N° 3430 - Rapport d'information de M. Marcel Rogemont déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des affaires culturelles et de l'éducation sur l'application, par le CSA, de la loi n°2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public



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N° 3430

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 janvier 2016.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

sur l’application, par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, de la loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public,

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Marcel ROGEMONT,

Député.

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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

LES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR 7

I. OBSERVATIONS SUR L’EXERCICE PAR LE CSA DE SES NOUVELLES MISSIONS À L’ÉGARD DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC 11

A. LA PROCÉDURE DE NOMINATION : DES ADAPTATIONS SOUHAITABLES 11

1. Un cadre législatif souple, une référence à un projet stratégique qui avait suscité des réserves du rapporteur 12

2. Deux procédures différentes qui ont toutes deux soulevé des interrogations 13

a. La nomination de M. Mathieu Gallet : une expérience qui a mis en lumière les limites d’une désignation sur la base d’un projet stratégique 13

b. La nomination de Mme Delphine Ernotte : une procédure qui entendait répondre aux défauts de celle mise en œuvre pour Radio France mais qui a également été critiquée, en particulier pour sa confidentialité 14

3. Des propositions d’ajustement de la procédure 16

a. Les limites du projet stratégique justifieraient de recentrer le choix du CSA sur les compétences du candidat 17

b. Le maintien d’une nomination sur la base d’un projet stratégique supposerait un cadrage préalable par l’actionnaire et davantage de transparence 19

c. En tout état de cause, la procédure gagnerait à être davantage normée 21

4. Des ajustements pour favoriser la stabilité et la continuité stratégique à la tête des entreprises de l’audiovisuel 22

a. Un mode de nomination qui favorise une instabilité stratégique préjudiciable au service public 22

b. La période de « tuilage » : une fausse bonne idée 23

c. Prévoir que le CSA se prononce sur la reconduction du président en place avant d’ouvrir un appel à candidatures 24

B. LES RESPONSABILITÉS DU CSA À L’ÉGARD DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC : DES CLARIFICATIONS NÉCESSAIRES 25

1. Les réserves du rapporteur à l’égard d’une intervention accrue du CSA dans la définition des priorités stratégiques de l’audiovisuel public 25

a. Un risque de perturbation des équilibres institutionnels 26

b. Un risque avéré de multiplier les injonctions contradictoires 27

2. Clarifier et recentrer le champ du contrôle exercé par le CSA sur l’audiovisuel public 29

a. Les avis sur l’exécution des contrats d’objectifs et de moyens 29

b. Le bilan des sociétés quatre ans après le début du mandat de leurs présidents 30

c. L’exercice du pouvoir de révocation 31

3. Clarifier les conditions de nomination de personnalités indépendantes au conseil d’administration des sociétés de l’audiovisuel public 31

II. OBSERVATIONS SUR LA MISE EN œUVRE DE LA RÉFORME DE LA RÉGULATION AUDIOVISUELLE 33

A. VERS UN COLLÈGE PLUS LÉGITIME ET PLUS EFFICACE 33

1. Un nouveau mode de désignation au service de l’indépendance et de la compétence 33

2. Vers une plus grande cohérence de l’action de l’autorité 34

3. Déontologie et discipline interne du collège : l’absence regrettable de mise en œuvre de la volonté du législateur 34

B. LE RENFORCEMENT DE LA DIMENSION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGULATION 35

1. Un bilan positif de l’obligation accrue de prise en compte des équilibres économiques du secteur 36

2. La procédure d’agrément du passage d’une chaîne payante en gratuit : une application complexe, source d’une grande insécurité juridique 37

3. De nécessaires ajustements 40

C. DES INTERROGATIONS SUR L’EXERCICE PAR LE CSA DE SES POUVOIRS DE RÉGULATION QUI DOIVENT INCITER LE PARLEMENT À RENFORCER SON CONTRÔLE 42

1. Des interrogations sur la manière dont le CSA exerce son pouvoir de sanction 42

a. Un usage globalement très limité du pouvoir de sanction 42

b. Le contrôle de la publicité sur Radio France 44

c. Le contrôle du respect des quotas de chansons françaises 46

2. Vers une régulation plus transparente et une gestion plus irréprochable du domaine public hertzien 48

a. Vers une régulation plus transparente 48

b. Les règles applicables en cas de modification de la composition du capital des titulaires d’autorisation : un cadre à préciser ? 49

c. Les interrogations fondamentales soulevées par l’affaire Numéro 23 51

TRAVAUX DE LA COMMISSION 55

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 83

INTRODUCTION

La loi ordinaire n° 2013-1028 et la loi organique n° 2013-1026 du 15 novembre 2013 relatives à l’indépendance de l’audiovisuel public ont eu pour objet de conforter l’indépendance du service public de l’audiovisuel en restituant au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) le pouvoir de nommer les présidents des sociétés de l’audiovisuel public. La loi du 15 novembre 2013 a en outre réformé le collège du CSA et ses pouvoirs de régulation.

Enfin, pour assurer une plus grande transparence de l’action du CSA et un meilleur contrôle du Parlement sur cette dernière, le législateur a souhaité que le Conseil rende davantage compte de son action et de ses impacts lors de la publication de son rapport annuel. En outre, aux termes de l’article 18 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, ce rapport annuel est désormais présenté par le président du CSA devant les commissions des affaires culturelles de chaque assemblée parlementaire. Ces dernières peuvent également adopter un avis sur l’application de la loi qui peut comporter des suggestions au CSA pour sa bonne application ou l’évaluation de ses effets. Le présent rapport d’information constitue le premier avis rendu en application de cette disposition.

Le rapporteur estime que la volonté de renforcer le contrôle du Parlement sur le CSA, qui compte parmi les autorités administratives indépendantes les plus importantes et puissantes du paysage institutionnel, constitue un acquis majeur de la loi du 15 novembre 2013.

Les différents rapports rendus ces dernières années sur les autorités administratives indépendantes déplorent en effet l’absence d’un véritable contrôle par le Parlement de ces autorités, détentrices pour certaines d’entre elles d’un pouvoir considérable et croissant dans des secteurs clefs de la vie de la Nation. Le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale évoquait, en 2010, à propos de ces autorités, un « angle mort du point de vue de l’information du Parlement » (1). Le récent rapport du sénateur Jacques Mézard du 28 octobre 2015 fait au nom de la commission d’enquête sur les autorités administratives indépendantes (2) conclut également à la nécessité de « ramener les autorités administratives indépendantes dans l’espace du contrôle démocratique, en instaurant un contrôle effectif de l’exercice par ces dernières des missions que leur a confiées le législateur ». Comme l’indique le rapport, « si les personnes entendues et interrogées sur ce point ont à l’unisson rappelé, avec une ferveur inégale, leur attachement à un contrôle par les assemblées parlementaires, force est de constater que les mécanismes de ce contrôle n’ont pas été encore trouvés, ni sérieusement mis en œuvre. L’interpellation d’un ministre, chef de son administration, par la représentation nationale constitue pourtant le fondement de la démocratie parlementaire. Pourquoi en serait-il autrement pour le responsable d’une autorité administrative indépendante ? »

Dans le cadre du présent rapport, le choix a été fait de cibler le champ du contrôle sur l’application qui a été faite par l’autorité de régulation de l’audiovisuel des nouvelles compétences que lui a attribuées la loi du 15 novembre 2013. Cet examen conduit le rapporteur à formuler des observations et recommandations sur l’exercice par le CSA de ses nouvelles prérogatives à l’égard de l’audiovisuel public (I) mais aussi de ses pouvoirs de régulation tels que réformés par la loi du 15 novembre 2013 (II). Les principales recommandations du rapporteur sont synthétisées dans l’encadré ci-après.

Eu égard aux constats qu’il formule dans le présent rapport, le rapporteur ne peut qu’appeler à poursuivre et approfondir cet effort de contrôle démocratique, au cœur des missions de la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation, dans les années à venir.

LES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR

Sur l’exercice par le CSA de ses missions à l’égard de l’audiovisuel public

1. Supprimer, dans les critères de nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public, la référence à un projet stratégique, l’expérience ayant notamment illustré la difficulté d’asseoir la nomination d’un président sur un projet préparé sans connaissance réelle des données de l’entreprise, sans en discuter avec les tutelles et sans consulter les salariés, et en considération de ce que les tutelles, la direction de l’entreprise et le CSA ne s’estiment en pratique pas liés par les engagements pris par le candidat au moment de sa nomination.

2. Recentrer le choix du CSA sur des critères de compétence managériale et d’expérience, comme le prévoyait le projet de loi initial et conformément à la pratique observée entre 1982 et 2009, et maintenir la confidentialité de la procédure afin de permettre aux profils les plus larges et diversifiés de candidater.

3. À défaut, si le législateur fait le choix de maintenir une nomination sur la base d’un projet stratégique, prévoir à tout le moins un cadrage préalable par l’actionnaire et renforcer la publicité de la procédure, le choix d’un projet stratégique intéressant directement le public, l’actionnaire, le Parlement, les partenaires de l’audiovisuel public mais aussi les salariés des entreprises concernées (publication de l’ensemble des projets stratégiques, organisation d’auditions publiques etc.).

4. Systématiser et approfondir l’exercice de cadrage préalable en amont des nominations, à travers l’élaboration par le Gouvernement d’une feuille de route fixant les grandes priorités des sociétés de l’audiovisuel public et un cadre financier pluriannuel.

5. Au stade de l’élaboration de cette feuille de route, organiser, le cas échéant, le grand débat public auquel certains observateurs ont regretté que la procédure de nomination n’ait pas donné lieu.

6. Quel que soit le choix qui sera fait par le législateur sur les critères et le degré de publicité de la nomination, inviter le CSA à normer davantage la procédure :

- préciser en particulier en amont les critères retenus pour établir une liste restreinte et les règles relatives à la publicité des projets stratégiques ;

- éviter au maximum la mise en place d’une procédure officieuse ou informelle, ne présentant pas toutes les garanties de la collégialité ni de l’égalité de traitement entre les candidats, en amont de la procédure officielle.

7. La période de « tuilage », consistant à nommer un nouveau président trois à quatre mois avant sa prise de fonctions, entraînant de réelles difficultés de gestion et soulevant des questions juridiques importantes :

la supprimer en prévoyant éventuellement que l’ensemble des mandats débutent au 1er janvier, option clairement privilégiée par le rapporteur ;

- ou, à défaut, la réduire à un mois et « l’organiser juridiquement ».

8. Afin de favoriser la stabilité et la continuité stratégique à la tête des sociétés de l’audiovisuel public, prévoir que le CSA se prononce sur la reconduction du président en place, à travers une décision motivée, avant d’ouvrir un appel à candidatures.

9. Revenir sur l’attribution au CSA d’une mission de définition des objectifs stratégiques de l’audiovisuel public, cette situation entraînant une perturbation des équilibres institutionnels (le nouveau rôle assigné par la loi au CSA entre en concurrence avec celui des tutelles mais aussi avec celui du Parlement) et un dédoublement fonctionnel qui met le régulateur dans une situation particulièrement inconfortable et aggravant le phénomène des injonctions multiples et contradictoires dont souffre le service public :

supprimer les avis du CSA sur les projets de contrats d’objectifs et de moyens (COM) des sociétés de l’audiovisuel public. À défaut, si le législateur fait le choix de les maintenir, inviter le CSA à les normer davantage ;

supprimer la référence à un projet stratégique dans les critères de nomination des présidents ;

- et préciser que le bilan quadriennal réalisé par le CSA quatre ans après le début du mandat d’un président nommé n’est pas destiné à fixer à la société des orientations stratégiques pour l’avenir.

10. Maintenir les avis sur l’exécution annuelle des COM mais s’assurer qu’ils soient réalisés dans des délais permettant leur transmission aux commissions parlementaires concernées en amont de l’audition des présidents de l’audiovisuel public sur l’exécution de leurs COM.

11. Clarifier le champ et les objectifs du bilan réalisé par le CSA quatre ans après le début du mandat des présidents des sociétés de l’audiovisuel public :

- alors que la loi a prévu une évaluation à l’aune du projet stratégique, compte tenu du statut réel de ce projet dont le COM s’affranchit en pratique largement, corriger la loi afin de prévoir l’évaluation du dirigeant à l’aune des seuls documents qui l’engagent réellement, à savoir le COM et le cahier des missions et des charges ;

- s’assurer que le CSA évalue l’action du dirigeant à l’aune du seul COM signé avec ses tutelles et non à l’aune de ses propres avis sur ces COM, contrairement à la pratique observée dans le bilan quadriennal de France Télévisions, réalisé en décembre 2014 ;

- aller au bout de la logique de ce rapport en prévoyant que le CSA se prononce clairement sur la reconduction du dirigeant en place avant d’ouvrir un appel à candidatures.

12. Clarifier les conditions d’exercice du pouvoir de révocation : inviter le CSA à élaborer une doctrine sur la manière dont il entend exercer ce pouvoir ou clarifier les dispositions législatives relatives aux conditions de la révocation.

13. Clarifier les conditions de nomination par le CSA de personnalités indépendantes aux conseils d’administration des sociétés de l’audiovisuel public :

- dans l’optique de renforcer le rôle de ces instances inviter le CSA à nommer des personnalités indépendantes présentant des profils plus diversifiés et dotés d’une forte compétence financière et managériale, en ayant notamment davantage recours au secteur privé ;

- veiller à ce que le CSA ne nomme pas des personnalités issues de la fonction publique, cette situation n’étant pas conforme à la notion d’indépendance et à l’interdiction posée par l’article 25 de la loi n° 83-634 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

Sur l’exercice par le CSA de ses pouvoirs de régulation réformés

14. Appeler le CSA à plus de transversalité dans l’approche des dossiers afin d’éviter que chaque conseiller ne s’identifie trop à certains intérêts ou thématiques et de renforcer la collégialité et la cohérence d’ensemble de la régulation.

15. En l’absence de mise en œuvre de la volonté du législateur sur ce point, inviter le collège du CSA à faire respecter le secret des délibérations et le devoir de réserve de ses membres, qui sont une condition importante de la légitimité et de la crédibilité de l’institution.

16. Inviter le CSA à bâtir une doctrine claire sur les situations nécessitant le recours à une étude d’impact.

17. Clarifier dans la loi le statut et la procédure des études d’impact : préciser en particulier l’organisation du débat contradictoire portant sur ces études afin de mettre en place une procédure qui soit à la fois transparente et moins lourde que celle qui découle des décisions du Conseil d’État du 17 juin 2015.

18. Encadrer davantage les conditions dans lesquelles le CSA peut différer le lancement d’appels à candidatures pour garantir sa conformité avec le cadre constitutionnel et conventionnel.

19. Renforcer le contrôle parlementaire sur la manière dont le CSA fait respecter aux opérateurs leurs obligations et sur l’usage qu’il fait de son pouvoir de sanction, plusieurs polémiques récentes (non-respect par Radio France des règles de limitation de la publicité fixées par son cahier des missions et des charges, absence de publicité sur le respect par les opérateurs radiophoniques des quotas de musique francophone, mise en demeure tardive de Numéro 23 pour non-respect de ses obligations conventionnelles etc.) suscitant des interrogations sur la manière dont le CSA conçoit son rôle de régulateur.

20. Renforcer et préciser le cadre législatif applicable en cas de modification de la composition du capital des titulaires d’autorisation :

- s’assurer de l’adaptation des modalités de calcul de la taxe sur la cession de titres d’un éditeur de service de communication audiovisuelle afin de minimiser les risques de contournement ou d’optimisation ;

élargir le champ de l’agrément introduit à l’article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 afin de viser un champ plus large de modifications du capital social d’une société titulaire d’une autorisation ;

- pour prévenir le risque de spéculation sur des fréquences du domaine public hertzien, introduire dans la loi une durée de détention minimale.

21. Créer une commission d’enquête sur les conditions d’attribution d’une autorisation à la chaîne Numéro 23.

I. OBSERVATIONS SUR L’EXERCICE PAR LE CSA DE SES NOUVELLES MISSIONS À L’ÉGARD DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC

La loi du 15 novembre 2013 n’a pas seulement rendu à l’autorité de régulation de l’audiovisuel le pouvoir de nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public qui a été le sien de sa création en 1982 jusqu’en 2009 avec l’objectif légitime d’assurer l’indépendance de ces nominations à l’égard du pouvoir politique.

Elle a également, à l’initiative du Parlement, innové en renforçant parallèlement ses responsabilités à l’égard de l’audiovisuel public (nomination des dirigeants sur la base d’un projet stratégique, réalisation d’un bilan quadriennal de leur action au regard de ce projet stratégique, établissement d’un avis sur les contrats d’objectifs et de moyens et sur leur exécution). Ces nouvelles responsabilités soulèvent un certain nombre d’interrogations et de critiques qui conduisent le rapporteur à formuler plusieurs recommandations d’adaptation ou de clarification portant tant sur l’exercice par le CSA de son pouvoir de nomination (A) que sur ses nouvelles responsabilités à l’égard de l’audiovisuel public (B).

A. LA PROCÉDURE DE NOMINATION : DES ADAPTATIONS SOUHAITABLES

Le CSA a procédé à deux nominations dans le cadre fixé par la loi du 15 novembre 2013, celle de M. Mathieu Gallet, désigné à l’unanimité à la présidence de Radio France le 27 février 2014, et celle de Mme Delphine Ernotte, nommée le 23 avril 2015 à la tête de France Télévisions, qui ont toutes deux soulevé des interrogations et des critiques.

Il n’appartient pas au rapporteur de répondre, en lieu et place des membres du CSA, à l’ensemble des critiques et mises en cause auxquelles les deux nominations ont donné lieu. Le président de l’autorité de régulation, M. Olivier Schrameck, a été entendu par notre commission le 26 mai 2015 à ce propos et la nomination de Mme Delphine Ernotte a par ailleurs fait l’objet de recours judiciaires.

Il s’agit plutôt d’identifier, parmi les reproches adressés aux règles de la procédure, ceux qui apparaissent légitimes et pourraient donner lieu à des adaptations. Parmi les dysfonctionnements constatés, il importe de bien distinguer ceux qui résultent de choix, plus ou moins contestables, qui auraient été opérés par le Conseil de ceux qui résultent d’un défaut éventuel du cadre législatif. À cet égard, lors de l’examen du projet de loi, le rapporteur avait exprimé des réserves sur certains aspects de ce cadre, en particulier sur le principe d’une nomination sur la base d’un projet stratégique, qui lui semble effectivement avoir contribué à un certain nombre des problèmes constatés.

1. Un cadre législatif souple, une référence à un projet stratégique qui avait suscité des réserves du rapporteur

L’article 47-4 de la loi du 30 septembre 1986 fixe un cadre général assez souple pour les nominations des présidents des sociétés de l’audiovisuel public, laissant au CSA le soin de déterminer la procédure à suivre pour l’appliquer au mieux. Le législateur s’est en effet contenté d’indiquer que ces nominations sont effectuées pour cinq ans, à la majorité des membres qui composent le CSA et doivent faire l’objet d’une décision motivée se fondant sur des critères de compétence et d’expérience. Le Parlement a néanmoins introduit une novation importante par rapport aux systèmes antérieurs en prévoyant que les candidatures sont présentées au CSA et évaluées par ce dernier sur la base d’un projet stratégique.

Cette disposition avait suscité d’importantes réserves du rapporteur. Elle est issue d’un amendement de M. Rudy Salles qui proposait que les candidatures soient évaluées sur la base d’un projet de contrat d’objectifs et de moyens. Cet amendement avait été modifié oralement par Mme Aurélie Filippetti, alors ministre de la culture et de la communication, qui avait souhaité substituer la notion de « projet stratégique » à celle de « contrat d’objectifs et de moyens ». Le rapporteur avait alors estimé qu’un projet stratégique et un contrat d’objectifs et de moyens ne pouvaient résulter que d’un échange entre la tutelle et le responsable de l’opérateur et devaient nécessairement reposer sur des éléments, notamment financiers, dont un simple candidat ne dispose pas. Estimant par ailleurs que les sociétés de l’audiovisuel public ont besoin de continuité stratégique et que les candidats doivent s’inscrire dans la stratégie définie par l’actionnaire, le rapporteur avait plutôt appelé à ce que les candidats soient « cadrés » par une lettre de mission rédigée par le Gouvernement (3).

Le Sénat avait suivi un raisonnement similaire en adoptant un amendement de M. André Gattolin précisant que le projet stratégique des candidats devait s’inscrire dans le cadre fixé en amont par une lettre de mission des tutelles indiquant les grandes priorités de l’opérateur pour les cinq années du mandat. Cette disposition, défendue par le rapporteur, a fait l’objet de débats en commission mixte paritaire. Cette dernière a finalement décidé de supprimer la référence à une lettre de mission, estimant qu’elle constituait un facteur de complexité inutile et risquait de réintroduire le pouvoir exécutif dans le processus de nomination.

2. Deux procédures différentes qui ont toutes deux soulevé des interrogations

Les deux nominations effectuées par le CSA ont suivi des procédures qui diffèrent sur un certain nombre de points, la procédure mise en œuvre pour France Télévisions ayant notamment eu pour objectif de répondre aux critiques adressées au CSA au sujet de la nomination effectuée pour Radio France. Force est néanmoins de constater que ces deux nominations ont toutes les deux soulevé des interrogations.

a. La nomination de M. Mathieu Gallet : une expérience qui a mis en lumière les limites d’une désignation sur la base d’un projet stratégique

La motivation de la décision de nomination du 27 février 2014 s’appuyait clairement sur le projet stratégique du candidat même si le Conseil indiquait s’être également appuyé sur l’expérience acquise par M. Gallet dans l’exercice de ses fonctions antérieures dans le secteur de la culture et des médias audiovisuels et avoir tenu compte « de la capacité managériale dont il a fait preuve en tant que président-directeur-général de l’INA ». La décision précitée indique en effet que « le Conseil a porté son choix sur M. Gallet, dont le projet stratégique lui est apparu comme le mieux à même de préparer Radio France à résoudre les questions auxquelles elle sera confrontée au cours des cinq années à venir. (…) Ce projet est porté par une vision claire de la gouvernance de l’entreprise, de la politique de ressources humaines et du dialogue social ».

Or, comme l’a reconnu le CSA par la suite, au moment de la nomination, il avait, comme le candidat, une connaissance largement insuffisante de l’entreprise, en particulier de sa situation financière. Cette situation ne pouvait permettre aux candidats et au Conseil d’identifier les orientations stratégiques les plus pertinentes sans que l’on puisse d’ailleurs leur en faire le reproche. La révélation à l’automne 2014 de la situation financière très dégradée de Radio France et la grève historique qui a suivi, au printemps 2015, la présentation par le nouveau président d’un projet stratégique contesté, ont clairement mis en évidence les défauts d’une nomination fondée essentiellement sur un projet stratégique, qui plus est sans diagnostic de la situation de l’entreprise ni cadrage préalable par l’actionnaire.

Par ailleurs, le CSA ayant fait le choix de ne publier qu’une synthèse du projet stratégique de M. Mathieu Gallet et de ne pas publier les projets concurrents, certains ont pu regretter qu’il ne soit pas possible de juger pleinement de la qualité du projet du président nommé.

De fait, au cours de la crise du printemps 2015, le CSA a été directement mis en cause sur le choix d’un candidat dont les méthodes de management et l’aptitude au dialogue social étaient contestées mais aussi sur le choix d’un projet stratégique controversé, insuffisamment précis, trop inspiré par des études effectuées par des cabinets extérieurs ou insuffisamment nourri par le dialogue social (4). Comme l’indiquait Mme Isabelle Attard, lors de l’audition d’Olivier Schrameck par notre commission le 7 avril 2015, « on s’interroge sur le projet proposé par Mathieu Gallet lors de sa nomination et accepté par le CSA. Le ministère a indiqué ne pas avoir fixé de cadre à cette occasion car il faisait confiance au CSA. Ce dernier apparaît ainsi comptable du choix du projet exposé par le candidat à la présidence et qui suscite l’interrogation des personnels en grève : la définition, les lignes de force de ce projet sont floues et les questions ne trouvent pas de réponse ».

b. La nomination de Mme Delphine Ernotte : une procédure qui entendait répondre aux défauts de celle mise en œuvre pour Radio France mais qui a également été critiquée, en particulier pour sa confidentialité

La procédure mise en œuvre pour la nomination de la nouvelle présidente de France Télévisions a fait l’objet d’ajustements largement destinés à tirer les leçons de la procédure mise en œuvre pour Radio France.

Alors que le nouveau président de Radio France faisait l’objet de diverses mises en cause sur sa gestion présente et passée, le CSA a souhaité s’assurer de l’absence de tout conflit d’intérêts susceptible de peser sur l’exercice du mandat du président de France Télévisions : chacun des candidats a donc été invité à transmettre au CSA, avant son audition, une déclaration sur l’honneur par laquelle il certifiait être à jour de ses obligations fiscales et sociales et ne pas se trouver dans une situation de dépendance à l’égard d’intérêts publics ou privés.

Afin de fonder le choix d’un projet stratégique sur un diagnostic de la situation de l’entreprise, le CSA a souhaité établir en amont un bilan quadriennal des résultats de France Télévisions, que la loi ne l’obligeait d’ailleurs pas à réaliser. En introduction de ce bilan, le CSA indiquait que ce travail lui était apparu « indispensable afin de lui permettre d’exercer son pouvoir de nomination en toute connaissance de cause, en étant pleinement informé des enjeux actuels de l’entreprise » (5).

Surtout, conformément à la demande du Président de la République, l’actionnaire, instruit par l’expérience de Radio France, a légitimement jugé indispensable de « cadrer » le projet stratégique du futur président de France Télévisions par une lettre de mission. Sur la base du rapport d’un groupe de travail coordonné par M. Marc Schwartz (6), M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, et Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, ont ainsi présenté le 4 mars 2015 une feuille de route définissant les principales priorités du groupe audiovisuel public à l’horizon 2020. Le rapporteur ne peut que se féliciter de cet effort de cadrage.

Le choix de ne publier qu’une synthèse du projet stratégique de M. Mathieu Gallet ayant été contesté, le CSA a par ailleurs publié l’intégralité du projet stratégique de Mme Delphine Ernotte.

