N
° 1411
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2013
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION
ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE
sur la mission effectuée en Nouvelle-Calédonie du 2 au 8 septembre 2013
ET PRÉSENTÉ PAR
MM. Jean-Jacques Urvoas, Dominique Bussereau et René DosiÈre,
Députés
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SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 7
I. – L’ACCORD DE NOUMÉA, UN PROCESSUS INÉDIT ET AUDACIEUX 9
A. UNE AUDACE CONSTITUTIONNELLE POUR CONSTRUIRE UN DESTIN COMMUN 9
1. La recherche empirique d’équilibres politiques 9
2. Un processus d’émancipation à valeur constitutionnelle 10
3. La reconnaissance institutionnelle de l’identité kanak et en particulier de la coutume 11
4. Un soutien unanime au processus issu de l’Accord de Nouméa 14
B. UN CADRE INSTITUTIONNEL INÉDIT, SOURCE D’UNE LARGE AUTONOMIE 15
1. Une organisation institutionnelle inédite au sein de la République 15
2. Des transferts irréversibles de compétences, aujourd’hui en voie d’achèvement 17
C. UNE SOCIÉTÉ RÉCONCILIÉE À LA RECHERCHE DU RÉÉQUILIBRAGE ÉCONOMIQUE 19
1. Une société civile plurielle, désormais apaisée 19
2. Un rééquilibrage économique et social progressif et encourageant 21
II. – L’ACCORD DE NOUMÉA : LES FRAGILITÉS D’UN PROCESSUS QUI ARRIVE À SON TERME 25
A. VERS LA FIN DE LA COLLÉGIALITÉ ? 25
1. Le poids des rivalités politiques et personnelles 25
2. La collégialité à l’épreuve de la dispersion du paysage politique 28
B. UNE SOUVERAINETÉ PARTAGÉE CONTRARIÉE PAR L’INSUFFISANTE PRÉPARATION DE CERTAINS TRANSFERTS DE COMPÉTENCES ? 29
1. Le retard pris dans le transfert de compétences, pourtant moteur de l’Accord de Nouméa 29
2. Des compétences transférées qui peinent parfois à être exercées de façon autonome et satisfaisante pour la population 31
C. UNE PAIX SOCIALE MISE À MAL PAR UNE POSSIBLE DÉTÉRIORATION DE LA CONJONCTURE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE ? 34
1. Un contexte économique incertain et dégradé 34
2. Une société en proie à la « vie chère » 35
III. – OUVRIR UN NOUVEAU CYCLE POUR BÂTIR UNE SOLUTION DURABLE, GARANTE DE L’AVENIR DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE 37
A. UNE STABILITÉ INSTITUTIONNELLE ET UN CONSENSUS POLITIQUE À PRÉSERVER 37
1. Dans la perspective de la sortie de l’Accord de Nouméa… 37
2. … établir un nouveau consensus politique et institutionnel 39
B. UNE SOCIÉTÉ DÉMOCRATIQUE À RASSURER SUR LA PERSPECTIVE INTANGIBLE D’UN AVENIR COMMUN 41
1. Préparer avec anticipation et pédagogie la sortie de l’Accord de Nouméa 41
2. Relever les défis économiques et sociaux 43
C. UN ÉTAT IMPARTIAL, MAIS GARANT DE LA COMMUNAUTÉ DE DESTIN DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE 45
CONCLUSION 47
EXAMEN EN COMMISSION 49
ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS EN NOUVELLE-CALÉDONIE DU 2 AU 8 SEPTEMBRE 2013 63
ANNEXE N° 2 : PROGRAMME DE LA MISSION EN NOUVELLE-CALÉDONIE DU 2 AU 8 SEPTEMBRE 2013 69
ANNEXE N° 3 : PRÉAMBULE DE L’ACCORD SUR LA NOUVELLE-CALÉDONIE SIGNÉ À NOUMÉA LE 5 MAI 1998 73
ANNEXE N° 4 : CARTE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE 77
ANNEXE N° 5 : ÉCHÉANCIER DES TRANSFERTS DE COMPÉTENCES ET DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE L’ÉTAT VERS LES INSTITUTIONS DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE 79
ANNEXE N° 6 : COMPOSITION DU GOUVERNEMENT, DU CONGRÈS ET DES ASSEMBLÉES DE PROVINCE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE 81
ANNEXE N° 7 : COMPOSITION DU XIE COMITÉ DES SIGNATAIRES DE L’ACCORD DE NOUMÉA 83
« Le passé a été le temps de la colonisation. Le présent est le temps du partage, par le rééquilibrage. L’avenir doit être le temps de l’identité, dans un destin commun. » C’est par ce rappel du lourd poids de l’histoire que le préambule de l’Accord de Nouméa, signé le 5 mai 1998, fixe à tous les Calédoniens l’horizon d’un avenir partagé, dont la construction doit unir tous les efforts.
Cet Accord, dans le prolongement de la voie ouverte dix ans auparavant par ceux dit de « Matignon-Oudinot », a incontestablement permis à la Nouvelle-Calédonie non seulement d’avancer vers l’autonomie politique et institutionnelle, mais aussi de renforcer le rééquilibrage économique et la cohésion sociale de son territoire.
Le territoire s’engage aujourd’hui dans une étape décisive de son émancipation. En effet, 2014 sera pour lui une année charnière, puisque son congrès sera intégralement renouvelé au mois de mai et c’est à lui qu’il reviendra de décider, à la majorité des trois cinquièmes, d’une date de consultation, laquelle devra intervenir au cours de la mandature – soit avant 2019 – sur l’accession à la pleine souveraineté du territoire.
Cette consultation sur l’autodétermination fait actuellement l’objet d’une préparation entre l’État et la Nouvelle-Calédonie, dont la représentation nationale doit pouvoir suivre attentivement les développements. À cette fin, une délégation de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, composée de son président, M. Jean-Jacques Urvoas, et de deux de ses membres, MM. René Dosière et Dominique Bussereau, s’est rendue en Nouvelle-Calédonie, du 2 au 8 septembre 2013 (1).
Au cours des mois précédant sa visite en Nouvelle-Calédonie, la commission des Lois avait été sollicitée à de multiples reprises par nombre des élus calédoniens, tous invitant la Commission à effectuer ce déplacement. Celle-ci était d’autant plus attendue qu’il faut remonter à octobre 2000 pour retrouver trace du dernier passage d’une délégation (2) de commissaires aux Lois.
Il est prévisible que cette législature aura à connaître d’évolutions nécessairement importantes pour ce territoire. Peut-être devra-t-elle se prononcer sur ce que le Premier ministre a appelé, lors de son discours à Nouméa, le 26 juillet dernier, « une solution consensuelle réunissant l’ensemble des forces calédoniennes » qui pourrait « entraîner une révision de la Constitution », car cette solution conduirait à poser au corps électoral une question différente de celle qui figure dans l’Accord de Nouméa et dans la loi organique. Aussi, la mission s’est-elle assignée pour objectif d’évaluer la situation de la collectivité dans cette perspective.
Vos rapporteurs se sont rendus à Nouméa ainsi que dans la province Nord et dans la province des îles Loyauté. Ils ont notamment rencontré, à cette occasion, les forces politiques du territoire représentées au Congrès, les présidents des trois assemblées de province, de nombreux élus locaux, les autorités coutumières ainsi que les représentants de la sphère économique et sociale (3).
Vos rapporteurs tiennent naturellement à remercier chaleureusement M. Jean-Jacques Brot, haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, et l’ensemble de ses services, pour leur disponibilité et leur appui dans l’organisation de la mission ainsi que pour la qualité des entretiens. Vos rapporteurs expriment également leur profonde gratitude à l’ensemble des autorités locales, pour la qualité de leur accueil et de leurs échanges avec la délégation.
L’objet du présent rapport n’est pas de revenir sur les origines de la question calédonienne, ni de présenter un panorama exhaustif de la situation de la Nouvelle-Calédonie. Les écrits abondent sur ce sujet et le point de vue ici présenté pourra donc être utilement complété par les divers travaux réalisés sur ces questions (4).
Très modestement, la mission a essentiellement souhaité mettre en évidence les principaux points qui lui sont apparus saillants. En effet, si les institutions et leur fonctionnement, la coutume, les relations économiques et sociales mobilisent aujourd’hui l’attention de nos compatriotes calédoniens, cela ne va pas sans un cortège d’inquiétudes. De la résolution de ces questions dépend, à l’évidence, la réussite de l’« après Nouméa ». Il est donc apparu indispensable pour la mission de s’attacher à en rendre compte.
Signé le 5 mai 1998, l’Accord de Nouméa est le fruit d’un compromis historique, qui a consacré, dans un esprit de paix et de responsabilité, la réconciliation des différentes forces politiques et communautés. Fruit d’une audace constitutionnelle, il a pour ambition de permettre la construction d’un destin commun (I).
Dans l’attente de l’achèvement des dispositions qu’il contient, la mission a souhaité prendre la pleine mesure du chemin qui restait encore à parcourir. Seront donc évoqués les transferts de compétences et les difficultés économiques et sociales auxquels le territoire doit actuellement faire face (II).
Enfin, parce que l’avenir de la Nouvelle-Calédonie sera nécessairement le produit d’une volonté politique de ses habitants et d’une méthode éprouvée depuis vingt-cinq ans, la mission a souhaité recenser les questions qui se posent aujourd’hui (III).
I. – L’ACCORD DE NOUMÉA,
UN PROCESSUS INÉDIT ET AUDACIEUX
Signé le 5 mai 1998, l’Accord de Nouméa, qui succédait après dix ans aux accords de Matignon-Oudinot, est le fruit d’un compromis historique. Enraciné dans une réalité complexe, il a consacré la réconciliation des forces politiques calédoniennes leur permettant, à la suite d’une révision constitutionnelle, de construire un destin commun (A).
Cet accord a également ouvert la voie à une configuration institutionnelle, dont l’originalité est, à ce jour, sans équivalent dans la République, laquelle a su, grâce au transfert irréversible de compétences, doter la Nouvelle-Calédonie d’une très large autonomie (B).
Ces institutions ont fait vivre, aux yeux des différentes communautés qui composent le territoire, ce destin commun, réconciliant ainsi la société calédonienne sur fond de développement et de rééquilibrage économiques (C).
A. UNE AUDACE CONSTITUTIONNELLE POUR CONSTRUIRE UN DESTIN COMMUN
Dès sa signature, unanimement soutenu par les forces politiques calédoniennes, l’Accord de Nouméa, qui a acquis valeur constitutionnelle, a initié un processus d’émancipation de la Nouvelle-Calédonie fondé sur de nouveaux équilibres politiques grâce en particulier à la reconnaissance de l’identité kanak, et notamment de la coutume.
1. La recherche empirique d’équilibres politiques
La Nouvelle-Calédonie n’a été que tardivement rattachée à la France, en 1853. Dotée d’un statut de territoire d’outre-mer dès 1946, cette île pourvue de richesses naturelles et minérales exceptionnelles – dont des gisements de nickel parmi les plus importants au monde – a connu d’importantes tensions politiques à partir des années 1980, du fait de l’émergence d’une revendication indépendantiste kanak.
Après plusieurs années d’instabilité et de violences que chacun garde encore en mémoire sous la dénomination « d’événements », l’État s’est efforcé de rapprocher les points de vue des grandes formations politiques « loyalistes » et « indépendantistes », qu’étaient alors le Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR) qu’incarnait alors M. Jacques Lafleur d’une part, et le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) de M. Jean-Marie Tjibaou d’autre part.
Leur signature, les 26 juin et 20 août 1988, sous l’égide du Premier ministre Michel Rocard, des accords dits « de Matignon », a scellé ce rapprochement, lequel s’est traduit par la mise en place d’institutions provisoires dans l’attente d’un référendum d’autodétermination alors prévu dix ans plus tard.
En 1998, les forces politiques locales ont considéré que cette échéance était prématurée et ont unanimement décidé de conclure un nouvel accord. Au préalable fut réglé sous le gouvernement de M. Lionel Jospin, le problème minier, grâce aux accords de Bercy du 1er février 1998 (5).
Inscrit dans cette logique, l’Accord de Nouméa, signé le 5 mai 1998, a jeté les bases d’un socle commun sur la question du renforcement progressif de son autonomie institutionnelle et du rééquilibrage économique du territoire pour une période d’une vingtaine d’années. Fruit d’un large consensus, il a été approuvé par 72 % des électeurs calédoniens lors de la consultation du 8 novembre 1998 (6).
2. Un processus d’émancipation à valeur constitutionnelle
À l’évidence, aujourd’hui comme hier, la genèse de cet Accord tout autant que son contenu fonde une méthode qui rassemble les élus calédoniens. Tout au long de ses entretiens et rencontres, la mission a, en effet, constaté combien il constituait une référence fédératrice.
Il est vrai que le constituant a su faire preuve d’innovation pour donner à cette signature un utile prolongement constitutionnel. En effet, conformément aux engagements pris par le Gouvernement il y a quinze ans (7), le Parlement, réuni en Congrès, a adopté, le 20 juillet 1998, la révision constitutionnelle que nécessitaient des créations juridiques telles que la naissance d’une « citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie » fondant des dérogations à l’universalité du suffrage (8), la possibilité pour l’assemblée délibérante de la collectivité d’adopter des « lois du pays » dans de nombreuses matières relevant traditionnellement du domaine législatif, la garantie du caractère irréversible des transferts de compétence intervenant au cours d’étapes d’application successives, ou encore la possibilité de prendre des mesures en faveur de l’emploi local, avec une priorité d’emploi aux citoyens calédoniens.
Ce choix du constituant en 1998 explique que l’organisation inédite de la Nouvelle-Calédonie, directement régie par le titre XIII de la Constitution spécifique à ce territoire, ne peut être rapprochée de celle d’aucune catégorie de collectivités territoriales et déroge à certains de nos principes constitutionnels. Afin de lever toute contrainte constitutionnelle, les auteurs de la révision du 20 juillet 1998 n’ont pas seulement autorisé ces dérogations, mais ont entendu donner de manière durable une valeur constitutionnelle aux orientations définies par l’Accord de Nouméa.
Ainsi, l’article 77 de la Constitution précise la nature du contenu de la loi organique, appelée notamment à prévoir les compétences « transférées de façon définitive » à la Nouvelle-Calédonie et l’organisation des institutions de ce territoire, en énonçant que ces règles sont destinées à « assurer l’évolution de la Nouvelle-Calédonie dans le respect des orientations définies par cet accord ». La décision rendue, le 15 mars 1999, par le Conseil constitutionnel (9) sur l’actuel statut de la Nouvelle-Calédonie a confirmé la valeur constitutionnelle de l’Accord de Nouméa, ce qui conduit le Conseil constitutionnel à apprécier la conformité à cet accord de toute évolution statutaire ultérieure.
Traduisant, dans notre droit, les orientations contenues dans l’Accord de Nouméa à valeur constitutionnelle, la loi organique du 19 mars 1999 a doté la Nouvelle-Calédonie d’un statut institutionnel « sur mesure » et unique en son genre, qui aujourd’hui encore perdure. Avec Guy Carcassonne, on peut ainsi considérer qu’il s’agit moins de dispositions constitutionnelles particulières que d’une autre Constitution, celle de la Nouvelle Calédonie que le texte de 1958, bien accueillant, abrite dans son titre XIII (10).
3. La reconnaissance institutionnelle de l’identité kanak et en particulier de la coutume
Comme la Commission l’avait d’ores et déjà souligné en 2000, à la suite de son dernier déplacement en Nouvelle-Calédonie, « en soulignant l’apport et l’importance de la coutume dans la communauté mélanésienne, le préambule de l’accord a également mis en perspective la nécessité de trouver un équilibre entre le développement de la Nouvelle-Calédonie et le respect de certaines traditions qui font l’identité de cet archipel » (11).
Treize ans plus tard, la mission a tenu à rencontrer les autorités coutumières calédoniennes, tant au sénat que dans la province Nord ou dans la province des îles Loyauté. Elle souhaitait ainsi pouvoir mesurer concrètement la portée de la reconnaissance tant constitutionnelle qu’institutionnelle de la coutume ainsi que de l’identité kanak.
L’article 75 de la Constitution (12) reconnaît aux personnes soumises à un statut civil de droit local la faculté de le conserver. Cette disposition, qui avait une grande importance en 1958, alors que l’empire colonial français n’était pas encore démantelé, trouve aujourd’hui encore à s’appliquer en Nouvelle-Calédonie, où un « statut civil coutumier » est reconnu aux Kanak.
Ce statut recouvre l’essentiel des matières relevant du droit civil, comme le droit de la famille, le droit des personnes, le droit des contrats, le droit des successions, le droit des terres et de la propriété foncière. Les litiges concernant les personnes relevant du statut civil coutumier sont réglés à l’amiable par les autorités coutumières ou, en cas de conflit, par une juridiction particulière où siègent des assesseurs coutumiers.
Parce qu’elle joue un rôle essentiel dans la régulation de la société kanak, l’Accord de Nouméa et la loi organique statutaire du 19 mars 1999 ont donné à la coutume toute son importance, en engageant son évolution dans un cadre inédit.
Au plan constitutionnel, l’Accord reconnaît, dans sa première partie consacrée à l « identité kanak », le statut civil coutumier en prévoyant que les règles qui lui sont relatives sont fixées par les institutions de la Nouvelle-Calédonie.
Ce statut s’applique non seulement aux personnes, mais également aux terres qui sont au cœur du système économique et symbolique kanak. Parce que « l’identité de chaque Kanak se définit d’abord en référence à une terre », l’accent a été mis, depuis l’Accord de Nouméa, sur la valorisation du rôle et la consolidation du statut des terres coutumières, qui présentent la particularité d’être « inaliénables, incessibles, incommutables et insaisissables ».
En effet, dans la tradition kanak, la terre n’est pas seulement un bien, mais un capital social en soi, et donc un élément de l’identité personnelle de ceux qui y vivent. Elle appartient à des clans, dont la personnalité morale a été reconnue pour la première fois – et ce, même en l’absence de texte conférant cette qualité – par deux arrêts de la cour d’appel de Nouméa, rendus le 22 août 2011 (13).
Les terres coutumières sont l’un des trois statuts foncier, avec le privé et le public, que connaît la Nouvelle-Calédonie. Elles totalisent près de 500 000 hectares, soit plus d’un quart du territoire, dans des réserves et groupements relevant du droit particulier local de la Grande Terre, et sur la totalité des îles Loyauté et de l’île des Pins. Ne vivent sur ces terres que les Kanak, sous l’autorité de chefferies chargés d’attribuer les territoires aux différents clans.
Le sujet de la valorisation économique de ces terres demeure aujourd’hui encore en débat. Lors de son déplacement, la mission a dû constater que, sous l’égide de l’agence de développement rural et d’aménagement foncier (ADRAF), les lentes et délicates réflexions se poursuivaient sur le cadastrage des terres coutumières et la mise en place de nouvelles modalités de leur mise à disposition, afin de répondre aux criants besoins du territoire en matière de logement, notamment social.
Plus largement, l’Accord de Nouméa a garanti la légitimité des autorités coutumières et leur fonction dans la prévention sociale et la médiation pénale. Dans les provinces Nord et des îles Loyauté, la mission a pu échanger avec les magistrats des sections détachées du tribunal de première instance sur le rôle positif joué par les assesseurs coutumiers pour juger les litiges liés à la mise en œuvre du statut civil coutumier.
Consacrant l’importance du patrimoine culturel kanak, l’Accord du 5 mai 1998 a aussi prévu un recensement et un rétablissement des noms kanak de lieux. Il en a été de même pour les sites sacrés mélanésiens, lesquels sont identifiés et juridiquement protégés. Les langues kanak (14) sont également devenues des langues d’enseignement et de culture, alors que la recherche scientifique et l’enseignement universitaire ont été encouragés sur ces différents sujets.
Si la coutume a fait l’objet d’une forte reconnaissance lors de la signature de l’Accord de Nouméa, la loi organique statutaire a conforté l’importance de la culture kanak, en cherchant à définir une organisation institutionnelle de la coutume, conformément au titre XIII de la Constitution consacré à la Nouvelle-Calédonie.
Ainsi, a été créé un sénat coutumier, émanation des différents conseils coutumiers du pays kanak. Composé de seize membres, soit deux par aires coutumières (15), désignés pour six ans selon les usages reconnus par la coutume (16), cet organe est une institution de la Nouvelle-Calédonie au même titre que le gouvernement ou le congrès. Il dispose de prérogatives consultatives et délibératives non négligeables dans les domaines qui revêtent une grande importance, en particulier pour la population mélanésienne.
Ainsi, il est obligatoirement consulté par le président du gouvernement, du congrès ou d’une assemblée de province, selon les cas, sur les projets ou propositions de délibération intéressant l’identité kanak. Cette institution intervient également dans le processus législatif local : il lui revient ainsi de délibérer sur tout projet ou proposition de loi du pays relatif aux signes identitaires, au statut civil coutumier, au régime des terres coutumières est transmis au sénat par le président du Congrès (17). Le sénat dispose enfin d’un pouvoir d’initiative puisqu’il peut saisir le gouvernement, le congrès ou une assemblée de province de toute proposition intéressant l’identité kanak.
Il s’adosse sur un réseau de conseils coutumiers, dont les principes de fonctionnement sont arrêtés par les articles 149 et suivants de la loi organique statutaire. Chaque aire coutumière dispose d’un tel conseil, dont la composition est fixée selon les usages propres de l’aire. Ces conseils sont consultés sur tout sujet par le haut-commissaire, le gouvernement, le président d’une assemblée de province ou un maire. Ils peuvent l’être également par toute autorité administrative ou juridictionnelle sur l’interprétation des règles coutumières.
4. Un soutien unanime au processus issu de l’Accord de Nouméa
La mise en œuvre de l’Accord de Nouméa, à la suite des accords de Matignon-Oudinot, a donné au territoire de la Nouvelle-Calédonie, dans un esprit de réconciliation, des institutions stables.
Tous les responsables politiques rencontrés par la mission ont réaffirmé leur pleine adhésion à ce processus. Pour vos rapporteurs, cette unanimité traduit une profonde conscience de l’apport essentiel de l’immense chemin parcouru depuis la fin des années 80, en ce qu’il a permis de préserver durablement la paix et la stabilité d’un pays, en dépit d’une diversité de sa population et sans doute pour un temps encore de sa division.
La population valide d’ailleurs régulièrement ce choix puisque les partis politiques favorables à l’Accord de Nouméa bénéficient avec constance d’une position électorale et politique prépondérante sur le territoire.
Ainsi, en dépit de l’éparpillement de certaines formations (cf. infra), la bipolarisation du paysage politique néo-calédonien demeure dans les faits : les camps « indépendantiste » et « loyaliste », s’ils restent opposés sur certains sujets plus sensibles – comme la composition du corps électoral et certains transferts de compétences –, s’accordent tous sur le principe d’un destin commun tel qu’il est inscrit dans l’Accord de Nouméa et mis en œuvre dans le fonctionnement collégial des institutions.
