N° 1843 - Rapport d'information de M. René Rouquet déposé en application de l'article 29 du règlement au nom des délégués de l'Assemblée nationale à l'Assemblée parlementaire du conseil de l'Europe sur l'activité de cette Assemblée au cours de la première partie de sa session ordinaire de 2014



RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

en application de l’article 29 du Règlement

au nom des délégués de l’Assemblée nationale à l’Assemblée

parlementaire du Conseil de l’Europe (1) sur l’activité de cette Assemblée

au cours de la première partie de sa session ordinaire de 2014

par M. René ROUQUET

ET PRÉSENTÉ À LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(1) La composition de cette délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation de l’Assemblée nationale à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe était composée, en octobre 2013, de : Mme Danielle Auroi, M. Gérard Bapt, Mme Arlette Grosskost, M. Denis Jacquat, Mme Marietta Karamanli, MM. Christophe Léonard, Jean-Yves Le Déaut, François Loncle, Thierry Mariani, Jean-Claude Mignon, François Rochebloine et René Rouquet en tant que membres titulaires, et Mme Brigitte Allain, MM. Christian Bataille, Philippe Bies, Mme Pascale Crozon, Mme Marie-Louise Fort, MM. M. Pierre-Yves Le Borgn’, Frédéric Reiss, Rudy Salles, André Schneider, Gérard Terrier et Mmes Paola Zanetti et Marie-Jo Zimmermann, en tant que membres suppléants.

SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION 7

I. ACTUALITÉS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE 9

A. LA DÉLÉGATION ET SON BUREAU 9

B. INITIATIVE DE SES MEMBRES ET NOMINATIONS 11

C. RENCONTRE DE LA DÉLÉGATION FRANÇAISE 12

II. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT DE LA SESSION 13

A. ORDRE DU JOUR DE LA PREMIÈRE PARTIE DE LA SESSION ORDINAIRE DE 2014 13

B. ÉLECTION DU PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE ET DES PRÉSIDENTS DES COMMISSIONS 15

C. TEXTES ADOPTÉS 16

D. INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES FRANÇAIS 19

III. LA SITUATION DES DROITS DE L’HOMME EN EUROPE ET DANS LE MONDE 21

A. DÉBAT LIBRE 21

B. REFUSER L’IMPUNITÉ POUR LES MEURTRIERS DE SERGUEÏ MAGNITSKI 23

C. L’ÉVOLUTION DU PARTENARIAT POUR LA DÉMOCRATIE CONCERNANT LE CONSEIL NATIONAL PALESTINIEN 27

D. LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS DÉMOCRATIQUES EN UKRAINE 29

IV. LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME DANS LE MONDE 33

A. DÉBAT JOINT SUR LE RACISME 33

1. Une stratégie pour la prévention du racisme et de l’intolérance en Europe 33

2. La lutte contre le racisme dans la police 35

B. INTERNET ET LA POLITIQUE : LES EFFETS DES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION SUR LA DÉMOCRATIE 35

C. LES RÉFUGIÉS SYRIENS : COMMENT ORGANISER ET SOUTENIR L’AIDE INTERNATIONALE ? 36

D. DÉBAT JOINT SUR LES MIGRANTS 44

1. Les migrants : faire en sorte qu’ils constituent une richesse pour les sociétés d’accueil européennes 44

2. Les tests d’intégration : aide ou entrave à l’intégration ? 46

E. INTENSIFIER LES EFFORTS DE LUTTE CONTRE LES INÉGALITÉS AU NIVEAU MONDIAL : LA CONTRIBUTION DE L’EUROPE AU PROCESSUS DES OBJECTIFS DU MILLÉNAIRE POUR LE DÉVELOPPEMENT (OMD) 47

F. DÉBAT JOINT SUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE 49

1. Le changement climatique : un cadre pour un accord mondial en 2015 49

2. La diversification de l’énergie en tant que contribution fondamentale au développement durable 50

G. RÉVISION DE LA CONVENTION EUROPÉENNE SUR LA TÉLÉVISION TRANSFRONTIÈRE 52

H. L’OBLIGATION DES INSTITUTIONS INTERNATIONALES DE RÉPONDRE DE LEURS ACTES EN CAS DE VIOLATIONS DES DROITS DE L’HOMME 53

V. L’AVENIR DU CONSEIL DE L’EUROPE EN DÉBAT 55

A. RAPPORT D’ACTIVITÉ DU BUREAU ET DE LA COMMISSION PERMANENTE 55

B. LA PRÉSIDENCE AUTRICHIENNE DU COMITÉ DES MINISTRES 60

C. COMMUNICATION DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE 61

D. DISCOURS DE M. MARTIN SCHULZ, PRÉSIDENT DU PARLEMENT EUROPÉEN 62

ANNEXES 67

Annexe 1 Résolution 1966 (2014) : Refuser l’impunité pour les meurtriers de Sergueï Magnitski 69

Recommandation 2031 (2014) : Refuser l’impunité pour les meurtriers de Sergueï Magnitski 75

Annexe 2 Résolution 1967 (2014) : Une stratégie pour la prévention du racisme et de l'intolérance en Europe 77

Recommandation 2032 (2014) : Une stratégie pour la prévention du racisme et de l'intolérance en Europe 81

Annexe 3 Résolution 1970 (2014) : Internet et la politique : les effets des nouvelles technologies de l’information et de la communication sur la démocratie 83

Recommandation 2033 (2014) : Internet et la politique : les effets des nouvelles technologies de l’information et de la communication sur la démocratie 89

Annexe 4 Résolution 1971 (2014) : Les réfugiés syriens : comment organiser et soutenir l’aide internationale ? 91

Annexe 5 Résolution 1974 (2014) : Le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine 97

Recommandation 2035 (2014) : Le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine 101

INTRODUCTION

La première partie de la session ordinaire de 2014 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, qui s’est tenue à Strasbourg du 27 au 31 janvier, a été l’occasion d’élire son nouveau président, après le mandat de deux ans de notre collègue Jean-Claude Mignon, et de renouveler ses organes.

Le débat joint sur la lutte contre le racisme et l’intolérance et celui sur les migrants ont constitué autant d’occasions d’examiner la situation de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’Homme dans l’ensemble des États membres. L’Assemblée a aussi pu travailler sur des sujets de dimension nationale, comme lors du débat d’urgence sur l’Ukraine ou à l’occasion du rapport sur l’affaire Magnitski. Elle s’est plus généralement préoccupée des droits de l’Homme dans le monde en s’intéressant au sort des réfugiés syriens, en évaluant son partenariat avec le Conseil national palestinien, en examinant les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) ou encore en préconisant la fin de l’impunité absolue des organisations internationales.

Elle a également à cœur de prendre en compte les conséquences des évolutions scientifiques sur la protection des droits de l’Homme, qu’il s’agisse des nouvelles technologies, comme lors des débats sur la gouvernance de l’internet et la télévision transfrontière, ou des défis environnementaux que sont la diversification de l’énergie et le changement climatique.

Les débats et discours ont été marqués par la volonté d’avoir une coopération étroite avec l’Union européenne. L’adhésion de cette dernière à la Convention européenne des droits de l’Homme devrait contribuer au rapprochement des deux organisations.

Comme en témoigne ce rapport, la participation très active de la délégation française, lors de cette session, a une nouvelle fois démontré tout l’attachement des parlementaires français à la défense des droits de l’Homme, de l’État de droit et de la démocratie.

I. ACTUALITÉS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE

A. LA DÉLÉGATION ET SON BUREAU

La délégation française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe comprend vingt-quatre députés (douze titulaires et douze suppléants) et douze sénateurs (six titulaires et six suppléants).

M. André Reichardt (Bas-Rhin - UMP) a remplacé M. Jean-Louis Lorrain, décédé.

Tableau n°  : Composition de la délégation en janvier 2014

Membres titulaires

 

Assemblée

Groupe

Assemblée

Groupe

Conseil de l’Europe

       

Mme Danielle AUROI

Députée

GE

SOC

M. Gérard BAPT

Député

SRC

SOC

M. Jean-Marie BOCKEL

Sénateur

UDI-UC

PPE/DC

M. Éric BOCQUET

Sénateur

CRC

GUE

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

SOC

M. Bernard FOURNIER

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Jean-Claude FRÉCON

Sénateur

SOC

SOC

Mme Arlette GROSSKOST

Députée

UMP

PPE/DC

M. Denis JACQUAT

Député

UMP

PPE/DC

Mme Marietta KARAMANLI

Députée

SRC

SOC

M. Christophe LÉONARD

Député

SRC

SOC

M. Jean-Yves LE DÉAUT

Député

SRC

SOC

M. François LONCLE

Député

SRC

SOC

M. Thierry MARIANI

Député

UMP

PPE/DC

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

PPE/DC

M. Philippe NACHBAR

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. François ROCHEBLOINE

Député

NC

PPE/DC

M. René ROUQUET

Député

SRC

SOC

Membres suppléants

 

Assemblée

Groupe

Assemblée

Groupe

Conseil de l’Europe

       

Mme Brigitte ALLAIN

Députée

GE

SOC

M. Christian BATAILLE

Député

SRC

SOC

M. Philippe BIES

Député

SRC

SOC

Mme Maryvonne BLONDIN

Sénatrice

SOC

SOC

Mme Bernadette BOURZAI

Sénatrice

SOC

SOC

Mme Pascale CROZON

Députée

SRC

SOC

Mme Marie-Louise FORT

Députée

UMP

PPE/DC

M. Pierre-Yves LE BORGN’

Député

SRC

SOC

M. Jacques LEGENDRE

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Jean-Pierre MICHEL

Sénateur

SOC

SOC

M. Yves POZZO DI BORGO

Sénateur

UDI-UC

PPE/DC

M. André REICHARDT

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Frédéric REISS

Député

UMP

PPE/DC

M. Rudy SALLES

Député

UDI

PPE/DC

M. André SCHNEIDER

Député

UMP

PPE/DC

M. Gérard TERRIER

Député

SRC

SOC

Mme Paola ZANETTI

Députée

SRC

SOC

Mme Marie-Jo ZIMMERMANN

Députée

UMP

PPE/DC

Tableau n°  : Composition du Bureau de la délégation

Président

M. René ROUQUET

Député

SRC

Président délégué

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

Première vice-présidente

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

Vice-présidents

Mme Brigitte ALLAIN

Députée

GE

 

M. Jean-Marie BOCKEL

Sénateur

UDI-UC

 

M. Jean-Claude FRÉCON

Sénateur

SOC

 

Mme Arlette GROSSKOST

Députée

UMP

 

Mme Marietta KARAMANLI

Députée

SRC

 

M. Jacques LEGENDRE

Sénateur

UMP

 

M. François LONCLE

Député

SRC

 

M. François ROCHEBLOINE

Député

NC

 

M. André SCHNEIDER

Député

UMP

B. INITIATIVE DE SES MEMBRES ET NOMINATIONS

M. René Rouquet (Val-de-Marne – SRC), président de la délégation française, a été réélu vice-président de l’Assemblée parlementaire. À ce titre, il a présidé les séances publiques des mardi 28 janvier après-midi, jeudi 30 janvier après-midi et vendredi 31 janvier matin. Il a également été élu 2ème vice-président de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées. Enfin, il a été désigné par son groupe membre de la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe, dite « Commission de suivi ».

Mme Maryvonne Blondin (Finistère – SOC) a vu son mandat de membre du conseil exécutif du Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité mondiales, dit « Centre Nord/Sud », renouvelé par le Bureau pour l’année 2014. Elle a également été désignée par son groupe membre de la commission ad hoc pour l’observation de l’élection présidentielle dans l’ancienne République yougoslave de Macédoine (13 et 27 avril 2014). Enfin, elle a été élue vice-présidente du groupe socialiste.

M. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin – UDI-UC) a été réélu vice-président de la sous-commission sur les relations avec l’OCDE et la BERD de la commission des questions politiques et de la démocratie.

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC) a été élue vice-présidente de la sous-commission sur le Proche-Orient et le monde arabe de la commission des questions politiques et de la démocratie. Elle a été renouvelée en tant que représentante titulaire de cette commission auprès du Conseil des élections démocratiques de la Commission européenne pour la démocratie par le droit du Conseil de l’Europe, dite « Commission de Venise ». Elle a également été désignée par son groupe membre de la commission ad hoc pour l’observation de l’élection présidentielle dans l’ancienne République yougoslave de Macédoine (13 et 27 avril 2014). Enfin, elle a été désignée par son groupe membre de la sous-commission ad hoc sur le fonctionnement de la procédure de suivi parlementaire par la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe, dite « Commission de suivi »

Mme Marietta Karamanli (Sarthe - SRC) a été désignée par la commission des questions juridiques et des droits de l’Homme rapporteure générale1 de l’Assemblée sur l’abolition de la peine de mort. Elle a également été désignée rapporteure de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées sur « Intégration des immigrés : l’Europe en échec ? ».

M. Denis Jacquat (Moselle – UMP) a été désigné par la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable pour la représenter à la conférence sur « Les pensions de vieillesse pour les femmes – Droit à pension et prévention de la pauvreté », à Vienne, les 3 et 4 avril 2014. Il a également été désigné par son groupe membre de la commission ad hoc pour l’observation de l’élection présidentielle de l’ancienne République yougoslave de Macédoine (13 et 27 avril 2014).

M. Jean-Yves Le Déaut (Meurthe-et-Moselle – SRC) a été élu par la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias rapporteur général sur l’évaluation de l’impact de la science et de la technologie pour 2014, et, à ce titre, a été désigné pour participer à la réunion de STOA (Évaluation des options technologiques et scientifiques), au Parlement européen, le 27 février ou le 13 mars 2014, à Strasbourg.

M. Thierry Mariani (Français établis hors de France – UMP) a été élu président de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées.

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP) a été désigné par la présidente de l’Assemblée pour représenter celle-ci à la Commission européenne pour la démocratie par le droit du Conseil de l’Europe, dite « Commission de Venise ».

M. Yves Pozzo di Borgo (Paris – UDI-UC) a été élu président de la sous-commission sur les problèmes criminels et la lutte contre le terrorisme de la commission des questions juridiques et des droits de l’Homme. Il a également été désigné par son groupe membre de la commission ad hoc pour l’observation de l’élection présidentielle dans l’ancienne République yougoslave de Macédoine (13 et 27 avril 2014).

M. Gérard Terrier (Moselle – SRC) a été nommé rapporteur de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias sur « Vers un cadre européen des compétences pour la citoyenneté démocratique, les droits de l’Homme et le dialogue interculturel ».

C. RENCONTRE DE LA DÉLÉGATION FRANÇAISE

La Représentante permanente de la France auprès du Conseil de l’Europe, S.E. Mme Jocelyne Caballero, a reçu la délégation française, le 26 janvier, pour un dîner de travail au cours duquel elle a abordé les principaux points inscrits à l’ordre du jour, en particulier l’élection du nouveau président de l’Assemblée et la candidature de M. Jean-Claude Mignon au poste de Secrétaire général du Conseil de l’Europe.

II. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT DE LA SESSION

A. ORDRE DU JOUR DE LA PREMIÈRE PARTIE DE LA SESSION ORDINAIRE DE 2014

Lundi 27 janvier

Mardi 28 janvier

Mercredi 29 janvier

Jeudi 30 janvier

Vendredi 31 janvier

B. ÉLECTION DU PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE ET DES PRÉSIDENTS DES COMMISSIONS

Mme Anne Brasseur (Luxembourg - ADLE) et M. Robert Walter (Royaume-Uni – GDE) ont présenté leur candidature à l’élection du président de l’Assemblée.

En application de l’article 14.2 du Règlement, le président est élu au scrutin secret. Si, après deux tours de scrutin, aucun candidat ne recueille la majorité absolue des représentants à l’Assemblée, à savoir 159 voix au moins, l’élection est, au troisième, tour, acquise à la majorité relative.

À l’issue du premier tour, Mme Anne Brasseur a obtenu 165 voix, contre 125 voix pour M. Robert Walter, et a donc été élue présidente de l’Assemblée.

Par ailleurs, l’Assemblée a procédé à l’élection des présidents de ses commissions :

Commissions

Présidents

Questions politiques et démocratie


Questions juridiques et droits de l’Homme

Questions sociales, santé et développement durable

Migrations, réfugiés et personnes déplacées

Culture, science, éducation et médias

Égalité et non-discrimination

Respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi)

Règlement, immunités et affaires institutionnelles

Mme Theodora Bakoyannis
(Grèce - PPE/DC)

M. James Clappison
(Royaume-Uni - GDE)

M. Valeriu Ghiletchi
(Moldavie - PPE/DC)

M. Thierry Mariani
(France - PPE/DC)

Mme Ana Guţu
(Moldavie - ADLE)

Mme Gisela Wurm
(Autriche - SOC)

M. Stefan Schennach
(Autriche - SOC)



Mme Nataša Vučković
(Serbie – SOC)

C. TEXTES ADOPTÉS

Le Règlement de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe distingue trois types de textes : les avis, les recommandations et les résolutions :

– aux termes de l’article 24.1.a, une recommandation consiste en une proposition de l’Assemblée adressée au Comité des ministres, dont la mise en œuvre échappe à la compétence de l’Assemblée mais relève des gouvernements ;

– définie à l’article 24.1.b, une résolution exprime une décision de l’Assemblée sur une question de fond, dont la mise en œuvre relève de sa compétence, ou un point de vue qui n’engage que sa responsabilité ;

– les avis répondent aux demandes qui sont soumises à l’Assemblée par le Comité des ministres concernant l’adhésion de nouveaux États membres au Conseil de l’Europe, mais aussi les projets de conventions, le budget ou la mise en œuvre de la Charte sociale.

Tableau n°  : Textes adoptés

Texte

Document

Commission des questions politiques et de la démocratie

L’évaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Conseil national palestinien

Rapporteur : M. Tiny Kox (Pays-Bas, GUE),

• Résolution n°1969

Commission des questions juridiques et des droits de l’Homme

Refuser l’impunité pour les meurtriers de Sergueï Magnitski

Rapporteur : M. Andreas Gross (Suisse – SOC)

• Résolution n°1966

• Recommandation n°2031

Révision de la Convention européenne sur la télévision transfrontière

Rapporteur : M. James Clappison (Royaume-Uni – GDE)

• Résolution n°1978

• Recommandation n°2036

L’obligation des organisations internationales de répondre de leurs actes en cas de violations des droits de l’Homme

Rapporteur : M. José Maria Beneyto (Espagne – PPE/DC)

• Résolution n°1979

• Recommandation n°2037

Commission des questions sociales, de la santé
et du développement durable

Intensifier les efforts de lutte contre les inégalités au niveau mondial : la contribution de l’Europe au processus des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD)

Rapporteur : Sir Alan Meale (Royaume-Uni – SOC)

• Résolution n°1975

Le changement climatique : un cadre pour un accord mondial en 2015

Rapporteur : Lord John Prescott (Royaume-Uni – SOC)

• Résolution n°1976

La diversification de l’énergie en tant que contribution fondamentale au développement durable

Rapporteure : Mme Doris Barnett (Allemagne – SOC)

• Résolution n°1977

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Les réfugiés syriens : comment organiser et soutenir l’aide internationale ?

Rapporteur : M. Jean-Marie Bockel (France – PPE/DC)

• Résolution n°1971

Les migrants : faire en sorte qu’ils constituent une richesse pour les sociétés d’accueil européennes

Rapporteure : Mme Athina Kyriakidou (Chypre – SOC)

• Résolution n°1972

Les tests d’intégration : aide ou entrave à l’intégration ?

Rapporteure : Mme Tineke Strik (Pays-Bas – SOC)

• Résolution n°1973

• Recommandation n°2034

Commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias

Internet et la politique : les effets des nouvelles technologies de l’information et de la communication sur la démocratie

Rapporteure : Mme Anne Brasseur (Luxembourg – ADLE)

• Résolution n°1970

• Recommandation n°2033

Commission sur l’égalité et la non-discrimination

Une stratégie pour la prévention du racisme et de l’intolérance en Europe

Rapporteur : M. Jonas Gunnarsson (Suède – SOC)

• Résolution n°1967

• Recommandation n°2032

La lutte contre le racisme dans la police

Rapporteur : M. David Davies (Royaume-Uni – GDE)

• Résolution n°1968

Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe (Commission de suivi)

Le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine

Rapporteures : Mme Mailis Reps (Estonie – ADLE) et Mme Marietta de Pourbaix-Lundin (Suède – PPE/DC)

• Résolution n°1974

• Recommandation n°2035

D. INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES FRANÇAIS

Lundi 27 janvier

– Communication du Comité des ministres à l’Assemblée parlementaire présentée par M. Sebastian Kurz, Ministre des Affaires étrangères de l’Autriche, président du Comité des ministres : M. Jean-Claude Frécon ;

– Rapport d’activité du Bureau et de la Commission Permanente : Mme Maryvonne Blondin, MM. Jean-Claude Mignon, rapporteur, Jean-Claude Frécon et René Rouquet, président de la délégation française.

Mardi 28 janvier

Mercredi 29 janvier

– Internet et la politique : les effets des nouvelles technologies de l’information et de la communication sur la démocratie : M. Pierre-Yves Le Borgn’ (au nom du groupe SOC) ;

– Discours de M. Martin Schultz, Président du Parlement européen : Mme Josette Durrieu et M. Jean-Claude Mignon ;

– Les réfugiés syriens : comment organiser et soutenir l’aide internationale ? : Mme Josette Durrieu, MM. Jean-Marie Bockel, rapporteur, Bernard Fournier, Jean-Pierre Michel, Jean-Claude Mignon, René Rouquet, président de la délégation française, et Thierry Mariani ;

– Débat conjoint sur « Les migrants : faire en sorte qu’ils constituent une richesse pour les sociétés d’accueil européennes » et « Les tests d’intégration : aide ou entrave à l’intégration ? » : MM. Pierre-Yves Le Borgn’ et Thierry Mariani.

Jeudi 30 janvier

– Débat selon la procédure d’urgence : Le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine : MM. Bernard Fournier, Yves Pozzo di Borgo et René Rouquet, président de la délégation française ;

– Intensifier les efforts de lutte contre les inégalités au niveau mondial : la contribution de l’Europe au processus des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) : Mme Marietta Karamanli et M. Jean-Marie Bockel (au nom du groupe PPE/DC) ;

– Débat conjoint sur « Le changement climatique : un cadre pour un accord mondial en 2015 » et « La diversification de l’énergie en tant que contribution fondamentale au développement durable » : MM. André Schneider (au nom du groupe PPE/DC) et Frédéric Reiss.

Vendredi 31 janvier

III.  LA SITUATION DES DROITS DE L’HOMME EN EUROPE ET DANS   LE MONDE

A. DÉBAT LIBRE

La réforme du Règlement entrée en vigueur en janvier 2012 prévoit l’organisation d’un débat libre. Les parlementaires disposent de trois minutes pour intervenir sur un sujet qui n’est pas inscrit à l’ordre du jour.

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC) a souhaité évoquer la situation de l’Afrique et de la Méditerranée :

« Je parlerai de la Méditerranée – et de l’Afrique, aussi.

Nous avons en effet tendance à oublier que la Méditerranée est la deuxième mer au monde pour son trafic, après la Manche.

En ce qui concerne la rive sud, nous sommes particulièrement préoccupés par les révolutions arabes, qui ne font sûrement que commencer. Nous suivons les événements de Tunisie et d’Égypte avec beaucoup d’attention.

Le Maghreb nous est encore plus proche depuis que le Maroc nous a rejoints dans le cadre d’un partenariat pour la démocratie ; j’espère que d’autres pays suivront. Entre l’Espagne et le Maroc, il n’y a que 14 kilomètres, et la plupart des capitales européennes ne sont qu’à deux ou trois heures du Maghreb – et même de l’Afrique.

Quant à l’Afrique, justement, elle sera certainement le continent du XXIe siècle ; d’ici à 2050, elle pourrait compter jusqu’à 2 milliards d’habitants.

Alors, je vous invite à suivre les contours de ce qui pourrait devenir l’une des grandes régions du monde – peut-être même l’une des premières : du nord au sud, l’Europe, la Méditerranée, le Maghreb, l’Afrique.

L’avenir de l’Europe est sûrement au sud ; il serait dans la logique des choses que l’Europe soit amenée à revoir sa politique de voisinage. »

Mme Pascale Crozon (Rhône - SOC) s’est inquiétée de l’éventuelle adoption du projet de loi restreignant en Espagne le recours à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) :

« Le gouvernement espagnol a présenté en décembre dernier un projet de loi qui, s’il était adopté, restreindrait considérablement le droit à l’IVG. Il ne remet en effet pas uniquement en cause la liberté de choix affirmée par la loi de 2010, mais apparaît même plus restrictif que la loi de 1985 sur la dépénalisation de l’avortement en matière d’interruption thérapeutique de grossesse.

Ce projet heurte profondément l’opinion publique espagnole qui reste, selon un sondage publié par El Pais, favorable à 86 % au libre accès à l’IVG, et même à 68 % parmi les électeurs du Partido Popular au pouvoir. Mais il heurte au-delà les opinions publiques européennes, comme en témoignent les condamnations exprimées par plusieurs gouvernements, qui pèsent pourtant leurs mots avant toute ingérence dans la vie politique de leurs voisins. En France, ce projet a ravivé un débat que l’on pensait enterré depuis près de quarante ans et a donné lieu non pas uniquement à des manifestations, mais également à une tentative de déremboursement des IVG par une petite minorité de parlementaires de droite.

Le retour de discours culpabilisant les femmes et voulant les réduire à une vocation maternelle au bénéfice des hommes est inacceptable.

L’ampleur et la violence des réactions enregistrées dans toute l’Europe démontrent s’il en était besoin que le droit des femmes à disposer librement de leur corps ne peut être réduit à une simple question de santé publique qui pourrait être réglée à l’intérieur des frontières nationales.

C’est une condition de l’émancipation des femmes, sans laquelle aucune égalité, aucune interdiction de liberté sexuelle, ne saurait être effective. C’est une atteinte au respect de leur vie privée, qui ne saurait exister sans liberté de fonder ou non une famille. C’est une violation, enfin, de leur liberté de conscience, tant il est clair qu’aucun gouvernement ne restreint jamais les droits sexuels et reproductifs pour des motifs de santé publique, mais bien au contraire par idéologie, pour imposer à toutes et à tous des principes moraux et religieux qui ne devraient relever que de choix personnels.

Voilà pourquoi, comme tant d’autres Européennes, je veux affirmer ici ma solidarité avec les femmes espagnoles, consciente que je suis de la fragilité des libertés que nous avons mis tant de temps à faire reconnaître, et convaincue que je suis que les valeurs que nous affirmons dans tous nos textes fondamentaux doivent nous conduire à consolider les droits sexuels et reproductifs à l’échelle continentale, pour faire enfin de l’Europe un espace commun de droits pour les femmes. »

M. François Rochebloine (Loire – UDI) a souhaité intervenir sur la situation en Syrie :

« Le retour continuel, comme un ressac, des images et des nouvelles de morts qui nous viennent de Syrie ne peut, humainement, qu’engendrer l’écœurement, l’angoisse et la tristesse. En même temps, comme l’a montré l’épisode de l’offensive prévue, programmée, annulée, la solution n’est pas simple.