Néanmoins, alors que plusieurs observateurs, en particulier des parlementaires, avaient appelé à plus de transparence, le CSA a fait le choix de préserver et de renforcer la confidentialité de la procédure. Ainsi, contrairement à la pratique observée pour Radio France, le CSA a-t-il choisi de ne pas divulguer le nom des candidats auditionnés dès lors qu’au moins un des candidats retenus le demandait. Comme l’a indiqué M. Olivier Schrameck à notre commission, « par ce choix, le Conseil a entendu protéger la situation professionnelle des candidats, permettre à toute personne, quels que soient son profil et ses fonctions, de présenter sa candidature, et en particulier ne pas décourager les candidatures de personnalités exerçant des fonctions éminentes dans une entreprise publique ou privée » (7). Ce faisant, le CSA a entendu privilégier la compétence managériale, l’expérience, l’aptitude au dialogue social, choix que le rapporteur juge conforme aux intérêts de France Télévisions.

De fait, la décision motivée de nomination du 23 avril 2015 inversait de manière très évidente la hiérarchie des critères mis en avant dans la décision de nomination de M. Mathieu Gallet : la capacité managériale et l’aptitude au dialogue social étaient mises au premier plan, le projet stratégique passant clairement au second. Le projet stratégique de Mme Ernotte n’était pas présenté comme le meilleur mais, beaucoup plus prudemment, comme « conciliant de manière équilibrée l’ambition réformatrice portée par une vision exigeante de la télévision publique de demain, le souci d’une continuité indispensable à une transformation sereine et apaisée de l’entreprise, et la volonté de susciter l’adhésion des personnels pour conduire des changements nécessaires ». Surtout, le Conseil insistait sur la volonté de la candidate de bâtir, par la négociation et le dialogue, un plan stratégique visant à promouvoir la confiance au sein de France Télévisions, en identifiant les investissements et les adaptations nécessaires à l’essor du groupe.

La procédure mise en œuvre a néanmoins fait l’objet de très nombreuses critiques et accusations, portant en particulier sur son « opacité » et son caractère « anti-démocratique », le choix de la confidentialité ayant contribué à alimenter toutes sortes de rumeurs, de soupçons d’irrégularités, de partialité ou de pressions subies ou exercées par les uns ou les autres.

Il a notamment été reproché au CSA de ne pas avoir publié la liste des postulants à la présidence de France Télévisions et de n’avoir communiqué que leur nombre (33). Au cours des auditions conduites par le rapporteur, il a également été fréquemment reproché au CSA de ne pas avoir précisé les critères selon lesquels il a établi une liste restreinte de candidats retenus pour une audition. Enfin, le choix d’effectuer des auditions à huis clos et de ne pas publier l’ensemble des projets stratégiques a également été contesté. Pour de nombreux observateurs, ces choix ont empêché toute approche analytique du travail des membres du CSA et contribué à alimenter toutes les suspicions.

Dans la polémique particulièrement violente qui a suivi la nomination de Mme Ernotte, il importe de ne pas sous-estimer le rôle des stratégies politiques, celui de candidats nécessairement déçus et, de manière plus regrettable encore, des membres du collège du CSA qui n’ont pas respecté le secret du délibéré auquel ils étaient tenus. Le rapporteur est pour sa part convaincu que le choix de la confidentialité a été sincèrement guidé par le souci de favoriser la présentation la plus large et variée de candidatures, même si ce choix peut être discuté.

3. Des propositions d’ajustement de la procédure

La nécessité d’ajuster la procédure est unanimement reconnue mais des options très différentes sont avancées.

Dans un communiqué du 4 juin 2015 destiné à répondre aux diverses accusations dont il a fait l’objet, le CSA estimait lui-même nécessaire d’ouvrir un débat sur de possibles adaptations. Il se disait notamment « attentif au souhait, exprimé par des parlementaires et relayé dans les médias, d’une procédure faisant place à un débat public élargi sur le choix des dirigeants de l’audiovisuel public ». Il formulait à cet égard plusieurs propositions en renvoyant la responsabilité d’une plus grande transparence vers le législateur.

Plusieurs acteurs entendus par le rapporteur dans le cadre de la préparation du présent rapport ont quant à eux préconisé de retirer au CSA son pouvoir de nomination, en considération notamment de ce qu’il ne serait pas possible d’être à la fois celui qui nomme et celui qui régule, ce que certains dénoncent comme un « mélange des genres ». Des propositions fondées sur un renforcement du rôle du conseil d’administration dans la procédure de nomination, proposition qui nécessiterait une évolution profonde de la composition de cet organe, ou sur l’attribution de ce pouvoir à un organisme ad hoc, inspiré du BBC Trust britannique, ont été avancées.

Outre qu’il n’appartenait pas au rapporteur, dans le cadre du présent rapport, d’examiner de telles propositions, qui supposeraient une réflexion approfondie, il souhaite rappeler que le principe d’une nomination par l’autorité de régulation n’a pas été contesté entre 1983 et 2009 et que la vertu indiscutable de cette procédure est de mettre le pouvoir politique à distance dans la nomination des dirigeants de l’audiovisuel public. La réflexion conduite dans le cadre de la préparation du présent rapport le conduit à considérer que le « mélange des genres » résulte plutôt de l’attribution au CSA, par la loi du 15 novembre 2013, de nouvelles prérogatives à l’égard de l’audiovisuel public, comme les développements qui suivent s’attachent à le démontrer. Il souhaite également souligner qu’aucune procédure n’est parfaite et qu’il convient de bien distinguer la procédure de la manière dont les acteurs la font vivre. Cette dernière peut être contestée ou discutée sans que cela ne remette en cause la pertinence du cadre.

Le rapporteur souhaite par conséquent présenter deux grandes options pour ajuster la procédure à l’avenir, en privilégiant clairement la première.

a. Les limites du projet stratégique justifieraient de recentrer le choix du CSA sur les compétences du candidat

La référence à un projet stratégique est source de beaucoup de confusion et de trop nombreux inconvénients.

Au plan des principes tout d’abord, s’il est nécessaire que le pouvoir politique délègue à une instance indépendante son pouvoir de nomination, le rapporteur reste convaincu que le projet stratégique d’un opérateur public ne peut résulter que d’un dialogue entre la direction de l’entreprise et l’État actionnaire, sous le contrôle du Parlement, tous deux responsables de son financement. En outre, un projet stratégique doit nécessairement faire l’objet d’une consultation des personnels qui font vivre l’audiovisuel public, ce que ne favorise pas du tout le système actuel. L’expérience a bien illustré la difficulté d’asseoir la nomination d’un président sur un projet stratégique préparé sans connaissance réelle des données de l’entreprise, sans en discuter avec les tutelles, qui décident du financement, et sans consulter les salariés, qui le mettent en œuvre.

Les auditions conduites par le rapporteur ont d’ailleurs montré que les tutelles et la direction de l’entreprise ne s’estiment pas liées par les engagements pris par le candidat devant le CSA. Le nouveau contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2015-2019 de Radio France, signé en décembre 2015, s’affranchit d’ailleurs largement des engagements présentés dans la synthèse du projet stratégique publiée par le CSA. À titre d’illustration, le COM ne reprend pas la proposition controversée de remise en cause de la gratuité des podcasts. Il ne comporte pas non plus la clarification des missions respectives des deux orchestres et la réforme de la direction de la musique, annoncées dans le projet stratégique du candidat, et la liste ne s’arrête pas là.

Dans son avis sur le projet de COM de Radio France pour 2015-2019, le CSA semble prendre acte de la valeur toute relative du projet stratégique qu’il a lui-même validé puisqu’il ne relève aucun de ces décalages. Cette situation n’est d’ailleurs pas conforme à l’intention du législateur qui a même souhaité que le CSA effectue un bilan de l’action du président au regard du projet stratégique sur lequel il a été nommé. Il conviendra donc de corriger la loi sur ce point puisque, dans les faits, seul le COM, validé par les tutelles, engage le dirigeant.

En réalité, comme l’ont souligné la plupart des interlocuteurs auditionnés par le rapporteur, le projet stratégique, loin d’être le document de référence qu’il devait être dans l’esprit du législateur, apparaît largement comme un exercice « hors sol », « d’une portée purement académique », entre le « jury d’architecture » et la « leçon d’agrégation », en l’absence de connaissance véritable de l’entreprise, de la part des candidats comme des conseillers du CSA.

En outre, à la lecture des projets stratégiques qui lui sont transmis, le Conseil n’est pas en mesure de distinguer un document d’orientation personnel d’un travail de consultants, éventuellement effectué à titre onéreux…

De surcroît, le risque est grand que l’ensemble des projets, constitués d’une compilation des différents rapports disponibles (feuille de route gouvernementale, rapports du CSA, rapports parlementaires…) ne finissent par verser dans des lieux communs (« rajeunir l’audience », « développer le numérique », « mieux affirmer l’identité des chaînes », « clarifier la gouvernance », « améliorer le dialogue social »…) et par dire tous la même chose au point que des candidats puissent en accuser d’autres de plagiat.

Par ailleurs, comme cela a été relevé au cours des auditions, une nomination sur la base d’un projet stratégique ne met-elle pas le candidat en poste, qui a accès à toutes les ressources et données de l’entreprise, en position de rédiger le seul projet pertinent ? En tout état de cause, une nomination sur la base d’un projet stratégique crée sans conteste une situation d’inégalité à l’avantage du candidat sortant et au détriment des autres.

Le rapporteur constate également que l’intervention du projet stratégique contribue à alimenter l’impression d’opacité sur les critères de sélection, en particulier en l’absence de publication de l’ensemble des projets ou lorsque le CSA fait le choix de ne publier qu’une synthèse du projet retenu. Si les mises en cause dont le CSA a fait l’objet sur le profil du candidat choisi pour Radio France ont légitimement pu l’inciter à privilégier l’expérience et la compétence managériale sur la qualité du projet stratégique pour France Télévisions, ce choix a pu alimenter la polémique et l’incompréhension de certains candidats éconduits, qui pouvaient avoir le sentiment d’avoir un meilleur projet à présenter.

Compte tenu de ces éléments, le rapporteur est favorable à ce que le choix du CSA soit clairement recentré sur des critères de compétence managériale et d’expérience, comme le prévoyait le projet de loi initial présenté par le Gouvernement et comme ce fut le cas entre 1982 et 2009. Il propose par conséquent que la référence à un projet stratégique dans la procédure de nomination soit supprimée.

Dans ces conditions, le rapporteur, à l’issue des auditions qu’il a conduites, estime que la confidentialité de la procédure est sans doute un mal nécessaire, dans l’intérêt du service public, afin de permettre aux profils les plus larges et variés de candidater. Pour favoriser cette diversité, plusieurs personnes auditionnées ont même suggéré que le CSA puisse avoir recours à des chasseurs de têtes, sans attendre des candidatures spontanées. C’est un fait : la publicité réduit considérablement le champ des candidatures et des compétences mobilisables pour le service public. Mme Delphine Ernotte a d’ailleurs confirmé au rapporteur qu’elle n’aurait pas été candidate si sa candidature avait été rendue publique. Certains objectent que le risque avéré de fuite rend toute confidentialité illusoire. On peut cependant relever que certaines candidatures n’ont pas été révélées et l’on peut encore espérer qu’un futur CSA se montre plus respectueux de son devoir de réserve.

Si le législateur faisait néanmoins le choix de maintenir la référence à un projet stratégique, le rapporteur estime que la procédure de nomination devrait à tout le moins être ajustée.

b. Le maintien d’une nomination sur la base d’un projet stratégique supposerait un cadrage préalable par l’actionnaire et davantage de transparence

La conviction, défendue par le rapporteur au moment de l’examen du projet de loi, que le choix d’un projet stratégique nécessite à tout le moins un cadrage préalable de l’actionnaire a été renforcée par l’expérience. La feuille de route fixée par le Gouvernement à l’issue des travaux coordonnés par M. Marc Schwartz montre que cette adaptation ne nécessite pas forcément de modification législative. Le rapporteur est néanmoins d’avis que cette pratique doit impérativement être systématisée et que l’État doit même aller beaucoup plus loin dans cet exercice de cadrage, en amont de la procédure de nomination.

C’est au stade de l’élaboration de cette feuille de route qu’il serait pertinent que l’État et le Parlement organisent, le cas échéant, le grand débat public auquel certains observateurs ont regretté que la procédure de nomination n’ait pas donné lieu.

Le rapporteur estime par ailleurs que l’absence de publicité peut se comprendre et apparaît même souhaitable s’agissant d’une nomination fondée essentiellement sur les compétences et l’expérience du candidat. Elle se justifie difficilement s’agissant d’une nomination portant, au-delà du choix d’un candidat, sur celui d’un projet stratégique. Étant susceptible de déterminer des orientations majeures pour l’avenir de l’audiovisuel, le choix d’un tel projet ne saurait se décider à huis clos entre un candidat et le CSA sans encourir le risque d’être taxé d’anti-démocratique car il intéresse directement le public, l’actionnaire, le Parlement, les partenaires ou concurrents de l’audiovisuel public mais aussi les salariés des entreprises concernées. Comme le rapporteur a pu le constater au cours de ses auditions, la confidentialité a été particulièrement mal vécue par les salariés de Radio France et de France Télévisions.

Dans son communiqué du 4 juin 2015, le CSA « ne récuse en rien le débat sur la publicité de la procédure » et avance plusieurs options, notamment :

– publier le nom de tous les candidats ou seulement de ceux que le Conseil choisirait d’auditionner ;

– rendre publics les projets stratégiques de l’ensemble des candidats ou seulement de ceux que le Conseil choisirait d’auditionner ;

– entendre, en séance publique, les représentants des personnels, des sociétés de journalistes, des sociétés de producteurs audiovisuels et d’auteurs, ainsi qu’un panel d’auditeurs ou de téléspectateurs, afin que tous puissent faire valoir leurs attentes ;

– prévoir l’ouverture au public des auditions des candidats.

Le CSA renvoie la responsabilité d’une procédure plus transparente vers le législateur en indiquant que « nombre de ces mesures nécessiteraient une modification législative, sous le contrôle du Conseil constitutionnel ». Le rapporteur ne partage pas cette analyse. Les trois premières propositions du CSA ne nécessitent à l’évidence aucune modification législative. Le CSA a en particulier justifié le choix de ne pas avoir organisé d’auditions publiques par une jurisprudence du 27 juillet 2000 du Conseil constitutionnel qui avait censuré l’obligation de publication de l’intégralité des procès-verbaux des auditions et des débats du CSA se rapportant à la nomination des présidents de l’audiovisuel public (8). Le rapporteur est d’avis que cette jurisprudence, un peu datée, ne faisait pas obstacle à une audition publique des candidats sur leurs projets stratégiques (9). Il convient de rappeler que la procédure de nomination fixée par le législateur en 2000 ne portait pas sur un projet stratégique et que dans le système de nomination issu de la loi du 5 mars 2009, le CSA rendait un avis conforme après audition publique du candidat proposé par le Président de la République sur son projet et ses motivations.

Une procédure plus transparente, reprenant les différentes suggestions du CSA (publication du nom des candidats, de leurs projets stratégiques, organisation d’auditions publiques des candidats et d’autres acteurs sur leur vision de l’avenir de l’audiovisuel public) lui semble donc pouvoir être mise en œuvre sans modification législative.

Le législateur pourrait néanmoins souhaiter, à travers une adaptation de la loi, envoyer un message clair au CSA, dans la mesure où son président, M. Olivier Schrameck, a estimé devant notre commission que « c’est au législateur qu’il revient, s’il le souhaite et s’il le juge utile au bon fonctionnement du service public audiovisuel, de trancher lui-même ces questions et de prévoir par la loi un processus éventuellement différent de celui appliqué par le Conseil » (10).

Néanmoins, le rapporteur privilégie clairement la première option, consistant à supprimer la référence à un projet stratégique dans les critères de nomination.

c. En tout état de cause, la procédure gagnerait à être davantage normée

Quel que soit le choix qui sera fait par le législateur sur les critères et le degré de publicité de la nomination, le rapporteur appelle à normer davantage la procédure.

Les critères retenus pour établir une liste restreinte pourraient à ce titre être précisés et les règles relatives à la publicité des projets stratégiques pourraient également être annoncées en amont.

Enfin, M. Olivier Schrameck a indiqué à notre commission qu’en amont de la procédure, le collège s’était fixé une règle autorisant ses membres à rencontrer toute personne ayant manifesté publiquement son intention d’être candidate, à condition de pas être invités par elle ni de se déplacer pour cette rencontre dans les locaux où elle exerçait son activité. « Pour ma part », a-t-il précisé, « contrairement à ce qui a pu être écrit, je n’ai ni démarché des personnalités pour les inciter à se présenter, ni dissuadé qui que ce soit. De telles initiatives n’auraient pas été conformes au principe de collégialité de la décision, ni à celui d’égalité de traitement entre tous les candidats. Je me suis donc contenté de recevoir, à leur demande, les personnes le souhaitant, que ce fût pour m’indiquer leur intention de candidater ou les raisons pour lesquelles elles ne le faisaient pas et ce, jusqu’à l’ouverture des plis uniquement ».

À cet égard, plusieurs personnes auditionnées ont regretté que le CSA n’indique pas clairement dans quelle mesure les candidats pouvaient ou devaient « faire campagne » en amont du lancement de la procédure. Le rapporteur estime qu’il convient d’éviter au maximum la mise en place d’une procédure officieuse ou informelle, ne présentant pas toutes les garanties de la collégialité ni de l’égalité de traitement entre les candidats, en amont de la procédure officielle.

4. Des ajustements pour favoriser la stabilité et la continuité stratégique à la tête des entreprises de l’audiovisuel

a. Un mode de nomination qui favorise une instabilité stratégique préjudiciable au service public

Dans le cadre des travaux préparatoires à l’examen du projet de loi relatif l’indépendance de l’audiovisuel public, le rapporteur avait été alerté à maintes reprises sur les problèmes posés par l’instabilité stratégique à la tête des sociétés nationales de programme que favorise fortement le mode de nomination. De même, de nombreux interlocuteurs auditionnés, en particulier les représentants des personnels de France Télévisions et de Radio France, sont revenus sur l’idée selon laquelle le système actuel ne favorise pas la durée et la continuité stratégique dont le service public a besoin.

Dans son rapport du 21 juillet 2015, M. Jean-Dominique Chertier, nommé médiateur par la ministre de la culture et de la communication dans le conflit social qu’a connu Radio France au printemps 2015, identifiait plusieurs « dysfonctionnements majeurs, anciens et persistants » en particulier « le turn-over des dirigeants qui interdit de penser et de mesurer des stratégies dans la durée, ne contribue pas à la cohésion du corps social avec certaines équipes de direction et nuit fortement à la solidité de la maison ».

Compte tenu du temps nécessaire pour prendre effectivement les rênes de l’entreprise, un dirigeant ne dispose de fait que de trois années effectives pour mener à bien ses réformes avant que d’autres ne commencent à faire campagne contre lui… Cette durée est de toute évidence trop courte.

Il convient de souligner que l’absence de définition précise par l’État de ses attentes et d’une trajectoire de financement de l’opérateur en amont de la procédure de nomination contribue à réduire encore le temps utile dont dispose la direction pour mener à bien des réformes. Ainsi, alors que M. Mathieu Gallet, nommé en février 2014, est entré en fonctions en mai 2014, avec un projet stratégique présenté comme clair et précis par le CSA, on ne peut que regretter que la signature d’un contrat d’objectifs et de moyens avec l’État n’ait pu aboutir qu’en décembre 2015. Comme indiqué précédemment, le rapporteur appelle par conséquent l’État à élaborer une feuille de route plus précise, basée sur un exercice de projection financière réaliste, en amont de la procédure de nomination.

Or, réformer de telles entreprises publiques prend nécessairement plusieurs mandats et les changements de dirigeants s’accompagnent de ruptures des orientations stratégiques qui fragilisent le service public. À cet égard, on peut noter que la volonté de calquer la durée des COM sur celle des mandats des présidents est apparue comme une forte incitation à des ruptures stratégiques en encourageant la volonté d’appropriation de « son » COM par chaque président. Il en va d’ailleurs de même du principe d’une nomination sur la base d’un projet stratégique, sans cadrage de l’actionnaire.

On peut par ailleurs noter que l’instabilité des directions pénalise le service public par rapport aux chaînes privées, fortement incarnées par leurs présidents. Pour mémoire, M. Nicolas de Tavernost est président du directoire de M6 depuis 2000 et avait été directeur général de la chaîne entre 1990 et 2000 alors que M. Patrick Le Lay a été président de TF1 pendant vingt ans.

Cette instabilité a également un effet démobilisateur sur les personnels qui souhaitent pouvoir adhérer à un projet.

Enfin, le rapporteur estime que la durée est un facteur clé d’indépendance.

b. La période de « tuilage » : une fausse bonne idée

Le 10 septembre 2013, auditionné par la commission de la Culture, de l’Éducation et de la Communication du Sénat sur le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public, le président du CSA, M. Olivier Schrameck, avait avancé l’idée d’un « tuilage » : « Sans doute serait-il opportun de nommer les présidents quelques mois avant le terme du mandat de leurs prédécesseurs afin d’assurer la continuité du service public, y compris dans la préparation et la mise en œuvre des choix éditoriaux. C’est d’ailleurs une pratique établie pour certaines institutions culturelles ». Reprenant cette suggestion, la loi a prévu que les nominations des présidents de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde interviennent trois à quatre mois avant leur prise de fonction effective, une transition plus brève ayant été prévue pour Radio France pour des raisons de calendrier.

Le CSA a donc nommé M. Mathieu Gallet le 27 février 2014 pour une prise de fonctions à compter du 12 mai 2014. Il a par ailleurs fait le choix de nommer Mme Delphine Ernotte le 23 avril 2015, soit quatre mois avant sa prise de fonctions le 22 août 2015.

Lors de la commission mixte paritaire, le rapporteur avait exprimé des réserves sur ce « tuilage », estimant qu’il risquait de déstabiliser les sociétés et de créer une confusion incompatible avec la bonne gestion d’une entreprise : « Pendant plusieurs mois, la question se posera de savoir qui est vraiment en charge, qui décide. À cette dilution de la responsabilité, s’ajoute un risque de démobilisation des équipes en place et de doublons. En revanche, il est vrai qu’une prise de fonctions en août, comme c’est le cas aujourd’hui à France Télévisions, n’est pas satisfaisante car au moment de la prise de fonctions du nouveau président, toutes les décisions pour la grille de rentrée ont été prises par le prédécesseur. Il s’ensuit que la responsabilité du nouveau président ne s’exerce pleinement qu’à compter de l’année suivante. Une prise de fonction en janvier apparaît à cet égard optimale » (11). Le rapporteur avait donc proposé, en lieu et place du tuilage, que le mandat des présidents prenne fin au 31 décembre.

Le bilan de cette période de tuilage, dressé par les différents acteurs concernés, confirme qu’elle présente plus d’inconvénients que d’avantages. Les présidents nommés ont certes pu mettre à profit cette période pour composer leur équipe et se familiariser avec l’entreprise. Cependant, si les auditions conduites par le rapporteur ont montré que M. Rémy Pflimlin a pleinement joué le jeu de la coopération avec la future présidente, il n’y aurait pas eu de collaboration effective avec le président encore en exercice à Radio France, comme l’a souligné le président du CSA lors de son audition par notre commission le 7 avril 2015.

En outre, le tuilage contribue de fait à porter à une année la période d’incertitude dans laquelle la mise en œuvre de la procédure de nomination plonge l’entreprise. Il entraîne des difficultés de gestion et soulève des questions juridiques importantes. Se pose notamment la question de savoir qui rémunère le candidat retenu et ses équipes, le futur président ne pouvant engager de procédures d’embauches. Par ailleurs, contrairement à l’objectif, le tuilage ne peut réellement être mis à profit pour commencer à constituer les grilles, le futur président n’étant pas habilité à signer des contrats.

Deux grandes options peuvent donc être avancées :

 supprimer le tuilage en prévoyant éventuellement que l’ensemble des mandats débutent au 1er janvier, option clairement privilégiée par le rapporteur ;

– ou, à défaut, le réduire à un mois et « l’organiser juridiquement », option qui apparaît complexe à mettre en œuvre.

c. Prévoir que le CSA se prononce sur la reconduction du président en place avant d’ouvrir un appel à candidatures

Au moment de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public, le rapporteur avait proposé que le CSA commence par se prononcer sur le renouvellement du président en place, à travers une décision motivée, avant d’ouvrir un appel à candidatures. Cette pratique est d’ailleurs la règle à la tête des entreprises privées comme de l’ensemble des établissements publics culturels. Présentée en commission mixte paritaire, cette proposition, destinée à favoriser la continuité stratégique dont les entreprises ont besoin pour se réformer et se moderniser, est sans doute intervenue à un stade trop tardif du débat pour pouvoir être sérieusement examinée.

Le rapporteur relève qu’en prévoyant l’élaboration par le CSA d’un bilan quadriennal du dirigeant en place, le législateur a implicitement souhaité que le Conseil se prononce sur l’opportunité de reconduire ce dirigeant. Pour l’essentiel des observateurs, la tonalité d’ensemble du bilan quadriennal de M. Rémy Pflimlin a pu être interprétée comme une décision implicite de non-reconduction. Il apparaîtrait plus cohérent que le législateur aille au bout de la logique de ce bilan quadriennal en invitant le CSA à se prononcer clairement sur la reconduction ou la non-reconduction du président en place avant d’ouvrir une procédure de nomination.

Évoquée lors des auditions effectuées dans le cadre de la préparation du présent rapport, cette proposition a suscité l’adhésion de la quasi-totalité des interlocuteurs rencontrés. C’est pourquoi le rapporteur se permet de la remettre en avant.

B. LES RESPONSABILITÉS DU CSA À L’ÉGARD DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC : DES CLARIFICATIONS NÉCESSAIRES

Comme il a été indiqué précédemment, le législateur n’a pas seulement rendu à l’autorité de régulation la compétence de nomination qui a été la sienne entre 1982 et 2009. Au cours des débats parlementaires, il a aussi, suivant ainsi en particulier les préconisations du CSA (12), considérablement renforcé ses missions et responsabilités à l’égard des sociétés de l’audiovisuel public.

L’exercice de ces nouveaux pouvoirs soulève cependant des interrogations qui conduisent le rapporteur à formuler plusieurs propositions d’adaptation portant sur les nouvelles attributions du CSA tant en matière de définition des priorités stratégiques des opérateurs (nomination des dirigeants sur la base d’un projet stratégique, saisine pour avis motivé sur les contrats d’objectifs et de moyens) (1) que de contrôle de leur mise en œuvre (avis sur l’exécution des contrats d’objectifs et de moyens, établissement d’un bilan quadriennal de l’action des présidents nommés) (2).