Malgré quelques tensions politiques locales récentes, sur laquelle la mission n’entend porter aucun jugement puisqu’elles relèvent de la vie politique de la Nouvelle-Calédonie, elle constate que ces dernières n’ont pas obéré de manière durable le fonctionnement des différentes institutions.
Ainsi, depuis leur mise en place il y a quinze ans, le congrès comme le gouvernement calédoniens ont su définir des modalités de fonctionnement jugées comme satisfaisantes et conformes à l’exercice de leurs prérogatives respectives. Les rapports entre les pôles législatif et exécutif se sont avérés équilibrés, de l’aveu des observateurs rencontrés par la mission, au premier rang desquels figurent les présidents du gouvernement et du congrès.
Dans ce processus qui a permis l’émergence d’une culture et d’une confiance communes entre les différents acteurs qui font vivre la démocratie calédonienne, la mission tient à souligner la présence essentielle de l’État comme médiateur et garant du libre jeu politique. L’importance de cette présence a été relevée par toutes les forces politiques du territoire, sans exception aucune, au cours des entretiens de la mission.
B. UN CADRE INSTITUTIONNEL INÉDIT, SOURCE D’UNE LARGE AUTONOMIE
Lors de leurs différents entretiens, vos rapporteurs ont constaté que, conformément au processus d’émancipation initié par l’Accord de Nouméa du 5 mai 1998, la Nouvelle-Calédonie a su relever le défi de l’autonomie, laquelle s’appuie désormais sur des institutions inédites au sein de la République ainsi que sur un transfert irréversible de compétences non régaliennes.
1. Une organisation institutionnelle inédite au sein de la République
Comme le soulignait le rapport de la précédente mission de la commission des Lois, « juridiquement le processus de Nouméa a ouvert la voie à de nouveaux modes de pensée dans notre organisation institutionnelle et administrative (…), les barrières mentales que notre vieille tradition jacobine avait élevées paraissant désormais en voie d’être surmontées » (18).
Plus de dix ans après ce constat, il est maintenant possible d’en mesurer l’impact. En effet, il permet de revisiter utilement la traditionnelle tension entre notre aspiration à l’indispensable unité de la République et la légitime reconnaissance des identités et les besoins propres de chacun.
Dans le respect des orientations définies par l’Accord de Nouméa, la loi organique statutaire du 19 mars 1999 a défini des règles de fonctionnement politique, administratif, économique et juridique de cette nouvelle entité, dont l’organisation est sans équivalent au sein de la République.
Le transfert irréversible de compétences traditionnellement détenues par l’État (cf. infra), la reconnaissance et la protection particulières du statut civil coutumier et plus généralement la culture kanak, la création d’un gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et la perspective d’un accès éventuel à la pleine souveraineté témoignent du fait que le statut de la Nouvelle-Calédonie est la traduction juridique d’une entreprise ambitieuse, courageuse et inédite, destinée à réussir le pari du destin commun.
Dans cette perspective, la loi organique statutaire du 19 mars 1999 a établi entre l’État et la Nouvelle-Calédonie des relations qui empruntent à certains égards au fédéralisme et qui reposent sur une énumération de compétences limitativement attribuées à l’État et à la Nouvelle-Calédonie. Elle a également doté l’archipel d’institutions originales, à savoir :
— le congrès de la Nouvelle-Calédonie, assemblée délibérante de cinquante-quatre membres élus pour cinq ans par un corps électoral restreint (19). Il dispose, dans une douzaine de matières (20), du pouvoir législatif, les « lois du pays », qui interviennent dans des domaines de l’article 34 de la Constitution et peuvent être soumises, sur saisine avant promulgation, au contrôle du Conseil constitutionnel. Le congrès est également chargé d’élire, de contrôler et, le cas échéant, de renverser l’exécutif local ;
— le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, exécutif collégial composé de cinq à onze membres, élu au scrutin proportionnel par le congrès et responsable devant lui. Sur le fondement des principes de collégialité et de proportionnalité qui l’animent, le gouvernement se doit de représenter toutes les communautés et tous les partis pour diriger cette collectivité sui generis. Il met en œuvre les délibérations du congrès, prend les décisions nécessaires à la gestion de la collectivité et dirige son administration ;
— les trois provinces (Sud, Nord et îles Loyauté), échelons de droit commun de l’organisation institutionnelle singulière de la Nouvelle-Calédonie. Ces collectivités territoriales sont administrées par des assemblées de province, dont les membres sont élus au scrutin proportionnel pour cinq ans par un corps électoral restreint et sont, pour certains d’entre eux, membres du congrès de la Nouvelle-Calédonie. Elles exercent toutes les compétences que le statut n’attribue ni à l’État, ni à la Nouvelle-Calédonie, ni aux communes de ce territoire ;
— le sénat coutumier et huit conseils coutumiers, dont les membres sont désignés selon des règles coutumières et exercent des compétences spécialisées en matière coutumière, foncière et de signes identitaires (cf. supra) ;
— le conseil économique et social, dont les trente-neuf membres sont désignés par le gouvernement calédonien, le sénat coutumier et surtout les provinces. Il exerce des compétences consultatives en matière économique, sociale et culturelle ;
— les trente-trois communes de la Nouvelle-Calédonie, collectivités territoriales de proximité, dont les assemblées délibérantes sont élues au suffrage universel direct et s’administrent librement.
En dépit de l’instabilité institutionnelle qu’a connue le territoire en 2010 et 2011 (cf. infra), la mission estime, au terme de son déplacement, que cet équilibre institutionnel et politique, conçu comme provisoire il y a quinze ans, doit être une incitation à la recherche permanente du consensus local et ce, en vue d’apaiser les tensions politiques qui pourraient découler de la mise en œuvre des ultimes étapes prévues par l’Accord de Nouméa (cf. infra).
2. Des transferts irréversibles de compétences, aujourd’hui en voie d’achèvement
L’Accord de Nouméa dispose, en effet, que « le partage des compétences entre l’État et la Nouvelle-Calédonie signifiera la souveraineté partagée. Il sera progressif. Des compétences seront transférées dès la mise en œuvre de la nouvelle organisation. D’autres le seront dans un calendrier défini, modulable par le Congrès, selon le principe d’auto-organisation. Les compétences transférées ne pourront revenir à l’État, ce qui traduira le principe d’irréversibilité de cette organisation ».
Conformément à cette perspective, l’article 77 de la Constitution a renvoyé à la loi organique le soin de fixer les compétences de l’État transférées, de manière définitive, aux institutions de la Nouvelle-Calédonie. Lors de son déplacement, la mission a donc cherché à faire le point sur leur mise en œuvre effective.
En l’espèce, le texte de référence est l’article 26 de la loi organique statutaire du 19 mars 1999. Il organise un processus progressif, au fil des mandats du congrès de la Nouvelle Calédonie. C’est à ce dernier que revient en effet, la définition du périmètre et le calendrier des transferts, par l’adoption d’une loi du pays à la majorité des trois cinquièmes, au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant le début de chaque mandature.
Furent ainsi concernés l’enseignement du second degré dans le public et dans le privé, la santé scolaire, l’enseignement primaire privé, la police et sécurité en matière de circulation aérienne intérieure et de circulation maritime dans les eaux territoriales. Une série de lois du pays, adoptées par le congrès le 28 décembre 2009, a ainsi permis d’échelonner le transfert de ces différentes compétences entre 2011 et 2013.
Concrètement, comme l’indique le calendrier en annexe au présent rapport (21), le transfert de la circulation maritime est devenu effectif au 1er janvier 2011, celui de l’enseignement et de la santé scolaire au 1er janvier 2012 et, enfin, celui de la circulation aérienne au 1er janvier 2013.
S’agissant plus spécifiquement du droit civil, de l’état civil, du droit commercial et de la sécurité civile, le législateur organique, en 2009 (22) et après accord du VIIe comité des signataires de l’Accord de Nouméa, a reporté le vote de la loi du pays fixant le calendrier de ces transferts au plus tard au 31 décembre 2011.
Il aura toutefois fallu attendre janvier 2012 pour que le congrès adopte deux lois du pays (23) précisant l’échéancier et les modalités du transfert de ces compétences. Si celui qui concerne la sécurité civile doit intervenir au 1er janvier 2014, ceux relatifs à l’état civil, au droit civil et au droit commercial sont effectifs depuis le 1er juillet 2013.
L’article 23 de la loi organique de 1999 prévoit également le transfert par décret en Conseil d’État d’établissements publics de l’État. À ce jour, quatre sur un total de cinq (24) ont été transférés à la Nouvelle-Calédonie. Il s’agit de l’office des postes et communications et de l’institut de formation des personnels administratifs en 2003, du centre de documentation pédagogique et de l’agence de développement de la culture kanak (ADCK) en 2012.
Enfin, l’article 27 de la même loi organique permet au congrès, à partir de son mandat commençant en 2009, d’adopter une résolution tendant à ce que soient transférées à la Nouvelle-Calédonie, par une loi organique ultérieure, les compétences actuellement détenues par l’État dans trois domaines : les règles relatives à l’administration des provinces, des communes et leurs établissements publics – notamment le contrôle de légalité et le régime comptable et financier de ces collectivités –, l’enseignement supérieur et la communication audiovisuelle.
Si, à ce jour, le congrès ne s’est pas prononcé sur ces transferts, la mission a été interpellée à plusieurs reprises, lors de ses entretiens, sur cette question qui tend à cristalliser le rapport de force entre « loyalistes » et « indépendantistes ». Alors même que le transfert de compétences en plusieurs étapes de l’État au territoire de la Nouvelle-Calédonie est la condition sine qua non pour que la question de son accès à la pleine souveraineté puisse être posée, il ressort des entretiens menés par la mission, qu’aucun travail préparatoire à ces ultimes transferts de compétences – et non des moindres – n’a été engagé à ce jour.
S’agissant des compétences et des établissements publics d’ores et déjà transférés, les différents interlocuteurs entendus par la mission ont mis l’accent, de manière unanime, sur le caractère irréversible de ces transferts, lesquels ont été réalisés le plus souvent dans des conditions diversement appréciées, mais jugées plutôt satisfaisantes dans l’ensemble. La mission a ainsi pu constater que les institutions de la Nouvelle-Calédonie maîtrisent désormais l’essentiel des leviers pour mener à bien le projet de développement de la société calédonienne. Il en va ainsi en matière de fiscalité, de santé ou bien encore d’éducation.
Toutefois, la mission n’ignore pas les difficultés qui ont été rencontrées ici ou là pour certains transferts, soit que ces derniers aient été suffisamment préparés en amont, soit qu’ils n’aient pas fait l’objet d’un accompagnement adapté en aval (cf. supra).
En dépit de ces fragilités qui feront l’objet d’une analyse dédiée de vos rapporteurs (cf. infra), le transfert des compétences non régaliennes est en voie d’achèvement. Ainsi, avant que la société calédonienne ne soit amenée à se prononcer sur l’accès à la pleine souveraineté, les institutions de la Nouvelle-Calédonie seront titulaires de l’ensemble des compétences non régaliennes. Et seule l’accession pure et simple à l’indépendance de l’archipel, si elle était décidée par voie de référendum, entraînerait – au plan juridique – le transfert des fonctions régaliennes ayant vocation à relever de l’État.
C. UNE SOCIÉTÉ RÉCONCILIÉE À LA RECHERCHE DU RÉÉQUILIBRAGE ÉCONOMIQUE
1. Une société civile plurielle, désormais apaisée
En 2000, la précédente mission de la Commission en Nouvelle-Calédonie avait rappelé que « l’Accord de Nouméa a su trouver les mots pour rendre compte de la réalité complexe de la société calédonienne » (25). Vos rapporteurs soulignent que ce constat a conservé toute son actualité.
Le dernier recensement mené en 2009 par l’Institut national des statistiques et des études économiques (INSEE) (26) estime à environ 30 % la part de la population d’origine européenne, à plus de 40 % celle de la population mélanésienne – très attachée aux liens et règles coutumières régissant les rapports sociaux (cf. supra) – et à un peu moins de 10 % celle originaire des îles Wallis et Futuna.
Dans ce contexte marqué par la coexistence de plusieurs communautés, l’Accord de Nouméa, dans le prolongement des accords de Matignon-Oudinot, a consacré la réconciliation des forces politiques « loyalistes » et « indépendantistes », réconciliation qui a durablement pacifié la société civile calédonienne.
En effet, alors que ce territoire avait connu des événements tragiques, avec une violence paroxystique en 1988, il est aujourd’hui perçu comme un pôle de stabilité dans la région Pacifique. L’entente entre les différentes communautés, aux passés, aux cultures, aux intérêts souvent divergents, est l’une des grandes réussites de ces vingt dernières années.
Vos rapporteurs ont pu constater qu’en dépit de certaines tensions sociales concernant la « vie chère », ce processus de réconciliation de la société civile a érigé la Nouvelle-Calédonie en référence dans la zone Pacifique, et même au-delà,
Cet indéniable succès s’explique non seulement par la reconnaissance de l’identité kanak, mais aussi par l’affirmation, à l’article 4 de la loi organique de 1999, d’une citoyenneté calédonienne propre, ayant vocation, selon l’analyse qui en est faite par le professeur Mathias Chauchat, à « progressivement remplacer la coexistence d’ethnies et d’histoires diverses, et même opposées, par un sentiment d’appartenance à la communauté de destin choisie » (27).
Cette citoyenneté s’appuie actuellement sur un corps électoral restreint (28) pour l’élection du congrès et des assemblées de province ainsi que pour la consultation sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté.
Il est vrai que, depuis 1999, la Nouvelle-Calédonie entretient des rapports particulièrement exacerbés avec l’exercice du droit de vote (29). Cela se comprend aisément puisqu’il conditionnera le déroulement des consultations pour le moins sensibles d’autodétermination. C’est en raison de leur situation dans l’archipel que les indépendantistes avaient tout d’abord revendiqué le droit de vote pour les seuls autochtones, cadre dans lequel ils étaient majoritaires. Sans faire droit à une telle revendication, l’Accord de Nouméa a opéré une distinction : sous l’appellation de citoyenneté calédonienne, il est réservé aux seuls électeurs établis depuis une certaine durée en Nouvelle-Calédonie, toutes ethnies confondues. Le suffrage n’est donc pas universel pour toutes les élections.
Le 6 juillet 1998, devant le Parlement réuni en Congrès, en vue de réviser la Constitution et d’y rétablir un titre XIII dédié à la Nouvelle-Calédonie, le Premier ministre Lionel Jospin avait résumé en ces termes la spécificité du droit de vote sur le territoire : « En raison des particularismes néo-calédoniens, il n’apparaît pas contraire aux principes démocratiques que des citoyens qui ne passent que quelques années seulement sur le territoire ne déterminent pas les décisions qui concernent celui-ci spécifiquement ».
La présence de plusieurs corps électoraux peut ainsi s’expliquer à deux égards (30). D’une part, il s’agit de permettre aux électeurs installés depuis un certain temps sur le territoire, de prendre en main leur destin vis-à-vis de la métropole, à l’occasion d’un scrutin d’accès à la pleine souveraineté. Une telle restriction du corps électoral, si elle peut surprendre de prime abord, n’est pourtant pas réellement singulière. Il est même assez classique de retrouver une pareille configuration dans les processus de décolonisation.
D’autre part, il s’agit, notamment pour les élections provinciales, de permettre à des électeurs installés depuis longtemps de maîtriser la vie politique de l’archipel par l’élection de représentants dans les instances locales, que sont les assemblées de province et le congrès. En filigrane, dans les deux cas, il s’agit évidemment d’assurer une sorte de rééquilibrage en faveur des Kanak, principe à valeur constitutionnel inscrit dans l’Accord de Nouméa.
La citoyenneté calédonienne repose, en outre, sur des signes identitaires communs, exprimant « l’identité kanak et le futur partagé entre tous ». Le 18 août 2010, le Congrès a ainsi adopté à une large majorité la devise (31), l’hymne (32) et les propositions relatives au graphisme des billets de banque (33).
La question du périmètre du corps électoral restreint ainsi que celle du drapeau commun restent toutefois posées et tendent même à exacerber les tensions et affrontements politiques (cf. infra).
2. Un rééquilibrage économique et social progressif et encourageant
Depuis près d’une trentaine d’années, la Nouvelle-Calédonie a bénéficié d’une économie en plein développement, essentiellement grâce aux ressources minières dont elle dispose.
Avec une progression moyenne annuelle du produit intérieur brut de 6,1 % entre 2000 et 2011 et une croissance un peu moindre mais toujours soutenue en 2012 (34), la Nouvelle-Calédonie se classe désormais, dans la région Pacifique, en seconde position en termes de richesse produite par habitant, après l’Australie, mais avant la Nouvelle-Zélande.
Ce dynamisme de l’activité économique s’explique pour l’essentiel par l’exploitation et la transformation du nickel, le territoire disposant à lui seul d’un quart des ressources mondiales de ce minerai. Ainsi, en 2010 (35), l’industrie du nickel représentait 8,4 % du produit intérieur brut de l’archipel, sans compter ses effets d’entraînement sur le reste de l’activité économique, comme le secteur du bâtiment notamment.
La vigueur de l’économie locale a favorisé la mise en place, sur le territoire, d’une politique de rééquilibrage, initiée aussi par les accords de Matignon et d’Oudinot et poursuivie, dix plus ans après, par l’Accord de Nouméa. Ce dernier énonce ainsi que « le présent est le temps du partage par le rééquilibrage », lequel s’est traduit par divers mécanismes de soutien budgétaire et de répartition des moyens économiques que l’archipel tire de ses ressources naturelles.
L’un des enjeux essentiels de cette politique est de mettre un terme à l’hémorragie démographique des provinces Nord et des îles Loyauté vers la province Sud et sa capitale, Nouméa. En effet, la population calédonienne comptait, en 2012, environ 265 000 habitants, dont les trois quarts vivaient en province Sud et les deux tiers dans la zone urbaine du Grand Nouméa (36).
Lors de son déplacement, la mission a relevé que, pour l’heure, la politique de rééquilibrage, en dépit des nombreuses avancées qu’elle a permis – comme l’installation d’une nouvelle usine de nickel dans la province Nord –, n’a pu stopper cette évolution. Depuis 1996, la progression démographique est restée particulièrement forte au Sud (+ 2,3 % par an), quand elle était, dans le même temps, moyenne dans la province Nord (+ 0,7 %) et négative dans la province des îles Loyauté (– 1,3 %).
Sans présenter dans le détail les efforts louables qui ont été conduits, vos rapporteurs ont souhaité revenir sur les principaux outils qui ont, à leur sens, contribué au développement plus équilibré de l’ensemble du territoire.
Sur le plan budgétaire, le rééquilibrage entre les trois provinces repose essentiellement sur le budget de la Nouvelle-Calédonie, lequel assure le versement des dotations de fonctionnement et d’investissement aux trois provinces. Ces dernières ne disposent en complément que de recettes fiscales propres très limitées et de dotations directement versées par l’État, afin de compenser les charges transférées (37).
La part du budget territorial à destination des provinces est aujourd’hui déterminée suivant une clé de répartition (38). Ainsi, la dotation de fonctionnement va à 50 % à la province Sud, 32 % à la province Nord et 18 % à la province des îles Loyauté, alors que la dotation d’équipement revient à 40 % à la province Sud, 40 % à la province Nord et 20 % à la province des îles Loyauté.
Les divers entretiens de la mission ont montré que cette clé de répartition constituait une aide essentielle en faveur du rééquilibrage et ce, au bénéfice exclusif des provinces Nord et des îles Loyauté. En effet, si la répartition des dotations entre provinces s’opérait sur un critère purement démographique, elle conduirait à verser 74,5 % à la province Sud, 18,4 % à la province Nord et 7,1 % à la province des îles Loyauté.
Faut-il alors s’étonner, comme l’ont démontré les échanges organisés sur place, que l’idée d’une remise en cause de la clef de répartition en vigueur, souhaitée en particulier par la province Sud, ne fasse, à ce jour, l’objet d’aucun consensus politique ? Vos rapporteurs invitent donc à la prudence dans ce domaine, tant le traitement de cette question, parce qu’il renvoie au principe même du rééquilibrage, risque de porter atteinte au consensus fondateur de l’accord de Nouméa.
L’attention de la mission a également été portée, lors de son déplacement, sur la politique contractuelle menée par l’État, laquelle témoigne aujourd’hui d’un engagement fort en faveur du rééquilibrage entre les différentes provinces. Ainsi, pour la période 2011-2015, le montant des contrats de développement s’élève à 775 millions d’euros sur cinq ans, dont plus de la moitié – soit 407 millions d’euros – sont financés par l’État.
Le rééquilibrage économique de la Nouvelle-Calédonie passe également par la mise en place, sur l’ensemble du pays, de projets industriels de grande ampleur. À cet égard, la mission a pu se rendre à l’usine dite de Koniambo et mesurer le rôle majeur joué par la construction de cette nouvelle usine dans l’aménagement du territoire calédonien.
Née d’une revendication exprimée par le Front de libération nationale kanak socialiste (FLNKS) en 1996, faisant de l’accès à la ressource minière un préalable aux négociations politiques avec le Gouvernement français, et prévue par le protocole de Bercy signé le 1er février 1998, l’usine de valorisation du gisement de Koniambo, située dans la province Nord, a été construite afin d’exploiter ce gisement suivant la technique de la pyrométallurgie. Elle a été inaugurée par le Premier Ministre, M. Jean-Marc Ayrault, en juillet dernier.
Les autorités de l’État et de la Nouvelle-Calédonie, que la mission a été amenée à rencontrer, ont toutes fait part de leur soutien unanime à ce projet d’usine du Nord – dont le coût total s’élève aujourd’hui à 5 milliards de dollars – et ce, en raison de son intérêt déterminant pour le rééquilibrage économique et la stabilité du territoire.
Il devrait ainsi générer près de 2 500 emplois en phase de pleine production – soit à partir de 2015 –, dont une grande majorité de population locale. Il ressort également des entretiens de la mission que sa contribution au produit intérieur de l’archipel devrait être vigoureuse, pour peu que les cours du nickel ne se maintiennent pas à un niveau structurellement bas.
Beaucoup a donc été fait. Et vingt-cinq ans d’efforts ont contribué, de manière décisive, à renforcer l’esprit de dialogue et de partage entre les communautés, en apaisant les peurs et les frustrations.
Mais pour autant, le cap esquissé en 1988 et confirmé en 1998 doit aujourd’hui être maintenu. En effet, dans son bilan de l’Accord de Nouméa, publié en décembre 2011, le cabinet DME–CM International souligne les résultats contrastés de matière d’égalité des chances que cet item soit analysé à partir des statistiques sur la réussite scolaire ou celles sur l’accès au marché du travail.
