cours de l’élaboration en particulier, les chargés de mission doivent pouvoir proposer leurs actions comme susceptibles d’être intégrées dans le plan.

Recommandation n°17 : lors de l’élaboration des plans régionaux stratégiques, privilégier les actions opérationnelles aux actions de recherche et d’enquête, sans les exclure si elles sont nécessaires pour mettre en place des actions structurantes et opérationnelles dans un terme assez court.

Recommandation n°18 : les plans régionaux stratégiques sont établis à partir des priorités nationales et d’un diagnostic territorial effectué par les déléguées régionales : il est essentiel que ce diagnostic soit établi en prenant en compte les politiques engagées par les collectivités territoriales dans le domaine des droits des femmes et de l’égalité.

Recommandation n°19 : mettre en place, à l’échelon de l’administration centrale, un outil de diffusion des bonnes pratiques, qui permette d’entraîner des évolutions favorables à partir du niveau local.

Renforcer les déléguées régionales, pour renforcer les politiques publiques en direction des droits des femmes et de l’égalité

Recommandation n°20 : élaborer une nouvelle circulaire, signée par le Premier ministre, sur la mise en œuvre de la politique interministérielle relative à l’égalité entre les femmes et les hommes, afin de donner plus de poids, de légitimité et donc plus d’efficacité au réseau déconcentré des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Recommandation n°21 : la transversalité de l’action des déléguées régionales et des chargés de mission nécessite une formation et une maîtrise de modes de travail particuliers.

C’est pourquoi l’offre de formation qui leur est destinée doit être renforcée, tant au moment de la prise de fonctions que pendant l’occupation de l’emploi pour les agents déjà en poste. Cette formation doit intégrer le renforcement des compétences en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, la connaissance de l’accès aux droits personnels et sociaux, mais aussi les techniques de l’animation d’équipes territoriales pour améliorer la coordination des actions entre le niveau régional et départemental, comme pour mener des concertations locales réunissant les différents partenaires mobilisés en fonction des actions de terrain.

PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE

• Direction générale de la Cohésion sociale

—  Mme Sabine Fourcade, directrice générale de la Cohésion sociale

—  Mme Nathalie Tournyol du Clos, cheffe du service des droits des femmes et de l’égalité, adjointe à la directrice générale accompagnée de  Mme Emmanuelle Latour, adjointe à la cheffe du service

• Délégations régionales aux droits des femmes et à l'égalité

—  Mme Françoise Kieffer, déléguée régionale aux droits des femmes et à l’égalité de Bretagne, présidente de l’Association des déléguées régionales aux droits des femmes et à l’égalité

—  Mme Jocelyne Mongellaz, déléguée régionale Île-de-France

—  Mme Françoise Rastit, déléguée régionale de la région Paca

—  Mme Véronique Tomas, déléguée de Basse Normandie

—  Mme Sophie Elizéon ancienne déléguée régionale de La Réunion, actuellement déléguée interministérielle pour l’égalité des chances des Français d’outre-mer

—  Mme Monique Pizzini, déléguée régionale de Poitou-Charentes

• SGAR (secrétariat général pour les affaires régionales)

—  M. Éric Etienne, secrétaire général aux affaires régionales de la région Poitou-Charentes

• Chargés de mission départementaux

—  Mme Savina Alvarez, représentante de l’Association des délégué-e-s départementales aux droits des femmes et à l’égalité, adjoint-e-s et collaborateur-trice-s de déléguées régionales aux droits des femmes et à l’égalité

—  Mme Jacqueline Hatchiguian, chargée de mission départementale Bouches-du-Rhône, inspectrice des Affaires sociales

—  Mme Josiane Régis, directrice départementale de la Cohésion sociale par intérim

• Déléguée régionale et chargées de mission départementale aux droits des femmes et à l'égalité d’Île-de-France

—  Mme Jocelyne Mongellaz, déléguée régionale aux droits des femmes et à l'égalité

—  Mme Marie Thérèse Ribier, de la direction régionale de la Jeunesse, des sports et de la cohésion sociale

—  Mme Catherine Seurre, chargée de mission Seine et Marne (77)

—  Mme Émilie Marquis Samari, chargée de mission Essonne (91)

—  Mme Joanna Kocimska, chargée de mission Haut de Seine (92)

—  Mme Sylviane le Clerc, chargée de mission Seine Saint Denis (93)

—  Mme Anais Guillou, chargée de mission Val de Marne (94)

—  Mme Aurélie Latourès, chargée de mission « Accès aux droits et lutte contre les violences faites aux femmes »

—  Mme Nagat Azaroili, chargée de mission « Égalité professionnelle »

• Cabinet de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes

—  M Jérôme Teillard, directeur adjoint de cabinet de Mme Vallaud-Belkacem

—  Mme Léa Guillebaud, conseillère parlementaire

●  Direction des ressources humaines des ministères des Affaires sociales et de la santé, des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative

—  M. Jean-François Chevallereau, Sous-directeur de la gestion du personnel

—  Mme Sylvie Grangeau, chargée du pilotage de la masse salariale

—  M. Fabrice Dingreville, chargé de la gestion des agents non titulaires

—  Mme Nicole Dan, chef du bureau de la formation

COMPTES RENDUS DES AUDITIONS DE LA DÉLÉGATION

Audition de Mmes Sabine Fourcade, directrice générale de la Cohésion sociale au ministère des Affaires sociales et de la santé, déléguée interministérielle aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes, et Nathalie Tournyol du Clos, cheffe du service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes 92

Audition de Mme Françoise Kieffer, présidente de l’Association des déléguées régionales aux droits des femmes et à l’égalité, déléguée régionale aux droits des femmes et à l’égalité de la région Bretagne 98

Table ronde sur l’action, l’organisation et les moyens des délégations régionales aux droits des femmes, en présence de Mmes Jocelyne Mongellaz, déléguée régionale d’Île-de-France, Françoise Rastit, déléguée régionale de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et Véronique Tomas, déléguée régionale de Basse-Normandie 111

Audition de Mmes Jacqueline Hatchiguian, chargée de mission départementale aux droits des femmes et à l’égalité des Bouches-du-Rhône et Josiane Régis, directrice départementale adjointe de la cohésion sociale 121

Audition de Mme Sophie Elizéon, ancienne déléguée régionale aux droits des femmes de La Réunion, Déléguée interministérielle pour l’égalité des chances des Français des Outre-Mer 133

Audition de Mmes Sabine Fourcade, directrice générale de la cohésion sociale au ministère des Affaires sociales et de la santé, déléguée interministérielle aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes, et Nathalie Tournyol du Clos, cheffe du service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes

Compte rendu de l’audition du mardi 23 octobre 2012

Mme la Présidente Catherine Coutelle. Chaque année, la Délégation aux droits des femmes publie un rapport d’activité qui comporte une partie d’étude thématique. Pour la première année de cette législature, nous avons décidé de nous intéresser au réseau des délégations aux droits des femmes, choix dont la pertinence vient à l’instant d’être confirmée, s’il en était besoin, par le grand nombre de questions qui ont été posées à la ministre des Droits des femmes sur ce sujet lors de l’audition qui a précédé cette réunion.

J’ai le sentiment que ces délégations ont été, au cours des dernières années, la variable d’ajustement de la révision générale des politiques publiques (RGPP) appliquée aux préfectures. On observe que les délégués régionaux dépendent désormais des secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR) – nous aurions aimé qu’ils soient placés auprès du préfet - alors que les délégués départementaux relèvent de la direction générale de la cohésion sociale. Comment ces deux niveaux s’articulent-ils ? L’organisation est-elle identique dans toutes les régions ? De quelle marge de manœuvre disposent les délégués pour exercer leurs missions ?

Le Gouvernement comporte aujourd’hui un ministère des Droits des femmes de plein exercice, ce dont nous nous réjouissons. L’absence d’un tel interlocuteur nous a beaucoup gênés sous la précédente législature. Pourriez-vous nous préciser si votre direction générale relève de ce ministère et, sinon, duquel ? Comment est-elle organisée ? Comment a-t-elle l’intention de mettre en œuvre les expérimentations pour le financement desquelles une action spécifique a été créée au sein du programme Égalité entre les femmes et les hommes de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances ? Sous la précédente législature, nous ne sommes pas parvenus à imposer que l’étude d’impact des projets de loi inclue une partie consacrée à l’égalité entre les femmes et les hommes ; je suis sûre que nous allons maintenant introduire une telle obligation. Vos services seront-t-il en mesure de faire ces études eux-mêmes ou seront-elles externalisées ?

Mme Sabine Fourcade, directrice générale de la cohésion sociale. La direction générale, qui est interministérielle, est placée sous l’autorité de plusieurs ministres en fonction des questions qu’elle traite : tantôt la ministre des Affaires sociales et de la santé et ses ministres déléguées, tantôt la ministre des Droits des femmes, tantôt le ministre de l’Économie sociale et solidaire, tantôt la ministre de l’Égalité des territoires et du logement. La direction générale est organisée pour que chaque action soit conduite sous l’autorité du ministre qui en assure le pilotage politique et pour que tous les sujets soient traités de manière cohérente entre eux. Ses missions principales consistent à promouvoir l’égalité réelle, notamment par la déconstruction des stéréotypes, et le développement des potentialités de chacun selon ses capacités, notamment via l’égalité professionnelle, et à protéger les plus vulnérables, par la lutte contre les violences par exemple. La création de la direction générale, il y a deux ans et demi, visait à assurer la coordination entre les différentes politiques qui concourent à ces objectifs, que ces politiques visent plus particulièrement les droits des femmes, la famille, le logement, le développement économique, etc. Lorsqu’il existe des divergences entre les ministres concernés, le fait qu’ils recourent à une même administration évite les blocages entretenus par la concurrence entre services et permet aux ministres de disposer des éléments d’information présentant tous les aspects des sujets. Au sein de cette direction générale, le service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes compte quarante-cinq personnes. Vingt-cinq s’occupent directement des politiques d’égalité, les vingt autres sont en charge des fonctions support, qui sont mutualisées pour l’ensemble des politiques de cohésion sociale, comme les ressources humaines, la communication ou le budget.

Pour ce qui est des délégués régionaux et des chargés de mission départementaux, leurs effectifs ont diminué, comme dans toutes les administrations, au cours des dernières années. Le plafond d’emploi n’a pas été abaissé plus fortement que pour l’ensemble des services de l’État, mais un nombre important de personnels mis à disposition n’a pas été remplacé. Parler de ces services comme de variables d’ajustement est donc excessif, du moins en termes strictement quantitatifs. Les délégués régionaux sont placés au sein des SGAR pour être en mesure d’avoir une vision globale et de mobiliser les fonds européens, ce qui est capital. Au niveau départemental, les chargés de mission sont intégrés dans une direction départementale interministérielle. Le recrutement n’a pas été déconcentré, ce qui permet à la direction générale nationale de veiller à la qualité des personnels affectés à ces postes – il arrive qu’un candidat ne présentant pas un profil adapté soit écarté.

Si le poids des délégués régionaux et des chargés de mission départementaux a diminué, c’est moins pour des raisons quantitatives que pour des raisons politiques. Aujourd’hui, la lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes est redevenue une priorité politique : la ministre des droits des femmes l’a dit aux personnels concernés à l’occasion d’une réunion des fonctionnaires chargés de missions interministérielles, notre nouvelle directive nationale d’orientation annuelle le souligne également. Cette volonté se traduira dès 2013 en termes de moyens humains : alors que les effectifs des administrations sociales diminueront – quoique plus faiblement qu’en 2012 – le réseau chargé des droits des femmes est exonéré de ces réductions et, au niveau de l’administration centrale, cinq postes seront créés pour suivre les expérimentations et réaliser les études d’impact que Mme la Présidente a mentionnées.

Mme Nathalie Tournyol du Clos. Au sein de mon service, vingt personnes sont en charge de l’égalité entre femmes et hommes. Parmi les cinq nouveaux emplois évoqués par Sabine Fourcade, deux se consacreront aux expérimentations souhaitées par la ministre des Droits des femmes et assureront, pour cela, le suivi de l’utilisation des fonds européens mais aussi des appels à projet. Deux autres personnes seront en charge du futur observatoire sur les violences faites aux femmes, observatoire dont l’appellation n’est pas encore définitivement arrêtée mais dont la création n’est pas, dans son principe, remise en cause.

Madame Sabine Fourcade. Non seulement l’idée de la création d’un observatoire n’est pas abandonnée mais la ministre des Droits des femmes a une ambition plus grande, puisqu’elle souhaite mettre en place une plateforme de production d’études, afin que le rôle de la nouvelle instance aille au-delà d’une simple mission d’observation.

Mme Nathalie Tournyol du Clos. Concernant les études d’impact, et pour répondre aux objectifs fixés par la ministre, nous sommes en train de mettre au point une sorte de « boîte à outils », avec l’aide de différents partenaires dont l’Institut d’études politiques et l’École d’économie de Paris. Nous envisageons le recrutement d’économistes et de statisticiens pour procéder aux études d’impact et d’évaluation.

Mme la Présidente Catherine Coutelle. Les études d’impact revêtent une grande importance : il est primordial d’anticiper les conséquences futures d’une loi sur les droits des femmes. Le manque de vision à long terme peut soulever des difficultés, comme nous avons pu le constater lors de l’adoption de la loi sur les retraites dont les conséquences néfastes pour les femmes n’ont pas été anticipées, malgré les alertes émises par le Comité d’orientation des retraites. Je pense aussi au prochain projet de loi sur le mariage ouvert à tous, dont l’une des conséquences serait de faire disparaître le féminin dans un certain nombre d’articles du code civil.

Madame Sabine Fourcade. J’étais présente au Conseil supérieur de l’adoption ce mardi 23 octobre et, effectivement, comme le projet de loi entend ouvrir le mariage aux personnes de même sexe, il sera nécessaire d’opérer certaines modifications dans les textes déjà existants. Ainsi, le terme générique « parent » devrait se substituer aux mots « père » et « mère » afin que les dispositions législatives soient applicables à tous les couples, qu’ils soient ou non de même sexe.

Mme la Présidente Catherine Coutelle. C’est donc bien une disparition du féminin dans le code civil… Pour en revenir à un niveau plus général, sans mettre en cause la qualité et la neutralité du travail des ministères, force est de constater que les projets de loi comme les études d’impact associées proviennent des mêmes services ministériels : cela ne pose-t-il pas un problème ?

Madame Sabine Fourcade. Nous travaillons actuellement à la mise en place d’une méthodologie des études d’impact, avec le concours de l’École d’économie de Paris et de l’Institut d’études politiques. Lorsque cette méthodologie aura été établie, la réalisation des études d’impact et leur publication devront se faire sous le contrôle du secrétariat général du gouvernement, qui sera chargé de vérifier que l’ensemble des ministères à l’origine d’un projet de loi ont bien appliqué la méthodologie commune et que, par conséquent, l’étude d’impact est conforme au modèle. Par ailleurs, l’ensemble des études d’impact sera rendu public sur le site internet du ministère des Droits des femmes.

Mme la Présidente Catherine Coutelle. J’aimerais revenir sur un point : votre direction générale est-elle rattachée à un ou plusieurs ministères ?

Madame Sabine Fourcade. Il s’agit d’une administration interministérielle, j’exerce donc mes fonctions sous l’autorité de plusieurs ministres. Je peux aussi, en tant que déléguée interministérielle, aller voir n’importe quel directeur d’administration centrale pour évaluer la mise en œuvre de la politique de l’égalité hommes-femmes.

Mme la Présidente Catherine Coutelle. Quelles sont vos relations avec les hauts fonctionnaires en charge de l’égalité des droits ?

Madame Sabine Fourcade. Je suis chargée d’animer le réseau de ces hauts fonctionnaires, qui se sont réunis pour la première fois au mois de septembre en présence de Madame la ministre des droits des femmes. C’est également dans ce cadre administratif transversal qu’œuvre le Comité interministériel aux droits des femmes, comité dont j’indique qu’il tiendra sa prochaine réunion le 15 novembre prochain.

Mme la Présidente Catherine Coutelle. Est-ce aussi de manière transversale que vous travaillez à la mise au point du décret d’application de l’article 99 de la loi sur les retraites du 9 novembre 2010 ?

Madame Sabine Fourcade. Ce sujet particulier est piloté par le ministère des Droits des femmes, en lien avec la direction générale du travail, étant donné que le code du travail est concerné. Lorsqu’une difficulté survient entre deux directions, le sujet est tranché, si besoin, par le premier ministre.

Mme la Présidente Catherine Coutelle. L’étude du budget du programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes des années précédentes amenait à constater, d’une part, qu’il oscillait d’une année à une autre, d’autre part, que la grande majorité des crédits était absorbée par les emplois. Où se situent les crédits de personnel de votre direction générale ?

Mme Nathalie Tournyol du Clos. Notre budget correspondant au personnel se situe dans le programme 124 Conduite et de soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative, plus précisément dans le titre 6 relatif aux interventions, à la ligne « moyens de fonctionnement ». Le budget « communication » est porté par plusieurs ministères : les crédits inscrits sont tant ceux du service d’information du Gouvernement, le SIG, que ceux qui peuvent être inscrits au budget des ministères sociaux.

Mme Sabine Fourcade. Les moyens de communication courants, comme notamment les actions locales, font partie des frais de fonctionnement de l’administration concernée. En cas d’actions de communication de grande envergure, celles-ci peuvent être financées par les services de communication de Matignon.

Mme Monique Orphé. Je voudrais évoquer un problème particulier, celui de la date du versement des retraites, qui intervient vers le 8 de chaque mois, ce qui est bien tard. Quel est le ministère compétent pour procéder à une modification de cette date ?

Mme Sabine Fourcade. Comme beaucoup des sujets abordés dans le cadre du comité interministériel, cette question peut relever du ministère des droits des femmes, s’agissant notamment du soutien et de l’accompagnant des femmes en situation vulnérable, mais aussi de la direction de la sécurité sociale, car c’est elle qui procède au versement des retraites. Mais j’observe que verser les retraites en tout début de mois entraînerait de manière automatique un coût de trésorerie non négligeable pour l’ACOSS

Mme Nathalie Tournyol du Clos. Pour en revenir au budget relatif à la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, quatre actions prioritaires sont inscrites. L’action 11 Egalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, économique, politique et sociale subit une baisse, résultant du transfert de deux dispositifs dans l’action 14 relative aux actions de soutien, d’expérimentation en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Il s’agit d’une part, du prix de la vocation scientifique et technique visant à favoriser la mixité dans les métiers. L’objectif est d’encourager les jeunes filles à s’intéresser aux métiers scientifiques et de lutter contre l’évincement des hommes dans certains corps de métiers. Ainsi, cette action est transférée vers le fonds d’expérimentation, qui pourra délivrer des prix aux établissements scolaires qui auront accompli des actions visant à faire découvrir différentes possibilités d’orientation aux élèves, en rompant avec les stéréotypes. L’autre dispositif transféré à l’action 14 concerne les contrats pour la mixité des emplois et l’égalité professionnelle. Il s’agira de développer cette action avec neuf régions partenaires afin de favoriser l’insertion des femmes dans l’emploi. Un crédit de 1,6 millions d’euros était inscrit dans la loi de finances pour 2012 au titre des « autres subventions », qui basculent vers le fonds d’expérimentation, afin que les déléguées régionales les orientent davantage dans le sens de l’égalité professionnelle et la lutte contre les stéréotypes.