Le rapporteur souhaite également formuler des observations relatives à l’exercice par le CSA de sa compétence de nomination de personnalités indépendantes siégeant au conseil d’administration des sociétés de l’audiovisuel public (3).

1. Les réserves du rapporteur à l’égard d’une intervention accrue du CSA dans la définition des priorités stratégiques de l’audiovisuel public

Dans les développements qui précèdent, le rapporteur a eu l’occasion d’exprimer les réserves de principe qui sont les siennes à l’égard d’une intervention accrue du CSA dans la définition des priorités stratégiques des sociétés de l’audiovisuel public. Suivant la même logique, lors des débats sur le projet de loi, le rapporteur s’était interrogé sur le sens et la pertinence d’un avis du CSA sur les COM des sociétés de l’audiovisuel public. L’expérience et les auditions qu’il a conduites confirment là encore ses interrogations.

a. Un risque de perturbation des équilibres institutionnels

De fait, la plupart des interlocuteurs entendus dans le cadre de la préparation du présent rapport ont également jugé le principe de cet avis hautement discutable. De manière générale, l’intervention accrue du CSA dans la définition des priorités stratégiques de l’audiovisuel public pose question : elle a été dénoncée par certains comme un « mélange des genres », d’autres allant même jusqu’à déplorer la mise en place d’une sorte de nouvelle tutelle.

Le rapporteur estime que la nécessaire mise à distance du politique dans la nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public n’implique pas du tout que l’État, actionnaire financeur de l’audiovisuel public, délègue la définition des priorités stratégiques de ce dernier à l’autorité indépendante chargée de la nomination ou qu’il partage cette compétence avec cette autorité. Le rapporteur y voit une illustration de « la perturbation des équilibres institutionnels », caractérisée par « un délitement de l’État » et « une perte de contrôle pour le Parlement », identifiée par le récent rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur les autorités administratives indépendantes (13).

En effet, alors que la définition des missions et priorités stratégiques de l’audiovisuel public relève logiquement de l’État, sous le contrôle du Parlement, le rôle assigné par la loi au CSA entre en concurrence directe avec celui des tutelles mais aussi avec celui du Parlement. Il en va ainsi par exemple des avis du CSA sur les projets de COM des sociétés de l’audiovisuel public, dont les préconisations entrent en concurrence avec celles du Parlement plus qu’ils ne contribuent à sa meilleure information.

Les nouvelles attributions du CSA engendrent par ailleurs un dédoublement fonctionnel et un mélange des genres qui mettent le régulateur dans une situation particulièrement inconfortable.

À titre d’illustration, certains des acteurs auditionnés se sont ainsi étonnés que le CSA ne veille pas au respect des engagements pris par M. Mathieu Gallet dans son projet stratégique de ne pas augmenter la publicité sur les antennes de Radio France. D’autres ont estimé que le CSA était comptable des répercussions économiques du projet stratégique de Delphine Ernotte, en particulier de son projet de chaîne d’information, et qu’il aurait par conséquent dû effectuer une étude d’impact avant de le valider. Certains observateurs n’ont pas manqué de relever qu’au titre de ses nouvelles attributions à l’égard de l’audiovisuel public et de son pouvoir d’autoriser le changement de modèle économique d’une chaîne de la TNT, le CSA serait comptable des conséquences économiques de l’existence de quatre chaînes d’information sur le paysage de la TNT (BFM TV, i-Télé, LCI ainsi qu’une éventuelle chaîne de service public), auxquelles s’ajoute France 24 en Île-de-France, le Conseil, dans son avis sur le projet de COM de France Médias Monde, ayant souligné qu’il convenait d’encourager la diffusion de ses chaînes sur le territoire national...

Surtout, le rôle accru du CSA dans la définition de ses priorités stratégiques ne contribue aucunement à une plus grande indépendance de l’audiovisuel public. Au contraire, comme il a été constamment relevé au cours des auditions, l’audiovisuel public a plutôt besoin que l’État indique ses attentes de façon plus claire et plus durable. À cet égard, le seul mérite de la nomination sur un projet stratégique aura été d’obliger l’État à effectuer un exercice bienvenu de clarification de ces attentes. Avec ou sans projet stratégique, le rapporteur ne peut qu’encourager l’actionnaire à poursuivre et approfondir cet effort dans les années à venir.

Au contraire, une intervention plus grande du CSA dans la définition des priorités de l’audiovisuel public ajoute à la confusion des responsabilités et au phénomène, bien souligné par le rapport du groupe de travail coordonné par M. Marc Schwartz sur l’avenir de France Télévisions, des injonctions multiples et contradictoires dont souffre le service public.

b. Un risque avéré de multiplier les injonctions contradictoires

Le CSA a rendu, avant la promulgation de la loi, le 11 septembre 2013, un avis sur le projet d’avenant au COM de France Télévisions pour la période 2013-2015 (14), puis, en application de la loi, un avis du 11 décembre 2013 sur le projet de COM de France Médias Monde pour la période 2013-2015 (15) et un avis du 25 novembre 2015 sur le projet de COM de Radio France pour 2015-2019 (16).

Le premier avis rendu sur le projet d’avenant au contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions a montré combien le risque d’exposer le service public à des injonctions contradictoires et à un conflit de légitimités était réel.

L’avis du CSA contestait en effet l’essentiel des orientations stratégiques définies par l’entreprise et ses tutelles dans un contexte d’ajustement à la baisse de la dotation attribuée à France Télévisions : il déplorait de nombreuses « insuffisances liées à des ajustements à la baisse » (« la réduction des investissements dans la production », « la diminution du volume des programmes régionaux en contradiction avec l’objectif de proximité affiché », « la baisse de la production locale des programmes en Outremer », « la remise en cause d’objectifs qui concernent la haute définition », « le manque d’ambition de la diversification et du développement des recettes numériques », « les retards dans l’harmonisation des systèmes d’information »), ainsi que des « incertitudes » (« des lignes éditoriales à préciser », « des objectifs insuffisants en matière culturelle et imprécis en matière musicale », « les lacunes de France Ô en matière d’accessibilité des programmes », « des inquiétudes sur le sport » mais aussi « des charges de personnel insuffisamment contenues », « la nécessité de clarifier les effectifs du groupe »).

Mme Fabienne Schmidt, dans Les Échos (17), évoquait « un avis sévère pointant le manque d’ambition de certains projets, de clarification sur le coût de développement de certains programmes ou encore l’insuffisance des coupes dans les effectifs… (…) Au lieu de se concentrer sur l’éditorial et le pluralisme de l’information comme le fait généralement le CSA, l’instance a porté un jugement sur l’économie de France Télévisions, ce qui ne s’est jamais fait ». Surtout, comme le relevait Mme Schmidt, « le COM étant rédigé par France Télévisions et l’État, les critiques du CSA s’adressent finalement aussi bien à l’un qu’à l’autre. »

De fait, cet avis a mis la direction de l’entreprise dans une situation où elle ne pouvait respecter les engagements pris à l’égard de son actionnaire (celui qui la finance) sans déplaire au CSA (celui qui la nomme) et réciproquement. Cette situation n’est à l’évidence pas satisfaisante.

L’absence de ligne nette du CSA sur France 3

Le rapporteur a même pu relever certaines contradictions entre différentes injonctions formulées par le CSA à l’attention de France Télévisions.

Dans son avis sur l’avenant au COM 2013-2015, le CSA pointait en particulier, parmi les « insuffisances » constatées, une « diminution des objectifs portant sur le volume des programmes régionaux en contradiction avec l’objectif de proximité affiché ». L’avenant revenait en effet sur les objectifs initiaux d’augmentation de la part des programmes régionaux dans la programmation de France 3. Dans une interview du 29 octobre 2013 (18), interrogé sur ce qui n’allait pas à France Télévisions, le président du CSA estimait que les orientations adoptées et les lignes éditoriales n’apparaissaient pas assez clairement. « Prenons une question qui me semble fondamentale : quelle doit être la place du service public audiovisuel dans les régions ? Sur ce point nous ne sentons pas encore de ligne nette et avons regretté que la part des programmes régionaux soit abaissée de 25 % à 20 % ».

On ne peut donc que s’étonner que, dans sa contribution à la mission sur l’avenir de l’offre régionale de France 3, quelques mois plus tard (19), le CSA n’ait pas préconisé une augmentation de la part des programmes régionaux. Soulignant que « le public délaisse la programmation locale » et qu’« il n’y aurait pas de légitimité par principe ni d’attente particulière du public en matière de programmes régionaux », il estimait au contraire prioritaire de « maintenir l’agencement actuel qui confère une place prépondérante au service national édité par France 3 » en considération de sa contribution au respect des obligations de production et aux recettes publicitaires de France Télévisions.

Dans son bilan des résultats de France Télévisions pour la période 2010-2014, le CSA a d’ailleurs fait le choix contestable, exposé en introduction, d’évaluer l’action de M. Rémy Pflimlin non seulement à l’aune des obligations et engagements fixés par son COM mais aussi des préconisations qu’il avait lui-même formulées dans son propre avis sur ce COM. Une évaluation de l’entreprise à l’aune de deux documents qui se contredisent diamétralement ne peut que susciter la perplexité…

Enfin, au cours des auditions, plusieurs interlocuteurs se sont interrogés sur la capacité du CSA à porter un jugement impartial sur l’action de responsables qu’il a lui-même nommés. Cette question peut en effet se poser en l’absence d’une grille d’analyse suffisamment explicite. Ce qui frappe en effet à la lecture des trois avis rendus par le CSA sur des projets de COM est leur très grande hétérogénéité, tant dans leur densité, leur grille d’analyse que dans leur tonalité d’ensemble. L’avis sur le projet d’avenant au COM de France Télévisions apparaît à cet égard particulièrement sévère, comme ont pu le relever un certain nombre d’observateurs. On y trouve en particulier des développements et appréciations très détaillés sur la gestion, que l’on ne retrouve pas dans les autres avis. L’avis sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens de France Médias Monde rendu quelques semaines plus tard apparaissait beaucoup plus ramassé, d’une tonalité beaucoup plus neutre ou positive et n’abordait en particulier que très succinctement les questions relatives à la gestion. Il en va de même de l’avis sur le COM de Radio France rendu en novembre 2015, plus axé sur les enjeux de cohésion sociale. Si le caractère très hétérogène de ces trois documents peut s’expliquer en grande partie par leur prise en charge par trois conseillers différents, qui pourraient porter une vision plus ou moins extensive du rôle du CSA, on ne peut que s’interroger sur la grille d’analyse du Conseil.

À la lumière de l’expérience, l’opposition de principe du rapporteur à l’égard d’un avis du CSA sur les COM a été confortée et renforcée.

Si le législateur fait néanmoins le choix de maintenir ces avis, le rapporteur invite le CSA à les normer davantage et à préciser sa grille d’analyse, afin d’éviter un examen à géométrie variable, en recentrant en particulier son évaluation sur les obligations programmatiques.

2. Clarifier et recentrer le champ du contrôle exercé par le CSA sur l’audiovisuel public

La loi a également renforcé les compétences de contrôle du CSA sur l’audiovisuel public sans clarifier suffisamment le champ et les modalités de ce contrôle.

a. Les avis sur l’exécution des contrats d’objectifs et de moyens

Le CSA est désormais chargé d’établir des avis sur l’exécution annuelle des COM. Le rapporteur demeure favorable à ces avis qui permettent au CSA de suivre l’activité des sociétés de l’audiovisuel public au regard de critères préalablement établis. Pour que ces avis soient plus utiles à la représentation nationale, il conviendrait néanmoins qu’ils soient systématiquement réalisés dans des délais permettant leur transmission aux commissions parlementaires concernées en amont de l’audition des présidents de l’audiovisuel public sur l’exécution de leurs COM.

b. Le bilan des sociétés quatre ans après le début du mandat de leurs présidents

La loi a également chargé le CSA de réaliser, quatre ans après le début du mandat des présidents des sociétés de l’audiovisuel public, un avis motivé sur les résultats de ces sociétés, au regard du projet stratégique sur la base duquel leurs présidents ont été nommés.

Comme il a été indiqué précédemment, compte tenu du statut réel du projet stratégique, il apparaît impératif de corriger la loi sur ce point et de prévoir l’évaluation du dirigeant à l’aune des seuls documents qui l’engagent réellement, à savoir le COM et le cahier des missions et des charges.

À la lecture du premier bilan quadriennal élaboré par le CSA sur France Télévisions, le rapporteur estime qu’une clarification et un recentrage des critères du contrôle effectué dans ce cadre s’imposent.

Comme indiqué précédemment, si le législateur fait le choix de maintenir les avis du CSA sur les COM, il conviendra tout d’abord d’être très attentif à ce que le CSA évalue l’action du dirigeant à l’aune du seul COM signé avec ses tutelles et non à l’aune de ses propres avis sur ces COM.

En outre, ce premier bilan est apparu à bien des égards comme un document destiné à fixer à France Télévisions des orientations stratégiques pour l’avenir (il comporte en particulier de nombreuses préconisations relatives à l’évolution du bouquet, à l’avenir de France 3, de la filière de production, à l’évolution de la gouvernance…). Encore une fois, le rapporteur estime que cette prérogative relève de la lettre de mission que doit formuler l’État et du COM. Lors de son audition par notre commission le 7 avril 2015, interrogé sur l’articulation entre les préconisations du CSA et celles du Gouvernement, le président du CSA se félicitait que le rapport interministériel qui a débouché sur les orientations gouvernementales annoncées le 4 mars 2015 « ne comporte aucune dissonance avec celui que le CSA avait rendu le 10 décembre 2014 ». Cette observation pose à juste titre la question de savoir ce qu’il se serait passé dans le cas contraire.

Enfin, le rapporteur ne peut que déplorer la fuite d’une première version, particulièrement sévère, de ce document. Dans un communiqué publié en décembre 2014, France Télévisions regrettait que « la plupart des appréciations relatives à l’insuffisante distinction des programmes et des chaînes, ou encore à la gestion et à la transparence, ne soient ni réellement étayées ni objectivées ». Enfin, le groupe public indiquait que « dans le cadre des missions, règles et moyens qui lui sont assignés, ses choix de programmation, le contenu de ses émissions ou ses décisions d’organisation interne relèvent de sa stricte responsabilité, dans le respect de l’indépendance qui lui est accordée par la loi ». Si la seconde version du rapport a corrigé certains éléments apparaissant comme particulièrement à charge du document, le rapporteur invite le CSA à éviter une trop grande immixtion dans la politique éditoriale et appelle encore une fois à un recentrage du bilan sur l’exécution du COM et du cahier des charges.

À défaut, la tonalité d’ensemble du bilan ne manquera pas d’être interprétée comme le signal d’une intention de renouveler ou de ne pas renouveler le dirigeant en place. En tout état de cause, comme indiqué précédemment, le rapporteur invite le législateur à aller au bout de la logique de ce rapport en prévoyant que le CSA se prononce clairement sur la reconduction du dirigeant en place avant d’ouvrir un appel à candidatures.

c. L’exercice du pouvoir de révocation

Enfin, le CSA dispose à nouveau du pouvoir de révocation des présidents des sociétés de l’audiovisuel public. L’article 47-5 précise que le mandat des présidents de France Télévisions, Radio France et de France Médias Monde peut leur être retiré, par décision motivée, dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article 47-4. Or, le premier alinéa de l’article 47-4 indique que les nominations font l’objet d’une décision motivée se fondant sur des critères de compétence et d’expérience. La rédaction de la loi étant à cet égard assez floue, le rapporteur estime qu’il ne serait pas inutile que le CSA élabore une doctrine sur la manière dont il entend exercer ce pouvoir. À défaut, il conviendrait sans doute que le législateur précise les conditions dans lesquelles ce pouvoir doit s’exercer.

3. Clarifier les conditions de nomination de personnalités indépendantes au conseil d’administration des sociétés de l’audiovisuel public

La loi du 15 novembre 2013 a prévu que les conseils d’administration de France Télévisions et de Radio France doivent comporter un représentant des associations de défense des consommateurs, agréées au niveau national, désigné par le CSA parmi les personnalités indépendantes dont la nomination lui incombe. Pour France Médias Monde, le CSA désigne désormais un représentant de l’Assemblée des Français de l’étranger. La loi a en outre garanti la parité au sein de ces conseils d’administrations parmi les représentants de l’État et les personnalités indépendantes désignées par le CSA.

La plupart des interlocuteurs auditionnés par le rapporteur ont insisté sur la nécessité de renforcer le conseil d’administration des sociétés de l’audiovisuel public afin de doter ces entreprises d’une instance de gouvernance efficace et cohérente, pourvue d’un véritable pouvoir de décision et d’orientation. À cet effet, plusieurs observateurs soulignent la nécessité pour le CSA de nommer des personnalités indépendantes présentant des profils plus diversifiés et dotés d’une forte compétence financière et managériale, en ayant notamment davantage recours au secteur privé.

Il conviendrait à cet égard que le CSA veille à ne pas nommer des personnalités issues de la fonction publique, cette situation n’étant pas conforme à la notion d’indépendance et à l’interdiction posée par l’article 25 de la loi n° 83-634 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

II. OBSERVATIONS SUR LA MISE EN œUVRE DE LA RÉFORME DE LA RÉGULATION AUDIOVISUELLE

La loi du 15 novembre 2013 a également substantiellement réformé, d’une part, le collège du CSA, avec l’objectif de renforcer sa légitimité et son efficacité, et, d’autre part, ses pouvoirs de régulation. Le rapporteur souhaite par conséquent formuler plusieurs observations en ce qui concerne la mise en œuvre des différentes mesures de réforme du collège (A) et l’exercice par le CSA de ses pouvoirs de régulation réformés (B).

A. VERS UN COLLÈGE PLUS LÉGITIME ET PLUS EFFICACE

1. Un nouveau mode de désignation au service de l’indépendance et de la compétence

La loi du 15 mars 2013 a confié aux commissions chargées des affaires culturelles de chaque assemblée un rôle capital dans la désignation des six membres du CSA choisis par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Elles doivent en effet rendre un avis conforme sur ces désignations, dans des conditions de majorité (trois cinquièmes) qui garantissent un consensus très large entre les principales formations politiques qui les composent.

En outre, la loi a renforcé la professionnalisation des membres de l’instance de régulation en fixant des critères de compétences pour leur nomination : compétences en matière économique, juridique ou technique ou expérience professionnelle dans le domaine de la communication, notamment dans le secteur audiovisuel ou des communications électroniques. Enfin, la loi garantit la parité au sein du CSA.

Le bilan de la mise en œuvre de cette nouvelle procédure de nomination apparaît largement positif même s’il faudra attendre le renouvellement intégral du collège pour qu’elle produise tous ses effets en termes de professionnalisation et de légitimité accrues de l’institution dans son ensemble.

Les nominations de Mme Nathalie Sonnac et de M. Nicolas Curien ont été unanimement saluées au cours des auditions. La nécessité de réunir une majorité des trois cinquièmes des commissions parlementaires imposait le choix de personnalités particulièrement incontestables et susceptibles de dégager le consensus le plus large. On ne peut que se féliciter que le risque de blocage, par impossibilité de réunir une majorité des trois cinquièmes en faveur d’un candidat, évoqué au moment des débats, ne se soit pas matérialisé.

2. Vers une plus grande cohérence de l’action de l’autorité

Afin de favoriser une plus grande cohésion du collège et une plus grande cohérence de son action, la loi fait progressivement passer le nombre de ses membres de neuf à sept. Le collège est donc réduit à huit membres jusqu’en 2017.

Certains observateurs déplorent encore une segmentation trop importante des attributions des conseillers au détriment de la collégialité et de la cohérence d’ensemble du travail du collège. La disparité des différents avis rendus sur les projets de COM, évoquée précédemment, illustre ce problème.

Le rapporteur appelle donc à plus de transversalité dans l’approche des dossiers afin d’éviter que chaque conseiller ne s’identifie trop à certains intérêts ou thématiques et de renforcer la collégialité et la cohérence d’ensemble de la régulation.

3. Déontologie et discipline interne du collège : l’absence regrettable de mise en œuvre de la volonté du législateur

À l’initiative du rapporteur, la loi du 15 novembre 2013 a modifié l’article 5 de la loi du 30 septembre 1986 avec l’objectif de renforcer l’impartialité des membres du CSA, qui ne peuvent désormais plus disposer de contrat de travail, même suspendu, avec une entreprise du secteur de la communication. Le rapporteur se félicite de la bonne application de cette disposition.

À l’initiative du rapporteur, le législateur a également souhaité mieux encadrer leur prise de parole. Pendant la durée de leurs fonctions et durant un an à compter de leur cessation, les membres du Conseil sont ainsi tenus de s’abstenir de toute prise de position publique sur les questions en cours d’examen. Les membres et anciens membres du Conseil sont également tenus de respecter le secret des délibérations. L’article 5 de la loi précise que le CSA, statuant à la majorité de ses membres après que les intéressés ont été mis à même de présenter leurs observations, doit sanctionner les membres qui n’auraient pas respecté ces obligations.

Alors que de nombreux manquements sont constatés par l’ensemble des observateurs, le rapporteur ne peut que regretter vivement que l’intention du législateur en ce qui concerne la nécessité pour le collège de faire respecter le secret des délibérations et le devoir de réserve de ses membres soit restée totalement lettre morte. Il en va pourtant de la crédibilité et de la légitimité de l’institution.

À titre d’exemple, le rapporteur a évoqué la violation caractérisée du secret des délibérations qui a marqué la procédure de nomination de Mme Delphine Ernotte et qui a contribué à jeter le discrédit sur l’ensemble de la procédure.

Il tient également à souligner la faute grave que constitue selon lui la fuite d’une première version du bilan quadriennal de France Télévisions, démarche qui a légitimement pu être interprétée comme visant à déstabiliser le président en place. Une telle faute, non sanctionnée, est d’autant plus regrettable qu’elle laisse planer le doute sur l’impartialité de l’institution et, en particulier, de l’ensemble de ses prises de position sur le dossier France Télévisions.

B. LE RENFORCEMENT DE LA DIMENSION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGULATION

Compte tenu des enjeux économiques auxquels est confronté le secteur audiovisuel, des dispositions qui consacrent une plus large place à la prise en compte des équilibres économiques de l’audiovisuel par le CSA, rappelées dans l’encadré ci-après, ont été adoptées dans la loi du 15 novembre 2013.

Le renforcement de la dimension économique de la régulation

Ø La possibilité de différer le lancement d’appels à candidatures

Afin de renforcer la prise en compte par le CSA de l’impact de ses décisions d’attribution de la ressource radioélectrique, le législateur lui a imposé de réaliser, préalablement au lancement d’un appel à candidatures susceptible de modifier de façon importante le marché en cause, une étude d’impact, notamment économique, permettant de mesurer les éventuelles conséquences d’un tel appel pour le secteur audiovisuel. Dans l’hypothèse où cette étude d’impact ou la consultation publique à laquelle il doit également procéder feraient apparaître que la conjoncture économique n’est pas favorable au lancement de nouveaux services, le CSA peut décider de différer le lancement de cet appel pour deux ans renouvelables une fois.

Ø Le pouvoir d’autoriser le changement du mode de financement des chaînes de la télévision numérique terrestre (TNT)

Aux termes de l’article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986, le CSA peut agréer une demande de passage d’une chaîne de la TNT payante vers la TNT gratuite et inversement. Cette possibilité d’agrément est néanmoins encadrée puisqu’il doit respecter les principes fondamentaux de la loi du 30 septembre 1986 fixés par ses articles 1er et 3-1 (pluralisme, égalité de traitement, etc.). Préalablement à sa décision, le CSA doit également procéder à une étude d’impact, notamment économique, rendue publique dans le respect du secret des affaires. Il doit également procéder à l’audition publique du titulaire et entendre les tiers qui le demandent. Enfin, ce changement ne peut être agréé que « si les équilibres du marché publicitaire des services de télévision hertzienne terrestre sont pris en compte ».

En outre, l’octroi de l’autorisation est conditionné à la réalisation d’une étude d’impact et à la prise en compte des équilibres du marché publicitaire de la TNT.

Ø Une obligation accrue de recourir à des études d’impact

Une étude d’impact est également prévue préalablement à l’agrément d’une modification du contrôle d’une société titulaire d’une autorisation (article 42-3 de la loi de 1986) et pour toute modification de convention d’un service national de télévision autorisé ou d’un service de radio appartenant à un réseau de diffusion à caractère national susceptible de modifier de façon importante le marché en cause (article 28 de la loi de 1986).

En outre, aux termes de l’article 18 de la loi du 30 septembre 1986, le rapport annuel du CSA doit désormais rendre compte de l’impact, notamment économique, de ses décisions d’autorisation d’usage de la ressource radioélectrique.

1. Un bilan positif de l’obligation accrue de prise en compte des équilibres économiques du secteur

Le Conseil s’est félicité du renforcement de son rôle de régulation économique intervenu à l’occasion du vote de la loi du 15 novembre 2013. Il s’est d’ores et déjà largement saisi de ces nouvelles responsabilités, en publiant de nombreuses études d’impact préalables aux appels à candidatures (en télévision comme en radio), en statuant à deux reprises sur trois demandes de passage de la TNT payante à la TNT gratuite et en instruisant une demande d’agrément relative à un changement de contrôle. Il a également développé la partie économique de son rapport d’activité, conformément à la nouvelle rédaction de l’article 18 de la loi de 1986 (évaluation de l’impact des nouvelles autorisations délivrées, analyse de la situation économique des télévisions locales, etc.).

Il faut souligner que ces nouvelles compétences ont été mises en œuvre à effectifs constants, alors même que les études d’impact sont très largement réalisées en interne. La rigueur et la précision de ces études d’impact ont été saluées par de nombreux acteurs et leur validité n’a pas été remise en cause par le Conseil d’État lorsqu’il a annulé les décisions de rejet du passage en gratuit de LCI et Paris Première le 17 juin 2015.

La plupart des interlocuteurs entendus par le rapporteur ont jugé très positive la multiplication des études d’impact, en ce qu’elle permet d’améliorer l’information du Conseil mais aussi en ce qu’elle permet de mieux objectiver et fonder ses décisions.

