N° 4234 - Rapport d'information de M. Stéphane Travert déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des affaires culturelles et de l'éducation, en conclusion des travaux d'une mission d'information en conclusion des travaux de la mission relative au marché de l'art



ogo2003modif

N° 4234

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 novembre 2016.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

en conclusion des travaux de la mission d’information relative
au
marché de l’art,

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Stéphane Travert, Rapporteur

——

COMPOSITION DE LA MISSION D’INFORMATION

(14 membres)

——

Membres

Groupe politique

M. Michel Herbillon, président

Les Républicains

M. Stéphane Travert, rapporteur

Socialiste, écologiste et républicain

M. Jean-Pierre Allossery

Socialiste, écologiste et républicain

Mme Isabelle Attard

Non inscrit

Mme Marie-Odile Bouillé

Socialiste, écologiste et républicain

Mme Brigitte Bourguignon

Socialiste, écologiste et républicain

M. Hervé Féron

Socialiste, écologiste et républicain

M. Michel Françaix

Socialiste, écologiste et républicain

Mme Gilda Hobert

Radical, républicain, démocrate et progressiste

M. Christian Kert

Les Républicains

M. François de Mazières

Les Républicains

M. Michel Piron

Union des démocrates et indépendants

M. Marcel Rogemont

Socialiste, écologiste et républicain

Gauche démocrate et républicaine

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

I. LE MARCHÉ DE L’ART FRANÇAIS : RÉSISTER À LA TENTATION DÉCLINISTE 13

A. LA FRANCE, UN ACTEUR DÉSORMAIS MINORITAIRE DU MARCHÉ DE L’ART MONDIAL 13

1. Le marché de l’art mondial tenu par un nombre limité d’acteurs 13

a. Le marché de l’art mondial dominé par les États-Unis, le Royaume-Uni et la Chine 13

b. La polarisation croissante du marché de l’art 15

c. Un marché largement internationalisé 16

2. La place parisienne, un acteur de second rang face à New York et Londres 16

a. Paris, le quatrième acteur mondial du marché de l’art 16

b. La difficile internationalisation des acteurs français 19

c. Des artistes peu représentés dans les ventes publiques internationales 21

B. LE LONG DÉCLIN DE LA PLACE PARISIENNE EN VOIE D’ACHÈVEMENT ? 23

1. Les facteurs explicatifs de la relégation de Paris au quatrième rang mondial 23

a. Le déplacement du marché de l’art de Paris à New York 23

b. Les politiques culturelles offensives des pays étrangers 24

c. Une tradition artistique plus ancrée dans les pays prescripteurs 26

2. Des atouts à exploiter pour (re)faire de la France une place incontournable 27

a. L’attractivité intrinsèque de Paris et des régions françaises 27

b. Un réseau dense d’acteurs spécialisés 28

c. Une nouvelle génération d’artistes réconciliés avec le marché international 29

d. Des perspectives prometteuses dans de nombreux domaines artistiques 30

II. UNE FISCALITÉ ET UNE RÉGLEMENTATION CONSIDÉRÉES – PARFOIS INDÛMENT – COMME HANDICAPANTES POUR LE MARCHÉ FRANÇAIS 34

A. UNE FISCALITÉ PERÇUE COMME LE PRINCIPAL FREIN À L’ESSOR DU MARCHÉ DE L’ART FRANÇAIS 38

1. Des incertitudes regrettables quant à l’intégration des œuvres et objets d’art dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune 38

2. Le caractère inadapté du système de la TVA à l’importation pour le marché des œuvres et objets d’art 40

3. Des freins parfois plus administratifs que réglementaires 43

a. Un régime de contrôle des exportations d’œuvres d’art qui mérite quelques ajustements ponctuels 44

b. Des déclarations à effectuer au titre de la Convention de Washington (CITES) qui semblent inutilement répétitives 46

c. Un registre de police informatisé qui n’intègre pas obligatoirement la photographie des œuvres et objets d’art 48

B. PROPOSITIONS POUR DESSINER UNE FISCALITÉ À LA FOIS JUSTE ET MIEUX ADAPTÉE AUX SPÉCIFICITÉS DU MARCHÉ DE L’ART 50

1. Exonérer temporairement le produit de la vente d’œuvres d’art de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), sous condition de remploi 51

2. Différencier le taux de la taxe forfaitaire selon que l’œuvre ou l’objet d’art est vendu ou exporté au sein ou en dehors de l’Union européenne 54

3. Revenir sur la doctrine de l’administration fiscale en matière de mécénat des artistes vivants 56

4. Augmenter le plafond de la déduction fiscale ouverte aux entreprises au titre de l’acquisition d’œuvres originales d’artistes vivants 58

5. Ouvrir le dispositif fiscal du mécénat des artistes vivants aux professionnels indépendants et aux particuliers 60

6. Étendre le champ des dispositifs fiscaux favorisant l’acquisition de trésors nationaux 63

7. Introduire les œuvres et objets d’art dans le dispositif des fonds communs de placement dans l’innovation 67

III. UN MARCHÉ QUI N’A PAS ENCORE SURMONTÉ LES PESANTEURS DU PASSÉ 68

A. UN MARCHÉ BRIDÉ PAR LE POIDS DE SES ARCHAÏSMES 68

1. Un marché dont la structuration et l’état d’esprit ont été façonnés par le statut et le monopole des commissaires priseurs judiciaires 69

a. Un statut et un monopole qui ont incité à une logique de repli plutôt que d’expansion 69

b. Un statut et un monopole qui ont favorisé l’atomisation de la profession 70

c. Un statut et un monopole qui ont provoqué une démarche de contournement du marché français 72

2. La modernisation impulsée par les lois de 2000, 2011 et 2015 73

a. La perte du monopole sur les ventes publiques volontaires (loi de 2000) 73

b. L’ouverture des ventes de gré à gré aux commissaires-priseurs (loi de 2011) 74

c. L’incitation au regroupement des commissaires-priseurs (loi de 2015) 75

B. PROPOSITIONS POUR FAVORISER L’ADAPTATION DU MARCHÉ DE L’ART FRANÇAIS AUX DÉFIS DE LA MONDIALISATION 79

1. Poursuivre la modernisation de la profession de commissaire-priseur 79

a. Mieux adapter la formation des commissaires-priseurs aux enjeux commerciaux 79

b. Encourager l’exploitation, par les commissaires-priseurs, de toutes les potentialités des nouvelles technologies 81

c. Inciter encore davantage les commissaires-priseurs à se regrouper 83

2. Réformer le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (CVV) 86

3. Mieux protéger le titre d’expert 91

IV. CONSOLIDER LA SCÈNE NATIONALE POUR CONQUÉRIR LE MARCHÉ MONDIAL 96

A. ASSURER UNE MEILLEURE VISIBILITÉ AUX ARTISTES FRANÇAIS 96

1. Accroître la promotion des artistes français sur la scène nationale 96

a. Un préalable indispensable : montrer les artistes français en France 96

b. Prolonger le soutien public aux artistes contemporains 99

2. Faciliter l’insertion des artistes français dans le jeu international 100

a. Favoriser l’internationalisation des artistes français 100

b. Amplifier les effets de la politique extérieure de la France 102

B. ACCOMPAGNER LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DES GALERIES DES PREMIER ET SECOND MARCHÉS 105

1. Une situation économique difficile qui contribue à la faible internationalisation des galeries françaises 105

a. Une participation coûteuse aux foires internationales 105

b. Une concurrence de plus en plus prégnante 108

2. La nécessité d’une aide publique à la constitution de stocks par les galeries 109

a. Des coûts de fonctionnement de plus en plus importants 109

b. Soutenir le tissu économique constitué par les galeries 109

C. CRÉER UN CONTEXTE PLUS FAVORABLE À LA COLLECTION D’œUVRES D’ART 112

1. Assurer une meilleure reconnaissance aux collectionneurs 112

a. La nécessité d’une meilleure reconnaissance institutionnelle des collectionneurs français 112

b. Mieux synchroniser les événements artistiques pour attirer les collectionneurs étrangers 113

2. Utiliser Internet comme médium privilégié pour encourager la constitution de collections chez les jeunes actifs 115

3. Permettre l’émergence d’une nouvelle génération de collectionneurs par l’éducation artistique 116

LISTE DES PROPOSITIONS 119

TRAVAUX DE LA COMMISSION 122

ANNEXE N° 1 : FISCALITÉ COMPARÉE DU MARCHÉ DE L’ART 140

ANNEXE N° 2 : LA RÉGLEMENTATION DU MARCHÉ DE L’ART EN FRANCE ET AU ROYAUME-UNI : UNE COMPARAISON 145

ANNEXE N° 3 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA MISSION 151

INTRODUCTION

Le marché de l’art n’est pas figé, il est en mouvement perpétuel, se réinvente et vient inspirer de nouveaux modèles économiques.

Préserver la vitalité artistique sous toutes ses formes et sauvegarder notre patrimoine culturel, c’est à la fois un devoir et une force que nous ne pouvons plus laisser s’affaiblir tant elle porte en elle les germes de la réussite.