Mme la Présidente Catherine Coutelle. Nous serons très attentifs aux expérimentations qui seront menées au titre de l’action 14, ainsi qu’à leur évaluation. Qu’en est-il des crédits alloués aux bureaux d’accompagnement individualisé vers l’emploi, les BAIE ?

Mme Nathalie Tournyol du Clos. L’action 11 inclut les subventions aux associations relevant du ministère des droits des femmes et notamment les CIDFF, les centres d’information des droits des femmes et des familles, soit 57 BAIE. Leurs crédits devraient être en 2013reconduits à l’identique par rapport à l’année précédente. Les conventions avec les CIDFF devraient être prochainement renégociées. Nous procéderons au ré-agrément de chaque CIDFF à la fin de l’année, ce qui permettra, le cas échéant, de réorienter les crédits. Il est vrai qu’il n’y a pas de CIDFF dans tous les départements, pour des raisons historiques ; et il y en a parfois plusieurs dans le même département, comme dans les Hauts-de-Seine, qui en compte quatre, car c’est le berceau historique des CIDFF ; le Pas-de-Calais en a aussi plusieurs. Nous devons veiller à la répartition des crédits en prenant en compte des critères de population et de bassins d’emploi et aussi des critères sociaux tels que le taux de chômage.

Mme la Présidente Catherine Coutelle. Je voudrais attirer votre attention sur les espaces neutres parents-enfants, particulièrement utiles et précieux en cas de violences liées au divorce. On assiste à la fermeture de certains de ces espaces parfois pour des problèmes financiers dérisoires. C’est tout à fait dommageable.

Mme Nathalie Tournyol du Clos. Nous ne sommes pas les seuls financeurs de ces espaces, qui dépendent aussi du ministère de la Justice. L’action 12 est principalement consacrée à la lutte contre les violences faites aux femmes, qui représente 62,2 % des crédits, pour un montant de 14,47 millions d’euros. Un quart de ces crédits s’oriente vers les grandes associations nationales, et au niveau local, nous agissons avec notamment les 180 lieux d’accueil de jour mais aussi les espaces neutres de rencontre parents-enfants, pour un montant de 1,37 million d’euros. Par ailleurs, 720 000 euros vont aux associations agissant dans le domaine de l’accès au droit.

Mme la Présidente Catherine Coutelle. Qu’en est-il de la lutte contre la prostitution ?

Mme Nathalie Tournyol du Clos. Le montant de 1,87 million d’euros consacré à ce sujet correspond à des actions de prévention et d’accompagnement, notamment des maraudes. A cet égard, nous avons constaté que cette somme n’avait pas été consommée en 2011 pour des raisons qu’il faut identifier. Il convient sans doute de sécuriser l’action des associations par des conventions triennales.

Mme la Présidente Catherine Coutelle. Sur quels crédits sera financée la prochaine grande enquête « Virage »?

Mme Nathalie Tournyol du Clos. L’enquête « Virage », qui succèdera à la dernière enquête ENVEFF, sera imputée sur l’action 14. Sur les 6,3 millions de cette action, 1 million est consacré à différentes études du Fonds d’expérimentation. Pour terminer sur la présentation du projet de budget pour 2013, je signale que l’action 13 correspond à une petite ligne de dépenses de fonctionnement, par exemple les frais engagés par des délégations qui louent des locaux, car non hébergées par les préfectures.

Mme la Présidente Catherine Coutelle. Concernant l’action 14, je me demandais si vous aviez la possibilité de faire de la prospective, d’anticiper, de mener en quelque sorte une réflexion politique sur des sujets comme, par exemple, l’articulation entre vie professionnelle et vie familiale.

Mme Nathalie Tournyol du Clos. Nous n’avons pas de volet prospectif mais notre souhait est d’établir un pont avec le milieu universitaire, pour mener des recherches. L’idée est de se nourrir mutuellement, d’identifier les programmes qu’on pourrait aider, au-delà de l’enquête « Virage » : il y a par exemple un programme « Genre et droit » très intéressant. Grâce aux CIDFF, nous bénéficions d’une remontée d’informations qui nous alertent sur des problématiques que nous pourrions aborder, telles la montée du chômage et de la précarité parmi les femmes âgées.

Mme la Présidente Catherine Coutelle : En effet, les sujets ne manquent pas et nous avons encore beaucoup à faire. Je vous remercie, Mesdames, d’avoir répondu à notre invitation.

Audition de Mme Françoise Kieffer, présidente de l’Association des déléguées régionales aux droits des femmes et à l’égalité, déléguée régionale aux droits des femmes et à l’égalité de la région Bretagne

Compte rendu de l’audition du mercredi 7 novembre 2012

Mme Catherine Coutelle, présidente de la Délégation. Merci de votre présence. Vous savez que dans le cadre du rapport que la Délégation présentera à la fin de l’année civile, nous souhaitons faire le bilan de l’organisation des délégations aux droits des femmes, aussi bien au niveau national que régional.

Nous enverrons aux délégations un questionnaire, qui sera à votre disposition. Il serait bon en effet que les députés qui le souhaitent rencontrent leur déléguée régionale ou la chargée de mission départementale et aient un échange avec elles, pour mieux connaître leur action et les difficultés qui se posent.

Madame Kieffer, nous vous auditionnons en qualité de présidente de l’Association des déléguées régionales aux droits des femmes, que j’avais d’ailleurs eu l’occasion d’accueillir à Poitiers dans le cadre d’un colloque. Mais vous êtes également déléguée aux droits des femmes en Bretagne.

Nous aimerions savoir si le fait d’avoir une ministre aux Droits des femmes, ministre de plein exercice, influe sur votre organisation. Le changement de volonté politique en matière d’égalité et de droits des femmes est-il perceptible dans les régions ? Par ailleurs, la réorganisation issue de la révision générale des politiques publiques (RGPP) vous pose-t-elle, sur le terrain, des problèmes de coordination ?

Votre statut et vos moyens d’action vous permettent-ils de vous sentir suffisamment reconnues par vos préfets, par les associations, et votre action est-elle connue des citoyens ? Les moyens d’action sur le terrain sont essentiels : j’avais pris l’habitude, dans ma région, de m’adresser à certaines structures qui pouvaient accueillir des femmes en recherche d’emploi ou de retour à l’emploi. Aujourd’hui, non seulement ces structures ont tendance à rester invisibles, mais lorsque je les contacte, elles me répondent qu’elles n’ont plus de crédits.

Mme Françoise Kieffer. Merci, madame la présidente, de me recevoir. Notre association est très honorée et je vous remercie, en notre nom à toutes, de nous donner l’occasion de nous exprimer.

Notre association regroupe l’ensemble des déléguées sur le territoire métropolitain, mais aussi dans les DOM – dont la situation est bien particulière.

Nous sommes toutes membres de cette association, qui nous offre un espace d’échange et de parole, sur des préoccupations liées à notre profession ou à nos conditions de travail. C’est un lieu de convivialité, d’entraide et de solidarité tout à fait nécessaire. De fait, notre tâche est assez lourde.

Nous sommes enchantées d’avoir une ministre de plein exercice ; cela change beaucoup la situation. Notre action y gagne en visibilité et en légitimité, ce dont nous avons absolument besoin. Portée par une ministre, la question des droits des femmes apparaît clairement comme un axe prioritaire de la politique gouvernementale, qui doit être pris en compte par l’ensemble des services. Je pense plus particulièrement aux préfets, qui ont la responsabilité de piloter cette politique sur les territoires, régions et départements.

Bien sûr, la nomination d’une ministre ne suffit pas si son action n’est pas appuyée par ailleurs. Voilà pourquoi nous avons beaucoup apprécié que le Premier ministre ait pris des circulaires en août dernier. Celles-ci ont donné un cadre très précis à l’inter ministérialité, absolument indispensable à l’exercice de nos missions.

Notre action, d’abord considérée sous le prisme de la cohésion sociale, a pris un aspect beaucoup plus sociétal, ce qui change fondamentalement la donne. Les questions que nous traitons embrassent l’ensemble des politiques. Mais pour y parvenir, notre action doit être portée au plus haut niveau et rendue visible sur les territoires. D’où l’intérêt des textes et des circulaires. Nous sommes là pour appliquer la politique gouvernementale, qui doit être lisible et ne peut pas reposer uniquement sur notre conviction personnelle, si forte soit-elle.

J’ai fait référence aux circulaires du Premier ministre sur l’inter ministérialité. Je citerai aussi les circulaires de juillet dernier qui concernent les prochaines élections dans les chambres d’agriculture, et qui incitent à l’introduction d’une logique paritaire.

Au-delà de ces textes, notre ministre fait entendre sa voix dans des instances très importantes. La semaine prochaine, à la réunion des préfets de région, elle s’exprimera, au même titre que d’autres ministres, sur la politique qu’elle souhaite mener. En ce sens, nous pouvons considérer que cette politique est en train de trouver un nouveau souffle.

Nous attendons bien sûr la réunion du comité interministériel et le plan d’action qui nous permettra de développer, en région, les axes de travail qui découleront de ce plan. Reste la question des moyens.

Mme la présidente Catherine Coutelle. De quel budget disposez-vous en région et dans les départements ? Comment ce budget se répartit-il entre priorités définies nationalement et actions d’initiative locale ? Quels arbitrages les préfets font-ils à partir du budget alloué au niveau régional ? Quelles sont vos marges d’action ?

Mme Françoise Kieffer. Le budget opérationnel de programme (BOP) 137 Égalité entre les femmes et les hommes intègre nos crédits d’intervention et une partie de nos crédits de fonctionnement. Depuis la mise en œuvre de la RGPP, l’autre partie de nos crédits de fonctionnement a été basculée sur le BOP 124, programme de soutien qui relève des politiques sociales ; c’est le cas des rémunérations, qui sont gérées en région par les directions régionales de la Jeunesse, des sports et de la cohésion sociale.

Mme la présidente Catherine Coutelle. À combien se montent par exemple les crédits d’intervention de la région Bretagne, qui relèvent du BOP 137 ? Ces crédits d’intervention sont-ils répartis par la région entre les départements ?

Vos crédits de fonctionnement relèvent à la fois du BOP 137 et du BOP 124, s’agissant des rémunérations. Ces dernières font-elles l’objet d’une convention collective ? Négociez-vous vos salaires avec le préfet ?

Mme Françoise Kieffer. Nos crédits d’intervention permettent de déléguer des crédits à des associations, à des structures, et de monter des opérations. Ils relèvent du BOP 137. Mais le BOP 137 sert aussi au fonctionnement des délégations régionales – dépenses de téléphone, papier, fournitures, notamment.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Les délégations régionales ne sont-elles pas hébergées par les préfectures ?

Mme Françoise Kieffer. Nous sommes hébergées par les préfectures de région, dans des locaux le plus souvent mis à notre disposition. Cependant une partie des frais, notamment le matériel et les fournitures, sont pris en charge par les crédits du BOP 137. Certaines préfectures mettent aussi à notre disposition du matériel, cela dépend des régions.

Mme la présidente Catherine Coutelle. À combien se sont élevés cette année les crédits d’intervention en Bretagne ?

Mme Françoise Kieffer. À peu près à 600 000 euros. Il faut souligner qu’il est possible de faire en sorte que d’autres services de l’État soutiennent certaines de nos actions avec les crédits des autres BOP. Ainsi, les directions régionales des Entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) peuvent être amenées à financer de leur côté des actions relatives à l’emploi.

Je me permets d’attirer votre attention sur l’importance des crédits européens mobilisables dans les régions. Nous disposons d’enveloppes globales du Fonds social européen, au sein desquelles la sous-mesure 222 permet, par exemple, de financer des actions en faveur de l’emploi des femmes. En région Bretagne, sur la période 2007-2013, plus de 6 millions d’euros de crédits sont mobilisables sur la totalité du programme du Fonds social européen en Bretagne pour des actions en faveur de l’emploi des femmes.

La région Bretagne bénéficie donc en moyenne d’un million d’euros par an en provenance du FSE. L’enveloppe de crédits est pluriannuelle avec des tranches de financement, ce qui nous permet de calculer le montant annuel mobilisable.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Les financements d’origine européenne sont donc importants. Il est difficile de faire le lien entre les montants mobilisables au plan national et régional que vous citez et les réponses données au plan local, qui font valoir le manque de crédits pour soutenir l’insertion et l’emploi des femmes. La situation est-elle très différente selon les régions ?

Mme Françoise Kieffer. La situation diffère d’une région à l’autre. En Bretagne, sur la période 2007-2013, nous disposerons du même montant de crédits FSE que sur la période 2000-2006, mais ce n’est pas le cas dans toutes les régions car, dans leur majorité, elles ont connu une baisse des enveloppes mobilisables au titre des actions en faveur de l’emploi des femmes. Malgré tout, je pense que le volontarisme dont ont fait preuve certaines régions a permis d’y assurer des marges de manœuvre plus importantes qu’ailleurs.

Au-delà de cette sous-mesure 222 concernant l’emploi des femmes, nous pouvons exercer notre « droit de tirage » sur les autres lignes, dans la mesure où les femmes constituent un public éligible à d’autres dispositifs. De fait, nous devons utiliser en permanence ce double levier : un financement à la fois transversal et spécifique.

En région nous n’avons pas de budget de programme (BOP), mais une unité opérationnelle (UO) au sein de celui-ci, car nos crédits ne sont pas assez importants. Les UO nous permettent d’accompagner un certain nombre de projets. La procédure est relativement normalisée : dans le cadre des conférences administratives régionales (les CAR), instances qui réunissent mensuellement les préfets et les chefs de service régionaux, nous présentons nos crédits – qui ont été auparavant négociés au niveau de l’administration centrale – et nous faisons des propositions pour les répartir.

C’est l’occasion de présenter, une fois par an, les grandes orientations en région, de les faire valider, de les partager en amont avec nos collègues chargées de mission sur les départements et, en fonction de cela, de proposer des répartitions d’enveloppes, tout en sachant que, pour une grande part, ces dernières sont déjà fléchées par le niveau national. Un tel fonctionnement implique un dialogue à tous les niveaux, du niveau national au niveau départemental.

Vous m’avez aussi interrogée sur nos positionnements à l’issue de la RGPP. Nous avons été satisfaites de notre intégration au sein des secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR), sachant que pendant un temps il avait été question de nous intégrer au sein des directions régionales de la Jeunesse et des sports et de la cohésion sociale. Cela ne me semblait pas du tout adapté à la dimension interministérielle que doit prendre cette politique. L’intégration dans de telles directions aurait forcément limité nos capacités d’intervention.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Cette intégration aux SGAR est donc un moindre mal. Mais madame Crozon, quand vous étiez déléguée régionale, n’étiez-vous pas directement rattachée au préfet ?

Mme Pascale Crozon. Nous travaillions à la fois avec le secrétaire général aux affaires régionales et le directeur de cabinet. Mais le SGAR avait déjà une place importante dans le dispositif. En fait, nous donnions au secrétaire général aux affaires régionales des indications sur le travail que nous menions au niveau régional.

J’ai pour ma part une observation à faire sur le positionnement des chargées de mission départementales. Nous nous sommes battues pour que toute l’équipe reste dans les préfectures. Nous avons obtenu, avec Mme Marie-Jo Zimmermann, que les déléguées régionales soient intégrées au sein des SGAR. Mais nous ne l’avons pas obtenu pour les chargées de mission départementales. Je crois que cela pose un vrai problème.

Mme Françoise Kieffer. Un certain nombre d’entre nous étaient déjà physiquement positionnées au sein des SGAR, mais nous sommes maintenant intégrées dans une équipe, avec les chargés de mission du SGAR, ce qui est très intéressant. Ce n’est pas le cas, en effet, de nos collègues des départements qui se trouvent intégrées au sein des directions départementales de la Cohésion sociale ou de la Protection de la population – selon les configurations départementales. Or les directions départementales interministérielles (DDI) sont dans le champ de regroupement des anciennes directions. Elles n’ont pas vocation à embrasser tout le champ de l’inter ministérialité. Les chargées de mission départementales ont donc très clairement perdu en visibilité et en capacité d’initiative, quels que soient l’engagement et le volontarisme de leur directeur ou de leur directrice.

Je signale par ailleurs que nous ne sommes pas très nombreuses. La ministre a fait en sorte que nous ne perdions pas de postes pour l’année 2013. Mais l’hémorragie avait commencé depuis de nombreuses années et nous en subissons les conséquences. Actuellement, certaines de mes collègues déléguées régionales travaillent toutes seules, sans collaboratrices, sans adjointe. En outre, la RGPP a abouti à dissocier le niveau régional du niveau départemental. Auparavant, nous avions souvent une double compétence, régionale et départementale sur le département chef-lieu ; ce n’est plus le cas, sauf pour un peu plus d’une dizaine de mes collègues.

Nous nous réjouissons évidemment de la politique très volontariste qui se met en œuvre. Mais il est logique que l’on attende de nous une mobilisation qui soit à la hauteur des enjeux fixés.

Mme Pascale Crozon. Il me semble que sur le budget qui nous a été présenté, le programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes connaît une augmentation de 15 %.

Mme Françoise Kieffer. Le programme 137 concerne les crédits d’intervention et non les ressources humaines, qui relèvent du programme 124.

Mme Pascale Crozon. Cela devrait permettre de travailler dans de meilleures conditions avec les associations.

Mme Françoise Kieffer. Ce n’est cependant pas la même chose. On confond souvent – notamment dans les départements – le rôle de l’administration « droits des femmes » et celui des réseaux associatifs. Or nous n’avons pas la même posture et il ne faut pas faire porter à des associations ce qui relève de la mise en œuvre d’une politique publique. Une association, et c’est normal, met en œuvre des actions dans un cadre qui lui est propre, même si elle peut avoir avec nous des partenariats très étroits, notamment par le fait que nous lui apportons des moyens.

En tout cas, cela n’allège pas notre travail. N’oubliez pas que nous devons, en outre, faire vivre l’inter ministérialité auprès de nos collègues et construire des plans régionaux, qui découlent de la politique nationale.

Mme Édith Gueugneau. Nous sommes très satisfaits de la politique menée par notre ministre, Mme Najat Vallaud-Belkacem. Pour autant, des problèmes majeurs d’effectifs se posent dans les régions et les départements. Pour ma part, je voudrais insister sur la situation dans les territoires ruraux : ceux-ci sont souvent éloignés des préfectures, et votre action y manque pour le moins de visibilité. Enfin, les réseaux associatifs, quand ils existent, ne sont pas forcément accessibles – en Saône-et-Loire, nous nous trouvons à une heure et demie d’un pôle associatif.

Comment faire en sorte que la politique gouvernementale soit déclinée dans les départements et, à partir des départements, irrigue nos territoires ruraux, où se posent des questions sociétales de plus en plus graves et où les femmes sont souvent seules face à leurs difficultés. Il me semble que les collectivités locales, communes ou communautés de communes, seraient prêtes à s’investir.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Comment se partagent les enveloppes fléchées au plan national dont vous nous avez parlé, et les enveloppes qui financent les actions des associations ? Est-il exact que des délégations régionales aux droits des femmes financent des associations défavorables à la contraception ou à l’IVG ? Nous allons demander aux délégations de nous envoyer la liste des associations qu’elles soutiennent.