Néanmoins, ces études ne sauraient être généralisées sans risque d’asphyxier totalement le Conseil et de paralyser la régulation. Le législateur a laissé au régulateur des marges d’appréciation sur la nécessité de recourir à une étude d’impact à travers la notion de décision « susceptible de modifier de façon importante le marché en cause ». Il appartient donc au CSA de bâtir une doctrine claire sur les cas nécessitant le recours à de telles études et de l’expliciter.

En outre, comme il sera précisé ultérieurement, le statut et la procédure des études d’impact lui semblent devoir être clarifiés à la suite des décisions du Conseil d’État du 17 juin 2015 (20).

Enfin, au cours des débats sur le projet de loi, le rapporteur avait insisté sur la nécessité d’encadrer davantage les conditions dans lesquelles le CSA peut différer le lancement d’appels à candidatures pour garantir sa conformité avec le cadre constitutionnel et conventionnel. Un encadrement plus strict lui semblerait de nature à renforcer la sécurité juridique de la procédure.

2. La procédure d’agrément du passage d’une chaîne payante en gratuit : une application complexe, source d’une grande insécurité juridique

Le rapporteur s’était opposé à cette proposition qui avait été formulée par le CSA dans son rapport annuel 2012 et qui a fait l’objet de débats importants lors de l’examen du projet de loi.

Il avait souligné qu’en autorisant le CSA à agréer un tel changement sans recourir à la procédure ouverte de l’appel à candidature, on mettait à mal les principes fondamentaux du processus d’attribution des fréquences hertziennes, qui sont d’ailleurs protégés par le droit européen.

Il avait également souligné que rien n’interdisait à TF1 ou à M6 de proposer la transformation de leur chaîne payante en chaîne gratuite lorsque le CSA a autorisé les six nouvelles chaînes de la TNT en 2012 : « Il leur suffisait de présenter la candidature de LCI ou de Paris Première, au lieu de développer les concepts de HD1 et de 6ter. Il est dommage qu’ils n’aient pas su tirer parti de cette opportunité. Qu’ils assument les décisions qu’ils ont prises ! » (21). En juillet 2011, le CSA avait dû s’opposer à la première demande de passage de LCI et Paris Première en TNT gratuite, s’agissant d’une modification substantielle des modalités au vu desquelles les autorisations avaient été délivrées. Le rapporteur ne peut que regretter que le CSA n’ait pas su profiter de l’appel à candidatures pour la création de six nouvelles chaînes en TNT gratuite en 2012 pour « solder » le dossier de la TNT payante, au lieu de proposer la création d’une procédure ad hoc, qui lui pose aujourd’hui bien des difficultés.

La procédure dérogatoire fixée par le législateur s’avère en effet d’une application particulièrement laborieuse et délicate. Ses modalités d’application, telles que « reprécisées » par le Conseil d’État dans deux décisions du 17 juin 2015, apparaissent d’une complexité extrême. Elle apparaît également source d’une grande insécurité juridique pour l’ensemble du secteur.

Il importe de souligner que les groupes NextRadioTV et NRJ Group ont déposé une plainte en manquement auprès de la Commission européenne, estimant que l’absence de mise en concurrence viole les exigences de non-discrimination, de proportionnalité, d’objectivité et de transparence dans le processus d’attribution des fréquences hertziennes prévues par le cadre réglementaire européen (22). Le moyen tiré de l’incompatibilité avec le cadre européen, présenté par le groupe NextRadioTV dans le cadre des recours déposés par les groupes TF1 et M6 contre les décisions du 29 juillet 2014 du CSA, a été rejeté par le Conseil d’État dans ses décisions du 17 juin 2015, mais au prix de prescriptions particulièrement précises sur la manière dont il convient d’appliquer le dispositif pour qu’il n’enfreigne pas le cadre européen.

Les prescriptions fixées par le Conseil d’État au regard du cadre européen

« Considérant, toutefois, que le second alinéa de l’article 5, paragraphe 2 de la directive du 7 mars 2002 permet en tout état de cause aux États membres, à titre exceptionnel, d’octroyer sans recourir à une procédure ouverte des droits d’utilisation de radiofréquences pour la diffusion de services de télévision lorsque cela est nécessaire pour atteindre un objectif d’intérêt général défini dans le respect du droit de l’Union ; qu’il ressort des travaux préparatoires de la loi du 15 novembre 2013 qu’en permettant au CSA d’agréer la modification, en ce qui concerne le recours ou non à une rémunération de la part des usagers, de l’autorisation afférente à un service de communication audiovisuelle, le législateur a tenu compte de l’échec du modèle économique de distribution payante défini par l’autorité de régulation lors du lancement de la télévision numérique terrestre et de l’intérêt qui peut s’attacher, au regard de l’impératif fondamental de pluralisme et de l’intérêt du public, à la poursuite de la diffusion d’un service ayant opté pour ce modèle ; qu’il appartient au CSA, saisi d’une demande d’agrément, d’apprécier, en tenant compte du risque de disparition du service exploité par le demandeur, des risques qu’une modification de ses conditions de financement ferait peser sur la poursuite de l’exploitation d’autres services et des contributions respectives de ces services au pluralisme du secteur et à la qualité des programmes, si, en raison notamment de l’absence de fréquence disponible, l’impératif de pluralisme et l’intérêt du public justifient de ne pas recourir à une procédure ouverte ; que, lorsque cette condition est remplie, la modification de l’autorisation doit être regardée comme nécessaire à la réalisation d’un objectif d’intérêt général et entre ainsi dans le champ des dispositions du paragraphe 2 de l’article 5 de la directive du 7 mars 2002 qui permettent à titre exceptionnel de ne pas recourir à une procédure ouverte ».

En revanche, le Conseil d’État a annulé les décisions du CSA relatives aux demandes d’agrément des chaînes LCI et Paris Première au motif de l’irrégularité de la procédure suivie. Il a estimé que le législateur avait voulu, par la publication d’une étude d’impact, assurer la transparence de la procédure et que cette étude d’impact devait par conséquent être publiée par le CSA préalablement à sa décision et en temps utile pour que toutes les personnes intéressées puissent faire valoir leurs observations sur cette étude. Or, en l’espèce, les études d’impact n’avaient été publiées que le 29 juillet 2014, en même temps que les décisions du CSA.

De fait, la mise en œuvre de la procédure apparaît comme une source importante de contentieux et une histoire sans fin.

Une histoire sans fin…

Le CSA a été saisi début 2014 par les éditeurs des chaînes LCI, Paris Première et Planète+ d’une demande de passage en gratuit de ces trois chaînes.

Le 29 juillet 2014, le CSA a rendu trois décisions de refus, au vu de la conjoncture du marché publicitaire, de la situation financière des chaînes existantes de la TNT gratuite ainsi que de l’offre et de la demande de consommation de la télévision. Il a alors publié les trois études d’impact réalisées dans le cadre de son instruction.

Le 17 juin 2015, sur requêtes des groupes TF1 et M6, le Conseil d’État a annulé les décisions du CSA relatives aux demandes d’agrément des chaînes LCI et Paris Première au motif de l’irrégularité de la procédure suivie et en « recadrant » largement les modalités d’application de la procédure.

Une nouvelle procédure a donc commencé en octobre 2015 avec l’audition des responsables des chaînes.

Le 23 novembre 2015, le Conseil a publié trois nouvelles études d’impact réalisées au terme d’un cycle d’auditions des demandeurs ainsi que des tiers qui en avaient exprimé le souhait, et après avoir pris connaissance des contributions écrites qui lui avaient été transmises. Il invitait également les tiers qui le souhaitaient à s’exprimer au cours d’auditions organisées en décembre et/ou par le biais de contributions écrites.

Le 10 décembre 2015, le Conseil a procédé aux nouvelles auditions.

Le 17 décembre 2015, le CSA a décidé de permettre la diffusion en TNT gratuite de LCI au regard de la grille d’analyse fixée par le Conseil d’État et des évolutions du dossier. Il a en effet estimé que la chaîne n’avait plus d’avenir économique dans l’univers de la télévision payante et que son accès gratuit contribuerait au pluralisme et à l’intérêt du public. Il a tenu compte notamment des nouveaux engagements de la chaîne de se différencier des autres chaînes d’information sur le plan éditorial et de la moindre fragilité de BFM TV compte tenu du rapprochement entre NextradioTV et Altice. Il a également souligné qu’au moment de la décision, il n’y avait pas de fréquence immédiatement disponible, ce qui ne permettait pas de lancer une procédure d’appel à candidatures susceptible de donner lieu à la délivrance d’une autorisation dans des délais compatibles avec la situation économique du service LCI.

Il a en revanche estimé que les situations particulières de Paris Première et Planète+ (absence de risque immédiat de disparition du service, risque avéré d’affecter les perspectives économiques d’autres chaînes de la TNT, contribution moindre au pluralisme et à la qualité des programmes) ne justifiaient pas, en l’état, de déroger à l’exigence générale d’un appel à candidatures ouvert. Il a cependant précisé que ces décisions étaient prises sans préjudice d’une évolution des conditions d’exploitation des chaînes, de leurs exigences programmatiques et de l’évolution de l’ensemble du paysage audiovisuel qui pourraient justifier le dépôt de nouvelles demandes.

Ces décisions sont contestées et devraient faire l’objet de nouveaux recours devant le Conseil d’État.

À la lumière de sa mise en œuvre, le rapporteur demeure plus que réservé sur cette disposition dont l’application s’avère d’une très grande complexité, aggravée par les surprenantes décisions du Conseil d’État, sans pour autant permettre de « régler » le dossier de la TNT payante, dont chacun reconnaît qu’elle est dépourvue de modèle économique.

Le rapporteur s’interroge beaucoup sur les décisions du Conseil d’État, en particulier sur les motifs d’une annulation qui lui semble faire une interprétation particulièrement créative de la volonté du législateur. Ce dernier n’avait en effet donné aucune indication sur la nécessité de publier les études en temps utile pour que les personnes intéressées puissent faire valoir leurs observations écrites ou demander à être entendues sur les conclusions de ces études.

Le rapporteur, qui est largement à l’initiative des études d’impact introduites dans la loi, avait souhaité, comme il l’avait souligné dans son rapport sur le projet de loi, que le CSA rénové systématise le recours à de telles études afin de mesurer les éventuelles conséquences de ses décisions pour le secteur audiovisuel, notamment au plan économique. Il s’agissait notamment d’inciter le CSA à objectiver davantage ses décisions et non de les enserrer dans une procédure contradictoire de nature quasi juridictionnelle, potentiellement totalement paralysante pour l’action du régulateur.

3. De nécessaires ajustements

La portée des décisions du Conseil d’État va potentiellement bien au-delà des procédures d’agrément d’un changement des modalités de financement d’une chaîne de la TNT : les règles procédurales que le Conseil d’État a interprétées comme étant la volonté du législateur sont susceptibles de s’appliquer à toutes les procédures impliquant le recours à une étude d’impact (appels à candidatures, modifications conventionnelles, changements de contrôle…). Ce risque de « contagion » a par exemple conduit le CSA, par souci de sécurité juridique, à clore et relancer l’appel TNT HD dès le lendemain des décisions d’annulation.

Il découle de la jurisprudence du Conseil d’État deux séries d’inconvénients : une insécurité juridique d’une part et un alourdissement des procédures préjudiciables à la réactivité du régulateur d’autre part. Dès lors, une clarification législative s’avère souhaitable. Il s’agirait de préciser l’organisation du débat contradictoire afin de mettre en place une procédure à la fois transparente et moins lourde.

En l’état, la jurisprudence du Conseil d’État impose au CSA la procédure suivante :

– audition publique des demandeurs et audition des tiers qui en font la demande ;

– réalisation et publication de l’étude d’impact ;

– possibilité pour les tiers et les demandeurs de formuler des observations écrites ;

– nouvelle audition publique des demandeurs et de tous les tiers qui en feraient la demande.

L’ensemble des auditions doivent être réalisées par le collège, ce qui est particulièrement chronophage, d’autant plus que ces auditions peuvent être particulièrement nombreuses : la décision du Conseil d’État mentionne en effet que « les tiers » peuvent être auditionnés, sans préciser qu’il s’agit seulement des tiers « intéressés ». Une telle formulation pourrait ouvrir la voie à des stratégies de blocage de certains opérateurs, qui pourraient tenter d’ensevelir le Conseil sous une avalanche de demandes d’audition auxquelles il serait tenu de donner suite.

Dans ces circonstances, comme l’a suggéré le CSA, il pourrait être envisagé de faire évoluer ces obligations procédurales, en distinguant deux configurations :

– celle dans laquelle la réalisation de l’étude d’impact est provoquée par la demande d’un opérateur : il pourrait alors être prévu de réserver la possibilité d’une audition publique au demandeur, avant et après la publication de l’étude d’impact, et de permettre aux tiers de faire valoir leurs observations écrites, antérieurement comme postérieurement à la publication de l’étude d’impact, tout en réservant au Conseil la possibilité d’entendre certains d’entre eux s’ils en font la demande et qu’il estime qu’une audition serait utile ;

– et celle dans laquelle le Conseil procède à une analyse du marché préalablement au lancement d’un appel à candidatures, durant laquelle l’ensemble des acteurs qui s’estiment concernés pourraient faire valoir leurs observations écrites, avant comme après la publication de l’étude d’impact.

Le CSA estime que de telles règles permettraient à la procédure applicable de répondre à différents objectifs :

– alimenter, par les contributions écrites et, le cas échéant, les auditions publiques, les services du Conseil pour la réalisation des études d’impact ;

– permettre l’engagement d’un débat contradictoire sur le diagnostic posé par les études d’impact ;

– assurer le traitement des demandes dans un délai raisonnable et limiter les possibilités de blocage par certains opérateurs.

Le rapporteur considère que ces propositions d’ajustement, formulées par le CSA, constituent une bonne base de travail pour le législateur dans l’objectif de mieux encadrer les différentes procédures donnant lieu à étude d’impact.

C. DES INTERROGATIONS SUR L’EXERCICE PAR LE CSA DE SES POUVOIRS DE RÉGULATION QUI DOIVENT INCITER LE PARLEMENT À RENFORCER SON CONTRÔLE

1. Des interrogations sur la manière dont le CSA exerce son pouvoir de sanction

Le pouvoir de sanction, réformé par la loi du 15 novembre 2013, est au cœur des pouvoirs de régulation confiés par le législateur au CSA, lequel est chargé de s’assurer du respect par les opérateurs de leurs obligations légales, réglementaires et conventionnelles. Une autorité administrative indépendante n’étant par nature pas soumise au contrôle de l’exécutif, seul le Parlement est habilité à demander au régulateur des comptes sur la manière dont il exerce ses missions et fait ou ne fait pas respecter aux opérateurs leurs diverses obligations.

À cet égard, le rapporteur relève que le CSA fait un usage globalement limité de son pouvoir de sanction et que plusieurs polémiques récentes suscitent des interrogations sur la manière dont le CSA exerce sa mission de régulation.

a. Un usage globalement très limité du pouvoir de sanction

La loi du 15 novembre 2013 a entendu mettre la procédure de sanction applicable par le CSA en conformité avec les exigences d’impartialité applicables aux autorités administratives indépendantes, telles qu’elles résultent de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et du Conseil constitutionnel.

La réforme de la procédure de sanction opérée par la loi du 15 novembre 2013

Le nouvel article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986 confie à un rapporteur indépendant du CSA la fonction de déclenchement des poursuites et d’instruction de l’affaire. Le CSA reste néanmoins compétent à la fois pour adopter les mises en demeure et prononcer les décisions de sanction à l’issue de la procédure dirigée par le rapporteur. Ce rapporteur indépendant est nommé par le vice-président du Conseil d’État, après avis du CSA, pour une durée de quatre ans renouvelable une fois. Dans le cadre de cette nouvelle procédure de sanction qui s’inspire de la procédure applicable devant l’Autorité de la concurrence, le rapporteur a autorité pour décider si les faits dont il a connaissance, pour lesquels il peut s’autosaisir, justifient l’engagement d’une procédure de sanction. Il décide ensuite de l’opportunité de notifier ou non les griefs à l’intéressé, dans le respect du contradictoire, puis dirige l’instruction du dossier avec l’appui des services du CSA.

Une fois l’instruction terminée, le rapporteur communique son rapport à l’intéressé et au collège du CSA. Il est ensuite entendu par le collège en présence de l’intéressé et peut proposer une sanction. Il n’assiste pas au délibéré. La décision de sanction du collège est motivée, notifiée à l’intéressé et publiée au Journal Officiel.

La mise en œuvre de cette nouvelle procédure n’appelle pas de remarque particulière de la part du rapporteur. En revanche, à la lecture des rapports annuels du CSA, il apparaît que si ce dernier prononce un certain nombre de mises en demeure et de mises en garde (procédure introduite par le CSA comme préalable à la mise en demeure), il fait un usage particulièrement limité de son pouvoir de sanction, comme l’avait déjà relevé le rapporteur dans son rapport sur le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public.

Interrogé sur ce point par le rapporteur, le CSA apporte les éléments de réponse suivants :

« En premier lieu, il faut rappeler que dans l’esprit même de la régulation, la sanction constitue un dernier recours (voire, comme le Président l’a dit à plusieurs reprises, la marque d’un échec). Le CSA dispose, en amont de la sanction, d’une gamme d’instruments (lettres de rappel, mises en garde, négociation d’engagements, conciliation, règlement des différends, recommandations, chartes…) qui lui permettent de veiller au respect des principes dont la loi de 1986 lui confie la garde. L’automaticité de la sanction, caractéristique de la réglementation et du contrôle judiciaire, est contraire à l’esprit même de la régulation.

La rédaction de l’article 42-1 de la loi de 1986 relatif au pouvoir de sanction du CSA indique clairement que le Conseil dispose d’une marge d’appréciation (« Si la personne faisant l’objet de la mise en demeure ne se conforme pas à celle-ci, le CSA peut prononcer à son encontre, … »). Le juge constitutionnel (décision n° 88-248-DC) comme le juge administratif (CE 26 novembre 2012 concernant la mise en demeure et CE 6 avril 1998 concernent l’engagement d’une procédure de sanction) ont d’ailleurs confirmé cette absence d’automaticité : la loi laisse au CSA le soin d’apprécier si, compte tenu des circonstances et de la nature des manquements constatés, il y a lieu de recourir à la procédure de sanction (sous le contrôle du juge, qui se borne en la matière à vérifier l’absence d’erreur manifeste d’appréciation).

Enfin, lorsqu’une procédure est engagée après le constat d’un manquement, les délais pour aboutir à une décision peuvent apparaître assez longs, notamment du fait de l’obligation de mise en demeure préalable (imposée dès 1989 par une réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel et introduit explicitement dans la loi en 2000) et des nouvelles obligations procédurales en la matière (introduites par la loi du 15 novembre 2013 pour assurer la séparation entre les poursuites et l’instruction d’une part, et la sanction d’autre part). En particulier, depuis 2013, le collège n’est plus maître de l’engagement des poursuites, qui relève du rapporteur indépendant (qui est saisi par le directeur général de tout fait susceptible de constituer un manquement).

De manière concrète, ses statistiques relatives à l’exercice du pouvoir de sanction contredisent clairement l’idée selon laquelle le CSA serait un régulateur « laxiste » : pour la seule année 2014, il a prononcé 42 mises en demeure (23) (et aucune sanction, ce qui s’explique naturellement par l’entrée en vigueur de la nouvelle procédure et les délais nécessaires à l’instruction des manquements par le rapporteur indépendants). À ce jour, 16 affaires ont été transmises au rapporteur, qui a engagé 9 poursuites, dont 6 sont toujours en cours d’instruction ; une a donné lieu à sanction, 2 ont débouché sur une mise hors de cause (dont une a été suivie immédiatement d’une nouvelle mise en demeure) ».

Si la sanction doit être interprétée comme « la marque d’un échec » de la régulation, le rapporteur n’est pas convaincu que l’absence de sanction soit toujours la marque d’une régulation pleinement satisfaisante, comme le montrent plusieurs polémiques récentes.

b. Le contrôle de la publicité sur Radio France

Dans un article publié dans Télérama le 12 octobre 2015, « Pub à Radio France : vous prenez combien de spots avec votre café ? », Mme Aude Dassonville, s’étonnait : « Mardi dernier, le tribunal de commerce de Paris a condamné Radio France pour avoir diffusé, “de manière répétée”, des publicités qu’on ne devrait entendre que sur les radios privées. Cette décision aurait pu faire suite à une remontrance du Conseil supérieur de l’audiovisuel, le “gendarme” du secteur, premier habilité à dire si l’entreprise publique respecte son cahier des charges. Mais non. Comme nous l’expliquions déjà il y a quelques mois, l’instance n’est généralement pas très sévère envers Radio France, quand elle manque à ses devoirs publicitaires ».

La condamnation de Radio France par le tribunal de commerce de Paris du 6 octobre 2015 pour avoir commis des actes de concurrence déloyale en diffusant « de manière répétée des publicités hors du domaine autorisé de son cahier des missions et des charges » (dont les articles 32 à 34 ne l’autorisent qu’à diffuser des messages de publicité collective et d’intérêt général) ne peut que susciter des interrogations sur la manière dont le CSA conçoit son rôle de régulateur.

Interrogé sur l’absence de sanction, le CSA indique « veiller scrupuleusement » au respect des articles 32 à 34 du cahier des missions et des charges de Radio France. Il met néanmoins en avant le fait que l’application de ces textes est rendue difficile par leur ambiguïté, source d’insécurité juridique : « En effet, l’article 33 énumère les quatre catégories de messages entrant dans le périmètre de la publicité collective et d’intérêt général ; l’une de ces catégories, “la publicité effectuée par des organismes publics ou parapublics”, suscite une divergence d’appréciation récurrente entre Radio France et le CSA. En effet, pendant longtemps, le Conseil a adopté une interprétation souple autorisant notamment la publicité pour les produits et services d’entreprises en situation de monopole ; à partir de 2013, il a durci sa position, dans un sens plus conforme à la lettre du texte, et considéré que pour être qualifié de public ou parapublic, il fallait qu’un organisme exerce des missions de service public ou d’intérêt général et que son capital soit majoritairement détenu par l’État. Il est donc intervenu à propos de publicité en faveur de La Poste Mobile ou des assurances Pacifica ».

Si le cahier des missions et des charges de Radio France a besoin d’être rénové et présente effectivement certaines ambiguïtés, il convient de relever que Radio France a été condamnée par le tribunal de commerce de Paris pour avoir diffusé des publicités de marques de petit électroménager comme Seb ou pour l’opticien Krys, le tribunal ayant souligné que ces « noms de marques prohibés » représentent « plus du quart des recettes publicitaires annuelles du groupe Radio France, hors parrainages, » et « ne constituent donc pas des exceptions marginales ».

Face à cette situation, le CSA indique néanmoins n’être « pas resté inerte » et avoir adressé en 2012 quatre mises en garde à Radio France pour non-respect des règles relatives à la publicité. En ce qui concerne l’absence de sanction, le CSA indique qu’« elle tient avant tout aux contraintes de la procédure : obligation de mise en demeure préalable (le Conseil a ainsi infligé à Radio France une mise en demeure en juin 2012 à propos de publicités diffusées sur France Bleu Orléans) et saisine du rapporteur indépendant (ce que le directeur général a fait, à la suite d’une plainte adressée par le SIRTI juin 2014 et suivie de trois relances successives). Le rapporteur indépendant, qui a rendu son rapport le 4 septembre dernier, ne propose d’ailleurs pas de sanction, car il estime qu’une mise en demeure adressée à Radio France pour une publicité irrégulière sur France Bleu Orléans ne peut servir de base à une sanction pour une publicité irrégulière sur France Bleu Lorraine ».

Cette justification n’apparaît pas pleinement satisfaisante. Comme l’a reconnu le rapporteur indépendant auditionné par le rapporteur, c’est le caractère particulièrement ciblé des mises en demeure prononcées par le CSA qui neutralise de facto l’exercice du pouvoir de sanction. Il suffirait donc que le CSA prononce des mises en demeure à caractère plus général, par exemple pour « publicité irrégulière sur les antennes de France Bleu », pour que celles-ci puissent servir de base à une sanction en cas de réitération…

En tout état de cause, un travail de modification du cahier des missions et des charges de Radio France est en cours avec l’objectif de « sécuriser juridiquement » ses recettes publicitaires. Cette réforme devrait conduire à un élargissement significatif des annonceurs autorisés en contrepartie d’un plafonnement plus strict du volume de publicité diffusée. L’objectif étant de sécuriser et non d’accroître les recettes publicitaires de Radio France afin de ne pas déstabiliser ses concurrents privés, il conviendra donc que le Parlement soit beaucoup plus attentif à ce que le CSA fasse respecter le nouveau cadre.

c. Le contrôle du respect des quotas de chansons françaises

Ce sujet a donné lieu à de nombreux débats dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine.

Dans un communiqué de presse du 29 septembre 2015, Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, a été violemment prise à partie par les radios des groupes Lagardère, NRJ et RTL ainsi que les radios indépendantes membres du SIRTI pour avoir déclaré que la loi sur les quotas de chansons francophones n’était pas respectée. La déclaration de la ministre était qualifiée de « mensongère mais aussi diffamante » en considération du fait que le CSA, « en charge du respect des quotas, n’a prononcé que deux mises en demeure ces dix dernières années ».

À l’initiative du Président de notre commission, rapporteur du projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, l’Assemblée nationale a adopté un amendement à ce projet de loi tendant à ce que le CSA rende compte à la représentation nationale du respect de ces quotas.

Comme l’indique le Président Patrick Bloche dans son rapport sur ce projet de loi (24), « depuis leur introduction par la loi du 1er février 1994, les dispositions relatives aux quotas de chanson française ont régulièrement donné lieu à des débats entre la filière musicale et les radios. Ces débats tiennent essentiellement à l’adaptation des quotas à certains formats radiophoniques, à la concentration des titres diffusés et à la promotion des nouveaux talents. Plus récemment cependant, des doutes ont été émis sur la réalité du respect de ces dispositions par les opérateurs radiophoniques et sur le contrôle de leur respect par le Conseil supérieur de l’audiovisuel. Il appartient pourtant à l’instance de régulation de veiller à la bonne application de la loi et d’en sanctionner les manquements. Elle est à cette fin dotée d’un pouvoir de sanctions administratives. Afin que les éléments de ce débat puissent être tout à fait objectifs, le présent article vise à obliger le CSA à en rendre précisément compte à la représentation nationale, dans le cadre du rapport qu’il présente annuellement en application de l’article 18 de la loi du 30 septembre 1986, et à propos duquel le Président du CSA est auditionné par les commissions permanentes chargées des affaires culturelles de chaque assemblée. Le CSA pourra ainsi faire le bilan précis du respect de ces quotas. S’ils ne sont pas respectés, le Parlement devrait être informé des raisons de ce non-respect et des conséquences que l’instance de régulation en a tirées ».