C’est tout le sens qui devra ainsi être donné au cycle nouveau qui doit s’ouvrir dans le prolongement de l’Accord de Nouméa et que vos rapporteurs appellent de leurs vœux. La fin de la mise en œuvre de cet Accord suppose toutefois que les formations politiques locales s’accordent au préalable, pour surmonter ensemble les fragilités institutionnelles, économiques et sociales auxquelles le territoire fait ponctuellement face.
II. – L’ACCORD DE NOUMÉA : LES FRAGILITÉS
D’UN PROCESSUS QUI ARRIVE À SON TERME
Si la mission a pu mesurer les très larges progrès qui ont été accomplis en Nouvelle-Calédonie depuis 1999, elle a, dans le même temps, constaté que des efforts restaient à engager et que des incompréhensions entre les différents acteurs subsistaient. En effet, si l’Accord de Nouméa a permis au territoire d’avancer, dans un esprit d’apaisement, sur la voie de l’émancipation et du rééquilibrage, en dépit d’analyses parfois nuancées en fonction des sensibilités politiques propres, ces progrès ne doivent pas occulter les quelques fragilités qui se sont fait jour.
Dans la description qui va suivre, il va de soi qu’il ne s’agit nullement pour vos rapporteurs de porter un jugement de valeur sur les politiques menées localement et encore moins de mettre en cause la responsabilité des autorités qui en ont la charge. L’ambition qui les anime est d’identifier ces fragilités, afin de permettre aux Calédoniens, forts de l’esprit de responsabilité dont ils ont su faire preuve depuis plus de deux décennies, de mieux les surmonter et d’aborder avec sérénité l’« après Nouméa ».
Ainsi, est d’abord frappante la dispersion des formations politiques de la Nouvelle-Calédonie, qui ne va pas sans remettre en cause la logique collégiale qui fonde le fonctionnement régulier des institutions de ce territoire (A). La mission s’est également montrée préoccupée par les modalités de mise en œuvre de certains transferts de compétences lesquels, faute de préparation ou d’accompagnement suffisants, ne se sont pas toujours traduits pour les Calédoniens par une meilleure qualité de service (B). Enfin, elle s’est interrogée sur les conséquences politiques du retournement de la conjoncture économique et du phénomène dit de la « vie chère » (C).
A. VERS LA FIN DE LA COLLÉGIALITÉ ?
1. Le poids des rivalités politiques et personnelles
Parmi les principes vertueux qui fondent les institutions de la Nouvelle-Calédonie, figurent ceux de collégialité et de proportionnalité du gouvernement. Ce dernier, élu à la représentation proportionnelle par le congrès, se doit de représenter toutes les communautés et tous les partis pour diriger cette collectivité sui generis.
Or, un différend sur une question revêtant une charge symbolique a conduit à une crise politique sans précédent. Il s’agit du choix du drapeau commun pour la Nouvelle Calédonie.
Au début du mois de février 2010, M. Pierre Frogier, qui était alors le président de l’assemblée de la province Sud, a suggéré d’associer le drapeau tricolore au drapeau du FLNKS. À son initiative, cette proposition a été reprise lors du XIIIe comité des signataires (39), lequel a recommandé, lors de sa réunion du 24 juin 2010, que les deux drapeaux soient levés côte à côte « dans la perspective des prochains Jeux du Pacifique et dans l’esprit de la poignée de main entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou ». Un mois plus tard, le congrès de la Nouvelle-Calédonie – alors présidé par M. Harold Martin – émettait également, le 13 juillet 2010, le vœu « que soient arborés, ensemble, en Nouvelle-Calédonie, le drapeau dont la description est annexée et le drapeau national ».
Comme l’ont mis en exergue les différents interlocuteurs de la mission, ce choix de faire flotter côte à côte les deux drapeaux était alors loin de faire l’unanimité au sein des élus calédoniens, certains considérant que cette solution ne répondait pas à l’objectif initial d’un drapeau commun.
De fait, la proposition portée devant le congrès n’a pas recueilli les voix du groupe Calédonie ensemble. Et le 17 février 2011, les trois membres du gouvernement élus sur la liste du groupe indépendantiste de l’Union calédonienne démissionnaient (40), provoquant ainsi la chute du gouvernement.
À la suite de cet épisode, le congrès a tenté à plusieurs reprises de constituer un nouvel exécutif. Toutefois, ces tentatives se sont toutes soldées par la démission des représentants du groupe Calédonie Ensemble, présidé par M. Philippe Gomes, en vue de faire chuter le gouvernement et de bloquer les institutions jusqu’à obtenir la dissolution du congrès et l’organisation de nouvelles élections.
Faute d’une solution locale, l’issue sera trouvée par l’appel au Parlement qui, sur proposition de Mme Marie-Luce Penchard, ministre de l’Outre-mer, acceptera de modifier, par la loi organique n° 2011-870 du 25 juillet 2011 (41), une disposition de l’article 121 de la loi statutaire.
Si cette réforme a permis de rétablir in fine la stabilité institutionnelle du territoire, l’actuel gouvernement élu le 10 juin 2011 et présidé par M. Harold Martin étant toujours en fonction (42), la mission a mesuré, au cours de ses divers entretiens, combien cette affaire dite des « deux drapeaux » avait, dans le même temps, profondément modifié le rapport de forces politiques, notamment au sein du camp « loyaliste », en conduisant à son éclatement.
Alors qu’au moment de la signature en 1998 de l’Accord de Nouméa, le camp « loyaliste » était globalement uni sous la bannière du Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR), fondé en juillet 1977 par Jacques Lafleur –, il est aujourd’hui divisé en cinq partis.
On trouve ainsi le Rassemblement UMP (RUMP), héritier du RPCR et dirigé par le sénateur Pierre Frogier, le Mouvement populaire calédonien (MPC), né en mars 20 13 d’une scission du RUMP et dirigé par M. Gaël Yanno, premier adjoint de la municipalité de Nouméa et ancien député, l’Avenir ensemble dirigé par M. Harold Martin, Calédonie Ensemble, né en octobre 2008 d’une scission de l’Avenir ensemble et dirigé par le député M. Philippe Gomes, et enfin le Mouvement de la diversité (LMD), parti de tendance anti-indépendantiste mais autonomiste, créé en avril 2008 par M. Simon Loueckhote, ancien sénateur.
Fruit d’une divergence de vues sur la politique d’ouverture à mener à l’égard des indépendantistes, cette dispersion des formations politiques « loyalistes », qui se reflète tant dans la composition du gouvernement que du congrès (43), n’est pas sans conséquence au plan électoral. Ainsi, lors des élections législatives de juin 2012, les candidats de Calédonie Ensemble ont battu ceux du Rassemblement UMP, obtenant les deux sièges de députés. Après ce « coup de tonnerre », où les « querelles de personnes ont été portées au paroxysme » (44), ils siègent aujourd’hui, à l’Assemblée nationale, au sein du groupe de l’Union des démocrates et indépendants (UDI).
Côté indépendantiste, le paysage politique apparaît plus stable sous l’égide du Front national de libération kanak et socialiste (FLNKS).
En effet, celui-ci réunit depuis 1984 plusieurs partis favorables à l’indépendance du territoire. Il rassemble ainsi l’Union calédonienne (UC), principal parti de la coalition, le Parti de libération kanak (Palika), dont M. Paul Néaoutyine est le dirigeant le plus influent, l’Union progressiste mélanésienne (UPM), fondée par M. André Gopoea, ainsi que le Rassemblement démocratique océanien (RDO). Aux côtés du FLNKS, le camp indépendantiste comprend également le Parti travailliste (PT), fondé en 2007 et émanation politique de l’Union syndicale des travailleurs Kanak et des exploités (USTKE).
Toutefois, cette bannière commune côté « indépendantiste » dissimule, de manière plus feutrée, des divisions et rivalités internes, qui se manifestent dans le fonctionnement des assemblées de province – notamment le Nord – et du congrès.
Ainsi, près de treize ans après le dernier déplacement de la commission des Lois en Nouvelle-Calédonie, la mission n’a pu que constater que les deux grands partenaires historiques – RPCR et FLNKS –, qui avaient négocié et signé ensemble l’Accord de Nouméa, avaient aujourd’hui laissé la place à un paysage politique nettement plus fragmenté.
Cet état de fait dépasse le simple constat, puisque cette « redistribution des cartes », plus particulièrement marquée au sein du camp « loyaliste », menace le fonctionnement collégial des institutions de la Nouvelle-Calédonie.
2. La collégialité à l’épreuve de la dispersion du paysage politique
Alors que le processus de Nouméa, adossé à une logique consensuelle et démocratique, repose sur un apaisement des mœurs politiques, la mission a relevé que les rapports de forces politiques continuaient d’être un moteur important de la vie publique calédonienne, à rebours du principe de collégialité qui fonde pourtant l’équilibre institutionnel du territoire. En effet, les logiques de compétition politique tendent parfois à prendre le pas sur le fonctionnement collégial du gouvernement calédonien.
Ainsi, au sein de l’actuel gouvernement de M. Harold Martin, un de ses membres, issu de Calédonie ensemble, refuse d’exercer ses fonctions et de contresigner les arrêtés relevant de son secteur – en l’espèce la fonction publique – qu’il a pourtant la charge d’animer, au motif que cette compétence lui a été attribuée contre son gré. Au nom de son groupe, il entend ainsi protester contre le caractère non consensuel de la répartition des secteurs entre les membres du gouvernement, en violation des principes de collégialité et de proportionnalité et en rupture avec les pratiques antérieures.
Si le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a jusqu’à présent su faire avancer et porter des thématiques importantes, ce que la mission salue naturellement à la faveur du présent rapport, les dissensions internes liées à la configuration collégiale rendent parfois fragile le moteur consensuel de ce mode de gouvernance – propre à cette institution calédonienne – qui reste par définition le reflet des alliances et forces politiques en présence.
C’est sans doute pourquoi, lors d’entretiens, certains des interlocuteurs de vos rapporteurs ont émis l’hypothèse que la collégialité ne serait peut-être plus adaptée à l’action publique d’un territoire dorénavant doté de pouvoirs effectifs. Pour autant, ce sentiment ne semble pas être majoritaire. Dépassant les fortes divergences récemment apparues sur des dossiers lourds comme celui de la fiscalité ou bien du logement social, la plupart des élus rencontrés reste, en effet, convaincue qu’elles demeurent factuelles et qu’une politique publique cohérente ne peut s’imaginer que dans le consensus.
Vos rapporteurs observent enfin qu’en dépit des limites inhérentes à la collégialité dans un territoire encore marqué par la prégnance des rapports de forces politiques – somme toute naturelle et légitime en démocratie – les institutions profondément novatrices mises en place au lendemain de l’Accord de Nouméa continuent de fonctionner de façon normale et ininterrompue depuis leur création. Elles ont également mis en lumière la capacité respective des formations « loyalistes » et « indépendantistes » à travailler et gouverner ensemble au service de la population.
Aussi vos rapporteurs souhaitent-ils vivement que les tensions politiques locales, aussi légitimes soient-elles, ne ralentissent pas la mise en application de l’Accord de Nouméa, qu’il s’agisse des transferts de compétences ou de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.
B. UNE SOUVERAINETÉ PARTAGÉE CONTRARIÉE PAR L’INSUFFISANTE PRÉPARATION DE CERTAINS TRANSFERTS DE COMPÉTENCES ?
Au hasard des échanges, fut régulièrement évoquée devant vos rapporteurs une « mystique » de l’Accord de Nouméa. Derrière cette évocation, se cache l’idée selon laquelle il conviendrait, avant toute consultation sur l’autodétermination, de réaliser l’intégralité des transferts de compétences prévus par l’accord, sans que ne soit posée la question de l’amélioration du service ainsi rendu aux Calédoniens.
Parce que le transfert irréversible de compétences en plusieurs étapes de l’État à la Nouvelle Calédonie est la condition pour que la question de l’accès à la souveraineté de ce territoire puisse être posée après mai 2014, la mission n’a pas voulu, à la faveur du présent rapport, s’interdire de procéder, même de manière sommaire, à une évaluation qualitative des transferts réalisés.
En effet, il ressort des divers entretiens qu’après le retard initialement pris par les transferts, pourtant moteurs de l’Accord de Nouméa (1), certaines compétences peinent aujourd’hui à être exercées de façon pleinement autonome et satisfaisante pour la population, faute de préparation et de suivi suffisants (2).
1. Le retard pris dans le transfert de compétences, pourtant moteur de l’Accord de Nouméa
Le transfert de l’ensemble des compétences non régaliennes de l’État à la Nouvelle-Calédonie revêt une importance particulière, comme le rappelle le relevé de conclusions du IXe Comité des signataires : « les transferts de compétences qui doivent intervenir jusqu’en 2014 sont d’une ampleur sans précédent. Ce sont des matières fondamentales qui concernent directement la vie quotidienne des Calédoniens. Elles sont par ailleurs techniquement complexes et demandent un travail législatif et réglementaire important. Il est de la responsabilité commune de l’État et de la Nouvelle-Calédonie de veiller à ce qu’ils aient lieu dans les meilleures conditions possibles ».
À la lumière des divers échanges qui l’ont nourri, la mission ne peut que partager ce constat. En effet, au dire des différents interlocuteurs, si le transfert des compétences non régaliennes semble s’être accompli dans des conditions globalement satisfaisantes (cf. supra), il a accusé, dans un premier temps, un certain retard, indiscutablement imputable à l’absence de demande formulée en ce sens en 2004 par le congrès (45).
Parce qu’aucun transfert n’a été demandé au cours de cette mandature que certains n’ont pas hésité à qualifier devant vos rapporteurs de « blanche », il aura fallu attendre la troisième mandature, qui s’est ouverte en mai 2009, pour que soit enfin initié, onze ans après la signature de l’Accord de Nouméa, le processus avec un vote à l’unanimité des membres du congrès (46). Furent ainsi engagés le transfert en matière de circulation maritime et aérienne intérieure ainsi que d’enseignement secondaire public, d’enseignement primaire et secondaire privé.
Le retard initialement pris a nécessité par la suite une nouvelle intervention du législateur organique (47). Il a, en effet, fallu modifier en 2009 la loi statutaire de 1999, aux fins d’adapter le calendrier de transfert de ces compétences et d’aménager les modalités de compensation financière et les conditions de mise à disposition des services et personnels de l’État auprès de la Nouvelle-Calédonie. Cette loi organique a également reporté au 31 décembre 2011 le vote des lois du pays relatives au transfert des compétences en matière d’état civil, de droit civil et commercial ainsi que de sécurité civile.
Ainsi, alors que de l’aveu même de nombre d’interlocuteurs rencontrés par la mission, les transferts n’ont pas été réalisés aussi rapidement que la dynamique d’émancipation dont était porteur l’Accord de Nouméa pouvait le laisser présager, ils se sont succédé à un rythme relativement soutenu entre 2011 et 2013 (48). Pour ses promoteurs, l’objectif était qu’ils soient achevés avant mai 2014, date à partir de laquelle la question de l’accès à la pleine souveraineté de ce territoire pourra être posée à la population calédonienne.
Dans cette perspective, l’attention de la mission a été portée sur la perspective des transferts de compétences prévues à l’article 27 de la loi organique statutaire du 19 mars 1999. Cet article permet, en effet, au congrès, d’adopter à la majorité simple une résolution tendant à ce que soient transférées les compétences actuellement détenues par l’État dans trois domaines : les règles relatives à l’administration des provinces, des communes et leurs établissements publics – notamment le contrôle de légalité et le régime comptable et financier de ces collectivités –, l’enseignement supérieur et la communication audiovisuelle.
Si, en juillet 2010, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a invité l’État à engager des travaux préparatoires à ces transferts, aucune résolution du congrès n’a pourtant été votée à ce jour en ce sens. Or, la nature de ces transferts fait actuellement l’objet d’une lecture divergente entre « loyalistes » et « indépendantistes ». Tandis que les premiers les envisagent comme une faculté laissée à la discrétion de la Nouvelle-Calédonie, les seconds en font un préalable nécessaire et indispensable à l’ouverture des négociations de l’« après Nouméa ».
Si aucun travail préparatoire à ces ultimes transferts de compétences – et non des moindres – n’a été engagé à ce jour, la mission craint que leur mise en œuvre n’interfère avec l’organisation, entre 2014 et 2018, de la consultation sur l’accès à la pleine souveraineté. Vos rapporteurs se montrent d’autant plus préoccupés par les capacités nécessairement limitées de ce territoire d’environ 250 000 habitants à mener de front, au cours des cinq prochaines années, ces transferts de compétences et les négociations sur l’avenir institutionnel, que l’accélération ces dernières années des transferts ne s’est pas toujours traduite par une amélioration de la qualité du service rendu aux Calédoniens.
Pour vos rapporteurs, l’apparition de cette divergence d’interprétation est préjudiciable, parce que source d’insécurité juridique. Et ce, d’autant plus que jamais depuis la signature de l’Accord, aucune force politique n’a demandé la révision de cet article 27.
2. Des compétences transférées qui peinent parfois à être exercées de façon autonome et satisfaisante pour la population
Si le regard porté sur les récents transferts de compétences a été nuancé selon les interlocuteurs de la mission, il ressort tout de même des divers entretiens que la Nouvelle-Calédonie est parfois confrontée à des difficultés pour exercer la plénitude de ses nouvelles prérogatives.
Lors du VIIIe Comité des signataires, qui s’est tenu à Paris le 24 juin 2010, les signataires sont tombés d’accord sur le fait de confier à un comité d’experts indépendants le soin de procéder au bilan de l’Accord de Nouméa. À cette fin, le ministère des Outre-mer a sélectionné le cabinet DME–CM International, en vue d’apprécier « les progrès réalisés dans la mise en œuvre du rééquilibrage et du processus de décolonisation, afin d’identifier les difficultés et les contraintes rencontrées et proposer d’éventuelles pistes d’amélioration » (49). Ce bilan a ainsi fait l’objet d’un rapport final présenté le 21 décembre 2011.
Rappelant que « le caractère irréversible des transferts de compétences contribue fortement à l’émancipation », laquelle reste « conditionnée à la capacité du territoire de les exercer pleinement, de façon autonome et satisfaisante pour la population », le rapport constate sans ambages que « l’Accord de Nouméa n’a pas permis l’émergence d’une gestion autonome de ces compétences » (50).
Si la mission porte sur ce sujet un regard plus nuancé, son attention a été régulièrement portée sur le fait que certains transferts, faute d’avoir été suffisamment préparés en amont et suivis en aval, se sont accompagnés, dans la vie quotidienne des Calédoniens, par une dégradation de la qualité du service rendu. Avec une administration dimensionnée pour une société comptant 260 000 habitants, la Nouvelle-Calédonie peine parfois à s’emparer des nouvelles prérogatives qui lui sont dévolues.
Ainsi, la difficile évaluation du coût des transferts, doublée à la carence des outils et compétences susceptibles d’être mobilisés sur l’ensemble de ce territoire – cadres locaux et experts juridiques indépendants – constituent autant d’obstacles à une gestion autonome et de qualité des compétences transférées.
L’exemple le plus régulièrement cité lors des entretiens de la mission a été celui du droit des assurances, lequel est resté littéralement figé depuis son transfert à la Nouvelle-Calédonie en 1989. Faute de veille juridique adaptée, les textes n’ont pas évolué depuis lors, notamment en vue de tenir compte des évolutions intervenues en métropole, et sont aujourd’hui obsolètes.
La mission constate cependant que le territoire et l’État se sont efforcés de tirer ensemble les enseignements tirés des précédents transferts, afin de ne pas reproduire les erreurs commises par le passé. Ainsi, la direction du travail de la Nouvelle-Calédonie s’est dotée d’un service juridique, lequel a élaboré un code du travail, adopté en 2008 par le congrès (51), et assure désormais un suivi régulier des évolutions intervenant dans ce domaine en métropole et ce, afin d’éviter tout phénomène de « cristallisation » du droit. En revanche, la mission s’étonne, compte tenu de la pleine autonomie dont jouit la Nouvelle-Calédonie en matière fiscale, que la direction des services fiscaux du territoire ne soit pas dotée à ce jour d’un service de la législation fiscale.
En tant que garant du respect de l’Accord de Nouméa, l’État se doit d’apporter à la Nouvelle-Calédonie son soutien dans la préparation et le suivi des compétences transférées. La mission se réjouit donc des mesures d’accompagnement prises dans le cadre du transfert – effectif depuis le 1er juillet 2013 – de l’état civil, du droit civil et du droit commercial.
En effet, les modalités de ces transferts – considérables tant par leur importance symbolique que par leur étendue – ont été définies par une convention d’accompagnement, signée le 17 juillet 2010 entre l’État et la Nouvelle-Calédonie. Au terme de cet engagement, il revenait au territoire d’effectuer le recensement des textes applicables dans les domaines concernés, tandis que l’État avait pris l’engagement de procéder à une actualisation du droit existant en réalisant les extensions de textes souhaitées par la Nouvelle-Calédonie.
Au titre des mesures d’accompagnement, figurent notamment la mise à disposition par l’État, pour une durée de deux ans renouvelable une fois, de deux magistrats choisis pour leur expertise en matière civile et commerciale ainsi que le soutien à la formation de stagiaires calédoniens à la rédaction de textes législatifs et réglementaires. Comme M. Harold Martin l’a indiqué la mission, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a également créé un observatoire de la législation civile et commerciale, destiné à assurer une veille juridique régulière.
Si vos rapporteurs saluent ces mesures, indispensables à l’organisation du transfert de la compétence normative en matière de droit civil et commercial, ils se montrent, en revanche, beaucoup plus préoccupés s’agissant du transfert de la sécurité civile, qui doit intervenir au 1er janvier 2014.
En effet, en dépit des mesures d’accompagnement évoquées, la préparation de ce transfert a, de l’aveu même de la plupart des interlocuteurs rencontrés par la mission, pris beaucoup de retard. À ce jour et à moins de trois mois de l’échéance du transfert, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie n’a opéré aucun choix sur la future organisation territoriale des services d’incendie et de secours.
Cette absence de choix est d’autant plus dommageable qu’elle conditionne aujourd’hui le financement par l’État de la modernisation des centres d’incendie et de secours, demandée par le gouvernement calédonien, qui a sollicité un concours financier de l’État en ce sens à hauteur de 5 millions d’euros. Alors qu’une ordonnance du 29 octobre 2009 (52) prévoyait la mise en place d’un établissement public d’incendie et de secours sur l’ensemble du territoire, les dernières négociations semblaient finalement porter sur un éventuel rétablissement de la compétence des communes en matière de services d’incendie et de secours.
Nul n’ignore que la sécurité civile revêt une importance particulière en Nouvelle-Calédonie, territoire confronté à des risques naturels, mais surtout industriels et chimiques majeurs. La mission considère, à ce titre, que le transfert de la sécurité civile ne saurait, en aucun cas, se traduire par un affaiblissement de la protection que les Calédoniens sont en droit d’attendre face à ces risques. Les engagements pris par le ministère de l’Intérieur, dans un courrier en date du 17 juin 2013 (53), n’exonèrent nullement les collectivités du territoire de leur responsabilité, qui est de choisir, sans plus tarder, une organisation territoriale des services d’incendies et de secours, adaptée aux contraintes et spécificités de la Nouvelle-Calédonie.