Il n’y a pas, d’un côté, les bons, de l’autre, les méchants, entre lesquels on pourrait faire un choix manichéen. Il y a des forces en opposition violente, tributaires de relations complexes et de conflits séculaires sur lesquels on ne peut pas plaquer les schémas préfabriqués de l’Occident, sous peine d’aggraver encore la situation.

Il y a un gouvernement dont le caractère autoritaire et les méthodes plus qu’expéditives ne sont contestés par personne, mais qui jouit d’un certain soutien dans une partie significative de la population syrienne.

En face, nous avons toujours autant de mal à discerner qui s’active dans les rangs de ce qu’on appelle bien imprudemment, au singulier, « l’opposition syrienne ». Il y a bien plutôt des oppositions. C’est sans doute dans la difficulté de faire l’unité dans ces oppositions qu’il faut rechercher la cause des réticences de ses représentants officiels, apparues au début de l’actuelle négociation entre les parties syriennes au conflit, dite « Genève 2 ».

En revanche, nous constatons les exactions de certains groupes islamistes contre les sanctuaires de la ville chrétienne de Maaloula, et l’enlèvement de deux évêques, de plusieurs religieuses et du père jésuite Dall’Oglio. Ce sont des faits inquiétants, qui laissent entrevoir de sombres perspectives si ces groupes, ou leur expression politique, venaient à participer au pouvoir.

La défense de la liberté religieuse prend ici tout son sens dans la perspective d’un règlement équilibré du conflit. En effet, il apparaît clairement que le respect ou le non-respect de cette liberté est un critère déterminant pour l’évaluation de l’attitude de chaque force en présence au regard des exigences minimales de liberté démocratique. Cette évaluation est évidemment nécessaire pour l’établissement d’un règlement politique durable de la crise en Syrie.

Dignité de la personne humaine et liberté d’opinion et de croyance sont des valeurs-fanions du Conseil de l’Europe. C’est pourquoi nous devrions tous ici faire ce qui est en notre pouvoir pour obtenir que ces valeurs soient concrètement prises en compte au cours des négociations de Genève. Au-delà de la protection d’une communauté minoritaire, il en va de la solidité de la solution politique à la crise et de l’équilibre géopolitique de la région. »

M. Jean-Yves Le Déaut (Meurthe-et-Moselle – SRC) a souhaité appeler l’attention de l’Assemblée parlementaire sur la transition énergétique :

« Le développement durable et la diversification de l’énergie ne vont pas nécessairement de pair.

L’objectif du développement durable ferme la voie à toutes les formes de diversification de l’énergie à partir des ressources fossiles. En France, par exemple, il est évident qu’on ne pourrait pas imaginer une diversification en revenant à l’utilisation du charbon.

Quant aux diversifications, elles peuvent avoir des effets secondaires néfastes pour le développement durable : le développement des énergies renouvelables pour la production d’électricité a profité de toutes les avancées technologiques réalisées au cours des deux derniers siècles.

Une éolienne offshore est une merveille d’innovation. Mais la production d’électricité nécessite une continuité d’approvisionnement : les industriels ne pourraient pas rester longtemps dans un pays fournissant un courant peu fiable. »

Interrompu par la présidente au motif que ce sujet serait traité lors du débat conjoint sur le changement climatique et la diversification de l’énergie, M. Jean-Yves Le Déaut a conclu :

« Je voulais simplement dire que, sur ces questions, le Conseil de l’Europe a un rôle actif à jouer et que le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, notamment ses articles 191 et 194, ne nous dispense pas de faire progresser l’innovation dans ces domaines. »

B. REFUSER L’IMPUNITÉ POUR LES MEURTRIERS DE SERGUEÏ MAGNITSKI

En analysant l’affaire Magnitski, la commission des questions juridiques et des droits de l’Homme a poursuivi son travail de lutte contre l’impunité et contre la corruption et réaffirmé son attachement à la protection des lanceurs d’alerte.

L’expert russe en fiscalité et comptabilité, Sergueï Magnitski, avait mené une enquête sur une fraude d’importance commise au détriment des autorités fiscales russes. Après avoir enduré des conditions de détention particulièrement éprouvantes, été privé de soins médicaux et battu à coups de matraque, il est mort en détention provisoire en 2009. Aucune des personnes responsables de sa mort n’a à ce jour été punie. Par ailleurs, Sergueï Magnitski, qui avait été placé en détention pour évasion fiscale dès son dépôt de plainte contre les fonctionnaires fiscaux, a été reconnu coupable le 11 juillet 2013, soit à titre posthume, d’évasion fiscale à grande échelle en bande organisée par un tribunal moscovite.

Le texte adopté par l’Assemblée invite instamment les autorités russes à mener une enquête complète sur les circonstances et le contexte de la mort de Sergueï Magnitski, ainsi que sur l’éventuelle responsabilité pénale de tous les fonctionnaires concernés. Il est proposé en dernier ressort d’encourager les États membres à adopter des sanctions ciblées à l’égard des intéressés, comme l’interdiction de visa et le gel d’avoirs, à l’exemple de ce qu’ont pu déjà adopter les États-Unis et le Canada.

M. Jean-Pierre Michel (Haute Saône - SOC) a souhaité revenir sur l’absence de procès équitable dans cette affaire :

« Madame la Présidente, mes chers collègues, le point à l’ordre du jour est particulier puisque nous traitons d’une affaire individuelle. Mais ne nous y trompons pas : au-delà de cette affaire, c’est tout de même d’un point sur l’administration, l’état carcéral et la justice en Russie qu’il s’agit. D’ailleurs, nos collègues de la Fédération russe ne s’y sont pas trompés qui, tout au long des séances de commission, n’ont cessé de faire obstruction à ce rapport en déposant une série d’amendements, dans le seul but d’en retarder l’adoption.

Sergueï Magnitski est mort en détention provisoire à Moscou le 16 novembre 2009. Le 11 juillet 2013, il a été reconnu coupable d’évasion fiscale. On croit rêver ! Il est tout à fait contraire à toutes les règles de droit international pénal d’ouvrir un procès contre une personne décédée. Lorsque l’auteur présumé des faits est mort, dans tous les pays, l’action publique s’éteint, le procès est abandonné, quitte à envisager des poursuites sur le plan civil pour d’éventuels dommages et intérêts.

Ce n’est pas ce qui s’est passé en Russie. La justice russe a suivi son cours, comme si de rien n’était, en condamnant quelqu’un qui était mort en prison à la suite de tortures. Ce procès inéquitable aurait dû être arrêté et les autorités russes devraient reconnaître qu’il n’avait aucun sens et était contraire à toutes les règles du droit reconnues par tous. Mais interrogeons-nous aussi sur les meurtriers, qui eux sont bien vivants, libres d’aller et venir. Selon le rapport d’Andreas Gross, certaines des personnes impliquées auraient même bénéficié de promotions !

À cet instant, je veux féliciter notre rapporteur pour son implication dans ce rapport. Il a fait preuve d’une résistance à toute épreuve face aux différentes pressions et oppositions qu’il a rencontrées. Plus d’un aurait renoncé, cela ne fut pas son cas.

De mystère, il n’y a pourtant guère dans cette affaire. Les détails réunis dans le rapport sont en effet accablants. Dès décembre 2009, ils ont même été publiquement reconnus par une commission russe indépendante, la Commission de surveillance publique de Moscou. Mais il faut croire que les autorités russes ne font aucun cas des avis de cette commission. Pourtant, après avoir lancé sa propre enquête indépendante sur le décès de Sergueï Magnitski, cette commission a conclu qu’il avait été torturé à mort dans sa prison.

Qu’aucune des personnes responsables de sa mort n’ait depuis été punie illustre dramatiquement les dérives du système pénal et carcéral russe. Même si les uns et les autres, nous devons aussi regarder ce qui se passe dans nos pays et si nous sommes conscients de la difficulté pour nos gouvernements d’agir en la matière, ce n’est pas une raison. En tant que parlementaires, il nous appartient de combattre lorsque les droits de l’Homme les plus élémentaires sont ainsi bafoués.

En conséquence, mes chers collègues, j’invite tous ceux qui sont attachés à nos valeurs communes, celles que nous avons acceptées et que nos États ont ratifiées, à voter nombreux les textes que nous propose Andreas Gross. »

Mme Marietta Karamanli (Sarthe - SOC) a quant à elle insisté sur la responsabilité de l’État russe :

« Le système de protection des droits de l’Homme mis en place par la Convention européenne des droits de l’Homme repose sur un triple pilier, correspondant à trois sujets de droit : la personne qui bénéficie de la protection instituée, l’État qui doit lui assurer la protection, enfin celui qui peut actionner le mécanisme de protection, de réparation ou de sanction assuré par l’État à la personne. Généralement, le bénéficiaire de la protection est aussi celui qui peut agir pour la mettre en œuvre.

Dans l’affaire qui nous préoccupe, le bénéficiaire n’est malheureusement plus : il a été victime de sévices et de mauvais traitements ayant conduit à son décès dans des conditions peu ou mal élucidées. De son côté, l’État n’a pu assurer la protection à laquelle, comme sujet de droit, il s’est engagé. Enfin, les recours possibles n’ont pas débouché pour des raisons procédurales ou qui tiennent aux choix des autorités juridictionnelles.

Ainsi, comme dans d’autres affaires, sont d’abord en cause des tiers qui devaient s’abstenir de porter atteinte aux droits fondamentaux de Sergueï Magnitski.

Puis vient aussi la question de la responsabilité de l’État qui n’a pas assuré la protection utile à l’intéressé et n’a pas garanti son droit de voir ceux qui n’avaient pas respecté sa dignité et son intégrité être punis.

Conformément aux principes et textes qui nous réunissent ici, c’est désormais vers l’État que nous nous tournons. Il peut être tenu pour responsable des violations des droits en raison de sa carence à les faire respecter. C’est pourquoi la notion de victime devant notre Assemblée et la CEDH est si importante et si déterminante.

Il y a une sorte de déplacement des exigences de responsabilités des tiers qui ont violé les droits de Sergueï Magnitski vers l’État.

L’affaire qui nous occupe est dramatique, comme le sont tous les cas de violation de droits fondamentaux d’une personne. Elle est emblématique, non en raison de l’environnement politique qu’elle révèlerait, mais du fait qu’elle illustre ce que le droit exige de l’État ; à savoir : la protection physique de ses citoyens ; la protection du droit des victimes à un procès juste ; la poursuite de ceux qui ont initialement violé les droits à l’intégrité et à la dignité d’une personne, notamment lorsqu’ils sont eux-mêmes agents ou collaborateurs de l’État et devraient donc être exemplaires.

Le contrôle de nos institutions sur ce genre d’affaires se veut pratique et efficace, car les droits auxquels nous sommes attachés ne sauraient être, comme le dit la CEDH, « des droits théoriques ou illusoires mais concrets et effectifs ».

C’est la raison pour laquelle nous devons nous concentrer sur ce qui est rapporté objectivement. Vouloir résoudre simultanément tous les problèmes posés par une équation complexe, c’est prendre le risque de n’apporter de réponse à aucun.

La justice doit être rendue sur les conditions de poursuite, de condamnation, de détention et de mort de Sergueï Magnitski. La justice doit aussi donner à voir qu’elle est rendue. Il y a là l’expression d’une fonction sociale qui concerne chaque État et nos institutions communes.

Les garanties demandées doivent empêcher que les citoyens doutent de la légitimité de l’État et de la justice. Au titre de ces garanties, il y a l’impartialité de la justice.

Il nous appartient collectivement d’inciter chaque État, en l’occurrence, ici, la Fédération de Russie, à renouveler et renforcer sa légitimité en rendant sa justice et en rendant admissible par tous le résultat de son travail. »

Mme Maryvonne Blondin (Finistère - SOC) a souligné la persistance d’une forte corruption en Russie et a insisté sur le renforcement de l’action du Conseil de l’Europe en la matière :

« Le rapport d’Andreas Gross, qui se lit comme un véritable roman policier, fait froid dans le dos. Cette affaire apparaît comme un concentré des carences de la Russie comme État de droit. Le rapport montre parfaitement les multiples atteintes non seulement à la Convention européenne des droits de l’Homme, mais également à la loi russe elle-même, auxquelles cette affaire continue de donner lieu. En décembre 2012, Le Monde qualifiait cette affaire « d’histoire sordide d’un machiavélisme d’État. »

Pourtant, la société civile russe est dynamique et attentive au respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. C’est surtout la volonté politique qui semble manquer pour enquêter en toute transparence et impartialité sur les circonstances de la mort de Sergueï Magnitski. Alors comment améliorer la situation ? Notre Organisation dispose de plusieurs instruments. Encore faut-il qu’ils soient véritablement efficaces.

La corruption persistante en Russie soulève la question du rôle et des résultats du GRECO. Quel est le bilan de cette instance contre la corruption en Russie ? La coopération des autorités russes dans cette structure est-elle réelle ?

Nous devons nous montrer très attentifs aux conséquences concrètes de la réforme du suivi. Nous devons veiller à ce qu’elle ne se traduise pas par un affaiblissement du suivi de la situation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales dans les États membres concernés par cette procédure. Les difficultés ne viennent pas tant des carences de la législation que de celles de son respect.

Enfin, je m’interroge également sur le rôle du Comité des ministres dans la gestion politique de cette affaire. Quelle a été son attitude vis-à-vis du Gouvernement russe et quels engagements a-t-il obtenus de ce dernier ?

Je considère comme bienvenue, même si elle est un peu tardive, l’initiative de notre collègue Andreas Gross de soumettre à notre Assemblée un projet de recommandation adressé au Comité des ministres. Le Conseil de l’Europe n’a que trop tardé pour rétablir la dignité de Sergueï Magnitski et de bien d’autres. »

C. L’ÉVOLUTION DU PARTENARIAT POUR LA DÉMOCRATIE CONCERNANT LE CONSEIL NATIONAL PALESTINIEN

En octobre 2011, le Conseil national palestinien est devenu le second parlement à se voir octroyer le statut de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée. Deux ans plus tard, l’Assemblée a dressé un premier bilan des développements en Palestine intervenus depuis cette date. Elle a salué le plein usage fait par la délégation palestinienne de la possibilité qui lui avait alors été ouverte de participer aux travaux de l’Assemblée et a proposé une réévaluation de ce partenariat dans un délai de deux ans.

La commission sur l’égalité et la non-discrimination a insisté, quant à elle, sur la nécessité de prendre sans attendre des mesures concrètes pour éradiquer les violences faites aux femmes.

Si quelques retards ont été pris dans les réformes programmées, ils s’expliquent selon le rapport, par l’occupation israélienne et la scission avec Gaza qui empêchent la mise en œuvre pleine et entière de l’État de droit et le bon fonctionnement du système judiciaire.

Ces raisons ont été soulignées par M. François Rochebloine (Loire – UDI) :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, en accordant au Conseil national palestinien le statut de partenaire pour la démocratie, notre Assemblée accomplissait, il y a un peu plus de trois ans, un geste doublement significatif : elle offrait à la réalité politique de la Palestine un nouveau lieu de dialogue avec l’Europe ; elle affirmait sa foi dans la capacité de contagion des valeurs communes qui fondent la vie démocratique en Europe.

Notre rapporteur indique clairement que son intention a bien été de nous proposer un bilan de cette initiative, et donc d’évaluer dans quelle mesure les objectifs du partenariat pour la démocratie ont été atteints, ou du moins approchés.

Il rappelle les engagements pris par le Conseil national palestinien, qui constituent autant de reprises de principes depuis longtemps formulés par le Conseil de l’Europe. On constate, en lisant son rapport, que les autorités qu’il a rencontrées se sont employées à faire référence à ces engagements et à mettre en valeur les efforts accomplis pour y faire face.

Il indique que ses interlocuteurs palestiniens ont souvent mis en avant le conflit avec Israël pour justifier les retards pris ou les manquements constatés dans l’application des réformes souhaitées par le Conseil de l’Europe. Sans doute y a-t-il quelque chose d’automatique et de convenu dans une telle justification. Mais on ne peut nier que l’évolution actuelle des relations entre Israël et la Palestine, dans le contexte troublé que connaît généralement le monde arabe, n’est pas de nature à faciliter la réalisation concrète de réformes dont la progression nécessite, dans des zones plus « calmes », un minimum de stabilité.

La poursuite du partenariat pour la démocratie n’est pas facile à envisager dans une conjoncture caractérisée, selon le rapporteur lui-même, par « l’inexistence actuelle d’un pouvoir législatif effectif à l’origine d’un grave déséquilibre dans les structures étatiques palestiniennes ». On sait aussi que les relations entre le Président de l’Autorité nationale palestinienne et son Premier ministre ne sont pas excellentes. Enfin, la dissociation de l’assiette territoriale de l’Autorité nationale palestinienne entre deux zones séparées à la fois par la géographie et par les dissensions internes au sein des forces politiques palestiniennes n’est pas de nature à faciliter l’édification d’une société politique au sens où nous entendons ce terme en Occident.

D’ailleurs, les négociations entre le Hamas et le Fatah ne semblent pas devoir déboucher, à une échéance très proche, sur la constitution d’un gouvernement d’union nationale, lequel permettrait pourtant de renforcer la cohésion de la société palestinienne et la capacité de l’Autorité nationale palestinienne à se faire entendre sur la scène internationale comme dans les négociations bilatérales.

Le rapporteur a certainement présents à l’esprit tous ces faits quand il conclut à l’impossibilité pratique pour les Palestiniens de conduire un certain nombre des réformes auxquelles ils ont donné leur assentiment de principe. Cependant, il affirme la nécessité de poursuivre la coopération déjà engagée, notamment le partenariat pour la démocratie mis en œuvre par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Il a raison : il ne faut rompre aucun des liens qui peuvent permettre, à une échéance plus ou moins rapprochée, la mise en place progressive d’institutions véritablement démocratiques en Palestine, même si, pour le moment, les possibilités concrètes de voir des développements positifs demeurent, hélas !, très limitées. »

Mme Brigitte Allain (Dordogne – GE) a insisté sur le rôle profondément perturbateur de l’occupation israélienne :

« Monsieur le rapporteur, vous évoquez dans votre projet de résolution le fait que l’occupation israélienne n’a pas permis au Conseil national palestinien de respecter tous ses engagements. Il convient de rappeler avec force que ce contexte crée des difficultés qui sont incompatibles avec l’émergence d’une démocratie.

Le mur qui sépare depuis plus de dix ans Israël et les territoires occupés en est le symbole le plus insolent. Déclaré illégal par la Cour internationale de justice de La Haye le 9 juillet 2004, il constitue une violation inacceptable du droit international. Il représente 60 000 hectares de terres fertiles et une centaine de puits, auxquels s’ajoutent des sites de forage importants. Fait accompli pour l’avenir, le mur aggrave considérablement les conditions de vie et de travail des Palestiniens. Ses principales victimes sont les paysans expropriés, souvent séparés d’une partie de leur exploitation ; les commerçants situés de l’autre côté d’al-Ram déplorent une baisse de 30 % à 50 % de leur chiffre d’affaires ; les médecins et infirmiers ne peuvent plus travailler à Jérusalem. Certains habitants risquent de perdre leur logement. De nombreux étudiants et travailleurs doivent faire preuve d’une grande patience chaque jour pour passer les checkpoints et autres obstacles improbables. Cette situation humanitaire déjà difficile a été aggravée par la crise politique en Égypte, avec la fermeture de tunnels qui permettaient à la population de survivre.

Alors, comment espérer la mise en place d’une réelle démocratie sur ces terres où les droits humains sont bafoués ? Tout à l’heure, à propos du racisme, on a parlé de crime contre l’humanité. Comment accepter les crimes perpétrés par l’État d’Israël à l’encontre de peuples vivant dans un état de guerre perpétuelle ? L’implication de l’Union européenne par l’intermédiaire du soutien des entreprises d’armement doit être dénoncée.

Heureusement, des espoirs nous sont permis ; ils émanent d’actes courageux des peuples en résistance qui s’expriment chaque automne lorsque des boucliers humains venant du monde entier – parmi lesquels on compte des centaines de volontaires israéliens – permettent aux paysans palestiniens de récolter leurs olives ou de replanter des arbres. Ils agissent ainsi pour un changement possible et pour l’émergence d’un vivre ensemble indispensable pour que la démocratie se développe sur ces terres. L’exemple de la nation arc-en-ciel qui a émergé en Afrique du Sud à la fin de l’Apartheid nous prouve que les murs peuvent tomber, même en Palestine. »

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC) a appelé l’Assemblée à davantage de bienveillance eu égard aux circonstances particulièrement difficiles auxquelles doit faire face le peuple palestinien :

« Je remercie Tiny Kox pour ce rapport et je salue nos collègues palestiniens, et parmi eux le président du Conseil législatif palestinien, ou du moins ce qu’il reste de ce dernier.

Monsieur Schennach a eu raison de rappeler que les élections de 2006 ont été observées par la communauté internationale et que leurs résultats n’ont pas été reconnus. Nous portons par conséquent un peu la responsabilité des divisions qui existent aujourd’hui et nous sommes excessifs quand nous appelons à la réconciliation, à des élections et à la formation d’un gouvernement d’unité nationale. Certes, ce sont les objectifs qu’il faut atteindre, mais nous ne devons pas oublier le contexte dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui.

L’ONU a donné un nom à la Palestine et le statut d’État non membre, mais la Palestine reste un État virtuel, celui d’un peuple hors sol et occupé. La Cour internationale de justice a déclaré illégal le blocus israélien. Il y a en Cisjordanie 60 check points permanents, 410 check points volants, 436 obstacles physiques, 100 types de permis de circuler différents, 250 colonies, 500 000 colons, et des murs, des murs… Ajoutons l’annexion de Jérusalem Est et la volonté, affirmée au mois de décembre, d’annexer la vallée du Jourdain – c’est-à-dire 9 à 15 kilomètres de terres agricoles, un espace touristique, une zone où le foncier a un prix, 80 000 Palestiniens et 950 colons...

Je voudrais dire à nos amis israéliens que je reconnais leur existence et leur besoin de sécurité, mais celui-ci ne légitime pas tout. J’éprouve donc une certaine gêne, Monsieur le rapporteur, devant la disproportion entre la situation dramatique du peuple palestinien et nos exigences légitimes, lesquelles doivent être adaptées à la nature de la situation.

J’ai lu le courrier de nos amis palestiniens : non, nos exigences ne sont pas injustes, elles sont légitimes. Je souhaite et je pense que les Palestiniens arriveront au bout du processus engagé avec le partenariat pour la démocratie. Mais, de notre côté, faisons preuve de davantage de bienveillance ! »

D. LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS DÉMOCRATIQUES EN UKRAINE

Une crise politique s’est ouverte en Ukraine après la suspension inattendue, par les autorités ukrainiennes, de la procédure de signature d’un accord d’association avec l’Union européenne. La dégradation récente de la situation, et en particulier l’émergence de violences entre policiers et manifestants, ont conduit l’Assemblée à débattre en urgence d’une proposition de résolution de la commission de suivi à ce sujet.

Aux violentes provocations de manifestants d’extrême droite a en effet répondu un usage excessif et disproportionné de la violence par la police. L’adoption d’un ensemble de lois réduisant la liberté de circuler et de manifester a aussi alerté le Conseil de l’Europe : adoptées dans des circonstances chaotiques qui compromettent leur légitimité par la Rada, le 16 janvier 2014, elles ont été promulguées par le Président Ianoukovitch, le 18 janvier 2014. Leur abrogation a cependant été annoncée la veille du débat.

L’Assemblée a appelé les parties en présence à l’apaisement et au dialogue afin de résoudre la crise, tout en prenant garde à cesser immédiatement toute violation des droits de l’Homme.

M. Bernard Fournier (Loire – UMP) a rappelé l’origine des faits qui ont conduit l’Ukraine au blocage et s’est inquiété du bon fonctionnement démocratique dans ce pays :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, la décision du président ukrainien, le 21 novembre dernier, de rompre les négociations en vue de signer un accord d’association avec l’Union européenne lors du sommet de Vilnius, la semaine suivante, a provoqué la stupéfaction, jusque, dit-on, dans son entourage. Elle a aussi entraîné, comme aux grandes heures de la « révolution orange » de 2004, des centaines de milliers d’Ukrainiens dans la rue. Depuis lors, ces manifestations ont dégénéré et menacent aujourd’hui la stabilité de l’Ukraine.

Je voudrais revenir aux sources des événements dramatiques dont nous sommes aujourd’hui les témoins.

En premier lieu, il est clairement établi que la rupture des négociations européennes est le résultat de fortes pressions de Moscou : renforcement des contrôles douaniers, blocus des importations, menaces sur les visas et sur l’approvisionnement énergétique, etc. Le bâton n’allant pas sans la carotte, la Russie a pris des engagements auprès de l’Ukraine en vue de surmonter les problèmes économiques de celle-ci, en particulier par la signature d’accords bilatéraux permettant de couvrir des besoins de financement à hauteur de 15 milliards de dollars et par une manipulation du prix du gaz.

On le sait, les objectifs du Kremlin sont de nature géopolitique : le Président Poutine ambitionne de créer une Union eurasienne, dont l’union douanière avec la Biélorussie et le Kazakhstan – références démocratiques, s’il en est ! – constitue la première étape. Sans l’Ukraine, cet ensemble serait immanquablement bancal.

Un grand pays tel que l’Ukraine est-il encore véritablement souverain lorsqu’il est conduit à faire des choix cruciaux sous la contrainte d’un État voisin ?

En second lieu, que le président Ianoukovitch ait pu, seul, prendre une telle décision conduit à s’interroger sur la capacité des institutions ukrainiennes à faire prévaloir l’intérêt supérieur du pays.

La situation économique de l’Ukraine est particulièrement dégradée et pâtit d’une corruption endémique, alors que l’économie parallèle constitue une part considérable de la richesse nationale. Pourquoi les dirigeants ukrainiens engageraient-ils des réformes remettant en cause leurs intérêts ? Le statu quo n’est-il pas préférable aux réformes induites par un rapprochement avec l’Union européenne ?

En cherchant à favoriser sa réélection en 2015, le président ukrainien a entraîné son pays dans la spirale de violences que l’on sait. Espérons que les autorités ukrainiennes sauront entendre les appels au dialogue qui viennent de toutes parts et qui constituent la seule chance de sortir de l’impasse dans laquelle elles se sont engagées. »

M. Yves Pozzo di Borgo (Paris - UMP) a souligné l’importance d’un dialogue entre Europe et Russie :

« Deux mois après l’annonce du 21 novembre dans laquelle l’Ukraine refusait finalement de signer l’accord d’association avec l’Union européenne, le mouvement de protestation a été relancé par l’adoption d’une série de lois réduisant la liberté de circuler et de manifester, et il s’est radicalisé. Des manifestants sont décédés.