Les artistes, les collectionneurs, les galeristes contribuent à l’enrichissement du patrimoine national et méritent toute notre gratitude.

C’est une image positive associée à la France, une image dynamique qu’il nous faut aujourd’hui porter car notre pays doit témoigner d’un art vivant, un art en mouvement dans toutes ses expressions et toutes ses émotions inspirant un dialogue fécond entre les cultures.

Le marché de l’art porte en lui des passions qui rassemblent. C’est le pari de l’audace, c’est la foi des galeristes dans le talent des créateurs qui font vivre le marché et créent la rencontre indispensable à l’épanouissement des talents et à la vitalité culturelle de notre pays.

La mission parlementaire entend, à travers ce rapport, souligner le talent de nos créateurs, la volonté et la passion des collectionneurs, le savoir-faire des galeristes à promouvoir et à sublimer les artistes qui sont autant d’atouts indispensables pour que la France retrouve son dynamisme et le feu ardent de la création.

La culture rassemble, fédère, élève et forge une identité ouverte. Cette culture du partage et du dialogue est l’image de la France. C’est à travers ces valeurs qu’il nous faut dès à présent œuvrer à créer les conditions nécessaires au renforcement du marché de l’art dans notre pays et de sa place dans le monde.

*

La culture est en effet trop peu souvent appréhendée du point de vue économique, alors même que ses industries ont désormais acquis un poids social et financier sans précédent. Un rapport de 2013, émanant de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires culturelles, a ainsi montré l’importante contribution de la culture à l’économie de notre pays, qui représente environ 3,2 % du produit intérieur brut (PIB) – soit l’équivalent du PIB généré par l’agriculture et l’industrie alimentaire – et génère 670 000 emplois (1). Le deuxième panorama de l’économie de la culture et de la création en France (2), paru en 2015, montre ainsi que les arts visuels sont le premier secteur de l’économie culturelle en France, générant 21,4 milliards d’euros de revenus et 313 000 emplois.

Ce constat est d’autant plus vrai dans le domaine des arts visuels, tant les termes « art » et « marché » peuvent apparaître antinomiques. Si l’art relève de la poétique, comme l’a indiqué M. Rémi Aron, président de La Maison des artistes, les biens culturels concernés, qu’il s’agisse d’œuvres d’art à proprement parler, d’antiquités ou encore d’objets de collection, s’échangent pourtant sur un marché. L’organisme de recherche Arts Economics estime ainsi, dans son dernier rapport annuel rendu à l’occasion de la foire internationale TEFAF (The European Fine Art Fair), que le marché de l’art mondial a atteint, en 2015, 63,8 milliards de dollars en volume de ventes (3).

Si les lois de l’offre et de la demande trouvent à s’appliquer au marché de l’art, celui-ci revêt cependant certaines spécificités tenant à la nature même des biens échangés. En effet, comme l’a indiqué la sociologue Raymonde Moulin, « l’œuvre d’art est un bien rare, durable, qui offre à son détenteur des services esthétiques (plaisir esthétique), sociaux (distinction, prestige) et financiers. Elle ne procure pas de revenus, mais, du fait qu’elle est un bien meuble, susceptible d’être revendu avec une éventuelle plus-value, elle constitue un objet potentiel de placement alternatif à d’autres actifs ».

La rareté des œuvres d’art tient, en premier lieu, à leur nature : par essence unique – même si des séries d’œuvres presque identiques peuvent exister –, l’œuvre d’art est « singulière et irremplaçable ; elle est indivisible et non substituable » (4). En second lieu, l’art ancien est soumis à un processus de raréfaction naturelle lié à la destruction des œuvres ou à leur acquisition quasi-définitive par des institutions publiques ; en l’absence de production nouvelle, le marché de l’art ancien est donc gouverné par l’offre. Mais cela est également vrai du marché de l’art contemporain, en raison de « processus créatifs qui restent essentiellement artisanaux » (5).

Le marché de l’art, ce « petit théâtre [où] chacun a son rôle à jouer » (6), fait intervenir un nombre d’acteurs variés, qui occupent tour à tour les figures économiques de l’acheteur et du vendeur. Sur le premier marché, celui des œuvres n’ayant pas fait l’objet d’une première transaction, les œuvres d’art transitent a priori des artistes ou de leurs ayants droit vers les galeries d’art, chargées d’en assurer la promotion et la commercialisation ; toutefois, il n’est pas rare, aujourd’hui, de voir cette fonction remplie par d’autres acteurs, telles les maisons de ventes, qui interviennent habituellement sur le second marché, aux côtés des marchands d’art, pour vendre des œuvres « d’occasion ». Là encore, les acheteurs sont principalement représentés par les particuliers collectionneurs ou les institutions culturelles, mais les marchands d’art y trouvent également une partie des œuvres formant leur stock.

Sur le marché de l’art, la formation économique de la valeur ajoutée confère également à ce dernier une certaine particularité. Véritable « marché de la connaissance », la valeur ajoutée des biens échangés provient essentiellement « de la circulation des biens des généralistes de la récupération (brocanteurs) aux spécialistes de l’identification, de la description et du marketing de biens culturels (antiquaires de renom, galeries réputées, experts, sociétés de vente aux enchères). Cette valeur ajoutée se caractérise schématiquement par un affinement de la connaissance au fil des transactions » (7).

Ainsi, certains professionnels, dits prescripteurs, tiennent une place centrale dans le fonctionnement du marché de l’art : « Acteurs culturels par excellence, les conservateurs, de concert avec les critiques et les marchands, découvrent des talents, infirment ou confirment des réputations et, sans délai, élaborent un palmarès des valeurs esthétiques. Définissant ainsi l’offre artistique, ils interviennent en tant que prescripteurs du marché de l’art : ils forment et informent la demande – demande dont ils constituent eux-mêmes un segment déterminant. » (8)

*

L’État joue également un rôle important dans le domaine des arts visuels, même si le Ministère de la culture et de la communication n’y conduit plus une politique aussi ambitieuse que celle lancée au début des années 1980 – et qui a, du reste, fait l’objet de critiques nourries, y compris des artistes eux-mêmes, y voyant l’émergence d’un art officiel. Aujourd’hui, la politique culturelle en matière d’arts visuels relève principalement d’une logique patrimoniale, en ce qu’elle repose essentiellement sur l’acquisition et la diffusion d’œuvres par le biais de structures comme le Centre Pompidou, le Palais de Tokyo, les 48 centres d’art contemporain et les 22 fonds régionaux d’art contemporain (FRAC).

Bien qu’une telle politique ne soit pas sans influence sur le marché, notamment parce qu’elle participe à la légitimation, au plan esthétique, des artistes, peu de crédits sont directement affectés au soutien des acteurs du marché que sont les artistes et les galeries d’art. En effet, le budget présenté pour l’année 2017 affecte seulement 11,4 % des crédits du programme n° 131 relatif à la création à l’action n° 2 dédiée au soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts plastiques, le reste des crédits de ce programme bénéficiant aux arts vivants.

Au sein de ces crédits, qui atteignent 90 millions d’euros en 2017, peu assurent un soutien direct aux artistes et aux galeries. Ainsi, le CNAP dispose de faibles moyens pour soutenir directement l’activité des artistes et des galeries – il leur a alloué 488 000 euros en 2015 –, tandis que l’État ne consacre en 2017, par l’intermédiaire des directions régionales des affaires culturelles, que 600 000 euros aux aides individuelles à la création et 200 000 euros aux aides à l’installation d’atelier.

Plus encore, la réorganisation des services du ministère de la Culture et de la Communication intervenue en 2009 semble faire une place moins importante aux arts visuels que la Délégation aux arts plastiques créée en 1982, qui était alors sur un pied d’égalité avec la Direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles. Si le service des arts plastiques est dirigé, au sein de la direction générale de la création artistique, par un adjoint du directeur général, une telle organisation apparaît moins lisible, notamment pour les acteurs du marché de l’art.

Ceux-ci peinent d’ailleurs à trouver un interlocuteur unique au sein du ministère, les questions ayant trait au marché de l’art relevant de plusieurs services et directions distincts : la direction générale des patrimoines pour ce qui concerne les questions relatives à la circulation des œuvres et au droit de préemption de l’État ; le secrétariat général du ministère, qui assure la tutelle des grands établissements comme le Centre Pompidou ; la direction générale de la création artistique pour ce qui est du soutien à la création ; la direction générale des médias et des industries culturelles ; l’observatoire du marché de l’art, une structure souple de dialogue entre les services de l’État et les professionnels du marché de l’art.

Si cette organisation administrative n’est pas inadaptée, en tant que telle, elle rend cependant nécessaire, du point de vue du rapporteur, l’identification d’un interlocuteur privilégié au sein du ministère. La nomination à une telle fonction d’une personnalité issue des professionnels du marché de l’art permettrait de mieux défendre le marché de l’art dans les politiques culturelles et, au-delà, dans toutes les politiques publiques.