Interrogé par le rapporteur sur la manière dont il fait respecter les quotas, le CSA indique que son contrôle « repose sur des relevés mensuels effectués par un prestataire externe (le Conseil n’a pas les moyens d’effectuer lui-même ces relevés) concernant un échantillon de radios (un contrôle exhaustif des 851 radios privées serait beaucoup trop coûteux). La composition du panel de contrôle, définie par le groupe de travail, répond à la fois à des critères d’audience, aux plans national et local, et de diversité des formats et des opérateurs. Au « panel fixe » des 16 radios systématiquement contrôlées s’ajoute un « panel tournant » de 10 stations qui est renouvelé chaque trimestre (et qui a permis, depuis sa mise en place, de contrôler 130 radios différentes).

Lorsqu’il intervient, le Conseil utilise successivement la mise en garde (23 en 2014), puis la mise en demeure (la dernière remonte à 2010). La majorité des manquements concerne les radios du panel tournant (ce qui illustre la pertinence de ce système et l’efficacité liée à l’effet de surprise – les radios ne sont pas prévenues de leur insertion dans le panel tournant). À ce jour, le Conseil n’a pas été conduit à saisir le rapporteur indépendant pour qu’il engage des poursuites.

Il n’existe à ce jour aucune publicité particulière sur le respect des quotas, même si le rapport annuel du Conseil y consacre chaque année un bref passage. L’amendement de M. Patrick Bloche au projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine vise précisément à améliorer la transparence sur ce point et le Conseil ne saurait y être défavorable. Cela le conduirait probablement à expliciter davantage sa doctrine de contrôle et d’intervention en la matière (composition du panel fixe et du panel tournant, marges de tolérance…) ».

Dans un rapport de décembre 2013, L’exposition des musiques actuelles par les radios musicales privées, état des lieux et perspectives, le CSA apportait les précisions suivantes : « En 2011, le Conseil avait prononcé onze mises en garde pour non-respect des obligations conventionnelles en matière de diffusion de chansons d’expression française, notamment à l’encontre de Contact et de Oüi FM ; en 2012, il a prononcé vingt-cinq mises en garde, dont 22 à l’encontre de radios du panel tournant telles Nova, les trois stations du panel fixe concernées par ces décisions étant Contact, Hit West et Oüi FM ; il est à noter que les taux de diffusion de chansons d’expression française observés sur Nova en 2012 ont été extrêmement bas : 7,9 % en mars, 10 % en avril, 10,2 % en mai et 11,4 % en juin. Les mises en garde, plus nombreuses en 2012, sont dues notamment au fait que l’élargissement du panel tournant à un plus grand nombre de radios a permis d’alerter certaines d’entre elles, auparavant rarement contrôlées par le CSA, sur le fait qu’elles ne respectaient pas leurs engagements conventionnels en matière de quotas de chansons d’expression française. (…) Sur le premier trimestre 2013, deux stations se démarquent par leur non-respect persistant de leurs obligations en matière de chansons d’expression française : Contact et Oüi FM. »

Ces éléments montrent que l’absence de sanction du CSA n’est pas justifiée par un respect scrupuleux de la loi par les radios. La réponse du CSA souligne un nombre relativement important de mises en garde, un nombre dérisoire de mises en demeure (une seule depuis 2010 !) et l’absence de sanction sans expliciter les suites qui ont été données à ses mises en garde. Il reconnaît l’existence de « marges de tolérance » mais aussi « l’absence de publicité » sur le respect des quotas, l’exercice demandé de transparence étant renvoyé à plus tard.

Tout cela ne peut qu’inciter le rapporteur à prononcer une « mise en garde » à l’encontre du CSA sur la manière dont il exerce la mission que lui a confiée le législateur. Si le rapporteur juge tout à fait légitime et souhaitable que le CSA formule des propositions précises d’évolution de la législation relative aux quotas, on ne saurait se satisfaire qu’il ne rende pas des comptes plus précis sur la manière dont il fait respecter la législation existante.

2. Vers une régulation plus transparente et une gestion plus irréprochable du domaine public hertzien

La loi du 15 novembre 2013 a également introduit des dispositions destinées à accroître la transparence de la régulation opérée par le CSA et, avant même l’annonce du projet de vente de la chaîne Numéro 23, à mieux encadrer le phénomène de spéculation portant sur le domaine public hertzien. Le rapporteur souhaite à cet égard formuler plusieurs observations.

a. Vers une régulation plus transparente

Pour assurer une plus grande transparence de l’action du CSA, le législateur a souhaité qu’il rende davantage compte de son action et de ses impacts lors de la publication de son rapport annuel.

Ainsi, l’article 18 de la loi du 30 septembre 1986 a-t-il été complété afin de préciser les questions dont le rapport public annuel du CSA doit faire état. Il a en particulier été précisé que ce rapport doit rendre compte de l’impact, notamment économique, des décisions d’autorisation d’usage de la ressource radioélectrique.

L’avis de Mme Martine Martinel sur les crédits en faveur de l’audiovisuel dans le projet de loi de finances pour 2013 ayant notamment dénoncé l’absence de transparence sur le contrôle du respect du plafond de concentration auquel les groupes radiophoniques sont soumis en application de l’article 41 de la loi du 30 septembre 1986, le législateur a souhaité que le rapport annuel du CSA « comporte une présentation des mesures prises en application des articles 39 à 41-4 visant à limiter la concentration et à prévenir les atteintes au pluralisme. Il comporte notamment un état détaillé présentant la situation des entreprises audiovisuelles concernées à l’égard des limites fixées par ces mêmes articles ».

En outre, afin de renforcer le contrôle du Parlement sur la manière dont le CSA exerce ses missions, la loi a prévu que son rapport annuel soit présenté chaque année par le président de l’autorité devant les commissions permanentes chargées des affaires culturelles de chaque assemblée parlementaire et précisé que chaque commission peut adopter un avis sur l’application de la loi.

Le rapporteur se félicite du renforcement de la transparence de l’action du CSA opéré par la loi.

Les auditions annuelles du président de l’autorité apparaissent à cet égard comme un rendez-vous particulièrement utile. Elles ont permis au Parlement de l’interpeller sur de nombreux sujets : évolution du mode de calcul du plafond de concentration applicable aux groupes radiophoniques, conditions de nominations des présidents de l’audiovisuel public, contrôle du pluralisme, lancement de la radio numérique terrestre (RNT), transfert de la bande dite des 700 MHz, vente de la chaîne Numéro 23, etc.

S’il a été reproché au CSA que le premier rapport annuel présenté après la promulgation de la loi comporte davantage de propositions d’évolution de la législation que d’éléments tendant à mieux rendre compte de son application (25), le deuxième rapport doit être salué pour la qualité des développements qu’il comporte, en particulier sur le respect des mesures anti-concentration et l’impact économique des décisions du CSA (26).

Les développements qui précèdent montrent néanmoins que des efforts de transparence accrus sont encore nécessaires sur plusieurs aspects de la régulation.

b. Les règles applicables en cas de modification de la composition du capital des titulaires d’autorisation : un cadre à préciser ?

Le premier alinéa de l’article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 permet au CSA de retirer des autorisations, sans mise en demeure préalable, en cas de modification substantielle des données au vu desquelles elles ont été délivrées, notamment des changements intervenus dans la composition du capital social des titulaires des autorisations.

Antérieurement à la loi du 15 novembre 2013, lorsque le CSA décidait de ne pas retirer l’autorisation, une procédure d’agrément n’était explicitement prévue que dans le cadre d’un changement du titulaire de l’autorisation d’exploiter un service de radio au profit de la société mère ou de la société filiale éventuellement accompagné d’un changement de catégorie.

À l’initiative du rapporteur, la loi a conforté la base juridique de la procédure d’agrément mise en œuvre par le Conseil en cas de modification de la composition du capital social d’une société titulaire d’une autorisation. Le cinquième alinéa de l’article 42-3 prévoit ainsi que tout éditeur de services détenteur d’une autorisation délivrée en application des articles 29, 29-1, 30-1 et 96 doit obtenir un agrément du CSA « en cas de modification du contrôle direct et indirect, au sens de l’article L. 233-4 du code de commerce, de la société titulaire de l’autorisation ». Cet agrément fait l’objet d’une décision motivée et doit, dans certains cas, être précédé d’une étude d’impact (27).

Cette disposition vise à permettre d’organiser l’information du CSA sur les modifications susceptibles de donner lieu au prononcé d’une mesure de retrait et de donner une base législative aux agréments que le conseil délivrait déjà aux modifications n’apparaissant pas de nature à remettre en cause les choix opérés lors de l’appel aux candidatures. Il appartient en particulier au CSA d’apprécier dans ce cadre si les modifications envisagées sont de nature à compromettre l’impératif de pluralisme et l’intérêt du public eu égard, le cas échéant, aux engagements pris par les opérateurs intéressés pour en atténuer ou en compenser les effets notamment économiques et en matière de concurrence. Ainsi, l’agrément doit-il notamment tenir compte des conditions économiques et financières du secteur.

Il convient de souligner que la loi n° 2015-1267 du 14 octobre 2015 relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre a conditionné la délivrance de l’agrément au respect par l’éditeur, dans les deux années qui précèdent, de ses obligations conventionnelles relatives à la programmation du service.

En réponse au phénomène de spéculation sur les fréquences du domaine public hertzien, cet agrément devait également servir de fait générateur à une taxe sur la cession de titres d’un éditeur de service de communication audiovisuelle (28), laquelle a été instituée par la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013.

L’article 1019 du code général des impôts prévoit ainsi que tout apport, cession ou échange de titres ayant fait l’objet d’un agrément dans les conditions prévues au cinquième aliéna de l’article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 « est soumis à une taxe assise sur la valeur des titres apportés, cédés ou échangés. Cette taxe est due par la personne ayant, au terme des apports, cessions ou échanges réalisés sur ses titres, transféré le contrôle de la société titulaire de l’autorisation d’usage de la ressource radioélectrique. La taxe s’applique à l’ensemble des apports, cessions ou échanges dont le cumul au cours de six mois a atteint un montant au moins égal à dix millions d’euros et a abouti au transfert de contrôle de la société titulaire de l’autorisation ». Pour mémoire, à la suite de la violente polémique qui a suivi l’annonce d’une vente de numéro 23, la loi précitée relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre a relevé le taux de cette taxe.

Le rapporteur s’interroge sur la nécessité de préciser et d’adapter encore ce cadre juridique, en particulier les modalités de calcul de la taxe.

Il s’interroge également, au regard d’opérations en cours ou à venir (les groupes NextRadioTV et Altice ont en particulier annoncé en juillet dernier leur rapprochement, en conséquence duquel NextRadioTV sera détenu à 51 % par Alain Weill et 49 % par Altice), sur de possibles risques de contournement ou d’atténuation du montant de la taxe sur la cession de titres d’un éditeur de service de communication audiovisuelleet de l’agrément introduit à l’article 42-3. Le champ d’application de l’agrément se limite en effet aux changements de contrôle direct et indirect et pourrait légitimement s’appliquer à un champ plus large de modifications du capital social d’une société titulaire d’une autorisation.

Enfin, il serait favorable à l’introduction dans la loi d’une durée de détention minimale.

c. Les interrogations fondamentales soulevées par l’affaire Numéro 23

Le scandale légitimement provoqué par l’annonce d’un projet de vente de la chaîne Numéro 23 au groupe NextRadioTV pour près de 90 millions d’euros, en avril 2015, soit deux ans et demi après sa création (délai fixé par le CSA dans la convention de la chaîne) a également donné lieu à des accusations et mises en cause très graves sur la manière dont le CSA exerce sa mission de régulation.

Cette opération s’est à l’évidence inscrite dans une optique de spéculation sur des fréquences qui relèvent du domaine public hertzien. Comme l’a dénoncé publiquement M. Rachid Arhab, membre du collège du CSA au moment de l’autorisation de la chaîne, « la diversité n’a été qu’un prétexte pour obtenir la fréquence (…). L’unique objectif des porteurs de ce projet était de planifier une belle opération financière. Le fait que cette vente intervienne juste après la fin des deux ans et demi minimum de détention d’une chaîne avant sa cession est assez parlant. » (29)Le fait que le CSA ait jugé nécessaire d’introduire, dans la convention de la chaîne, de façon totalement inédite, un délai de deux ans et demi avant une éventuelle cession, ne peut qu’interroger sur sa connaissance de l’objectif réel de l’opération.

Au surplus, les obligations, particulièrement peu ambitieuses, exigées par le CSA en contrepartie de l’attribution gratuite d’une fréquence du domaine public n’ont pas été remplies par la chaîne, sans que le régulateur ne s’en émeuve avant le déclenchement d’une polémique sans précédent.

Lors de l’audition du président du CSA par notre commission le 7 avril 2015, le rapporteur s’était interrogé : « à l’article 3-1-1 de sa convention, la chaîne se présente comme la chaîne de la diversité. Que faut-il entendre par ce terme ? (…) Je m’interroge sur les largesses de cette ligne éditoriale. Dans la réalité, la programmation est essentiellement composée de magazines de société, d’émissions de téléréalité, de séries américaines et de films à faibles entrées. Sur quel critère se fonde le CSA pour considérer dans son dernier bilan relatif à la chaîne, que l’exigence de diversité est satisfaite ? » Cette question est malheureusement demeurée sans réponse.

Le bilan 2013 de la chaîne soulignait par ailleurs que les quotas cinéma étaient « tous inférieurs, de façon importante, aux obligations du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 modifié » et que « les quotas d’œuvres audiovisuelles sont respectés à l’exception du quota d’œuvres européennes aux heures de grande écoute ». N’est-il pas regrettable, eu égard au caractère très peu ambitieux de la convention que le CSA a signée avec la chaîne, qu’il ait fallu attendre juin 2015 et le déchaînement d’une violente polémique sur sa vente, pour que le CSA lui adresse deux mises en demeure concernant le non-respect de ses obligations réglementaires et conventionnelles de diffusion d’œuvres cinématographiques ?

L’affaire Numéro 23 a ainsi soulevé des interrogations fondamentales sur la manière dont le CSA exerce son pouvoir de gestion et d’attribution des fréquences.

Dans la partie thématique de son avis sur les crédits en faveur de l’audiovisuel dans le projet de loi de finances pour 2013 consacrée à la politique du CSA en matière de gestion des fréquences, notre collègue Martine Martinel dressait de la TNT gratuite un bilan mitigé en termes de qualité des contenus, de financement de la création et de diversité des acteurs et des formats éditoriaux. Le rapporteur partage ce constat. Or le CSA est comptable de la qualité de la plateforme hertzienne. Il doit répondre de la cohérence du paysage audiovisuel, du choix des acteurs autorisés, de l’ambition des conventions signées avec eux et du respect de leurs obligations, autant d’exigences qui justifient la gratuité de l’utilisation des fréquences du domaine public hertzien par les acteurs audiovisuels. Or, la dégradation de la qualité de la plateforme hertzienne menace le principe même de gratuité des fréquences (30) et avec elle les fondements mêmes de la politique nationale de soutien à la création.

De ce point de vue, le rapporteur estime que l’affaire Numéro 23 constitue un cas d’école qui a contribué à jeter le discrédit sur l’ensemble de la politique audiovisuelle et mis en lumière une série de graves manquements et d’interrogations, que la sanction « historique » du 14 octobre 2015 d’abrogation de l’autorisation de diffusion accordée le 3 juillet 2012 ne suffit pas à « purger ».

S’agissant d’une autorité administrative indépendante, seul le Parlement est habilité à « sanctionner » l’erreur, si ce n’est la faute, qu’a constituée l’attribution d’une fréquence au projet Numéro 23. À cet égard, les accusations portées dans la presse par différents acteurs ainsi que les questions soulevées par des parlementaires et demeurées sans réponse sur les conditions d’attribution de l’autorisation sont suffisamment graves pour que le rapporteur sollicite la mise en place d’une commission d’enquête.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation procède à l’examen du rapport d’information, présenté par M. Marcel Rogemont, rapporteur, lors de sa séance du 20 janvier 2016.

M. le président Patrick Bloche. Mes chers collègues, comme vous le savez, la loi du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public a considérablement renforcé les pouvoirs du CSA, tant à l’égard du service public audiovisuel – tout particulièrement en lui restituant la compétence de nomination des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et France Médias Monde, qu’en ce qui concerne le secteur privé, en en faisant un véritable régulateur économique de l’audiovisuel.

C’est pourquoi nous avons souhaité, en parallèle, accroître le contrôle mené par le Parlement sur l’exercice de ses missions par le CSA, en faisant figurer, à notre propre initiative, à l’article 18 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, la possibilité pour les commissions compétentes de chaque assemblée de formuler un avis sur l’application de la loi par le CSA. L’article précise que cet avis, adressé au Conseil et rendu public, pourra « comporter des suggestions au CSA pour la bonne application de la loi ou l’évaluation de ses effets ». Cette disposition, qui constitue l’une des nombreuses innovations de la loi du 15 novembre 2013, connaît donc aujourd’hui sa première application, deux ans après l’entrée en vigueur de ce texte important.

Le 7 avril dernier, notre Commission a confié la responsabilité de ce rapport à notre collègue Marcel Rogemont, qui était sans doute le mieux placé pour cela, puisqu’il avait été le rapporteur du texte de 2013. Monsieur le rapporteur, après avoir procédé à de très nombreuses auditions depuis le printemps dernier, vous avez rédigé un rapport très détaillé, adressé en début de semaine aux membres de la commission, et aboutissant à une vingtaine de recommandations recouvrant l’ensemble des nouvelles compétences attribuées au CSA par la loi du 15 novembre 2013. Vous avez maintenant la parole pour nous présenter ce rapport.

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Je veux, en premier lieu, remercier la Commission d’avoir pris l’initiative d’un rapport sur l’application de la loi par le Conseil supérieur de l’audiovisuel. Il importe en effet de rappeler que la volonté de renforcer le contrôle du Parlement sur le CSA, qui compte parmi les autorités administratives indépendantes les plus importantes du paysage institutionnel, constitue un acquis majeur de la loi du 15 novembre 2013. Eu égard aux constats que je formule dans le présent rapport, je ne peux qu’appeler la Commission à poursuivre et approfondir cet effort de contrôle démocratique, pour toutes les autorités administratives indépendantes dépendant de notre commission.

L’objet du rapport que je vous présente est de rendre compte de l’application de la loi du 15 novembre 2013. La question de savoir si le CSA est, ou non, le mieux à même de désigner les présidents des entreprises publiques de l’audiovisuel, est peut-être une bonne interrogation, mais ne correspond pas à l’objet de ce rapport. Cependant, convenons d’une part que cette nomination par le CSA a le mérite de mettre le pouvoir politique à distance dans le processus de nomination des dirigeants de l’audiovisuel public, ce qui était le but recherché par la loi ; d’autre part, que la nomination par le CSA n’a pas été fondamentalement contestée entre 1983 et 2009.

Les auditions auxquelles j’ai procédé m’ont conduit à considérer que le « mélange des genres » dont a été crédité le CSA dans les nominations résulte plutôt de l’attribution à celui-ci de certaines nouvelles prérogatives. En effet, alors que le projet de loi initial se contentait de restituer au régulateur sa compétence de nomination, le Parlement a souhaité confier au CSA des pouvoirs importants en matière de définition des orientations stratégiques de l’audiovisuel public et de contrôle de leur mise en œuvre.

Le CSA est ainsi chargé de choisir, au-delà d’un candidat, un projet stratégique. Il rend des avis sur les contrats d’objectifs et de moyens (COM), et doit aussi établir un bilan quadriennal de l’action des dirigeants nommés au regard de leur projet stratégique – j’insiste sur ce point : autant de compétences données au CSA ayant abouti à une confusion des rôles des uns et des autres dans la définition stratégique de l’audiovisuel public.

Mon rapport considère les deux grands aspects de la loi du 15 novembre 2013. Sa première partie est consacrée aux nominations, et sa seconde, à la nouvelle régulation.

Pour ce qui est des nominations, le fait qu’elles se fassent sur la base d’un projet stratégique est source d’une grande confusion et de trop nombreux inconvénients, comme l’ont dit toutes les personnes que j’ai auditionnées, pour que le système soit laissé en son état actuel. Au moment de l’examen du projet de loi, j’avais exprimé des réserves sur ce principe et appelé à l’élaboration par l’État actionnaire d’une lettre de mission précise en amont de la procédure de nomination.

L’expérience de Radio France a illustré avec force la difficulté d’asseoir une nomination sur un projet stratégique : elle a montré que les projets sont élaborés par les candidats sans que ceux-ci aient une connaissance réelle des données de l’entreprise, et sans qu’ils en discutent avec les tutelles ni avec les salariés – qui sont extrêmement perplexes sur l’idée de juger une candidature sur la base d’un projet stratégique « hors-sol ».

Pourtant, la principale justification avancée par le CSA pour son choix du président de Radio France fut la qualité du projet stratégique présenté : « Le Conseil a porté son choix sur M. Gallet, dont le projet stratégique lui est apparu comme le mieux à même de préparer Radio France à résoudre les questions auxquelles elle sera confrontée au cours des cinq années à venir (...). Ce projet est porté par une vision claire de la gouvernance de l’entreprise, de la politique de ressources humaines et du dialogue social ». Excusez du peu !

La loi, par ailleurs, donne instruction au CSA de produire un bilan quadriennal sur la base de ce projet stratégique. Je rappelle que le CSA a souhaité ne rendre public qu’une synthèse du projet de M. Mathieu Gallet, rendant ainsi encore plus opaque la nomination sur la base d’un projet stratégique, et mettant à mal la nécessaire transparence de son évaluation au bout de quatre ans.

Convenons qu’au moment de la nomination, ni le candidat, ni le Conseil n’avaient une vision suffisamment éclairée de la situation, notamment financière, de l’entreprise : il s’agissait donc vraiment d’une opération « hors-sol ». Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que le CSA ait été mis en cause pour le choix d’un président et donc d’un projet stratégique controversé, jugé inadapté ou insuffisamment nourri par le dialogue social.

Pour ce qui est de la nomination du président de France Télévisions, pour tenter de fonder le choix d’un projet stratégique sur un diagnostic de la situation de l’entreprise, le CSA a souhaité réaliser en amont un bilan quadriennal de l’action de M. Rémy Pflimlin. Quant à l’État, sur la proposition du Président de la République, il a légitimement souhaité cadrer le choix d’un projet stratégique en élaborant une feuille de route sur la base des conclusions d’un groupe de travail confié à M. Marc Schwartz. Je m’en félicite : le CSA a ainsi en grande partie recentré implicitement la nomination sur des critères de compétence managériale et d’expérience, le projet stratégique passant au second plan, comme le montre clairement la motivation de la décision concernant Mme Delphine Ernotte.

Pour pouvoir faire appel aux compétences les plus larges, le CSA a d’ailleurs choisi de préserver, et même de renforcer la confidentialité de la procédure, en ne publiant pas la liste des postulants. Ceci n’a pas empêché, comme vous le savez, une abondante critique de la procédure mise en œuvre, en particulier pour son opacité ou son caractère antidémocratique.

La nécessité d’ajuster la procédure est unanimement reconnue, notamment par le CSA lui-même, qui juge nécessaire d’ouvrir un débat sur la publicité du processus fondé sur un projet stratégique, et appelle le législateur à lui envoyer un message clair sur ce point. Ma conviction est que le mélange des genres résulte en réalité de l’attribution au CSA, indépendamment de l’État, d’un rôle inédit dans la définition des objectifs de l’audiovisuel public, et que c’est cet aspect qui doit être corrigé. C’est pourquoi je propose tout d’abord de supprimer toute référence, dans l’article 47-4 de la loi du 30 septembre 1986, à un projet stratégique dans les critères de nomination, car ce projet est source de beaucoup plus d’inconvénients que d’avantages.

Au plan des principes tout d’abord, le projet stratégique d’un opérateur ne peut résulter que d’un dialogue entre sa direction et l’État actionnaire, sous le contrôle du Parlement, tous deux responsables de son financement. La transparence démocratique censée résulter d’un choix fondé sur un projet stratégique n’est pas de la responsabilité du CSA, mais bien du Gouvernement et du Parlement dans l’élaboration d’une lettre de mission.

En outre, un projet stratégique doit nécessairement faire l’objet d’une consultation des personnels qui le font vivre, ce que ne favorise pas du tout le système actuel, dans lequel l’entreprise reste à côté du projet stratégique. Je note d’ailleurs que dans les faits, les tutelles et la direction de l’entreprise ne s’estiment pas liées par ce document : ainsi le nouveau COM de Radio France s’affranchit-il très largement des engagements figurant dans la synthèse du projet stratégique du candidat. Dans son avis sur ce COM, le CSA prend d’ailleurs acte de la valeur toute relative du projet stratégique qu’il a lui-même sélectionné, puisqu’il ne relève aucun des nombreux décalages entre les deux documents.

Par ailleurs, comment comprendre que, conformément à la loi, le CSA évalue l’action du dirigeant à l’issue de quatre ans de mandat, à l’aune d’un projet stratégique pour Radio France dont personne, en dehors du CSA, n’a eu connaissance de la version complète ? Il faudra impérativement corriger la loi sur ce point pour que le dirigeant soit évalué sur la base des seuls documents qui l’engagent vraiment, à savoir son COM et son cahier des charges.

Le CSA n’est d’ailleurs pas en mesure de distinguer un document d’orientation personnel d’un travail de consultant éventuellement effectué à titre onéreux. Le risque est d’ailleurs bien réel que tous les projets stratégiques, constitués d’une compilation des rapports existants, ne finissent par se ressembler – au point que certains candidats puissent en accuser d’autres de plagiat.