Membre par deux fois de la mission d’observation électorale, notamment en octobre 2012, j’avais pu suivre le déroulement des élections législatives et j’avais été personnellement le témoin de nombreux éléments positifs, en particulier du respect de la pluralité du scrutin – du moins le jour même de l’élection. Le déroulement des élections n’avait pas donné lieu à de graves irrégularités, les principes de sincérité du scrutin semblant dans une large mesure appliqués le jour dit. Pourtant, j’avais eu le sentiment que les échos de cette élection dans les médias européens de l’ouest déformaient la réalité au prisme de préjugés persistants.

D’après les informations dont nous disposons, on noterait une évolution positive de l’opinion publique en Ukraine ; on sent que celle-ci s’intéresse de plus en plus à la politique, et le mouvement actuel en témoigne. Les exactions, les atteintes aux droits de l’Homme ne sont pas acceptables pour un pays qui a vocation à rejoindre la grande famille européenne et qui, de surcroît, est membre de notre Assemblée.

Je voudrais, mes chers collègues, attirer votre attention sur le fait que la situation en Ukraine est indirectement la conséquence d’une absence de collaboration entre la Russie et l’Union européenne. Il y a une incompréhension complète entre les deux : la Russie n’a pas aujourd’hui de politique digne de ce nom à l’égard de l’Union européenne, et l’Union européenne n’a pas de politique digne de ce nom à l’égard de la Russie. Il existe une politique française, une politique allemande, une politique italienne, une politique anglaise, mais il n’existe pas de réflexion stratégique entre l’Union européenne et la Russie visant à établir une coopération entre ces deux grands ensembles, qui sont pourtant interdépendants.

Il se tient tous les six mois – comme hier à Bruxelles – des rencontres entre l’Union européenne et la Russie, mais celles-ci patinent. Le communiqué du Président de la Commission européenne, M. Barroso, clôturant la réunion, qui appelle à un esprit coopératif entre l’Union et la Russie, semble un vœu pieux.

Il importerait que ces deux ensembles, qui sont historiquement appelés à vivre ensemble, puissent avoir une attitude plus positive. Que chacun évite de mettre de l’huile sur le feu et fasse pression pour que l’Ukraine, grand pays de l’histoire européenne actuellement sur le chemin de la démocratie, puisse régler les problèmes qu’il rencontre actuellement. »

M. René Rouquet (Val-de-Marne – SRC), président de la délégation française, a plus particulièrement insisté sur le rôle de l’Europe dans la résolution de la crise ukrainienne :

« Mesdames les rapporteures, je me suis rendu en Ukraine en décembre en qualité de président de la commission ad hoc d’observation des élections. Malgré un contexte difficile, nous avons pu rencontrer toutes les parties en présence et mener à bien notre mission.

Force est de constater, un mois plus tard, que la situation est devenue dramatique. Nous devons condamner avec force la répression disproportionnée menée par les forces de l’ordre. L’assassinat du jeune militant M. Verbitsky, rappelant l’affaire Gongadzé, le passage à tabac de l’ancien ministre M. Loutsenko et de la journaliste Mme Tchornovil ne peuvent que susciter indignation et révolte. Ces actes sont intolérables de la part d’un pays membre du Conseil de l’Europe !

Pour autant, la radicalisation d’une minorité ultranationaliste des manifestants, prônant la violence et multipliant les provocations n’est pas admissible.

Hier, au Parlement ukrainien, M. Kravtchouk, premier Président de l’Ukraine indépendante, a appelé ses collègues à prendre leurs responsabilités et à rechercher un règlement politique. Cet appel doit être entendu.

L’abrogation des lois liberticides, la démission d’un gouvernement honni par les opposants doivent être considérés comme autant de signes en faveur d’une résolution de la crise. Hier soir, une loi d’amnistie a été adoptée. Je regrette que les conditions n’aient pu être réunies pour un vote plus consensuel au Parlement. Mais tous ces éléments sont autant de pas sur la voie du dialogue et nous devons nous en réjouir.

Cependant, les manifestants ukrainiens nous rappellent chaque jour que l’Europe symbolise l’espoir de la démocratie, de la liberté et d’un avenir meilleur. Nous n’avons pas le droit de les décevoir.

J’ai suivi avec attention le sommet UE-Russie qui vient de se dérouler et les déclarations des uns et des autres. Je ne pense pas qu’au nom de l’imbrication des économies des deux pays, la Russie ait un droit de regard particulier sur ce qui se passe à Kiev.

Si les Ukrainiens le souhaitent, une médiation européenne sera bien sûr possible. C’est aux Ukrainiens de le décider et à personne d’autre.

Je voudrais dire à nos collègues ukrainiens que l’État de droit que réclament les manifestants de l’Euromaidan n’est pas une manipulation de l’Occident, c’est une aspiration légitime de votre peuple. Votre jeunesse n’a pas besoin de mentor américain ou européen pour se mobiliser, les réseaux sociaux et son envie de liberté suffisent !

La commission de suivi de notre Assemblée mais aussi la Commission de Venise sont autant d’organes qui sont là pour vous aider à avancer vers la démocratie.

En 2001, un colloque était organisé à l’Assemblée nationale française sur l’Ukraine, le retour à l’Europe d’une nation oubliée. Cette formule est plus que jamais d’actualité et nous pouvons assurer le peuple ukrainien que l’Europe ne l’oubliera pas ! »

IV. LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME DANS LE MONDE

A. DÉBAT JOINT SUR LE RACISME

1. Une stratégie pour la prévention du racisme et de l’intolérance en Europe

L’Assemblée a constaté la progression, ces dix dernières années, des manifestations de racisme, de haine et d’intolérance, tant en gravité qu’en nombre. Sont ainsi mis en avant les effets de la crise économique sur le tissu social et l’échec des gouvernements à concevoir et à mettre en application des politiques en matière de cohésion sociale, de migration et d’inclusion des Roms, ainsi que le rôle amplificateur de l’utilisation croissante d’internet et des médias sociaux.

Il y a désormais urgence à élaborer une véritable stratégie face au racisme, à la haine et à l’intolérance en Europe, plutôt qu’une approche au cas par cas. Cette démarche suppose le renforcement des cadres juridiques existants assorti d’une mise en œuvre effective par les États membres.

Mme Maryvonne Blondin (Finistère - SOC) a salué la volonté politique exprimée par le gouvernement français de lutter contre toutes les formes de discriminations et a invité l’Assemblée à la vigilance à ce sujet :

« Le projet de résolution que nous soumet notre collègue M. Gunnarsson constitue un instrument important pour lutter contre la propagation des discours de haine. Je partage son point de vue selon lequel il convient de mettre l’accent sur la prévention et l’éducation.

Ces deux rapports seront comme des lanceurs d’alerte dans les États membres du Conseil de l’Europe, mais, il faut le souligner, la situation est variable selon les pays.

En France, différentes enquêtes d’opinion montrent que seuls 8 % des Français croiraient en l’inégalité des races. Mais le racisme n’a pas disparu, il s’est transformé en un racisme sociétal et culturel. Dans le contexte de crise financière, économique et sociale, l’individualisme et le repli sur soi, sur ses semblables, sur ses frontières, se renforcent ; le rejet de l’autre, de l’étranger, augmente ; et les extrémismes se durcissent. Tout cela est facilité par les nouvelles technologies et les réseaux sociaux, ce fameux cyberespace, dont on peut mesurer l’efficacité de la circulation de tous types d’informations et dont on voit les ravages qu’il fait chez les jeunes.

Le Conseil de l’Europe doit absolument défendre ses valeurs et ses objectifs. Des paroles c’est bien, mais des actes et le renforcement de nos cadres juridiques, c’est mieux.

Je voudrais rappeler à notre Assemblée le discours de la ministre française Najat Vallaud Belkacem, ici même, l’an dernier, qui a mis en place un plan d’action et un cadre juridique certes, me direz-vous, pour l’égalité entre les femmes et les hommes et pour lutter contre les discriminations, mais lutter contre les discriminations, c’est lutter contre l’intolérance, contre le rejet de l’autre, contre le racisme.

Le ministre de l’Éducation nationale français, Vincent Peillon, déclarait lundi dernier dans un journal français : « Le meilleur rempart contre tous les préjugés qui conduisent au racisme et à l’antisémitisme, c’est l’instruction, la réflexion et le dialogue. »

Le Conseil de l’Europe est reconnu pour sa contribution à la lutte contre toutes les discriminations. Il est du devoir de notre Assemblée que de faire reculer cette poussée du racisme. C’est une tâche de longue haleine et il ne faut pas baisser la garde !! Car c’est le sommeil de la raison qui engendre des monstres. »

Mme Bernadette Bourzai (Corrèze – SOC) a d’ailleurs souligné l’action du Conseil de l’Europe en la matière :

« Merci, Monsieur Gunnarsson, pour cet excellent rapport. Il souligne avec clarté la nécessité pressante aujourd’hui d’intervenir pour promouvoir ce qui auparavant allait de soi : la tolérance et le respect de l’autre.

Ces dernières années sont marquées par la diffusion d’un nouveau racisme politique en Europe. Certes, ce dernier émerge conjointement à la crise économique. Il est vrai aussi que le développement des réseaux sociaux a libéré le discours raciste en Europe et donné à ces discours de haine une résonance inédite jusqu’alors.

Mais, si cette crise exacerbe les tensions traditionnelles, elle n’est pas seule coupable. Ne nous voilons pas la face : les partis politiques ont leur part de responsabilité. Les partis politiques extrémistes et populistes ont déployé une nouvelle stratégie pour convaincre. Ils ont dilué leur message pour attirer un nombre croissant d’électeurs. Face à cette concurrence, certains partis politiques traditionnels se sont approprié les éléments de discours de ces partis, contribuant à les diffuser dans l’ensemble de la société.

La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) a dressé un constat alarmant dans son rapport annuel 2012 publié le 25 octobre dernier. L’intolérance s’affiche désormais sans complexe : discrimination raciale, xénophobie, antisémitisme et intolérance sont de plus en plus visibles en Europe. Rappelons que, selon l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, une personne sur quatre provenant d’un groupe minoritaire a déjà été́ confrontée à un crime à caractère raciste en Europe.

Comment pouvons-nous aujourd’hui repousser l’extrémisme à la frontière du politique, là où il aurait dû rester ? Face à l’ampleur du phénomène, la présidente de l’ECRI, Eva Smith, en a conclu que « la lutte contre le racisme et l’intolérance ne peut être efficace que si l’on arrive à faire passer le message dans la société tout entière. À cet égard, la sensibilisation du grand public ainsi qu’une stratégie de communication adaptée sont essentielles ».

Au mois de mars 2013, le Conseil de l’Europe a déjà lancé, à destination du grand public, son mouvement contre le discours de haine. Je rejoins le rapporteur sur la nécessité d’aller plus loin au sein de notre Organisation. Le Conseil de l’Europe a ainsi organisé à Erevan une conférence de haut niveau sur la lutte contre le racisme, la xénophobie et l’intolérance en Europe, les 21 et 22 octobre derniers. Les conclusions de cette dernière ont souligné la nécessité de partager les bonnes pratiques non seulement entre États membres mais aussi entre organisations internationales et régionales.

À cet égard, je salue l’initiative du rapporteur tendant à soutenir l’approche volontariste de la Déclaration de Rome contre le racisme et l’intolérance à laquelle 17 États membre de l’Union européenne ont adhéré en septembre 2013. En adoptant aujourd’hui ce rapport, nous franchissons une nouvelle étape dans la lutte contre le racisme et l’intolérance.

À la veille des élections au Parlement européen, je voudrais rappeler que, comme le disait Gilles Perrault, « La tolérance, c’est la civilisation par excellence ». »

2. La lutte contre le racisme dans la police

L’Assemblée a souligné l’existence d’actes racistes dans la police dont certains ont pu être mis en lumière par des faits divers. Elle invite à ce sujet les États membres à analyser de façon critique les pratiques de la police et à prendre les mesures nécessaires afin d’éviter l’impunité de ces crimes racistes.

B. INTERNET ET LA POLITIQUE : LES EFFETS DES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION SUR LA DÉMOCRATIE

L’internet fait aujourd’hui partie intégrante de la vie quotidienne. Selon les données d’Eurostat, en 2012, au sein de l’Union européenne, 76 % des ménages avaient un accès internet à domicile, 60 % des utilisateurs en faisant un usage journalier. Le développement des nouveaux médias sociaux a, dans le même temps, considérablement transformé les pratiques sociales. Pour l’année 2012 toujours, 61 % des utilisateurs ont lu la presse en ligne et 52 % ont publié des messages sur les réseaux sociaux.

Les effets amplificateurs d’internet donnent une portée mondiale et immédiate à toute information, qu’elle contribue à la transparence démocratique, ou qu’elle procède de rumeurs ou de désinformation. Internet n’est ainsi pas sans impact sur l’exercice des libertés d’information, d’expression, d’opinion, de réunion et d’association, de même que sur la participation politique, l’articulation des relations entre électeurs et forces politiques, et entre citoyens, élus et administrations. Il a permis de renouveler la participation de la population aux processus démocratiques. Le développement du web invite à la réflexion quant à la recherche d’un nouvel équilibre entre démocratie électronique directe et démocratie représentative traditionnelle, qui permettrait d’accroître la participation citoyenne et d’améliorer le fonctionnement démocratique des structures politiques.

Cependant, la fragmentation du processus décisionnel, symptomatique d’Internet, nécessite aussi l’élaboration d’un modèle de gouvernance qui permette de préserver la liberté sur le web tout en garantissant la sécurité en ligne et le respect des droits de l’Homme, notamment dans les pays où ils sont les plus menacés.

C’est sur cette question de la régulation que M. Pierre-Yves Le Borgn’ (Français établis hors de France - SOC), s’exprimant au nom du groupe SOC a souhaité orienter son intervention :

« Internet a changé nos vies. J’ai du mal à me souvenir de ce qu’était ma vie de citoyen, de consommateur, d’homme avant cette révolution. Le flux de l’information était bien plus faible, plus prévisible, moins partagé et surtout moins instantané. Internet a bousculé de manière irréversible la relation entre la sphère de l’action publique et les citoyens, posant un défi pour la démocratie représentative, plus encore dans le contexte présent de crise de confiance en nos institutions.

Ce défi est le bienvenu, au sens où il nous oblige, nous, parlementaires et plus largement décideurs publics, à expliquer, argumenter, défendre nos réflexions, décisions et votes. Internet ouvre largement le droit de savoir et d’interroger. Il nous expose, certes, à une pression immédiate qui parfois est rude, mais il offre une chance réelle à la légitimation de l’action publique.

Mon élection à l’Assemblée nationale, en France, doit beaucoup à internet. Député des Français de l’étranger, j’ai été élu à l’occasion d’un scrutin dont plus de 70 % des suffrages exprimés l’ont été par vote en ligne sécurisé. Ce type de vote, inédit dans mon pays, a autorisé des compatriotes établis parfois à des centaines de kilomètres du bureau de vote à participer à un rendez-vous démocratique qui, pour la première fois, permettait aux Français du monde entier d’élire 11 députés sur les 577 que compte l’Assemblée nationale. Ce vote en ligne a induit, en amont, une campagne électorale mobilisant nombre d’outils nés sur la Toile, comme bien sûr les sites de campagne et les réseaux sociaux, mais aussi, par exemple, les séminaires en ligne rassemblant des centaines d’internautes citoyens autour des candidats. De fait, le vote par internet a entraîné une mobilisation collective d’un autre type que j’ai d’ailleurs souhaité prolonger, en aval, dans mon activité quotidienne de parlementaire.

C’est précisément parce que je crois dans le renouveau citoyen impulsé par la révolution internet que je rejoins l’idée de veiller à ce que la liberté la plus absolue sur la Toile ne se traduise pas par un recul de la démocratie et des droits de l’Homme. Il y a, sur internet, le meilleur et le pire, la bonté et la haine, la générosité et le racisme, la paix et la violence. Des développements récents nous ont montré, malheureusement, que la vie privée peut être scrutée et les données les plus personnelles exploitées en dehors de toute légalité.

Madame la rapporteure, je soutiens vos propositions en faveur de règles communes aux États membres du Conseil de l’Europe concernant la sécurité et la gouvernance sur internet. Je souhaite que les opérateurs soient étroitement associés, en responsabilité, à la définition de ces mesures. Il faut, comme vous le proposez à très juste titre, un Livre blanc du Conseil de l’Europe qui soit, pour nous tous, autant une feuille de route qu’une obligation impérieuse de résultats. »

C. LES RÉFUGIÉS SYRIENS : COMMENT ORGANISER ET SOUTENIR L’AIDE INTERNATIONALE ?

Depuis mars 2011, la situation des personnes affectées par le conflit syrien n’a fait que s’aggraver : 2,2 millions de Syriens, dont 1,1 million d’enfants, ont fui le pays et, en Syrie même, 6,8 millions de personnes ont besoin de l’aide humanitaire, tandis que 4,25 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays.

Dans les camps, les victimes du conflit continuent à souffrir du manque d’eau potable, de nourriture, de vêtements et d’hébergement décent, et les violences faites aux femmes et aux enfants s’accroissent.

M. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin – UDI-UC), rapporteur de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, a ainsi présenté son rapport :

« La commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, dont je salue le nouveau président Thierry Mariani, a vraiment voulu informer les collègues de la situation actuelle et, au travers de cette séance, porter haut et fort un certain nombre de messages en direction de la communauté internationale afin que celle-ci agisse mieux et plus vite. Nous avons bien travaillé en lien étroit avec mon collègue M. Dişli de la commission des questions politiques. C’est ensemble que nous sommes allés sur le terrain et avons procédé aux auditions. Je tenais à le préciser.

Monsieur le Commissaire aux droits de l’Homme, comme le disait à l’instant Mme la Présidente, nous sommes très heureux de votre présence. J’ai lu avec grand intérêt votre rapport de mission et je partage, nous partageons l’essentiel de vos conclusions.

Notre commission est extrêmement préoccupée par ce que nous avons pu observer sur le terrain et nous pensons qu’au-delà du débat de ce jour, nous devrons continuer d’informer l’Assemblée et, à travers elle, nos opinions publiques de la situation en Syrie. Les problèmes ne se règleront pas demain matin ; nous devons poursuivre nos investigations sur cette situation dramatique, notamment en ce qui concerne les personnes les plus vulnérables, les femmes et les enfants, et tout particulièrement les enfants syriens non accompagnés. Nous devons également suivre la manière dont les camps, lorsque camps il y a, sont gérés et administrés et la façon dont l’aide internationale est utilisée.

Au-delà de l’aspect de suivi, notre Assemblée permet aussi aux réfugiés syriens de ne pas se sentir complètement abandonnés. J’ai encore en mémoire les mots qu’ils m’ont adressés lors de notre visite : « Merci d’être là, cela veut dire que nous existons encore pour quelques personnes ».

C’est la raison pour laquelle je pense que nous pourrions être mandatés par l’Assemblée pour poursuivre notre travail. Nous n’avons pas pu aller en Jordanie, par exemple, où la situation est terrible, notamment à Al Zaatari, ou dans d’autres pays limitrophes. Pour ce qui est de la présence sur le terrain, ce rapport se fonde essentiellement sur deux visites, et je tiens à cet égard à remercier le Haut-Commissariat aux réfugiés, tant pour son aide à la bonne organisation de nos déplacements, que pour son implication courageuse.

Je citerai rapidement l’exemple du Liban, où nous avons visité ce qui était à l’époque des « non camps », puisque le Liban ne voulait pas entrer à nouveau dans une démarche de camps, alors qu’à l’époque – c’était il y a quelques mois – nous dénombrions déjà près de 900 000 réfugiés. Les autorités, me semble-t-il, sont en train de changer de position, car le principe de réalité s’impose et la situation, parce qu’elle n’est pas vraiment reconnue et organisée même si elle est tolérée, devient absolument insupportable. Les conditions de vie sont déplorables, indignes : eau insalubre, absence de sanitaires, aide insuffisance hors HCR et ONG – heureusement qu’elles sont là –, loyers élevés, etc. À cela, il faut ajouter, ce qui est peut-être le pire pour moi, des enfants non scolarisés, sans oublier de citer les obstacles administratifs démesurés pour renouveler les visas, l’absence d’accès aux soins en raison du coût élevé des hôpitaux. Les réfugiés manquent de tout, à commencer par les produits de première nécessité. Je ne parle pas des problèmes de difficultés financières, d’emploi, d’insuffisance de l’aide alimentaire et l’on a le sentiment que le Liban, qui est déjà dans une situation très instable, devient une véritable poudrière. Il convient de porter une attention particulière aux femmes et aux enfants qui, ne l’oublions jamais, représentent la majorité des réfugiés qui ont fui la Syrie.

En Turquie, nous avons rencontré une situation bien différente. Nous avons effectivement perçu la volonté des autorités turques de soulager au maximum les maux des réfugiés syriens.

Le gouverneur d’Hatay nous a d’ailleurs informés qu’un grand nombre de réfugiés étaient hébergés par des familles turques qui ont un lien de parenté avec eux et qui les accueillent. Mais cela commence aussi à poser des problèmes, tant leur nombre augmente. Nous l’évoquions à l’instant avec le Commissaire aux droits de l’Homme. Le Croissant-Rouge aide les réfugiés qui se trouvent dans les régions frontalières, qui sont nombreuses puisque les frontières s’étendent sur 800 kilomètres.

Le camp que nous avons visité près de Hatay est l’un des premiers à avoir été installé. Jusqu’au mois de juin 2013, la situation y était relativement calme, mais, en quelques mois, le nombre de réfugiés est passé de 250 à 6 500. Il a fallu suivre et organiser ces tentes et ces chambres familiales aménagées dans de grands halls.

Tout cela me permet de marquer l’implication de l’État turc. Un point qu’il me paraît important de souligner est que les enfants vont à l’école le matin. C’est tout de même une grande différence. Les réfugiés déplorent néanmoins le manque de soutien et de réaction de la communauté internationale. Ils estiment qu’on leur fait beaucoup de promesses, dont ils ne voient pas forcément de concrétisation à la hauteur de leurs espérances.

Le projet de résolution que la commission vous soumet aujourd’hui met l’accent sur la situation plus que précaire que connaissent les réfugiés syriens dans les pays limitrophes, spécialement au Liban. Il nous faut aussi remercier les États qui accueillent ces réfugiés, y compris en Europe, et saluer la générosité dont ils font preuve en dépit de la crise économique.

J’ai également souhaité mentionner la situation en Afrique du Nord, plus particulièrement en Égypte, qui a accueilli un grand nombre de réfugiés syriens, dont certains auraient été expulsés vers des pays tiers. Dans ce pays, des enfants réfugiés seraient également placés en rétention administrative.

Je ne reprendrai pas tous les points du projet de résolution. Nous aurons l’occasion de les évoquer par la suite. Les recommandations qu’il comporte s’adressent aussi bien aux États membres de notre Organisation qu’à des États non membres ainsi qu’aux États concernés par le conflit. Elles portent sur la nécessité d’accorder une protection temporaire ou internationale aux réfugiés, d’appliquer le principe du non-refoulement, d’assurer l’accès aux territoires et aux procédures d’asile, de prévoir un plan de contingence en cas de nouvel afflux massif de réfugiés, de veiller à ce que les enfants puissent bénéficier d’un programme d’éducation, d’apporter toute la protection possible aux femmes et aux jeunes filles.

Elles insistent également sur la générosité et la solidarité attendues de la communauté internationale, y compris en Europe et au sein de l’Union européenne. Chacun doit faire plus dans les mesures à prendre pour fournir le minimum vital à ces réfugiés.

Enfin, le texte encourage les États membres de l’Union européenne à mettre en œuvre la directive concernant la protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et soutient les pays de l’Union qui accueillent les réfugiés syriens.

Je terminerai cette présentation sur un mot relatif à la conférence Genève II. S’il faut naturellement se féliciter – et certains amendements y font référence – que des représentants du régime et de la coalition nationale syrienne aient accepté de s’asseoir autour de la table des négociations, force est de constater que, jusqu’à présent, aucune solution n’a pu être trouvée, y compris sur la question importante de l’acheminement d’un convoi humanitaire à Homs. Il est pourtant essentiel que les femmes et les enfants puissent quitter au plus vite la vieille ville de Homs, assiégée par l’armée syrienne depuis juin 2012. Le régime syrien aurait accepté le principe d’une telle évacuation, mais des garanties auraient été demandées de part et d’autre avant d’y procéder. Bref, la situation est pour l’instant bloquée, y compris sur le volet humanitaire des négociations. Cela est inacceptable. Il est inacceptable que des civils, particulièrement vulnérables, soient ainsi pris en otage pour des raisons politiques, alors qu’ils ne portent aucune responsabilité dans le conflit.

Plus généralement, je pense que tous les pays membres de L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe devraient, là où ils sont, avec la position géopolitique qui est la leur, y compris certains grands pays, peser pour que nous puissions au moins dans ce domaine trouver des solutions, sachant que la dimension humanitaire et la dimension de résolution politique du conflit sont étroitement liées. »

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC) a insisté sur la nécessité d’une solution politique :

« Monsieur le Commissaire aux droits de l’Homme, vous avez raison : on somnole – à propos de la Syrie, comme à propos du Mali et de la Centrafrique. On se donne bonne conscience, mais il y a beaucoup d’hypocrisie et de lâcheté dans tout cela.

Les camps que vous avez visités dans la région de Hatay, en Turquie, je les connais. Vous avez raison : il faut saluer une fois de plus les efforts exceptionnels de ce pays. Le chiffre que vous avez cité – près d’1 million de réfugiés – dépasse encore celui que l’on m’avait donné. Pourtant, les résultats sont assez exceptionnels. Merci donc à la Turquie.

La situation de la Jordanie est différente. Cela fait longtemps déjà qu’elle accueille tous les réfugiés de la zone ; la population y est à 60 % constituée d’immigrés.

Tous les problèmes se cumulent : l’approvisionnement en eau, les violences, l’insécurité, les trafics. Les réfugiés ont besoin de tout, mais surtout d’hôpitaux et d’écoles. C’est un impératif, non pas de générosité, mais de solidarité.

Nous devons cependant aussi aborder le problème en termes politiques, car nous ne sommes pas une ONG. Il faut un chapeau politique à ce débat. Toute la région est emportée dans la spirale de l’affaire syrienne. La totalité des États voisins de la Syrie en subissent les conséquences : la Jordanie, la Libye, la Turquie, l’Irak, avec les problèmes que l’on sait de réfugiés et de minorités – dont les Kurdes qui viennent d’être évoqués et qui constituent aussi dans plusieurs pays une minorité importante.

La crise syrienne soulève aussi des problèmes religieux. Toutes les minorités religieuses se trouvent en difficulté. Toutefois, ce qui frappe le plus, c’est l’importance prise par le fait religieux dans une guerre qui était à l’origine d’une autre nature, mais qui est devenue une guerre entre sunnites soutenus par l’Arabie saoudite et chiites appuyés par l’Iran – bref, c’est la guerre de l’Arabie contre l’Iran par Syrie interposée.