Quelles grandes actions mettez-vous en valeur : l’emploi, la lutte contre les violences ? Et en conséquence, quelles associations bénéficient des financements que vous accordez ?

Mme Françoise Kieffer. La situation née de la RGPP amène à reposer la question de l’articulation entre les différents niveaux d’administration.

Le niveau régional, qui est celui du pilotage de ces politiques, doit jouer pleinement son rôle, en articulation étroite avec les départements. Nous n’avons rien à gagner à des politiques saupoudrées – d’ailleurs, nous n’en avons pas les moyens. Une puissance d’intervention bien articulée entre le niveau régional et le niveau départemental me semble la formule la plus efficace et la plus visible sur les territoires. Il ne faudrait pas que le régional tente d’impulser un certain nombre d’actions et que, de leur côté, les départements essaient de monter leurs propres opérations. Le niveau régional doit donner, en articulation avec les départements, une impulsion, des orientations et des priorités. Ces priorités doivent être validées par les préfets et prendre en compte la réalité des territoires.

Nous avons bien sûr des grandes orientations nationales, mais il faut pouvoir s’ajuster aux territoires – selon qu’il s’agit d’un territoire urbain, d’un territoire rural, avec un tissu associatif et des services publics plus ou moins denses. C’est à l’échelle régionale qu’on peut le faire, avec nos collègues des départements.

Nous avons par ailleurs beaucoup de collègues, dans les autres services de l’État, avec lesquels nous pouvons travailler. De fait, nous ne sommes pas les seules à porter cette politique d’égalité et aujourd’hui, chacun est en responsabilité. Ainsi, nos collègues des ex-directions du travail, les DIRECCTE, sont pour nous, dans le champ de l’emploi, des partenaires incontournables.

Les préfets de région sont en lien avec les sous-préfets, lesquels sont chargés de conduire des politiques d’emploi sur les territoires. Nous pouvons donc très bien conduire des actions dans le champ de l’emploi, en liaison directe avec les sous-préfets, et bien sûr avec les chargées de mission dans les départements.

L’ensemble des services de l’État doit se mobiliser sur ces sujets. Cela dit, il la cohérence du système pourrait être améliorée, en précisant clairement le rôle des uns et des autres, au niveau régional comme au niveau départemental. Les métiers sont différents, et il convient de les combiner et de les articuler.

Il faut également que nous soyons présentes dans les instances au sein desquelles les politiques publiques sont discutées et décidées. Nous devons pouvoir peser, au plus près des territoires, sur ces politiques. Je prends fréquemment en exemple la politique de l’emploi, qui est essentielle, et dont la ministre a fait une première priorité. Nous en sommes satisfaites, car nous étions en perte de vitesse s’agissant des moyens mis à notre disposition pour promouvoir l’égalité professionnelle – même si la lutte contre les violences faites aux femmes reste un axe majeur. D’ailleurs, nous ne pourrons pas conduire les femmes victimes de violences à l’autonomie si nous ne sommes pas à même de leur aménager un accès renforcé à l’emploi.

Des organisations existent. Il faut les mobiliser au service de nos objectifs. De la même façon, nous pouvons trouver des relais efficaces auprès des autres services de l’État.

Tous nos besoins ne sont pas satisfaits en matière de ressources humaines, et il est évident qu’un service qui n’est pas un peu fort a du mal à se faire entendre. Mais c’est aussi dans l’articulation et le renforcement de notre réseau, et surtout dans le développement des liens avec les autres services de l’État, que nous pourrons gagner en efficacité.

Mme Édith Gueugneau. Merci de toutes ces explications. Bien sûr, il faut de la cohérence, mais il faut aussi, sur nos territoires, gagner en lisibilité, et donc en efficacité.

Mme Pascale Crozon. L’année dernière, nous avons rencontré un problème important, que nous avons évoqué à la Délégation aux droits des femmes : 500 000 euros ont été versés à l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSé) et n’ont pas bénéficié aux centres de planification. Avez-vous fait le point avec toutes les déléguées régionales et départementales ? M. Christophe Sirugue, qui a étudié le budget du programme Solidarité, a interrogé hier la ministre sur ce point, sans obtenir de réponse précise. Je ne suis pas sûre qu’elle dispose encore de tous les éléments permettant relatifs au versement ou non de ces crédits aux structures du Planning familial. Celui-ci risque de nous interpeller à ce propos.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Ce dernier doit à présent justifier que son action profite à des femmes issues de quartiers en difficulté, ce qui a pour conséquence de compliquer la prise en charge et la gestion administrative des associations. Il serait souhaitable de sortir de cette situation, qui n’est pas satisfaisante. Savez-vous si les crédits versés à l’ACSé sont bien parvenus aux destinataires finaux ?

Mme Françoise Kieffer. Je ne saurais pas vous répondre pour toutes les régions. Il me semble en tout cas qu’en Bretagne, ces questions ont été réglées. Cela étant, le fléchage des crédits manque de clarté. Quoi qu’il en soit, le service des Droits des femmes n’a pas la main sur ces crédits. La directrice de la Cohésion sociale doit pouvoir vous répondre sur ce point.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Pour l’instant, personne n’est capable de nous dire ce que l’ACSé a versé. Ce sont les centres de planning familial qui nous alertent. Ceux-ci rencontrent d’ailleurs une autre difficulté : ils doivent attendre l’année suivante (n +1) pour que les crédits leur soient distribués, ce qui complique leur gestion. Ce sont en effet des structures assez fragiles, car leur fonds de roulement, et donc leur autonomie, sont faibles.

En matière d’égalité professionnelle, nous nous interrogeons. Les ministères sont en train de rédiger le décret portant application de l’article 99 de la loi sur les retraites, relatif à l’égalité professionnelle et précisant notamment les éventuelles sanctions à imposer aux entreprises après vérification de leur rapport de situation comparée (RSC).

Une amélioration est prévue : les entreprises devraient envoyer les RSC aux inspecteurs du travail qui en auraient donc connaissance de manière automatique. Quelle pourrait être le rôle des déléguées régionales, dans la mesure où il serait souhaitable qu’elles soient informées des progrès de l’égalité professionnelle et salariale dans le département et dans la région – à partir des RSC que vous pourriez consulter vous-mêmes, ou à partir du bilan que vous en ferait l’inspecteur du travail ?

Mme Françoise Kieffer. Vous avez raison : il faut que les RSC soient transmis directement à l’inspection du travail pour que celle-ci vérifie que les entreprises ont bien fait le nécessaire. Cela dit, nous sommes souvent en relation avec les DIRECCTE, notamment leur pôle travail, et nous menons avec elles, dans les entreprises, des actions très ciblées de promotion de l’égalité professionnelle. Il est tout à fait possible, en tout cas avec elles, de faire ce travail d’analyse, prévu d’ailleurs dans nombre de régions.

La Direction générale du travail a demandé à certaines DIRECCTE d’entreprendre des expérimentations professionnelles – je le sais puisque ma région y participe. À ce titre, nous pouvons engager un travail en direction des entreprises, avec un examen approfondi des rapports de situation comparée et des accords d’entreprise. En effet, il ne suffit pas de produire un RSC et de passer un accord. Il faut une vraie négociation, qui aboutisse à un rapport de qualité. Et cela nécessite un travail important d’accompagnement des entreprises.

Mme Pascale Crozon. Hier, lors de la commission élargie consacrée aux crédits de la Solidarité pour 2013, j’ai interrogé la ministre des Droits des femmes sur le problème du contrôle et des sanctions sous l’angle de la rapidité d’intervention de l’administration et de l’application des sanctions. Elle m’a répondu que jusqu’alors, c’était la Direction du travail qui, par sollicitation ou par un travail avec les déléguées ou avec d’autres, s’adressait à l’entreprise pour un contrôle. Dorénavant, ce sera l’entreprise qui devra aller vers les directions du Travail, puisque tous les rapports devront être envoyés à la Direction du travail ; celle-ci interpellera l’entreprise qui ne s’est pas mise en conformité avec la législation. S’agissant des sanctions, un décret d’application devrait être pris très rapidement.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Si les déléguées régionales sont informées, c’est bien. Mais il serait peut-être bien de le prévoir dans une procédure l’officialisant. Par ailleurs, les rapports de situation comparée sont-ils trop long ou compliqués à élaborer ? Doit-on les simplifier ?

Mme Françoise Kieffer. Il serait en effet important que les circulaires, et en tout cas les instructions, fassent apparaître la nécessité du partenariat de l’administration du travail et des délégations.

Je ne pense pas que les rapports de situation comparée soient très compliqués. Je pense qu’ils nécessitent, en aval, un travail d’accompagnement et de formation. Il faut permette à celles et ceux qui les ont à disposition de les analyser précisément et d’en tirer des plans d’action. Tout ce qui est à l’intérieur des RSC est indispensable, mais encore faut-il savoir les lire et pouvoir, ensuite, construire une véritable stratégie. Voilà pourquoi la formation des partenaires sociaux, et de l’entreprise au sens large, serait une avancée.

La sanction est nécessaire lorsque les entreprises ne respectent pas les textes, mais l’accompagnement est indispensable. Sinon, la sanction n’aurait aucun sens. Les personnes que nous rencontrons sont souvent de bonne volonté, mais elles ne savent pas forcément comment utiliser cet outil ou, même, ne voient pas les inégalités existantes au sein de leur structure ou leur entreprise.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Il en est de même dans l’administration, qui a pourtant l’obligation de faire des RSC depuis le printemps 2012.

Mme Françoise Kieffer. J’aurais deux sujets de préoccupation à vous soumettre : nos conditions de travail et nos statuts.

Comme vous le savez sans doute, le réseau « droits des femmes » est constitué en grande partie de personnes recrutées sous contrat, dont certaines peuvent prétendre au processus de titularisation. Toutefois les conditions prévues pour la titularisation ne nous semblent ni très claires ni très satisfaisantes. En effet, les intéressées seraient titularisées sur des postes d’attachés catégorie A, ce qui les placerait en bas de l’échelle administrative, alors même qu’elles exercent des responsabilités importantes dans les régions et les départements, qui justifieraient pleinement de les positionner sur des postes A +.

Il nous semble que l’égalité professionnelle devrait s’appliquer à notre propre administration et que notre travail et nos compétences méritent d’être reconnus. L’État n’a-t-il pas à faire preuve d’exemplarité, comme l’a souligné la ministre ?

Par exemple, j’oserais à peine vous dire quel est le montant de nos primes, car elles sont ridicules. Ce qui était, à l’origine, une indemnité de fonctions, s’est transformé en 2007 en prime, avec des modularités de plus ou moins 20 % en fonction de la performance, et portant sur des montants dérisoires. Depuis, nos primes n’ont pas évolué, et elles doivent être les plus basses de toutes les administrations !

Mme la présidente Catherine Coutelle. Cela fait partie du problème de différentiel de salaire entre les hommes et femmes. Et il est clair que sur ces postes-là, il y a surtout des femmes. Lors de l’examen à l’Assemblée nationale de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, il est apparu clairement qu’il y avait 15 % de différence de salaire entre les hommes et les femmes dans la fonction publique, ce qui paraît incompréhensible dans le cadre d’un même statut : tout se joue sur les primes et les avancements.

Mme Françoise Kieffer. Dans le processus de titularisation envisagé, nos emplois n’ont jamais été rapprochés avec des emplois équivalents, occupés par des personnes exerçant des responsabilités équivalentes aux nôtres dans d’autres administrations – positionnement dans les grilles, niveaux de rémunération et de primes. Vous avez bien compris que nous n’en sommes pas là, puisque l’on nous placerait au premier niveau de l’échelle. Je précise que, pour la plupart des personnes actuellement sous contrat à durée indéterminée, ce serait inintéressant, voire strictement impossible.

Par ailleurs, pour certains agents du service des droits des femmes, la mobilité professionnelle – qui n’est pas que géographique, mais peut s’opérer vers d’autres ministères – n’est pas envisageable. Ou bien ils n’entrent pas dans les processus de titularisation et sont condamnés à démissionner, ou bien ils seraient à même d’occuper d’autres types d’emplois, mais ne peuvent y prétendre pour le moment.

Les ministres en charge de ce service ont souvent été choqués par notre situation, même s’ils n’ont pas forcément eu la possibilité ni le temps nécessaire pour l’améliorer.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Combien y a-t-il de titulaires et de contractuelles dans votre réseau ? Y a-t-il des chargées de mission dans tous les départements ? Certains postes sont-ils restés vacants ?

Mme Françoise Kieffer. Un tiers environ des déléguées régionales sont fonctionnaires. La proportion doit être équivalente parmi les chargées de mission départementales.

Il est exact que dans certains départements – et cela commence à s’observer en région – des postes n’ont pas été pourvus. En cas de départ, le temps de remplacement est souvent assez long, et ce malgré les autorisations de recrutement. Il faut dire que les postes « droits des femmes » sont intégrés dans le BOP 124 et que si le plafond d’emploi est atteint au niveau du BOP, il faut attendre, même si les postes sont vacants.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je suppose que l’on applique à l’ensemble du programme 124, dont vous relevez, la règle du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partis à la retraite.

Mme Françoise Kieffer. En effet. Nos postes sont intégrés dans le programme 124 qui est géré de façon globale, même si une attention particulière est portée aux effectifs du service « droits des femmes », qui sont bien repérés à l’intérieur du plafond d’emplois. Les recrutements peuvent être bloqués ou attendre de nombreux mois.

La priorité est d’affecter une chargée de mission par département, et une déléguée régionale par région. Mais l’affectation d’une ou deux personnes supplémentaires aux déléguées régionales n’est en aucun cas prioritaire. Celles-ci travaillent parfois seules, sans secrétariat. D’autres risquent fort de se retrouver seules : en effet, dès lors qu’une collaboratrice entre dans un processus de mobilité, il n’y a aucune garantie à ce jour que son poste puisse être pourvu, en tout cas dans des délais supportables. Aujourd’hui, certaines de nos collègues sont dans une situation difficile.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Vos préoccupations sont donc essentiellement liées à vos conditions de travail, de mobilité et à votre statut.

Mme Françoise Kieffer. Oui, et notamment à notre rémunération. Nous pourrons vous faire connaître le montant des primes que nous recevons.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Sur quelles actions touchez-vous des primes ?

Mme Françoise Kieffer. Nous sommes évalués, comme tous les autres fonctionnaires et tous les autres agents, sur les actions que nous conduisons. Les entretiens d’évaluation sont conduits chaque année par les SGAR, nos supérieurs hiérarchiques. Mais les marges de manœuvre, qui se font dans un cadre donné, sont très étroites.

La prime des déléguées régionales ou des chargés de mission était anciennement appelée « indemnité de fonctions », dont 20 % sont modulables. Nous touchons mensuellement 80 % de cette prime, et 20 % en fin d’année, voire plus, mais dans la marge des 20 %.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Quelles actions vous semblent avoir davantage contribué à l’instauration de l’égalité entre les hommes et femmes ? Si vous aviez à définir les axes forts des politiques que vous avez eu à développer en région, ou dans la région Bretagne, dans quels domaines pensez-vous avoir remporté des succès ?

Mme Françoise Kieffer. La question pour nous est de savoir quels sont les indicateurs à partir desquels on peut évaluer l’efficacité de notre travail. Par exemple, nous serions bien en mal de dire que nous avons amélioré l’orientation des filles au sein du système éducatif, mais nous pouvons envisager la question sous l’angle du nombre des personnes qui ont été sensibilisées à cette problématique pour que le changement puisse d’opérer. Et sur ce point précis, nous pouvons exprimer une certaine satisfaction.

Cela m’amène à vous parler de la manifestation « 100 femmes, 100 métiers », qui va bientôt débuter en Bretagne et qui durera du 15 au 30 novembre. C’est l’occasion de se mobiliser tous ensemble, à l’échelle de la région, sur les questions de mixité des emplois et d’égalité professionnelle. Elle réunit 200 partenaires, qui viennent aussi bien de l’Éducation nationale que du service public de l’emploi, des entreprises, des branches professionnelles et des associations. Il est important que nous arrivions non seulement à maintenir cette opération, mais encore à l’étendre.

Mme la présidente Catherine Coutelle. C’est une opération de la région ? Il est remarquable que vous ayez trouvé 200 partenaires !

Mme Françoise Kieffer. Cette opération est portée par l’État et cofinancée par des collectivités, dont le Conseil régional de Bretagne. Nous l’avons menée en relation avec les autres services de l’État, tels que la DIRECCTE, et avons travaillé, notamment, avec les Maisons de l’emploi et les missions locales. L’idée est de rendre visible, au moins une fois dans l’année, la mobilisation de chacun tout au long de l’année.

C’est la dixième année de ce « temps fort régional », que nous ferons vraisemblablement évoluer, en affichant de façon encore plus marquée la question de la mixité, envisagée dans le cadre de l’égalité professionnelle. En effet, la mixité des emplois n’est qu’un des volets – indispensable, mais pas le seul, loin s’en faut – des questions d’égalité professionnelle. Nous ouvrirons cette manifestation, le 15 novembre, au grand public, scolaires, demandeurs et demandeuses d’emplois et la clôturerons, le 30 novembre, par un temps de réflexion réservé aux professionnels. Nous donnerons la parole aux femmes qui ont osé exercer des métiers traditionnellement occupés par des hommes. Les entreprises seront conviées autour d’un petit-déjeuner pour débattre de la question suivante : « L’égalité en temps de crise, est-ce possible ? »

Mme la présidente Catherine Coutelle. L’opération est-elle limitée à Rennes ? Par ailleurs, l’Éducation nationale est-elle concernée ? Les universités s’impliquent-elles ?

Mme Françoise Kieffer. Elle irrigue toute la région, et nous maintenons la mobilisation sur les quatre départements bretons. Du 15 au 30 novembre, tous nos partenaires en région proposeront une centaine d’actions sur leur territoire : visites d’entreprises, tables rondes, témoignages, expositions, notamment, mettant en avant la question de l’emploi des femmes, de la mixité et de l’égalité professionnelle. Dans cette configuration, chacun prend des initiatives.

L’Éducation nationale est concernée, et nous avons la chance de pouvoir compter sur une chargée de mission académique pour l’égalité entre les filles et les garçons au sein du système éducatif. C’est une partenaire incontournable qui, notamment, avec les établissements, mobilisera tous les scolaires. Les universités sont associées. Mais là aussi, les marges de progrès sont grandes.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Qu’en est-il, en région, de l’éducation à la sexualité dans les lycées et collèges depuis la loi de 2003 ? Disposez-vous d’un tableau de la mise en œuvre de cette loi ?

Mme Françoise Kieffer. Un état des lieux est effectué de façon assez régulière, cependant il est assez difficile de se rendre compte de tout ce qui peut être conduit en ce domaine. Nous aimerions pouvoir connaître toutes les initiatives et les rendre visibles. Quoi qu’il en soit, nous faisons régulièrement des états des lieux. Il y avait, il y a quelques années,des commissions départementales.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Existent-elles toujours ?