Je relève aussi que le président en place, qui a accès à toutes les données et ressources de l’entreprise, se trouve singulièrement avantagé, si ce n’est en position de rédiger le seul projet pertinent. Enfin, une telle situation alimente inutilement la polémique sur l’opacité des critères, en l’absence de publication de tous les projets stratégiques. C’est pourquoi je propose que le choix du CSA soit clairement recentré sur des critères de compétence et d’expérience, comme ce fut le cas entre 1982 et 2009.

Je formule également plusieurs propositions destinées à favoriser la stabilité et la continuité stratégique à la tête des entreprises de l’audiovisuel public. De nombreux acteurs, en particulier les salariés des entreprises, mais aussi les concurrents privés, m’ont interpellé sur l’instabilité chronique dont souffre l’audiovisuel public, un phénomène favorisé par le système actuel. En effet, compte tenu du temps nécessaire pour prendre les rênes de l’entreprise, un dirigeant ne dispose dans les faits que de trois années effectives pour mener à bien des réformes avant que d’autres ne commencent à faire campagne contre lui. Ce n’est pas raisonnable.

Je note de plus que l’absence de cadrage précis des attentes par l’actionnaire aggrave le phénomène : le temps nécessaire pour élaborer un COM une fois le dirigeant nommé réduit encore plus le temps dont il dispose pour mener à bien des réformes. Ainsi, Mathieu Gallet, désigné le 27 février 2014, a pris ses fonctions fin mai 2014 et le COM a été signé en décembre 2015, soit dix-huit mois après sa prise de fonctions. Par ailleurs, nous attendons toujours le COM de France Télévisions, alors que la désignation de Delphine Ernotte date du 23 avril 2015 : sans doute faudra-t-il attendre plus d’un an pour que la personne choisie dispose d’un document lui permettant de remplir effectivement sa fonction de président.

Au moment de l’examen du projet de loi, j’avais aussi émis des réserves sur l’introduction d’une période de « tuilage », consistant à nommer un nouveau président trois à quatre mois avant sa prise de fonctions. Le bilan de cette mesure montre qu’elle entraîne de réelles difficultés de gestion et soulève des questions juridiques importantes. Je propose par conséquent de la supprimer, et de faire en sorte que tous les mandats débutent un 1er janvier.

Pour ce qui est de la reconduction, je propose, comme je l’avais fait lors de l’examen du projet de loi, que le CSA se prononce d’abord sur la reconduction du président en place avant d’ouvrir un appel à candidatures, comme c’est la règle à la tête des entreprises privées et de tous les établissements culturels. Je note d’ailleurs qu’en prévoyant l’élaboration d’un bilan du dirigeant avant la fin de son mandat, le législateur a implicitement souhaité que le CSA se prononce sur l’opportunité de le reconduire. Ainsi, la plupart des observateurs n’ont pas manqué d’interpréter la tonalité très négative du bilan de M. Rémy Pflimlin comme une décision implicite de non-reconduction. Si ce bilan avait été bon, quel sens aurait eu la décision ayant pour conséquence d’ouvrir une période de forte incertitude à la tête de l’entreprise en laissant entendre un renouvellement, donc des ruptures stratégiques, qui fragilisent le service public ? Allons donc au bout de la logique du bilan quadriennal en invitant le CSA à conclure clairement ce bilan en indiquant s’il est pour ou contre le renouvellement du mandat du président.

Dans le même esprit, j’avais, au cours de l’examen du projet de loi, émis des interrogations sur le principe d’un avis du CSA sur les COM. Là encore, l’expérience a confirmé mes doutes. Comme je l’ai déjà dit, de manière générale, l’intervention accrue du CSA dans la définition des priorités stratégiques de l’audiovisuel public pose problème. J’y vois une belle illustration de la perturbation des équilibres institutionnels, caractérisée par un délitement de l’État et une perte de contrôle du Parlement, dénoncée par la récente commission d’enquête sénatoriale sur les autorités administratives indépendantes.

De fait, le nouveau rôle assigné au CSA entre en concurrence directe avec celui des tutelles, mais aussi du Parlement. Certains y voient même une « nouvelle tutelle ». Par ailleurs, le rôle accru du CSA dans la définition des orientations stratégiques du service public ne contribue aucunement à sa plus grande indépendance. Au contraire, il ajoute à la confusion des responsabilités – soulignée par le rapport de M. Marc Schwartz – et au phénomène des injonctions multiples et contradictoires dont souffre le service public.

Le premier avis du CSA sur le projet d’avenant au COM de France Télévisions en a donné une illustration frappante en septembre 2013. L’avis du CSA contestait en effet l’essentiel des orientations définies par l’entreprise et ses tutelles dans un contexte d’ajustement à la baisse de sa dotation. Il déplorait « de nombreuses insuffisances », « la réduction des investissements dans la production », « la diminution du volume des programmes régionaux », « la baisse de la production locale des programmes en outre-mer », « le manque d’ambition de la diversification et du développement des recettes numériques », et j’en passe.

De fait, cet avis édifiant a mis la direction de l’entreprise dans une situation où elle ne pouvait respecter les engagements pris à l’égard de l’État – exposés dans le COM –, c’est-à-dire celui qui la finance, sans déplaire à celui qui la nomme, et inversement : cette situation n’est à l’évidence pas satisfaisante.

Je note que, dans son bilan quadriennal de l’action de Rémy Pflimlin, le CSA a d’ailleurs fait le choix contestable de l’évaluer non seulement à l’aune de son COM, mais aussi à l’aune des préconisations qu’il avait lui-même formulées sur ce COM, dont je viens de rappeler quelques éléments. Une évaluation faite en fonction de deux documents qui se contredisent diamétralement ne peut que susciter la perplexité…

J’appelle donc à supprimer les avis du CSA sur les COM. À défaut, il conviendrait à tout le moins d’inviter le CSA à préciser très clairement sa grille d’analyse, afin d’éviter un examen à géométrie variable, comme ce fut le cas avec les avis sur les COM de Radio France, France Médias Monde et France Télévisions.

Je propose, enfin, de clarifier le champ du contrôle exercé par le CSA sur l’audiovisuel public, en particulier celui réalisé dans le cadre du bilan quadriennal.

Le pouvoir de révocation est régi par des dispositions législatives floues. J’appelle donc le CSA à élaborer une doctrine sur la manière dont il entend exercer ce pouvoir. À défaut, il ne serait pas inutile que le législateur précise un peu les conditions dans lesquelles ce pouvoir doit s’exercer.

Je formule également des observations sur les nominations par le CSA de personnalités indépendantes au sein des conseils d’administration des sociétés de l’audiovisuel public. Afin de renforcer cette instance, les acteurs insistent pour que le CSA nomme des profils beaucoup plus diversifiés et dotés d’une forte compétence financière et managériale, en ayant notamment davantage recours au secteur privé. Il conviendrait à cet égard que le CSA veille à ne pas nommer de personnalités issues de la fonction publique, cette situation n’étant pas conforme à la notion d’indépendance et à la loi de 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

J’en viens à la seconde partie de mon rapport, consacrée aux nouveaux pouvoirs de régulation du CSA.

En ce qui concerne la réforme du collège, je note tout d’abord que le bilan du nouveau mode de nomination des membres du CSA est particulièrement positif, et ne peut que contribuer à garantir l’indépendance du Conseil. En revanche, je regrette fortement l’absence de mise en œuvre de la volonté du législateur en ce qui concerne la nécessité pour le collège de faire respecter le secret des délibérations et le devoir de réserve de ses membres, alors que de nombreux manquements sont constatés. Il y va de la crédibilité et de la légitimité de l’institution, dont l’indépendance à l’égard des médias ne doit souffrir aucun doute.

En matière de régulation économique, les acteurs dressent globalement un bilan très positif de l’obligation accrue de prise en compte des équilibres économiques du secteur – c’est un volet important de la loi du 15 novembre 2013. Le recours accru à des études d’impact permet en particulier d’améliorer sensiblement l’information du Conseil, et de mieux objectiver et fonder ses décisions. Néanmoins, pour ne pas alourdir excessivement la régulation, le législateur a laissé au CSA des marges d’appréciation sur la nécessité de recourir à de telles études. Il lui appartient donc d’établir une doctrine claire sur ce point.

Comme je l’avais fait au cours des débats, j’insiste à nouveau sur la nécessité d’encadrer davantage les conditions dans lesquelles le Conseil peut différer le lancement d’appels à candidatures pour renforcer la sécurité juridique de la procédure.

La procédure d’agrément du passage d’une chaîne de la TNT payante au gratuit n’en finit pas de faire débat. J’avais, pour ma part, exprimé des réserves sur une procédure dérogatoire qui me semblait mettre à mal les principes fondamentaux du processus d’attribution des fréquences, d’ailleurs protégés par le droit européen. Mon rapport souligne que son application est effectivement d’une très grande complexité, aggravée par les surprenantes décisions du Conseil d’État du 17 juin 2015. Elle est également source d’une importante insécurité juridique pour le secteur, sans pour autant permettre de régler le dossier de la TNT payante de manière satisfaisante.

Comme vous le savez, le Conseil d’État a, de façon retentissante, annulé les décisions de refus du CSA de faire passer LCI et Paris Première en TNT gratuite, considérant que les études d’impact auraient dû être publiées par le CSA avant la décision, afin que les personnes intéressées puissent faire valoir leurs observations. Je m’interroge beaucoup sur les motifs des décisions prononcées par le Conseil d’État, qui me semble faire une interprétation particulièrement créative de la volonté du législateur – d’autant que sa position est susceptible de s’appliquer à toutes les procédures impliquant une étude d’impact. Je formule par conséquent des propositions d’ajustement, afin que les décisions prononcées n’aboutissent pas à une totale paralysie du CSA, qui serait obligé d’organiser des auditions avant de prendre la moindre décision.

La loi du 15 novembre 2013 a également réformé les pouvoirs de sanction du CSA, qui sont au cœur des compétences de régulation confiées par le législateur au Conseil. Je me suis intéressé à la manière dont le CSA, à travers l’usage de ce pouvoir, fait respecter aux opérateurs leurs diverses obligations.

Mon rapport souligne l’usage particulièrement limité que le régulateur fait de ce pouvoir. Interrogé sur ce point, le CSA se défend de tout laxisme, et souligne le fait que la sanction constituerait un ultime recours, et la marque d’un échec de la régulation. Plusieurs polémiques récentes montrent néanmoins que l’absence de sanction n’est pas toujours la marque d’une régulation pleinement satisfaisante. À cet égard, la condamnation récente de Radio France par le tribunal de commerce de Paris pour avoir diffusé de manière répétée des publicités hors du domaine autorisé de son cahier des missions et des charges – ce qui n’a pas entraîné de sanctions de la part du CSA – ne peut que susciter des interrogations sur la manière dont le Conseil conçoit son rôle de régulateur.

Il en va de même de la mise en demeure adressée de manière tardive, en pleine polémique médiatique, à la chaîne Numéro 23 pour non-respect des très maigres obligations fixées par sa convention.

En matière de contrôle du respect des quotas de chansons françaises, au moment des débats sur le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, les opérateurs radiophoniques ont violemment pris à partie la ministre de la culture et de la communication pour avoir émis des doutes sur le respect de la loi sur les quotas. La déclaration de la ministre a été taxée de « mensongère mais aussi diffamante » par les radios, qui ont souligné que le CSA, en charge du respect des quotas, n’avait prononcé que deux mises en demeure au cours des dix dernières années. Interrogé sur la manière dont il fait respecter les quotas, le CSA a reconnu des marges de tolérance et renvoyé l’exercice d’explicitation et de transparence à plus tard.

En tout état de cause, les éléments disponibles montrent clairement que l’absence de sanction n’est pas justifiée par un respect scrupuleux de la loi par les radios. Ces éléments doivent nous inciter à « mettre en garde » le régulateur sur la manière dont il exerce la mission que lui a confiée le législateur.

Enfin, la loi du 15 novembre 2013 comporte des dispositions visant à une régulation plus transparente et à une gestion plus irréprochable du domaine public hertzien. En ce qui concerne la transparence de la régulation, il faut se féliciter que le rapport annuel rende progressivement mieux compte de la manière dont le CSA exerce ses pouvoirs de régulation – même si les exemples qui précèdent montrent que des efforts accrus sont encore nécessaires sur certains aspects de la régulation. Il nous appartient de profiter des auditions annuelles du président du CSA pour l’interpeller sur ces différents sujets.

En ce qui concerne l’amélioration de la gestion du domaine public hertzien, je m’interroge sur l’opportunité de renforcer encore les règles applicables en cas de modification de la composition du capital des titulaires d’autorisation – je pense à NextradioTV et Altice. Il s’agirait d’éviter d’éventuels risques de contournement de la taxe sur les reventes de fréquences et de l’agrément prévu en cas de changement de contrôle.

L’affaire Numéro 23 a soulevé des interrogations très graves et préoccupantes sur la manière dont le CSA a attribué la fréquence et exercé sa mission de régulation. Cette affaire a mis à mal les fondements mêmes de la politique audiovisuelle et mis en lumière une série de graves manquements, que la sanction historique d’octobre 2015 d’abrogation de l’autorisation de diffusion ne suffit pas à purger.

Le CSA étant une autorité administrative indépendante, seul le Parlement est habilité à « sanctionner » l’erreur qu’a constituée l’attribution d’une fréquence gratuite au projet Numéro 23. À cet égard, les accusations portées dans la presse par différents acteurs ainsi que les questions soulevées par des parlementaires, et demeurées sans réponse, sur les conditions d’attribution de l’autorisation, me paraissent suffisamment graves pour que je sollicite la mise en place par notre assemblée d’une commission d’enquête sur les conditions d’attribution d’une fréquence à Numéro 23.

M. le président Patrick Bloche. Votre travail, monsieur le rapporteur, témoigne de votre excellente connaissance du dossier, puisque vous avez été rapporteur de la loi de 2013, ainsi que d’une grande lucidité. Sans revenir dans le détail sur les vingt et une propositions de ce rapport, j’aimerais vous faire part d’une réflexion que je nourris depuis longtemps. En vous entendant décrire les dysfonctionnements qui justifient selon vous que l’on remette sur le métier la loi de 2013 sur l’indépendance de l’audiovisuel public, j’ai été frappé par la difficulté, que vous mettez en évidence, qu’il y a en matière d’audiovisuel public à faire fonctionner de concert ces trois partenaires que sont le régulateur – à savoir le CSA –, les trois sociétés de l’audiovisuel public et leurs dirigeants, ainsi que la tutelle.

En 2013, nous avions attribué au CSA un pouvoir de nomination qui nous semblait constituer une garantie d’indépendance pour l’audiovisuel public – une indépendance que nous avons encore renforcée lors de l’examen du budget pour 2016, en faisant en sorte que le budget de France Télévisions ne dépende plus du budget de l’État.

Pour avoir porté, il y a cinq ans, une autre réforme visant à assurer l’indépendance de l’audiovisuel public – ce qui ne m’a pas empêché de voter ensuite la loi du 15 novembre 2013 –, je me demande aujourd’hui si finalement, afin d’éviter les dysfonctionnements décrits et de faire en sorte que les rôles soient clairement établis, il ne faudrait pas doter chaque société de l’audiovisuel public d’un conseil d’administration dont la composition serait une garantie d’indépendance, et qui aurait un vrai rôle stratégique. Les sociétés seraient ainsi amenées à chercher elles-mêmes leurs dirigeants, qui se trouveraient placés à la fois sous le contrôle du régulateur et dans un partenariat actif avec la tutelle. Cela éviterait d’en arriver aux problèmes que nous avons connus – je pense bien évidemment à la grève qui a paralysé Radio France durant plus d’un mois.

La parole est à M. Stéphane Travert, pour le groupe Socialiste, républicain et citoyen.

M. Stéphane Travert. Le travail d’évaluation et de contrôle de l’application des lois votées par le Parlement constitue un outil indispensable, qui doit nous aider, à terme, à rectifier le tir lorsque c’est nécessaire. De ce point de vue, les observations suivies de vingt et une recommandations que vous formulez dans votre excellent rapport, tant sur l’exercice par le CSA de ses nouvelles missions que sur la mise en œuvre de la réforme de ses pouvoirs de régulation, vont utilement orienter le législateur.

J’évoquerai tout particulièrement deux points, à savoir, d’une part, les difficultés rencontrées lors de la nomination des présidents de l’audiovisuel public, d’autre part, la complexité de la procédure d’agrément du passage d’une chaîne de la TNT payante à la TNT gratuite.

La loi que nous avons votée il y a un peu plus de deux ans avait notamment pour objectif de réviser la procédure de nomination des présidents de l’audiovisuel public, afin de renforcer l’indépendance de ce secteur. Il s’agit là d’une véritable avancée démocratique qui, eu égard à sa nouveauté, a rencontré un certain nombre de difficultés dans sa mise en œuvre.

Comme vous l’avez indiqué dans votre rapport, des adaptations sont aujourd’hui souhaitables, afin de garantir la transparence totale de la prise de décision par l’autorité administrative indépendante. Les nominations de Mathieu Gallet à la tête de Radio France et de Delphine Ernotte à celle de France Télévisions ont toutes deux suscité des interrogations, des demandes de justifications et même des recours judiciaires. Vous développez des interrogations précises sur l’utilité du projet stratégique présenté par le candidat, sur les moyens et les informations dont il dispose pour le rédiger. Vous vous demandez s’il est opportun qu’il soit publié par le CSA, alors même qu’il n’aura pas de valeur contraignante en cas de nomination, et comment rendre le processus de désignation plus démocratique et résoudre la problématique d’une décision dont le processus est jugé opaque.

Selon vous, une nomination sur la base des compétences et de l’expérience serait plus adaptée, tout en maintenant la confidentialité de la procédure. Ne pensez-vous pas qu’une telle modification de l’exercice du candidat, jugé sur ses compétences et non plus sur son projet, conduirait inévitablement à des critiques similaires à celles exprimées lors des deux années écoulées, et que la confidentialité – que ses détracteurs décrivent comme une forme d’opacité –, garantie d’indépendance de la prise de décision, soit en fait à l’origine de la plupart de ces critiques ?

Pour ce qui est du temps de tuilage, proposé par M. Olivier Schrameck, président du CSA, et mis en œuvre dans la loi, vous soulignez qu’il s’agit d’une fausse bonne idée, qui n’a pas vraiment été mise en œuvre à Radio France et qui a été source de complexité dans l’organisation hiérarchique de la Maison ronde. Vous considérez, en revanche, que Rémy Pflimlin a joué le jeu avec Mme Ernotte. Pourriez-vous nous en dire davantage sur cette expérience, plus concluante que celle de Radio France, alors que vous proposez de supprimer le tuilage ou de le réduire à une période d’un mois ?

J’en viens à la procédure d’agrément permettant le passage d’une chaîne de la TNT payante à la TNT gratuite. Vous soulignez que cette procédure, particulièrement laborieuse et délicate, est source de contentieux administratif : le Conseil d’État a en effet annulé les décisions de refus du CSA, qui s’était opposé au passage en clair des chaînes LCI et Paris Première, au motif de l’irrégularité de la procédure suivie, en l’occurrence la publication de l’étude d’impact en même temps que la décision du CSA, alors que ce document aurait dû être publié préalablement à la décision du Conseil, afin que les personnes concernées puissent faire valoir leurs observations en temps utile. Vous indiquez, à juste titre, que cette interprétation par le Conseil d’État va constituer une source d’insécurité juridique, car elle sera susceptible de s’appliquer à toutes les procédures impliquant le recours à une étude d’impact. Une clarification législative vous semble-t-elle indispensable et, le cas échéant, par quel véhicule législatif une telle modification pourrait-elle, selon vous, être apportée ?

Vous proposez une approche constructive qui, à l’aune des deux années écoulées, nous invite à améliorer encore, dans les années à venir, les mécanismes de nomination et de régulation que nous avons remis entre les mains du CSA. L’indépendance des organes de décision et, plus largement, du service public, est essentielle pour garantir leur travail, leur avenir et celui des salariés des groupes concernés.

M. le président Patrick Bloche. La parole est à M. Franck Riester, pour le groupe Les Républicains.

M. Franck Riester. Je veux saluer l’initiative qui avait été la vôtre, monsieur le président, de faire figurer dans la loi la nécessité d’imposer un contrôle accru du Parlement sur l’exercice des missions des autorités administratives indépendantes, ainsi que la qualité et l’impartialité du rapport de Marcel Rogemont, qui constitue presque un réquisitoire à charge contre la loi de 2013, auquel nous acquiesçons. En effet, il faut absolument remettre à plat la gouvernance de l’audiovisuel public, avec le régulateur d’un côté, la tutelle de l’autre, et, entre les deux, les entreprises de l’audiovisuel public. Or, la loi de 2013 a institutionnalisé le mélange des genres, le dédoublement fonctionnel : c’est du conflit d’intérêts, ni plus ni moins ! Peut-on concevoir que le dirigeant d’Orange soit nommé par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), ou que le président d’EDF soit nommé par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) ?

Certes, avant la loi de 2013, cela s’était déjà fait dans le secteur de l’audiovisuel, de 1982 à 2009. Mais n’est-il pas temps, à l’aube du XXIe siècle, d’abandonner ces pratiques d’un autre âge, et d’imaginer de nouvelles gouvernances correspondant au monde dans lequel nous vivons, plutôt que de continuer à nous référer à celui d’il y a dix, vingt ou trente ans ?

Il me semble qu’avec la loi de 2013, nous avons manqué une occasion forte de procéder à une remise à plat de la gouvernance de l’audiovisuel public. Notre groupe – il s’agissait à l’époque de l’UMP – avait exprimé ses critiques à l’égard de cette loi, mais, se drapant dans sa vertu, la ministre avait clamé son intention de rétablir une indépendance de l’audiovisuel public bafouée, selon elle, par Nicolas Sarkozy. Ce rapport peut être fondateur pour l’avenir, et j’espère que le Gouvernement saura s’en saisir. En tout état de cause, l’opposition s’inspirera de cette réflexion qui semble faire consensus pour proposer une alternative à la gouvernance actuelle. Des propositions ont d’ores et déjà été avancées, notamment celle consistant à mettre plus en avant les conseils d’administration dans la nomination des dirigeants des entreprises de l’audiovisuel public – un rapport du Sénat allait dans ce sens, et j’ai moi-même fait des propositions similaires.

Quand vous dites que le régulateur d’un secteur ne peut, en même temps, être celui qui va donner un avis sur le COM, vous avez totalement raison. De même, quand vous dites qu’il est important de réfléchir à la pérennité de la direction des entreprises de l’audiovisuel public, et qu’avant de vouloir recruter un nouveau dirigeant, il faut se demander si celui qui est en poste fait bien son travail, je ne peux que souscrire à vos propos.

En ce qui concerne la régulation économique, vous affirmez la nécessité de clarifier les procédures, ce qui est tout à fait justifié : nous avons besoin de mieux comprendre la raison d’être et le mécanisme des études d’impact, et selon quelles dispositions le CSA prend sa décision ultime. De même, il est évident que le contrôle du Parlement sur ces questions doit se trouver renforcé, et que l’autorité administrative indépendante doit être plus encline à prendre des sanctions – en prenant toutes ses responsabilités, avec le soutien du Parlement.

Je conclurai en disant qu’à l’avenir, notre Commission doit se montrer beaucoup plus proactive que par le passé – quelle qu’ait été la majorité – pour faire évoluer les positions du Gouvernement.

M. le président Patrick Bloche. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour le groupe Écologiste.

Mme Barbara Pompili. Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour la qualité de votre travail, qui illustre l’importance du contrôle démocratique. Votre rapport est très précis, exhaustif, et permet de faire le point sur un certain nombre de dysfonctionnements qui méritent toute notre attention, mais aussi des réactions. Vous proposez d’ailleurs de nombreuses évolutions afin de clarifier les rôles des uns et des autres et de renforcer la transparence, et il va sans dire que je partage votre avis sur la nécessité d’avancer sur ces enjeux.

Les polémiques suscitées par les nominations à la tête de Radio France et de France Télévisions sont préjudiciables à ces entreprises elles-mêmes, mais aussi, par extension, au fonctionnement de notre démocratie. Lorsque les décisions d’une autorité administrative, a fortiori concernant des entreprises publiques, sont à l’origine de débats d’une telle ampleur, ce n’est jamais bon. D’autant que les polémiques ne s’arrêtent pas là : d’autres ont pris le relais, qu’il s’agisse de la chaîne Numéro 23, des conditions du passage de LCI à la TNT gratuite, des conséquences pour le pluralisme du mode de calcul du plafond de concentration pour les radios, ou encore des règles en matière de publicité sur Radio France.

Sur la question des procédures de nomination à la tête des sociétés de l’audiovisuel public, comme j’avais pu le dire lors de l’audition du CSA à ce propos, je considère que les noms des candidats qui seront auditionnés doivent être rendus publics, et qu’il en va de même pour la retransmission d’au moins une partie des auditions. La vision stratégique proposée par les candidats mériterait aussi d’être rendue publique, car c’est bien sûr le projet défendu que les candidats doivent être appréciés, et s’agissant d’entreprises publiques les citoyens doivent avoir accès à ces informations.

Sur le projet stratégique, si je suis favorable au maintien de ce document, je partage pleinement votre analyse quant au besoin d’un cadrage préalable par l’actionnaire, d’une plus grande visibilité sur la trajectoire de financement envisagée et d’un diagnostic de la situation financière de l’entreprise, afin que les projets stratégiques ne se trouvent pas « hors-sol ».

L’idée d’organiser un débat public au moment de l’élaboration de la feuille de route me semble très intéressante. Les nominations à de telles fonctions méritent en effet mieux qu’une désignation secrète dans le huis clos d’un Conseil qui ressemble encore trop souvent à un petit conclave. Vous évoquez à ce propos des pistes très intéressantes, allant d’un renforcement du rôle du conseil d’administration dans la procédure de nomination à un système s’inspirant du BBC Trust britannique. Je n’ai pas de position arrêtée sur cette question, mais tout ce qui permet d’ouvrir davantage la procédure de nomination me paraît aller dans le bon sens. À cet égard, associer les représentants des salariés des groupes me semble plus que nécessaire et, de façon plus générale, je souscris à tout ce qui renforce le débat public, la transparence et le caractère démocratique de la procédure. Si elles vont dans le bon sens, les propositions que vous formulez ne suffiront peut-être pas à mettre fin aux critiques qui peuvent avoir lieu après les nominations, mais cela permettrait de rendre ce processus un peu moins contestable.

