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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 octobre 2016.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA MISSION D’INFORMATION COMMUNE (1)
sur l’application de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015
relative à la transition énergétique pour la croissance verte,
ET PRÉSENTÉ PAR
M. Jean-Paul CHANTEGUET,
Président, rapporteur,
Mmes Marie-Noëlle BATTISTEL et Sabine BUIS, rapporteures,
et M. Julien AUBERT, rapporteur
——
La mission d’information commune sur l’application de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte est composée de : M. Damien Abad, M. Bernard Accoyer, M. Julien Aubert, M. Guillaume Bachelay, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Christophe Bouillon, Mme Sabine Buis, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, Mme Geneviève Gaillard, M. Marc Goua, M. Michel Heinrich, M. Jacques Krabal, M. Alain Leboeuf, M. Michel Lesage, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Bertrand Pancher, M. Martial Saddier, Mme Béatrice Santais, M. Michel Sordi.
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SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 13
Production et consommation d’énergie en France et en Allemagne 14
Le nucléaire : une spécificité française 18
La réduction des gaz à effet de serre 20
Les perspectives du marché de l’électricité 28
Une mise en œuvre de grande ampleur 30
TITRE IER – DÉFINIR LES OBJECTIFS COMMUNS POUR RÉUSSIR LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE, RENFORCER L’INDÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE ET LA COMPÉTITIVITÉ ÉCONOMIQUE DE LA FRANCE, PRÉSERVER LA SANTÉ HUMAINE ET L’ENVIRONNEMENT ET LUTTER CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE 41
Article 1er : Programmation de la transition énergétique 41
Article 2 : Intégration des objectifs de la politique énergétique dans les politiques publiques 48
L’énergie photovoltaïque 49
TITRE II – MIEUX RÉNOVER LES BÂTIMENTS POUR ÉCONOMISER L’ÉNERGIE, FAIRE BAISSER LES FACTURES ET CRÉER DES EMPLOIS 51
Article 3 : Objectif de rénovation énergétique de 500 000 logements par an 54
Article 4 : Stratégie nationale de rénovation en matière de bâtiments : demande de rapport au Gouvernement 54
Article 5 : Rénovation énergétique des bâtiments privés résidentiels 54
Article 6 : Obligation de rénovation au cas de mutation d’un bien immobilier 56
Article 7 : Dérogation aux règles d’urbanisme au bénéfice des travaux d’isolation 56
Article 8 : Obligation de performances énergétiques dans les documents d’urbanisme et exemplarité de la construction sous maîtrise d’ouvrage public 57
Article 9 : Composition et présidence du conseil d’administration du centre scientifique et technique du bâtiment 57
Article 10 : Mission du conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique 60
Article 11 : Carnet numérique du suivi et de l’entretien du logement 62
Article 12 : Critère de performance énergétique minimale 64
Article 13 : Respect des normes de performances énergétiques minimales pour la vente d’une HLM 64
Article 14 : Niveau de performance énergétique des bâtiments 65
Article 15 : Organisme certificateur de la performance énergétique d’un bâtiment neuf 67
Article 16 : Mise à jour du logiciel des caractéristiques thermiques des constructions nouvelles 68
Article 17 : Prolongation des obligations de rénovation par période décennale 68
Article 18 : Marchés privés de bâtiments en sous-traitance 69
Article 19 : Opportunité de regrouper certains financements destinés aux ménages modestes dans un fonds unique : demande de rapport au Gouvernement 69
Article 20 : Fonds de garantie pour la rénovation énergétique 70
Article 21 : Rapport sur l’opportunité d’aides fiscales à l’installation de filtres à particules sur les équipements de chauffage au bois destinés aux particuliers 72
Article 22 : Plateformes territoriales du service public de la performance énergétique 72
Article 23 : Mise en œuvre du service de tiers financement 72
Article 24 : Modalités de remboursement d’un prêt viager hypothécaire 73
Article 25 : Avances sur travaux consenties par un établissement de crédit, un établissement financier ou une société de tiers financement 73
Article 26 : Individualisation des compteurs de chauffages d’immeuble. 73
Article 27 : Régime de sanctions administratives en cas de non-respect des règles de comptage de la consommation de chaleur, d’électricité et de gaz 76
Article 28 : Compteurs « déportés » Linky et Gazpar 76
Article 29 : Accès des opérateurs des gestionnaires de réseaux de distribution de gaz naturels et d’électricité aux compteurs 87
Article 30 : Certificats d’économies d’énergie 88
Article 31 : Notion d’impropriété à la destination en matière de performance énergétique 89
Article 32 : Ménages en situation de précarité énergétique 89
Article 33 : Colonnes montantes : demande d’un rapport au Gouvernement 89
TITRE III – DÉVELOPPER LES TRANSPORTS PROPRES POUR AMÉLIORER LA QUALITÉ DE L’AIR ET PROTÉGER LA SANTÉ 93
Chapitre Ier – Priorité aux modes de transports les moins polluants 93
Article 34 : Compétences du syndicat de transports d’Île-de-France (STIF) pour organiser des services d’auto-partage et de location de vélos 97
Article 35 : Expérimentations d’espaces logistiques en matière de transport 97
Article 36 : Priorité aux transports en commun moins polluants et aux reports modaux 97
Chapitre II – Efficacité énergétique et énergies renouvelables dans les transports 97
Article 37 : Obligation d’acquisition de véhicules propres par l’État et les établissements publics ; habilitation à légiférer par ordonnance pour l’expérimentation de véhicules à délégation de conduite 97
Article 38 : Abonnements autoroutiers réduits pour les véhicules sobres et peu polluants 101
Article 39 : Réduction d’impôts pour les sociétés qui mettent une flotte de vélos à disposition de leur personnel 101
Article 40 : Stratégie nationale pour le développement des véhicules propres et des infrastructures d’alimentation correspondantes 103
Article 41 : Déploiement d’infrastructures de recharge pour les véhicules électriques et hybrides et stationnement des vélos 106
Article 42 : Réduction du nombre de places de stationnement exigées par un plan local d’urbanisme au cas d’auto-partage 108
Article 43 : Objectif d’utilisation d’énergie renouvelable dans les transports et développement des biocarburants 109
Chapitre III – Réduction des émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques et qualité de l’air dans les transports 110
Article 44 : Objectif de réduction des émissions des gaz à effet de serre par le secteur de la grande distribution 110
Article 45 : Obligation pour les aéroports d’établir des programmes de réduction des gaz à effet de serre et de gaz atmosphériques 111
Article 46 : Quotas d’émission de gaz à effet de serre pour les exploitants d’aéronefs 113
Article 47 : Possibilités pour le maire de fixer une vitesse maximale inférieure à 50 km/heure pour toute ou partie des voies de l’agglomération 113
Article 48 : Mesures environnementales de restriction de la circulation automobile 114
Article 49 : Possibilités pour le maire d’étendre l’interdiction d’accès des véhicules les plus polluants à l’ensemble des voies d’une commune située dans le périmètre d’un plan de protection de l’atmosphère 123
Article 50 : Indemnités kilométriques vélos 126
Article 51 : Plan de mobilité du personnel 129
Article 52 : Covoiturage, éclairage public et transports urbains par câble 129
Article 53 : Aires de covoiturage obligatoires sur les autoroutes 132
Article 54 : Prise en compte des besoins de déplacement domicile-travail dans le schéma régional de l’intermodalité 132
Article 55 : Plan de mobilité rurale 132
Article 56 : Voies réservées aux transports en commun, aux taxis et à l’autopartage : demande de rapport du Gouvernement 133
Article 57 : Émissions de particules fines dans le secteur du transport : demande de rapport au Gouvernement 133
Article 58 (article L.318-3 du code de la route) : Délit de défapage 133
Article 59 : Habilitation à légiférer par ordonnance pour transposer la règlementation européenne concernant la teneur en soufre des combustibles marins 134
Article 60 : Obligation de pavillon pour assurer la sécurité de l’approvisionnement en produits pétroliers raffinés 135
Article 61 : Servitude de marchepied : itinéraire inscrit au plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée. 139
Article 62 : Servitude de marchepied : cours d’eau ou lac domanial 139
Article 63 : Servitude de marchepied : fixation de la limite des emprises 140
Chapitre IV – Mesures de planification relatives à la qualité de l’air 140
Article 64 : Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques 140
Article 65 : Contrôle technique des véhicules particuliers ou utilitaires légers : émissions de polluants et de particules fines 141
Article 66 : Planification territoriale en matière de qualité de l’air 142
Article 67 : Obligation d’information de leurs clients par leurs prestataires de transport 142
Article 68 : Interdiction d’utilisation des produits phytosanitaires 143
TITRE IV – LUTTER CONTRE LES GASPILLAGES ET PROMOUVOIR L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE : DE LA CONCEPTION DES PRODUITS À LEUR RECYCLAGE 147
Article 69 : Stratégie nationale de transition vers l’économie circulaire 149
Article 70 : Transition vers une économie circulaire et objectifs de la politique de prévention et de valorisation des déchets 150
Article 71 : Intégration dans le cahier des charges des concessions hydrauliques de conditions relatives à la récupération et à la valorisation des bois flottants 153
Article 72 : Intégration d’objectifs en matière de consignes dans les cahiers des charges des éco-organismes 154
Article 73 : Interdiction à compter du 1er janvier 2020 de la mise à disposition des gobelets verres et assiettes jetables de cuisine en matière plastique 155
Article 74 : Objectif de découplage entre la croissance économique et la consommation de matières premières 156
Article 75 : Interdiction de distribution des sacs plastiques 157
Article 76 : Schéma de promotion des achats publics responsables 159
Article 77 : Enlèvement des épaves de véhicules. Récupération des véhicules. Gestion des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE). Contrôle des transferts transfrontaliers de déchets. 160
Article 78 : Valorisation des déchets de construction et interdiction de dépôt et enfouissement sur les terres agricoles 163
Article 79 : Planification de la réduction de consommation de papier à usage bureautique et réemploi des déchets de chantiers routiers 163
Article 80 : Consignes de tri pour la collecte séparée des déchets d’emballages et de papiers graphiques, application nationale 163
Article 81 : Mise en œuvre de la responsabilité élargie des producteurs de bouteilles de gaz destinées au ménage 164
Article 82 : Obligation de caractérisation des déchets 165
Article 83 : Gouvernance des éco-organismes 165
Article 84 : Tarification incitative de deuxième niveau applicable aux collectivités territoriales 166
Article 85 : Recyclage des navires 167
Article 86 : Constat des infractions au code de l’environnement 167
Article 87 : Transport de déchets 168
Article 88 : Cahier des charges des éco-organismes 169
Article 89 : Extension de la responsabilité élargie du producteur aux navires de plaisance ou de sport 169
Article 90 : Information sur les caractéristiques environnementales des produits 170
Article 91 : Extension du périmètre de la responsabilité élargie du producteur papier à compter du 1er janvier 2017 171
Article 92 : Extension du périmètre de la responsabilité élargie du producteur textile 176
Article 93 : Reprise des déchets de construction 176
Article 94 : Gratuité de la reprise des déchets de construction 179
Article 95 : Autorisation des déchetteries 180
Article 96 : Tri à la source 180
Article 97 : Extension du contenu des plans départementaux ou interdépartementaux de prévention et de gestion de déchets non dangereux 182
Article 98 : Comptabilité analytique pour les services publics de prévention et de gestion des déchets 182
Article 99 : Définition du délit d’obsolescence programmée et sanctions 183
Article 100 : Réversibilité du stockage des déchets enfouis : demande de rapport au Gouvernement 183
Article 101 : Produits ne faisant pas l’objet d’un dispositif de responsabilité élargie d’un producteur : demande de rapport au Gouvernement 184
Article 102 : Démarches de lutte contre le gaspillage alimentaire dans les services de restauration collective 184
Article 103 : Suppression de l’inscription de la date limite d’utilisation optimale 184
TITRE V – FAVORISER LES ÉNERGIES RENOUVELABLES POUR DIVERSIFIER NOS ÉNERGIES ET VALORISER LES RESSOURCES DE NOS TERRITOIRES 187
Chapitre Ier – Dispositions communes 188
Article 104 : Complément de rémunération 188
Article 105 : Délai de raccordement des installations de production à partir de sources renouvelables 198
Article 106 : Adaptation des procédures d’appels d’offres pour la production d’électricité renouvelable 199
Article 107 : Sanctions applicables aux régimes de soutien des énergies renouvelables 200
Article 108 : Production et vente d’électricité par les collectivités territoriales et leurs groupements 201
Article 109 : Participation des communes au capital de sociétés de production d’énergies renouvelables 201
Article 110 : Création de sociétés commerciales de production d’électricité ou de gaz par des régies. 203
Article 111 : Investissement participatif dans les projets de production d’énergies renouvelables 204
Article 112 : Méthanisation 205
Article 113 : Mise à jour de la liste des cours d’eau réservoirs 211
Article 114 : Admission de l’énergie photovoltaïque au bénéfice des réductions d’impôts 211
Article 115 : Prohibition du cumul de réduction d’impôts et d’un complément de rémunération 212
Chapitre II – Concessions hydroélectriques 212
L’énergie hydroélectrique 213
Article 116 : Méthode du barycentre 219
Article 117 : Répartition de la redevance hydraulique 221
Article 118 : Sociétés d’économies mixtes hydroélectrique 221
Chapitre III – Mesures techniques complémentaires 227
Article 119 : Installations de production d’électricité, hydroélectricité, biométhane, technologies innovantes : habilitation à légiférer par ordonnance 227
Article 120 : Obligation d’assurance pour l’exploitation de sites géothermiques 231
Article 121 : Plan de développement du stockage des énergies renouvelables par hydrogène décarboné : demande de rapport au Gouvernement 231
Article 122 : Indemnisation des dommages miniers 233
TITRE VI – RENFORCER LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET L’INFORMATION DES CITOYENS 235
Article 123 : Rôle des commissions locales d’information 236
Article 124 : Limitation et surveillance des activités sous-traitées 243
Article 125 : Suivi médical des travailleurs exposés à des rayonnements ionisants 245
Article 126 : Autorisation en cas de modification substantielle d’une installation nucléaire de base 247
Article 127 : Démantèlement des installations nucléaires de base 248
Article 128 : Sûreté nucléaire : habilitation à légiférer par ordonnance 255
Article 129 : Transposition de la directive « Euratom » 273
Article 130 : Prescription relative à la responsabilité nucléaire civile 278
Article 131 : Disposition de conséquences 279
Article 132 : Consultation au sujet de l’obligation de constituer des provisions faites aux exploitants d’installations nucléaires de base 279
TITRE VII – SIMPLIFIER ET CLARIFIER LES PROCÉDURES POUR GAGNER EN EFFICACITÉ ET EN COMPÉTITIVITÉ 281
Chapitre Ier – Simplification des procédures 281
Article 133 : Participation du public 281
Article 134 : Extension de la compétence de RTE au domaine public maritime et à la ZEE 283
Article 135 : Hausse de lignes électriques dans des espaces remarquables 284
Article 136 : Prolongation de permis précaires pour un démonstrateur d’énergie renouvelable 284
Article 137 : Performance énergétique dans la commande publique 285
L’énergie éolienne 286
Article 138 : Implantation d’éoliennes 294
Article 139 : Renouvellement de la distance d’éloignement des éoliennes des zones d’habitation 295
Article 140 : Implantation d’éoliennes lorsqu’un plan local d’urbanisme est élaboré 295
Article 141 : Coexistence des éoliennes et des installations de défense 295
Article 142 : Information des conseillers municipaux des petites communes sur les délibérations relatives à une installation ICPE 296
Article 143 : Inopposabilité des règles d’urbanisme postérieures à l’autorisation d’une installation classée 296
Article 144 : Performance environnementale de la commande publique 297
Article 145 : Permis unique pour les éoliennes terrestres et les méthaniseurs 298
Article 146 : Simplification des procédures pour la géothermie basse température 299
Article 147 : Possibilité d’augmenter la puissance des installations hydroélectriques en plusieurs fois 299
Chapitre II – Régulation des réseaux et des marchés 299
Article 148 : Calcul du coût prévisionnel 299
Article 149 : Règles liées au marché de capacité : 300
Article 150 : Compétence de RTE 300
Article 151 : Fixation des tarifs réglementés de vente d’électricité 301
Article 152 : Indemnités en cas de résiliation d’un contrat au tarif réglementé de vente 302
Article 153 : Gouvernance des réseaux publics de distribution d’électricité 302
Article 154 : Calcul des tarifs de distribution de gaz naturel 304
Article 155 : Inventaire des besoins d’investissement sur les réseaux de distribution d’électricité 305
Article 156 : Définition des consommateurs électro-intensifs 305
Article 157 : Tarifs applicables aux consommateurs électro-intensifs 309
Article 158 : Interruptibilité 310
Article 159 : Tarification différenciée aux entreprises gazointensives 311
Article 160 : Tarification différenciée entre les consommateurs pour limiter les pointes 312
Article 161 : Tarification différenciée du gaz naturel 314
Article 162 : Risque de fuite de carbone : demande de rapport au Gouvernement 314
Article 163 315
Tarifs de cession applicables avant la date de suppression des tarifs réglementés 315
Article 164 : Adaptation des réseaux de transport en cas de modification de la nature du gaz acheminé 315
Article 165 : Péréquation des charges d’électricité 317
Article 166 : Prises de participation de RTE étendues à la zone de l’Association européenne de libre-échange 318
Chapitre III – Habilitations et dispositions diverses 318
Article 167 : Habilitation à légiférer par ordonnances 318
Article 168 : Effacement électrique diffus 323
Article 169 : Vérification des informations recueillies lors des contrôles effectués par la commission de régularisation de l’énergie 325
Article 170 : Droit des personnes publiques à conclure des contrats d’achat d’électricité de gaz révisables 325
Article 171 : Application du statut des industries électriques et gazières au personnel de la maison mère d’une entreprise locale de distribution 325
Article 172 : Transposition de directives sur le marché intérieur de l’électricité et du gaz : habilitation à prendre des ordonnances 325
TITRE VIII – DONNER AUX CITOYENS, AUX ENTREPRISES, AUX TERRITOIRES ET À L’ÉTAT LE POUVOIR D’AGIR ENSEMBLE 329
Chapitre Ier – Outils de la gouvernance nationale de la transition énergétique : programmation, recherche et formation 329
Article 173 : Budget carbone et stratégie bas-carbone 329
Article 174 : Financement de la transition énergétique : demande de rapport au Gouvernement 332
Article 175 : Stratégie nationale de mobilisation de la biomasse 332
Article 176 : Programmation pluriannuelle de l’énergie et programmation des capacités énergétiques 333
Article 177 : Comité d’experts pour la transition énergétique 336
Article 178 : Comité de gestion de la contribution au service public de l’électricité 336
Article 179 : Accès aux données de production et de consommation d’énergie et registre national des installations de production et de stockage d’électricité 338
Article 180 : Intégration de la transition énergétique dans les politiques d’emploi et d’enseignement supérieur 341
Article 181 : Inclusion des techniques de mise en œuvre et de maintenance dans les formations d’enseignement technologique, professionnel et agricole 341
Article 182 : Formation continue relative au développement durable et à la transition énergétique 341
Article 183 : Recherche en matière d’énergie 342
Article 184 : Actions d’efficacité énergétique 343
Article 185 : Saisine du médiateur national 343
Article 186 : Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire 344
Chapitre II – Le pilotage de la production d’électricité 345
Article 187 : Autorisation et plan stratégique des exploitants produisant plus du tiers de la production nationale d’électricité 345
L’énergie nucléaire 345
Chapitre III – La transition énergétique dans les territoires 347
Article 188 : Rôle de la région, plans climat air énergie 347
Article 189 : Installation d’éclairage public 349
Article 190 : Modalité de comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre 349
Article 191 : Agences régionales de l’environnement 350
Article 192 : Agences locales de l’énergie et du climat 350
Article 193 : Prise en compte des réseaux d’énergie dans les orientations d’aménagement et de programmation des plans locaux d’urbanisme 351
Article 194 : Réseaux de distribution de chaleur et de froid 351
Article 195 : Compétences transitoires des établissements publics d’aménagement pour la distribution de chaleur et de froid 351
Article 196 : Recensement des réseaux de chaleur au sein du schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie 351
Article 197 : Schéma régional biomasse 353
Article 198 : Commission consultative au sein des EPCI 354
Article 199 : Expérimentation sur le développement des services de flexibilité locaux 354
Article 200 : Déploiement expérimental de réseaux électriques intelligents : habilitation à légiférer par ordonnance 356
Article 201 : Chèque énergie 357
Article 202 : Délai maximal de 14 mois pour la facturation de la consommation d’électricité ou de gaz naturel 358
Chapitre IV – Dispositions spécifiques aux outre-mer et aux autres zones non interconnectées 358
Article 203 : Programmation pluriannuelle d’énergie en Corse et dans les outre-mer 361
Article 204 : Obligation pour les exploitants produisant plus d’un tiers de la production d’électricité naturelle d’élaborer un plan stratégique dans les zones non interconnectées 367
Article 205 : Dispositions spécifiques à la Guadeloupe 367
Article 206 : Inopposabilité de la stratégie bas carbone aux schémas d’aménagement régional approuvée ou en cours d’élaboration 368
Article 207 : Adaptation des cahiers des charges des éco organismes dans les départements et régions d’outre-mer 368
Article 208 : Recyclage des véhicules usagés outre-mer 368
Article 209 : Utilisation des matières premières recyclées issues des déchets 369
Article 210 : Plan régional d’actions concernant l’économie circulaire 369
Article 211 : Mise en cohérence des textes de programmation en Martinique 370
Article 212 : Adaptation de la loi à la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis et Futuna : demande de rapport au Gouvernement 370
Article 213 : Couverture des coûts échoués de projets de production d’électricité dans les outre-mer 371
La Contribution au Service Public de l’Électricité et le compte d’affectation spéciale « transition énergétique » 372
Article 214 : Extension de la péréquation tarifaire aux Îles Wallis et Futuna 379
Article 215 : Stratégie nationale de développement de la géothermie dans les départements d’outre-mer 380
CONCLUSION 381
OBSERVATIONS COMPLÉMENTAIRES DE M. JULIEN AUBERT, RAPPORTEUR 385
SUGGESTIONS FORMULÉES PAR LA MISSION 387
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA MISSION 399
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR MME MARIE-NOËLLE BATTISTEL, RAPPORTEURE 405
COMPTES RENDUS DES TABLES RONDES 409
TABLE RONDE DU MERCREDI 23 MARS 2016 SUR L’ARTICLE 173 409
TABLE RONDE DU MARDI 10 MAI 2016 SUR LES DÉCHETS ET L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE 427
TABLE RONDE DU MERCREDI 11 MAI 2016 SUR LES COMPTEURS DÉPORTÉS « LINKY » ET « GAZPAR » 457
TABLE RONDE DU MERCREDI 22 JUIN 2016 REGROUPANT DES ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES 503
TABLE RONDE DU MERCREDI 29 JUIN 2016 SUR LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX BÂTIMENTS 517
EXAMEN EN COMMISSION 533
Toute « transition » recouvre deux notions : la première est la traduction d’un état passager, la seconde est celle d’un objectif, d’un but à atteindre. La transition énergétique n’échappe pas à ces déterminants.
La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui restera l’une des lois les plus importantes adoptées pendant la présente législature, répond en effet à cette double notion. Très volontariste, elle se fixe comme objectifs tant la réduction de la consommation énergétique que le recours à des sources décarbonées et diversifiées de mix énergétique. La loi programme des objectifs ambitieux, et concerne, au plan matériel, les secteurs les plus divers de l’activité sociale, des plus quotidiens : circulation des véhicules, sacs et objets de cuisine en plastique, tri des déchets, constructions de bâtiments neufs et rénovations, implantation d’éoliennes, covoiturage, circulation en vélo, remplacement des compteurs électriques et de gaz, consommation d’énergie, aux plus structurants en termes d’enjeux d’avenir : plafonnement en volume de la part d’énergie d’origine nucléaire, démantèlement de réacteurs, prix de l’électricité, rôle et financement d’EDF, d’AREVA ou d’ENGIE, précarité énergétique, filières industrielles, etc. rien d’étonnant, dès lors, à ce que ses dispositions puissent sembler hétérogènes.
La loi repose sur un postulat : la nécessité d’accroître la liberté de choix du consommateur, non seulement sur les sources d’énergie, en développant les énergies renouvelables, non seulement sur ses fournisseurs, mais également sur la connaissance et la maîtrise de sa consommation. Celle-ci implique la rénovation de l’habitat, une meilleure appréhension de la consommation - à laquelle contribuent les compteurs déportés d’électricité et de gaz, mais aussi, par exemple, l’individualisation des compteurs de chauffage dans les habitats collectifs, le développement de modes de transports alternatifs, dont le covoiturage ou la mise en place de flottes de vélos dans les entreprises, ou encore de l’autoconsommation.
Plus largement, la loi contribue à la mise en œuvre de principes qui excèdent les seules questions énergétiques : solidarité, citoyenneté, participation du public à la décision environnementale, aménagement du territoire, santé publique, etc. Le développement durable ne peut être aujourd’hui appréhendé qu’à travers une approche transversale. Les points d’entrée sont donc multiples, comme le sont les grilles d’analyse, en termes d’emploi industriel, d’efficacité des mesures, de droit de l’urbanisme ou de concessions de service public.
L’une des difficultés de l’évaluation de la présente loi est qu’elle vise souvent, plutôt qu’à prescrire ou à prohiber, à inciter à des comportements, et que donc, l’effet de mesures peut être contrarié par de nombreux facteurs : entrée en vigueur tardive, contentieux, campagnes d’ « information » véhiculant des idées parfois caricaturales, voire fausses : complexité des procédures, poids des réglementations, divergence entre les acteurs, situation économique du marché de l’énergie, corporatismes, etc. Si elle cherche bien à contribuer à cette modification des comportements, la « transition » n’en est pas moins par nature un état instable. Nombre de professionnels regrettent l’incertitude sur les normes, leur instabilité, leur excessive technicité. Une autre difficulté tient à la diversité même des dispositions et des secteurs concernés.
La « transition » impose donc avant tout de connaître la situation actuelle.
*
Production et consommation d’énergie en France et en Allemagne
La consommation d’énergie atteignait en France 256,6 de millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) en 2014, dont 30 % de pétrole et 42,6 % d’électricité non renouvelable. Cette même année la facture énergétique de la France s’est établie à 54,6 milliards d’€, et enregistre une baisse de 11 milliards d’€ sur un an. La spécificité de la France en matière de production d’énergie tient à la part essentielle prise par le nucléaire, lequel dans le monde ne représente que 4,8 % de la production globale d’énergie (642 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) – alors que le charbon en représente encore 29 % (3 878 Mtep) et le pétrole 31 %.
La production française d’énergie primaire a atteint 139 Mtep en 2014.
La production d’électricité en France est approximativement à 77 % d’origine nucléaire : en 2015, les 58 réacteurs du parc nucléaire français ont généré 416,8 TWh, soit 76,3 % de l’électricité totale produite sur le territoire, mais ce chiffre tend à diminuer, à 11 % environ d’origine hydroélectrique (54 TWh en 2015) alors que le photovoltaïque représente environ 4,9 % et l’éolien 3,5 % de la consommation.
PRODUCTION BRUTE D’ÉLECTRICITÉ EN FRANCE DE 2011 A 2014
(En TWh)
2011 |
2012 |
2013 |
2014 (p) |
2014/2013 | |
Hydraulique, éolien et photovoltaïque |
64 |
83 |
97 |
91 |
-6,2 |
Thermique nucléaire |
442 |
425 |
424 |
436 |
3,0 |
Thermique classique |
56 |
56 |
54 |
36 |
-33,9 |
Production nationale |
563 |
564 |
575 |
563 |
-2,0 |
Importations |
10 |
12 |
12 |
8 |
-32,6 |
Exportations |
-66 |
-57 |
-60 |
-75 |
24,8 |
Solde des échanges |
-56 |
-45 |
-48 |
-67 |
38,6 |
Pompages |
-7 |
-7 |
-7 |
-8 |
12,2 |
Consommation des auxiliaires |
-27 |
-28 |
-24 |
-23 |
-2,1 |
Consommation intérieure |
473 |
484 |
495 |
464 |
-6,2 |
(p) provisoire
Source : service de l’observation et des statistiques (SOeS) INSEE, mise à jour novembre 2015
Les énergies renouvelables jouent toujours un rôle d’appoint ; au sein de celles-ci, la part de l’hydraulique demeure prépondérante.
CONSOMMATION PRIMAIRE D’ÉNERGIES RENOUVELABLES
POUR LA PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ
(En ktep)
2013 |
2014 p | |
Hydraulique renouvelable |
6 155 |
5 367 |
Énergie marémotrice |
36 |
41 |
Éolien |
1 385 |
1 483 |
Solaire photovoltaïque |
447 |
549 |
Géothermie électrique |
78 |
71 |
Déchets renouvelables |
690 |
631 |
Biomasse solide |
486 |
515 |
dont bois-énergie |
370 |
391 |
Biogaz |
316 |
364 |
Total |
9 591 |
9 021 |
Source : Commissariat général au développement durable Bilan des énergies renouvelables en France, SOeS d’après les sources par filières
Pour illustrer de façon parlante cette situation d’ensemble, peut être mesurée la part des principales sources en capacité installée ramenée à un « équivalent centrale nucléaire » : la production de chaque filière est rapportée, dans les tableaux ci-dessous à l’équivalent de la production d’un réacteur nucléaire :
CAPACITÉS INSTALLÉES AU 30 JUIN 2016 ET
ÉQUIVALENCE EN NOMBRE DE RÉACTEURS NUCLÉAIRES
Capacité installée en 2015 |
Équivalent réacteurs nucléaires | |
Nucléaire |
63 giga watts |
58 (1 réacteur ≈ 1,1 giga watts) |
Éolien |
10,8 giga watts |
9 ¼ |
Photovoltaïque |
6,5 giga watts |
6 |
Effacement (2) |
2 giga watts disponibles |
≈ 2 |
CAPACITÉ MAXIMALE ESTIMÉE ET SON ÉQUIVALENCE EN NOMBRE
DE RÉACTEURS NUCLÉAIRES
Capacité maximale estimée en 2015 |
Équivalent réacteurs nucléaires | |
Exportation |
16 giga watt |
14 ½ |
Importation |
12 giga watt |
11 |
PRODUCTION EN 2015 ET ÉQUIVALENCE EN NOMBRE DE RÉACTEURS NUCLÉAIRES
Production en 2015 |
Équivalent réacteurs nucléaires | |
Nucléaire |
417 Tw-heure |
58 (1 réacteur ≈ 7,2 Tw-heure) |
Éolien |
21 Tw-heure |
≈ 3 |
Photovoltaïque |
7 Tw-heure |
≈ 1 |
Exportation |
91,3 Tw-heure |
12 ½ |
Importation |
29,6 Tw-heure |
≈4 |
La situation française se caractérise par son originalité en Europe, puisque la part du nucléaire dans le « mix énergétique » est très largement prépondérante (3). La France est le principal exportateur d’électricité en Europe (91,3 TWh en 2015 avec un solde net de 61,7 TWh), ses exportations étant principalement dirigées vers l’Italie, la Belgique et la Grande-Bretagne. Elle est toutefois importatrice nette vis-à-vis de l’Allemagne (d’où elle a importé 14,2 TWh et exporté 4,8 TWh en 2015).
Ces données peuvent donc être confrontées, en premier lieu avec la situation des pays voisins, en particulier avec celle de l’Allemagne, dont la structure de production énergétique est totalement différente de la nôtre.
Outre Rhin, en 2015, les énergies renouvelables ont généré 195,9 TWh d’électricité, soit 32,6 % de la production électrique allemande – contre 27,7 % en octobre 2014, date à laquelle elles dépassent la part du lignite. Elles ont connu une forte croissance au cours des dernières années : la production d’énergie éolienne y a doublé au cours des 5 dernières années, en grande partie grâce à des tarifs de rachat garantis. Près de 44 % de la production électrique allemande reste toutefois générée par des centrales à charbon, et le nucléaire, dont l’Allemagne entend « sortir » à l’horizon 2022, fournit près de 15 % de la production électrique nationale. Il convient également de souligner que le caractère irrégulier des sources d’énergie renouvelables que sont l’éolien et l’ensoleillement implique que, pour éviter toute interruption de fourniture, les autres sources d’énergie viennent nécessairement en compensation. Pour autant, si la production d’électricité à partir de charbon a augmenté en Allemagne depuis 2012, c’est également en raison du prix de production peu élevé de cette source et du fait que l’Allemagne est depuis cette date, fortement exportatrice (4).
La part des énergies renouvelables dans le mix de production électrique allemande devrait être portée à 40 % à 45 % en 2025, puis à 55 % à 60 % en 2030 et plus de 80 % en 2050, même s’il faudra toujours compenser l’intermittence de certaines sources. L’évolution constatée au cours de la décennie précédente, si elle se poursuit, devrait permettre d’atteindre de tels objectifs de progression. La part relative des centrales à charbon devrait corrélativement diminuer.
Il reste que l’écart des prix de l’électricité entre la France et l’Allemagne demeure favorable à celle-ci.
Source : UNIDEN
Cet écart de l’ordre de deux euros nuit à la compétitivité des entreprises françaises, notamment des entreprises représentant les électro intensifs.
Le nucléaire : une spécificité française
La question du nucléaire, si elle relève pleinement du champ de la mission, a en outre été abordée de très nombreuses autres manières, par l’Assemblée, par exemple avant le début de ses travaux (5) ou pendant ceux-ci (6), comme celles de l’évolution de l’offre automobile ou de la biodiversité. La présente mission s’inscrit donc dans une suite continue de débats et de contrôles parlementaires (7).
Dans la loi, les objectifs de réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité (article premier), les dispositions de plafonnement en volume de la capacité totale autorisée à 63,2 Gw (article 187), de démantèlement rapide au-delà de cessation de fonctionnement d’une installation nucléaire de base (INB) pendant deux ans (article 127), mais aussi de limitation et de surveillance de la sous-traitance (article 123) apparaissent comme saillants et font émerger un droit du nucléaire, lequel est « dominé par des préoccupations de protection » comme l’indique Jean Marie Pontier (8), même s’il faut bien admettre la diversité des sujets qu’il touche.
Au-delà de considérations juridiques souvent complexes, il faut souligner que le nucléaire est en France la troisième industrie nationale : en termes d’emploi industriel, elle représente plus de 220 000 personnes. Le rapport public annuel 2016 de la Cour des comptes, en citant ce chiffre, rappelle que le chiffre d’affaires total du secteur est de 46 milliards d’€ dont 5,6 milliards à l’exportation. Mais, s’agissant des coûts, ce rapport souligne également que la réalisation du programme de maintenance du parc nucléaire d’EDF pourrait atteindre 100 milliards d’€ (2013) entre 2014 et 2030, soit 1,7 milliard d’€ (2013) en moyenne par réacteur. Un quart sont des dépenses d’exploitation (25 milliards d’€ 2013) et les trois autres quarts, des dépenses d’investissement (75 milliards d’€ 2013).
DÉPENSES DE MAINTENANCE DES CENTRALES NUCLÉAIRES
Source : Cour des comptes * prévision 2014.
Le coût de production de l’électricité nucléaire a connu une hausse importante entre 2010 et 2013, passant de 49,6 €/MWh à 59,8 €/MWh, notamment en raison de la forte hausse des investissements de maintenance. Sur la base des derniers paramètres disponibles, le rapport évalue le coût de production à 62,6 € 2013/MWh pour une production annuelle moyenne de 410 TWh.
Les questions posées par la loi au secteur nucléaire sont donc cruciales ; outre l’objectif de réduire la part du nucléaire à 50 % de la production d’ici 2050, analysé avec l’article 1er ci-dessous, celle-ci fixe, par son article 187, le principe du plafonnement du parc nucléaire français à sa puissance actuelle : 63,2 GW, ce qui renvoie à la question de la fermeture de la plus ancienne centrale nucléaire en activité, celle de Fessenheim.
Ces éléments doivent par ailleurs également être confrontés à l’objectif général de réduction des gaz à effet de serre.
La réduction des gaz à effet de serre
Dans le cadre du « Paquet Énergie Climat », les États membres de l’Union européenne se sont engagés à réduire collectivement leurs émissions de gaz à effet de serre de 20 % d’ici à 2020 et d’au moins 40 % d’ici à 2030 par rapport au niveau de 1990. Elle y associe deux autres objectifs en matière d’énergie pour 2030 : porter la part des énergies renouvelables à 27 % de la consommation d’énergie finale de l’Union et réduire de 27 % la consommation d’énergie par rapport aux scénarios à cet horizon.
Ces objectifs se conjuguent avec ceux de la COP 21 et de la présente loi : les émissions de CO2 liées à la combustion d’énergie constituent environ 80 % de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre dans l’Union européenne, et 73 % dans le monde, alors que les émissions de méthane expliquent 22 % de ces émissions au niveau mondial.
La réduction des émissions de CO2 est donc cruciale.
Les émissions de CO2 : état des lieux
Les objectifs de la loi doivent donc être mis en regard, par exemple, avec la progression des émissions de CO2 à long terme :
Les émissions mondiales de CO2 en 2014 sont supérieures de 58 % à celles de 1990, année de référence du protocole de Kyoto. Elles atteignent 35,7 milliards de tonnes en 2014.
En 2014, la Chine, les États-Unis et l’Inde ont compté pour 51,2 % des émissions mondiales de CO2. Près de 29,6 % des émissions mondiales de CO2 comptabilisées proviennent de la Chine. Le deuxième émetteur mondial, à savoir les États-Unis, contribue approximativement moitié moins à ces émissions (15 % du total mondial). Les conclusions sont toutefois inversées lorsque l’on rapporte ces émissions à la population : un Américain émet approximativement 16,5 tonnes de CO2 en 2014, soit plus de 2 fois plus qu’un Chinois (7,6 tonnes de CO2/habitant) et 9 fois plus qu’un Indien. La Chine a d’autre part fortement ralenti la croissance de ses émissions en 2014 (+0,9 %).
C’est l’Inde, dont la consommation de charbon a fortement augmenté, qui a le plus contribué à la croissance des émissions mondiales en 2014 (avec une hausse de ses émissions de 7,8 % par rapport à 2013). Ce pays compte désormais pour 6,6 % des émissions mondiales quoique ses émissions par habitant restent très limitées (1,8 tonne de CO2/habitant).
Dans l’Union européenne, les émissions de CO2 ont été réduites de 5,4 % en 2014. Cette baisse a été plus marquée en France (- 8,3 %) et au Royaume-Uni (- 8,9 %). Elle est en partie imputable à l’hiver moins rigoureux qu’en 2013 mais aussi à la faible croissance économique et au renforcement des politiques environnementales des États membres. Les émissions de CO2 par habitant ont atteint 6,7 tonnes en 2014 au niveau européen et seulement 5 tonnes en France.
Mais ces bons résultats ne sont que partiellement maintenus en 2015.
En 2015, la part de chaque pays européen fait ressortir la mauvaise situation de l’Allemagne.
L’Afrique (3,3 % des émissions mondiales), qui compte plus de 1,1 milliard d’habitants, a émis moins de CO2 en 2014 que le Japon dont la population est presque 9 fois plus faible.
Source : connaissance des énergies, lettre, 4 avril 2016
La situation de la France peut donc être considérée comme exemplaire au regard des émissions de CO2, notamment si on la compare à celle des pays voisins, et en particulier de l’Allemagne. Mais c’est bien l’objectif de réduction des émissions de CO2 qui apparaît comme l’essentiel.
*
Le déroulement de la présente mission, et l’actualité de ces sujets ont été marqués par plusieurs évènements, qui ne visent pas nécessairement directement la loi elle-même, mais en affecte les conditions d’application :
● la tenue de la conférence des parties sur le climat, dite COP 21 à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015, à l’issue duquel les 195 pays participants, ainsi que l’Union européenne se sont engagés à réduire leurs émissions en vue de limiter le réchauffement climatique en deçà de 2°C (d’ici à 2100 par rapport aux températures préindustrielles), et si possible à hauteur de 1,5°C. L’atteinte de cet objectif impose donc une réduction massive des émissions de gaz à effet de serre. Il faudrait, selon les estimations du GIEC, que les émissions mondiales baissent de 40 % à 70 % d’ici à 2050 (par rapport au niveau de 2010) alors qu’elles ont augmenté de 80 % entre 1970 et 2010, principalement en raison du doublement de la consommation d’énergie dans le monde pendant cette période. Un bilan doit être effectué en 2023. L’accord de Paris est ouvert à la signature depuis le 22 avril 2016 pendant une durée d’un an. Il a été signé le 22 avril à New York par 175 pays. Pour entrer en vigueur en 2020, cet accord devra avoir été ratifié, accepté ou approuvé par 55 Parties au minimum comptant pour au moins 55 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre : 15 pays avaient ratifié d’emblée cet accord. Le débat sur l’autorisation de ratification a eu lieu à l’Assemblée nationale le 17 mai 2016 et au Sénat le 7 juin. La ratification par le Chef de l’État est intervenue le 15 juin 2016. Le Parlement européen a approuvé, le 4 octobre 2016, cet accord, ce qui permet de remplir la double condition requise pour son entrée en vigueur. La ratification par l’Union va permettre de franchir ce double seuil. À part la France, six autres États membres avaient déjà achevé à cette date leur procédure interne de ratification : l’Allemagne, l’Autriche, la Hongrie, Malte, le Portugal et la Slovaquie.
● l’arrêt du réacteur n° 2 de la centrale de Fessenheim, le 13 juin 2016, suivi d’une décision de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le 18 juillet 2016, du fait d’une anomalie détectée sur le générateur de vapeur ; depuis lors l’activité de contrôle de l’autorité de sûreté nucléaire (ASN) sur les générateurs de vapeur a conduit, notamment à la suite d’une décision du 18 octobre 2016, à l’arrêt d’autres réacteurs.
Communiqué de presse d’EDF, 21 octobre 2016
« (…) EDF poursuit les contrôles destinés à conforter la démonstration que les générateurs de vapeur du parc nucléaire concernés par la problématique de ségrégation carbone sont aptes à remplir leur fonction en toute sûreté.
18 réacteurs sont concernés :
- 6 d’entre eux ont d’ores et déjà obtenu leur autorisation de redémarrer et fonctionnent normalement : Blayais 1, Chinon 1, Chinon 2, Dampierre 2, Dampierre 4, Saint-Laurent B1.
- 7 d’entre eux sont à l’arrêt et ont fait ou font l’objet de contrôles : Civaux 2, Dampierre 3, Gravelines 2, Tricastin 1, Tricastin 3, Saint-Laurent B2 et Bugey 4.
- Pour les 5 autres actuellement en fonctionnement (Tricastin 2 et 4, Fessenheim 1, Gravelines 4 et Civaux 1), l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) a demandé à EDF, dans sa Décision n° 2016-DC-0572 du 18 octobre 2016, de réaliser des contrôles avant le 18 janvier 2017.
En conséquence, EDF a décidé, pour réaliser ces contrôles, les arrêts suivants :
- Tricastin 4 du 22 octobre 2016 au 19 décembre 2016
- Fessenheim 1 du 10 décembre 2016 au 3 janvier 2017
- Gravelines 4 du 17 décembre 2016 au 10 janvier 2017
- Civaux 1 du 23 décembre 2016 au 15 janvier 2017
- Tricastin 2 du 23 décembre 2016 au 15 janvier 2017
Par ailleurs, EDF a soumis le 7 octobre dernier un dossier technique à l’ASN justifiant le fonctionnement en toute sûreté de l’ensemble des générateurs de vapeur concernés par la problématique de ségrégation carbone.
Le Groupe a informé aujourd’hui les marchés de l’électricité des périodes choisies et communique régulièrement avec Réseau de Transport d’Électricité (RTE) qui est en charge d’assurer l’équilibre offre-demande d’électricité et la sécurité d’approvisionnement.
Compte tenu de ces circonstances, de leur répercussion sur le marché de gros de l’électricité et des effets spéculatifs qui en résultent, EDF sollicite concomitamment le Ministre de l’Économie et des Finances et la Ministre de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer afin qu’ils prennent, pour éviter ces effets, toutes les mesures nécessaires, dans le cadre du mécanisme d’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), incluant, le cas échéant, la suspension temporaire du dispositif.
Les objectifs de production nucléaire du Groupe en France pour l’année 2016 sont confirmés à 380-390 TWh ainsi que la fourchette de production pour l’année 2017 qui devrait s’établir à 390-400 TWh, conformément au communiqué de presse publié par le Groupe le 21 septembre 2016. »
● l’annonce, le 24 août d’un accord entre l’État et EDF sur l’indemnisation de la fermeture de cette centrale, qui prévoit une indemnisation par étapes, avec une première étape de 100 millions d’euros et des étapes ultérieures en fonction de plusieurs paramètres, dont le prix de l’énergie. Cet accord a été présenté en comité central d’entreprise le 14 septembre, puis au conseil d’administration. Le Gouvernement devra ensuite prendre un décret entérinant la décision de fermeture. Certaines sources font état d’un montant global de 400 millions d’euros, mais ce chiffre n’a pas été confirmé par le ministère. Au demeurant, le chiffrage de cette opération est particulièrement délicat, comme le présent rapport le rappelle en analysant l’article 127 ;
● la chute d’un générateur de vapeur, le 31 mars 2016, dans la centrale de Paluel, où ce générateur était à l’arrêt depuis mai 2015 ;
● la publication par la Commission européenne le 4 avril 2016, d’un programme indicatif nucléaire dont il ressort que si les États membres sont libres de choisir la composition de leur bouquet énergétique, la stratégie de l’union de l’énergie et la stratégie européenne pour la sécurité énergétique précisent néanmoins que les États membres qui décident d’utiliser le nucléaire dans leur bouquet énergétique doivent appliquer les normes les plus strictes en matière de sûreté, de sécurité, de gestion des déchets et de non-prolifération, tout en diversifiant leurs approvisionnements en combustible nucléaire. Ce rapport comporte une analyse du coût du démantèlement des centrales (voir ci-dessous, article 127) ;
● les nombreux débats autour de la situation, notamment financière d’EDF et d’AREVA. S’agissant d’EDF, le 22 avril 2016, a été annoncée une augmentation de capital de 4 milliards d’euros, dont 3 milliards d’euros pris en charge par l’État, en même temps qu’un plan d’économies et qu’un plan de cession d’actifs, portant notamment sur la vente de la moitié du capital de RTE, qui est une société anonyme ; s’agissant d’AREVA, la perte publiée en février 2016, est de 2,03 milliards d’€ pour 2015, dont la moitié est due à un complément de provision sur l’EPR d’Olkiluoto 3 en Finlande. Les difficultés rencontrées sur ce projet ont conduit à constater au fil des ans 5,5 milliards d’euros de coûts supplémentaires, pesant sur le bilan d’ensemble de la société. Pour s’en tenir aux problématiques de transition énergétique, il faut constater, toutefois, que la situation d’AREVA est également liée au poids de certains investissements qui n’ont pas porté leurs fruits, notamment dans les énergies renouvelables, quand d’autres ont permis de moderniser significativement l’appareil de production dans un contexte de marché post – Fukushima pénalisant, notamment des cours de l’uranium, baissiers ces dernières années Cette situation financière dégradée explique l’opération d’augmentation du capital, la séparation entre AREVA et AREVA NP, et la cession d’activités de la société, notamment en ce qui concerne l’éolien offshore. Sur la base des effectifs actuels d’AREVA, soit environ 38 000 salariés en France, le plan de départs volontaires pourrait aboutir à stabiliser les effectifs de New AREVA aux alentours de 20 000 personnes, ceux d’AREVA NP aux alentours de 15 000 salariés. Au cours de son audition par votre Mission, le 19 septembre 2016, M. Knoche, directeur général d’AREVA, a souligné en outre que les salaires étaient bloqués depuis deux ans, confirmant ainsi le caractère responsable de l’ensemble des salariés et de leurs représentants, qui restent pleinement engagés dans le rétablissement de la société ;
● le débat autour de la construction de deux EPR à Hinkley Point, projet dont le coût est estimé à 18 milliards de £, (21 milliards d’euros) qui a été marqué par de nombreux évènements : la démission du directeur financier d’EDF, le 7 mars 2016, la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne après le référendum du 24 juin 2016 sur le Brexit, l’affirmation par le Premier ministre britannique et le Président de la République, le 1er juillet, de leur volonté de poursuivre ce projet, une réunion du comité central d’entreprise, le 4 juillet qui a permis à la direction de l’entreprise de conclure que ce référendum : « ne modifie pas les éléments fondamentaux du projet, ni la volonté des acteurs » tandis que les représentants du personnel ont alors décidé de ne pas émettre d’avis. après le rejet d’un premier référé, le 5 août 2016, un second référé a été introduit auprès du TGI , sur la question de l’information du comité central d’entreprise (9). Finalement signé le 29 septembre 2016, ce contrat est porté à 66,5 % par EDF. Votre mission sera attentive aux retombées attendues, pour l’industrie nationale, de ce projet. La crainte que celui-ci ci pénalise l’investissement national, nécessaire à la transition énergétique n’est pas totalement écartée, à ce stade.
● le faible prix de marché de l’électricité, et le tassement de la consommation : le prix de gros est passé de 51 € à 31 € entre 2010 et 2015. À titre de comparaison, le prix de l’électricité est en France est le plus bas d’Europe, grâce au coût actuel de production du nucléaire qui représente, en 2014, 82,2 % de l’électricité commercialisée par EDF (10).
Cette baisse du prix de l’électricité est à mettre en corrélation avec la consommation globale d’énergie électrique, qui enregistre une baisse tendancielle.
Les perspectives du marché de l’électricité
France : baisse tendancielle du marché de l’électricité
En 2014, la consommation d’énergie primaire réelle passe sous la barre symbolique des 250 Mtep, un plancher qu’elle n’avait pas franchi depuis 1995, diminuant de 10 Mtep par rapport à 2013. Cette nette baisse (près de – 4 % en un an) s’explique bien sûr en grande partie par les températures.
Néanmoins, même en corrigeant l’effet de ces variations climatiques, la consommation d’énergie primaire poursuit sur une tendance de fond à la diminution qui semble avoir débuté en 2005, et n’a été perturbée que par la chute due à la crise économique et financière mondiale de 2008 et le rebond qui a suivi. En une dizaine d’années, la consommation d’énergie primaire corrigée des variations climatiques est ainsi passée de 275 Mtep, son maximum, à 257 Mtep, soit - 2 Mtep par an. Et ce malgré le redressement de la consommation finale non énergétique (+ 4 %, à 14 Mtep), qui retrouve ainsi le niveau post-crise de 2009. En effet, la consommation finale énergétique a baissé d’un Mtep par rapport à 2013, et atteint 150 Mtep, en données corrigées des variations climatiques. Il faut remonter à 1996 pour trouver un niveau aussi bas. L’essentiel de la baisse est imputable au secteur résidentiel : à moins de 46 Mtep, sa consommation finale diminue de 1,2 %. Elle s’effrite également dans l’industrie et le tertiaire (respectivement 29 et 22 Mtep), sensiblement au même rythme. A contrario, elle augmente très légèrement dans les transports, premier secteur consommateur, à 49 Mtep.
Source : Bilan énergétique 2014, juillet 2015
En 2015, on note une légère reprise, dans un contexte économique favorable. Ainsi, la consommation en France métropolitaine hors secteur énergie croît en 2015 de 0.5 % pour atteindre 476 TWh (11).
Malgré tout, comme les observateurs (12) et les acteurs de marché, vos Rapporteurs estiment qu’une augmentation durable de la consommation à court terme n’est pas à envisager, et dans le sens des objectifs de la transition énergétique, les modérations de consommation provenant de comportements vertueux des ménages devraient conduire au maintien des tendances actuelles.
CONSOMMATION ANNUELLE DE L’ÉNERGIE ÉLECTRIQUE CORRIGÉE DE L’ALÉA MÉTÉOROLOGIQUE (2006-2015)
La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) retient d’ailleurs deux scénarii, l’un comme l’autre orientés à la baisse : en fonction de taux de croissance de 1,6 % ou de 2 % pour la période 2015-2020 et de 1,9 % ou de 2,4 %, elle aboutit, à partir d’une consommation finale de 155,1 Mtep en 2012 à prévoir une baisse de 12,6 % en 2023 dans le scénario bas, et de 3,1 % dans le scénario haut. Dans la première hypothèse, la consommation finale serait en 2023 de 135,5 Mtep, dans l’hypothèse haute de 150,25 Mtep. Elle constate que la baisse de consommation est due pour l’essentiel aux économies d’énergie : entre 2000 et 2012, ce sont près de 25 Mtep qui ont ainsi pu être économisés grâce aux économies d’énergie tandis que la croissance de la population n’est responsable, pendant la même période, que d’une hausse de 8 Mtep.
La dynamique de baisse des prix, conjuguée à la stabilisation et à la baisse tendancielle de la consommation fragilise l’économie d’ensemble du secteur de l’énergie, et remet en cause certains investissements. Sur le réseau, l’équilibre entre l’offre et la demande doit être réalisé instantanément sous peine de délestages et de risques de coupure. Or, une baisse continue des prix a forcément des effets systémiques sur les producteurs : restructurations financières, renonciations à certains projets, tarissement de nouveaux investissements nécessaires à l’entretien des réseaux et des capacités de production. De ce fait, la question du renouvellement nécessaire des investissements et du maintien du modèle économique de petites structures de production se pose inévitablement
*
Une mise en œuvre de grande ampleur
En fonction de ces éléments, il est évident qu’un ensemble législatif, cohérent mais très diversifié dans les matières, les codes, les acteurs qu’il concerne, les modalités et les mesures d’application qu’il implique, dont certaines sont très différées dans le temps, ne peut qu’être soumis à un suivi attentif du législateur, y compris lorsqu’il a habilité le Gouvernement à intervenir par ordonnances. Tel est l’objet de la mission commune aux commissions du développement durable et des affaires économiques. La portée de la loi est en effet très largement conditionnée par sa bonne application.
La loi du 17 août 2015 traduit une coproduction législative associant le Gouvernement, qui a déposé le projet de loi (n° 2188), le 30 juillet 2014 et le Parlement, depuis la lecture initiale à l’Assemblée, le 14 octobre 2014, jusqu’à la lecture définitive le 22 juillet 2015, après environ 150 heures de débats en séance publique et le dépôt de plus de 5 000 amendements, dont près de 1 000 furent adoptés.
Au plan procédural se justifiait donc parfaitement la constitution d’une commission spéciale, et la désignation, à l’Assemblée nationale, de cinq rapporteurs. Le vote du texte aura été l’occasion d’une précision importante apportée par la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-718 du 13 août 2015, en matière de procédure législative, jugeant « qu’il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de contrôler pour quels motifs ou dans quelles conditions une commission mixte paritaire ne parvient pas à l’adoption d’un texte commun » et que : « ni les exigences constitutionnelles de l’article 45 de la Constitution ni celles de clarté et de sincérité des débats parlementaires n’ont été méconnues ». L’autonomie parlementaire est ainsi garantie dans le fonctionnement des CMP, ce dont on ne peut que se féliciter.
La mise en application de la loi, à son tour, constitue un chantier d’une ampleur considérable. On recense dans la loi 167 renvois à des mesures d’application, 56 habilitations à légiférer par ordonnances et 104 renvois au décret, sans compter les incidences sur de nombreux autres textes : agrément des éco organismes, concessions, arrêtés municipaux sur la circulation urbaine, etc.
L’importance purement « quantitative » de cette loi se mesure à l’aune de plusieurs facteurs. Il faut en premier lieu souligner l’effet « optique » produit par le nombre de rapports demandés par le Parlement au Gouvernement, dont on sait qu’ils correspondent à une volonté de contrôle accru sur des sujets souvent difficiles. La mission a ainsi, par exemple, été sensible, à l’article 33, à l’absence du rapport sur les colonnes montantes, qui ne constitue qu’un exemple parmi de nombreux autres.
26 rapports d’information sont demandés par la loi du 17 août 2015. Or, aucun de ces documents n’a été fourni dans les délais et la plupart manquent à l’appel au moment de la parution du présent rapport.
ÉCHÉANCIER DES RAPPORTS PRÉVUS PAR LA LOI
Articles |
Objet |
Publication prévue |
Article 1 |
Rapport sur les objectifs de la politique énergétique française |
Dans les six mois précédant l’échéance d’une période de la programmation pluriannuelle mentionnée à l’article L. 143-3 du code de l’énergie Ce rapport a été publié |
Article 4 |
Rapport détaillant la stratégie nationale à l’échéance 2050 pour mobiliser les investissements en faveur de la maîtrise de l’énergie dans le parc national de bâtiments publics ou privés, à usage résidentiel ou tertiaire |
Le Gouvernement remet au Parlement ce rapport tous les cinq ans |
Article 9 |
Rapport annuel d’activité du centre scientifique et technique du bâtiment |
Le centre scientifique et technique du bâtiment remet ce rapport annuel au Gouvernement et au Parlement |
Article 14 VII |
Rapport sur les moyens de substituer à l’ensemble des aides fiscales attachées à l’installation de certains produits de la construction une aide globale |
Au plus tard six mois après la publication du décret mentionné à l’article L. 111-10 du code de la construction et de l’habitation |
Idem |
Rapport sur la nécessité d’effectuer une évaluation de la performance énergétique des travaux réalisés |
Au plus tard six mois après la publication du décret mentionné à l’article L. 111-10 du code de la construction et de l’habitation |
Article 14 VIII |
Rapport d’évaluation concernant la mise en place d’un mécanisme financier visant à inciter, via un bonus, les propriétaires dont le bien atteint des objectifs de performance énergétique supérieurs à un référentiel d’économie d’énergie minimale à déterminer |
Le Gouvernement remet ce rapport au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi |
Article 19 |
Rapport faisant état de l’ensemble des financements permettant l’attribution de subventions pour la rénovation énergétique des logements occupés par des ménages aux revenus modestes, et de l’opportunité de leur regroupement au sein d’un fonds spécial concourant à la lutte contre la précarité énergétique |
Le Gouvernement remet ce rapport au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi |
Article 21 |
Rapport sur l’opportunité d’aides fiscales à l’installation de filtres à particules sur l’installation de chauffage au bois pour particuliers |
Le Gouvernement remet ce rapport au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi |
Article 33 |
Rapport sur le statut des colonnes montantes dans les immeubles d’habitation |
Le Gouvernement remet ce rapport au Parlement dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi |
Article 48 |
Rapport présentant des propositions de modification de la réglementation encadrant les mesures d’urgence afin de permettre aux pouvoirs publics d’être plus réactifs pour réduire les sources de pollution et pour protéger la santé des populations exposées |
Le Gouvernement remet ce rapport au Parlement |
Article 56 |
Rapport évaluant l’opportunité de réserver, sur les autoroutes et les routes nationales comportant deux chaussées de trois voies séparées par un terre-plein central et traversant ou menant vers une métropole, une voie aux transports en commun, aux taxis, à l’auto-partage, aux véhicules à très faibles émissions et au covoiturage |
Le Gouvernement remet ce rapport au Parlement dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi. Ce rapport est parvenu aux services dans le courant du mois de septembre |
Article 57 |
Rapport établissant un bilan chiffré des émissions de particules fines et d’oxydes d’azote dans le secteur des transports, ventilé par source d’émission |
Le Gouvernement remet ce rapport au Parlement dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi |
Article 70 |
Rapport sur les avantages et inconvénients du développement d’installations de broyeurs d’évier de déchets ménagers organiques |
Le Gouvernement remet ce rapport au Parlement au plus tard le 1er janvier 2017 |
Article 70 |
Rapport sur la possibilité de convertir |
Le Gouvernement remet ce rapport au Parlement dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi |
Article 70 |
Rapport sur les expérimentations autorisées par le 2° du I de l’article L. 541-1 du code l’environnement |
Au plus tard le 1er janvier 2018 |
Article 70 |
Rapport sur l’opportunité de l’extension de la durée de garantie légale de conformité de deux à cinq ans pour certaines catégories ciblées de produits |
Au plus tard le 1er janvier 2017 |
Article 75 |
Rapport sur l’impact économique et environnemental de la mise en œuvre des I et II de l’article 75 de la loi de transition énergétique pour la croissance verte |
Au plus tard le 1er janvier 2018 |
Article 92 |
Rapport sur l’impact d’une extension éventuelle à la maroquinerie de la filière à responsabilité élargie des textiles |
Le Gouvernement remet ce rapport dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi |
Article 100 |
Rapport sur le principe de réversibilité du stockage, en vue d’assurer le réemploi, le recyclage ou la valorisation des déchets enfouis dans les installations de stockage de déchets |
Le Gouvernement remet ce rapport dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi |
Article 101 |
Rapport identifiant les produits qui, ne faisant pas l’objet d’un dispositif de responsabilité élargie du producteur, ont un potentiel de réemploi et de recyclage insuffisamment développé et sont susceptibles de concerner des activités de l’économie sociale et solidaire |
Le Gouvernement remet ce rapport dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi |
Article 125 |
Rapport sur les modalités d’intégration, dans les critères de risques au titre d’un environnement physique agressif mentionnés à l’article L. 4161-1 du code du travail, des rayonnements ionisants subis |
Le Gouvernement remet ce rapport dans un délai de six mois à compter de la promulgation |
Article 162 |
Rapport évaluant l’intérêt d’adopter des mesures financières de compensation en faveur des secteurs ou des sous-secteurs considérés comme exposés à un risque significatif de fuite de carbone en raison des coûts liés aux émissions répercutés sur les prix de l’électricité |
Le Gouvernement remet ce rapport au Parlement avant |
Article 173 |
Rapport sur la mise en œuvre d’un scénario de tests de résistance réguliers représentatifs des risques associés au changement climatique. |
Le Gouvernement remet ce rapport au Parlement avant |
Article 174 |
Rapport sur le financement de la transition énergétique |
Le Gouvernement remet ce rapport au Parlement en annexe du projet de loi de finances de l’année |
Article 201 |
Rapport d’évaluation sur le chèque énergie |
Trois mois avant le terme de l’expérimentation du chèque énergie |
Article 212 |
Rapport indiquant les mesures spécifiques d’accompagnement en faveur de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de Wallis-et-Futuna |
Avant le 31 décembre 2015 |
Ainsi, à la date de parution du présent rapport, trois des rapports prévus par la loi sont parus, l’un avec d’ailleurs des données en partie déjà dépassées au moment de sa parution. Dans une réponse sur ce point à votre Président, parvenue le 16 septembre, la direction générale de l’énergie et du climat envisage une publication rapide de six d’entre eux seulement, ce qui ne peut être considéré comme satisfaisant, auquel s’ajoute l’annexe budgétaire prévue à l’article 174. Dans le même ordre d’idée, la consultation sur des projets successifs de programmation pluriannuelle de l’énergie, plusieurs fois différée, a incontestablement ralenti le mouvement d’ensemble d’application de la loi.
La mission a tenu cinq tables rondes consacrées respectivement :
– à l’article 173, et à l’implication des acteurs financiers, dont le secteur des assurances et la Caisse des dépôts, dans la mise en œuvre de stratégies de réduction des émissions carbone ;
– au titre IV, relatif aux déchets et à l’économie circulaire ;
– aux compteurs d’électricité et de gaz déportés, sujet qui a suscité bien des polémiques publiques ;
– à la position des Organisations Non Gouvernementales ;
– et aux dispositions relatives aux bâtiments, notamment celles du Titre II.
Le compte rendu de ces tables rondes figure en annexe du présent rapport.
Le législateur est également intervenu, de façon récurrente, sur les sujets relevant de la transition énergétique, pendant la durée de cette mission. Depuis la promulgation de la loi, il est intervenu dans le champ de celle-ci en matière fiscale ou lors de l’examen du projet de loi sur la biodiversité, par exemple.
La mission a également été sensible à la codification poursuivie à l’occasion de l’application de la loi. Celle-ci s’accompagne en effet d’un effort de codification des textes relatifs à l’énergie, réalisé par le décret n° 2015-1823 du 30 décembre 2015 relatif à la codification de la partie réglementaire du code de l’énergie, dont, au demeurant, on peut se demander pourquoi il n’a pas été contresigné par le ministre de l’économie et par celui chargé de la consommation. Plus de quatre ans après la codification de la partie législative du code de l’énergie, la partie réglementaire de ce dernier est donc codifiée par ce décret, et il faut s’en féliciter.
Code de l’énergie
Cette nouvelle partie réglementaire du code de l’énergie reprend le même plan que la partie législative :
Livre Ier : organisation générale du secteur de l’énergie
Livre II : la maîtrise de la demande d’énergie et le développement des énergies renouvelables Livre III : les dispositions relatives à l’électricité
Livre IV : les dispositions relatives au gaz
Livre V : les dispositions relatives à l’utilisation de l’énergie hydraulique
Livre IV : les dispositions relatives au pétrole, aux biocarburants et bioliquides
Livre VII : les dispositions relatives aux réseaux de chaleur et de froid.
À juste titre, cette codification ne s’effectue pas à droit constant et prend en compte les dispositions pertinentes de la loi. Les évolutions apportées par rapport aux textes codifiés concernent principalement de nouvelles dispositions relatives à l’obligation d’économies d’énergie spécifiques à réaliser au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique (article 30), la mise en œuvre de l’article 133 sur la procédure de déclaration d’utilité publique des travaux d’électricité et de gaz qui ne nécessitent que l’établissement de servitudes ainsi que les conditions d’établissement desdites servitudes, et surtout les tarifs réglementés de vente de l’électricité (article 151). Cette nouvelle partie réglementaire du code de l’énergie intègre également des dispositions qui, respectivement :
– complètent l’article R. 555-39 du code de l’environnement relatif à l’étude de dangers d’une canalisation de transport (D. art. 4) ;
– modifient les décrets nos 2014-1272 et 2014-1273 concernant les règles applicables lors du silence gardé par l’administration. La règle « silence vaut acceptation » au bout de deux mois s’applique désormais :
• à l’approbation d’installation d’équipements pour turbinage des débits minimaux
• aux dérogations concernant une nouvelle infrastructure (gaz)
• à l’approbation des prestations de services de l’entreprise verticalement intégrée au profit du gestionnaire d’un réseau de transport en vue d’assurer l’ajustement ou l’équilibrage du système électrique ou gazier ainsi que sa sécurité et sa sûreté ;
• aux dérogations à titre exceptionnel et temporaire à la qualité des carburants ;
• à l’autorisation d’exploiter une installation de production électrique ;
• modifient le décret n° 59-771 du 26 juin 1959 relatif à la Compagnie nationale du Rhône (D. art. 9). Les réserves en énergie attribuées à certains bénéficiaires définis par la loi (groupements agricoles d’utilité générale, entreprises industrielles ou artisanales) font l’objet d’un versement par la CNR sous la forme d’un règlement financier. Désormais, le montant de ce versement est égal à la quantité totale d’énergie réservée due, multipliée, pour chaque type d’ayant droit, par un pourcentage du prix de référence du produit trimestriel d’électricité (fixé par arrêté des ministres chargés de l’économie et de l’énergie dans la limite de 50 %). Auparavant, les usagers agricoles bénéficiaient de tarifs spécifiques déterminés en faisant subir aux tarifs de fourniture d’énergie des rabais en pourcentages différant selon les usages (rabais plus important pour l’irrigation et l’assainissement) et la localisation des bénéficiaires (rabais plus important lorsque l’énergie réservée était utilisée dans les départements riverains du Rhône).
*
La Mission a également été particulièrement attentive aux délais de mise en application, souvent très retardés par rapport aux prévisions de publication, parfois d’une manière explicable, notamment pour des raisons tenant au respect de la réglementation européenne (article 75) mais parfois de manière plus contestable (article 26).
Elle a également analysé les conditions de consultation auxquelles a donné lieu la mise en place des textes d’application, selon une conception souvent large, par exemple sur la mise à disposition des sacs plastiques, parfois plus limitée. Il convient à cet égard de rappeler l’exigence légale et les modalités de mise en place de telles consultations.
La consultation du public aux décisions environnementales
1. Le principe. Les articles L. 120-1 et suivants du code de l’environnement, dont l’introduction est due à la loi dite « Grenelle II » du 12 juillet 2010, pour satisfaire notamment à l’article 7 de la Charte de l’environnement établissent le principe de la participation du public à l’ensemble des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement, quels qu’en soient l’auteur (autorités de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements, des établissements publics, etc.) et la nature (décisions réglementaires, d’espèce et individuelles), chaque fois que la question de la participation du public à l’élaboration de la décision concernée n’a pas été traitée par une législation particulière.
Il existe trois grandes exceptions :
- L’article L. 120-2 du code de l’environnement permet, dans certaines conditions, de ne pas soumettre à participation du public l’élaboration des décisions réglementaires, d’espèces et individuelles prises « en aval » d’une décision elle-même soumise à participation du public.
- L’article L. 120-2 permet également de ne pas soumettre à participation du public les décisions prises dans le cadre de lignes directrices, pourvu que celles-ci aient été soumises à participation du public dans des conditions conformes à l’article L. 120-1, que leurs énonciations permettent au public d’apprécier l’incidence sur l’environnement des décisions individuelles concernées et qu’il n’y ait pas été dérogé.
- Certaines décisions ne sont pas soumises à participation du public lorsqu’il n’est pas possible d’y procéder sans porter atteinte aux intérêts mentionnés au I de l’article L. 124-4 (protection de l’environnement auquel elle se rapporte, protection des renseignements).
2. La jurisprudence. Le caractère cumulatif des deux conditions : l’association du public n’est constitutionnellement requise que lorsque la décision concernée a une incidence directe et significative sur l’environnement (décisions n° 2013-308 QPC du 26 avril 2013, n° 2012-282 QPC du 23 novembre 2012 et n° 2013-317 QPC du 24 mai 2013). Ce principe est rappelé dans une décision récente du Conseil d’État (CE, 23 novembre 2015, Société Altus Energy et autres, n° 381249, B.), qui a indiqué que le législateur avait entendu donner à l’article L. 120-1 du code de l’environnement la même portée que celle de l’article 7 de la Charte de l’environnement. La procédure de participation du public prévue à l’article L. 120-1 du code de l’environnement, même dans sa rédaction issue de la loi du 27 décembre 2012, ne concerne donc que les décisions ayant une incidence directe et significative sur l’environnement.