La mission juge en effet essentiel que tout transfert de compétences, quel qu’il soit, ne s’accompagne pas d’une diminution de la qualité du service rendu aux Calédoniens, notamment à l’heure où la conjoncture économique tend à se dégrader et les difficultés sociales à se faire chaque jour un peu plus fortes.
C. UNE PAIX SOCIALE MISE À MAL PAR UNE POSSIBLE DÉTÉRIORATION DE LA CONJONCTURE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE ?
1. Un contexte économique incertain et dégradé
Alors que la Nouvelle-Calédonie a connu ces dernières décennies une prospérité et un développement sans précédent et qu’elle avait été jusqu’alors relativement épargnée par le ralentissement de l’économie mondiale (cf. supra), l’économie du territoire semble désormais avoir marqué le pas. Les services du gouvernement calédonien ont ainsi indiqué aux membres de la mission que leurs prévisions de croissance étaient proches de 0 % pour 2013 et comprises entre 0,5 et 1 % pour 2014.
Cette décélération prononcée de la croissance est due pour partie à une baisse des investissements, dans un contexte marqué par l’achèvement du chantier de l’usine du Nord et le ralentissement de la production de logement.
Elle s’explique également par le poids du nickel dans l’économie de la Nouvelle-Calédonie, celle-ci étant particulièrement vulnérable à la volatilité des cours mondiaux. Or, ce dernier est aujourd’hui excédentaire en raison d’un surcroît d’offre – notamment d’origine chinoise –, exerçant ainsi une pression à la baisse sur les cours du nickel pour 2013 et 2014.
Parallèlement, la consommation des ménages, moteur traditionnel de la croissance calédonienne, est moins dynamique, avec une stagnation voire une diminution des achats de biens durables et une inflexion dans l’acquisition de logements.
Comme l’ont souligné les acteurs économiques et politiques, rencontrés par vos rapporteurs, cette situation s’inscrit dans un cycle électoral, actuellement marqué par l’attentisme des agents économiques à l’approche des prochaines échéances électorales, que sont, d’une part, les élections provinciales de mai 2014 et, plus largement, la perspective la consultation sur l’accès à la pleine souveraineté dans les cinq prochaines années. Les dissensions politiques et les rivalités partisanes, si elles venaient à perdurer, ne manqueront pas d’accroître la frilosité des investisseurs et des consommateurs.
De même, conséquence directe de cette dégradation du climat des affaires, le marché de l’emploi est moins favorable que les années précédentes, avec une baisse inédite du nombre de salariés employés dans le secteur privé au cours de l’année écoulée.
Dans ce contexte économique moins porteur et en dépit de la prospérité économique de ces dernières années, les difficultés sociales se font désormais plus prégnantes, mettant ainsi en exergue de fortes disparités sociales, notamment en matière d’accès au logement. L’institut d’émission d’outre-mer estimait ainsi, en 2012, que les inégalités étaient environ deux fois plus fortes sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie qu’en métropole : le rapport inter-décile, qui mesure l’écart entre les revenus les plus élevés et les revenus les plus faibles, s’y établit à 7,9, contre 3,6 en métropole et 5,8 pour l’ensemble des départements d’outre-mer.
Cependant, comme l’ont démontré les entretiens menés par la mission avec les responsables politiques, économiques et syndicaux, c’est essentiellement autour du phénomène de la « vie chère », que se concentrent aujourd’hui les principales tensions qui traversent la société calédonienne.
2. Une société en proie à la « vie chère »
L’insularité du territoire et la taille relativement faible de sa population, en comparaison d’autres pays de la région Pacifique, comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande, tiennent aujourd’hui la Nouvelle-Calédonie à l’écart des grands circuits de distribution. La société calédonienne se caractérise également par des habitudes de consommation tournées vers les produits métropolitains, soumis à des frais de transport maritime ou aérien, auxquels vient s’ajouter une fiscalité grevant le prix des produits importés. Ces particularités de l’économie de la Nouvelle-Calédonie ont conduit certains observateurs à évoquer, à son endroit, le syndrome d’une « économie de comptoir ».
Ces facteurs expliquent que le niveau moyen des prix sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie soit supérieur de plus d’un tiers à celui constaté en métropole. Deux postes de consommation, qui touchent au premier chef les publics les plus fragiles, sont tout particulièrement concernés : il s’agit, d’une part, de l’alimentation et, d’autre part, du logement, de l’eau et de l’énergie, le niveau de prix respectif de ces biens étant supérieur de 65 et 39 % à celui observé en métropole.
Ce niveau élevé des prix est actuellement d’autant plus mal vécu par la population calédonienne pour les produits de première nécessité qu’il vient s’ajouter dans certaines parties du territoire, comme aux îles Loyauté, à des difficultés importantes d’acheminement des denrées.
À force d’exaspération, cette situation, plus connue sous le nom de « vie chère », a conduit à des mouvements sociaux en mai 2013, lesquels se sont traduits, pendant douze jours, par un mouvement de grève générale et des blocages du port de Nouméa. Seule une table ronde organisée sous l’égide du représentant de l’État, M. Jean-Jacques Brot, que la mission tient ici à saluer pour son action, a permis aux syndicats et au patronat de renouer le dialogue, aux côtés du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, et de signer, le 27 mai 2013, un protocole d’accord de lutte contre la « vie chère ».
Outre une baisse immédiate de 10 % des prix de 300 produits alimentaires et d’hygiène et de 200 produits non alimentaires selon des listes établies conjointement entre l’intersyndicale, les distributeurs, les fournisseurs, ce protocole étend la liste des produits à marge contrôlée à l’ensemble des produits bénéficiant d’une exonération totale de droits et taxes à l’importation.
Les différents protagonistes se sont également mis d’accord sur le gel des prix à compter de la signature du protocole, et jusqu’au 31 décembre 2014, de l’ensemble des produits et services offerts en Nouvelle-Calédonie hors alcool, tabacs et boissons et produits sucrés, sous réserve de strictes dérogations.
Si ces mesures répondent à une attente sociale forte et immédiate, qui s’est fort heureusement exprimée pacifiquement, la mission constate, dans le même temps, que la lutte contre la vie chère nécessite, sur le long terme, que des réponses structurelles soient apportées, afin d’éviter que la société calédonienne n’implose et ne bascule à nouveau dans la violence.
Vos rapporteurs veulent également souligner combien le fait que le Haut-commissariat soit devenu le centre de la négociation est en lui-même révélateur. Ce n’est, en effet, pas tant le retour de l’État que l’effacement du congrès et du gouvernement. Il convient de rappeler que l’État n’a plus guère de compétences économiques ou sociales en Nouvelle-Calédonie… Curieusement, l’État a donc su devenir un acteur à la fois extérieur et central.
Dans ce climat social tendu, vos rapporteurs regrettent qu’à ce jour, aucun accord politique n’ait pu être trouvé pour permettre l’adoption d’une loi du pays favorisant l’accès des citoyens calédoniens à la fonction publique de la Nouvelle-Calédonie et à la fonction publique communale (54).
Mais surtout, ces événements démontrent, s’il en était encore besoin, qu’avant d’être institutionnels, les principaux enjeux, auxquels la Nouvelle-Calédonie devra faire face au terme de l’Accord de Nouméa, seront d’ordre économique et social et que l’État devra y prendre toute sa part.
III. – OUVRIR UN NOUVEAU CYCLE POUR BÂTIR UNE SOLUTION DURABLE, GARANTE DE L’AVENIR DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE
Dans les années qui viennent la Nouvelle-Calédonie aura à faire un choix pour son avenir, comme le prévoit l’Accord de Nouméa. En dépit des crispations politiques qui risquent forcément d’apparaître devant un tel choix, la mission a acquis la profonde conviction que la définition d’une voie consensuelle nouvelle – inspirée par l’esprit de l’accord de Nouméa – est possible pour permettre demain la poursuite du destin commun. Mais il faudra que les Calédoniens, quels qu’ils soient, relèvent de nombreux défis. Nul doute qu’ils en auront la force et la volonté.
Mais contrairement à une opinion couramment répandue, ces défis ne seront pas seulement institutionnels (A). Ils seront peut-être même et surtout d’ordre économique et social (B). Face à ces défis, l’État, même s’il a sa part de responsabilités dans les erreurs passées, sera le mieux à même de mettre en place les conditions d’un dialogue serein et constructif, pour garantir la communauté de destin de la Nouvelle-Calédonie (C).
A. UNE STABILITÉ INSTITUTIONNELLE ET UN CONSENSUS POLITIQUE À PRÉSERVER
Alors l’Accord de Nouméa arrive prochainement à son terme (1), la mission considère que la sortie de ce processus, ultime étape de l’émancipation du territoire, exige de l’ensemble des parties prenantes la définition consensuelle d’une solution politique et institutionnelle pérenne (2).
L’Accord de Nouméa, signé le 5 mai 1998 pour une période de vingt ans, fixe lui-même les conditions dans lesquelles les citoyens calédoniens seront amenés à s’exprimer démocratiquement sur l’avenir politique et institutionnel de l’archipel.
Dans cette perspective, l’accord prévoit qu’« au cours du quatrième mandat – de cinq ans – du congrès, une consultation électorale sera organisée. La date de cette consultation sera déterminée par le congrès, au cours de ce mandat, à la majorité qualifiée des trois cinquièmes.
« Si le congrès n’a pas fixé cette date avant la fin de l’avant-dernière année de ce quatrième mandat, la consultation sera organisée, à une date fixée par l’État, dans la dernière année du mandat.
« La consultation portera sur le transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences régaliennes, l’accès à un statut international de pleine responsabilité et l’organisation de la citoyenneté en nationalité ».
L’article 217 de la loi organique statutaire du 19 mars 1999 précise les modalités d’organisation de cette consultation.
Article 217 de la loi organique n° 99 209 du 19 mars 1999
relative à la Nouvelle-Calédonie
« La consultation est organisée au cours du mandat du congrès qui commencera en 2014 ; elle ne peut toutefois intervenir au cours des six derniers mois précédant l’expiration de ce mandat. Sa date est fixée par une délibération du congrès adoptée à la majorité des trois cinquièmes de ses membres. Si, à l’expiration de l’avant-dernière année du mandat du congrès commençant en 2014, celui-ci n’a pas fixé la date de la consultation, elle est organisée à une date fixée par le Gouvernement de la République, dans les conditions prévues au II de l’article 216, dans la dernière année du mandat.
« Si la majorité des suffrages exprimés conclut au rejet de l’accession à la pleine souveraineté, une deuxième consultation sur la même question peut être organisée à la demande écrite du tiers des membres du congrès, adressée au haut-commissaire et déposée à partir du sixième mois suivant le scrutin. La nouvelle consultation a lieu dans les dix-huit mois suivant la saisine du haut-commissaire à une date fixée dans les conditions prévues au II de l’article 216.
« Aucune demande de deuxième consultation ne peut être déposée dans les six mois précédant le renouvellement général du congrès. Elle ne peut en outre intervenir au cours de la même période. »
Ainsi, à compter de 2014, année au cours de laquelle le congrès du territoire sera intégralement renouvelé au mois de mai, il reviendra à cette assemblée nouvellement élue de décider, à la majorité des trois cinquièmes, d’une date de consultation sur l’accession à la pleine souveraineté. Si cette loi du pays n’est pas votée en mai 2018, cette date, ainsi que les modalités de la consultation, seront fixées par décret en conseil des ministres.
En cas de réponse négative, l’Accord de Nouméa reconnaît au congrès de la Nouvelle-Calédonie la faculté – par un vote du tiers de ses membres – de poser une nouvelle fois la question de l’accès à l’indépendance et ce, au cours de la deuxième année suivant la première consultation. Si ce refus est confirmé par les urnes, une troisième et ultime consultation est organisée, dans les mêmes conditions, dans un délai de deux ans, soit au plus tard en 2022.
Si la réponse est encore négative, l’Accord de Nouméa précise seulement que « les partenaires politiques devront alors se réunir pour examiner la situation ainsi créée », étant bien entendu précisé que « tant que les consultations n’auront pas abouti à la nouvelle organisation politique proposée, l’organisation politique mise en place par l’accord de 1998 restera en vigueur, à son dernier stade d’évolution, sans possibilité de retour en arrière, cette “ irréversibilité ” étant constitutionnellement garantie ».
Sans préjuger du choix démocratique qui sera fait par les citoyens de la Nouvelle-Calédonie, la mission rappelle que la consultation sur l’accès à la pleine souveraineté, aussi importante et symbolique soit-elle, ne peut se réduire à un débat manichéen, qui se résumerait à « pour ou contre l’indépendance du territoire ».
Le scrutin sur l’autodétermination ne doit, en effet, pas aboutir qu’à la constatation d’un désaccord fondamental sur l’avenir du territoire, se traduisant par la séparation des électeurs en deux camps hostiles, de force à peu près équivalente. Aucun des deux protagonistes n’y aurait intérêt, pas plus celui qui l’aurait emporté que celui qui aurait été vaincu.
À cet égard, le souvenir du référendum du 18 septembre 1987 est édifiant. Sans doute avait-il pu apparaître, dans un premier temps, comme un succès pour les loyalistes, puisqu’il concluait au rejet de l’indépendance. Mais il avait très rapidement conduit à un paroxysme de violence que personne ne peut souhaiter voir se reproduire dans le territoire.
En 1998, alors que les accords de Matignon arrivaient à leur terme, les forces politiques locales avaient considéré que l’échéance du référendum sur l’autodétermination, alors qualifié par Jacques Lafleur de “ référendum-couperet ”, était prématurée. C’est d’ailleurs sur la base de ce constat qu’elles avaient unanimement décidé de soumettre à l’approbation du corps électoral calédonien un nouvel accord, permettant de ce fait aux partenaires de parvenir au préalable à rapprocher leurs points de vue sur l’organisation politique et institutionnelle du pays.
Afin que la sortie de l’Accord de Nouméa ne mène à une telle situation de blocage politique, la mission considère qu’elle suppose la définition préalable par l’ensemble des parties prenantes, à la suite d’un important travail de réflexion, de discussion et de négociation, d’un nouveau compromis sur l’avenir institutionnel et politique du territoire.
À ce titre, vos rapporteurs saluent la décision du Premier ministre François Fillon qui, répondant à une demande du Comité des signataires, avait installé le 20 septembre 2011, une mission de réflexion sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle Calédonie composée de M. Jean Courtial, conseiller d’État, et de Ferdinand Melin-Soucramanien, professeur agrégé de droit public à l’université Montesquieu Bordeaux IV. Sa reconduction par une décision du Premier Ministre Jean-Marc Ayrault, le 17 octobre 2012, permettra de disposer rapidement de pistes précieuses et de bases utiles de discussion sur le cycle qui débute et qui devra se conclure sur une proposition durable.
2. … établir un nouveau consensus politique et institutionnel
De ses divers entretiens et échanges, la mission retient que l’évolution de la Nouvelle-Calédonie s’est faite, depuis plus de trente ans, grâce à un double consensus.
Au niveau local, l’esprit de consensus suppose que chaque camp fasse des concessions en vue de parvenir à un point d’équilibre, comme l’est depuis 1998 l’Accord de Nouméa. En métropole, un consensus national quasi-général veut, depuis 1988, que les problèmes calédoniens ne fassent pas l’objet de débats nationaux.
Au terme de leur déplacement sur le territoire, vos rapporteurs se veulent très attachés à la préservation, tout au long de la sortie de l’Accord de Nouméa, de ce double consensus, même s’ils n’ignorent rien de la difficulté de cette tâche, à l’heure où la compétition politique, pour le moins légitime en démocratie, conduit cependant à des crispations qui tendent à prendre le pas sur la dynamique consensuelle et collégiale qui devrait présider à l’émancipation de l’archipel.
En effet, si le spectre des évolutions possibles reste très largement ouvert, l’approche de l’échéance implique dès aujourd’hui que chaque partie prenante s’inscrive dans une démarche consensuelle, prolongeant celle ouverte par l’Accord de Nouméa et dessinant les contours d’une perspective institutionnelle partagée. En cherchant à rapprocher leurs positions sur ce que pourrait être demain l’avenir institutionnel et politique de la Nouvelle-Calédonie, les différentes forces politiques offriraient ainsi à chaque citoyen calédonien l’opportunité, non pas de se positionner pour ou contre l’indépendance, mais bien d’adhérer à un véritable projet de destin partagé, qui n’est pour l’heure que très partiellement ébauché.
La définition de cette communauté de destin, dans le prolongement du processus initié par l’Accord de Nouméa, exigera que les parties prenantes s’engagent toutes résolument dans la voie du compromis, afin de permettre aux camps « indépendantiste » et « loyaliste » d’examiner les sujets qui les opposent et de trouver, sur chacun d’eux, des convergences.
S’il ne revient pas aux membres de la mission de se prononcer sur le choix de la future organisation politique et institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, ils considèrent qu’un compromis global devra être trouvé tant sur la composition du corps électoral que sur la fixation de la clé de répartition des dotations budgétaires entre provinces ou bien encore sur le rôle du sénat coutumier dans la reconnaissance de l’identité kanak.
En effet, pour nombre de nos interlocuteurs, le « gel » du corps électoral, et partant de la citoyenneté calédonienne, se pose en des termes nouveaux. À leurs yeux, le fait que certaines personnes qui, bien que participant activement à la vie de l’archipel et à son développement au profit de tous depuis de très longues années, ne puissent en devenir citoyens pose question. Ceux-là souhaitent qu’une réflexion puisse s’engager sur les conditions dans lesquelles quelques adaptations pourraient être apportées à cette définition du corps électoral. Il n’en reste pas moins que le « gel » du corps électoral a fait, le 20 février 2007, l’objet d’une révision de la Constitution (55).
Aux côtés de la définition de la citoyenneté calédonienne, se posera aussi la question de la révision de la clé de répartition des dotations affectées à chaque province, dans le double souci de tenir compte de l’évolution démographique du territoire et d’assurer un développement équilibré au profit des provinces Sud et des îles Loyauté.
S’agissant enfin des institutions coutumières et, plus particulièrement, du sénat coutumier, les parties prenantes ne pourront trouver un compromis global sur l’avenir institutionnel et politique de la Nouvelle-Calédonie, sans veiller à revaloriser cette instance et à lui donner l’ensemble des outils juridiques et financiers nécessaires à la préservation de l’identité kanak.
Afin de parvenir à un compromis suffisant sur l’ensemble de ces sujets sensibles, certains ont suggéré, lors des entretiens menés par la mission, de faire du Comité des signataires le lieu privilégié de la concertation et de la recherche d’un consensus sur le projet de sortie du processus de l’Accord de Nouméa. À l’inverse, d’autres ont pointé le rôle aujourd’hui plus limité de cette instance, plaidant pour la mise en place d’une nouvelle instance de dialogue. En effet, depuis 2011, le Comité se réunit dans une composition élargie, associant ainsi aux signataires historiques de l’Accord de Nouméa les groupes politiques constitués au congrès (56). Si cette nouvelle composition du Comité a pour vocation de tenir compte de l’évolution de la situation du territoire, elle rend dans le même temps plus difficile l’émergence d’un consensus sur des questions qui continuent à ce jour d’opposer les formations « loyalistes » et « indépendantistes ».
La mission considère donc que la Nouvelle-Calédonie et l’État ne pourront pas, faire l’économie d’une réflexion plus large sur le rôle et la composition du Comité des signataires, en vue de parvenir par le dialogue à la définition d’un nouveau compromis durable sur l’avenir politique et institutionnel du territoire.
B. UNE SOCIÉTÉ DÉMOCRATIQUE À RASSURER SUR LA PERSPECTIVE INTANGIBLE D’UN AVENIR COMMUN
Comme l’a rappelé le Premier ministre, M. Jean-Marc Ayrault, le 26 juillet dernier, devant les membres du Comité des signataires à Nouméa, le débat qui va s’ouvrir sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie aura pour double vocation non seulement de rassurer la société calédonienne sur la perspective intangible d’un avenir commun (1), mais également de relever les défis économiques et sociaux, auxquels le territoire doit aujourd’hui faire face (2).
Quels que soient les choix institutionnels et politiques qui seront faits, la mission se montre attachée à la nécessité de rassurer la société calédonienne sur le caractère irréversible d’un avenir commun et partagé entre toutes les communautés qui font ce territoire.
Dans cette perspective, les forces politiques devront, dans un esprit de consensus et de responsabilité – auquel le Premier ministre les a expressément invitées lors sa venue en Nouvelle-Calédonie en juillet 2013 –, aborder de manière sereine le débat sur l’avenir du territoire, en veillant à ne pas raviver les tensions au sein de la population.
Au cours de son déplacement dans les trois provinces, la mission a très clairement ressenti le besoin qu’éprouve aujourd’hui la population calédonienne d’être rassurée sur le fait qu’un avenir commun et partagé est possible en Nouvelle-Calédonie et ce, quel que soit le statut qui sera finalement retenu. Il est essentiel que, dans la période qui s’ouvrira à compter des élections provinciales de mai 2014, un débat démocratique puisse s’instaurer et permettre l’expression démocratique de toutes les parties prenantes sur les choix à venir.
La mission se veut particulièrement attentive à ce que tous les Calédoniens soient en mesure d’en comprendre les enjeux et de se sentir réellement impliqués dans la définition de leur avenir commun. Elle reste profondément convaincue que la sortie après 2014 de l’Accord de Nouméa doit se préparer dès aujourd’hui avec beaucoup d’anticipation et de pédagogie.
En effet, si le spectre des évolutions possibles – sur lequel il ne revient pas à la mission de se prononcer – reste à ce jour très largement ouvert, l’approche de l’échéance implique de réfléchir, dès aujourd’hui, aux solutions les plus réalistes et les plus conformes aux aspirations profondes de la population calédonienne, à laquelle il reviendra en dernier ressort de choisir. C’est au Gouvernement, au Parlement et à l’ensemble des responsables politiques calédoniens qu’il revient d’éclairer au mieux l’expression démocratique de ce choix.
Mesurant l’ampleur des efforts entrepris en ce sens, la mission se félicite des initiatives d’ores et déjà prises par le Comité des signataires pour nourrir le débat sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. Elle a aussi trouvé particulièrement pertinente l’initiative, le 27 septembre dernier, de MM. Jean Courtial et Ferdinand Melin-Soucramanien de tenir une conférence ouverte au public aux fins de présenter les travaux qu’ils ont conduit lors de leurs cinq déplacements dans l’archipel depuis deux ans.
Ils n’avaient pas pour ambition de faire des propositions de solution (57), aux responsables politiques, mais seulement de les accompagner dans l’élaboration du choix qui sera soumis aux électeurs à l’issue du processus ouvert par l’Accord de Nouméa, en leur transmettant à cette fin toutes informations utiles, en leur proposant des pistes de réflexion et en élaborant avec eux des bases de discussion sur les questions intéressant l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.