Mme Françoise Kieffer. Plus ou moins. Elles s’intéressaient à la sexualité, à la vie affective et sexuelle, ce qui permettait de regrouper l’ensemble des acteurs à l’échelle d’un département – Éducation nationale, structures associatives, conseil général, services de l’État – et de faire le point sur les actions conduites, à la fois en direction des établissements scolaires, des jeunes et de tous les publics. Au sein de ces commissions, nous avions une certaine visibilité des actions menées.

Maintenant, l’ARS est aussi en charge de ces questions. Sans doute devons-nous travailler de façon plus précise avec elle pour faire en sorte que celles-ci soient bien identifiées dans les plans régionaux de santé. Mais nous devons également travailler avec l’Éducation nationale.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Si ce domaine d’action en direction des jeunes devient un axe prioritaire dans l’Éducation nationale, il faudra accroître votre capacité d’évaluation. À défaut, l’ARS la prendra en charge.

Mme Françoise Kieffer. L’Éducation nationale peut piloter des actions hors de l’ARS. Nous avons tout intérêt à décloisonner et à partager les initiatives.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Y a-t-il partout des commissions départementales des violences faites aux femmes ? Dans mon département, il existe maintenant un conseil départemental de prévention de la délinquance, avec un volet « violences ». Y a-t-il des réunions spécifiques consacrées aux violences faites aux femmes ?

Mme Françoise Kieffer. Le conseil département représente le cadre normal. Ces dernières années, le champ de la lutte contre les violences faites aux femmes a été fortement investi et structuré dans des instances départementales, quel qu’en soit le nom – commission départementale, conseil départemental de prévention de la délinquance, etc. Je crois que le système fonctionne de manière assez satisfaisante.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Avez-vous subi des baisses de crédits ? Avez-vous été obligés de couper certains programmes ou certains projets, ou de diminuer des participations ?

Mme Françoise Kieffer. Cette année a été plutôt difficile financièrement, puisque les services de l’État ont vu baisser leurs crédits d’intervention. Heureusement, nos politiques ne sont pas financées uniquement par les crédits des droits des femmes. Les associations ont connu des moments difficiles, même si elles se trouvent elles aussi au croisement de différentes politiques et peuvent recevoir des financements de différentes sources.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Depuis qu’il a moins d’argent, l’État a pris l’habitude de faire des appels à projet, ce qui est aussi un moyen de contrôler les associations et de ne pas financer des structures peu opérationnelles. Mais à présent, tout passe par ces appels à projet et des associations nous saisissent de leurs difficultés de fonctionnement, car elles doivent établir des dizaines de dossiers, pour des sommes ridicules, ce qui leur demande beaucoup de temps. Pourrait-on trouver un équilibre entre des financements plus pérennes – à travers, par exemple, des conventions triennales – et des appels à projet ? Sans compter qu’il suffit que l’État baisse ses subventions pour que la région fasse de même et que les crédits de l’association baissent en cascade.

Est-il bien raisonnable de continuer à procéder de cette façon ? Auriez-vous des préconisations à faire pour simplifier la vie des associations ?

Mme Françoise Kieffer. Des associations nous ont décrit être obligées de monter une quarantaine de petits dossiers chaque année. Ces dernières années, des instructions ont été données pour que nous établissions des conventions pluriannuelles avec un certain nombre de réseaux, ce que nous avons fait, par exemple, avec le Centre d’information des droits des femmes et des familles (CIDFF).

Pour autant, la totalité des autres cofinanceurs n’est pas concernée. Nous sommes d’ailleurs de plus en plus souvent sollicités par les associations pour participer, en fin d’année, à des tours de table financiers, destinés à faire le point, avec l’ensemble des cofinanceurs, sur nos engagements pour l’année suivante.

Nous essayons de simplifier les procédures au maximum, en montant non seulement des conventions pluriannuelles, mais aussi des conventions globales – lorsque la même association nous sollicite pour deux ou trois projets différents – pour éviter que chaque projet fasse l’objet d’une demande spécifique.

S’agissant des réseaux, parfois, il vaut mieux travailler avec les têtes de réseau, lorsqu’elles existent, ou au niveau national. Mais sans doute conviendrait-il également de renforcer le dialogue avec les collectivités. Comment, avec les représentants des collectivités, s’engager par rapport à un certain nombre de réseaux pour éviter de trop grandes disparités sur les territoires, tout en sécurisant au minimum les financements ? La question mériterait d’être remise à l’ordre du jour.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Les missions d’intérêt général (MIG) ne constitueraient-elles pas un cadre adéquat ?

Mme Françoise Kieffer. Je ne peux vous répondre ; en revanche, il me paraîtrait utile que, du côté des structures en charge de la vie associative, nous réfléchissions aux moyens de simplifier au maximum les procédures. Les associations doivent rendent compte, dans la mesure où elles reçoivent de l’argent public, mais le temps consacré au montage de dossiers n’est pas consacré à l’action sur le terrain.

Mme la présidente Catherine Coutelle. La situation serait plus simple, si chacun ne voulait pas « son » dossier. Mais je sais que c’est un vœu pieux.

Je vous remercie pour votre contribution très riche à nous travaux.

Table ronde sur l’action, l’organisation et les moyens des délégations régionales aux droits des femmes, en présence de Mmes Jocelyne Mongellaz, déléguée régionale d’Île-de-France, Françoise Rastit, déléguée régionale de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et Véronique Tomas, déléguée régionale de Basse-Normandie

Compte rendu de l’audition du mercredi 14 novembre 2012

Mme Catherine Coutelle. Nous accueillons aujourd’hui trois déléguées régionales aux droits des femmes dans le cadre d’un cycle d’auditions sur l’organisation et les moyens des délégations régionales. Ces auditions trouveront leur conclusion dans un rapport que la Délégation présentera en fin d’année.

Comment est organisée la délégation aux droits des femmes dans vos régions ? Quelles modifications la RGPP a-t-elle apportées ? Vos missions ont-elles évolué depuis cinq ans ? Avez-vous besoin de compétences nouvelles pour les exercer ?

Je m’interroge également sur votre statut et sur votre positionnement au sein de l’administration : comment s’articulent les relations entre la déléguée régionale, hiérarchiquement dépendante du secrétaire général aux affaires régionales (SGAR), et les chargées de mission départementales, qui se trouvent sous l’autorité de la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) ? Les directives d’action sont-elles harmonisées entre ces deux hiérarchies ?

Par ailleurs, vos objectifs d’action sont-ils bien définis ? De quelle autonomie disposez-vous pour décliner la politique nationale ? Votre positionnement particulier conduit à se demander si vos interlocuteurs ministériels sont multiples. Comment l’objectif de l’inter ministérialité annoncé par l’actuel gouvernement se traduit-il à votre niveau d’action ?

Enfin, de quels moyens disposez-vous, en 2012 et en prévision pour 2013 ? Ces moyens permettent-ils de faire face à l’évolution des besoins et aux actions annoncées dans de nouveaux domaines ? Permettent-ils d’effectuer des expérimentations au plan local et de les étendre si elles se sont avérées efficaces ?

Mme Jocelyne Mongellaz, déléguée régionale Île-de-France. Je suis déléguée aux droits des femmes de la région Île-de-France depuis mars 2008 après avoir été, pendant 17 ans, chargée de mission départementale aux droits des femmes à Paris.

Notre région, l’Île-de-France, comptant 11 millions d’habitants – dont 6 millions de femmes – la délégation régionale comporte un effectif comparativement important de cinq personnes. Je suis entourée d’une adjointe administrative et financière, en charge de la gestion de notre budget qui s’élève cette année à 2,5 millions d’euros, de deux contractuelles cadre A qui possèdent une expertise en matière d’égalité professionnelle, pour la première, et de lutte contre les violences pour la seconde. Je dispose enfin d’une secrétaire assistante, également chargée de communication. Ces personnes forment autour de moi une équipe dynamique dont je tiens à saluer ici l’implication et l’efficacité.

Dès mon arrivée, j’ai dû faire face à la suppression du poste chargé des relations avec l’Éducation nationale et le conseil régional, qui avait pour mission de décliner sur le plan régional la Convention interministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes, dans le système éducatif. La charge de ce poste a été répartie sur les autres postes. La gestion du Prix de la vocation scientifique et technique des filles (PVST) incombe désormais à la personne en charge de la gestion administrative et financière.

Conformément aux préconisations de la Révision générale des politiques publiques (RGPP), la délégation régionale est intégrée au secrétariat général aux affaires régionales (SGAR), lui-même placé sous l’autorité du préfet de région et responsable de l’unité opérationnelle (UO) budgétaire du programme 137.

Mais la gestion des ressources humaines – attribution des primes, congés maladie, comptes épargne temps – est assumée par la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) dont nous ne dépendons pas puisque nos crédits figurent sur le budget opérationnel de programme (BOP) 124. Il serait donc souhaitable qu’elle revienne au SGAR.

Mme Véronique Tomas, déléguée de Basse-Normandie. D’autant que le SGAR n’a, à ce jour, aucun pouvoir de décision sur le budget du DRJSCS.

Mme Jocelyne Mongellaz. En effet, et lorsqu’il s’agit d’attribuer des primes, celles-ci profitent tout d’abord à leurs personnels. Ce système n’est donc pas favorable à la reconnaissance du travail du réseau déconcentré.

En Île-de-France, l’intégration au SGAR a coïncidé avec le regroupement des services de la préfecture de région en un seul établissement, ce qui nous permet d’entretenir des relations de proximité avec l’ensemble de la préfecture de région.

Nous participons à des réunions hebdomadaires réunissant les chargés de mission du SGAR et à des réunions bilatérales avec celui-ci. En outre, je participe depuis peu aux réunions qui regroupent, autour du préfet de région, le SGAR et les chargés de mission.

Je participe également aux commissions préfectorales, dont depuis le mois de juillet celle du comité régional de l’habitat (CRH). En revanche, je n’assiste pas de façon systématique aux comités de l’administration régionale (CAR) et aux « pré-CAR » – réunions destinées à préparer le CAR.

Mme Françoise Rastit, déléguée régionale Provence-Alpes-Côte d’Azur. Je suis déléguée régionale aux droits des femmes de la région Paca. Mon équipe, basée à Marseille, est formée de quatre personnes – ce qui était déjà le cas avant la RGPP. Je suis entourée d’une adjointe, qui vient de la direction régionale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (DRTEFP) où elle était spécialisée dans les crédits européens, d’une chargée de mission de catégorie A + et enfin d’une adjointe administrative qui, depuis 1983, s’occupe à plein temps du suivi administratif des crédits sur le logiciel Nemo, en relation avec l’outil de gestion financière Chorus.

Le plan régional stratégique (PRS) défini par la circulaire de septembre 2011 nous a permis de rééquilibrer les charges de travail à l’intérieur de l’équipe, et cette nouvelle organisation a été confirmée par le changement de gouvernement.

Notre budget s’élève à 1 million d’euros, ou plus exactement, du fait des reports de crédits de l’année précédente, à près de 950 000 euros. Nous bénéficions en outre d’une enveloppe annuelle dédiée du Fonds social européen (FSE) d’environ 1 million d’euros.

En 2007, la contractualisation du FSE, du fonds européen de développement régional (FEDER) et du contrat de projets État-région (CPER) a été actée par l’État et le conseil régional.

Quant aux moyens consacrés aux actions répondant aux besoins sur le terrain, en région Paca, les crédits non fléchés destinés à ces actions ont enregistré une baisse de 35 %.

La délégation régionale est désormais installée dans les locaux de la préfecture. Cette proximité nous rapproche des équipes du SGAR, des chargés de mission emploi et cohésion sociale et surtout de la plateforme RH, ce qui facilite notre travail et nous a permis récemment de financer quelques formations interministérielles.

Mme Véronique Tomas. La délégation régionale de Basse-Normandie est composée de trois personnes, mon adjointe, ma collaboratrice et moi-même. Le poste du département de la Manche, qui avait été mis à disposition par le ministère de l’Intérieur, n’est pas budgété, malgré le soutien du préfet de région, du préfet de département et du directeur de la Cohésion sociale.

En ce qui concerne les changements opérés par la RGPP, sachez que de 2007 à 2012 notre budget de fonctionnement a fondu de 66 %. Si des économies ont été nécessaires, celles-ci amoindrissent fortement notre capacité à financer l’impression des campagnes nationales.

Nos crédits d’intervention, en revanche, ont augmenté de 28 % en 2012. Trois nouvelles missions – lutte contre la prostitution, mise en place de lieux d’accueil de jour et sécurisation des espaces de médiation – nous ont été confiées en 2012. Aussi, si l’on enlève les crédits dédiés à ces trois nouveaux objets, le budget global du programme 137 dédié à la Basse-Normandie a diminué de près de 20 % de 2011 et 2012.

En Basse-Normandie, les crédits non fléchés, qui nous permettent de mettre en place des actions en faveur de la promotion et de l’accompagnement de l’égalité professionnelle, ont baissé de 36 %.

Les associations qui accompagnement les femmes dans l’emploi ne sont pas toujours en capacité de répondre à la commande publique et aux exigences de cahiers des charges émanant d’appels d’offre, malgré leurs compétences.

Depuis la réforme de l’administration territoriale de l’État (RéATE) qui a intégré les délégations régionales au SGAR, nous travaillons au sein de la préfecture. La délégation apprécie ces nouvelles conditions de travail. Seul un problème d’ordre technique est à soulever : nous sommes équipés du logiciel Orion comme tous les agents de la préfecture, logiciel ayant vocation à protéger la préfecture d’intrusions. Ce logiciel limite nos capacités d’investigations sur de nombreux sujets : rejet des mots-clés tels que « sexe » ou « prostitution », « pornographie » par exemple.

Mme Jocelyne Mongellaz. La délégation régionale s’est vue confier la gestion de ses crédits d’intervention, mais nous ne disposons pas d’un accès direct à Chorus qui nous permettrait de suivre l’évolution de nos crédits.

Si la délégation régionale Île-de-France peut consacrer une personne à plein temps à la gestion de ses crédits compte tenu du nombre très important de demandes de subventions (120 demandes), je crains que la charge de travail soit trop lourde pour les délégations en manque d’effectifs.

Mme Véronique Tomas. Cette charge est trop lourde, tout particulièrement pour mes collègues déléguées régionales qui sont seules au sein de leur délégation.

Mme Françoise Rastit. L’utilisation du logiciel Nemo pose un double problème : elle alourdit la charge de travail que nous consacrons à la saisie administrative et rend plus difficile le suivi de nos dépenses. Pour vérifier si les paiements ont bien été effectués, il nous faut demander à la trésorerie générale ou au SGAR d’éditer des états – d’ailleurs tellement complexes qu’il nous est difficile de les comprendre...

Mme Véronique Tomas. Il est à noter aussi que la délégation de nos crédits nous parvient de façon fragmentée en plusieurs délégations, ce qui complique la gestion et la planification des actions sur le territoire.

Mme la présidente Catherine Coutelle. La multiplication des appels d’offres alourdit-elle votre gestion ?

Mme Jocelyne Mongellaz. En Île-de-France, nous ne lançons pas d’appels à projets, compte tenu de l’enveloppe limitée de nos crédits non fléchés, soit 415 000 euros.

Avant la réforme de l'administration territoriale (RéATE), la délégation régionale Île-de-France gérait le fonctionnement des chargées de mission départementales. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, ce qui explique le montant peu élevé – 54 000 euros – de nos crédits de fonctionnement.

Mme Véronique Tomas. Face à la diminution des crédits d’intervention au titre de la politique de la ville, pour maintenir l’activité des associations, nous devons travailler en réseau avec les collectivités territoriales.

Mme Françoise Rastit. Seules survivent à la raréfaction des crédits les associations d’ampleur nationale, qui sont réactives par rapport à la politique du Gouvernement et ont les moyens de se réorienter.

Mme Véronique Tomas. Le plan régional stratégique (PRS) pour l’égalité entre les femmes et les hommes a joué dans ma région un rôle fédérateur. Le préfet de région a demandé à tous les signataires – préfets de département, recteur, présidents d’université, directeurs de l’agence régionale de santé (ARS) et de Pôle emploi – de nommer un référent égalité au sein de chaque structure. Je dispose donc aujourd’hui d’un solide réseau de référents dans toutes les structures de la région : à Pôle emploi, à l’éducation nationale, mais également au sein de la gendarmerie où le colonel a nommé des référents VIF – violences intrafamiliales.

Mme Françoise Rastit. Dans les régions où la déléguée régionale est seule, les choses ne se passent pas de la même façon. Les PRS sont à géométrie variable et beaucoup sont construits en fonction des partenariats du moment. Seule une volonté politique, soutenue par le préfet et recommandée aux directions régionales, permettra de généraliser les PRS et de faire entrer l’égalité dans le champ du droit commun.

Si l’on regarde la directive nationale d’orientation pour le pilotage et la mise en œuvre au niveau territorial des politiques de cohésion sociale pour 2013, il subsiste des marges de progrès en matière de transversalité.

Mme Pascale Crozon. Chaque département de votre région dispose-t-il d’une chargée de mission et si tel est le cas, quels sont ses moyens ?

Constatez-vous depuis six mois qu’une nouvelle dynamique est à l’œuvre dans vos régions ?

Mme Jocelyne Mongellaz. L’Île-de-France dispose actuellement de sept chargées de mission sur huit. Nous avons dû faire face à deux vacances de poste dans les départements de l’Essonne et des Yvelines. La première, qui a duré deux ans, a été pourvue le 1er septembre dernier ; quant à la seconde, aussi longue, une personne vient d’être recrutée et occupera le poste dès le 1er janvier prochain. Ces vacances de postes contraignent les membres de la délégation régionale à s’investir dans les départements.

Mme Pascale Crozon. Un certain nombre de mes collègues et moi-même souhaitons que les chargées de mission restent attachées au cabinet du préfet et non à la direction départementale de la cohésion sociale. Devons-nous faire une recommandation en ce sens ?

Mme Jocelyne Mongellaz. Cette organisation n’est pas satisfaisante car les DDCS sont un intermédiaire entre les chargées de mission et la délégation régionale.

Mme Véronique Tomas. Sur les trois départements de Basse-Normandie, nous n’aurons plus l’année prochaine qu’une seule chargée de mission.

Face à cette vacance et compte tenu de la pénurie croissante de moyens, je serais favorable à la constitution d’équipes régionales dont les agents auraient d’une part, une compétence territoriale (département) et transversale (un axe de la mission).

Mme Françoise Rastit. Sur les six départements de la région Paca, nous attendons deux nominations, dont celle de la chargée de mission des Bouches-du-Rhône.

Mme Jocelyne Mongellaz. La place des chargées de mission départementale devrait se trouver auprès des préfets car c’est là qu’elles peuvent jouer pleinement leur rôle.

Mme Pascale Crozon. Pouvez-vous dire qu’une nouvelle dynamique politique se met en place, ne serait-ce qu’à travers la création d’un ministère dédié aux droits des femmes ?

Mme Jocelyne Mongellaz. Nous en avons naturellement très fortement ressenti les effets.

Mme Véronique Tomas. La création du comité interministériel et le gender budgeting, ou approche intégrée de l’égalité hommes-femmes dans l'élaboration des budgets, devraient constituer des leviers d’action au niveau territorial.

Mme la présidente Catherine Coutelle. La création d’un ministère des Droits des femmes vous donne certainement plus de poids, pourtant les crédits qui sont alloués à votre réseau dans le projet de budget pour 2013 ne bénéficient pas de la moindre progression…

De quelles actions êtes-vous les plus fières ?