La jurisprudence souligne que c’est aux effets de la décision qu’il convient de s’attacher pour déterminer si elle doit faire l’objet d’une consultation publique. Elle retient désormais de plus en plus fréquemment le fait que ces dispositions offrent une « garantie permettant à toute personne qui entend participer à l’élaboration des décisions publiques » de le faire (tribunal administratif de Fort de France, n° 1300504 du 30 décembre 2014) (13).
a) Constituent des décisions ayant une incidence sur l’environnement :
• les décrets de nomenclature mentionnés à l’article L. 511-2 du code de l’environnement qui déterminent le régime applicable aux installations classées ainsi que les projets de prescriptions générales que doivent respecter, en vertu de l’article L. 512-7 du même code, les installations soumises à enregistrement (décision n° 2011-183/184 QPC du 14 octobre 2011) ;
• les règles et prescriptions techniques que doivent respecter, en vertu de l’article L. 512-5 du code l’environnement, les installations classées soumises à autorisation (décision n° 2012-262 QPC du 13 juillet 2012) ;
• les décisions prises en application du 5° du II de l’article L. 211-3 du code de l’environnement délimitant les zones où il est nécessaire d’assurer la protection quantitative et qualitative des aires d’alimentation des captages d’eau potable d’une importance particulière pour l’approvisionnement, ainsi que des zones d’érosion et y établissant un programme d’actions à cette fin (décision n° 2012-270 QPC du 27 juillet 2012) ;
• les décisions de classement et de déclassement de monuments naturels ou de sites prises en application des articles L. 341-3 (dans sa rédaction antérieure à la loi du 12 juillet 2010 qui ne prévoyait pas de procédure d’enquête publique) et L. 341-13 du code de l’environnement (décision n° 2012-283 QPC du 23 novembre 2012) ;
• un projet de décret modifiant les dates d’ouverture et de fermeture de la pêche en eau douce (rapport public du Conseil d’État de 2011).
b) Ne constituent pas des décisions ayant une incidence sur l’environnement :
• les délimitations du domaine public naturel résultant de l’application des dispositions de l’article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques (décision n° 2013-316 QPC du 24 mai 2013) ;
• le décret n° 2012-458 du 5 avril 2012 portant création du comité stratégique de la concession des aérodromes de Notre-Dame-des-Landes, Nantes-Atlantique et Saint-Nazaire-Montoir (CE 5 juin 2013, n° 363258) ;
• les dispositions du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant pendant une durée de trois mois l’obligation d’achat de l’électricité produite par certaines installations utilisant l’énergie radiative du soleil (CE 16 novembre 2011, n° 344972) ;
• les projets de texte ne comportant que des règles de procédure : les dispositions fixant la composition et le fonctionnement du Conseil national de la protection de la nature ou les dispositions fixant les procédures administratives applicables au contrôle périodique auquel sont soumises certaines installations classées pour la protection de l’environnement relevant du régime de la déclaration sans que ces dispositions déterminent le régime applicable (rapport public du Conseil d’État de 2012) ;
• les textes prescrivant des sanctions (rapport public du Conseil d’État de 2012) ;
• le décret d’application de la section 2 du chapitre II du titre I du livre V du code de l’environnement relative aux installations classées pour la protection de l’environnement soumises à enregistrement qui ne comporte que des règles de procédure (rapport public du Conseil d’État de 2010) ;
• le décret (même si ce texte n’est plus d’actualité) pris pour l’application de l’article L. 123-1 du code de l’environnement qui précise les règles applicables à la définition des seuils et critères techniques permettant d’identifier les opérations devant être précédées d’une enquête publique (rapport du Conseil d’État de 2010) ;
• le décret, pris en application de l’article 9 de la loi n° 2008-757 du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d’adaptation du droit communautaire dans le domaine de l’environnement relatif aux autorisations transitoires de mise sur le marché de certains produits biocide, qui présente le caractère d’un texte de procédure (rapport public du Conseil d’État de 2010) ;
• l’ordonnance qui se borne à mettre en place des procédures coercitives et des sanctions pour assurer l’effectivité des dispositions substantielles préexistantes résultant du règlement n° 1013/2006 du Parlement et du Conseil du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets (rapport public du Conseil d’État de 2010) ;
• un texte réglementaire se limitant à la désignation d’une autorité administrative et à la création d’obligations déclaratives ayant pour objet de préparer l’entrée de certaines installations dans le régime d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre (rapport public du Conseil d’État de 2011) ;
• l’institution, en application de l’article L. 121-9 du code de l’urbanisme, d’une opération d’intérêt national, qui consiste seulement dans la définition d’un périmètre à l’intérieur duquel les autorisations de construire sont de la compétence de l’État (rapport public du Conseil d’État de 2010).
c) Ne constituent pas des décisions ayant une incidence directe et significative sur l’environnement :
• le décret en Conseil d’État prévu par le V de l’article L. 224-1 du code de l’environnement qui renvoient à un décret en Conseil d’État de fixer les conditions dans lesquelles les constructions nouvelles doivent comporter une quantité minimale de matériaux en bois (décision n° 2013-317 QPC du 24 mai 2013) ;
• le 6° du II de l’article L. 211-3 du code de l’environnement qui permet à l’autorité administrative de délimiter des périmètres au sein desquels un organisme unique se voit délivrer les autorisations de prélèvement d’eau pour l’irrigation (CE, 9 octobre 2013, n° 370051, Syndicat de gestion des eaux et de l’environnement du Gâtinais Est et Ouest de l’arrondissement du Montargeois) ;
• le décret qui généralise dans le secteur agricole et agroalimentaire le relèvement de 40 à 44 tonnes du poids maximal des marchandises pouvant être transportées sur des véhicules et qui impose un sixième essieu pour mener à bien ce transport (rapport du Conseil d’État de 2011) ;
• le décret n° 2012-633 du 3 mai 2012 relatif à l’obligation de constituer des garanties financières en vue de la mise en sécurité de certaines installations classées pour la protection de l’environnement (CE 12 juin 2013, n° 360702) ;
• le décret fixant les dispositifs, matériaux ou procédés visés à l’article L. 111-6-2 du code de l’urbanisme dès lors qu’il ne concerne qu’un motif de refus d’autorisation et ne s’applique pas dans certains secteurs (zones de protection du patrimoine, ...) (rapport du Conseil d’État de 2012) ;
• la création d’une zone de préemption à l’initiative du Conservatoire de l’espace littoral et rivages lacustres (rapport public du Conseil d’État de 2011) ou la décision créant ou modifiant une zone de préemption en application de l’article L. 142-3 du code de l’urbanisme (CE 29 octobre 2013, Association Paysages d’Alsace, n° 370863).
Source : guide d’application des consultations publiques
C’est à l’aune de ces exigences qu’il faut apprécier le processus de consultation du public mis en place lors de l’application de la loi. C’est donc à une mise en œuvre d’une ampleur exceptionnelle qu’ont été confrontés les ministères, notamment la direction générale de l’environnement et du climat.
Votre Mission en tire une conclusion contrastée : l’administration a fait toute diligence dans certains cas, notamment pour résoudre une situation de blocage (article 60), ou encore a bien anticipé un processus d’entrée en vigueur planifiée (article 73) dans d’autres cas, les retards traduisent des blocages de fond non tranchés par la loi, tel est le cas emblématique du retard de parution de la PPE (article 176) ou encore celui de l’implantation des éoliennes terrestres (articles 138 et suivants), voire des combats d’arrière-garde (articles 26 ou 39). Dans d’autres cas, ces retards sont dus à des difficultés techniques (article 8), ou sont inexplicables (article 7). Enfin, nombre des dispositifs d’application apparaissent perfectibles (article 45). En toute hypothèse, le Parlement doit veiller à l’application de la loi qu’il vote. Tel est l’objet du présent rapport.
TITRE IER
DÉFINIR LES OBJECTIFS COMMUNS POUR RÉUSSIR LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE, RENFORCER L’INDÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE ET LA COMPÉTITIVITÉ ÉCONOMIQUE DE LA FRANCE, PRÉSERVER LA SANTÉ HUMAINE ET L’ENVIRONNEMENT ET LUTTER CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE
(Mme Marie Noëlle Battistel, Rapporteure).
Article 1er
Programmation de la transition énergétique
Cet article fixe les objectifs de la politique énergétique de la France, en particulier des objectifs chiffrés, figurant à l’article L. 100-4 du code de l’énergie. Il n’est pas utile de souligner le caractère programmatique de ce dispositif, qui n’est pas assorti de sanctions juridiques précises, mais constitue des engagements de portée évidente, très longuement débattus lors du vote de la loi.
C’est comme tel que cet article a été jugé conforme à la Constitution.
Conseil Constitutionnel, décision n° 2015-718 DC du 13 août 2015
11. Considérant que les députés requérants soutiennent que les dispositions de l’article 1er ne sont pas normatives ; qu’eu égard à la multiplicité des objectifs fixés par cet article, à leur redondance et aux contradictions qu’ils recèlent, ces dispositions méconnaîtraient le principe d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ; que, selon eux, le vingt-neuvième alinéa de cet article, en ce qu’il prévoit une réduction de la part de l’énergie nucléaire dans la production d’électricité sans indemnisation juste et préalable de la société AREVA, qui exerce une activité de retraitement des combustibles nucléaires, viole également le droit de propriété de cette société tel que garanti par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et porte une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre de celle-ci ; que ce même alinéa serait également contraire au principe de prévention prévu à l’article 3 de la Charte de l’environnement et à l’exigence de promotion du développement durable résultant de l’article 6 de cette même Charte ;
12. Considérant qu’aux termes du vingtième alinéa de l’article 34 de la Constitution : « Des lois de programmation déterminent les objectifs de l’action de l’État » ; que les dispositions de l’article 1er de la loi déférée, y compris son vingt-neuvième alinéa, qui fixent des objectifs à l’action de l’État dans le domaine énergétique appartiennent à cette catégorie ; qu’il s’ensuit que le grief tiré d’un défaut de portée normative ne peut être utilement soulevé à leur encontre ; que ne sauraient davantage être invoqués les griefs tirés de ce que ces dispositions portent atteinte au droit de propriété, à la liberté d’entreprendre, aux articles 3 et 6 de la Charte de l’environnement et à l’objectif d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi.
L’article L.110-4.-I du code de l’énergie, qui comporte les objectifs chiffrés de cette programmation prévoit en particulier :
– de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 ; cet objectif est cohérent avec l’accord de Paris ;
– de réduire la consommation énergétique de 20 % (base 2012) d’ici cette date (et de 50 % en 2050) ;
– de parvenir à l’autonomie énergétique dans les départements d’outre-mer (DOM) à l’horizon 2030 ;
– de réduire de 30 % (base 2012) la consommation des énergies fossiles à cette même date ;
– de porter à 32 % la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie à cette même date (23% en 2020) ; en 2030, les énergies renouvelables doivent représenter 40 % de la production électrique et 10 % de la consommation de gaz, ce qui représente, pour le gaz 30 000 GWh ;
– de réduire la part du nucléaire à 50 % de la production à l’horizon 2025. Cet objectif correspond à l’engagement n° 41 du candidat François Hollande : « Je préserverai l’indépendance de la France tout en diversifiant nos sources d’énergie. J’engagerai la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75 % à 50 % à l’horizon 2025, en garantissant la sûreté maximale des installations et en poursuivant la modernisation de notre industrie nucléaire. Je favoriserai la montée en puissance des énergies renouvelables en soutenant la création et le développement de filières industrielles dans ce secteur. La France respectera ses engagements internationaux pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Dans ce contexte, je fermerai la centrale de Fessenheim et je poursuivrai l’achèvement du chantier de Flamanville (EPR) ». Selon le rapport annuel de la Cour des comptes (14) : « À hypothèses constantes de consommation et d’exportation d’électricité à cet horizon, l’objectif fixé par la loi aurait pour conséquence de réduire d’environ un tiers la production nucléaire, soit l’équivalent de la production de 17 à 20 réacteurs ».
Nul n’ignore le caractère volontariste de tels objectifs, ni les débats de fond qu’ils suscitent, d’autant que la situation des sources d’énergie renouvelables diffère beaucoup d’une source à l’autre.
Cette programmation présente deux aspects complémentaires au regard de la transition énergétique :
– elle concerne à la fois tous les secteurs de production et de consommation d’énergie, et donc toutes les sources énergétiques. Cet aspect global se retrouve par exemple dans le fait que pour la première fois le législateur s’attache à la qualité de l’air ;
– elle impose, pour être tenue, que les actions soient rapidement entreprises : tout retard aurait un effet cumulatif et ses conséquences seraient amplifiées par la suite. Or la mission constate, s’agissant par exemple de l’individualisation des frais de chauffage (articles 26 et 27) des retards qui paraissent ralentir la poursuite de ces objectifs.
Pour autant, les enjeux de l’article 1er, comme ceux d’une rénovation du parc immobilier aux fins de mise aux normes de basse consommation, sont fondamentaux pour le succès de la transition énergétique. Cet article, loin d’être dépourvu d’effets, constitue au contraire le cadre de référence qui guide chacun des dispositifs de la loi. En particulier, ils peuvent être mis en perspective avec ceux de l’article 70 de la loi, lequel fixe notamment comme objectifs pour l’économie circulaire :
– la réduction de 10 % de la production de déchets ménagers à l’horizon 2020 (base 2010) ;
– la valorisation, à la même date, de 55 % des déchets non dangereux non inertes ;
– le tri de l’ensemble des emballages plastique d’ici 2022.
A) Cet article ne renvoie donc pas en lui-même à des mesures d’application précises, mais au contraire à l’ensemble des dispositions de la loi qui le complètent ou, comme par exemple à l’article 14 s’agissant de la performance énergétique des rénovations de bâtiments, y font explicitement référence. On peut également citer d’autres textes législatifs d’application de cet article, dont les dispositions suivantes :
– la prise en compte des équipements de récupération de chaleur dans les réglementations techniques du bâtiment, qui aurait mérité codification (art. 19, IV de la loi de programmation du 3 août 2009) ;
– la fiscalisation, par la loi de finances rectificative pour 2015 de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) (15), et la création, par l’article 5 de ce même texte d’un compte d’affectation spéciale « transition énergétique » (16) ;
– la mise en place de nouveaux tarifs pour les essences et l’augmentation plus sensible de la fiscalité applicable au diesel, dont l’analyse figure au titre III, afin de réduire le différentiel fiscal « essence–diesel » ;
– la fixation de la valeur programmée pour 2020 et 2030 de la tonne carbone. L’article 265 du code des douanes établit le montant de la contribution climat énergie : 56 € en 2020, 100 € en 2030. Les dispositions d’application relèvent de la compétence du législateur, notamment des lois de finances ou de toute loi fiscale ordinaire. Si les lois successives s’en éloignaient, il conviendrait de rappeler cet objectif, qui a été modifié depuis lors. La loi de finances rectificative pour 2015 (article 16) a en effet complété ce dispositif, par adoption d’un amendement de votre Rapporteur, Jean-Paul Chanteguet, le 1er décembre 2015, et fixé l’objectif de la valeur de la tonne carbone de manière plus progressive que ne l’avait fait la loi initiale en prévoyant un montant de 30,50 € en 2017, de 39 € en 2018, de 47,50 € en 2019, sans remettre en cause la valeur de 56 € en 2020 et de 100 € en 2030.
Il s’agit d’un objectif dont l’ « effet utile », au sens juridique, peut être discuté, encore que le Conseil constitutionnel n’ait pas émis de réserve sur ce point (décision n° 2015-725 DC du 29 décembre 2015), mais dont le caractère concret, attaché à une programmation planifiée, est indéniable. Il est en effet nécessaire qu’il y ait en la matière une traduction législative annuelle.
En outre le Président de la République, lors de l’ouverture de la Conférence environnementale, le 25 avril 2016, puis la ministre de l’environnement, le 17 mai, ont annoncé la fixation d’un prix plancher du carbone assis sur le CO2 émis par combustion de produit fossile.
Cet article connaît donc une mise en œuvre concrète, par exemple à travers la fiscalité applicable aux carburants : c’est ce qui justifie sa prise en compte en loi de finances.
B) Au-delà, cet article, comme l’article 2, peuvent être considérés comme les « lignes directrices » de la loi, qui en gouverne la cohérence d’ensemble. Les objectifs ne peuvent être atteints par une seule mesure ou un seul type de mesures mais font appel au contraire à une multiplicité d’actions.
Tel est le cas, au VII de la prise en compte des équipements de chaleur au titre d’équipements de production d’énergie renouvelable dans les réglementations thermiques du bâtiment, principe qui renvoie à l’article 14 de la loi.
Tel est également, par exemple, le cas au sujet des interconnexions en matière de transports d’énergie.
L’article 1 prévoit que la politique énergétique contribue à la mise en place d’une Union européenne de l’énergie et notamment au « développement des interconnexions physiques ». Les interconnexions sont indispensables à la sécurité d’approvisionnement.
Ainsi, une liaison souterraine à courant continu de 65 km reliant la France et l’Espagne a été inaugurée début 2015. Elle permet de doubler les capacités d’échanges électriques entre les deux pays. Une liaison est également en construction depuis 2013 entre la France et l’Italie pour une mise en service en 2019. Cinq autres liaisons à courant continu sont à l’étude avec l’Espagne, l’Irlande et la Grande-Bretagne. Des renforcements d’interconnexion avec la Belgique, l’Allemagne et la Suisse doivent également permettre d’augmenter les capacités d’échange avec ces pays.
La CRE souligne, dans un rapport du 15 juin 2016 (17), que la situation actuelle est satisfaisante.
Interconnexions en France : une situation satisfaisante
- La France est bien interconnectée avec ses voisins. En électricité, la capacité moyenne d’exportation est de 13,5 GW, à comparer à une consommation de pointe maximale de 102 GW. En gaz, la capacité de sortie a doublé et la capacité d’entrée a augmenté de 50 % en 10 ans ;
- l’utilisation des interconnexions a été significativement améliorée depuis 10 ans. Elle est désormais largement optimisée. En électricité, la France, au sein de la région Centre-ouest de l’Europe, a été pionnière dans la mise en œuvre du couplage des marchés et plus récemment, dans la mise en place d’une méthode de calcul de capacité, dite Flow based, qui permet d’allouer la capacité aux flux les plus utiles. En gaz, toutes les interconnexions sont utilisées selon des processus concurrentiels conformes aux codes de réseau européens, que la CRE applique intégralement et dont elle a anticipé la mise en œuvre.
Extrait du rapport de la Commission de régulation de l’énergie du 15 juin 2016 : « Les interconnexions électriques et gazières en France – un outil au service de la constitution d’un marché européen intégré »
Ce même document insiste sur le fait qu’à un tel stade, la situation implique d’analyser avec prudence les demandes de nouvelles interconnexions, comme le projet d’interconnexion gazière « Midcat » entre la France et l’Espagne. Si la participation de la France à l’Union européenne de l’énergie et notamment au développement des interconnexions doit rester un élément central de la politique énergétique française, votre Rapporteure souhaite attirer l’attention sur le fait qu’il faut demeurer vigilant face à la volonté de la Commission européenne de mettre les interconnexions en concurrence. Cette mise en concurrence ne doit pas mettre en danger la gestion du marché de l’électricité et du gaz en France.
La question est double et concerne à la fois le rôle du gestionnaire de réseau et du régulateur. La perte, par RTE, de son monopole sur le réseau de transport n’engendra-t-elle pas une grande difficulté à gérer l’équilibre entre l’offre et la demande et la sécurité d’approvisionnement en France ? Le régulateur devra-t-il couvrir la part de l’interconnexion gérée par un opérateur privé, potentiellement étranger, qui n’est pas amortissable par l’utilisation ? De la même manière les projets de nouvelles interconnexions doivent être évalués en fonction de leur intérêt économique pour le pays. Votre Rapporteure estime nécessaire qu’un débat ait lieu sur ce sujet, le contrôle parlementaire du droit dérivé, en application de l’article 88-4 de la Constitution, lui paraît le plus approprié pour mener un tel débat, d’autant que l’habilitation à légiférer par ordonnance, en application de l’article 172 de la présente loi, pourrait induire un tel débat.
La ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique ont présenté, au Conseil des ministres du 10 février 2016, à la fois un bilan des mesures alors intervenues et une « feuille de route », sous forme d’une communication sur ce sujet. Un tel rappel traduit bien l’importance de la loi, et surtout la diversité des acteurs auxquels elle s’adresse, ce qui en constitue une difficulté supplémentaire d’application.
Communication du Conseil des ministres du 10 février 2016
« En 2014, les énergies renouvelables représentaient 14,3 % de la consommation d’énergie en France : le bois est le principal contributeur, suivi de l’hydroélectricité et des biocarburants. En 2015, la production des énergies renouvelables a augmenté de plus de 23 % (hors hydroélectricité), avec 1 000 MW de nouvelles capacités éoliennes et 900 MW de nouvelles capacités solaires. Selon la profession, 2 000 emplois ont été créés en 2014 dans la filière éolienne. Le dernier appel d’offres photovoltaïque va générer près d’un milliard d’euros d’investissements et mobiliser 5 000 personnes pour mettre en service les installations lauréates.
La mise en œuvre de l’Accord de Paris engage la France à accélérer la transition énergétique et à être exemplaire dans le développement des énergies renouvelables pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et renforcer la sécurité d’approvisionnement de la France. C’est aussi une opportunité industrielle pour les territoires.
La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte fixe un objectif ambitieux de porter la part des énergies renouvelables à 32 % de la consommation totale d’énergie en 2030. À cette date, les énergies renouvelables doivent représenter 40 % de la production d’électricité, 38 % de la consommation finale de chaleur, 15 % de la consommation finale de carburant et 10 % de la consommation de gaz. Ces objectifs sont encore plus ambitieux pour les outre-mer, dont l’objectif fixé par la loi de transition énergétique est d’atteindre 50 % d’énergie renouvelable à l’horizon 2020, et l’autonomie énergétique à l’horizon 2030.
Pour y parvenir, de nombreuses actions ont été engagées pour simplifier les procédures administratives, amplifier les appels d’offres, améliorer les conditions de financement, soutenir les filières industrielles françaises et l’émergence de technologies innovantes, accompagner les projets de territoire. Il s’agit en particulier :
- de la généralisation de l’expérimentation du permis unique pour l’éolien et la méthanisation, qui est opérationnelle depuis le 1er novembre 2015 ;
- de la simplification du cadre réglementaire des énergies renouvelables en mer par un décret du 10 janvier 2016 qui limite les délais de recours et sécurise les projets ;
- du lancement d’un appel à projets financé par le programme des investissements d’avenir pour développer des fermes pilotes d’éolien flottant ;
- du doublement du dernier appel d’offres photovoltaïque ;
- du lancement de l’appel d’offres photovoltaïque dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain (Corse et départements d’outre-mer) ;
- de la simplification des procédures applicables à la géothermie de faible profondeur ;
- de la revalorisation du tarif d’achat de l’électricité produite par les installations de méthanisation ;
- de l’augmentation du taux d’incorporation des biocarburants dans les transports, qui représente en 2014 près de 7,5 % de la consommation de carburant, avec une part croissante pour les biocarburants avancés ;
- du doublement du fonds chaleur pour financer les réseaux de chaleur et de froid et la production de chaleur et de froid renouvelable ;
- de la réforme de la contribution au service public de l’électricité (CSPE), adoptée dans la loi de finances rectificative pour 2015, qui fera contribuer la fiscalité sur la consommation d’énergie fossile au financement des énergies renouvelables ;
- de la réforme des mécanismes de soutien pour se conformer aux lignes directrices européennes et sécuriser le financement des projets.
Il est nécessaire d’amplifier encore les efforts, afin d’atteindre les objectifs fixés par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Le développement des énergies renouvelables est une priorité dans le plan de grands travaux annoncé par le Président de la République lors de ses vœux aux Français.
Les actions menées en 2016 vont s’accélérer autour de 5 priorités, pour augmenter à nouveau de 25 % les bons résultats de 2015 et créer de nouveaux emplois.
Continuer de simplifier les procédures administratives en raccourcissant de plus de six mois le délai de lancement et d’instruction des appels d’offres, en supprimant le seuil de 12 mégawatts au-delà duquel les installations de production d’électricité renouvelable ne peuvent pas aujourd’hui bénéficier d’un soutien, en exonérant la quasi-totalité des installations de production d’électricité renouvelable d’autorisation d’exploiter au titre du code de l’énergie, en supprimant le certificat ouvrant droit à l’obligation d’achat et en rallongeant à 10 ans la validité des autorisations d’urbanisme.
Amplifier les appels d’offres et la mobilisation du fonds chaleur. La déclinaison des objectifs par filière et le calendrier des prochains appels d’offres seront proposés d’ici la fin du mois de février dans le cadre de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie pour donner de la visibilité aux industriels et programmer le développement des capacités. Pour le photovoltaïque, deux appels d’offres pluriannuels de 3 ans seront lancés au 1er trimestre 2016 pour les centrales au sol et les centrales sur toiture. Un autre appel d’offres sera lancé pour les installations en autoconsommation. Pour la biomasse, un appel d’offres vient d’être lancé aujourd’hui pour développer les projets de taille moyenne valorisant le bois-énergie et les déchets. Un bonus sera attribué aux projets qui recourent à des investissements participatifs des citoyens et des collectivités. Pour la petite hydroélectricité, et en particulier les moulins, un appel d’offres sera lancé début mars, dès que la Commission de régulation de l’énergie aura rendu son avis. Pour la chaleur renouvelable, les projets examinés en 2016 bénéficieront d’un taux bonifié pour tenir compte de la baisse du prix du pétrole. Un nouvel appel d’offres sera organisé pour faciliter l’accès à la ressource en bois (deuxième édition de l’appel d’offres "Dynamic bois" qui a permis de soutenir 24 projets avec 35 M € d’aides en 2015). Enfin, les concertations sur les zones propices seront finalisées afin de pouvoir lancer un appel d’offres pour de nouveaux parcs d’éoliennes offshore.
Mobiliser les territoires. Les territoires à énergie positive pour la croissance verte sélectionnés par la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, constituent des relais importants des actions engagées par le Gouvernement pour accélérer le déploiement des énergies renouvelables.
Mettre en place une ingénierie financière pour accompagner l’accroissement des investissements. Pour soutenir les développeurs, les apports en fonds propres pourraient être mobilisés pour renforcer les sociétés de projets. Par ailleurs, un décret préparé par le ministre des finances et des comptes publics en application de la loi de transition énergétique pour la croissance verte vise à faciliter l’investissement participatif des énergies renouvelables. Enfin, pour améliorer la valorisation des énergies renouvelables sur le marché de l’électricité et réduire le coût unitaire du soutien public apporté, le Gouvernement proposera des mesures pour renforcer le prix du carbone en Europe.
Développer les filières industrielles françaises sur le territoire national et à l’export. Cet objectif est au cœur de l’action du Gouvernement dans le cadre de l’Industrie du Futur et de ses neuf solutions industrielles, ainsi que par la structuration d’un réseau de start-up innovantes de la GreenTech au sein de la FrenchTech. Sur les deux premiers volets du Programme d’Investissements d’Avenir, plus de 2 milliards d’euros ont été consacrés à cette thématique. Le fonds écotechnologies et le fonds SPI gérés par BPI France continueront de soutenir le tissu industriel français via des prises de participations. Le Gouvernement continuera également de soutenir les entreprises exportatrices, que ce soit par l’accompagnement proposé par Business France et par les travaux du Comité Stratégique de Filières Éco-Industries en lien avec le fédérateur "Énergies renouvelables" nommé par le ministre des affaires étrangères et du développement international. La COP 21 a par ailleurs été l’occasion pour les industriels français de prendre part à des coalitions internationales comme l’Alliance solaire internationale ou l’alliance globale pour la géothermie ».
Article 2
Intégration des objectifs de la politique énergétique dans les politiques publiques
Cet article décrit les politiques publiques et fait référence au « cadre réglementaire et fiscal adapté ». Il ne paraît pas comporter de dispositif suffisamment impératif pour donner lieu à des mesures spécifiques d’application, mais doit naturellement inspirer l’ensemble des actions et des textes mettant en œuvre la loi. Ces objectifs pourraient en effet fonder des contentieux sur la base d’une « erreur manifeste d’appréciation », argument facile à manier au contentieux, mais plus difficile à faire aboutir. Concrètement, il fait référence aux objectifs mentionnés à l’article L. 100-4 du code de l’énergie, fixés à l’article premier, et rappelés, par exemple au sujet des travaux de rénovation, par l’article 14.
L’ensemble de ces objectifs a été formalisé par l’arrêté du 24 avril 2016, qui a par exemple fixé comme objectif de développement du photovoltaïque, en termes de puissance totale installée :
PHOTOVOLTAÏQUE :
OBJECTIFS DE PUISSANCE INSTALLÉE
31 décembre 2018 |
10 200 MW |
31 décembre 2023 |
Option basse : 18 200 MW |
Or, la situation du photovoltaïque en France demeure marquée par un développement trop faible, la puissance raccordée s’élève au 31 décembre 2015 à 6 100 MWh. Le parc solaire est en grande partie raccordé sur le réseau public de distribution (91 %) avec 5 217 MW sur le réseau ENEDIS, lequel exploite près de 95 % du réseau de distribution français, 299 MW sur les réseaux des entreprises locales de distribution et 110 MW sur le réseau Corse.
Le réseau de transport accueille 565 MW, soit 9 % de la puissance installée.
PARC PHOTOVOLTAÏQUE FRANÇAIS RACCORDÉ AUX RÉSEAUX
Source : RTE/SER/ERDF/ADEeF (panorama de l’électricité renouvelable - décembre 2015)
Il est donc indispensable que l’énergie photovoltaïque prenne toute sa part dans le développement des énergies renouvelables, pour être en conformité tant avec les objectifs de la loi qu’avec les chiffres programmés par l’arrêté du 24 avril 2016. Le lancement d’un appel d’offres pluriannuel pour les installations au sol de 1 000 MW par an sur six ans, et d’un appel d’offres pour les installations photovoltaïques sur bâtiment pour un volume de 450 MW/an sur 3 ans, annoncé le 28 juin 2016 par la Ministre à l’occasion des journées nationales de l’énergie solaire, compte tenu du cahier des charges soumis à l’avis de la CRE, est conforme à l’objectif prévu pour 2018.
Votre Mission n’identifie à cet égard aucun blocage : le photovoltaïque est parvenu à un degré de maturité technologique avancé. Désormais, il convient à cet égard de combattre l’idée selon laquelle l’ensemble des équipements seraient d’origine étrangère, notamment chinoise : si cela demeure vrai pour les cellules elles-mêmes, l’essentiel des produits vendus est de fabrication française. Il faut donc combattre l’idée, pourtant répandue, selon laquelle les équipements viendraient de l’étranger. Il convient de la combattre d’autant plus que l’ordonnance du 27 juillet 2016 (18) est de nature à développer l’autoconsommation d’énergie photovoltaïque. Au cours de la table ronde avec les Organisations Non Gouvernementales, il a été souligné par France Nature Environnement que des difficultés pratiques pouvaient naître pour les appels d’offres au sol, compte tenu du fait que ces appels d’offres sont conditionnés par un seuil de 500 kW minimum, ce seuil, qui ne résulte, semble-t-il, que de pratiques, paraît toutefois encore limiter le développement de projets.
TITRE II
MIEUX RÉNOVER LES BÂTIMENTS POUR ÉCONOMISER L’ÉNERGIE, FAIRE BAISSER LES FACTURES ET CRÉER DES EMPLOIS
(Mme Sabine Buis, Rapporteure)
Les dispositions du Titre II de la loi constituent le volet « bâtiments » du texte. Dans l’ensemble de la consommation d’énergie, qui oscille autour de 155 Mtep par an, c’est bien ce secteur qui apparaît comme le plus important : il concerne 45 % de la consommation finale et a eu tendance à augmenter au cours des dernières années. Dans cette part, la consommation due au secteur tertiaire représente environ 15 % de la consommation totale, dont la moitié relève du secteur public En France, le secteur du bâtiment est aussi le deuxième émetteur de gaz à effet de serre (17,7 % des émissions françaises en 2012) derrière les transports. Plus des deux tiers de la consommation finale d’électricité lui sont consacrés.
CONSOMMATION FINALE ÉNERGÉTIQUE
(Mtep)
2010 |
2012 |
2013 |
2014 | |
Sidérurgie |
5,0 |
4,8 |
4,9 |
5,1 |
Industrie (hors sidérurgie) (1) |
28,3 |
27,7 |
26,9 |
23,7 |
Résidentiel et tertiaire (1) |
67,6 |
69,1 |
69,0 |
67,7 |
dont résidentiel |
45,2 |
46,7 |
46,9 |
45,8 |
Agriculture |
4,5 |
4,5 |
4,6 |
4,6 |
Transports |
49,1 |
49,1 |
48,7 |
48,8 |
Total final énergétique |
154,6 |
155,1 |
154,1 |
150 |
(1) corrigée des variations climatiques
Source : calculs SOeS et chiffres clés de l’énergie février 2016
C’est également un secteur où l’approche volontariste de la loi a des effets immédiatement perceptibles. En la matière, il convient de rappeler que les objectifs nationaux sont plus ambitieux que ceux qui résultent des directives communautaires :
– directive 2010/31/UE du 19 mai 2010, qui fixe des exigences minimales en matière de performance énergétique, en distinguant les bâtiments neufs et les bâtiments existants et prévoit l’existence de certificats de performance énergétiques. Il en découle que tous les nouveaux bâtiments doivent être au niveau BEPOS – c’est-à-dire à énergie positive – en 2020 (et 2018 pour les bâtiments publics) ;
– directive 2012/27/UE du 14 novembre 2012, qui prévoit un objectif contraignant de réduction de 1,5 % par an de l’ensemble des ventes d’énergies, hors transports, et qui introduit un objectif de 3 % de rénovation annuelle des bâtiments de l’État. En France seuls sont concernés les bâtiments des administrations centrales, pas ceux des collectivités locales. De plus, les États devront développer une stratégie de réduction des consommations de l’ensemble du parc bâti existant à long terme, au-delà de 2020.
Ces objectifs sont relayés et amplifiés par les dispositions de la loi, auxquelles on peut reprocher de ne pas traiter en tant que tel le secteur tertiaire, pour lequel l’application des lois précédentes est toujours attendue, alors que le tertiaire représente 930 millions de mètres carrés, dont la moitié sont des bâtiments publics. Le projet de « décret tertiaire » souvent évoqué, retient une base de surface d’au moins 2 000 m² ce qui représente 20 % du parc. Pourtant, le gisement d’économies d’énergies est considérable, et on peut regretter que le tertiaire soit ainsi le « parent pauvre » de la transition énergétique en matière de bâtiments.
Il convient de rappeler que les travaux dans la résidence principale font l’objet d’une fiscalité adaptée.
Le crédit d’impôt pour la transition énergétique
Le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), mis en place par l’article 3 de la loi de finances pour 2015 (article 200 quater du code général des impôts) permet de bénéficier d’un taux unique de réduction d’impôt de 30 %, sans condition de ressources et sans obligation de réaliser un bouquet de travaux. Le CITE porte sur les travaux d’amélioration de l’efficacité énergétique réalisés dans l’habitation principale ou dans des locations non meublées. En effet il s’adresse aux « contribuables domiciliés en France au sens de l’article 4 B peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt sur le revenu au titre des dépenses effectivement supportées pour l’amélioration de la qualité environnementale du logement dont ils sont propriétaires, locataires ou occupants à titre gratuit et qu’ils affectent à leur habitation principale ou de logements achevés depuis plus de deux ans dont ils sont propriétaires et qu’ils s’engagent à louer nus à usage d’habitation principale, pendant une durée minimale de cinq ans, à des personnes autres que leur conjoint ou un membre de leur foyer fiscal ». L’avantage fiscal est de 30 % des dépenses engagées, plafonnées à 8 000 euros (16 000 pour un couple, plus 400 euros par personne à charge) sur une période de cinq ans. L’article 18 bis de l’annexe 4 du code général des impôts, modifié par l’arrêté du 30 décembre 2015, fixe la liste des équipements, matériaux et appareils éligibles au crédit d’impôt, les plafonds de dépenses applicables à chacun d’eux, ainsi que les caractéristiques techniques et les critères de performances minimales requis.
Comme l’a indiqué M. Édouard Sauvage, directeur général de GRDF, lors de son audition par la mission, le 14 septembre 2016 : « sans cet outil incitatif, les ménages hésitent à se lancer dans une acquisition ou un remplacement qui pourtant diminue leur facture énergétique de 30 % et participe à une diminution de 30 % des émissions de CO2 et en même proportion des importations d’énergie pour la France. Ce levier fiscal accompagne efficacement la transition énergétique ; il a fait ses preuves. Son maintien nous paraît essentiel ».
Le nombre de bénéficiaires en 2014 était de 730 000, pour un coût de 1,4 milliard d’euros en 2015, évalué à plus de 1,7 milliard d’euros pour 2016. L’article 10 du projet de loi de finances pour 2016 proroge le CITE jusqu’au 31 décembre 2017 et ouvre le cumul de ce crédit d’impôt avec l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ), sans conditions de ressources, pour les offres d’avances émises à compter du 1er mars 2016.
Le d de cet article prévoit que le CITE est applicable : « Aux dépenses, payées entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2016, au titre de l’acquisition d’équipements de raccordement à un réseau de chaleur, alimenté majoritairement par des énergies renouvelables ou par une installation de cogénération, ainsi qu’aux dépenses afférentes à un immeuble situé dans un département d’outre-mer, payées entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2016, au titre de l’acquisition d’équipements de raccordement à un réseau de froid, alimenté majoritairement par du froid d’origine renouvelable ou de récupération ». Il apparaît souhaitable à votre Rapporteure, pour lever toute ambiguïté sur ce point, que les frais de raccordement – coût de travaux et des équipements- soient également inclus dans le champ du dispositif. Au-delà, une réflexion pourrait être menée sur les bénéficiaires de ce crédit d’impôt.
Article 3
Objectif de rénovation énergétique de 500 000 logements par an
Aux termes de cet article : « La France se fixe comme objectif de rénover énergétiquement 500 000 logements par an à compter de 2017, dont au moins la moitié est occupée par des ménages aux revenus modestes, visant ainsi une baisse de 15 % de la précarité énergétique d’ici 2020 ».
L’objectif se suffit à lui-même, même s’il doit entraîner au plan matériel de très nombreuses applications : comme cela a été souligné lors de la table ronde du 29 juin 2016, consacrée au logement, il convient de souligner que 13 millions de logements datent d’avant 1975.
La seule mesure directe qu’appelle ce texte, comme celui de l’article 5, porte sur le suivi du dispositif : votre Rapporteure estime nécessaire la mise en place d’indicateurs budgétaires pertinents.
Il peut être suggéré d’intégrer cet objectif aux indicateurs budgétaires de performance logement.
Article 4
Stratégie nationale de rénovation en matière de bâtiments : demande de rapport au Gouvernement
Cet article prévoit le dépôt d’un rapport au Parlement sur les investissements d’économie d’énergie (hors industrie) réalisés dans le secteur du bâtiment.
Article 5
Rénovation énergétique des bâtiments privés résidentiels
« Avant 2025, tous les bâtiments privés résidentiels dont la consommation en énergie primaire est supérieure à 330 kilowattheures d’énergie primaire par mètre carré et par an doivent avoir fait l’objet d’une rénovation énergétique ». En cohérence avec l’article 3 de la loi, cet article appelle donc la même remarque.
Objectifs et indicateurs budgétaires
Le projet annuel de performances de la mission « Égalité des territoires et logement », annexé au PLF, prévoit (loi n° 2015-1785 de finances pour 2016 du 29 décembre 2015) que : « la rénovation et l’amélioration du parc immobilier existant est encouragée dans le cadre du plan de rénovation énergétique de l’habitat (PREH), opérationnel depuis septembre 2013 dans le but d’atteindre le rythme de 500 000 logements rénovés par an à l’horizon 2017. De multiples leviers sont mobilisés dans ce cadre : un taux réduit de TVA, le crédit d’impôt pour la transition énergétique qui a été sensiblement renforcé pour les travaux réalisés après le 1er septembre 2014, l’éco-prêt à taux zéro, dont les modalités de distribution ont été fortement simplifiées depuis le 1er janvier 2015 et qui sera prorogé et étendu aux microcrédits, le programme de lutte contre la précarité énergétique « Habiter mieux » mis en œuvre par l’Anah et ciblé sur les ménages les plus modestes du parc privé, et les actions développés par les organismes HLM pour le parc public : TVA à taux réduit sur les travaux de rénovation, dégrèvement de TFPB. »
La mission « Égalité des territoires et logement » comprend deux objectifs concernant directement les articles 3 et 5 de la loi :
Objectif n° 3 : Améliorer et adapter la qualité du parc privé
Indicateur 3.1 : Taux de logement aidés par l’Anah en fonction des principales priorités.
Objectif n° 4 : Promouvoir le développement durable dans le logement et, plus généralement, dans la construction
Indicateur 5.1 : Part des dépenses énergétiques relatives au chauffage dans la consommation énergétique globale des logements.
S’agissant de l’objectif n° 4, l’indicateur 5.1 comporte aussi l’évolution des dépenses énergétiques globale des logements, mais il peut être suggéré de rajouter un indicateur 5.2 concernant les bénéficiaires du crédit d’impôt pour la transition énergétique, avant et après la loi, ramené au nombre de dossiers déposés avant et après celle-ci, la variation des effectifs annuels et l’effectif des ménages ayant bénéficié d’une « restitution » du crédit d’impôt :
– cela permettrait d’appréhender de manière concrète les logements ayant fait l’objet d’une rénovation énergétique. En effet, ce crédit d’impôt permet d’inciter les particuliers à effectuer des travaux d’amélioration énergétique de leurs logements tout en soutenant les technologies émergentes les plus efficaces en termes de développement durable ;
– cela permettrait également de mesurer l’évolution de la consommation en énergie primaire en ne la cantonnant pas uniquement comme le fait l’indicateur 5.1 aux dépenses énergétiques de chauffage. En effet, ce crédit d’impôt concerne les dépenses d’acquisition des équipements permettant de diminuer la consommation énergétique des logements. Ainsi, une lecture conjointe des deux indicateurs permettrait de suivre avec précision la trajectoire prévue à l’article 5 de la loi.
Article 6
Obligation de rénovation au cas de mutation d’un bien immobilier
Le dispositif selon lequel : « À partir de 2030, les bâtiments privés résidentiels doivent faire l’objet d’une rénovation énergétique à l’occasion d’une mutation, selon leur niveau de performance énergétique, sous réserve de la mise à disposition des outils financiers adéquats. - Un décret en Conseil d’État précise le calendrier progressif d’application de cette obligation en fonction de la performance énergétique, étalé jusqu’en 2050 » a été jugé contraire à la Constitution par la décision du 13 août 2015, jugeant l’application de cet article incertaine au regard de l’atteinte au droit de propriété qu’il emporterait.
Article 7
Dérogation aux règles d’urbanisme au bénéfice des travaux d’isolation
Issu du projet initial (article 3) cet article permet qu’il soit dérogé aux règles d’urbanisme pour effectuer l’isolation de bâtiments. Si la règle générale (article L. 111-6-2 du code de l’urbanisme) est que le propriétaire ne peut s’opposer à l’emploi de matériaux renouvelables ou permettant d’éviter l’émission de gaz à effet de serre, ce principe n’est pas applicable dans des secteurs sauvegardés ou sensibles (immeubles classés, parcs nationaux, zones protégées délimitées par un conseil municipal, etc.).
L’article 3, instaure un mécanisme similaire pour permettre l’isolation du bâtiment en saillie des façades, ou par surélévation des toitures, ou la protection contre le rayonnement solaire en saillie des façades. Selon l’étude d’impact, pour les façades des bâtiments à usage d’habitation, il pourrait concerner entre 22 000 et 44 000 logements par an, et pour les toitures entre 25 000 et 50 000 logements par an. Une limitation visant, comme celle de l’article L. 11-6-2 les monuments historiques, secteurs sauvegardés etc. prévue par le projet, a disparu au profit d’une mention tenant au respect de la « bonne intégration architecturale du projet » à l’environnement existant.
Ce texte nécessitait un décret, paru tardivement le 15 juin 2016 (n° 2016-802), alors que l’avis favorable, à l’unanimité du conseil national d’évaluation des normes a été rendu dès le 3 mars 2016. Ce décret prévoit une possibilité de dépassement de façade, ou de surélévation d’un toit de 30 cm au-delà de ce que prévoit un plan local d’urbanisme alors que l’étude d’impact envisageait seulement 20 centimètres. Le décret ne porte que sur les constructions achevées depuis plus de deux ans.
Il convient de souligner que le mécanisme n’est pas d’application systématique, mais qu’il dépend d’une décision motivée de l’autorité chargée de délivrer le permis de construire ; autant dire que les situations risquent d’être contrastées sur le territoire, d’autant que le critère de la « bonne intégration » au reste du bâti, typique d’un droit souple, permettra aux maires, principaux intéressés, de disposer d’une large opportunité. Lorsque cette dérogation ne s’appliquera pas, des solutions techniques d’isolation existent, mais sont plus complexes à mettre en œuvre, et plus coûteuses.
Article 8
Obligation de performances énergétiques dans les documents d’urbanisme et exemplarité de la construction sous maîtrise d’ouvrage public
Cet article, également issu du projet initial (article 4) :
– étend le contenu du plan local d’urbanisme pour définir des zones dans lesquelles le respect de performances énergétiques est imposé aux bâtiments ;
– pose le principe selon lequel les bâtiments publics font preuve d’ « exemplarité énergétique et environnementale » et sont à énergie positive ;
– autorise un dépassement des règles relatives au gabarit résultant du plan local d’urbanisme ou du document d’urbanisme en tenant lieu dans la limite de 30 % et dans le respect des autres règles établies par le document, pour les constructions faisant preuve d’exemplarité énergétique ou environnementale ou qui sont à énergie positive.
Ainsi, la notion de bâtiment à énergie positive (BEPOs) dont la seule définition possible était faite en référence aux normes européennes, notamment à l’article 2 de la directive du 19 mai 2012 2010/31/UE (19), et dont votre Rapporteure avait au cours des débats, souligné le caractère vague (20) appelait-elle, en application du présent article, un décret de définition.
Selon le site Légifrance, ce décret aurait dû intervenir en février 2016.
Article 9
Composition et présidence du conseil d’administration du centre scientifique et technique du bâtiment
Ce dispositif complète l’article L. 142-1 du code de la construction, relatif au centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), qui est un acteur majeur de la certification et de la diffusion des connaissances en matière de bâtiments. Préalable à la mise sur le marché des produits, son rôle, pour être technique, est donc essentiel, puisqu’il est chargé notamment d’évaluer les produits et procédés innovants du bâtiment (« avis technique », appréciation technique d’expérimentation, « Pass innovation ») ou de développer les moteurs de calculs thermiques réglementaires.
Le centre est, selon ce dispositif, un établissement public de caractère industriel et commercial, doté de l’autonomie financière et placé sous l’autorité de l’administration compétente, notamment chargé pour le compte des ministères concernés « des recherches scientifiques et techniques directement liées à la préparation ou à la mise en œuvre des politiques publiques en matière de construction et d’habitat » et d’une mission d’appui aux « activités de définition, mise en œuvre et évaluation des politiques publiques ». En particulier, l’article 16 de la loi lui confère la responsabilité de la mise à jour du logiciel de caractéristiques thermiques des constructions nouvelles.
Le présent article, issu d’un amendement de notre collègue Jean-Yves Le Déaut, adopté à l’Assemblée au cours de la séance du 10 octobre 2014, prévoit les modalités de composition du conseil d’administration. Le Conseil constitutionnel a cependant censuré, d’office, une des nouveautés prévues par le texte adopté, en jugeant « qu’en imposant l’audition par les commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat de la personne dont la nomination comme président du conseil d’administration du centre scientifique et technique du bâtiment est envisagée, les dispositions de l’article 9 ont méconnu les exigences qui résultent de la séparation des pouvoirs ».
Même si elle n’est pas sans précédent (21), cette décision fait obstacle à l’exercice d’un pouvoir de contrôle par les commissions parlementaires, dès lors qu’il n’est pas prévu par un texte. En opportunité, on peut regretter, alors que la Constitution et la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 ont développé les pouvoirs de contrôle, sanctionnés par un vote, des commissions parlementaires sur les nominations, que la loi ordinaire ne puisse établir un contrôle, plus limité, des personnes pressenties.
Ce regret est d’autant plus fondé, s’agissant de l’article 9, que le fonctionnement du CSBT n’est pas exempt de reproches, comme en témoigne la table ronde menée par la Mission le 22 juin 2016. Nommé par décret du 9 juillet 2014, M. Étienne Crépon est l’actuel président du centre. Il s’agit d’un décret simple, alors que l’article 9 prévoit une nomination en Conseil des ministres.
Le président du CSBT sera donc nommé pour cinq ans, par décret en Conseil des ministres, et l’article 9 prévoit un élargissement de la composition du conseil d’administration du centre. La nomination du Président en Conseil des ministres, que les commissions parlementaires compétentes ne contrôleront donc pas, fait entrer la personne désignée dans le champ des prévisions de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. (22)
S’agissant du conseil d’administration, le Gouvernement a soutenu, au cours de la séance du 10 octobre 2014, le dispositif : « l’élargissement de son conseil d’administration à des parlementaires et des représentants des collectivités territoriales est tout à fait bienvenu. Cela permettra d’impliquer davantage les territoires, dont l’engagement est la condition de la réussite de la transition énergétique (…) cette évolution favorisera l’accompagnement des entreprises innovantes dans le champ des produits et des procédés de construction, en partenariat avec les acteurs locaux ».
Figurent au rang des « règles constitutives d’une catégorie d’établissement public », qui ressortissent au domaine de la loi, les catégories de personnes composant son conseil d’administration, mais la fixation du nombre de chacune d’elles relève du pouvoir réglementaire (Conseil Constitutionnel, décision n° 59-1 l du 27 novembre 1959) (23). Respectant cette logique, l’article 9 a énuméré les catégories de membres du conseil d’administration, et, même si cela n’est pas explicite, renvoyé au décret le soin de fixer la composition concrète du conseil. Le décret n° 2016-551 du 4 mai 2016 fixe donc cette liste à 27 membres – ils étaient 18 auparavant – soit deux parlementaires, six représentants de l’État, quatre des collectivités locales, six personnalités qualifiées et neuf représentants des salariés.
Il prévoit également la désignation du Président parmi les membres, après consultation du conseil d’administration et l’institution d’un comité consultatif. Si elle n’était pas imposée par l’article 9, la nomination parmi les membres apparaît comme un gage de bon fonctionnement du centre. Le décret fixe en outre les fonctions du Président, dont le poste est ainsi fusionné avec celles de directeur général. Il ne prévoit pas de rémunération des membres du conseil d’administration.
Par ailleurs, l’article 9 prévoit la remise aux assemblées parlementaires d’un rapport d’activité du centre, lesquelles en saisissent l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Disponible sur le site du centre, le rapport 2015 (24) ne fait, quant à lui, nullement mention des dispositions de la loi, sauf par une référence allusive, et du renouvellement à venir du conseil d’administration. On doit donc considérer que ce dispositif, pourtant d’application immédiate, n’est pas actuellement en vigueur, en espérant que le CSTB s’y conformera dans le prochain rapport – et que celui-ci prendra acte des dispositions votées.
De même, il convient de s’interroger sur la pérennité du contrat d’objectif et de moyens qui lie le centre et l’État, pour la période 2014-2017 : est-il possible que ce texte demeure inchangé après le vote de la loi ? Votre Mission apporte une réponse négative à cette question.
En outre, le fonctionnement du CSBT appelle de fortes réserves, manifestées par les participants à la table ronde : il semble que l’amont des décisions soit mal assuré et que la mise à disposition des avis et des délibérations nécessite, au moins dans la phase de démarrage, de nombreuses améliorations, notamment sur la portée des décisions, la manière dont elles sont rendues publiques et sur les délais dans lesquels l’information est disponible.
À titre d’illustration, votre Rapporteure doit constater que l’avis rendu par cet organisme au sujet de l’article 26 de la loi paraît peu conforme à la volonté du législateur, et que sa motivation est perfectible.
Les critiques sont donc assez vives à l’encontre du fonctionnement actuel du centre et de l’absence d’actualisation des méthodes de travail de celui-ci après la loi.
Article 10
Mission du conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique
Le décret du 23 mars 2015 avait créé un Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique, dont l’existence est codifiée à l’article R. 143-1 du code de la construction :
« Il est créé auprès du ministre chargé de la construction un Conseil supérieur de la construction, chargé de l’appuyer dans la définition, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques dans la construction en réponse aux objectifs de développement durable, de maîtrise des coûts et d’appui à la compétitivité et à l’innovation.
Dans le cadre de cette mission, le Conseil supérieur de la construction donne un avis consultatif sur toutes les dispositions réglementaires concernant le secteur de la construction notamment les réglementations techniques dans la construction, les labels réglementaires dans le bâtiment et la réglementation des produits et matériaux de construction. ».
Comme l’exposait notre collègue Jean-Yves Le Déaut, auteur de l’amendement ayant conduit à l’adoption de cet article, lors de la première lecture à l’Assemblée en séance, sur avis favorable de la commission, également le 10 octobre 2014 : « Aujourd’hui toutes les évaluations techniques relèvent d’une commission dite du « titre V » dont la composition est secrète, sous prétexte d’éviter que ses membres subissent des pressions. Nous sommes cependant parvenus à connaître leur identité – vous en trouverez la liste dans notre rapport. Nous avons ainsi pu constater qu’elle ne comptait ni architecte, ni universitaire, ni chercheur, alors même que la réglementation de la construction est tributaire des évolutions technologiques ». C’est ce constat critique qui a conduit à la mise en place, au niveau législatif, d’un organisme scientifique dont la composition est plus ouverte.
Le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique est appelé, aux termes de cet article, à formuler un avis sur les actes législatifs et réglementaires intéressant le domaine de la construction, sans que ces avis soient bloquants. Contrairement à la position initialement prise par l’Assemblée, l’administration n’a pas à motiver ses décisions lorsqu’elle ne suit pas l’avis.
Le décret n° 2015-1554 du 27 novembre 2015 prévu par cet article devait fixer les conditions d’application de l’ensemble du texte. En abrogeant le décret n° 2015-328 du 23 mars 2015, il retient une compétence très large du Conseil, étendue par exemple à la maîtrise des coûts, ou aux orientations de la recherche.
Il prévoit les modalités de nomination des 24 membres, répartis en cinq collèges, pour trois ans, dont le mandat est renouvelable. Il s’agit d’un député et d’un sénateur désignés par leurs assemblées respectives, d’un élu d’établissements publics de coopération intercommunale désignés par l’Assemblée des communautés de France et d’un élu de conseil municipal désigné par l’Association des maires de France, de 16 membres, au titre du collège des professionnels de la construction et de l’efficacité énergétique, (architectes, bâtiments travaux publics, habitat, etc. dont la fédération française du bâtiment et l’association des industries de produits de construction, la FIEEC et la Fédération du négoce de bois et des matériaux de construction), de quatre représentants des associations, et de six personnalités qualifiées. À titre incident, on notera qu’il n’existe pas de coïncidence entre cette composition et les entreprises concernées par le champ de l’obligation de reprise des déchets de construction prévue par l’article 97 de la loi.
Il est prévu, en cas d’absence réitérée à trois reprises, une suppléance qui devient alors définitive. La suppléance n’est pas prévue pour le député et le sénateur, ni pour les personnalités qualifiées.
Le Conseil émet son règlement intérieur, doit se réunir au moins une fois par an, l’imputation budgétaire est le ministère de la construction, seuls des frais de déplacement sont mentionnés. Le secrétariat est assuré par la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature.
Votre Rapporteure formule les remarques suivantes :
– rien n’est dit sur la présidence du Conseil : la loi est silencieuse sur le fait que le président est ou non choisi parmi les membres, le décret prévoit en revanche une vice-présidence « parmi les membres ». Il serait souhaitable que la présidence, qui sera décidée par arrêté ministériel, revienne au député ou au sénateur membre.
– la commission compétente pour émettre, le cas échéant, une proposition pour la désignation du député « par l’Assemblée » (article 26 alinéa 2 RAN) serait, en application de l’article 36 du même RAN, la commission du développement durable.
– le décret n’organise pas la publicité des avis, ni surtout les délais dans lesquels celle-ci intervient. Or, toute parution tardive, ou a fortiori toute absence de publication des avis serait sans doute une cause de contestation des textes règlementaires : il faut rappeler sommairement que la légalité d’un acte administratif s’apprécie à la date à laquelle il est pris. Un acte qui n’a pas fait l’objet des consultations prévues à la date à laquelle il est signé - et non pas préparé : Conseil d’État, 19 novembre 1955, Andréani, 30 juillet 2003, Groupement des éleveurs mayennais de trotteurs, n° 237201- est donc irrégulier. L’annulation est ainsi encourue pour un acte pour lequel a été omise une consultation obligatoire s’analysant comme une garantie pour les intéressés (25) ;
– enfin, on remarquera que le décret est silencieux sur d’éventuelles règles de parité, qui n’auraient de sens que pour le collège des associations et celui des personnalités qualifiées, où les nominations se font en nombre impair.
Article 11
Carnet numérique du suivi et de l’entretien du logement
Cet article crée un carnet numérique du logement, ayant vocation à mentionner les éléments de performance énergétique du logement, obligatoire pour tout logement neuf, pour les permis de construire déposés à compter du 1er janvier 2017, et pour les logements soumis à une mutation à compter du 1er janvier 2025. Ce carnet intègre le diagnostic technique du logement, et toutes les données nécessaires à l’optimisation de la consommation énergétique des logements.
La loi en détaille le contenu, et le site des notaires de Paris - Île de France fournit les énumérations suivantes, appuyées sur les renvois législatifs :
Le contenu du carnet numérique du suivi et de l’entretien du logement
Le dossier de diagnostic technique comportant le constat de risque d’exposition au plomb, l’état mentionnant la présence ou l’absence de matériaux ou produits contenant de l’amiante, l’état relatif à la présence de termites, l’état de l’installation intérieure de gaz et d’électricité, l’état des risques naturels, miniers et technologique s’il est obligatoire, le diagnostic de performance énergétique, le document relatif aux installations d’assainissement non collectif et si nécessaire l’information sur la présence d’un risque de mérule.
Lorsque le logement est soumis au statut de la copropriété : les documents relatifs à l’organisation de l’immeuble (exemple : le règlement de copropriété), certaines informations financières (exemple : l’état global des impayés de charges), le carnet d’entretien de l’immeuble, une notice d’information relative au fonctionnement de la copropriété.
Dans le cas d’une location, le dossier de diagnostic technique comportant : le diagnostic de performance énergétique, le constat de risque d’exposition au plomb, une copie d’un état de l’amiante, un état de l’installation intérieure d’électricité et de gaz, enfin si nécessaire et à chaque changement de locataire l’état des risques naturels et technologiques.
Le décret était attendu en juillet 2011, puis reporté par Légifrance « en 2017 ». Pourtant, le gouvernement a missionné un inspecteur général des ponts des eaux et forêts, M. Alain Neuveu, lequel a remis son rapport en janvier 2016 (26). Même s’il s’en défend, ce rapport porte sur l’opportunité du dispositif, et, à supposer fondées les critiques, qui devraient aussi bien s’appliquer aux diagnostics existants actuellement en matière de logement, le gouvernement avait tout loisir pour les lever, depuis la remise de ce rapport. Ce document va même jusqu’à suggérer la mise en place d’un observatoire, qui effectuerait une exploitation payante des données, ou à soulever des questions liées au respect des libertés individuelles : ces questions se posent-elles pour le diagnostic plomb, auquel la chambre des notaires fait référence ?
Il paraît utile, d’une part, que ce décret paraisse sans retard, ou que le Gouvernement propose une modification de la loi sans délai, s’il l’estime utile, d’autre part, que soient regroupées en un article unique codifié les différentes obligations s’imposant au vendeur ou au bailleur. Votre mission regrette donc un retard anormal de parution de ce décret.
Article 12
Critère de performance énergétique minimale
Cet article prévoit d’instaurer des critères minimaux de performance énergétique en cas de location d’un logement.
La publication du décret était envisagée en juin 2016, et votre mission ne peut qu’attirer l’attention sur un tel retard. Au cours de la table ronde que votre mission a tenue le 28 juin 2016, des inquiétudes assez vives se sont manifestées, en particulier celles du réseau pour la transition énergétique (CLER). Ici encore, votre mission regrette que le décret ne soit pas d’ores et déjà paru.
Article 13
Respect des normes de performances énergétiques minimales pour la vente d’une HLM
Cet article conditionne la vente d’une HLM à ses occupants (code de la construction et de l’habitation, article L.443-7) au respect de performances énergétiques minimales fixées par décret. La version antérieure du code de la construction visait les seuls logements situés dans des immeubles collectifs, et cet article étend donc l’obligation à toutes les ventes.
Le décret n° 2015-1812 du 28 décembre 2015, dont le dispositif est applicable depuis le 1er janvier 2016 – sauf si des agréments d’aliénation sont antérieurs – fait référence aux dispositions, inchangées, de l’article R. 443-11-1 du code de la construction et de l’habitation : « Seuls les logements dont la consommation d’énergie est inférieure ou égale à 330 kilowattheures d’énergie primaire par mètre carré et par an estimée selon les conditions du diagnostic de performance énergétique défini aux articles L. 134-1 à L. 134-5 du code de la construction et de l’habitation peuvent être aliénés dans les conditions prévues à l’article L. 443-7. »
Ce dispositif a été introduit par le décret n° 2014-1648 du 26 décembre 2014 relatif aux normes de performance énergétique minimale des logements collectifs faisant l’objet d’une vente par un organisme d’habitation à loyer modéré, lequel faisait référence à l’article L.443-7 du code de la construction, dans sa version alors applicable. En d’autres termes, le dispositif du décret du 28 décembre 2015 ne sert qu’à déterminer la date d’entrée en vigueur de l’extension du champ de cet article aux ventes de logements individuels – puisque le critère de consommation demeure inchangé – donc à fixer la date d’entrée en vigueur de la loi, alors que celle-ci incitait sans doute à une réflexion de fond sur les critères de performance énergétique en cas de vente d’un logement par un office d’HLM. On peut regretter cette occasion manquée. Il est donc permis de s’interroger sur la nécessité du nouveau décret, dès lors que le cadre réglementaire, en définitive, n’évolue pas.
Article 14
Niveau de performance énergétique des bâtiments
Au sein du volet du texte relatif aux bâtiments, l’article 14 est essentiel. Il porte sur divers aspects de définition de la performance énergétique.
Le I assigne à toute rénovation énergétique l’objectif d’atteindre un niveau compatible avec l’article L. 100-4 du code de l’énergie. Il renvoie à un décret, qui devait être pris dans un délai d’un an après promulgation de la loi, le soin de déterminer la définition de la performance énergétique dans tous ses aspects : caractéristiques, catégories de bâtiments concernés, application aux pièces rendues habitables, etc. Cette réglementation des travaux dits « embarqués » a fait l’objet du décret n° 2016-711 du 30 mai 2016 relatif aux travaux d’isolation en cas de travaux de ravalement de façade, de réfection de toiture ou d’aménagement de locaux en vue de les rendre habitables, qui entre en vigueur au 1er janvier 2017. ce dispositif a été critiqué, en ce qu’il comporte de très nombreuses exceptions à la nécessité d’isoler les bâtiments, exceptions énumérées à l’article R. 131-28-9 du code de la construction et de l’habitation : risque de pathologie du bâti liée à tout type d’isolation, non-conformité à des servitudes ou aux dispositions législatives et réglementaires relatives au droit des sols, au droit de propriété ou à l’aspect des façades et à leur implantation, secteurs sauvegardés, abords des monuments historiques, ou encore « disproportion manifeste entre les avantages de l’isolation et ses inconvénients de nature technique, économique ou architecturale » explicitée par une dégradation qui altérerait significativement la qualité architecturale ou un temps de retour sur investissement du surcoût induit par l’ajout d’une isolation, déduction faite des aides financières publiques, supérieur à dix ans.
Les exceptions apparaissent ainsi trop nombreuses à nombre d’acteurs. Ce décret devrait donc, selon votre Rapporteure, être modifié, notamment pour tenir compte des observations formulées par nombre des interlocuteurs de votre mission. En outre, ce dispositif doit être en cohérence avec les données techniques dites « élément par élément » actuellement prévues par l’arrêté du 3 mai 2007 relatif aux caractéristiques thermiques et à la performance énergétique des bâtiments existants. À ce sujet, votre Rapporteure partage totalement l’approche des professionnels, notamment de l’Association française des industries des produits de construction, et du Syndicat des industries thermiques, aérauliques et frigorifiques Uniclima, auditionnées par la mission, le 12 juillet 2016. Il convient :
– d’assurer une meilleure lisibilité des textes, et dans toute la mesure du possible, de ne pas empiler une réglementation nationale et européenne, lorsque celle-ci s’avère suffisante ;
– de procéder en la matière par étapes progressives lorsque les normes changent : il est nécessaire que les industriels puissent s’adapter, les temps de modification des équipements, puis de commercialisation des équipements sont nécessairement longs ;
– de rapprocher autant que possible la réglementation thermique (RT) des travaux embarqués et celle des bâtiments neufs, actuellement régis par la RT 2012, appliquée à tous les permis de construire depuis le 1er janvier 2013.
RT 2012 : réglementation thermique des bâtiments
Conformément à l’article 4 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009, dite Grenelle 1, la RT 2012 a pour objectif de limiter la consommation d’énergie primaire des bâtiments neufs à un maximum de 50 kWhEP par m² et par an en moyenne, tout en suscitant :
• une évolution technologique et industrielle significative pour toutes les filières du bâti et des équipements ;
• un très bon niveau de qualité énergétique du bâti, indépendamment du choix de système énergétique ;
• un équilibre technique et économique entre les énergies utilisées pour le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire.
La révision de l’arrêté « élément par élément » du 3 mai 2007 est en cours. Il est très souhaitable qu’elle intègre totalement la logique et les objectifs de la loi, notamment le développement du suivi de la consommation d’énergie individualisé, une gestion globale des usages énergétiques, mais également que le temps d’adaptation des industriels et des installateurs soit pris en compte.
Le II prévoit le maintien des aides publiques en cas d’obligation de travaux.
Le III porte sur les caractéristiques acoustiques des bâtiments, dans les zones à forte exposition au bruit, en cas de travaux de rénovation importants. Le décret n° 2016- 798 du 14 juin 2016, applicable aux travaux décidés après 1er juillet 2017, et même pas pour ceux dont le devis est accepté antérieurement, et renvoie à un arrêté la fixation concrète des seuils, distincts pour les parois et toitures. Le dispositif n’entrera donc en vigueur que deux ans après la loi, ce dont on ne peut se satisfaire. L’avis favorable du conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique souligne le faible impact financier de ce dispositif, comme si la lutte contre le bruit n’était pas un objectif souhaitable, et son caractère restreint à certaines zones géographiques. Votre mission y voit un motif supplémentaire de ne pas différer l’entrée en vigueur de cette disposition et demande que le décret soit revu dans un sens plus conforme à l’intention du législateur.
La parution retardée du décret a été l’objet de vives critiques, que votre Mission partage : font en particulier l’objet de critiques les prises en compte, dans les versions successives du projet, des critères vagues et non pas déterminés en fonction de seuils.
Le V anticipe de 2020 à 2018 la détermination par décret, pour les constructions nouvelles, du niveau d’émissions de gaz à effet de serre pris en considération dans la définition de leur performance énergétique et une méthode de calcul de ces émissions sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment, adaptée à ces constructions nouvelles. La publication de ce décret est envisagée en 2018 seulement. Votre Rapporteure souhaite, dans ce cadre, la mise en œuvre d’une exigence portant sur le taux de recours aux énergies renouvelables et à la récupération d’énergie, conformément au VII de l’article premier de la présente loi.
Le VI de cet article prévoit que les pouvoirs publics encouragent l’utilisation de matériaux biosourcés lors de la construction ou de la rénovation. La faible impérativité de ce dispositif n’a pas échappé à nombre des interlocuteurs de la mission. Ainsi Coop de France souhaite que la loi soit modifiée pour inclure un objectif minimal d’utilisation de matériaux biosourcés.
Le VII prévoit le dépôt d’un rapport sur l’unification des aides, alors liées à un projet global de rénovation – comme le souligne au cours de la table ronde sur les bâtiments, M. Julien Allix, au nom de l’association des responsables de copropriété, ce rapport est particulièrement attendu – un rapport sur la nécessité d’une évaluation des travaux réalisés et le VIII prévoit un rapport sur un système de bonus–malus pour les propriétaires en fonction des réalisations de performance énergétique.
Article 15
Organisme certificateur de la performance énergétique d’un bâtiment neuf
Cet article remplace le label haute performance énergétique par un conventionnement des contrôleurs. En lui-même il ne nécessite pas de décret, mais un décret en Conseil d’État définit les conditions dans lesquelles, à l’issue de l’achèvement des travaux portant sur des bâtiments neufs ou sur des parties nouvelles de bâtiment existant soumis à permis de construire, le maître d’ouvrage fournit à l’autorité qui a délivré le permis de construire un document attestant que la réglementation thermique a été prise en compte par le maître d’œuvre ou, en son absence, par le maître d’ouvrage.
Cette attestation doit être établie, selon les catégories de bâtiments neufs ou de parties nouvelles de bâtiment existant soumis à permis de construire, par un contrôleur technique mentionné à l’article L. 111-23 du code de la construction et de l’habitation, une personne répondant aux conditions prévues par l’article L. 271-6, un organisme ayant certifié, au sens des articles L. 115-27 à L. 115-32 du code de la consommation, la performance énergétique du bâtiment neuf ou de la partie nouvelle du bâtiment et ayant signé une convention avec le ministre chargé de la construction ou un architecte au sens de l’article 2 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture.
Article 16
Mise à jour du logiciel des caractéristiques thermiques des constructions nouvelles
Un logiciel des caractéristiques techniques doit être établi par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), dont le conseil d’administration relève de l’article 9. La mise à jour du logiciel est le seul élément, matériel, qui conditionne l’entrée en vigueur du texte.
L’actuel logiciel est fondé sur l’application de la RT 2012. Ainsi qu’en atteste la lettre du 30 juin 2016 de M. Étienne Crépon, Président du CSTB, l’actuel logiciel existe en version gratuite exécutable, qui est la plus demandée et une version des codes sources, accessible moyennant 10 000 € pour les acteurs du secteur privé, ou gratuite pour des fins de recherche ou non lucratives et non commerciales.
Le logiciel, qui fait référence à la RT 2012, n’est pas modifié tant que celle-ci n’évolue pas (voir article 14, ci-dessus). Au demeurant le site Internet d’accès (27) ne mentionne même pas la présente loi au rang des textes de référence.
Votre Rapporteure ne peut, comme elle l’a fait au sujet de l’article 9 et comme elle le fera à l’article 26, que constater que le CSTB ignore jusqu’à l’existence de la présente loi, ou au mieux en « prend acte ». Dans la mesure où son Président s’appuie sur le fait que sa mission, non modifiée par l’article 9, est destinée selon l’article L. 142-1 du code de la construction et de l’habitation, aux seuls ministères, votre Rapporteur souhaite, ainsi qu’il a été fait à l’article 10 pour le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique, que soit mentionnées dans cet article du code les demandes des « pouvoirs publics », ou plus précisément celles des commissions parlementaires concernées, de manière à ce qu’un établissement public industriel et commercial ne s’affranchisse pas de l’application de la loi, en cohérence, d’ailleurs, avec le fait que le rapport du CSBT est désormais destiné également au Parlement.
Article 17
Prolongation des obligations de rénovation par période décennale
Cet article complète l’article L. 111-10-3 du code de la construction et de l’habitation dont l’objet est de mettre en œuvre la réalisation des travaux d’amélioration de la performance énergétique des « bâtiments à usage tertiaire ou dans lesquels s’exerce une activité de service public ». Il précise que « cette obligation de rénovation est prolongée par périodes de dix ans à partir de 2020 jusqu’en 2050 avec un niveau de performance à atteindre renforcé chaque décennie, de telle sorte que le parc global concerné vise à réduire ses consommations d’énergie finale d’au moins 60 % en 2050 par rapport à 2010, mesurées en valeur absolue de consommation pour l’ensemble du secteur ».
L’article nécessite un décret d’application, publication qui doit intervenir « au moins cinq ans avant son entrée en vigueur ».
Votre Mission doit, à nouveau rappeler que le tertiaire reste largement ignoré par la loi, or le premier objectif que la programmation pluriannuelle de l’énergie fixe en matière de bâtiments est de « massifier la rénovation énergétique des bâtiments résidentiels et tertiaires pour parvenir à une baisse de la consommation énergétique de 28 % à l’horizon 2030 par rapport à 2010 ». Un décret aurait dû être pris, depuis longtemps, sur la base de la version antérieure de l’article L. 111-10-3 du code de la construction et de l’habitation, issu du Grenelle de l’environnement. Le dispositif de l’article 17, dû à un amendement en commission de Mme Cécile Duflot, a été adopté pour prolonger le dispositif par périodes de dix ans, mais aussi pour relancer un processus règlementaire bloqué. En dépit des assurances formelles du Gouvernement (28) le décret n’est toujours pas paru, et nombre d’interlocuteurs de votre mission soulignent que le secteur tertiaire, où les gisements d’économie sont pourtant très importants, demeure hors du cadre de la transition énergétique.
Le tertiaire est ainsi le principal manque du Titre II ; il conviendrait qu’il ne le demeure pas.
Article 18
Marchés privés de bâtiments en sous-traitance
Cet article énumère les mentions obligatoires de marchés publics de bâtiments en cotraitance dont le montant n’excède pas 100 000 € hors taxes.
Le texte se suffit à lui-même.
Article 19
Opportunité de regrouper certains financements destinés aux ménages modestes dans un fonds unique : demande de rapport au Gouvernement
Cet article, comme de nombreux autres, prévoit la remise avant le 17 février 2016 d’un rapport au Parlement sur la rénovation énergétique de logements occupés par des ménages aux revenus modestes, et l’opportunité de créer un fonds en ce sens. Cette date n’est pas respectée.
Article 20
Fonds de garantie pour la rénovation énergétique
La PPE rappelle que l’objectif en matière de financement public est de mobiliser trois milliards d’euros au niveau de la Caisse des dépôts et consignations afin de financer le plan de rénovation des logements sociaux à hauteur de 1,5 milliard d’euros et la rénovation des bâtiments publics à hauteur de 1,5 milliard d’euros.
Toutefois, le dispositif peine à monter en puissance, comme en témoigne l’application du présent article. La Mission ne peut que regretter que l’application différée de cet article traduise la faiblesse de l’implication financière des pouvoirs publics dans la transition énergétique.
I) Le dispositif crée un fonds de garantie pour la rénovation énergétique. Ce fonds est destiné à financer les travaux d’amélioration des logements soit sous conditions de ressources, à titre individuel, soit dans les copropriétés, soit à titre de garantie de caution ou d’assurance. Le décret n° 2016-689 du 27 mai 2016, précise que ce fonds peut garantir les avances remboursables sans intérêt pour les bénéficiaires des aides relatives à la lutte contre la précarité énergétique mises en œuvre par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), conformément aux articles R. 319-35 à R. 319-43 du code de la construction et de l’habitation.