Il est donc louable qu’en parallèle de leur présentation lors du XIe Comité des signataires, qui se réunira à Paris le 11 octobre 2013, ils aient choisi de développer à Nouméa devant les Calédoniens les quatre hypothèses majeures d’évolution institutionnelle étudiées.
Le futur choix ne peut, en effet, être binaire. Entre l’accès pur et simple à la pleine souveraineté, sans établissement d’un lien privilégié avec la France, et un statut d’autonomie renforcée et étendue, on peut aussi imaginer, par exemple, un statut d’autonomie pérennisant, sans le modifier, l’équilibre issu de l’Accord de Nouméa, tout comme un accès à l’indépendance, assortie d’un partenariat avec la France…
De ce point de vue, il est donc sans doute inopérant de parler de « solution consensuelle » pour qualifier le chemin à ouvrir, non pas en raison du contenu indéfini qu’il porte, mais simplement parce qu’aujourd’hui, une seule formation politique utilise ce vocable. Le risque existe donc que l’usage par l’État de cette formule finisse par être interprété comme une validation de la voie privilégiée par un seul des futurs partenaires.
Mais quel que soit le statut qui sera finalement retenu par les forces politiques de la Nouvelle-Calédonie, la solution institutionnelle ne pourra être qu’originale et exigera que soient au préalable relevés les défis économiques et sociaux, auxquels le territoire est aujourd’hui confronté.
Dans son discours prononcé le 26 juillet 2013 à Nouméa, le Premier ministre a rappelé que la perspective de la sortie de l’Accord de Nouméa ne pouvait raisonnablement se concevoir sans veiller à rassurer la société calédonienne « sur la possibilité de préserver ses traditions et ses coutumes, de conforter son identité, d’offrir à ses enfants la meilleure éducation, de trouver des perspectives d’emploi sur le territoire, d’y créer une entreprise, d’inventer, d’innover ».
Il a ainsi exprimé, ce que nombre d’interlocuteurs rencontrés par la mission lors de son déplacement ont régulièrement souligné, le fait que la question de l’avenir du territoire ne se posait pas uniquement en termes institutionnels, mais également et peut-être même davantage en termes économiques et sociaux.
Dans cette perspective, la Nouvelle-Calédonie devra poursuivre les efforts engagés afin de former sa jeunesse, notamment kanak, à l’exercice de nouvelles responsabilités. La mission ne peut, sur ce point, qu’insister sur la nécessité de préparer dès à présent le transfert à la Nouvelle-Calédonie de l’enseignement supérieur, afin de garantir aux jeunes calédoniens un haut niveau de formation universitaire. De la même manière, le programme « Cadres avenir », destiné à assurer la formation de cadres moyens et supérieurs, notamment techniques et financiers, devra assurément se prolonger, sous cette forme ou sous une autre, au-delà du terme même de l’Accord de Nouméa.
La mission a eu l’occasion de rencontrer les autorités coutumières, tant au sénat que dans la province Nord ou dans la province des îles Loyauté. De ces échanges, il ressort que la coutume, ou plutôt les coutumes, tant la diversité de cette réalité est grande (58), connaît aujourd’hui une crise manifeste.
La coutume, pour reprendre l’analyse qui en est notamment faite par M. Régis Lafargue (59), « n’est pas réductible à des langues, des danses, des arts et un folklore ». Elle exprime plus largement une « identité personnelle et collective, un ensemble de principes, de manières, d’attitudes, de gestes, de conceptions, qui construisent une façon originale de faire société et qui constituent collectivement une identité unique en son genre ».
Alors même qu’elle assure traditionnellement la cohésion de la société et de l’identité kanak, la coutume, notamment au sein de la jeunesse, semble mal s’accommoder d’un passage rapide à la modernité.
L’isolement et l’enclavement des tribus, conjugués à une diffusion des biens de consommation et des valeurs modernes de la société occidentale, conduisent les jeunes mélanésiens à des réactions de rejet et à un état de frustration, né du manque de moyens matériels dont ils peuvent disposer et de leur désœuvrement, en dépit de formations scolaires qui leur sont offertes. L’attention de la mission a ainsi été portée à plusieurs reprises sur les comportements addictifs – alcool et cannabis principalement – et le nombre élevé de suicides qui touchent cette jeunesse.
Vos rapporteurs estiment que les responsables politiques de la Nouvelle-Calédonie devront définir les moyens susceptibles d’enrayer cette crise née de la difficulté pour les instruments traditionnels de maintien de la cohésion sociale – au premier rang desquels la coutume – de répondre à l’évolution du pays.
De manière plus surprenante, la mission a été également sensibilisée, au cours de ses différents entretiens, à l’inquiétude qui traverse aujourd’hui l’identité « caldoche ». En effet, à l’approche de la consultation sur l’avenir institutionnel du territoire et face à la reconnaissance de la culture kanak, le doute s’est fait jour au sein de la société caldoche sur sa capacité à valoriser sa propre culture. Une attention particulière devra donc être portée, dans le cadre des négociations de l’« après Nouméa », à préserver la confiance placée par chaque communauté dans un destin commun et partagé.
Au plan économique, les difficultés conjoncturelles auxquelles le territoire est confronté – lutte contre la « vie chère », inégalités, pénurie de logement social (cf. supra) – ne pourront être résolues que si la Nouvelle-Calédonie parvient à retrouver le chemin de la prospérité, ce qui passe incontestablement par une meilleure valorisation de la filière du nickel.
En effet, à l’issue de son déplacement, la mission reste convaincue qu’il est impératif pour la Nouvelle-Calédonie de se doter dans les années à venir d’une véritable stratégie industrielle commune aux trois provinces en matière de nickel. La définition d’une telle doctrine constitue, à ses yeux, un préalable indispensable à la résolution de la question institutionnelle.
La Nouvelle-Calédonie compte actuellement trois usines : Koniambo dans la province Nord, Doniambo et Goro dans la province Sud. L’existence de ces sites industriels majeurs sur le territoire calédonien impose une coopération étroite entre l’ensemble des acteurs – que sont La Société Le Nickel (SLN), filiale d’Eramet, la Société Minière du Sud Pacifique (SMSP), associée au groupe suisse Glencore-Xstrata, et la société Vale Nouvelle-Calédonie (VNC) –, pour que la concurrence profite à la Nouvelle-Calédonie dans son ensemble et ne fasse pas, à l’inverse, à son détriment.
Or, lors de son déplacement, la mission a constaté à regret que la très vive concurrence qui existe actuellement entre les trois opérateurs calédoniens, lesquels s’affrontent tant pour disposer des mines de nickel que pour faire prévaloir leur mode de production, conduit à une politique désordonnée d’exploitation du nickel. Alors que l’usine de Koniambo, détenue par la SMSP, a fait le choix d’un projet industriel d’extraction et de valorisation, avant exportation, d’un minerai à faible teneur en nickel, l’usine de Doniambo, propriété de la SLN, repose, pour sa part, sur un schéma d’exportation d’un minerai brut, particulièrement riche en nickel.
Sur le modèle de l’accord de Bercy de 1998, lequel avait résolu la question minière préalablement à la signature de l’Accord de Nouméa, la mission considère qu’il est impératif que la Nouvelle-Calédonie, avant de définir une nouvelle organisation politique, s’engage dès à présent dans une véritable politique industrielle du nickel à l’échelle de son territoire. C’est à ce prix seulement que l’archipel parviendra à mieux répartir et valoriser ses ressources minières. Evidemment, dans ce domaine comme dans bien d’autres, l’État aura un rôle essentiel à jouer, afin d’accompagner la Nouvelle-Calédonie dans la voie de l’émancipation.
C. UN ÉTAT IMPARTIAL, MAIS GARANT DE LA COMMUNAUTÉ DE DESTIN DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE
L’État, signataire comme d’autres de l’Accord de Nouméa, est sans doute le mieux à même de mettre en place les conditions d’un dialogue serein et constructif.
S’il a sa part de responsabilités dans les erreurs passées, il a fortement contribué en 1988, lors de la signature des accords de Matignon-Oudinot, et en 1998 avec l’accord de Nouméa, à dégager des solutions conciliant les points de vue et les intérêts de chacun. Si la voie est souvent étroite, c’est ce rôle essentiel et indispensable que l’État, représenté par le haut-commissaire, doit assumer avec assurance.
Lors de son déplacement, la mission a ainsi entendu des responsables politiques calédoniens de tout bord souhaiter que l’État soit plus actif qu’il ne l’a été à une certaine période. Ils ont notamment souligné que l’État devait continuer à jouer un rôle exemplaire dans l’évolution de la Nouvelle-Calédonie, en veillant au strict respect de l’accord de Nouméa et des équilibres qu’il définit.
À la fois partenaire et aiguillon, l’État devra également prendre toute sa place dans l’élaboration des perspectives futures. Face aux inquiétudes de la population (cf. supra), il lui reviendra d’aider les responsables politiques calédoniens à trouver une formule consensuelle capable de rassurer la société.
Ce rôle de l’État sera d’autant plus important que les tensions politiques seront fortes localement. En effet, si les divergences de vues et les attitudes partisanes venaient à compromettre la définition consensuelle d’une solution de compromis, l’État, qui n’est pas qu’un arbitre mais aussi acteur, ne devrait alors pas s’interdire d’intervenir et de prendre ses responsabilités, en donnant quelques pistes d’orientation, voire en proposant lui-même un chemin conduisant les responsables locaux et nationaux à se mettre d’accord.
Il est indéniable qu’au fil des transferts de compétences, l’État a su adapter sa présence et son organisation, afin de pouvoir exercer pleinement ses missions, tout en veillant à accompagner les institutions de la Nouvelle-Calédonie dans la voie de l’émancipation. Paradoxalement, alors que les compétences de l’État tendent à devenir résiduelles, notamment en matière économique et sociale, la mission observe qu’une forte attente subsiste à son égard. En effet, l’État est aujourd’hui perçu comme un partenaire fiable et impartial.
En définitive, quelle que soit l’organisation institutionnelle qui sera retenue dans le cadre de la sortie de l’Accord de Nouméa, l’État, garant de la communauté de destin de la Nouvelle-Calédonie, restera un partenaire dans la mise en œuvre de cette évolution.
À l’issue de ce panorama qui se veut synthétique, quel bilan tirer des quinze années d’application de l’accord de Nouméa et quelles perspectives tracer pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie ?
La signature de l’Accord de Nouméa, en dotant la Nouvelle-Calédonie d’un cadre institutionnel sans précédent au sein de notre République, a incontestablement créé les conditions d’une paix sociale et d’une stabilité politique, propice au développement économique du territoire. Elle a également permis de renforcer l’image – et au-delà l’influence – de la France dans la région du Pacifique.
Pour autant, à l’aube des échéances majeures qui l’attendent, le territoire est aujourd’hui en pleine mutation économique et sociale, tandis que sa population, qu’elle soit d’origine kanak ou caldoche, est traversée par des questions cruciales quant à son identité et à son avenir.
Dans ces conditions, la démarche réaliste, progressive et consensuelle, qu’avaient adoptée en leur temps les signataires des accords de Matignon puis de Nouméa, devra demeurer une référence au cours du cycle qui va s’ouvrir à compter de l’élection du quatrième congrès en mai 2014.
De ses nombreux entretiens, la mission retiendra que le principal enjeu du processus de l’« après Nouméa » est non seulement de parvenir à la définition d’une nouvelle organisation politique et institutionnelle, qui ne pourra qu’être visionnaire, mais aussi de rassurer une société calédonienne, qui doit avoir confiance en la volonté intangible de ses responsables politiques de construire ensemble ce pays. La réussite de cette entreprise passera par un développement économique et social plus équilibré, seul capable de répondre aux aspirations de la population, en limitant les tensions inhérentes à une société plurielle.
La Nouvelle-Calédonie devra donc une nouvelle fois se réinventer pour mieux s’émanciper. La responsabilité du Parlement, et plus largement celle de l’État, signataires et garants de l’Accord de Nouméa, est de demeurer le témoin attentif et indispensable pour éviter que cette histoire ne se joue à huis clos.
Seule l’émergence d’un nouveau consensus permettra demain aux forces politiques du territoire de poursuivre la communauté de destin, dans laquelle la Nouvelle-Calédonie, sous l’égide de l’État, s’est résolument engagée depuis plusieurs décennies. Cette voie consensuelle n’est certes pas la plus simple à emprunter, mais elle est la plus sage.
Souhaitons que le rapport présenté ici, à sa modeste place, en tirant le bilan de la mise en œuvre du processus de Nouméa et en dressant quelques perspectives d’évolution, contribue, à sa manière, à aider les Calédoniens à trouver ce chemin.
Au cours de sa réunion du mercredi 9 octobre 2013, la Commission procède à l’examen du rapport d’information présenté par MM. Jean-Jacques Urvoas, Dominique Bussereau et René Dosière, rapporteurs.
M. le président Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Mes chers collègues, René Dosière, Dominique Bussereau et moi-même nous sommes rendus en Nouvelle-Calédonie du 2 au 8 septembre dernier. Cette mission était la première de la commission des Lois à se déplacer sur ce territoire depuis treize ans. C’est dire si nous étions attendus en Nouvelle-Calédonie, où des échéances importantes vont intervenir en 2014.
La délégation était composée de telle sorte que puissent être réunis la meilleure expérience et l’œil du néophyte. En effet, René Dosière s’est rendu huit fois en Nouvelle-Calédonie et Dominique Bussereau en était pour sa part à son onzième déplacement dans l’archipel. Tous deux ont été les rapporteurs de très nombreux textes, qui ont jalonné l’évolution de ce territoire. Ce sont d’ailleurs eux qui ont effectué la dernière mission de la commission des Lois en 2000, afin d’évaluer la mise en place des nouvelles institutions prévues par la loi organique de 1999. Mon expérience de ce territoire était, pour ma part, plus récente et ma connaissance en était essentiellement livresque.
Nous avons rencontré l’ensemble des acteurs, politiques, institutionnels, coutumiers, économiques, sociaux et associatifs, soit près de 115 personnes au total. Je voudrais ici les remercier de leur accueil. Il faut également saluer ici le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, le préfet Jean-Jacques Brot, pour son appui dans l’organisation de ce déplacement. Nous leur ferons parvenir naturellement ce rapport, en vue de poursuivre les échanges avec la Commission.
Il faut d’abord rappeler combien l’Accord de Nouméa de 1998 est novateur dans notre système institutionnel et juridique. Après les accords historiques de Matignon-Oudinot en 1988 entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou – deux personnalités d’exception et fédératrices – et le retour de la paix dans ce territoire meurtri, un référendum était prévu dix ans après pour amener les Calédoniens à se prononcer pour ou contre l’indépendance. À la suite des négociations engagées à partir du milieu des années 1990, l’Accord de Nouméa a permis de ne pas organiser ce que Jacques Lafleur qualifiait de « référendum couperet ».
Reconnu par le titre XIII de la Constitution, l’Accord de 1998 a organisé l’autonomie de la Nouvelle-Calédonie sur un mode totalement inédit avec des institutions propres (un gouvernement fondé sur la collégialité, un congrès, trois assemblées de province – Nord, Sud et îles Loyauté –, un sénat coutumier, avec un rôle consultatif central dans la compréhension de la culture kanak), la possibilité de voter des lois du pays dans des domaines législatifs relevant, à la suite de transferts irréversibles de l’État, de la compétence propre de la Nouvelle-Calédonie. C’est un point essentiel ; personne ne pourra jamais y revenir.
Par ailleurs, une citoyenneté calédonienne a été organisée avec un accès prioritaire à l’emploi et le droit de voter aux élections provinciales et aux futures consultations pour les seules personnes arrivées en Nouvelle-Calédonie au plus tard en 1998 et ayant au moins vécu dix ans sur le territoire.
Je crois qu’on ne dira jamais assez combien cet Accord a demandé de sens des responsabilités notamment de la part d’une majorité numérique sur le territoire, majorité qui a accepté de ne pas appliquer le principe majoritaire en gouvernant seule, ce qui aurait pu conduire au pire. L’altruisme, si on doit donner à ce mot un sens, a trouvé à s’appliquer en Nouvelle-Calédonie.
Ce processus d’émancipation de la Nouvelle-Calédonie reconnu par la Constitution a introduit dans notre système institutionnel et juridique – ce qui est trop peu souvent rappelé – une dose de fédéralisme. Avec Guy Carcassonne, on peut ainsi considérer que le titre XIII de notre Constitution comporte finalement, non pas des dispositions transitoires comme son intitulé l’indique, mais une Constitution en soi, celle de la Nouvelle Calédonie. Cela montre que notre pays sait aussi faire preuve d’imagination quand l’essentiel est en jeu. Et cela nous le devons aux Calédoniens.
Ce processus a été rendu possible parce que l’Accord de Nouméa a aussi été un moment de reconnaissance mutuelle de toutes les composantes de l’identité calédonienne, que ce soit l’apport des populations européennes ou celui des premiers habitants du territoire, les Kanak. Cette reconnaissance de l’identité kanak a été un grand pas accompli et pas uniquement par des paroles, mais également par des actes. Je pense notamment à la coutume désormais reconnue et préservée au travers du sénat coutumier, du statut civil coutumier des personnes ou bien encore des terres coutumières – qui représentent 500 000 hectares –, qui sont au cœur du système symbolique kanak.
Depuis près de quinze ans, l’esprit de l’Accord a prévalu, même si des tensions politiques locales, somme toute assez naturelles dans un contexte de compétition démocratique, sont apparues dans les dernières années et, en réalité, depuis 2010. Le territoire a connu la paix, la stabilité ainsi que le développement économique.
Cela étant rappelé, la Nouvelle-Calédonie est maintenant face à des échéances essentielles. Le territoire s’engage dans une étape décisive de son émancipation. 2014 sera une année charnière, puisque le congrès sera renouvelé en mai et c’est à ce congrès qu’il reviendra de décider, à la majorité des trois cinquièmes, d’une date de consultation sur l’accession du territoire à la pleine souveraineté. Cette consultation devra intervenir, en tout état de cause, avant 2019. Si le congrès n’en décide pas ainsi avant cette date, c’est alors au Gouvernement de la République qu’il reviendra d’organiser cette consultation.
La métropole ne peut évidemment pas se désintéresser de ces échéances et la commission des Lois se devait non seulement de mieux comprendre les enjeux qui sont devant nous, mais aussi les difficultés qui pourraient survenir.
Nous avons vu trois grands sujets de préoccupation émerger lors de nos nombreux entretiens.
Le premier correspondant aux risques qui peuvent peser sur la collégialité dans le fonctionnement des institutions calédoniennes. C’est l’esprit de l’Accord de Nouméa : le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, composé de onze membres, ne fonctionne pas selon le principe majoritaire mais selon celui de la collégialité. Or nous avons observé que le poids des rivalités politiques était très lourd aujourd’hui dans un paysage local marqué par une très grande dispersion des forces politiques.
Les accords de Matignon-Oudinot en 1988 avaient été rendus possibles par l’existence de deux grands partis – avec d’un côté le RPCR (Rassemblement pour la Calédonie dans la République) et de l’autre le FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste) – capables de dialoguer ensemble. Cette structuration de la vie politique calédonienne n’existe plus en l’état. Chaque camp apparaît aujourd’hui très divisé, fragmenté, presque morcelé, et aucune personnalité fédératrice n’émerge de part et d’autre. La mission forme le vœu que cette dispersion politique ne pèse pas dangereusement sur l’avenir nécessairement commun des Calédoniens. Les élections provinciales de mai 2014 permettront probablement de clarifier la situation de ce point de vue.
Autre sujet essentiel : les transferts de compétences qui, après avoir pris du retard au départ, se sont accélérés depuis 2011. La Nouvelle-Calédonie est désormais seule compétente dans des domaines importants : outre la fiscalité, compétence plus ancienne, on trouve par exemple l’enseignement primaire et secondaire, la police et la sécurité en matière de circulation aérienne intérieure ou de circulation maritime dans les eaux territoriales.
Les transferts en matière de droit civil, d’état civil et de droit commercial sont effectifs depuis le 1er juillet dernier. En matière de sécurité civile, il faudra attendre le 1er janvier prochain.
La question des ultimes transferts de compétence, prévus à l’article 27 de la loi organique statutaire de 1999, dans des domaines comme les règles relatives à l’administration des provinces, des communes et de leurs établissements publics, l’enseignement supérieur ou la communication audiovisuelle reste en suspens, faute de demande en ce sens de la part du congrès.
D’un point de vue général, les transferts de compétence se sont bien déroulés, mais nous avons tout de même observé qu’une fois ces compétences transférées, des pans entiers du droit n’évoluaient plus, pour certains depuis des années, ce qui est curieux et même préjudiciable aux Calédoniens. Il s’agit par exemple du droit des assurances, qui n’a pas évolué depuis son transfert en 1989. De même, on peut s’étonner qu’il n’existe toujours pas de service de la législation fiscale en Nouvelle-Calédonie, alors même qu’elle jouit de la peine autonomie en ce domaine.
Nous sommes particulièrement préoccupés par la question du transfert de la compétence « sécurité civile » qui doit intervenir le 1er janvier 2014. La préparation de ce transfert a pris beaucoup de retard et aucun choix – en dépit de ce qui a pu nous être dit ici ou là – n’a été opéré à ce jour sur la future organisation territoriale des services d’incendie et de secours. C’est d’autant plus préoccupant que le territoire est confronté à des risques naturels et industriels majeurs. Il y a, en effet, au cœur de Nouméa, des usines qui ne permettent pas de réduire la question de la sécurité civile en Nouvelle-Calédonie à une simple question d’incendies ou de pompiers.
Or, la bonne organisation de ces transferts et surtout l’exercice plein et entier de ces nouvelles compétences pour la Nouvelle-Calédonie sont la condition sine qua non de son processus d’émancipation.
Deuxième sujet de préoccupation de vos rapporteurs : le contexte économique et social. Si la Nouvelle-Calédonie a connu, ces huit dernières années, des taux de croissance très soutenus avec l’exploitation du nickel – ressource importante du territoire – et la construction de l’usine Koniambo de la province Nord – que nous avons eu la chance de visiter et qui a vu près de 6 000 personnes participer à sa construction permettant ainsi de maintenir le taux de chômage de la province à un niveau très bas –, les inégalités restent bien plus fortes qu’en métropole ou que dans les départements d’outre-mer et les perspectives économiques sont inquiétantes avec la baisse des cours du nickel.
La société calédonienne est également en proie à un phénomène de « vie chère », qui a conduit à douze jours de grève générale en mai dernier. Il a fallu l’implication du haut-commissaire pour qu’un accord soit trouvé pour geler les prix de certains produits. Il est d’ailleurs paradoxal de voir que l’État a joué un rôle essentiel dans ce domaine ; alors qu’il n’a pourtant plus guère de compétence économique ou sociale.
Le fait que les négociations sur la « vie chère » se soient tenues au Haut-commissariat souligne combien l’État, par son représentant, est devenu un acteur à la fois extérieur et central et démontre qu’il aura un rôle à jouer pour garantir l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.