La solution ne peut être que politique. Heureusement, les deux parties participent à la conférence de Genève II – je ne sais pas s’ils dialoguent réellement, mais ils sont présents. En revanche, l’Iran n’y participe pas, ce qui est dommage. Dans un accord nucléaire transitoire, l’Iran a poussé assez loin les concessions ; peut-être avait-il sa place à la conférence. En tout cas, c’eût été un bon signal, car il est un acteur majeur et nous aurions pu tester son sens des responsabilités.

En attendant, les combats, les morts, les réfugiés, tout cela continue. La machine infernale est en marche. Nous avons réussi à obtenir l’arrêt de l’utilisation des armes chimiques et leur destruction. En revanche, nous avons failli ne pas demander aux belligérants de déposer les armes au moment même où les négociations s’engageaient – mais j’espère que l’amendement qui vous est proposé sera adopté, car ce sont les armes traditionnelles qui tuent, en Syrie. »

M. Bernard Fournier (Loire – UMP) a, lui aussi, présenté les efforts de la France envers l’opposition syrienne et a insisté sur les limites d’une approche humanitaire sans perspective politique :

« Je tiens à saluer le remarquable travail d’investigation de mon compatriote Jean-Marie Bockel, qui permet à notre Assemblée de connaître avec précision les réalités du terrain.

Ces réalités sont dramatiques pour les 2,2 millions de Syriens, dont la moitié d’enfants, que la guerre civile a contraints à l’exil, ainsi que pour les 4,5 millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, qui vivent dans des conditions très précaires, quand ce n’est pas dans un dénuement extrême.

Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, dépassé par l’afflux ininterrompu de réfugiés, est contraint de procéder à des choix douloureux. La situation est proche du point de rupture. Depuis octobre dernier, l’aide consacrée aux plus nécessiteux, insuffisante, a dû être supprimée à 30 % des réfugiés. Or les besoins sont croissants : selon l’ONU, 6,5 milliards de dollars seraient nécessaires aux réfugiés syriens en 2014. Pourtant, la conférence des donateurs, réunie au Koweït le 15 janvier dernier, n’a obtenu des engagements qu’à hauteur de 2,4 milliards de dollars, alors même que les promesses faites lors de la précédente conférence sont loin d’avoir été tenues, en particulier par les pays du Golfe.

De nombreux pays, voisins de la Syrie ou pas, apportent une aide vitale à ces réfugiés. C’est le cas de la France, qui accueille des réfugiés syriens. La France apporte aussi une assistance à la Coalition nationale syrienne (CNS), notamment en matière d’administration locale et de fourniture de services de base en matière d’énergie, de santé, d’eau et de sécurité alimentaire. Elle a également décidé de rejoindre le fonds multi-bailleurs pour la reconstruction de la Syrie mis en place par l’Allemagne et les Émirats arabes unis dans le cadre du groupe des Amis du peuple syrien. Elle livre en outre une aide militaire non létale à destination de la CNS pour la protection des populations civiles, en coordination avec ses partenaires de l’Union européenne. Enfin, elle a mis ses meilleurs experts à la disposition de l’Organisation internationale pour l’interdiction des armes chimiques dans le cadre du démantèlement de l’arsenal chimique syrien.

Néanmoins, on voit bien que l’approche humanitaire atteint rapidement ses limites. Il convient de trouver une solution politique à la situation en Syrie, où la guerre n’a que trop duré.

Le peuple syrien est en droit de déterminer son propre destin. Certains proposent la formation d’un gouvernement de transition doté des pleins pouvoirs exécutifs dans le cadre de la conférence de Genève II, mais le processus paraît bien mal engagé. L’opposition syrienne est très divisée, et confrontée à un terrible dilemme : participer à la conférence, c’est prendre le risque d’être considéré comme un traître ; ne pas y participer, c’est offrir une victoire à Bachar el-Assad et encourir l’opprobre des Amis de la Syrie. La décision de la CNS de participer à la conférence est courageuse, et elle doit être saluée. »

M. Jean-Pierre Michel (Haute-Saône – SOC) a, de son côté, déploré le soutien apporté au régime syrien par certains États membres du Conseil de l’Europe :

« Trois ans de conflit, des milliers de morts, des millions de réfugiés à l’intérieur et à l’extérieur. Ça continue, nous n’y pouvons rien. Pourquoi ? Notamment parce qu’un des pays membres du Conseil de l’Europe s’acharne à soutenir le régime de Bachar el-Assad. Nous venons d’ailleurs d’entendre un parlementaire de ce pays et nous avons pu constater à quel point la réalité a été déformée et manipulée.

Quand on connaît la Syrie, on sait le déroulement des faits. Les premières révoltes contre le régime de Bachar el-Assad ont été le fait de démocrates syriens, à l’intérieur du pays. Puis, faute d’avoir été aidées, par nous, ces révoltes ont été rapidement submergées par des bandes d’islamistes, des bandes de chiites, qui sont venus en Syrie pour combattre le régime. Aujourd’hui, ceux-là sont aidés, notamment par l’Iran – on sait que l’Iran a envoyé en Syrie des instructeurs et même des soldats – et nous sommes dans l’impasse. Que nous reste-t-il sinon parler de l’aide humanitaire, de l’aide que nous devons apporter aux pays qui accueillent tous les réfugiés qui pour certains, comme la Jordanie ou le Liban, sont totalement déstabilisés par l’afflux de ces réfugiés ?

On ne peut que souscrire à l’excellent rapport de Jean-Marie Bockel, ainsi qu’aux observations et aux précisions que nous a apportées notre Commissaire aux droits de l’Homme, mais franchement, c’est humiliant pour nous ! »

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP) a, quant à lui, souhaité revenir sur le drame vécu par les populations déplacées :

« Je voudrais tout d’abord remercier la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées et, d’une manière générale, l’ensemble des commissions de notre Assemblée qui réalisent un travail énorme. Si nous devions dire aujourd’hui laquelle de ces commissions est la plus importante, nous serions bien gênés, car force est de constater que chacune, dans son rôle, réalise un travail remarquable.

Une nouvelle fois, nous allons parler de la situation de ces femmes, des ces hommes, de ces enfants que l’on appelle « des réfugiés » ou « des personnes déplacées ». Il est incroyable qu’en 2014, une commission soit obligée de se consacrer à la situation et au devenir de ces personnes. Le mot « réfugié » est terrible. Des femmes, des hommes, des enfants sont contraints de fuir leur pays, d’être déracinés, de se réfugier pour vivre dignement et sans risquer leur vie au quotidien. Nous sommes en 2014 ! Quelles autres assemblées traitent de ce type de sujet ? Il n’y a que nous pour le faire. Reportons-nous à tous les débats que nous avons eus depuis quelques années sur la Syrie, ne serait qu’en octobre dernier au titre de la procédure d’urgence, dans cet hémicycle. Reportons-nous au travail réalisé par la commission des migrations et par la sous-commission, que j’ai accompagnées, notamment en Grèce afin de visiter des camps.

Se rend-on bien compte de la portée du mot « camp » ? Nous sommes obligés d’installer dans des camps, dans des conditions ô combien précaires, des femmes, des enfants, des hommes déracinés, qui ignorent le plus souvent ce qu’est devenue leur famille, qui ignorent s’ils ont encore une mère et un père.

J’étais avec Mme Strik et bien d’autres en Grèce. Nous ne pouvons que saluer l’action de pays comme la Grèce, la Turquie, l’Italie, la Bulgarie et Malte. Ils accueillent ces réfugiés qui ne savent plus où aller. Il serait bon que nos parlements respectifs inscrivent ces mêmes sujets à leur ordre du jour et qu’ils se rendent compte de ce qui se produit, car nous ne pouvons pas nous contenter chaque jour de regarder ce qui se produit en direct à la télévision ou sur les réseaux sociaux.

Demain, nous allons commémorer un dramatique anniversaire, celui de la libération des camps. Or nous sommes en 2014 et nous – je parle aussi bien des Occidentaux que du reste du monde – ne sommes toujours pas à même de dire enfin : « Plus jamais ça ! ».

M. René Rouquet (Val-de-Marne – SRC), président de la délégation française, a plus particulièrement détaillé l’action du HCR : 

« Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour cet important travail qui nous rappelle combien le conflit syrien est, plus que jamais, la plus grande catastrophe humanitaire de ce début de XXIe siècle. La solidarité exemplaire dont font preuve les pays voisins de la Syrie ne doit pas nous faire oublier que le drame syrien nous concerne tous !

La situation des déplacés internes, qui représenteraient plus de 4 millions de personnes, m’inquiète particulièrement.

Certes, le HCR a lancé un Plan national de réponse et d’assistance humanitaire pour la Syrie, destiné à pourvoir aux besoins d’urgence en matière de soins de santé, d’abris et de fournitures de protection contre le froid hivernal, à l’exception de l’aide alimentaire laissée au soin d’organisations régionales. Toutefois, le conflit et l’intensité des combats rendent très difficiles les opérations destinées aux déplacés internes. L’insécurité restreint considérablement les déplacements à travers le pays, les communications sont souvent interrompues et l’accès du HCR aux populations ciblées par l’aide s’en trouve limité.

C’est la raison pour laquelle le HCR s’appuie sur des partenaires nationaux, notamment le Croissant-Rouge arabe syrien, et sur les ONG implantées localement pour prendre le relais sur le terrain. Sans le courage de ces hommes et de ces femmes qui tentent d’acheminer l’aide jusqu’aux déplacés internes, souvent au péril de leur vie, la solidarité internationale serait un vain mot !

À ces difficultés, s’ajoute le nombre important de déplacés syriens – de plus de 250 000, selon les estimations du HCR –, qui vivent dans une situation d’assiégés dans des zones de combats intenses et qui sont donc totalement hors de portée de toute opération d’aide humanitaire.

Malgré tous ces obstacles, le HCR espère en 2014 apporter son assistance à plus de 3 millions de personnes déplacées sur un total estimé de 4,2 millions.

Monsieur le rapporteur, vous rappelez le soutien de notre Assemblée à l’appel de M. Beyani aux parties en conflit afin de permettre d’aider les personnes déplacées. La « tractation de Homs », obtenue par le médiateur de l’Onu, M. Brahimi, ces derniers jours à Genève, est peut-être un premier pas pour que les convois humanitaires puissent, enfin, accéder aux populations assiégées. Je regrette d’ailleurs que seul le cas de Homs ait été évoqué pendant la Conférence Genève II.

La tragédie humanitaire que vit le peuple syrien ne sera, bien sûr, résolue que si la paix revient, mais chaque jour, chaque minute, des hommes, des femmes, des enfants syriens sont contraints de quitter leur pays, de se terrer sous les bombes et, malheureusement, beaucoup meurent. Il devient urgent d’agir ! »

M. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin – UDI-UC), rapporteur de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, a ensuite répondu aux différents intervenants :

« Il est encourageant de constater que la plupart des interventions sont allées dans le même sens. Cela conforte l’unité d’expression de notre Assemblée sur ce sujet majeur, qui appelle de ma part quelques remarques.

Le Commissaire aux droits de l’Homme a évoqué la question du devoir d’accueil en Europe d’un certain nombre de réfugiés. Certains pays se sont engagés peu ou prou, pas assez. C’est une vraie question. Nous devons avoir à l’esprit que la plupart des réfugiés n’ont sans doute pas vocation à rester en Europe et retourneront chez eux. Mais, à court terme, la question humanitaire se pose pour ces millions de personnes.

On a parlé du couloir humanitaire d’Homs. De tels couloirs sont nécessaires à d’autres endroits. Le problème doit être mis sur la table à la Conférence Genève II.

J’ai parlé dans ma présentation de grands pays pouvant faire pression sur le régime syrien au sujet des questions humanitaires et politiques. Plusieurs d’entre vous ont été plus explicites en citant la Russie. Ils ont eu raison. Nous attendons beaucoup de ces pressions.

Monsieur Osborne et un collègue autrichien ont parlé de la situation des femmes, particulièrement des violences sexuelles, des mariages forcés, de la prostitution, y compris des mineures. C’est un drame dans le drame qui nécessite des réponses spécifiques et rapides.

Plusieurs collègues ont insisté sur la nécessité d’une bonne coordination européenne pour l’aide aux pays concernés, en tenant compte de ce que chacun peut faire. C’est aussi un vrai sujet.

Monsieur Fournier a évoqué l’insuffisance de l’aide humanitaire de base, à savoir l’aide alimentaire, le HCR étant arrivé à la limite de ses moyens. Certains réfugiés se retrouvent privés d’aide alimentaire. C’est une question urgente.

Je ne reviens pas sur les propos marginaux de certains orateurs, rares au demeurant, faisant l’amalgame entre réfugiés et terroristes. Ce n’est pas la peine de donner de l’importance à cela.

Dans le contexte de Genève II, la question humanitaire nous amène à parler politique, ce qui est une bonne chose, car nous sommes ainsi dans notre rôle. Il faut s’assurer que les aides arrivent à destination et les suivre. J’espère que le Conseil de l’Europe aura toujours un mandat pour ce travail de suivi, en complément de votre engagement très fort qui nous a marqués aujourd’hui, Monsieur le Commissaire.

Monsieur Rouquet a évoqué la question des déplacés internes : elle est majeure et nous ramène à la politique et aux pressions. Il faut le souligner très fortement ce soir.

Madame Johnsen a rendu hommage aux humanitaires. Nous pouvons exprimer notre admiration pour leur courage et l’efficacité de leurs efforts. Mme Mulić a eu raison de souligner la différence majeure entre les camps où les enfants peuvent aller à l’école et ceux où ils ne le peuvent pas. Pour l’avenir, cela nous oblige.

Ce qui a été dit par un de nos collègues palestiniens sur la spécificité de ces réfugiés doit être souligné. Enfin, je salue l’engagement remarquable du Maroc, notamment sur le plan sanitaire. Plusieurs collègues l’ont constaté, notamment en Jordanie. »

M. Thierry Mariani (Français établis hors de France - UMP), président de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, a insisté sur la nécessité pour l’Assemblée de poursuivre ses travaux sur les réfugiés syriens :

« Je remercie les orateurs pour leur intervention, et plus spécialement le Commissaire aux droits de l’Homme et mon compatriote Jean-Marie Bockel, ainsi que le rapporteur de la commission des questions politiques pour son avis très pertinent et pour les amendements qui vont compléter le texte à bon escient. Notre commission les a examinés aujourd’hui et approuvés.

Le conflit syrien entre dans sa quatrième année. Force est de constater que les réfugiés continuent à arriver de plus en plus nombreux. Selon les chiffres du HCR qui ont été rappelés, leur nombre a augmenté de 340 % en 2013. Comme plusieurs des orateurs, je lance un appel à la solidarité des États. Il ne s’agit pas seulement d’aide humanitaire, mais aussi de tenter de préserver la fragile stabilité d’une région stratégique, menacée par tous les extrémismes, aux frontières de notre continent.

J’insiste sur la nécessité de continuer à examiner la situation des réfugiés syriens notamment celle des groupes vulnérables, en particulier des enfants migrants non-accompagnés et des femmes qui subissent des violences. Nous avons entendu des témoignages qui ne doivent pas nous laisser indifférents. Il nous appartient en tant qu’organisation pour la défense des droits de l’Homme de continuer à nous battre pour que ces violences cessent. »

D. DÉBAT JOINT SUR LES MIGRANTS

1. Les migrants : faire en sorte qu’ils constituent une richesse pour les sociétés d’accueil européennes

Les migrants sont aujourd’hui souvent présentés comme une charge pour les finances publiques et une menace pour le bien-être économique et la cohésion sociale des sociétés d’accueil. Des discours de plus en plus hostiles surgissent à leur égard et contribue à la montée de la xénophobie et de l’extrémisme de droite.

De nombreuses preuves attestent pourtant que les migrants constituent une richesse pour la société. L’OCDE a ainsi pu démontrer que, sur le plan économique, les migrations ne constituent pas une lourde charge pour les finances publiques. Ils comblent les pénuries de main-d’œuvre, en particulier pour les travaux peu payés, dangereux, précaires ou pénibles, dans les domaines clés pour l’économie que sont la construction, le tourisme, l’agriculture, les services de santé ou les services à domicile. Par ailleurs, les étudiants étrangers sont source de revenus non négligeables pour l’enseignement supérieur des pays d’accueil.

Les migrants permettent de résoudre nombre de problématiques européennes : vieillissement démographique et baisse de la population, y compris active. Ils participent aussi à son enrichissement culturel.

Les États membres du Conseil de l’Europe sont notamment incités à promouvoir l’intégration des migrants, ainsi qu’à prendre en compte les besoins du marché dans leurs politiques de migration de travail tout en étant conscients que les demandeurs d’asile, les réfugiés ou les candidats au regroupement familial ne peuvent être régis de la même manière que les autres.

M. Pierre-Yves Le Borgn’ (Français établis hors de France - SOC) a souhaité rappeler que l’Europe actuelle était née des migrations passées :

« Madame la rapporteure, chère Mme Kyriakidou, le rapport que vous nous présentez aujourd’hui est bienvenu. C’est un migrant qui vous le dit.

J’ai travaillé pendant plus de vingt ans à l’étranger. Je sais ce que le départ vers un autre pays signifie d’incertitudes personnelles et de craintes souvent diffuses et pourtant bien réelles. Être accepté dans le pays de résidence, s’y intégrer, y construire sa famille et sa vie n’est jamais un long fleuve tranquille.

Je suis inquiet de l’émergence, ces dernières années, en particulier à la faveur des difficultés économiques de nos pays, d’un discours délibérément hostile aux migrants, présentés comme une charge pour la puissance publique, une menace pour la cohésion sociale, un danger pour la société. J’avais été consterné par la création dans mon pays, sous la précédente mandature présidentielle, d’un ministère de l’immigration et de l’identité nationale, comme si la première menaçait la seconde. L’instrumentalisation des peurs à des fins politiques m’apparaît infiniment méprisable. La xénophobie se combat, elle ne s’entretient pas. Elle s’alimente encore moins !

Et si l’on regardait l’immigration comme une chance, un enrichissement pour tous, migrants et pays d’accueil ? C’est ce que vous faites, Madame la Rapporteure, et je vous en remercie. L’OCDE et la Commission européenne ont montré que l’immigration ne constitue une lourde charge ni pour les finances publiques, ni pour les régimes de sécurité sociale. Que deviendraient certains secteurs de nos économies sans les migrants, à commencer par ceux de ces secteurs qui connaissent une pénurie de main d’œuvre ? Combien de marchés extérieurs manquerions-nous sans les migrants et leur connaissance intime des pays et des régions dont ils proviennent ? Quel serait, sans les migrants, l’avenir d’une Europe menacée par le vieillissement et le recul démographique ? Qu’adviendrait-il du monde de la création si la rencontre des idées, des arts et de la diversité venait à faire retraite parce que les migrants n’en seraient plus ? Qu’aurait été mon pays, la France, sans l’apport de Marie Curie la Polonaise, de Pablo Picasso l’Espagnol, de Lino Ventura l’Italien ou de Mohamed Dib l’Algérien ?

La libre circulation et le libre établissement sont au cœur même du projet européen. Nous vivons dans des économies et des sociétés ouvertes. La migration peut être une chance dès lors que les devoirs et les droits des migrants sont clairement précisés, respectés et protégés. Il faut lever tous les obstacles de l’accès à l’emploi. Il faut ouvrir l’accès aux universités et aux écoles de formation par une politique de visa juste et ambitieuse. Il faut, partout, lutter pour la mixité sociale et contre les discriminations, en nous inspirant du travail conduit par les institutions du Conseil de l’Europe, la Cour européenne des droits de l’Homme, bien sûr, mais aussi la Commission européenne, contre le racisme et l’intolérance. Il faut enfin reconnaître, au niveau local, le droit de vote et d’éligibilité aux migrants.

L’histoire de l’Europe est fondamentalement une histoire de migrations. Voir dans les migrations une chance, c’est inscrire l’action publique au cœur des valeurs européennes qui nous rassemblent. »

2. Les tests d’intégration : aide ou entrave à l’intégration ?

Les tests d’intégration pour les migrants se sont développés dans les États membres du Conseil de l’Europe. Fondés principalement sur la connaissance de la langue du pays d’accueil, ils posent aussi parfois des questions de « citoyenneté », qui concernent l’histoire, les institutions politiques, la société et les valeurs démocratiques.

Il est à craindre aujourd’hui que ces tests constituent une entrave plus ou moins volontaire aux migrations. Si la maîtrise d’une langue contribue à une intégration réussie, il ne s’agit pas d’en faire un obstacle à l’obtention de droits de séjour sûrs, ni une source de discriminations à l’encontre des personnes illettrées ou peu instruites placées dans l’incapacité de réussir ces tests.

Il faut ainsi veiller à ce que les tests soient accessibles, tant par les compétences qu’ils requièrent que par les aides financières qu’ils nécessitent.

M. Thierry Mariani (Français établis hors de France - UMP), président de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, a souhaité faire part de son expérience quant à la mise en place de tests en France :

« Au nom de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, je remercie les orateurs qui se sont exprimés sur ces deux rapports, ainsi que les deux rapporteures pour leur excellent travail.

Il va sans dire que la question de l’intégration est au centre du problème et qu’en particulier les tests d’intégration ne constituent en rien une forme de contrôle migratoire.

J’ai moi-même été rapporteur de la loi qui a permis la mise en place d’un parcours d’intégration dans mon pays ; en France toutefois, les tests sont gratuits et ne sont pas sanctionnés par un examen. La maîtrise de la langue conditionne en effet l’intégration effective des étrangers ; notamment, pour ce qui concerne les femmes immigrées, elle leur permet de suivre la scolarité de leurs enfants et leur donne la possibilité d’avoir plus d’autonomie. Le but principal des tests est donc d’aider au mieux les migrants à s’intégrer dans la société d’accueil.

S’agissant du rapport présenté par Mme Kyriakidou, je pense que nous ne pouvons pas en rester là et que nous devrons poursuivre nos réflexions sur cette question. Il s’agit effectivement d’un véritable problème et il nous appartient de faire changer les mentalités et de combattre les idées reçues par certains politiques et par certains médias. Nous avons encore du chemin à faire. »

E. INTENSIFIER LES EFFORTS DE LUTTE CONTRE LES INÉGALITÉS AU NIVEAU MONDIAL : LA CONTRIBUTION DE L’EUROPE AU PROCESSUS DES OBJECTIFS DU MILLÉNAIRE POUR LE DÉVELOPPEMENT (OMD)

Les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) ont été adoptés en 2000 à New York par 193 États membres de l’ONU, et au moins 23 organisations internationales. Les huit objectifs retenus devaient être atteints d’ici 2015. Il s’agissait de grands enjeux humanitaires : réduire l’extrême pauvreté et la faim ; assurer à tous l’éducation primaire ; promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes ; réduire la mortalité infantile ; améliorer la santé maternelle ; combattre le VIH/SIDA, le paludisme et les autres maladies ; assurer un environnement humain durable ; construire un partenariat mondial pour le développement.

Moins de deux ans avant la date butoir pour la réalisation des OMD, il apparaît clairement que certains objectifs ne seront pas atteints. L’Europe est partie prenante des succès et échecs des OMD. L’Assemblée appelle donc les États membres à redoubler d’efforts en garantissant aux femmes et aux filles en particulier, aux jeunes plus généralement, l’égalité des chances et des droits, et une même protection. Il s’agit aussi de participer activement au processus de développement mondial, en élaborant notamment la prochaine série d’objectifs mondiaux après 2015.

M. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin – UDI-UC), s’exprimant au nom du groupe PPE/DC, a rappelé le rôle de l’Europe dans la réalisation des OMD et a souhaité que l’après-2015 soit réalisé en partenariat :

« M. Meale l’explique très bien : en dépit de progrès indéniables, les avancées sont insuffisantes et il est fort probable, hélas, que les huit objectifs de développement fixés en 2000 ne seront pas atteints en 2015. Le Secrétaire Général de l’ONU lui-même l’a reconnu.

Notre rapporteur attend beaucoup de l’Europe. Il a raison. Je rappelle qu’elle est déjà fortement engagée dans la réalisation des Objectifs, et cela dès le début du processus. L’Union européenne est le premier bailleur mondial et fournit plus de la moitié de l’aide publique au développement au niveau international. En outre, depuis 2010, en raison du bilan contrasté des Objectifs, elle a pris un certain nombre de mesures pour accélérer leur réalisation. Il est possible de citer l’initiative des OMD qui consiste à concentrer l’aide sur les objectifs les moins avancés à partir du 10e Fonds européen de développement, ainsi que le plan d’action OMD qui vise à améliorer l’efficacité de l’aide versée, ou encore le Programme pour le changement qui cherche à adapter les objectifs et les moyens de l’aide européenne aux nouvelles données du contexte international, y compris les conséquences de la crise économique.

Ne perdons pas de vue, en effet, que si la contribution de l’Europe aux Objectifs du millénaire pour le développement peut paraître décevante, le Vieux continent a été confronté à la crise. La stratégie de Lisbonne a été un échec et des interrogations existent sur la capacité à atteindre les objectifs de la stratégie Europe 2020 qui lui a succédé. Il en est de même pour la stratégie européenne énergie-climat. Bref, nous sommes également confrontés à ces difficultés et pour autant, vous avez eu raison de le souligner, il en va aussi de notre responsabilité, car ces pays sont nos partenaires. Parce qu’il y a là un intérêt partagé, au meilleur sens du terme, à ce que ce développement soit une réussite. Et c’est, en temps de crise, un message que l’on peut passer. Nous devons être de plus en plus dans une démarche d’égal à égal, nous ne sommes pas des donneurs de leçons, même si on insiste sur la bonne gouvernance – et on a raison –, nous devons le faire dans cet état d’esprit d’un partenariat.

Dans la perspective de 2015, il me paraît essentiel que l’Europe arrête une position forte lorsque sera défini l’Agenda international du développement qui succédera aux OMD. Les progrès constatés sont compromis par des défis mondiaux exacerbés par la croissance démographique, l’accroissement des inégalités, la détérioration des écosystèmes, la diminution des ressources naturelles limitées ou encore le changement climatique. Dans tous ces domaines, nous devons nous retrouver pour faire des propositions.

Mais surtout, il est important, au-delà de la culpabilisation, parfois nécessaire, mais surtout en évitant le misérabilisme, parce que des progrès existent aussi, que dans la stratégie européenne, et ici, au Conseil de l’Europe, les maîtres mots soient partenariat et responsabilisation partagée. »

Mme Marietta Karamanli (Sarthe - SOC) a, quant à elle, insisté sur les réponses à apporter aux inégalités économiques :

« Je souhaite remercier Sir Alan Meale, qui nous livre dans son rapport des chiffres qui peuvent paraître arides, mais qui nous aident à comprendre les trop grandes différences qui minent notre monde.

Aujourd’hui, les 85 personnes les plus riches du monde possèdent autant que les 3,5 milliards d’êtres humains les plus pauvres. Manger à sa faim, bénéficier des soins que justifie son état de santé, aller à l’école, accéder à des conditions de travail et à un salaire décents, ne plus avoir peur des hommes quand on est une femme, sont autant de droits qui paraissent à bon nombre d’entre nous vivant dans cette partie du monde comme acquis, ou du moins largement partagés. Ils ne le sont pourtant pas pour la majorité des femmes et des hommes de ce monde.