II) Le fonds « enveloppe spéciale transition énergétique » dont les ressources doivent être gérées par la Caisse des dépôts et des consignations (CDC), finance les opérations de rénovation. Le dispositif de Fonds de financement de la transition énergétique et écologique devrait ainsi, conformément à la PPE, effectivement représenter un effort de 1,5 milliard €, prévu sur 3 ans, alimenté par différentes sources :
– 350 millions € de fonds propres de la CDC, à des fins d’ingénierie (50 M€) et de prises de participation (300 M€),
– 300 millions € d’actions existantes du programme d’investissement d’avenir (PIA),
– 150 millions € de recettes liées aux certificats d’économie d’énergie (voir l’article 30) ;
– 750 millions € de crédits budgétaires, dont 250 millions d’€ ont été affectés par la loi de finances rectificative 2015, dont le financement n’est pas prévu en loi de finances initiale pour 2016.
Rattachés au programme 174 de la mission « Écologie », l’enveloppe spéciale « Transition énergétique » ne devait initialement pas être inscrite au budget de l’État, mais alimentée par une affectation directe d’une partie du prélèvement sur le résultat que la CDC verse à l’État, selon les modalités définies par une convention, à raison de 250 millions d’€ par an sur trois ans. Mais une telle contraction entre une recette et des dépenses de l’État est prohibée par l’article 6 de la LOLF, et le Gouvernement a retiré l’article du projet de loi, puis déposé deux amendements en séance, adoptés par l’Assemblée, le 30 novembre 2015.
Comme l’indiquait alors le Gouvernement : « nous avions prévu d’affecter directement une part des dividendes de la Caisse des dépôts et consignations au fonds pour la transition énergétique, mais comme cela soulevait des questions juridiques, nous avons préféré le faire via un mouvement budgétaire et des ouvertures de crédits. Les recettes et les dépenses seront ainsi simultanées. Comme il s’agit d’un fonds qui n’a pas de personnalité morale et qui est géré par la Caisse, il vaut mieux avoir un mouvement de la Caisse vers l’État et de l’État vers le fonds ».
Pour autant ce débat, qui aboutit à supprimer une opération qui aurait pu être qualifiée de contraction de recettes et de dépenses, a laissé en suspens la question du financement du fonds en 2016 : il était clair que la question des dotations budgétaires au titre de 2016 et 2017 n’était alors pas réglée. Elle ne semble pas l’être davantage aujourd’hui. Pour autant, l’expérience d’autres fonds incitatifs montre qu’il y a un temps de montée en puissance, et que la mise à disposition des crédits peut suivre le processus, à condition toutefois qu’aucun blocage n’apparaisse du fait de l’insuffisance des crédits disponibles.
Les premières actions ont été concentrées sur le financement de l’ANAH par une dotation exceptionnelle de 20 millions d’€, et le financement des 212 lauréats de l’appel à projets « Territoires à énergie positive pour la croissance verte » (conformément à l’annonce, le 9 février 2015, d’une annonce de 250 millions d’€ pour les trois ans à venir). Ces 212 premiers territoires lauréats regroupent souvent plusieurs collectivités. La quasi-totalité d’entre eux ont signé avec l’État des conventions engageantes sur leurs plans d’action, ce qui représente plus de 900 collectivités. En mars 2016, plus de 22 millions d’€ (104 millions d’€ engagés) avaient été versés à des lauréats. Les versements, interrompus le 18 décembre 2015, ont repris seulement à la mi-juin 2016.
Le décret sur les modalités d’intervention du fonds, annoncé pour février 2016 par Légifrance, est finalement paru le 11 août 2016 (n° 2016-1096). Il prévoit, dans le cadre d’un mécanisme classique de garantie des prêts par l’État, un taux de garantie de sinistralité des prêts à hauteur de 50 % de leur montant pour les copropriétés et de 75 % pour les particuliers. Toutefois, concernant ces derniers, une condition de ressource (article R. 321-12 du code de la construction et de l’habitation) qui est la même que pour l’octroi des subventions de l’ANAH, est prévue.
On peut donc craindre que le mécanisme demeure d’un effet limité, même s’il est de nature à faciliter l’octroi de prêts. Au-delà, votre Rapporteure constate que le comité de gestion n’est appelé qu’à se réunir qu’une fois par an et que son rapport n’est pas destiné au Parlement, ce qui ne paraît pas satisfaisant.
En l’état, cet article ne peut donc être considéré comme pleinement opératoire : il ne s’agit pas d’une dépense budgétaire, mais d’un fonds que le projet de loi de finances pour 2017 n’abonde pas.
Article 21
Rapport sur l’opportunité d’aides fiscales à l’installation de filtres à particules sur les équipements de chauffage au bois destinés aux particuliers
Cet article prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement sur les filtres à particules dans les chauffages au bois, avant le 17 août 2016.
Article 22
Plateformes territoriales du service public de la performance énergétique
Cet article prévoit la mise en place de plateformes de performance énergétique de l’habitat, sur l’ensemble du territoire et en privilégiant les EPCI à fiscalité propre. Ces structures doivent informer et orienter gratuitement le consommateur. Aucune condition juridique n’étant à remplir pour l’application de l’article, le texte est applicable.
La seule question à poser est désormais celle de la mise en place effective de ce service public et des moyens budgétaires et humains dont il doit disposer. À cet égard, le texte est très ouvert sur les gestionnaires possibles : État, collectivités territoriales, agences, conseils d’architecture, etc. Cette trop faible identification du responsable administratif risque de diluer les responsabilités sur le terrain.
Article 23
Mise en œuvre du service de tiers financement
Issu du projet de loi initial (article 6), cet article précise les conditions de mise en œuvre du service de tiers financement, soit directement par des sociétés agréées, soit sur une base de convention établie avec des établissements de crédit.
Un dispositif permettant aux entreprises publiques locales de tiers financement de ne pas être soumises aux conditions usuelles d’agrément des établissements de crédit et des sociétés de financement, dû à votre Rapporteure a été adopté par la commission spéciale. De ce fait, ces entreprises, la plupart de cette activité est due aux régions, principalement en Île-de-France, Rhône-Alpes et Picardie, sont soumises au contrôle de l’autorité de contrôle prudentiel. Le renvoi au décret a pour objet de prévoir des conditions d’agrément dérogatoires par rapport à celles qui régissent les établissements de crédit.
Le Gouvernement s’était engagé à transmettre le projet de décret avant la première lecture (Doc. AN N° 2230, p. 233), ce dont votre Mission n’a pas constaté l’effectivité.
Le décret n° 2015-1524 du 25 novembre 2015 (art. R. 518-71-I et s.) pris pour l’application de cet article fixe à 2 millions d’euros le seuil de capital initial des sociétés de tiers financement, exige de ces sociétés en particulier un contrôle interne et une certification comptable annuelle et prévoit les conditions générales de délivrance et de retrait des autorisations par l’autorité de contrôle prudentiel.
Article 24
Modalités de remboursement d’un prêt viager hypothécaire
Le dispositif prévoit l’indemnité due en cas de défaillance de l’emprunteur d’un prêt viager hypothécaire : le décret n° 2015-1848 du 29 décembre 2015, pris pour l’application de cet article plafonne le montant de cette indemnité par mois d’intérêt en fonction de la durée résiduelle du prêt.
Il n’appelle pas d’observation particulière.
Article 25
Avances sur travaux consenties par un établissement de crédit, un établissement financier ou une société de tiers financement
Cet article introduit un mécanisme de « prêt avance mutation », garanti par une hypothèque, que peuvent pratiquer notamment les sociétés de tiers financement. Le texte se suffit à lui-même.
Article 26
Individualisation des compteurs de chauffages d’immeuble.
Le principe d’une individualisation des compteurs de chauffage remonte à l’ordonnance n° 2011-504 du 9 mai 2011 portant codification de la partie législative du code de l’énergie (article L 241-9 du code de l’énergie), complétée par un décret n° 2012-545 du 23 avril 2012. Puis, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes, due à l’initiative de M. François Brottes, le Gouvernement avait tenté de fixer au 1er janvier 2015 l’entrée en vigueur du dispositif et de supprimer l’exception prévue par le texte, dispensant cette installation en cas de « coût excessif ». Dans sa décision n° 2013-666 DC du 11 avril 2013, prenant acte du fait que près de 90 % des logements situés dans des immeubles collectifs équipés de chauffage collectif, soit plus de 4 millions de logements, n’étaient alors pas équipés d’un tel dispositif de comptage, le Conseil constitutionnel a jugé le système de « bonus-malus » contraire au principe d’égalité, et de ce fait, cette avancée a été censurée avec le reste du dispositif lui-même.
Le présent article résulte d’un amendement de notre collègue Joël Giraud, adopté par la commission spéciale, un amendement de votre Rapporteur, M. Julien Aubert, allant dans le même sens. Il prévoit d’étendre l’obligation d’individualiser les installations de mesure du chauffage individuel dans les immeubles collectifs, pour permettre d’individualiser les frais correspondants : la dérogation à l’obligation de mettre en place un système de comptage individuel de chaleur et d’eau chaude dans les immeubles collectifs, prévue à l’article 241-9 du code de l’énergie ne peut résulter que d’un « coût excessif », indiquait le texte dans son état antérieur, désormais seulement dû à la « nécessité de modifier l’ensemble de l’installation de chauffage », précision apportée par le présent article. Le Sénat a tenté d’exonérer 800 000 logements sociaux du champ de cette obligation, sans que le dispositif adopté retienne cette restriction, mais une telle position traduit bien les réticences que ce dispositif suscite.
Il résulte, en outre, d’un amendement du Gouvernement que le syndic est tenu d’inscrire à l’ordre du jour d’une assemblée générale les travaux d’installation d’un tel mécanisme, obligation qui est entrée en vigueur à compter du 17 février, mais sans que cette obligation en elle-même soit assortie de sanctions. Toutefois, l’article 27 prévoit une sanction après mise en demeure non suivie d’effet.
Il convient d’ajouter que l’article 9 de la directive 2012/27/UE du 25 octobre 2012 rend obligatoire l’installation de tels compteurs (29).
Le décret en Conseil d’État visé à l’article L. 241-9 du code de l’énergie, qui, jusqu’à la loi, prévoyait la mise en œuvre de ce texte devait être modifié, ce qui a été l’objet du décret n° 2016-710 du 30 mai 2016. Ce décret fixe au 31 mars 2017 l’obligation nouvelle, avec cependant un renvoi à un arrêté, susceptible de différer cette obligation au 31 décembre 2017 ou au 31 décembre 2019, en fonction de seuils de consommation de l’immeuble. En outre, le décret (article R. 241-8 du code de l’énergie) fait exception, outre en cas de « coût excessif » légalement limité, des hôtels et des cas d’impossibilités techniques. Sa parution tardive au regard des dates des réunions de copropriété a sans doute posé un problème à certains syndics.
Votre mission peut donc, en premier lieu s’étonner du délai de parution de ce décret, la mise en œuvre concrète de l’obligation étant reportée à la parution d’un arrêté. Cette application retardée, et la rédaction du décret, sont notamment explicables par l’avis négatif du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique. « Prenant acte » du fait que le décret « met en œuvre une mesure légale » (!), mais omettant l’obligation européenne, cet avis du 26 janvier 2016 allait jusqu’à suggérer une application encore plus progressive distinguant quatre types d’immeubles, différant ainsi l’application de la loi au maximum jusqu’en 2024, et suggérant des cas de dérogation supplémentaires. Il paraît utile de relever que cet avis considère que le décret n’a aucun « impact sur l’exigence de simplification des normes », mais on peut se demander si cette exigence a bien été prise en compte… par l’avis lui-même. Cette question vaut surtout pour la volonté législative, pourtant réitérée. Est évoquée « l’impréparation du marché », argument qui contraste avec le fait que cet article ne crée aucun dispositif nouveau et que les entreprises de fourniture de compteurs sont actuellement à même de répondre aux attentes du marché.
Votre mission souhaite que cette mesure, de bon sens, introduite dans notre droit depuis plus de cinq ans, et seule de nature à permettre une maîtrise de consommation des frais de chauffage par les ménages dans les habitations collectives, ne soit pas différée davantage. L’individualisation des compteurs de chauffage est indispensable à la maîtrise de la consommation d’énergie. Elle permettra en outre une tarification individuelle, et de ne pas pénaliser les comportements vertueux.
Si la mission entend les craintes, exprimées au cours de la table ronde du 29 juin 2016, liées au fait que les prestataires qui commercialisent ces équipements ont parfois antérieurement déçu – par exemple pour le comptage d’eau – ou que par leur position dans l’immeuble, certains logements nécessitent plus de chauffage que d’autres, ces arguments ne justifient cependant pas le maintien de la situation actuelle.
Le retard français, qui s’explique par des réticences peu étayées, mais assurément fortes, est patent par rapport à des pays comparables, où le taux d’équipement dépasse les 90 % : Danemark, Belgique, voire avoisine les 100 % : Autriche, Allemagne. Aucune des raisons opposées à un déploiement trop longtemps retardé ne paraît donc pertinente, tandis que le coût lié à la mutualisation, et la déresponsabilisation des ménages, sont manifestes. Votre Rapporteure insiste donc pour une effectivité rapide du dispositif.
Si l’application de ce texte demeurait insatisfaisante, il conviendrait alors que l’intérêt général conduise à renforcer le caractère impératif de la loi.
Article 27
Régime de sanctions administratives en cas de non-respect des règles de comptage de la consommation de chaleur, d’électricité et de gaz
Le contrôle du respect des obligations de l’article précédent ou des obligations de mise en place de mécanismes de comptage interopérables de gaz naturel ou de réseaux de distribution de chaleur, le constat des infractions, les mises en demeure éventuelles, la notification des griefs et les sanctions pécuniaires en cas de manquements ne nécessitent pas de décret d’application.
Le projet initial (art. 7) prévoyait des ordonnances sur ce point, mais le dispositif a été porté au niveau législatif. Passé une mise en demeure restée sans suite pendant un délai d’un mois, ou si le propriétaire ou le syndicat des copropriétaires ne répond pas à une demande de document par l’administration, une peine d’amende, respectant une instruction contradictoire, d’un montant de 1 500 € par logement et par an, est prévue par cet article.
Des dispositions similaires sont prévues pour les réseaux de chaleur et de froid aux points de livraison, ou encore (II) en matière de diagnostic de performance énergétique. Il convient d’observer que les maires peuvent, dans ce dernier cas comme dans celui de l’individualisation des compteurs de chauffage en habitat collectif, habiliter eux-mêmes des agents publics à effectuer les contrôles.
Votre Mission a souhaité attirer l’attention de l’Association des maires de France sur cette possibilité, de manière à permettre une entrée en vigueur de ces mesures conforme à la loi.
Article 28
Compteurs « déportés » Linky et Gazpar
Longuement débattu par la commission spéciale, puis à l’Assemblée le 20 mai 2015, ce dispositif est issu de l’article 7 bis nouveau, dû à une initiative du Gouvernement pour généraliser le déploiement de compteurs « intelligents » Linky et Gazpar et la mise à disposition des ménages en situation de précarité énergétique de données en temps réel, dont l’offre doit être progressivement étendue par ENEDIS (30) et GRDF. Ces compteurs utilisent des moyens informatiques évolués afin d’optimiser la production et l’acheminement de l’électricité, notamment grâce à la télétransmission d’informations relatives à la consommation des personnes. Le IV de l’article, fruit d’un compromis va dans le sens d’une généralisation prévoyant : « La mise à disposition des données de consommation exprimées en euros, au moyen d’un dispositif déporté d’affichage en temps réel, est progressivement proposée à l’ensemble des consommateurs domestiques, après une évaluation technico-économique menée par la Commission de régulation de l’énergie ».
En conséquence, cet article, qui s’inscrit dans la continuation d’un processus depuis longtemps engagé, n’innove que partiellement (31) : la décision de déploiement des compteurs est bien antérieure, notamment formalisée par une communication de la CRE du 10 septembre 2007 et une délibération du 11 février 2010, et par divers textes législatifs et règlementaires. Il vise à sortir de la phase expérimentale et à permettre un déploiement généralisé des compteurs. Il prévoit :
– que les usagers disposant d’une tarification spéciale se voient offrir un comptage en temps réel ;
– et la généralisation du déploiement de compteurs déportés « Linky » avec accès des données au fournisseur sous réserve, sur ce point, de l’accord du consommateur, les données pouvant être communiquées au propriétaire ou gestionnaire de l’immeuble sous forme anonymisée et agrégée à l’échelle de l’immeuble. Cette communication est subordonnée à une demande du gestionnaire ou du propriétaire qui doit justifier la mise en œuvre d’actions de maîtrise de consommation d’énergie.
Cette télétransmission aura notamment pour conséquence de supprimer la relève physique des compteurs. Elle doit aussi permettre la coupure du compteur à distance, ou son changement de puissance.
Ce dispositif est, au plan juridique, sans équivoque. Au cours des débats à l’Assemblée :
– a été adopté un amendement de Mme Laurence Abeille sur le nécessaire accord sur la transmission des données par le consommateur ;
– a été rejeté un amendement du même auteur sur la nécessité d’un accord de l’habitant sur l’installation même du compteur pour motif lié à la santé publique, avec avis défavorable du Gouvernement.
L’intention du législateur est donc claire.
L’article 28, qui a donné lieu à cette table ronde le 11 mai 2016, est pourtant celui qui aura le plus attiré l’attention des consommateurs, et des acteurs aussi divers que les opérateurs de réseaux, les pouvoirs publics, l’Agence nationale des fréquences, l’Association des maires de France, la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) ou même... la Ligue des droits de l’homme. Ce débat a été relayé par certaines communes, réfractaires à l’installation des compteurs.
Conseil municipal de Badefols sur Dordogne : délibération du 5 janvier 2016
Monsieur le Maire tient à alerter à propos de la pose des compteurs « Linky » souhaitée par ERDF et fait part (32) d’un certain nombre d’arguments quant aux risques sanitaires potentiels qui y sont liés. La principale raison est le souci de protection de la santé des habitants, à commercer (33) par celle des enfants.
En effet, s’ils sont installés, les compteurs communicants émettront des micro-ondes qui sont présentées comme anodines, ce qui est fortement contesté par diverses associations comme Robins des Toits, PRIARTEM, le CRIIREM. Pour exploiter les fonctions des compteurs communicants, ERDF injecte des radiofréquences dans le circuit électrique des habitations par la technologie CPL (Courant porteur en ligne). Les radiofréquences se retrouvent donc dans l’air environnant, mesurables jusqu’à 2,50 m de tous les câbles encastrés dans les murs, qu’ils soient apparents ou non et dans les appareils eux-mêmes. Or, les câbles des habitations n’ont pas été prévus pour cela : ils ne sont pas blindés. De fait, le CPL génère des rayonnements nocifs pour la santé des habitants et particulièrement celle des enfants car ils sont plus vulnérables face aux risques causés par ces technologies. Ces radiofréquences sont d’ailleurs officiellement reconnues « potentiellement cancérigènes » par le Centre International de recherche sur le cancer qui dépend de l’OMS. Même si la question de la santé publique est cruciale, d’autres risques existent :
– augmentation des factures, comme c’est le cas au Québec et en Espagne depuis l’installation des compteurs,
– pannes à répétition sur les matériels informatiques,
– piratage aisé des compteurs communicants, bien que prétendus « intelligents » et même si les installateurs assurent que tout est « parfaitement sécurisé », pouvant entraîner des problèmes d’espionnage et de cyber-terrorisme.
– installation massive de compteurs communicants indispensable pour le développement des énergies renouvelables, alors que l’Allemagne a abandonné,
– programmation de mise en place d’autres compteurs communicants (notamment pour le gaz et l’eau) qui aboutirait à avoir jusqu’à 4 compteurs pour chaque logement, démultipliant les risques,
– exclusion, par les compagnies d’assurances, de la prise en charge Responsabilité Civile des dommages liés aux ondes électromagnétiques,
– respect de la vie privée et des libertés individuelles bafoué puisque ces compteurs communicants, s’ils sont installés, permettront aux opérateurs de recueillir d’innombrables données sur notre vie privée, utilisables à des fins commerciales mais aussi de surveillance et de remise en cause des libertés publiques.
Il est à noter enfin que les compteurs actuels fonctionnent tout à fait correctement et que le non-remplacement par des compteurs « communicants » ne pose donc aucun problème. Il est par ailleurs possible depuis longtemps de signaler à votre fournisseur, par téléphone ou par le web, la consommation réelle affichée par votre compteur, de façon à éviter toute surfacturation due à une estimation imprécise. L’article L. 322-4 du code municipal que la commune, en tant que propriétaire et représentant les prérogatives publiques, refuse l’installation de ces compteurs.
Après en avoir délibéré, le Conseil Municipal à l’unanimité refuse l’installation des compteurs « Linky ».
Source : Extrait du registre des délibérations - Commune Badefols sur Dordogne du 5 janvier 2016.
L’opération doit aboutir au changement de 35 millions de compteurs d’ici 2021. Un déploiement parallèle est prévu pour le gaz (« Gazpar ») qui concerne 11 millions de compteurs dès 2017. ERDF agit en partenariat avec l’Association des maires de France. La carte prévisionnelle du déploiement des compteurs est disponible sur le site d’ENEDIS.
Les fonctionnalités des compteurs déportés doivent répondre aux objectifs :
• d’amélioration de l’information du consommateur ;
• d’amélioration des conditions de fonctionnement du marché ;
• de maîtrise des coûts des gestionnaires de réseaux ;
• de maîtrise de la demande d’énergie et de réduction des émissions carbonées.
La phase expérimentale, menée notamment à Lyon, a conduit ERDF à intégrer des fonctionnalités supplémentaires :
• l’ajout d’un emplacement sur le compteur pour accueillir un émetteur radio qui permettra de transmettre à un équipement dans le logement (afficheur déporté ou gestionnaire d’énergie par exemple) les données collectées par le compteur,
• l’ajout de sept contacts virtuels, en plus du contact principal, pour permettre l’asservissement et le pilotage de huit équipements du logement aux signaux tarifaires du compteur,
• l’affichage du numéro du point de livraison sur le compteur pour faciliter et sécuriser l’emménagement pour le fournisseur et pour le client,
• l’affichage, sur le compteur, de la puissance installée et de la puissance maximale en injection,
• l’affichage sur le compteur de messages du fournisseur (32 caractères maximum).
La table ronde menée par votre Mission a permis de sérier quatre types de questions :
– La nécessité de l’opération, ramenée à son coût ;
– Les atteintes au respect de la vie privée ;
– Les dangers pour la santé ;
– Les questions juridiques liées à l’opposition des communes.
1°) La nécessité de l’opération
Le coût était chiffré à environ 4,5 milliards d’euros (réponse à une question écrite de Mme Lignières-Cassou, 23 avril 2013, n° 18668) et il est actuellement plutôt annoncé à 5 milliards d’euros, sans doute un peu moins selon ENEDIS. Il convient d’observer que ce coût ne s’impute pas sur l’abonné mais qu’il est pris en charge par l’opérateur lui-même, donc supporté par la collectivité dans son ensemble. S’il peut apparaître important, ce coût est néanmoins le prix à payer pour la modernisation de la transmission des données de consommation. La CRE, le 16 juin 2016 a émis l’avis suivant au sujet des compteurs Gazpar : « la CRE considère que le consommateur doit avoir accès sans frais à l’ensemble de ses données de consommation. Elle considère également qu’un ou plusieurs tiers autorisés par le consommateur doivent pouvoir accéder sans frais aux données auxquelles le consommateur a lui-même accès. Ces tiers peuvent être le fournisseur titulaire du contrat de fourniture, un fournisseur concurrent, ou d’autres acteurs choisis par le consommateur (entreprise de services énergétiques par exemple).
La totalité des contributeurs à la première consultation publique s’est déclarée favorable à la mise en place de ces prestations, ainsi qu’à leur gratuité à l’exception de la prestation de passage à des données au pas horaire pour les consommateurs équipés de compteurs évolués Gazpar. »
Il convient d’observer que l’obtention des données est considérée comme indispensable pour les exploitants, et que la mise en place puis l’évolution du système vers des données de consommation au sein de l’habitat est seule de nature à permettre, comme pour le cas de l’individualisation des compteurs de chauffage (article 26) une réelle maîtrise de la consommation d’énergie par les ménages. On peut, à titre de comparaison rappeler la situation en Allemagne.
Le déploiement des compteurs intelligents en Allemagne
Selon le ministère de l’économie et de l’énergie allemand, un système de production d’énergie basé sur les énergies renouvelables a besoin de compteurs connectés communicants (réseaux intelligents) pour assurer le transport et la distribution du courant ainsi que l’équilibre nécessaire entre production et consommation. La communication est une exigence fondamentale pour ces réseaux. Ainsi, des liaisons de communication sûres, conformes à la protection des données, entre les différents acteurs (grandes installations de production, les auto-producteurs, etc.) doivent être installées. Par ce biais, les opérateurs des réseaux, les fournisseurs, les responsables marketing, les prestataires de services et les responsables des zones d’équilibrage disposent d’informations qui sont plus précises que les estimations basées sur les valeurs de l’année précédente. D’autres secteurs (par exemple : gaz, eau, chauffage) profiteraient également de la mise en place d’une telle infrastructure de communication qui rendrait possible une réduction de coût et un gain d’efficacité et de confort. Le système de mesure intelligent appliqué porte le nom Smart Meter Gateway. Par l’installation des systèmes de mesure intelligents, le ministère cherche également à rendre transparente la consommation afin d’influencer le comportement de consommation des utilisateurs dans le but d’économiser de l’énergie. De plus, le plan vise à intégrer les auto-producteurs de façon durable au système d’énergie par l’installation des systèmes de mesure pour rendre la commercialisation de l’énergie plus efficace.
Par conséquent, le ministère a pour but d’introduire plusieurs règlements jusqu’à l’été 2016 face à la mise en place des compteurs :
1) Un règlement de système de mesure indiquant les bases et les directives techniques qui assurent la protection des données.
2) Un règlement de communication de données qui définit « qui a accès à quelles données pour quelle raison. »
3) Un règlement sur le déploiement des compteurs.
Dans le plan présenté par le ministère, 2 aspects majeurs sont mentionnés afin de garantir l’efficacité de cette nouvelle technique :
i) Une communication efficace et sûre dans un réseau intelligent
Par les infrastructures d’énergie, on cherche à assurer une communication sûre et efficace. Pour cela, le ministère fédéral de la sécurité de la technique d’information développe plusieurs formes de protection pour le Smart Meter Gateway depuis 2011. Par une communication fréquente des valeurs réelles, on vise à optimiser les estimations de consommation et de production afin de mettre en place des nouvelles structures tarifaires.
ii) Modernisation durable de l’infrastructure de compteurs, mais « pas de déploiement général »
Le ministère vise un déploiement « raisonnable pour l’individu et utile pour l’économie globalement ». Ainsi, un déploiement général n’aura pas lieu pour ne pas facturer aux producteurs et aux consommateurs des frais inappropriés. Les consommateurs petits et moyens sont exemptés de l’obligation d’installation de systèmes de mesure. L’installation et le maintien des compteurs connectés coûteront jusqu’à 20 euros pour l’année. Ils ne consomment que peu d’énergie. Par l’ajout du BSI-Smart Meter Gateway, les compteurs peuvent être transformés en système de mesure intelligent. Le but est une modernisation durable et étendue de l’infrastructure de compteurs. L’installation et le maintien des systèmes de mesure intelligents coûteront moins de 100 euros par an.
Par les règlements, le ministère cherche à introduire une limite maximale de coûts et de prix pour toute l’Allemagne. Le plan de déploiement contient une fenêtre temporelle de plusieurs années. La mise en place est seulement prévue pour des groupes de consommateurs qui pourraient durablement profiter des systèmes de mesure.
Sur l’installation des compteurs connectés auprès des consommateurs :
- Jusqu’en 2032, tout point de comptage sera équipé d’un compteur connecté.
- La façon dont l’option de visualisation est utilisée dépend du consommateur.
Sur l’installation des systèmes de mesure auprès des consommateurs :
- La limite minimale de consommation qui oblige l’installation des systèmes de mesure est fixée à 6 000 kWh par an. Le montant est calculé sur la base des valeurs moyennes de consommation des dernières trois années. Il est possible que cette valeur (6 000 kWh) soit modifiée à l’avenir en cas de développement de prix positif.
- L’obligation d’installation pour les constructions neuves et en cas de rénovation, comme il est prévu par la loi relative aux énergies économiques, sera suspendue.
- Le plan du ministère prévoit une installation en étapes. Pour les consommateurs d’énergie dépassant 20 000 kWh par année, elle est fixée à 2017. En 2019, le groupe des consommateurs entre 10 000 et 20 000 kWh suit et finalement l’installation pour les consommateurs de 6 000 à 10 000 kWh aura lieu à partir de 2021.
- Les exploitants des stations de mesure sont censés effectuer le déploiement sous leur propre responsabilité dans le cadre temporaire mentionné.
Sur l’installation des systèmes de mesure auprès des systèmes de production :
- Pour les installations SER et de cogénération, l’installation est obligatoire à partir d’une capacité installée de 7 kW. Il n’y a pas d’exception pour les constructions neuves ou vieilles. Les exploitants des stations de mesure et les opérateurs des réseaux peuvent être exemptés de l’obligation dans le cas où l’installation suppose un effort disproportionné.
- L’intégralité des installations SER et de cogénération n’est pas obligée de s’équiper de technique de commande (par exemple : boîtier de commutation). Pour les installations avec une capacité installée qui est fixée entre 7 kW et sous le montant qui oblige l’installation de technique de commande, l’équipement avec un système de mesure est suffisant.
- L’installation des systèmes de mesure aura également lieu en étapes. À partir de 2017, les systèmes de mesure seront installés auprès des installations d’une capacité installée entre 7 et 100 kW. Le travail technique du Smart Meter Gateway et son application sont le plus avancés pour ce groupe de producteurs. À partir de 2019, le ministère vise la mise en place des systèmes de mesure pour les installations avec une capacité installée supérieure à 100 kW.
- Les installations avec une capacité installée entre 800 W et 7 kW ne devront pas être équipées d’un système de mesure puisque le rapport coût-efficacité ne serait pas rentable. Pour ces installations, la mise en place de compteurs connectés est suffisante.
Source : Service des Affaires européennes de l’Assemblée nationale.
2°) Les atteintes au respect de la vie privée
La courbe de charge permet de connaître avec précision les habitudes de consommation au cours de la journée, et de déduire certains éléments : heures de lever, de coucher, période d’absence, nombre de personnes présentes, conditions d’occupation d’une salle de bains, etc. La CNIL a été saisie à plusieurs reprises. Par sa recommandation du 15 novembre 2012, elle a souhaité que la courbe de charge ne puisse être recueillie qu’avec le consentement des personnes concernées, sauf lorsqu’il s’agit de gestion du réseau, travaux, etc., et que soit limitée la liste des personnes y ayant accès. En outre, elle recommande : « que les paramètres de réglage des compteurs soient, par défaut, les plus protecteurs possibles pour les usagers et que toute modification du pas de mesure ainsi paramétré soit justifiée par la finalité poursuivie.
À cette fin, elle propose que des mesures techniques mises en œuvre dans les compteurs rendent strictement impossible la collecte, par l’intermédiaire de l’infrastructure des gestionnaires de réseau, de la courbe de charge à un pas inférieur à 10 minutes ». En novembre 2015, la CNIL a réaffirmé sa position au sein du comité de pilotage.
Elle a alors annoncé que le déploiement des compteurs Linky serait conforme à ses souhaits dans la mesure où :
• Les compteurs seront paramétrés pour enregistrer « en local » – au domicile de l’abonné – la courbe de charge, au pas horaire, et « pour une durée maximale d’un an » ;
• Le consentement de l’abonné devra être recueilli « pour la remontée de la courbe de charge dans le système d’information d’ERDF ainsi que pour la transmission de la courbe de charge aux tiers » (fournisseurs d’énergie, sociétés commerciales proposant des travaux d’isolation ou de pose de fenêtres, ...) ;
• L’abonné sera « en position de s’opposer au déclenchement de ce stockage en local, par le biais d’une case à cocher, sans avoir à motiver sa décision » ;
• L’usager pourra, « à tout moment, désactiver ce stockage et purger ses données (notamment en cas de déménagement) ».
ENEDIS se pose ainsi en « tiers de confiance », et insiste sur le fait que le client restera « le seul propriétaire des données de comptage ». Elle a en outre établi en partenariat avec la FIEEC un « pack de conformité » à destination des entreprises fabricant les compteurs (34) – il semble qu’il y en ait six – et des fournisseurs, distinguant les données réutilisées dans l’habitat et les données utilisées par ces derniers, pour lesquelles : « le prestataire doit mettre en place des mesures permettant de garantir la sécurité et la confidentialité des données traitées par les appareils qu’il fournit à la personne, et doit prendre toutes précautions utiles pour en empêcher la prise de contrôle par une personne non autorisée, notamment en : chiffrant tous les échanges de données avec des algorithmes à l’état de l’art, protégeant les clés de chiffrement de toute divulgation accidentelle authentifiant les appareils destinataires des données, subordonnant l’accès aux fonctionnalités de contrôle de l’installation à une authentification fiable de l’utilisateur ».
Votre Mission conclut donc que les craintes manifestées quant à des atteintes à la vie privée, qui soulevaient des questions légitimes, sont levées : le consentement des consommateurs est clairement requis, conformément à la volonté du législateur, et les données transmises, au demeurant, ne paraissent pas en elles-mêmes de nature à susciter une telle attention.
3°) Les dangers pour la santé.
Le rapport du mois de mai 2016 publié par l’Agence nationale des fréquences (ANFr), et déjà évoqué par celle-ci lors de la table ronde, est explicite :
« L’exposition spécifique liée à l’usage du CPL apparaît très faible et les transmissions sont brèves : moins d’une minute chaque nuit pour la collecte des informations de consommation et des impulsions périodiques de surveillance du réseau, d’une durée de l’ordre d’un dixième de seconde ». Les niveaux de champs électriques sont à un niveau comparable à un compteur classique hors communications CPL, et s’ils augmentent légèrement lorsque Linky transmet ses informations, ils n’atteignent alors que 1,1 volt par mètre (v/m) à 20 cm, quand la valeur limite réglementaire est de 87 v/m. Quant aux niveaux de champs magnétiques mesurés en émission CPL, ils sont 700 fois plus faibles que la valeur limite, a constaté l’ANFr, qui ajoute que « ces faibles niveaux d’exposition diminuent très vite dès qu’on s’éloigne du compteur et deviennent difficilement mesurables. ».
Le 22 septembre 2016, l’ANFr publiait les résultats de contrôles effectués sur des compteurs posés, correspondant à un usage réel et quotidien. Selon les mesures relevées par l’ANFR, « le compteur Linky émet entre 0,25 et 0,8 volt par mètre (v/m) à 20 centimètres du compteur, le niveau décroissant rapidement à mesure que l’on s’en éloigne. De tels niveaux se situent entre 150 et 350 fois en dessous de la limite réglementaire de 87 v/m, spécifique à la bande de fréquence utilisée par le compteur ».
4°) Des débats juridiques multiples
En premier lieu, il convient d’observer que le déploiement est conforme aux dispositions européennes.
Faisant suite à la directive 2006/32/CE du 5 avril 2006, dont l’article 13 prévoit le déploiement de compteurs individuels « mesurant avec précision leur consommation effective et qui fournissent des indications sur le moment où l’énergie a été utilisée », l’annexe I de la directive n° 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE prévoit : « Les États membres veillent à la mise en place de systèmes intelligents de mesure qui favorisent la participation active des consommateurs au marché de la fourniture d’électricité. La mise en place de tels systèmes peut être subordonnée à une évaluation économique à long terme de l’ensemble des coûts et des bénéfices pour le marché et pour le consommateur, pris individuellement, ou à une étude déterminant quel modèle de compteurs intelligents est le plus rationnel économiquement et le moins coûteux et quel calendrier peut être envisagé pour leur distribution. Cette évaluation a lieu au plus tard le 3 septembre 2012.
Sous réserve de cette évaluation, les États membres, ou toute autorité compétente qu’ils désignent, fixent un calendrier, avec des objectifs sur une période de dix ans maximum, pour la mise en place de systèmes intelligents de mesure. Si la mise en place de compteurs intelligents donne lieu à une évaluation favorable, au moins 80 % des clients seront équipés de systèmes intelligents de mesure d’ici à 2020.
Les États membres, ou toute autorité compétente qu’ils désignent, veillent à l’interopérabilité des systèmes de mesure à mettre en place sur leur territoire et tiennent dûment compte du respect des normes appropriées et des meilleures pratiques, ainsi que de l’importance du développement du marché intérieur de l’électricité. ».
Il convient donc de rappeler que c’est sur la base de dispositions européennes que l’article 4 de la loi du 10 février 2000 (n° 2000-108) introduit le principe de la mise « en œuvre des dispositifs permettant aux fournisseurs de proposer à leurs clients des prix différents suivant les périodes de l’année ou de la journée et incitant les utilisateurs des réseaux à limiter leur consommation pendant les périodes où la consommation de l’ensemble des consommateurs est la plus élevée », dispositif complété par l’article 18 de la loi du 3 août 2009 (Grenelle I) et par un décret du 31 août 2010 (n° 2010-1022) dont il ressort, à titre expérimental, que chaque utilisateur a la libre disposition des données le concernant, au moins une fois par jour, et que tout nouveau compteur de puissance non supérieure à 36 KvA doit répondre à des exigences d’interopérabilité. Ce décret, jugé conforme à la loi et à la directive (CE 20 mars 2013, n° 346971) a été codifié par le décret du 30 décembre 2015. Il s’accompagne d’un arrêté du 4 janvier 2012 portant sur les fonctionnalités des dispositifs de comptage, jugé conforme à cette directive (CE 20 mars 2013, n° 354321) : le Conseil d’État précise que cet arrêté ne porte pas sur le droit de propriété des compteurs et que la convention d’Aarhus sur la participation du public au processus décisionnel n’est pas d’effet direct.
Ces objectifs ont été repris dans la recommandation du 9 mars 2012 (2012/148/UE) relative à l’introduction de systèmes intelligents de mesure, qui retient un principe de communication sécurisée des données.
La mise en œuvre de l’article 28 renvoie à quatre reprises au décret :
– article L. 337-3-1 du code de l’énergie : Consommateur domestique avec tarification spéciale : mise à disposition des données de comptage de consommation d’électricité accompagnée d’une offre de transmission de données de consommation ;
– article L. 341-4 du code de l’énergie : Mise à disposition des données de comptage de consommation sous forme anonymisée et agrégée à l’échelle de l’immeuble par les gestionnaires des réseaux publics de distribution d’électricité ;
– article L. 445-6 du code de l’énergie : Consommateur domestique avec tarification spéciale : mise à disposition des données de comptage de consommation et transmission de données de consommation de gaz ;
– article L. 453-7 du code de l’énergie : Mise à disposition des données de comptage de consommation sous forme anonymisée et agrégée à l’échelle de l’immeuble par les gestionnaires des réseaux publics de distribution de gaz naturel.
Deux arrêtés sont en outre prévus (pour la détermination des remboursements à l’opérateur des coûts liés aux ménages en situation de précarité).
Légifrance prévoyait une publication des quatre décrets « envisagés en décembre 2015 », mais le déploiement semble plus complexe qu’il n’y paraît compte tenu des réticences qui se sont manifestées. Le décret sur la mise à disposition des données de comptage, applicable au 1er octobre 2016, est intervenu le 12 avril 2016 (n° 2016-447). Ce texte rappelle les éléments suivants, valant au plan général comme pour les ménages bénéficiant d’une tarification spéciale (les articles D 341-16 et D. 435-12 du code de l’énergie paraissent redondants) : « les données sont mises à disposition du propriétaire ou du gestionnaire [de l’immeuble par les gestionnaires du réseau public] dans un délai maximum d’un mois suivant la réception de la demande.
« Elles sont transmises sous forme agrégée et anonymisée, à l’échelle de l’immeuble ou de l’ensemble d’immeubles et portent, au plus, sur les trois années précédant celle de la demande. Elles peuvent résulter en tout ou partie de données reconstituées.
Peuvent seuls être facturés les coûts résultant directement de l’agrégation des données de comptage et effectivement supportés de ce fait par le gestionnaire du réseau public de distribution. Ces coûts sont précisés dans les catalogues de prestation des gestionnaires des réseaux de distribution d’électricité ».
Article 29
Accès des opérateurs des gestionnaires de réseaux de distribution de gaz naturels et d’électricité aux compteurs
L’accès des opérateurs aux compteurs de gaz et d’électricité, prévu par l’article L. 111-6-7 du code de la construction et de l’habitation, créé par le présent article, est d’application immédiate. Le refus d’accès s’il ne paraît pas susceptible de sanctions générera un coût pour les opérateurs. La CRE dans une délibération du 3 mars 2016, évoque le problème en termes explicites : « En application de l’article L. 111-6-7 du code de la construction et de l’habitation et des obligations contractuelles des utilisateurs du réseau public de distribution, les propriétaires permettent aux GRD et aux opérateurs des sociétés agissant pour leur compte d’accéder aux ouvrages relatifs à la distribution d’électricité, dont font partie les compteurs.
Les GRD d’électricité pourraient cependant rencontrer en pratique des refus d’accès à ces compteurs de la part de certains consommateurs, ne permettant pas la pose de ces compteurs. Or le maintien d’une relève à pied pour ces consommateurs dégradera les gains attendus du projet, qui sont essentiellement des gains liés à la relève évitée. Le maintien d’une relève à pied pour quelques consommateurs isolés représente en effet un coût unitaire beaucoup plus élevé que celui de la relève à pied en masse pratiquée aujourd’hui ».
La CRE a donc indiqué dans sa consultation publique qu’elle considère justifié que les consommateurs qui n’ont pas laissé l’accès au compteur se voient facturer une prestation de relève à pied résiduelle, compensant les surcoûts occasionnés, mais que cette prestation ne peut être mise en place à ce stade, à défaut de connaître l’ampleur de ces surcoûts.
Tous les contributeurs se sont déclarés favorables au principe de cette prestation, à l’exception d’un seul, qui demande que les personnes se déclarant électro sensibles en soient exonérées.
La CRE demande aux GRD un suivi des surcoûts occasionnés par la relève des compteurs classiques résiduels dans les zones où les compteurs évolués ont été déployés. Ce suivi permettra dans un second temps la mise en place de cette prestation, facturée aux consommateurs qui ne seront pas équipés de compteurs évolués de leur fait, une fois leur zone de déploiement saturée, et après plusieurs relances de la part du GRD ».
Le dispositif s’appliquera donc en fonction de ce suivi, qui permettra de mesurer concrètement l’application de cet article.
Article 30
Certificats d’économies d’énergie
Cet article porte sur la précarité énergétique. Les personnes qui vendent de l’électricité, du gaz, du fioul domestique, de la chaleur ou du froid aux consommateurs finals et dont les ventes annuelles sont supérieures à un seuil défini par décret en Conseil d’État, et sous une condition identique, celles qui commercialisent les carburants automobiles sont tenues, depuis la loi de programmation du 13 juillet 2005, d’effectuer, des actions en faveur des économies d’énergie, par période triennale. L’objectif de la période actuelle 2015-2017 est de 600 TWh sur trois ans, et représente ainsi 2,5 milliards d’euros. Les assujettis peuvent se libérer de cette obligation en acquérant des certificats d’économie d’énergie.
Le dispositif, issu de l’article 8 du projet initial, suivant les recommandations d’un rapport thématique de la Cour des comptes, ne modifie pas cette procédure, mais aménage cette obligation en prévoyant une acquisition de certificats spécifiquement à destination des ménages en situation de précarité énergétique, et plafonne le montant des sanctions pécuniaires, en prévoyant en outre des sanctions alternatives, dues en cas de manquement. Son IV, sur initiative de votre Rapporteure, crée une quatrième période de 2018 à 2020.
Les certificats d’économies d’énergie sont exclusivement matérialisés par leur inscription au registre national des certificats d’économies d’énergie, accessible au public (article L. 222-10 du code de l’énergie).
Le décret n° 2015-1823 du 30 décembre 2015 relatif à la codification de la partie réglementaire du code de l’énergie crée les articles R. 221-1 à R. 222-12 du code de l’énergie qui prévoient des modalités particulières d’identification des certificats d’économie d’énergie. Il résulte de l’article R. 221-30 que : « Le délégataire tient en permanence à la disposition du ministre chargé de l’énergie les informations relatives aux comptes ouverts, à leurs titulaires, au nombre de certificats d’économies d’énergie détenus et aux transactions effectuées, en distinguant les certificats d’économies d’énergie obtenus pour des opérations réalisées au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique. ».
La PPE, dans son volet relatif à la maîtrise de l’énergie insiste sur la mise en œuvre de ce décret et assigne aux certificats « un objectif de 150 TWh cumac d’ici fin 2017 (35) soit environ 1 milliard d’euros consacré par les vendeurs d’énergie au soutien aux économies d’énergie chez les ménages aux revenus les plus faibles ».
L’arrêté du 8 février 2016, visé par cet article, fournit la définition des valeurs de référence pour la teneur énergétique des combustibles, applicables aux calculs d’économies d’énergie dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie, et rend ainsi le dispositif applicable en complétant l’ancien texte (arrêté du 29 décembre 2014).
Votre Rapporteure estime que le processus, pour être toujours complexe, est cependant opérationnel. Il répond à la volonté du législateur de cibler une partie du dispositif au profit des ménages en situation de précarité énergétique.
Article 31
Notion d’impropriété à la destination en matière de performance énergétique
La définition juridique des dommages résultant de l’impropriété à la destination des équipements ou produits en matière de performance énergétique est d’application directe (art. L 111-13-1 du code de la construction et de l’habitation).
Article 32
Ménages en situation de précarité énergétique
Cet article, dû à deux amendements identiques de votre Rapporteure, et de M. Joël Giraud, adoptés en commission (article 8 bis), reporte la date de la fin de la trêve énergétique hivernale du 15 au 31 mars, par cohérence avec celle de la trêve locative.
Il est d’application directe.
Article 33
Colonnes montantes : demande d’un rapport au Gouvernement
Cet article prévoit la remise d’un rapport au Parlement sur le statut des colonnes montantes avant le 15 août 2016. Ce rapport, un temps annoncé, est toujours attendu. En dépit de l’insistance de vos Rapporteurs, il n’est toujours pas disponible, même sous une forme provisoire, alors que les consultations à son sujet ont plusieurs fois été mentionnées.
Pourtant, au cours de son audition par votre commission des affaires économiques (36), M. Philippe Monloubou, à l’époque président du directoire d’ERDF, avait eu avec la Présidente Frédérique Massat un échange laissant apparaître l’importance de ce document et l’existence d’un pré-rapport.
« M. Philippe Monloubou : J’attire, par ailleurs, votre attention sur l’article 33, qui prévoit l’élaboration par le Gouvernement d’un rapport au Parlement sur le statut des colonnes montantes dans les immeubles d’habitation. Sans préjuger des conclusions du pré-rapport dont je n’ai pu prendre connaissance, je veux rappeler que c’est un sujet à enjeu financier se chiffrant à plusieurs milliards d’euros, qu’il n’y a pas d’enjeu lié à la sécurité des personnes et des biens, et que la question de l’estimation exacte des besoins de renouvellement est centrale. En effet, pour la partie du parc déjà en concession, les colonnes montantes sont renouvelées et correctement maintenues en l’état. Mais si se posait la question de la reprise en concession des colonnes électriques particulières par ERDF, elle ne pourrait être réglée qu’à certaines conditions : soit après renouvellement ou remise en état par les propriétaires de leurs colonnes, dans le cadre d’une mise aux normes ; soit avec la garantie qu’ERDF bénéficiera des ressources suffisantes pour engager les travaux de renouvellement ou de remise en état.
Mme la Présidente Frédérique Massat : « Dois-je comprendre que vous nous demandez de l’argent pour mettre en application les dispositions prévues par la loi ? Nous entendons votre appel, mais nous verrons les conclusions du rapport dans sa version définitive. La mission d’information sur l’application de la loi fera le point sur la question. La commission des affaires économiques examinera son rapport. ».
Depuis cette date, les choses n’ont pas évolué, en dépit des nombreuses relances de vos Rapporteurs.
Avant même l’adoption définitive de la loi, la ministre en charge de l’énergie a confié à deux membres du Conseil général de l’environnement et du développement durable la rédaction de ce rapport. La lettre de mission de la ministre exclut la question centrale de la propriété des colonnes, en excluant les aspects juridiques « des instances judiciaires étant en cours ». Les deux rapporteurs ont procédé à de nombreuses investigations et auditions et ont remis, en février, un document préparatoire audit rapport en vue d’une remise définitive en juin ou juillet. Mais le Gouvernement n’a pas transmis de rapport, ni même ce document préparatoire. Ceci est lié à la complexité et aux incidences financières de la question.
En effet ENEDIS, chargée de la gestion du réseau de distribution d’électricité, persiste à refuser l’intégration à ses frais des colonnes qui appartiendraient toujours, selon cet opérateur, aux propriétaires et copropriétaires des immeubles concernés, lesquels sont dans l’incapacité de faire face à des coûts élevés (10 000 € à 20 000 € par colonne) alors même que se posent d’évidentes questions de sécurité dans les immeubles collectifs. Le médiateur de l’énergie a été saisi à 13 reprises en 2013, 59 en 2015, et ce chiffre sera sans doute dépassé cette année.
Les contentieux, qui se multiplient également, n’ont apporté aucune solution compte tenu des positions divergentes adoptées par les juridictions. Ainsi, le tribunal administratif d’Amiens a rendu, le 17 février 2015, une décision favorable à un Office public d’habitation et le tribunal de grande instance de Limoges a fait de même, le 27 août. Mais, par deux arrêts des 7 septembre et 5 octobre 2015, la Cour d’appel de Toulouse a tranché en faveur d’ENEDIS et il a en été de même d’un jugement du tribunal de grande instance de Nice du 14 décembre 2015. En 2016, la Cour d’appel de Versailles a donné raison à une copropriété par un arrêt du 29 mars 2016 mais, par un arrêt du 25 mai 2016, celle de Paris a tranché en faveur d’ENEDIS. Or, il semblerait que la décision de la Cour de cassation, attendue en 2016 sur le sujet, ne voie pas le jour.
À qui appartiennent les colonnes montantes ? Qui doit les entretenir ?
Cour d’appel de Versailles, 29 mars 2016
« Le décret du 8 novembre 1946 a instauré le principe de l’incorporation au réseau de tous les ouvrages à usage collectif de transmission d’électricité établis sur une propriété privée. Dans le même esprit, il a été précisé par le décret du 29 mars 1955 que même en cas d’existence de colonnes montantes à usage collectif appartenant aux propriétaires, le concessionnaire, soit la SA Y, est tenu à la demande des usagers d’appliquer le même régime que celui en vigueur pour les ouvrages incorporés au réseau. Ces textes ont ainsi établi une présomption d’appartenance des colonnes montantes au réseau
Toutefois, le règlement de copropriété du 5 novembre 1979 définit, en son article 2, les parties communes comme toutes celles qui ne sont pas affectées à l’usage exclusif d’un copropriétaire déterminé. Dans la liste non exhaustive, mentionnée sous ce texte, se trouvent de façon expresse les colonnes montantes d’électricité. Le syndicat des copropriétaires ne verse aucun document antérieur à cet acte. Il ne produit pas notamment l’acte d’acquisition aux enchères par la SCI XXXXX de l’immeuble, de sorte que la cour ne peut pas déterminer quelles étaient les modalités juridiques, financières et techniques de l’implantation de la colonne.
Il en découle que le règlement de copropriété a entendu faire échec à la présomption instaurée par les décrets de 1946 et 1955.
Il résulte de la lecture du procès-verbal de l’assemblée générale du 4 juin 2015 que les copropriétaires ont approuvé l’abandon des droits sur la colonne montante au profit de la SA Y, matérialisé le 15 juillet 2014 par l’envoi par le syndic d’une lettre en recommandé avec avis de réception à laquelle la société a répondu le 28 août 2014.
Contrairement à ce que soutient la SA Y, qui ne se fonde à ce sujet sur aucun moyen de droit, la faculté d’abandon, dans le silence du texte susvisé, n’impose pas l’établissement d’un contrat. Il s’agit ainsi d’une décision unilatérale. L’obligation d’entretien et de renouvellement qui incombe alors à ce concessionnaire trouve sa contrepartie dans l’abandon à son profit des droits antérieurement détenus par les copropriétaires. »
Cour d’appel de Paris, 25 mai 2016
« La société ERDF, concessionnaire du service public de la distribution d’électricité sur le territoire des communes du syndicat de communes de la banlieue de Paris, dont fait partie la commune de Villejuif, en vertu d’une convention du 5 juillet 1994, verse aux débats le cahier des charges afférent à ce contrat de concession, dont il résulte que la société ERDF a été chargée de l’exploitation et de l’entretien du réseau de distribution publique de l’énergie électrique ; il est cependant précisé à l’article 15 du cahier des charges que la partie des branchements, antérieurement dénommée « branchements intérieurs » et, notamment, les colonnes montantes déjà existantes, qui appartient au propriétaire de l’immeuble, continuera à être entretenue et renouvelée par ce dernier à moins qu’il ne fasse abandon de ses droits sur lesdites canalisations au concessionnaire, qui devra, dès lors, en assurer la maintenance et le renouvellement.
Il incombait dès lors au syndicat des copropriétaires de justifier d’un abandon de ses droits sur les branchements intérieurs objets du litige au profit du concessionnaire du service public de distribution d’énergie électrique, ce qu’il ne fait pas.
Le syndicat des copropriétaires n’établit donc pas que la propriété des colonnes montantes a été transférée à la société ERDF ».
Confrontés à des décisions de justice contradictoires, les copropriétaires et les concessionnaires sont donc dans des situations de forte incertitude, alors qu’au plan matériel, les questions posées sont d’une importance considérable.
Les éléments positifs de ce dossier semblent faibles. Toutefois, votre Rapporteure note que le Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l’électricité (SIPPEREC) et ENEDIS ont signé, le 14 avril 2016, un accord prorogeant pour les dix prochaines années la concession de distribution d’électricité sur le territoire des 82 communes du ressort de ce syndicat et il a été convenu, à cette occasion, que le SIPPEREC et ENEDIS prendraient conjointement en charge la rénovation, chaque année, de 500 colonnes montantes d’électricité sous maîtrise d’ouvrage du SIPPEREC.
Il y a probablement là l’amorce d’une solution dont l’extension ou la généralisation pourrait être examinée par le Parlement. La FNCCR, en particulier, doit élaborer un nouveau modèle de cahier des charges de concession avant 2017, en même temps que le rapport demandé au Gouvernement, et dont la remise s’impose donc sans plus tarder.
Il est regrettable que des hésitations, voire des blocages fassent obstacle à la parution d’un document qui en lui-même n’est nullement décisionnel mais constitue une indispensable base d’information.
TITRE III
DÉVELOPPER LES TRANSPORTS PROPRES POUR AMÉLIORER LA QUALITÉ DE L’AIR ET PROTÉGER LA SANTÉ
(Rapporteur : M. Jean-Paul Chanteguet).
La loi a pour ambition de lutter pour la qualité de l’air, notamment en limitant les pics de pollution et, pour ce faire, en favorisant les transports collectifs, les restrictions ou les interdictions de circulation, le renouvellement des parcs, elle incite, ou parfois oblige, à moderniser les transports et à développer des alternatives au transport automobile.
Dans ce domaine, le champ des moyens possibles et des acteurs est étendu. Si les articles 64 et 66 réaffirment le rôle essentiel et conjoint de l’État et des collectivités territoriales, d’autres dispositions font appel aux autorités organisatrices de transport, aux entreprises (articles 41 et 50) aux particuliers (covoiturage). Loin d’être disparates, les dispositions de ce titre concourent toutes au même objectif, cohérent : celui d’une mobilité propre.
En la matière le débat parlementaire joue un rôle essentiel.
Chapitre Ier
Priorité aux modes de transports les moins polluants
La consommation d’énergie dans les transports s’élève à 48,7 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep), en 2013 : il s’agit en quasi-totalité d’une consommation de carburants issus du pétrole, même si les biocarburants atteignent désormais 5,5 % du mix énergétique.
La stratégie de développement de la mobilité propre (Article 40) rappelle que les transports représentent un des émetteurs les plus importants de polluants atmosphériques à l’échelle nationale : 59 % des émissions de NOx, 27 % des émissions de gaz à effet de serre et 17 % des émissions de particules leur sont imputables. Les parts modales de transports sont relativement stables : 83 % en véhicules particuliers, 10 % en transports ferroviaires, 5 % en autobus.
C’est donc essentiellement sur les alternatives à l’automobile comme mode de transport que la loi peut avoir un impact significatif : covoiturage, développement de la circulation à vélo, restrictions urbaines, carburants alternatifs sont autant de paramètres que la loi permet de promouvoir, même si le partage entre essence et diesel a fait par ailleurs l’objet d’aménagements législatifs de nature fiscale.
Pour apprécier sur ce point l’impact de la loi, il convient de se référer à l’article 265 du code des douanes et au tableau annexé qui fixe les tarifs de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE).
S’agissant des essences, l’article 17 de la loi de finances rectificative pour 2015 a, en effet modulé la taxe applicable aux carburants classiques, en créant une catégorie nouvelle d’essence incluant de l’éthanol (indice d’identification : 11 ter) et en modulant les tarifs applicables au profit de celle–ci, conformément à l’annonce faite par le Premier ministre le 3 septembre 2015, dans le cadre du plan d’urgence agricole.
TARIFS DE LA TAXE INTÉRIEURE DE CONSOMMATION SUR LES PRODUITS ÉNERGÉTIQUES (TICPE) SUR LES ESSENCES
DÉSIGNATION DES PRODUITS (numéros du tarif des douanes) |
Indice d’identification |
Unité de perception |
TARIF (en euros) | |||
2014 |
2015 |
2016 |
2017 | |||
supercarburant d’une teneur en plomb n’excédant pas 0,005 g/litre, autre que le supercarburant correspondant à l’indice d’identification 11 bis, contenant jusqu’à 5 % volume/volume d’éthanol, 22 % volume/volume d’éthers contenant 5 atomes de carbone, ou plus, par molécule et d’une teneur en oxygène maximale de 2,7 % en masse d’oxygène. |
11 |
Hectolitre |
60,69 |
62,41 |
64,12 |
65,07 |
supercarburant d’une teneur en plomb n’excédant pas 0,005 g/litre, contenant un additif spécifique améliorant les caractéristiques anti récession de soupape, à base de potassium, ou tout autre additif reconnu de qualité équivalente dans un autre État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen. |
11 bis |
Hectolitre |
63,96 |
65,68 |
67,39 |
68,34 |
supercarburant d’une teneur en plomb n’excédant pas 0,005 g/litre, autre que les supercarburants correspondant aux indices d’identification 11 et 11 bis, et contenant jusqu’à 10 % volume/volume d’éthanol, 22 % volume/volume d’éthers contenant 5 atomes de carbone, ou plus, par molécule et d’une teneur en oxygène maximale de 3,7 % en masse/masse d’oxygène. |
11 ter |
Hectolitre |
60,69 |
62,41 |
62,12 |
63,07 |
Par ailleurs, modifié par les articles 33 de la loi de finances pour 2016 et 17 de la loi de finances rectificative de 2015, le tarif de la taxe appliqué au gazole a évolué de la manière suivante : 42,84 € en 2014, 46,82 € en 2015, 49,81 € en 2016 (application d’un centime de plus par la loi de finances rectificative, la LFI l’avait déjà porté à 48,81 €, soit deux centimes) et sera de 53,07 € en 2017. Ce tarif a ainsi sensiblement augmenté au fil du temps. Il a été de 38,90 € en 2002, 39,19 € du 1er janvier 2003 jusqu’en 2004, puis de 41,69 € jusqu’au 31 décembre 2005, puis de 42,84 € montant inchangé jusqu’en 2015.
Ce volet fiscal, distinct de la loi de transition énergétique, mais qui aurait pu y trouver sa place (37), contribue aux mêmes objectifs que ceux qui résultent des dispositions du présent Titre III. Le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ouvert à consultation au mois de septembre, prévoit une baisse de la fiscalité de l’essence SP 95-E10 et une poursuite de la convergence, tandis que le gouvernement n’a pas prévu de modifier ce rythme de convergence, tel qu’il résulte des textes budgétaires de 2015. Le projet de loi de finances initial pour 2017 ne prévoit pas de modifier ce rythme, prévu depuis 2015, pour l’année 2017.
Y compris l’incidence de l’évolution de la taxation carbone, le tableau ci-dessous rappelle donc l’évolution de la taxation de l’énergie et la situation prévue pour 2017, à textes inchangés.
ÉVOLUTION DES TARIFS DES TAXES SUR L’ÉNERGIE DE 2012 À 2017
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 | |
CSPE (taxe l’électricité, en euros par MWh) |
10,5 |
13,5 |
16,5 |
19,5 |
22,5 |
22,5 |
TICGN (taxe le gaz, en euros par MWh) |
0 |
0 |
1,41 |
2,93 |
4,45 |
5,88 |
TICPE sur le fioul domestique (en euros par hectolitre) |
5,66 |
5,66 |
5,66 |
7,64 |
9,63 |
11,89 |
TICPE sur l’essence SP 95 « classique » (en euros par hectolitre) |
60,69 |
60,69 |
60,69 |
62,41 |
64,12 |
65,07 |
TICPE sur l’essence SP 95 « E 10 » (en euros par hectolitre) |
60,69 |
60,69 |
60,69 |
62,41 |
62,12 |
63,07 |
TICPE sur le gazole (en euros par hectolitre) |
42,84 |
42,84 |
42,84 |
46,82 |
49,81 |
53,07 |
Ce volet fiscal est complété par diverses mesures inscrites dans le projet de loi de finances pour 2017, qui ne prévoit pas de modification du dispositif pour 2017. L’intention du gouvernement est toujours d’assurer la convergence sur cinq ans, hors effet de l’augmentation, jusqu’en 2020 de 8,5 centimes de la contribution carbone énergie, et, si l’évolution est ensuite poursuivie de manière linéaire, de 4,4 centimes par an de 2021 à 2030. L’article 15 du projet de loi de finances prévoit d’actualiser les modalités et les montants de l’attribution d’une partie de la TICPE au profit des régions.
Il convient de rappeler en outre que le syndicat des transports d’Île de France (STIF), avec l’article 11 du même projet, obtient la possibilité de majorer la TICPE à son profit, par un mécanisme d’affectation prévu par cet article, dans la limite globale de 100 millions d’euros. Cette ressource supplémentaire, si elle s’explique par la situation financière du STIF, devrait conduire celui-ci à une implication exemplaire dans la transition énergétique. Il est souhaitable que ce soit le cas.
Article 34
Compétences du syndicat de transports d’Île-de-France (STIF) pour organiser des services d’auto-partage et de location de vélos
Les missions du STIF, visées par cet article, notamment pour la labellisation ou l’organisation de transports en auto partage, location de bicyclettes, de plateformes dématérialisées de covoiturage, sont d’application immédiate.
Le STIF, seul responsable de l’application du présent article, a fait une réponse d’attente à la question qui lui a été posée, le 18 avril 2016, annonçant une « réflexion en cours ».
Article 35
Expérimentations d’espaces logistiques en matière de transport
L’expérimentation pour l’utilisation de transports non polluants, dispositif incitatif, est d’application directe.
Article 36
Priorité aux transports en commun moins polluants et aux reports modaux
La priorité donnée aux transports et véhicules les moins polluants est également elle aussi directement applicable.
Chapitre II
Efficacité énergétique et énergies renouvelables dans les transports
Article 37
Obligation d’acquisition de véhicules propres par l’État et les établissements publics ; habilitation à légiférer par ordonnance pour l’expérimentation de véhicules à délégation de conduite
Cet article impose l’acquisition de véhicules « à faibles émissions » – électriques ou produisant de faibles niveaux d’émission de gaz à effet de serre – aux institutions publiques pour l’État et les établissements publics, pour les parcs de plus de 20 véhicules, – véhicules légers, véhicules lourds ou autobus, dans la limite de 50 %, pour les collectivités territoriales, de 20 % pour les collectivités territoriales, seulement pour les véhicules légers.
Il convient, comme le fait la stratégie de développement de la mobilité propre de souligner l’effort réalisé par la RATP en la matière, à laquelle la proportion de 50 % est ainsi applicable dès 2020. Dans le cadre du plan « Bus 2025 », elle prévoit qu’à cette date elle disposera d’une part « vert » à 100 % : 80 % des 4 500 bus de la flotte seront électriques et 20 % fonctionneront au biogaz.
Plan « Bus 2025 » : les échéances
Cette transition énergétique se fait en 3 phases :
Aujourd’hui : renforcement de la place des bus hybrides dans le parc RATP. Tous les nouveaux appels d’offres concernent des bus hybrides, électriques et GNV (Gaz Naturel pour Véhicules).
2015-2017 : tests et expérimentations de toutes les technologies de bus électriques et systèmes de recharge existants ; préparation du programme d’adaptation des centres Bus.
2017-2025 : lancement d’appels d’offres pour un déploiement massif de bus électriques et biogaz
Source : RATP
La stratégie (scénario bas) retient au total un parc de 2000 bus électriques en 2020 et de 5 000 bus en 2030 et, à cette même date un parc de 249 000 véhicules et de 26 000 bus et autocars roulant au gaz naturel pour véhicules (GNV).
L’article 37 contribue largement à ces objectifs.
Le dispositif pour les véhicules légers est applicable depuis le 1er janvier 2016 (IV), et pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes et les autobus depuis le 1er janvier 2017 (V).
Le VI impose aux loueurs d’automobiles, dans la proportion minimale de 10 % d’un renouvellement, d’acquérir des véhicules propres.
Le VIII de cet article prévoit les conditions de délivrance des certificats de qualité de l’air.
L’identification des véhicules en fonction de leurs émissions de polluants atmosphériques est prévue par l’article L.318-1 du code de la route et permet, en fonction de la catégorie retenue et des règles prises par les maires de bénéficier de modalités de stationnement favorables, d’obtenir des conditions de circulation privilégiée et de circuler dans des zones à circulation restreinte (ZCR).
Le décret n° 2016- 858 du 29 juin 2016 prévoit pour les véhicules à quatre roues destinés au transport de personnes ou de marchandises ou les véhicules à moteur à deux ou trois roues et quadricycles à moteur, l’identification au moyen d’une vignette : « le certificat qualité de l’air atteste de la conformité des véhicules à différentes classes établies en tenant compte du niveau d’émission de polluants atmosphériques et de leur sobriété énergétique. Le classement des véhicules tient compte notamment de leur catégorie au sens de l’article R. 311-1, de leur motorisation, des normes techniques applicables à la date de réception des véhicules ou de leur date de première immatriculation ainsi que des éventuels dispositifs de traitement des émissions polluantes installés postérieurement à la première mise en circulation des véhicules ».
Il en résulte le classement suivant, lequel découle en outre de l’arrêté du 21 juin 2016, lui-même dépendant de la réglementation européenne applicable aux véhicules neufs, et il est permis de s’interroger sur ce cumul de textes.
g/km |
Monoxyde de carbone (CO) |
Hydrocarbures (HC) |
Hydrocarbures |
Oxydes d’azote (NOx) |
HC + NOx |
Particules |
Euro 1, |
2,72 |
— |
— |
— |
0,97 |
— |
Euro 1, |
2,72 |
— |
— |
— |
0,97 |
0,14 |
Euro 2, |
2,2 |
— |
— |
— |
0,5 |
— |
Euro 2, |
1 |
— |
— |
— |
0,7 |
0,08 |
Euro 3, |
2,2 |
0,2 |
— |
0,15 |
— | |
Euro 3, |
0,64 |
— |
— |
0,5 |
0,56 |
0,05 |
Euro 4, |
1 |
0,1 |
— |
0,08 |
— | |
Euro 4, |
0,5 |
— |
— |
0,25 |
0,3 |
0,025 |
Euro 5, |
1 |
0,1 |
0,068 |
0,06 |
0,005 | |
Euro 5, |
0,5 |
— |
— |
0,18 |
0,23 |
0,005 |
Euro 6, |
1 |
0,1 |
0,068 |
0,06 |
0,005 | |
Euro 6, |
0,5 |
— |
— |
0,08 |
0,17 |
0,005 |
Vignettes : certificats qualité de l’air
Le décret prévoit par ailleurs que l’organisme chargé de la délivrance des certificats peut percevoir à titre de rémunération une redevance versée par les demandeurs, destinée à couvrir les coûts de développement, de maintenance et d’exploitation du service, ainsi que les coûts d’élaboration, de fabrication, d’acheminement et de suivi des demandes de certificats. Un arrêté du ministre chargé de l’environnement fixe le montant de cette redevance.
En pratique, le coût est de 3,70 € par demande, majoré des frais d’envois (soit 4,18 € en France métropolitaine).
Article 38
Abonnements autoroutiers réduits pour les véhicules sobres et peu polluants
Ce dispositif, qui renvoie à un protocole signé le 9 octobre 2015, pose le principe de la différenciation des abonnements autoroutiers (sans remise en cause des concessions et notamment de leur volet tarifaire) : ce texte est applicable de lui-même et s’adresse aux sociétés concessionnaires, sous une forme incitative (article L. 122-4 du code de la voirie routière).
Votre Rapporteur constate qu’à sa connaissance, ce dispositif est pour le moment sans suite, et ne doit pas le rester. Il suggère que la loi soit précisée pour rendre plus effectif ce mécanisme, susceptible d’être incitatif à la limitation de circulation des véhicules les plus polluants.
Article 39
Réduction d’impôts pour les sociétés qui mettent une flotte de vélos à disposition de leur personnel
La réduction fiscale pour les flottes de vélos des entreprises, introduite par amendement dans ce texte, a été l’objet d’une tentative de suppression immédiate de la part du Gouvernement. Celle-ci, autant que ses conditions d’adoption, expliquent une application différée, et d’ailleurs perfectible.
En effet, le dispositif provient, en première lecture, de nombreux amendements (de nos collègues Denis Baupin, Alexis Bachelay, Jacques Krabal) adoptés le 10 octobre 2015 (article 9 bis A) après avis défavorable de Mme Ségolène Royal, laquelle n’a pas levé le gage « tabacs », ce qui devrait donc formellement conduire à augmenter les droits sur les tabacs en 2017, pour neutraliser le coût du dispositif, sauf à considérer que l’article 40 de la Constitution n’entraîne plus, en matière de recettes, d’exigence autre que formelle, donc inutile et en tout cas peu conforme aux décisions du Conseil constitutionnel, lequel a exigé par la décision du 2 juin 1976 (n° 76-64 DC) que la ressource qui vient gager une perte de recettes soit « réelle, qu’elle bénéficie aux mêmes collectivités ou organismes au profit desquels est perçue la ressource qui fait l’objet de la diminution et que la compensation soit immédiate ». Il serait donc souhaitable qu’un amendement du Gouvernement vienne lever le gage, dont le maintien traduit le caractère purement formel d’une procédure contraignante pour l’initiative parlementaire. À défaut, la pratique de l’article 40 de la Constitution en matière de ressources publiques mériterait d’être revue.
Le maintien du gage traduit l’opposition du Gouvernement. Celle-ci s’est poursuivie par la suite.
Depuis la promulgation de la loi, le Gouvernement a en effet réitéré son opposition : l’article 47 du projet de loi de finances pour 2016 avait prévu de supprimer ce dispositif, selon les motifs suivants : « La nécessité d’une aide fiscale supportée par l’ensemble de la collectivité pour les entreprises mettant à disposition de leurs salariés une flotte de vélos ne repose sur aucune étude préalable, justifiant une demande forte des entreprises et des salariés qui garantisse le succès de la mesure. Par ailleurs, sa mise en œuvre nécessiterait de régler la question des conditions d’usage extra-professionnel du vélo par le salarié, une fois retourné chez lui. Dans ces conditions, le développement des mesures fiscales en faveur des particuliers pour l’usage du vélo a été privilégié : ainsi, la loi relative à la transition énergétique a renforcé la prise en compte pour les particuliers des frais liés à l’utilisation du vélo pour les déplacements domicile-travail par l’instauration d’une indemnité kilométrique forfaitaire, à la suite d’une expérimentation préalable ».
Outre le caractère pour le moins peu respectueux des votes parlementaires, consistant à tenter de supprimer un dispositif avant même qu’il ne s’applique, les débats de suppression de cet article, auxquels plusieurs membres de la présente Mission ont pris une part active, montrent l’intérêt pratique de la mesure. La suppression a finalement été désavouée, en séance, par Christian Eckert, de façon « enthousiaste » !
Annoncé pour octobre 2015, le décret d’application n° 2016-179 du 22 février 2016 « relatif aux modalités d’application de la réduction d’impôt pour mise à disposition d’une flotte de vélos prévue à l’article 220 undecies A du code général des impôts » n’est finalement paru que le 24 février 2016. Il s’agit pourtant d’un décret simple, dont l’objet est bien délimité : les modalités d’application de l’avantage fiscal sont minimes, le décret comporte seulement les obligations déclaratives et précise le champ de la déduction. Le dispositif, adopté et confirmé est donc entré en vigueur depuis le 1er janvier 2016 (II du dispositif), compte tenu du décret du 22 février. Le retard de parution du décret sera, on l’espère, sans incidence concrète à terme, même si des entreprises ont sans doute eu une attitude attentiste jusqu’à cette parution.