*

Il apparaît également nécessaire, en préambule, d’apporter quelques précisions méthodologiques quant aux données reprises dans le cadre du présent rapport. En effet, les différentes sources exploitées ci-après, qu’il s’agisse du rapport annuel d’Arts Economics, de celui de la société Artprice ou bien encore des données recueillies par le Conseil des ventes volontaires (CVV), ne couvrent pas exactement le même champ d’analyse. Alors qu’Artprice et le CVV recourent aux données relativement fiables établies dans le cadre des ventes publiques aux enchères, dont les prix sont connus, Arts Economics se livre à une évaluation du marché de gré à gré, dont les ventes sont évaluées à partir d’un échantillonnage de galeries et de marchands d’art.

Or, même au niveau national, de telles données apparaissent extrêmement difficiles à obtenir. En effet, les entreprises du marché de l’art que sont les galeries, les antiquaires, les maisons de ventes, ne sont pas identifiées en tant que telles au sein de la nomenclature d’activités françaises (NAF) utilisée par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Il est dès lors impossible de disposer de données parfaitement fiables sur l’activité de ces entreprises, qui participent pourtant de façon essentielle au marché de l’art. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la mission sur l’apport de la culture à l’économie en France (9) préconise que soient précisément identifiés, dans la nomenclature précitée, les « commerces d’art sur le premier marché » comme les « commerces de revente d’œuvres et d’objets d’art et de collection », proposition que le rapporteur ne peut que reprendre à son compte.

Le champ de ce qui est considéré comme relevant du marché de l’art diffère également : tandis que le CVV s’intéresse, de façon logique, à tout ce qui « passe sous le marteau », y compris les ventes de voitures de collection ou de chevaux, Arts Economics diffuse des données relatives aux œuvres d’art et aux objets décoratifs (mobilier, céramiques, joaillerie, tapis, etc.). Quant aux données fournies par Artprice, elles ne concernent que les ventes aux enchères relevant du fine art, c’est-à-dire « les peintures, sculptures, volumes-installations, dessins, photographies, estampes, aquarelles, à l’exclusion des antiquités, des biens culturels anonymes et du mobilier » (10).

Enfin, sans même évoquer l’existence de transactions clandestines, une partie du marché de l’art ne peut faire l’objet d’une évaluation chiffrée, car « la multiplicité des transactions qui peuvent se nouer entre particuliers au gré des vide-greniers, déballages… mais aussi sur les sites tels que eBay, le Bon coin ou désormais Amazon… échappe à la comptabilisation » (11). Ainsi, si on estime généralement que le marché de l’art français représente trois milliards d’euros, cette donnée ne saurait constituer autre chose qu’un ordre de grandeur susceptible de classer la France parmi les autres nations.

À cet égard, le rapporteur souhaite que le présent rapport rompe avec la logique fataliste qui voudrait que le marché de l’art en France soit condamné à un inexorable déclin, car, comme les travaux de la mission l’ont montré, si ce marché est aujourd’hui entravé par un certain nombre de handicaps fiscaux et administratifs, ces derniers ne sont cependant pas insurmontables. De la même façon, si le second marché est grevé par le poids du passé, il n’est pas irréaliste de lui donner les moyens de relever les défis du présent. Et si le premier marché mérite d’être consolidé, il dispose toutefois d’atouts importants pour se tailler une place de choix sur le marché mondial.

I. LE MARCHÉ DE L’ART FRANÇAIS : RÉSISTER À LA TENTATION DÉCLINISTE

Il serait vain, en ce qui concerne le marché de l’art, d’espérer le retour à un âge d’or désormais perdu. Pourtant, s’il est indéniable que la France ne domine plus le marché de l’art mondial, la place parisienne dispose d’un potentiel aujourd’hui mal exploité, susceptible d’en faire un point de passage obligé pour les collectionneurs. Ainsi, loin de céder à la tentation décliniste, le rapporteur a souhaité analyser le marché de l’art français non seulement à l’aune de ce qu’il a pu être, mais également à la lumière de ce qu’il pourrait devenir.

A. LA FRANCE, UN ACTEUR DÉSORMAIS MINORITAIRE DU MARCHÉ DE L’ART MONDIAL

Alors que la France a dominé le marché mondial de l’art jusqu’aux années 1960, celui-ci est aujourd’hui essentiellement le fait de trois pays : les États-Unis, le Royaume-Uni et la Chine, cette dernière étant devenu un acteur majeur, quoique singulier, du jeu mondial à partir du milieu des années 2000.

1. Le marché de l’art mondial tenu par un nombre limité d’acteurs

a. Le marché de l’art mondial dominé par les États-Unis, le Royaume-Uni et la Chine

Le marché de l’art est aujourd’hui essentiellement le fait, au plan international, de trois pays : les États-Unis, le Royaume-Uni et la Chine, ces trois acteurs représentant à eux seuls 83 % du marché de l’art entendu au sens large, comprenant les œuvres d’art et les objets de collections, dont le mobilier et la joaillerie, vendus aux enchères mais également de gré à gré.

RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES PARTS DU MARCHÉ DE L’ART EN 2015 (EN VALEUR)

Source : C. McAndrew, TEFAF Art Market Report 2016, 2016.

Le classement des trois premiers acteurs diffère cependant si l’on observe les seules ventes aux enchères de fine art, comme le fait Artprice. Si les États-Unis arrivent toujours en tête, représentant 38 % d’un marché mondial évalué à 16 milliards de dollars, la Chine devance le Royaume-Uni, avec 30 % des parts de ce marché, contre 19 % seulement pour ce dernier en 2015.

RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DU PRODUIT DES VENTES AUX ENCHÈRES EN 2015

Source : Artprice, Le marché de l’art en 2015, 2016.

Cette évolution est relativement récente, la Chine n’ayant réellement émergé dans ce domaine qu’à partir du milieu des années 2000 (cf. tableau infra). En effet, alors que la Chine ne représentait que 0,4 % du marché de l’art mondial en 1992, elle se hisse à la troisième place du classement mondial dès 2007, dépassant ainsi la France, jusqu’à atteindre, en 2011, 30 % du marché global, devant les États-Unis et le Royaume-Uni. D’après les données fournies par Artprice, le marché chinois a ainsi connu une croissance de 305 % entre 2008 et 2015.

PARTS DU MARCHÉ MONDIAL DÉTENUES PAR LES ETATS-UNIS, LE ROYAUME-UNI, LA CHINE ET LA FRANCE DEPUIS 1992

 

1992

2007

2009

2011

2013

2015

États-Unis

42 %

38 %

31 %

29 %

38 %

43 %

Royaume-Uni

28 %

27 %

23 %

22 %

20 %

21 %

Chine

0,4 %

9 %

18 %

30 %

24 %

19 %

France

9 %

6 %

10 %

6 %

6 %

6 %

Source : J.-M. Schmitt, A. Dubrulle, Le marché de l’art, 2014 ; C. McAndrew, TEFAF Art Market Report 2016, 2016.

Le marché chinois apparaît toutefois en cours d’érosion depuis 2011. En effet, « le marché de l’art chinois est décrit par les observateurs comme étant dans une phase d’ajustement depuis 2013 après la forte hausse des années 2000 et le pic de l’année 2011 (…). La politique anti-corruption, la répression des dépenses ostentatoires notamment en matière d’horlogerie, la lutte contre les ententes illégales entre opérateurs ainsi que les brusques mouvements des marchés boursiers en 2015, conjugués aux problèmes récurrents liés à la présence constante de faux et de contrefaçons et les montants importants d’impayés, ont impacté le marché de l’art » (12). Il semble toutefois que l’année 2016 puisse voir, dans le domaine du fine art, le retour de la Chine au premier rang mondial (13).

b. La polarisation croissante du marché de l’art

Le marché de l’art est donc particulièrement concentré, trois pays y tenant à eux seuls une place prépondérante. C’est également le cas des entreprises du marché de l’art, puisqu’un nombre extrêmement réduit de maisons de ventes disposent d’un monopole de fait sur les ventes les plus prestigieuses. Ainsi, les deux plus grandes maisons de ventes aux enchères – Christie’s et Sotheby’s – ont respectivement généré, en 2015, 4,9 et 4,5 milliards de dollars de produit de ventes (14). Les quelques ventes ayant dépassé 50 millions de dollars en 2015 sont du reste attribuables à ces deux maisons, et les trois adjudications les plus hautes
– Les femmes d’Alger de Picasso, le Nu couché de Modigliani et L’homme au doigt de Giacometti – sont imputables à la seule branche new-yorkaise de Christie’s (cf. tableau infra).

ADJUDICATIONS SUPÉRIEURES À 50 MILLIONS DE DOLLARS RÉALISÉES EN 2015

Source : extrait du « Top 100 des enchères 2015 » du rapport d’Artprice précité, p. 56.