Mme Jocelyne Mongellaz. Je me félicite de la signature du PRS, qui concrétise l’aspect interministériel de la question de l’égalité et la dynamique enclenchée au cours des dernières années. Nous avons signé avec le préfet de région, le président du conseil régional et les trois recteurs une convention cadre avec l’Éducation nationale autour des trois axes de la convention interministérielle. Et pour ce qui est des entreprises, nous travaillons depuis 2008 avec les partenaires sociaux sur un plan d’égalité d’accès à l’emploi, avec le soutien du fonds social européen (FSE).

Le PRS nous permet également d’établir des partenariats avec les cours d’appel dans le cadre du plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes mis en œuvre par les commissions départementales aux droits des femmes et à l’égalité dans les départements. 

Enfin, pour promouvoir les « contrats pour la mixité des emplois et l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes », nous avons signé des conventions avec les branches professionnelles dans des métiers où les femmes sont peu présentes, comme les transports et l’énergie, et avec l’opérateur Orange.

Le plan régional concrétise notre action en matière d’égalité professionnelle et de lutte contre les violences faites aux femmes. Il a été signé en Île-de-France par plus de 37 structures dont les partenaires sociaux, les cours d’appel et les chambres régionales consulaires.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Les plans régionaux stratégiques doivent-ils être reconduits par une directive ministérielle ? Comment se déclinent-ils dans les départements ?

Mme Jocelyne Mongellaz. Les actions régionales se déclinent naturellement dans les départements. Ainsi le SGAR d’Île-de-France a-t-il adressé un courrier aux préfets de département pour les inviter à demander aux structures départementales de l’État de nommer un référent égalité, et certains départements ont élargi cette demande aux partenaires sociaux et à d’autres acteurs. La région Île-de-France compte à présent plus d’une centaine de référents égalité.

Mme Véronique Tomas. Avec la mise en place du PRS, nous sommes passés d’une logique de réseau à une logique de partenariat. Ainsi, dans ma région, nous avons rendu visible l’ensemble des accords-cadres avec les secteurs du BTP, du transport et de la logistique, mais aussi avec la CGPME et l’AGEFOS PME. Dans quelques jours, nous signerons un accord avec un certain nombre d’acteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Nous avons également signé une convention avec l’Éducation nationale qui nous a permis d’organiser un concours régional d’affiches sur le thème du respect mutuel.

Nous avons aussi constitué un réseau d’entreprises labellisées. L’an dernier, nous avons organisé 33 manifestations publiques, actions essentielles pour sensibiliser les professionnels et le grand public à l’égalité entre les femmes et les hommes.

Mme Françoise Rastit. La situation en région Paca est plus nuancée, ce qui est sans doute dû au fait que nos six départements sont très contrastés. Le PRS doit intégrer la transversalité au sein même des directions régionales, car c’est là que sont définies les politiques à mener, mais il va de soi que les chargées de mission doivent être associées à la politique menée dans le département.

Nous avons constitué un réseau regroupant notamment l’Observatoire régional des métiers, l’INSEE, le service études de la direction régionale de la jeunesse et des sports (DRJS), le conseil régional, le conseil général, le centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), qui nous a permis de « genrer » le contrat de plan régional de développement des formations (CPRDF) établi par le conseil régional en partenariat avec les services de l’État.

Mme Véronique Tomas. Le PRS de Basse-Normandie comprend 34 fiches d’actions régionales et 33 fiches départementales.

Mme Maud Olivier. Les associations de femmes réclament avec force la présence d’assistantes sociales dans les commissariats. Or celle-ci relève des conseils généraux qui, pour de multiples raisons, s’y refusent. Cette question peut-elle être posée au niveau régional ?

Par ailleurs, les déléguées régionales sont-elles en majorité fonctionnaires ou contractuelles ?

Mme Véronique Tomas. Ce que l’on nous propose de plus en plus, c’est d’être attachées de la fonction publique en référence à la loi « Sauvadet » du 12 mars 2012. Il serait intéressant de reconnaître les acquis de notre expérience au regard de notre activité réelle.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Quel statut, selon vous, correspondrait réellement à votre qualité de responsables au niveau régional ? Le statut d’attachée principale correspondrait-il mieux à vos attentes ? Quels sont les avantages et les inconvénients de la limitation à six années dans le poste pour les déléguées titulaires d’un contrat ? La mobilité à laquelle vous êtes soumises remet certainement en cause votre investissement et votre connaissance du terrain.

Mme Véronique Tomas. Le statut idéal serait celui d’administrateur civil, comme le sont nos collègues directeurs régionaux de la recherche et de la technologie, du tourisme, délégués interrégionaux aux restructurations de la défense.

Mme Jocelyne Mongellaz. Nos postes doivent être stables car les politiques que nous menons ne peuvent être mises en œuvre que dans la durée.

Mme la présidente Catherine Coutelle. En matière de lutte contre la prostitution, soutenez-vous toujours les mêmes associations ?

Mme Jocelyne Mongellaz. En 2011, les crédits alloués à la lutte contre la prostitution ont fait l’objet d’un transfert de 850 000 euros du BOP 177 au BOP 137, dont 92 % étaient destinés au département de Paris. Je rappelle que notre mission se limite à l’accompagnement des personnes prostituées, leur hébergement étant toujours financé par le BOP 177 qui, lui, est géré par la direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (DRIHL). En 2012, l’adoption d’un amendement parlementaire nous a permis d’attribuer des crédits aux départements qui n’en avaient jamais reçu, à savoir la Seine et Marne et les Yvelines, et de mettre en place, avec l’aide de l’association Mouvement du Nid, une coordination régionale du réseau.

Mme la présidente Catherine Coutelle. À quelles actions le budget destiné à la lutte contre la prostitution est-il utilisé, et vous paraît-il suffisant ?

Mme Jocelyne Mongellaz. Ce budget a subi une diminution importante en Île-de-France, où il finance l’accompagnement des personnes prostituées ainsi que les actions de prévention. Plus globalement, nous attendons du ministère qu’il nous adresse une feuille de route, d’autant plus nécessaire depuis la confirmation de la position abolitionniste de notre pays.

Mme Maud Olivier. La Délégation aux droits des femmes a entrepris récemment un travail sur l’évolution de notre politique et en particulier de la législation relative à la prostitution. Nous espérons déposer à l’issue de ce travail conduit avec des représentants de différents groupes politiques une proposition de loi visant le système prostitueur dans son ensemble. En outre, nous devons proposer aux personnes prostituées des solutions raisonnables et accessibles, car il ne faudrait pas leur faire des promesses pour les laisser ensuite à nouveau dans la rue.

Mme Françoise Rastit. La région Paca consacre 156 000 euros à la prostitution. Nous avons regretté de ne pas avoir profité du transfert de crédits pour mettre en place un réel diagnostic. Il me paraîtrait intéressant de collaborer avec l’Agence régionale de santé (ARS), mais l’agence traite essentiellement la prostitution sous l’angle de la santé.

Mme Véronique Tomas. En Basse-Normandie, 6 866 euros ont été fléchés pour la lutte contre la prostitution.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Nous interrogerons le ministère sur la question de la répartition des crédits.

Quelles sont vos relations avec les ARS ?

Mme Véronique Tomas. Très bonnes.

Mme Jocelyne Mongellaz. Également.

Mme Françoise Rastit. Il en va de même dans ma région.

La répartition des crédits entre les départements telle qu’elle est opérée actuellement est dangereuse car le coût d’une secrétaire est le même partout, quelle que soit la population. Le plus important est d’assurer une couverture du territoire par le biais de réseaux. Il est normal d’accorder des crédits plus importants aux grands territoires, mais certaines zones rurales nécessitent aussi d’importants moyens.

La RGPP a conféré aux chargées de mission une possibilité d’intervention qu’elles n’avaient pas auparavant, par exemple la possibilité de travailler dans le domaine de la politique de la ville.

Généralement, tout ce qui relève de la politique de lutte contre les violences, en proximité avec la police, la justice et la gendarmerie, est mis en œuvre dans les départements, le niveau régional étant plus adapté pour ce qui relève de la politique de l’emploi, car elle est définie au niveau régional.

Mme Jocelyne Mongellaz. En Île-de-France, il n’y a pas de répartition des crédits par département de l’enveloppe régionale. Les actions départementales s’inscrivent dans les priorités définies en commun lors de la programmation en tenant compte à la fois des orientations nationales et de la spécificité des territoires.

Mme Véronique Tomas. La répartition des crédits est effectuée en fonction du poids démographique des départements, les chargées de mission proposent l’attribution des crédits aux associations en fonction des projets.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Les antennes du Planning familial rencontrent-elles des difficultés dans votre région après la demande faite à l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé) de verser 500 000 euros de subvention aux associations – subvention que certaines associations disent ne pas avoir reçue ?

Mme Françoise Rastit. Les départements de ma région ne disposent pas tous d’une antenne du Planning familial. Je n’ai pas eu connaissance de tensions. L’enveloppe que nous accordons généralement au Planning familial s’élève à près de 13 000 euros et correspond à des actions départementales et interdépartementales.

Mme Jocelyne Mongellaz. En Île-de-France, la nouvelle répartition des crédits semble avoir quelque peu défavorisé le réseau du Planning familial.

Mme Véronique Tomas. Dans ma région, la diminution des subventions a amené le Planning à supprimer un emploi. C’est regrettable.

Mme Françoise Rastit. Dans un contexte de restriction budgétaire, l’action des associations ne peut que perdre une part de son impact. Les associations spécialisées ne pourraient-elles devenir des référents et former des agents sur les thématiques de l’égalité et des droits des femmes ? Les CIDFF pourraient être chargés de cette animation.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Ce que vous proposez n’est autre qu’une forme de mutualisation. Cela m’amène à évoquer les centres d’appels téléphoniques. Selon vous, leur multiplicité nuit-elle à la visibilité du dispositif ?

Mme Jocelyne Mongellaz. Les personnes en souffrance doivent pouvoir appeler des numéros très spécialisés : le 3919 a été mis en place pour répondre aux victimes de violences conjugales, le numéro du collectif féministe contre le viol pour assister les victimes d’agressions sexuelles et de viols et celui de l’association européenne contre les violences faites aux femmes (AVFT) s’adresse aux victimes de harcèlement sexuel.

En ce qui concerne l’accès au logement et l’hébergement des femmes victimes de violences, nous aimerions recevoir des directives nationales.

Mme Véronique Tomas. Il convient avant tout de faire en sorte que les personnes en souffrance, quelle qu’en soit la cause, n’aient pas à répéter plusieurs fois l’objet de leur appel, car elles se découragent et on ne peut alors les aider.

Mme la présidente Catherine Coutelle. La loi relative aux violences prévoit le droit pour les femmes en difficulté d’obtenir une protection et donne aux préfets la possibilité de réquisitionner des logements HLM afin de leur proposer un hébergement. Les textes existent, mais ils ne sont pas appliqués.

Mme Véronique Tomas. En matière d’accueil de jour, l’expérimentation est une bonne chose, mais elle ne concerne que 62 départements et laisse tous les autres face à leurs difficultés. Une répartition plus équitable sur l’ensemble du territoire serait souhaitable.

Les budgets que nous allouons à certaines thématiques doivent produire des effets leviers. Ainsi en consacrant 8,5 % de ses crédits à l’axe 11 – Égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, économique, politique et sociale – la délégation de Basse-Normandie a obtenu 91,5 % des autres financeurs. Pour avoir consacré 19 % de ses crédits à la promotion des droits et à la prévention de la lutte contre les violences, elle a récupéré 81 % de financements extérieurs.

Mme Jocelyne Mongellaz. En 2010, pour notre région Île-de-France, un euro investi sur nos crédits du programme 137 a permis d’obtenir 7 euros de financements extérieurs.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Soit, mais la recherche de cofinancements demande beaucoup de temps.

Mme Françoise Rastit. Face aux diminutions de crédits, je suggère que les services de l’État, les conseils régionaux, les conseils généraux, se regroupent au sein d’un comité de pilotage pour financer les associations les plus importantes.

Mme Véronique Tomas. Outre l’activité générée par la délégation, il est à préciser que la délégation est aussi sollicitée très régulièrement. Ainsi, depuis le début de l’année, la délégation a répondu à 49 requêtes qui ont nécessité la constitution d’un dossier.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je vous remercie pour votre disponibilité à notre égard et pour les informations que vous nous apportez.

Audition de Mmes Jacqueline Hatchiguian, chargée de mission départementale aux droits des femmes et à l’égalité des Bouches-du-Rhône et Josiane Régis, directrice départementale adjointe de la Cohésion sociale

Compte rendu de l’audition du mercredi 21 novembre 2012

Mme Pascale Crozon, présidente. Mes chers collègues, dans le cadre de notre travail sur l’action, l’organisation et les moyens des délégations régionales aux droits des femmes, nous avons déjà entendu plusieurs déléguées régionales, ainsi que Mme Kieffer, en sa qualité de présidente de l’association des déléguées régionales aux droits des femmes et à l’égalité. Aujourd’hui, nous nous intéresserons au travail des déléguées ou chargées de mission départementales.

Nous accueillons donc Mme Jacqueline Hatchiguian et Mme Josiane Régis, que je remercie pour leur présence.

Madame Hatchiguian, vous avez la parole, pour présenter votre action et vos moyens. Je souhaiterais également que vous nous décriviez les conséquences du positionnement institutionnel des chargées de mission départementales, qui sont à présent rattachées au ministère des Affaires sociales et de la santé – plus précisément à Direction générale de la jeunesse et des sports et de la cohésion sociale.

Mme Jacqueline Hatchiguian. Inspectrice hors classe de l’action sanitaire et sociale, j’ai été affectée en septembre 2006 à la Délégation régionale aux droits des femmes et à l’égalité de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, en tant que déléguée régionale adjointe, puis, en janvier 2010, en conséquence de la révision générale des politiques publiques (RGPP), à la Direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) des Bouches-du-Rhône en tant que chargée de mission aux droits des femmes des Bouches-du-Rhône, poste qui n’existait pas jusqu’alors.

De fait, avec la déléguée régionale de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, nous assurions, au sein de la Délégation régionale, la double casquette. J’étais plus particulièrement chargée de la gestion du budget régional et des violences faites aux femmes. Mais je souhaitais rejoindre une Direction départementale. Quand la RGPP est intervenue, un poste de chargée de mission départementale a été créé. Depuis, j’exerce mes fonctions de chargée de mission aux droits des femmes aux côtés de la direction.

Mme Josiane Régis. Je commencerai par évoquer notre organisation, depuis qu’ont été mises en place les directions départementales interministérielles, élément majeur de la réforme administrative territoriale de l’État. De même qu’il existe des directions régionales interministérielles, il existe des directions départementales interministérielles. Le niveau régional porte les politiques publiques et définit une stratégie. Le niveau départemental est le niveau opérationnel, chargé de la mise en œuvre de ces politiques publiques.

Dans les Directions départementales de la cohésion sociale (DDCS), nous avons plusieurs donneurs d’ordre – responsables de budget opérationnel de programme (RBOP) : le Directeur régional Jeunesse et sports, et cohésion sociale (DRJSCS) pour le volet « affaires sociales, jeunesse et sports » ; le Directeur régional de l’aménagement et du logement (DREAL) pour le volet « logement, droit opposable au logement, prévention des expulsions… » ; le Secrétaire général de la préfecture des Bouches-du-Rhône, pour le volet « politique de la ville », qui relève de la responsabilité directe du préfet délégué à l’égalité des chances, et pour le volet « instruction des concours de la force publique ».

Les politiques de l’égalité s’articulent de la même façon. Au niveau régional, le RBOP est le secrétaire général aux affaires régionales (SGAR) ; c’est à ce niveau qu’intervient la déléguée régionale aux droits des femmes, chargée du portage de ces politiques. Celles-ci sont mises en œuvre au niveau départemental ; c’est à ce niveau qu’intervient Mme Jacqueline Hatchiguian, chargée de mission départementale.

Cette organisation a été mise en place, pour les services déconcentrés de l’État, le 1er janvier 2010. Mme Hatchiguian a intégré la Direction, le préfet des Bouches-du-Rhône ayant fait le choix de disposer d’un poste de chargée de mission départementale. En effet, la politique « égalité » est une politique transversale, qui doit être prise en compte par l’ensemble des politiques publiques portées au niveau de la cohésion sociale. Cela justifie que la chargée de mission ne soit plus placée au niveau régional, mais au niveau départemental, pour pouvoir travailler en interministériel, à l’intérieur d’une direction susceptible de lui offrir de nombreux leviers d’intervention.

Quand on parle « femmes », « droit des femmes », « violences faites aux femmes », on retombe vite sur des sujets de logement – logement autonome, mais aussi hébergement d’urgence, mise à l’abri dans des lieux que nous aimerions être spécifiquement destinés aux femmes. En effet, la loi de juillet 2010 relative aux violences faites aux femmes précise que c’est l’auteur des violences que l’on doit éloigner. Or ce n’est pas aussi simple que cela : les femmes victimes vivent souvent dans des quartiers ou des cités difficiles, près de la famille de l’auteur, et il est délicat de les laisser exposées à d’autres violences qui sont celles de l’entourage immédiat, familial, ou autre. Comme le dira sans doute Mme Hatchiguian – dont le grand mérite est d’avoir su tisser des liens avec le réseau associatif – on est bien là dans le domaine de l’opérationnel.

Le niveau régional, stratège, est éloigné du maillage territorial et ne permet pas d’établir une collaboration étroite avec les différents partenaires. En revanche, le niveau départemental le permet. Nous pouvons même dire que, dans les Bouches-du-Rhône, notre politique est assez exemplaire en la matière. État, Ville, Conseil général et Conseil régional se retrouvent autour de la même table, sur les mêmes dossiers. Je tenais à le signaler car, sur d’autres politiques, on n’y arrive pas. Ajoutez à cela que le tissu associatif de notre département est très dynamique et très impliqué.

De la même façon, la police, la gendarmerie et le Procureur via les TGI ont pu être mobilisés pour mettre en place des dispositifs spécifiques « violences ». Là encore, c’est parce qu’elle travaille au niveau départemental qu’elle a pu mailler aussi finement le territoire. Le niveau régional est trop éloigné des réalités et surtout des opérateurs de terrain.

Mme Hatchiguian fait partie intégrante de la Direction. J’ai suivi ses dossiers, pour lesquels j’ai de l’appétence, bien qu’il soit encore très difficile de porter cette politique. Mais elle vient de prendre un autre poste au sein de la DDCS – celui de secrétaire générale – et certains se demandent si nous avons vraiment besoin d’un chargé de mission au niveau départemental. Je sais bien que dans le contexte actuel, dès qu’il est possible de récupérer un équivalent temps plein quelque part, personne ne s’en prive. Mais je tiens à rappeler que ce poste est fondamental. En interne, il permet de créer de la transversalité. Et c’est bien nécessaire, car la défense des droits des femmes touche de nombreux domaines : le sport, la jeunesse, le logement, notamment. Prenons l’exemple du logement : aujourd’hui, à Marseille, de plus en plus de familles monoparentales – donc des femmes avec des enfants – sont exposées à la précarité et à l’expulsion, en raison de l’explosion des prix des loyers et de la montée du chômage.