Le décret incorpore les obligations déclaratives dans la déclaration annuelle de bénéfices (article 223 du code général des impôts). Au plan concret, il énumère, de façon large, les dépenses ouvrant droit à la déduction :
« a) Dotations aux amortissements fiscalement déductibles relatives à l’acquisition de vélos ;
« b) Dotations aux amortissements ou charges déductibles afférentes aux achats ou locations d’équipements nécessaires à la sécurité (notamment casques, protections, gilets réfléchissants, antivols) ;
« c) Frais d’assurance contre le vol et couvrant les déplacements en vélo des salariés entre leur domicile et leur lieu de travail ;
« d) Frais d’entretien des vélos ;
« e) Dotations aux amortissements fiscalement déductibles relatives à la construction ou à l’aménagement d’une aire de stationnement ou d’un local destiné aux vélos ;
« f) Frais afférents à la location d’une aire de stationnement ou d’un local destiné aux vélos.
Cette liste paraît complète. Le retard de parution du décret ne s’explique donc nullement par des causes techniques, mais bien par la tentative d’abroger le dispositif avant qu’il n’entre en vigueur. Il est souhaitable que la volonté du Parlement, lorsqu’elle est explicite et sans ambiguïté, ne subisse pas de telles tentatives de remise en cause.
Il serait également souhaitable qu’une rédaction trop précise ne vienne limiter l’application de cet article, dès lors que seuls les amortissements sont visés au a) : la plupart des petites entreprises pourraient en effet passer comptablement ces achats en charges, et ne doivent pas de ce fait être exclues du champ de la réduction. Sur ce plan, si l’administration fiscale se montrait excessivement vétilleuse, une modification du décret s’imposerait.
Article 40
Stratégie nationale pour le développement des véhicules propres et des infrastructures d’alimentation correspondantes
Cet article a pour origine un amendement (n° 703) de M. Philippe Plisson déposé lors des travaux en commission spéciale lors de la première lecture à l’Assemblée nationale (art. 9 bis). Il assigne à l’État le soin de définir une stratégie pour le développement de la mobilité propre. Cette stratégie s’articule en 5 axes :
1 – Un développement des véhicules à faibles émissions et le déploiement des infrastructures permettant leur alimentation en carburant.
2 – L’amélioration de l’efficacité énergétique du parc de véhicules.
3 – Les reports modaux de la voiture individuelle vers les transports en commun terrestres, le vélo et la marche à pied, ainsi que du transport routier vers le transport ferroviaire et fluvial.
4 – Le développement des modes de transports collaboratifs, notamment l’auto-partage ou le covoiturage.
5 – L’augmentation du taux de remplissage des véhicules de transport de marchandises.
La stratégie prévoit également :
– une évaluation de l’offre existante de mobilité propre, chiffrée et ventilée par type d’infrastructures ;
– une fixation, dans le même temps que la PPE, visée à l’article 176, (dont la « stratégie » constitue une annexe), des objectifs de développement des véhicules et de déploiement des infrastructures mentionnés au 1° du présent article, de l’intermodalité et des taux de remplissage des véhicules de transport de marchandises ;
– une définition des territoires et des réseaux routiers prioritaires pour le développement de la mobilité propre en particulier en termes d’infrastructures, en cohérence avec une stratégie ciblée de déploiement de certains types de véhicules à faibles émissions.
Il est prévu que le Gouvernement soumette, pour avis, cette stratégie au Conseil national de la transition écologique, puis la transmette au Parlement.
Au plan procédural, le dépôt du texte n’est pas assorti de délais. En conséquence, il convient sur ce point de renvoyer au droit commun du dépôt des rapports. Lors des débats à l’Assemblée Nationale et au Sénat, il n’est jamais question de savoir si, lors de la transmission, celle-ci fera l’objet de débats ou de discussions en commission ou en séance publique. De même, une possible « saisine » de la stratégie par l’Assemblée Nationale, lors de la semaine de contrôle n’est pas envisagée.
Cette imprécision est, très probablement, volontaire. Dans la décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 rendue à propos de la loi relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, le Conseil constitutionnel a déclaré d’office contraire à la Constitution le dernier alinéa de l’article 1er de la loi déférée qui prévoyait l’organisation d’un débat en séance publique à la suite du dépôt d’un rapport annuel sur les orientations de la politique d’immigration. Sauf à y être autorisé par la Constitution, il n’appartient pas en effet au législateur d’imposer par avance au Gouvernement, ni aux instances parlementaires compétentes, de contrainte relative à l’ordre du jour de chaque assemblée.
Plus récemment, par la décision n° 2010-608 DC du 24 juin 2010 à propos de la loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental (CESE), le Conseil constitutionnel a censuré l’article 10 de la loi organique qui prévoyait qu’à l’issue d’une période de quatre ans puis tous les dix ans, le Gouvernement remettrait au Parlement, après avis du CESE, un rapport relatif à l’actualisation de sa composition et que ce rapport serait débattu devant le Parlement.
Sous réserve de savoir quelles seront les suites données à cette transmission, l’article 40 de la loi est en vigueur, la stratégie doit cependant être fixée par voie réglementaire ; la publication était envisagée pour mai 2016 ; dans les premiers jours du mois de juin, le Gouvernement a mis en diffusion un document préparatoire à la stratégie, puis dans le courant du mois de juillet le document daté du 30 juin.
Ce document, comme la PPE elle-même, retient deux hypothèses d’évolution des besoins énergétiques, la première conforme aux recommandations de la Commission européenne, la seconde avec un taux de croissance plus optimiste, mais également d’autres données, démographiques, de prix des énergies fossiles – avec une baisse pour le charbon et une hausse pour le pétrole et le gaz, d’augmentation de la part des véhicules électriques et hybrides et d’évolution du parc automobile ou encore de la réduction de la réduction de la vitesse maximale sur autoroutes.
Si votre Rapporteur juge ce document – attendu – exhaustif, il se doit également d’en dénoncer certaines insuffisances. Ainsi il souligne (p. 39) en citant l’ « affaire Volkswagen » que les tests d’homologation des véhicules neufs se feront en condition réelle de conduite sur la voie publique sans signaler que les travaux du comité technique des véhicules à moteur (TCMV) ont admis des marges d’écart par rapport aux normes qui suscitent de profonds débats. Il souligne également la nécessité d’anticiper le rôle de l’hydrogène (p. 47) sans s’interroger sur la mise en place de structures de recharge en nombre suffisant pour assurer un maillage territorial pertinent, faisant seulement état en 2030 de 600 stations de recharge pour 800 000 kilomètres, mais avec quels moyens matériels cet objectif pourrait-il être atteint ? Sur ce point, les travaux de l’AFHYPAC méritent une attention accrue. Enfin, s’agissant du covoiturage (p. 83), il convient a minima, de s’interroger sur le degré d’implication des sociétés concessionnaires d’autoroute.
Sous de telles réserves, on peut considérer que la stratégie reprend les ambitions de la loi. Il convient toutefois de s’interroger sur sa portée impérative : en l’absence de précision sur ce point, en l’état, votre Mission la considère comme un document programmatique, donc éventuellement révisable. Il n’en fixe pas moins un cadre d’action, cohérent, une feuille de route pour l’ensemble des acteurs du secteur.
Article 41
Déploiement d’infrastructures de recharge pour les véhicules électriques et hybrides et stationnement des vélos
Cet article est, lui aussi en partie, programmatique. La stratégie rappelle l’objectif prévu par cet article d’implantation d’au moins sept millions de points de charge sur la voie publique, les aires de stationnement ou chez les particuliers et indique qu’il doit permettre d’atteindre les chiffres de 2,5 millions de véhicules hybrides rechargeables en 2030 et de 1,9 million de véhicules électriques.
Le I de cet article prévoit l’objectif d’installation d’au moins sept millions de points de charge de tous types de véhicules électriques et hybrides. Son application concrète renvoie à la stratégie pour le développement de la mobilité propre visée à l’article 39 de la loi. Cet objectif est cohérent avec le point 1 de l’article 4 de la directive n° 2014/94 UE du 29 octobre 2014 : « Les États membres veillent, au moyen de leurs cadres d’action nationaux, à ce qu’un nombre approprié de points de recharge ouverts au public soient mis en place au plus tard le 31 décembre 2020, afin que les véhicules électriques puissent circuler au moins dans les agglomérations urbaines/suburbaines et d’autres zones densément peuplées et, le cas échéant, au sein de réseaux déterminés par les États membres. Le nombre de ces points de recharge est fixé compte tenu, entre autres, du nombre de véhicules électriques — indiqué dans leurs cadres d’action nationaux — qui, selon les estimations, seront immatriculés avant la fin 2020, ainsi que des meilleures pratiques et des recommandations formulées par la Commission ».
Le II porte sur le stationnement, sécurisé ou non, des vélos.
L’article 10 du projet de loi, dont est issu cet article, n’avait pas pour ambition de réaliser une modification de la législation, prévue par l’article 111-5-2 du code de la construction et de l’habitation, créé par l’article 57 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement dite « Grenelle II », mais seulement de réécrire le dispositif, lequel concerne dans sa version antérieure quatre types de lieux :
– les ensembles d’habitations équipés de places de stationnement individuelles couvertes ou d’accès sécurisé ;
– les bâtiments à usage tertiaire constituant principalement des lieux de travail et équipés de places de stationnement destinées aux salariés ;
– les bâtiments à usage industriel ;
– les bâtiments à usage commercial.
Dans les quatre cas, il est fait obligation d’un équipement en gaines pour permettre des recharges pour véhicules électriques ou hybrides, dans les deux premiers, en outre, la loi oblige à la création d’aires de stationnement de vélos.
Le projet de loi se contenait d’une modification rédactionnelle. Un amendement (n° 1279) de M. Denis Baupin, lors de l’examen du texte en commission, ajoute les bâtiments à usage industriel dans le champ d’une obligation de sécurisation des places de stationnement des vélos. En outre, un amendement (n° 2509) de M. Philippe Plisson lors de l’examen du texte en séance publique, portant sur les bâtiments accueillant un service public équipé de places de stationnement destinées aux agents ou aux usagers du service public ou constituant un ensemble commercial, au sens de l’article L. 752-3 du code de commerce, ou accueillant un établissement de spectacles cinématographiques équipé de places de stationnement destinées à la clientèle, instaure une simple obligation de créer une aire de stationnement.
Enfin, un autre amendement en commission de M. Philippe Plisson a modifié l’obligation d’aménagement pour les recharges de véhicules aux bâtiments faisant l’objet de travaux de leur parc de stationnement, c’est-à-dire :
– un ensemble d’habitations équipé de places de stationnement individuelles ;
– un bâtiment à usage industriel ou tertiaire équipé de places de stationnement destinées aux salariés ;
– un bâtiment accueillant un service public équipé de places de stationnement destinées aux agents ou aux usagers du service public ;
– un bâtiment constituant un ensemble commercial, au sens de l’article L. 752-3 du code de commerce, ou accueillant un établissement de spectacles cinématographiques équipé de places de stationnement destinées à la clientèle.
Enfin, il est mentionné, à la fin de l’article, que toutes les obligations de dotation de stationnement de vélos, que ce soit dans le cadre de constructions ou de travaux, sont applicables pour les permis de construire dont la demande a été déposée après le 1er janvier 2017.
L’article 41, qui, en distinguant désormais aires de stationnement et obligations d’équipement, aboutit ainsi à un résultat complexe mais précis, prévoit l’intervention de deux décrets en Conseil d’État afin de fixer les conditions et modalités d’applications de ses dispositions. Alors que leur publication était prévue en février 2016 selon l’échéancier de mise en application de la loi, les décrets n’ont pas été publiés dans ces délais.
Le décret n° 2016-968 du 13 juillet 2016 concerne les deux parties de cet article, complété par un arrêté du même jour : les bornes de recharge des véhicules et les stationnements de vélos. Complété, pour les éléments techniques par un arrêté de la même date, il prévoit pour les bâtiments neufs à usage principal d’habitation groupant au moins deux logements (article R. 111-14-2 du code de la construction) un équipement d’au moins 50 % des places de stationnement lorsque la capacité est inférieure ou égale à 40 places, et 75 % au-delà.
Avec ce même seuil de 40 places, pour les bâtiments à usage tertiaire et les services publics, ces taux sont respectivement de 10 % et 20 %, et pour les ensembles commerciaux et les cinémas, ils sont de 5 % et 10 %.
Sans lien avec ces obligations nouvelles, autre que le fait que cela porte également sur la question du stationnement et que ces dispositions relèvent toutes deux de l’article 41, le même décret prévoit les obligations en matière d’aménagements d’aires pour les vélos, en distinguant conformément à cet article, les cas la sécurisation – qui résultent d’une surveillance ou d’un système de fermeture sécurisée – et les simples emprises d’attache par le cadre et au moins une roue dans les autres cas.
Votre Rapporteur estime que ce dispositif est adapté à son objet – deux attaches valent mieux qu’une – même si on peut souhaiter que l’arrêté prévoie l’éclairage des locaux, ce qu’il ne fait pas.
À l’exception des dispositions relatives au stationnement des vélos pour les cinémas et centres commerciaux (R 114-8 du même code), les dispositifs sur les recharges comme sur le stationnement des vélos sont applicables aux permis de construire déposés à compter du 1er janvier 2017. Allant dans le sens de ce dispositif, on notera le développement de garages à vélo dits « Veligo » dans les gares parisiennes, dont on souhaite qu’ils respectent les dispositions du décret, même si le sous-équipement de la gare du Nord demeure pour l’instant manifeste.
Article 42
Réduction du nombre de places de stationnement exigées par un plan local d’urbanisme au cas d’auto-partage
Cet article doit faire l’objet d’un décret, mais il n’est pas mentionné comme tel sur Légifrance. Pourtant le décret est bien la résultante de la rédaction de cet article, qui prévoit sous forme d’un ajout (souligné) : « Lorsque le plan local d’urbanisme impose la réalisation d’aires de stationnement pour les véhicules motorisés, celles-ci peuvent être réalisées sur le terrain d’assiette ou dans son environnement immédiat. Cette obligation est réduite de 15 % au minimum en contrepartie de la mise à disposition de véhicules électriques munis d’un dispositif de recharge adapté ou de véhicules propres en auto-partage, dans des conditions définies par décret ».
Sans doute une nouvelle codification a-t-elle fait échapper ce décret à la liste.
Article 43
Objectif d’utilisation d’énergie renouvelable dans les transports et développement des biocarburants
Le I de cet article assigne à l’État l’objectif que la part d’énergie renouvelable soit portée à 10 % en 2020 et 15 % en 2030 dans tous les modes de transports.
Le II prévoit que la programmation pluriannuelle de l’énergie fixe la part d’incorporation des biocarburants dans la consommation finale d’énergie du secteur des transports et renvoie au pouvoir réglementaire le soin de fixer la liste des biocarburants conventionnels et des biocarburants avancés. Il reste que ce dispositif doit être cohérent avec la réglementation européenne en la matière, en particulier avec la directive n° 2009/28 du Parlement et du Conseil du 23 avril 2009 et la directive n° 2014/94 UE du 29 octobre 2014.
Cette part a été fixée à 15 % par la PPE, pour un taux d’incorporation réalisé de 6,83 % en 2012. Votre mission constate que l’avantage fiscal consenti au profit du SP–E 10 (38), qui en fait baisser le prix comparé à celui des autres carburants, est un levier fiscal efficace, qui contribue donc à favoriser cet objectif (39). La PPE prévoit d’ailleurs de faire porter un effort spécifique sur celui-ci.
Le III prévoit les modalités de contrôle par l’autorité administrative du respect des caractéristiques des carburants autorisés, sous peine de suspension de la commercialisation.
Il ressort de l’arrêté du 24 avril 2016 que, dans le cadre des objectifs de développement des énergies renouvelables, les objectifs pour le développement du biogaz injecté et pour le développement des carburants d’origine renouvelable, dont le bioGNV, sont les suivants :
1° Pour l’injection de biométhane dans le réseau de gaz, en termes de production globale : 1,7 TWh en 2018 ; 8 TWh en 2023 ;
2° Pour le bioGNV : Soutenir le développement du bioGNV pour atteindre 0,7 TWh consommé en 2018 et 2 TWh en 2023, dans la perspective que le bioGNV représente 20 % des consommations de GNV en 2023, sur des segments complémentaires de ceux des véhicules électriques et des véhicules hybrides rechargeables.
3° Pour l’incorporation des biocarburants avancés dans les carburants :
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Chapitre III
Réduction des émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques et qualité de l’air dans les transports
La consommation d’énergie dans le secteur des transports atteint 48,8 Mtep en 2014, soit 32,5 % de l’ensemble de la consommation d’énergie finale en France. Cette consommation est principalement satisfaite par des produits pétroliers destinés au transport routier (82,4 % de la consommation énergétique du secteur).
Après avoir progressé entre 2000 et 2008, la consommation totale d’énergie dans les transports diminue tendanciellement, à un rythme lent (- 1 % entre 2013 et 2014) par rapport aux autres secteurs.
Comme votre Rapporteur l’a indiqué supra, en rappelant les données de la PPE, le secteur des transports joue un rôle majeur en matière de pollution atmosphérique. Il est responsable de l’émission de 130,5 millions de tonnes équivalent CO2. Ces émissions ont augmenté jusqu’en 2004, où la courbe s’est inversée. Il convient de rappeler qu’elles proviennent dans l’immense majorité de la route (83 % du transport de voyageurs en 2014 a été effectué à bord de véhicules particuliers).
Article 44
Objectif de réduction des émissions des gaz à effet de serre par le secteur de la grande distribution
Cet article, précisément en ce qu’il renvoyait à un décret, a été jugé contraire à la Constitution : « les dispositions contestées imposent aux entreprises ou groupements d’entreprises appartenant au secteur de la grande distribution d’établir un programme d’actions afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques résultant du transport des marchandises qu’ils commercialisent sur le territoire national ; que le législateur a ainsi entendu prendre en compte la part importante des émissions nationales de gaz à effet de serre résultant du transport de marchandises par et pour le compte de la grande distribution ; que, toutefois, il n’a pas déterminé les entreprises du secteur de la grande distribution soumises à cette obligation ; qu’il s’est borné à renvoyer à un décret le soin de déterminer le « champ » de ces entreprises ; que le législateur n’a pas encadré le renvoi au décret et, en confiant au pouvoir réglementaire la compétence pour fixer le champ d’application de la loi, a reporté sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n’a été confiée par la Constitution qu’à la loi ; qu’il a ainsi méconnu l’étendue de sa compétence ; que les dispositions de l’article 44 sont contraires à la Constitution ».
Article 45
Obligation pour les aéroports d’établir des programmes de réduction des gaz à effet de serre et de gaz atmosphériques
Les émissions de dioxyde de carbone provoquées par le transport aérien en 2013 représentent 689 millions de tonnes de CO2 en 2013.
Cet article, dû à l’adoption par votre commission spéciale en première lecture, d’un amendement de M. Gérard Sebaoun et du Rapporteur, Philippe Plisson, impose l’établissement, par les exploitants d’aéroports d’un « programme des actions afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques résultant des activités directes et au sol de la plateforme aéroportuaire, en matière de roulage des avions et de circulation des véhicules sur la plateforme notamment ». L’objectif est de réduire, par rapport à l’année 2010, de 10 % au moins en 2020 et de 20 % au moins en 2025, l’intensité en gaz à effet de serre et en polluants atmosphériques. L’année de référence retenue, 2010, posera un problème de consolidation. Mais elle prend en compte les efforts déjà réalisés par certaines plateformes.
Le décret n° 2016-565 du 10 mai 2016, dont l’intervention est prévue par le texte de l’article, en précise les conditions d’application. Il inclut les onze principaux aéroports métropolitains : Bâle-Mulhouse, Beauvais-Tillé, Bordeaux-Mérignac, Lyon-Saint-Exupéry, Marseille-Provence, Nantes-Atlantique, Nice-Côte-d’Azur, Paris-Charles-de-Gaulle, Le Bourget, Orly et Toulouse-Blagnac. L’intensité des émissions est définie par l’article 2 du décret comme le rapport entre le volume des gaz à effet de serre ou polluants et le nombre d’unités de trafic sur la plate-forme concernée pour une année. L’unité trafic représente les passagers et le fret transitant par la plateforme.
Pour la quantification des gaz à effet de serre et des polluants atmosphériques, seule est prise en compte la partie des opérations se déroulant au sol, à l’exclusion de toute autre phase de vol, ce qui peut paraître limitatif, puisque la mise en poussée est exclue, alors qu’elle correspond à une consommation forte de carburants et qu’elle est une activité directe de l’aéroport. L’article 4 du décret liste les opérations suivantes :
– Émission des moteurs de propulsion lors du roulage ;
– Émission des moteurs auxiliaires de puissance ;
– Émission des autres sources mobiles et fixes (pollution issue de la circulation des véhicules sur la plateforme à travers différents paramètres, la consommation de carburant et de fluides frigorigènes, la durée d’utilisation, la distance parcourue et le facteur d’émission).
Pour évaluer les émissions pour les années 2020 et 2025 (article 6), l’exploitant prend en compte les mêmes sources d’émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques. Chaque exploitant d’aérodrome transmet ensuite à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), qui en fait le bilan, au plus tard le 31 décembre 2016, pour les années 2010, 2020 et 2025 :
– les valeurs des paramètres et hypothèses utilisées pour élaborer les données chiffrées ;
– la quantification des émissions par gaz à effet de serre et par polluant atmosphérique, distinguées par catégories définies à l’article 2 du décret ;
– les actions de réductions des émissions associées à chacun des postes d’émissions identifiés dans le présent décret ainsi que leur programmation annuelle.
Le dispositif ne permet pas de définir avec une précision suffisante les facteurs d’émission, laissant une marge d’appréciation aux plateformes aéroportuaires elles-mêmes, qui jugeront ce qu’elles incluent dans leur rapport. Alors que l’écriture de ces plans d’actions représente un travail conséquent pour les aérodromes et, leur consolidation par l’ADEME risque de s’avérer délicate. Il convient également que chaque aéroport intègre les consommations d’énergie des bâtiments et des parkings. Les aéroports se sont rencontrés et ont avancé ensemble sur la manière d’agréger les résultats. DGAC, DGEC et ADEME, les ont par ailleurs rencontrés au cours du mois de septembre et une nouvelle rencontre est prévue en novembre pour évoquer les inventaires d’émissions en 2010 et les prévisions puisque, le texte de cet article devrait intégrer une vérification de mise en œuvre des actions à l’issue des échéances de 2020 et 2025.
En conclusion sur ce point, même si la mission constate la volonté de progresser de la part des acteurs administratifs comme des aéroports, on doit s’interroger sur le caractère souple du cadre règlementaire d’une part, puisque le décret en reste à un cadrage général et, d’autre part, comme vos Rapporteurs l’ont fait sur les articles 1er et 2, sur la portée impérative de l’objectif formulé par cet article : que se passerait-il si chaque aéroport ne prenait pas les mesures appropriées ? Même si l’application concrète de cet article ne permet pas de manifester actuellement des craintes à cet égard, la question mérite cependant d’être posée.
En l’état, trop figer la situation aurait sans doute entraîné des blocages. Pour autant, votre mission estime que celle-ci doit être évolutive pour aboutir à ce que les objectifs soient atteints.
Article 46
Quotas d’émission de gaz à effet de serre pour les exploitants d’aéronefs
Cet article, d’applicabilité directe, modifie à la marge les conditions fixées par l’article L. 229-12 du code de l’environnement, portant sur l’obtention de quotas à titre gratuit, en provenance d’une réserve spéciale, pour les exploitants d’aéronefs.
Le dispositif, qui provient de l’adoption d’un amendement d’initiative gouvernementale au Sénat (article 12 ter A) tient compte de l’évolution de la réglementation européenne. En effet, l’article 3 septies de la directive n° 2003/87/CE du 13/10/03 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil a fait l’objet d’un rectificatif du 5 décembre 2014.
Ce texte prévoit que 3 % de la quantité totale des quotas à allouer sont versés dans une réserve spéciale constituée pour les exploitants d’aéronefs : qui (a) commencent à exercer une activité aérienne ou (b) dont les données relatives aux tonnes-kilomètres traduisent une augmentation annuelle supérieure à 18 % entre l’année de référence, et la deuxième année civile de cette période et dont les activités ne s’inscrivent pas, pour partie ou dans leur intégralité, dans le cadre de la poursuite d’une activité aérienne exercée auparavant par un autre exploitant. Le rectificatif a consisté à calculer l’activité supplémentaire comme une moyenne et non en valeur absolue. En conséquence cet article modifie le dispositif du code de l’environnement prévu pour l’attribution de quotas gratuits provenant de la réserve spéciale, dont sont bénéficiaires les exploitants dont l’activité a enregistré une « augmentation annuelle moyenne supérieure à 18 % entre l’année de surveillance et la deuxième année civile de cette période ».
Article 47
Possibilités pour le maire de fixer une vitesse maximale inférieure à 50 km/heure pour toute ou partie des voies de l’agglomération
La possibilité pour les maires de réduire la vitesse maximale est une mesure d’applicabilité directe. Nombre de collectivités territoriales limitent la vitesse dans certaines zones à 30 km/h, mais il convient de s’interroger sur le respect de ces normes, et l’efficacité des contrôles en la matière.
Votre Rapporteur souhaiterait qu’un bilan de l’application de ce dispositif soit dressé une fois par an par le ministère de l’intérieur, spontanément ou en réponse à une question écrite.
Article 48
Mesures environnementales de restriction de la circulation automobile
I) Zones à circulation restreinte. Le dispositif (article L. 2213-4-1.I du CGCT) prévoit que dans les zones dans lesquelles un plan de protection atmosphérique est adopté ou en cours d’adoption, le maire (ou s’il possède la compétence de police de la circulation le président de l’EPCI) peut établir « sur tout ou partie du territoire de la commune » des zones à circulation restreinte. Dans ce cas, en fonction de leur classement, qui doit être à terme matérialisé par l’apposition d’une vignette sur le pare-brise, certains véhicules seront interdits de circulation et de stationnement dans la zone délimitée.
Ce dispositif fait suite à une possibilité, ouverte par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, dite « Grenelle II » de création à titre expérimental de zones d’action prioritaires pour l’air dont l’accès était interdit aux véhicules les plus polluants. Cette innovation n’a pas été suivie d’effet : dans les deux ans suivant la loi, aucune expérimentation n’avait eu lieu. Le texte est donc resté lettre morte.
Article 182 de la loi du 12 juillet 2010
« Art. L. 228-3.-I. ― Dans les communes ou groupements de communes de plus de 100 000 habitants où une mauvaise qualité de l’air est avérée, notamment par des dépassements de normes réglementaires ou des risques de dépassements de ces normes, une zone d’actions prioritaires pour l’air, dont l’accès est interdit aux véhicules contribuant le plus à la pollution atmosphérique, peut être instituée, à titre expérimental, afin de lutter contre cette pollution et notamment réduire les émissions de particules et d’oxydes d’azote.
« Les communes ou groupements de communes souhaitant participer à l’expérimentation adressent, dans un délai de deux ans à compter de la publication de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, leur projet de zones d’actions prioritaires pour l’air au représentant de l’État dans le département qui le transmet, accompagné de ses observations, au ministre chargé des collectivités territoriales et au ministre chargé du développement durable.
« Dans les zones dans lesquelles sont constatés ou prévus des dépassements des valeurs limites de la qualité de l’air telles que définies à l’article L. 221-1, le représentant de l’État dans le département peut proposer aux communes ou groupements de communes de mettre en place une expérimentation de zone d’actions prioritaires pour l’air.
« Les expérimentations sont autorisées par décret pour une durée ne pouvant excéder trois ans. Elles peuvent être prorogées par décret pour une durée de dix-huit mois à la demande des communes ou groupements de communes à l’initiative du projet… »
Ce dispositif est donc abrogé par l’article 48 et remplacé par celui des ZCR. La relance législative d’un dispositif en panne a-t-elle des chances de succès plus importantes ?
Selon le présent article, la circulation est interdite à certains véhicules, sous peine d’amende, dans les zones établies après un large processus de consultation. L’arrêté local créant la ZCR doit notamment être justifié par une étude environnementale permettant de faire un état des lieux et d’évaluer la réduction attendue des émissions de polluants. Il est soumis pour avis aux autorités organisatrices de la mobilité dans les ZCR et dans leurs abords, aux conseils municipaux des communes limitrophes, aux gestionnaires de voirie, ainsi qu’aux chambres consulaires concernées. Cet avis est réputé favorable au-delà d’un délai de 2 mois.
L’arrêté précise alors la durée de fonctionnement de la ZCR, lequel est évalué tous les trois ans.
Le V de l’article du CGCT, créé par l’article 48, prévoit l’intervention d’un décret en Conseil d’État – que le site Légifrance a omis – pour établir la liste des véhicules auxquels ne s’applique pas la restriction. Un projet a été soumis, après avis favorable du Comité national d’évaluation des Normes (n° 15-11-05-0054), à une consultation publique, ouverte du 15 au 30 janvier 2016, laquelle n’a suscité que 20 commentaires. Légifrance fait toujours figurer comme date de parution décembre 2015, mais le décret n’est finalement paru qu’en date du 28 juin (n° 2016-847). Il en ressort que les restrictions de circulation peuvent être différenciées en fonction de la nature et de l’usage des véhicules, qu’elles sont justifiées au regard des réductions des émissions de polluants atmosphériques attendues par la création de la zone à circulation restreinte et de la population concernée. Les avis requis sont réputés acquis passés un délai de deux mois.
Dans le même temps de consultation, un autre décret – que le site Légifrance ne mentionne pas – est intervenu pour classer les véhicules en fonction de leur degré d’émissions polluantes. Les critères prévus retiennent, par type de véhicule et de façon différenciée pour l’essence et le diesel, quatre catégories de véhicules :
Classification des véhicules en application des articles L. 318-1 et R. 318-2 du code de la route
Classe |
2 ROUES, TRICYCLES ET QUADRICYCLES À MOTEUR |
VOITURES |
VÉHICULES UTILITAIRES LÉGERS |
POIDS LOURDS, AUTOBUS ET AUTOCAR |
Électrique |
Véhicules électriques et hydrogène | |||
1 |
Véhicules gaz Véhicules hybrides rechargeables |
Classe |
2 ROUES, TRICYCLES ET QUADRICYCLES À MOTEUR |
DATE DE PREMIÈRE IMMATRICULATION ou NORME EURO | |||||
VOITURES |
VÉHICULES UTILITAIRES LÉGERS |
POIDS LOURDS, AUTOBUS ET AUTOCAR | |||||
Diesel |
Essence |
Diesel |
Essence |
Diesel |
Essence | ||
1 |
EURO 4 À partir du 1er janvier 2017 pour les motocycles |
- |
EURO 5 et 6 À partir du |
- |
EURO 5 et 6 À partir du |
- |
EURO 6 À partir du |
2 |
EURO 3 Entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2016 inclus pour les motocycles ou le 31 décembre 2017 inclus pour les cyclomoteurs |
EURO 5 et 6 À partir du |
EURO 4 Entre le |
EURO 5 et 6 À partir du |
EURO 4 Entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2011 inclus |
EURO 6 À partir du 1er janvier 2014 |
EURO 5 Entre le et le 31 décembre 2013 inclus |
3 |
- |
EURO 4 Entre le 2006 et le 31 décembre 2010 inclus |
EURO 2 et 3 Entre le 1er janvier 1997 et le 31 décembre 2005 inclus |
EURO 4 Entre le 1er janvier 2007 |
EURO 2 et 3 Entre le |
EURO 5 Entre le |
EURO 3 et 4 Entre le |
Non classés |
EURO 2 et avant Jusqu’au |
EURO 3 et avant Jusqu’au 31 décembre 2005 inclus |
EURO 1 et avant Jusqu’au 31 décembre 1996 inclus |
EURO 3 et avant Jusqu’au 31 décembre 2006 inclus |
EURO 1 et avant Jusqu’au 30 septembre 1998 inclus |
EURO 4 et avant Jusqu’au 30 septembre 2009 inclus |
EURO 1, 2 et avant Jusqu’au 30 septembre 2001 inclus |
Compte tenu de la mise en place des certificats qualité de l’air, prévue par l’article 37, la correspondance avec les certificats, matérialisés par les vignettes est donc la suivante :
Source : Arrêté du 21 juin 2016, JO du 23 juin 2016, texte 12.
Le texte du décret en Conseil d’État, conformément à une exigence expresse de l’article 48- I de la loi, fixe la liste des véhicules autorisés auxquels la restriction de circulation ne s’applique pas (transports médicaux, sécurité publique, handicapés, etc.) par référence au code de la route et prévoit, en cas de non-respect des restrictions, une contravention de troisième classe pour les véhicules légers (amende de 450 € maximum) et de quatrième classe (750 € maximum) pour les véhicules lourds. Ces peines s’appliquent également en cas de non-respect des règles de stationnement définies dans la zone, qui, probablement seront les plus opératoires et peuvent entraîner l’immobilisation du véhicule.
Véhicules d’intérêt général au sens de l’article R 311-1 du code de la route :
6.4. Véhicule d’intérêt général : véhicule d’intérêt général prioritaire ou bénéficiant de facilités de passage ;
6.5. Véhicule d’intérêt général prioritaire : véhicule des services de police, de gendarmerie, des douanes, de lutte contre l’incendie, d’intervention des unités mobiles hospitalières ou, à la demande du service d’aide médicale urgente, affecté exclusivement à l’intervention de ces unités et du ministère de la justice affecté au transport des détenus ou au rétablissement de l’ordre dans les établissements pénitentiaires ;
6.6. Véhicule d’intérêt général bénéficiant de facilités de passage : ambulance de transport sanitaire, véhicule d’intervention d’Électricité de France et de Gaz de France, du service de la surveillance de la Société nationale des chemins de fer français, de transports de fonds de la Banque de France, des associations médicales concourant à la permanence des soins, des médecins lorsqu’ils participent à la garde départementale, de transports de produits sanguins et d’organes humains, engin de service hivernal et, sur autoroutes ou routes à deux chaussées séparées, véhicule d’intervention des services gestionnaires de ces voies ;
20 métropoles ou villes sur 25 candidates ont été retenues comme susceptibles d’établir des zones de circulation restreinte :
Plusieurs difficultés demeurent cependant prévisibles : l’arrêté doit être en cohérence avec le PPA, or ce document peut, aux termes de la loi, ne pas être définitif. L’arrêté est soumis à consultation du public, et il est probable que dans les zones ou leurs abords, les commerçants des centres-villes ne manqueront pas d’émettre des réserves, relayées par les chambres consulaires, lesquelles sont dans la boucle des consultations. Enfin il convient de s’interroger sur les modalités du contrôle : seul un mécanisme permettant d’identifier les véhicules, par apposition d’une vignette, supposant un contrôle technique portant sur ce point, permettra un contrôle effectif des interdictions de stationnement.
Le Premier ministre a annoncé lors de la conférence environnementale du 27 novembre 2014, la mise en place de ce dispositif.
Mais il faut alors sans doute modifier le contenu des contrôles techniques.
Prenant acte de telles difficultés, le décret a ouvert des possibilités de dérogations individuelles. Si on peut s’interroger sur la pertinence de cette nécessaire souplesse au plan juridique – la lutte contre la pollution atmosphérique en milieu urbain peut-elle s’accompagner de telles dérogations ? – cette mesure est sans nul doute parfaitement justifiée en opportunité, notamment pour les riverains ou les professionnels (voyagistes, livreurs, etc.).
Plusieurs des facteurs qui ont manifestement conduit à l’échec des projets de ZAPA ont ici disparu, à commencer par le caractère désormais permanent du dispositif et par le fait qu’il s’accompagne d’un solide processus préparatoire et consultatif. Les ZAPA ont aussi souffert, sans doute, d’une application très défectueuse, comme en témoigne le rapport de B. Pancher et P. Tourtelier. (40)
« Le secrétariat général du Gouvernement estime qu’une publication du décret autorisant les projets ZAPA serait aujourd’hui prématurée et n’envisage celle-ci qu’au cours du premier trimestre 2013. Cette date tardive apparaît d’autant plus surprenante que la Commission européenne a saisi la Cour de Justice de l’Union européenne en novembre 2011 pour non-respect par la France des seuils européens en matière de pollution de l’air par les particules fines (diamètre inférieur à 10 µm) (49).
En revanche, le décret identifiant les véhicules auxquels l’accès aux ZAPA ne peut être interdit et précisant les modalités de demande d’autorisations de circulation dérogatoires, d’une part, et le décret définissant le régime des sanctions applicables en cas d’infraction à l’interdiction de circuler dans une ZAPA, d’autre part, ont été soumis au Conseil national de l’air le 30 juin 2011 et à la Commission consultative d’évaluation des normes le 3 novembre suivant ; leur publication interviendrait dans le courant du premier trimestre 2012.
Les entretiens réalisés par vos rapporteurs leur ont permis de se rendre compte que ce dispositif suscite un grand intérêt auprès d’associations œuvrant à l’amélioration du cadre et de la qualité de vie, particulièrement dans les zones où ceux-ci apparaissent dégradés. Des inquiétudes s’expriment également, auxquelles il appartiendra notamment aux mesures réglementaires attendues de donner une réponse équilibrée. Ces associations estiment ainsi nécessaire que les restrictions apportées à la circulation de certains véhicules aient pour contrepartie une véritable alternative en termes de transports en commun fiables et compétitifs, ce qui suppose une mobilisation appropriée de l’autorité organisatrice des transports compétente : elles soulignent qu’il est notamment indispensable de prendre en considération les déplacements contraints sur des horaires décalés ainsi que les horaires spécifiques de grandes unités génératrices de déplacements et se trouvant dans la zone de la ZAPA – comme les hôpitaux, par exemple. Elles souhaitent également, au terme des expérimentations, que les critères techniques retenus pondèrent consommation et efficacité énergique et permettent d’écarter les véhicules polluants de grosse cylindrée ; une différenciation entre véhicules à deux et à quatre roues serait enfin considérée comme justifiée. »
On peut espérer que, depuis lors, les mentalités ont progressé, encore que les réactions de certaines catégories d’usagers sur les réseaux sociaux sont assez marquées. On peut surtout guetter attentivement les réactions des collectivités territoriales.
Le II comporte des dispositions de conséquence et prévoit que les autorités organisatrices de transport ne seront plus tenues de rendre l’accès aux réseaux de transport gratuits en cas de pics de pollution, mais seulement de mettre en place « toute mesure tarifaire incitative » dont la gratuité. Le groupement des autorités responsables de transport (G.A.R.T.) se félicite de cette mesure tant pour son impact financier que parce que les automobilistes bénéficient jusqu’à présent d’un avantage en se reportant vers les transports collectifs aux dépens des usagers réguliers. Il est vrai que la logique pollueur–payeur n’est pas totalement respectée par le système antérieur. Pour autant, l’ensemble des mesures de ce titre devrait fortement contribuer à diminuer les pics de pollution.
Le deuxième mécanisme de fond prévu par l’article 48 de la loi est moins lourd et sans nul doute plus aisé à mettre en œuvre, ne serait-ce que parce qu’il est d’application immédiate.
III : Aides à l’achat de véhicules propres. Ce dispositif est incitatif au remplacement de véhicules anciens polluants peuvent être attribuées, dans des conditions définies par voie réglementaire, en fonction de critères sociaux ou géographiques. Cet objectif s’inscrit dans un environnement juridique, fiscal et budgétaire largement préexistant. Il conforte l’existence de primes à la conversion dite « super bonus », ciblée sur la mise au rebut de véhicules polluants.
Ce sont en effet les véhicules les plus anciens, qui répondent aux normes européennes d’émissions de polluants Euro 1 et 2, qui ont l’impact le plus néfaste sur la qualité de l’air, en particulier les véhicules à motorisation diesel sans filtre à particules. Comme l’indique l’étude d’impact annexée au projet de loi de transition énergétique, « les véhicules 1* et 2* (groupe 1*, voitures essence ou diesel mises en circulation avant le 1er janvier 1997 ou groupe 2*, voitures diesel mises en circulation entre le 1er janvier 1997 et le 31 décembre 2000) représentent 19 % du parc de véhicules particuliers et contribuent à 23 % des émissions de PM 10 et à 20 % des émissions de NOx du parc de véhicules particuliers. Les véhicules 5* (mis en circulation après janvier 2011) représentant 10 % du parc de véhicules particuliers et contribuent quant à eux à 6 % des émissions de PM10 et à 13 % des émissions de NOx du parc de véhicules particuliers. ».
Prenant la suite de mécanismes de primes à la casse (« juppette », « balladurette ») établis depuis 1992, l’article 63 de la loi de finances rectificatives pour 2007 a créé un fonds d’aide à l’acquisition des véhicules propres sous forme budgétaire d’un compte de concours financiers : « Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres », financé par la taxe aux véhicules polluants (art 1101 bis du CGI) créée par ce même dispositif. Ce changement induit le fait que le dispositif concret de primes à l’acquisition et/ou à la casse relève désormais du décret : la loi ne change rien à cette détermination. À la demande de la Cour des comptes, en 2012, le compte de concours financiers est devenu un compte d’affectation spéciale (article 56 loi de finances pour 2012) ce qui a mis fin aux primes à la casse.
Le dispositif repose désormais sur quatre principes :
– une aide financière pour l’acquisition d’un véhicule peu polluant dite « bonus » ;
– cette aide est majorée si l’acquisition s’accompagne de la destruction d’un véhicule de plus de quinze ans (« super bonus »)
– une taxe spécifique due sur le premier certificat d’immatriculation d’un véhicule dit « polluant » ou « malus », permet de financer le dispositif ;
– un « malus annuel » pour les véhicules les plus polluants.
Le compte d’affectation spéciale est réparti en deux programmes consacrés l’un au bonus, l’autre au super bonus.
En recettes, le compte est financé par la taxe additionnelle aux certificats d’immatriculation (art 1011 bis du code général des impôts) et en dépenses il paye le bonus (226 millions d’euros en 2012) et le super bonus (8 millions d’euros en 2012), lequel à, partir de 2014, implique un achat ou une location s’accompagnant du retrait de la circulation, à des fins de destruction, d’un véhicule utilisant le gazole comme carburant principal (décret n° 2014-1672 du 30 décembre 2014).
Une aide est ainsi accordée à l’achat ou à la location des véhicules électriques (6 300 euros dans la limite de 27 % du coût d’acquisition ou de location du véhicule). Ce système est inchangé depuis 2014. En 2015, les bonus pour les moteurs thermiques ont été supprimés.
Pour 2016, les dépenses du premier programme s’établissent à 236 millions d’euros et intègrent les modifications suivantes : le montant du bonus moyen est ramené à 750 € pour les véhicules hybrides et à 1 000 euros pour les hybrides rechargeables et il est maintenu à 6 300 euros pour les véhicules électroniques. La prévision s’appuie sur des perspectives de 36 000 véhicules hybrides, 11 000 rechargeables et 33 000 véhicules électriques.
S’agissant du second programme, les dépenses sont portées à 30 millions d’euros. Le montant de l’aide complémentaire est fixé, par le décret n° 2015-361 du 30 mars 2015, à :
1° 3 700 euros pour une voiture particulière satisfaisant aux conditions prévues aux 2°, 3° et 4° du I de l’article 1er et dont le taux d’émission de dioxyde de carbone est inférieur ou égal à 20 grammes par kilomètre ;
2° 2 500 euros pour une voiture particulière satisfaisant aux conditions prévues aux 2°, 3° et 4° du I de l’article 1er et dont le taux d’émission de dioxyde de carbone est compris entre 21 et 60 grammes par kilomètre ;
3° 500 euros pour une voiture particulière satisfaisant aux conditions prévues aux 2°, 3° et 4° du I de l’article 1er, dont le taux d’émission de dioxyde de carbone est compris entre 61 et 110 grammes par kilomètre, qui respecte la norme Euro 6 et qui est acquise ou louée par une personne physique dont la cotisation d’impôt sur le revenu de l’année précédant l’acquisition ou la location du véhicule est nulle ;
4° 500 euros pour une voiture particulière qui satisfait à la condition prévue au 3° du I de l’article 1er, qui est acquise ou louée par une personne physique dont la cotisation d’impôt sur le revenu de l’année précédant l’acquisition ou la location du véhicule est nulle, qui n’est pas cédée dans les six mois suivant son acquisition ni avant d’avoir parcouru au moins 6 000 kilomètres, dont le taux d’émission de dioxyde carbone est compris entre 61 et 110 grammes par kilomètre et qui respecte la norme Euro 6 ou dont le taux d’émission de dioxyde de carbone est inférieur ou égal à 60 grammes par kilomètre.
Les prévisions tablent sur 3 380 véhicules électriques éligibles à la prime au montant maximum, pouvant donc cumuler celle-ci avec le bonus, bénéficiant ainsi d’une aide à hauteur de 10 000 €.
Le projet de loi de finances pour 2017 pérennise ces dispositifs. Le système du bonus-malus (article 1011 bis du code général des impôts) est, modifié, notamment par abaissement du seuil d’application du malus. Votre mission partage cependant les observations de notre collègue Delphine Batho, quant à la nécessité de fixer l’évolution du bonus-malus dans un cadre pluriannuel (41)
IV. Un rapport est demandé au Gouvernement au sujet des pics de pollution.
Article 49
Possibilités pour le maire d’étendre l’interdiction d’accès des véhicules les plus polluants à l’ensemble des voies d’une commune située dans le périmètre d’un plan de protection de l’atmosphère
Cet article ouvre la possibilité pour les maires d’interdire par arrêté l’accès aux véhicules polluants et de fixer les dérogations par le même texte. Il s’applique aux zones où le plan de protection de l’atmosphère a été adopté.
Cet article, qui prévoit simplement une extension du dispositif existant par l’extension géographique d’une interdiction, ne renvoie pas à un décret en Conseil d’État ses conditions d’application pour fixer notamment la liste des véhicules dont la circulation ne peut être interdite. Toutefois, il est probable que le maire ne pourra déroger au code de la route, déjà cité, quant aux véhicules prioritaires, et le décret du 28 juin 2016, d’application de l’article 48-I de la loi sera sans nul doute une source d’inspiration pour l’application du présent article.
Le texte étend donc l’application de l’article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales :
Le maire peut, par arrêté motivé, eu égard aux nécessités de la circulation et de la protection de l’environnement :
1° Interdire à certaines heures l’accès de certaines voies de l’agglomération ou de certaines portions de voie ou réserver cet accès, à certaines heures, à diverses catégories d’usagers ou de véhicules ;
2° Réglementer l’arrêt et le stationnement des véhicules ou de certaines catégories d’entre eux, ainsi que la desserte des immeubles riverains …
Il est prévu que l’extension sera possible à l’ensemble des voies de la commune, mais il demeure une interdiction temporaire dans la journée.
À Paris, les mesures suivantes ont été annoncées dès janvier 2015 par la maire, Mme Anne Hidalgo :
La mise en place des mesures de restriction de circulation sera progressive, les véhicules les plus anciens et les plus polluants seront les premiers concernés.
Dès le 1er juillet (42), la maire de Paris souhaite interdire la circulation des bus, cars et poids lourds de classe 1 étoile (antérieurs au 1er octobre 2001) dans la capitale de 8 à 20 heures, y compris le week-end.
À partir du 1er juillet 2016, cette interdiction s’appliquera à l’ensemble des véhicules de classe 1 étoile, et donc aussi aux camionnettes et véhicules particuliers antérieurs à 1997 – qui représentent encore 10 % du parc de voitures circulant à Paris – ainsi qu’aux deux-roues motorisés antérieurs au 31 mai 2000. Ces véhicules individuels et utilitaires légers pourront eux continuer à circuler le week-end.
Les véhicules de classe 2, 3 et 4 étoiles (cette dernière classe comprenant les véhicules antérieurs à 2010) seront ensuite progressivement interdits, entre 2017 et 2020.
http://www.lemonde.fr/pollution/article/2015/01/28/le-plan-antipollution-de-paris-en-5-questions_4565187_1652666.html#4Gx1JQ8pu6vfpVer.99
Ces mesures ont commencé à être mises en œuvre par l’arrêté n° 2016 P 0114 du 24 juin 2016 à effet du 1er juillet, de la maire de Paris et du préfet de police, par référence aux dates d’application des normes Euro, soit Euro 1 : premier janvier 1993, Euro 2 : premier juillet 1996, Euro 3 : premier janvier 2000, et aux catégories de véhicules définies à l’article R 311-1 du code de la route.
La norme Euro 3 s’applique aux catégories M2 (véhicule conçu et construit pour le transport de personnes, comportant, outre le siège du conducteur, plus de huit places assises et ayant un poids maximal inférieur ou égal à 5 tonnes) ; M3 : (véhicule conçu et construit pour le transport de personnes, comportant, outre le siège du conducteur, plus de huit places assises et ayant un poids maximal supérieur à 5 tonnes) N2 (véhicule conçu et construit pour le transport de marchandises ayant un poids maximal supérieur à 3,5 tonnes et inférieur ou égal à 12 tonnes) et N3 : (véhicule conçu et construit pour le transport de marchandises ayant un poids maximal supérieur à 12 tonnes) ; ceux de ces véhicules antérieurs au 1er octobre 2001 sont donc interdits de circulation.
La norme Euro 2 s’applique aux catégories M1 (véhicule conçu et construit pour le transport de personnes et comportant, outre le siège du conducteur, huit places assises au maximum) et N1, utilitaires légers (véhicule conçu et construit pour le transport de marchandises ayant un poids maximal inférieur ou égal à 3,5 tonnes), de ce fait ceux de ces véhicules mis en service avant le 1er janvier 1997 sont touchés par l’interdiction, sauf voitures de collection.
La norme Euro 1 s’applique aux deux ou trois roues et quadricycles à moteur, pour ces catégories mises en circulation à compter du 1er juin 1999, qui, si elles contribuent aux émissions d’hydrocarbures, ne sont en revanche que peu responsables des émissions de NOx ou de CO2.
ÉMISSIONS UNITAIRES POUR LE DIOXYDE DE CARBONE (CO2)
Source : Inventaire d’émissions Airparif – 2012
Votre Rapporteur, en dépit des oppositions marquées à l’encontre de ce dispositif, ne peut que souligner que l’interdiction n’est pas totale, puisqu’elle ne vaut que de 8 heures à 22 heures, et que nombre de véhicules d’intérêt général, de sécurité, voire, même si cela est anecdotique, de véhicules de collection, sont exclus du champ de la prohibition.
Il reste que l’effet dissuasif de cette mesure aura, en conséquence, un effet fortement incitatif au renouvellement du parc automobile en région parisienne.
Article 50
Indemnités kilométriques vélos
Lancée à titre expérimental par Frédéric Cuvillier, alors ministre des transports, le 2 juin 2014, l’indemnité kilométrique vélo acquiert avec cet article, et la loi de finances rectificative pour 2015, une base légale. Selon cet article, dû à l’adoption à l’Assemblée d’amendements émanant de nombreux députés, contre l’avis du Gouvernement, l’employeur prend en charge tout ou partie des frais engagés par les salariés se déplaçant à vélo – ou à vélo à assistance électrique – entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail, sous la forme d’une « indemnité kilométrique vélo ». L’article prévoit qu’un décret fixe les conditions de cumul de l’indemnité kilométrique avec le remboursement de l’abonnement de transport, lorsqu’il s’agit d’un trajet « de rabattement » vers une gare ou une station ou lorsque le salarié réside hors du périmètre de transport urbain. Cette prise en charge est mise en œuvre dans les mêmes conditions que la prise en charge des frais de carburant :
– par accord avec les représentants d’organisations syndicales représentatives dans l’entreprise, pour les entreprises entrant dans le champ de la négociation annuelle obligatoire
– par décision unilatérale de l’employeur après consultation du comité d’entreprise, ou, à défaut, des délégués du personnel s’il en existe.
L’avantage résultant de la prise en charge par l’employeur des frais est exonéré d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales.
L’article 15 de la loi de finances rectificative pour 2015, qui s’applique au 1er janvier 2016 :
– rend le dispositif facultatif pour les employeurs ;
– plafonne les exonérations d’impôt sur le revenu (pour les salariés) et de cotisations sociales (pour les employeurs) à 200 € par an et par salarié. Ce plafond de 200 € comprend également la participation de l’employeur aux frais de carburant ou d’alimentation de véhicule électrique ;
– limite les possibilités de cumul : l’indemnité kilométrique vélo peut se cumuler avec la prise obligatoire des frais d’abonnements aux transports collectifs uniquement lorsqu’il s’agit d’un trajet de rabattement vers une gare ou une station.
Il convient d’observer que cet article laisse, une fois encore, subsister le « gage » : la perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée, à due concurrence, par la création d’une contribution additionnelle à la contribution assise sur les contrats d’assurance en matière de circulation de véhicules terrestres à moteur, et pour l’État par une majoration des droits sur les tabacs. Le Gouvernement devrait faire sauter ce gage, surtout lorsqu’il modifie le dispositif en loi de finances. Comme votre Rapporteur l’a déjà signalé à l’article 39, soit le gage est inopérant, mais alors pourquoi l’exiger, alors que cela répond à une obligation constitutionnelle, soit il doit être mis en œuvre, ce qui sera matériellement impossible.
Alors que l’ADEME a fait une première évaluation du dispositif légal en janvier 2016 (43), le décret n° 2016-144 du 11 février 2016 applique donc l’ensemble du dispositif légal, ainsi modifié. Le décret fixe l’indemnité kilométrique à 25 centimes d’euro par kilomètre. À titre de comparaison, 85 % des entreprises en Belgique, où un système facultatif d’indemnités de 22 centimes, non plafonné, est en vigueur, en font bénéficier leurs salariés.
Le décret précise les conditions de cumul de l’indemnité kilométrique vélo avec la prise en charge des abonnements de transport et de service public de location de vélos.
Le bénéfice de la prise en charge des frais engagés pour se déplacer à vélo (ou à vélo à assistance électrique) pour les trajets de rabattement vers des arrêts de transport public peut être cumulé avec la prise en charge des abonnements de transport collectif ou de service public de location de vélo prévue à l’article L. 3261-2 du Code du travail, à condition que ces abonnements ne permettent pas d’effectuer ces mêmes trajets.
Le décret précise que le trajet « de rabattement » correspond à la distance la plus courte entre la résidence habituelle du salarié ou le lieu de travail et la gare ou la station de transport collectif.
Le décret s’accompagne de la mise en place de l’observatoire de l’indemnité kilométrique vélo, lancé par l’ADEME et le club des villes et territoires cyclables. En l’état, il ne peut que susciter diverses interrogations de la part de votre Rapporteur :
– la distance considérée dans le calcul de la prise en charge est la distance la plus courte entre le domicile et la gare ou station de transport collectif. Le texte ne donne pas de précision lorsqu’un vélo est utilisé aux deux extrémités du trajet, ou entre deux stations de transport collectif en cours de trajet. Ces trajets remplissent-ils les conditions de cumul de l’indemnité kilométrique vélo avec la prise en charge des abonnements de transport ?
– le montant de 25 centimes d’euro par kilomètre est le montant qui avait été retenu lors de l’expérimentation menée par l’ADEME courant 2014. Le plafond d’exonérations de cotisations sociales pour les employeurs étant de 200 euros par an et par salarié, cela permet au salarié de faire 800 kilomètres par an, soit 4 kilomètres par jour s’il travaille 200 jours par an. Cela semble éloigné du trajet moyen de 7 km avancé par la Ministre Ségolène Royal pour mettre en avant le dispositif. Le montant de 25 centimes par kilomètre, qui était celui de la première expérimentation de 2014, et sur lequel les niveaux envisagés initialement étaient moindres, est-il suffisant ? Il convient sans doute, pour votre Rapporteur, d’évaluer d’abord le plafonnement, dont les effets risquent de s’avérer plus limitatifs que ceux de ce montant.
Une telle évaluation est prévue par le projet de PPE « deux ans après la mise en œuvre effective ». Votre Rapporteur estime nécessaire que ce délai soit ramené à un an.
– La saisonnalité n’est pas prise en compte, mais cette éventuelle prise en compte ne risquerait-elle pas de rendre plus complexe le système ?
– L’article 50 de la loi devant s’appliquer rétroactivement au 1er juillet 2015 et les nouvelles dispositions relatives à l’indemnité kilométrique entrant en vigueur au 1er janvier 2016, selon quelles modalités les salariés seront-ils indemnisés pour leurs dépenses entre le 1er juillet 2015 et le 1er janvier 2016 ?
– Enfin et surtout, en l’état actuel, le dispositif ne concerne pas les fonctionnaires, alors que sur ce point la Ministre a annoncé une possible extension aux vœux du GART, le 25 janvier 2016. Une première extension a été réalisée par le décret n° 2016-1184 du 31 août 2016 pour le ministère chargé du développement durable et du logement, des expérimentations y sont en cours, depuis le premier septembre : « les fonctionnaires, les personnels non titulaires de droit public, les ouvriers d’État et les militaires, affectés dans les services de l’État et rémunérés par les ministères en charge du développement durable et du logement, soit 43 000 agents, ainsi que par les établissements publics qui en relèvent » pourront demander « à titre expérimental » cette indemnité kilométrique lorsqu’ils viennent travailler à vélo.
Votre Rapporteure insiste donc pour que cette indemnité soit étendue à l’ensemble de la fonction publique, y compris aux collectivités locales, sans délai.
Ainsi l’application de cet article est-elle a minima, ce qu’il convient de regretter.
Article 51
Plan de mobilité du personnel
Le plan de mobilité des entreprises et des collectivités publiques, qui comprend en particulier un programme d’actions adapté à celles–ci, pour développer des modes de transport alternatifs à la voiture individuelle, est applicable sans textes subséquents, mais le nouveau plan prévu par ce texte pour les entreprises de cent salariés ou plus, sur le même site, ne sera applicable qu’à compter du 1er janvier 2018.
Ce dispositif, adopté en première lecture à l’Assemblée sur initiative du Rapporteur, auquel le Sénat s’était opposé, est d’application directe.
Votre Rapporteur propose d’anticiper au 30 juin 2017 cette obligation, dont le non-respect est sanctionné par une privation des soutiens de l’ADEME, ce qui est peut-être insuffisant.
Article 52
Covoiturage, éclairage public et transports urbains par câble
Le I de cet article, purement incitatif pour les entreprises, vise à les encourager au développement du covoiturage. Il prévoit l’établissement d’un schéma de développement du covoiturage par les communes, leurs groupements, la métropole de Lyon et les syndicats mixtes de transport, le II définit le covoiturage, et autorise la rémunération des sites de covoiturage. et le III étend aux EPCI et aux syndicats mixtes les règles relatives à l’éclairage public.
Le IV porte sur les transports urbains par câble et renvoie à une ordonnance. L’ordonnance n° 0269 du 20 novembre 2015 a été prise conformément à l’habilitation, durant l’année suivant la promulgation de la loi. Un projet de loi de ratification devrait être déposé avant le 18 mai 2016. Le projet de loi de ratification a été déposé le 3 février 2016 au Sénat.
Le texte de l’ordonnance prévoit que les autorités citées aux articles L. 1231-1 et L. 1241-1 du code des transports, c’est-à-dire les communes, leurs groupements, la métropole de Lyon, les syndicats mixtes de transport, ainsi que le Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF) ont la possibilité, avec l’accord du préfet, d’établir des servitudes d’utilité publique de libre survol. La distance entre les propriétés survolées et le point de survol le plus bas ne pourra pas être inférieure à 10 mètres.
Cette servitude d’utilité publique de libre survol engendrera également pour le bénéficiaire une servitude de passage, afin d’avoir accès aux propriétés privées survolées, pour y installer des dispositifs de faible ampleur nécessaires à la sécurité du système de transport. De même, si aucun autre moyen n’est possible, le bénéficiaire pourra accéder aux propriétés survolées afin de réaliser l’entretien et l’exploitation de l’installation et également établir des chemins nécessaires à des opérations d’évacuations ou d’entretiens. Les propriétaires des terrains se doivent de ne pas nuire au fonctionnement des installations.
Après avoir été informés des motifs des servitudes, ils disposent d’un délai de quatre mois pour présenter leurs observations. Par ailleurs ils peuvent percevoir une indemnité couvrant le préjudice. Si un accord amiable n’est pas trouvé, les conditions prévues au livre III du code l’expropriation pour cause d’utilité publique fixent le montant de l’indemnité. Enfin, si le propriétaire estime que son bien n’est plus utilisable, il peut demander, dans les dix ans suivant la notification de servitude, que son bien soit racheté en totalité ou en partie par le bénéficiaire de la servitude.
Les servitudes de survol d’utilité publique (mentionnée à l’article L. 1251-3 du code des transports) sont établies après une enquête parcellaire. L’enquête est organisée selon les dispositions des articles R. 131-1 à R. 131-10 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Au préalable les bénéficiaires doivent adresser au préfet du département un dossier contenant les motifs de l’implantation d’une installation nécessitant une servitude de survol, ainsi que des documents relatifs à la sécurité et des plans. L’enquête parcellaire est réalisée à l’aide de ce dossier. En parallèle à ces procédures est réalisée, avant la déclaration du projet ou la déclaration d’utilité publique, une enquête publique. Si les parcelles et les propriétaires concernés par la servitude de survol sont connus par le maître d’ouvrage avant la déclaration du projet ou la déclaration d’utilité publique, il est alors possible de réaliser simultanément l’enquête parcellaire et l’enquête publique. Ce sont les préfets qui établissent, par arrêté, la servitude. Celle-ci prend effet dès que l’arrêt est notifié aux propriétaires concernés. Lorsque le périmètre de la servitude de survol se situe sur le territoire de plusieurs départements, un arrêté conjoint est établi entre les préfets concernés.
Cette volonté du ministère et du législateur de développer le transport par câble en milieu urbain offre un champ de développement de cette activité notamment au groupe RATP, signataire en janvier 2015, d’un accord de coopération dans le domaine du transport par câble en milieu urbain avec une entreprise française, leader du marché. Cet accord, d’une durée de trois ans prévoit que les signataires partageront l’information sur les projets de transport par câble existants ou à venir dans le monde, étudieront l’opportunité de faire émerger de nouveaux projets en coopération et répondront en commun aux consultations qui les intéressent mutuellement dans le domaine du transport par câble.
Le transport par câble, en zone urbaine, s’inscrit donc dans les enjeux de la transition énergétique. C’est un mode de transport propre, silencieux et peu consommateur d’espace au sol. Le ministère aspire à ce qu’il ne soit plus réservé au seul secteur originel de la montagne. D’ailleurs la loi du 8 juillet 1941 qui établit une servitude de survol au profit des téléphériques est abrogée par l’ordonnance en tant qu’elle concerne le transport par câbles en milieu urbain. Cependant, les servitudes établies en milieu urbain dans le passé, à partir de cette loi de 1941, demeurent régies par les dispositions de cette même loi.
Votre Rapporteur ne peut que constater sur ce point une ambiguïté juridique, qu’il conviendrait de lever.
La situation résultant de ce texte porte en effet à confusion. Legifrance annonce que les 7 articles de la loi de 1941 sont abrogés par l’article 2 de l’ordonnance n° 2015-1495 du 18 novembre 2015 mais mentionne également qu’elle est abrogée en tant qu’elle concerne le transport par câbles en milieu urbain. Cependant il n’est pas fait de mention dans la loi de 1941 de zones ou milieux. Ainsi faut-il comprendre que cette loi de 1941 resterait en vigueur seulement pour les zones rurales et de montagne alors qu’elle n’y fait pas référence ? Doit-on se baser sur la distinction faite par l’INSEE qui fait référence au concept d’unité urbaine : « La notion d’unité urbaine repose sur la continuité du bâti et le nombre d’habitants. On appelle unité urbaine une commune ou un ensemble de communes présentant une zone de bâti continu (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) qui compte au moins 2 000 habitants. » ? Toujours selon l’INSEE : « Les unités urbaines sont redéfinies périodiquement. L’actuel zonage daté de 2010 a été établi en référence à la population connue au recensement de 2007 et sur la géographie du territoire au 1er janvier 2010. » Ce découpage peut-il être reconnu comme ayant une valeur légale ?
Il y a actuellement un projet de téléphérique urbain à Brest entre les deux rives du fleuve côtier de la Penfeld, qui sépare les quartiers de Siam et des Capucins. Le téléphérique est en construction et devrait être inauguré au second semestre 2016. Le ministère participe au projet à hauteur de 2,56 millions d’euros.
À Toulouse, le téléphérique urbain sud doit relier les trois sites suivants, l’Oncopole, le CHU Rangueil et l’université Paul Sabatier avec un tracé de 2,6 kilomètres. Après l’étape des discussions sur la faisabilité et la pertinence d’un tel projet, a débuté depuis la mi-janvier une consultation pour les marchés de conception, de réalisation et de maintenance du téléphérique afin de choisir, fin 2016, l’opérateur qui réalisera le téléphérique pour une mise en service au plus tard en 2020.
V) Ce dispositif concerne l’établissement de servitudes en tréfonds. Il a été élaboré dans l’optique de faciliter la réalisation du réseau de transport public du Grand Paris. La société du Grand Paris disposait déjà auparavant de la procédure d’expropriation d’extrême urgence (article 5 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris). La procédure de servitude d’utilité publique, qui s’y ajoute, a pour avantage de produire des effets bien plus rapides que la procédure d’expropriation d’extrême urgence. Il renvoie à un décret, paru dans des délais satisfaisants.
Le décret n° 2015-1572 du 2 décembre 2015 relatif à l’établissement d’une servitude d’utilité publique en tréfonds prévoit que la servitude (telle qu’elle est mentionnée à l’article 2113-1 du code des transports) est établie après une enquête parcellaire. L’enquête est organisée selon les dispositions des articles R. 131-1 à R. 131-14 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Ce sont les préfets qui établissent par arrêté la servitude. Lorsque les tréfonds se situent sur le territoire de plusieurs départements, un arrêté conjoint est établi entre les préfets concernés. Les propriétaires et les titulaires de droits réels concernés ont la possibilité de demander au bénéficiaire de la servitude une indemnité, dans un délai de six mois à compter de la réception de la notification. À l’arrêté du préfet est annexé un plan qui détermine l’emplacement et le volume des tréfonds.
Le VI prévoit des avantages en cas de covoiturage et le VII incite l’État à la fourniture de GNL et d’alimentation électrique dans les ports. Ces dispositions sont dépourvues d’effet contraignant, même si la directive 2014/94/UE du 22 octobre 2014 impose aux États membres qu’un nombre approprié de points de ravitaillement soit mis en place dans les ports. En conséquence est présenté, en annexe à la stratégie de développement de la mobilité propre un schéma national d’orientation pour le déploiement du GNL-carburant marin.
Article 53
Aires de covoiturage obligatoires sur les autoroutes
Introduit au Sénat sur une initiative de M. Jean Pierre Vial, et adopté par votre Commission spéciale, cet article incite les sociétés concessionnaires d’autoroutes à s’engager dans le développement du covoiturage, en mettant en place des aires adaptées et des actions de communication, est applicable sans autre texte.
Il semble qu’il n’a nullement été pris en compte par celles-ci.
Il convient donc de modifier cet article pour le rendre plus effectif, d’autant que l’annonce d’une hausse de 0,3 % des tarifs entre 2018 et 2020 a été présentée comme motivée notamment par la nécessité d’aménager les aires de covoiturage, cette explication apparaissant peu crédible à votre Rapporteur.
Article 54
Prise en compte des besoins de déplacement domicile-travail dans le schéma régional de l’intermodalité
Ce dispositif prévoit que le schéma régional de l’intermodalité tient compte des besoins de déplacement quotidien entre domicile et lieu de travail. Il ne nécessite aucun texte d’application.
Article 55
Plan de mobilité rurale
Le contenu du schéma régional de l’intermodalité et les plans de mobilité rurale sont d’application directe.
Article 56
Voies réservées aux transports en commun, aux taxis et à l’autopartage : demande de rapport du Gouvernement
Cet article prévoit la remise d’un rapport sur des « voies de bus » sur les autoroutes et voies assimilées en zone d’accès aux métropoles, dans un délai d’un an après la promulgation de la loi. En revanche, il ne porte pas, contrairement au texte adopté au Sénat, de mention de l’opportunité d’autoriser la circulation de transports en commun sur les bandes d’arrêt d’urgence.
Article 57
Émissions de particules fines dans le secteur du transport : demande de rapport au Gouvernement
Cet article prévoit la remise d’un rapport sur le bilan des émissions de particules fines dans le domaine des transports, dans un délai d’un an. Pas plus que le précédent, il n’a été suivi d’effet.
Article 58
(article L.318-3 du code de la route)
Délit de défapage
Cet article de droit pénal prévoit un mécanisme de sanctions pour altération d’un dispositif de maîtrise de la pollution sur un véhicule, dit délit de « défapage » (article 15 du projet de loi). Ce dispositif, qui vise aussi bien les logiciels que la propagande ou la publicité pour de telles altérations prévoit une peine principale (amende 7 500 €) et une peine complémentaire d’interdiction d’exercice professionnel. Il n’est pas douteux qu’il fera l’objet de demandes de question prioritaire de constitutionnalité, puisqu’il n’a pas été jugé conforme à la Constitution par la décision du 13 août 2015. On peut en effet rappeler que, par exemple, l’interdiction, comme peine complémentaire, de gérer un débit de boisson a fait l’objet d’une QPC, d’ailleurs rejetée (n° 2015-493 QPC du 16 octobre 2015). Il n’est pas douteux que cette nouvelle incrimination dès qu’elle s’appliquera fera l’objet de telles tentatives contentieuses.
Cet article de droit pénal, qui ne nécessite aucun texte subséquent, est directement applicable. Conformément aux principes qui régissent le droit pénal, il ne peut donc, puisqu’il crée une incrimination nouvelle, s’appliquer à des faits commis antérieurement à la loi. En revanche, il est pleinement applicable à tout retrait ou altération des filtres à particules ou d’éléments régulateurs de la consommation commis postérieurement à son entrée en vigueur.
Il convient d’insister sur le fait que ce délit vise les personnes physiques, nombreuses à proposer de tels dispositifs, notamment sur Internet, mais qu’il vise également les personnes morales, donc au premier chef des ateliers ou des vendeurs commerciaux de pièces détachées. On peut même s’interroger sur le point de savoir, sous les réserves indiquées ci-dessus, si le dispositif, même si tel n’est pas son objet premier, serait susceptible de s’appliquer à la mise en circulation de véhicules neufs qui auraient subi de telles altérations.
En particulier, votre Rapporteur rappelle que le 25 septembre 2015, le conseil de surveillance de Volkswagen diffusait le communiqué suivant : « Le Conseil de Surveillance de Volkswagen, lors de sa réunion d’aujourd’hui, a examiné attentivement la situation actuelle. Nous n’avons aucune excuse et cette manipulation a profondément choqué Volkswagen. La société ne veut laisser aucun doute subsister et veut aller au fond des choses, elle demandera des comptes aux responsables, et de ce fait elle prendra toutes les mesures nécessaires », ce qui s’est traduit en particulier par des rappels de véhicules frauduleusement modifiés.
Ainsi, à cette date, tout véhicule dont le logiciel aurait subi une altération volontaire de mécanisme anti-pollution est susceptible de tomber dans le champ d’application de cet article.
Article 59
Habilitation à légiférer par ordonnance pour transposer la règlementation européenne concernant la teneur en soufre des combustibles marins
Ce dispositif prévoit la transposition par ordonnance de la directive 2012/33/UE du 21 novembre 2012 modifiant la directive 1999/32/CE en ce qui concerne la teneur en soufre des combustibles marins. Cette transposition, qui aurait dû intervenir avant le 18 juin 2014 est réalisée par l’ordonnance n° 2015-1736 du 24 décembre 2015 portant transposition de la directive. Elle fait référence à la convention Marpol et retient :
– en dehors des zones de contrôle, la teneur en soufre est inférieure ou égale à 3,50 % en masse jusqu’au 31 décembre 2019, puis inférieure ou égale à 0,50 % en masse à compter du 1er janvier 2020 ;
– et dans ces zones, la teneur en soufre est inférieure ou égale à 0,10 % en masse) ;
Elle prévoit également des valeurs distinctes pour les navires à passagers et les navires à quai. Ces valeurs sont compatibles avec celles de la Convention qui prévoit de ramener au plan général la teneur en soufre de 4,5 % à 0,5 % d’ici 2020 avec une règle plus stricte pour les écosystèmes fragiles. La peine encourue est d’un an d’emprisonnement et de 200 000 € d’amende, sauf notification par le capitaine d’une impossibilité technique.
Cet article comble donc un retard de transposition de la directive de 2012.
Article 60
Obligation de pavillon pour assurer la sécurité de l’approvisionnement en produits pétroliers raffinés
Le dispositif modifié par cet article (article L. 631-1.I du code de l’énergie) faisait obligation, depuis la loi du 31 décembre 1992, aux raffineurs établis en métropole de disposer, en propriété ou par affrètement à long terme, d’une capacité minimale de transport maritime de pétrole brut sous pavillon français, c’est-à-dire en pratique immatriculés au registre international français, ce qui concrètement permet de recruter une proportion d’équipages français.