La question des critères retenus pour les présélections et les auditions doit également être posée, comme vous le faites. La transparence sur les critères de compétence et d’expérience est le prérequis garantissant un jugement sur le fond, et non un choix dicté par des jeux d’influence. L’existence d’une grille de critères permettrait aussi de mieux comprendre le rejet préalable de certaines candidatures, basées sur des parcours qui paraissaient pourtant leur conférer toute légitimité.

Pour ce qui est du contrôle de l’audiovisuel public, vos préconisations vont également dans le bon sens pour mettre fin au mélange des genres, car les compétences du CSA ne doivent pas entrer en concurrence avec celles des tutelles ou du Parlement. Dans ce cadre, la légitimité des avis du CSA sur le COM pose effectivement question, et avoir connaissance des critères sur lesquels se base le CSA dans ses analyses se révèle également nécessaire.

En ce qui concerne la régulation audiovisuelle, je vous rejoins également : il est nécessaire de clarifier et de mieux encadrer les choses, notamment pour que les polémiques actuelles ne puissent plus se reproduire à l’avenir. La régulation par le CSA doit en effet gagner en transparence, y compris en ce qui concerne l’utilisation de son pouvoir de sanction et de contrôle, à l’origine de nombreuses suspicions sur lesquelles je ne reviendrai pas, car elles ont déjà été largement commentées.

Enfin, votre proposition de mettre en place une commission d’enquête sur les conditions d’attribution à la chaîne Numéro 23 me semble très pertinente.

M. le président Patrick Bloche. La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Rudy Salles. Je félicite Marcel Rogemont pour la qualité de son rapport qui me paraît témoigner d’une grande honnêteté intellectuelle – à tel point qu’il ressemble parfois à une autocritique si l’on se réfère à ce qu’il défendait avec beaucoup d’enthousiasme il y a trois ans, et que nous combattions avec force. Si je ne partage pas toutes les conclusions de notre collègue, je trouve que son travail jette un éclairage utile sur un problème que nous dénonçons aujourd’hui comme nous le faisions déjà hier, à savoir la nature des missions confiées au CSA, ainsi que la façon dont il s’en acquitte.

Déjà au moment du vote de la loi relative à l’indépendance de l’audiovisuel public, le groupe UDI s’était prononcé contre ce projet de loi, car il ne répondait pas à la question primordiale du financement de l’audiovisuel public, et se contentait d’inscrire dans la loi un concept vague et sans repère : l’indépendance.

Force est de constater que, depuis le vote de cette loi en 2013, le spectacle que nous offre l’audiovisuel public nous conforte dans notre position initiale. Les différentes affaires qui ont défrayé la chronique – je pense notamment aux notes de taxi de la présidente de l’INA, ou encore au mouvement de grève à Radio France au printemps dernier – constituent des faits graves, susceptibles d’affaiblir considérablement et durablement l’autorité de régulation qu’est le CSA.

En mai 2015, lors de sa venue devant notre Commission, j’avais eu l’occasion de questionner Olivier Schrameck sur les conditions troubles entourant la nomination des présidents de groupes audiovisuels publics. Sur la méthode de désignation, de sérieux manquements aux règles d’équité et une absence globale de transparence avaient été constatés. Je remarque que le rapporteur est également très critique sur les conditions de ces nominations, mais je m’interroge sur les leçons qui ont été tirées de cette affaire.

Monsieur le rapporteur, vous comprendrez que je ne partage pas votre proposition concernant la suppression de la référence à un projet stratégique dans les critères de nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public puisque, comme vous l’indiquez dans votre rapport, j’ai été à l’initiative de cette novation dans le processus de désignation. Si je ne suis pas opposé à ce que l’on prévoie à l’avenir un cadrage préalable par l’actionnaire et que l’on renforce la publicité de la procédure, je reste persuadé que le choix d’un projet stratégique intéresse directement le public, l’actionnaire, le Parlement, les partenaires de l’audiovisuel public, mais aussi les salariés des entreprises concernées et qu’il est à ce titre essentiel.

Vous évoquez également, dans votre rapport, le renforcement du rôle de régulateur économique du CSA. Je ne peux cacher qu’il s’agit là d’un sujet qui me tient particulièrement à cœur. Aussi, je vous rejoins lorsque vous précisez qu’il appartient à présent au CSA de bâtir une doctrine claire sur les cas nécessitant le recours à des études d’impact et de l’expliciter. Il faudrait pouvoir expliquer les revirements successifs portant sur le passage de LCI à la TNT gratuite et le lancement sur la TNT d’une nouvelle chaîne publique d’information en continu. Mme la ministre, que nous avons interrogée à ce sujet il y a quelques jours, ne nous a fourni aucune information précise. Or, je rappelle que la nouvelle chaîne d’information publique devrait émettre à partir du mois de septembre, et que nous ne savons toujours rien à son sujet.

Enfin, je regrette profondément qu’il ne soit pas question du pluralisme dans le rapport de M. Rogemont, alors qu’il s’agit là d’une mission essentielle du CSA. Il ne faut jamais oublier que les chaînes de radio et de télévision occupent gratuitement le domaine public, ce qui implique un certain nombre de devoirs, notamment celui du pluralisme. Malheureusement, le pluralisme n’est pas le chemin choisi par cette majorité, puisqu’elle a récemment proposé de remplacer, durant la campagne pour l’élection présidentielle, l’égalité de temps de parole par un principe d’équité, en dehors des deux semaines qui précéderont chaque tour de scrutin.

Mes chers collègues, à l’heure où l’espace démocratique se réduit comme une peau de chagrin, j’espère que les critiques formulées par notre rapporteur ne resteront pas lettre morte.

M. le président Patrick Bloche. La parole est à Mme Gilda Hobert, pour le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Gilda Hobert. Monsieur le rapporteur, votre projet de rapport d’information sur l’application, par le CSA, de la loi relative à l’indépendance de l’audiovisuel public est éclairant à plusieurs titres, et nous instruit notamment sur la problématique consistant à allier indépendance et santé financière, managériale et culturelle des groupes de l’audiovisuel public, en mettant en évidence les dysfonctionnements du système actuel.

Parmi les sujets essentiels, vous évoquez celui des conditions de nomination des présidents, qui ont pu poser problème, ainsi que vous le soulignez. Les récentes nominations de la présidente de France Télévisions et du président de Radio France l’illustrent et tendent à nous imposer, par les tensions qu’elles ont soulevées, d’en revoir les conditions.

La présence d’un projet stratégique parmi les critères de nomination, qui est aujourd’hui d’actualité, montre ses faiblesses. Comment, en effet, un candidat peut-il soumettre un plan d’action pour un groupe sans en connaître précisément les données financières, ou en ignorant la culture de l’entreprise ? Les conséquences de cette lacune peuvent être regrettables – je pense évidemment aux grèves du printemps dernier au sein de Radio France. Je suis donc favorable à une redéfinition des critères de nomination, qui porteraient sur les compétences managériales et sur l’expérience professionnelle.

Comme vous le soulignez, les échanges avec les tutelles et le personnel, ainsi que le dialogue social, constituent une valeur ajoutée et participent à l’élaboration d’un programme plus éclairé et rapidement efficient. Ainsi établi, ce programme a vocation à participer au bon fonctionnement des sociétés de l’audiovisuel public et je vous rejoins, monsieur le rapporteur, quand vous préconisez une feuille de route établie par l’exécutif, sous contrôle du Parlement, et non plus du seul CSA, auquel il incombe de nommer les présidents ainsi que les personnalités indépendantes siégeant au conseil d’administration.

Le CSA doit, il me semble, rester dans le cadre de ses prérogatives. Je partage donc votre position : il appartient à l’État, qui est l’actionnaire financeur, et non au CSA, de se positionner sur le COM des sociétés de l’audiovisuel.

Cela dit, pourquoi ne pas rendre publique la liste des candidats ? Je comprends vos réticences, mais ne pensez-vous pas que cette « confidentialité » pourrait être ressentie comme nébuleuse ? En effet, la transparence qui doit présider au bon fonctionnement de nos institutions et des entreprises publiques peut, me semble-t-il, empêcher dans ce cas la circulation d’interprétations suspicieuses autour des nominations. Ne pourrait-on opter plutôt pour une liste rendue publique – avec, bien entendu, un cadrage normatif portant par exemple sur l’ouverture à des profils très divers, mais répondant à une grille de critères d’éthique et de compétences ?

Pour ce qui est de la suppression de la période de tuilage, j’y suis favorable. Cette pratique peut en effet avoir des effets négatifs contribuant à une forme de désengagement, voire de contre-productivité durant de longs mois.

Vous souhaitez que le CSA « élabore une doctrine sur la manière dont il entend exercer » le pouvoir de révocation des présidents des sociétés de l’audiovisuel public. Ne pensez-vous pas que ce pouvoir devrait plutôt être exercé par le législateur, non pas « à défaut », mais de manière établie ?

L’affaire Numéro 23 nous a tous laissés pantois. À cet égard, on peut considérer qu’elle témoigne, au mieux, d’un manque de rigueur de la part du CSA, et je souscris pleinement à votre préconisation de la constitution d’une commission d’enquête sur les conditions d’autorisation de cette chaîne. Dans ce cas précis, comment pensez-vous que les conclusions de cette commission pourraient jouer un rôle préconisateur pour de futures créations de chaînes ?

En conclusion, votre rapport pointe précisément les évolutions nécessaires pour une saine gouvernance de l’audiovisuel public.

M. le président Patrick Bloche. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Marie-George Buffet. Je veux saluer à mon tour la qualité du rapport de Marcel Rogemont, qui s’exprime tant dans le regard critique qu’il porte sur l’autorité administrative indépendante qu’est le CSA que dans la pertinence des propositions qu’il formule.

Pour ce qui est de la nomination des présidents, il n’est pas question ici de revenir à la situation antérieure. Je garde un très mauvais souvenir d’une séance de notre Commission consacrée à l’examen de la candidature de M. Jean-Luc Hees au poste de président de Radio France : du fait qu’il avait été désigné par un Président de la République, il avait dû affronter l’hostilité de la Commission alors même que la qualité de l’homme et de sa présidence ne faisait guère de doute, ce qui montre bien que ce mode de nomination jette forcément la suspicion sur celui qui en fait l’objet.

Cela dit, je partage l’avis du rapporteur sur le fait que l’on ne peut procéder aux nominations sur la base d’un projet stratégique élaboré par les candidats dans les conditions que nous connaissons. Nous devons aller vers une modernisation de la gestion des grandes entreprises de l’audiovisuel public en prévoyant, comme l’a proposé notre président, un conseil d’administration renouvelé, qui serait chargé à la fois de nommer son président ou sa présidente, mais aussi d’élaborer, dans le cadre du débat avec la tutelle, un projet pour l’entreprise d’audiovisuel public concernée.

En effet, les entreprises de l’audiovisuel public se trouvent parfois placées face à des injonctions contradictoires de la part de la tutelle et du CSA, ce qui ne peut permettre une indépendance de réflexion dans l’élaboration des contenus pour chaque entreprise.

Enfin, je pense que le rapporteur a raison également d’insister sur l’importance de la stabilité. Les chiffres donnés montrent que l’on ne permet jamais la reconduction des présidents de l’audiovisuel public : avant même la fin du mandat de chaque président, on recherche déjà celui ou celle qui le remplacera, sans même s’interroger sur la qualité du travail qu’il a effectué. Cette évaluation préalable me paraît tout à fait essentielle.

Je suis d’accord avec la proposition visant à constituer une commission d’enquête portant sur les conditions de création de la chaîne Numéro 23. Enfin, monsieur le rapporteur, j’aimerais vous demander comment vous imaginez l’outil législatif qui serait de nature à apporter rapidement les nécessaires évolutions que vous proposez, et comment, selon vous, il conviendrait d’instaurer un dialogue avec le CSA pour, sans attendre les modifications législatives, rectifier un certain nombre de points dans le sens des propositions de votre rapport.

M. le président Patrick Bloche. Je veux souligner que si le rapport de notre collègue est critique, ce n’est pas sur la manière dont le CSA s’acquitte de ses missions, mais sur le cadre fixé par le législateur – c’est-à-dire nous-mêmes –, qui contraint le CSA à travailler dans les conditions que l’on sait.

M. le rapporteur. Vous avez tout à fait raison, monsieur le président : mon rapport porte essentiellement sur le dispositif que nous avons mis en place, et qui se traduit par une instabilité dans le fonctionnement du CSA.

M. le président Patrick Bloche. Nous en venons aux questions, pour lesquelles chaque intervenant dispose de deux minutes.

M. Émeric Bréhier. Je remercie Marcel Rogemont pour la qualité de son rapport, qui en fait un document passionnant à lire. J’estime vain de prétendre que les avis exprimés dans ce document constitueraient un revirement par rapport aux positions que notre rapporteur avait soutenues en 2013 : de mon point de vue, il existe au contraire une grande cohérence entre les deux.

Ce rapport m’inspire trois remarques. Premièrement, si j’ai bien compris que la proposition numéro 3 du rapport constituait une solution de repli, elle m’apparaît un peu contradictoire avec la proposition numéro 2, prévoyant le maintien de la confidentialité de la procédure. Au demeurant, je ne vois pas en quoi la publicité gênerait le processus d’examen des candidatures par le CSA, et je suis très sceptique quand le rapporteur affirme que la présidente actuelle de France Télévisions n’aurait pas été candidate si sa démarche avait été rendue publique : de mon point de vue, il n’y a rien de scandaleux à poser sa candidature pour un poste, ni à la voir acceptée ou repoussée. De mon point de vue, il s’agit là d’un argument un peu fallacieux, surtout lorsqu’il est invoqué par des personnes occupant de très hautes fonctions au sein de la fonction publique d’État.

Deuxièmement, votre proposition numéro 8 consiste à « prévoir que le CSA se prononce sur la reconduction du président en place, à travers une décision motivée, avant d’ouvrir un appel à candidatures ». J’avoue ma perplexité face à cette proposition ; si elle est motivée par une préoccupation portant sur la durée du mandat effectif, sans doute vaudrait-il mieux se pencher directement sur la durée du mandat, plutôt que de privilégier le principe d’une reconduction sans appel à candidature – ce qui, au sein d’une collectivité locale, équivaudrait à procéder par tacite reconduction plutôt que de lancer un appel d’offres.

Ma troisième remarque ne porte pas directement sur votre rapport, mais sur le rachat du groupe Canal + et les décisions qui ont suivi – notamment celle consistant à rédiger une charte d’éthique. J’ai été étonné de constater que les autorités publiques demeuraient singulièrement silencieuses sur l’ensemble de ces opérations, et je me demande si le CSA n’aurait pas vocation à jouer un rôle plus important en matière de contrôle du respect des règles d’éthique, y compris en ce qui concerne les chaînes privées.

M. le président Patrick Bloche. Mon cher collègue, sur le dernier point que vous venez d’évoquer, je vous demande de patienter encore quelques jours. Une initiative devrait rapidement être proposée.

Mme Dominique Nachury. Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour ce rapport détaillé et honnête sur l’application du principe de l’indépendance de l’audiovisuel public, qui ne se résume pas à commenter la nomination chahutée de Delphine Ernotte.

Cela dit, je souhaite revenir sur une contradiction. La décision portant nomination à la présidence de France Télévisions affirme que le choix du Conseil s’est fondé, conformément à la loi, sur des critères de compétence et d’expérience. Le rapport constate que le CSA a entendu privilégier la compétence managériale, l’expérience et l’aptitude au dialogue social, mais quid de l’expérience dans le secteur audiovisuel ? Le président du CSA expliquait, en avril 2015, que « nous ne sommes plus dans un monde où il y a un audiovisuel à part et un monde numérique distinct », expliquant ainsi que la double culture lui paraissait une bonne chose.

Par ailleurs, le rapport constate que la durée des mandats est trop courte, ce qui ne favorise pas l’indépendance. Il établit un parallèle avec l’audiovisuel privé, où les dirigeants restent en place beaucoup plus longtemps. Quelles seraient, aux yeux du rapporteur – et, le cas échéant, des personnes qu’il a auditionnées –, la durée et les conditions idéales du mandat ?

Enfin, je trouve intéressantes les propositions du rapporteur sur les liens entre le CSA et l’audiovisuel public via les conventions d’objectifs et de moyens.

Mme Sophie Dessus. Je n’ai qu’un regret en écoutant Marcel Rogemont présenter son rapport – critique mais juste –, c’est que ce travail ne soit pas fait plus souvent, pour ne pas dire quasi systématiquement, pour la plupart des textes votés par le Parlement. Nous avons beau, lorsque nous examinons les textes qui nous sont soumis, prendre l’avis des spécialistes les plus éminents, nous entourer des meilleurs collaborateurs et débattre entre nous sur chaque amendement, le passage de l’écrit à l’application de la loi sur le terrain laisse toujours apparaître des subtilités qui nous avaient échappé.

C’est pourquoi, si nous disposons aujourd’hui d’une évaluation de la mise en œuvre de la loi, nous devons également être en mesure de procéder aux adaptations qui paraissent nécessaires – étant précisé qu’il s’agit simplement de rendre cette loi plus efficace, et non de réécrire l’ensemble du texte.

Bien que vous ayez été très précis, monsieur le rapporteur, je veux insister sur quelques points. Le procédé consistant à nommer les présidents des sociétés de l’audiovisuel public en se référant à un projet stratégique ne semble pas constituer la solution idéale dans la mesure où les candidats ne disposent généralement pas des éléments nécessaires pour construire ce projet et risquent de faire appel à des cabinets privés pour le rédiger à leur place – d’où le risque d’aboutir à des copiés-collés ne tenant compte ni des réalités de l’entreprise, ni des équipes composant ces entreprises. De même, les dates d’évaluation du projet ne semblent pas du tout réalistes.

Pour ce qui est du tuilage, même si la solution actuellement mise en œuvre ne semble pas satisfaisante, ne faut-il pas faire en sorte de maintenir tout de même une forme de passage de relai, et le cas échéant selon quelles modalités ?

La mise en place d’un conseil d’administration, évoquée par notre président, constitue un élément important. Par ailleurs, vous insistez sur la nécessité que le CSA se montre beaucoup plus ferme dans l’usage de son pouvoir de sanction. Le respect des quotas en matière de chanson française me paraît essentiel, car si l’on permet le contournement des textes en vigueur, c’est l’avenir de la jeune création française qui risque de se trouver fragilisé.

Enfin, on ne peut que soutenir la mise en place d’une commission d’enquête relative à l’attribution d’une fréquence à la chaîne Numéro 23.

Globalement, c’est un beau et utile travail qui nous a été présenté par Marcel Rogemont. Il ne nous reste qu’à souhaiter que son rapport ne finisse pas sous une pile de dossiers, mais qu’il produise tous les effets que nous en attendons.

M. le président Patrick Bloche. Je vous remercie, chère collègue, d’avoir souligné la volonté de notre Commission de jouer pleinement son rôle de contrôle et d’évaluation de la mise en œuvre des lois. Nous l’avons fait la semaine dernière avec la refondation de l’école de la République, sur la base du rapport du comité de suivi présidé par Yves Durand, et ce matin même, en désignant Sandrine Doucet et Benoist Apparu comme corapporteurs de la mission d’information sur l’application de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche.

M. Christian Kert. Autant que la qualité de son rapport, je veux saluer le courage de Marcel Rogemont, qui s’est livré à un véritable travail d’introspection de la loi dont il fut lui-même le rapporteur en 2013.

Pour ce qui est de la durée du mandat, il est vrai que l’existence d’une date butoir tous les quatre ans rend la mission des présidents de l’audiovisuel public plus difficile que celle de leurs homologues du privé. Toute la question est de savoir s’il faudrait allonger la durée de ce mandat ou, comme cela se fait dans le privé, ne pas forcément retenir de date butoir et donner au CSA des attributions plus étendues dans la décision consistant à renouveler ou non le président – cette dernière solution n’est pas celle que vous envisagez dans votre rapport, mais peut-être pourrions-nous y réfléchir.

En ce qui concerne le tuilage, je me demande si la critique qui est faite du système préconisé par M. Schrameck n’est pas un peu hâtive : peut-être les difficultés rencontrées ne sont-elles dues qu’au fait de ne pas avoir suffisamment préparé, juridiquement et financièrement, la mise en œuvre de cette solution.

Je suis assez proche des conclusions du rapporteur quant à la difficulté qu’il y a à faire fonctionner ensemble ces trois partenaires que sont les entreprises de l’audiovisuel public, le régulateur et la tutelle, notamment pour ce qui est du respect du COM.

En ce qui concerne l’annulation par le Conseil d’État des décisions de rejet du passage en gratuit de LCI et Paris Première, elle fait apparaître que l’intervention de la justice, que les opérateurs peuvent saisir, constitue un facteur de complexité supplémentaire. Cela dit, je ne vois pas ce que nous pourrions faire pour y remédier.

Au sujet de la chaîne Numéro 23, la commission d’enquête dont vous souhaitez la création na va-t-elle pas simplement aboutir à la conclusion que les difficultés rencontrées résultent surtout du fait du caractère inédit de la situation, que la loi n’avait pas prévue ? Cela dit, nous ne nous opposerons pas à la création de cette commission d’enquête.

Enfin, il est assez étonnant que Mme Ernotte ait annoncé, au grand dam de certains opérateurs privés, la création de la chaîne d’information en continu de France Télévisions sans que la ministre n’en ait été informée préalablement et sans que le CSA ait pu émettre un avis sur ce projet. Quelle est votre position sur ce point ?

M. Christophe Premat. Je remercie M. le rapporteur pour la qualité de son rapport, à la fois inspirant et éclairant.

Pour ce qui est du contrôle du respect des quotas de chansons françaises, vous évoquez, à la page 48 de votre rapport, l’amendement déposé par le président de notre Commission lors de l’examen en première lecture du projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, portant sur le contrôle et la restitution par le CSA devant la représentation nationale de la bonne application de la loi du 1er février 1994 relative à la diffusion des chansons françaises. Comme toute autorité administrative indépendante, le CSA est doté d’un pouvoir de sanction. Sans être un censeur, il exerce toutefois un rôle de vigilance. Or, ce pouvoir n’a été utilisé que rarement : en dépit d’un nombre important de mises en garde au cours des cinq dernières années, la dernière mise en demeure remonte à 2010. Certes, il existe des coûts liés au contrôle et à l’exhaustivité de l’exercice, mais on peut tout de même s’étonner que des poursuites n’aient jamais été engagées, alors que la ministre de la culture et de la communication relevait, il y a quelques mois, que certaines radios ne respectaient pas les quotas de diffusion de chansons françaises.

Dans ma circonscription située hors de France, j’observe que certaines stations ne respectent pas la loi relative aux quotas de chansons en français, ce qui est d’autant plus regrettable quand on sait que l’audiovisuel est l’un des vecteurs les plus importants de contact avec notre langue pour nos compatriotes vivant à l’étranger. Comme vous le dites dans votre rapport, il n’existe à ce jour aucune information ni publicité du CSA sur le respect des quotas : seul le rapport annuel du Conseil y consacre chaque année un bref passage. C’est pourquoi je souhaitais vous interroger sur les mesures, au besoin contraignantes, qui pourraient selon vous être mises en place pour que le CSA explicite davantage sa doctrine de contrôle et d’intervention en la matière, et qu’il rende compte de manière plus précise de la législation existante.

M. Patrick Hetzel. Je remercie également Marcel Rogemont pour son travail, qui montre que le Parlement est en mesure d’accomplir sa mission de contrôle vis-à-vis du CSA, ce qui est plus que jamais important.

La proposition numéro 8 du rapport consiste à « revenir sur l’attribution au CSA d’une mission de définition des objectifs stratégiques de l’audiovisuel public ». Comme nous l’avions déjà dit lors de l’examen de la loi de 2013, le CSA se trouve effectivement juge et partie, ce qui n’est pas sans créer des problèmes et nécessitera une évolution du texte. J’aimerais donc savoir si notre rapporteur a prévu, dans le prolongement de son rapport, de rédiger une proposition de loi qui viendrait remédier à un certain nombre de points faisant débat, et sur lesquels des consensus semblent pouvoir être trouvés.

M. Jacques Cresta. Je félicite également Marcel Rogemont pour la qualité de son rapport. Il est d’ailleurs significatif que plusieurs des inquiétudes et interrogations figurant dans son précédent rapport, relatif au projet de loi de 2013, se soient révélées fondées.

Pour ma part, je souhaite surtout évoquer les pouvoirs de contrôle et de régulation confiés au CSA. Si les nominations aux présidences de Radio France et de France Télévisions ont pu susciter des polémiques, les dossiers relatifs à la chaîne Numéro 23 ou au passage de LCI en chaîne gratuite de la TNT ont montré que les fonctions du CSA, dont certaines décisions sont déterminantes dans la construction du paysage audiovisuel français, étaient mal connues et mal comprises de nos concitoyens.

De mon point de vue, le scandale de Numéro 23 est exemplaire de ce manque de connaissance du grand public de l’autorité indépendante qu’est le CSA. Il est d’ailleurs symptomatique que les travaux du Conseil ne soient exposés et débattus que lorsque des reproches – justifiés ou non – lui sont faits.

Lors d’une audition du président du CSA, j’avais rappelé la phrase du poète latin Juvénal – « Qui nous gardera de nos gardiens ? » – pour évoquer le nécessaire contrôle qui doit être exercé sur les actions du CSA, celui-ci pouvant être décrit comme un gardien de l’audiovisuel. À la lecture du rapport de notre collègue, il me paraît indispensable qu’une meilleure publicité soit faite sur le rôle et les actions menées par le CSA, afin que nos concitoyens, usagers de l’audiovisuel, en aient une meilleure connaissance, mais aussi que le contrôle exercé par nos assemblées soit renforcé. C’est l’une des préoccupations fortes de notre rapporteur, et j’aimerais qu’il nous donne des précisions sur la manière dont ce contrôle pourrait s’exercer.

M. François de Mazières. M. Marcel Rogemont a effectué un travail objectif sans utiliser la langue de bois.

La loi du 15 novembre 2013 a introduit un changement majeur en confiant la nomination des dirigeants de l’audiovisuel public au CSA. Ces derniers ont-ils obtenu pour autant une véritable liberté d’action ? Je crains que nous ne nous trouvions dans une situation paradoxale car, une fois nommés, ces dirigeants sont corsetés par les tutelles dont nous avions précisément voulu les protéger : ils n’ont pas les mains libres pour effectuer les réformes qu’ils estiment indispensables.