Il est très important que cette politique soit portée. D’une certaine façon, nous militons pour la prise en compte d’enjeux qui ne sont pas encore complètement entrés dans les mentalités et dans les pratiques. Nous nous battrons donc pour que Mme Hatchiguian soit remplacée par quelqu’un d’également compétent.

Mme Jacqueline Hatchiguian. Depuis le 1er octobre, j’ai en effet de nouvelles fonctions : je suis secrétaire générale de la Direction départementale, en remplacement d’une personne qui est partie dans un autre département.

J’observe que le fait d’avoir affecté les chargées de mission est une vraie chance. Cette affectation nous aide à exister de façon institutionnelle et nous permet d’être reconnues par les partenaires.

Mme Pascal Crozon, présidente. Madame Hatchiguian, votre situation est particulière, dans la mesure où c’est dans votre département que se trouve la Délégation régionale aux droits des femmes. Lorsque c’est le cas, les chargées de missions départementales sont le plus souvent positionnées comme vous l’étiez au départ, auprès de la Délégation.

Madame Régis, si vous quittez votre poste demain et que votre remplaçant a moins d’appétence que vous pour les droits des femmes, ne pensez-vous pas que cela risque de poser des problèmes ? En effet, tous les autres départements de votre région doivent avoir une chargée de mission départementale rattachée à la cohésion sociale.

Mme Josiane Régis. L’action menée pendant presque trois ans par Mme Hatchiguian a été fructueuse, qu’il s’agisse des dossiers, du maillage partenarial ou du travail sur les violences effectué avec les procureurs, la gendarmerie, la police, SOS Femmes. Tout cela est « gravé dans le marbre » et l’on ne pourra pas revenir en arrière. Si nous n’avions plus de chargée de mission, la démonstration serait très vite faite qu’il nous manque un maillon.

Mme Pascale Crozon, présidente. Vos collègues pensent-elles de la même façon dans les autres départements ?

Mme Jacqueline Hatchiguian. Dans notre région, je pense que tous les chargés de mission – car nous avons un homme chargé de mission, à Dignes – sont bien positionnés auprès de nos directions départementales. En tout cas, je n’ai pas entendu mes collègues s’en plaindre.

Si Mme Régis changeait de fonctions, est-ce que la direction porterait avec moins d’enthousiasme les droits des femmes ? Peut-être, mais ce n’est pas qu’une question de personne.

Pour ma part, j’ai été adjointe de DDASS, je suis passée par la Délégation régionale aux droits des femmes en PACA et j’ai été chargée de mission départementale aux droits des femmes. Je pense avoir le recul suffisant pour pouvoir affirmer que depuis que je suis en direction départementale, en tant que chargée de mission, j’ai eu à ma disposition un nombre plus important de leviers que lorsque je m’occupais des violences au sein de la délégation régionale.

Au sein d’une même direction, on se voit, on se parle entre collègues. Lorsque la chargée de mission doit, par exemple, traiter un dossier d’hébergement, le service du logement se trouve à proximité. Par ailleurs, la cohésion sociale est regroupée, dans le même ministère, avec la jeunesse et les sports, qui ont été depuis longtemps sensibilisés aux problématiques d’égalité et de violences. Les chargées de mission aux droits des femmes trouvent donc des oreilles attentives.

Étant placées auprès de la Direction, nous avons le pouvoir de la représenter, par exemple dans les réunions des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS). De ce fait, nous sommes davantage reconnues et visibles.

Il se trouve aussi que la Direction tient des réunions trimestrielles avec les autres directeurs départementaux. Tous ses membres, dont la chargée de mission, participent à ces réunions inter directions départementales interministérielles. Cela facilite nos contacts avec les directeurs départementaux, des unités territoriales (UT) de la DIRECCTE ou de l’Agence régionale de santé. J’en ai moi-même fait l’expérience. Ainsi, une de mes collègues a déplacé des places de centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) d’un endroit à l’autre, pour donner plus de cohérence au dispositif que l’on était en train de monter pour la prise en charge des violences faites aux femmes. Très sincèrement, je pense qu’en étant à la Délégation, je ne l’aurais pas obtenu ou du moins plus difficilement car éloignée du centre de décision. La place que nous occupons dans le département permet la mise en place d’instances de travail communes et la diffusion, dans les directions départementales, de la culture « droits des femmes ».

Mme Pascale Crozon, présidente. Qu’en est-il, au niveau du budget ?

Mme Jacqueline Hatchiguian. Nous fonctionnons sur un budget régional, géré par la Délégation régionale aux droits des femmes, au sein des SGAR. Le cadre est celui du dialogue de gestion : chaque année, on fait valoir nos besoins, puis nous « répartissons la pénurie ».

Nous souhaitons pourtant disposer d’enveloppes départementales pour avoir une visibilité sur ce que nous faisons, et non pas d’un droit de tirage sur l’enveloppe régionale.

La nuance est importante. Par exemple, nous avons des projets sur Martigues/Port-de-Bouc. Les communes sont prêtes à s’engager mais, sans enveloppe pérennisée, je suis obligée de les freiner. En effet, juridiquement, le budget opérationnel de programme (BOP) régional peut être remis en question chaque année dans l’enveloppe qui est allouée aux départements.

Plus précisément, les enveloppes se répartissent entre crédits fléchés par le ministère et crédits non fléchés. Les crédits fléchés sont destinés aux centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) et sur les lieux d’accueil violences. Mais quand on a « défléché » tous les crédits, il reste 66 000 euros pour les Bouches-du-Rhône. Et quand je vais voir les collectivités, je leur dis que j’ai beaucoup d’idées, mais que je ne dispose que de crédits d’appel et qu’elles auront à compléter le budget.

Le plan « violences » est en partie financé avec l’argent des collectivités qui, heureusement, sont toutes de bonne volonté. Je vise là les 24 contrats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), qui sont des coordinations placées auprès des villes pour gérer les dispositifs de prévention de la délinquance, les 14 contrats CUCS, et les 12 Ateliers santé ville (AVS). Comme j’ai occupé précédemment des postes de coordination au sein des DDASS (directions départementales de l’action sanitaire et sociale), j’ai fait mon analyse de terrain et démarché toutes ces coordinations, qui sont cofinancées par l’État et les collectivités.

Ainsi, ma direction a, à ma demande, envoyé une lettre aux Ateliers santé ville, en faisant valoir les rapports Henrion, Lebas, et Coutanceau. Je suis allée voir la collègue chargée de mission « prévention de la délinquance » à la préfecture de police, pour lui dire qu’il serait souhaitable que les CLSPD prennent en compte les violences faites aux femmes. Tout cela se tricote maille après maille.

Nous avons démarché les CUCS. Celui de Marseille est présidé par Mme Boyer, députée, adjointe au maire de Marseille, chargée de la politique de la ville. Il y a deux ou trois ans, après avoir discuté avec ma collègue qui travaille à la Ville, nous avons injecté dans toutes les parties du CUCS (emploi, santé, violences, prévention de la délinquance) quelques modestes objectifs qui relevaient de notre politique en matière d’égalité hommes/femmes.

Mme Pascale Crozon, présidente. Et si les crédits spécifiques aux chargées de mission départementales étaient déconcentrés, devraient-il être alloués à la cohésion sociale ?

Mme Jacqueline Hatchiguian. Nous souhaiterions être unité opérationnelle (UO), car cela nous assurerait la marge de manœuvre nécessaire.

Tout le monde ne travaille pas comme nous. Nous nous sommes fixé des objectifs sur trois ans. L’un d’eux est le maillage du territoire. Chaque année, nous installons des petites permanences ici ou là. Il faut que les associations négocient le cofinancement de leur budget : hors Marseille, pour assurer une permanence, je ne verse que 2 500 euros. Les collectivités, souvent les villes, à travers le CUCS, apportent un complément de financement. Mais tout cela se négocie au long cours. Le problème est que si l’on s’engage auprès d’un élu et que l’année suivante, les crédits ont été réorientés, ce travail de maillage n’est pas réalisable.

Mme Pascale Crozon, présidente. Peut-être faudrait-il disposer de crédits fléchés. Vous savez ce qui s’est passé avec l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, s’agissant des centres de planification : les crédits n’ont pas été fléchés et les 500 000 euros qui devaient leur être versés ne l’ont pas été en totalité. Il faudrait des crédits fléchés « droits des femmes ».

Mme Jacqueline Hatchiguian. Notre souhait serait d’être destinataires d’une enveloppe que l’on maîtriserait, pour ne pas remettre en jeu chaque fois, lors d’un dialogue de gestion régional, le montant attribué au département. Aujourd’hui, les Bouches-du-Rhône représentent 40 % de la population de la région et le budget non fléché ne représente que 26 % de l’enveloppe régionale. Cela dit, il ne faudrait pas démunir les deux départements alpins moins peuplés. En ce sens, il y a un vrai problème d’équilibrage entre notre département et les deux départements alpins.

Mme Josiane Régis. Ce n’est pas qu’une question de rééquilibrage. Nous constatons de fortes disparités, qui n’affectent pas seulement la politique des droits des femmes.

La région PACA est sous-dotée. L’année dernière, la Délégation a reçu 870 000 euros de budget régional, desquels il faut retirer le CDIFF, les crédits fléchés prostitution, les crédits fléchés lieux d’accueil, les crédits fléchés lieux de médiation. La marge de manœuvre n’est donc pas très importante.

Mme Pascale Crozon, présidente. Nous avons voté à l’unanimité la loi relative aux violences faites aux femmes. Dans l’un de ses derniers articles, il est demandé aux sociétés d’HLM de prévoir des logements pour les femmes victimes de violences. Car vous avez raison : un certain nombre d’entre elles souhaitent déménager, pour de nombreuses raisons, dont celles que vous avez évoquées tout à l’heure. Il faut absolument que l’on développe cette politique au niveau des bailleurs sociaux.

Mme Jacqueline Hatchiguian. Nous avons engagé une réflexion sur ce sujet dans les Bouches-du-Rhône. Nous avons rencontré les partenaires – police, gendarmerie, procureurs, etc.- afin de voir comment ils percevaient les problèmes de logement. Les associations nous disent souvent qu’elles manquent de places, mais elles n’ont pas chiffré leurs besoins. Or une évaluation est nécessaire, pour aller négocier et procéder, notamment, à des permutations de logements.

Cette réflexion est encore embryonnaire. Malgré tout, nous avons déjà établi qu’il fallait distinguer entre deux situations, l’urgence et la non urgence, et donc deux façons de travailler. En cas d’urgence vitale, la femme peut être mise à l’abri dans un hébergement. Si le procureur a pu éloigner le conjoint, ce qui suppose de l’aider à lui trouver un logement, il n’y a plus d’urgence vitale. On peut alors travailler avec les bailleurs à une permutation de logement social, si tant est que la femme le souhaite.

Tant que la victime ne déménage pas, il faut pouvoir sécuriser le logement. Un nouveau dispositif électronique de protection anti-rapprochement (DEPAR) a été mis en place, dont je rappelle le fonctionnement : l’homme auteur de violences est sous surveillance électronique et la femme dans une « bulle électronique » ; si l’auteur entre dans la bulle, l’alarme se déclenche. Mais ce dispositif coûte cher et il est difficile à mettre en place. Nous avons pensé qu’il serait utile d’expérimenter des dispositifs équivalents aux téléalarmes mises à la disposition de certaines personnes âgées.

La solution n’est pas simple, et nous allons devoir travailler le sujet en interne, entre collègues. De fait, quand on gère l’hébergement d’urgence, on peut parler d’urgence vitale plutôt que d’urgence sociale. La femme peut avoir son salaire, un bel appartement, une voiture, cependant il faut l’éloigner de chez elle parce qu’elle est dans une urgence vitale. Or cette notion n’est pas encore tout à fait définie. Dans les Bouches-du-Rhône, nous n’avons commencé à y réfléchir que depuis deux mois à peine.

Mme Josiane Régis. Des progrès sont tout de même sensibles. Et là encore, c’est le niveau départemental qui permet de travailler de façon aussi fine sur le logement, en relation avec les bailleurs, par le biais du logement social et le droit au logement opposable (DALO).

Mme Pascale Crozon, présidente. Avez-vous évalué, dans votre département, le recours à l’ordonnance de protection des victimes de violences conjugales ?

Mme Jacqueline Hatchiguian. Nous nous sommes interrogés à ce propos il y a six mois. Si la victime demande cette ordonnance, il faut attendre qu’elle soit prise et partager encore quelque temps l’appartement avec l’auteur des violences. Si la victime sort du logement, il n’y a plus d’urgence vitale et l’ordonnance n’a plus de base juridique. Cela explique peut-être la faiblesse des chiffres que l’on nous a fournis – et qui n’étaient d’ailleurs pas officiels.

Mme Pascale Crozon, présidente. Le premier accueil des femmes victimes de violences a lieu au commissariat. C’est là qu’il faut les informer. Mais cela suppose de former les acteurs de terrain – gendarmes, et surtout policiers.

Mme Jacqueline Hatchiguian. Dans chaque gendarmerie des Bouches-du-Rhône, il y a des référents VIF (pour violences intrafamiliales). Dans les commissariats, dont ceux de Marseille, il y a des psychologues. Cela dit, Marseille, avec seize arrondissements, est une grande ville. Pour vous faire une idée, sachez que le département des Hautes-Alpes compte 150 000 habitants, soit moins qu’un quartier de Marseille. Les problèmes n’y sont donc pas les mêmes.

Mme Pascale Crozon, présidente. Les violences sont-elles une de vos priorités ? Quelles sont vos autres priorités ?

Mme Jacqueline Hatchiguian. À la Direction départementale, oui, les violences sont une priorité. Notre autre priorité est l’emploi.

Avec la déléguée régionale aux droits des femmes, nous nous étions réparti le travail, pour éviter tout télescopage. Il me semblait naturel que la Délégation, qui était au SGAR, définisse plutôt la stratégie régionale d’emploi. Celle-ci accède d’ailleurs plus facilement aux fonds européens, via le Fonds social européen.

De mon côté, en moyenne, dans une année, je peux consacrer 20 000 euros à l’emploi. Là encore, j’ai fait des repérages sur le territoire, j’ai appelé les coordonnateurs emploi-formation et mené de petites actions – dont une action phare dans les Bouches-du-Rhône, sur le bassin d’emploi d’Istres.

Nous vous avons préparé des dossiers de communication sur les opérations « Réussir l’emploi des femmes » et « Challenge marketing », pilotées par la Maison de l’emploi. Toute l’année, l’objectif est de faire embaucher des femmes, de les requalifier, de les envoyer en formation. En fin d’année – cette année ce sera le 16 novembre – le challenge « Ange Marchetti » récompense les entreprises qui ont engagé une démarche emblématique : embaucher des femmes, revoir leur emploi du temps, etc. Ces opérations ont du succès.

Mme Pascale Crozon, présidente. Votre direction couvre un grand bassin d’emploi, avec Port-Saint-Louis, Arles, Port-de-Bouc.

Mme Jacqueline Hatchiguian. En effet, mais très honnêtement, sur l’emploi, nous rencontrons des difficultés. Je prendrai l’exemple des contrats « mixité » – contrats pour la mixité des emplois et l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes – qui, selon moi, ne sont pas adaptés à notre milieu de grosses entreprises. Je n’en ai d’ailleurs signé qu’un en deux ans.

Mme Josiane Régis. Il y a également Face Sud-Provence, le club d’entreprises du réseau de la Fondation « Agir contre l’exclusion ».

Mme Sophie Dessus. Je vous remercie de votre présence et de l’expérience que vous nous apportez. Mais nous aurions aussi besoin, en tant qu’élus, de savoir ce que vous attendez de nous.

Par exemple, la semaine dernière, le journal local a fait sa une sur le meurtre d’une jeune mère de trois enfants, rouée de coups par son mari. Dîtes nous comment nous pouvons contribuer à éviter ce type de violence ! Nous avons absolument besoin d’accompagner les délégations et de travailler avec les déléguées. Nous voudrions être plus forts et plus efficaces.

Mme Pascale Crozon, présidente. Madame Hatchiguian, avez-vous pris contact avec vos députés ?

Mme Jacqueline Hatchiguian. Non. Je suis très « fonctionnaire de l’État » et les relations avec les élu-e-s passent plutôt par un contact entre le corps préfectoral et ces mêmes élu-e-s.

Mme Pascale Crozon, présidente. La Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale est très dynamique. Elle souhaite sensibiliser et mettre en place des actions au travers de propositions de loi, ou travailler en commun avec le ministère. Nous avons constaté que nombre de nos collègues ne connaissaient pas les délégations aux droits des femmes ni les chargées de mission départementales. Vous pourriez peut-être mener une réflexion sur ce sujet, dans vos départements.

Mme Jacqueline Hatchiguian. Je rencontre cependant régulièrement les élus. Comme l’a dit Mme Régis en introduction, nous avons créé un partenariat autour de la problématique des violences, avec Mme Gaëlle Lenfant, qui est vice-présidente de la Région, Mme Évelyne Santoru, qui est adjointe au maire de Port-de-Bouc et conseillère générale, Mme Nora Preziosi, qui est adjointe au maire de Marseille et Mme Valérie Boyer, qui est députée, adjointe au maire de Marseille et présidente du CUCS de Marseille, chacune intervenant sur son champ de compétences. Mais par exemple, nous travaillons avec Mme Boyer, non pas en tant que députée, mais en tant qu’adjointe au maire de Marseille et présidente du CUCS de Marseille.

Nous travaillons donc avec les élus. Par exemple, nous avons été contactés par le Conseil départemental de consultation, qui est l’organe placé auprès du président du Conseil général, sur les interventions qui pourraient être faites afin de promouvoir l’égalité hommes/femmes. Ce Conseil a organisé des auditions auprès des associations et auprès de tout le réseau. Avec la police et la gendarmerie, nous avons porté la politique de l’État dans le domaine de l’égalité – programmes ministériels, organisation de chacun. Un rapport devrait être publié dans les mois qui viennent.

Mme Pascale Crozon, présidente. Je ne parlais pas des élus locaux, mais des députés.

Mme Jacqueline Hatchiguian. Je vous ai dit que nous étions « atypiques ». Nous avons pris le parti de mobiliser le niveau local.

Mme Pascale Crozon, présidente. C’est de là que viennent les financements.

Mme Jacqueline Hatchiguian. Mais il n’y a pas que cela. Vous verrez, dans le dossier que nous avons préparé, la convention qui a été passée avec la Fondation Ambroise Paré, qui gère deux hôpitaux à Marseille. Celle-ci a accepté un partenariat avec SOS Femmes et l’État pour prendre en charge, à travers une cellule « maltraitances », des femmes victimes de violences. Ainsi chaque fois qu’une femme victime de violences se présente aux urgences, SOS Femmes intervient, fait le lien avec l’unité de médecine légale et assure au long cours l’accompagnement de cette femme. Comme vous pouvez le constater, notre démarche est avant tout pragmatique, et nous construisons, en posant une brique après l’autre, la prise en charge des violences.