La polarisation du marché est également notable en ce qui concerne les galeries, où quelques sociétés de taille internationale possédant des succursales à l’étranger, à l’image de la galerie Gagosian, font face à une myriade de petites et moyennes entreprises disposant d’une implantation géographique unique et de moyens parfois modestes.

c. Un marché largement internationalisé

Le marché de l’art est un marché largement internationalisé, évolution notamment permise par l’essor des nouvelles technologies de l’information et de la communication, qui facilitent l’organisation de ventes dématérialisées. L’origine géographique de la clientèle a considérablement évolué au cours des dernières années : comme le notait M. Guillaume Cerutti en 2010, « alors qu’au cours des décennies précédentes le marché de l’art était principalement animé par les clients américains, européens ou japonais, l’arrivée massive de nouveaux acheteurs, notamment russes, chinois, indiens, ou issus des pays du Golfe, a depuis quelques années profondément remodelé le visage du marché de l’art mondial. » (15)

De fait, lors des grandes ventes organisées par les maisons de ventes occidentales, les enchérisseurs sont aujourd’hui le plus souvent issus d’une trentaine de pays (16). Il en est de même en ce qui concerne les foires : comme l’a fait remarquer une personne entendue par le rapporteur, les acheteurs londoniens ne sont généralement pas anglais, et ceux qui achètent des œuvres d’art dans le cadre de la foire de Maastricht ne sont pour ainsi dire jamais de nationalité néerlandaise… Il en est de même en France, où le rapport entre acheteurs français et acheteurs étrangers s’est inversé au cours de la dernière décennie, les derniers devenant très largement majoritaires.

Il existe en réalité, pour les grands collectionneurs, un circuit mondial de l’art, qui les voit successivement apparaître à New York, puis à Londres, Miami, Maastricht et Bâle. Par ailleurs, l’internationalisation de la clientèle semble devoir se renforcer à mesure que les collectionneurs de nationalité chinoise, jusqu’alors orientés vers le marché intérieur et l’art asiatique, se tournent vers les marchés occidentaux, comme en témoigne la vente record du Nu couché d’Amedeo Modigliani, vendu à New York à un enchérisseur chinois pour 170 millions de dollars.

2. La place parisienne, un acteur de second rang face à New York et Londres

a. Paris, le quatrième acteur mondial du marché de l’art

Depuis les années 1960, la France n’occupe plus qu’une place limitée, du point de vue économique, dans le fonctionnement du marché mondial de l’art. Si elle constitue aujourd’hui le quatrième marché le plus important dans le monde, on constate néanmoins un réel décrochage par rapport à ses concurrents. En effet, son poids économique, estimé à 6 % du marché mondial en 2015, toutes ventes confondues, représente moins du tiers du produit de ventes de la Chine, et moins du septième des ventes américaines (cf. graphique supra). Le constat apparaît plus sévère encore si l’on observe les seules ventes aux enchères de fine art, dont la France ne représente que 4 %.

Il en est de même à l’échelle du continent européen, où la position de la place de Paris, derrière Londres, n’est en rien comparable à celle qu’occupe cette dernière : si la France représente 19 % du marché européen, ventes publiques et privées confondues, le Royaume-Uni, avec 64 % des parts de marché, constitue la première puissance économique européenne dans ce domaine. Cet écart est encore plus notable si l’on considère le segment des ventes aux enchères de fine art : le produit des ventes aux enchères réalisées par les opérateurs de ventes volontaires français – 576 millions de dollars – y est près de six fois inférieur à celui réalisé par les maisons de ventes anglaises (17).

De fait, les ventes opérées en France apparaissent dérisoires, en termes financiers, par rapport à celles que drainent les places américaine et anglaise. Comme l’ont souligné plusieurs personnes entendues par la mission, le produit des ventes d’une année en France équivaut à celui d’une seule soirée à New York. De la même façon, à titre d’illustration, le record français de l’année 2015, de 5,6 millions d’euros, atteint pour un rouleau chinois du XVIIIe siècle attribué à Gu Quan, est sans commune mesure avec celui enregistré à New York pour Les femmes d’Alger de Picasso, qui a atteint 179 millions de dollars.

RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES PARTS DE MARCHÉ EN EUROPE

Source : C. McAndrew, TEFAF Art Market Report 2016, 2016.

La France apparaît en particulier absente du marché de l’art contemporain, qui est aujourd’hui l’un des plus porteurs. Le produit des ventes aux enchères réalisées en France entre juillet 2014 et juin 2015 ne représentait ainsi que 2 % de ce segment du marché mondial (18). Ainsi, parmi les dix plus hautes enchères dans la catégorie « Art et antiquités » de l’année 2015, une seule œuvre, « 1.5.60 » de l’artiste chinois Zao Wou-Ki, relève du segment « après-guerre et contemporain » (19), contre la moitié des dix meilleures ventes aux enchères new-yorkaises. De fait, les collectionneurs français semblent portés majoritairement vers l’art ancien, les arts décoratifs et le mobilier plutôt que l’art contemporain, contrairement aux collectionneurs américains, qui ont acquis plus massivement des œuvres issues du pop art ou de l’expressionnisme abstrait. Or, comme le montre également l’exemple allemand, ce sont les collectionneurs locaux qui sont les mieux à même de susciter l’émergence d’artistes nationaux.

RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES VENTES AUX ENCHÈRES D’ART CONTEMPORAIN EN 2016

epartition-geographique-des-ventes-d-art-contemporain

Source : Artprice, Le marché de l’art contemporain 2016, 2016.

L’art contemporain étant principalement le fait de collectionneurs étrangers, à l’exception notable de Bernard Arnault et François Pinault, ce sont des villes jugées plus cosmopolites, comme Londres et New-York, qui représentent le mieux ce « lifestyle d’une élite mondialisée » que véhicule l’art contemporain. De fait, la place américaine semble être, en ce qui concerne les ventes publiques, tout à fait dominante, ayant réalisé neuf des dix meilleures adjudications d’art contemporain au sens strict (20) entre juillet 2014 et juin 2015, contre une seule pour le Royaume-Uni (21). À l’inverse, l’art contemporain apparaît, en France, principalement le fait des galeries d’art car « à la différence de leurs consœurs situées hors du territoire hexagonal, les maisons de ventes françaises, jusqu’alors peu portées à la concurrence, ne se sont pas saisies du segment contemporain comme l’ont fait dans les années 1990 Sotheby’s et Christie’s » (22).

Par ailleurs, les segments qui ont fait la richesse du marché de l’art français durant la première moitié du XXe siècle, l’art ancien et le mobilier français, sont aujourd’hui moins prisés que l’art moderne et contemporain, cette évolution des goûts, non relayée par le marché français, pouvant également contribuer à expliquer son manque de dynamisme. En effet, si la France occupe une place non négligeable sur le segment de l’art moderne, elle a toutefois pâti de l’effondrement du marché du mobilier français depuis vingt ans.

Le marché de l’art étant tiré par l’offre – les acheteurs se déplacent ou enchérissent à distance –, la modestie du marché de l’art français tient, comme l’ont fait remarquer un certain nombre de personnes entendues par la mission, à la difficulté d’y attirer des vendeurs, notamment étrangers. En effet, l’image de marque des grandes maisons comme Christie’s et Sotheby’s s’étant principalement construite à New York et à Londres et les performances financières y étant plus élevées, notamment dans le domaine de l’art contemporain, les vendeurs, y compris français, préfèrent généralement y localiser leurs transactions.

Paris demeure toutefois une place-relais pour les grandes maisons, qui peuvent avoir pour stratégie délibérée de localiser en France des ventes moins importantes, qui seraient noyées dans le flot des œuvres millionnaires à Londres ou New York, afin de faciliter leur promotion et leur médiatisation auprès des collectionneurs.

b. La difficile internationalisation des acteurs français

La France ne dispose pas, à l’heure actuelle, d’une maison de ventes d’envergure internationale. En effet, les maisons de ventes regroupées sous la marque ombrelle Drouot sont indépendantes les unes des autres, et de taille extrêmement modeste par rapport aux deux sociétés anglo-saxonnes qui dominent le marché international, mais également le marché français depuis la libéralisation des activités de ventes volontaires intervenue en 2000. Comme l’ont souligné plusieurs personnes entendues par la mission, cet état de fait résulterait de la libéralisation tardive du marché des ventes aux enchères, qui a contraint Christie’s et Sotheby’s à se développer à l’étranger, faisant ainsi de New York et Londres des places fortes du marché de l’art.

Seule une maison de ventes relativement récente, Artcurial, semble à même de concurrencer les filiales françaises de Christie’s et Sotheby’s. Ayant tiré profit de l’émiettement de la profession de commissaire-priseur, cette société initialement créée en 1975 pour rendre l’art et la culture plus accessibles aux cadres de l’entreprise L’Oréal – Artcurial était alors une galerie d’art et une maison d’édition – est devenue un opérateur de ventes volontaires en 2002 et a très rapidement rallié des commissaires-priseurs reconnus. Bien que le produit de ses ventes, pour l’année 2015, soit quelque peu inférieur à celui de Christie’s et Sotheby’s – il s’élève ainsi à 146 millions d’euros, tous secteurs confondus, contre 182 et 174 millions pour les maisons anglo-saxonnes (23) –, la maison Artcurial est aujourd’hui la seule qui atteigne une taille comparable, en France, à ces dernières. En effet, le quatrième opérateur français, la société Aguttes, ne réalise que 35 millions d’euros de ventes en 2015.