Cette capacité devait, avant la loi du 17 août 2015, être proportionnelle aux quantités de pétrole brut entrant dans la raffinerie concernée. L’article L. 631-2 du code de l’énergie limitait ainsi explicitement cette obligation de pavillon aux importateurs de pétrole brut, et non aux importateurs de produits raffinés hors métropole destinés à la consommation nationale. Cette version antérieure de la loi visait en effet « tout propriétaire d’une unité de distillation atmosphérique dans une usine exercée de raffinage de pétrole brut en France métropolitaine ».
La capacité minimale, exprimée en tonnes de port en lourd (TPL), devait être au moins égale à 5,5 % du tonnage de pétrole brut traité annuellement, la loi ayant fixé un seuil maximal de 8 %, le seuil effectif relevant du décret. Concrètement, il s’est alors agi du décret n° 93-279 du 4 mars 1993, lequel a retenu un taux de 5,5 %.
Le Conseil d’État a été saisi de ce texte, et par décision du 28 février 2001, il a rappelé :
1°) que ce système était contraire à la libre prestation de services au sein de l’Union européenne
2°) que des raisons de sécurité publique justifient cependant l’édiction de règles d’approvisionnement minimal, en faisant référence à la jurisprudence de la Cour de Justice
3°) à condition que les taux et modalités retenus n’excèdent pas ce qui est nécessaire à la protection de la sécurité publique.
Justifiée, au plan juridique, uniquement par ces « nécessités » et non par le maintien d’emploi de marins français – même si votre rapporteur partage évidemment cet objectif – l’article 60, dû à un amendement en séance, en première lecture à l’Assemblée, de M. Arnaud Leroy, tient compte de la diversification du marché des hydrocarbures, de la diminution de l’activité de raffinage en métropole et étend donc l’assiette de l’obligation de pavillon à l’ensemble des produits pétroliers importés mis à la consommation, qu’il s’agisse de produit brut ou raffiné, et non plus à la seule quantité de pétrole brut importé. L’article 60 étend donc l’obligation aux distributeurs, même s’ils ne sont pas eux-mêmes raffineurs, donc aux « indépendants », soit le secteur de la grande distribution.
Il vise à maintenir une capacité de transport sous pavillon français, indispensable en cas de conflit, ainsi que l’expertise qui y est associée. Pour autant, il intervient dans un contexte économique tendu. En quinze ans, le nombre de navires entrant dans le champ d’application de la loi est passé de seize à sept ; cette évolution, qui s’est traduite par la fermeture de BW Maritime France en 2012 et de Maersk Tankers France en 2014, aurait pu entraîner, à terme, la disparition totale de l’activité de transport sous pavillon français.
Le dispositif est donc à ramener à la volonté de maintien de transport d’hydrocarbures sous pavillon français, mais son appréciation doit également tenir compte de son fondement juridique qui est seulement un objet de sécurité publique, et, au plan économique, de l’activité globale de raffinage en France, dont le Conseil national de l’énergie constate la régression :
« Le déclin « inéluctable » du raffinage européen est par ailleurs quantifié : selon IFP Énergies nouvelles, il pourrait être « amené à reculer de 25 % à 35 % » d’ici à 2035, soit un recul supérieur de 10 points à celui de la consommation intérieure (baisse qui est entre autres due aux directives européennes relatives à la qualité des carburants et aux énergies renouvelables). Dès lors que les raffineries ne peuvent pas supporter un taux d’utilisation inférieur à 75/80 % (taux plancher atteint dans l’Union européenne depuis 2010), toute nouvelle baisse d’activité se traduira mécaniquement par des fermetures de sites. »
Source : CNE
En modifiant la réglementation, par une référence aux quantités mises à la consommation, l’article 60 procède donc à une extension de l’assiette de l’obligation de transport d’hydrocarbures sous pavillon français, et donc des assujettis à cette obligation. Il prévoit que ces assujettis peuvent signer avec les armateurs des contrats de couverture pour s’acquitter de leurs obligations, à défaut de disposer eux-mêmes de navires.
Le Conseil supérieur de la marine marchande a reporté, le 24 septembre 2015, l’examen du décret d’application de l’article, puis n’a pas rendu d’avis après une nouvelle saisine, le 7 décembre 2015, le visa portant la mention : « Vu la saisine du conseil supérieur de la marine marchande », sans qu’aucun document ne retrace ses travaux sur le site du conseil. Votre Rapporteur ne peut que souligner ce non-aboutissement de la procédure consultative prévue par le décret du 29 avril 2002 (n° 2002-647), l’avis étant, juridiquement, réputé donné, à compter du 7 janvier 2016, la première saisine étant caduque. Depuis le 26 février, le mandat triennal des 39 membres du Conseil, structure de dialogue entre les professionnels et l’administration, est d’ailleurs échu. Le décret n° 2016-176 du 23 février 2016 correspond donc également à la volonté de sortir d’une situation de blocage.
Ce texte :
– renvoie à un arrêté le soin de fixer la capacité de transport, dans la limite maximale, inchangée, de 8 %, et prévoit les conditions de calcul annuel, du 1er juillet au 30 juin, date cohérente avec celle de la transmission des données et avec l’exigibilité fiscale ;
– limite la proportion de pétrole lourd pris en compte pour l’obligation à 90 % de la capacité ;
– énumère les éléments qui ne sont pas pris en compte, dont les navires d’un tonnage inférieur à 5 000 tonnes, ce qui exclut des transports par cabotage de quantités mineures ;
– précise la possibilité pour les assujettis de signer un contrat de couverture par lequel un armateur s’engage à maintenir une capacité de transport sous pavillon français ;
– prévoit un rapport d’évaluation tous les deux ans, y compris de façon transitoire, destiné au Conseil supérieur de l’énergie et au Conseil supérieur de la marine marchande.
Intervenant sur un sujet sensible, mais permettant le maintien d’un transport d’hydrocarbures sous pavillon français en dépit de la situation du raffinage, l’article 60 et le décret du 23 février 2016 ramènent donc l’obligation à l’ensemble de la consommation. Pour autant, ils ne précisent pas davantage les conditions dans lesquelles cette obligation sera satisfaite (type de navires, nombre d’emplois …) lesquelles dépendent essentiellement du contrat de couverture, auquel l’administration est partie prenante. Le texte permettra de remplir l’obligation, par exemple en ayant recours seulement à un nombre très limité de navires d’une capacité supérieure à 20 000 tonnes. Les professionnels le considèrent donc comme insuffisamment protecteur.
Ce décret a continué à susciter des critiques, notamment à l’occasion du dépavillonnement du Samco Redwood, navire pétrolier de V. Ships France. Ce dépavillonnement récent fait suite au choix de l’Association pour le pavillon pétrolier français de retenir Socatra et Euronav pour conclure des contrats de couverture mutualisés et d’écarter les offres de V. Ships France et de Sea-Tankers. D’autres navires appartenant à ces compagnies pourraient faire l’objet de dépavillonnements. Cependant, Socatra a quant à lui fait passer un de ses navires, l’Astella, du pavillon Marshall au pavillon RIF.
L’intervention du décret n’a donc pas mis fin aux débats
Une tentative de remise en cause du texte par modification législative, a eu lieu, comme votre Mission l’a constaté sur d’autres sujets. Cette tentative coïncide dans le temps avec la parution du décret.
Un nouveau débat a en effet eu lieu, à l’initiative de notre collègue Arnaud Leroy, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi pour l’économie bleue (n° 2964). En Commission du développement durable (amendement n° 37 CD, après l’article 12), puis en séance le 2 février 2016 (amendement n° 124, après l’article 12 ter), a été présenté un amendement permettant à chaque armateur de recourir aux contrats de couverture et précisant leur contenu, notamment sur le fait que la capacité doit comprendre une part de navires de moins de 20 000 tonnes, afin de mieux assurer une flotte diversifiée en tailles et types de navires. Le Gouvernement a alors rappelé que le système repose sur une nécessité de sécurité d’approvisionnement et qu’il n’est pas destiné à « satisfaire aux besoins de fonctionnement quotidien d’une économie en temps normal ».
Ainsi, seule une justification de sécurité des approvisionnements peut justifier la réglementation telle qu’elle résulte de l’article 60, alors que les professionnels cherchent une sécurité d’activité et d’emploi.
Ces amendements n’ont pas été adoptés à l’Assemblée nationale mais, lors de l’examen du texte en séance publique au Sénat, un amendement similaire présenté par Mme Des Esgaulx, MM. Pintat, César et D. Laurent (amendement n° 65 rectifié) a été adopté. Ce dispositif a été modifié par la commission mixte paritaire, et constitue l’article 59 de la loi n° 2016-816 du 20 juin 2016 pour l’économie bleue. Il modifie l’article L. 631-1 du code de l’énergie pour prévoir que la capacité de transport maritime sous pavillon français dont les raffineurs doivent disposer « comprend une capacité de transport maritime de produits pétroliers et peut comprendre une capacité de transport maritime de pétrole brut, dans des proportions fixées par décret » et précise que « la capacité de transport de produits pétroliers comprend une part assurée par des navires de moins de 20 000 tonnes de port en lourd, dans des proportions fixées par décret ». Par ailleurs, il prévoit que les contrats de couverture d’obligation de capacité doivent être conformes à un contrat type approuvé par arrêté du ministre chargé de la marine marchande et que ces contrats doivent être eux-mêmes approuvés par le ministre.
L’article 59 de la loi pour l’économie bleue remet ainsi en cause le décret du 23 février 2016, et renvoie incontestablement au débat relatif à la libre prestation de services. Toutefois, le décret nécessaire à la mise en œuvre de cet article n’a pas encore été pris et c’est actuellement le décret du 23 février 2016 qui continue à s’appliquer.
Compte tenu de ces éléments, il serait souhaitable :
– que les travaux du Conseil supérieur de la marine marchande (CSMM) et que l’avis du Conseil supérieur de l’énergie soient rendus publics, et que l’absence d’avis du CSMM soit justifiée ;
– que le CSMM soit rapidement reconstitué ;
– que les rapports d’évaluation soient rendus publics et adressés par courtoisie, aux commissions parlementaires compétentes.
Article 61
Servitude de marchepied : itinéraire inscrit au plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée.
Compte tenu de la codification du droit de l’urbanisme par l’ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015, ce texte, qui ouvre aux plans départementaux des itinéraires de promenade et de randonnée la possibilité d’emprunter les emprises de marchepied, est d’application directe.
Article 62
Servitude de marchepied : cours d’eau ou lac domanial
Ce dispositif, qui prévoit que les servitudes de passages doivent être continues le long des cours d’eau ou lacs domaniaux, est également applicable de lui-même.
Des difficultés existent cependant s’agissant de la définition des cours d’eau. Une circulaire du ministère de l’Écologie et du Développement durable du 2 mars 2005, relative à la définition de la notion de cours d’eau, retient deux critères : la présence et la permanence d’un lit naturel à l’origine, ce qui exclut un canal ou un fossé creusé et la permanence d’un débit suffisant une majeure partie de l’année, critère apprécié au cas par cas en fonction de données climatiques et hydrologiques locales et à partir de « présomptions » (indication sur une carte IGN ou éléments cadastraux). Un arrêt du Conseil d’État EARL Cintrat du 21 octobre 2011, confirme ces critères (44).
Une notion distincte existe cependant par exemple à l’article D 615-46 du code rural, puisque cet article impose qu’une largeur de cinq mètres au minimum soit maintenue entre les cours d’eau et la partie cultivée des terres agricoles. L’arrêté du 24 avril 2015 relatif aux règles de bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) du ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt (45) précise quels sont les cours d’eau le long desquels un agriculteur doit laisser une bande de 5 mètres en herbe, surface sur laquelle l’utilisation de traitements phytopharmaceutiques est interdite (46). Le critère tiré de la cartographie de l’Institut géographique national n’est pas systématique, les départements y sont classés en quatre catégories.
Il n’est donc pas surprenant qu’une instruction ministérielle du 3 juin 2015 (Devl 1506776 J) demande aux DREAL et aux directions départementales du territoire de procéder à une cartographie numérique des cours d’eau : on s’étonnera simplement du caractère tardif de cette instruction.
Votre Rapporteur souhaite que l’application de cet article, comme la prohibition d’utilisation des produits phytopharmaceutiques, étendue par l’article 68 de la présente loi, et celle du code de l’environnement, notamment des articles L. 214-9 (aménagements hydrauliques), L 214-17 et L 214-18 (zones de circulation et de fraye) ne souffrent pas de disparités résultant de définitions variables de la notion de cours d’eau.
Article 63
Servitude de marchepied : fixation de la limite des emprises
Cet article prévoit que les associations d’usagers, comme les communes, les EPCI, les départements ou les syndicats mixtes, peuvent demander à l’autorité administrative d’établir les limites des servitudes de marchepied. Un délai d’un an suivant la date de la demande est alors imposé pour que cette délimitation intervienne. Ces dispositions sont d’application directe.
Chapitre IV
Mesures de planification relatives à la qualité de l’air
Nombre des interlocuteurs de la Mission ont insisté sur le fait que la loi du 17 août 2015 est la première à comporter un dispositif opératoire spécifiquement consacré à la qualité de l’air, destiné à mettre effectivement en œuvre le « droit reconnu à chacun à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé » (article L. 220-1 du code de l’environnement).
Article 64
Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques
L’adoption d’un plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques est prescrite, depuis le 1er octobre 2002, par la directive 2001/81/CE du 23 octobre 2001 fixant des plafonds d’émission nationaux pour certains polluants atmosphériques, et a donné lieu à de nombreuses déclinaisons législatives : plan de protection de l’atmosphère, plan de déplacements urbains, etc. L’article 17 du projet de loi visait donc à actualiser le droit en créant un plan national intégrant des objectifs de réduction des émissions de polluants, plan devant faire l’objet d’une réévaluation quinquennale.
On peut s’interroger sur la pertinence du choix consistant à mettre en place un nouveau document sans regrouper en un seul les outils de planification de la qualité de l’air : l’article 64 prévoit ainsi de décliner les objectifs dans les schémas régionaux et dans les plans de protection de l’atmosphère. Sans rien ignorer de l’importance du sujet, votre Rapporteur souhaiterait qu’un travail d’harmonisation et de regroupement soit effectué. Ce souhait est d’autant plus formulé que selon Légifrance, le décret fixant les objectifs aurait dû paraître en juin 2016, ce qui fait que l’application de cet article n’est nullement satisfaisante.
Article 65
Contrôle technique des véhicules particuliers ou utilitaires légers : émissions de polluants et de particules fines
Issu de l’article 17 bis, dans une rédaction de la commission du Sénat, alors qu’initialement un amendement de M. Philippe Plisson avait prévu d’instaurer une obligation de diagnostic pour les transactions de véhicules d’occasion de quatre ans et plus, sur le modèle du bilan énergétique obligatoire exigé dans toute transaction immobilière, cet article porte sur le contenu des contrôles techniques de véhicules, d’une façon générale.
En cohérence avec l’article 48-I, il prévoit que : « ce contrôle porte sur les niveaux d’émissions de monoxyde de carbone, d’hydrocarbures imbrûlés, d’oxydes d’azote, de dioxyde de carbone et d’oxygène ainsi que de particules fines et permet de vérifier que le moteur est à l’optimum de ses capacités thermodynamiques. » et doit faire l’objet d’un décret d’application avant le 1er janvier 2017.
Ce mécanisme, sensible pour bien des automobilistes, n’a pas connu de retard d’application.
Le décret n° 2016-812 du 17 juin 2016 complète le contenu des contrôles techniques par la mesure des niveaux d’émission d’oxydes d’azote et de particules fines, tandis que le contrôle pour le diesel est plus précis : « mesure des niveaux d’émissions de monoxyde de carbone, d’hydrocarbures imbrûlés, d’oxydes d’azote, de dioxyde de carbone et d’oxygène. ». Au plus tard le 1er juillet 2017, ces méthodes seront harmonisées pour être pleinement mises en application au plus tard le 1er janvier 2019. Dans un premier temps, les contrôles se déroulent sans restitution dans les attestations.
L’article sera donc pleinement appliqué seulement en 2019, ce qui s’explique parfaitement par le temps nécessaire à l’adaptation des équipements, des centres de contrôle technique, mais aussi à la mise en place de normes centralisées.
Comme l’a mentionné la stratégie de développement de la mobilité propre, votre Rapporteur souligne que le comité interministériel pour la sécurité routière du 2 octobre 2015 a prévu la mise en place d’un contrôle technique lors de la vente des deux roues, qui entre en vigueur en octobre prochain. En rappelant, comme l’a fait le comité qu’un tel contrôle est en vigueur dans 17 pays de l’Union, il ne peut que souligner le bien-fondé d’une telle mesure, concernant environ 600 000 transactions par an (1/5e du parc), qui portera notamment sur les émissions polluantes.
Article 66
Planification territoriale en matière de qualité de l’air
Issu de l’article 18 du projet de loi, cet article adapte le droit applicable aux plans de protection de l’atmosphère (P.P.A.).
Les listes des agglomérations de plus de 100 000 et 250 000 habitants, seuils déterminants de l’application des articles L. 222-4 (obligation de mise en œuvre d’un plan de protection de l’atmosphère) et L. 221-2 (obligation de mise en place d’un dispositif de surveillance de la qualité de l’air et de ses effets sur la santé) du code de l’environnement et L. 1214-3 du code des transports (obligation de mise en place d’un plan de déplacements urbains) sont désormais fixées par arrêtés ministériels et mises à jour au moins tous les cinq ans. En conséquence, le décret n° 2016-848 du 28 juin 2016 adapte le code de l’environnement.
En outre, le décret n° 2016-753 du 7 juin 2016 relatif aux évaluations des émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques à réaliser dans le cadre des plans de déplacements urbains prévoit les modalités d’élaboration des évaluations des émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques prévues pour ces plans.
Le G.A.R.T. souligne que la principale nouveauté de l’article réside dans l’évaluation des émissions de polluants atmosphériques et l’extension du dispositif d’évaluation aux plans locaux d’urbanisme intercommunaux, ce dont votre Mission souligne à son tour l’aspect positif.
Article 67
Obligation d’information de leurs clients par leurs prestataires de transport
« Toute personne qui commercialise ou organise une prestation de transport de personnes, de marchandises ou de déménagement doit fournir au bénéficiaire de la prestation une information relative à la quantité de gaz à effet de serre émise par le ou les modes de transport utilisés pour réaliser cette prestation » (article L. 1431-3 du code des transports).
Ce dispositif, antérieurement limité seulement au dioxyde de carbone, est applicable pour l’instant, sans texte, au territoire national et l’objet de l’article 67 est de l’étendre au-delà des frontières, en fonction d’une réglementation européenne ou internationale attendue.
On peut s’interroger sur la portée d’un tel mécanisme législatif, qui subordonne donc la loi nationale à l’existence éventuelle de normes relevant du droit européen ou international.
Article 68
Interdiction d’utilisation des produits phytosanitaires
Le dispositif d’interdiction des produits phytosanitaires est l’un de ceux dont l’application est la plus débattue. Il s’inscrit dans une longue série d’actions publiques pour réduire l’utilisation, nocive, de ces produits.
Dès juin 2006, un plan interministériel de réduction des risques liés aux pesticides a été mis en place et le « Grenelle de l’environnement » a confirmé les orientations de ce plan en prenant plusieurs engagements. Parmi ceux-ci, la réduction de moitié, à l’horizon de 10 ans, de l’emploi de pesticides de synthèse (plan « ECOPHYTO 2018 ») et le passage en agriculture biologique à 6 % de la surface agricole utile en 2010, en visant 20 % en 2020.
En 2008, plusieurs autres mesures ont été prises, notamment l’interdiction des trente produits jugés les plus toxiques, l’instauration d’une taxe sur les phytosanitaires, progressive en fonction de leur niveau de toxicité, taxe qui devrait augmenter au fil des années (actuellement régie par l’article L 853-8-2 du code rural) et l’octroi de crédits d’impôt en faveur de l’agriculture biologique. La publicité commerciale de ces produits est, en outre, interdite (L. 253-5 du code rural, loi du 13 octobre 2014).
C’est essentiellement la loi du 6 février 2014 qui posait, antérieurement au présent article, le cadre restrictif de l’utilisation de ces produits. Cette loi comporte deux volets :
– l’article L. 253-7 du code rural organise l’utilisation restrictive ou l’interdiction d’usage des produits phytosanitaires, définis par l’article L. 253-1 du même code, par référence à la réglementation européenne (Règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009). Le II de cet article du code rural fait interdiction à l’État, aux collectivités territoriales et à leurs groupements, ainsi qu’aux établissements publics « d’utiliser ou de faire utiliser les produits phytopharmaceutiques mentionnés au premier alinéa de l’article L. 253-1 du présent code, à l’exception de ceux mentionnés au IV du présent article, pour l’entretien des espaces verts, des forêts ou des promenades accessibles ou ouverts au public et relevant de leur domaine public ou privé. Cette interdiction ne s’applique pas aux traitements et mesures nécessaires à la destruction et à la prévention de la propagation des organismes nuisibles mentionnés à l’article L. 251-3, en application de l’article L. 251-8. ». Cette règle devait s’appliquer à partir du 1er janvier 2020 ;
– un second volet prévoit l’interdiction, à compter du 1er janvier 2022, de la mise sur le marché, de la délivrance, de l’utilisation et de la détention de produits phytosanitaires pour un usage non professionnel, et concerne donc les particuliers.
L’article 68 de la loi :
– ajoute au champ des interdictions « les voiries » ; votre Rapporteur estime qu’il serait utile d’y rappeler la notion de cours d’eau, dès lors que celle-ci ferait l’objet d’une définition homogène, ce qui ne modifierait en rien le principe des interdictions existantes ;
– anticipe la date d’entrée en vigueur du premier volet, de 2020 au 1er janvier 2017 ;
– permet l’utilisation des produits phytopharmaceutiques « pour l’entretien des voiries dans les zones étroites ou difficiles d’accès, telles que les bretelles, échangeurs, terre-pleins centraux et ouvrages, dans la mesure où leur interdiction ne peut être envisagée pour des raisons de sécurité des personnels chargés de l’entretien et de l’exploitation ou des usagers de la route, ou entraîne des sujétions disproportionnées sur l’exploitation routière » ;
– restreint les possibilités, déjà dérogatoires, de pulvérisation aérienne (soumises à autorisation et temporaires) au seul cas de « danger sanitaire grave », cette interdiction prend effet au 31 décembre 2015 ;
– anticipe le second volet au 1er janvier 2017. À compter de cette date, les produits phytopharmaceutiques ne peuvent être cédés directement en libre-service à des utilisateurs non professionnels ; d’ici cette date, un programme de retrait de la vente en libre-service est mis en place.
Suite à une disposition adoptée en première lecture à l’Assemblée, visant seulement à anticiper les dates d’entrée en vigueur des dispositions, le débat le plus complet sur ce point a eu lieu le 13 février 2015, (article 18 bis), au Sénat, marquant les réticences du Rapporteur sénatorial sur l’extension à la voirie et sur la notion de « danger sanitaire grave ». La partie technique est actuellement régie par un arrêté du 12 septembre 2006, modifié sur un point technique par arrêté du 12 juin 2015, dont a priori, la modification ne s’impose pas, même s’il comporte un dispositif spécifique sur les points d’eau : il inclut déjà, de ce fait, la voirie.
La modification, actuellement envisagée de cet arrêté, pour étendre une interdiction aux zones cultivées non adjacentes ou en périphérie des lieux d’habitation, n’est donc pas directement due au présent article.
En effet, le texte est d’effet direct, sans nécessiter de dispositif d’application. Pour autant, l’article 68 n’éteint pas d’autres débats.
Ainsi, lors du débat du projet de loi de reconquête de la biodiversité, le 22 janvier 2016, le Sénat a rejeté (à l’article 51 quaterdecies) des amendements prévoyant d’interdire l’usage des néonicotinoïdes, que ce soit à échéance du 1er septembre 2016 ou du 1er janvier 2017, qui s’appuient sur un rapport de l’ANSES du 12 janvier 2016, (n° 2015-SA-0142) et contrairement à la position prise en première lecture par l’Assemblée. Un amendement a été adopté en en deuxième lecture, le 17 mars 2016, pour rétablir cette interdiction, à effet du 1er janvier 2017. Ce dispositif est devenu l’article 125 de la loi, à effet du 1er septembre 2018. Ce dispositif, auquel votre Rapporteur a pris toute sa part, résulte ainsi d’une volonté parlementaire longuement débattue : il convient, ici comme ailleurs de veiller à ce que toute tentative de retour en arrière soit écartée.
Le 14 février 2016, à Bordeaux, a eu lieu une manifestation contre l’utilisation de tels produits dans les vignes. Même si on peut estimer, d’ici quelques années que de nouveaux cépages, obtenus par hybridations, permettront de limiter ces usages, pour l’instant ceux-ci sont en expérimentation notamment à l’INRA de Colmar, le plus avancé sur le sujet.
L’interdiction, toujours débattue, de produits agressifs pour l’environnement constitue également une incitation à la recherche agronomique.
TITRE IV
LUTTER CONTRE LES GASPILLAGES ET PROMOUVOIR L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE : DE LA CONCEPTION DES PRODUITS À LEUR RECYCLAGE
(Rapporteure : Mme Buis)
Passagers clandestins d’un texte qui ne traitait pas du sujet – seules trois dispositions définissant l’économie circulaire et portant sur les éco-organismes étaient prévues par le projet de loi initial – les 33 articles du Titre IV sont très largement dus au débat parlementaire. La loi a ainsi été enrichie d’un volet relatif au tri, à la collecte et au traitement des déchets, dans le cadre du système de responsabilité élargie du producteur, appliqué à de nouveaux domaines : tissus d’ameublement, literie, navires de plaisance ou bouteilles de gaz, et la question de son extension à la maroquinerie est posée par l’article 92.
Ce Titre comporte également de nouveaux objectifs, volontaristes, de tri et de traitement des déchets et de réduction de leurs volumes. S’il procède par quelques prohibitions, dont celle, emblématique, des sacs et ustensiles de vaisselle plastiques, il s’inscrit plutôt dans une démarche de droit souple, incitant de manière non directive à des comportements vertueux. Peut-être, sur certains points, la loi gagnerait-elle à définir, prohiber ou à permettre des sanctions adaptées.
En termes d’application, il convient de souligner que 22 des articles du présent Titre ne nécessitent pas de texte règlementaire. Les autres dispositions renvoient à 17 reprises à des textes d’application, dont 11 décrets en Conseil d’État. L’application apparaît globalement, satisfaisante, ce qui n’exonère nullement votre Mission d’une analyse détaillée de chaque dispositif. Celle-ci ne peut se faire que par référence aux objectifs posés par l’article 70, et donc à la situation actuelle.
Le traitement des déchets fait apparaître que la France est dans une situation satisfaisante par rapport aux autres pays européens, même si un débat existe au niveau de l’Union sur les normes. Si celles-ci devaient retenir le moins disant, les efforts accomplis en France ne traduiraient pas la situation réelle du pays. Le taux de recyclage des déchets s’élève en France à 60 %. En 2011, le taux de recyclage des emballages est de 88 % pour les papiers-cartons, 74 % pour les métaux, 23 % pour les plastiques et 71 % pour le verre.
La France compte plus de 4 000 déchetteries qui traitent 30 millions de tonnes de déchets par an, et si un manque existe au niveau de la collecte, il porte essentiellement sur les points et bornes de collecte, parfois insuffisants.
Sur les 90 millions de tonnes que représentent les déchets non minéraux non dangereux, dont 26 millions de tonnes sont produits par l’industrie et 22,1 millions de tonnes par les ménages, un tiers est composé de déchets banals (métaux, papiers, verres, plastiques), à fort potentiel de valorisation. Les déchets non minéraux non dangereux, sont traités pour près de la moitié avec un taux de recyclage de 44 %, leur taux de valorisation global est de 60 %.
C’est essentiellement vers le plastique et le bois qu’il faut faire porter désormais les efforts. Dans cette perspective, le Titre IV présente un ensemble de mesures différenciées, mais permettant une action d’ensemble coordonnée et cohérente pour atteindre les objectifs fixés par l’article 70.
Pour être, donc, entrée tardivement dans le champ de la loi, l’économie circulaire n’en est pas moins d’ores et déjà largement identifiée. Au niveau des biens mis sur le marché, le décret n° 2014-1577 du 23 décembre 2014 relatif à la signalétique commune des produits recyclables qui relèvent d’une consigne de tri, entérine l’utilisation du logo TRIMAN qui s’applique aux produits recyclables. La mise en place de ce logo, sous l’égide de l’ADEME, permet d’identifier les produits recyclables, relevant d’une consigne de tri et qui sont soumis aux dispositifs de responsabilité élargie du producteur, hors équipements électriques et électroniques, piles et accumulateurs et déchets diffus spécifiques (soumis à des marquages spécifiques notamment dans le cadre d’obligations européennes).
La loi étend le système de responsabilité élargie du producteur à des champs nouveaux, qui permettront de maintenir la France dans une situation satisfaisante au niveau du tri sélectif et du retraitement des déchets. Comme le rappelle le cabinet Deloitte dans une étude disponible sur le site de l’ADEME : « Près de 400 dispositifs REP ont été recensés dans le monde par l’OCDE en 2013. Plus de 200 d’entre eux ont été mis en œuvre en Europe, en particulier sous l’impulsion de certaines directives européennes (emballages, DEEE, Piles et accumulateurs, VHU). La France, avec 17 filières REP mises en place sur des produits variés, est le pays où l’adoption de ces dispositifs couvre le plus large champ », champ que la loi a pour ambition d’étendre.
Faut-il aller au-delà ? Certains acteurs, comme par exemple France Nature Environnement plaident pour l’instauration d’une TVA réduite sur les activités de prévention, de collecte et de recyclage au profit des collectivités ayant mis en place une collecte sélective des bio-déchets. Quoi qu’il en soit, une telle fiscalité, sélective, doit éviter d’introduire une complexité supplémentaire dans le système.
Article 69
Stratégie nationale de transition vers l’économie circulaire
Cet article prévoit la mise en place d’une stratégie quinquennale de transition vers l’économie circulaire : ce dispositif ne nécessite pas de textes d’application. Mais il comporte cependant deux petites ambiguïtés : si le texte dispose que le Gouvernement « soumet » cette stratégie au Parlement, rien n’est dit sur la manière dont le Parlement l’examine. Cette ambiguïté est explicable : la loi ne peut prévoir d’organiser un débat parlementaire. En outre, aucune date n’est prévue pour le dépôt de la première stratégie.
Cette stratégie est particulièrement attendue. Comme l’indique notre collègue François Michel Lambert, en sa qualité de président de l’institut de l’économie circulaire : « Nous en réclamons rapidement la parution, car cette stratégie doit permettre de baliser une transformation de la société pour sortir du gaspillage, et pas seulement de traiter des déchets, par une évolution règlementaire et fiscale définie et acceptée à l’avance. Dans cette stratégie devrait aussi être portée la montée en puissance des achats publics coordonnée à l’offre de produits issus de l’économie circulaire, c’est-à-dire recyclés, réutilisés, réemployés, issus de ressources naturelles renouvelables gérées durablement, ou donnant lieu à d’autres démarches comme la fonctionnalité. À cette date aucun document préalable n’a été présenté. »
Votre Mission suggère donc, comme le permet l’article 132 de notre Règlement, que la première stratégie fasse l’objet d’un débat par l’Assemblée, quinze jours au moins après cette « soumission », qu’elle espère prochaine.
Article 70
Transition vers une économie circulaire et objectifs de la politique de prévention et de valorisation des déchets
Cet article vise à donner une définition de l’économie circulaire et de la politique de gestion des déchets, dans le cadre de l’objectif de développement durable (I article L. 110-1 du code de l’environnement). Le texte ne prévoit pas moins de quatre rapports et d’une étude tri-annuelle pour déterminer les progrès de la valorisation énergétique.
Il n’en comporte pas moins, par ailleurs, des dispositions opératoires, y compris dans leur partie programmatique.
Il fixe en particulier comme objectifs :
– la réduction de 10 % de la production de déchets ménagers à l’horizon 2020 (base 2010) ;
– la valorisation, à la même date, de 55 % des déchets non dangereux non inertes et la réduction à la même date de 30 % du flux de ces déchets admis en stockage ;
– le tri de l’ensemble des emballages plastique d’ici 2022 ;
– la généralisation du tri à la source d’ici 2025 ;
– la valorisation sous forme de matière de 70 % des déchets du secteur du BTP en 2020.
Ce dernier objectif donne une idée du chemin restant à parcourir, si on se fonde sur le rapport que l’ADEME a fait paraître le 29 septembre dernier dans le cadre du projet DEMOCLES, démarche collaborative intégrant l’ensemble de la chaîne des acteurs du bâtiment concernés par la gestion des déchets de second œuvre lors de chantiers de démolition ou de réhabilitation.
Rapport de l’ADEME sur les déchets des bâtiments (47)
On estime la production annuelle des déchets du bâtiment à 38,2 millions de tonnes :
49 % de déchets inertes (qui ne se décomposent pas, ne brûlent pas et n’entretiennent aucune réaction avec l’environnement)
48,6 % des déchets non dangereux (définis par défaut)
2,4 % des déchets dangereux (bois traités, sources lumineuses, etc..).
Ces derniers, comme l’amiante ou le plomb sont exclus du champ de l’objectif de valorisation. L’ADEME estime que ce taux était de 50 % (chiffre 2008). L’objectif de 70 % n’est donc pas hors de portée. L’ADEME a identifié l’essentiel des blocages concernant les déchets de second œuvre, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas constitutifs de la structure du bâtiment qui représente un flux de 10,2 millions de tonnes par an et sont classés en 24 catégories et pour lesquelles 14 filières de valorisation ont été identifiées, intégrant les conditions de reprise sur les chantiers (en particulier le conditionnement requis). Recyclés pour l’instant à moins de 35 % en moyenne, ces déchets, selon, les conclusions du projet pourraient l’être jusqu’à 80 % à périmètre de coût constant. Le non-mélange des déchets dans les bennes, lors de la phase d’évacuation vers le centre de traitement du gestionnaire des déchets, en permettrait une valorisation optimale.
Le rapport élabore des recommandations concrètes à l’usage des maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre pour la gestion des déchets (prise en compte de la gestion des déchets dans les documents de consultation des entreprises, suivi de la gestion des déchets pendant la phase de réalisation des chantiers, ...), et sur les compétences requises pour la dépose sélective (formation à la dépose sélective pour les conducteurs de travaux, les chefs de chantier, les ouvriers de la démolition…). En particulier, il suggère une formation spécifique dans les écoles d’architectes.
Cet exemple témoigne bien de la nécessaire implication de tous les acteurs pour que les objectifs de la loi puissent être atteints. Au-delà, le présent article ne nécessite aucun texte d’application, si ce n’est une adaptation du « cadre règlementaire » applicable aux combustibles solides de récupération. Toutefois, on peut situer comme contribuant à la mise en œuvre de cet article l’essentiel des dispositions du décret n° 2016-288 du 10 mars 2016 portant diverses dispositions d’adaptation et de simplification dans le domaine de la prévention et de la gestion des déchets.
Prévention et gestion des déchets : le décret n° 2016-288 du 10 mars 2016
Le décret prévoit que la collecte des ordures ménagères se fasse au moins une fois par semaine en porte à porte, ou suivant des modalités de collecte de performances équivalentes, dans les zones agglomérées de plus de 2 000 habitants permanents et non plus de 500 comme tel était le cas auparavant. Ces modalités de collecte ne s’appliquent pas dans les zones où ont été mises en place une collecte des ordures ménagères résiduelles par apport volontaire ou une collecte séparée des biodéchets.
Les modalités de collecte sont déterminées par le maire ou le président du groupement de collectivités territoriales compétent, par arrêté motivé, après avis de l’organe délibérant de la commune ou du groupement, puis portées à la connaissance des administrés par la mise à disposition d’un guide de collecte. Le décret précise les éléments devant figurer dans ce guide (porte à porte, collectes séparées, apport en déchetterie, mécanisme de financement, sanctions etc.).
Le préfet peut édicter des dispositions dérogeant temporairement ou de façon saisonnière aux modalités de collecte, par arrêté motivé, pris après avis de l’organe délibérant des communes ou des groupements de collectivités territoriales compétents pour la collecte des déchets des ménages et du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques.
Votre Rapporteure, tout en soulignant les brefs délais de parution du décret estime :
– que le délai de parution des guides doit être aussi approché que possible de la parution des arrêtés municipaux ;
– que l’exception liée aux biodéchets, en ce qu’elle se réfère aux quantités ainsi soumises à collecte séparée risque de s’avérer complexe.
Il reste que le texte lui-même est perfectible, comme en témoigne l’analyse suivante de la FEDEREC.
Un des moyens de soutenir l’activité des entreprises du recyclage comme d’augmenter les volumes de MPR mises sur le marché réside dans l’application réelle et concrète d’une mesure phare de la loi dite TECV : la réduction de 30 % les quantités de déchets non dangereux non inertes admis en installation de stockage en 2020 par rapport à 2010, et de 50 % en 2025 (I. 7° de l’article L. 541-1 du code de l’environnement). À ce jour, les pouvoirs publics considèrent que cet objectif pourra être atteint par la seule incitation à travers la mise en place des Plans Régionaux de Prévention et de Gestion des Déchets (PRPGD) or les Conseils Régionaux n’ont aucun pouvoir de police susceptible de réguler les volumes envoyés en décharges. Certes, les préfets peuvent décider de ne plus accorder d’autorisation d’exploitation ou d’extension pour les sites existants, mais le surdimensionnement des sites de stockage actuellement en exploitation sur le territoire national est tel que ce pouvoir de police ne sera d’aucune utilité pour limiter les entrées en décharge. Seules les obligations faites aux exploitants d’un pourcentage toujours croissant de valorisation matière seraient de nature à infléchir la tendance. Malheureusement aujourd’hui, ces objectifs fixés par les éco-organismes sont encore trop souvent considérés comme des seuils qui, une fois atteints, conduisent directement le reste des déchets concernés en incinérateur ou en décharge. Si l’augmentation de la valorisation matière des déchets non dangereux non inertes à 55 % en 2020 et 65 % en 2025 est elle aussi prévue par la loi, il faut que ces deux mesures s’accompagnent d’une incitation plus ferme, qui pourrait passer par la mise en place de mesures adaptées annexées aux autorisations d’exploitation et présentant des plans de réduction des volumes annuels donnant lieu à sanction en cas de dépassement.
Source : Federec
Article 71
Intégration dans le cahier des charges des concessions hydrauliques de conditions relatives à la récupération et à la valorisation des bois flottants
Cet article inclut le retraitement des bois flottants dans le contenu des charges des concessions hydrauliques. Il n’y a que cet article de la loi qui implique une modification du contenu du cahier des charges des concessions hydroélectriques (défini à l’article L. 521-4 du code de l’énergie). Il ne nécessite aucun décret d’application. Toutefois, le décret n° 2016-530 du 27 avril 2016 relatif aux concessions d’énergie hydraulique et approuvant le modèle de cahier des charges applicable à ces concessions prévoit un nouveau modèle de cahiers des charges dans lequel il est établi que le concessionnaire récupère les bois flottants accumulés sur ses installations en vue d’une valorisation ultérieure lorsqu’elle est techniquement possible. Les bois flottants et dérivants extraits de la retenue sont ensuite traités suivant les dispositions législatives et réglementaires en vigueur. Le décret précise que ces modalités ne peuvent conduire à générer des risques excessifs pour les personnels du concessionnaire ou pour la sécurité de l’exploitation. La nouvelle disposition de récupération des « bois flottant » s’applique à toutes les concessions. Selon ce décret du 27 avril, « pendant toute la durée de la concession, le concessionnaire garantit la conformité des ouvrages au contrat de concession ainsi qu’aux dispositions législatives et réglementaires et aux normes en vigueur ».
Le nouveau modèle de cahiers des charges figure en annexe du décret du 27 avril 2016. Cette dernière précise en préambule que ce modèle de cahier des charges constitue une trame pouvant être adaptée ou complétée au cas par cas afin de prendre en compte les spécificités de chaque concession.
Le cahier des charges des concessions hydroélectriques se compose désormais de 11 chapitres : objet et règles générales de la concession ; consistance domaniale de la concession et règles financières ; obligations générales relatives à la sécurité et à la gestion de l’eau ; entretien, renouvellement et exploitation des ouvrages ; suivi de l’exécution du contrat et événements pouvant survenir en cours d’exécution du contrat ; gestion des personnels ; régime financier de la concession ; contrôles et sanctions ; fin de la concession ; stipulations finales.
Ce nouveau cahier des charges remplace l’ancien cahier des charges types des entreprises hydrauliques concédées, publié par le décret n° 99-872 du 11 octobre 1999 modifié, qui est abrogé depuis le 1er mai 2016, date d’entrée en vigueur du décret du 27 avril 2016.
Votre Rapporteure estime que ces dispositions sont à même d’optimiser l’utilisation de nos ressources naturelles, ce qui était l’objectif de l’amendement à l’origine de cet article. Elle s’interroge toutefois sur le point de savoir si ce cahier des charges, et la loi nouvelle ne doivent être respectés que lors de l’octroi d’une concession d’énergie hydraulique précédé d’une publicité et d’une mise en concurrence ou s’ils doivent conduire à modifier les concessions existantes.
En effet, l’article 71 est applicable, mais les concessions déjà conclues ne sont pas rétroactivement soumises au décret du 27 avril 2016, sous peine de porter atteinte par voie règlementaire, à l’économie des concessions en cours, auxquelles sont applicables les règles générales relatives aux situations contractuelles. Elle souhaite donc que cette ambiguïté soit levée, y compris au besoin par une précision législative, et elle penche personnellement pour une application de la loi nouvelle, dont l’application n’est pas subordonnée à la parution d’un texte réglementaire, et compte tenu de son objet, aux concessions en cours.
Article 72
Intégration d’objectifs en matière de consignes dans les cahiers des charges des éco-organismes
Le dispositif ajoute aux mentions des cahiers des charges des éco-organismes les dispositifs de consigne pour recyclage. Il figure toutefois au nombre des mesures d’application nécessaires selon Légifrance.
Article 73
Interdiction à compter du 1er janvier 2020 de la mise à disposition des gobelets verres et assiettes jetables de cuisine en matière plastique
Cet article, dû à l’adoption d’un amendement de notre collègue François Michel Lambert, a explicitement été jugé conforme à la Constitution. Il prévoit d’étendre « la mise à disposition » des gobelets, verres et assiettes jetables de table en matières plastiques non constitués de matières biosourcées, c’est-à-dire qu’il impose une part d’origine biologique de matière incorporée dans ces ustensiles.
Selon une enquête de l’INSEE (48) de 2008, ces éléments représentent 30 000 tonnes de plastique par an.
Le Sénat avait tenté de substituer à l’interdiction un système de tri à la source et de collecte séparée de ces déchets, mais un tel système aurait été concrètement, particulièrement difficile à mettre en place.
Il convient de souligner que seule la « mise à disposition » de ces ustensiles est visée par le texte. La distinction entre emballages et ustensiles est à cet égard pertinente. De ce fait, par exemple, les compagnies aériennes, qui servent des boissons dans des gobelets en plastique, et parfois de la nourriture ainsi conditionnée ne sont pas concernées : il s’agit de récipients d’emballage, qui ne sont pas concernés par cet article et qui, pour leur part, répondent à la définition donnée par l’article 3 de la directive européenne du 20 décembre 1994 (49), texte que d’ailleurs le présent article ne transpose pas, comme l’a relevé le Conseil constitutionnel.
Conseil Constitutionnel, décision n° 2015- 773 DC du 13 août 2015
25. Considérant que l’article 73 est relatif à l’interdiction de la mise à disposition d’ustensiles jetables de cuisine en matière plastique à compter du 1er janvier 2020 ; qu’il complète l’article L. 541-10-5 du code de l’environnement par un paragraphe III, dont le premier alinéa prévoit, à compter du 1er janvier 2020, la fin de la mise à disposition des « gobelets, verres et assiettes jetables de cuisine pour la table en matière plastique, sauf ceux compostables en compostage domestique et constitués, pour tout ou partie, de matières biosourcées » ; que le second alinéa du nouveau paragraphe III de l’article L. 541-10-5 renvoie à un décret le soin de fixer les modalités d’application du premier alinéa ;
26. Considérant que les députés requérants soutiennent qu’en interdisant la mise à disposition d’ustensiles de cuisine qui répondent à la qualification d’« emballage » au sens de la directive européenne du 20 décembre 1994 relative aux emballages et aux déchets d’emballages, l’article 73 méconnaît l’article 88-1 de la Constitution ; qu’ils reprochent également à cet article de méconnaître l’objectif d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ;
27. Considérant que les dispositions contestées n’ont pas pour objet de transposer une directive européenne ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l’article 88-1 de la Constitution est inopérant ;
28. Considérant que les dispositions de l’article 73, qui ne sont pas inintelligibles et ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution ;
Le décret n° 2016-1170 du 30 août 2016 relatif aux modalités de mise en œuvre de la limitation des gobelets, verres et assiettes jetables en matière plastique était prévu par cet article pour fixer la teneur biosourcée minimale des gobelets, verres et assiettes et conditions dans lesquelles cette teneur est progressivement augmentée. Il retient (article D. 543-296 du code de l’environnement) que la teneur biosourcée minimale des gobelets, verres et assiettes jetables de cuisine pour la table en matière plastique est de 50 % à partir du 1er janvier 2020 et de 60 % à partir du 1er janvier 2025.
Au niveau législatif et règlementaire, le dispositif est donc complet. On peut s’interroger sur le délai prévu pour la mise en œuvre de cette prohibition, mais il convient de souligner que la date de 2020 est destinée à permettre une adaptation des fabricants – lesquels estiment que 650 emplois sont en cause – mais aussi un apurement de la question de la compatibilité d’une telle interdiction avec le droit européen. Une notification (n° 2016/95/F) a été adressée à la Commission européenne, le 26 février 2016, et le dispositif est donc validé au regard du droit de l’Union. Le respect scrupuleux de la procédure explique les délais de parution du décret, au demeurant parfaitement compatibles avec le calendrier prévu pour l’application de cet article.
Votre Mission doit en outre souligner la qualité de l’information fournie sur ce point comme sur l’article suivant, par la direction générale de la prévention des risques.
Article 74
Objectif de découplage entre la croissance économique et la consommation de matières premières
L’article pose le principe du découplage progressif entre le taux de croissance du PIB et la consommation intérieure de matières premières. Il ne nécessite pas de texte d’application.
Le WWF (50) a fait à ce sujet l’observation suivante : « L’amélioration de l’efficacité énergétique et les économies d’énergie constituent un pilier essentiel de la transition énergétique. Les efforts mondiaux en ce domaine peuvent être mesurés grâce à l’intensité énergétique reliant la croissance économique et la consommation d’énergie. Selon Sustainable Energy for All, des progrès en matière d’intensité énergétique (Banque mondiale, 2013) ont mené à une chute de 1,7 % par an sur la période 2010-2012 (51). C’est un meilleur taux que celui de la décennie précédente, mais il n’est pas encore suffisant pour atteindre l’objectif Énergie durable pour tous de 2,6 % par an. Cette tendance récente a essentiellement été tirée par des pays à haut revenu (de 1,5 % par an sur 2000-2010 et 2,6 % sur 2010-2012). »
Cependant, il semble que, concernant la stratégie nationale de transition vers l’économie circulaire incluant un plan de programmation des ressources, seuls quelques travaux sur le plan de programmation des ressources ont été initiés entre les ministères, ce qui fait prendre du retard à la mise en œuvre de ce dispositif.
Article 75
Interdiction de distribution des sacs plastiques
Cet article, dû à l’initiative de votre Rapporteure, mais aussi d’une proposition de loi (n° 1682) de MM. Bruno Le Roux et Arnaud Leroy, prohibe l’usage des sacs de caisse, complétant ainsi l’article 73.
Il insère ces dispositions à l’article L 541-10-5 du code de l’environnement, lequel comportait déjà, depuis la loi du 12 juillet 2010, l’obligation de signalétique portant sur les consignes de tri, sur les emballages ménages et les produits recyclables – à l’exception du verre – et sur l’obligation de reprise des déchets en grande surface.
L’article 75, sans modifier ce dispositif :
– interdit la vente, la mise à disposition et l’usage de sacs fabriqués à partir de plastiques dits « oxo fragmentables » ;
– interdit les sacs de caisse en plastique à compter du 1er janvier 2016 ;
– prohibe, à compter du 1er janvier 2017, les autres sacs en matière plastique dans les points de vente, sauf ceux qui, composés de matières biosourcées, sont recyclables ;
– et prohibe les envois de presse et de publicité sous plastique et de l’usage des autres sacs, à la même date.
Cet article est l’un de ceux dont les incidences concrètes sont les plus facilement identifiables : 5 milliards de sacs plastiques sont mis en circulation chaque année.
Il renvoie, pour la mise en œuvre du dispositif concernant les sacs plastique, applicable à tous les commerces, à un décret en Conseil d’État.
Initialement annoncé pour octobre 2015, ce décret est finalement paru le 30 mars 2016, après une consultation du public, ouverte le 6 août 2015 et close le 11 septembre 2015, et une notification adressée à la Commission européenne le 25 septembre 2015, laquelle a permis la parution du décret.
Directive du 20 décembre 1994, article 4
« 1 bis. Les États membres prennent des mesures visant à réduire durablement la consommation de sacs en plastique légers sur leur territoire.
Ces mesures peuvent comprendre le recours à des objectifs nationaux de réduction, le maintien ou la mise en place d’instruments économiques, ainsi que des restrictions à la commercialisation par dérogation à l’article 18, à condition que ces restrictions aient un caractère proportionné et non discriminatoire.
Ces mesures peuvent varier en fonction des incidences sur l’environnement qu’ont les sacs en plastique légers lorsqu’ils sont valorisés ou éliminés, de leurs propriétés de compostage, de leur durabilité ou de la spécificité de leur utilisation prévue ».
Le décret n° 2016-379 du 30 mars 2016, applicable au 1er juillet 2016, fixe la teneur biosourcée minimale des sacs en matières plastiques à usage unique, définis sans égard au volume de leur contenance, comme tous les sacs inférieurs à 50 microns d’épaisseur :
« – 30 % à partir du 1er janvier 2017 ;
« – 40 % à partir du 1er janvier 2018 ;
« – 50 % à partir du 1er janvier 2020 ;
« – 60 % à partir du 1er janvier 2025.
Ces délais sont de nature à permettre une adaptation progressive des process industriels.
Le décret prévoit d’indiquer par marquage que ces sacs peuvent être utilisés en compostage, doivent faire l’objet d’un tri séparé et ne doivent pas être abandonnés dans la nature.
Ce décret n’appelle aucune remarque, si ce n’est sa date tardive de parution, explicable sans nul doute par sa scrupuleuse conformité avec les normes européennes – notamment sur la définition du polymère par référence au règlement n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil. Ce retard n’entraîne pas concrètement de retard d’application, même si l’article 1er du décret définit les sacs de caisse, dont la prohibition était théoriquement applicable, selon la loi, au 1er janvier 2016.
Pour faciliter l’application de cette nouvelle disposition, l’ADEME a mis en place un soutien financier à hauteur de 30 000 euros maximum pour les collectivités territoriales lauréates de l’appel à projet « territoire zéro déchet zéro gaspillage » qui anticipent l’application de ce dispositif. Cette aide servira à la sensibilisation et à l’information des commerces dans les territoires, mais également à l’achat de sacs réutilisables ou « biosourcés », biodégradables.
Le mécanisme d’ensemble – hors envois de presse et de publicité – devait faire l’objet d’un rapport au Parlement au plus tard le 1er janvier 2018, mais il est peu probable que, compte tenu de la date de parution du décret et de l’entrée en vigueur d’une partie du mécanisme au 1er janvier 2017, les effets puissent être mesurés dès cette date.
En toute hypothèse, votre Rapporteure constate que cet article, comme le précédent ne paraît pas assorti de sanctions en cas de manquement constaté. Elle souhaite donc que le texte soit modifié à cet effet.
Article 76
Schéma de promotion des achats publics responsables
Cet article, qui modifie l’article 13 de la loi relative à l’économie sociale, est dû à l’adoption d’un amendement de votre Rapporteure, pour prévoir que l’adjudicateur d’un marché public doit adopter un schéma de promotion des achats publics, non seulement socialement mais également écologiquement responsable et en assure la publication ; il précise que le schéma inclut des éléments à caractère écologique et « contribue également à la promotion d’une économie circulaire ».
Il ressort de l’article 2 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, qui a abrogé les dispositions actuelles du code des marchés, que : « la décision de l’acheteur prend notamment en compte les impératifs de sécurité de l’information et d’approvisionnement, la préservation des intérêts de la défense et de la sécurité de l’État, l’intérêt de développer la base industrielle et technologique de défense européenne, les objectifs de développement durable, l’obtention d’avantages mutuels et les exigences de réciprocité ».
Votre Rapporteure doit reconnaître que ce dispositif, d’ordre incitatif, adopté par la commission spéciale en septembre 2014, perd un peu de sa cohérence du fait de l’ordonnance du 23 juillet 2015, dans lequel il aurait dû être intégré.
En outre, l’article 13 de la loi n° 2014-856, qui prévoit l’existence de ce schéma de promotion des achats publics ne s’applique qu’aux marchés d’un montant supérieur à 100 millions d’euros hors taxe (décret n° 2015-90 du 28 janvier 2015), ce dispositif étant lui aussi postérieur au vote du dispositif.
Aussi serait-il souhaitable que le dispositif soit intégré au code des marchés, et que l’économie circulaire soit mentionnée au titre des critères de choix des décisions d’adjudication.
Article 77
Enlèvement des épaves de véhicules. Récupération des véhicules. Gestion des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE). Contrôle des transferts transfrontaliers de déchets.
Cet article porte à titre principal sur l’enlèvement des épaves de véhicules sur la voie publique, par le maire, et après injonction au propriétaire s’il est connu.
Le I fixe les conditions dans lesquelles le maire peut faire enlever une épave, soit vers une casse, même si ce véhicule est sur une propriété privée, soit vers une mise en fourrière si le véhicule est réparable et le II prévoit la remise des véhicules à la casse par les assureurs. Les pouvoirs du maire sont ainsi comparables à ceux qu’il détient en matière d’immeubles menaçant ruine (articles L. 511-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation et 2213-24 du code général des collectivités territoriales), également justifiés par un pouvoir général de police dans l’intérêt de la salubrité publique et de l’environnement. Si à la connaissance de votre Rapporteure ces dispositions n’ont jamais fait l’objet d’une QPC, même lorsqu’il s’agit d’une propriété privée, il n’apparaît pas douteux que l’intérêt général justifie totalement de tels dispositifs.
Le III édicte l’obligation pour les opérateurs de déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) de passer un contrat avec un éco organisme pour assurer le traitement de ces déchets. Ce sont tous les opérateurs, publics ou privés, en charge de la collecte et/ou du traitement de ces déchets d’équipements électriques et électroniques, qui sont désormais débiteurs de cette obligation de contracter, et non plus seulement les opérateurs de traitement. Les déchets d’équipements électriques et électroniques ménagers sont concernés ainsi, à compter du 1er janvier 2017, que les déchets d’équipements électriques et électroniques professionnels. Le V en fixe l’entrée en vigueur au 1er janvier 2017.
La section 2 du décret n° 2016-288 du 10 mars 2016 portant diverses dispositions d’adaptation et de simplification dans le domaine de la prévention et de la gestion des déchets applique cette obligation.
Un opérateur de traitement doit contracter directement, soit avec un éco-organisme, soit avec un système individuel. Ce faisant, ce décret interprète l’article L. 541-10-2 du code de l’environnement (52) tel qu’il résulte de l’article 70, comme permettant de réaliser une chaîne de contrats, jusqu’à un éco-organisme ou un système individuel. Ainsi, un opérateur de collecte, de transit ou de regroupement doit contracter, soit avec un éco-organisme, soit avec un système individuel, soit avec un opérateur de traitement qui a lui-même contracté avec un éco-organisme ou un système individuel.
Le décret prévoit l’intervention d’un arrêté interministériel pour définir les dispositions et clauses minimales devant figurer dans les contrats et il organise le contrôle de l’obligation de contracter : tout opérateur concerné par l’obligation de contracter doit mettre à disposition des inspecteurs de l’environnement les contrats et documents justificatifs, sous peine d’amende (750 € pour une personne physique, 3 750 € pour une personne morale).
Le IV organise la transmission de renseignements entre les agents des douanes et ceux de la direction générale de la prévention et des risques.
Le VII, qui organise la possibilité de vente de pièces détachées issues de l’économie circulaire, prévoit un décret pour définir ces pièces et en établir la liste de catégories de pièces détachées incluses dans le champ du dispositif. Le texte pertinent (article L. 121-117 du code de la consommation) est applicable à compter du 1er janvier 2016, sans qu’une date précise de décret soit mentionnée, alors que la parution du décret conditionne l’entrée en vigueur du dispositif.
Le décret n° 2016-703 du 30 mai 2016 fait obligation au professionnel de permettre au consommateur d’opter pour l’utilisation de pièces issues de l’économie circulaire, sauf :
« 1° Lorsque le véhicule fait l’objet de prestations d’entretien ou de réparation réalisées à titre gratuit, ou sous garanties contractuelles, ou dans le cadre d’actions de rappel conformément aux dispositions de l’article R. 321-14-1 du code de la route ;
« 2° Lorsque les pièces issues de l’économie circulaire ne sont pas disponibles dans un délai compatible avec le délai d’immobilisation du véhicule qui est mentionné sur le document contractuel signé entre le professionnel et son client relatif à la nature des prestations d’entretien ou de réparation à réaliser ;
« 3° Lorsque le professionnel mentionné à l’article R. 121-26 estime que les pièces de rechange automobiles issues de l’économie circulaire sont susceptibles de présenter un risque important pour l’environnement, la santé publique ou la sécurité routière.
Ce dispositif fera appel aux centres « véhicules hors d’usage » (VHU) prévus par l’article R 322-9 du code de la route et aux articles R 543-161et suivant du code de l’environnement, dont l’article R 543-164 prévoit que le cahier des charges mentionné à l’article R 543-162 impose aux centres VHU agréés, notamment :
1° De procéder au traitement des véhicules pris en charge dans un ordre déterminé, en commençant par la dépollution ;
2° D’extraire certains matériaux et composants ;
3° De contrôler l’état des composants démontés en vue de leur réutilisation et d’assurer, le cas échéant, leur traçabilité par l’apposition d’un marquage approprié, lorsqu’il est techniquement possible ».
Les centres VHU agréés ont donc l’obligation d’effectuer la dépollution du véhicule et le démontage de certaines pièces encore en état en vue de leur réutilisation dans les conditions prévues par le présent dispositif. Ils doivent atteindre un taux minimum de réutilisation et recyclage de 3,5 % de la masse moyenne des véhicules et un taux minimum de réutilisation et valorisation de 5 %, hors métaux. Ils transmettent ensuite le véhicule aux broyeurs.
Mais ceci n’exclut pas, dans ce domaine comme dans d’autres l’existence de circuits parallèles : nombre de véhicules sont démontés, et les ventes de pièces ont lieu par annonces ou commerce électronique. Il convient donc de donner un plein effet au mécanisme du VII de l’article. À cet égard, on peut juger que l’obligation faite au professionnel est définie en termes trop souples : « permettre d’opter » n’est pas nécessairement faire une offre, d’autant que les avantages tarifaires ne sont pas nécessairement présentés au consommateur et que le professionnel estime le risque de l’usage d’une pièce rechapée, or, en principe, ce risque n’existe pas puisque cette pièce a été récupérée par un centre VHU.
Aussi peut-on considérer que le décret du 30 mai 2016 ne valorise pas toutes les potentialités de la loi et que perdureront les phénomènes de vente sauvage de pièces détachées, lesquels présentent des risques beaucoup plus importants que ceux mentionnés dans le décret, puisqu’aucune procédure ne les valide.
Il convient donc de renforcer l’action des centres VHU. Un sous-amendement n° 1517 à l’article 43 du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (no 3623) débattu le 9 juin 2016, tendant à ce que les dirigeants des centres VHU fassent l’objet d’une qualification minimum, a cependant été rejeté. Même si elle semblait loin de l’objet de l’article 77, cette proposition visait en fait à renforcer les exigences professionnelles d’une filière dont la transparence et la traçabilité de l’activité constituent un facteur essentiel de bonne application de la loi.
Article 78
Valorisation des déchets de construction et interdiction de dépôt et enfouissement sur les terres agricoles
L’obligation de prouver l’utilisation des déchets valorisés en BTP et l’interdiction d’enfouissement – sauf compost – ne nécessite pas de décret d’application.
Article 79
Planification de la réduction de consommation de papier à usage bureautique et réemploi des déchets de chantiers routiers
Devant être mise en vigueur d’ici 2020, avec certaines modalités d’application au 1er janvier 2017 pour les papiers, cet article fixe un objectif de réduction de 30 % de la consommation de papiers bureautiques d’ici 2020, de 25 % de consommation de papiers recyclés à compter du 1er janvier 2017, porté à 40 % d’ici 2020.
Il fixe également un objectif de réemploi de 70 % des déchets de chantiers routiers d’ici 2020, avec des modalités d’application à partir de 2017.
Ces dispositions ne nécessitent pas de décrets d’application mais doivent être intégrées aux appels d’offres. Il est souhaitable de savoir si une circulaire sera prise, notamment à destination des collectivités territoriales.
Article 80
Consignes de tri pour la collecte séparée des déchets d’emballages et de papiers graphiques, application nationale
Cet article prévoit la collecte séparée des déchets d’emballages et de papiers graphiques sous l’égide de l’ADEME. Il est d’application directe.
La situation actuelle se caractérise par le faible taux de retraitement des déchets plastique, qui ne font l’objet que d’un faible tri sélectif. On relève en effet que :
– 63 % (en progression) de la collecte s’effectue en collecte « bi-flux », qui sépare les déchets de papiers graphiques et les déchets d’emballages ménagers hors verre en mélange, d’une part, et les déchets en verre d’autre part ;
– 19 % (en baisse) de la collecte s’effectue en tri-flux : déchets de papiers graphiques ; déchets d’emballages ménagers hors verre et déchets d’emballages ménagers en verre ;
– 6 % (stable) en collecte tri-flux : déchets de papiers graphiques et d’emballages ménagers en carton ; déchets d’emballages ménagers en plastiques et en métaux ; verre ;
– et 6 % en mixte ;
L’ADEME a donc publié les recommandations suivantes à l’attention des collectivités territoriales.
Tri sélectif : recommandations de l’ADEME aux collectivités territoriales
Privilégier l’un des deux schémas suivants :
multimatériaux : 1 flux contenant l’ensemble des déchets de papiers graphiques et d’emballages ménagers, hors verre. Les déchets d’emballages en verre sont collectés à part ;
papiers-cartons / plastiques-métaux : 1 flux contenant les déchets de papiers graphiques et d’emballages ménagers en papier et en carton et 1 flux contenant les déchets d’emballages ménagers en plastiques et en métaux (acier et aluminium). Les déchets d’emballages en verre sont collectés à part. Selon les connaissances actuelles il n’existe pas un schéma ne présentant que des avantages.
Pour autant ces deux schémas ne sont pas équivalents. Ainsi les études et les réflexions de la collectivité sur l’optimisation de l’organisation de la collecte, doivent intégrer une analyse locale de la pertinence spécifique de chacun des deux schémas multimatériaux ou papiers-cartons / plastiques-métaux en fonction des spécificités du territoire.
Pour les collectivités ayant actuellement une consigne de tri incomplète (un ou des matériaux ne sont pas intégrés à la collecte séparée des recyclables) une évolution vers une consigne de tri portant sur l’intégralité des papiers et des emballages, en cohérence avec l’un des deux schémas recommandés est à prévoir.
Pour les collectivités ayant actuellement un schéma de collecte séparée autre que multimatériaux, ou emballages / papiers ou papiers-cartons / plastiques-métaux, une évolution du schéma est à prévoir, en s’appuyant sur le renouvellement naturel des parcs de contenants, voire des marchés de collecte, et au plus tard d’ici 2025.
Contrairement au schéma de collecte, le mode de collecte, porte-à-porte ou apport volontaire, n’a pas d’influence sur le fonctionnement des centres de tri et la reprise des flux triés sortants. Les réflexions concernant le mode de collecte peuvent si besoin être conduites à un niveau plus local tout en veillant à la cohérence avec l’approche sur les schémas de collecte.
La complémentarité des modes doit être recherchée pour les différents territoires d’une même collectivité.
Il est préférable de réaliser, autant que possible, tous les changements concernant la collecte de façon concomitante.
Article 81
Mise en œuvre de la responsabilité élargie des producteurs de bouteilles de gaz destinées au ménage
Cet article pose le principe d’une responsabilité élargie du producteur pour les bouteilles de gaz.
Légifrance juge nécessaire une adaptation réglementaire, sans que le texte renvoie explicitement à un décret.
Le décret n° 2016-836 du 24 juin 2016 relatif aux modalités de consigne ou de système de reprise équivalent des bouteilles de gaz destinées à un usage individuel et à la gestion des déchets de bouteilles de gaz prévoit les conditions de reprise par les metteurs sur le marché. Il prévoit une obligation d’information et de reprise à titre gratuit par le metteur sur le marché des déchets de ses propres bouteilles de gaz, sur demande des exploitants des installations qui ont collecté ces déchets.
Toutefois, nombre des interlocuteurs de la Mission ont reconnu que la mise en place de ce dispositif ne produit jusqu’ici que très peu d’effets concrets.
Votre mission regrette la parution tardive de ce décret, qui pourtant ne paraît pas soulever de difficultés techniques. Il est souhaitable, en particulier, que des bouteilles vides n’alimentent plus des déchets de chantier.
Article 82
Obligation de caractérisation des déchets
Cet article prévoit une obligation faite aux professionnels de conditionnement des déchets dangereux.
Il ne nécessite aucun texte d’application.
Article 83
Gouvernance des éco-organismes
Cet article prévoyait que : « quand un éco-organisme est constitué sous forme de société, la majorité du capital social appartient à des producteurs, importateurs et distributeurs auxquels l’obligation susvisée est imposée par les dispositions de la présente section, représentatifs des adhérents à cet éco-organisme pour les produits concernés que ceux-ci mettent sur le marché français »
C’est l’un des rares articles déclaré non conforme à la Constitution par la décision du 13 août 2015 :
Conseil constitutionnel, décision n° 2015-718 DC du 13 août 2015
35. Considérant qu’en adoptant l’article 83, le législateur a entendu, pour favoriser la diminution de la production de déchets, éviter que les éco-organismes ne soient contrôlés par des entreprises de traitement des déchets qui, contrairement aux entreprises soumises au principe de « responsabilité élargie du producteur », n’ont pas intérêt à voir diminuer le volume des déchets à la source ; qu’il a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général ;
36. « si les dispositions contestées pouvaient imposer que la majorité du capital d’un éco-organisme constitué sous forme de société soit détenue par des producteurs, importateurs et distributeurs représentatifs des adhérents à cet éco-organisme pour les produits concernés, elles ne pouvaient imposer une telle obligation nouvelle aux sociétés et à leurs associés et actionnaires sans que soient prévues des garanties de nature à assurer la protection du droit de propriété et de la garantie des droits, qui ne sauraient relever du décret en Conseil d’État prévu par le paragraphe X de l’article L. 541-10 du code de l’environnement dans lequel les dispositions contestées s’insèrent ; …il en résulte une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la garantie des droits ; que, par suite et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, l’article 83 est contraire à la Constitution »
Votre Mission ne peut que prendre acte de cette décision : certains actionnaires actuels auraient pu être lésés par cette nouvelle structure du capital, sans qu’une indemnisation préalable soit prévue par le texte. Pour autant, la gouvernance des éco organismes pose de multiples questions, dans un secteur mêlant des agréments de la puissance publique, des situations concurrentielles, des recettes captives, des obligations de service public, des liens complexes avec les collectivités territoriales, à la fois contractantes et bénéficiaires de ces organismes, etc.
Il serait très souhaitable que le Parlement procède à une évaluation spécifique de cette question.
Article 84
Tarification incitative de deuxième niveau applicable aux collectivités territoriales
Le principe de la tarification incitative vise à introduire, dans les modes de financement du service public de collecte des déchets (redevance d’enlèvement des ordures ménagères ou taxe d’enlèvement des ordures ménagères), une part variable en fonction de l’utilisation du service.
La loi prévoit que les collectivités territoriales progressent vers la généralisation d’une telle tarification incitative en matière de déchets, avec pour objectif, selon les acteurs concernés, une couverture de 15 millions d’habitants en 2020 et 25 millions en 2025.
Article 85
Recyclage des navires
Le règlement européen (UE) n° 1257/2013 du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 relatif au recyclage des navires et modifiant le règlement (CE) n° 1013/2006/CE prévoit les modalités de recyclage des navires. Le Gouvernement, a donc, par voie d’amendement, ajouté un dispositif (article 19 undecies) pour en permettre l’application.
L’article L. 5242-9-1 du code des transports, ainsi créé par le présent article, prévoit l’obligation de notifier au ministre chargé de la mer l’intention de recycler un navire. Le décret n° 2015-1573 du 2 décembre 2015 précise les modalités de cette notification.
Il dispose que tout propriétaire notifie par écrit au chef du centre de sécurité des navires compétent son intention de recycler le navire dans une installation ou des installations de recyclage données. La notification comporte au minimum l’inventaire des matières dangereuses à bord du navire, les informations pertinentes du plan de recyclage de navire ainsi que la ou les installations de recyclage des navires retenues parmi celles figurant sur la liste établie par la Commission européenne.
On doit relever une légère différence procédurale entre l’article L. 5242-9-1 du code des transports et le décret d’application. La loi prévoit que la notification de l’intention de recycler un navire se fait par écrit au ministre chargé de la mer, cependant l’article premier du décret précise que la notification se fait par écrit au « chef du centre des navires compétent ». Dans la mesure où la détermination de l’autorité chargée de recevoir cette notification relève de la compétence du règlement et non de la loi, votre mission suggère, pour éviter toute ambiguïté, que le Premier ministre procède sur ce point à une demande de déclassement en application de l’article 37 alinéa 2 de la Constitution.
Article 86
Constat des infractions au code de l’environnement
Cet article prévoit que le constat des infractions au code de l’environnement peut être le fait des officiers de police judiciaire, agents et agents de police adjoints. Ce texte est directement applicable.
Article 87
Transport de déchets
Le dispositif, qui fixe de nouveaux objectifs au transport des déchets, et inscrit dans la loi un principe de proximité est d’application immédiate. Il doit se traduire par la limitation de nouvelles installations de tri biomécanique. Le dispositif est parfaitement explicite et a été relevé comme tel par le juge administratif :
« Considérant que, par ces dispositions, le législateur a énoncé de manière claire et précise un objectif de développement du tri à la source des déchets organiques ; qu’il a précisé que cette pratique devrait être généralisée pour tous les producteurs de déchets avant 2025 ; que l’accomplissement de cet objectif doit permettre à chaque citoyen de disposer d’une solution lui permettant de ne plus jeter ses biodéchets dans les ordures ménagères résiduelles ; que le législateur a également entendu tirer les conséquences de cet objectif en précisant qu’il devait d’ores et déjà être mis un terme au développement des installations nouvelles de tri mécano-biologique des ordures ménagères résiduelles », le tribunal administratif de Pau (53), a donc annulé une autorisation d’exploiter une unité de traitement mécano-biologique d’ordures ménagères. Ce tribunal administratif rappelle que : « la généralisation du tri à la source des biodéchets, en orientant ces déchets vers des filières de valorisation matière de qualité, rend non pertinente la création de nouvelles installations de tri mécano-biologique d’ordures ménagères résiduelles n’ayant pas fait l’objet d’un tri à la source des biodéchets ».
Le tribunal administratif de Rennes, dans un jugement du 24 juin 2016 (n° 1302205), va cependant dans un sens inverse, en « considérant que les requérantes contestent le choix du processus industriel retenu, qui est celui du tri mécano-biologique (TMB), au motif qu’il méconnaîtrait les dispositions précitées du code de l’environnement et qu’il n’assurerait pas une qualité optimale de compost dès lors qu’il ne permet pas de garantir l’entrée exclusive de déchets biodégradables non souillés dans sa fabrication ; que, toutefois, les dispositions précitées du code de l’environnement, postérieures à l’arrêté attaqué, qui se limitent à regarder comme non-pertinente la création de nouvelles unités de trimécano-biologique et à ce titre, à les écarter de toute aide publique, n’interdit pas formellement le procédé, encore moins les installations existantes, et comme en l’espèce, en service ».
Ces deux décisions ne sont cependant pas contradictoires : la première statue sur la création de nouvelles installations, la seconde sur les installations existantes, même si elle rappelle que la loi ne comporte pas une prohibition formelle.