L’Europe est triplement concernée par l’insuffisante réalisation des Objectifs du millénaire. Tout d’abord, elle doit rester exemplaire. Dans bon nombre de nos pays, les objectifs d’un développement humain de base sont pour une large part atteints, et ce même si les problèmes les plus cruciaux n’ont pas tous été résolus. La crise et les tensions nées d’un partage des richesses qui n’augmente plus, laissent le champ à des mouvements politiques populistes, qui contestent l’idée même que la pauvreté puisse être limitée ou éradiquée.

Des réponses économiques adaptées aux besoins des populations qui souffrent de la crise doivent être envisagées au bon endroit, à savoir au niveau du continent européen. En sauvant le modèle social européen, nous sauverons aussi l’aide aux pays en voie de développement. Dans les pays de l’OCDE, l’aide au développement a reculé de 4 % en valeur réelle en 2012, après avoir baissé de 2 % en 2011. Certains en Europe réclament la fin de cette aide au motif de sa prétendue inefficacité. Nous ne pouvons et nous ne devons pas laisser passer cette affirmation qui mélange la mesure principale et des inconvénients qui sont minoritaires.

Enfin, l’Europe doit être plus visible et plus lisible. Je ferai trois suggestions pour retrouver une dynamique forte de lutte contre les inégalités extrêmes. Nos États doivent réexaminer comment l’idée, chère au grand économiste Paul Davidson et inspirée de John Maynard Keynes, d’une chambre de compensation internationale, peut progresser. Un tel mécanisme a pour objectif d’utiliser les excédents financiers d’une partie du monde au financement du développement de l’autre partie. Nos États doivent aussi envisager de lutter plus efficacement contre les pratiques qui visent à faire échapper les activités économiques internationalisées à l’impôt. Enfin, nos États doivent donner l’exemple : quand tous les membres d’une collectivité peuvent se réaliser et réussir, c’est toute la collectivité qui se réalise et réussit.

Pour paraphraser le Président Obama, quand les femmes et tous ceux qui sont habituellement loin du pouvoir réussissent, c’est toute une communauté qui réussit. Et comme l’a noté le rapporteur, notre Assemblée, par sa diversité et ses valeurs, peut et doit contribuer au processus international de négociation et de coopération visant à améliorer l’efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour atteindre les Objectifs du millénaire. Une action sur le partage de la richesse et garantissant l’efficacité de l’impôt et le respect dû à chacun, serait de nature à soutenir avec efficacité la réalisation des Objectifs du millénaire. »

F. DÉBAT JOINT SUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE

1. Le changement climatique : un cadre pour un accord mondial en 2015

Le changement climatique est aujourd’hui avéré. Imputable pour une large part aux activités humaines, il devient une menace croissante pour les constructions humaines et les habitats naturels, et à terme pour la stabilité économique et les ressources énergétiques, voire pour des vies humaines. Les experts scientifiques s’inquiètent d’une potentielle irréversibilité du phénomène au cas où la communauté internationale échouerait à réduire les émissions de gaz à effet de serre de manière efficace rapidement.

Le Protocole de Kyoto, qui fixait les premiers objectifs de réduction des émissions pour les pays industrialisés, a été prolongé pour une deuxième période d’engagement allant de 2013 à 2020. Toutefois, la plupart des grandes économies et parmi elles les plus grands pollueurs n’ont encore souscrit aucun engagement formel. Tandis que le temps presse et le coût de l’inaction ne fait que croître, le rapport appelle instamment les pays à conclure un accord mondial ambitieux d’ici à 2015 au plus tard.

Le rapport propose d’adopter une approche mixte à la fois « ascendante » et « descendante »2 pour réduire les émissions de gaz à effet de serre au plan mondial. Il préconise une coopération bilatérale intensifiée avec les pays clés et une implication plus forte des parlements afin de faire progresser les législations nationales sur le climat, de diffuser les meilleures pratiques, de renforcer les capacités et de promouvoir des approches communes.

2. La diversification de l’énergie en tant que contribution fondamentale au développement durable

Une énergie propre, sûre et abordable est la clé d’un développement durable et de la qualité de vie. L’Europe est en transition vers un modèle de développement plus équilibré respectueux des ressources de la planète. Pour cela, chacun, que ce soient les pouvoirs publics, les entreprises ou les particuliers, doit participer à l’optimisation de la production, de la distribution et de l’utilisation de l’énergie.

La consommation d’énergie doit être dissociée du modèle de développement choisi. L’efficience énergétique doit permettre de modérer les besoins énergétiques, tout en utilisant en priorité les sources d’énergie les plus propres et abondantes, notamment les sources renouvelables.

Une attention particulière doit être aussi accordée aux conditions d’exploration et d’exploitation de gaz et d’huile de schiste, ainsi qu’à la gestion des déchets nucléaires. Enfin, le rapport propose diverses mesures afin d’éradiquer la pauvreté énergétique, d’améliorer la taxation, la réglementation des marchés et la coordination des réseaux et de promouvoir les bonnes pratiques dans le domaine des technologies de l’énergie.

M. André Schneider (Bas-Rhin – UMP), s’exprimant au nom du groupe PPE/DC, a appelé à une prise de conscience au sujet des deux thèmes abordés : changement climatique et responsabilité énergétique :

« En février 2013, le Conseil économique et social européen affirmait avec justesse : « L’énergie est un bien commun essentiel qui permet à chacun d’avoir une vie digne ».

Pourtant, la précarité énergétique est le quotidien de plus de 50 millions d’Européens. La difficulté pour ces personnes de payer leur facture énergétique, voire leur accès limité à une énergie suffisante représente un drame quotidien. Elle constitue un facteur supplémentaire de fragilisation pour des ménages déjà durement touchés par la crise économique.

Pour lutter contre cette précarité, il convient d’agir sur deux facteurs.

Le premier est le prix de l’énergie – qu’il s’agisse du chauffage ou du carburant nécessaire à la mobilité des ménages. Ce prix dépend bien sûr de choix énergétiques et budgétaires propres à chaque pays, mais il est aussi trop souvent soumis à des intérêts géostratégiques. Si les droits des fournisseurs doivent être respectés, l’accès à l’énergie ne devrait jamais servir des intérêts politiques tant l’absence d’énergie est en soi une atteinte aux droits de l’Homme.

Deuxième facteur : les mesures d’efficacité énergétique. L’isolation des logements est fondamentale pour faire baisser la facture énergétique. Or les ménages modestes n’ont souvent pas les moyens de faire les travaux de rénovation nécessaires.

Pour remédier à cela, nous devons réfléchir ensemble au niveau européen à des mécanismes de financement innovants. Cependant, fort heureusement, la plupart des États européens prévoient des dispositifs spécifiques, comme des « tarifs sociaux », pour protéger les plus faibles.

Dans le monde, la réalité de la pauvreté énergétique montre malheureusement un autre visage : plus d’un milliard d’individus n’ont pas accès à l’électricité ! L’absence de services énergétiques modernes représente une entrave au développement de ces pays du Sud et se traduit par des situations dramatiques pour leurs citoyens.

À cette vulnérabilité s’ajoute celle induite par les changements climatiques. Qu’il s’agisse de la montée des eaux ou des catastrophes naturelles comme la sécheresse ou les inondations, malgré l’actualité récente, force est de constater qu’elles touchent et toucheront principalement des pays pauvres, entraînant des migrations forcées.

Si la disparition de certaines îles du Pacifique ou de l’Océan indien est souvent citée en exemple pour évoquer la notion de réfugiés climatiques, nous ne devons pas oublier que le changement climatique aura un impact fort sur les régions agricoles d’Afrique sub-saharienne par exemple. Nous devons aussi avoir conscience du fait que la grande majorité des migrations environnementales seront vraisemblablement internes, nous obligeant à réexaminer nos dispositifs relatifs aux personnes déplacées.

Sans existence juridique, quel statut sera celui de ces réfugiés climatiques ? La communauté internationale devra repenser ces instruments institutionnels pour que la solidarité internationale s’adapte à cette nouvelle forme de migration.

Nous avons aujourd’hui une double responsabilité : celle de modifier nos comportements pour ralentir le changement climatique et éviter le pire, et celle de promouvoir la solidarité énergétique en Europe et au-delà pour une énergie durable et sûre. C’est notre devoir envers les générations futures.

Bien entendu, j’approuve les rapports de nos deux rapporteurs. »

M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin – UMP) a insisté sur les conditions à réunir pour réussir la transition énergétique :

« Madame et Monsieur les rapporteurs, je vous félicite pour la qualité de votre travail dont l’enjeu n’est ni plus ni moins que l’avenir de notre belle planète.

Comme vous le savez, mon pays accueillera la prochaine Conférence climat de l’ONU, en 2015. Les problèmes du changement climatique ne pourront être résolus sans y associer la grande majorité des émetteurs de gaz à effet de serre, les GES. La Chine en représente 29 %, les États-Unis 17 % et l’Europe 11 %.

Cet accord associant les principaux émetteurs de gaz à effet de serre devra, pour être une réussite, être contraignant et soumis à un contrôle avec la possibilité de sanctions.

Depuis les sommets de Doha et de Durban, sous l’effet de la prospérité économique des pays émergents et de leur niveau croissant de développement, on assiste à une prise de conscience progressive des opinions publiques concernant la menace climatique. C’est le cas de la Chine, de l’Inde, du Brésil et, dans une moindre mesure, de l’Afrique du Sud. Par ailleurs, le président Obama s’est montré disposé à avancer sur ce sujet. Ces évolutions sont importantes pour qu’un tel accord puisse enfin voir le jour.

Au titre du Protocole de Kyoto, les pays industrialisés se sont engagés à respecter des quotas de réduction ou de limitation de leurs émissions de gaz à effet de serre. L’Union européenne a été en pointe sur ce sujet et, le 22 janvier, la Commission européenne a proposé que les 28 États membres se fixent pour objectif de réduire de 40 % leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 1990. Fin 2012, l’Europe avait réduit ses émissions de 18 % par rapport à 1990. C’est un objectif ambitieux qui nécessite un engagement de tous les États, en particulier les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre par habitant.

Madame la rapporteure, vous avez évoqué la sortie du nucléaire par l’Allemagne, mais je voudrais rappeler que l’essor des énergies vertes est freiné par des coûts trop élevés et que le retour au charbon n’est pas idéal. Bien au contraire ! Ce retour au charbon semble favorisé également dans certains pays des Balkans – avec le soutien de l’Union européenne ! – sous le prétexte, assumé par le commissaire à l’énergie, d’une priorité à « l’indépendance énergétique » de l’Union européenne et de ses partenaires, quitte à sacrifier les critères environnementaux.

Où sont les priorités ? Je n’évoquerai pas l’énergie nucléaire, mais j’affirme que la diversification des énergies sera indispensable pour permettre à la fois de réduire les émissions, mais également de favoriser une plus grande indépendance énergétique. C’est pourquoi nous devons tout mettre en œuvre pour réussir la transition énergétique. Celle-ci demande à la fois du courage et de la volonté, elle demande surtout que l’Europe accorde les violons de son avenir énergétique. C’est pour toutes ces raisons et bien d’autres que la Conférence de Paris devra réussir. »

G. RÉVISION DE LA CONVENTION EUROPÉENNE SUR LA TÉLÉVISION TRANSFRONTIÈRE

La Convention européenne sur la télévision transfrontière a été adoptée par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe le 15 mars 1989 et est entrée en vigueur le 1er mai 1993. Garantissant la liberté de réception et de retransmission de ces services, elle offre aux États un cadre juridique minimal visant à faciliter la diffusion transfrontière des services de programmes de télévision en Europe. Cette convention a été amendée par un Protocole adopté le 9 septembre 1998, qui avait pour objectif essentiel de s’aligner sur la révision de la directive « TVSF » de l’Union européenne.

Elle est aujourd’hui largement dépassée du fait de l’évolution de la technologie et de la société. Dans les États membres de l’Union européenne, une série de directives ont pallié cette insuffisance. Le projet d’une mise à jour de la convention a d’ailleurs été interrompu en 2011, la Commission européenne se considérant dotée d’une compétence exclusive en la matière à l’égard des États membres de l’Union européenne.

Cependant, sur les 33 États membres du Conseil de l’Europe qui ont ratifié la convention, 13 d’entre eux ne sont pas membres de l’Union européenne. Une révision s’avère donc aujourd’hui nécessaire afin d’établir un cadre juridique paneuropéen intégrant les normes technologiques les plus récentes, en particulier la convergence technique croissante de la radiodiffusion avec les médias numériques en ligne. Cette modernisation, négociée avec l’Union européenne, constituerait toujours un socle de règles minimales que les États pourraient à leur convenance durcir ou préciser.

M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin – UMP) a relevé toute la pertinence de l’élaboration de règles encadrant la télévision transfrontière :

« Monsieur le rapporteur, les outils juridiques régissant la télévision transfrontière reposent sur un principe simple : tout citoyen européen doit avoir accès à l’ensemble des programmes européens.

Il est évident qu’une cohérence entre le contenu de la convention du Conseil de l’Europe et celui de la directive européenne est la condition indispensable à une véritable coordination entre les différents droits applicables dans les pays membres du Conseil de l’Europe et à la circulation transfrontière des services de programmes de télévision.

Par ailleurs, l’informatique et surtout le numérique sont en train de révolutionner les modes de diffusion des programmes audiovisuels. Se pose aujourd’hui des questions commerciales sur les droits d’auteur et de diffusion. L’affaire de la diffusion de la Premier League montre que certains pourraient être tentés d’utiliser la technologie pour contourner les règles du marché intérieur.

D’autre part, comme vous le rappelez justement dans votre rapport, la négociation d’accords internationaux en matière audiovisuelle est un des points importants. Il convient de le rapprocher d’un deuxième problème : celui de la question de la diversité culturelle.

Quel va être l’impact de ces nouvelles technologies dans ce domaine ? Celles-ci vont-elles aggraver l’asymétrie des échanges culturels ou, au contraire, la ramener à un niveau politiquement et culturellement acceptable ?

La révision de la Convention européenne sur la télévision transfrontière doit prendre en compte ces divers éléments. Nous ne devons pas oublier qu’aux frontières de l’Union européenne, la possibilité d’accès à la télévision transfrontière représente aussi une ouverture à la démocratie et à la liberté. Je pense notamment au Belarus. C’est pourquoi il est bon que le droit ne prenne pas trop de retard par rapport à la technologie, pour ne pas permettre des interprétations contraires aux intérêts des citoyens, des médias et de l’audiovisuel européen. Car nous savons que trop dans certains pays, ces droits fondamentaux sont menacés chaque jour et que la liberté d’expression et des médias n’est qu’un vain mot.

En conclusion, en tant qu’Alsacien, puisqu’en Alsace nous avons la chance de la double culture et de comprendre la langue allemande, je voudrais dire combien la télévision transfrontière a contribué à une meilleure connaissance de nos voisins et à favoriser, ainsi, la réconciliation franco-allemande. Cette notion essentielle devra nourrir notre réflexion sur la révision d’une convention qui ne peut pas être que technique.

Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour votre travail fort intéressant. »

H. L’OBLIGATION DES INSTITUTIONS INTERNATIONALES DE RÉPONDRE DE LEURS ACTES EN CAS DE VIOLATIONS DES DROITS DE L’HOMME

Le rôle des organisations internationales a profondément évolué depuis leur création. La légitimité de leurs objectifs et le souci d’affirmer leur action avaient alors imposé la règle d’une immunité absolue. Par l’intermédiaire de leurs États membres, elles disposent ainsi encore aujourd’hui de moyens d’action, mais sans jamais qu’elles aient à rendre compte de leurs actes, même lorsque ceux-ci peuvent entraîner des violations des droits de l’Homme.

Pourtant, ces organisations, de par leur rôle, leur pouvoir et leurs privilèges, peuvent agir directement sur les droits et libertés des individus. Elles emploient des agents, administrent des territoires, infligent des sanctions et engagent des opérations militaires qui ont des incidences directes sur la vie des citoyens. Le cas du Kosovo, administré par les Nations Unies et l’Union européenne, illustre bien cette difficulté : les rares mécanismes de contrôle du respect des droits de l’Homme prévus pour la surveillance de l’administration de territoires sont en effet dépourvus de caractère contraignant, tandis que les décisions des mécanismes chargés de contrôler l’application de sanctions ciblées infligées par le Conseil de sécurité des Nations unies peuvent être annulées.

L’Assemblée s’est prononcée en faveur d’une immunité fonctionnelle : l’immunité des organisations internationales ne s’appliquerait pas aux situations dans lesquelles leurs actes ou ceux de leurs agents seraient distincts de l’exercice de leurs fonctions statutaires ou les outrepasseraient, par opposition à l’immunité absolue. Cela permettrait aux particuliers de se protéger contre les violations de leurs droits et libertés sans pour autant porter atteinte au rôle et à l’indépendance de ces organisations internationales.

V. L’AVENIR DU CONSEIL DE L’EUROPE EN DÉBAT

A. RAPPORT D’ACTIVITÉ DU BUREAU ET DE LA COMMISSION PERMANENTE

L’ouverture de chaque partie de session est traditionnellement consacrée à l’examen du rapport d’activité du Bureau et de la Commission permanente. Ce document reprend les rapports adoptés par ces deux instances, notamment ceux concernant les observations électorales, et rappelle les missions conduites par les commissions de l’Assemblée.

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de l’Assemblée au cours des deux dernières années, a saisi cette occasion pour présenter un bilan de sa Présidence :

« Madame la Présidente, mes chers collègues, ce n’est pas sans une émotion certaine que je m’exprime devant vous pour vous présenter ce rapport d’activité, le travail qui a été réalisé par le Bureau et la Commission permanente.

Je ne vais pas me limiter aux quelques semaines qui viennent de s’écouler, puisque c’est pour moi l’occasion de faire une sorte de bilan de ce qui s’est passé au cours de cette présidence.

D’abord Anne, je voudrais te redire ce que j’ai dit ce matin publiquement, à savoir que je suis vraiment très heureux de ton élection, de ta belle élection, car gagner au premier tour comme tu l’as fait mérite d’être salué. Cela te donne une légitimité que personne ne peut te contester, qui te permettra de travailler dans d’excellentes conditions pour le bien de notre Organisation.

Ces deux ans ont été marqués par deux mots. Le premier est celui de réforme.

Réforme de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dont j’ai été le rapporteur. C’était la décision de mon prédécesseur, M. Mevlüt Çavuşoğlu, mais j’ai porté la réforme que j’avais moi-même présentée à l’Assemblée parlementaire, il y a deux ans.

Réforme aussi du Conseil de l’Europe puisque, dans un rapport que j’avais eu l’honneur de présenter il y a six ans sur l’avenir du Conseil de l’Europe, à l’occasion de son soixantième anniversaire, je dressais, nous dressions ensemble, les grandes lignes de ce que nous appelons une réforme. Une réforme, c’est évolutif, ce n’est jamais terminé. Une Organisation comme la nôtre se doit de bouger, et il est évident que nous devons continuer, que nous devons faire le bilan de toutes les réformes qui ont été accomplies pour aller de l’avant.

L’autre mot fort de ces deux années, c’est celui de dialogue : dialogue au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et dialogue avec les autres organes du Conseil de l’Europe.

Au sein de l’Assemblée parlementaire, j’ai souhaité faire en sorte que chacune et chacun dans cette maison trouve sa juste place. J’ai souhaité que vous puissiez davantage participer, que vous soyez davantage motivés par nos travaux. C’est dans cet esprit que j’ai créé la Conférence des présidents de commission qui s’est associée systématiquement aux travaux du comité présidentiel qui se réunissait chaque dimanche après-midi.

Je suis aussi très fier de la Conférence des présidents des délégations nationales. Comment faire en sorte que les parlementaires soient associés, motivés et aient envie de s’investir si ce n’est en impliquant davantage les présidents des délégations nationales ? Je voudrais vous remercier, Mesdames et Messieurs les présidents des délégations, pour votre implication majeure qui a permis d’avoir des discussions très franches, même si le laps de temps qui nous était imparti était toujours trop court.

Dialogue ensuite avec les autres organes du Conseil de l’Europe. Permettez-moi de commencer par le Comité des ministres, Mesdames et Messieurs les ambassadeurs. Je tiens à rendre hommage à l’ancienne présidente du Comité des ministres, Eleanor Fuller, la représente permanente britannique, qui a énormément travaillé afin de nouer un véritable dialogue entre l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et le Comité des ministres, qui sont deux éléments moteurs de cette Organisation, et réaliser ainsi un travail constructif.

Dialogue avec la Commission de Venise. Les contacts que j’ai pu avoir au cours de ces deux années avec notre ami Gianni Buquicchio étaient quasiment hebdomadaires. Nous avons fait en sorte de nous consulter avant d’intervenir dans tel ou tel pays pour savoir quelle attitude adopter sur un certain nombre de dossiers.

Dialogue aussi avec tous les autres organes du Conseil de l’Europe : le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, le comité Moneyval, le GRECO, le Greta, la Cour, le Commissaire européen aux droits de l’Homme, tous les organes qui constituent cette grande Organisation.

Je suis très heureux aussi d’avoir pu organiser un déplacement à Tunis, auquel j’ai pu associer le Président du Comité des ministres et le président de la Commission de Venise, de manière à aider la Tunisie, laquelle, d’ailleurs, a enfin pu voter il y a quelques jours, sa nouvelle Constitution, et j’en suis heureux.

Dialogue également avec les autres organisations régionales. Avec les Nations unies, d’abord. Je suis allé deux fois à New York et une fois à Genève. Il est vrai que les relations que j’ai pu entretenir avec M. Ban Ki-moon, qui nous a fait l’honneur de procéder à l’ouverture du premier Forum mondial pour la démocratie, étaient très fortes.

Dialogue avec la Communauté des États indépendants. Je me suis rendu à Saint-Pétersbourg sur l’invitation de son gouverneur, Mme Matvienko, afin, pour la première fois, de m’exprimer au nom de l’Assemblée parlementaire et du Conseil de l’Europe devant le Bureau de la Communauté des États indépendants.

Dialogue avec le Conseil nordique, lorsque je suis allé à Oslo. La présidente du Conseil nordique est venue s’exprimer à Vienne lors de notre Commission permanente. Avec le Conseil de l’Arctique, malheureusement, je n’ai pas pu faire tout ce j’aurais voulu, faute de temps, mais je suis intimement convaincu que notre nouvelle Présidente pourra poursuivre cette démarche, comme avec l’Assemblée parlementaire de la coopération économique de la mer Noire devant laquelle je me suis exprimé au mois de juin.

Dialogue avec l’Union européenne. J’avais dit, dans mes grandes priorités, qu’il fallait impérativement avoir un vrai dialogue avec l’Union européenne, travailler avec elle, ne plus nous considérer comme des rivaux. Nous sommes tout à fait complémentaires et je ne peux que saluer les relations qui existent avec le président du Parlement européen, M. Martin Schulz, ou avec le commissaire européen, Štefan Füle, qui est chargé de la politique d’élargissement.

Je suis très heureux de constater que l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme avance à grands pas, ce qui bien entendu changera aussi beaucoup de choses.

Dialogue enfin avec l’ensemble des États membres. Merci à celles et ceux qui m’ont permis de visiter les pays membres du Conseil de l’Europe, merci de l’accueil qui a été réservé au président de cette Assemblée parlementaire que j’étais. Ce dialogue qui a permis de faire avancer de nombreux dossiers.

J’ai toujours essayé de faire en sorte, avec mes collègues du Comité présidentiel, avec vous mes chers collègues, de prôner les avantages de la diplomatie parlementaire, et je crois que nous continuerons ainsi de faire avancer un certain nombre de dossiers.

De quoi suis-je le plus fier ?

Je suis très fier d’avoir travaillé avec vous, mais aussi d’avoir contribué largement à créer le Prix des droits de l’Homme Vaclav Havel, qui fut un succès et qui, je le pense, perdurera un long temps. Permettez-moi de remercier le gouvernement de la République tchèque sans lequel il n’aurait pas vu le jour.

Mon mandat de président est arrivé à son terme. Je vous remercie tous une nouvelle fois, ainsi que le secrétariat de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

Madame la Présidente, je le redis avec sincérité : je reste à votre entière disposition, à ma juste place, celle d’un membre de l’Assemblée parlementaire qui exercera ses fonctions, pour vous renseigner sur les contacts que j’ai pris au cours de mon mandat.

En tout cas, ce furent deux années très riches, deux années formidables. Merci pour ce que vous m’avez apporté. »

Mme Maryvonne Blondin (Finistère – SOC), prenant l’exemple de l’observation des élections en Azerbaïdjan, a souhaité une meilleure coordination des travaux de l’Assemblée :

« Je voudrais, en premier lieu, remercier le Président Mignon pour son action pendant ses deux années de présidence. En recentrant son activité sur les fondamentaux que sont la démocratie, l’État de droit et les droits de l’Homme, il a donné – avec passion, si j’en crois notre collègue Mendes Bota – un nouvel élan à notre Assemblée ; vous saurez certainement le poursuivre, Madame la Présidente.

J’aimerais aborder plus avant un point mentionné dans ce rapport, à savoir l’observation de l’élection présidentielle en Azerbaïdjan, le 9 octobre dernier. On lit dans une déclaration commune du Conseil de l’Europe et du Parlement européen : « Dans l’ensemble, autour du jour du scrutin, nous avons observé un processus électoral libre, équitable et transparent. » Au même moment, 142 prisonniers politiques et 9 journalistes – y compris un candidat à l’élection présidentielle – étaient recensés dans les prisons azerbaïdjanaises. Je relève que le président sortant, Aliyev, a été réélu avec près de 85 % des voix, après deux mandats et parmi dix candidats en lice. En avril 2012, une note d’information de la commission de suivi relevait que « les représentants de l’opposition extraparlementaire se sont plaints du climat de restrictions permanent […]. Ils ont en particulier soulevé plusieurs questions concernant le financement des partis politiques, […] des restrictions à la liberté d’expression […] et à la liberté de réunion, des actes d’intimidation et de harcèlement, voire, dans certains cas, la persécution de membres et de sympathisants. »

En janvier 2013, à la suite du rapport de nos collègues Agramunt et Grech, notre Assemblée a adopté la résolution 1917 qui exprimait « des préoccupations croissantes concernant l’État de droit et le respect des droits de l’Homme » et appelait à la mise en œuvre totale des libertés fondamentales, dont le droit à la liberté d’expression et les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association.

Un événement récent vient d’ailleurs renforcer mes doutes : au mois de décembre dernier, le chef d’une ONG d’observation électorale a été arrêté après avoir critiqué l’organisation de la dernière élection présidentielle. Un tribunal de Bakou a ainsi ordonné le placement d’Anar Mammadli, président du Centre d’observation des élections et d’études démocratiques, en détention provisoire pour une durée de trois mois.