Il ne faudrait cependant pas que la dégradation de la situation économique et donc sociale ait des conséquences sur la stabilité du territoire à l’heure d’échéances importantes.
Notre mission sur place nous a convaincus qu’il était temps d’ouvrir un nouveau cycle pour bâtir une solution durable, qui sera garante de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.
L’Accord de Nouméa signé en 1998 pour une période de vingt ans fixe lui-même les conditions dans lesquelles les citoyens calédoniens seront amenés à s’exprimer sur l’avenir politique et institutionnel de l’archipel. Sans entrer dans les détails de ce mécanisme : il faut rappeler qu’on pourrait aller jusqu’à trois consultations successives pour décider si oui ou non la Nouvelle-Calédonie accédera à la pleine souveraineté, terme qui recouvre un transfert des compétences régaliennes aujourd’hui exercées par l’État, l’accès à un statut international de pleine responsabilité – à savoir un siège à l’Organisation des Nations unies (ONU) – et l’organisation de la citoyenneté en nationalité.
Notre sentiment est que nous allons entrer dans un cycle de négociations dont l’issue pourrait, le cas échéant, constituer un nouveau compromis entre tous les Calédoniens sur leur avenir, comme ce fut le cas en 1998.
Un document nous y aidera. Il s’agit du rapport de M. Jean Courtial, conseiller d’État, et de M. Ferdinand Melin-Soucramanien, professeur à l’université de Bordeaux IV, qui se sont vus confier, en 2011, par le Premier ministre François Fillon, une mission de réflexion confirmée depuis lors, en juillet 2012, par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault.
Leur rapport – qui sera rendu public dans les tout prochains jours – va ouvrir le champ des possibles en déclinant des scénarios juridiques et institutionnels intéressants allant de l’indépendance pure et simple à des régimes de souveraineté extrêmement avancés tout en maintenant un lien avec la France.
Au-delà de l’organisation institutionnelle proprement dite, d’autres questions ne manqueront pas de se poser, qu’il s’agisse de la clé de répartition entre les provinces – règle interne d’équilibre – ou bien de la revalorisation du sénat coutumier. Ces différentes questions feront – nous l’espérons – l’objet d’un compromis global entre les acteurs concernés.
Nombre de nos interlocuteurs ont émis le vœu qu’une réflexion puisse aussi s’engager sur les conditions dans lesquelles quelques adaptations pourraient être apportées à la définition du corps électoral, question très sensible aujourd’hui. À ce jour, mes collègues et moi constatons que le « gel » du corps électoral a fait l’objet, le 20 février 2007, d’une révision de la Constitution.
Quels que soient les choix institutionnels et politiques qui seront faits demain et sur lesquels il ne nous revient pas de nous prononcer, nous restons convaincus qu’il ne faut pas hésiter, comme en 1998, à être visionnaire et à faire confiance aux hommes et aux femmes de bonne volonté.
En conclusion, ce qui nous a profondément marqués lors de notre déplacement et ce que cherche à traduire notre rapport, c’est le besoin des Calédoniens de savoir où ils allaient et d’être rassurés sur leur avenir. Ils nous semblent tout à fait prêts à prendre leurs responsabilités, comme ils le font depuis 1988, mais peut-être moins enclins que leurs responsables politiques à s’attarder sur les questions institutionnelles ou sur le jeu politique. Il m’a semblé – et je sais que mes collègues partagent ce sentiment – qu’ils étaient plus préoccupés par les questions économiques, sociales, culturelles.
Nous espérons que ce rapport contribuera à aider nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie à « défricher » ce chemin dans les cinq ans qui viennent. En tout cas, la commission des Lois restera attentive à la situation de ce territoire dans les mois et les années qui viennent.
C’est en effet la responsabilité du Parlement, et plus largement celle de l’État, signataires de l’Accord de Nouméa, de demeurer le témoin vigilant et indispensable pour éviter que cette histoire ne se joue à huis clos. C’est d’ailleurs en substance ce que le président de l’Assemblée nationale à rappeler hier soir aux signataires de l’Accord de Nouméa et aux élus calédoniens, qu’il avait réuni à l’occasion des vingt-cinq ans des accords de Matignon-Oudinot.
M. Dominique Bussereau, rapporteur. Le souci qui a été le nôtre en permanence, lors de notre déplacement, a été un souci de consensus.
Je rappellerai pour ceux qui sont peut-être trop jeunes dans cette Commission pour s’en souvenir qu’au moment de ce qu’il est aujourd’hui convenu d’appeler les « événements », entre 1986 et 1988, les réalités calédoniennes faisaient alors l’objet de débats très rudes tant à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Au cours de notre déplacement sur le territoire, nous avons rendu hommage au sénateur Dick Ukeiwé, qui venait de disparaître. Il fut l’un des acteurs de ce consensus, dont je souhaite qu’il puisse aujourd’hui se poursuivre entre les grandes formations politiques républicaines. Ce consensus est, en effet, garant de la poursuite de l’évolution de la Nouvelle-Calédonie dans la paix civile et dans son lien avec la République.
Je partage les observations qui viennent d’être faites par notre président, Jean-Jacques Urvoas, tant sur le fonctionnement collégial des institutions calédoniennes que sur les transferts de compétences.
S’agissant tout d’abord de la collégialité, nous avons constaté qu’elle ne jouait plus pleinement son rôle dans le fonctionnement du gouvernement, en dépit de la bonne volonté de ses membres. Ce fonctionnement collégial n’est pas simple dans un petit territoire, de la taille d’un département. Il en irait d’ailleurs vraisemblablement de même si ce principe s’appliquait aux départements et régions de métropole.
S’agissant ensuite des transferts de compétences, il ressort de notre déplacement que leur organisation est un peu décevante.
Trop souvent, les transferts ont été réalisés pour eux-mêmes, sans que, dans le même temps, ne suivent les moyens – notamment financiers – pour permettre à la Nouvelle-Calédonie d’assumer ces compétences, qui restent parfois « virtuelles ».
En outre, une fois ces transferts réalisés, les moyens restant à la disposition du Haut-commissariat sont souvent dérisoires pour permettre à l’État d’assumer ses missions et, à ce titre, d’accompagner la Nouvelle-Calédonie dans l’exercice de ses nouvelles compétences.
Dans ces conditions, les transferts peinent à se traduire par une meilleure qualité de service rendu aux Calédoniens et suscitent même de leur part certaines inquiétudes d’autant plus légitimes que les moyens ne sont pas au rendez-vous. En matière de sécurité civile, il n’y a, à ma connaissance, aucun colonel de pompier recruté à ce jour pour permettre l’exercice effectif de cette compétence au 1er janvier 2014.
Je souhaiterai également formuler deux observations personnelles.
La première concerne l’organisation d’un référendum à l’issue du processus de l’Accord de Nouméa. Ce référendum devra, à mon sens, être le couronnement d’une solution consensuelle et acceptée par tous localement, plutôt que se résumer à un affrontement opposant les uns aux autres « pour » ou « contre » l’indépendance.
La seconde concerne le « gel » du corps électoral. Ce dernier, s’il a permis d’éviter certains déséquilibres dans la représentation politique des Calédoniens, conduit aujourd’hui à exclure des gens qui sont installés depuis très longtemps en Nouvelle-Calédonie, qui y vivent avec leur famille, qui y travaillent et y investissent. Si l’histoire du territoire a justifié ce « gel » du corps électoral, cette histoire est parfois difficile à expliquer aux jeunes générations.
Je ferai enfin un point sur la situation économique du territoire et sur son impact éventuel sur la sortie de l’Accord de Nouméa.
En effet, après des taux de croissance à faire envier la métropole, l’économie calédonienne tend aujourd’hui à se ralentir, notamment sous l’effet des cours à la baisse du nickel. Si ce marché évolue traditionnellement de manière cyclique, ma crainte est qu’il se stabilise à l’avenir à un niveau structurellement faible en raison de l’émergence de nouveaux producteurs, au nombre desquels figure la Chine, et qu’il remette en cause le « miracle » calédonien.
Or, je reste pour ma part convaincu que l’issue politique de l’Accord de Nouméa sera d’autant plus difficile que le contexte économique du territoire sera structurellement fragile.
M. René Dosière, rapporteur. Je partage entièrement les points de vue exprimés par le président Jean-Jacques Urvoas et par M. Dominique Bussereau, mais je voudrais insister sur un point supplémentaire qu’ils n’ont pas évoqué. Depuis les accords de Matignon, et notamment depuis l’Accord de Nouméa, il y a eu au sein de notre Assemblée un consensus pour ne pas faire de la Nouvelle-Calédonie un enjeu de politique nationale. Ceci a été possible grâce au consensus qui existait en Nouvelle-Calédonie.
Cependant, il est évident que, si le consensus néo-calédonien a tendance à se fragiliser un peu, il existe un risque que des positions extrêmes soient prises – d’un côté comme de l’autre – avec pour conséquence de prendre la Nouvelle-Calédonie en otage. Le dossier néo-calédonien doit donc être suivi attentivement, afin de ne pas aboutir à une situation dans laquelle la Nouvelle-Calédonie deviendrait un enjeu de politique nationale.
M. Sébastien Denaja. En prenant connaissance du programme de travail particulièrement dense des trois rapporteurs, je tiens à saluer la qualité du travail qu’ils ont accompli. L’expression ciselée de chacun d’entre eux montre à quel point ce débat doit être pris avec beaucoup de précaution.
Le gouvernement collégial de la Nouvelle-Calédonie est unique au monde et ne pourrait être comparé qu’au gouvernement d’Afrique du Sud qui a existé dans la période transitoire ayant suivi la fin de l’apartheid.
Le rapport souligne l’originalité de la solution retenue aujourd’hui en Nouvelle-Calédonie, mais aussi la nécessaire originalité dont il faudra de nouveau faire preuve pour trouver une solution permettant de sortir de l’accord de Nouméa.
Je souhaite également insister sur la nécessité de rassurer la population, compte tenu notamment de la fragilité économique de la Nouvelle-Calédonie.
Le rapport insiste sur le rôle que l’État doit jouer dans la définition de l’avenir institutionnel du territoire, mais je considère que la République doit aussi se saisir de cette question : sans que la Nouvelle-Calédonie devienne un enjeu de politique nationale, il est possible et souhaitable que la question de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie ne soit pas uniquement posée par des Calédoniens à des Calédoniens.
Enfin, je m’interroge sur la question de savoir s’il ne faudrait pas, pour rassurer la population, accélérer l’histoire, car la population calédonienne ne souhaite pas forcément attendre 2019 pour être fixée sur son avenir.
M. Bernard Lesterlin. Je souhaite également féliciter les rapporteurs pour la qualité de leur travail consensuel. Le sujet dont nous débattons aujourd’hui est un sujet sur lequel la France n’est habituellement pas très bonne. Je veux parler du fait qu’à trois heures de la dernière commission mixte paritaire sur le dernier projet de loi organique et qui va procéder aux derniers transferts de compétences à la Nouvelle-Calédonie avant les échéances prévues par l’accord de Nouméa, il est regrettable que la construction d’un État de droit capable de fonctionner correctement ne soit toujours pas finalisée. Or, il est indispensable, dans un esprit de consensus, de rassurer la population sur le fait que la France ne se trouve pas dans un état d’esprit de « largage », mais bien d’accompagnement de la Nouvelle-Calédonie.
Nous n’avons pas à être si fiers de ce qui s’est passé dans les années 1960, 1970 ou 1980 dans certains territoires qui étaient alors français. Je pense par exemple aux Nouvelles-Hébrides devenues Vanuatu. Nous constatons que l’influence australienne y est plus forte que l’influence française. Nous n’avons pas à donner de leçons, mais, bien au contraire, nous devons tirer les leçons de nos insuffisances et de nos échecs lors des passages de certains territoires d’une situation institutionnelle à une autre.
Notre rôle est de rassurer et d’accompagner la Nouvelle-Calédonie, sous peine de reproduire ce que nous avons mal fait par le passé, en n’accompagnant pas suffisamment les transitions et en devant procéder ensuite par substitution. Nous avons une responsabilité historique pour accompagner cet État émergent, quelle que soit la solution institutionnelle qui sera retenue par le peuple en Nouvelle-Calédonie, par le collège électoral défini par la loi.
À M. Dominique Bussereau, je souhaite dire qu’il ne faut pas inquiéter la population sur la question du référendum : il y aura bien un référendum, qui devra être préparé et construit dans un esprit de consensus.
Enfin, ne faudrait-il pas réfléchir dès maintenant à la façon dont la France devra accompagner la Nouvelle-Calédonie, quel que soit le cadre institutionnel décidé par les Calédoniens ? Cela permettrait d’éviter que la France ne soit à nouveau considérée comme le « mouton noir » que l’on viendra chercher pour régler des problèmes qui ne l’auront pas été lors de la phase de transition institutionnelle. L’État français a envie de réfléchir à la façon de mettre en place cet accompagnement d’un État en émergence – sans se substituer à lui –, pour faire en sorte que le changement institutionnel ne se traduise pas par un recul économique pour ceux qui sont encore – il faut le rappeler – nos compatriotes.
M. Philippe Gomes. Je remercie vivement les trois coauteurs de ce rapport, pour la qualité de leurs observations et de leurs analyses, leur travail considérable, mais aussi pour leurs capacités d’écoute sur le terrain. À l’image du général de Gaulle qui partait pour l’« Orient compliqué » avec des « idées simples », les auteurs du rapport se sont rendus dans une « Nouvelle-Calédonie compliquée » avec, pour chacun, une solide expertise – qu’elle soit « de terrain » ou davantage « livresque ». C’est d’ailleurs la première fois depuis dix ans que des députés de la commission des Lois foulaient le sol néo-calédonien. Compte tenu de l’éminence des choix qui s’offriront prochainement à la Nouvelle-Calédonie, il était indispensable que la représentation nationale fasse entendre sa voix.
Un acquis essentiel du préambule de l’Accord de Nouméa mérite d’être rappelé : la reconnaissance de deux légitimités qui se sont opposées, l’une issue du peuple kanak présent depuis 3000 ans – qui, rappelle l’Accord, a été colonisé et repoussé « aux marges géographiques, économiques et politiques » de son propre pays, son patrimoine artistique, ses langues ayant été niés –, l’autre issue des « nouvelles populations » qui, pendant 160 ans, sont venues s’installer à la fin du XIXe siècle et au cours du XXe siècle dans le cadre de la colonisation pénale ou libre ou des besoins de main-d’œuvre. Ces populations étaient d’origine asiatique, européenne, wallisienne, futunienne, polynésienne. L’accord constate que ces deux populations ont acquis une légitimité à vivre en Nouvelle-Calédonie et à contribuer à son développement. Il appartient désormais à ces deux peuples de conjuguer leur légitimité pour construire un destin commun. En témoigne, par exemple, le fait que toutes les personnes inscrites sur les listes électorales avant le 31 décembre 1998, quelle que soit leur couleur de peau, pourront participer au référendum sur l’accession à l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie.
Par ailleurs, la crise de 2011 et ses « miasmes » actuels n’est pas caricaturale. Elle a été provoquée par la levée des deux drapeaux, celui de la République française et celui du FLNKS, et elle continue de produire ses effets aujourd’hui. Cette crise, à laquelle l’État a d’ailleurs été partie prenante avec le Premier ministre lui-même, M. François Fillon intervenant alors, trouve ses racines dans l’absence de respect de l’Accord de Nouméa. Ce dernier prévoit, en effet, que des signes identitaires du pays – notamment son drapeau – « devront être recherchés en commun pour exprimer l’identité kanak et le futur partagé entre tous » et que cela nécessite une loi du pays, votée à la majorité des trois cinquièmes du congrès. Ces prescriptions n’ont, à l’évidence, pas été suivies. Si ce drapeau, qui n’a pas été « recherché en commun », incarne l’identité kanak, en tout cas pour sa partie indépendantiste, il est plus compliqué d’affirmer qu’il incarne un futur partagé pour toute la population et il est certain qu’il n’a pas été choisi à l’issue du vote d’une loi du pays. C’est ce qu’a par exemple constaté le Palika de M. Paul Néaoutyine, ce qui montre bien que la question du drapeau dépasse la simple opposition entre « indépendantistes » et « non-indépendantistes ». C’est une affaire de vision de l’application de l’Accord de Nouméa.
Les « miasmes » de cette crise mettent aujourd’hui à l’épreuve le caractère collégial du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. La collégialité, prévue dans l’Accord de Nouméa, vise à contourner le fait majoritaire, en associant les indépendantistes au gouvernement. Cela nécessite un effort de chacun. Or, en 2011, la répartition des portefeuilles ministériels n’a, pour la première fois, pas recueilli l’unanimité des forces politiques, le consensus n’ayant pas été suffisamment recherché. Cette situation pose problème dans le fonctionnement gouvernemental au quotidien, dès lors que chaque ministre, en plus de disposer d’un portefeuille spécifique, doit participer à l’ensemble des prises de décision relevant de la compétence du gouvernement. Aucun membre du gouvernement ne peut prendre de décisions individuellement.
Une autre question, qui sera évoquée lors du prochain Comité des signataires, porte sur les transferts de compétences. La quasi-totalité des transferts programmés a désormais été réalisée, à l’exception des compétences énumérées à l’article 27 de la loi organique de 1999 : enseignement supérieur ; contrôle de légalité des provinces, des communes et de leurs établissements publics, régime comptable et financier des collectivités ; communication audiovisuelle. Les transferts en question obéissent à une procédure spécifique, qui suppose une modification de la loi organique, à la suite d’une résolution en ce sens du congrès qui demande à l’État l’organisation de ces transferts. Pour l’instant, ce dernier n’a émis aucun vœu en ce sens.
En revanche, il est inexact d’affirmer, comme le fait le projet de rapport d’information, que ce transfert de compétences « est la condition sine qua non pour que la question de [l’] accès à la pleine souveraineté puisse être posée ». On pourrait certes en faire un préalable politique, mais certainement pas une condition juridique : comme le confirme le récent rapport sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie de MM. Jean Courtial et Ferdinand Melin-Soucramanien, la question des transferts de compétences ne saurait faire obstacle, en soi, à la mise en œuvre de l’Accord de Nouméa.
Un autre sujet à régler à l’avenir est la clé de répartition du budget de la Nouvelle-Calédonie. Celui-ci est actuellement réparti à parts approximativement égales entre la province Nord et la province Sud, alors que la première ne regroupe que le quart de la population. Cette répartition discriminatoire, pour nécessaire qu’elle soit, devra être revue, à l’aune de l’évolution de la démographie et des dépenses des provinces. Il faut rappeler que, depuis une vingtaine d’années, plus de 250 milliards de francs CFP ont été transférés du Sud vers le Nord.
Par ailleurs, la lutte contre la « vie chère » devrait prochainement bénéficier de nouveaux outils, prévus dans le projet de loi organique actualisant la loi organique de 1999, en cours de discussion au Parlement. Rappelons que le Big Mac qui sert communément d’indice de référence pour comparer les prix entre différents pays est, en Nouvelle-Calédonie, le cinquième plus cher du monde ! Une autorité de la concurrence semblable à celle existant au plan national disposera bientôt de pouvoirs d’enquête et de sanction, afin de lutter contre les situations monopolistiques et duopolistiques. En mettant en œuvre la nouvelle loi du pays relative à la concurrence en Nouvelle-Calédonie, jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel le 1er octobre dernier, cette nouvelle autorité administrative indépendante pourra même aller plus loin que l’Autorité nationale de la concurrence – dont les compétences sont limitées par le droit de l’Union européenne. Elle pourra, par exemple, prononcer des injonctions à l’encontre d’entreprises détenant, dans une certaine zone, une part de marché dépassant 25 %.
Enfin, à plus long terme, il nous faut préparer les voies de sortie de l’Accord de Nouméa. C’est d’ailleurs l’objet du comité de pilotage mis en place en 2010, qui doit « approfondir les éléments de discussion dans la perspective de la consultation prévue après 2014 ». Si l’on s’en tient à l’Accord de Nouméa, la question de l’accès à l’indépendance – qui, formellement, prendrait la forme de trois sous-questions aux enjeux étroitement liés – pourrait faire l’objet au total, en cas de réponse négative des votants, de trois référendums (en 2018, 2020 et 2022). Après trois réponses négatives, l’Accord de Nouméa stipule que « les partenaires politiques se réuniront pour examiner la situation ainsi créée ». L’ensemble de ce dispositif n’est pas opérationnel ; tout le monde en convient à mots plus ou moins couverts : quel que soit le choix qui sera finalement retenu, des mesures juridiques de transition apparaissent indispensables. Si la consultation conclut à l’accès à la pleine souveraineté, que se passe-t-il ? Quelle indépendance ? Quelle organisation des pouvoirs publics ? Quel lien avec la France ? Si oui, de quelle nature ? Qui sont alors les nationaux ? Quel régime des libertés publiques ? C’est alors un double saut dans le vide. D’un point de vue plus politique, ce dispositif présente également l’inconvénient, par son côté manichéen, d’aboutir à opposer un camp des vainqueurs à un camp des vaincus à l’instar du « référendum Pons » de 1987 – qui posait la question : oui ou non à l’indépendance ? – boycotté par les indépendantistes et qui fut, quelque mois plus tard, suivi par les événements d’Ouvéa.
C’est pourquoi d’autres voies de sortie de l’Accord de Nouméa doivent être recherchées. La première, quelque peu illusoire, serait celle dite de la « solution consensuelle » entre les différents partenaires politiques, qui passerait par une révision de la Constitution et une consultation par référendum. La seconde, qui a ma préférence, serait celle d’un « référendum éclairé », consistant à clairement définir les projets alternatifs proposés – prévoyant l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie ou son maintien dans la République française – et à soumettre ce choix au vote. Une révision constitutionnelle serait alors aussi nécessaire car on modifierait l’Accord de Nouméa.
Ces questions devront être abordées après les prochaines élections de mai 2014 par l’ensemble des forces politiques, avec la participation de l’État qui doit être proactif et pas un spectateur. Ces élections seront l’occasion de clarifier l’état des rapports de force. On verra alors deux légitimités en présence l’une de l’autre : la légitimité historique des partenaires politiques qui ont été signataires des accords de Matignon et de Nouméa et la légitimité démocratique issue du suffrage universel. En ce qui me concerne j’estime que cette dernière légitimité doit être particulièrement prise en considération. Car en tout état de cause, c’est au nouveau congrès qu’il reviendra de décider, à la majorité des trois cinquièmes – des élus issus du suffrage universel – d’une éventuelle consultation par référendum avant 2018.
M. Paul Molac. Je salue la grande expertise de notre collègue Gomes, dont les propos nous permettent d’avoir une bonne connaissance des réalités du territoire calédonien. Je note aussi avec bonheur le consensus qui a présidé aux travaux de nos trois rapporteurs.