Depuis le vote de la loi de 2013, les décisions du CSA ont suscité de nombreuses critiques. Je pense aussi bien aux nominations effectuées par le Conseil qu’à l’autorisation accordée à LCI de diffuser sur la TNT gratuite ou au refus opposé à Paris première en la matière. Il faut aussi évoquer le projet de vente de Numéro 23 au groupe NextRadioTV pour 88 millions d’euros alors que la chaîne avait bénéficié, moins de trois ans auparavant, de l’attribution d’une fréquence gratuite. Cela fait beaucoup !

Une question se pose quant au rôle que nous entendons faire jouer au CSA à l’avenir. Les nominations auxquelles le Conseil devait procéder à la tête de l’audiovisuel public ont eu lieu ces deux dernières années. Quant à son pouvoir en matière d’attribution de fréquences, il est aujourd’hui entaché par l’affaire de la chaîne Numéro 23. Il y a huit mois, l’ancien président du CSA, M. Michel Boyon, estimait que des menaces pesaient sur le Conseil considérant qu’il n’y avait plus de fréquences à attribuer et que son périmètre de surveillance se réduisait à mesure que la consommation d’internet grandissait. Que va devenir le CSA d’ici à cinq ou dix ans ? se demandait-il.

Pouvons-nous vraiment nous satisfaire de l’application de la loi de novembre 2013 ? Où en est le Gouvernement de son projet de fusion de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) et de l’ARCEP avec le CSA ? Il a été présenté à plusieurs reprises sans être suivi d’effet. M. Patrick Hetzel vient de vous poser une question que je reprends à mon compte : n’est-il pas temps que vos propositions et nos réflexions nourrissent la rédaction d’une proposition de loi ?

M. Lionel Tardy. Monsieur Rogemont, votre rapport d’information montre, de façon limpide et honnête, l’imperfection de la loi du 15 novembre 2013.

S’il est vrai que le projet stratégique des candidats à la tête des entreprises de l’audiovisuel public est souvent artificiel, je ne crois pas que cela constitue une raison suffisante pour le supprimer. Les clefs de ces entreprises publiques ne peuvent pas être confiées à des personnalités à la seule lecture de leur curriculum vitae sur le fondement d’une compétence managériale qui se révèle un critère insuffisant. À mon sens, le projet stratégique devrait être renforcé et non supprimé. J’estime que votre troisième recommandation est plus intéressante que les deux précédentes.

Concernant les nominations, si l’on peut comprendre que la liste des postulants reste confidentielle sachant que certains candidats sont en poste, il me semble absurde que le calendrier de la procédure soit tenu secret. J’ai dit au président du CSA que cela relevait d’un véritable manque de transparence.

M. le président Patrick Bloche. Monsieur Rogemont, un certain consensus semble se dégager autour de l’idée que nous pourrions redéfinir les missions que nous confions au régulateur.

M. le rapporteur. Monsieur le président, si la nomination des dirigeants des entreprises de l’audiovisuel public doit évoluer, elle ne peut en tout état de cause être le fait des conseils d’administration dans leur forme actuelle car ils ne sont composés que de fonctionnaires – nous sommes confrontés à un véritable système endogame. Une telle solution n’aurait de sens que si les personnes qualifiées qui siègent dans ces conseils n’étaient pas « qualifiées » par leur qualité de fonctionnaires à la retraite. Une autre solution consisterait à attribuer le pouvoir de nomination à un organisme ad hoc inspiré du BBC Trust britannique. Toutefois, selon moi, le problème vient moins du pouvoir de nomination du CSA que du pouvoir que nous lui avons attribué en matière d’orientation stratégique. L’autorité de régulation a détenu le pouvoir de nomination entre 1983 et 2009 sans que cela ne pose de gros problème.

Monsieur Travert, durant la période que je viens d’évoquer, l’absence de projet stratégique n’avait pas fait l’objet de réelles critiques. J’estime que ce projet introduit un biais. Quant à l’organisation du tuilage sur trois ou quatre mois, elle doit être parfaitement clarifiée car une société ne peut avoir qu’un seul mandataire social. Aujourd’hui, alors que le futur dirigeant est déjà présent dans l’entreprise, il ne dispose d’aucune marge de manœuvre pour embaucher. Il a pourtant besoin de recruter son équipe, ce qu’il ne pourrait faire qu’en passant par une structure externe. Vous imaginez la complexité du dispositif, et vous comprenez pourquoi, s’agissant du tuilage, j’ai évoqué dans mon rapport une « fausse bonne idée ».

À la suite des décisions du Conseil d’État du 17 juin 2015, j’estime que le statut et la procédure des études d’impact effectuées lors de la procédure d’agrément permettant le passage des chaînes payantes vers la TNT gratuite devraient également être clarifiés. Une proposition de loi doit préciser la volonté du législateur concernant ces documents de façon globale car les décisions du Conseil d’État ont une portée générale dont l’impact pourrait être considérable.

Monsieur Riester, mon rapport d’information n’est pas à charge contre le CSA mais contre la loi du 15 novembre 2013. Le législateur est responsable du cadre dans lequel le CSA agit, même si ce dernier a pu faire des suggestions d’évolutions législatives qui ont été prises en compte. Vous parlez de « mélange des genres » parce que le régulateur détient aussi le pouvoir de nomination, et vous faites une comparaison avec l’ARCEP et la CRE. Mais les choses ne sont pas de même nature, et, s’agissant de l’audiovisuel public, ce « dédoublement » n’a pas suscité de critiques majeures entre 1983 et 2009, même s’il est vrai que l’on a pu s’interroger sur certains choix. Il est par exemple regrettable que M. Marc Tessier n’ait pas été reconduit à la tête de France Télévisions, et l’on se demande pourquoi M. Patrick de Carolis, son successeur, dont la nomination a eu lieu dans des conditions très éloignées des procédures que je préconise, a été remplacé à son tour alors même qu’il mettait en place l’entreprise commune. Pour ma part, j’estime que le CSA doit conserver ses missions en matière de nomination et de régulation, mais qu’il ne doit surtout pas participer à la définition d’un projet stratégique de quelque ordre qu’il soit.

Madame Pompili, vous souhaitez que le nom des candidats et les projets stratégiques soient rendus publics. Une telle transparence risquerait d’alourdir considérablement les procédures de nomination. Faudra-t-il tenir trente auditions et publier trente projets stratégiques ? Cela nous ramène d’ailleurs à nos observations sur le projet stratégique : y a-t-il le moindre sens à publier trente-cinq projets, tous fondés sur les mêmes documents provenant des assemblées et du CSA, c’est-à-dire de l’extérieur des entreprises concernées ? Comme la plupart de nos collègues, vous soutenez ma proposition visant à créer une commission d’enquête sur les conditions d’attribution d’une autorisation à la chaîne Numéro 23. Des questions se posent en effet en amont de la vente de la fréquence. Le rapport reprend des propos tenus par M. Rachid Arhab, membre du CSA lors de l’attribution de cette dernière : ils sont sans ambiguïté sur le sujet.

Monsieur Salles, vous avez raison : la question du financement de l’audiovisuel public n’est pas sans rapport avec celle de son indépendance. Mais si nous voulions aller au terme du raisonnement, il faudrait, comme en Allemagne, qu’une institution qui ne dépende pas de l’exécutif, fixe le montant de la redevance et sa répartition. Tout cela nous mènerait trop loin.

Madame Hobert, comme d’autres collègues, vous vous demandez pourquoi la liste des candidats aux postes de dirigeants des entreprises de l’audiovisuel public n’est pas rendue publique. Souvenez-vous du cas d’Alexandre Bompart, pressenti, en 2010, pour succéder à Patrick de Carolis à la tête de France Télévisions : le fait que le Président de la République ait finalement nommé Rémy Pflimlin n’a pas été sans influence sur sa trajectoire professionnelle. Pour un cadre dirigeant d’une entreprise, le simple fait d’envisager publiquement un départ et de frapper à la porte de l’entreprise publique voisine a toutes les chances de se traduire par une mise à la porte. La publicité des candidatures n’est pas possible. En la matière, la transparence absolue est une fausse bonne idée.

Vous suggérez que le législateur pourrait davantage préciser les conditions de révocation des dirigeants de l’audiovisuel public. Vous avez probablement raison mais, en tout état de cause, le pouvoir de révocation appartient à l’autorité de nomination, qui n’est pas le législateur.

Madame Buffet, je me souviens parfaitement de l’audition de M. Jean-Luc Hees devant notre commission préalablement à sa nomination comme président de Radio France. La procédure de nomination de l’époque alimentait à coup sûr le soupçon, et je lui avais moi-même fait remarquer qu’un Président-actionnaire sans projet avait « sollicité un candidat-président sans plus de projet ». Je ne porte aucun jugement sur le travail effectué par la suite par M. Hees, mais il demeure certain que les nominations par le CSA permettent d’éviter de telles suspicions.

Vous soulignez à juste titre que les entreprises de l’audiovisuel public doivent actuellement répondre à des injonctions contradictoires de la part du CSA, des tutelles qui sont multiples, et du Parlement. Cela ne peut pas fonctionner en l’état.

La reconduction des présidents de l’audiovisuel public permettrait de garantir une certaine stabilité aux entreprises concernées. Encore faudrait-il que cette solution perde son caractère d’exception !

Une compétence en matière d’audiovisuel est-elle indispensable pour accéder à la tête des entreprises publiques du secteur ? Je réponds à Mme Nachury et aux collègues qui m’ont interrogé sur le sujet que les faits parlent d’eux-mêmes : avant de prendre leur fonction de dirigeant de TF1 et de Canal plus, Patrick Le Lay et Bertrand Méheut n’avaient aucune expérience des médias. En matière de nomination, il faut prendre garde à ne pas imposer des critères qui alimenteraient l’endogamie que j’évoquais s’agissant des fonctionnaires siégeant dans les conseils d’administration. Si l’on s’en tenait aux spécialistes de l’audiovisuel, le vivier dans lequel on irait chercher les dirigeants de l’audiovisuel public serait finalement assez restreint.

Monsieur Bréhier, je suis d’accord avec vous : le CSA devrait porter une attention beaucoup plus grande aux chartes d’éthique rédigées par les entreprises. Ces documents, qui participent de l’indépendance des rédactions de l’audiovisuel, devraient être davantage normés.

Mme Dessus ainsi que plusieurs d’entre vous ont évoqué le projet stratégique. En la matière, je plaide pour que le Gouvernement fasse clairement part de ses attentes. Il l’a fait, s’agissant de France Télévisions, au début de l’année dernière, après avoir confié à M. Marc Schwartz la coordination d’un groupe de travail interministériel chargé de mener une réflexion stratégique sur l’avenir du groupe à l’horizon 2020. Sur ce modèle, lors des nominations à la tête de chacune des entreprises concernées, les conclusions de « missions Schwartz » devraient être discutées par les commissions parlementaires compétentes avant que le Gouvernement ne signe une lettre de mission. Le débat au Parlement et le débat public doivent avoir lieu avant que le CSA ne se prononce.

Monsieur Kert, vous avez évoqué, après M. Travert, la décision du Conseil d’État du 17 juin 2015 annulant le refus du CSA de voir passer LCI sur la TNT gratuite. Finalement, le CSA s’est « raccroché » au droit européen pour donner un feu vert à LCI. Je crains que cette affaire ne soit pas terminée.

Vous vous étonnez également que la présidente de France Télévisions ait annoncé la création d’une chaîne d’information en continu sans que le CSA ait émis un avis sur le projet. J’avoue que la position du CSA est surprenante : d’une certaine façon, il valide la création de cette chaîne dès lors qu’elle est annoncée dans le projet stratégique de la candidate Delphine Ernotte, il accepte par ailleurs la diffusion de France 24 sur la TNT en Île-de-France - et pourquoi d’ailleurs uniquement en Île-de-France ? –, et il finit par autoriser la diffusion gratuite de LCI. On se demande si cet ensemble de décisions ne déstabilisera pas l’économie des chaînes d’information en continu.

Monsieur Premat, en matière de contrôle du respect des quotas de chansons françaises, le CSA n’a probablement pas fait son travail : il aurait dû davantage utiliser son pouvoir de sanction. Cela aurait notamment permis d’éviter à Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, de subir des critiques injustifiées. Si le CSA ne veut pas prendre de sanctions, ou s’il estime que la loi doit être modifiée, il faut qu’il nous le dise ! En la matière, il ne lui appartient pas de procéder seul. Il en est de même pour ce qui concerne les règles relatives à la publicité sur les antennes de Radio France : ce n’est pas à lui de décider d’être plus ou moins laxiste et d’aller jusqu’à tolérer la publicité commerciale sur les radios publiques. S’il souhaite que les choses évoluent, il faut qu’il s’exprime, après quoi il reviendra au Gouvernement et au Parlement de décider et d’agir.

M. Cresta a cité Juvénal : « Qui nous gardera de nos gardiens ? » C’est nous ! C’est à nous d’être vigilants quant au fonctionnement des autorités administratives indépendantes.

Monsieur François de Mazières, les présidents des sociétés de l’audiovisuel public sont en effet « corsetés » par leurs tutelles. Quoi qu’il en soit, ils sont « corsetés » par leur conseil d’administration, et leur liberté s’exerce à l’intérieur du contrat d’objectifs et de moyens. C’est ainsi ! Le CSA a-t-il encore de beaux jours devant lui ? Les inquiétudes que vous évoquez concernent son avenir d’ici cinq à dix ans : cela lui laisse déjà un peu de temps. Plus sérieusement, je crois que la télévision sera encore durablement un média grand public. Je ne suis pas sûr qu’il faille rédiger une proposition de loi portant sur la fusion de l’HADOPI, de l’ARCEP et du CSA ; contentons-nous d’un texte qui mettra en œuvre les recommandations que contient mon rapport d’information ! Je rédigerai probablement une proposition de loi dans les semaines qui viennent : l’approbation que mes propositions semblent recueillir de la part de tous les groupes politiques m’engage à entreprendre ce travail.

Monsieur Tardy, je me suis déjà exprimé sur le projet stratégique que vous souhaitez maintenir. Les documents en question sont véritablement « hors-sol », et leur présentation par les postulants se situe entre la leçon d’agrégation et le grand oral de Sciences Po. Tout cela n’a rien à voir avec la compétence des candidats, notamment leur compétence managériale qui doit selon moi guider le choix du CSA – les arguments qu’il a présentés à l’appui de la nomination de Mme Delphine Ernotte montrent qu’il en a fait le premier critère de sa décision. Je rappelle que cela correspond à la rédaction initiale du projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public, tel qu’il avait été déposé par le Gouvernement, avant que nous n’y introduisions l’obligation de présenter des projets stratégiques. Je précise que c’est également nous qui avons attribué au CSA la mission d’émettre un avis sur les COM – même s’il faut ajouter que la ministre était favorable à cette modification, ce que je déplore.

M. le président Patrick Bloche. Monsieur Rogemont, nous vous remercions pour le travail que vous avez effectué et pour les perspectives diverses que vous ouvrez.

La Commission autorise à l’unanimité, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

(par ordre chronologique)

Ø Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) – M. Olivier Schrameck, président, M. Jean-Baptiste Gourdin, directeur de cabinet du président et Mme Anissa Zeghlache, directrice adjointe de cabinet

Ø RTL – M. Charles-Emmanuel Bon, directeur exécutif en charge des technologies, du développement et des affaires publiques

Ø Radio France – M. Mathieu Gallet, président, et Mme Maïa Wirgin, secrétaire générale, membre du comité exécutif

Ø NextRadio TV – M. Alain Weill, président, et M. Aurélien Pozzana, conseil

Ø M. Jean-Luc Hees, ancien président de Radio France

Ø M. Rémy Pflimlin, ancien président de France Télévisions

Ø France TélévisionsMme Delphine Ernotte Cunci, présidente directrice générale, Mme Juliette Rosset-Cailler, directrice des relations avec les pouvoirs publics, et M. Stéphane Sitbon-Gomez, directeur de cabinet

Ø Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes (SIRTI) – M. Olivier Ramond, président, et M. Kevin Moignoux, chargé de missions pour les relations institutionnelles

Ø NRJ Group – Mme Maryam Salehi, directrice déléguée à la direction générale, et Mme Aurélie Brevan Masset, directrice des relations institutionnelles

Ø Groupe M6 M. Nicolas de Tavernost, président du directoire, et Mme Marie Grau-Chevallereau, directrice des études réglementaires

Ø Mission de contrôle général économique et financier de l’audiovisuel public – France Télévisions – Mme Anne Cazala et M. Jean-Charles Aubernon, contrôleurs généraux

Ø Groupe TF1 M. Jean-Michel Counillon, secrétaire général et directeur des affaires juridiques, et Mme Nathalie Lasnon, directrice des affaires règlementaires et concurrence

Ø M. Marc Schwartz, conseiller référendaire à la Cour des comptes, coordonnateur du groupe de travail sur l’avenir de France Télévisions et auteur du rapport France Télévisions 2020 : le chemin de l’ambition

Ø Lagardère Active – M. Richard Lenormand, directeur général du pôle Radio/TV, Mme Anne Fauconnier, secrétaire général du pôle Radio/TV, et Mme Cécile Durand-Girard, directrice des affaires réglementaires et des relations institutionnelles du pôle Radio

Ø M. Régis Fraisse, conseiller d’État, rapporteur indépendant du CSA

Ø Ministère de la culture et de la communication – Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) – M. Martin Ajdari, directeur général, M. Romain Laleix, chef du bureau du secteur de l’audiovisuel public, M. Guillaume Vidal, adjoint au chef du bureau du secteur de l’audiovisuel public, et M. Sébastien Croix, chef du bureau du régime juridique de l’audiovisuel

Ø Groupe Canal + – M. Frédéric Crépin, secrétaire général, Mme Pascaline Gineste, directrice des affaires réglementaires et européennes et Mme Peggy le Gouvello, directrice des relations extérieures

Ø Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) – M. Olivier Schrameck, président, Mme Leïla Derouich, directrice de cabinet, et Mme Anissa Zeghlache, directrice adjointe de cabinet

Ø Table ronde syndicats de France Télévisions :

– Confédération générale du travail (CGT) France Télévisions – M. Marc Chauvelot, délégué syndical central, et M. Christophe Porro, secrétaire général adjoint du SNRT-CGT Audiovisuel

– Syndicat national des journalistes (SNJ) France TélévisionsM. Didier Givodan

– Force ouvrière (FO) France Télévisions – M. Éric Vial, délégué syndical central, et M. Bruno Demange, délégué syndical

Ø Table ronde syndicats de Radio France :

– Confédération générale du travail (CGT) de Radio France M. Lionel Thompson, grand reporteur, et M. Jean-Matthieu Zahnd, réalisateur

– Confédération française démocratique du travail (CFDT) Radio France M. Renaud Dalmar

– Syndicat national des journalistes (SNJ) de Radio France Mme Valeria Emanuele, secrétaire nationale

– Syndicat national des personnels de la communication et de l’audiovisuel – Confédération générale des cadres (SNPCA-CGC) de Radio France  M. Gilles Le Mouel

– Union nationale des syndicats autonomes (UNSA)Mme Taouès Abada, chargée de communication, et M. Philippe Ballet, permanent syndical

1 () Rapport d’information de MM. René Dosière et Christian Vanneste, au nom du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, Les autorités administratives indépendantes (n° 2925, XIIIe législature).

2 () Jacques Mézard, Un État dans l’État : canaliser la prolifération des autorités administratives indépendantes pour mieux les contrôler, rapport n° 126 fait au nom de la commission d’enquête mise en place par le Sénat sur les autorités administratives indépendantes, 28 octobre 2015.

3 () Dans son rapport sur le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public, le rapporteur avait d’ailleurs souligné que l’un des défauts majeurs des nominations effectuées à la suite de la loi du 5 mars 2009, au-delà de la suspicion qu’elles faisaient nécessairement peser sur les dirigeants élus, était que le choix était exclusivement celui d’une personnalité par une autre personnalité, sans lettre de mission du Président de la République ou du Gouvernement, en contradiction avec l’argument de la responsabilité de l’État actionnaire. M. Rémy Pflimlin avait ainsi pu modifier radicalement des options que son prédécesseur avait décidées avec l’aval de l’État au détriment de la nécessaire continuité dans la conduite des chantiers de modernisation.

4 () Ces différents constats ont notamment été formulés par M. Jean-Dominique Chertier, nommé médiateur par la ministre de la culture et de la communication dans le conflit social qu’a connu Radio France au printemps 2015, dans son rapport de médiation du 21 juillet 2015.

5 () CSA, Bilan quadriennal des résultats de la société France Télévisions, décembre 2014.

6 () France Télévisions 2020 : le chemin de l’ambition, mars 2015.

7 () Audition de M. Olivier Schrameck, président du CSA, sur les modalités de désignation des présidents des sociétés de l’audiovisuel public, 26 mai 2015.

8 () Le Conseil avait alors estimé que « la garantie résultant du mode de nomination retenu ne serait plus effective si l’intégralité des procès-verbaux des auditions et débats du Conseil supérieur de l’audiovisuel devait être rendue publique ; qu’en effet, ne serait plus assurée en pareil cas l’entière liberté de parole tant des candidats que des membres du Conseil eux-mêmes, condition nécessaire à l’élaboration d’une décision collégiale éclairée, fondée sur la seule prise en compte de l’intérêt général et du bon fonctionnement du secteur public de l’audiovisuel dans le respect de son indépendance ; qu’en outre, la publication intégrale de ces auditions et débats pourrait porter atteinte à la nécessaire sauvegarde du respect de la vie privée des personnes concernées ».

9 () Seule la publication de l’intégralité des procès-verbaux des débats internes au collège lui semblerait contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel et à l’objectif d’une décision collégiale éclairée, ne portant pas atteinte à la sincérité des débats et à la vie privée des candidats.

10 () Audition du 26 mai 2015.

11 () Rapport n° 1460 fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public ; 15 octobre 2013.

12 () Dans son rapport annuel 2012, le CSA formulait la préconisation d’être associé à l’élaboration des contrats d’objectifs et de moyens des sociétés de l’audiovisuel public. Par ailleurs, dans un communiqué du 23 avril 2013, le Conseil souhaitait « que la loi prévoie explicitement, pour France Télévisions comme pour l’ensemble du secteur audiovisuel public, sa saisine pour avis motivé sur le COM et ses avenants, à l’instar du cahier des charges. Il souhaite également assurer un contrôle annuel des engagements souscrits dans le COM et adresser son rapport aux commissions parlementaires compétentes. ».

13 () Jacques Mézard, Un État dans l’État : canaliser la prolifération des autorités administratives indépendantes pour mieux les contrôler, rapport n° 126 fait au nom de la commission d’enquête mise en place par le Sénat sur les autorités administratives indépendantes, 28 octobre 2015.

14 () http://www.csa.fr/Espace-juridique/Avis-du-CSA-au-Gouvernement/Avis-n-2013-14-du-11-septembre-2013-relatif-au-projet-d-avenant-au-Contrat-d-objectifs-et-de-moyens-de-la-societe-nationale-de-programme-France-Televisions-pour-la-periode-2013-2015.

15 () http://www.csa.fr/Espace-juridique/Avis-du-CSA-au-Gouvernement/Avis-n-2013-17-du-11-decembre-2013-relatif-au-projet-de-contrat-d-objectifs-et-de-moyens-de-la-societe-nationale-de-programme-France-Medias-Monde-pour-la-periode-2013-2015.

16 () http://www.csa.fr/Espace-juridique/Avis-du-CSA-au-Gouvernement/Avis-n-2015-22-du-25-novembre-2015-relatif-au-projet-de-Contrat-d-objectifs-et-de-moyens-de-la-societe-nationale-de-programme-Radio-France-pour-la-periode-2015-2019.

17 () Les Échos, 9 octobre 2013, « Comment Olivier Schrameck tisse sa toile au CSA ».

18 () « France Télévisions : Olivier Schrameck demande plus de clarté et de transparence », L’Express, 29 octobre 2013.

19 () Anne Brucy, France 3, un avenir régional, rapport remis à la ministre de la culture et de la communication le 1er juillet 2014.

20 () Conseil d’État, 17 juin 2015, Sté Métropole Télévision (M6) et Sté Paris Première ; Sté en commandite simple La Chaîne Info (LCI).

21 () Rapport n° 1275 de M. Marcel Rogemont, au nom de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, sur le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public ; 17 juillet 2013.

22 () En particulier, le cadre défini par les directives du « paquet télécom » en vigueur, et en particulier la Directive « Concurrence » 2002/77/CE de la Commission du 16 septembre 2002 relative à la concurrence dans les marchés de réseaux et des services de communication et la Directive « Autorisation » 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques.

23 () 3 concernant les télévisions nationales (dont 2 au titre du respect des droits et libertés), 16 concernant les télévisions locales (dont 9 pour non diffusion d’informations locales ou de programmes locaux et 7 pour non fourniture de bilan), 2 concernant les télévisions non hertziennes, une concernant les radios nationales (au titre de la protection des mineurs) et 22 concernant les autres radios (dont 12 pour non fourniture de bilan et 9 pour non émission).

24 () Rapport n° 3068 de M. Patrick Bloche, au nom de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, sur le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine ; 17 septembre 2015.

25 () http://www.csa.fr/var/ezflow_site/storage/csa/rapport2013/donnees/accueil.htm.

26 () http://www.csa.fr/var/ezflow_site/storage/csa/rapport2014/csa.htm.

27 () Le sixième alinéa de l’article 42-3 précise que lorsque la modification du contrôle porte sur un service national de télévision ou un service de radio appartenant à un réseau de diffusion national, l’agrément est précédé d’une étude d’impact, notamment économique, rendue publique dans le respect du secret des affaires.

28 () Le Conseil constitutionnel dans sa décision relative à la loi de finances rectificative pour 2012 (décision n° 2012-654 DC du 9 août 2012) avait en effet annulé l’article créant une telle taxe au motif que l’élargissement des compétences du CSA qu’il prévoyait à cet effet n’avait « pas sa place » dans une loi de finances.

29 () 20 Minutes, 14 avril 2015, « Pourquoi la revente de la chaîne Numéro 23 fait scandale ? ».

30 () Voir en particulier Olivier Bomsel : « Le système d’attribution des chaînes pose problème », Les Échos, 17 décembre 2015.


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