Tous ces éléments marquent la nécessité de poursuivre le travail de notre Assemblée à l’heure où ce pays prendra prochainement la présidence du Comité des ministres. J’en appelle, chers collègues, à votre vigilance. De ce point de vue, nous attendons beaucoup des conclusions des co-rapporteurs de la commission de suivi, qui se sont rendus à Bakou du 21 au 23 janvier derniers. »

M. Jean-Claude Frécon (Loire – SOC) a souhaité mettre en évidence les aspects positifs du bilan du Président géorgien, Mikheïl Saakachvili :

« Madame la Présidente, je profite d’un temps de parole plus long que les trente secondes qui m’étaient imparties lors du précédent débat, pour vous féliciter de votre élection, vous encourager dans la tâche immense qui vous attend, dans la suite de l’action engagée par mon compatriote Jean-Claude Mignon lors de ses deux années de présidence.

Comme mes collègues précédents, je saisis l’occasion du débat sur le rapport d’activité pour revenir sur l’observation d’une élection présidentielle, celle qui s’est déroulée en Géorgie le 27 octobre dernier.

Le rapport d’observation électorale a mis en évidence les progrès très sensibles accomplis par la Géorgie pour construire une démocratie solide répondant aux standards de notre Organisation. Il souligne l’administration « transparente et efficace » de cette élection, le « climat conciliant et constructif » dans lequel elle s’est déroulée, et insiste sur le fait que « les libertés fondamentales d’expression, de circulation et de réunion ont été respectées » et que « les candidats ont pu faire campagne sans restrictions ». Se félicitant de la « maturité politique » du peuple géorgien, le rapport conclut que l’élection présidentielle constitue « un succès important pour le pays et pour l’ensemble de la région du Caucase du Sud ».

Naturellement, des imperfections demeurent et des marges de progression existent encore. Pour autant, la consolidation de la démocratie en Géorgie est assurément à porter au crédit de la Révolution des roses de 2003 et du Président Mikheïl Saakachvili. Son bilan est nécessairement contrasté, en particulier sur le plan économique. Il a déçu nombre de ses compatriotes. Sa tâche n’était pas facile dans un pays multiethnique, indépendant seulement depuis 1991, et dont le territoire a été amputé de 20 % de sa superficie après la guerre d’août 2008 qui a vu l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud passer sous le contrôle militaire et financier de son grand voisin.

Le Président Saakachvili peut pourtant se prévaloir d’au moins deux succès.

D’une part, il a pu terminer ses deux mandats de cinq ans, ce qui constitue une première en Géorgie depuis 1991. Il a ainsi réussi à soustraire son pays à la domination exclusive d’une famille ou d’un clan, ce qui apparaît comme une performance dans cette région habituée aux hommes à poigne, aux scrutins tronqués et aux bourrages d’urnes. Désormais, le peuple géorgien est maître de son destin. L’alternance, rendue possible par l’élection présidentielle du 27 octobre 2013, est une victoire pour la démocratie.

D’autre part, le Président Saakachvili a fortement contribué à rapprocher son pays de l’Union européenne. Là où d’autres anciennes républiques soviétiques ont renoncé, la Géorgie a décidé de signer un accord d’association avec Bruxelles, lors du sommet de Vilnius. Reste à espérer que les nouvelles autorités géorgiennes, issues d’élections démocratiques, fassent prospérer cet héritage. »

M. René Rouquet (Val-de-Marne – SRC), président de la délégation française, a salué la mise en œuvre d’une véritable diplomatie parlementaire par l’Assemblée lors de ces deux dernières années :

« Madame la Présidente, je me réjouis, en tant que vice-président, de travailler prochainement avec vous. Je suis à votre disposition !

Je voudrais tout d’abord remercier Jean-Claude Mignon pour sa présidence, qui a été à l’image de son engagement depuis plus de vingt ans dans notre institution, de son engagement pour la défense de nos valeurs.

Chers collègues, alors que cette année, le Conseil de l’Europe fêtera ses 65 ans d’existence, nous ne pouvons que nous réjouir du rôle de plus en plus important que joue notre Assemblée au sein de cette organisation.

Nous le devons avant tout à la mise en place avec succès de la réforme de notre Assemblée, mais également à notre capacité de dialogue. Je voudrais saluer tout particulièrement le dialogue que vous avez su instaurer, Monsieur Mignon, entre les délégations arménienne et azerbaidjanaise. Il a permis de faire quelques pas vers des relations plus apaisées entre ces deux pays, ou tout du moins entre les deux délégations. J’en suis ravi.

Malgré nos différences culturelles, nos histoires parfois tragiques, nous débattons de tous les sujets dans cet hémicycle, des plus consensuels aux plus sensibles. Il suffit pour cela de regarder l’ordre du jour de notre session !

En vous écoutant, Monsieur Mignon, une expression vient à mon esprit : diplomatie parlementaire. Il y a dix ans, Raymond Forni, alors président de l’Assemblée nationale française, a dit : « La diplomatie parlementaire porte la voix des peuples dans un monde qui s’unifie ; elle a pour vocation naturelle d’être au service de la paix, de la liberté, des droits ».

Cette définition prend toute sa pertinence quand je pense aux travaux de notre Assemblée. Au service de la paix quand elle tente d’aider à la résolution des conflits gelés ou qu’elle débat de la Syrie. Au service de la liberté, quand elle attribue le prix Václav Havel des droits de l’Homme, pour la première fois dans cet hémicycle, à Ales Bialiatski, défenseur des droits de l’Homme au Bélarus. Au service des droits, ceux des femmes et des enfants, pour lesquels elle œuvre au travers de ses réseaux.

J’aimerais évoquer en conclusion le travail de la commission ad hoc sur les élections législatives partielles de décembre en Ukraine, commission que j’ai eu l’honneur de présider. Alors que nous avions constaté de véritables efforts de l’Ukraine pour organiser ces élections le mieux possible malgré la situation tendue à Kiev, notamment, l’évolution que l’on observe depuis un mois et demi m’attriste. J’espère que la diplomatie parlementaire pourra jouer son rôle et saura faire entendre la voix du peuple ukrainien, quelle qu’elle soit. »

B. LA PRÉSIDENCE AUTRICHIENNE DU COMITÉ DES MINISTRES

M. Sebastian Kurz, ministre de l’Intégration et des Affaires européennes et internationales de l’Autriche, était invité à présenter devant l’Assemblée parlementaire les priorités de la Présidence autrichienne du Comité des ministres qui a débuté en novembre dernier.

Il a introduit son propos en rappelant la nécessité de lutter contre toutes formes de discriminations, le respect de la diversité étant la clé du mieux vivre ensemble.

Il a ensuite détaillé les grands axes de la Présidence autrichienne : en premier lieu, la protection de la liberté d’expression, et plus précisément celle des journalistes, puis la protection des droits sur internet, en particulier le droit au respect de la vie privée et enfin la lutte contre la traite des êtres humains.

M. Kurz est ensuite revenu sur les actions déjà entreprises par le Comité des ministres sous la Présidence autrichienne : l’établissement d’un budget finançant les programmes du Conseil de l’Europe pour les années 2014 et 2015 notamment, ou encore la rédaction d’une recommandation pour l’élection du Secrétaire général. Plusieurs déclarations importantes ont aussi été récemment adoptées : l’une relative à la suppression de la peine de mort et l’autre sur la situation en Ukraine.

Il a conclu son intervention en insistant sur son attachement à poursuivre le processus de réforme qui devrait permettre d’optimiser les acquis du Conseil de l’Europe. À ce sujet, il a rappelé que l’expertise du Conseil, et en particulier les arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme, devaient être respectés par les États membres, et en premier lieu leurs représentants politiques.

À l’occasion des échanges avec l’Hémicycle, M. Jean-Claude Frécon (Loire – SOC) est revenu sur la gouvernance de l’internet :

« Vous l’avez rappelé tout à l’heure, l’une des priorités de la présidence autrichienne, est le respect et la protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales sur internet. Comment concilier la liberté d’accès à ce réseau mondial et la sécurité, y compris des données personnelles ? Nous avons des exemples de démocraties se comportant en Big Brother.

Le Conseil de l’Europe s’est doté, en 2012, d’une stratégie pour la gouvernance de l’internet. Quel premier bilan votre présidence dresse-t-elle de cet instrument ? Comment s’engage-t-elle en faveur de sa mise en œuvre concrète ? »

M. Sebastian Kurz lui a répondu :

« La liberté sur internet et la protection des données : comment résoudre cette équation ? Il convient d’assurer un équilibre entre la liberté et la protection des données. L’internet est un espace de liberté très facilement accessible, cela ne signifie pas qu’il n’y a pas des droits à respecter l’internet et les nouveaux médias connaissent des évolutions technologiques très rapides que le législateur peine à suivre. Inscrire la question à l’ordre du jour montre notre volonté de nous y intéresser et de souligner la nécessité de droits pour l’internet. Il convient d’éviter les abus ou les mauvaises utilisations des données.

J’attends de la conférence que nous organiserons les 13 et 14 mars, à Graz, des résultats concrets. Nous aurons la possibilité de nous entretenir avec des experts du monde numérique. Cet échange entre des législateurs et des spécialistes des nouvelles technologies de l’information est la bonne solution pour mieux comprendre le dossier. »

C. COMMUNICATION DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE

Le Secrétaire général du Conseil de l’Europe est invité par l’Assemblée à communiquer devant elle lors de chaque première partie de la session annuelle.

M. Thorbjørn Jagland a commencé sa présentation en annonçant que la Convention sur la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique devrait prochainement entrer en vigueur, seules deux ratifications étant désormais nécessaires. Il a ensuite détaillé les étapes de la réforme en cours au sein du Conseil de l’Europe.

Celle-ci s’est poursuivie dans un contexte marqué par des tensions nouvelles au sein même de l’Union européenne, entre l’Union européenne et les autres grandes puissances, au sein des États membres ou encore entre les organisations, qui ont mis en lumière l’importance du rôle modérateur du Conseil de l’Europe. Si l’institution ne connaît plus de difficultés économiques importantes comme il y a quatre ou cinq ans, le nombre de requêtes portées devant la Cour reste problématique. Une assistance aux États membres devrait être bientôt fournie afin que leur pratique judiciaire soit davantage en conformité avec la Convention, réduisant ainsi le nombre de requêtes. Un tel travail est en cours en Ukraine, l’annulation des lois adoptées par le parlement ukrainien le 16 janvier 2014 devrait permettre de relancer le processus.

La seconde étape de la réforme concerne l’amélioration du système de suivi et d’assistance de l’ensemble des États membres, et non plus seulement des démocraties émergentes. Trois défis majeurs ont été identifiés pour chaque État membre. Sans rendre publics ces défis, le dialogue a ensuite été ouvert avec chaque État afin de lui permettre de répondre et de présenter les mesures correctrices envisagées. Ainsi, seules les affaires les plus importantes en matière de droits de l’Homme arriveront désormais jusqu’à la Cour.

Par ailleurs, pour la première fois, un rapport annuel a été rédigé à la demande du Comité des ministres. Il sera présenté lors de la réunion ministérielle de mai à Vienne et portera sur les droits de l’Homme, l’État de droit et la démocratie en Europe. Il sera rendu public dès le mois d’avril et portera plus particulièrement sur la lutte contre l’intolérance et l’extrémisme, le blanchiment d’argent, la violence à l’égard des femmes et des enfants, et une forme de protestation des groupes les plus fragiles qui ne sont pas suffisamment représentés dans les partis politiques et dans les institutions.

La dernière étape du processus de réforme dépend de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme. Le débat actuel sur la protection des données illustre concrètement la nécessaire coopération juridique entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe. La conciliation entre les normes de la Charte sociale européenne et les droits fondamentaux est en cours. L’adhésion de l’Union européenne à la convention GRECO est même envisagée. L’Union européenne, en vue d’un programme de coopération de sept ans, allouera prochainement 100 millions d’euros pour développer l’action du Conseil de l’Europe dans les pays de l’Est, 120 millions pour l’Europe du Sud-Est, ainsi que d’autres fonds pour financer diverses activités dans les pays voisins.

M. Bernard Fournier (Loire – UMP) a interrogé le Secrétaire général sur les atteintes aux droits des journalistes perpétrées dans certains États membres :

« Depuis plusieurs années, les droits des journalistes font l’objet de violations, y compris dans des États membres de notre Organisation, et cela en toute impunité.

L’idée a été émise qu’une unité spécialisée à l’effectif réduit soit créée sous l’autorité du Secrétaire général, afin de définir et de conduire une stratégie axée sur le suivi des attaques contre les journalistes dans les États membres, accompagnée d’un mécanisme de réponse rapide et d’un programme de lutte contre l’impunité.

Quel accueil réservez-vous à cette proposition et comment pourrait-elle se concrétiser ? »

Il lui a été répondu :

« Le Comité des ministres a traité récemment de cette question dans le cadre d’un débat thématique, et il m’a invité à lui soumettre un plan d’action concret – ce que j’ai fait. La balle est désormais dans son camp.

Nous souhaitons que chacun participe à l’examen de cette question importante, liée aux droits et libertés prévus par notre Convention. Pour les défendre, nous devons, comme vous l’avez souligné, mettre en place des mécanismes de réponse rapide. »

D. DISCOURS DE M. MARTIN SCHULZ, PRÉSIDENT DU PARLEMENT EUROPÉEN

M. Martin Schultz a introduit son propos en rappelant les points communs entre les deux assemblées. Loin de se limiter aux nécessaires contacts institutionnels, le lien qui s’est établi entre elles se noue au travers d’une communion de lieu et de personnes qui a permis de bâtir une histoire commune.

La Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales a été, au moment de sa signature, le 4 novembre 1950, un formidable promoteur des droits de l’Homme, développant dans l’Europe d’après-guerre l’idée que tout être humain, indépendamment de son origine, sa religion, sa race ou son sexe, dispose de droits inaliénables. Elle a aussi initié le concept d’unité européenne. Le Conseil de l’Europe est désormais, en quelque sorte, la conscience de l’Europe. Il a pu le prouver après les révolutions en Europe centrale et orientale, en accompagnant ces sociétés européennes vers la démocratie. Il le prouve aujourd’hui en proposant un contrepoids démocratique à la toute-puissance économique.

Que ce soit au travers des résolutions adoptées par l’Assemblée, les rapports de la Commission de Venise ou les arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme, le Conseil de l’Europe fait preuve d’un savoir-faire indéniable que le Parlement européen a pu constater à l’occasion de l’organisation de missions communes d’observations électorales dans les pays de l’OSCE. La recherche de synergies appelle aujourd’hui à un renforcement de la coopération entre les deux assemblées, par une synchronisation de leurs sessions ou tout au moins de leurs travaux.

Le rapport sur internet et la politique présenté le matin même par Mme Anne Brasseur devant l’Assemblée illustre bien cette communauté d’objectifs, le Parlement européen ayant adopté récemment une directive relative à la protection des données.

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et le Parlement européen sont ainsi souvent confrontés aux mêmes problématiques, qu’il s’agisse de promouvoir la démocratie ou de lutter contre la persistance de la peine de mort dans les pays voisins. À cet égard, le cas de la Turquie est révélateur : ses remarquables progrès ne font pas oublier aux deux assemblées leur attachement au respect de la liberté de la presse.

La situation de l’Ukraine inquiète tant l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe que le Parlement européen. Leurs efforts conjoints ont déjà permis la mise en place d’une mission de médiation composée de l’ancien président du Parlement européen, Pat Cox, et de l’ancien président polonais, Aleksander Kwasniewski, afin d’obtenir la libération de Mme Timochenko. Ces derniers se sont rendu vingt-sept fois en Ukraine en l’espace de dix-huit mois.

La protection des droits et libertés en Europe n’est pas négociable. Les critères de Copenhague auxquels doivent répondre les candidats à l’adhésion à l’Union européenne constituent un préalable essentiel, mais aucun instrument de suivi dynamique n’a encore été mis en place. La Commission devrait faire prochainement des propositions afin de pallier cette insuffisance, mais elle a fort à faire et il existe déjà un tel mécanisme au sein du Conseil de l’Europe.

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP) a remercié M. Martin Schultz pour avoir œuvré au rapprochement des deux assemblées au cours de leur présidence respective :

« Monsieur le Président, cher Martin – tu me permettras de continuer à te tutoyer –, je veux pour commencer te remercier, parce que l’une de mes grandes priorités au cours de ces deux années fut d’enrichir et de développer des relations étroites avec l’Union européenne ; or grâce à toi, à Elmar Brok, à Štefan Füle et à Joseph Daul, nous avons pu progresser en la matière.

Je te remercie aussi parce que tu avais promis de venir t’exprimer devant cet hémicycle et que tu l’as fait. Le respect de la parole donnée est quelque chose d’important, qui n’est malheureusement pas systématique.

Ensemble, nous avons fait avancer l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme. Il faut continuer dans cette voie.

Enfin, l’Union européenne a une politique dynamique et ambitieuse en matière de voisinage. S’il vous plaît, menez-la en étroite coordination avec le Conseil de l’Europe ! »

Le président du Parlement européen lui a répondu :

« Monsieur Mignon, je ne pourrais malheureusement pas vous rendre votre tutoiement, car M. Papadimoulis risque de dire à toute la Grèce que je tutoie la droite française !

S’agissant de la politique de voisinage, le Conseil de l’Europe est bien entendu notre partenaire privilégié. Je viens de le déclarer, et je ne saurais être plus clair.

Permettez-moi de prendre un instant, Madame la Présidente, pour remercier votre prédécesseur et rendre hommage à son engagement. Il a beaucoup fait pour améliorer les relations entre nos deux institutions – avec succès, comme son tutoiement le prouve ! »

Au cours des échanges avec l’Assemblée, Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC) a interrogé le président du Parlement européen sur son sentiment sur les liens entre Europe et Afrique :

« Monsieur le Président, l’Afrique sera fort probablement le grand continent du XXIe siècle avec 2 milliards d’habitants. L’Europe, la Méditerranée et l’Afrique sont dans le même fuseau horaire. L’Europe a-t-elle pris la dimension de cette future grande région mondiale Nord-Sud ? Et pourquoi se sent-elle si peu concernée par l’instabilité de l’Afrique ? »

Le président du Parlement européen lui a répondu :

« Madame Durrieu, merci de votre question sur l’Afrique. Soyez rassurée, le Parlement européen prend très au sérieux le développement de l’Afrique. Nos relations avec l’ensemble des États de ce continent et non pas seulement certains pays sont approfondies et font l’objet d’une attention soutenue.

En ma qualité de président du Parlement européen, je me suis adressé l’an dernier à l’Assemblée générale du Parlement panafricain. Nous avons approfondi nos relations avec les Parlements africains dans le cadre de la coopération interparlementaire. Toutefois, si le Parlement européen s’engage en tant que tel, pour autant, cela ne signifie pas que l’Union européenne prenne suffisamment au sérieux les relations euro-africaines.

Mon expérience de président en exercice entre 2012 et 2013 de l’Assemblée parlementaire de l’Union pour la Méditerranée m’a prouvé la richesse que constituaient les relations et la coopération qui nous unissaient à l’Afrique. Prenons l’exemple de l’Union pour la Méditerranée. Une vue réaliste de la situation actuelle dans le nord de l’Afrique, au Maghreb, dans le monde arabe, nous montre que le processus de transformation n’est pas encore achevé. De quoi ont donc besoin ces États ? Du renouvellement de leurs infrastructures, d’un système médical durable, d’une agriculture durable, d’infrastructures commerciales, aériennes, ferroviaires. Mais une agriculture durable suppose des conditions qui passent par l’aménagement de la distribution de l’eau. C’est un gros problème, notamment en Égypte.

L’Afrique représente des potentialités énormes d’investissement. Qui pourrait investir, appuyer les partenaires sur place, leur apporter la connaissance, une capacité d’investissement et l’expertise nécessaire si ce ne sont les États de l’Union européenne de la Méditerranée ? Une Union de la Méditerranée est une chance pour le nord de l’Afrique et pour le sud de l’Europe, une opportunité qui, selon moi, est totalement sous-estimée. J’espère que cela changera dans un temps proche. »

ANNEXES

Annexe 1

Résolution 1966 (2014) :
Refuser l’impunité pour les meurtriers de Sergueï Magnitski

(adoptée le 28 janvier 2014)

1. L’Assemblée parlementaire réaffirme son adhésion indéfectible à la lutte contre l’impunité et contre la corruption qui menacent l’État de droit, conformément à ses Résolution 1675 (2009) et Recommandation 1876 (2009) et à ses Résolution 1943 (2013) et Recommandation 2019 (2013), ainsi qu’à la protection des donneurs d’alerte, qu’elle a manifestée dans sa Résolution 1729 (2009) et sa Recommandation 1916 (2009).

2. Elle est consternée par le fait que Sergueï Magnitski, expert en fiscalité et en comptabilité au sein d’un cabinet d’avocats établi à Moscou, soit mort en détention provisoire à Moscou le 16 novembre 2009 et qu’aucune des personnes responsables de sa mort n’ait encore été punie.

3. M. Magnitski avait mené une enquête pour le compte d’un client sur une gigantesque fraude commise au détriment des autorités fiscales russes. Les suspects qu’il avait désignés avaient effectivement obtenu le remboursement de l’impôt acquitté par les sociétés de son client, qui avaient été frauduleusement réenregistrées au nom de délinquants notoires.

4. Les plaintes ont été adressées aux hauts représentants des autorités répressives russes, mais elles ont été transmises pour enquête à ces mêmes fonctionnaires du ministère de l’Intérieur qui étaient accusés de complicité. M. Magnitski a été placé en détention provisoire, dans des conditions de plus en plus dures, pour une fraude fiscale supposée commise en 2001 avec son client de l’époque, William Browder. Une pancréatite a été diagnostiquée à M. Magnitski après six mois de détention. Peu de temps avant que le traitement prévu ne lui soit administré, il a été transféré dans un autre établissement pénitentiaire dépourvu d’installations médicales adéquates.

5. Au terme de près d’un an de détention, le 16 novembre 2009, M. Magnitski, dont l’état de santé s’était encore détérioré, a été ramené dans un centre de détention équipé des installations médicales appropriées. Après être arrivé sur place, il a été frappé à coups de matraque de caoutchouc et est mort le soir même. Les médecins urgentistes civils, qui avaient été appelés par les fonctionnaires pénitentiaires, ont dû attendre plus d’une heure, après quoi ils ont trouvé le corps sans vie de M. Magnitski gisant sur le sol de la cellule où il était détenu.

6. L’heure exacte et les causes de la mort de M. Magnitski n’ont toujours pas été établies. Les témoignages et dossiers officiels contradictoires n’ont pas encore fait l’objet d’une enquête complète.

7. Deux agents pénitentiaires ont été mis en accusation pour négligence. Les poursuites engagées à l’encontre de l’un d’eux ont été abandonnées le 2 avril 2012 en raison de leur prescription, tandis que l’autre prévenu a été acquitté conformément à la demande du ministère public le 28 décembre 2012. Aucune des personnes présentes au moment de la mort de M. Magnitski, ni des personnes accusées par sa famille d’avoir orchestré les pressions dont il s’était plaint, n’a jamais été mise en accusation.

8. La procédure engagée à l’encontre de M. Magnitski, désormais accusé d’avoir participé lui-même à la fraude qu’il avait dénoncée et à la prétendue évasion fiscale de son client, se poursuit à titre posthume, en dépit des nombreuses protestations de sa veuve et de sa mère. Le droit russe autorise uniquement les procédures posthumes à titre exceptionnel, à la demande de la famille, en vue d’une réhabilitation.

9. Les avocats qui ont agi pour le compte des véritables propriétaires des sociétés frauduleusement réenregistrées, afin de leur permettre d’en reprendre le contrôle, sont à présent poursuivis pour avoir agi sur la base de faux mandats, parce que ces mandats ne leur avaient pas été délivrés par les faux propriétaires des sociétés.

10. La Commission de surveillance publique russe, chargée par l’État d’inspecter l’ensemble des lieux de détention de la Fédération de Russie, a mené une enquête sur les circonstances des mauvais traitements subis par M. Magnitski et de sa mort en détention. Elle a souligné les nombreuses incohérences, omissions et contradictions des dossiers officiels relatifs à cette affaire.

11. Le Conseil présidentiel pour les droits de l’homme a procédé, sur la base des conclusions de la Commission de surveillance publique, à une appréciation complète du cas de M. Magnitski et a invité instamment les autorités russes compétentes à amener les responsables de sa mort à rendre des comptes.

12. L’ancien client de M. Magnitski, William Browder, qui est à présent recherché par les autorités russes pour fraude fiscale, mène une campagne mondiale en faveur de l’interdiction de visa et du gel des comptes des personnes qui partageraient la responsabilité de la mort de M. Magnitski et des démarches faites ensuite pour étouffer cette affaire. À la suite de l’adoption de la «loi Magnitski» aux États-Unis d’Amérique, il fait campagne pour l’application de sanctions similaires en Europe.

13. En réaction à la loi Magnitski, la Douma d’État russe a adopté une loi qui prévoit l’application de mesures similaires aux fonctionnaires américains impliqués dans des actes de violation des droits de l’homme. La loi interdit également l’adoption des orphelins russes par les familles américaines et les hauts représentants du gouvernement ont publiquement félicité les fonctionnaires visés par les sanctions prévues par la loi Magnitski pour leur action.

14. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée invite instamment les autorités russes compétentes :

14.1. à mener une enquête complète sur les circonstances et le contexte de la mort de M. Magnitski et l’éventuelle responsabilité pénale de tous les fonctionnaires concernés, et notamment :

14.1.1. sur les témoignages contradictoires donnés par les fonctionnaires pénitentiaires et les autres témoins au sujet des événements qui ont suivi l’admission de M. Magnitski au centre de détention provisoire de Matrosskaya Tishina le 16 novembre 2009 ;

14.1.2. sur l’existence de deux versions différentes de l’«acte de décès» du 16 novembre 2009, signé par le Dr Gaus et d’autres personnes ;

14.1.3. sur les raisons du transfert de M. Magnitski à la prison de Butyrka une semaine avant la deuxième échographie et l’opération prévues à la prison de Matrosskaya Tishina ;

14.1.4. sur le fait qu’une simple spécialiste de l’hygiène ait été chargée de dispenser des soins médicaux à M. Magnitski, auquel avaient été diagnostiquées auparavant de graves pathologies, notamment une pancréatite ;

14.1.5. sur la prescription et l’administration, à M. Magnitski, du médicament Dyclofenac, qui est suspecté notamment d’aggraver la pancréatite dans certaines situations ;

14.1.6. sur l’indisponibilité de la séquence de vidéosurveillance de l’admission de M. Magnitski à la prison de Matrosskaya Tishina le jour de sa mort, au vu du témoignage selon lequel des enquêteurs ont emporté l’enregistrement ;

14.1.7. sur le caractère incomplet du registre des plaintes imposé par la loi, tenu pendant une période cruciale à la prison de Butyrka, au vu du témoignage selon lequel les extraits du registre présentés au cours de la procédure semblaient avoir été réécrits d’une traite ;

14.1.8. sur les relations personnelles qui existent entre les personnes soupçonnées d’avoir participé à l’entente délictuelle dénoncée par M. Magnitski, y compris certains fonctionnaires et anciens fonctionnaires du ministère de l’Intérieur et des services fiscaux impliqués dans le remboursement d’impôt frauduleux, le propriétaire de la banque utilisée pour le blanchiment des produits de l’infraction et les avocats qui ont pris part aux actions en justice fictives, et notamment les cas de voyages communs à Dubaï, Chypre et Londres ;

14.1.9. sur l’origine de l’enrichissement considérable de certains fonctionnaires à la retraite du ministère de l’Intérieur et du fisc ;

14.1.10. sur les actions en justice frauduleuses intentées devant les tribunaux d’arbitrage de Saint-Pétersbourg, Moscou et Kazan, qui ont admis l’existence de dettes fictives annulant prétendument les bénéfices réalisés par les sociétés frauduleusement réenregistrées, en vue de préparer le remboursement d’impôt frauduleux dénoncé par M. Magnitski ;

14.1.11. sur la procédure suivie par les deux services fiscaux impliqués dans la fraude dénoncée par M. Magnitski pour l’approbation de remboursements d’un montant équivalant à $US 230 millions dans un délai de 24 heures à compter de la demande, en déterminant notamment si les vérifications essentielles requises ont été effectuées auprès du ministère de l’Intérieur, étant donné que celui-ci avait auparavant reçu des informations détaillées établies par M. Magnitski sur le réenregistrement frauduleux des sociétés qui demandaient ce remboursement ;

14.2. à coopérer pleinement avec les autorités compétentes de tous les pays, y compris Chypre, l’Estonie, la Finlande, la Lettonie, la Lituanie, la République de Moldova et la Suisse, qui ont ouvert des enquêtes judiciaires pour blanchiment de capitaux à la lumière des informations qu’elles ont reçues au sujet des transferts de fonds suspects, qui permettent de remonter jusqu’à la fraude dénoncée par M. Magnitski ou jusqu’à des délits similaires, commis auparavant ou par la suite ;

14.3. à amener à rendre des comptes pour leurs actes et omissions toutes les personnes qui partagent la responsabilité de la mort de M. Magnitski, notamment celles qui ont ordonné ses fréquents transferts d’établissements pénitentiaires et de cellules, qui se sont accompagnés d’une dégradation toujours plus importante des conditions de détention, de l’absence du traitement médical nécessaire et, juste avant sa mort à la prison de Matrosskaya Tishina, des coups qui lui ont été portés et de la manière dont on a laissé M. Magnitski seul dans une cellule, dans un état apparemment grave ;

14.4. à clore la procédure engagée à titre posthume à l’encontre de M. Magnitski et à cesser d’exercer des pressions sur sa mère et sa veuve pour qu’elles participent à cette procédure ;

14.5. à cesser de persécuter les autres avocats qui agissent pour le compte des véritables propriétaires des sociétés frauduleusement réenregistrées.

15. L’Assemblée félicite la Fédération de Russie d’avoir mis en place, en lui confiant un mandat solide et en assurant son indépendance, la Commission de surveillance publique, qui peut servir de modèle à de nombreux autres États membres du Conseil de l’Europe. Afin de renforcer encore ce précieux mécanisme de surveillance des établissements pénitentiaires, il convient d’accroître les moyens dont elle dispose et de permettre aux détenus d’y avoir plus facilement accès à des fins de prévention.

16. Elle appelle les autorités compétentes russes à persister dans la lutte menée contre la corruption à tous les niveaux :

16.1. en améliorant la coordination entre les instances qui détiennent des informations pertinentes, comme la Banque centrale, et les autres instances habilitées à mener des enquêtes judiciaires et à engager des poursuites à l’encontre des auteurs d’infractions ;

16.2. en promouvant davantage la transparence des relations d’affaires, surtout en améliorant l’accès du public aux informations relatives aux sociétés (bénéficiaires effectifs, directeurs, bilans et dossiers judiciaires et fiscaux) et en imposant à l’ensemble des banques d’informer la Banque centrale de tous les transferts de fonds supérieurs à un certain seuil ;

16.3. en promouvant une éthique de service public moderne, fondée sur la transparence (y compris pour les recrutements et les promotions), une rémunération équitable et une tolérance zéro à l’égard de l’extorsion, de la corruption et du trafic d’influence.

17. L’Assemblée invite tous les autres États membres du Conseil de l’Europe à réfléchir aux moyens d’encourager les autorités russes à amener les responsables de la mort de M. Magnitski à rendre des comptes et à mener une enquête complète sur les malversations qu’il avait dénoncées, dans l’intérêt de la Fédération de Russie et de l’ensemble de ses citoyens, qui travaillent durement et paient leurs impôts.

18. L’Assemblée s’engage à suivre attentivement la mise en œuvre des propositions ci-dessus. Elle rappelle sa Résolution 1597 (2007) et sa Recommandation 1824 (2007) sur les listes noires du Conseil de sécurité des Nations Unies et de l’Union européenne. Elle décide en outre que si, dans des délais raisonnables, les autorités compétentes n’ont pas apporté de réponse, ou pour le moins de réponse satisfaisante, à la présente résolution, l’Assemblée devrait recommander aux États membres du Conseil de l’Europe de suivre en dernier ressort l’exemple des États-Unis, en adoptant des sanctions ciblées à l’encontre de personnes précises (interdiction de visa et gel de comptes bancaires), après avoir donné à ces personnes nommément désignées la possibilité de présenter des arguments appropriés pour leur défense.

Recommandation 2031 (2014) :
Refuser l’impunité pour les meurtriers de Sergueï Magnitski

(adoptée le 28 janvier 2014)

1. L’Assemblée parlementaire rappelle sa Résolution 1966 (2014) « Refuser l’impunité pour les meurtriers de Sergueï Magnitski » et invite le Comité des Ministres à examiner comment et par quels moyens :

1.1. améliorer la coopération internationale pour enquêter sur le cheminement emprunté par les fonds provenant des remboursements d’impôts frauduleux dénoncés par M. Magnitski; et, notamment,

1.2. veiller à ce que la Fédération de Russie participe pleinement à ces démarches et amène à rendre des comptes les auteurs et les bénéficiaires aussi bien des infractions commises à l’encontre de Sergueï Magnitski que de celles qu’il a dénoncées.

Annexe 2

Résolution 1967 (2014) : Une stratégie pour la prévention du racisme et de l'intolérance en Europe

(adoptée le 28 janvier 2014)

1. Le racisme, la haine et l’intolérance sont des problèmes de longue date en Europe. Au cours des dix dernières années, malgré un renforcement de la législation contre les infractions motivées par la haine et contre le discours de haine dans les États membres du Conseil de l’Europe, les manifestations physiques et verbales d’intolérance à l’encontre de personnes appartenant à certains groupes ont augmenté, tant en gravité qu’en nombre.

2. Les effets de la crise économique sur le tissu social et l’échec des gouvernements à concevoir et à mettre en application des politiques en matière de cohésion sociale, de migration et d’inclusion des Roms ont provoqué cette augmentation, qui a été amplifiée par l’utilisation croissante d’internet et des médias sociaux.

3. Un rapport du Réseau européen contre le racisme a souligné la responsabilité des décideurs politiques qui, sous couvert de ne pas taire les vrais problèmes, diffusent des discours dangereux et stigmatisants à l'encontre de certaines populations. La montée de l'extrême droite et sa rhétorique peuvent également influencer les discours politiques traditionnels.

4. Le fait que certaines législations nationales ne considèrent pas l'insulte raciste et la discrimination comme un délit envoie de facto un signal négatif aux populations européennes puisqu'aucune sanction formelle n'est prévue.

5. L’Assemblée parlementaire estime qu’il est devenu urgent de s’attaquer au racisme, à la haine et à l’intolérance en Europe selon une approche stratégique plutôt qu’au cas par cas. L’urgence devient d’autant plus impérieuse que ces phénomènes ont des effets dépassant largement les individus directement visés: ils touchent des groupes entiers, ce qui conduit à une victimisation collective; ils créent des clivages au sein de la société entre différents groupes, ce qui nuit au respect des droits de l’homme et à la cohésion sociale; et, enfin, ils sapent davantage encore la confiance dans les pouvoirs publics, l’État de droit et finalement dans la démocratie.

6. Une approche stratégique du racisme, de la haine et de l’intolérance suppose la mise en place ou le renforcement d’un cadre juridique de vaste portée, assorti d’efforts redoublés pour assurer sa mise en œuvre effective. La stratégie devrait mettre l’accent sur la prévention, la sensibilisation et l’éducation aux droits de l’homme, tout en s’appuyant sur les précieux outils qu’offrent internet et les médias sociaux pour toucher un plus large public.

7. Les représentants gouvernementaux et plus généralement les responsables politiques devraient conduire avec détermination les actions visant à éliminer le racisme, la haine et l’intolérance, et donner l’exemple en contestant, rejetant et condamnant publiquement les manifestations de haine, d’où qu’elles viennent. Dans cette perspective, l’Assemblée exprime son soutien à la Déclaration de Rome contre le racisme et l’intolérance, signée par 17 ministres des États membres de l’Union européenne en septembre 2013.

8. Compte tenu de ces considérations, l’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe :

8.1. concernant le cadre juridique sur le discours de haine et sur les infractions motivées par la haine, et sa mise en œuvre :

8.1.1. à veiller à ce que le cadre juridique relatif au discours de haine et aux infractions motivées par la haine englobe le plus grand nombre possible de mobiles discriminatoires, notamment le sexe, la race, la couleur, l’origine ethnique, la langue, la religion, le handicap, la situation d’immigré, l’orientation sexuelle et l’identité de genre ;

8.1.2. à instaurer l’obligation d’enregistrer les infractions présumées motivées par la haine, de mener une enquête à leur sujet et de poursuivre leurs auteurs en justice ;

8.1.3. à introduire des directives contraignantes à l’intention de la police afin d’assurer que tout mobile haineux présumé associé à une infraction fasse l’objet d’une enquête diligente, impartiale, effective et approfondie et soit dûment pris en compte lors des poursuites judiciaires et de la détermination des peines ;

8.1.4. à former le personnel de la justice pénale, y compris les procureurs et les juges, à la manière de traiter les infractions motivées par la haine et de travailler avec les victimes ;

8.1.5. à veiller à ce que les mobiles haineux associés à une infraction soient explicitement mentionnés dans les décisions de justice;

8.1.6. à encourager les victimes et les témoins à signaler les propos haineux et les infractions motivées par la haine aux autorités :

8.1.6.1. en diffusant des informations, aussi largement que possible, sur les moyens de signalement ;

8.1.6.2. en veillant à ce que la démarche puisse s’effectuer via internet et par d’autres moyens facilement accessibles ;

8.1.6.3. en supprimant tout frais de signalement ou de dépôt de plainte ;

8.1.6.4. en garantissant, lorsqu’elles se trouvent dans une situation irrégulière, aux personnes qui font des signalements qu’elles ne pourront pas faire l’objet d’une mesure d’éloignement pendant qu’elles coopéreront avec les services répressifs ;

8.1.7. à signer et à ratifier le Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité, relatif à l’incrimination d’actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques (STE n°189) ;

8.2. concernant la classification et la collecte des données :

8.2.1. à recueillir et à publier annuellement des données ventilées sur le discours de haine et les infractions motivées par la haine, afin de mieux comprendre et de comparer les phénomènes de victimisation et les comportements délictueux ;

8.3. concernant la prévention :

8.3.1. à soutenir la campagne du Mouvement contre le discours de haine du Conseil de l’Europe ;

8.3.2. à organiser de vastes campagnes de sensibilisation sur la lutte contre le racisme, la haine et l’intolérance, notamment par le biais d’internet et des médias sociaux ;

8.3.3. à promouvoir la publication de supports pédagogiques et la prestation de formations sur la lutte contre le racisme, la haine et l’intolérance à l’école ;

8.3.4. à veiller à ce que les policiers reçoivent une formation sur les questions de diversité et d’égalité.

9. L’Assemblée invite ses membres à se joindre aux comités nationaux mis en place dans le cadre de la campagne du Mouvement contre le discours de haine, et encourage la commission sur l’égalité et la non-discrimination à donner à ses membres les moyens de lancer, en partenariat avec leurs parlements nationaux, des activités de campagne contre le racisme, la haine et l’intolérance. L’Assemblée appelle également ses membres à coopérer plus étroitement avec la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI).

10. L’Assemblée invite les parlements nationaux à adopter des codes de conduite pour leurs membres incluant des garanties contre les discours de haine et les infractions motivées par la haine, sur quelque motif que ce soit.

Recommandation 2032 (2014) : Une stratégie pour la prévention du racisme et de l'intolérance en Europe

(adoptée le 28 janvier 2014)

1. Rappelant ses Résolution 1967 (2014) sur une stratégie pour la prévention du racisme et de l’intolérance en Europe, et Résolution 1968 (2014) sur la lutte contre le racisme au sein de la police, l’Assemblée parlementaire exprime sa vive inquiétude face à la recrudescence du racisme, de la haine et de l’intolérance en Europe, dont les manifestations sont de plus en plus répandues, graves et fréquentes.

2. Considérant que le racisme, la haine et l’intolérance vont à l’encontre des valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe, aucun effort ne doit être épargné pour aider les États membres à prévenir et combattre ce fléau. L’Assemblée reconnaît que, par l’intermédiaire de multiples institutions, commissions et structures, le Conseil de l’Europe apporte déjà une très importante contribution en la matière. Toutefois, elle appelle à adopter une approche plus stratégique pour une meilleure efficacité.

3. En conséquence, l’Assemblée demande au Comité des Ministres de charger le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe d’élaborer une stratégie contre le racisme, la haine et l’intolérance en Europe, ainsi qu’un plan d’action pour la mettre en œuvre :

3.1. La stratégie et le plan d’action devraient avoir une durée limitée, rassembler les activités et l’expertise du Conseil de l’Europe dans le domaine, impliquer toute l’Organisation et, enfin, être déployées en coopération avec les autorités nationales, les organisations intergouvernementales et non gouvernementales et d’autres interlocuteurs.

3.2. La stratégie et le plan d’action devraient privilégier la prévention tout en renforçant le cadre juridique et sa mise en œuvre effective, et prévoir au moins les activités suivantes :

3.2.1. mener des campagnes et des actions de sensibilisation de l’opinion publique, y compris en élargissant et en renforçant le Mouvement contre le discours de haine ;

3.2.2. développer l’éducation aux droits de l’homme et l’élaboration de programmes scolaires afin de prévenir le racisme, la haine et l’intolérance et de promouvoir le respect de l’égalité et de la diversité ;

3.2.3. élaborer des outils de formation en ligne et à distance en matière de prévention et de lutte contre le racisme, la haine et l’intolérance, à l’intention des services de police et autres services répressifs ;

3.2.4. renforcer le cadre juridique des États membres du Conseil de l’Europe, fournir des conseils et une expertise juridiques, et promouvoir la ratification du Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité, relatif à l’incrimination d’actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques (STE n° 189) ;

3.2.5. veiller à ce qu’un suivi soit donné aux recommandations des mécanismes de suivi existants relatives au racisme, à la haine et à l’intolérance.

Annexe 3

Résolution 1970 (2014) : Internet et la politique :
les effets des nouvelles technologies de l’information
et de la communication sur la démocratie

(adoptée le 29 janvier 2014)

1. L’Assemblée parlementaire constate que le développement d’internet a entraîné des conséquences majeures en ce qui concerne l’exercice de droits fondamentaux au cœur de la construction de nos sociétés démocratiques, tels que les droits aux libertés d’information, d’expression, d’opinion, de réunion et d’association, ainsi que la protection de la sphère privée.

2. Ce développement et l’accélération exponentielle des capacités de transmission sur le réseau ont mis un terme à la concentration du pouvoir d’information et ont modifié le paradigme de la communication. L’espace public a été élargi et la Toile est devenue un immense champ sans frontières, véritable agora globale où tout individu peut chercher et échanger des informations, partager ses connaissances, s’exprimer sur tout sujet, s’engager pour une idée ou une cause.

3. Les bouleversements apportés par internet changent la relation entre monde politique et citoyens et l’équilibre entre démocratie représentative et démocratie directe. Ils imposent de s’interroger sur les nouvelles opportunités qui s’ouvrent pour une démocratie plus forte et dynamique, mais aussi sur les nouveaux dangers qui peuvent l’affaiblir, et sur le rôle qu’ont dans ce contexte les législateurs.

4. Internet facilite la mobilisation des citoyens et assure à leurs actions une visibilité renforcée. Il a aussi profondément modifié la communication institutionnelle et l’articulation des relations entre électeurs et forces politiques, ainsi qu’entre citoyens, élus et administrations. Plus généralement, il a enrichi les possibilités de participation à la vie politique. Internet est donc un élément essentiel de la démocratie moderne et les institutions politiques doivent tenir compte du foisonnement d’initiatives de participation citoyenne qui prennent forme sur le web.

5. Les progrès en matière de technologies de communication permettront à l’avenir d’utiliser le vote électronique pour développer les mécanismes traditionnels de la démocratie. Ce processus devrait être graduel.

6. Toutefois, l’Assemblée ne croit pas que, dans le monde complexe d’aujourd’hui, il soit possible de remplacer la représentation politique issue du suffrage universel par un quelconque modèle fondé essentiellement sur des processus de démocratie directe par voie électronique et ce même à supposer que tous aient accès aux procédures de consultation et vote par internet et que l’on puisse trouver une réponse adéquate aux problèmes qui freinent la généralisation du vote électronique.

7. La définition et la mise en œuvre des politiques exigent des choix à long terme, qui appellent des négociations complexes et mettent en jeu des intérêts conflictuels difficiles à pondérer; cette complexité n’est pas appréhendée suffisamment dans les processus décisionnels sur la Toile, qui doivent nécessairement simplifier le contenu des discussions. Les politiques publiques exigent aussi une cohérence interne et une coordination auxquelles la fragmentation du processus décisionnel sur le web opposerait des obstacles infranchissables.

8. Enfin, dans un tel système, ceux – avec plus de moyens et en petit nombre, forcément – qui dicteraient de fait les décisions finales ne seraient ni connus, ni tenus de répondre de ces décisions et exerceraient donc un pouvoir à la fois sans légitimation et sans responsabilité. Dans ce cas, on ne peut plus parler de démocratie.

9. Participation et représentation vont de pair; mais il faut alors que la démocratie représentative soit réellement participative. Depuis plusieurs années, l’Assemblée constate l’érosion de la confiance des citoyens envers leurs institutions politiques. Pour endiguer cette tendance, les responsables politiques devront davantage être à l’écoute, développer la participation des citoyens et promouvoir une citoyenneté active.

10. L’Assemblée constate, à cet égard, qu’internet et les médias sociaux ouvrent des voies nouvelles pour un dialogue élargi entre citoyens et élus et stimulent une participation plus dynamique à la vie démocratique. Il faut saisir l’opportunité de reconnecter, grâce à internet, les institutions démocratiques avec les citoyens qui s’en sont éloignés et il faut développer, notamment au sein de nos parlements, les capacités et compétences nécessaires pour exploiter ce potentiel bénéfique d’internet.

11. À côté des élus, les partis politiques ont un rôle extrêmement important; l’Assemblée les invite à une réflexion sur leurs relations avec leurs bases électorales et sur l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication pour développer avec les électeurs un dialogue permanent, afin de les impliquer dans l’élaboration des programmes politiques, pour mieux les engager ensuite dans leur réalisation.

12. Cependant l’Assemblée est consciente du fait qu’internet accroît les risques d’abus et de dérives pouvant mettre en danger les droits de l’homme, l’État de droit et la démocratie: il héberge l’expression de l’intolérance, de la haine et de la violence contre les enfants et les femmes; il arme la criminalité organisée, le terrorisme international, les dictatures; il augmente aussi le risque d’informations biaisées et de manipulation des opinions, et il rend possible le contrôle sournois de notre vie privée.

13. Il est difficile d’exercer un contrôle sur l’utilisation légale des données circulant sur la Toile : les législations nationales sur la protection des données varient d’un pays à l’autre et les politiques de protection de la vie privée appliquées par les grandes entreprises transnationales du secteur numérique – qui sont, à l’échelle mondiale, les premiers acteurs du traitement des données à caractère personnel – sont uniquement soumises à la législation des États où ces entreprises sont enregistrées. Il est plus qu’inquiétant de constater que les données à caractère personnel sont dégradées en simples biens marchands et détournées à des fins commerciales ou politiques, menaçant gravement la protection de la sphère privée. D’autre part, l’utilisation accrue des nouvelles techniques de sondage sémantique peut mener à une manipulation de l’opinion publique et altérer les processus politiques.

14. Internet appartient à tout le monde et, de ce fait, il n’appartient à personne et n’a pas de frontières. Nous devons préserver son caractère ouvert et sa neutralité. Néanmoins, internet ne doit pas devenir une machine tentaculaire fonctionnant hors de tout contrôle démocratique. Il faut empêcher que la Toile ne devienne de fait une zone de non-droit, un espace dominé par des pouvoirs cachés où aucune responsabilité ne pourrait être clairement attribuée.

15. La responsabilité des opérateurs d’internet est donc un problème fondamental que l’Assemblée traite actuellement par le biais de deux rapports sur le droit d’accès à internet et sur des stratégies coordonnées pour une bonne gouvernance d’internet. Au niveau de l’Union européenne, le « Code des droits en ligne dans l’UE » et la « Stratégie numérique pour l’Europe » sont aussi deux initiatives sur cette question.

16. Les internautes peuvent contribuer à faire d’internet un environnement plus sûr et respectueux des droits de l’homme et les opérateurs doivent assumer leurs responsabilités dans la lutte contre les abus et les dérives. À cet égard, l’autorégulation est indispensable pour garantir la neutralité d’internet et devrait être stimulée; cependant, elle ne semble pas suffisante.

17. Les États doivent prendre des mesures concertées et adopter des règles communes, tout en évitant que les mécanismes de surveillance eux-mêmes mettent en danger les libertés fondamentales, pour sauvegarder internet comme espace de liberté. Les révélations sur les opérations des services secrets qui dépassent tout cadre légal en ordonnant des intrusions systématiques dans la vie privée sont inacceptables, ce qui doit nous amener à réfléchir sur le prix que nous payons pour notre sécurité et sur les précautions que nous devons prendre pour éviter d’annihiler l’espace de liberté d’internet.

18. Les parlements nationaux sont un lieu privilégié pour discuter sur la démocratie et le renouveau possible du système démocratique à l’ère d’internet; mais ils doivent s’ouvrir, impliquer largement les diverses parties prenantes – tels que les institutions étatiques, les organismes privés et les sociétés commerciales – et engager la société civile toute entière dans le débat sur la démocratie, la politique et internet.

19. Dès lors, l’Assemblée recommande aux États membres, et en particulier à leurs parlements nationaux :

19.1. d’accroître la capacité des institutions politiques – et notamment parlementaires – d’utiliser les nouvelles technologies de l’information et de la communication pour améliorer la transparence du processus décisionnel et le dialogue avec les citoyens, notamment grâce aux réseaux sociaux, aux chaînes parlementaires sur internet et aux autres plates-formes qui permettent aux citoyens de réagir ;

19.2. de poursuivre, dans ce contexte, le développement de programmes ciblés de formation à internet pour les élus, la modernisation des sites internet des parlements et des gouvernements et une meilleure utilisation des outils de consultation et participation en ligne ;

19.3. de ne pas se contenter de reproduire en ligne les outils traditionnels, mais d’aller à la rencontre des citoyens dans les espaces virtuels qu’ils créent et de réfléchir de manière créative au potentiel du réseau comme plateforme d’engagement et de partage des connaissances ;

19.4. de mieux utiliser le réseau comme source de données agrégées permettant d’identifier les préférences et les besoins des citoyens, afin que l’agenda politique, à tous les niveaux de gouvernement, reflète davantage les questions qui préoccupent la société, tout en gardant à l’esprit les effets à long terme dans le cadre de l’intérêt général ;

19.5. d’exploiter les fonctionnalités d’internet pour renforcer la collaboration entre autorités publiques, société civile et monde universitaire, en vue de l’élaboration et de la mise en œuvre d’initiatives en faveur de l’engagement politique et démocratique des citoyens ;

19.6. de combattre les inégalités socioculturelles qui alimentent la fracture numérique, y compris par l’introduction de programmes éducatifs destinés aux adolescents et aux jeunes élèves afin qu’ils acquièrent les compétences nécessaires pour se servir d’internet en internautes avertis ;

19.7. de favoriser la convergence de l’éducation aux nouveaux médias et de l’éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits de l’homme, qui devrait prendre dûment en considération les atouts et les défis d’internet, et de développer à cet égard des programmes capables d’atteindre les divers groupes d’âge et les divers groupes sociaux; ces programmes devraient mobiliser le monde de l’école et de l’université, les partenaires sociaux et les médias ;

19.8. d’inviter les universités à développer des programmes académiques dans le domaine de la «science des données» (data science) incluant des dimensions éthiques, techniques, juridiques, économiques et sociétales ;

19.9. d’engager, tant au niveau national qu’au sein du Conseil de l’Europe, une réflexion sur les normes et mécanismes, en phase avec l’évolution des technologies, nécessaires :

19.9.1. à créer un espace de sécurité sur la Toile tout en garantissant la liberté d’expression telle que définie à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5) ainsi que la protection de la vie privée telle que définie à son article 8 ;

19.9.2. à prévenir les risques de distorsion de l’information et de manipulation de l’opinion publique, et de considérer par exemple :

19.9.2.1. l’élaboration d’une réglementation cohérente et/ou l’incitation à une autoréglementation concernant la responsabilité des grands opérateurs d’internet ;

19.9.2.2. l’établissement d’une institution indépendante dotée de pouvoirs, compétences techniques et moyens suffisants pour expertiser les algorithmes des moteurs de recherche qui filtrent et conditionnent l’accès aux informations et savoirs sur le web, tout en évitant le risque qu’une telle institution puisse porter atteinte à la nature même de la liberté d’expression ;

19.9.2.3. l’élaboration de principes et de normes générales afin d’encadrer les nouvelles pratiques de sondage sémantique ;

19.9.2.4. l’élaboration d’une réglementation devant être appliquée par les entreprises qui proposent des systèmes de communication sur internet pour prévenir les abus à l’encontre de la vie privée ou familiale des particuliers dus aux activités des fauteurs de troubles (trolling), tout en maintenant un équilibre avec la liberté d’expression ;

19.10. de veiller d’une part au respect des droits de l’homme sur le web et d’autre part à la liberté d’internet, et d’agir au sein des instances internationales où se poursuit la réflexion sur la gouvernance de l’internet pour préserver ces droits et cette liberté partout dans le monde et tout particulièrement là où la démocratie est affaiblie, en danger, voire abolie ;

19.11. de soutenir sans réserves la proposition de lancer la rédaction d’un livre blanc du Conseil de l’Europe sur « La démocratie, la politique et internet », que l’Assemblée a formulée dans sa Recommandation 2033 (2014) « Internet et la politique: les effets des nouvelles technologies de l’information et de la communication sur la démocratie » ;

19.12. de poursuivre, en étroite collaboration avec la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), la réflexion en vue d’élaborer un protocole à la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit de participer à la conduite des affaires publiques, comme le préconisent la Résolution 1746 (2010) et la Recommandation 1928 (2010) «Démocratie en Europe: crises et perspectives», et d’accorder une attention particulière au rôle d’internet et des autres outils électroniques de participation, comme les réseaux sociaux, les forums de discussion en ligne, le vote électronique et les initiatives de gouvernement ouvert.