Ces décisions ont été largement commentées par bon nombre d’acteurs de la Mission. Il n’incombe pas à celle-ci d’interpréter la loi mais d’en apprécier l’application. En l’espèce, le contentieux se poursuivant, il n’incombe pas à celle-ci de prendre position, à ce stade.
Article 88
Cahier des charges des éco-organismes
Cet article dans la continuité du précédent vise le contenu des cahiers des charges des éco organismes, notamment pour mentionner le principe de proximité, au titre du contenu facultatif de ces cahiers des charges.
Il ne nécessite pas de texte d’application.
Article 89
Extension de la responsabilité élargie du producteur aux navires de plaisance ou de sport
Le dispositif de la loi mettant en place une REP pour les navires de plaisance (54) est applicable, selon le I, à compter du 1er janvier 2017, sous réserve d’un texte d’application, annoncé pour novembre 2016, dont la parution est conditionnée par un avis de l’ADEME.
Comme l’indique notre collègue François-Michel Lambert, consulté par la mission en sa qualité de président de l’Institut de l’économie circulaire : « Le problème de ce type de REP portant sur des produits finis, c’est que nous ne savons pas suffisamment démontrer la démarche vertueuse apportée par une véritable politique de traitement des produits en fin de vie. Ainsi aujourd’hui une perte économique importante et majeure est due à l’abandon des navires : pollution environnementale et des paysages, culture de l’abandon, consommation de fonciers ou risques de circulation, mais aussi perte de la valorisation en aval lors de la déconstruction, voire même pertes définitives du navire. Ainsi, la société D3EPaca située à Bouc Bel Air, financée par fonds publics, démontre la pertinence d’une politique volontariste d’évacuations des navires en fin de vie : réparation parfois, réutilisation composants, recyclage matières, mais aussi libération du foncier. La mobilisation des fonds publics de la Métropole Aix Marseille Provence a ses limites. L’absence de ressources complémentaires risque à terme de supprimer ces récupérations et d’amener au licenciement de plusieurs dizaines de personnes. Une REP permettrait de responsabiliser les détenteurs de navires. Elle devrait être activée au plus tôt. »
Ce dispositif a pourtant été remis en cause, contre l’avis du Gouvernement, par un amendement adopté le 23 mars 2016 dans le cadre de l’examen, au Sénat, de la proposition de loi relative à l’économie bleue, à l’initiative de M. Michel Vaspart (article 55 de la loi n° 2016- 816 du 20 juin 2016 pour l’économie bleue (55)) qui a repoussé l’entrée en vigueur du texte d’un an, au motif que l’étude d’impact rédigée par l’ADEME ne serait pas prête à temps.
Pourtant, le Gouvernement indiquait : « Le rapport intermédiaire sera déposé le 29 avril, et nous aurons le rapport final le 17 juin. C’est ce document qui servira de base à la rédaction du cahier des charges soumis à la concertation avec la filière au mois de septembre pour l’agrément de l’éco-organisme. », et aucun retard n’est imputable à l’ADEME. Le rapport a été remis dans ces délais et sa mise en ligne a eu lieu au mois de septembre (56). Ce rapport estime à 147 000 le stock de navires à déconstruire ou à rénover, soit 41 000 tonnes.
Le dispositif de la loi économie bleue apparaît donc comme dilatoire.
En outre le Sénat avait tenté de plafonner la contribution financière du secteur à 0,5 % du prix de vente pour chaque bateau neuf, ce dispositif a été rejeté par votre Assemblée et ne figure pas dans la loi du 20 juin 2016.
Votre mission souhaite donc le maintien du délai initial, ou la mise en œuvre rapide du dispositif, avant le 1er janvier 2018, date d’entrée en vigueur du dispositif, et de ce fait l’abrogation de l’article 55 de la loi pour l’économie bleue.
Selon le II), une quote-part de 5 % maximum du produit du droit annuel de francisation est affectée à la gestion de fin de vie des navires. Ce texte renvoie, logiquement, à la loi de finances, mais il le fait dans des conditions contestables : – « son montant et l’organisme affectataire sont fixés annuellement par la loi de finances » – puisque le domaine de la loi de finances relève de la seule compétence de la loi organique.
Article 90
Information sur les caractéristiques environnementales des produits
Ce dispositif prévoit une meilleure information des consommateurs : « les producteurs réalisant volontairement une communication ou une allégation environnementale concernant leurs produits sont tenus de mettre à disposition conjointement les principales caractéristiques environnementales de ces produits ».
Un projet de décret a été préparé par le Commissariat général au développement durable. Pour une bonne application de cette mesure, il y a nécessité de préciser les critères permettant de justifier de la qualité de l’information environnementale. Selon l’ADEME, l’enjeu est important en termes de préfiguration d’une généralisation de l’affichage environnemental. Ce décret aurait été en effet, le seul texte à portée normative sur la communication des industriels concernant les caractéristiques environnementales de leurs produits.
À la réflexion, le Gouvernement a jugé que dans la mesure où le renvoi au décret n’était pas explicitement prévu par cet article, il était inutile de poursuivre le processus.
Ainsi il est probable que cet article restera sans effet, puisqu’il ne concerne que des situations volontaires et qu’il définit une obligation sans critère ni sanctions. Votre mission considère donc qu’il convient de réécrire ce texte, en renvoyant explicitement au décret le soin de définir les caractéristiques environnementales des produits et en incitant les producteurs à les mettre à disposition des consommateurs.
Article 91
Extension du périmètre de la responsabilité élargie du producteur papier à compter du 1er janvier 2017
Ce dispositif porte sur l’éco contribution provenant des déchets liés à la presse, dans le cadre d’un mécanisme de responsabilité élargie du producteur. Le texte tend à résoudre la vieille question de l’assujettissement de la presse à une éco contribution. Une première version qui, dès 2002, portait sur les seuls imprimés distribués (catalogues, publicités distribuées dans les boites aux lettres, …) – y compris gratuits – avait été censurée pour rupture d’égalité (Conseil Constitutionnel n° 2002-464 DC du 27 décembre 2002). Les dispositions en vigueur jusqu’ici provenaient de l’article 84 de la loi de finances pour 2008 (n° 2007-1822), loi non déférée au Conseil Constitutionnel et dont le champ est partiel.
L’application de l’article 91, qui pose le principe de cet assujettissement, est d’autant plus délicate qu’il résulte d’une élaboration parlementaire progressive (article 21 bis A du texte de l’Assemblée, résultant d’un compromis à partir d’un amendement du Sénat) dont il est difficile de tirer des conclusions certaines.
Après avoir souhaité exonérer les publications de presse (57), la ministre a présenté le dispositif final de la façon suivante (58) : « Je crois qu’exempter l’ensemble de la presse de toute la responsabilité du recyclage serait un très mauvais signal. Cet amendement propose néanmoins de tenir compte des difficultés économiques actuelles de la presse écrite. La filière REP est donc maintenue, mais la presse pourra éventuellement s’acquitter de ses obligations sous forme d’actions de sensibilisation du public sur l’importance du tri et du recyclage des papiers. Un décret devra paraître dans les meilleurs délais pour distinguer les différentes catégories de publications de presse et pour préciser quelle proportion de contribution pourra être versée sous forme financière, et quelle proportion en nature. ».
Le dispositif retient la possibilité pour la presse (59) de contribuer en « tout en partie » en nature. Cela suppose l’existence de trois situations :
– un paiement intégral en nature, sous forme d’encarts publicitaires ;
– un paiement mixte, intégrant une part de numéraire et une part de contribution en nature ;
– un paiement intégral en numéraire.
C’est bien la loi, telle qu’elle a été validée par le Conseil constitutionnel, qui conduit à prévoir des cas où la contribution s’exécute seulement en nature.
Dans la décision n° 2015-718 DC du 13 août 2015, le Conseil constitutionnel, saisi de cet article, notamment sur le renvoi au décret du soin de fixer les conditions dans lesquelles la contribution est faite sous forme d’encarts publicitaires, en fonction des caractéristiques des publications – ce qui revient, en fait à déterminer les catégories de publications qui peuvent s’acquitter de l’obligation autrement qu’en payant – a jugé que l’éco-contribution n’est pas une « imposition de toute nature » au sens de l’article 34 de la Constitution mais une redevance pour service rendu. Elle échappe en conséquence à la détermination par la loi de son taux de son assiette et de ses modalités de recouvrement.
Le Conseil constitutionnel a jugé « qu’en adoptant les dispositions du a) du 2° du paragraphe I de l’article 91, le législateur a prévu que l’ensemble des publications de presse désormais soumises à la contribution pourront s’acquitter de tout ou partie de cette contribution sous forme de prestation en nature… il n’a donc pas institué de différence de traitement entre les catégories de publications de presse ». La question du respect du principe d’égalité est donc reportée au décret, lequel doit tenir compte à la fois des travaux préparatoires et du texte lui-même.
Une mission a été confiée, le 31 juillet 2015 par les ministres de l’écologie et de la culture à MM. Serge Bardy et Gérard Miquel, qui ont remis leurs conclusions le 17 février 2016, conclusions reprises dans le décret.
Ce texte devait donc assujettir, d’une manière générale, les publications de presse à une éco-contribution qui peut être versée « en tout ou partie » sous forme de prestations en nature, ces dernières prenant la forme d’une mise à disposition d’encarts publicitaires destinés à informer le consommateur sur la nécessité de favoriser le geste de tri et le recyclage. La question fondamentale, était de dégager des critères pertinents et de savoir si la presse peut être exonérée de contribution financière en fonction de la catégorie de publications en cause. Or, le critère de la presse d’opinion, souvent avancé, ne paraît pas ici pertinent au regard des objectifs de la loi.
Les caractéristiques de publication, visées par le décret, doivent donc être objectives : nature du papier et des encres, modalités de récupération, etc., et respecter l’objet de l’éco contribution : contribuer à la collecte et au recyclage des papiers à usage graphique. Les conditions d’intervention du décret sont donc délicates puisque des critères objectifs ne sont pas faciles à combiner : tonnages, qualité des papiers en cause, récupération des déchets spécifique (notamment pour les gratuits) (60) ou par reprise d’invendus, zones de l’activité, etc. Le débat a largement porté sur les conditions d’assujettissement de la presse au mécanisme. L’ADEME avait, sur la base de 54 € HT la tonne de papier, estimé un produit de 36 millions d’euros dont 13,7 millions d’euros au titre de la presse magazine et 14,7 millions d’euros au titre de la presse payante. Les conclusions de nos collègues aboutissaient à un rendement de l’ordre de 11 millions d’euros, puisqu’ils suggéraient une possibilité de s’exonérer du paiement au profit d’une contribution « en nature » notamment par insertion d’encarts publicitaires. Celle-ci devait, pour les auteurs du rapport, être subordonnée à quatre critères, chacun valant pour 25 % d’obtention d’une contribution en nature :
– des achats de papier de 100 % de papier recyclé ou certifié, et trois ans après l’entrée en vigueur du décret un minimum de 50 % de fibres recyclées – ce critère étant cohérent avec l’article 79 de la loi ;
– pas plus d’un élément perturbateur de recyclage – les blisters postaux sont considérés comme tels ;
– des achats de papier effectués dans un rayon de 150 kilomètres ;
– et enfin, l’affichage environnemental.
Ce travail, particulièrement précis puisqu’il abordait par exemple la question de l’exclusion des invendus, prévoyait un abattement forfaitaire de 12,4 % pour la presse payante (61), une contribution à 100 % des encarts publicitaires insérés dans les journaux et magazines, a dû sélectionner des critères concrets. C’est moins la mise en circulation du papier que son retraitement qui est en cause, et, à cet égard, c’est moins la qualification de presse d’opinion que la qualité recyclable du papier, la reprise des invendus, la qualité des encres ou la charge du service public de gestion des déchets qui importent.
Or, sur ce plan, force est de constater que le décret marque le pas par rapport à l’évolution souhaitable de l’éco-contribution, n’explore pas toutes les potentialités de la loi et que les critères retenus paraissent perfectibles.
Le décret du 30 décembre 2015, qui fait l’objet d’une analyse sous l’article 98, comporte un article 10 qui « reçoit » au profit de l’éco organisme – Ecofolio est en demande de renouvellement d’agrément – le produit de la future contribution, mais qui n’est pas le décret attendu pour fixer les critères de l’écocontribution. Ce texte est le décret n° 2016-917 du 5 juillet 2016, relatif à la contribution des publications de presse apportée aux organismes agréés de la filière à responsabilité élargie des producteurs de papier. Quatre critères permettent donc de s’exonérer du paiement, chacun à hauteur de 25 % de la contribution due sous forme financière au profit d’une contribution en nature.
Article D 543-212-2 du code de l’environnement :
1. Jusqu’au 31 décembre 2019, le papier sur lequel est imprimée la publication est composé exclusivement de fibres recyclées ou issues de forêts durablement gérées. À compter du 1er janvier 2020, le pourcentage d’incorporation de fibres recyclées dans le papier sur lequel est imprimée la publication est supérieur à 50 % et les autres fibres sont issues de forêts durablement gérées.
2. La publication ne contient pas plus d’un élément perturbateur du recyclage. Pour l’application de ce critère, jusqu’au 31 décembre 2019, les emballages destinés à l’acheminement d’une publication dans le cadre d’un abonnement ne sont pas comptabilisés dans les éléments perturbateurs du recyclage.
« 3. Le cumul des distances entre la papeterie fournissant le papier sur lequel est imprimée la publication, l’imprimerie dans laquelle elle est imprimée et le centre principal de diffusion de la publication est inférieur à 1 500 km.
« 4. Il est mentionné en caractères apparents dans la publication les informations relatives à ses caractéristiques environnementales.
Votre mission constate qu’il n’en résulte pas de critère pertinent au sein des publications générales de presse, pour que certaines d’entre elles, notamment la presse magazine – soit par principe, au moins partiellement, assujettie à une contribution financière. Les critères retenus, notamment le quatrième, comme l’entrée en vigueur très tardive de la prise en compte des « blisters » sont au final de nature à permettre une large exonération de la presse de tout paiement financier de la contribution, privant ainsi l’éco-organisme, et à travers lui les collectivités territoriales, d’une possible ressource. Dans le même temps, le décret n’ignore pas la situation financière difficile de la presse quotidienne.
Le résultat, né d’une longue négociation, auquel parvient le décret du 5 juillet 2016, n’est cependant pas en totale adéquation avec les objectifs de la loi. Ceci ne deviendra possible que si les conditions issues du premier critère sont progressivement revues dans un sens plus exigeant et si les « éléments perturbateurs », qui ne peuvent être éliminés dans un cycle normal de retraitement, sont définis avec une précision suffisante dans l’arrêté à venir.
Si la prise en compte des magazines, qui devraient davantage contribuer financièrement, compte tenu de leurs conditions d’impression et d’élimination, est souhaitable, la mission observe en revanche que les journaux gratuits sont dans une situation particulière au regard de l’élimination des déchets qu’ils produisent : le papier est produit à plus de 50 % à partir de fibres de récupération, ce qui satisfait au premier critère, et les problématiques environnementales sont largement prises en compte par les dispositifs de distribution (volumes d’exemplaires adaptés à chaque site, reprise des exemplaires non diffusés, ramassage/recyclage des journaux laissés dans les poubelles ou les trains et rames de métro, mentions incitant à recycler ou à transmettre l’exemplaire, etc.).
Ces exemples montrent bien que le dispositif n’est sans doute pas le mieux adapté à l’objectif souhaité, à tout le moins qu’il est perfectible, dans un sens consistant à mettre en place des critères objectifs, liés à la qualité du papier, à la reprise par le service public, à l’élimination des publications. Il est évident que celle-ci est moins facile pour la presse magazine.
Votre mission souhaite donc :
– que le premier critère lié au caractère recyclable des fibres du papier soit mieux pris en compte, de façon évolutive, et porté à 60 % dès 2017, et soit davantage pondéré que les autres ;
– que les barèmes prennent en compte les conditions effectives de reprise ;
– que l’existence de blisters soit prise en compte dès le 31 décembre 2018.
Elle s’interroge en outre sur la pertinence du rayon de 150 kilomètres, qui ne saurait limiter, sans risque juridique, les importations de papier.
Article 92
Extension du périmètre de la responsabilité élargie du producteur textile
Ce dispositif étend la responsabilité élargie du producteur déjà en vigueur pour les produits textiles d’habillement, de chaussures ou de linge de maison neufs destinés aux ménages, aux tissus d’ameublement – cette extension étant applicable à compter de 2020 – et aux produits de couchage à compter de 2018.
Il convient de rappeler que, sur les 600 000 tonnes de textiles usagés, la filière récupère 150 000 tonnes, dont deux tiers sont réemployés et le tiers restant transformé en chiffons, dalles de sols ou isolants (62) Le taux de collecte devrait doubler d’ici 2020. Avec cet article, la filière, mais aussi la recherche, sont appelées à un nouveau dynamisme.
Il ne nécessite aucun décret d’application.
Article 93
Reprise des déchets de construction
D’initiative gouvernementale, l’article 93 instaure l’obligation, pour les distributeurs de matériaux, produits et équipements de construction, de procéder à leur reprise. Votre Rapporteure, tout en souhaitant que ce secteur n’échappe pas à un système de responsabilité élargie des déchets de chantiers, s’était interrogée au moment du débat (63) sur le fait que l’obligation nouvelle incombe non aux producteurs mais aux distributeurs, et sur la capacité de ceux-ci à y répondre en termes de disponibilités foncières. La loi prévoit que l’obligation concerne la reprise des déchets « de même type de matériaux », qu’elle pèse sur les vendeurs de ces produits qui sont définis comme ceux qui les mettent « à disposition des professionnels » et qu’elle s’applique au 1er janvier 2017. Si l’article 93 prévoit ainsi la reprise des déchets du bâtiment, elle ne s’intéresse pas pour autant à leur valorisation : il ne s’agit donc pas de créer une nouvelle filière REP mais seulement d’organiser « en lien avec les pouvoirs publics et les collectivités territoriales » des aires de dépôt des déchets.
Le décret n° 2016-288 du 10 mars 2016 :
– précise les distributeurs, les déchets ainsi que les surfaces soumises à cette obligation ;
– énumère le contenu de l’obligation, qui concerne tous les distributeurs qui « exploitent une unité de distribution dont la surface est supérieure ou égale à 400 m2 et dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur ou égal à 1 million d’euros » ;
– prévoit que cette reprise doit être « réalisée sur l’unité de distribution ou dans un rayon maximal de dix kilomètres » (64). Dans le cas où la reprise s’effectue hors du dépôt, un affichage visible doit être installé sur le lieu de vente et sur le site Internet afin d’informer les professionnels détenteurs ou producteurs de déchets de l’adresse de la collecte.
Votre mission rappelle l’importance de la production et les mauvaises conditions actuelles d’élimination des déchets du BTP : lors de la table ronde du 10 mai 2016, Mme Agnès Banaszuk, représentante de France Nature Environnement, rappelle que le secteur produit 247 des 345 millions de tonnes des déchets annuels. Des déchets de chantiers sont souvent « oubliés » sur place, amenés non triés par des professionnels ou des particuliers en déchetterie, ou abandonnés dans des décharges sauvages. Il faut rappeler de surcroît que certains produits (peintures, laques, dissolvants…) sont toxiques.
L’existence d’un système de reprise apparaît d’autant plus nécessaire que la nature des déchets en cause, leur toxicité, leur caractère durable le justifient totalement. Le principe d’une obligation de reprise ne peut qu’être accueilli favorablement. Toutefois, le dispositif lui-même, et le décret du 10 mars 2016 pris pour son application, posent plusieurs questions.
Ce système, qui fait référence, pour le champ des professionnels concernés aux codes NACE, soit « tout exploitant de commerce de matériaux, produits et équipements de construction qui est classé sous les rubriques 4613, 4673, 4674 ou 4690 de l’annexe I du règlement (CE) n° 1893/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 établissant la nomenclature statistique des activités économiques NACE Rév. 2 et modifiant le règlement (CEE) n° 3037/90 du Conseil ainsi que certains règlements (CE) relatifs à des domaines statistiques spécifiques » est en effet vivement contesté.
Le champ de l’obligation est défini par référence au code NACE, et concerne quatre types d’activités commerciales :
4613 : Intermédiaires du commerce en bois et matériaux de construction ;
4673 : Commerce de gros de bois, de matériaux de construction et d’appareils sanitaires ;
4674 : Commerce de gros de quincaillerie et fournitures pour plomberie et chauffage ;
4690 : Commerce de gros non spécialisé.
En revanche, les grandes surfaces de bricolage (par exemple celles relevant de la rubrique NACE 4752 : « Commerce de détail de quincaillerie, peintures et verres en magasin spécialisé ») en sont exclues. Au regard du droit, on peut considérer que le critère retenu est pertinent, puisqu’il distingue le commerce de gros et la vente aux particuliers, même si des artisans peuvent s’approvisionner dans des magasins de bricolage. Au regard de l’objectif général de la loi, la distinction paraît moins pertinente, puisque ce circuit de distribution génère des déchets de même « type de matériaux » que ceux issus des activités commerciales prises en compte par le décret, alors que sont inclus dans le champ de l’obligation des activités ne présentant qu’un lien plus ténu avec l’objet du texte. Mais les grandes surfaces commerciales ne sont pas systématiquement assorties de ventes de matériaux bruts, et ne s’adressent pas majoritairement aux professionnels.
Les professionnels inclus dans le champ de l’obligation ne manquent pas de mettre en avant cette distinction. On peut, dans le même sens, souligner que les carrières sont exemptes de l’obligation, mais sur ce point, il faut rappeler que les carrières sont rarement incluses dans un circuit commercial direct, mais sont plutôt situées dans une activité de production. Il reste que la distinction, au regard des seules activités commerciales, en fonction des types d’activités, et les critères de surface de vente et de chiffre d’affaires peut être soumise à débat (65) encore que le Conseil constitutionnel, en censurant l’article 44 de la présente loi, a admis que le critère tiré du type d’entreprises de distribution concerné par la loi était pertinent, la censure de cet article ne portant que sur l’insuffisante détermination de celui-ci. Votre Rapporteure estime que ce critère est plus pertinent que d’autres que l’on pourrait imaginer, comme la taille ou la surface, qu’il s’agisse de la surface ouverte au public ou de l’implantation totale.
Les professionnels insistent sur le fait que ces activités représentent au total 13 000 points de vente dont environ 4 000 surfaces de vente sont effectivement concernées. Il convient de s’interroger sur les implications pratiques du décret : le rayon de 10 kilomètres, s’il est critiqué pour son caractère uniforme, n’en présente pas moins un avantage lié à la possibilité d’organiser de façon assez souple la reprise au demeurant sur ce point, la notion de « proximité », qui figure dans l’article 93 pourrait conduire à une approche plus rigoureuse de cette distance.
Les représentants des quatre types d’activités concernées mettent également en avant la brièveté du délai, de mars 2016 au 1er janvier 2017, qui leur est laissé pour se conformer à une obligation qu’ils traduisent comme le fait de devoir mettre en place de véritables déchetteries, sous peine d’amende (article 95), et ont donc introduit un contentieux, assorti d’une question prioritaire de constitutionnalité, la première portée sur la présente loi.
Soucieuse d’éviter tout blocage, quelles qu’en soient les origines, votre mission voudrait en premier lieu souligner que, ni l’intention, ni la lettre du texte ne conduisent automatiquement chaque entité concernée à l’obligation de mettre en place une structure de réception dédiée à la réception des déchets mais seulement à organiser la reprise, en liaison avec les collectivités territoriales.
En particulier, les assujettis peuvent s’adresser à des déchetteries publiques existantes pour que celles-ci intègrent une reprise des déchets provenant des professionnels.
En outre, le présent article comme le décret n’interdisent nullement la mutualisation de la reprise, mais alors se pose, au niveau de la valorisation des déchets, une éventuelle question d’entente, prohibée par l’article L. 420-1 du code de commerce. En effet, les entreprises qui organiseraient une déchetterie en commun peuvent être concurrentes et la mutualisation de la reprise des déchets pose la question de la mutualisation de leur vente. Il est cependant possible d’apporter une précision législative sur ce point, la création de structures dédiées, par exemple l’adhésion à une filiale commune spécifiquement chargée de la reprise et de la vente paraît de nature à assurer une bonne application de la loi.
En dépit des difficultés actuelles d’application, votre Rapporteure souhaite la meilleure mise en œuvre possible de ce dispositif. Si celui-ci doit être obtenu au moyen d’une plus forte incitation à la mutualisation, qui est bien l’intention du législateur, il convient de suggérer, sur ce point, une modification de cet article.
Article 94
Gratuité de la reprise des déchets de construction
Cet article prévoit la gratuité de la réception des déchets pour réalisation de travaux d’aménagement sur un terrain privé.
Ce principe est d’application immédiate.
Article 95
Autorisation des déchetteries
Cet article concerne l’autorisation administrative des déchetteries, pour le stockage des déchets dits « inertes ». Il nécessite un décret en Conseil d’État.
Article L. 541-25-1 du code de l’environnement
L’autorisation d’exploiter une installation d’incinération ou une installation de stockage de déchets fixe une limite de la capacité de traitement annuelle. Cette limite ne s’applique pas en cas de transfert de déchets en provenance d’une installation provisoirement arrêtée et située dans un département, une commune, un syndicat ou un établissement public de coopération intercommunale limitrophe.
Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article, et notamment les modalités de calcul de la capacité de traitement annuelle susceptible d’être autorisée.
Il semble que ces précisons n’ont pas été apportées par le décret n° 2016-288 du 10 mars 2016, qui porte sur les conditions de stockage des déchets. Le site Légifrance ne comporte aucun renvoi à un texte d’application de cet article du code
Par ailleurs, il abroge le dispositif selon lequel « la liste des installations de stockage des déchets pouvant accueillir de l’amiante ainsi que les informations relatives à la collecte des déchets amiantés auprès des particuliers sont rendues publiques par le ministre chargé de l’environnement. »
Cet article impose à tout professionnel producteur ou détenteur de déchets de mettre en place un système de tri à la source des déchets de papier, de métaux, de plastique et de verre, ou, à défaut de mettre en place une collecte séparée, sous réserve pour l’une ou l’autre option, que l’opération soit réalisable d’un point de vue technique, environnemental et économique.
Ce dispositif contribue donc au tri en cinq flux : papier, métal, plastique, verre et bois. Le décret n° 2016-288 du 10 mars 2016 en définit le périmètre d’application. Cette nouvelle réglementation s’applique aux producteurs et détenteurs de déchets de papier, de métal, de plastique, de verre et de bois :
– qui n’ont pas recours au service assuré par les collectivités territoriales en application de l’article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales ;
– qui ont recours au service assuré par les collectivités territoriales et qui produisent ou prennent possession de plus de 1 100 litres de déchets par semaine.
Le décret définit l’obligation incombant au producteur ou aux détenteurs de déchets papier, métal, plastique, verre et bois qui doivent trier à la source ces déchets par rapport aux autres déchets. Ces derniers peuvent être conservés ensemble en mélange. Si ces déchets ne sont pas traités sur place, leurs producteurs ou détenteurs organisent leur collecte séparément des autres déchets pour permettre leur tri ultérieur et leur valorisation.
Le décret prévoit trois possibilités pour les producteurs et détenteurs de déchets. Ils peuvent :
– procéder eux-mêmes à la valorisation de ces déchets ;
– céder ces déchets à l’exploitant d’une installation de valorisation ;
– céder ces déchets à un intermédiaire assurant une activité de collecte, de transport, de négoce ou de courtage de ces déchets.
Le décret précise qu’il est interdit de mélanger des déchets qui ont été triés par leurs producteurs ou détenteurs avec d’autres déchets n’ayant pas fait l’objet d’un même type de tri. L’exploitant d’une installation de valorisation ou assurant une activité de collecte, de transport ou de négoce, délivre chaque année, avant le 31 mars, aux producteurs ou aux détenteurs de ces déchets une attestation, portant sur les quantités exprimées en tonnes, la nature des déchets qui leur ont été confiés l’année précédente en vue de leur valorisation et de leurs destinations de valorisation finale.
Les mêmes obligations s’appliquent aux producteurs et détenteurs de déchets de papier de bureau (66), selon un échelonnement dans le temps :
– 1er juillet 2016 pour les implantations de plus de 100 personnes ;
– 1er janvier 2017 pour les implantations de plus de 50 personnes ;
– 1er janvier 2018 pour les implantations de plus de 20 personnes.
En l’état, les structures de moins de 20 salariés ne sont pas concernées par cette mesure.
Si cette mesure est déjà une réalité dans nombre de grandes entreprises, elle nécessite un effort de promotion important auprès des PME et TPE, mais également de leurs relais (chambres consulaires, gestionnaires de zone d’activité). Votre Rapporteure souligne que les locaux de l’Assemblée nationale sont concernés par cette obligation.
Pour l’ADEME, les impacts de cette mesure auront une incidence forte sur les besoins d’équipements structurants de traitement et impactent directement l’élaboration des plans régionaux de prévention et gestion des déchets. À ce titre, il serait utile de définir les modalités d’un suivi et l’intégration de mesures adaptées et à terme d’un contrôle.
Article 97
Extension du contenu des plans départementaux ou interdépartementaux de prévention et de gestion de déchets non dangereux
Le contenu du plan national de prévention des déchets, qui doit intégrer un volet sur les matériaux en bois, ne nécessite pas de décret d’application.
Article 98
Comptabilité analytique pour les services publics de prévention et de gestion des déchets
Cet article prévoit que le maire ou le président d’un EPCI fait un rapport annuel sur la gestion des déchets dans la zone d’exercice du service public concerné. Le décret doit fixer les indicateurs techniques et financiers, fondés sur la comptabilité analytique dont fait l’objet le service public de prévention et de gestion des déchets, devant figurer dans ce rapport. Le rapport doit être présenté dans les six mois suivant la clôture de l’exercice.
Sans être indispensable, la parution du décret n° 2015-1827 du 30 décembre 2015 portant diverses dispositions d’adaptation et de simplification dans le domaine de la prévention et de la gestion des déchets permet la pleine application du décret, alors que le dispositif n’entre en vigueur qu’au 1er janvier 2017.
Ce décret, en application de l’article 98 de la présente loi, procède à diverses adaptations de la partie règlementaire du code, par exemple pour prévoir une consultation du rapport sur Internet. Son article 3, qui est l’essentiel du processus d’application, est particulièrement exhaustif et devrait permettre une information très complète des administrés, y compris sur les flux financiers et sur la valorisation des déchets dans une commune ou un EPCI.
Le décret du 30 décembre 2015 comporte également un chapitre 2 sur le recyclage des navires.
En outre, il excède la simple application de l’article 98 par un chapitre 3 de « mesures diverses ». Ainsi, l’article 7 est relatif à la composition du conseil national des déchets, qui passe de 38 à 46 membres, au profit de l’AMF, de l’ADCF, des professionnels et de deux parlementaires.
L’article 8 prévoit un rapport annuel de l’ADEME remis au conseil national et publié.
L’article 9 est relatif à la procédure de sortie du statut de déchets.
L’article 10 du décret est lié à l’application de l’article 91 de la loi. Il adapte le système de la responsabilité élargie du producteur qui met sur le marché des imprimés sur deux points :
– les papiers assujettis ne sont plus les enveloppes ou les papiers « conditionnés en rames et ramettes » mais les papiers à usage graphique ;
– il prévoit les catégories de dépenses de l’éco-organisme.
Ce second point s’inscrit dans le cadre du renouvellement de l’agrément dont est actuellement attributaire Ecofolio, éco-organisme dont les objectifs figurent sur son site : « Grâce à ses adhérents, aux collectivités locales et à tous les Français, Ecofolio a fait progresser le recyclage de 13 % en six ans. De nouveaux efforts collectifs doivent nous permettre d’atteindre 55 % de recyclage en 2016, puis 60 % en 2018, et davantage par la suite. L’action collective de tous les acteurs de la filière sera indispensable pour s’engager dans ce nouveau modèle de production, de consommation et de comportement. »
Article 99
Définition du délit d’obsolescence programmée et sanctions
Le texte est issu d’un amendement de M. Éric Alauzet (article 22 bis, doc. AN 2230, p. 411). Il étend les mécanismes existants de tromperie sur les marchandises, prévus par l’article L. 213-1 du code de la consommation, aux cas d’obsolescence programmée définie « par l’ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement ». Il est très probable que ce mécanisme, qui ne nécessite aucun texte d’application et définit le quantum de la peine (deux ans d’emprisonnement et 300 000 € d’amende ou, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 5 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits), donnera lieu, dès ses premières applications à une question prioritaire de constitutionnalité, mais la définition pénale paraît assez précise, et la peine proportionnée, pour y résister.
Article 100
Réversibilité du stockage des déchets enfouis : demande de rapport au Gouvernement
Cet article demande au Gouvernement le dépôt, avant le 17 août 2016, d’un rapport sur la réversibilité du stockage des déchets enfouis. Ce document devrait probablement être remis pour la fin de l’année 2016.
Article 101
Produits ne faisant pas l’objet d’un dispositif de responsabilité élargie d’un producteur : demande de rapport au Gouvernement
Comme le précédent, sur le stockage des déchets, le rapport sur le potentiel de réemploi de produits ne bénéficiant pas de la responsabilité élargie du producteur, était demandé avant le 17 août 2016, et sa parution devrait également intervenir d’ici la fin de l’année.
L’ADEME a donc livré au Gouvernement l’étude préalable à ce rapport. Cette étude, qui précise, par catégorie de produits, les flux estimés, le potentiel de recyclage et de réemploi, les types de traitement envisageables et le potentiel pour l’économie sociale et solidaire, est en cours d’analyse, de manière à ce que le rapport soit remis avant la fin de l’année.
Article 102
Démarches de lutte contre le gaspillage alimentaire dans les services de restauration collective
« L’État et ses établissements publics ainsi que les collectivités territoriales mettent en place, avant le 1er septembre 2016, une démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire au sein des services de restauration collective dont ils assurent la gestion. ».
Le réseau des Centres permanents d’initiatives pour l’environnement a souhaité encourager la restauration collective à s’engager dans cette démarche et a édité un guide, soutenu par le ministère de l’agriculture, à destination des professionnels, qui leur offre des solutions accessibles pour mettre en place des nouveaux modes de gestion de leur restauration.
Ceci n’épuise pas d’autres initiatives, prises par exemple, avant la présente loi, par les conseils généraux de la Gironde ou des Côtes d’Armor ou par la direction régionale de l’alimentation de la région Auvergne.
Un guide de l’ADEME (juin 2016) (67) répond à cet article. En moyenne, 150 à 200 g de nourriture sont gaspillés par personne et par repas. L’ADEME estime qu’il est possible de réduire de 50 % ce chiffre en restauration collective.
Article 103
Suppression de l’inscription de la date limite d’utilisation optimale
En dépit de l’annulation – justifiée en procédure par le fait qu’il s’agit d’adjonctions en nouvelle lecture, mais difficile à admettre en opportunité –, d’une partie du mécanisme de lutte contre le gaspillage alimentaire, le dispositif restant de cet article, qui interdit l’inscription d’une date de péremption, est d’application directe.
Conseil constitutionnel, décision n° 2015- 718 DC du 13 août 2015
« Considérant que le paragraphe II de l’article 103 prévoit l’introduction d’informations relatives à la lutte contre le gaspillage alimentaire dans le rapport sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises ; que son paragraphe III complète l’article L. 312-17-3 du code de l’éducation pour intégrer dans le parcours scolaire la lutte contre le gaspillage alimentaire ; que son paragraphe IV crée une sous-section dans le code de l’environnement comprenant les articles L. 541-15-3 à L. 541-15-5, consacrée à la prévention des déchets alimentaires ; que son paragraphe V modifie l’article 1386-6 du code civil relatif à l’assimilation à un producteur pour l’application des dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux ; que son paragraphe VI prévoit l’entrée en vigueur de certaines dispositions créées par le paragraphe IV ; que son paragraphe VII institue une amende et une peine complémentaire d’affichage ou de diffusion à l’encontre d’un distributeur du secteur alimentaire qui rend délibérément impropres à la consommation les invendus alimentaires encore consommables »
Considérant, en l’espèce, que les amendements dont sont issues les dispositions susmentionnées ont été introduits en nouvelle lecture ; que ces adjonctions n’étaient pas, à ce stade de la procédure, en relation directe avec une disposition restant en discussion ; qu’elles n’étaient pas non plus destinées à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d’examen ou à corriger une erreur matérielle ; qu’il s’ensuit que les paragraphes II à VII de l’article 103 ont été adoptés selon une procédure contraire à la Constitution ; qu’ils sont contraires à cette dernière.
TITRE V
FAVORISER LES ÉNERGIES RENOUVELABLES POUR DIVERSIFIER NOS ÉNERGIES ET VALORISER LES RESSOURCES DE NOS TERRITOIRES
(Mme Battistel, Rapporteure).
Le Titre V de la loi vise à promouvoir les énergies renouvelables. Il constitue donc le principal levier pour parvenir aux objectifs de l’article premier en matière de diversification des sources d’énergie, mais il comporte aussi des dispositions en matière de prix de l’électricité, de financement participatif, ou de concessions hydroélectriques.
Comme l’indique Pascal Canfin, présentant au nom de WWF un rapport mettant en évidence une quinzaine de grands signaux prouvant que la transition énergétique présente un caractère irréversible (68) : « Ce qui change la donne, c’est l’addition [des] signaux. Quand on voit que la consommation de charbon baisse en Chine, que les énergies renouvelables ont représenté 90 % de la nouvelle génération d’électricité en 2015, que les émissions de CO2 liées à l’énergie stagnent dans le monde ou que le prix des panneaux solaires photovoltaïques a chuté de 80 % sur les cinq dernières années, on voit clairement que nous sommes parvenus à un tournant. Et que cette transition vers un nouveau modèle énergétique mondial est devenue irréversible. ».
Le titre V (articles 104 à 122), complété par le volet de la PPE sur l’offre d’énergie, joue donc un rôle essentiel, notamment sur les questions d’achat d’énergie aux producteurs, de méthanisation et d’hydroélectricité. Il convient ici de rappeler que la part des énergies renouvelables doit être portée, en application de l’article premier de la loi (69), à 23 % de la consommation finale brute d’énergie dès 2020.
Il reste que, comme votre Rapporteure l’a toujours affirmé, l’ouverture à la concurrence des concessions hydroélectriques ne saurait se faire au détriment de la France, alors que cette source d’énergie renouvelable ne présente pas de risques de rupture de production liés à l’intermittence, mais qu’en revanche les capacités de stockage et de développement de nouveaux sites en constituent des atouts considérables nécessaire à la réussite de l’équilibre du mix énergétique tel qu’il est programmé par la présente loi.
Chapitre Ier
Dispositions communes
Article 104
Complément de rémunération
Cet article porte sur les modalités d’obligation d’achat par EDF de l’électricité d’origine renouvelable produite par des exploitants indépendants, en instituant, par le biais d’un contrat administratif, un complément de rémunération, afin de faire entrer les énergies renouvelables sur le marché. Il s’analyse ainsi comme une prime, compensée par la CSPE, versée à un producteur d’énergie renouvelable (ENR) en complément de la vente sur le marché de l’électricité qu’il a produite. Cette prime doit permettre de donner à ce producteur un niveau de rémunération totale permettant de couvrir les coûts de son installation, tout en assurant une rentabilité normale des capitaux investis.
Il n’est toutefois pas mis fin, dans la loi, à l’obligation d’achat permettant à certaines installations de bénéficier de l’obligation d’achat de l’électricité ou du biométhane qu’elles produisent à des tarifs réglementés.
Il existe donc désormais deux principaux dispositifs, alternatifs, de soutien aux producteurs d’énergie renouvelable : l’obligation d’achat ou le complément de rémunération. Ces contrats peuvent être signés au terme d’une procédure du « guichet ouvert », les installations éligibles concluant directement un contrat avec EDF ou les entreprises locales de distribution (ELD), ou d’une procédure d’appel d’offres.
La question de savoir si le Gouvernement est autorisé à prendre une telle disposition par ordonnance a été soulevée lors des auditions conduites par votre Rapporteure. En effet, l’article 119 I, 1° habilite le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions applicables aux installations de production d’électricité à partir de sources renouvelables « en clarifiant les dispositions relatives à l’obligation d’achat mentionnée à la section I du chapitre IV du titre Ier du livre III du code de l’énergie ». Formellement, le Gouvernement a donc mandat pour modifier la section relative à l’obligation d’achat et non celle relative à la garantie d’origine. Votre Rapporteure, après avoir hésité sur l’existence d’une connexité estime donc que l’habilitation n’autorise pas, compte tenu de la jurisprudence qui exige en la matière que le champ de l’habilitation soit précis (70), le Gouvernement à prendre de telles dispositions, qui sont trop éloignées de la question de l’obligation d’achat. Le Conseil d’État a également considéré, dans son avis sur le projet d’ordonnance n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables, que le Gouvernement n’était pas habilité à prendre par ordonnance des mesures relatives aux garanties d’origine. Ces mesures figurent désormais dans le projet de loi de ratification de cette ordonnance, qui à l’automne 2016, a été examiné par le Conseil d’État.
L’enjeu le plus important de cet article, tranché par le projet de loi de ratification mentionné ci-dessus, concerne la notion de garantie d’origine. L’article 104 prévoit que les conditions du complément de rémunération pour les installations mentionnées à l’article L. 314-18 du code de l’énergie sont établies en tenant compte des recettes de l’installation, notamment la valorisation de l’électricité produite, « la valorisation par les producteurs des garanties d’origine » et la valorisation des garanties de capacités.
La garantie d’origine
La répartition des sources de production d’électricité des offres que les fournisseurs ont commercialisées au cours de l’année précédente et, en particulier, la part d’électricité « verte », d’origine renouvelable ou produite par cogénération, est indiquée sur la facture des consommateurs. S’il est facile de connaître l’origine de l’électricité lors de sa production, il est physiquement impossible de déterminer la provenance de l’électricité livrée à un client donné : la même électricité est livrée à tous les clients raccordés au réseau électrique français, quels que soient le fournisseur et le type d’offre.
Pour justifier auprès du consommateur que l’électricité qu’il consomme est « verte », un fournisseur doit donc garantir une équivalence entre la quantité d’électricité consommée par son client et une quantité d’électricité produite à l’aide d’énergie renouvelable. Cette équivalence est attestée par des certificats et des garanties d’origine (GO). Ces documents assurent la traçabilité de l’électricité verte. Selon l’article 2 du décret n° 2012-62 du 20 janvier 2012 : « une GO est un document électronique servant uniquement à prouver au client final qu’une part ou une quantité déterminée d’énergie a été produite à partir de sources renouvelables ou par cogénération ». Elle est émise par un producteur et certifiée par un organisme désigné par l’État. Les fournisseurs l’achètent puis la proposent à leurs clients dans le cadre d’offres d’énergie verte.
En 2009, le système des GO et des certificats verts a été profondément modifié par la directive européenne relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (article 15, directive n° 2009/28). Une GO peut désormais être vendue séparément de l’électricité à laquelle elle était initialement attachée. Dans ce cas, l’électricité dissociée de sa GO n’est plus considérée comme de l’électricité verte. Il ne peut plus exister qu’un seul système de certification de l’électricité verte, la GO qui a un format homogène d’1 MWh, qui peut être achetée et revendue sur tout le territoire européen mais ne peut être utilisée que dans les douze mois suivant la production de l’électricité qui lui est attachée. La fiabilité du système est assurée par les teneurs de registre mandatés par les États européens.
Afin de transposer ces nouvelles exigences, le décret n° 2012-62 du 20 janvier 2012 est venu modifier le décret n° 2006-1118 du 5 septembre 2006 fixant le régime des garanties d’origine. En France le registre est tenu par Powernext. Il est en charge de vérifier que les volumes de GO émis par les producteurs d’électricité de source renouvelable correspondent au nombre de MWh injectés dans le réseau électrique (1 Mwh = 1 GO). Il s’assure également qu’une consommation d’électricité verte correspond à l’utilisation de GO.
Or, l’électricité produite par les installations bénéficiant d’un contrat de complément de rémunération en application du présent article ne peut bénéficier de garanties d’origine.
Les producteurs de ces installations ne peuvent par conséquent ni demander, ni transférer, ni acquérir, ni utiliser des garanties d’origine pour leur production. Le choix a oscillé entre deux logiques : une version du projet de décret prévoyait de déduire du complément de rémunération la valeur de la garantie d’origine. La position de l’administration a semble-t-il évolué lors de discussions avec les financeurs, notamment avec les banques. En effet, permettre aux producteurs d’utiliser des garanties d’origine est source d’incertitude dans le cadre du financement des projets, car il n’existe pas de prix de référence de la garantie d’origine, Powernext n’étant qu’un registre et non pas un marché. Parfois qualifié de « Bourse de l’électricité », Powernext opère en fait non pas sous le statut de marché réglementé mais sous celui de prestataire de services d’investissement. L’organisme a été désigné pour une durée de cinq ans par l’arrêté du 19 décembre 2012 (71) comme l’organisme en charge de la délivrance, du transfert et de l’annulation des garanties d’origine de l’électricité produite à partir de sources d’ENR ou par cogénération. Les prêteurs ne sont donc pas totalement en mesure de mesurer le risque derrière une valorisation non-prévisible de la garantie.
Une solution, évoquée par certains acteurs de terrain, dont ENGIE, eût été de laisser aux producteurs le choix de valoriser ou non la garantie d’origine. Le producteur souhaitant bénéficier de la garantie l’aurait déclaré dans la demande de contrat de complément de rémunération en précisant un prix de référence. Le producteur préférant ne pas bénéficier de la garantie d’origine, l’aurait précisé, également, dans la demande de contrat. Son choix n’aurait alors pu être modifié qu’au travers d’une modification du contrat de complément de rémunération. Cette option n’a, au final, pas été ouverte.
Le décret n° 2016-682 du 27 mai 2016 prévoit d’ores et déjà que le producteur renonce à la valorisation des garanties d’origine pour bénéficier du complément de rémunération. L’article 2 du projet de loi (72) ratifiant l’ordonnance n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables interdit la valorisation des garanties d’origine, par le producteur ou l’acheteur obligé, de la production d’électricité renouvelable bénéficiant d’un dispositif de soutien sous forme d’obligation d’achat ou de complément de rémunération. Il modifie l’article L. 314-14 du code de l’énergie pour introduire la disposition suivante : « l’électricité produite à partir de sources renouvelables ou de cogénération et pour laquelle une garantie d’origine a été émise ne peut ouvrir droit au bénéfice de l’obligation d’achat ou du complément de rémunération dans le cadre des contrats mentionnés aux articles L. 121-27, L. 311-12, L. 314-1, L. 314-18 ainsi que, le cas échéant, L. 314-26. », ce qui confirme le caractère exclusif de l’une ou l’autre formule.
Certains acteurs considèrent que cette exclusion n’est pas justifiée. L’article 15 de la directive 2009/28 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables établit certes que « les États membres peuvent prévoir qu’aucune aide n’est accordée à un producteur lorsqu’il reçoit une garantie d’origine pour la même production d’énergie à partir de sources renouvelables ». Toutefois, dans le cadre de l’obligation d’achat, c’est l’acheteur de l’électricité qui se subroge au producteur dans le droit d’émettre la garantie d’origine. Le producteur ne recevant pas de garantie, la question se pose de savoir pourquoi celles émises par l’acheteur seraient inutilisables. Votre Rapporteure estime que, sur cette question, le débat mérite d’être, à nouveau, ouvert.
La question de la garantie d’origine ayant ainsi été tranchée, à la faveur d’un débat qui a duré plusieurs mois et retardé la parution des décrets sur le complément de rémunération, alors que Légifrance ne compte pas moins de douze renvois au décret dans cet article, l’analyse des textes d’application permet de dégager les observations suivantes.
I et II) Puissance installée
Le décret n° 2016-23 du 18 janvier 2016 relatif à la définition de la puissance installée des installations de production d’électricité qui utilisent des énergies renouvelables, est pris pour l’application du II de l’article, texte issu d’un amendement de votre Rapporteure, en nouvelle lecture à l’Assemblée lors de la séance, du 21 mai 2015, modifiant un amendement du Sénat pour tenir compte de la partie de l’installation en autoconsommation dans la définition de la puissance active installée, en plus de la puissance injectée.
L’idée de retenir la notion de puissance active maximale injectée au point de livraison vient initialement d’un amendement de M. Joël Giraud, adopté en commission à l’Assemblée nationale en première lecture, mais supprimé en séance à l’Assemblée suite à un amendement du Gouvernement.
Le décret précise, en conséquence, les modalités de calcul de la puissance installée des installations de production d’électricité utilisant des sources d’énergies renouvelables, afin de déterminer si une autorisation administrative est nécessaire. Les installations dont la puissance installée est inférieure ou égale aux seuils fixés à l’article R. 311-1 du code de l’énergie sont en effet réputées autorisées, tandis que les autres requièrent une autorisation administrative.
Il prévoit que l’ensemble de la puissance installée doit être pris en compte pour déterminer si une autorisation administrative est nécessaire et ce, quel que soit le branchement : autoconsommation totale (« utilisées pour la consommation propre du producteur concerné »), vente (« injectées, directement ou indirectement, sur les réseaux publics d’électricité ») ou alimentation des auxiliaires (« utilisées pour le fonctionnement des auxiliaires de l’installation de production »), qui sont les organes techniques sans lesquels l’installation ne pourrait fonctionner. Le décret prévoit également que, dans sa demande d’autorisation d’exploiter adressée au ministre chargé de l’énergie, le pétitionnaire précise la valeur des trois différentes puissances.
Le décret modifie la notion de puissance installée par rapport à celle définie au II de l’article 104 de la loi (« la puissance installée se définit, pour les installations de production d’électricité qui utilisent des énergies renouvelables, comme le cumul de la puissance active maximale injectée au point de livraison et de la puissance autoconsommée »), en ce qu’il ajoute la prise en compte de l’énergie utilisée pour le fonctionnement des auxiliaires de l’installation de production concernée. L’introduction de la notion de puissance utilisée pour le fonctionnement des auxiliaires pourrait accroître le contentieux relatif aux contrôles prévus par la loi pour le passage du régime de tarif d’achat au complément de rémunération, mais cet ajout rend plus rigoureux le calcul de la puissance installée pour la production d’énergies renouvelables.
VI) Complément de rémunération
Le décret n° 2016-682 du 27 mai 2016 fixe les conditions d’octroi du complément de rémunération et de l’obligation d’achat. Il prévoit que les modèles de contrats d’achat et de complément de rémunération sont établis par EDF, le cas échéant avec les organisations représentatives des ELD, et approuvés par le ministre chargé de l’énergie. Il fixe les conditions dans lesquelles les installations peuvent bénéficier du complément de rémunération, ses modalités de calculs et de versement, sauf pour les installations de cogénération d’électricité et de chaleur à partir de gaz naturel éligibles, pour lesquelles le complément de rémunération est défini, pour une année calendaire, par arrêté.
CALCUL DU COMPLÉMENT DE RÉMUNÉRATION
Le complément de rémunération est ainsi composé d’une prime à l’énergie, constituée d’un tarif de référence exprimé en €/ MWh basé sur les coûts d’investissement et d’exploitation moyens d’une installation performante et représentative de la filière considérée, dont est soustrait le prix de marché de référence (moyenne arithmétique sur l’année civile des prix spots horaires positifs ou nuls constatés sur la bourse de l’électricité Epex pour la zone France). À cela s’ajoute une prime de gestion, couvrant les coûts de commercialisation des producteurs EnR, fixée par arrêté et par filière. Le complément de rémunération prend en compte les revenus de vente des garanties de capacité. Les tarifs de référence intègrent également un mécanisme de dégressivité automatique au cours du temps, qui ne doit pas faire obstacle à ce que le complément de rémunération couvre les coûts indispensables au maintien en fonctionnement de l’installation, notamment ses coûts d’exploitation.
Pendant les heures de prix négatifs, une installation bénéficiant d’un complément de rémunération n’est pas rémunérée. Toutefois, si le nombre d’heures de prix strictement négatifs constaté sur une année civile est supérieur à un nombre d’heures, consécutives ou non, défini pour chaque filière, l’installation qui n’a pas produit pendant ces heures peut recevoir une prime.
Le décret prévoit qu’afin de bénéficier d’un contrat de complément de rémunération, le producteur renonce au préalable au droit d’obtenir la délivrance des garanties d’origine pour l’électricité produite par l’installation pendant la durée du contrat.
Le complément de rémunération est versé mensuellement, sur la base des éléments publiés par la CRE, transmis par EDF. Les producteurs ayant conclu un contrat de complément de rémunération calculent et facturent à EDF la prime à l’énergie mensuelle et la prime de gestion.
Le décret prévoit que la CRE remet au ministre chargé de l’énergie avant le 30 juin 2018 un rapport relatif à la mise en œuvre du complément de rémunération, mis à jour tous les deux ans.
Le décret établit également les modalités d’achat en dernier recours. L’acheteur est désigné pour une durée maximum de cinq ans par le ministre chargé de l’énergie, après appel public à la concurrence publié au journal officiel de l’Union européenne. L’acheteur en dernier recours conclut un contrat d’achat de l’électricité lorsqu’il y a impossibilité pour le producteur de contractualiser avec un agrégateur tiers ou de vendre lui-même sur le marché ainsi qu’en cas de défaillance de l’agrégateur tiers. Le tarif d’achat de cette électricité ne pourra être supérieur à 80 % du niveau du tarif de référence.
Le décret renvoie à des arrêtés de filière la définition précise des installations pouvant bénéficier plusieurs fois d’un contrat de complément de rémunération, d’un contrat d’obligation d’achat ou d’un contrat de complément de rémunération suite à un contrat d’achat.(73)
Si le décret a globalement été bien accepté par les acteurs, certains points soulèvent des difficultés :
– l’interdiction de délivrance des garanties d’origine pour l’électricité produite par l’installation pendant la durée du contrat est à même de restreindre les possibilités de valorisation de l’électricité produite par les installations d’ENR
– selon la CRE, le coefficient de dégressivité qui permet de revoir à la baisse la rémunération tout au long de la durée du contrat introduit une complexité inutile.
Le décret n° 2016-691 du 28 mai 2016 précise, quant à lui, les filières qui pourront continuer à bénéficier de l’obligation d’achat et celles qui expérimenteront le complément de rémunération. Disposeront ainsi encore des tarifs d’achats, les installations hydroélectriques d’une puissance installée inférieure ou égale à 500 kilowatts, les installations photovoltaïques implantées sur bâtiment d’une puissance crête installée inférieure ou égale à 100 kilowatts et les installations utilisant à titre principal le biogaz produit par méthanisation ou issu d’installations de stockage de déchets non dangereux, d’une puissance installée strictement inférieure à 500 kilowatts. Les installations d’une puissance installée inférieure ou égale à 12 mégawatts implantées dans des zones non interconnectées au réseau métropolitain continental pourront, elles, toujours prétendre à des tarifs d’achats.
Les catégories d’installations de production d’électricité éligibles au complément de rémunération sont les installations utilisant l’énergie hydraulique des lacs, des cours d’eau et des eaux captées gravitairement d’une puissance installée inférieure ou égale à 1 mégawatt ; les installations utilisant à titre principal l’énergie dégagée par traitement thermique de déchets ménagers ou assimilés ; les installations utilisant à titre principal le biogaz produit par méthanisation de matières résultant du traitement des eaux usées urbaines ou industrielles d’une puissance installée comprise entre 500 kilowatts et 12 mégawatts ; les installations utilisant à titre principal le biogaz issu d’installations de stockage de déchets non dangereux d’une puissance installée comprise entre 500 kilowatts et 12 mégawatts ; les installations utilisant à titre principal l’énergie extraite de gîtes géothermiques ; les installations de cogénération d’électricité et de chaleur valorisée à partir de gaz naturel d’une puissance installée inférieure ou égale à 1 mégawatt ; les installations utilisant l’énergie mécanique du vent implantées à terre.
Le décret prévoit des dérogations selon la puissance installée ainsi que l’intervention d’un arrêté pour préciser les critères applicables aux installations de cogénération bénéficiant de l’obligation d’achat ou du complément de rémunération.
Votre Rapporteure estime que la coexistence des deux mécanismes de soutien pour la filière éolienne terrestre, organisée par le décret, peut poser problème. À l’exception des éoliennes implantées en Corse et celles situées dans des zones particulièrement exposées au risque cyclonique, l’éolien terrestre peut en effet bénéficier tant de l’obligation d’achat que du complément de rémunération. La CRE considère que « cette mesure est [...] discriminatoire à l’encontre des autres filières éligibles au complément de rémunération », les exploitants de parcs éoliens pouvant choisir le dispositif qui permet la plus forte rémunération.
À l’inverse, certains acteurs tiennent à la coexistence de ces dispositifs et estiment que le décret manque de clarté à ce sujet. L’article 6 du décret précise en effet que les installations pour lesquelles « une demande complète de contrat a été déposée avant la date d’entrée en vigueur du présent décret », soit le 30 mai 2016, pourront encore bénéficier du tarif d’achat en vigueur, ce qui laisse penser que les demandes d’obligations d’achat faites après la publication ne sont plus possibles pour l’éolien. La DGEC a voulu rassurer les acteurs en insistant sur le fait que ce « qui change depuis la parution du décret est le fait que les producteurs éoliens qui feraient une demande de contrat à compter du 30 mai 2016 sont soumis aux dispositions du décret 2016-682 et donc à la nouvelle procédure de demande de contrat avec notamment la remise de l’attestation de conformité ». Certains acteurs craignent toutefois qu’en cas de litige, le décret laisse libre cours à l’interprétation des juges.
Le décret n° 2016-690 du 28 mai 2016 fixe les modalités de cession à des tiers des contrats d’obligation d’achat et précise particulièrement les modalités d’agrément des organismes auxquels ils peuvent être cédés, en prévoyant notamment qu’ils doivent disposer de capacités techniques et financières suffisantes. Un arrêté du ministre chargé de l’énergie doit préciser les conditions dans lesquelles un organisme démontre ses capacités techniques et financières. Votre Rapporteure insiste sur l’importance de définir des conditions exigeantes afin de rassurer les investisseurs.
Le décret n° 2016-687 du 27 mai 2016 relatif à l’autorisation d’exploiter les installations de production d’électricité est pris en application du présent article et de l’article 187. Il reprend des mesures annoncées par le Gouvernement en février 2016, elles-mêmes reprises du rapport du Conseil de la simplification pour les entreprises du 3 février 2016 proposant 90 nouvelles mesures de simplification pour les entreprises (74). Il relève les seuils au-delà desquels une demande d’autorisation d’exploiter est nécessaire pour les installations de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et de combustibles fossiles autres que le gaz naturel et instaure un seuil pour les demandes d’autorisation d’exploiter des installations utilisant les énergies marines renouvelables. Il dispense de demande d’autorisation d’exploiter certaines installations hydrauliques ainsi que les lauréats d’appels d’offres.
AUTORISATION D’EXPLOITER :
SEUILS PRÉVUS PAR LE DÉCRET DU 27 MAI 2016
Source d’énergie utilisée par l’installation |
Ancien seuil |
Nouveau seuil |
Énergie radiative du soleil |
12 MW |
50 MW |
Énergie mécanique du vent |
30 MW |
50 MW |
Combustion/explosion de matières non fossiles d’origine animale/végétale |
12 MW |
50 MW |
Combustion/explosion biogaz |
12 MW |
50 MW |
Nappes aquifères/roches souterraines |
12 MW |
50 MW |
Valorisation des déchets ménagers hors biogaz |
12 MW |
50 MW |
Énergies houlomotrice, hydrothermique et hydrocinétique (installations implantées sur le domaine public maritime) |
X |
50 MW |
Combustibles fossiles hors gaz naturel et charbon |
4,5 MW |
10 MW |
Gaz naturel |
4,5 MW |
20 MW |
Énergie hydraulique (installations mentionnées aux articles L. 511-2, L. 511-3 et L. 531-1 du code de l’énergie) |
X |
Dispensées |
Source : http://www.green-law-avocat.fr/énergie/
Le décret supprime l’obligation de publication préalable, avant son traitement, d’une demande d’autorisation d’exploiter. Votre Rapporteure considère que cette disposition, en supprimant l’objet des recours contre les mesures de publication de demandes d’autorisation, parfois formés uniquement dans des buts dilatoires, permettra d’accélérer la mise en exploitation des projets.
Le décret crée une obligation de publicité pour les demandes d’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité dont la puissance dépasse 500 MW. Votre Rapporteure note ici une contradiction avec la notice du décret qui indique obligation de publicité pour les installations dont la puissance dépasse 800 MW.
Le décret simplifie le contenu du dossier de demande. Votre Rapporteure s’interroge sur la suppression de l’obligation pour le pétitionnaire de produire, dans son dossier de demande, la note relative à l’incidence du projet sur la sécurité et la sûreté des réseaux publics d’électricité. Il est nécessaire que le développement des énergies renouvelables ne se fasse pas au détriment de la sécurité des réseaux. Votre Rapporteure est toutefois favorable à l’obligation d’assortir le dossier des demandes déposées, à compter du 1er juillet 2016, d’une note relative à l’efficacité énergétique de l’installation comparée aux meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable.
Enfin, le décret codifie les possibilités de prolongation pour les installations ENR marines. Au-delà des dix ans, leur autorisation peut encore être prolongée pour une période de trois ans, renouvelable deux fois.
Les articles 105 à 107 sont également subordonnés à l’intervention de décrets.
Article 105
Délai de raccordement des installations de production à partir de sources renouvelables
Cet article vient combler un vide juridique. Alors que l’article 88 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite « Grenelle 2 », avait fixé un délai de raccordement de deux mois s’agissant des installations de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable d’une puissance installée inférieure ou égale à trois kilovoltampères, aucun délai n’était défini pour les autres installations. L’article 105 prévoit que ce délai est de 18 mois pour les installations d’une puissance supérieure à trois kilovoltampères. Cette disposition est d’application directe.
Il est cependant renvoyé à un décret pour déterminer quelles installations peuvent faire l’objet d’un délai de raccordement plus long au regard de contraintes techniques et administratives particulières. Le décret n° 2016-399 relatif au délai de raccordement des installations de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable est paru le 1er avril 2016. Il prévoit que le délai de raccordement, qui ne comprend pas le délai nécessaire à la mise en service de ladite installation, court à compter de la date de réception par le gestionnaire de réseau de la convention de raccordement, sous réserve d’un certain nombre d’exceptions. Alors même que l’article 105 pouvait laisser penser que des différences seraient faites suivant les catégories d’installation, et potentiellement en fonction du type d’énergie renouvelable en cause, le décret n’opère à ce titre aucune distinction. Le délai de raccordement peut être suspendu lorsque la construction des ouvrages à réaliser par le producteur ne peut être effectuée dans le délai de dix-huit mois, lorsque le producteur décide de suspendre son projet, ou encore lorsque la réalisation des travaux de raccordement est soumise à des sujétions nouvelles résultant d’une décision administrative. Le décret précise les conditions de prorogation du délai de raccordement, en prévoyant notamment que la demande de prorogation est motivée et accompagnée d’un dossier exposant l’étendue des travaux et comprenant des pièces justificatives.
Si le décret est globalement bien accepté par les acteurs du terrain, le caractère imprécis de l’article D. 342-4-2 du code de l’énergie, créant une possibilité de suspension de ce délai de 18 mois « lorsque le producteur et le gestionnaire de réseau constatent que la construction des ouvrages à réaliser par le producteur ne peut être effectuée dans le délai de dix-huit mois ou que le producteur décide de suspendre son projet », fait craindre à certains acteurs que cela n’entrave l’accélération du raccordement des installations. Votre Rapporteure estime toutefois qu’il est indispensable de conserver cette souplesse, notamment dans les cas, assez fréquents, où les permis de construire nécessaires à la réalisation de l’installation font l’objet de recours contentieux.
L’article renvoie en outre à un décret en Conseil d’État le soin de fixer le barème du versement d’indemnités liées au non-respect des délais (de 2 ou 18 mois). Un projet de décret a été examiné par le Conseil supérieur de l’énergie (CSE) le 1er mars 2016. Il prévoit un montant plafonné à 10 % du montant du raccordement. La publication était envisagée en février 2016 !
Article 106
Adaptation des procédures d’appels d’offres pour la production d’électricité renouvelable
L’article définit certaines modalités des appels d’offres pour la production d’électricité renouvelable. Il prévoit ainsi, sans que des mesures d’application soient nécessaires :
– que l’appel d’offres lancé par l’autorité administrative choisisse les modalités selon lesquelles le candidat retenu bénéficie d’un soutien à l’électricité produite : soit un contrat d’achat, soit un contrat offrant un complément de rémunération ;
– que lorsque le contrat d’achat est choisi, la société EDF et, le cas échéant, les entreprises locales de distribution, soient tenues de conclure un contrat d’achat avec le candidat retenu (si elles ne sont pas retenues elles-mêmes) ;
– que, si le complément de rémunération est choisi, seule EDF soit tenue de conclure ce contrat avec le candidat retenu de l’appel d’offres ;
– que, si l’appel d’offres aboutit au choix d’EDF ou d’une entreprise locale de distribution, les éventuels surcoûts de production d’électricité soient compensés au titre de charges de service public.
L’article prévoit l’intervention d’un décret, non encore publié, définissant les modalités de mise en œuvre du contrôle des installations lauréates des appels d’offres ayant effectué une demande de contrat (périodicité, modalités de fonctionnement du système de contrôle, agrément et points de contrôle pour les organismes agréés destinés à contrôler les installations ENR).
Pour ce qui est des appels d’offres en Corse, à La Réunion, en Guyane, en Martinique, en Guadeloupe et à Mayotte, l’article renvoie à un décret définissant les modalités de l’association du Président de la collectivité à la définition des modalités d’appels d’offres pour la production d’électricité renouvelable. Le décret n° 2016-706 précisant les modalités d’intervention des collectivités précitées dans les procédures d’appels d’offres mentionnées à l’article L. 311-11-1 du code de l’énergie est paru le 30 mai 2016.
Le décret respecte strictement la loi puisqu’il prévoit que, lorsque le rythme de développement d’une filière de production d’électricité sur les territoires de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique ou de La Réunion est de nature à compromettre l’atteinte des objectifs inscrits dans les programmations pluriannuelles de l’énergie (PPE) relatives à ces collectivités, ces dernières peuvent demander au ministre chargé de l’énergie d’organiser un appel d’offres sur leur territoire pour cette filière.
Le décret aurait gagné à être plus précis. Rien n’est dit sur la date ou le pourcentage à partir desquels il est possible d’affirmer que le rythme de développement d’une filière est de nature à compromettre l’atteinte des objectifs. Il serait préférable que la demande des collectivités ne puisse être faite que durant les trois dernières années de la PPE, afin de laisser le temps aux projets d’émerger et de posséder une estimation relativement robuste du rythme de développement de la filière de production.
Article 107
Sanctions applicables aux régimes de soutien des énergies renouvelables
Cet article élargit et renforce les sanctions prévues en cas de fraudes au soutien public ou de non-respect du cahier des charges des appels d’offres. Il prévoit un décret, dont la publication, prévue pour février, n’est pas encore intervenue, pour fixer les modalités d’application des dispositions relatives aux sanctions, étendues par l’article à tous les types de contrats d’achat de l’électricité (le régime de l’obligation d’achat, le régime du complément de rémunération et le régime de l’appel d’offres). Ces contrats, conclus obligatoirement, peuvent donc désormais être suspendus ou résiliés par l’autorité administrative si l’installation de production d’électricité bénéficiaire du contrat ne respecte pas les exigences réglementaires, ainsi que, dans le cas de l’appel d’offres, les exigences du cahier des charges qui l’accompagne. Les modalités de suspension ou de résiliation seront fixées dans le décret.
L’article introduit une nouvelle sanction : si l’autorité administrative choisit de prononcer la résiliation du contrat d’achat, elle peut assortir cette sanction de l’obligation pour l’installation de production de rembourser les sommes perçues en application du contrat résilié dans la période où les irrégularités ont été constatées. Les modalités de remboursement des sommes perçues seront définies dans le décret.
Pour les contrats conclus sous le régime de l’obligation d’achat, du complément de rémunération ou de l’appel d’offres, l’article donne également à l’autorité administrative le pouvoir de suspendre le contrat pour une durée de six mois au plus, renouvelable, en cas de procès-verbal constatant une potentielle infraction à la législation relative au travail dissimulé ou une situation dangereuse et de résilier le contrat si une condamnation définitive résulte de ces infractions. Les modalités de suspension ou de résiliation, et de fixation des sanctions pécuniaires, seront fixées dans le décret.
Article 108
Production et vente d’électricité par les collectivités territoriales et leurs groupements
Cet article est relatif à la possibilité pour des entités publiques, comme des syndicats mixtes, d’être éligibles à l’obligation d’achat. En lui-même il ne nécessite pas de texte d’application.
Article 109
Participation des communes au capital de sociétés de production d’énergies renouvelables
Les articles 109 à 111 portent sur le financement participatif, lequel, au sens large, couvre les projets dans lesquels il y a participation financière des citoyens et/ou des collectivités.
Le financement participatif est actuellement assez peu courant pour les projets d’énergies renouvelables. Aujourd’hui on compte environ 150 projets participatifs recensés dans la production d’énergie renouvelable en France, mais une minorité d’entre eux est concrétisée. Toutefois, la plupart des projets sont en cours de constitution.
Le financement participatif peut prendre différentes formes :
– Il faut distinguer le financement citoyen de la dette qui donne lieu seulement à une participation financière du financement citoyen en fonds propres permettant aux citoyens de prendre des parts de capital et d’être acteurs de la gouvernance du projet. Le financement de la dette prend la forme de prise d’obligations, de bons de caisse (titres d’une créance d’une durée de cinq ans), de financement participatif « crowdfunding » en prêt ou de dépôts à terme pour financer un projet d’énergie renouvelable. Cette distinction doit être relativisée. Certains types d’apports peuvent alimenter les fonds propres sans octroyer de droits de vote (apports en don via le crowdfunding ou en apports en comptes courants d’associés par des actionnaires existants).
– Il faut aussi distinguer les participations directes, avec un financement procuré par les citoyens en tant que personnes physiques, des participations indirectes, avec un financement apporté par une structure intermédiaire (dont ils sont associés) ou une collectivité (qui les représente).
– Le financement direct en fonds propres peut être réalisé sous forme d’actions ou sous la forme d’apports en compte courant d’associé. Les statuts juridiques des sociétés de projets qui accueillent des citoyens dans leur capital sont différents mais le statut de sociétés par actions simplifiées (SAS) prévaut, avant celui de sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) puis, dans une moindre mesure, de celui de sociétés d’économie mixte (SEM)
La formule de la SAS est privilégiée en raison de sa facilité de création (notamment l’absence d’un capital de départ) et de sa souplesse statutaire (notamment l’organisation libre de la gouvernance).
Le financement indirect en fonds propres peut prendre différentes formes et consiste à réunir plusieurs citoyens dans un « véhicule unique » pour faciliter l’organisation de la gouvernance :
– les sociétés intermédiaires consistent à réunir les citoyens, voire les collectivités pour capitaliser ensuite la société de projet.
– Energie Partagée Investissement, société en commandite par action, que la mission d’information a auditionnée collecte les fonds citoyens via des offres au public de titres financiers (OPTF) sous contrôle de l’Autorité des marchés financiers pour financer des projets devant répondre à la Charte d’énergie partagée.
– les clubs d’investissements sont des entités fiscales possédant une forme juridique très souple, l’indivision volontaire et permettant de mettre en commun une épargne. Un club CIGALES (Club d’investisseurs pour une gestion alternative et locale de l’épargne solidaire) est une structure de capital-risque solidaire mobilisant l’épargne de ses membres au service de la création et du développement de petites entreprises locales et collectives.
– le crowdfunding pour l’apport en fonds propres, possible via des plateformes Internet, permet une participation en dons ou en titres financiers.
LES DIFFÉRENTES FORMES DE FINANCEMENT PARTICIPATIF
Source : ADEME, 2015
Le dispositif vise à autoriser les communes et leurs groupements, les départements et les régions à devenir actionnaires de sociétés dont l’objet est de produire des énergies renouvelables. Ces sociétés doivent être des SA ou des SAS, les SARL et les SCA ne sont pas concernées.
L’article ne précise pas si les sociétés commerciales dont l’objet est de développer des projets ENR sont concernées. Il ne donne pas non plus de précision quant au seuil de participation des collectivités dans les SA et les SAS.
Il ne nécessite aucun texte d’application.
Article 110
Création de sociétés commerciales de production d’électricité ou de gaz par des régies.
L’article prévoit que « les régies dotées de la personnalité morale et de l’autonomie financière peuvent créer une ou des sociétés commerciales ou entrer dans le capital d’une ou de sociétés commerciales existantes dont l’objet social consiste à produire de l’électricité ou du gaz. Les installations de production d’électricité ou de gaz de cette ou de ces sociétés commerciales peuvent être situées sur le territoire des régies mentionnées à la première phrase du présent alinéa ou en dehors de ce territoire. »
Cet article est en vigueur. Il doit permettre une meilleure implication des régies dans la production d’énergie.