À propos de violences, je remarque que les auteurs de violences sont aujourd’hui soumis à des injonctions thérapeutiques. Mais les femmes victimes devraient elles aussi avoir accès plus facilement à des psychologues pour se reconstruire ou reconstruire leur fonction parentale. Nous avions rêvé que, sur l’action sociale des Caisses primaires, on puisse financer l’intervention de psychologues – à condition que le procureur reconnaisse les femmes comme des victimes. Est-il envisageable de donner un petit coup de pouce à la législation ?

Mme Pascale Crozon, présidente. Des associations et des centres d’hébergement sont à même de répondre à de tels besoins.

Mme Jacqueline Hatchiguian. Ils proposent ce type de prise en charge, mais ce sont des prises en charge institutionnelles, qui ont leurs limites. Aujourd’hui, nous sommes dans une période de décélération des budgets, et il sera difficile de financer les vacations des psychologues – tout comme les procureurs ont du mal à trouver des vacations pour payer les psychiatres qui soignent les auteurs de violences. Cela dit, les auteurs ayant droit à l’assurance maladie, il serait utile de les faire accéder à la médecine de ville. Comme vous pouvez le constater, il y a beaucoup à faire dans le domaine de la santé.

Mme Pascale Crozon, présidente. Parmi vos priorités figurent donc les violences faites aux femmes, l’emploi et la santé.

Mme Jacqueline Hatchiguian. La Direction départementale de la cohésion sociale (pôle hébergement) travaille avec la Fédération nationale des actions d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS) qui conduit un projet en autonome, et avec 5 CHRS sur les conditions du retour à l’emploi des femmes.

Côté « droit des femmes », nous avons mandaté le CIDFF pour que, chaque fois que SOS Femmes rencontre une femme victime de violences, l’association l’oriente vers le Bureau d’accompagnement individualisé vers l’emploi (BAIE). Le Bureau fera avec elle un bilan, pour voir si elle est susceptible de retrouver un emploi ou comment l’aider si elle en a déjà un. Nous avons essayé de joindre les deux fonctions, violences et retour à l’emploi.

Mme Pascale Crozon, présidente. Avez-vous d’autres priorités que ces trois-là ?

Mme Jacqueline Hatchiguian. Nous avons initié une action avec l’association « Culture du cœur » – qui travaille sur l’articulation entre temps de vie et temps professionnel – en nous adressant à un public bien précis, celui des familles monoparentales. C’est un projet assez ambitieux, qui ne date que de dix-huit mois. Il s’agit de faire accéder les familles monoparentales aux loisirs culturels. Nous versons 6 000 euros à cette fin. Dans la pratique, une association récupère des billets auprès de tous les acteurs culturels.

Mme Josiane Régis. Nous avons un autre objectif, qui est de sortir les femmes des quartiers. D’importants crédits sont injectés dans les cités : il est très important, parfois, d’en faire sortir les femmes – ou les jeunes.

Mme Pascale Crozon, présidente. Avez-vous un autre axe de travail, dont vous souhaiteriez nous parler ?

Mme Jacqueline Hatchiguian. Nous menons de nombreuses actions de plus petite envergure.

Mme Pascale Crozon, présidente. La Région ne finance-t-elle pas des actions destinées aux chefs de familles monoparentales qui ont besoin d’une formation pour pouvoir retourner à l’emploi ?

Mme Jacqueline Hatchiguian. Je pense que de telles actions relèvent d’une convention globale passée avec le Centre d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF).

Mme Pascale Crozon, présidente. Les commissions départementales des violences faites aux femmes se réunissent-t-elles dans chaque département ?

Mme Jacqueline Hatchiguian. Chez nous, non. Il n’y en a pas, et cela ne pose pas de problème. En 2006, on a procédé à un toilettage des commissions administratives. La commission départementale des violences faites aux femmes a été intégrée au Conseil départemental de prévention de la délinquance. Nous avons travaillé avec la préfecture de police dans le cadre du plan départemental. Des fiches ont été établies sur les violences faites aux femmes, et notamment sur la formation des professionnels et des adultes encadrants dans les lycées et les collèges.

L’absence de commission départementale des violences faites aux femmes ne nous gêne pas. Nous fonctionnons en petit état-major avec la police, la gendarmerie, ou le réseau de l’Institut national d’aide aux victimes et de médiation (INAVEM) – que je finance parce qu’il reçoit aussi les femmes victimes de violences sur les heures où notre propre réseau est fermé, c’est-à-dire le soir tard et le samedi.

Nous avons passé une convention avec le tribunal de grande instance de Marseille, dans laquelle nous rapprochons les deux réseaux : SOS Femmes prend en charge les femmes sur le long cours, jusqu’à la plainte. Quand la plainte est déposée, le dossier passe au service d’aide aux victimes d’actes délinquants (A.V.A.D.). S’il faut régler d’autres problèmes sociaux, SOS Femmes reprend la main. Nous avons essayé de structurer nos dispositifs.

Mme Pascale Crozon, présidente. Je souhaite vous interroger sur les programmes d’éducation à la sexualité dans les lycées et collèges. Ceux-ci figurent dans pratiquement toutes les lois relatives aux droits des femmes. L’éducation à la sexualité est importante car elle permet, notamment, de lutter contre les violences faites aux femmes.

Mme Jacqueline Hatchiguian. Nous n’y avons pas beaucoup travaillé. Il fut un temps, j’ai financé le Comité départemental d’éducation à la santé (CODES) pour qu’il forme les infirmières scolaires, notamment, à décrypter les situations de violence. Nous pensons en effet, et c’est presque un consensus dans le département, qu’il faut d’abord former les adultes encadrants.

Mme Pascale Crozon, présidente. Les enseignants ne sont pas forcément les mieux placés pour dispenser ce genre d’information aux élèves et, selon moi, il serait utile de réfléchir à d’autres intervenants dans ces domaines.

Mme Jacqueline Hatchiguian. Nous nous sommes adressés aux enseignants pendant deux heures à la rentrée et nous avons essayé d’investir les conseils d’éducation à la santé et à la citoyenneté. Mais la tâche est lourde et mériterait un plan en soi. Nous avons mis en place, avec les CUCS et la Ville de Marseille, un comité de pilotage sur les jeunes. Chaque année, nous organisons un colloque pour faire le bilan de ce que l’on peut connaître des relations filles/garçons, par exemple. Vous pouvez vous reporter au dossier que nous vous avons remis.

Mme Pascale Crozon, présidente. Dans les années quatre-vingts, dans le département du Rhône, une chargée de mission académique, spécialisée dans le droits des femmes, travaillait avec la déléguée ou la chargée de mission. Cela a permis de mettre en place de vraies formations pour les enseignants, non seulement sur les problèmes de violences, mais aussi sur les problèmes du genre. Ceux-ci mériteraient d’être davantage abordés, surtout avec les difficultés que l’on constate aujourd’hui dans les quartiers.

Mme Jacqueline Hatchiguian. Dans les collèges, se pose un réel problème d’égalité entre les filles et les garçons. Les filles sont beaucoup plus dégourdies et réussissent mieux, ce qui crée un déséquilibre en défaveur des garçons. Je pense donc qu’il faudrait retravailler la notion de mixité à l’éducation nationale …

Mme Pascale Crozon, présidente. Si vous mettez en cause la mixité dans les classes …

Mme Jacqueline Hatchiguian. Pas du tout !

Mme Pascale Crozon, présidente. Je pense que c’est aussi un problème d’éducation, qui se pose tout au long de la scolarité. Voilà pourquoi la formation des enseignants sur le genre est importante : même dans les crèches et dans tous les établissements de la petite enfance, il faudrait les informer, car ils sont à peu près persuadés qu’ils se comportent de la même manière avec les garçons et les filles. Or, ce n’est pas toujours le cas.

Mme Jacqueline Hatchiguian. Je serais favorable à un système « pyramidal ». Le professeur est en première ligne. Il doit être apte, non pas à traiter le problème, mais à l’identifier et à contacter l’infirmière ou l’assistante sociale qui, elle, devrait être formée. L’enfant serait alors pris en charge. De fait, nous avons entendu des CPE nous dire qu’un enfant était en souffrance par rapport à la situation de ses parents, ou que sa mère subissait des violences, mais qu’il était difficile d’intervenir.

Mme Pascale Crozon, présidente. C’est pour cela qu’une chargée de mission académique serait bienvenue. Dans le Rhône, cela a donné d’excellents résultats.

Mme Jacqueline Hatchiguian. Il conviendrait d’y réfléchir. Dans les Bouches-du-Rhône, le Conseil général a mis en place tout un programme d’action, avec un volet « accès à la citoyenneté ». Dans ce volet, figure l’égalité filles/garçons.

Mme Pascale Crozon, présidente. Il faut d’abord traiter le problème par le biais du genre.

Mme Jacqueline Hatchiguian. C’est vraiment sous cet angle qu’il a été pris. À chaque début d’année, les collèges demandent au Conseil général l’intervention des associations sur telle ou telle action. Puis les associations interviennent dans les collèges. Souvent, au cours des saynètes qui sont jouées, des problèmes apparaissent, laissant les professeurs démunis. Voilà pourquoi ces interventions se font donc toujours en lien avec les infirmières ou les assistantes sociales. Celles-ci peuvent alors prendre en charge certains enfants. Je crois qu’il faut mener une véritable réflexion sur ce sujet.

Mme Pascale Crozon, présidente. Cela ne se passe pas partout de la même façon. Mais il me reste une dernière question à vous poser : est-ce important, selon vous, qu’il y ait un ministère des Droits des femmes ?

Mme Josiane Régis. Certainement. C’est l’affichage d’une volonté politique forte. Mais il est dommage que ce soit encore nécessaire.

Mme Pascale Crozon, présidente. Je suis bien d’accord avec vous. Comme il est dommage de devoir passer par une loi pour exiger la parité. Mais il faut à la fois passer par la loi et mettre en place des structures qui rappellent qu’il n’est pas possible de revenir en arrière. Car, dans notre société, on n’est jamais sûr que les droits des femmes resteront ce qu’ils sont.

Mesdames, je vous remercie pour votre disponibilité et l’ensemble de ces informations très intéressantes, car tirées de votre riche expérience.

Audition de Mme Sophie Elizéon, ancienne déléguée régionale aux droits des femmes de La Réunion, Déléguée interministérielle pour l’égalité des chances des Français
des Outre-Mer

Compte rendu de l’audition du mardi 15 janvier 2013

Mme la présidente Catherine Coutelle. Cette audition prend place dans un cycle de travail sur l’organisation et les moyens du service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes, et en particulier de son réseau déconcentré. La révision générale des politiques publiques (RGPP) a en effet eu pour conséquence la réorganisation des délégations régionales et départementales. Nous avons déjà mené de nombreuses auditions et réunions, mais nous tenions à entendre l’expérience d’une déléguée de l’outre-mer. C’est pourquoi nous sommes heureux d’accueillir aujourd’hui Mme Sophie Elizéon, qui a été nommée, le 3 octobre 2012, Déléguée interministérielle pour l’égalité des chances des Français d’outre-mer, après avoir exercé les fonctions de déléguée régionale aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes à La Réunion de 2007 à 2012.

Les échanges que nous avons eu avec un certain nombre de déléguées ont fait apparaître un certain nombre de difficultés, parmi lesquelles : la raréfaction de la ressource humaine ; la mobilité et la progression de carrière peu encouragées ; de faibles crédits mobilisables pour les actions d’initiative locales et l’accentuation du fléchage des crédits ; une difficulté à mobiliser des crédits par effet de levier.

Madame la Déléguée, cette situation se retrouve-t-elle à la Réunion ?

Mme Sophie Elizéon, déléguée régionale aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes de La Réunion de 2007 à 2012, actuellement Déléguée interministérielle pour l’égalité des chances des Français d’outre-mer. Les travaux de la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale, que j’ai suivis de très près lorsque j’étais déléguée régionale aux droits des femmes de La Réunion, ont permis aux délégués en région de promouvoir des avancées sur le terrain. C’est donc un honneur pour moi d’être reçue parmi vous aujourd’hui.

La Réunion étant une région monodépartementale, elle comporte une délégation régionale aux droits des femmes mais pas de chargé de mission départemental. L’équipe de la délégation régionale est composée, en tout et pour tout, de deux personnes : une secrétaire, qui fait office de collaboratrice, et une déléguée régionale. La délégation a pour mission de décliner localement la politique nationale d’égalité entre les femmes et les hommes. Cette politique s’articule autour de deux axes : égalité dans la vie politique, sociale, professionnelle et économique, pour le premier, promotion des droits et lutte contre les violences faites aux femmes, pour le second.

À la Réunion, 15 % de femmes sont victimes de violences conjugales, soit une femme sur 6 selon les évaluations réalisées en 2002. En 2011, six femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint. Entre 2009 et 2011, le nombre de dépôts de plainte a augmenté de 35 %. Certes, les femmes osent davantage qu’auparavant porter plainte, néanmoins les violences conjugales faites aux femmes à La Réunion sont un fléau.

Il est très difficile de parler d’égalité professionnelle à La Réunion, car le contexte économique, marqué par un fort chômage, engendre le discours selon lequel il faut d’abord se préoccuper des demandeurs d’emploi, avant de s’occuper spécifiquement des femmes.

Néanmoins, en tant que déléguée régionale de 2007 à 2012, j’ai toujours pu bénéficier du total soutien des préfets. Ainsi, les services de l’État à La Réunion, comme la Direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIECCTE), la Direction de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DJSCS) et la Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL), se sont révélés être des partenaires proches et fidèles de la délégation régionale aux droits femmes.

Le changement de rattachement de la délégation de La Réunion, lié à la réforme générale des politiques publiques, a été réalisé avec un an de décalage par rapport à l’Hexagone, les outre-mer ayant bénéficié d’un temps d’adaptation du fait de leur spécificité. À La Réunion, nous avons tenu le plus longtemps possible pour que la délégation reste rattachée au cabinet du préfet, ce positionnement étant à nos yeux idéal dans un territoire petit, fermé et où l’État est très observé et attendu par nos concitoyens sur le thème de l’égalité entre les hommes et les femmes. Puis la délégation a fini par être rattachée à la Direction de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale de La Réunion.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Y a-t-il un secrétariat général aux affaires régionales ?

Mme Sophie Elizéon. Oui, mais avec des prérogatives très éloignées de celles de la délégation régionale, notamment en matière de lutte contre les violences faites aux femmes.

Le rattachement de la délégation à la Direction de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale a permis, d’une part, de commencer à diffuser au sein de la DJSCS elle-même l’approche intégrée des deux axes de la politique d’égalité, et, d’autre part, de mobiliser des « queues de crédits ». Par contre, il a rendu totalement invisible l’action de la délégation en matière d’égalité entre les hommes et les femmes sur le territoire, et gêné l’activation des partenariats. C’est pourquoi, comme le disent également mes collègues des outre-mer, le rattachement au cabinet du préfet est beaucoup plus efficace.

J’ai parlé tout à l’heure des moyens humains de la délégation régionale. S’agissant des moyens financiers, ils se sont amenuisés jusqu’en 2012. Jusqu’à cette date, nous pouvions mobiliser, en milieu d’année, des queues de crédits non utilisés par d’autres collègues, possibilité qui était cependant difficile en raison de notre éloignement.

Le réseau des déléguées régionales est animé par le Service des droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes. Si les déplacements nécessaires à l’organisation de rencontres tout au long de l’année sont relativement simples pour les personnes installées dans l’Hexagone, ils sont peu aisés pour celles qui le sont en outre-mer, sachant que les crédits de fonctionnement se sont raréfiés. De ce fait, certaines déléguées régionales des outre-mer n’ont pu effectuer des déplacements, ce qui a été mon cas, alors même qu’ils leur permettent de se sentir appartenir à un réseau, de recueillir de bonnes idées ou de bonnes pratiques, et de négocier un financement complémentaire pour une action nécessaire sur le territoire.

Une deuxième difficulté tient aux relations entre l’échelon régional et l’échelon national. Les outre-mer peuvent amender certaines dispositions en fonction de leur situation, ce qui a été le cas pour la RGPP, mais l’échelon national n’appréhende alors que le mode de fonctionnement national. C’est pourquoi, lorsque le service central adresse un courrier aux SGAR pour interpeller les déléguées régionales, il oublie parfois d’écrire au DJSCS – ou au préfet pour celles des délégations qui y sont encore rattachées. Ainsi, les informations ne circulent pas toujours très bien, et les directives données peuvent être contraires aux dispositions prises sur le territoire.

Il est une troisième difficulté : jusqu’en 2012, les régions ultramarines étaient pratiquement toujours oubliées lorsque des actions expérimentales étaient décidées au niveau national. Cependant, la mise en place des référents d’outre-mer nommés dans chacun des cabinets ministériels devrait améliorer la situation.

Mme la présidente Catherine Coutelle. La Réunion a-t-elle été retenue comme région expérimentale ?

Mme Sophie Elizéon. Peu de temps avant mon départ, elle a été retenue comme région expérimentale pour la mise en place des territoires d’excellence en matière d’égalité professionnelle.

Les crédits d’intervention se sont également raréfiés, notamment en raison du fléchage d’un certain nombre d’entre eux. Ainsi, même si ce sont les délégations régionales qui versent les crédits aux structures associatives, la décision de financer telle ou telle structure associative est prise au niveau national. C’est le cas des lieux neutres – où se rencontrent, sur décision du juge, les enfants et les parents qui n’en ont pas la garde –, qui sont cofinancés par des crédits du BOP 137.

Ainsi, les crédits fléchés ont réduit notre marge de manœuvre. D’où la difficulté à tenir un discours selon lequel l’État agit en matière d’égalité, alors même que les crédits se sont raréfiés entre 2007 et 2012.

Néanmoins, la nomination de La Réunion comme région expérimentale en 2013 lui garantira des crédits plus importants. Entre 2012 et 2013, les crédits pourraient en effet être fortement augmentés, alors qu’ils avaient diminué de près de 42 % entre 2007 et 2012. Cette bouffée d’oxygène permettra de mettre en place des actions pérennes sur le thème de l’égalité professionnelle. En outre, le fléchage – et j’y vois, cette fois-ci, un avantage – amènera un nouveau partenaire sur ce sujet, le conseil régional.

Mme Monique Orphé. À La Réunion, on a eu mal à engager des actions contre les violences faites aux femmes, alors qu’en Seine-Saint-Denis, pour ne prendre qu’un exemple, un observatoire a été mis en place et les associations sont très dynamiques. J’ai l’impression que les actions menées dans l’île par certaines personnes sont inefficaces – elles consistent simplement en un coup de communication les 8 mars et 25 novembre – et qu’il y a un devoir de réserve sur ce problème, qui relève de la préfecture. Comment promouvoir une action commune permettant de progresser sur ce sujet ?

En outre, le chômage est si massif à La Réunion qu’on a eu du mal à rendre audible le problème de l’égalité hommes femmes. À combien s’élèvent les crédits dont disposera La Réunion en 2013 ? Parviendrons-nous à avancer sur cette problématique en travaillant avec la région, sachant qu’une convention va être signée avec cette dernière pour mettre en œuvre l’expérimentation?