Ce bilan, quoique positif, doit toutefois être nuancé par la nature des ventes opérées par Artcurial, qui sont notamment tirées par la vente de véhicules de collection. Ainsi, sur le marché de l’art contemporain, l’écart se creuse avec ses deux concurrents anglo-saxons : alors que Christie’s et Sotheby’s réalisent respectivement, sur le segment « après-guerre et contemporain », 45,8 et 43,2 millions d’euros d’adjudications (hors frais) en 2015, Artcurial génère 18,1 millions d’euros, cependant loin devant la maison Cornette de St Cyr. De même, la société Artcurial est absente, en 2015, des dix meilleures adjudications intervenues dans la catégorie « Art et objets de collection », tandis que la maison Aguttes a réalisé deux ventes de l’artiste Sanyu entrant dans ce classement.

Par ailleurs, Artcurial ne saurait bénéficier des effets de réseaux qu’ont déjà pu développer les deux maisons anglo-saxonnes. Ainsi, d’après les informations fournies au rapporteur, la vente, dans le cadre d’une succession, d’œuvres acquises par Paul Durant-Ruel a échappé à la maison de ventes française du fait de capacités d’exposition plus importantes des maisons anglo-saxonnes dans leurs succursales à l’étranger et des réseaux de conseillers artistiques et de collectionneurs construits par leurs experts au niveau local. Il n’en reste pas moins qu’Artcurial apparaît comme la maison de ventes française la plus avancée sur la voie de l’internationalisation, avec l’organisation, depuis 2015, de ventes à Hong Kong.

De façon générale, il apparaît que le marché français des ventes aux enchères pâtit d’une internationalisation asymétrique : si les acheteurs étrangers sont bel et bien présents en France, faisant de notre pays un exportateur net d’œuvres d’art, les vendeurs étrangers rechignent encore à faire passer leurs biens sous le marteau parisien, notamment parce qu’ils considèrent que le potentiel d’enchères y est moins élevé, du fait de collectionneurs fortunés en plus faible nombre qu’à New York ou Londres – il y a plus de millionnaires dans ces villes – ou de contraintes fiscales limitant la capacité d’achat des collectionneurs présents (cf. infra).

Les galeries françaises connaissent également une faible internationalisation, bien que les plus importantes d’entre elles participent à de nombreuses foires internationales. Seules quelques grandes galeries françaises, comme la galerie Perrotin, présente à New York, Hong Kong et Séoul, ou la galerie Templon à Bruxelles, disposent ainsi de succursales à l’étranger. Les galeries d’art contemporain apparaissent particulièrement touchées par cette faible capacité d’exportation, puisqu’en 2013, les galeries affiliées au Comité professionnel des galeries d’art (CPGA), généralement spécialisées dans l’art contemporain, ne réalisaient que 38 % de leur chiffre d’affaires à l’exportation, ces « données moyennes [étant] tirées vers le haut par les performances de quelques enseignes et ne [reflétant] qu’imparfaitement la réalité de nombre de galeries » (24).

c. Des artistes peu représentés dans les ventes publiques internationales

Un des aspects les plus révélateurs de la place qu’occupe la France sur le marché de l’art mondial réside dans la faible visibilité de ses ressortissants dans les ventes publiques internationales. Pierre Soulages, qui est l’artiste français vivant le plus cher, ne peut rivaliser, en termes de montant d’adjudication, avec les grands artistes américains ou anglais : comme l’ont indiqué plusieurs personnes entendues par la mission d’information, le prix d’une œuvre de Pierre Soulages équivaut à la prime d’enchère d’une œuvre de Christopher Wool, Peter Doig ou Cy Twombly. Ainsi, en 2015, l’œuvre la plus chère de Pierre Soulages a été adjugée à 1,5 million de dollars, contre 70 millions de dollars pour l’œuvre « Untitled (New York City) » (1968) de l’artiste américain Cy Twombly.

Il en est de même si l’on considère le classement des artistes par volume de ventes. Ainsi, en 2016, seuls 13 artistes français figurent dans le classement des 500 artistes ayant réalisé le plus haut montant d’adjudication pour l’ensemble de leurs œuvres vendues entre juillet 2015 et juin 2016. Aucun artiste français n’apparaît même parmi les cent premiers artistes de ce classement, puisque Robert Combas, avec 152 lots vendus pour 1,9 million de dollars et une enchère maximale à 90 351 dollars, atteint la 106e place seulement. Les artistes américains, chinois, allemands et britanniques représentent à eux seuls 70 % du produit des ventes de ce classement (cf. graphique ci-après).

RÉPARTITION DES ARTISTES LES PLUS PERFORMANTS AUX ENCHÈRES EN 2016 PAR NATIONALITÉ

-3-repartition-des-artistes-du-top-500-par-nationalite

Source : Artprice, Le marché de l’art contemporain 2016, 2016.

Si les artistes français sont peu présents dans le classement des 500 artistes ayant généré les adjudications les plus élevées, ils le sont aussi du classement réalisé par Artfacts, qui évalue la notoriété des artistes par le biais du nombre et de la nature des expositions qui leur sont consacrées par les musées et galeries du monde entier. Ainsi, dans le classement des 100 artistes les plus visibles en 2016, seuls sept artistes français figurent : Louise Bourgeois, Marcel Duchamp, Henri Matisse, François Morellet, Christian Boltanski, Daniel Buren et Pierre Huyghe. À l’inverse, les artistes américains occupent à eux seuls un tiers de ce classement.

Il n’existe pour autant pas de corrélation entre la situation d’un marché national de l’art et la cote de ses artistes. En effet, l’Allemagne, dont le marché de l’art est extrêmement réduit, s’impose dans le domaine de l’art d’après-guerre et contemporain. Le classement établi par Artfacts pour l’année 2016 recense ainsi 21 artistes allemands, dont Anselm Kiefer et Gerhard Richter. Ce dernier apparaît d’ailleurs à la 11e place du classement des artistes établi par Artprice pour l’année 2015, avec 205 millions de dollars d’œuvres vendues aux enchères. Comme l’ont indiqué de façon unanime plusieurs personnes entendues par le rapporteur, le soutien des collectionneurs allemands à leurs artistes et le degré d’exposition dont ils bénéficient au sein des institutions culturelles allemandes, explique en grande partie cet état de fait (cf. infra).

Si la situation est en partie imputable à la rare appétence des collectionneurs français pour l’art contemporain (cf. supra), on a également pu avancer que le soutien public aux artistes, leur assurant un niveau de vie correct par le biais des acquisitions et des commandes, les avait détournés du marché, ceux-ci n’éprouvant pas toujours le besoin économique d’être représentés par une galerie. S’il est difficile de tirer les conséquences concrètes d’un tel point de vue, il n’en demeure pas moins que le marché ne saurait se nourrir des seules initiatives publiques, les institutions muséales devant conforter une dynamique économique préexistante mais ne pouvant seules la créer.

B. LE LONG DÉCLIN DE LA PLACE PARISIENNE EN VOIE D’ACHÈVEMENT ?

Indéniablement, Paris n’occupe plus une place centrale dans le fonctionnement du marché de l’art, alors même qu’elle était en position dominante jusqu’aux années 1960. S’il est certainement illusoire de vouloir retrouver cette position dominante, le rapporteur estime néanmoins que la France a aujourd’hui de nombreux atouts à exploiter pour atteindre son plein potentiel.

1. Les facteurs explicatifs de la relégation de Paris au quatrième rang mondial

a. Le déplacement du marché de l’art de Paris à New York

La France a largement dominé le marché de l’art jusqu’aux années 1960. Comme cela a été indiqué à la mission d’information, le produit des ventes de la Compagnie parisienne des commissaires-priseurs était, en 1953, deux fois supérieur à ceux générés par Christie’s, Sotheby’s et Parke-Bernet. Ainsi, « jusqu’aux années 1950, portée par la vivacité de la scène artistique parisienne et par l’action historique de marchands d’exception, la France dominait le marché de l’art mondial. Dans des échanges à forte composante nationale ou continentale, les marchands et les commissaires-priseurs français surclassaient alors la concurrence » (25).

Paris était en effet, depuis le XVIIe siècle, le centre de la création artistique mondiale : en effet, « entre 1900 et 1950 la capitale française ne comptait pas moins de 130 galeries d’art tandis que s’y tenaient une vingtaine de salons annuels (Salon d’automne, Salon des Indépendant…) où un bon millier des 60 000 peintres et sculpteurs réputés y vivre (dont un tiers d’étrangers) pouvaient régulièrement exposer leurs œuvres… Ces chiffres défient toute comparaison et suffiraient à eux seuls à qualifier d’exceptionnelle la position de Paris en matière artistique à cette époque. » (26) Comme le notait Jean Cassou, fondateur du Musée national d’art moderne de Paris, Paris a ainsi été « le point du monde vers lequel, par l’effet d’un mirage, ont afflué d’innombrables artistes, venant de partout, Espagne, Italie, pays germaniques et pays scandinaves, Russie, Pologne, Europe centrale, Balkans, Amérique anglosaxonne et latine, Japon » (27).