Dans l’histoire, la République française a longtemps été plus encline à envoyer les régiments de la Coloniale que des négociateurs et, sans revenir sur Sétif ou Madagascar, il y a eu des épisodes de notre histoire dont nous n’avons pas à être fiers collectivement. Je rejoins notre collègue Bernard Lesterlin qui soulignait l’importance des années 1960 dans l’amorce du processus en Nouvelle–Calédonie.
On ne peut que louer le consensus qui se fait jour aujourd’hui ; c’est évidemment aux Calédoniens de construire leur destin, mais il revient à la métropole de les accompagner, dans l’intérêt des populations.
J’ai été surpris de la récente résolution de l’ONU qui demandait à la France de décoloniser la Polynésie française… On voit bien les retentissements internationaux de cette problématique dans le Pacifique.
Le louable processus suivi par l’État en Nouvelle–Calédonie, marqué par la prise en considération des souhaits de la population, tranche très singulièrement avec l’autisme inquiétant dont il semble faire preuve en métropole : lorsque les Basques demandent la création d’un département basque, ce qui relève d’une simple modification de l’organisation administrative – une structure que je trouve d’ailleurs pour ma part assez dépassée –, ils se heurtent à une fin de non-recevoir ; lorsque M. Pierre Joxe, alors ministre de l’Intérieur, a voulu inscrire dans la loi que « le peuple corse fait partie intégrante du peuple français », il s’est heurté à la censure du Conseil constitutionnel ; et la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires n’est toujours pas signée par la France… Quel contraste avec l’ouverture d’esprit qui préside au processus calédonien.
Il est urgent de faire sauter ces verrous constitutionnels et de reconnaître enfin les peuples qui composent la République, ce qui se traduira par un enrichissement !
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Vous savez, M. Molac, que vos propos reçoivent un écho favorable d’un grand nombre de membres de la commission des Lois. Sur les spécificités de la Nouvelle–Calédonie, je vous renvoie aux récents propos de Michel Rocard, qui me semblent parfaitement résumer la situation : « il est toujours plus difficile de faire la paix que de faire la guerre ». Il faut remercier ceux qui ont osé à l’époque le faire et encourager la génération actuelle à poursuivre l’effort.
La Commission autorise à l’unanimité le dépôt du rapport d’information.
ANNEXE N° 1 :
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS
EN NOUVELLE-CALÉDONIE DU 2 AU 8 SEPTEMBRE 2013
• Haut-commissariat de la République :
– M. Jean-Jacques BROT, haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie ;
– M. Paul Marie CLAUDON, directeur de cabinet ;
– M. Pascal GAUCI, secrétaire général ;
– M. Michel SALLENAVE, commissaire délégué de la République pour la province Nord ;
– M. Éric VRIGNAUD, commissaire délégué de la République pour la province des Îles Loyauté.
• Parlementaires de la Nouvelle-Calédonie :
– M. Philippe GOMES, député de la 2e circonscription ;
– M. Pierre FROGIER, sénateur de la Nouvelle-Calédonie ;
– M. Hilarion VENDEGOU, sénateur de la Nouvelle-Calédonie.
• Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie :
– M. Harold MARTIN, président ;
– M. Gilbert TUYIENON, vice-président ;
– Mmes Sylvie ROBINEAU et Sonia BACKES, membres du gouvernement.
• Congrès de la Nouvelle-Calédonie :
– M. Rock WAMYTAN, président du congrès ;
– Mme Ilaïsaane LAUOUVÉA, présidente de la commission permanente.
• Assemblées de province :
– Mme Cynthia LIGEARD, présidente de l’assemblée de la province Sud ;
– M. Paul NÉAOUTYINE, président de l’assemblée de la province Nord ;
– M. Néko HNEPEUNE, président de l’assemblée de la province des Îles Loyauté.
• Sénat coutumier :
– M. Paul VAKIÉ, président.
• Élus locaux :
– M. Jean LÈQUES, maire de Nouméa, signataire de l’accord de Nouméa ;
– M. Joseph GOROMIDO, maire de Koné ;
– Mme Ghislaine ARLIE, présidente de l’association française des maires de Nouvelle-Calédonie ;
– M. André GOPOEA, président de l’association des maires de Nouvelle-Calédonie.
• Formations politiques représentées au congrès de la Nouvelle-Calédonie :
Délégation de l’Union Calédonienne (UC) :
– M. Daniel GOA ;
– M. Gilbert TYUIENON ;
– M. Gérard RÉGNIER ;
– M. Carole MACHORO ;
– M. Damien YEIWENE ;
– M. Christian TEIN.
Délégation de Calédonie Ensemble :
– Mme Sonia LAGARDE ;
– M. Philippe MICHEL ;
– Mme Hélène IEKAWÉ ;
– M. Philippe DUNOYER ;
– M. Léonard SAM ;
– Mme Corinne DAVID.
Délégation du Parti Travailliste :
– M. Louis Kotra UREGEI ;
– Mme Marie-Pierre GOYETCHE ;
– M. Jacques WABETE ;
– M. Pierre CHAUVAT.
Délégation de Libération kanak socialiste (LKS) :
– M. Nidoïsh NAISSELINE ;
Délégation du Rassemblement-UMP (RUMP) :
– M. Pierre FROGIER ;
– Mme Cynthia LIGEARD ;
– Mme Léontine PONGA ;
– Mme Virginie RUFFENACH ;
– M. Bernard DELADRIÈRE ;
– M. Pierre MARESCA ;
– M. Thierry SANTA.
Délégation du Mouvement Populaire Calédonien (MPC) :
– M. Gaël YANNO ;
– Mme Sonia BACKES ;
– M. Gil BRIAL ;
– Mme Alexandra MALAVAL-CHEVAL ;
– M. Shonu WAYARIDRI.
Délégation de l’Union nationale pour l’indépendance (UNI) :
– M. Charles WASHETINE ;
– Mme Déwé GORODEY ;
– M. Adolphe DIGOUÉ.
Délégation du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) :
– M. Gérard REIGNIER ;
– M. Didier POIROI ;
– M. Charles WASHETINE ;
– M. Johannès VAKIE ;
– M. Victor TUTUGORO ;
– M. Jean CREUGNET ;
– M. Alosio SAKO ;
– M. Yvon FAUA.
Délégation de l’Avenir Ensemble – Le mouvement de la diversité (LMD) :
– M. Pascal VITTORI ;
– M. Didier LEROUX ;
– M. Isabelle OHLEN ;
– Mme Gentiane GUION ;
– M. Lionel BRINON.
• Organisations syndicales de salariés représentatives de Nouvelle-Calédonie :
Union des syndicats ouvriers et employés de Nouvelle-Calédonie (USOENC) :
– M. Trevor UNDERWOOD ;
– M. Terono MANATE.
Fédération des syndicats des fonctionnaires, agents et ouvriers de la fonction publique (FSFAOFP) :
– M. David MEYER ;
– M. Joao d’ALMEIDA.
Union territoriale de la confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (UT-CFE/CGC) :
– M. Christophe COULSON ;
– M. David SZYMANSKI.
Confédération générale des travailleurs (COGETRA) :
– M. Thierry PAPON ;
– M. Mariano MULIAKAAKA.
Confédération syndicale des travailleurs de Nouvelle-Calédonie (CSTNC) :
– M. Tony DUPRE ;
– M. Jean-Michel OTHUS.
Union syndicale des travailleurs kanaks et exploités (USTKE) :
– M. Jacques WAHNYAMALLA ;
– M. Kazé MAMIO.
• Organisations patronales :
Mouvement des entreprises de France (MEDEF) :
– M. Jean-François BOUILLAGUET ;
– M. Dominique LEFEIVRE ;
– M. Hugo RAAB.
Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME) :
– Mme Monique JANDOT ;
– Mme Nathalie BIRAC-TURCON ;
– M. Xavier BENOIST.
Union professionnelle artisanale (UPA) :
– M. Jean-Louis LAVAL ;
– M. Dan SAMOKINE.
• Représentants des services judiciaires en Nouvelle-Calédonie :
– M. Thierry DRACK, premier président de la cour d’appel de Nouméa ;
– M. Daniel RODRIGUEZ, juge au tribunal de première instance de Nouméa, chargé du service de la section détachée de Koné ;
– M. Gauthier POUPEAU, juge au tribunal de première instance de Nouméa, chargé du service de la section détachée de Lifou ;
– M. Christian MERCIER, directeur des services pénitentiaires au centre pénitentiaire de Nouméa.
• Représentants des forces de sécurité en Nouvelle-Calédonie :
– Colonel Jean-Philippe GUÉRIN, commandant de la gendarmerie pour la Nouvelle-Calédonie ;
– M. Francis ROTA, commissaire divisionnaire, directeur de la sécurité publique ;
– M. Bernard BLONDIN, directeur de la police aux frontières.
• Services de renseignements :
Service d’information générale de Nouvelle-Calédonie :
– M. Guy GASAN, adjoint au directeur ;
– M. Mathieu LE DUFF, chef du service d’information générale des îles Loyauté.
Service du renseignement intérieur de Nouvelle-Calédonie :
– M. Frédéric EJARQUE, commissaire divisionnaire, directeur du service du renseignement intérieur de Nouvelle-Calédonie ;
– M. Philippe COUDENE, adjoint au directeur ;
– Mme Ludivine ROMAIN, chef de groupe opérationnel.
• Université de Nouméa :
– M. Gaël LAGADEC, président de l’université de Nouméa ;
– M. Dominique BARBE, maître de conférences en sciences humaines et sociales ;
– M. Mathias CHAUCHAT, professeur des universités, agrégé de droit public ;
– M. Guy AGNIEL professeur de droit public ;
– M. Étienne CORNUT, docteur en droit international privé ;
– M. Jean-Marc BOYER, maître de conférences en physique ;
– M. Bernard GRAND, professeur agrégé ;
– Mme Sonia FAESSEL, maître de conférences en lettres modernes ;
– Mme Isabelle DAURIAC, professeure agrégée de droit privé ;
– Mme Yannick LERRANT, maître de conférences en physiologie animale ;
– Mme Kristina CHALIOT, docteur en droit public.
• Tribunal administratif de Nouméa :
– M. Alain LEVASSEUR, président.
• Chambre territoriale des comptes de Nouvelle-Calédonie :
– Mme Marie-Ange GERBAL, première conseillère ;
– M. Thomas GOVEDARICA, premier conseiller ;
– M. Philippe PONT, premier conseiller.
• Autres personnalités :
– M. André DANG, président-directeur général de la société minière du Sud Pacifique (SMSP) ;
– Mmes Anne PITOISET et Claudine WERY, journalistes, auteures du livre Un destin hors du commun (2012).
ANNEXE N° 2 :
PROGRAMME DE LA MISSION EN NOUVELLE-CALÉDONIE
DU 2 AU 8 SEPTEMBRE 2013
LUNDI 2 SEPTEMBRE 2013
7 h 15 : |
Atterrissage à l’aéroport de la Tontouta. |
Puis installation à la résidence du haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie. | |
10 h 00 : |
Réunion de travail avec le haut-commissaire et ses collaborateurs, sur les thèmes suivants : – Bilan et perspectives sur les transferts de compétences ; – Travaux menés en matière électorale ; – Situation du centre pénitentiaire ; – Situation de la filière industrielle du nickel ; – Déploiement des forces de sécurité (police et gendarmerie) en Nouvelle-Calédonie. |
12 h 30 : |
Déjeuner à la résidence. |
14 h 00 : |
Visite du centre pénitentiaire de Nouméa. |
18 h 00 : |
Entretien avec M. Jean LEQUES, maire de Nouméa, signataire de l’Accord de Nouméa. |
19 h 30 : |
Dîner avec M. Thierry DRACK, premier président de la cour d’appel de Nouméa. |
MARDI 3 SEPTEMBRE 2013
8 h 45 : |
Entretien avec M. Philippe GOMES, député de la 2ème circonscription. |
9 h 45 : |
Entretien avec MM. Pierre FROGIER et Hilarion VENDEGOU, sénateurs. |
11 h 00 : |
Entretien avec M. Gilbert TUYIENON, vice-président, et Mme Sonia BACKES, membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. |
12 h 30 : |
Déjeuner de travail avec M. Alain LEVASSEUR, président du tribunal administratif. |
15 h 45 : |
Entretien avec M. Paul VAKIE président du sénat coutumier, et le bureau – geste coutumier (siège du sénat coutumier). |
17 h 30 : |
Visite du commissariat de police de Nouméa et, en parallèle, échanges de vues à l’université de Nouméa sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. |
20 h 00 : |
Dîner de travail avec Mme Ghislaine ARLIE, présidente de l’association française des maires de Nouvelle-Calédonie, et M. André GOPOEA, président de l’association des maires de Nouvelle-Calédonie. |
MERCREDI 4 SEPTEMBRE 2013
6 h 40 : |
Décollage de l’aérodrome de Magenta (Nouméa). |
7 h 20 : |
Atterrissage à l’aérodrome de Koné. |
8 h 00 : |
Entretien avec M. Paul NÉAOUTYINE, président de l’assemblée de la province Nord et geste coutumier (hôtel de la province Nord). |
10 h 00 : |
Entretien avec M. Joseph GOROMIDO, maire de la commune de Koné. |
11 h 00 : |
Visite de la section détachée du tribunal de Nouméa à Koné. |
12 h 00 : |
Déjeuner de travail à la résidence du Commissaire délégué de la République pour la province Nord, M. Michel SALLENAVE. |
13 h 00 : |
Déplacement au service militaire adapté (SMA) de Koné et, en parallèle, visite de l’usine de nickel de Koniambo. |
17 h 00 : |
Décollage de l’aérodrome de Koné. |
17 h 40 : |
Atterrissage à l’aérodrome de Magenta. |
18 h 00 : |
Entretien avec les représentants du service d’information générale et, en parallèle, entretien avec les services de la direction des finances publiques. |
19 h 30 : |
Dîner de travail avec les représentants de la direction centrale du renseignement intérieur (résidence). |
JEUDI 5 SEPTEMBRE 2013
8 h 00 : |
Entretien avec une délégation de l’Union Calédonienne (UC). |
9 h 00 : |
Entretien avec une délégation de Calédonie Ensemble. |
10 h 00 : |
Entretien avec une délégation du Parti Travailliste. |
11 h 00 : |
Entretien avec une délégation de Libération kanak socialiste (LKS). |
12 h 00 : |
Entretien avec une délégation du Rassemblement-UMP (RUMP). |
13 h 00 : |
Déjeuner à la résidence. |
14 h 00 : |
Entretien avec une délégation du Mouvement populaire calédonien (MPC). |
15 h 00 : |
Entretien avec une délégation de l’Union nationale indépendante (UNI). |
16 h 00 : |
Entretien avec une délégation du Front national de libération kanak et socialiste (FLNKS). |
17 h 00 : |
Entretien avec une délégation de l’Avenir Ensemble-Le Mouvement de la diversité (LMD). |
19 h 15 : |
Passage au Journal télévisé de NC 1ère. |
20 h 00 : |
Dîner de travail avec Mmes Anne PITOISET et Claudine WERY, journalistes. |
VENDREDI 6 SEPTEMBRE 2013
10 h 20 : |
Décollage de l’aérodrome de Magenta. |
11 h 00 : |
Atterrissage à l’aérodrome de Lifou. |
11 h 15 : |
Coutume à la grande chefferie du Wetr. |
12 h 15 : |
Entretien avec M. Néko HNEPEUNE, président de l’assemblée de la province des îles Loyauté, et geste coutumier. |
12 h 45 : |
Visite de la brigade de gendarmerie de Wé. |
13 h 00 : |
Déjeuner de travail à la résidence du Commissaire délégué de la République pour la province des îles Loyauté, M. Éric VRIGNAUD. |
16 h 00 : |
Décollage à l’aérodrome de Lifou. |
16 h 40 : |
Atterrissage à l’aérodrome de Magenta. |
17 h 15 : |
Entretien avec Mme Cynthia LIGEARD, présidente de l’assemblée de la province Sud (hôtel de la province Sud). |
18 h 00 : |
Visite des casernements de la gendarmerie mobile de Nouméa et, en parallèle, réunion de travail à la Chambre territoriale des comptes. |
20 h 00 : |
Dîner de travail avec M. Harold MARTIN, président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie (siège du gouvernement). |
SAMEDI 7 SEPTEMBRE 2013
8 h 30 : |
Table ronde avec les représentants des organisations syndicales de salariés représentatives de Nouvelle-Calédonie (résidence) : – Union des syndicats ouvriers et employés de Nouvelle-Calédonie (USOENC) ; – Fédération des syndicats des fonctionnaires, agents et ouvriers de la fonction publique (FSFAOFP) ; – Union territoriale de la confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (UT-CFE/CGC) ; – Confédération générale des travailleurs (COGETRA) ; – Confédération syndicale des travailleurs de Nouvelle-Calédonie (CSTNC) ; – Union syndicale des travailleurs kanaks et exploités (USTKE) ; – Confédération générale du travail – Force Ouvrière de Nouvelle-Calédonie (CGT-FONC). |
10 h 30 : |
Table ronde avec les représentants des organisations patronales : MEDEF, CGPME et UPA (résidence). |
12 h 00 : |
Déjeuner de travail avec M. Rock WAMYTAN, président du congrès de la Nouvelle-Calédonie (villa du congrès). |
13 h 30 : |
Visite de la brigade de gendarmerie de Canala. |
20 h 00 : |
Départ et retour vers Nouméa. |
DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013
9 h 30 : |
Conférence de presse (résidence). |
11 h 00 : |
Échanges de vues avec la police aux frontières (aéroport de la Tontouta). |
12 h 00 : |
Décollage de l’aéroport de la Tontouta. |
ANNEXE N° 3 : PRÉAMBULE DE L’ACCORD SUR
LA NOUVELLE-CALÉDONIE SIGNÉ À NOUMÉA LE 5 MAI 1998
1. Lorsque la France prend possession de la Grande Terre, que James Cook avait dénommée « Nouvelle-Calédonie », le 24 septembre 1853, elle s’approprie un territoire selon les conditions du droit international alors reconnu par les nations d’Europe et d’Amérique, elle n’établit pas des relations de droit avec la population autochtone. Les traités passés, au cours de l’année 1854 et les années suivantes, avec les autorités coutumières, ne constituent pas des accords équilibrés mais, de fait, des actes unilatéraux.
Or, ce territoire n’était pas vide.
La Grande Terre et les îles étaient habitées par des hommes et des femmes qui ont été dénommés kanak. Ils avaient développé une civilisation propre, avec ses traditions, ses langues, la coutume qui organisait le champ social et politique. Leur culture et leur imaginaire s’exprimaient dans diverses formes de création.
L’identité kanak était fondée sur un lien particulier à la terre. Chaque individu, chaque clan se définissait par un rapport spécifique avec une vallée, une colline, la mer, une embouchure de rivière, et gardait la mémoire de l’accueil d’autres familles. Les noms que la tradition donnait à chaque élément du paysage, les tabous marquant certains d’entre eux, les chemins coutumiers structuraient l’espace et les échanges.
2. La colonisation de la Nouvelle-Calédonie s’est inscrite dans un vaste mouvement historique où les pays d’Europe ont imposé leur domination au reste du monde.
Des hommes et des femmes sont venus en grand nombre, aux XIXe et XXe siècles, convaincus d’apporter le progrès, animés par leur foi religieuse, venus contre leur gré ou cherchant une seconde chance en Nouvelle-Calédonie. Ils se sont installés et y ont fait souche. Ils ont apporté avec eux leurs idéaux, leurs connaissances, leurs espoirs, leurs ambitions, leurs illusions et leurs contradictions.
Parmi eux certains, notamment des hommes de culture, des prêtres ou des pasteurs, des médecins et des ingénieurs, des administrateurs, des militaires, des responsables politiques ont porté sur le peuple d’origine un regard différent, marqué par une plus grande compréhension ou une réelle compassion.
Les nouvelles populations sur le territoire ont participé, dans des conditions souvent difficiles, en apportant des connaissances scientifiques et techniques, à la mise en valeur minière ou agricole et, avec l’aide de l’État, à l’aménagement de la Nouvelle-Calédonie. Leur détermination et leur inventivité ont permis une mise en valeur et jeté les bases du développement.
La relation de la Nouvelle-Calédonie avec la métropole lointaine est demeurée longtemps marquée par la dépendance coloniale, un lien univoque, un refus de reconnaître les spécificités, dont les populations nouvelles ont aussi souffert dans leurs aspirations.
3. Le moment est venu de reconnaître les ombres de la période coloniale, même si elle ne fut pas dépourvue de lumière.
Le choc de la colonisation a constitué un traumatisme durable pour la population d’origine.
Des clans ont été privés de leur nom en même temps que de leur terre. Une importante colonisation foncière a entraîné des déplacements considérables de population, dans lesquels des clans kanak ont vu leurs moyens de subsistance réduits et leurs lieux de mémoire perdus. Cette dépossession a conduit à une perte des repères identitaires.
L’organisation sociale kanak, même si elle a été reconnue dans ses principes, s’en est trouvée bouleversée. Les mouvements de population l’ont déstructurée, la méconnaissance ou des stratégies de pouvoir ont conduit trop souvent à nier les autorités légitimes et à mettre en place des autorités dépourvues de légitimité selon la coutume, ce qui a accentué le traumatisme identitaire.
Simultanément, le patrimoine artistique kanak était nié ou pillé.
À cette négation des éléments fondamentaux de l’identité kanak se sont ajoutées des limitations aux libertés publiques et une absence de droits politiques, alors même que les Kanak avaient payé un lourd tribut à la défense de la France, notamment lors de la Première Guerre mondiale.
Les Kanak ont été repoussés aux marges géographiques, économiques et politiques de leur propre pays, ce qui ne pouvait, chez un peuple fier et non dépourvu de traditions guerrières, que provoquer des révoltes, lesquelles ont suscité des répressions violentes, aggravant les ressentiments et les incompréhensions.
La colonisation a porté atteinte à la dignité du peuple kanak qu’elle a privé de son identité. Des hommes et des femmes ont perdu dans cette confrontation leur vie ou leurs raisons de vivre. De grandes souffrances en sont résultées. Il convient de faire mémoire de ces moments difficiles, de reconnaître les fautes, de restituer au peuple kanak son identité confisquée, ce qui équivaut pour lui à une reconnaissance de sa souveraineté, préalable à la fondation d’une nouvelle souveraineté, partagée dans un destin commun.
4. La décolonisation est le moyen de refonder un lien social durable entre les communautés qui vivent aujourd’hui en Nouvelle-Calédonie, en permettant au peuple kanak d’établir avec la France des relations nouvelles correspondant aux réalités de notre temps.
Les communautés qui vivent sur le territoire ont acquis par leur participation à l’édification de la Nouvelle-Calédonie une légitimité à y vivre et à continuer de contribuer à son développement. Elles sont indispensables à son équilibre social et au fonctionnement de son économie et de ses institutions sociales. Si l’accession des Kanak aux responsabilités demeure insuffisante et doit être accrue par des mesures volontaristes, il n’en reste pas moins que la participation des autres communautés à la vie du territoire lui est essentielle.