Recommandation 2033 (2014) : Internet et la politique :
les effets des nouvelles technologies de l’information
et de la communication sur la démocratie

(adoptée le 29 janvier 2014)

1. L’Assemblée parlementaire, se référant à sa Résolution 1970 (2014) « Internet et la politique: les effets des nouvelles technologies de l’information et de la communication sur la démocratie », souligne l’importance stratégique de ces technologies pour le développement de la démocratie et l’impact majeur d’internet sur la relation entre partis, élus et citoyens, ainsi que sur la manière de concevoir la participation à la vie politique des individus et des groupes sociaux.

2. Le débat sur la démocratie et le renouveau possible du système de représentation démocratique à l’ère d’internet doit avoir lieu au niveau national, mais doit aussi avoir une dimension européenne, afin que chacun des États membres puisse bénéficier de l’expérience et de l’expertise des autres, et qu’ils puissent construire ensemble un environnement propice au développement d’internet selon une vision européenne commune, pour garantir les droits fondamentaux et la protection de la vie privée.

3. Par conséquent, l’Assemblée recommande au Comité des ministres :

3.1. de lancer sans délai la rédaction d’un livre blanc du Conseil de l’Europe sur « La démocratie, la politique et internet », qui devrait constituer une contribution majeure du Conseil de l’Europe aux travaux menés au niveau global sur la gouvernance de l’internet ;

3.2. d’associer étroitement l’Assemblée parlementaire à toutes les phases de conception et d’élaboration de ce livre blanc ;

3.3. d’impliquer dans le processus collaboratif de réflexion tous les parlements nationaux et les gouvernements des États membres, ainsi que les forces politiques et lorsque cela est faisable les services secrets, les grands opérateurs d’internet, les médias – notamment les services publics de radiodiffusion et les associations nationales et européennes des médias – les universités, les organisations non gouvernementales (ONG) de défense des droits de l’homme et les associations défendant les droits des internautes ;

3.4. d’utiliser pour ce projet internet et les médias sociaux pour consulter de façon étendue la société civile sur la manière de renouveler nos systèmes de démocratie représentative en exploitant au mieux le potentiel bénéfique d’internet ;

3.5. de centrer l’analyse en particulier sur l’exercice des libertés fondamentales (individuelles ou collectives) et leur protection sur la Toile et sur la participation des citoyens au processus décisionnel et à la vie publique à travers l’internet, et d’étudier dans ce contexte :

3.5.1. comment concilier au mieux trois exigences fondamentales: préserver l’ouverture et la neutralité d’internet ; sauvegarder les droits aux libertés fondamentales et notamment la sphère privée des internautes ; assurer la sécurité nationale et l’efficacité de la lutte contre le crime ;

3.5.2. comment renforcer, grâce à internet, la participation populaire dans la gouvernance de nos sociétés ;

3.6. de prendre en considération dans cette analyse :

3.6.1. les évolutions prévisibles au vu de la rapidité des avancées technologiques dans ce domaine ;

3.6.2. les relations entre État et opérateurs commerciaux et entre État et citoyens, ainsi que les réseaux de relations entre groupes sociaux, entre sociétés commerciales et usagers et entre partis et électeurs ;

3.6.3. le cadre normatif existant et les lacunes qu’il faudrait combler par l’élaboration d’instruments juridiques ou par des formes d’autoréglementation, notamment pour se protéger des manipulations et d’un usage d’internet à des fins criminelles ou de déstabilisation d’un régime démocratique ;

3.6.4. la formation de la population à une utilisation responsable d’internet, y compris pour se protéger de certains dangers ;

3.7. d’inviter d’autres partenaires et notamment l’Union européenne à participer à ce projet et de vérifier l’opportunité d’y associer le Forum sur la gouvernance de l’Internet.

Annexe 4

Résolution 1971 (2014) : Les réfugiés syriens :
comment organiser et soutenir l’aide internationale ?

(adoptée le 29 janvier 2014)

1. L’Assemblée parlementaire a traité de la situation des réfugiés syriens dans sa Résolution 1902 (2012) sur la réponse européenne face à la crise humanitaire en Syrie, qu’elle a adoptée en octobre 2012, lors de son débat d’actualité d’avril 2013 sur les réfugiés syriens en Jordanie, en Turquie, au Liban et en Irak: comment organiser et soutenir l’aide internationale ?, dans sa Résolution 1940 (2013) sur la situation au Proche-Orient, adoptée en juin 2013, et dans sa Recommandation 2026 (2013) sur la situation en Syrie, adoptée en octobre 2013.

2. Selon les estimations fournies par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), environ 2,2 millions de Syriens ont fui le pays pour demander la protection aux pays voisins, parmi lesquels quelque 1,1 million sont des enfants. En Syrie même, on dénombre, selon les mêmes sources, environ 6,8 millions de personnes ayant besoin d’une aide humanitaire (3,1 millions d’enfants) et 4,25 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays, dont la situation mérite d’être examinée.

3. L’Assemblée insiste sur le fait que seules des perspectives de paix et un règlement politique du conflit permettront de régler les problèmes que pose la situation dramatique des réfugiés et des personnes déplacées en Syrie et dans les pays d’accueil, et réaffirme son soutien à la conférence internationale de paix sur la Syrie (Genève 2). Dans ce conteste dramatique, elle appelle tous les belligérants à arrêter les combats.

4. La communauté internationale doit organiser une aide humanitaire sur la base du droit international humanitaire et conformément à la déclaration faite le 2 octobre 2013 par le Président du Conseil de sécurité des Nations Unies.

5. L’Assemblée salue le démarrage de la conférence internationale de paix pour la Syrie à Montreux, et le lancement du processus de dialogue entre les Syriens sur la base du Communiqué de Genève du 30 juin 2012, renforcé par la Résolution du 27 septembre 2013 du Conseil de sécurité des Nations Unies. L’Assemblée espère que cette Conférence ouvrira la voie à une transition de la logique de guerre à une logique de paix, de stabilité et de réconciliation, et permettra de construire une nouvelle Syrie au sein de laquelle tous les Syriens se sentiront bien.

6. L’Assemblée soutient l’appel lancé par M. Chaloka Beyani, Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays, demandant aux parties au conflit de donner les moyens nécessaires aux organisations internationales et aux organisations non gouvernementales (ONG) d’aider les personnes déplacées à l’intérieur du pays, notamment les femmes et les enfants, ainsi que les groupes vulnérables.

7. L’Assemblée exprime une nouvelle fois sa gratitude aux autorités turques, jordaniennes, libanaises et irakiennes pour avoir accueilli un nombre considérable de réfugiés et ce, malgré tous les problèmes de logistique que cela entraîne, et elle remercie les États membres ou non-membres du Conseil de l’Europe qui ont accepté d’accueillir des réfugiés syriens afin d’alléger quelque peu la pression exercée sur les pays voisins de la Syrie. Il s’agit notamment de l’Allemagne, de l’Arménie, de l’Autriche, de la Bulgarie, de la France, du Luxembourg, de la Suède et de la Suisse.

8. L’Assemblée se félicite des initiatives prises par certains États membres pour offrir des possibilités de regroupement familial à des réfugiés syriens présents sur leur territoire. Elle prend note des mesures prises par les autorités suédoises et suisses à cet égard et encourage les autres États à suivre leur exemple dans la mesure du possible.

9. L’Assemblée regrette toutefois que, dans l’ensemble, les États membres n’aient pas adopté de politiques générales en ce qui concerne les réfugiés syriens et qu’ils continuent pour la plupart d’évaluer les demandes d’asile syriennes de manière individuelle.

10. L’Assemblée constate que la situation en Irak, en Jordanie et au Liban devient de plus en plus critique, ces pays devant accueillir de nombreux réfugiés tout en faisant face à la crise économique et au chômage, ce qui exacerbe les tensions déjà existantes entre les populations locales et les réfugiés.

11. L’Assemblée est profondément choquée par les conditions extrêmement précaires dans lesquelles vivent les réfugiés syriens, notamment au Liban. Ce pays ne dispose pas d’infrastructures permettant d’accueillir de nombreux réfugiés, qui souffrent par conséquent d’un manque d’eau potable, de nourriture, de vêtements et d’hébergement. L’Assemblée saisit cette occasion pour rendre hommage au travail des organisations internationales, notamment le HCR, qui s’efforcent néanmoins d’assurer au mieux l’aide humanitaire dans des circonstances difficiles.

12. L’Assemblée souhaite également remercier les autorités turques, ainsi que le Croissant-Rouge turc, d’avoir mis en place des structures d’accueil où les réfugiés syriens peuvent vivre dans des conditions décentes et où les enfants peuvent poursuivre leurs études. Elle soutient pleinement l’appel à l’aide internationale lancé par le Premier ministre de la Turquie, M. Recep Tayyip Erdoğan, pour que la communauté internationale aide son pays à faire face à l’afflux croissant de réfugiés.

13. La situation des femmes et des enfants, qui représentent une grande majorité des réfugiés syriens, est de plus en plus préoccupante. Les enfants sont les premières victimes du conflit syrien et ont besoin d’aide de toute urgence. La plupart d’entre eux rencontrent des difficultés d’accès à l’éducation et certains sont forcés de travailler dans des conditions contraires à la Convention relative aux droits de l’enfant, tandis que de nombreuses femmes subissent des violences sexuelles et des violences fondées sur le genre (viols, mariages forcés, prostitution).

14. L’Assemblée attire également l’attention sur la situation dans les pays d’Afrique du Nord, qui ont accueilli près de 15 000 réfugiés syriens et qui sont de plus en plus affectés par l’afflux massif de réfugiés. La situation est également préoccupante en Égypte, qui accueille plus de 126 000 réfugiés, notamment des réfugiés syriens, dont certains auraient été expulsés vers des pays tiers. On s’inquiète également de ce qu’en Égypte, des enfants réfugiés soient placés en rétention administrative.

15. L’Assemblée demande aux parties au conflit de respecter le droit humanitaire et de permettre aux travailleurs humanitaires d’accéder aux personnes déplacées en Syrie, en particulier aux femmes, aux enfants et aux groupes vulnérables, afin de leur fournir l’aide dont ils ont besoin.

16. En conséquence, l’Assemblée invite les États membres du Conseil de l’Europe, les États observateurs auprès du Conseil de l’Europe et de son Assemblée parlementaire et les autres États concernés par la situation des réfugiés syriens :

16.1. à examiner la possibilité de fournir une protection temporaire ou internationale aux réfugiés syriens conformément à la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés (« Convention de Genève de 1951 ») et leur permettre de travailler durant cette période, comme le fait déjà la Turquie ;

16.2. à appliquer le principe fondamental du non-refoulement et à suspendre les retours forcés des Syriens vers la Syrie et les pays limitrophes de la Syrie, compte tenu des difficultés auxquelles ces pays sont confrontés pour gérer l’afflux de Syriens ;

16.3. à assurer au maximum l’accès à leur territoire et à leurs procédures d’asile, à fournir des conditions d’accueil appropriées et à veiller à ce que les demandeurs d’asile syriens bénéficient de procédures d’asile efficaces, rapides et équitables, en évitant les visas dits « de transit » ;

16.4. à éviter la rétention administrative des Syriens entrés sur le territoire sans documents d’identité ou irrégulièrement, et à n’y recourir que dans des circonstances exceptionnelles et en dernier ressort, après avoir examiné toutes les autres solutions possibles ;

16.5. à faciliter l’octroi de visas et de titres de séjour aux Syriens, notamment à des fins d’études ou d’emploi ou pour des raisons humanitaires ou familiales ;

16.6. à simplifier et accélérer les procédures de regroupement familial ;

16.7. à donner aux organisations humanitaires et aux ONG les moyens administratifs et financiers d’aider les réfugiés syriens, notamment au Liban ;

16.8. à faire preuve de générosité et de solidarité lors de l’accueil sur leur territoire de réfugiés syriens, dont la répartition doit être équilibrée entre les pays, et à mettre en place les infrastructures nécessaires de façon à ce que l’hébergement, les installations sanitaires, l’eau, l’éducation, les soins de santé, la nourriture, etc. soient fournis dans des conditions décentes ;

16.9. à prévoir un plan de contingence en cas de nouvel afflux massif de réfugiés syriens et fournir une aide au développement supplémentaire aux pays voisins de la Syrie, afin de leur donner les moyens d’accueillir les réfugiés dans la dignité et le respect de leurs droits fondamentaux ;

16.10. à prendre des mesures pour fournir toutes les ressources vitales, notamment la nourriture, des vêtements, une aide médicale et un abri temporaire aux personnes déplacées en Syrie et aux réfugiés dans les pays limitrophes ;

16.11. à soutenir un programme spécifique d’éducation pour les enfants syriens dans chaque pays d’accueil et à appuyer les efforts en faveur de la promotion de l’éducation des enfants syriens déplacés dans leur pays ;

16.12. à assurer une protection adéquate aux femmes et aux jeunes filles en faisant participer activement les femmes réfugiées syriennes à la gestion et à la prise de décision à l’intérieur des camps, en empêchant les mariages forcés et les mariages d’enfants, ainsi qu’en fournissant des installations sanitaires accessibles et sûres et en apportant un soutien psychologique aux femmes et enfants traumatisés ;

16.13. à apporter une aide spécifique aux personnes déplacées à l’intérieur du pays qui vivent dans des conditions d’hygiène déplorables ;

16.14. à mettre en place un programme de réinstallation pour les réfugiés syriens depuis les pays d’accueil, en faisant éventuellement appel à l’aide de la Banque de développement du Conseil de l’Europe ;

16.15. à demander au Gouverneur de la Banque de développement du Conseil de l’Europe d’envisager un don du compte fiduciaire sélectif pour renforcer l’action du HCR en faveur des réfugiés de Syrie ;

16.16. à veiller à ce que les conséquences humanitaires du conflit syrien, non seulement en Syrie mais aussi dans les pays voisins, et la nécessité d’une aide internationale d’urgence, soient inscrits à l’ordre du jour de la conférence internationale de paix sur la Syrie (Genève 2).

17. L’Assemblée invite les États membres de l’Union européenne :

17.1. à mettre en œuvre, si nécessaire, la Directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil ;

17.2. à soutenir, dans un souci de solidarité et de partage des responsabilités, les pays de l’Union européenne qui accueillent le plus grand nombre de réfugiés syriens, et à renforcer leurs capacités d’accueil.

18. L’Assemblée demande à l’ensemble des pays voisins de la Syrie d’ouvrir ou de laisser ouvertes leurs frontières aux réfugiés qui fuient la Syrie.

Annexe 5

Résolution 1974 (2014) : Le fonctionnement
des institutions démocratiques en Ukraine

(adoptée le 30 janvier 2014)

1. L’Assemblée parlementaire exprime sa profonde préoccupation concernant la crise politique qui s’est déclenchée en Ukraine après la décision inattendue des autorités ukrainiennes de suspendre la procédure de signature d’un accord d’association, y compris d’un accord de libre-échange approfondi et complet, avec l’Union européenne. Elle condamne fermement l’escalade de la violence dans le cadre des manifestations de l’Euromaïdan, qui a déjà fait au moins cinq morts.

2. L’Ukraine étant un État souverain, c’est au peuple ukrainien– et à lui seul – de décider, sans ingérence étrangère, de l’orientation géopolitique du pays et des communautés et accords internationaux dont l’Ukraine devrait faire partie. Seul le peuple ukrainien peut répondre à la question de savoir si l’Ukraine doit signer ou non un accord d’association avec l’Union européenne. Dans le même temps, l’Assemblée considère que des décisions aussi importantes que l’orientation géopolitique d’un pays devraient être prises sur la base d’un consensus politique aussi large que possible entre les différentes forces politiques du pays et sur la base d’une vaste consultation de la population.

3. L’Assemblée rappelle que, jusqu’au 21 novembre 2013, les autorités, tant par leurs paroles que par leurs actes, se montraient très favorables à la signature de l’accord d’association avec l’Union européenne lors du Sommet de Vilnius de novembre 2013. Elle regrette donc que le soudain changement de politique ait été opéré sans la consultation requise de la société et sans aucune tentative de rechercher un consensus national. La légitimité démocratique aux yeux de l’opinion publique ukrainienne de la décision de suspendre la signature des accords s’en trouve affaiblie, ce que montre aussi la vague de manifestations de masse à l’échelle du pays qui a suivi cette décision. L’Assemblée invite donc instamment les autorités à entamer des négociations ouvertes, honnêtes et effectives avec l’opposition et à rechercher rapidement un large consensus sur l’alignement géopolitique et la poursuite du développement démocratique, ainsi que sur l’ordre constitutionnel du pays.

4. L’Assemblée prend note des déclarations publiques faites par les dirigeants ukrainiens selon lesquelles la décision de ne pas signer l’accord d’association a été lourdement influencée par des pressions de la part de la Fédération de Russie, et notamment par la menace de la Russie de fermer ses frontières aux exportations ukrainiennes si l’accord d’association était signé. La menace de sanctions économiques ou politiques pour influencer les décisions politiques d’un autre pays est contraire aux normes diplomatiques et démocratiques communément acceptées et est inadmissible. À cet égard, l’Assemblée souhaite rappeler à la Fédération de Russie que, lors de son adhésion, elle s’est engagée « à dénoncer comme erronée la notion de deux catégories distinctes de pays étrangers, qui revient à en traiter certains comme une zone d’influence spéciale appelée “l’étranger proche”, et à s’abstenir de véhiculer la doctrine géographique des zones “d’intérêts privilégiés” ».

5. Les autorités ukrainiennes ont affirmé que les critiques émanant de l’étranger et visant leur gestion des manifestations de l’Euromaïdan représentaient une ingérence extérieure dans leurs affaires intérieures. À cet égard, l’Assemblée tient à souligner que, en sa qualité de membre du Conseil de l’Europe, l’Ukraine est dans l’obligation de respecter les normes les plus élevées en ce qui concerne la démocratie, la protection des droits de l’homme et l’État de droit. De plus, l’Ukraine a signé, entre autres, la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Toute violation des droits de l’homme et les initiatives risquant d’entraver le bon fonctionnement des institutions démocratiques ne peuvent donc pas être considérées comme des affaires intérieures au sens strict, mais peuvent légitimement faire l’objet de préoccupations ou de critiques de la part d’autres pays, notamment d’autres États membres du Conseil de l’Europe.

6. L’Assemblée regrette, et juge préoccupant, l’usage excessif et disproportionné de la violence par la police à l’encontre des manifestants. De l’avis de l’Assemblée, les tentatives des autorités de disperser de force les manifestations de l’Euromaïdan n’ont fait qu’aggraver la crise politique et galvaniser les manifestants. L’Assemblée est tout aussi préoccupée par les provocations et affrontements violents survenus à l’instigation de manifestants d’extrême-droite. Le droit à la liberté de manifestation et de réunion doit être pleinement respecté, mais les actes des manifestants ne doivent pas être contraires aux normes démocratiques communément acceptées. L’Assemblée appelle donc les autorités à s’abstenir de toute tentative de recourir à la force pour briser les manifestations et démanteler les campements des manifestants. Dans le même temps, elle appelle la police et les manifestants à renoncer à la violence et aux actes visant clairement à provoquer une réaction violente de l’autre partie.

7. L’Assemblée est particulièrement préoccupée par les allégations crédibles selon lesquelles des manifestants auraient été torturés et soumis à de mauvais traitements par la police et les forces de sécurité. Ces pratiques, dont plusieurs chaînes de télévision ont diffusé des images, sont inacceptables et il faut que leurs auteurs soient punis dans toute la mesure où la loi le permet. Il ne saurait y avoir la moindre impunité pour de tels actes. L’Assemblée est également préoccupée par des informations selon lesquelles les journalistes seraient spécialement visés par les forces de sécurité, au mépris du principe de la liberté des médias. En outre, elle est préoccupée par des informations selon lesquelles trois policiers auraient été poignardés par des manifestants, dont un mortellement touché. Elle estime que de tels actes de violence contre des membres des forces de l’ordre sont inacceptables dans une société démocratique et devraient donner lieu à une enquête approfondie.

8. Les flambées de violence de décembre 2013 et de janvier 2014, le recours excessif et disproportionné à la force par la police et les autres allégations de violations des droits de l’homme doivent faire l’objet d’investigations, d’un traitement et de réparations à caractère complet et impartial et les responsables doivent être traduits en justice. L’Assemblée se félicite de l’initiative du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe d’établir un groupe consultatif indépendant chargé d’enquêter sur les incidents violents qui ont eu lieu lors des manifestations de l’Euromaïdan, et regrette que tant les autorités que l’opposition aient omis de désigner leurs représentants au sein de ce groupe. De l’avis de l’Assemblée, il est indispensable de mener des enquêtes complètes, transparentes et impartiales sur les flambées de violence et les violations des droits de l’homme pour trouver une solution pacifique et négociée à la crise politique. Aussi demande-t-elle instamment aux autorités comme à l’opposition de désigner sans plus tarder leurs représentants au sein du groupe et de lui apporter toute l’assistance et la coopération dont il a besoin pour travailler.

9. L’Assemblée regrette l’adoption, dans des circonstances chaotiques qui compromettent leur légitimité, des « lois antimanifestations » par la Verkhovna Rada le 16 janvier 2014 et leur promulgation par le Président, M. Ianoukovitch, le 18 janvier 2014, en dépit des nombreux appels à ne pas les faire entrer en vigueur. Ces lois sont contraires au principe de la liberté d’expression, de la liberté de réunion et de manifestation, ainsi que de la liberté des médias et de la liberté d’information, et portent atteinte au droit à un procès équitable. Conjuguées, ces lois sont antidémocratiques et répressives et elles sont contraires aux obligations incombant à l’Ukraine au titre de la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5) et en sa qualité de membre du Conseil de l’Europe. L’Assemblée salue donc la décision de la Verkhovna Rada, le 28 janvier 2014, d’abroger les lois anti-manifestations.

10. Il faudrait faire cesser immédiatement les violences et les violations des droits de l’homme et entamer des négociations ouvertes et effectives pour parvenir à un accord sur une solution à cette crise qui s’aggrave rapidement. De l’avis de l’Assemblée, cet accord devrait être fondé sur l’engagement, par chacune des parties, de renoncer à la violence et sur le lancement sans délai d’un dialogue ouvert, sérieux et effectif entre les dirigeants au pouvoir et les forces politiques et civiles unies dans le cadre des manifestations de l’Euromaïdan, au sujet de l’orientation démocratique future et de l’alignement géopolitique du pays.

11. L’abrogation des lois anti-manifestations et la démission du gouvernement sont un premier pas vers un règlement pacifique à la crise politique. Ces actions, ainsi que les éléments indiquant que les autorités tout comme l’opposition ont intensifié leurs efforts pour trouver une solution négociée à cette épreuve de force, sont accueillies favorablement par l’Assemblée. Elles offrent une nouvelle occasion importante qui devrait maintenant être suivie, pour les deux camps, de nouvelles mesures concrètes en vue de résoudre la crise de manière pacifique et démocratique.

12. Les autorités ukrainiennes avaient annoncé précédemment plusieurs réformes de grande ampleur, y compris une révision constitutionnelle, devant permettre à l’Ukraine de respecter les obligations et engagements à l’égard du Conseil de l’Europe qu’elle a contractés lors de son adhésion et qu’elle n’a pas encore honorés. L’Assemblée espère que les autorités et l’opposition maintiendront leur engagement et leur volonté politiques de mettre en œuvre ces réformes, qui traiteraient aussi plusieurs causes sous-jacentes des manifestations de l’Euromaïdan. Elle demande aux autorités de fournir à sa commission de suivi un calendrier actualisé de ces réformes.

13. Vu l’escalade de la violence et les violations des normes européennes en matière de démocratie et de droits de l’homme, on ne peut pas continuer vis-à-vis de l’Ukraine comme si de rien n’était. L’Assemblée regrette que la Verkhovna Rada ait contribué à l’aggravation violente de la crise en adoptant les lois antimanifestations controversées. La Verkhovna Rada devrait assumer toute la responsabilité pour le rôle qu’elle a joué et utiliser tous les instruments à sa disposition pour aider à trouver une solution pacifique et négociée à la crise. C’est pourquoi l’Assemblée voit dans l’abrogation des lois anti-manifestations le signe clair que la Verkhovna Rada a l’intention de jouer un tel rôle. Elle ne souhaite donc pas envisager la possibilité de suspendre les droits de vote de la délégation ukrainienne à ce stade. Toutefois, elle pourrait envisager une telle sanction lors de sa partie de session d’avril 2014 si les graves violations des droits de l’homme se poursuivent ou si les manifestations de l’Euromaïdan devaient être réprimées par la force.

14. L’Assemblée continuera à suivre de près la situation en Ukraine sur la base des informations données par sa commission de suivi, qu’elle invite à suggérer d’autres mesures si l’évolution politique le justifie.

Recommandation 2035 (2014) : Le fonctionnement
des institutions démocratiques en Ukraine

(adoptée le 30 janvier 2014)

1. L’Assemblée parlementaire fait référence à sa Résolution 1974 (2014) sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine dans laquelle elle soulève un certain nombre de questions concernant la récente crise politique et l’explosion de violence en Ukraine.

2. L’Assemblée rappelle à cet égard la Déclaration de 1994 du Comité des Ministres sur le respect des engagements pris par les États membres du Conseil de l’Europe, qui fait état de «sa propre responsabilité statutaire d’assurer le plein respect de ces engagements, dans tous les États membres, sans préjudice des autres procédures existantes, y compris les travaux de l’Assemblée parlementaire et des organes de contrôle conventionnels».

3. L’Assemblée recommande par conséquent au Comité des Ministres :

3.1. de procéder à un examen approprié des points et problèmes soulevés dans la Résolution 1974 (2014) ;

3.2. de réfléchir à une procédure de suivi renforcée et spécifique du Comité des Ministres au titre de l’Ukraine ;

3.3. d’envisager un réajustement du programme de coopération avec l’Ukraine pour veiller à ce que les causes profondes de la crise politique, telles qu’exposées, entre autres, dans la Résolution 1974 (2014), soient traitées de manière appropriée ;

3.4. d’apporter son plein appui à l’initiative du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe d’établir un groupe consultatif chargé d’enquêter sur les violences en rapport avec les manifestations de Kiev et d’encourager les autorités ukrainiennes, ainsi que les partis d’opposition du pays, à coopérer de manière constructive avec ce groupe et à désigner leurs représentants pour y siéger.

1  Les commissions peuvent désigner un ou des rapporteurs généraux dont elles déterminent préalablement le mandat et sa durée. Ce mandat est soumis au Bureau pour approbation et sa décision est soumise à la ratification de l'Assemblée – Art. 49.7 du Règlement de l’Assemblée.

2 L’approche « ascendante » consiste pour des États à s’engager en faveur d’objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, par opposition à l’approche « descendante » qui consiste à fixer ces objectifs au niveau global, puis à les décliner au niveau national.


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