Toutefois, dès les années 1930 et 1940, à la faveur des conflits qui agitent l’Europe, un mouvement de migration, notamment des artistes surréalistes, s’esquisse vers les États-Unis et le Royaume-Uni. New York, où vient d’être inauguré le Museum of Modern Art (MoMA), devient alors un point de passage obligé pour les artistes et voit se développer un nouveau courant artistique, l’expressionnisme abstrait. Si la Nouvelle école de Paris assure un certain renouveau artistique jusqu’aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, l’année 1964 apparaît symptomatique du début du déclin français : le prix de la Biennale de Venise est remis pour la première fois à un artiste américain, Robert Rauschenberg, et Sotheby’s, dont le produit des adjudications dépasse déjà de 30 % celui de la Compagnie parisienne, acquiert la plus grande maison de ventes américaine, Parke-Bernet, après une tentative avortée des commissaires-priseurs français qui, déjà, n’étaient pas parvenus à se fédérer autour de ce projet.

b. Les politiques culturelles offensives des pays étrangers

Le déclin relatif de la France sur le marché de l’art mondial est intrinsèquement lié à la place économique majeure prise, au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, par les États-Unis et le Royaume-Uni. Portés par des politiques culturelles offensives, ayant notamment permis l’émergence d’un petit nombre d’artistes soutenus par les acteurs les plus influents – galeries, maisons de ventes, collectionneurs –, ces marchés se sont progressivement développés jusqu’à atteindre la taille qu’on leur connaît aujourd’hui.

Notamment, la puissance américaine a su exploiter à plein le vecteur culturel pour créer un « art américain », comme l’ont montré de nombreuses recherches : « Certaines institutions muséales, dont le Museum of Modern Art à New York, collaboraient avec des organismes publics pour utiliser l’art américain comme outil de propagande. Grâce aux liens institutionnels avec le MoMA, qui prêtait des œuvres et proposait son assistance technique et scientifique au Musée national d’art moderne, à Paris, pour des expositions comme Advancing American Art (1946-1947) et 12 peintres et sculpteurs américains contemporains (12 peintres et sculpteurs…, 1953), le gouvernement américain espérait bâtir une sorte de volet artistique complémentaire au plan Marshall, destiné à contrer l’influence soviétique en Europe de l’Ouest » (28). Un rapport remis en 1963 au président des États-Unis a ainsi conduit à l’élaboration d’une politique culturelle reposant sur des mesures fiscales incitatives et un soutien financier important aux artistes américains, notamment par le biais de l’attribution de fonds par la National Endowment for the Arts (NEA), une agence fédérale créée en 1965.

L’action conjointe des différents acteurs du marché de l’art, publics et privés, a également assuré, au Royaume-Uni, l’émergence d’artistes internationaux à partir des années 1990. Comme l’indique la sociologue Raymonde Moulin, « l’effervescence actuelle, à Londres, de la scène artistique contemporaine (avec l’ouverture de la Tate Modern) apparaît comme l’aboutissement d’une stratégie de promotion, telle qu’en suscitent les nouvelles tendances artistiques en période d’euphorie spéculative. Charles Saatchi est le plus visible des opérateurs multiples participant au lancement des YBA (Young British Artist). Depuis 1991, il a été un grand pourvoyeur en découvertes des ventes publiques londoniennes. Il a travaillé d’abord avec Sotheby’s de 1991 à 1996, puis avec Christie’s, qui a sponsorisé l’exposition Sensation à la Royal Academy de Londres (automne 1997). Elle a conféré une visibilité accrue aux jeunes artistes britanniques acquis par Ch. Saatchi en quantité et à bon marché au début des années 90. Au cours des ventes très médiatisées qui ont suivi, des prix records ont été obtenus par de jeunes artistes vedettes, tel Damien Hirst. Une pluralité d’acteurs, dont Charles Saatchi, Christie’s, des marchands plus ou moins liés avec les artistes figurant dans l’exposition, des collectionneurs comme David Bowie, et, enfin, les autorités britanniques de tourisme ont figuré parmi les sponsors de l’exposition » (29).

À l’inverse, plusieurs personnes entendues par la mission ont souligné le caractère inadéquat de la politique culturelle française menée durant la même période : alors que les États-Unis et le Royaume-Uni promouvaient de façon efficace un petit nombre de leurs artistes, un certain saupoudrage des moyens issus des institutions publiques françaises a freiné l’émergence d’artistes d’envergure internationale. Par ailleurs, au plan international, certaines tentatives tendant à ce que la France, par le biais de son réseau diplomatique, promeuve directement des artistes français auprès des collectionneurs et conservateurs étrangers se sont avérées contre-productives, l’imposition d’une forme d’art officiel ayant été mal vécue par les pays en question.

Plus encore, la politique culturelle française se serait détournée de l’art pictural pour embrasser, à partir des années 1980, un art conceptuel
– installations, vidéos, etc. – trouvant par essence peu de débouchés sur le marché de l’art
 : comme le montre la sociologue Raymonde Moulin, « à propos de certaines formes d’art – art conceptuel, art in situ – pour lesquelles la demande sur le marché est faible, il s’est institué, à travers les achats et les commandes des institutions publiques aux artistes, un marché quasi administré » (
30)  ; « S’est ajoutée à cette politique d’acquisition une politique de commande publique importante, qu’il s’agisse de l’État ou des municipalités. La commande publique a offert des abris de marché aux artistes dont les propositions ne correspondaient à aucune demande privée et à ceux dont les disciplines (sculpture, tapisserie, vitrail) sont désavantagées sur les marchés de l’art » (31).

Il apparaît toutefois que la politique culturelle aurait été guidée vers cette forme d’art par l’écosystème artistique lui-même, qui aurait rejeté, à la faveur des événements de mai 1968, un art pictural considéré comme bourgeois. Comme l’a indiqué M. Jean-Marc Bustamante, directeur de l’école nationale supérieure des Beaux-Arts, l’« effet Marcel Duchamp » a ainsi conduit les artistes « à produire des idées plutôt que des objets ». Du fait du positionnement souvent « anti-marché » des artistes, la production artistique des années 1970 a été difficile à exporter et l’art français est entré dans un cycle créatif particulièrement défavorable du point de vue économique.

c. Une tradition artistique plus ancrée dans les pays prescripteurs

Si la création des fonds régionaux d’art contemporain (FRAC), de même que l’adoption de dispositifs fiscaux favorables à l’acquisition d’œuvres d’art ont rendu l’art contemporain plus visible en France, il apparaît que d’autres pays, comme l’Allemagne, la Chine, les États-Unis et le Royaume-Uni, disposent dans ce domaine d’une tradition plus ancrée.

Ainsi, comme le note le galeriste Bernard Zürcher, « certes, l’État a encouragé la diffusion de l’art contemporain au début des années 1980, avec en particulier la création des Fonds régionaux d’art contemporain (Frac). Ils sont aujourd’hui 22, répartis sur le territoire - plus une soixantaine de centres d’art - contre 268 Kunstvereine, leur équivalent allemand, outre-Rhin ! Le dispositif des Frac était salutaire mais n’a pas suffi à rattraper le retard de la France. La Suisse, l’Allemagne ou encore l’Italie comptent des institutions similaires bien plus anciennes et bien plus ancrées dans la vie culturelle locale. Ainsi le premier Kunstverein a-t-il été créé à la fin du XVIIIe siècle à Nuremberg, présidé par Goethe. (…) Ces Kunstvereine ont connu un succès considérable et suscité une émulation, chaque Land voulant organiser une exposition plus prestigieuse que son voisin. Puis sont apparus les Kunsthalle, équivalents de nos centres d’art. De cette façon s’est constitué un maillage culturel extraordinaire. Sur le plan des arts plastiques, cela a permis de faire connaître les artistes et, surtout, d’assurer une proximité avec le public. L’acquisition d’œuvres d’art est aussi entrée dans les mœurs, car quand un Kunstverein exposait un artiste, les sociétaires pouvaient acheter ses productions à des prix privilégiés. L’Allemagne a donc plus d’un siècle d’avance par rapport à la France et jouit, de ce fait, d’une sédimentation culturelle d’un autre ordre. » (32)

De fait, il a été indiqué à plusieurs reprises au rapporteur que les ressortissants de certains pays, notamment anglo-saxons et allemand, entretenaient un rapport beaucoup plus fort aux arts visuels. Au contraire, la France, pays de tradition plus littéraire qu’artistique, a privilégié l’écrit au détriment de l’image, expliquant ainsi la moindre appétence des Français pour les arts graphiques et plastiques, contrairement à la Chine, par exemple, traditionnellement tournée vers la représentation graphique et la peinture. La fréquentation des musées comme des galeries apparaît ainsi plus naturelle dans des pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni ou l’Allemagne ; à l’inverse, les galeries inspireraient une certaine défiance au grand public en France, qui perçoit de ce fait l’art comme un luxe inaccessible (cfinfra).