La difficulté sera d’en dresser un bilan exhaustif.
Article 111
Investissement participatif dans les projets de production d’énergies renouvelables
Cet article autorise les sociétés commerciales, les sociétés d’économie mixte locales et les coopératives régies par la loi du 10 septembre 1947, constituées en sociétés de projet pour la production d’énergie renouvelable, à ouvrir une partie de leur capital aux habitants qui résident à proximité du lieu de réalisation du projet, ainsi qu’aux collectivités territoriales compétentes sur le territoire desquelles il se situe. Il est légèrement en décalage par rapport à l’article 109 puisqu’il laisse entendre que les collectivités pourraient participer au financement de la dette des projets d’ENR.
L’article décrit en effet les formes que peut prendre l’offre de participation :
– directe, du porteur de projet aux habitants ou aux personnes publiques concernés ;
– par le biais d’un fonds spécialisé de l’économie sociale et solidaire, qui prend la forme d’un fonds d’entrepreneuriat social européen
– par le biais d’une société dont l’objet est le développement des énergies renouvelables et qui est agréée « entreprise solidaire d’utilité sociale »
– par le biais de conseillers en investissements participatifs. Cette dernière forme d’offre de participation n’est en vigueur que depuis le 1er juillet 2016.
L’article prévoit qu’un décret fixe les caractéristiques à remplir pour que les offres de participation au capital ou au financement de projet de production ENR ne soient pas considérées comme une offre au public au sens du code monétaire et financier. Le décret n° 2016-1272 relatif aux investissements participatifs dans les projets de production d’énergie renouvelable, publié le 29 septembre 2016, renvoie aux règles de l’AMF et ne prévoit pas de dérogation supplémentaire par rapport aux trois régimes dérogatoires existants (par rapport au montant des investissements, à la nature des investisseurs et en cas de « crowdfunding »).
Or, obtenir un prospectus requiert une démarche compliquée pour les projets de production d’ENR souhaitant ouvrir leur capital à des citoyens. Les acteurs de terrain auraient souhaité des dérogations aux règles existantes de l’Autorité des marchés financiers.
La définition de l’OPTF est appelée à évoluer en raison de la révision prévue de la Directive Prospectus, s’inscrivant dans le projet européen de création d’une « Union des marchés des capitaux », et notamment dans le Plan d’action pour la mise en place d’une Union des marchés des capitaux, adopté le 30 septembre 2015.
Le décret ne fait plus référence qu’aux offres faites par les porteurs des projets directement ou aux offres proposées par l’intermédiaire d’un prestataire de services d’investissement et d’un conseiller en investissements participatifs au moyen d’un site internet. Certains acteurs du terrain se demandent pourquoi il n’est pas fait référence aux fonds d’entreprenariat social spécialisés dans la capitalisation de projets ENR ou aux sociétés ayant l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » pourtant explicitement mentionnés dans la loi.
Certains acteurs considèrent que le projet de décret aurait pu venir préciser certaines dispositions de la loi ne renvoyant pas explicitement au décret :
Le décret aurait également pu donner des précisions quant au seuil de participation des collectivités dans les SA et les SAS et préciser les conditions d’encadrement des participations publiques. En effet, sur le terrain, beaucoup d’acteurs et notamment de petites collectivités, sans service juridique important, craignent des risques de contentieux. Le décret aurait pu également préciser le statut de l’intermédiation.
La question que se posent certains acteurs est celle de savoir s’il faut ou non ouvrir les bonus participatifs aux projets en guichet ouvert (c’est-à-dire sans appel d’offres).
Les bonus participatifs dans le cadre d’appels d’offres commencent à être mis en place. Ainsi, dans l’appel d’offres « biomasse » présenté début février 2016, tout projet soumis par une collectivité, un groupement de collectivités, des sociétés par actions ou des coopératives dont plus de 40 % du capital est détenu par des citoyens et des collectivités bénéficie d’un bonus de 5 €/MWh de complément de rémunération.
Pour certains acteurs, permettre ces bonus participatifs au profit des projets en guichet ouvert permettrait d’encourager le financement participatif. À l’inverse, d’autres sont hostiles car cela reviendrait, selon eux, à sous-entendre que les projets citoyens sont plus chers et nécessitent une subvention publique pour être mis en œuvre. Certes, il peut être plus contraignant de développer un projet avec de nombreuses parties prenantes mais il ne faut pas non plus, selon eux, envoyer de signal négatif envers les projets citoyens.
Au-delà de la pertinence d’une telle ouverture, reste la question de sa compatibilité avec la position de la Commission européenne en matière d’aides d’État dans le domaine de l’environnement et de l’énergie.
Cet article autorise l’approvisionnement des installations de méthanisation de déchets non dangereux ou de matières végétales brutes par des cultures alimentaires.
La méthanisation a connu, ces dernières années, un développement modéré. La méthanisation à la ferme et la méthanisation industrielle sont les plus développées, parmi les six types d’installation de méthanisation existant en France :
– la méthanisation « à la ferme » ou méthanisation agricole : le projet est porté par un agriculteur ou un groupement d’agriculteurs, et la méthanisation est réalisée par une entreprise agricole unique en maîtrise d’ouvrage, traitant majoritairement des effluents et substrats agricoles ; cette activité est principalement présente en Bretagne, Pays-de-la-Loire et Grand-Est ;
– la méthanisation « centralisée » ou « territoriale » : réalisée par des unités de grande taille, traitant en premier lieu des déchets du territoire et de façon secondaire des effluents agricoles en minorité et davantage de déchets du territoire ;
– la méthanisation en station d’épuration des eaux usées : traitant les boues résiduaires d’épuration des eaux usées urbaines ;
– la méthanisation industrielle, essentiellement dans les secteurs de l’agro-alimentaire, la chimie et la papeterie ;
– la méthanisation des ordures ménagères, ces projets étant conduits par les collectivités ou des entreprises ou syndicats spécialisés dans la gestion des déchets ; on compte seulement neuf sites en France ;
– la production spontanée de biogaz dans les installations de stockage de déchets (décharges).
Source : SINOE, base de données consolidée et sécurisée disposant d’un historique unique de 10 ans de données sur la gestion des déchets ménagers et assimilés
Alors qu’en 2008, le pays ne comptait que quelques installations, il y a aujourd’hui plus de 250 unités de méthanisation centralisées et de méthanisation à la ferme, constituant une puissance totale de près de 80 MW. 19 installations injectent du bio méthane sur le réseau de GRDF, et à l’horizon 2018, on pourrait en compter une centaine.
Ce développement demeure toutefois faible, comparativement aux autres pays européens. En effet, si la France a été pionnière de la méthanisation en Europe dans les années quatre-vingt, sa politique de l’énergie, plus tournée sur le nucléaire, n’a pas accordé une réelle priorité au développement de la filière, tandis que d’autres pays européens se sont engagés plus nettement sur cette voie. Il en résulte que la France est loin derrière les pays dominants en Europe sur le secteur de la méthanisation (Allemagne, Italie, Pays-Bas, Danemark).
La loi a opté pour de faibles aménagements juridiques, tout en escomptant un fort développement de la méthanisation, dans la lignée du plan Énergie Méthanisation Autonomie Azote (EMAA) lancé en mars 2015. Le plan EMAA, dont les objectifs sont indiqués dans le graphique ci-après, vise à développer un « modèle français de la méthanisation agricole » pour faire de la méthanisation agricole collective de taille intermédiaire un complément de revenus pour les exploitations agricoles, en valorisant l’azote et en favorisant le développement de plus d’énergies renouvelables ancrées dans les territoires, dans une perspective d’agriculture durable et de transition énergétique et écologique.
L’objectif est de développer en France, à l’horizon 2020, 1 000 méthaniseurs à la ferme, contre 90 à fin 2012.
Des mécanismes de soutien existent déjà :
– les méthaniseurs de moins de 500 kW sont soutenus par un tarif d’achat de l’électricité garanti pendant 20 ans. L’arrêté tarifaire a été notifié à la Commission européenne dans le cadre des lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie. Il comprend un seuil d’utilisation des cultures en tant qu’intrants fixé à titre conservatoire dans l’attente de la publication du décret ;
– les méthaniseurs de plus de 500 kW sont soutenus dans le cadre d’appels d’offres ouvrant droit à un complément de rémunération garanti pendant 20 ans.
Cet article doit donc également contribuer à multiplier par quatre, d’ici 2020, la puissance installée. Il renvoie au décret le soin de définir les seuils limites d’autorisation, dont la parution conditionnait l’entrée en vigueur de l’article 112. La question du périmètre global de ces seuils était donc essentielle, et ce décret était donc fortement attendu. Sa publication le 7 juillet 2016 (décret n° 2016-929) permet celle de l’arrêté tarifaire pour l’électricité produite à partir de biogaz par les nouvelles installations de méthanisation.
Le décret procède à la définition de plusieurs notions clés pour l’approvisionnement, fixe le seuil maximal d’approvisionnement des installations de méthanisation par des cultures alimentaires et établit les dérogations possibles.
D’après le décret, les installations de méthanisation de déchets non dangereux ou de matières végétales brutes peuvent être approvisionnées par des cultures alimentaires ou énergétiques, cultivées à titre de culture principale, dans une proportion maximale de 15 % du tonnage brut total des intrants par année civile. Cette proportion peut être dépassée une année N donnée par l’exploitant de l’unité si la proportion de ces cultures est inférieure à 15 % du tonnage total brut des intrants, en moyenne sur les « trois dernières années ». Votre Rapporteure aurait souhaité que soit clarifiée cette notion : s’agit-il de la moyenne sur les années N-3, N-2 et N-1 ou bien de la moyenne sur les années N-2, N-1 et N ?
Le décret prévoit une dérogation pour des cultures alimentaires ou énergétiques provenant de zones reconnues contaminées, notamment par des métaux lourds, définies par arrêté préfectoral. Votre Rapporteure accueille favorablement une telle disposition.
Le décret prévoit que les volumes d’intrants issus de prairies permanentes et de cultures intermédiaires à vocation énergétique n’entrent pas en compte dans la limite des 15 %. Le décret diffère donc grandement du projet d’arrêté tarifaire paru en fin d’année 2015 pour l’électricité produite à partir de biogaz par les nouvelles installations de méthanisation, qui prévoyait que le seuil maximal de 15 % s’applique également aux cultures à vocation énergétique.
Votre Rapporteure salue à ce sujet la procédure de concertation qui a permis au décret de répondre aux demandes de nombreux acteurs de terrain. Ainsi, par exemple, Coop de France avait souligné au cours des auditions conduites par la Mission que les cultures intermédiaires ne devaient pas, selon elle, être prises en compte dans les seuils, dans la mesure où elles n’entraient pas en concurrence alimentaire et, où cette condition d’approvisionnement ajouterait une contrainte que ne connaissent pas d’autres pays européens, aboutissant à l’arrêt de nombreux projets en cours. De telles positions avaient été préalablement mises en avant par le rapport de novembre 2012 : « Freins au développement de la méthanisation dans le secteur agricole » (75). Ce rapport estimait que « sur le fond, le frein principal au développement massif de la méthanisation agricole est certainement le refus des cultures énergétiques à titre principal. Il s’agit là d’une question de doctrine qu’il n’appartient pas à la mission de trancher. Il est toutefois nécessaire de le prendre en compte : la méthanisation à la ferme n’atteindra pas le développement qu’elle connaît par exemple en Allemagne pour cette raison. »
Le décret, qui affirme donc une volonté de développement des projets de méthanisation en France, apporte, sous réserve que la question du calcul soit tranchée, une réponse favorable aux attentes du secteur. Votre Rapporteure estime que ce décret va dans le bon sens mais s’interroge sur le fait de savoir s’il sera suffisant pour inverser la tendance décrite dans ce rapport. En particulier, votre Rapporteure souhaite que l’évolution des recettes du compte d’affectation spéciale « transition énergétique » permette de majorer, en fonction des besoins de la filière, les dépenses de soutien à l’injection de biométhane, qui ne sont prévues pour 2017 qu’à hauteur de 50 millions d’euros.
Article 113
Mise à jour de la liste des cours d’eau réservoirs
Cet article concerne la mise à jour des listes de cours d’eau considérés, dans chaque bassin, comme réservoirs biologiques ou comme zone de circulation des poissons migrateurs.
Il est applicable sans autre texte, mais votre Rapporteure souhaite que la notion de cours d’eau fasse l’objet d’une cartographie et d’une définition incontestables (76), faute de quoi cet article pourrait à son tour répercuter des incertitudes juridiques.
Au-delà, votre Rapporteure souhaite qu’une fois ce travail de définition et de cartographie établie, un véritable travail soit effectué sur la classification des cours d’eau et sur les critères de leur possibilité d’exploitation à des fins hydroélectriques et qu’une révision du classement des cours d’eau soit prévue de manière régulière par exemple dans le cadre de la révision des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) ou de schéma d’aménagement et de gestion de l’eau (SAGE).
Article 114
Admission de l’énergie photovoltaïque au bénéfice des réductions d’impôts
Cette disposition fiscale, qui est due à l’adoption d’un amendement du rapporteur de la commission des affaires économiques du Sénat, M. Ladislas Poniatowski, gagé – ce qui devrait, juridiquement entraîner une hausse du prix du tabac ! – il supprime la restriction fiscale selon laquelle les investissements ouvrant droit à réduction d’impôt sur le revenu ou d’ISF ne pouvaient se faire au profit de sociétés dont l’activité consiste à produire de l’énergie solaire.
Jusqu’à l’intervention du présent article, l’article 199 terdecies-0 A du code général des impôts, qui définit les règles de défiscalisation au titre de l’impôt sur le revenu – 18 % des versements effectués au titre de souscriptions en numéraire au capital initial ou aux augmentations de capital des PME non cotées – excluait du bénéfice de cette réduction d’impôt les investissements réalisés dans les sociétés exerçant « des activités procurant des revenus garantis en raison de l’existence d’un tarif réglementé de rachat de la production », cette incompatibilité entre tarifs d’achat et réduction d’impôt étant justifiée par un principe de non-cumul des aides publiques pour une même activité, et l’article 36 de la loi de finances pour 2011 ajoutait une exclusion spécifique pour les sociétés qui exercent « une activité de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil ».
La réduction d’impôt ne s’appliquait donc pas aux investissements dans la production d’électricité photovoltaïque, même lorsque celle-ci ne bénéficiait pas d’un tarif d’achat garanti, L’article 885-0 V bis appliquait les mêmes exclusions s’agissant de l’impôt de solidarité sur la fortune au titre des souscriptions au capital de PME et de titres participatifs de sociétés coopératives.
Le Sénat a souhaité revenir sur cette interdiction, dans le cas où les installations photovoltaïques ne bénéficient pas de l’obligation d’achat, et votre Rapporteure a jugé cette modification légitime.
Le dispositif est entré en vigueur le 1er janvier 2016. Il est, ici encore, urgent que le Gouvernement supprime le gage, ou l’applique.
Le dispositif fera l’objet d’un examen attentif lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2017. Le reproche est souvent fait d’une faiblesse voire d’une absence de structures industrielles françaises en matière de développement de l’énergie photovoltaïque. Or cette activité se développe au plan national, et l’incitation fiscale va donc dans le sens d’une transition énergétique, notamment à la demande des ménages.
Votre Rapporteure estime donc que cet article ne peut qu’avoir des effets positifs et sera attentive à son évaluation, en loi de finances.
Article 115
Prohibition du cumul de réduction d’impôts et d’un complément de rémunération
L’article, cette fois sans gage, issu, comme le précédent, d’un amendement de la commission des affaires économiques du Sénat, étend le dispositif permettant au redevable d’imputer sur l’impôt de solidarité sur la fortune 50 % des versements effectués au titre des souscriptions en numéraire et des souscriptions de titres participatifs aux sociétés bénéficiant d’un contrat offrant un complément de rémunération. L’article 24 de la loi de finances rectificative pour 2015 a modifié l’emplacement, de cette disposition dans le code général des impôts, mais n’en a pas changé le contenu, qui est directement applicable.
Chapitre II
Concessions hydroélectriques
L’hydroélectricité est en France une filière mature dont le développement est toutefois inférieur aux objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements de production d’électricité (PPI) de 2009.
C’est l’une des énergies renouvelables les moins coûteuses. Si les coûts de construction sont élevés, les coûts d’exploitation et de maintenance sont relativement faibles et la durée de vie des installations longue. C’est également une énergie extrêmement flexible. Les installations de lacs et d’éclusée (77) et de STEP contribuent à une bonne gestion de la pointe c’est-à-dire une gestion ne nécessitant pas la mise en route de centrales polluantes. La filière hydroélectrique représente également de nombreux emplois (environ 12 000 en France en 2012 selon l’ADEME). Si l’hydroélectricité pose certains défis environnementaux, la réglementation existante permet toutefois de préserver la qualité des milieux aquatiques et de garantir les autres usages de l’eau. Un ouvrage hydroélectrique doit ainsi maintenir un débit minimum dans le cours d’eau où il se trouve et être équipé de dispositifs garantissant la continuité écologique.
Ainsi, le service rendu s’étend-il à d’autres secteurs que la seule production d’énergie : irrigation, tourisme et loisir, etc. En contrepartie, Mme Anne Penalba, Présidente de France hydro électricité, souligne que 72 % du potentiel hydroélectrique se trouve condamné par les classements des cours d’eau (78) : « la filière est frustrée de n’être considérée que comme un obstacle à la continuité écologique et non pas comme un acteur économique du développement durable dans les territoires ». Mais ces arguments ne sont pas sans réponse : d’une part, un appel à projets a été lancé sur la petite hydraulique par le Ministère ; d’autre part la préservation de la continuité des cours d’eau est essentielle à l’environnement, ce que prend en compte l’article 133 de la présente loi.
Même si ces arguments sont pertinents, il faut relever que la France est le deuxième pays européen producteur d’hydroélectricité, derrière la Norvège. L’hydroélectricité est ainsi la première source d’électricité renouvelable en France. Le parc hydraulique français compte ainsi plus de 2 500 installations, dont plus de 90 % sont des centrales au fil de l’eau.
Source : RTE
Stabilisé autour des années 1990, après quarante années de croissance, le parc hydraulique reste un atout majeur du mix électrique français, dont la part avoisine ou dépasse chaque année 10 % du mix énergétique. Entre juin 2015 et juin 2016, les centrales hydroélectriques ont généré 60,6 % de la production électrique d’origine renouvelable en France.
Le parc hydraulique est composé de 25 421 MW (23 657 MW sur le réseau RTE, 1 457 MW sur le réseau ENEDIS et 67 MW sur les réseaux des entreprises locales de distribution). Au 30 juin 2016, la puissance totale raccordée du parc hydraulique en France métropolitaine a atteint 25 468 MW, ce qui constitue plus de la moitié des capacités renouvelables raccordées au réseau électrique à cette date. L’arrêté du 24 avril 2016 fixe à la production hydroélectrique les objectifs suivants, en termes de puissance totale installée et d’énergie produite annuellement :
PUISSANCE INSTALLÉE |
ÉNERGIE RENOUVELABLE (HORS STEP) | |
31 décembre 2018 |
25 300 MW |
61 TWh |
31 décembre 2023 |
Option basse : 25 800 MW |
Option basse : 63 TWh |
Ces chiffres doivent être ramenés à la situation actuelle :
Source : RTE
La production effective varie d’une année sur l’autre en fonction des conditions hydrologiques. Le « productible annuel », c’est-à-dire la production annuelle dans des conditions hydrologiques moyennes est d’environ 67 TWh en France. En 2015, le niveau de la production hydraulique renouvelable a diminué de 14 % par rapport à 2014. Cette baisse s’explique par des précipitations moins importantes. En revanche, elle a fortement augmenté durant le 2e trimestre 2016 du fait de la hausse des précipitations et atteint 19,15 TWh sur cette période. Au mois de juin 2016, la production hydraulique renouvelable a couvert à elle seule près de 20,8 % de la consommation française d’électricité brute.
Source : RTE
Si la filière est mature, elle n’atteint cependant pas les objectifs fixés. La PPI de 2009 prévoyait 3 TWh de production en plus, et 3 000 MW de puissance installée supplémentaire à l’horizon 2020, par rapport à 2009. En 2015, la puissance supplémentaire installée n’est pas significative. Seul un projet d’envergure a été mis en service par rapport à 2009, le barrage de Rizzanese en Corse, d’une puissance de 55 MW. Le plus important projet en cours de réalisation est celui de Romanche–Gavet, en Isère, particulièrement vertueux :
Le Chantier de Romanche–Gavet
Le chantier de Gavet est actuellement le plus gros chantier hydroélectrique géré par EDF. il mobilise 400 personnes. L’investissement représente environ 250 millions d’euros.
Il doit conduire à remplacer six centrales hydroélectriques, fonctionnant au fil de l’eau, construites à partir de la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle qui sont actuellement exploitées : Livet, Les Vernes, Les Roberts, Rioupéroux, Les Clavaux et Pierre- Eybesse. La puissance totale installée de ces six ouvrages est de 82 MW pour une production annuelle moyenne de l’ordre de 405 millions de kWh.
D’une puissance de 560 millions de KWh, soit 155 millions de plus que les 6 centrales actuelles, le complexe hydroélectrique de Romanche-Gavet sera presque entièrement enterré, avec une conduite forcée souterraine de 9,3 km. Deux groupes de production d’une puissance unitaire de 47 MGW soit une puissance maximale de 92 MGW, vont pouvoir alimenter l’équivalent d’une ville de 200 000 habitants, ce qui représente , pour la vallée, une augmentation du potentiel de production de 30 %.
Compte tenu du chantier, la vallée de la Romanche devrait redevenir entièrement naturelle, et ouverte au développement d’activités touristiques nouvelles, une seule des implantations actuelles, classée, doit être maintenue, celle de Vernes. Les activités piscicoles ont également été prises en compte.
Source : données EDF
Quant à la production globale hydroéléctrique, elle a baissé de 1,3 TWh par rapport à 2009, en raison notamment du relèvement des débits réservés début 2014 et des actions d’amélioration de la continuité écologique. La non-atteinte des objectifs PPI peut également s’expliquer par la file d’attente de raccordement aux réseaux de transport et de distribution, qui représente une puissance de 508 MW au 31 décembre 2015.
Les nouveaux objectifs de développement des énergies renouvelables de la PPI doivent permettre d’augmenter la capacité de production hydroélectrique de 500 à 750 MW, et la production de 2 à 3 TWh d’ici 2023. Trois actions concrètes sont prévues dans le rapport gouvernemental accompagnant la PPI :
– le lancement d’un appel d’offres dédié au développement de la micro et de la petite hydroélectricité en 2016 ;
– la possibilité pour les nouvelles concessions hydroélectriques de bénéficier du complément de rémunération ;
– l’identification des conditions économiques permettant le développement des STEP, notamment en termes d’évolution de la fiscalité.
Deux de ces actions ont déjà été mises en application. Un appel d’offres a été lancé, le 26 avril, en clôture de la conférence environnementale 2016, pour le développement de petites installations hydroélectriques. Son objectif est de développer près de 60 MW de nouvelles capacités, ne relevant pas du régime de la concession, pour relancer la filière. Le décret permet de faire bénéficier les nouvelles concessions du complément de rémunération.
Ces dispositions ont été prises pour mettre fin à un long débat sur la mise en concurrence des concessions hydrauliques. En France, les barrages ayant une puissance installée supérieure à 4,5 mégawatts (MW) appartiennent historiquement à l’État, mais leur gestion fait l’objet d’une concession de longue durée. 400 concessions sont ainsi exploitées par la Compagnie nationale du Rhône (CNR), la Société hydroélectrique du Midi (SHEM) et dans leur grande majorité, par EDF. Ces entreprises voyaient, jusqu’à une date récente, leurs contrats de concession renouvelés de gré à gré, sans mise en concurrence.
Deux évolutions juridiques majeures ont rendu nécessaire une modification de cette procédure de gré à gré.
Tout d’abord, la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques a supprimé le « droit de préférence » prévu par la loi du 16 octobre 1919 pour les concessionnaires sortants dès lors qu’ils souhaitaient bénéficier d’un nouveau contrat de concession. Un tel droit n’était pas compatible avec la libéralisation du marché intérieur européen de l’électricité.
Ensuite, la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, en transformant EDF en société anonyme, a fait rentrer les concessions hydroélectriques dans le droit commun des délégations de service public. En effet, la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite « loi Sapin » ne prévoit une exception à l’obligation de mise en concurrence lors de l’attribution d’une délégation de service public que si ce service public est confié à un établissement public.
En 2010, le Gouvernement a décidé de lancer une procédure de mise en concurrence pour le renouvellement de dix concessions électriques représentant 20 % de la puissance hydroélectrique française, soit de 49 barrages d’une capacité totale de 5 300 MW – l’équivalent de quatre ou cinq réacteurs nucléaires. Ce processus devait aboutir à l’attribution des nouvelles concessions en 2015.
Toutefois, en octobre 2012, la ministre de l’écologie Delphine Batho s’est opposée à cette libéralisation, ce qui a permis de relancer le débat. Votre Rapporteure a été chargée, avec notre collègue Éric Straumann d’établir des scénarii alternatifs dans le cadre d’une mission d’information. Les conclusions de cette mission figurent dans le rapport d’information (n° 1404), du 7 octobre 2013 sur l’hydroélectricité. Les difficultés soulevées par une éventuelle ouverture totale à la concurrence sont les suivantes :
– le découpage inadéquat des vallées remises en concurrence rend moins attractif le système et rend l’exploitation des barrages particulièrement complexe ;
– toute concession perdue par l’opérateur historique se traduit par une hausse de son coût de production moyen et donc une hausse du tarif réglementé, car ce dernier est calculé sur la base des coûts de production d’EDF ;
– les autres pays européens appliquent des régimes différents qui leur permettent de contourner la nécessité d’une mise en concurrence (régime de l’autorisation sous la propriété d’un opérateur national très souvent public / régime mixte combinant autorisation et concession où les règles du jeu sont particulièrement complexes pour les nouveaux entrants/ régimes réduisant les possibilités offertes aux candidats non nationaux à la reprise des concessions) ; dans ce rapport, votre Rapporteure rappelait qu’aucun autre pays européen n’ouvre son parc hydroélectrique : les candidats à la reprise des concessions hydroélectriques invoquent largement le droit européen pour justifier de la nécessité d’une mise en concurrence du parc hydraulique national, mais les autres pays européens appliquent des régimes qui leur permettent de contourner la nécessité d’une mise en concurrence.
Trois cas différents peuvent être distingués. Premier cas, les ouvrages hydrauliques sont sous le régime de l’autorisation : sous la propriété d’un opérateur national – très souvent public –, ils ne sont pas soumis, par définition, aux règles applicables aux concessions. C’est le cas de la Suède.
Deuxième cas, l’exploitation de la force hydraulique est soumise à un régime mixte combinant autorisation et concession ; dans de tels pays (Allemagne, Espagne), les règles du jeu sont particulièrement complexes pour les nouveaux entrants.
Dernier cas, certaines règles réduisent les possibilités offertes aux candidats à la reprise des concessions non nationaux ; par exemple, en Norvège, tout candidat à l’attribution d’une concession doit être au minimum à 70 % public, ce qui oblige un exploitant étranger, s’il souhaite pénétrer ce marché à intégrer un consortium (de type SEM) avec une entreprise publique ou une collectivité locale norvégienne.
Le cas de non-réciprocité le plus flagrant est celui de la Suisse, pays dans lequel les directives sectorielles sur l’énergie ne sont même pas applicables.
Au cours des diverses auditions auxquelles votre Mission a procédé, ces éléments ont à nouveau été évoqués, sans être contredits : la concurrence en la matière est largement faussée, au détriment de la France.
En remettant en concurrence les concessions, l’État perd définitivement le contrôle sur la production d’électricité la plus compétitive du mix énergétique (le coût de production du MWh hydraulique étant de l’ordre de 20-30 €) et une des plus flexibles (en période de pointe).
Le rapport dressait par ailleurs des scénarii alternatifs à l’ouverture totale à la concurrence : le renouvellement des concessions de gré à gré (scénario écarté dans le rapport), la méthode du barycentre, prévue à l’article 116, la mise en place d’une unique concession (des dispositions législatives auraient désigné l’opérateur historique gestionnaire du service d’intérêt économique général de production hydroélectrique), l’exploitation des concessions par un établissement public (l’activité hydraulique d’EDF aurait été filialisée, puis rachetée par l’État et transformée en établissement public).
Indépendamment de l’application future des dispositions de la loi analysée ci-dessous, des appels d’offres réguliers et l’optimisation des concessions existantes seront donc nécessaires pour relancer le développement de l’hydroélectricité. L’arrêté du 24 avril 2016 modifiant les objectifs de développement de la production d’énergie renouvelables fixés en 2009 et fixant le « calendrier prévisionnel indicatif » des procédures d’appels d’offres à venir est déjà à même d’avoir un effet positif sur le développement de la filière hydraulique, et notamment de la petite hydroélectricité.
Article 116
Méthode du barycentre
Cet article inscrit dans le code de l’énergie les dispositions qui permettent de mettre en œuvre le regroupement de concessions d’une même vallée selon la méthode du barycentre, consistant à aménager le processus de remise en concurrence en favorisant la création de lots unifiés sur une même vallée. L’application de cette méthode conduit à harmoniser les dates d’échéance de chacune de ces concessions puis à les regrouper dans un seul contrat, sans modifier l’équilibre économique des contrats de concession initiaux.
Le regroupement des vallées s’effectue par décrets en Conseil d’État :
– un décret fixant les modalités de regroupement des concessions hydrauliques formant une chaîne d’aménagements hydrauliquement liés en cas de concessionnaire unique ;
– un décret fixant les modalités de regroupement des concessions hydrauliques formant une chaîne d’aménagements hydrauliquement liés en cas de concessionnaire distincts. Ce décret doit également fixer :
• La liste des contrats de concession à regrouper ;
• Le montant de l’indemnité due par les opérateurs dont les concessions ont été prolongées, au profit de ceux dont la durée des concessions a été réduite ;
• le taux de la redevance pour les contrats dont la durée est prolongée, si la date commune d’échéance déterminée conduit à modifier l’équilibre économique du contrat malgré le versement de l’indemnité.
– un décret définissant les critères utilisés pour le calcul de la date commune d’échéance des contrats et modalités liées au regroupement en cas de concessionnaire unique ;
– un décret définissant les critères utilisés pour le calcul de la date commune d’échéance des contrats et modalités liées au regroupement en cas de concessionnaires distincts.
En revanche, est d’application directe la possibilité de proroger une concession lorsque des travaux sont nécessaires pour optimiser les équipements et atteindre les objectifs de politique énergétique. Tandis que l’arrêté du 27 novembre 2015 relatif à la valorisation des recettes des concessions hydroélectriques mentionnées à l’article L. 523-2 du code de l’énergie) est paru, l’article 116 institue, à la charge du concessionnaire, une redevance proportionnelle aux recettes de la concession issues en particulier de la vente d’électricité. Elles sont établies par la valorisation de la production aux prix constatés. Quant aux autres recettes, l’article précise qu’elles doivent être déterminées selon des modalités définies par un arrêté pris par le ministre chargé de l’énergie. Cet arrêté distingue :
– d’une part, les recettes issues de la vente des garanties de capacité (valorisation du volume des capacités certifiées des installations de production au prix de marché de référence de la capacité selon des modalités de calcul précisées dans une délibération que la Commission de régulation de l’énergie a prise le 6 mai 2015)
– d’autre part, les autres recettes de la concession, notamment issues du mécanisme d’ajustement, qui devront être établies à partir des montants réellement perçus par le concessionnaire.
Si votre Rapporteure s’était montrée critique s’agissant de cette mise en concurrence, notamment à cause des risques liés à la complexité du processus administratif, au transfert des salariés et à l’incidence sur le prix de l’électricité, les dispositions retenues par le présent article sont de nature à lever, au moins partiellement, ces craintes quant aux modalités elles-mêmes retenues par cet article, qui met en œuvre le regroupement des vallées, auquel elle est favorable. Reste que la remise en concurrence des concessions, à terme, pose à nouveau des questions similaires.
Article 117
Répartition de la redevance hydraulique
L’article, qui modifie la répartition de la redevance hydraulique entre les communes et les communautés de communes ou d’agglomération en instituant un partage automatique des redevances, à hauteur d’un douzième pour les communes et d’un douzième pour leurs groupements, est d’application directe.
Article 118
Sociétés d’économies mixtes hydroélectrique
Cet article prévoit le renouvellement des concessions hydroélectriques, dans le cadre de sociétés d’économie mixtes (SEM), créant ainsi une catégorie de société d’économie mixte hydroélectriques (SEMH), constituées pour une durée limitée en vue de la conclusion et de l’exécution d’une concession hydroélectrique, dont l’objet est l’aménagement et l’exploitation, selon les modalités fixées au cahier des charges prévu à l’article L. 521-4 du code de l’énergie.
La SEMH revêt la forme d’une société anonyme. Pourront s’associer aux opérateurs privés, l’État et les collectivités territoriales riveraines des cours d’eau dont la force hydraulique est exploitée. À ce titre, les partenaires publics peuvent choisir leur degré d’implication dans la SEMH puisqu’ils peuvent détenir entre 34 % et 66 % du capital de la société et entre 34 % et 66 % des droits de vote des organes délibérants.
L’article précise également que les modalités d’association de l’État, des collectivités territoriales ou de leurs groupements et des partenaires publics au sein de la SEMH font l’objet d’un accord préalable à la sélection de l’actionnaire privé qui comprend :
– les modalités de leur participation au capital et leur rôle dans la gouvernance de la société en cours de création ;
– une « indication » des montants d’investissements qu’ils consacreront aux projets des candidats.
De plus, l’article traite de la procédure de mise en concurrence dans le cas où l’État décide de créer une SEMH :
– les règles de droit commun pour la mise en concurrence des concessions hydrauliques s’appliquent. Par ailleurs, pour tenir compte du régime particulier des SEMH, les candidats sont informés des modalités de participation des acteurs publics à la SEMH et des principes de fonctionnement de celle-ci ;
– l’article établit un lien de corrélation avec les dispositions en vigueur concernant les procédures de passation des marchés publics. Il précise ainsi que tout opérateur économique peut se porter candidat à l’attribution d’une SEMH, à l’exception des opérateurs économiques placés sous l’effet d’une interdiction de soumissionner conformément à l’article 8 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005.
Enfin, l’article 118 prévoit la création d’un « comité de suivi de l’exécution de la concession et de la gestion des usages de l’eau » qui fait l’objet d’un nouveau chapitre dans le code de l’énergie constitué d’un article unique L. 524-1.
Ce comité, composé de représentants de l’État et de ses établissements publics, de concessionnaires, des collectivités et groupements concernés et des habitants riverains, sera consulté par le concessionnaire préalablement à « toute décision modifiant les conditions d’exploitation des ouvrages de la concession ayant un impact significatif sur les différents usages de l’eau ou les enjeux mentionnés aux articles L. 211-1 du code de l’environnement, notamment la création d’ouvrages nouveaux ou la réalisation d’opérations d’entretien importantes ». La création d’un tel comité est obligatoire pour les concessions regroupant des ouvrages dont la puissance cumulée est supérieure à 1 000 MW. En outre, il résulte de la nouvelle rédaction de l’article L.524-1-III du code de l’environnement, créé par l’article 118, que les commissions locales de l’eau existantes tiennent lieu de comité de suivi, ce que votre Rapporteure juge pertinent.
Les articles 116 et 118 appelaient un décret d’application, dont la parution est intervenue le 27 avril 2016 (n° 2016-530).
L’octroi d’une concession relève de la compétence du préfet du département où sont situés les barrages ou de la compétence du ministre de l’énergie lorsque la puissance des aménagements est supérieure ou égale à 100 mégawatts. Si les ouvrages sont situés sur plusieurs départements, la concession est accordée par arrêté conjoint des préfets des départements intéressés.
Le décret prévoit la procédure de sélection du candidat à la concession, conformément à l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 et au décret n° 2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession.
L’autorité administrative fixe la durée de la concession, renseigne sur ses paramètres financiers et précise les modalités selon lesquelles les candidats peuvent accéder aux installations existantes dans le règlement de la consultation. Le préfet invite le concessionnaire pressenti à fournir, dans un délai qu’il fixe, le nombre de dossiers nécessaire à l’enquête publique et aux consultations pour l’instruction de sa demande de concession.
Le décret contient des dispositions relatives à la fin de la concession et à son renouvellement :
– au cours des cinq années précédant l’échéance normale de la concession, le concessionnaire est tenu d’exécuter, aux frais de l’État, les travaux que le préfet juge nécessaires à la préparation et à l’aménagement de la future exploitation.
– à l’échéance du contrat de concession, le total des sommes non encore amorties par le concessionnaire est porté au débit de l’État et au crédit du concessionnaire. Ces sommes lui sont versées dans les douze mois qui suivent le terme effectif du contrat ;
– pour assurer un bon renouvellement des concessions, le concessionnaire laisse les candidats accéder aux installations. S’il y a lieu, les projets d’accords entre le concessionnaire précédent et le futur concessionnaire, élaborés pendant la période de renouvellement de la concession, sont soumis à validation de l’autorité administrative.
Le décret précise les modalités de regroupement de concessions. Il définit ce que sont deux aménagements de force hydraulique hydrauliquement liés. Il faut qu’ils se trouvent dans l’un au moins des cas suivants :
1° L’influence hydraulique entre les deux aménagements est moyenne ou forte ;
2° Les deux aménagements sont alimentés par une même retenue amont, ou déversent dans une même retenue aval ou dans un même cours d’eau, et les conditions d’exploitation des deux aménagements sont régulièrement dépendantes l’une de l’autre en raison de la configuration physique, du respect des règles en matière de débit du cours d’eau ou de niveau de la retenue, ou plus généralement des exigences de respect des principes énoncés à l’article L. 211-1 du code de l’environnement ;
3° Le premier aménagement est un barrage-réservoir alimentant directement le second aménagement situé en aval.
La nouvelle date commune d’échéance est calculée de telle sorte que la somme des flux de trésorerie disponibles futurs estimés des concessions, actualisés et calculés sur l’ensemble des concessions regroupées, ne soit pas modifiée par leur regroupement. Les flux de trésorerie disponibles sont définis comme l’excédent brut d’exploitation, déduction faite des investissements et de l’impôt sur les sociétés calculé sur le résultat d’exploitation.
Le décret précise également les modalités relatives aux sociétés d’économie mixte hydroélectriques. Lorsque l’autorité administrative envisage de procéder à l’octroi d’une concession à une société d’économie mixte hydroélectrique, le préfet notifie cette intention aux collectivités territoriales et aux groupements de collectivités territoriales riverains des cours d’eau, qui peuvent adresser à l’autorité administrative une demande motivée de participation en qualité d’actionnaires. Après avoir procédé à la sélection des personnes morales susceptibles de constituer l’actionnariat public de la future société d’économie mixte hydroélectrique, l’autorité administrative lance la procédure unique d’appel public à la concurrence pour sélectionner l’actionnaire opérateur.
Le décret modernise plus généralement le cadre réglementaire des concessions hydroélectriques. Il permet à l’État d’initier la création de nouvelles concessions sans attendre le dépôt d’un projet, et d’attribuer un complément de rémunération dans le cadre du contrat de concession. Il actualise les règles relatives à la sécurité des ouvrages hydrauliques et rénove le modèle de cahier des charges des concessions hydroélectriques pour s’adapter aux pratiques actuelles en matière de contrats de concession de service public. En outre, il précise les modalités de mise en place et de consultation des comités de suivi des concessions, créés par arrêté du préfet, qui ont vocation à faciliter l’information des collectivités territoriales et des riverains sur l’exécution de la concession, et leur participation à la gestion des usages de l’eau. Un arrêté en fixera la composition.
Il détermine la formule permettant le calcul de la redevance : R = n × EL × 1,428 x 10-6 euro où EL représente la valeur de l’indice de prix de production de l’industrie française pour le marché français et n le nombre de kilowattheures produits pendant l’année précédant celle de l’établissement de la redevance.
Si ce texte, important, a généralement été bien accueilli, votre Rapporteure formule cependant les observations suivantes :
Lorsqu’elles intéressent plusieurs départements, les décisions d’octroi des concessions sont prises conjointement par les préfets concernés, sur proposition d’un préfet coordonnateur. En cas de désaccord, comment s’effectue la prise de décision finale : est-ce le préfet coordinateur qui décide in fine ?
Le règlement de la consultation prévoit les conditions dans lesquelles le concessionnaire pressenti peut confirmer ou actualiser ses engagements, en particulier ceux relatifs à la redevance, avant le terme de l’instruction administrative de sa demande de concession, dans le respect de l’équilibre économique de son offre et sans avoir pour effet de changer les résultats de la procédure de mise en concurrence. Une telle modification du contrat sans remise en concurrence est-elle compatible avec les règles européennes de concurrence ?
De même, le projet de cahier des charges peut, le cas échéant, être mis à jour par l’autorité administrative pour prendre en compte les conclusions de l’instruction administrative, sans que cette mise à jour puisse avoir pour effet de changer les résultats de la procédure de mise en concurrence. Le concessionnaire pressenti est informé des modifications apportées au projet. Une telle modification du contrat sans remise en concurrence est-elle compatible avec les règles européennes de concurrence ?
Lorsque l’aménagement projeté intéresse un cours d’eau domanial ou utilise l’énergie des marées, les autorités chargées de la gestion du domaine public concerné ont deux mois pour remettre leur avis. Cet avis est-il simple ou est-il contraignant ?
Dans le cas où l’octroi de la concession peut donner lieu à la conclusion d’un contrat d’achat, ou d’un contrat offrant complément de rémunération, l’autorité administrative recueille l’avis de la Commission de régulation de l’énergie. Le décret ne précise pas le délai avec lequel la CRE peut prendre cet avis ni la portée de cet avis.
Dans le cas d’un renouvellement de concession, si les modifications des ouvrages et des conditions d’exploitation de la concession ne sont pas de nature à entraîner des dangers ou inconvénients significatifs au regard des principes énoncés à l’article L. 211-1 du code de l’environnement, l’autorité administrative peut engager une instruction simplifiée. Toutefois, le texte ne désigne pas l’autorité compétente pour apprécier si les conditions prévues sont réunies.
Si le concessionnaire pressenti ne donne pas suite à sa demande de concession, l’autorité administrative notifie au candidat dont l’offre a été classée deuxième, soit qu’il devient le nouveau concessionnaire pressenti, soit que son offre est définitivement rejetée. De quel délai le concessionnaire pressenti dispose-t-il pour donner suite à sa demande ?
Le décret prévoit que l’autorité administrative procède à diverses expertises, aux frais du concessionnaire. Ces frais étant possiblement importants, il convient d’observer que le décret n’institue aucune somme plafond.
Au cours des cinq années précédant l’échéance normale de la concession, le concessionnaire est tenu d’exécuter, aux frais de l’État, les travaux que le préfet juge nécessaires à la préparation et à l’aménagement de la future exploitation. Le décret ne prévoit pas de sanction en cas de non-exécution de ces travaux.
Les communes sur le territoire desquelles les ouvrages des concessions à regrouper sont établis, le conseil départemental et le conseil régional sur lesquels s’étend le périmètre de la concession sont consultés avant regroupement des concessions. La portée de ces avis, qui sont émis dans un délai de deux mois, n’est pas précisée dans le texte.
Les dispositions du décret relatives à la redevance proportionnelle au nombre de kilowattheures produits sont, pour toutes les concessions en cours, applicables au calcul de la redevance à payer au titre de l’année en cours à la date d’entrée en vigueur du présent décret et des années ultérieures. Le fait de rendre applicable cette nouvelle formule en cours d’année année ne nuit-il pas à la sécurité juridique ?
Si, donc, les acteurs sont globalement satisfaits des dispositions de ce décret, certaines inquiétudes ont toutefois émergé. La première concerne le mécanisme de réduction de la durée de la concession (79) en cas de hausse des prix. La possibilité donnée à l’État d’interrompre la concession pourrait avoir pour effet de réduire les investissements du concessionnaire. En effet, exposé au risque de fin prématurée du contrat de concession en cas de remontée de ses revenus, le concessionnaire n’est pas incité à investir. La seconde inquiétude porte sur l’article R. 521-29 du code de l’énergie créé par le décret. Cet article permet la modification du règlement d’eau à l’initiative du préfet, ce qui peut engendrer des contraintes supplémentaires pesant sur la concession. La question se pose désormais de savoir si le dispositif adopté dans la loi sera validé par la Commission européenne, laquelle a mis en demeure (80) la France le 22 octobre 2015, estimant que la loi n’allait pas assez loin dans la libéralisation des concessions hydrauliques. Elle a exprimé ses réserves sur certaines dispositions :
– le nouveau calcul d’une échéance commune pour des concessions liées par une chaîne d’aménagement arrivant initialement à terme à des dates différentes ; il résulte des jurisprudences nationales et européennes que l’objet d’un contrat ne peut être modifié que de manière limitée par un avenant. Proroger les contrats qui arrivent à échéance le plus tôt jusqu’à la date d’échéance des contrats les plus tardifs constitue une modification substantielle du contrat non justifiée d’un point de vue économique, et donc une atteinte au droit de la concurrence ;
– la possibilité de proroger une concession lorsque des travaux sont nécessaires pour optimiser les équipements du barrage et atteindre les objectifs de transition énergétique (le droit européen ne l’autorise que sous certaines conditions) ;
– la création de SEMH, l’État pouvant alors déterminer à quelle hauteur il souhaite ouvrir le capital aux opérateurs alternatifs ou en place (majoritairement EDF). La direction générale de la concurrence de la Commission met en garde la France quant à la position dominante d’EDF. La Commission pourrait demander des garanties supplémentaires sur la réelle ouverture aux opérateurs alternatifs, la part du capital et la gouvernance, dans le cadre de la création de ces SEM.
Votre Rapporteure a rencontré des membres de la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne en mars 2016. Cette direction persiste dans la vision d’une entreprise EDF en situation de forte position dominante, voire de monopole, ce qui n’est plus le cas puisque, depuis le 1er juillet 2007, l’ensemble du marché de fourniture d’électricité est ouvert à la concurrence. La fin des tarifs réglementés contribue également à l’ouverture de la concurrence en aval. À ce jour, il n’existe pas d’infraction constatée, et la Commission semble ouverte à la discussion avec l’entreprise, les concessionnaires et l’État pour envisager la mise en place de dispositifs adaptés.
Il paraît en tout cas essentiel, au regard des objectifs de la loi et de la réussite de la transition énergétique, mais aussi d’une production efficace d’énergie renouvelable, de l’impact des installations hydroélectriques sur le développement d’activités en zone de montagne et du nécessaire entretien des équipements, de défendre ce patrimoine et cette filière d’excellence française.
Chapitre III
Mesures techniques complémentaires
Article 119
Installations de production d’électricité, hydroélectricité, biométhane, technologies innovantes : habilitation à légiférer par ordonnance
Cet article habilite le Gouvernement à prendre diverses dispositions par ordonnance, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi.
En outre, il supprime le seuil de 8 000 kilovoltampères (kVA) dans le code général des collectivités territoriales pour permettre aux communes d’exploiter une installation hydroélectrique quelle que soit sa puissance, ce dispositif étant d’application directe.
En la matière, l’objectif de développement ne peut qu’être ambitieux : il ressort d’une analyse du groupe « France biométhane » qu’avec 82 gigawattheures (GWh) injectés en 2015 (mais 279 GWh de capacité annuelle installée), la France se situe à l’avant-dernier rang des 9 pays européens étudiés dans l’observatoire. L’Allemagne arrive largement en tête, avec 10 000 GWh injectés pour 190 unités, suivie par le Royaume-Uni avec 2 000 GWh et 51 unités.
Cinq ordonnances devaient être publiées, mais le Gouvernement a réduit ce nombre à quatre. Il a en effet jugé que les dispositions sur lesquelles porte le 7° de l’article 119, qui vise la redevance applicable aux concessions hydroélectriques avaient déjà été intégrées par amendement dans la loi, elle-même notamment au sein des articles 116 et 117 le texte du projet n’ayant pas été actualisé. De ce fait, cette disposition inutile est devenue caduque puisque le délai d’un an est expiré. Cette cinquième ordonnance ne sera donc pas prise.
Cet article habilite le Gouvernement à permettre, par ordonnance, à l’autorité administrative de recourir à une procédure d’appel d’offres lorsque les objectifs d’injection du biométhane dans le réseau de gaz s’écartent de la trajectoire prévue dans la programmation pluriannuelle de l’énergie. L’ordonnance n° 2016-411 du 7 avril 2016 portant diverses mesures d’adaptation dans le secteur gazier permet une telle prise en compte. Cette ordonnance est également prise sur la base de l’article 167 de la loi qui habilite le Gouvernement à prendre toute mesure relevant du domaine de la loi afin de permettre à l’autorité administrative de recourir à une procédure d’appel d’offres lorsque les objectifs d’injection du biométhane dans le réseau de gaz s’écartent de la trajectoire prévue dans la programmation pluriannuelle de l’énergie. Votre Rapporteure est favorable à la valorisation, par les appels d’offres, des investissements participatifs des particuliers ou des collectivités prévue par l’ordonnance. Elle aurait souhaité que figure dans l’ordonnance une disposition selon laquelle l’État vérifie que les conditions de concurrence sont bien réunies avant de lancer un appel d’offres et adapte en conséquence la capacité d’injection de biométhane recherchée dans chaque lot ou sur chaque territoire.
Le projet de loi de ratification correspondant a été présenté au Conseil des ministres du 28 septembre et déposé sur le Bureau du Sénat (81).
Cet article habilite le Gouvernement à réformer le régime des sanctions administratives et pénales applicables aux concessions hydrauliques, de prendre des mesures visant à protéger domaine hydroélectrique concédé et d’exclure en tout ou partie les installations utilisant l’énergie des courants marins du régime général des installations hydroélectriques
L’ordonnance n° 2016-518 du 28 avril 2016 précise le régime des sanctions pénales et administratives applicable aux concessions hydroélectriques pour assurer la bonne exécution des contrats de concession. Alors que le droit existant limite les sanctions possibles à des sanctions pénales forfaitaires nécessitant l’intervention du juge et ne couvrant pas certaines atteintes au domaine public hydroélectrique, l’ordonnance étend aux concessions hydroélectriques le régime des sanctions pénales et administratives des livres Ier et III du code de l’énergie. L’ordonnance précise cependant que le manquement ne peut pas donner lieu à sanction administrative s’il fait déjà l’objet des poursuites pénales. Cela représente une évolution importante par rapport aux sanctions prévues par le code de l’environnement qui n’interdisent pas formellement qu’un même fait soit traité en parallèle selon les deux régimes.
L’ordonnance prévoit une contravention de grande voirie pour lutter contre les atteintes à l’intégrité du domaine public hydroélectrique. Les acteurs de terrain sont satisfaits de ce nouvel outil juridique qui pourra notamment leur permettre d’agir contre les décharges sauvages aux abords des lacs de retenue. Le texte ouvre par ailleurs la faculté de constater ces contraventions aux agents du concessionnaire présents sur le terrain, sous le contrôle des services de l’État.
L’ordonnance sécurise la situation juridique des installations hydrauliques concédées avant le 16 juillet 1980 d’une puissance comprise entre 500 kW et 4,5 MW entre l’expiration de leur concession et l’institution d’une nouvelle concession ou la délivrance d’une autorisation. En effet, une personne privée ne peut utiliser l’énergie hydraulique qu’à condition de disposer d’une concession ou d’une autorisation. La distinction entre les deux régimes dépend d’une puissance dont le seuil, fixé initialement à 500 kW, a été porté à 4,5 MW par la loi du 16 octobre 1980 sans que celle-ci ne précise la procédure applicable aux concessions comprises entre ces deux bornes à l’échéance du titre. L’ordonnance étend le principe des « délais glissants », permettant à l’autorité compétente d’imposer au concessionnaire sortant le maintien de l’exploitation aux conditions du contrat jusqu’à l’aboutissement de la procédure d’autorisation ou, a minima, jusqu’à une date fixée par le préfet.
Enfin, l’ordonnance clarifie le régime applicable aux installations produisant de l’électricité à partir des énergies marines (EMR) en excluant du régime de la concession hydroélectrique les installations implantées sur le domaine public maritime, ou dans la zone économique exclusive (ZEE), hors usine marémotrice. Votre Rapporteure estime que cela permet de garantir aux opérateurs et à leurs partenaires des procédures simples et lisibles sans nuire au respect des intérêts environnementaux, à la protection du domaine public et aux droits des tiers.
Le projet de loi de ratification correspondant a été présenté au conseil des ministres du 22 août et déposé sur le Bureau du Sénat (82).
En application de cet article est également intervenue l’ordonnance n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables. Ce texte a prévu de faire sauter le seuil de production minimale de 12 MW jusqu’alors applicable aux installations pour qu’elles bénéficient de l’obligation d’achat ou du complément de rémunération, supprime pour les installations hydroélectriques une possibilité de renouvellement de contrat largement obsolète (contrats d’achats dits « H 97 »), remplace les appels d’offres par des procédures de mise en concurrence, ce qui ouvre la voie à d’autres procédures de mise en concurrence, dont celle de dialogue concurrentiel et oblige certains producteurs raccordés à un réseau public de distribution à transmettre au gestionnaire leur programme de fonctionnement prévisionnel, et ce gestionnaire à son tour à la transmettre à RTE.
Votre Rapporteure constate que, sur tous ces points, le recours à l’ordonnance n’était pas indispensable. Il convient d’en souhaiter une ratification rapide. En revanche, on peut s’interroger sur l’article L. 311-10-2 nouveau du code de l’énergie, créé par l’article 10 de l’ordonnance, qui prévoit de mettre à la charge de l’adjudicataire les frais résultant pour l’État de la mise en concurrence, notamment lié aux études préalables (83). Ce dispositif est de nature à renchérir le coût d’obtention des concessions. Cette question ne manquera pas d’être évoquée lors de la ratification de cette ordonnance.
L’article 119 autorise également le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures visant à permettre le développement des installations d’autoconsommation.
L’autoconsommation reste peu développée en France, en particulier par rapport à certains pays à fort ensoleillement qui ont déjà atteint les conditions économiques rendant attractif le modèle de l’autoconsommation. Le lancement de l’appel d’offres expérimental du 2 août 2015 portant sur « la réalisation et l’exploitation d’installations de production d’électricité à partir de sources d’énergies renouvelables situées en France métropolitaine continentale, dont au moins 50 % de la production est autoconsommée et dont la puissance est comprise entre 100 et 500 kW » est une première étape vers un développement maîtrisé et sécurisé de l’autoconsommation. La publication le 27 juillet 2016 de l’ordonnance n° 2016-1019 relative à l’autoconsommation d’électricité en est une deuxième. L’autoconsommation fera également l’objet de l’avis budgétaire relatif au programme n° 174 « Énergie et après mines » de notre collègue Béatrice Santais, Rapporteure pour avis de la Commission des affaires économiques pour le projet de loi de finances pour 2017.
L’ordonnance n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation définit l’autoconsommation, qui jusqu’alors ne l’était pas, comme « le fait pour un producteur, dit autoproducteur, de consommer lui-même tout ou partie de l’électricité produite par son installation ». L’autoconsommation collective est également définie. L’ordonnance prévoit un droit d’accès au réseau pour les autoproducteurs, au même titre que les producteurs bénéficiant d’un contrat d’achat. Les autoproducteurs pourront injecter leur surplus d’électricité sur le réseau à condition de respecter une limite de puissance installée maximale qui sera définie ultérieurement par décret. L’ordonnance prévoit également des tarifs distincts, que la CRE devra établir, pour les consommateurs participants à des opérations d’autoconsommation lorsque la puissance installée de l’installation de production qui les alimente est inférieure à 100 kW.
Cette ordonnance semble poser certaines difficultés. Votre Rapporteure s’interroge notamment sur l’incertitude juridique quant à l’application du régime des fournisseurs aux utilisateurs participant à une opération d’autoconsommation collective. L’ordonnance ne précise en effet pas que ce régime, qui paraît trop lourd pour une simple opération d’autoconsommation collective, n’est pas applicable à ce type d’opération.
Article 120
Obligation d’assurance pour l’exploitation de sites géothermiques
L’article prévoit que les indemnisations des dégâts miniers causés par une installation géothermique de minime importance ne sont plus supportées par l’État, mais par les entreprises de forage qui ont désormais l’obligation de souscrire à un contrat d’assurance. La loi prévoit l’intervention d’un décret en Conseil d’État pour fixer le montant minimal du plafond de garantie des contrats souscrits, leurs durées de garantie et les obligations que les professionnels sont tenus de respecter dans le cadre des travaux d’exploitation des gîtes géothermiques de minime importance.
Le décret d’application n° 2016-835 relatif à l’obligation d’assurance prévue à l’article L. 164-1-1 du code minier et portant diverses dispositions en matière de géothermie est paru le 24 juin 2016. Certaines de ses dispositions n’entreront en vigueur qu’au 1er janvier 2017.
Votre Rapporteure estime que le décret respecte la loi, en tout point et permettra de garantir un traitement et une indemnisation rapides des éventuels dommages causés par des activités de géothermie de minime importance. Le montant minimal du plafond de garantie des contrats souscrits s’élève à trois millions d’euros par sinistre et cinq millions d’euros par an pour les professionnels qui réalisent des forages. Pour les professionnels qui étudient la faisabilité d’un forage au regard du contexte géologique de la zone d’implantation ou qui conçoivent des ouvrages géothermiques, ces montants sont de 500 000 euros par sinistre et de 800 000 euros par an. Le délai des garanties déclenchées par la réclamation ne peut être inférieur à dix ans. En cas de survenance d’un sinistre, une surveillance est mise en place par le professionnel pour suivre l’évolution, dans le temps et dans l’espace, des déformations géologiques qui sont à l’origine des dommages couverts par la garantie.
Le décret punit d’une peine d’amende pouvant atteindre 1 500 euros le fait pour un professionnel d’entreprendre des travaux de forage sans être couvert par cette assurance obligatoire ou sans justifier de sa souscription.
Article 121
Plan de développement du stockage des énergies renouvelables par hydrogène décarboné : demande de rapport au Gouvernement
Cet article porte sur la remise au Parlement, au plus tard le 18 août 2016 d’un plan de développement du stockage des énergies renouvelables par hydrogène décarboné.
L’enjeu du stockage des énergies renouvelables par l’hydrogène est majeur au regard de la transition énergétique. L’énergie produite par énergies renouvelables est souvent intermittente donc difficilement prévisible. Pour développer ces énergies, il faut inventer des moyens de stockage qui permettent de garantir l’approvisionnement, par exemple pendant les périodes où le vent et le soleil sont moins présents. Aujourd’hui, les seules véritables solutions, à la fois efficaces et rentables, résident dans les barrages hydrauliques et les STEP (stations de transfert d’énergie par pompage).
L’hydrogène pourrait être une solution pour stocker les énergies renouvelables. Le processus d’électrolyse permet en effet de transformer en hydrogène le surplus d’électricité produit par les énergies renouvelables. La première usine de fabrication d’électrolyseurs en France a été inaugurée le 24 juin 2016 aux Ulis (91). Ces électrolyseurs serviront à produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau, grâce à la technologie des membranes à échange de protons. Différentes techniques existent ensuite pour transformer l’hydrogène, au moment souhaité, en électricité ou en gaz. La pile à combustible utilise l’hydrogène pour générer de l’électricité et de la chaleur, en n’émettant que de l’eau. La technologie « power to gas » vise, elle, à convertir de l’électricité en gaz combustible, c’est-à-dire en hydrogène ou en méthane, afin de l’injecter dans le réseau gazier qui offre des capacités de stockage dont ne dispose pas le système électrique. Cette technique se développe en France. Ainsi, un arrêté de la ministre de l’environnement, publié le 6 juillet 2016 (84), encadre l’expérimentation de GRDF sur le territoire de la communauté urbaine de Dunkerque visant à injecter un mélange composé de gaz naturel et d’une part variable d’hydrogène, pouvant aller jusqu’à 20 % en volume, dans le réseau de distribution de gaz.
Il existe encore de nombreux freins au développement du stockage par hydrogène. Les rendements sont faibles et les coûts élevés. Le rapport que le Gouvernement doit fournir au Parlement doit permettre d’établir un plan de développement pour cette technologie. Toutefois, l’enjeu prioritaire concernant l’hydrogène ne semble pas tant être le stockage des ENR mais la mobilité. Tel est l’avis de l’association française pour l’hydrogène et les piles à combustible (Afhypac) que votre mission a auditionnée, et c’est la position du rapport publié le 4 mai dernier par le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) du ministère de l’Environnement et le Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGEIET) du ministère de l’Économie. L’hydrogène peut directement alimenter des moteurs thermiques spécifiques ou permettre de produire de l’électricité dans des piles à combustible adaptées aux véhicules électriques. Si la commande publique peut, certes, contribuer à soutenir le développement de la mobilité à hydrogène en France, votre Rapporteure insiste également sur la nécessaire prise en charge, par les acteurs privés, de l’extension du réseau de stations distribuant de l’hydrogène.
Article 122
Indemnisation des dommages miniers
Cet article porte le montant de l’indemnisation des dommages immobiliers liés à l’activité minière présente ou passée à 400 000 €, ce plafonnement ne valant que pour les dommages postérieurs au 31 décembre 2007. Il est directement applicable. On notera que la constitutionnalité de ce mécanisme est sujette à interrogation, tant dans la date que dans la portée : l’indemnisation prévue par l’article L. 155-6 du code « doit permettre au propriétaire de l’immeuble sinistré de recouvrer dans les meilleurs délais la propriété d’un immeuble de consistance et de confort équivalents. »
Le plafond antérieur était fixé à 300 000 € par effet du décret n° 2004-348 du 23 avril 2004.
Article R 421-76. du code des assurances
Après la remise par le ou les experts du descriptif des dommages et des autres conclusions de l’expertise, le fonds de garantie verse, dans un délai maximal de trois mois à compter de la date de cette remise ou, pour les immeubles mentionnés au II de l’article R. 421-75 situés dans le périmètre du sinistre minier, de la date de publication de l’arrêté prononçant l’état de sinistre minier, dans la limite d’un plafond de 300 000 €, le montant de l’indemnité allouée au demandeur au titre des dommages mentionnés au I de l’article L. 421-17.
Votre Rapporteure s’interroge sur les points suivants :
– au regard du domaine règlementaire, le dispositif relève-t-il réellement de la loi ?
– ce dispositif laisse subsister dans le code des assurances l’article L 421-17, qui fonde le décret ci-dessus. Cet article L 421-17 du code des assurances décrit le dispositif et la procédure d’indemnisation des dommages miniers par le fonds de garantie (FGAO), notamment la condition de versement de l’indemnisation, la relation entre la victime des dommages et le fonds de garantie et s’applique par ailleurs à tous les dommages ayant une origine minière postérieure au 1er septembre 1998. Par ailleurs, cet article précise les articles L 155-5 et L155-6 du code minier en missionnant le fonds pour indemniser les victimes de dommage pour le compte de l’État.
Article L. 155-6 du code minier
I.- Toute personne propriétaire d’un immeuble ayant subi des dommages, survenus à compter du 1er septembre 1998, résultant d’une activité minière présente ou passée alors qu’il était occupé à titre d’habitation principale est indemnisée de ces dommages par le fonds de garantie. Toutefois, lorsque l’immeuble a été acquis par mutation et qu’une clause exonérant l’exploitant minier de sa responsabilité a été valablement insérée dans le contrat de mutation, seuls les dommages visés à l’article L. 155-5 du code minier subis du fait d’un sinistre minier au sens dudit article, constaté par le représentant de l’État, sont indemnisés par le fonds.
Sans faire double emploi avec l’article L. 155-6 du code minier, le fait que l’article L. 421-7 relève d’un code différent n’est pas de bonne technique législative, laissant subsister deux dispositifs se recoupant partiellement pour la même indemnisation. Votre mission suggère de regrouper l’ensemble en un seul dispositif, au sein du code minier.
En outre, votre Rapporteure souligne que ce mécanisme d’indemnisation ne couvre que l’activité minière au sens strict du terme, mais que, par exemple, les canaux d’amenée d’eau, ruisseaux couverts, dès lors qu’ils ont été régulièrement abandonnés, zones de stockage ou d’évacuation des déchets ne sont pas inclus dans le champ des textes, ainsi que les galeries qui ont servi à faciliter, et dont l’entretien, particulièrement difficile, incombe aujourd’hui au propriétaire du sol alors que ces galeries ont été créées par l’exploitant.
Au-delà même de l’indemnisation, se pose donc la question de l’entretien : ces ruisseaux couverts non répertoriés dans les galeries d’exploitations sont aujourd’hui à la charge des propriétaires des parcelles situées à l’aplomb de ces ouvrages. Les services de l’État considèrent que compte tenu de l’abandon régulier et du changement de destination du terrain, la gestion de ces ouvrages miniers ne relève plus de la responsabilité de l’exploitant, ni de celle de l’État. Une fois l’exploitation abandonnée, ces galeries peuvent être inondées, ce qui conduit les propriétaires à devoir les entretenir pour éviter des dommages, alors même qu’elles ne présentent plus d’utilité.
Or, le principe général établi par l’article L. 155-3 du code minier est que l’arrêt de l’exploitation ne met pas fin à la responsabilité de l’exploitant ou de celle de l’État en cas de défaillance de ce dernier.
Votre Rapporteure souhaite donc que cette charge incombe à l’exploitant.
TITRE VI
RENFORCER LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET L’INFORMATION DES CITOYENS
(Rapporteur : M. Jean Paul Chanteguet)
Le titre VI est l’un des plus courts (dix articles) mais il n’en est pas moins l’un des plus denses de la loi.
Les dispositions portant sur l’information du public, l’autorisation et le fonctionnement des installations nucléaires de base (INB) relevant totalement de la compétence législative, seuls trois décrets étaient nécessaires. Les articles 128 et 129 comportent un large renvoi aux ordonnances, qui devaient être prises dans des délais de 10 mois ou de 6 mois selon le cas, que la mission doit donc analyser.
Ce titre comporte donc les dispositions de la loi qui adaptent les conditions de fonctionnement des centrales nucléaires. Force est de constater qu’elle ne les bouleverse pas.
En la matière votre Rapporteur regrette que la loi de transition énergétique n’ait pas permis de clarifier les choix futurs. Le principe du plafonnement global de la production d’électricité nucléaire, prévu dans un autre titre (article 187) celui du démantèlement des installations après deux ans de cessation de fonctionnement, prévu par le présent titre (article 127), aboutissent au final à reporter les choix au lieu d’en anticiper les conséquences. En la matière, le dilatoire, que traduit d’ailleurs la programmation pluriannuelle de l’énergie, ne peut être considéré comme satisfaisant. Il ne s’inscrit ni dans la volonté de transition et de programmation à moyen terme qui conduit la présente loi, ni dans la nécessaire sécurisation des exploitants, des acteurs économiques et des citoyens. L’application de la loi représente donc une occasion manquée.
Votre Rapporteur souhaite, à tout le moins, sortir des polémiques qui entourent tout chiffrage et tout choix. Si l’information des citoyens et du parlement est indispensable, celle-ci devrait être indiscutable. Il est regrettable que l’application de ce volet de la loi ne se fasse pas sur la base d’informations incontestées, notamment quant au coût des démantèlements.
Votre Rapporteur regrette en outre vivement, dans cet ensemble, la « disparition », annoncée par le biais d’une ordonnance passée sur ce point inaperçue, de la seule disposition de la loi modifiant le code du travail au profit des travailleurs exposés à des risques ionisants. Cette ordonnance introduit dans le code de la santé publique un volet consacré à la protection générale contre les rayonnements ionisants, qui harmonise les dispositions de ce code en fonction des régimes de déclaration et d’autorisation tels qu’ils résultent de l’article 126. Pour autant, ce dispositif nouveau est-il suffisamment adapté aux travailleurs des INB ?
Votre Rapporteur considère que ces sujets, y compris ceux de la sécurité des centrales, auraient mérité un débat parlementaire en soi. En toute hypothèse, le rapport prévu par l’article 125 II, qui relève de la compétence du ministère du travail, doit impérativement intervenir dans les meilleurs délais.
Article 123
Rôle des commissions locales d’information
Cet article est le seul de la loi relatif à l’information des citoyens quant à la sécurité des INB, qui repose sur les commissions locales d’information (CLI) dont les règles de fonctionnement sont définies par les articles L ; 125-17 à 33 du code de l’environnement : 35 CLI (du fait de la fusion des commissions de Cadarache et d’Iter), auquel on peut ajouter la structure existant pour le laboratoire de Bure sont regroupées en association : l’ANCCLI.
Leur composition inclut des élus, dont les maires des communes concernées, des membres des organisations syndicales représentatives, des associations de consommateurs et des forces économiques.
Les CLI fonctionnement cependant de manière hétérogène, mais jouent toutes un rôle de surveillance et de contrôle, dans le cadre des plans particuliers d’intervention (PPI), qui serait déclenché en cas de crise. Si un accident nucléaire nécessitait le déclenchement du PPI, une organisation de crise spécifique, apportant son concours au préfet, se mettrait alors en place au niveau national. Elle serait également chargée de traiter les problèmes pouvant se poser au niveau national, compte tenu du fait qu’un accident nucléaire peut toucher des territoires étendus, comme en témoigne l’échelle « INES ».
Conséquences à l’extérieur du site |
Conséquences à |
Défense en profondeur |
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Rejet majeur : effets considérables sur la santé et l’environnement |
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Rejet important susceptible d’exiger |
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Rejet limité susceptible d’exiger l’application partielle des contre-mesures prévues |
Endommagement grave du cœur du réacteur / des barrières radiologiques |
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Rejet mineur : exposition du public de l’ordre des limites prescrites |
Endommagement important du cœur du réacteur / des barrières radiologiques / exposition mortelle d’un travailleur |
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Très faible rejet : exposition du public représentant une fraction des limites prescrites |
Contamination grave / effets aigus sur la santé d’un travailleur |
Accident évité de peu / perte des barrières |
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Contamination importante / surexposition d’un travailleur |
Incidents assortis de défaillances importantes des dispositions de sécurité |
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Anomalie sortant du régime de fonctionnement autorisé |
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Aucune importance du point de vue de la sûreté |
Source : IRNS
Les niveaux 4 à 7 correspondent à des accidents, dont on connaît une douzaine d’exemples, parmi lesquels Fukushima (2011), Tchernobyl (1986), Goiania (Brésil, 1987) ou Three Mile Island (1979). La France a été touchée à deux reprises, en 1969 et 1980, par des incidents de niveau 4 à Saint Laurent. C’est dire l’importance que revêt la politique d’information du public et de traitement des crises, notamment dans les zones qui présentent un risque sismique. Au niveau des communes situées à l’intérieur du cercle de danger défini par le plan particulier d’intervention (PPI), celles-ci aux termes de la loi du 13 août 2004 relative à la modernisation de la sécurité civile, ont l’obligation de mettre sur pied un Plan Communal de Sauvegarde (PCS) organisant la contribution de sa commune à la protection de la population dans le cadre du PPI. Les CLI peuvent être amenées à participer aux exercices, mais ceci n’est pas systématique.
L’article 123, dont le VI renvoie à une ordonnance sur la question de l’information et des servitudes d’intérêt public, ne modifie pas ce système en profondeur, mais lui apporte plusieurs précisions, d’application directe, et étend les pouvoirs des CLI, notamment par des droits de visite et des pouvoirs consultatifs.
Il prévoit (I) que les CLI pourront s’autosaisir et qu’elles devront désormais organiser une réunion publique ouverte à tous au moins une fois par an (modification de l’article L. 125-17 du code de l’environnement). En pratique, il s’agit plutôt de réunions ouvertes à la presse.
En outre, (II) si la CLI est localisée dans un département frontalier, certains de ses membres devront être issus d’États étrangers voisins (modification de l’article L. 125-20 du code de l’environnement). Cette exigence nouvelle concerne par exemple Fessenheim avec l’Allemagne, où elle est déjà satisfaite, mais aussi Gravelines, compte tenu de la proximité des Îles anglo-normandes. C’est à chaque CLI qu’il revient d’assurer cette représentation, selon des modalités et proportions d’étrangers qui peuvent varier d’une CLI à l’autre : la loi n’a pas été, sur ce point, plus précise, ce qui a conduit la mission à demander des compléments concrets à plusieurs des présidents de CLI. Dans une lettre du 26 mai 2016, en réponse, le président de la CLIS du centre nucléaire de Fessenheim indique les deux personnalités allemandes membres du collège des experts, et les quatre maires des communes voisines, membres à voix consultative, associés à ses travaux. Il souligne que cette composition anticipe, depuis 2008, les dispositions de cet article et que le financement des CLI pose toujours problème.