Mme Sophie Elizéon. Le plan gouvernemental de lutte contre les violences faites aux femmes fixe un certain nombre d’orientations et d’objectifs et, à La Réunion, un conseil départemental de prévention de la délinquance, d’aide aux victimes et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes est en place. La lutte contre les violences faites aux femmes ayant tenu à cœur de tous les préfets que j’ai connus, une formation spécialisée sur cette problématique a été instaurée au sein de ce conseil départemental. Réunie une fois par an, cette formation spécialisée a choisi de se doter d’un groupe de travail qui s’est réuni, lui, environ une fois par trimestre pour mettre en place des actions. Ce travail a été engagé par la collègue qui m’a précédée.

Ce fonctionnement a réellement permis de renforcer le travail de partenariat entre les services de gendarmerie et police et le tissu associatif. À ma prise de fonction en 2007, il ne se passait pas un mois sans que j’aie un retour du tissu associatif sur les difficultés liées aux dépôts de plainte, surtout avec les services de police. La délégation a recensé ces difficultés et les a transmises aux directions de la police et de la gendarmerie. Nous avons par ailleurs poursuivi des formations interdisciplinaires rassemblant policiers et gendarmes, bénévoles et professionnels des associations, et travailleurs sociaux.

Je pense donc qu’il y a eu de réelles améliorations grâce à ce travail partenarial. Nous avons en effet constaté une augmentation du nombre de dépôts de plainte, mais aussi un phénomène qui n’existait pas en 2007, à savoir des appels à l’aide provenant d’auteurs de violences conjugales et adressés aux travailleurs sociaux, aux professionnels de santé et aux policiers ou gendarmes. De véritables efforts ont été faits aussi bien par les fonctionnaires de police et de gendarmerie que par le tissu associatif pour travailler ensemble afin de lutter contre les violences faites aux femmes.

Néanmoins, les moyens alloués à la délégation n’étaient pas suffisants. Les formations interdisciplinaires, mises en place tous les ans, étaient des formations de premier niveau, destinées à de nouveaux arrivants ou à des personnes non formées les années précédentes. Il aurait été intéressant d’ouvrir davantage de places en diplôme d’université de victimologie pour en faire bénéficier policiers, gendarmes, travailleurs sociaux et bénévoles, ou encore de mettre en place des formations progressives permettant une meilleure connaissance du phénomène et donc une amélioration des pratiques.

Mme la présidente Catherine Coutelle. La loi sur les violences faites aux femmes votée en 2010 est-elle appliquée en outre-mer, en particulier s’agissant de la délivrance d’une ordonnance de protection et de l’obligation pour les policiers et gendarmes d’enregistrer les plaintes et de les transmettre au procureur ?

Que pensez-vous de la tendance actuelle qui veut que, d’un côté, le ministère a tendance à flécher les crédits et que, de l’autre, les appels à projet se développent, ce dont se plaignent les associations qui y voient une menace pour la visibilité de leurs crédits ?

Les problèmes à La Réunion se posent-ils dans les mêmes termes en Guyane, à la Martinique ou encore à Mayotte ?

Enfin, partagez vous la demande en faveur d’une nouvelle circulaire du Premier ministre pour redéfinir les missions des déléguées ?

Mme Sophie Elizéon. La loi relative aux violences faites aux femmes, qui s’applique également aux outre-mer, a connu des difficultés d’application au démarrage. Dans le cadre du travail que j’ai mené pour la création d’un outil d’information à destination des femmes victimes de violences, les discussions sur la façon de communiquer sur l’ordonnance de protection ont révélé des différences d’interprétation entre les magistrats, mais aussi entre les fonctionnaires de police et de gendarmerie.

Néanmoins, des juges aux affaires familiales se sont montrés très volontaires pour mettre en œuvre l’ordonnance de protection. À l’occasion d’un forum qui s’est tenu fin 2011, une juge aux affaires familiales a réalisé une forte communication sur l’ordonnance. Malheureusement, les saisines du juge par les personnes en danger n’ont pas augmenté significativement. L’enjeu est de mettre en place une session de formation sur ce sujet à destination des policiers, gendarmes, magistrats et associations, ce qui renvoie au problème de la mobilisation de crédits.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Une formation spécifique en matière de prévention et de prise en charge des violences faites aux femmes est prévue par la loi de 2010. Elle doit être mise en œuvre.

Mme Sophie Elizéon. Grâce au fait que La Réunion a été retenue comme région expérimentale pour les territoires d’excellence, les crédits de la délégation régionale seront nettement augmentés : en 2012, la délégation avait fonctionné avec environ 142 000 euros.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Et les crédits sont fléchés dans leur grande majorité. Procédez-vous beaucoup par appel à projets dans vos relations avec les associations ?

Mme Sophie Elizéon. Tous les crédits ne sont pas fléchés, mais une partie importante devrait l’être vers les actions pour l’égalité professionnelle. Le fléchage est intéressant car il permet à l’État de fixer un cadre, d’afficher des orientations claires pour les territoires. Néanmoins, il faudrait garder une marge de manœuvre pour des expérimentations adaptées à chaque territoire. Lorsque les appels à projet peuvent être pilotés et gérés en région, je pense que ce n’est pas un mal. En revanche, lorsqu’ils sont gérés par l’échelon national, nous perdons totalement la main et les situations particulières des régions ne sont pas forcément prises en compte.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Ces appels à projet pourraient-ils être prévus sur trois ans, pour faciliter l’action des associations ?

Mme Sophie Elizéon. En effet, un engagement sur trois ans serait idéal car cela permettrait d’inscrire l’action dans la durée, et avec un véritable copilotage puisque l’État est ordonnateur.

Le niveau des crédits n’a pas permis de mettre en place à La Réunion un observatoire. Néanmoins, grâce à des crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), nous avons obtenu la création d’un tableau de bord de suivi des violences faites aux femmes au sein du couple. Cet instrument nous a permis, en particulier, de relever l’augmentation des dépôts de plainte et l’évolution des offres d’hébergement. Un tel outil est indispensable au travail d’une délégation car il permet à la fois de connaître le territoire, d’orienter les actions menées dans le cadre du plan de lutte contre les violences et de les évaluer.

Pour avoir discuté avec mes collègues au moins jusqu’en 2012, je peux vous dire que la problématique des violences se pose également à la Martinique, à la Guadeloupe et en Guyane, avec, en toile de fond, la question de l’éducation des jeunes garçons et celle de l’image des femmes véhiculée dans les médias.

Une autre problématique est celle de parentalité précoce. À La Réunion, le nombre de naissances chez des jeunes filles encore mineures a augmenté de l’ordre de 150 % entre 1999 et 2009. Le comité de pilotage mis en place à cet effet par le préfet pendant cette période a probablement permis de stabiliser ce nombre, qui reste malheureusement très important, tout comme celui des interruptions volontaires de grossesse (IVG) pratiquées chez les mineures, même très jeunes. Chaque année, à La Réunion, entre cinq et dix jeunes filles de moins de quinze ans deviennent mères. Une difficulté est qu’un certain nombre d’acteurs, qui refusent de se montrer moralisateurs, préconisent « d’accompagner ces jeunes filles à être de bonnes mamans si c’est leur choix ». Pour ma part, j’ai toujours pensé qu’une société qui laisse des enfants éduquer des enfants est une société perdue. Ce sujet n’a rien à voir avec la morale, il s’agit de permettre à des femmes d’avoir des enfants à un moment où elles ont les moyens de les éduquer correctement, ce qui passe par une insertion professionnelle réussie. À La Réunion, un rapport rédigé par des anthropologues a conclu à la possibilité de s’interroger sur l’élasticité de la notion de majorité, considérant qu’on a intérêt à accompagner les mères mineures dans leur choix, plutôt que de faire de la prévention sur la parentalité précoce. Je trouve cela dangereux car, encore une fois, je ne vois pas comment on peut choisir d’être mère à quinze ans. Pourquoi ne pas voter, conduire une voiture, travailler et payer des impôts à quinze ans ? Nous sommes là face à un véritable sujet de société.

Le sujet des missions des délégués a été abordé à une époque antérieure à la RGPP – le réseau des délégués avait interpellé la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée à ce sujet. Il est clair qu’un positionnement tel que celui des DRRT (délégations régionales à la recherche et à la technologie) favoriserait l’efficacité des délégations régionales. Ce positionnement, soutenu en son temps par le réseau des délégués aux droits des femmes et l’association nationale des déléguées régionales, peine à faire son chemin. Il aurait l’avantage de permettre à des hommes de s’impliquer sur ces métiers.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Absolument, car les déléguées régionales sont toutes des femmes, et on ne compte qu’un seul homme parmi les délégués départementaux.

Merci beaucoup, madame, de nous avoir fait part de votre expérience. Les violences faites aux femmes sont un sujet récurrent, et celui des grossesses précoces est un vrai sujet de société.

ANNEXE N°1 : INSTANCES AUXQUELLES DOIVENT PARTICIPER LES AGENTS-E-S EN CHARGE DE LA POLITIQUE DES DROITS DES FEMMES ET DE L’ÉGALITÉ

Source : Instruction du Gouvernement du 5 août 2011 relative à la mise en œuvre territoriale de la politique interministérielle de l’égalité entre les femmes et les hommes.

ANNEXE N°2 : CRÉDITS OUVERTS POUR LE PROGRAMME ÉGALITÉ ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES (2006-2012)

(en crédits de paiement)

 

2006

2007

2008

2009

2010

2011

 

2012

Projet de loi de finances

27 442 180

28 344 519

28 502 939

29 242 962

29 497 358

18 639 187

 

20 102 197

Loi de finances initiale

27 422 699

28 281 158

28 297 290

29 115 344

29 460 187

21 160 248

 

20 264 381

Réserve de précaution + FEE

-811 517

-831 302

-944 972

-808 990

-850 450

-922 462

 

-1 215 045

Levée de réserve de précaution

811 517

817 097

944 972

672 087

791 953

193 926

 

800 000

Reports

0

68 205

198 847

58 375

530 405

97 606

 

346 537

Fonds de concours FSE

91 544

91 544

0

39 049

97 606

 

 

 

Décret d'avance

0

0

0

0

0

 

 

 

Décret d'annulation

-1 023 997

-906 571

-1 105 253

-1 729 263

-1 200 788

-304 970

 

-60 488

LFR

 

 

 

 

-345 633

 

 

-800 000

Transferts

 

 

 

 

 

-37 915

 

1 090 000

Surgel

 

 

 

 

 

 

 

-400 000

Crédits disponibles

26 490 246

27 559 669

27 390 884

27 346 602

28 483 280

20 186 433

 

20 025 385

 

 

 

 

 

 

 

   

Action 1

844 885

839 000

620 000

501 802

437 931

477 402

Action 11

4 755 815

Action 2

4 900 442

5 465 972

5 505 066

5 276 869

4 906 394

5 038 163

 

 

Action 3

10 498 980

10 634 284

10 403 989

10 098 403

11 607 135

13 458 438

Action 12

14 754 989

Action 4

103 032

199 561

218 000

159 192

259 939

145 557

 

 

Action 5

10 142 907

10 420 852

10 643 829

11 310 336

11 330 378

1 066 873

Action 13

514 581

                 

Fonctionnement

1 086 500

1 002 000

1 184 834

1 180 871

1 274 074

1 066 873

 

514 581

Personnel

9 056 407

9 418 852

9 458 995

10 129 465

10 056 304

 

 

 

Plafond d'emploi (ETPT)

204

202

200

196

191

     

Total hors dépenses de personnel

17 433 839

18 140 817

17 931 889

17 217 137

18 426 976

20 186 433

 

20 025 385

Source : Ministère des Affaires sociales

ANNEXE N°3 : NOTIFICATION POUR L’ANNÉE 2013 DES CRÉDITS DU PROGRAMME ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES

DGCS/SDFE/OM/EL_061212

Synthèse

Régions

Total notification 2012

Total délégation 2012

Total notification 2013 *

 

 

 

 

Alsace

392 328

457 885

431 320

Aquitaine

675 565

851 446

863 700

Auvergne

409 596

486 230

434 870

Basse-normandie

315 573

436 190

462 140

Bourgogne

337 067

408 480

386 400

Bretagne

570 023

693 706

677 930

Centre

496 517

605 615

979 680

Champagne-Ardenne

280 422

355 632

351 140

Corse

175 852

192 236

180 930

Franche-Comté

351 741

426 191

404 070

Haute-normandie

272 702

328 944

360 300

Île de France

2 231 366

2 504 597

2 235 910

Languedoc-Roussillon

490 271

666 037

689 370

Limousin

275 749

351 300

348 590

Lorraine

531 230

615 339

635 630

Midi-Pyrénées

682 886

783 923

732 180

Nord Pas de Calais

669 733

739 564

1 099 830

Pays de la Loire

504 617

657 166

661 720

Picardie

384 717

442 430

425 720

Poitou-Charentes

354 226

436 899

516 920

Provence Alpes Côte d’Azur

824 819

993 332

975 780

Rhône-Alpes

1 100 486

1 323 219

1 752 922

S/Total Métropole

12 327 489

14 756 362

15 607 052

 

0

0

0

Guadeloupe

158 272

188 442

207 320

Guyane

60 528

67 585

94 570

Martinique

174 185

223 204

211 320

Réunion

159 891

193 905

614 710

Mayotte

65 924

67 680

82 330

Nouvelle-Calédonie

7 844

7 844

18 997

Polynésie française

18 305

18 305

31 920

St Pierre et Miquelon

14 046

16 046

21 940

Wallis et Futuna

35 814

45 142

30 430

S/Total Outre-mer

694 810

828 152

1 313 537

 

0

0

0

Total réseau

13 022 299

15 584 514

16 920 589

       

* Total notification 2013, après mouvements de crédits par transfert du programme 177.

Source : Service du droit des femmes et de l’égalité, direction générale de la Cohésion sociale du ministère des Affaires sociales et de la santé.

ANNEXE N°4 : PLAN RÉGIONAL STRATÉGIQUE 2012-2014 EN PROVENCE-ALPES-CÔTE-D’AZUR (EXTRAIT)

ANNEXE N°5 : PLAN RÉGIONAL STRATÉGIQUE 2012-2013 EN POITOU-CHARENTES (EXTRAIT)

FICHE N°23 au 05 04 12

Action : Du travail en journée, pour améliorer les conditions d'emploi des agents de service du secteur de la propreté

Pilote de l'action

Délégation Régionale aux Droits des Femmes et à l'Égalité (pour le niveau régional) et chargée de mission des DDCS-PP dans chaque département

Échelle territoriale

Régionale et départementale

Partenariats envisagés

Services de l'État engagés dans la démarche soit :

Au niveau régional : PREF-DRFIP DIRECCTE-DRAAF-DRJSCS-ARS-DDCS86- DRAC -DREAL/DRAAF-AFPA-La Poste-
En Charente :PREF-DDCSPP-DDT-PREF-(UT DIRECCTE et crédit agricole /à confirmer)
En Charente-Maritime :DDCS-DDFIP-UT DIRECCTE (à confirmer)
En Deux-Sèvres :-DDCSPP-Ville de Niort-UT DIRECCTE
En Vienne : PREF-UT DIRECCTE-Conseil Général-DDCS 86
En lien avec l'Agence des temps de Grand Poitiers, AIRE 198, la Fédération des entreprises de propreté, les services de la Directe et l'ARACT

Rappel des principaux constats

Dans le cadre de la stratégie nationale de développement durable 2010-2013, la circulaire du Premier Ministre, du 3 décembre 2008, relative à l'exemplarité de l'État au regard du développement durable dans le fonctionnement de ses services et de ses établissements publics, fixe à ceux-ci, l'objectif d'atteindre 40 % des horaires de travail en journée dans les marchés de prestations de nettoyage. Ce secteur d'activité emploie, en Poitou-Charentes, 6443 salariés dont 78 % de femmes.

Description de l'action engagée

Dans le cadre de la promotion de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et de l'amélioration des conditions d'emploi des femmes, la DRDFE en collaboration avec l'agence des Temps de Grand Poitiers a sollicité le cabinet ATEMIS afin d'étudier les conditions requises pour que des administrations s'engagent dans une dynamique régionale et départementale de passage en journée et en temps continu de leur prestation de nettoyage sur leur site

Enjeux poursuivis

Obtenir au moins 5 acteurs publics par groupe avec leurs prestataires
Agir sur l'emploi des salariés de ce secteur et principalement des femmes qui cumulent des interventions très courtes sur des plages horaires étendues, en horaires décalés

Rôle DRDFE

Animation d'un comité de pilotage régional et départemental par la DR et les CMD aux droits des Femmes

Calendrier de travail

* janvier/mars 2012 : Constitution de 4 groupes territoriaux (un par département) réunissant donneurs d'ordre publics et entreprises de nettoyage prêts à s'engager. Ouverture d'un espace internet dédié aux animateurs permettant d'échanger et de mutualiser les documents
* avril/oct 2012 : accompagnement des acteurs participant à la démarche par la mise en place d'un dispositif de formation réunissant donneurs d'ordres et prestataires pour une préparation au changement d'organisation de la prestation (3 séances d'une demi-journée) et une présentation d'un diagnostic type
* nov/déc 2012 : communication sur les engagements et les premiers résultats

Modalités de suivi et d'évaluation de l'action

Mise en place de comités de pilotage régional et départementaux
Accompagnement, animation et suivi par ATEMIS des administrations adhérant à la démarche

Indicateurs de réalisation et d'impact

nombre de services de l'État impliqués

nombre de salariés évoluant vers davantage d'interventions en journée, à temps plein et en continu

nombre d'entreprises de nettoyage touchées

ANNEXE 6 : PLAN RÉGIONAL STRATÉGIQUE 2012-2017 EN BASSE-NORMANDIE (EXTRAIT)


ANNEXE 7 : PLAN RÉGIONAL STRATÉGIQUE 2012-2017
EN BASSE-NORMANDIE (EXTRAIT)


ANNEXE 8 : PLAN RÉGIONAL STRATÉGIQUE 2012-2013
EN ÎLE-DE-FRANCE (EXTRAIT)

1 () Le présent rapport utilisera le féminin pour l’usage du terme délégué régional aux droits des femmes dans la mesure où tous les postes sont actuellement occupés par les femmes, ce qu’on peut regretter en espérant qu’intervienne une mixité de ces emplois dans les faits. Par contre, il évoquera le responsable au niveau départemental au masculin puisque certains de ces postes sont occupés par des hommes.

2 () Circulaire du 2 février 2001 relative aux missions des délégué(e)s régionaux(ales) et des chargé(e)s de mission départementaux (ales) aux droits des femmes et à l’égalité et au fonctionnement du réseau local du service des droits des femmes et de l’égalité.

3 () Décret n°2009-1484 du 3 décembre 2009 relatif aux directions départementales interministérielles (JO du 4 décembre 2009).

4 () Loi n°2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique.

5 () La loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale, dite « loi Sapin », a prévu plusieurs dispositifs tendant à permettre une titularisation d'agents contractuels de droit public remplissant certaines conditions.

6 () Document de politique transversale sur la Politique de l’égalité entre les femmes et les hommes, annexé au projet de loi de finances pour 2013.

7 () La mesure 222 concerne l’amélioration et le développement de l’accès et de la participation durable des femmes au marché du travail.

8 () Rapport pour avis (n°255) de M. Christophe Sirugue sur les crédits de la Solidarité, présenté au nom de la commission des Affaires sociales et déposé le 10 octobre 2012.

9 () La mission a été créée par le décret n°2013-7 du 3 janvier 2013.


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