La place des arts visuels dans les médias étrangers, notamment anglo-saxons, dénote également une culture plus ancrée : l’artiste français Philippe Parreno a ainsi fait la « une » du journal The Guardian pour son exposition Anywhen au sein du Turbine Hall de la Tate Modern, tandis que les médias français ne semblent évoquer l’art contemporain que lorsqu’il est émaillé de scandales divers, qu’il s’agisse de la dégradation de l’œuvre d’Anish Kapoor exposée à Versailles en 2015 ou de l’agression de Paul Mc Carthy lors de l’installation de son œuvre Tree place Vendôme en 2014. De la même façon, le prix Turner, organisé par la Tate Britain depuis 1984, est remis en direct sur une chaîne publique à une heure de grande écoute, de sorte que tous les Britanniques en connaissent le lauréat.

2. Des atouts à exploiter pour (re)faire de la France une place incontournable

En dépit des effets délétères du climat économique de la dernière décennie sur le marché de l’art français  notamment le départ de nombreux collectionneurs français à l’étranger  comme des récents attentats, il apparaît que la France, en particulier sa capitale, dispose d’un potentiel aujourd’hui mal exploité, susceptible d’en faire à nouveau une place incontournable du marché de l’art.

a. L’attractivité intrinsèque de Paris et des régions françaises

Il est indéniable que Paris demeure une ville extrêmement attractive du point de vue touristique ; même si certaines foires de haut niveau prennent place dans des agglomérations moins fréquentées, comme Bâle ou Maastricht, l’attractivité intrinsèque de notre capitale constitue un atout de taille pour la localisation de ces événements qui ont pris une importance primordiale (cfinfra).

La richesse culturelle, notamment muséale, de Paris – comme en témoigne le succès des éditions de « Monumenta » du Grand Palais, des expositions d’art contemporain au château de Versailles et celles de la Fondation Louis Vuitton – et des grandes métropoles de province, comme Marseille, Rennes et Lyon, de même que le patrimoine historique et architectural de la France et, plus généralement, un « art de vivre » fantasmé par les touristes étrangers, sont à même d’en faire un point de passage obligé pour les collectionneurs. Plusieurs acteurs ont ainsi fait part à la mission de la volonté des collectionneurs d’acheter certaines pièces, notamment de mobilier français et d’art ancien, à Paris plutôt qu’à New York.

De fait, se tiennent aujourd’hui à Paris des foires spécialisées de premier plan, comme le Salon du Dessin ou Paris Photo, tandis que la Foire internationale d’art contemporain (FIAC) attire chaque année de nombreux visiteurs. Sa fréquentation, de 72 080 personnes environ en 2016, est comparable à celle de la foire de Bâle, qui a accueilli 98 000 personnes lors de sa 46e édition. Les galeries étrangères y ont également établi des succursales, comme celles de l’Américain Larry Gagosian ou de l’Autrichien Thaddeus Ropac. De la même façon, la France exerce toujours une certaine attractivité sur les artistes étrangers, comme en témoigne la présence sur notre territoire de l’artiste allemand Anselm Kiefer, du peintre majorquin Miquel Barcelo ou encore du plasticien d’origine chinoise Yan Pei Ming, dont les ateliers se situent respectivement en Seine-et-Marne, à Paris et à Dijon.

b. Un réseau dense d’acteurs spécialisés

La France dispose d’un réseau très important de galeries qui participent de la richesse de la programmation culturelle. Ainsi, une étude conduite en 2012 recensait plus de 2 100 galeries d’art contemporain intervenant sur le premier marché, dont plus de la moitié en Île-de-France (33). De la même façon, comme l’a indiqué un antiquaire au rapporteur, Paris apparaît comme la seule ville au monde à disposer de quartiers d’antiquaires particulièrement identifiés. En outre, la présence, sur tout le territoire, de grands musées et des fonds régionaux d’art contemporain assure l’organisation d’expositions exceptionnelles, comme celle de Jeff Koons au Centre Pompidou en 2015.

Par ailleurs, la France jouit aujourd’hui d’une capacité d’expertise importante, spécialisée et relativement encadrée. Les experts français, pour pallier l’absence de réglementation du titre d’expert, sont organisés en chambres professionnelles qui possèdent des critères d’admission proches : une expérience longue ou un diplôme dans une spécialité, deux spécialités revendiquées au maximum et un casier judiciaire vierge. Ainsi, « il existe donc une réglementation corporatiste forte car c’est l’image du syndicat qui est en jeu si un de ses membres commet une irrégularité » (34). Par ailleurs, contrairement aux pays anglo-saxons, où les experts sont généralement salariés des maisons de ventes, les experts français en sont indépendants, permettant ainsi d’éviter les conflits d’intérêt.

L’indépendance des marchands d’art constitue également un atout de taille pour le marché français. Comme l’a indiqué au rapporteur M. Bertrand Gautier, galeriste, les marchands d’art français ne « constituent pas des sociétés, mais des personnalités ». Or, cette indépendance, moins prégnante dans les pays anglo-saxons, leur permet de faire preuve d’une grande réactivité et de prendre des risques que le conseil d’administration d’une entreprise pourrait difficilement accepter. C’est notamment grâce à ce dynamisme que M. Gautier a récemment pu acquérir un des premiers tableaux de Rembrandt, une œuvre non attribuée qui apparaissait de piètre qualité, lors d’une vente aux enchères organisée dans le New Jersey.

La France peut également miser, pour son rayonnement artistique, sur ses commissaires et ses critiques d’art. Les conservateurs français sont particulièrement reconnus au niveau international, comme en témoigne le départ, au cours des dernières années, de plusieurs d’entre eux vers les États-Unis – au musée d’art moderne de San Francisco, à la fondation Barnes de Philadelphie, au MoMA ou au Metropolitan Museum de New York, etc. –, comme la nomination de Christine Macel, conservatrice au Centre Pompidou, au commissariat général de la Biennale de Venise de 2017.

La France compte également de grandes figures parmi ses collectionneurs, tels Bernard Arnault et François Pinault, qui participent pleinement, par le biais de leurs fondations parisiennes – la Fondation Louis Vuitton et la Fondation Pinault, qui devrait ouvrir ses portes en 2018 à la Bourse de commerce –, à l’animation de la vie culturelle et artistique française. Par ailleurs, bien que certains observateurs notent la quasi-disparition des collectionneurs les plus importants à la faveur d’un possible exil fiscal, la France semble bénéficier d’un tissu relativement vaste de « petits » collectionneurs, la collection n’étant pas, dans notre pays, l’apanage des seuls professionnels du secteur de la haute finance.

c. Une nouvelle génération d’artistes réconciliés avec le marché international

De nombreux observateurs ont fait part de l’émergence d’une nouvelle génération d’artistes extrêmement talentueuse et portée par le marché international. Ainsi, les œuvres d’artistes comme Camille Henrot, Julien Prévieux, Cyprien Gaillard ou Neil Beloufa marqueraient le retour de la France sur la scène artistique internationale. Contrairement à leurs aînés qui auraient, pour certains, dédaigné le marché international, la nouvelle vague française ferait plus facilement l’expérience de séjours prolongés voire définitifs à l’étranger. Fait notable, les quatre lauréats du prix Marcel Duchamp décerné par l’Association pour la diffusion internationale de l’art français (ADIAF) cette année sont représentés non seulement par des galeries françaises, mais également par des galeries étrangères.

Les évolutions récentes qu’ont connues les écoles d’art apparaissent également tout à fait propices à la consolidation du marché de l’art, notamment contemporain. D’une part, on constate un renouveau des pratiques plus artisanales, comme la peinture, le dessin ou la céramique, qui avaient été délaissées par les artistes au profit de média plus technologiques, comme la vidéo. Or, de telles disciplines sont, par nature, accessibles à un plus large public de collectionneurs. La pluridisciplinarité actuelle des enseignements dispensés au sein des écoles supérieures d’art – on enseigne ainsi la danse aux Beaux-Arts de Paris – ne peut en outre qu’être extrêmement profitable à la créativité des futurs artistes français.

D’autre part, les écoles s’ouvrent peu à peu au marché, en délivrant des enseignements indispensables à leurs étudiants – langues étrangères, droit et économie du marché de l’art, etc. –, et en organisant des événements à destination des galeries et des collectionneurs, favorisant ainsi l’insertion professionnelle des élèves récemment diplômés. L’exposition des diplômés félicités de l’école supérieure des Beaux-Arts de Paris fait ainsi partie du parcours privé organisé par la FIAC pour les collectionneurs les plus importants, tandis que l’Association des amis de l’école supérieure des Beaux-Arts de Lyon sera prochainement créée dans le but d’assurer une plus grande visibilité à l’école et à ses artistes auprès des collectionneurs locaux. L’école supérieure des Beaux-Arts de Nantes a quant à elle levé des fonds auprès de collectionneurs nantais pour financer l’achat d’un terrain à Marfa, dans le désert du Texas, pour en faire un lieu d’expérimentations artistiques à destination des étudiants et des artistes. Sans aller trop loin dans la mise en place de partenariats avec les acteurs privés du marché de l’art, au risque de pervertir la vocation des écoles en incitant les élèves à se tourner vers un art « commercial », le rapporteur estime que de telles initiatives sont le préalable indispensable à une plus grande visibilité de la scène artistique française.

d. Des perspectives prometteuses dans de nombreux domaines artistiques

Si la France est aujourd’hui pénalisée par l’évolution des goûts (cf. supra), qui a conduit à rendre moins dynamique le marché du mobilier français, il a toutefois été indiqué au rapporteur que ce segment particulier pourrait être amené à connaître une embellie prochaine, notamment grâce aux acheteurs chinois.