Il est aujourd’hui nécessaire de poser les bases d’une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie, permettant au peuple d’origine de constituer avec les hommes et les femmes qui y vivent une communauté humaine affirmant son destin commun.
La taille de la Nouvelle-Calédonie et ses équilibres économiques et sociaux ne permettent pas d’ouvrir largement le marché du travail et justifient des mesures de protection de l’emploi local.
Les accords de Matignon signés en juin 1988 ont manifesté la volonté des habitants de Nouvelle-Calédonie de tourner la page de la violence et du mépris pour écrire ensemble des pages de paix, de solidarité et de prospérité.
Dix ans plus tard, il convient d’ouvrir une nouvelle étape, marquée par la pleine reconnaissance de l’identité kanak, préalable à la refondation d’un contrat social entre toutes les communautés qui vivent en Nouvelle-Calédonie, et par un partage de souveraineté avec la France, sur la voie de la pleine souveraineté.
Le passé a été le temps de la colonisation. Le présent est le temps du partage, par le rééquilibrage. L’avenir doit être le temps de l’identité, dans un destin commun.
La France est prête à accompagner la Nouvelle-Calédonie dans cette voie.
5. Les signataires des accords de Matignon ont donc décidé d’arrêter ensemble une solution négociée, de nature consensuelle, pour laquelle ils appelleront ensemble les habitants de Nouvelle-Calédonie à se prononcer.
Cette solution définit pour vingt années l’organisation politique de la Nouvelle-Calédonie et les modalités de son émancipation.
Sa mise en œuvre suppose une loi constitutionnelle que le Gouvernement s’engage à préparer en vue de son adoption au Parlement.
La pleine reconnaissance de l’identité kanak conduit à préciser le statut coutumier et ses liens avec le statut civil des personnes de droit commun, à prévoir la place des structures coutumières dans les institutions, notamment par l’établissement d’un Sénat coutumier, à protéger et valoriser le patrimoine culturel kanak, à mettre en place de nouveaux mécanismes juridiques et financiers pour répondre aux demandes exprimées au titre du lien à la terre, tout en favorisant sa mise en valeur, et à adopter des symboles identitaires exprimant la place essentielle de l’identité kanak du pays dans la communauté de destin acceptée.
Les institutions de la Nouvelle-Calédonie traduiront la nouvelle étape vers la souveraineté : certaines des délibérations du Congrès du territoire auront valeur législative et un Exécutif élu les préparera et les mettra en œuvre.
Au cours de cette période, des signes seront donnés de la reconnaissance progressive d’une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie, celle-ci devant traduire la communauté de destin choisie et pouvant se transformer, après la fin de la période, en nationalité, s’il en était décidé ainsi.
Le corps électoral pour les élections aux assemblées locales propres à la Nouvelle-Calédonie sera restreint aux personnes établies depuis une certaine durée.
Afin de tenir compte de l’étroitesse du marché du travail, des dispositions seront définies pour favoriser l’accès à l’emploi local des personnes durablement établies en Nouvelle-Calédonie.
Le partage des compétences entre l’État et la Nouvelle-Calédonie signifiera la souveraineté partagée. Il sera progressif. Des compétences seront transférées dès la mise en œuvre de la nouvelle organisation. D’autres le seront selon un calendrier défini, modulable par le Congrès, selon le principe d’auto-organisation. Les compétences transférées ne pourront revenir à l’État, ce qui traduira le principe d’irréversibilité de cette organisation.
La Nouvelle-Calédonie bénéficiera pendant toute la durée de mise en œuvre de la nouvelle organisation de l’aide de l’État, en termes d’assistance technique et de formation et des financements nécessaires, pour l’exercice des compétences transférées et pour le développement économique et social.
Les engagements seront inscrits dans des programmes pluriannuels. La Nouvelle-Calédonie prendra part au capital ou au fonctionnement des principaux outils du développement dans lesquels l’État est partie prenante.
Au terme d’une période de vingt années, le transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences régaliennes, l’accès à un statut international de pleine responsabilité et l’organisation de la citoyenneté en nationalité seront proposés au vote des populations intéressées.
Leur approbation équivaudrait à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie.
ANNEXE N° 4 :
CARTE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE
ANNEXE N° 5 : ÉCHÉANCIER DES TRANSFERTS DE COMPÉTENCES ET DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE L’ÉTAT VERS LES INSTITUTIONS DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE
COMPÉTENCES OU ÉTABLISSEMENTS PUBLICS TRANSFÉRÉS |
NORME PRISE POUR LE TRANSFERT |
DATE EFFECTIVE DU TRANSFERT |
Police et sécurité de la circulation aérienne intérieure et des exploitants établis en Nouvelle-Calédonie dont l’activité principale n’est pas le transport aérien international |
Loi du pays n° 2009-11 du 28 décembre 2009 |
1er janvier 2013 |
Police et sécurité de la circulation maritime s’effectuant entre tous points de la Nouvelle-Calédonie |
Loi du pays n° 2009-10 du 28 décembre 2009 |
1er janvier 2011 pour la sécurité de la navigation dans les eaux territoriales 1er juillet 2011 pour le reste |
Sauvegarde de la vie en mer dans les eaux territoriales |
Loi du pays n° 2009 10 du 28 décembre 2009 |
1er juillet 2011 |
Enseignement du second degré public et privé et santé scolaire |
Loi du pays n° 2009-09 du 28 décembre 2009 |
1er janvier 2012 |
Enseignement primaire privé |
Loi du pays n° 2009-09 du 28 décembre 2009 |
1er janvier 2012 |
Droit civil, règles concernant l’état civil et |
Loi du pays n° 2012-2 |
1er juillet 2013 |
Sécurité civile |
Loi du pays n° 2012-1 |
1er janvier 2014 |
Office des postes et télécommunications |
Décret n° 2002-717 |
1er janvier 2003 |
Institut de formation des personnels administratifs |
Décret n° 2002-1061 |
1er octobre 2003 |
Agence de développement rural et |
— |
— |
Agence de développement de la culture kanak |
Décret n° 2011-1588 |
1er janvier 2012 |
Centre de documentation pédagogique |
Décret n° 2011-623 |
1er janvier 2012 |
ANNEXE N° 6 : COMPOSITION DU GOUVERNEMENT, DU CONGRÈS ET DES ASSEMBLÉES DE PROVINCE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE
La délibération n° 133 du 12 mai 2011 du congrès de la Nouvelle-Calédonie a fixé à 11 le nombre de membres du gouvernement calédonien. La répartition des sièges entre les différentes formations politiques est la suivante :
RÉPARTITION DES SIÈGES AU GOUVERNEMENT AU 31 AOÛT 2013
Harold MARTIN, Président, et M. Gilbert TYUIENON, Vice-président. | |
Liste Rassemblement-UMP, Avenir Ensemble – 3 sièges |
Harold MARTIN Jean-Claude BRIAULT Sylvie ROBINEAU |
Liste Calédonie Ensemble – 3 sièges |
Frédéric De GRESLAN Philippe DUNOYER Hélène IEKAWE |
Liste Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) – 3 sièges |
Gilbert TYUIENON Anthony LECREN Georges MANDAOUE |
Liste Mouvement populaire Calédonien (MPC) – 1 siège |
Sonia BACKES |
Liste Union nationale pour l’indépendance (UNI) – 1 siège |
Déwé GORODEY |
Le congrès de la Nouvelle-Calédonie est une assemblée délibérante, composée d’élus issus des trois provinces formant la Nouvelle-Calédonie : 7 membres de l’assemblée de la Province des Îles Loyauté, 15 membres de l’assemblée de la Province Nord et 32 membres de l’assemblée de la Province Sud. Il comprend au total 54 membres, dont la répartition entre les partis politiques est la suivante :
RÉPARTITION DES SIÈGES AU CONGRÈS AU 31 AOÛT 2013
M. Roch WAMYTAN, Président | |||
Engagement pour une Calédonie dans la France (60) |
17 sièges (61) |
Front de libération nationale kanak et socialiste – Union Calédonienne |
12 sièges (62) |
13 sièges |
Union nationale pour l’indépendance |
6 sièges | |
Mouvement populaire Calédonien |
1 siège |
Parti travailliste |
4 sièges |
Dynamique autochtone – Libération kanak socialiste |
1 siège | ||
Nombre total de sièges pour les formations loyalistes |
31 sièges |
Nombre total de sièges pour les formations indépendantistes |
23 sièges |
L’assemblée de la Province des Îles Loyauté est composée de 14 conseillers provinciaux élus pour une durée de cinq ans, dont 7 sont membres du congrès de la Nouvelle-Calédonie. Seules les formations indépendantistes sont actuellement représentées à l’assemblée de la Province des Îles Loyauté.
RÉPARTITION DES SIÈGES À L’ASSEMBLÉE DE LA PROVINCE DES ÎLES LOYAUTÉ
M. Néko HNEPEUNE, Président | |
Union Calédonienne (UC) |
6 sièges |
Parti travailliste |
4 sièges |
Union nationale pour le renouveau (UNR) |
2 sièges |
Dynamique autochtone – Libération kanak socialiste (LKS) |
2 sièges |
Nombre total de sièges |
14 sièges |
L’assemblée de la province Nord est composée de 22 conseillers provinciaux élus pour une durée de cinq ans, dont 15 sont membres du congrès de la Nouvelle-Calédonie.
RÉPARTITION DES SIÈGES À L’ASSEMBLÉE DE LA PROVINCE NORD
M. Paul NÉAOUTYINE, Président | |||
Rassemblement-UMP |
1 siège |
Union nationale pour l’indépendance (UNI) |
9 sièges |
Une province pour tous – Calédonie Ensemble |
1 siège |
Union Calédonienne (UC) |
8 sièges |
Parti travailliste |
3 sièges | ||
Nombre total de sièges pour les formations loyalistes |
2 sièges |
Nombre total de sièges pour les formations indépendantistes |
20 sièges |
L’assemblée de la province Sud est composée de 40 conseillers provinciaux élus pour une durée de cinq ans, dont 32 sont membres du Congrès de la Nouvelle-Calédonie.
RÉPARTITION DES SIÈGES À L’ASSEMBLÉE DE LA PROVINCE SUD
M. Cynthia LIGEARD, Présidente | |||
Rassemblement-UMP |
13 sièges |
Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) |
4 sièges |
Calédonie Ensemble |
12 sièges | ||
L’avenir Ensemble |
7 sièges | ||
Mouvement populaire Calédonien |
2 sièges | ||
Union pour un destin Calédonien |
2 sièges | ||
Non inscrit |
1 siège | ||
Nombre total de sièges pour les formations loyalistes |
36 sièges |
Nombre total de sièges pour les formations indépendantistes |
4 sièges |
ANNEXE N° 7 : COMPOSITION DU XIE COMITÉ
DES SIGNATAIRES DE L’ACCORD DE NOUMÉA
Invités |
Qualité |
Nombre de participants autorisés (63) |
Pierre FROGIER |
Sénateur, signataire de l’Accord |
2 |
Hilarion VENDEGOU |
Sénateur |
1 |
Sonia LAGARDE |
Députée, 1ère circonscription |
1 |
Philippe GOMES |
Député, 2ème circonscription |
1 |
Maurice PONGA |
Député européen |
1 |
Harold MARTIN |
Président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, signataire de l’Accord |
2 |
Paul NEAOUTYINE |
Président de l’assemblée de la province Nord, signataire de l’Accord |
2 |
Néko HNEPEUNE |
Président de l’assemblée de la province des îles Loyauté |
1 |
Cynthia LIGEARD |
Présidente de la province Sud |
1 |
Roch WAMYTAN |
Président du congrès, signataire de l’Accord |
2 |
Victor TUTUGORO |
Signataire de l’Accord |
2 |
Simon LOUECKHOTE |
Signataire de l’Accord |
2 |
Jean LEQUES |
Signataire de l’Accord |
2 |
Bernard DELADRIERE |
Signataire de l’Accord |
2 |
Jean-Pierre DJAIWE |
Pour l’Union nationale indépendante (UNI) – Palika |
3 |
Philippe MICHEL |
Pour Calédonie ensemble |
2 |
Pour Engagement pour une Calédonie dans la France |
2 | |
Caroline MACHORO-REIGNIER |
Pour le Front national de libération kanak et socialiste (FLNKS) |
3 |
Paul VAKIE |
Président du Sénat coutumier |
1 |
TOTAL |
33 |
1 () Le programme du déplacement de la délégation de la commission des Lois figure en annexe n° 1.
2 () Déplacement de MM. René Dosière et Dominique Bussereau en Nouvelle-Calédonie, du 16 au 25 octobre 2000, cf. rapport d’information (n° 3222, XIe législature) sur la mise en place des institutions de la Nouvelle-Calédonie.
3 () La liste des personnes entendues par la mission au cours de son déplacement figure en annexe n° 2.
4 () On lira notamment avec profit « Un destin hors du commun, Chronique de la vie politique calédonienne en 2012 », publié par Claudine Wéry et Anne Pitoiset, Éditions Le Rayon vert, 2013.
5 () Signés entre l’État, la Société minière du Sud Pacifique (SMSP) et Eramet, les accords de Bercy prévoient l’échange du massif minier de Koniambo, détenu par Eramet, et du massif de Poum, appartenant à la SMSP. Cet échange de concessions et titres miniers était destiné à permettre à la province Nord de construire l’usine de Koniambo.
6 () Avec une participation de 74,23 % des 106 698 électeurs inscrits.
7 () Le Gouvernement s’était, en effet, engagé à préparer une révision constitutionnelle « en vue de son adoption par le Parlement » – à défaut d’adoption de celle-ci, une nouvelle réunion des partenaires de l’accord était prévue, au point 6.1. de l’accord, « pour examiner les conséquences [du rejet de la révision] sur l’équilibre général [de l’] accord ».
8 () Le point 2 de l’Accord de Nouméa prévoit ainsi des « restrictions apportées au corps électoral pour les élections aux institutions du pays et pour la consultation finale ».
9 () Décision du Conseil constitutionnel n° 99-410 DC, 15 juin 1999, « Loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie », dont le considérant n° 3 précise que « le contrôle du Conseil constitutionnel sur la loi organique doit s’exercer non seulement au regard de la Constitution, mais également au regard des orientations définies par l’Accord de Nouméa, lequel déroge à un certain nombre de règles ou principes à valeur constitutionnelle ». Le juge constitutionnel tempère toutefois cette règle en considérant que « de telles dérogations ne sauraient intervenir que dans la mesure strictement nécessaire à la mise en œuvre de l’accord ».
10 () Guy Carcassonne, La Constitution, Seuil, XIe édition, 2013.
11 () Op. cit., p. 60.
12 () L’article 75 de la Constitution du 4 octobre 1958 énonce que « les citoyens de la République qui n’ont pas le statut civil de droit commun, seul visé à l’article 34, conservent leur statut personnel tant qu’ils n’y ont pas renoncé ».
13 () Cour d’appel de Nouméa, chambre civile, 22 août 2011, RG nos 10/00531 et 10/00532.
14 () 28 langues kanak sont parlées sur le territoire par plus de 70 000 locuteurs déclarés, selon une étude de 2009 de l’Institut de la Statistique et des Études Économiques (ISEE) de la Nouvelle-Calédonie.
15 () Les aires coutumières – au nombre de huit – sont désignées à l’article 1er de la loi organique du 19 mars 1999 : Hoot Ma Whaap, Paici Camuki, Ajié Aro, Xaracuu, Djubea-Kaponé, Neugone, Drehu, Iaai.
16 () En application de l’article 137 de la loi organique du 19 mars 1999.
17 () En application de l’article 142 de la loi organique du 19 mars 1999.
18 () Op. cit., p. 7.
19 () Des dispositions particulières concernent le régime électoral à l’élection des membres du congrès ainsi qu’aux élections provinciales le droit de vote étant réservé aux personnes installées sur le territoire à la date de l’Accord de Nouméa, ce qui fonde la citoyenneté calédonienne.
20 () Telles que la fiscalité, le droit social, certains aspects du droit civil, le droit domanial et de propriété, ainsi que l’exploitation des ressources minérales.
21 () Cf. annexe n° 5.
22 () Loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009.
23 () Loi du pays n° 2012-1 et n° 2012-2 du 20 janvier 2012.
24 () L’agence de développement rural et d’aménagement foncier (ADRAF) est transférable à la Nouvelle-Calédonie, à tout moment, par résolution du congrès votée à la majorité simple. À ce jour, aucune résolution n’est intervenue en ce sens.
25 () Op. cit., p. 60.
26 () INSEE Première, « Recensement de la population en Nouvelle-Calédonie en 2009 », n° 1338, février 2011.
27 () Mathias Chauchat, « La citoyenneté calédonienne », Les cahiers du Conseil constitutionnel, n° 23, février 2008.
28 () Le statut de citoyen est restreint aux seules personnes inscrites sur les listes électorales pour la consultation du 8 novembre 1998 et justifiant d’une durée de résidence de dix ans en Nouvelle- Calédonie, ainsi que leurs enfants lorsqu’ils accéderont à la majorité.
29 () Jean-Yves Faberon, « L’évolution du droit de vote en nouvelle Calédonie », Revue juridique polynésienne, 2001, volume 1, Hors-série.
30 () Nicolas Clinchamps, « Distorsions et corps électoraux en Nouvelle Calédonie », Pouvoirs, 127, 2008, p. 151-165
31 () La devise de la Nouvelle-Calédonie est « Terre de parole – Terre de partage ».
32 () L’hymne de la Nouvelle-Calédonie est « Soyons unis, devenons frères ».
33 () S’agissant des billets de banques, plusieurs modèles ont été retenus, après avis du représentant de l’Institut d’émission de l’outre-mer (IEOM).
34 () À savoir 3,1 % du PIB.
35 () Dernières données disponibles, cf. rapport annuel de l’IEOM pour 2012 sur la Nouvelle-Calédonie.
36 () Le Grand Nouméa comprend quatre communes : Nouméa, Le Mont-Dore, Dumbéa et Païta.
37 () Dotation globale de fonctionnement et dotation globale d’équipement et de construction des collèges.
38 () Prévue à l’article 181 de la loi organique statutaire du 19 mars 1999.
39 () Présidé par le Premier ministre, le Comité des signataires prévu au point 6.5 de l’Accord de Nouméa veille au suivi de l’application de l’accord et participe à la préparation des textes nécessaires pour leur mise en œuvre. Il rassemble les différents signataires historiques de l’accord du 5 mai 1998.
40 () MM. Jean-Louis d’Anglebermes, Pierre Ngaiohni, Yann Devillers.
41 () Cette loi, dans le respect de l’Accord de Nouméa, combine le respect de deux principes. Le premier est d’éviter que les démissions collectives répétées ne conduisent à la démission d’office du gouvernement, en fixant un délai de dix-huit mois, pendant lequel le gouvernement ne peut plus être considéré comme démissionnaire. Le second est de permettre aux groupes démissionnaires qui se trouvent, de ce fait, privés de la représentation dont ils disposaient au sein du gouvernement, de déposer à tout moment une nouvelle liste et de restaurer ainsi leur présence au gouvernement – le gouvernement étant réputé complet, tant que cette faculté n’est pas exercée.
42 () La composition du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie figure en annexe n° 6.
43 () La composition du congrès de la Nouvelle-Calédonie figure en annexe n° 6.
44 () Jean-Pierre Demetz, « Coup de tonnerre en Nouvelle Calédonie », L’Express.fr, 10 juin 2012. http://www.lexpress.fr/actualite/politique/legislatives-coup-de-tonnerre-en-nouvelle-caledonie_1124841.html
45 () En application de l’article 26 de la loi organique n° 99-209 relative à la Nouvelle-Calédonie, il revient au congrès de définir le périmètre et le calendrier des transferts, par l’adoption d’une loi du pays à la majorité des trois cinquièmes, au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant le début de chaque mandature.
46 () Lois du pays nos 2009-9, 2009-10 et 2009-11 du 28 décembre 2009.
47 () Loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 relative à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte.
48 () Cf. échéancier des transferts de compétence figurant en annexe n° 5.
49 () Relevé de conclusions du IXe Comité des signataires.
50 () Bilan de l’Accord de Nouméa, rapport final, DME–CM International, décembre 2011, p. 14.
51 () Loi du pays n° 2008-2 du 13 février 2008 relative au code du travail de Nouvelle-Calédonie.
52 () Ordonnance n° 2009-1336 du 29 octobre 2009 modifiant l’ordonnance n° 2006-172 du 15 février 2006 portant actualisation et adaptation du droit applicable en matière de sécurité civile en Nouvelle-Calédonie.
53 () À savoir, le recrutement d’un troisième officier de sapeur-pompier dans le cadre de la mise à niveau des moyens de la sécurité civile du Haut-commissariat avant transfert, un soutien à la planification et à la gestion de crise, un accompagnement matériel et financier, notamment pour la constitution d’un centre opérationnel de crise pour le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, relié au centre opérationnel de la direction générale de la sécurité civile, ainsi qu’une aide à la formation.
54 () Pour l’emploi salarié dans le secteur privé, ces règles sont aujourd’hui définies par la loi du pays n° 2010-9 du 27 juillet 2010 relative à la protection, à la promotion et au soutien de l’emploi local.
55 () Loi constitutionnelle n° 2007-237 du 23 février 2007 modifiant l’article 77 de la Constitution.
56 () La composition du XIe comité des signataires, qui se réunira à Paris le 11 octobre 2013, figure en annexe n° 7.
57 () Le VIIIe Comité des signataires de l’Accord de Nouméa, qui s’est tenu à Paris le 24 juin 2010, a jugé nécessaire de mener un travail approfondi de préparation – et non de négociation – dans la durée, indépendamment de toute échéance électorale. Dans cette perspective, les signataires ont mis en place un comité de pilotage sur l’avenir institutionnel ayant « pour tâche d’approfondir les éléments de discussion dans la perspective de la consultation prévue après 2014 ». Ce comité de pilotage a été installé par le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie le 21 octobre 2010.
58 () L’influence de la coutume est très variable sur le territoire : si elle a peu d’impact dans le Sud, et en particulier sur le Grand Nouméa, elle reste très influente dans le Nord – surtout à l’Est – et dans les îles Loyauté.
59 () « La coutume en Nouvelle Calédonie : le droit d’être soi-même », Maison de la Nouvelle-Calédonie, conférence du 28 juin 2012.
60 () Alliance politique formée le 6 août 2013.
61 () Dont onze sièges pour le Rassemblement-UMP, deux sièges pour l’avenir Ensemble, deux sièges pour le Mouvement de la diversité, un siège pour l’Union pour un destin Calédonien et un siège pour le Modem.
62 () Dont neuf sièges pour l’Union Calédonienne, un siège pour Dynamik unitaire Sud, un siège pour le rassemblement démocratique océanien et un siège pour l’Union nationale pour le renouveau.
63 () Certaines personnalités peuvent être accompagnées d’une ou plusieurs personnes.
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