Le III prévoit par ailleurs que les personnes domiciliées dans le périmètre d’un plan particulier d’intervention (PPI) défini pour une INB devront par ailleurs recevoir des informations sur la nature des risques d’accident sans qu’elles aient besoin d’en faire la demande (nouvel article L. 125-16-1). La CLI est consultée à propos de ces actions d’informations, menées aux frais des exploitants (même article). De plus, le PPI sera soumis à une consultation de la CLI lorsqu’il est défini pour une INB (article L. 125-26 modifié du code de l’environnement).
La définition des PPI permet en particulier la mise en place de plans d’évacuation. En pratique, les PPI prennent souvent en compte un rayon de 10 kilomètres – est-ce suffisant ? – et concernent essentiellement la phase d’urgence : l’ASN recommande une extension du périmètre à 50 kilomètres, comme le formule, pour la centrale du Blayais, un vœu du conseil municipal de Bordeaux, le 24 novembre 2014 (85), et l’ANCLI souhaiterait même une extension à 80 kilomètres : en cas d’accident, un nuage radioactif ne s’arrête pas à 10 kilomètres ! En tout état de cause, ce rayon ne saurait être uniforme pour tout le territoire : 1,3 million de personnes vivent à proximité du Tricastin, et la ville de Blaye n’est pas incluse dans le PPI du… blayais.
Le rayon du périmètre du PPI est une donnée connue et inscrite dans le PPI mais fait l’objet de nombreuses critiques.
En 2009, l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) s’interroge sur le fondement du zonage des 10 km et sur la pertinence des PPI. Il est suggéré d’étendre le périmètre d’intervention sur la base de l’évolution des connaissances. Dans son avis, I’IRSN précise que « l’évolution des connaissances depuis les années quatre-vingt conduit aujourd’hui à considérer qu’en l’absence de protection, dans le cas d’un rejet de type S3, une dose à la thyroïde supérieure à 100 mSv pourrait être reçue jusqu’à une distance de l’ordre de 18 km de la centrale accidentée ; dans les mêmes conditions, une dose à la thyroïde supérieure à 50 mSv pourrait être reçue jusqu’à une distance de 25 à 30 km de la centrale accidentée. »
En 2011, l’accident de Fukushima a montré que des territoires situés à 15-20 km ont été épargnés par les rejets radioactifs, alors que des territoires situés à 60 km ont été contaminés.
Dans une position commune publiée en octobre 2014, les associations européennes d’autorités de sûreté et de radioprotection, WENRA (Western European Nuclear Regulators Association) et HERCA (Heads of the European Radiological protection Competent Authorities) considèrent qu’en Europe, une stratégie doit être définie de manière à pouvoir étendre l’évacuation jusqu’à 20 km et l’ingestion de comprimés d’iode et la mise à l’abri jusqu’à 100 km.
L’ANCCLI s’est à son tour positionnée officiellement en faveur d’une extension des périmètres PPI de tous les CNPE à un rayon de 80 km.
Source : observations sur le PPI du Blayais, CLI nucléaire du Blayais, 2015
Des visites de l’INB pourront enfin être organisées à la demande du président de la CLI (IV) : en cas d’accident de niveau égal ou supérieur à 1, l’exploitant devra organiser une visite de l’INB pour les membres de la CLI afin de leur présenter les mesures prises pour pallier les conséquences de cet accident (article L. 125-25-1). Tel fut le cas au sujet de l’incident signalé le 17 mars 2016 à la centrale du Tricastin.
Le VI de cet article (article 31 du projet) comportait une habilitation à légiférer par ordonnance permettant :
– d’étendre le champ des déclarations que l’exploitant d’une INB doit faire et des informations qu’il doit fournir à l’ensemble des domaines couverts par la législation pertinente (sécurité, santé et salubrité publiques, protection de la nature et de l’environnement) et non plus seulement à la sûreté nucléaire et à la radioprotection ;
– de créer un nouveau régime de servitudes d’utilité publique qui ne concernera pas les INB en activité mais « les terrains, constructions ou ouvrages qui peuvent occasionner une exposition des personnes aux effets nocifs des rayonnements ionisants justifiant un contrôle de radioprotection »
La durée d’habilitation a été réduite de douze à huit mois, par un amendement de M. Philippe Plisson, Rapporteur, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale. Cette exigence a été respectée, l’ordonnance n° 2016-128 a été publiée le 10 février 2016, soit cinq mois après la promulgation de la loi. Le dispositif prévoit que le projet de loi de ratification devait être déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l’ordonnance. Il a été déposé le 27 avril 2016, sur le bureau du Sénat (86). Votre Rapporteur, compte tenu notamment de l’insertion dans cette ordonnance d’un volet important consacré à la sécurité sanitaire, entend demander un débat de ratification explicite sur son dispositif.
L’article L. 125-10 du code de l’environnement disposait que toute personne a le droit d’obtenir auprès de l’exploitant d’une INB (ou du responsable d’un transport de substances radioactives) les informations qu’il détient « sur les risques liés à l’exposition aux rayonnements ionisants pouvant résulter de cette activité et sur les mesures de sûreté et de radioprotection prises pour prévenir ou réduire ces risques ou expositions ».
La sûreté nucléaire
La sûreté nucléaire est définie par l’article L. 591-1 du code de l’environnement comme « l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets ».
La radioprotection est définie par cet article comme « la protection contre les rayonnements ionisants, c’est-à-dire l’ensemble des règles, des procédures et des moyens de prévention et de surveillance visant à empêcher ou à réduire les effets nocifs des rayonnements ionisants produits sur les personnes, directement ou indirectement, y compris par les atteintes portées à l’environnement ».
Le I de l’article 19 de l’ordonnance étend le champ d’application de l’obligation de transmission des informations aux « risques ou inconvénients que l’installation ou le transport peuvent présenter pour les intérêts mentionnés à l’article L. 593-1 » et aux « mesures prises pour prévenir ou réduire ces risques ou inconvénients ». Les intérêts mentionnés par l’article L. 593-1 sont « la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l’environnement ».
L’article L. 125-15 du code de l’environnement dispose que tout exploitant d’une INB établit chaque année un rapport soumis au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l’INB, transmis à la CLI et rendu public.
L’article 19 de l’ordonnance étend le champ de ce rapport, qui porte désormais :
– sur les dispositions prises par l’exploitant pour tous les risques et inconvénients que l’installation peut présenter pour la sécurité, la santé et la salubrité publiques ainsi que pour la protection de la nature et de l’environnement ;
– sur l’ensemble des incidents et accidents qui affectent l’INB (et non plus seulement ceux qui ont trait à la sûreté nucléaire et à la radioprotection) et sur les mesures prises ;
– sur la nature et la quantité de déchets entreposés dans le périmètre de l’INB, qu’ils soient radioactifs ou non ;
– sur la nature et les résultats des mesures des rejets radioactifs et non radioactifs de l’installation dans l’environnement (disposition inchangée).
L’étude d’impact du projet de loi indique que les rapports annuels des exploitants nucléaires traitent déjà souvent des rejets non radioactifs. La modification apportée à l’article L. 125-15 semble donc davantage une mise en cohérence avec les pratiques existantes qu’une véritable nouveauté législative.
L’article L. 591-5 du code de l’environnement disposait qu’en « cas d’incident ou d’accident, nucléaire ou non, ayant ou risquant d’avoir des conséquences notables sur la sûreté de l’installation ou du transport ou de porter atteinte, par exposition significative aux rayonnements ionisants, aux personnes, aux biens ou à l’environnement, l’exploitant d’une installation nucléaire de base ou la personne responsable d’un transport de substances radioactives est tenu de le déclarer sans délai à l’Autorité de sûreté nucléaire et à l’autorité administrative ».
Le III de l’article 19 de l’ordonnance modifie sur deux points cet article :
– le délai dans lequel l’exploitant doit signaler l’incident ou l’accident est assoupli,
– le champ des incidents et des accidents concernés, qui concerne désormais l’ensemble des incidents ou accidents survenus du fait du fonctionnement de l’installation ou du transport et qui sont de nature à porter une atteinte significative à la sécurité, à la santé ou à la salubrité publiques ou à la protection de la nature et de l’environnement.
L’article L. 593-5 du code de l’environnement permet aujourd’hui à l’autorité administrative d’instituer « des servitudes d’utilité publique concernant l’utilisation du sol et l’exécution de travaux soumis à déclaration ou autorisation administrative » autour des INB. Il permet également d’instituer de telles servitudes sur le terrain de l’installation et autour de celui-ci lorsqu’il y a eu déclassement ou disparition de l’INB. Ces servitudes concernent alors l’utilisation du sol. La procédure d’institution de ces servitudes est la même que celle prévue par les articles L. 515-8 à L. 515-12 du code de l’environnement pour les installations classées pour la protection de l’environnement. Elle fait cependant l’objet de quelques adaptations aux INB par l’article L. 593-5 (consultation de l’Autorité de sûreté nucléaire…).
L’étude d’impact indiquait que le nouveau dispositif s’inspirerait de ce qui est prévu pour les installations classées pour la protection de l’environnement et qu’ « au vu du parc de sites et sols pollués par des substances radioactives ou suspectés de l’être (moins de 200, hors INB et ICPE qui relèvent déjà de dispositifs de servitudes d’utilité publique spécifiques), on peut estimer à quelques unités, voire quelques dizaines tout au plus, les cas d’utilisation du futur dispositif dans les dix ans à venir ».
L’article 38 de l’ordonnance insère un article L. 1333-26 dans le code de la santé publique, l’article 43 de l’ordonnance prévoyant une entrée en vigueur différée, « à une date fixée par décret en Conseil d’État et au plus tard le 1er juillet 2017 ». À ce jour, aucun décret n’a fixé de date plus rapprochée. Toutefois, passé cette date, cet article sera d’application directe.
Le I de l’article L. 1333-26 définit le type de biens concernés et les servitudes qui peuvent être imposées. Ces dernières recouvrent :
1° L’interdiction ou la limitation de certains usages ou leur subordination au respect de prescriptions techniques ;
2° L’interdiction ou la limitation du droit d’implanter des constructions ou des ouvrages, de démolir, de défricher, de réaliser des travaux, d’aménager les terrains ou d’y procéder à des fouilles ou encore la subordination de ces actions au respect de prescriptions techniques ;
3° La prescription de mesures de surveillance radiologique.
La définition des servitudes diffère donc légèrement par rapport à ce qui existe pour les installations classées ICPE : ces dernières permettent une limitation des effectifs employés dans les installations industrielles et commerciales implantées sur les sites concernés, ce qui n’est pas ici le cas. Par ailleurs, elles ne comprennent pas la création d’un dispositif de conservation de la mémoire de la présence de ces substances, qui était pourtant prévue par l’étude d’impact. Les décisions d’instauration des servitudes d’utilité publique sont prises par le représentant de l’État dans le département qui en a seul l’initiative alors que, dans le cadre de la procédure ICPE, l’initiative de la mesure peut revenir au préfet, mais aussi au demandeur de l’autorisation ou au maire de la commune d’implantation.
Le représentant de l’État dans le département doit recueillir l’avis des communes concernées et celui de l’Autorité de sûreté nucléaire – ce qui constitue une adaptation des règles ICPE qui ne prévoyaient que l’avis des conseils municipaux des communes concernées.
Contrairement à la procédure applicable aux ICPE qui prévoit la réalisation systématique d’une enquête publique, l’article L. 1333-26 indique que ce n’est que « lorsque l’importance des surfaces ou le nombre élevé des propriétaires concernés le justifient » qu’une telle enquête publique sera réalisée. Dans les autres cas, une procédure de consultation simplifiée sera mise en place. Enfin, l’indemnisation incombe non à « l’exploitant de l’installation » comme dans le cas des ICPE, mais au « responsable de la présence des substances radioactives » ; la demande d’indemnisation doit être adressée dans un délai de trois ans à dater de la notification de la décision instituant la servitude et, à défaut d’accord amiable, l’indemnité sera fixée par le juge de l’expropriation.
*
Votre Rapporteur insiste, en conclusion, sur le rôle des CLI, qu’il convient de mieux assurer en organisant des visites des sites, la transmission systématique des déclarations d’incidents mais aussi en assurant l’extension des périmètres d’intervention et une meilleure information du public (87).
Article 124
Limitation et surveillance des activités sous-traitées
Le dispositif de cet article porte sur la délicate question du recours à la sous-traitance, dans le sens de sa limitation. Elle correspond à une demande constante de parlementaires (88)
Cet article confère ainsi une base légale à la surveillance des activités importantes pour la protection des intérêts, relevant de l’arrêté du 7 février 2012, fixant les règles générales relatives aux installations nucléaires de base ( INB).
Il comporte d’une part un dispositif permettant l’encadrement ou la limitation du recours à la sous-traitance (art. L 593-6-1 du code de l’environnement) subordonnée à l’édiction d’un décret en Conseil d’État, et, d’autre part, un principe applicable sans mesure d’application prévoyant que l’exploitant assure une surveillance particulière des activités sous-traitées, surveillance qu’il ne peut déléguer.
Il convient de souligner, comme l’a fait la Cour des comptes dans son rapport public 2016 (89) qu’EDF externalise 80 % des opérations de maintenance. Entre 22 000 et 23 000 personnes sont mobilisées par les entreprises prestataires pour ces opérations, dont certaines impliquent naturellement un risque d’exposition. Il y a parfois jusqu’à huit niveaux de sous-traitance. La sous-traitance intervient en particulier pour des opérations de logistique, comme le nettoyage et l’assainissement.
Pour autant, il n’y a pas de filière de sous-traitance à proprement parler.
Ces opérations, au plan normatif, sont régies :
– par la directive du 31 mars 2004 2004/17/CE, rendue applicable en droit interne par l’ordonnance du 6 juin 2015 ;
– par un cahier des charges sociales élaboré par le comité stratégique de la filière nucléaire, mais qui, à la connaissance de votre Rapporteur, ne concerne pas AREVA ;
– par la Charte de progrès et de développement durable d’EDF signée par 13 organisations professionnelles.
Comme l’ont fait remarquer certains interlocuteurs de votre mission, l’absence de convention collective des sous-traitants pose une difficulté réelle au bon fonctionnement du système.
Le décret n° 2016-846 du 28 juin 2016 (90)relatif à la modification, à l’arrêt définitif et au démantèlement des installations nucléaires de base ainsi qu’à la sous-traitance indique que l’exploitant n’a pas la possibilité de confier à u intervenant extérieur la responsabilité opérationnelle et le contrôle de l’exploitation d’une INB, en ce qui concerne le traitement des accidents, des incidents et des écarts ainsi que la préparation aux situations d’urgence.
Plus restrictif que la loi, ce décret prévoit : « lorsque l’exploitant confie à un intervenant extérieur la réalisation, dans le périmètre de son installation au cours du fonctionnement ou du démantèlement de celle-ci, de prestations de service ou de travaux importants pour la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 593-1 du code de l’environnement, ceux-ci peuvent être réalisés par des sous-traitants de second rang au plus ». Ainsi, dans les cas qu’il vise, les sous-traitants ne dépassent pas le rang deux par rapport à l’intervenant extérieur, c’est-à-dire le rang trois par rapport à l’exploitant nucléaire.
En outre, « l’exploitant ne peut confier à un intervenant extérieur la responsabilité opérationnelle et le contrôle de l’exploitation d’une installation nucléaire de base, y compris en ce qui concerne le traitement des accidents, des incidents et des écarts, ainsi que la préparation aux situations d’urgence et leur gestion ». Votre Rapporteur juge cette restriction adaptée, dans ses principes, à la volonté législative. Toutefois, la limitation de la sous-traitance au second rang, même assortie par le décret de dérogations possibles, notamment en cas d’évènements imprévisibles, ne tient pas compte du caractère de filiales de certaines entreprises, ce qu’on peut regretter. Sans doute serait-il possible d’introduire dans le décret, au titre des dérogations, un tel critère sans pour autant en prévoir une application systématique.
Article 125
Suivi médical des travailleurs exposés à des rayonnements ionisants
Cet article fait suite à une des préconisations du rapport de la commission d’enquête consacrée aux coûts de la filière nucléaire (91).
Commission d’enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire.
« Souligne la réduction, que font apparaître les statistiques, des doses individuelles reçues par les travailleurs du nucléaire depuis 10 ans et l’importance du contrôle permanent des doses existant dans les installations nucléaires. Soutient tout ce qui peut être fait pour poursuivre cette nécessaire amélioration de la protection face aux risques des personnels, notamment en favorisant une harmonisation de la protection des sous-traitants et des salariés EDF : diminution des doses globales et individuelles, diminution des doses journalières, mise en place de CHSCT de sites, suivi médical épidémiologique et individuel, rattachement de chaque travailleur sous-traitant à un médecin du travail référent unique sur site nucléaire, robotisation des tâches les plus dosantes, prise en compte de la pénibilité. »
I) Les règles de prévention des risques en cas d’exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants sont établies par un décret en Conseil d’État, dont le contenu est enrichi, par cet article, aux modalités de suivi médical « spécifiques et adaptées » pour les travailleurs exposés aux rayonnements ionisants. Le décret du 2 juillet 2010 doit sans doute être adapté.
Article L. 4451-2 du code du travail, tel que modifié par l’article 125
Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application aux travailleurs des dispositions de l’article L. 4451-1, notamment :
1° Les valeurs limites que doit respecter l’exposition de ces travailleurs ;
2° Les références d’exposition et les niveaux qui leur sont applicables, compte tenu des situations particulières d’exposition ;
3° Les éventuelles restrictions ou interdictions concernant les activités, procédés, dispositifs ou substances dangereux pour les travailleurs ;
4° Les modalités de suivi médical spécifiques et adaptées pour les travailleurs exposés à des rayonnements ionisants, en particulier pour les travailleurs mentionnés à l’article L. 4511-1.
Cet article correspond à une avancée souhaitable. Pourtant, l’article 41 de l’ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 prévoit de remplacer l’ensemble de l’article L. 4451-2 du code du travail par les dispositions suivantes :
Article L. 4451-2 du code du travail résultant de l’article 41 de l’ordonnance du 10 février 2016 :
« Art. L. 4451-2.-Par exception à l’article 226-13 du code pénal, le médecin du travail peut communiquer à la personne désignée par l’employeur pour le conseiller en matière de radioprotection des travailleurs tous éléments ou informations couverts par le secret dès lors que leur transmission est limitée à ceux qui sont strictement nécessaires à l’exercice de ses missions. »
Ce dispositif peut être utile (92), mais il n’a nullement vocation à remplacer celui prévu par l’article 126. Si l’ordonnance s’applique, disparaît alors le « suivi médical spécifique et adapté » des travailleurs exposés à des rayonnements ionisants dans le code du travail, donc une avancée législative, ainsi gommée par l’ordonnance. Une fois encore, votre mission ne peut que regretter ce retour en arrière, d’autant qu’on mesure mal en quoi les articles 128 et 129 habiliteraient l’ordonnance à modifier « par coordination » une disposition de la loi.
II) L’article demande un rapport sur l’intégration des risques ionisants dans le secteur nucléaire dans les critères de risque au titre d’un environnement physique agressif (art. L. 4161-1 du code du travail).
Conscient du fait que les deux sujets sont liés, votre mission s’est adressée à la ministre du travail pour connaître les conditions d’application de cet article.
Votre Rapporteur s’opposera donc à la ratification de cet article de l’ordonnance, auquel ne se substitue pas le volet « santé publique » de celle-ci : l’ASN, quelle que soit l’importance de son rôle ne saurait être le médecin du travail.
Au-delà du texte lui-même ce sont les pratiques qu’il convient sans doute de modifier : le rôle de l’inspection du travail est, de facto, tenu par l’ASN dans bien des cas : la centrale de Paluel, qui emploie 1 200 salariés ne compte que 3 médecins du travail, et, dans bien des cas, l’exposition à de faibles doses n’apparaîtra pas dans un dossier médical. Il serait donc nécessaire d’assurer un suivi médical continu, par un dossier unique, pour chaque travailleur, alors que certains d’entre eux interviennent soit sur tout le territoire, soit successivement pour des prestataires différents au long de leur vie professionnelle, sans suivi médical continu.
Votre mission entend donc à nouveau insister sur la nécessaire parution du rapport prévu au II de cet article sur la prise ne charge de l’exposition aux critères de risques des rayonnements ionisants.
Article 126
Autorisation en cas de modification substantielle d’une installation nucléaire de base
Cet article modifie les conditions dans lesquelles doit être demandée une nouvelle autorisation d’une INB. Jusqu’alors, celle-ci était en particulier nécessaire en cas de modification notable de l’installation. Cet article distingue désormais entre deux procédures : celle de la « modification substantielle » et celle des « modifications notables », qui, selon leur nature, sont soumises soit à une procédure de déclaration, soit à une procédure d’autorisation.
Cet article est complété par la prise en compte de ces régimes dans l’ordonnance du 10 février 2016. En outre, les articles 26 et 27 du décret n° 2016-846 du 28 juin 2016, qui appliquent le présent article, classifient les opérations dans l’une ou l’autre de ces catégories, et l’article 31 du même texte énumère les cas de modification substantielle.
En outre, cet article prévoit que la procédure d’autorisation est applicable aux réexamens de sûreté, au-delà de la trente-cinquième année de fonctionnement d’un réacteur, puis un régime de surveillance accrue des équipements dans les cinq ans suivants.
Article 127
Démantèlement des installations nucléaires de base
Cet article, issu du projet de loi (article 32), porte sur le démantèlement des installations nucléaires de base. Il vise à ce que cette opération intervienne le plus tôt possible après l’arrêt définitif d’une exploitation.
Le droit antérieurement applicable était fondé sur un système déclaratif, déclenché au moins deux ans avant la date d’arrêt prévue. La déclaration de l’exploitant est suivie d’un dossier, au plus tard deux ans après la déclaration, puis une fois le démantèlement prescrit par décret, après avis de l’ASN, une décision de déclassement, intervenant en application de l’article L. 593-30 du code de l’environnement est prise, après enquête publique.
Le dispositif adopté opte pour l’une des deux recommandations de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) (93), entre un démantèlement différé et un démantèlement immédiat, choisissant cette seconde option. Il prévoit que si une installation cesse de fonctionner pendant une durée supérieure à deux ans, son arrêt est « réputé définitif », alors que les dispositions antérieures prévoyaient que le ministre devait interdire par arrêté, la poursuite de l’exploitation. En application de l’article L.593-24 du code de l’environnement, modifié par le I du présent article, un acte juridique n’est donc plus, comme antérieurement, nécessaire pour constater l’arrêt d’une INB. En revanche un arrêté ministériel motivé est nécessaire pour proroger, pour une durée maximale de trois ans, la durée de vie d’une centrale, cette prorogation est naturellement liée au respect des pouvoirs de l’ASN et placée sous le contrôle du juge administratif, appelé, s’il est saisi, à vérifier les motifs la justifiant.
Il résulte par ailleurs du II de l’article 127 que tout arrêt définitif doit être suivi d’un démantèlement dans un délai aussi court que possible. Il renforce notoirement les obligations des vendeurs du terrain sur lesquels les installations ont été exploitées.
Toutefois votre mission souligne que la décision de démantèlement elle-même n’est pas affectée par le présent article : en dépit de la prescription de démantèlement dans un délai « aussi court que possible » après l’arrêt définitif article L 593-25 du code de l’environnement), qui pourrait simplement conduire le juge administratif à annuler une décision implicite de rejet si ce délai n’était pas respecté, celui-ci n’est pas conduit par le présent article à devoir modifier sa jurisprudence : le décret est toujours l’acte juridique indispensable qui décide du démantèlement.
Conseil d’État : décision du 28 novembre 2014, n° 367013
« Considérant, en deuxième lieu, qu’aussi longtemps qu’aucun décret de mise à l’arrêt définitif et de démantèlement n’est intervenu, après la mise en œuvre de la procédure prévue à l’article L. 593-25 du code de l’environnement, une installation nucléaire de base est autorisée à fonctionner, dans des conditions de sûreté auxquelles il appartient à l’ASN de veiller en vertu de l’article L. 592-1 du même code ; qu’il incombe ainsi à l’Autorité d’évaluer la sûreté des installations nucléaires existantes, de s’assurer, à tout moment, du respect des prescriptions de sûreté par les exploitants et de prendre les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 593-1 du code de l’environnement ; que les déclarations du Président de la République invoquées par les associations requérantes et la décision de créer une délégation interministérielle à la fermeture de la centrale ne sauraient, en l’absence du décret prévu à l’article L. 593-25 du code de l’environnement, avoir d’incidence sur l’accomplissement par l’ASN des missions qui lui incombent en vue d’assurer la sûreté des installations nucléaires de base » (94)
Le II de cet article, qui fait référence à un décret, implique donc une modification de la procédure de démantèlement prévue aux articles 36 à 45 du décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007, relatif aux installations nucléaires de base et au contrôle, en matière de sûreté nucléaire, du transport de substances radioactives.
Ce texte, comme l’article 187 de la loi, renvoie donc à la question des décisions d’arrêt et de démantèlement des installations nucléaires, et aux incidences, notamment financières de celles-ci.
La Commission européenne a présenté le 4 avril 2016 le programme indicatif nucléaire (PINC). Premier rapport de ce type depuis l’accident de Fukushima en 2011, il est axé sur les investissements liés aux améliorations de la sûreté post-Fukushima et sur la sûreté d’exploitation des installations existantes. Ce programme met également en exergue les besoins de financement estimés liés au déclassement de centrales nucléaires et à la gestion des déchets radioactifs et du combustible usé.
L’article L 594-1 du code de l’environnement, non modifié par la loi du 17 août 2015 dispose : « Les exploitants d’installations nucléaires de base évaluent, de manière prudente, les charges de démantèlement de leurs installations ou, pour leurs installations de stockage de déchets radioactifs, leurs charges de fermeture, d’entretien et de surveillance ». Conformément à cette prescription, le décret du 23 février 2007 (modifié par un décret du 24 mars 2015) prévoit :
Décret du 23 février 2007
I. - Les exploitants évaluent les charges mentionnées à l’article L. 594-1 du code de l’environnement selon les cinq catégories suivantes ;
1° Les charges de démantèlement des installations nucléaires de base, hors gestion à long terme des colis de déchets radioactifs ;
2° Les charges de gestion de leurs combustibles usés, hors gestion à long terme des colis de déchets radioactifs ;
3° Les charges de reprise et de conditionnement de leurs déchets anciens, hors gestion à long terme des colis de déchets radioactifs ;
4° Les charges de gestion à long terme des colis de déchets radioactifs ;
5° Les charges de surveillance après fermeture des stockages.
Votre Rapporteur rappelle, pour mémoire, que la commission d’enquête consacrée au coût du nucléaire (95) n’avait pu que constater les « incertitudes persistantes sur l’évaluation des coûts de démantèlement des installations nucléaires ».
Il rappelle également que le Conseil constitutionnel, jugeant du présent article, a indiqué que « les dispositions contestées ne font pas obstacle à ce que les titulaires d’autorisations de création d’installations nucléaires de base déjà délivrées au jour de l’entrée en vigueur de la loi déférée, privés de la possibilité de demander une autorisation d’exploiter une installation pour laquelle ils disposent d’une telle autorisation de création ou contraints de demander l’abrogation d’une autorisation d’exploiter afin de respecter le plafonnement institué par l’article L. 311-5-5, puissent prétendre à une indemnisation du préjudice subi ». Ce qui vaut pour le maintien du plafonnement global prévu à l’article 187 (63,2 Gw) doit logiquement également valoir pour toute autre cause de cessation d’activités, donc s’applique dès lors que la puissance publique est en cause.
La Cour des comptes observe par ailleurs : « en application de l’article 40 du décret du 2 novembre 2007, à l’issue des opérations de démantèlement, le déclassement d’une installation nucléaire de base est prononcé notamment sur la base d’une présentation de l’état du site contenant une analyse de l’état du sol. Le retour d’expérience montre que ces opérations d’assainissement des sols peuvent avoir un impact important sur le coût des projets de démantèlement. En conséquence l’ASN a été amenée à recommander que les exploitants évaluent les charges en tenant compte de ces opérations, en privilégiant l’assainissement complet des sites. Ce point pourrait constituer un facteur d’augmentation des devis dans les années à venir ».
En premier lieu, il faut constater qu’une grande divergence de chiffrage existe. En 2014, le rapport de la commission d’enquête reproduisait les données suivantes :
CHARGES BRUTES DE DÉMANTÈLEMENT DES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES
(Millions d’euros)
EDF |
AREVA |
CEA |
Total | |
Installations en exploitation |
19 558 |
5 046 |
1 245 |
25 849 |
Installations arrêtées |
2 890 |
2 828 |
2 454 |
8 172 |
Total |
22 448 |
7 874 |
4 034 (*) |
34 356 |
(*) Ce chiffre inclut les charges transverses (40 millions d’euros) ainsi que les charges de démantèlement « hors loi » (142 millions d’euros).
Source : Cour des comptes, Le coût de production de l’électricité nucléaire. Actualisation 2014.
La même source (p. 77) rappelle cependant que les charges brutes étaient estimées, au 31 décembre 2010 à 20,9 milliards pour EDF, 7,1 milliards pour AREVA et 3,9 milliards pour le CEA. Ainsi, pour EDF, qui à elle seule supporte 65 % du coût du démantèlement, l’estimation a augmenté de 2,5 milliards d’euros.
L’analyse de la Cour des comptes distingue deux types d’opérations :
– Le démantèlement en cours par EDF de 12 installations nucléaires de base dont l’exploitation est d’ores et déjà arrêtée (Creys Maleville, Bugey 1, etc.) estimé fin 2011 à 5 milliards d’euros, mais revalorisé « du fait d’aléas techniques et juridiques » de 71,3 millions d’euros ; pour AREVA le coût est de 8,55 milliards d’euros environ pour 18 opérations ;
– Le démantèlement des installations en cours d’exploitation, pour lequel la Cour constate une différence de méthodes, et une variation de coût en fonction de l’éventuelle prolongation du parc au-delà de 40 ans, chiffré à 19,56 milliards d’euros pour EDF et à 4,3 milliards pour les démantèlements à venir pour AREVA.
ESTIMATION DU COÛT DU DÉMANTÈLEMENT DU PARC NUCLÉAIRE FRANÇAIS HISTORIQUE PAR EXTRAPOLATION DES MÉTHODES UTILISÉES DANS D’AUTRES PAYS
(en milliards d’euros)
Estimation EDF |
Suède |
Belgique |
Japon |
États-Unis (3 méthodes) |
Royaume-Uni |
Allemagne (4 méthodes) |
18,1 |
20 |
24,4 |
38,9 |
27,3 33,4 34,2 |
46 |
25,8 34,6 44 62 |
Source : Cour des comptes, Les coûts de la filière électronucléaire, janvier 2012
La Cour elle-même ne parvient pas à chiffre de manière indiscutable le coût du démantèlement, même si ses travaux permettent d’actualiser les données.
En toute hypothèse, on ne dispose pas d’une évaluation indiscutable du coût de l’arrêt puis du démantèlement de Fessenheim, dont les deux réacteurs fournissent aujourd’hui 2,3 % de l’énergie électrique produite en France. Il convient de rappeler en préalable le caractère déterminant de l’avis de l’ASN dont le rapport public 2015 (96) considère que « les performances en matière de sûreté nucléaire et de protection de l’environnement … se distinguent de manière positive par rapport à l’appréciation générale que l’ASN porte sur EDF … les opérations de maintenance réalisées en 2015 ont été bien planifiées et bien gérées ». Si le jugement est plus nuancé en ce qui concerne la radioprotection des salariés, il n’y a donc pas, en 2015, de critique technique particulière.
C’est l’antériorité de la mise en service de la centrale, en 1977, en parallèle avec le retard de mise en service de Flamanville, qui explique que le sujet concentre actuellement les débats sur le nucléaire en France.
L’article L. 593-19 du code de l’environnement, modifié par l’article 126, impose un réexamen de sûreté au-delà de la trente-cinquième année de fonctionnement d’un réacteur, puis cinq ans après la remise du rapport de réexamen, un suivi et un complément éventuel de prescriptions de l’ASN sur les équipements importants pour la sûreté. Le rôle de l’ASN est donc crucial à partir du moment où une centrale atteint quarante ans de fonctionnement.
Toutefois, ce processus pourrait, en l’espèce, être écarté si une décision anticipée de fermeture intervenait s’agissant de la centrale de Fessenheim, dont un réacteur est actuellement à l’arrêt depuis le 13 juin 2016.
L’attention publique s’est donc focalisée sur les questions du processus décisionnel, puis du coût de la cessation d’exploitation, et au-delà, du démantèlement éventuel de Fessenheim, qui est la plus ancienne des centrales en activité, le projet de PPE indique : « en application du plafonnement à 63,2 Gw de la capacité nucléaire, abroger par décret (97) en 2016 l’autorisation d’exploiter des deux réacteurs de la centrale de Fessenheim ».
Il convient de rappeler que le décret de retrait d’autorisation de l’exploitation qui est annoncé doit lui-même être précédé, d’une part, d’une concertation interne à EDF, puisque l’avis du comité central d’entreprise doit obligatoirement être demandé (98), et, d’autre part, par le respect du processus décisionnel de l’entreprise dont le conseil d’administration doit se prononcer, ce qui est prévu au début du mois de décembre. C’est alors, juridiquement, que le président-directeur-général du groupe EDF sera habilité par le conseil d’administration à entériner la formule d’indemnisation, qui, pour l’instant n’est qu’un accord annoncé même s’il était, matériellement, nécessaire au déclenchement du processus.
Reste, au-delà de cet accord d’indemnisation d’EDF, annoncé, mais dont on peut regretter le caractère jusqu’ici assez opaque, que la question du coût du démantèlement reste clairement posée, pour Fessenheim, comme au plan plus général.
Les propos tenus par Luc Oursel devant la commission d’enquête de l’Assemblée (p. 114) estimaient une perte de chiffre d’affaires de 400 millions d’euros pour AREVA et rappelaient que 1 500 personnes y travaillent, dont 850 agents d’EDF, 300 employés de sous-traitants et un solde d’emplois induits portant au total l’opération à 1 700 emplois. Mais d’autres sources situent le nombre d’employés de sous-traitants à seulement 250 personnes.
Dans une approche globale, nos collègues Marc Goua et Hervé Mariton situaient le manque à gagner à 200 millions d’euros par an et, en situant l’arrêt à 2040, le préjudice indemnisable à 4 milliards d’euros.
M. Henri Prévot (99) aboutit, en 2013, à un résultat qui est le double de ces chiffres, fondé sur un calcul économique coût/recettes.
Ces chiffres font l’objet d’un vaste débat, l’ampleur des estimations étant très variables. La Cour des comptes, dans son rapport public 2016 (p. 131) situe le coût de fermeture à 3, 44 M€ (base 2013).
Plusieurs éléments entrent en compte :
– l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), dans un avis du 9 janvier 2014 constate que peu d’exploitants prennent en compte l’assainissement du sol, contrairement aux prévisions de l’article 40 du décret du 2 novembre 2007, lequel prévoit une « analyse de l’état des sols » lors de la demande de déclassement. L’ASN recommande également une répartition des charges de démantèlement et d’assainissement ventilée par installation.
Ici encore les certitudes sont bien faibles. Le rapport parlementaire cité plus haut situe, avec des données certaines, l’impact fiscal de l’activité de Fessenheim en 2013.
– EDF a versé, en 2013, 13,3 millions d’euros d’impositions locales au titre de la centrale nucléaire de Fessenheim. Les collectivités territoriales bénéficiaires étaient la commune de Fessenheim, la communauté de communes de l’Essor du Rhin (CCER), le département du Haut-Rhin, et la Région Alsace (« Grand Est »).
Les impositions locales versées en 2013 se répartissent en quatre taxes :
– 1,8 million au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) ;
– 2,8 millions d’euros au titre de la cotisation foncière des entreprises (CFE) ;
– 3,3 millions d’euros au titre de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) ;
– 5,4 millions d’euros au titre de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER nucléaire).
6,1 millions d’euros financent la communauté de communes.
Ces chiffres ont peu varié : au total ils atteignent environ 13 millions de pertes de recettes de fiscalité locale, compensées partiellement.
– D’autres données doivent être prises en considération : un contentieux d’actionnaires est réglé entre EDF et le land de Bade-Wurtemberg, en revanche le coût de la gestion des déchets et celui du risque de pollution de la nappe phréatique font l’objet d’appréciations très variables.
Au total, entre les données connues et les éléments aléatoires, il paraît impossible de déterminer aujourd’hui avec certitude, ou même avec une marge d’approximation raisonnable, les coûts de l’arrêt et ceux du démantèlement du site de Fessenheim. Or, EDF s’est engagée à étudier la fermeture des deux réacteurs (100). Encore faut-il que les questions de méthodologie d’appréciation de perte immédiate liée à la cessation d’exploitation, puis la prise en compte donc du préjudice indemnisable, lequel dépend de la durée prévisionnelle sur laquelle on pouvait escompter une exploitation, et enfin, du coût du démantèlement, soient résolues en amont. Or, précisément, la méthodologie est elle-même sujette à débats, et seul l’accord sur une formule d’indemnisation paraît pour l’instant établi, compte tenu du processus juridique en cours. C’est bien peu de certitudes.
Votre Mission suggère donc que les prévisions d’impact de la fermeture des INB et les fourchettes de chiffrages soient effectuées, et régulièrement remis à jour, par un organisme paritaire, de manière à ce que le travail d’expertise précède la décision et soit un appui à celle-ci et non un élément de polémique.
Article 128
Sûreté nucléaire : habilitation à légiférer par ordonnance
La durée accordée au Gouvernement pour prendre cette ordonnance, qui porte sur l’efficacité du contrôle, l’ASN, la transposition des directives que l’article énumère, les questions relevant de la défense nucléaire, les mesures de protection contre les actes de malveillance, et des dispositions de coordination, a été réduite de douze à huit mois, par un amendement du Rapporteur sur le titre VI, Philippe Plisson, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale. Cette exigence a été respectée, l’ordonnance ayant été publiée le 10 février 2016, soit cinq mois après la promulgation de la loi.
Le VI de l’article prévoit par ailleurs que le projet de loi de ratification devait être déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l’ordonnance. Le projet de loi de ratification a été déposé, le 27 avril 2016, sur le bureau du Sénat (101).
Cette ordonnance s’inscrit dans le cadre général des exigences de l’Union européenne en matière de sûreté nucléaire, exigences renforcées suite à l’accident de Fukushima, par la directive 2014/87/Euratom dont la transposition est prévue dans le cadre de l’habilitation donnée par le présent article.
Directive n° 2014/87 Euratom du 8 juillet 2014
« Une autorité de réglementation compétente, forte et effectivement indépendante dans sa prise de décision réglementaire est un impératif fondamental du cadre communautaire pour la sûreté nucléaire. Il est de la plus haute importance que l’autorité de réglementation compétente soit en mesure d’exercer ses prérogatives de manière impartiale et transparente et sans subir d’influence indue dans le cadre de sa prise de décision réglementaire, afin de garantir un niveau élevé de sûreté nucléaire. Il convient que les décisions réglementaires et les mesures de police dans le domaine de la sûreté nucléaire soient prises sur la base de considérations techniques objectives en matière de sûreté et sans influence externe indue de nature à compromettre la sûreté, comme par exemple des pressions indues associées à des changements en matière politique, économique et sociétale ».
L’ordonnance porte sur six types de sujets différents.
I) Les a) à d) du 1°et le 2°du I de l’article 128 permettent au Gouvernement de modifier les règles relatives à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). L’article 21 de l’ordonnance étend le champ des activités concernées par le contrôle de l’ASN aux « activités comportant un risque d’exposition des personnes aux rayonnements ionisants […] émanant soit d’une source artificielle, qu’il s’agisse de substances ou de dispositifs, soit d’une source naturelle lorsque les radionucléides naturels sont traités ou l’ont été en raison de leurs propriétés radioactives, fissiles ou fertiles » (102). Ce champ sera encore élargi lorsque la nouvelle rédaction de l’article L. 1333-1 du code de la santé publique prévue par l’ordonnance du 10 février 2016, qui comprend une définition plus large des « sources naturelles » des rayonnements ionisants (103), entrera en vigueur le 1er juillet 2017. Par ailleurs, il confie à l’ASN la mission de concourir à la transparence pour ce qui concerne la sûreté nucléaire, la radioprotection et les activités nucléaires mentionnées à l’article L. 1333-1 du code de la santé publique, et son article 21 prévoit que l’ASN participe à l’information du public.
Le I de l’article 22 de l’ordonnance modifie les articles L. 592-20, L. 592-21 et L. 592-22 du code de l’environnement pour les adapter à la nouvelle définition du champ de compétences de l’ASN. Ces articles définissent :
– les décisions réglementaires à caractère technique que peut prendre l’ASN ;
– les décisions individuelles que peut prendre l’ASN ;
– les domaines dans lesquels l’ASN est chargée d’assurer le contrôle du respect des règles générales et des prescriptions particulières édictées.
Si le renvoi aux « domaines de compétence mentionnés à l’article L. 592-19 » dans les articles L. 592-20 (relatif aux décisions réglementaires) et L. 592-22 (relatif au contrôle) est clair, le renvoi aux « décisions individuelles qui lui sont attribuées par les lois et règlements dans les domaines de sa compétence » fait par l’article L. 592-21 l’est moins. L’étude d’impact du projet de loi indiquait à ce sujet que : « Dans un but de simplification pour l’assujetti (diminution du nombre d’interlocuteurs), il est envisagé de compléter les compétences de l’ASN au sein des INB concernant certaines décisions individuelles relatives aux déchets (non radioactifs), aux produits et équipements à risques (par exemple équipements sous pression), aux produits chimiques (l’autorité compétente est normalement le préfet de département dans la plupart des cas) ». Le nouvel article L. 593-33 du code de l’environnement, (article 30 de l’ordonnance) prévoit donc :
– les compétences de l’ASN en matière de contrôle des appareils à pression implantés dans le périmètre INB sont étendues ;
– la compétence de l’ASN est étendue à des activités situées en dehors du périmètre des INB, qu’elles soient exercées par l’exploitant ou par ses fournisseurs, prestataires ou sous-traitants.
Les articles L. 595-1 et L. 595-2 définissaient les compétences de l’ASN pour ce qui concernait le transport de substances radioactives en indiquant que ces derniers étaient soumis au régime de contrôle et de sanctions prévu pour les INB par le chapitre VI du titre du code de l’environnement consacré à la sécurité nucléaire et aux INB. Ces articles précisaient par ailleurs que l’ASN était chargée d’accorder les autorisations et les agréments et de recevoir les déclarations relatives au transport de substances radioactives. L’article 33 de l’ordonnance rend plus claire l’articulation entre les différents corpus de règles qui s’appliquent au transport des substances radioactives en indiquant que ce transport est soumis aux « dispositions régissant le transport de marchandises dangereuses » sauf sur les deux mêmes points que précédemment :
– les décisions individuelles relèvent de l’ASN ;
– le contrôle du transport de substances radioactives est soumis au régime prévu pour les INB par le chapitre VI du titre du code de l’environnement.
Votre Rapporteur souligne que disparaît ainsi le pouvoir, antérieurement prévu par l’article L. 592-19 du code de l’environnement, d’édiction par l’ASN de « règles fondamentales de sûreté » et de « guides de l’ASN », que la jurisprudence jugeait dépourvues de caractère impératif, tout en indiquant « qu’il appartient toutefois au juge de prendre en compte ces règles ou guides parmi les éléments de fait et de droit appréciés dans son contrôle de l’évaluation qui a été faite du risque par l’ASN » (104). Cette suppression de dispositions non impératives doit être saluée : le droit du nucléaire, et singulièrement celui de la sûreté nucléaire, ne saurait s’accommoder d’un droit souple.
La principale extension des compétences de l’ASN à l’international résulte de la loi « Macron ». L’article 200 de la loi du 6 août 2015 a en effet inséré dans le code de l’environnement un article L. 592-28-1 prévoyant que l’ASN peut :
– fournir des prestations de conseil et mener des missions d’appui technique à la demande des autorités d’autres États ;
– examiner la conformité des options de sûreté des modèles d’installations nucléaires destinées à l’exportation aux obligations applicables en France au même type d’installation.
L’étude d’impact du projet de loi prévoyait que, pour conforter ses décisions, l’ASN puisse recourir à des tierces expertises aux frais de l’assujetti, à l’instar de ce qui existe déjà pour les ICPE. Dans ce but, le I de l’article 22 de l’ordonnance réécrit l’article. L. 592-23 du code de l’environnement qui dispose désormais que : « lorsque l’importance particulière des risques ou inconvénients le justifie, l’Autorité de sûreté nucléaire peut prescrire au responsable d’une activité qu’elle contrôle la réalisation, aux frais de celui-ci, d’analyses critiques d’un dossier, d’expertises, de contrôles ou d’études par des organismes extérieurs experts choisis en accord avec elle ou qu’elle agrée ».
La rédaction de l’article L. 592-23 du code de l’environnement pose des limites : l’ASN a un droit de regard sur le choix des tiers experts et le recours aux tiers experts est réservé aux cas où « l’importance particulière des risques ou inconvénients le justifie ». L’étude d’impact du projet de loi indiquait que ce recours devait être limité aux cas où l’autorité administrative est difficilement à même d’apprécier une situation (par l’exemple l’état d’un matériel) ou les justifications fournies par l’exploitant. Il est regrettable que la définition de ces cas ne soit pas plus précise.
Par ailleurs, lors de l’examen de l’article à l’Assemblée et au Sénat, les parlementaires avaient été particulièrement vigilants sur la question des tierces expertises et deux amendements avaient été adoptés à ce sujet :
– lors de l’examen du texte à l’Assemblée, un amendement de nos collègues Patrice Prat, Jean-Luc Laurent et Stéphane Travert avait précisé que les tierces expertises que l’ASN pourrait faire réaliser n’auraient pas vocation à se substituer aux expertises de l’IRSN mais à s’y ajouter ;
– lors de l’examen du texte au Sénat, des amendements de MM. Pierre Médevielle, Bruno Sido et Michel Berson avaient été adoptés pour rendre l’IRSN destinataire des rapports produits dans le cadre des tierces expertises demandées par l’ASN. Il est regrettable que la rédaction de l’article L. 592-23 n’ait pas pris en compte les souhaits des parlementaires.
L’ordonnance indique que le recours aux tierces expertises se fait aux frais de l’assujetti. Le rapport annuel de l’ASN mentionne un budget de 85 millions de l’IRSN consacré aux expertises.
L’article 23 de l’ordonnance insère des articles L. 592-41 à L. 592-44 dans le code de l’environnement pour instituer une commission des sanctions au sein de l’ASN, afin de respecter le principe de séparation des fonctions d’instruction et de jugement.
Votre mission rappelle à cet égard que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme comme celle du Conseil constitutionnel et du conseil d’État sont particulièrement exigeantes, qui, si elles admettent l’auto saisine, prohibent toute procédure aboutissant à un pré-jugement : le prononcé de la sanction doit respecter une stricte séparation entre l’instruction et la décision (105)
L’article 23, s’il prévoit une incompatibilité entre les fonctions de membre de la commission des sanctions, d’ailleurs étendue à tout mandat électif, de façon sans doute excessive (106), et celles de membre du collège et des services, met cependant ceux-ci à disposition de l’autorité et n’organise ni les voies de saisine ou de recours, ni une procédure contradictoire lors de la phase d’instruction de l’affaire.
Le IV de l’article 24 de l’ordonnance donne une nouvelle rédaction à l’article L. 593-11 du code de l’environnement relatif aux autorisations de mise en service des INB pour prévoir que la mise en service d’une INB peut n’être que partielle.
L’article 34 vise à doter l’ASN et ses inspecteurs de pouvoirs de contrôle et de sanction plus gradués. Il remplace le dispositif de contrôle et de sanctions administratives (défini par les articles L. 596-1 à L. 596-23 et spécifique au nucléaire) par un renvoi aux dispositions du code de l’environnement (articles L. 171-6 à L. 171-12). Toutefois, le montant maximal de l’amende administrative est porté de 15 000 euros à :
– 10 millions d’euros en cas de manquement aux dispositions applicables aux installations nucléaires de base ;
– un million d’euros en cas de manquement aux dispositions applicables aux équipements sous pression nucléaires ;
– 30 000 € dans les autres cas.
De plus, le montant maximal de l’astreinte journalière est porté de 1 500 à 15 000 euros. L’article L. 593-5 prévoit qu’en cas de défaillance de l’exploitant, l’autorité administrative pourra, non seulement se retourner contre le propriétaire du terrain d’assiette, mais également se retourner contre le propriétaire de l’INB, s’il est distinct de l’exploitant.
Enfin, certaines sanctions pénales sont renforcées. Par exemple, l’amende pour exploitation d’une INB en violation d’une mise en demeure est portée de 75 000 € à 100 000 €, et la peine prévue à l’encontre des personnes morales en cas d’exploitation non autorisée d’une INB est portée à 10 millions d’euros (article L. 596-12 du code de l’environnement)
Le II de l’article 25 de l’ordonnance inclut les centres de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs dans les installations nucléaires de base.
Le texte prévoit le renforcement des prérogatives de l’ASN pour les équipements sous pression nucléaires (cuves de réacteurs nucléaires, tuyauteries du circuit d’eau primaire du réacteur…). Ces derniers faisaient l’objet de dispositions éparpillées dans différents articles du code de l’environnement, rassemblées et réécrites de manière plus cohérente. Par ailleurs, l’article 33 complète le régime juridique des équipements sous pression nucléaire en prévoyant que l’ASN peut intervenir directement à certaines étapes de l’évaluation de la conformité de ces équipements.
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II) L’article 128 habilite également le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures permettant de soumettre les responsables d’activités nucléaires à l’obligation de prendre des mesures de protection des sources de rayonnements ionisants contre les actes de malveillance. L’habilitation sur ce sujet a été prévue par l’adoption d’un amendement du Gouvernement lors de l’examen du texte en première lecture au Sénat dont l’exposé des motifs indiquait que cette mesure s’inscrivait dans le cadre défini par la convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire signée à New York le 14 septembre 2005 et par le code de conduite relatif à la sûreté et à la sécurité des sources de rayonnement ionisant établi par l’Agence internationale de l’énergie atomique en 2003.
Les installations concernées sont celles qui utilisent des sources faiblement radioactives, qui ne sont pas classées comme ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement), INB (installations nucléaires de base) ou INID (installations nucléaires intéressant la défense) mais qui peuvent être soumises au régime d’autorisation ou de déclaration fixé par le code de la santé publique.
Ce régime ne portait, jusqu’alors que sur la radioprotection et ne permettait pas de prendre en compte explicitement la lutte contre les actes de malveillance.
L’article 38 de l’ordonnance du 10 février 2016 étend l’objet de cette législation à la lutte contre la malveillance :
– La nouvelle rédaction de l’article L. 1333-7 du code de la santé publique prévoit que le responsable d’une activité nucléaire doit mettre en œuvre des moyens et des mesures permettant d’assurer la protection de la santé publique, de la salubrité et de la sécurité publiques et de l’environnement contre les risques ou inconvénients résultant des rayonnements ionisants qui sont liés à l’exercice de cette activité mais aussi à des actes de malveillance. En outre, le texte définit les compétences des différents services de l’État et prévoit également que certaines activités nucléaires appartenant à la nomenclature ICPE ou relevant du code minier devront faire l’objet d’une autorisation par l’ASN au titre de la protection contre les actes de malveillance.
– La nouvelle rédaction de l’article L. 1333-11 autorise l’administration à réaliser des enquêtes sur les personnes autorisées à avoir accès aux sources radioactives mentionnées à l’article L. 1333-1. Il dispose en particulier que cette enquête « peut donner lieu à la consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire et des traitements automatisés de données à caractère personnel… La personne concernée est informée de l’enquête administrative dont elle fait l’objet » (107).
En application de l’article 43 de l’ordonnance ces dispositions entreront en vigueur « à une date fixée par décret en Conseil d’État et au plus tard le 1er juillet 2017 ». Aucune date plus proche n’a à ce jour été définie, ce qu’on peut juger regrettable, au moins sur ce dernier point.
Même si la possibilité d’assure la coordination avec le code du travail fait partie du champ de l’habilitation (7° du I du présent article), votre mission, qui n’est au demeurant pas convaincue qu’il s’agisse d’une simple coordination ne juge pas qu’il soit opportun qu’une ordonnance vienne modifier une disposition du texte de loi qui, par ailleurs, comporte ladite habilitation. Elle s’oppose donc, à l’article 41 de l’ordonnance, à la disparition du suivi médical spécifique des travailleurs exposés aux rayonnements ionisants prévu par cet article. Sous réserve d’une explication du gouvernement sur ce point, elle ne souhaite pas la ratification de cet article.
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III) Le e du 1° et le 4° du I permettent au Gouvernement de modifier les règles relatives aux installations nucléaires concernant la défense, respectivement pour renforcer l’efficacité du contrôle en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection et instituer un dispositif de contrôle et de sanction gradués des dispositions du chapitre III du titre III du livre III de la première partie du code de la défense et des textes pris pour son application, pouvant comprendre des astreintes et des sanctions pécuniaires. Les articles 45 à 50 de l’ordonnance du 10 février 2016 modifient en conséquence le titre III du livre III de la première partie du code de la défense.
Les articles 45, 46 et 47 de l’ordonnance prévoient des mesures de protection contre les actes de malveillance des sources de rayonnements ionisants mises en œuvre par les activités nucléaires réalisées dans les établissements, installations ou ouvrages d’importance vitale, définis par l’article L. 1332-1 du code de la défense (c’est-à-dire les établissements, installations ou ouvrages « dont l’indisponibilité risquerait de diminuer d’une façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la nation »), placées sous le contrôle d’inspecteurs de la sécurité nucléaire, d’officiers de police judiciaire, d’agents des douanes etc.
L’article 38 de l’ordonnance a modifié les articles L. 1333-7, L. 1333-9 et L. 1333-11 du code de la santé publique pour mettre en place de telles mesures pour les installations utilisant des sources faiblement radioactives qui ne sont pas classées comme ICPE, INB ou INID. Ces mesures s’inscrivent dans un cadre international défini par la convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire précitée et par le code de conduite relatif à la sûreté et à la sécurité des sources de rayonnement ionisant établi par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) en 2003.
Les mesures relevant du code de la santé publique n’entrent en vigueur qu’à compter du 1er juillet 2017 (ce que prévoit l’article 43 de l’ordonnance) alors que les mesures qui relèvent du code de la défense sont déjà en vigueur.
Jusqu’à la publication de l’ordonnance du 10 février 2016, les dispositions de contrôle et de sanctions reposaient sur un régime d’autorisation. Dans ce cadre, le ministre chargé de l’énergie définissait les spécifications nécessaires pour assurer la protection des matières nucléaires, ce qui permettait d’adapter les obligations des opérateurs à la politique de l’État, notamment en matière de lutte antiterroriste.
Les articles 45, 46 et 47 de l’ordonnance modifient les articles L. 1333-2, L. 1333-3 et L. 1333-4 du code de la défense pour instituer, à côté de ce régime d’autorisation, un régime de déclaration. Cette évolution vers un régime plus souple fait écho aux modifications effectuées dans le code de l’environnement par l’article 38 de l’ordonnance, de manière à mettre en place l’approche graduée du contrôle réglementaire prévue par l’article 24 de la directive « normes de base » du 5 décembre 2013 (108).
Les activités soumises à autorisation comme celles soumises à déclaration continueront à faire l’objet de spécifications relatives notamment à la durée des autorisations et des déclarations, aux quantités et à la forme des matières nucléaires ou encore aux mesures à prendre pour en connaître la localisation et en assurer la protection. Les modifications apportées par l’article 46 de l’ordonnance à l’article L. 1333-3 du code de la défense permettent d’éviter qu’il soit nécessaire de demander une nouvelle autorisation ou de déposer une nouvelle déclaration pour que ces spécifications puissent être modifiées.
L’article 48 insère un article L. 1333-4-1 pour définir plus précisément que ne le fait aujourd’hui dans le code de la défense les conditions d’exercice de la police administrative, ce qui permet de renforcer la sécurité juridique des contrôles.
La section 1 du chapitre Ier du titre VII du livre Ier du code de l’environnement définit les conditions de réalisation des contrôles administratifs et notamment les lieux auxquels les agents chargés du contrôle ont accès, les périodes pendant lesquelles ils y ont accès, les conditions dans lesquelles les visites sont réalisées, les conditions dans lesquelles ils peuvent se faire communiquer et prendre copie des documents ou encore les conditions dans lesquelles ils peuvent se faire assister d’un expert. Votre mission juge que ces conditions sont ici définies avec une précision suffisante, notamment les voies de recours, ce qui correspond à une exigence de la CEDH (109) devant être précisées par un décret en Conseil d’État (article 48), la compétence étant attribuée au juge administratif.
La section 2 de ce chapitre définit les mesures et les sanctions administratives qui peuvent être prises à l’encontre des contrevenants : mise en demeure, mesures conservatoires, astreintes, exécution d’office de travaux, amendes administratives… Ces dispositions sont adaptées aux spécificités du domaine nucléaire : le montant maximal des amendes, qui était fixé à 15 000 euros par l’article L. 171-8 du code de l’environnement, est porté à 10 millions d’euros par l’article L. 1333-4-1 du code de la défense et le montant maximal des astreintes, qui était fixé 1 500 euros par jour est porté à 15 000 euros par jour.
Comme l’article 34 pour le nucléaire civil, les articles 47 et 48 de l’ordonnance instituent un dispositif de sanctions plus gradué, qui remplace le dispositif, prévu par l’ancienne rédaction de l’article L 1333-4 du code de la défense, qui prévoyait uniquement la suspension ou le retrait de l’autorisation pour les exploitants qui ne respectaient pas les prescriptions d’un arrêté les mettant en demeure de prendre des mesures en cas de manquement aux spécifications de l’autorisation : dans la grande majorité des cas, l’opérateur est en effet apte à prendre les mesures appropriées pour faire cesser les infractions constatées.
L’article 49 de l’ordonnance modifie l’article L 1333-8 du code de la défense pour ajouter à la liste des agents chargés de contrôler les infractions pénales les inspecteurs de la sécurité des matières nucléaires, qui sont chargés du contrôle administratif, en application de l’article L. 1333-5. Par ailleurs, il définit les conditions d’exercice de leurs missions par renvoi aux dispositions du code de l’environnement (conditions de réalisation des visites, de recueil des déclarations, d’établissement des procès-verbaux, de copie de documents, de prélèvement d’échantillons, de saisie, de destruction des instruments et engins interdits ou prohibés…).
L’article L 1333-10 du code de l’environnement disposait que « la violation intentionnelle, par des personnes physiques ou morales intervenant à quelque titre que ce soit dans les établissements où sont détenues des matières nucléaires mentionnées à l’article L. 1333-1, des lois et règlements et des instructions de l’exploitant ou de ses délégués, lorsqu’elle est susceptible de mettre en cause la sûreté nucléaire des installations, la protection des matières nucléaires ou la sécurité des personnes et des biens » peut entraîner immédiatement la suspension ou la rupture des liens contractuels ou statutaires au titre desquels les personnes physiques intervenaient et la suspension ou la rupture des conventions au titre desquelles les personnes morales intervenaient.
L’article 50 modifie cet article, pour supprimer la notion d’intervention dans les établissements où sont détenues des matières nucléaires, car l’évolution des technologies et des pratiques fait que de plus en plus d’activités importantes pour la protection de ces matières peuvent être réalisées à l’extérieur des établissements (conception, programmation…). Cette protection ne peut donc être assurée que si certaines obligations (confidentialité…) sont respectées aussi à l’extérieur des établissements. Cet article instaure également un régime de sanctions plus gradué.
L’article L 1333-9 prévoyait qu’est puni de dix ans d’emprisonnement et de 7 500 000 euros d’amende le fait « d’abandonner ou de disperser des matières nucléaires mentionnées à l’article L. 1333-1. L’article 50 définit cette notion comme « le fait d’abandonner ou de confier » ces matières « à une personne morale ou physique qui n’est pas autorisée ou déclarée pour détenir ces matières, ou sans informer la personne morale ou physique de la nature de ces matières ». Manque toutefois, pour que la qualification pénale de ce délit soit complète, une précision sur le fait que cet abandon ou cette transmission doit être volontaire, de manière à éviter toute tentative contentieuse de contestation de ce dispositif.
L’article L 1333-12 prévoyait que le fait d’entraver l’exercice des contrôles administratifs ou de fournir aux agents chargés de ce contrôle des renseignements inexacts était puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. L’article 50 réduit ces peines, qui passent à un an d’emprisonnement et à 15 000 euros d’amende. Par contre, il augmente le montant de l’amende prévue pour non-respect des prescriptions d’un arrêté de mise en demeure, qui passe de 30 000 euros à 100 000 euros. Ces évolutions permettent de mettre en place une gradation analogue à celle prévue par les dispositions similaires du code de l’environnement (cf. articles L. 173-1 (110) et L. 173-4 du code de l’environnement (111).
Enfin, du fait de la création d’un régime de déclaration par les articles 45, 46 et 47 de l’ordonnance, l’article 50 insère dans l’article L. 1333-12 un alinéa qui prévoit que le fait de ne pas se conformer à une mesure de refus, de suspension ou d’opposition à déclaration prononcée par l’autorité administrative est puni de trois ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.
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IV) Le 6° du I permet au Gouvernement de prendre par ordonnance les mesures permettant transposer la directive 2013/59/Euratom du Conseil du 5 décembre 2013 qui fixe les normes de base relatives à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l’exposition aux rayonnements ionisants (112).
Cinq directives, prises sur la base du traité EURATOM et adoptées entre 1989 et 2003, définissaient les normes européennes en matière de radioprotection. Elles ont fait l’objet d’un regroupement dans la directive du 5 décembre 2013. L’article 38 de l’ordonnance du 10 février 2016 modifie plusieurs articles du chapitre III du titre III du livre III de la première partie de ce code.
L’article L. 1333-1 (définition des activités nucléaires qui sont contrôlées), inclut plus largement qu’auparavant les activités mettant en œuvre des sources de rayonnements ionisants d’origine naturelle.
La nouvelle rédaction de l’article L. 1333-2 fixe les principes de la radioprotection. Les modifications apportées ont davantage un impact sur la présentation de ces principes :
– Le principe de justification, selon lequel une activité nucléaire ne peut être entreprise ou exercée que si elle est justifiée par les avantages qu’elle procure sur le plan individuel ou collectif, notamment en matière sanitaire, sociale, économique ou scientifique, rapportés aux risques inhérents à l’exposition aux rayonnements ionisants auxquels elle est susceptible de soumettre les personnes ;
– Le principe d’optimisation, selon lequel le niveau de l’exposition des personnes aux rayonnements ionisants résultant d’une de ces activités, la probabilité de la survenue de cette exposition et le nombre de personnes exposées doivent être maintenus au niveau le plus faible qu’il est raisonnablement possible d’atteindre, compte tenu de l’état des connaissances techniques, des facteurs économiques et sociétaux et, le cas échéant, de l’objectif médical recherché ;
– Le principe de limitation, selon lequel l’exposition d’une personne aux rayonnements ionisants résultant d’une de ces activités ne peut porter la somme des doses reçues au-delà des limites fixées par voie réglementaire.
La nouvelle rédaction de l’article L 1333-3 donne une définition du principe de justification (113) pour les décisions destinées à prévenir ou réduire un risque radiologique consécutif à un accident, à protéger les personnes d’une contamination radioactive de l’environnement, de produits ou de marchandises ou à prévenir ou réduire un risque lié à une exposition à une source naturelle de rayonnements ionisants. Par ailleurs, elle introduit un nouvel outil : le niveau de référence (114), qui permet d’appliquer le principe d’optimisation, à ces décisions. Enfin, elle définit la notion de la situation d’urgence radiologique.
L’article 24 de directive prévoit qu’une approche graduée du contrôle réglementaire doit être mise en place. En conséquence, la nouvelle rédaction des articles L. 1333-8 et L. 1333-9 modifie les régimes de déclaration et d’autorisation qui encadrent les activités nucléaires pour y ajouter un régime intermédiaire, « d’enregistrement ». Ce régime concerne des activités qui présentent des risques ou des inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l’article L. 1333-7 qui peuvent, en principe, être prévenus par le respect de prescriptions générales.
La réduction de l’exposition de la population au radon est l’un des objectifs de la directive :
– L’article L. 1333-22 dispose que les propriétaires ou exploitants de certaines catégories d’immeubles bâtis situés dans les zones à potentiel radon où l’exposition au radon est susceptible de porter atteinte à la santé mettent en œuvre une surveillance de cette exposition et, qu’au-dessus de certains niveaux d’activité volumique en radon, ils sont tenus de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour réduire l’exposition et préserver la santé des personnes ;
– L’article L. 1333-23 définit les tâches pour lesquelles les organismes intervenant dans la surveillance du radon sont habilités et précise que les conditions d’habilitation de ces organismes sont définies par voie réglementaire ;
– L’article L. 1333-24 définit la liste des agents qui sont habilités à contrôler l’application de l’article L. 1333-22.
La nouvelle rédaction de l’article L. 1333-25 oblige les fournisseurs, lors de la mise à disposition sur le marché de dispositifs contenant des sources radioactives ou de générateurs de rayonnements ionisants, à informer les acquéreurs sur les risques des rayonnements ionisants. Cette exigence est posée par l’article 78 de la directive.
La nouvelle rédaction des articles L. 1333-29, L. 1333-30 et L. 1333-31, qui modifie le système de contrôle et sanctions administratifs car la directive « normes de base » impose de disposer d’un système de contrôle et de police complet. Ces articles renvoient aux modalités et outils de contrôle « transverses » prévus par le code de l’environnement.
L’article 40 de l’ordonnance du 10 février 2016 modifie l’article L. 125-5 du code de l’environnement pour prévoir que les acquéreurs ou les locataires de biens immobiliers situés dans des zones à potentiel radon doivent être informés par le vendeur ou le bailleur de l’existence des risques. Alors que la version antérieure ne couvrait que les immeubles situés dans une zone couverte par un plan de prévention des risques, le nouveau dispositif est étendu aux « zones de sismicité ou dans des zones à potentiel radon définies par voie réglementaire », cette obligation pèse sur le bailleur ou le vendeur, et il est probable que son défaut entraînerait la nullité du bail ou celle de la vente.
Par ailleurs, il modifie l’article L. 221-1 qui concerne la surveillance de la qualité de l’air en supprimant la notion de valeurs-guides dans cet article qui disposait que « des normes de qualité de l’air ainsi que des valeurs-guides pour l’air intérieur définies par décret en Conseil d’État sont fixées […] en conformité avec celles définies par l’Union européenne et, le cas échéant, par l’Organisation mondiale de la santé ». Ces dispositions paraissent en effet obsolètes, compte tenu du Titre III de la présente loi.
En application de l’article 43 de l’ordonnance du 10 février 2016, ces dispositions entreront elles aussi en vigueur « à une date fixée par décret en Conseil d’État et au plus tard le 1er juillet 2017 ».
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V) Le 3° et le 6° du I de cet article permettent au Gouvernement de prendre par ordonnance les mesures permettant de transcrire en droit français les exigences posées par une série de directives et notamment :
– de compléter la transposition de la directive du 4 juillet 2012 concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses (115), dite « directive Seveso III » (3° du I de l’article 128) ;
– de transposer la directive du 8 juillet 2014 relative au cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires (116) qui modifie la directive du 25 juin 2009 établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires, dite « directive sûreté » (6° du I de l’article 128). Cette directive est entrée en vigueur le 22 juillet 2009. Elle a établi un cadre européen qui doit permettre d’assurer la sûreté nucléaire. Suite à l’accident de Fukushima, la Commission européenne a réalisé une campagne d’évaluation des risques et de la sûreté des centrales dans l’Union européenne puis a proposé d’améliorer la réglementation en vigueur, ce qui a conduit à l’adoption de la directive du 8 juillet 2014, entrée en vigueur le 14 août 2014.
La directive « Seveso III » vise notamment à renforcer les droits des citoyens, améliorer leur information, leur possibilité d’obtenir réparation et à imposer des exigences aux sociétés qui manipulent des substances dangereuses. Sa transposition a déjà fait l’objet d’une série de textes. Ainsi, le décret du 3 mars 2014 (117) a modifié la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) fixée par l’annexe à l’article R. 511-9 du code de l’environnement. Toutefois, il était également nécessaire de prendre des mesures législatives pour compléter cette transposition. Cela a par exemple été l’objet des articles 9 et 24 de la loi du 2 décembre 2015 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la prévention des risques (118).
La transposition des directives « Seveso III » et « Sûreté » résulte des articles 20, 26 et 28 de l’ordonnance du 10 février 2016. Ces dispositions n’ont pas fait l’objet de mesures d’entrée en vigueur différée.
Le projet de loi de ratification a été déposé le 27 avril 2016, sur le bureau du Sénat (119).
L’article 20 insère des articles L. 591-6 à L. 591-8 dans le code de l’environnement pour inscrire dans la loi une série de principes posés par l’article 8 sexies de la directive « sûreté » :
– La France organise :
– au moins une fois tous les dix ans une évaluation du cadre réglementaire et législatif en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection et soumet les éléments pertinents de cette évaluation à un examen international. Les résultats des évaluations par des pairs sont communiqués aux États membres de l’Union européenne et à la Commission européenne (cette disposition était déjà prévue par le règlement intérieur de l’ASN) ;
– au moins une fois tous les six ans une évaluation portant sur un thème spécifique lié à la sûreté nucléaire ou à la radioprotection au sein des INB et soumet cette évaluation à un examen international.
En cas d’accident aboutissant à des situations nécessitant des mesures d’intervention d’urgence hors site ou des mesures de protection de la population, la France organise un examen international par les pairs.
L’article 26 réécrit l’article L. 593-6 du code de l’environnement qui disposait seulement que « l’exploitant d’une installation nucléaire de base est responsable de la sûreté de son installation ». La nouvelle rédaction reprend en grande partie des exigences qui étaient inscrites dans un décret du 2 novembre 2007 (120) et un arrêté du 7 février 2012 (121) :
– obligation pour l’exploitant de mettre en œuvre une politique en matière de protection de la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l’environnement « affirmant explicitement […] la priorité accordée à la protection des intérêts susmentionnés, en premier lieu par la prévention des accidents et la limitation de leurs conséquences au titre de la sûreté nucléaire » ;
– obligation de réaliser un rapport de sûreté ;
– obligation de mettre en place un système de management intégré ;
– obligation de mettre en place un plan d’urgence interne.
Ces modifications nécessaires sont liées à la nécessité de transposer la directive « Seveso III », et on peut se demander si elles relèvent du domaine de la loi, et si les modifications des décrets s’imposaient.
Par ailleurs, la nouvelle rédaction de l’article L. 593-6 du code de l’environnement, liée à la transposition de la directive « sûreté » prévoit que l’exploitant d’une INB doit disposer des ressources techniques, financières et humaines adéquates pour pouvoir garantir la priorité à la protection de la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l’environnement, ce qui ne figurait pas explicitement dans la loi.
Enfin la nouvelle rédaction de l’article L. 593-6 traite le cas où l’exploitant d’une INB ne serait pas le propriétaire de l’installation. Jusqu’ici, le code de l’environnement ne traitait que du cas où l’exploitant d’une INB n’était pas propriétaire du terrain servant d’assiette à l’installation.
Le I et le II de l’article 28 modifient la dénomination des réexamens de sûreté définis par les articles L. 593-18 et L. 593-19 du code de l’environnement pour prendre en compte le fait que ces réexamens ne concernent pas seulement la sûreté nucléaire mais, comme le prévoyait déjà l’ancienne rédaction de l’article L. 593-18, « les intérêts mentionnés à l’article L. 593-1 », c’est-à-dire la sécurité, la santé et la salubrité publiques ainsi que la protection de la nature et de l’environnement.
Le troisième alinéa de l’article L. 593-18 disposait que les réexamens de sûreté d’une INB ont lieu ont lieu tous les dix ans mais que le décret d’autorisation de l’INB peut fixer une périodicité différente si les particularités de l’installation le justifient. La directive du 8 juillet 2014 prévoyant que les installations qu’elles concernent doivent faire l’objet d’un réexamen de sûreté tous les dix ans (122), le II de l’article 128 modifie l’article L. 593-19 pour prévoir qu’il ne peut être dérogé au délai minimal de dix ans pour les installations qui relèvent de la directive du 25 juin 2009 établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires. Par contre, la possibilité de déroger par décret au principe de périodicité décennale reste ouverte pour les INB non soumises à cette directive, qui représentent des enjeux moindres en termes de sûreté.
Enfin, III de l’article 28 prévoit que l’exploitant doit procéder régulièrement au recensement des substances et mélanges dangereux susceptibles d’être présents dans l’installation dans des quantités telles qu’ils peuvent être à l’origine d’accidents majeurs au sens de la directive « Seveso III ». Un tel recensement est nécessaire pour déterminer quelles INB sont soumises à cette directive et donc pour tenir à jour la liste des établissements classés Seveso.
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VI) Le 3° du I permet au Gouvernement de prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour compléter la transposition de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, relative aux émissions industrielles (123), dite « directive IED ».
Directive « IED »
La directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, relative aux émissions industrielles refond sept actes législatifs antérieur