Quant à l’art ancien, la richesse du patrimoine français laisse à penser que ce marché, naturellement moins dynamique que d’autres du fait d’une production close, a encore d’importantes perspectives de développement, comme en témoigne la découverte fortuite, en 2014, d’un tableau du Caravage, dépeignant Judith tuant Holopherne, dans un grenier toulousain et, plus généralement, la quantité d’œuvres du Moyen Age et de la Renaissance vendues chaque année aux enchères. De façon générale, la France constitue encore un « grenier » du point de vue du marché de l’art, comme en témoigne le nombre de lots vendus aux enchères en France, supérieur à celui du Royaume-Uni (35), et provenant aux trois quarts des territoires français.

Par ailleurs, d’autres segments dans lequel le marché français s’est spécialisé, comme l’art moderne et les arts d’Asie, d’Afrique et d’Océanie, sont toujours porteurs. C’est du reste ce qui a assuré une certaine résilience au marché français au cours des dernières années, quand New York ou Londres subissaient les affres des retournements de la conjoncture économique, auxquels le marché de l’art contemporain est particulièrement sensible : de fait, « si la part de la France sur le marché de l’art est inférieure à 6 %, celle-ci fait montre d’une certaine forme de résilience, avec une croissance de 10 % en 2015. Les mouvements du marché sont plus forts là où les collectionneurs sont les plus enclins aux enchères démesurées. La France joue dans une autre division : celle des prix moins extravagants, et elle en tire une sorte d’avantage » (36).

Ainsi, la France « demeure une place réputée dans plusieurs domaines de collection, tels les livres et manuscrits, le mobilier du XVIIIe siècle, l’orfèvrerie européenne, l’Art déco, les dessins anciens, la photographie ancienne, l’art d’Afrique et d’Océanie... Ces points forts, dans des secteurs traditionnels, ou dans des secteurs où les collectionneurs sont connus pour leur raffinement et leur constance, mettent le marché français et ses opérateurs à l’abri des phénomènes de mode éphémères et des fluctuations de grande ampleur observés aux États-Unis et au Royaume-Uni du fait du poids relatif que le marché le plus volatil, celui de l’art contemporain, représente dans ces pays. » (37)

Dans le domaine de l’art contemporain, si les artistes français ne sont que peu représentés au sein du classement des enchères les plus élevées, ils sont cependant reconnus au plan international. Notamment, plusieurs artistes français ont, au cours des dernières années, reçu des prix dans le cadre de la Biennale de Venise : Camille Henrot en 2013, Annette Messager en 2005, Pierre Huygues en 2001. Ce dernier est d’ailleurs le lauréat de l’édition 2017 du prix Nasher du Nasher Sculpture Center de Dallas, tandis que Camille Henrot a été, en 2015, lauréate de la première édition du prix Edvard Munch décerné par le Munch Museet d’Oslo. Les artistes français connaissent également un certain succès outre-Manche : Laure Prouvost a ainsi remporté le Turner Prize en 2013, tandis que Dominique Gonzalez-Foerster était récemment exposée, à Londres, aussi bien à la Frieze Art Fair qu’à la Tate Modern et à la Hayward Gallery, une institution publique créée en 1968.

Le succès croissant de la FIAC, particulièrement accessible aux galeries françaises en dépit des critiques récurrentes tenant à son internationalisation, ouvre également des perspectives, si toutefois son développement n’est pas freiné par des contingences matérielles, en particulier immobilières. Il est impératif, si l’on souhaite maintenir cette manifestation au niveau qu’elle connaît aujourd’hui, de résoudre rapidement le problème soulevé par la rénovation du Grand Palais à compter de 2020. Certains estiment que les travaux futurs du Grand Palais peuvent faire courir le risque d’une extinction de la FIAC qui n’aurait pas le même attrait sous un chapiteau, fût-il dans un lieu prestigieux.

Frieze versus Fiac

Si la FIAC existe depuis 1974, elle est concurrencée, depuis douze ans, par une nouvelle foire d’art contemporain, la Frieze Art Fair, qui se tient à Londres au début du mois d’octobre. La plupart des interlocuteurs de la mission estiment que ces deux foires sont aujourd’hui d’un niveau équivalent en ce qui concerne les œuvres présentées, bien qu’étant toutes deux, de ce point de vue, classées derrière la foire de Bâle, Art Basel, considérée comme la foire d’art contemporain la plus importante. Les deux foires apparaissent pourtant complémentaires, notamment du point de vue des collectionneurs les fréquentant : alors que la FIAC s’adresse surtout à une clientèle passionnée d’Europe continentale – France, Allemagne, Belgique, Suisse –, la Frieze apparaît plus cosmopolite, attirant les étrangers vivant à Londres pour des raisons économiques ou fiscales comme ceux des pays émergents – Brésil, Chine, Moyen-Orient. De la même façon, les lieux dans lesquelles ces deux foires prennent place participent de leurs différences : tandis que la FIAC est accueillie par le Grand Palais, que certains qualifient de « mastodonte inutilisable » mais qui demeure un lieu exceptionnel, la Frieze prend place sous une vaste tente dont les couleurs à dominante grise ont pour objet de mettre en valeur les œuvres. Enfin, depuis le lancement de Frieze Masters il y a quelques années, la Frieze se distingue de la FIAC par son plus grand éclectisme artistique, cette seconde foire, qui se tient au même moment que la Frieze Art Fair, accueillant des œuvres de toutes les époques et antérieures à 2000.

Par ailleurs, le rayonnement à l’étranger des grands musées français, comme celui du Centre Pompidou, avec son annexe temporaire à Malaga, ou du Louvre à Abu Dhabi, ne peut que profiter au marché français. En outre, l’ouverture du Louvre Abu Dhabi, musée universel dont le budget d’acquisition s’élève à 40 millions d’euros annuels, pourrait également offrir de nouveaux débouchés aux marchands d’art français et ainsi redynamiser le marché de l’art contemporain.

La France pourrait également tirer profit d’un positionnement volontariste dans certains secteurs, contribuant ainsi à la création de nouveaux marchés. Dans le domaine du dessin, longtemps considéré comme un genre mineur et délaissé par les grandes foires et les maisons de ventes anglo-saxonnes, le Salon du dessin, en parvenant à fédérer les galeries et marchands autour d’un projet de foire internationale, est d’ores et déjà devenu une référence mondiale dans le domaine du dessin de collection. De la même façon, l’existence du Salon Drawing Now Paris, dédié au dessin contemporain, témoigne d’une spécialisation salutaire de la place parisienne dans un domaine où les œuvres, généralement plus accessibles, au plan financier, que les tableaux, attirent de plus en plus d’acheteurs. Ainsi, comme ont pu le faire remarquer des personnes entendues par le rapporteur, Paris est aujourd’hui la capitale mondiale du dessin.

Plus spécifique encore, le marché de la bande dessinée semble émerger avec succès en France, comme en témoignent les ventes organisées en mai dernier par Sotheby’s et Christie’s, qui ont généré 1,3 et 3,8 millions d’euros respectivement. Comme l’indique le dernier rapport annuel du Conseil des ventes volontaires, « la bande dessinée, autre domaine porteur attirant une génération de jeunes collectionneurs, continue de progresser fortement, le marché pouvant s’appuyer sur des artistes vivants et proposer des ventes uniquement dédiées à la bande dessinée » (38).

L’art urbain constitue également un segment des plus porteurs, où les artistes français, comme JR, Ludo ou Invader, connaissent de surcroît un succès grandissant. Comme l’indique le dernier rapport du Conseil des ventes volontaires, les artistes français spécialisés dans l’art urbain apparaissent particulièrement bien représentés dans les ventes d’art contemporain organisées en France par les opérateurs de ventes volontaires. Par ailleurs, « avec trois ventes consacrées à l’art urbain, les ventes aux enchères confirment leur place privilégiée sur le marché concernant cette spécialité (l’art urbain étant peu présent dans les foires internationales d’art contemporain et les musées) » (39). L’ouverture prochaine d’un musée dédié à l’art urbain au sein de l’école informatique 42 atteste de la légitimation croissante d’une démarche artistique initialement contestataire ou, à tout le moins, transgressive.

Enfin, plus accessible que l’art contemporain, aussi bien esthétiquement que financièrement, la photographie est devenue un atout majeur de la place parisienne, désormais leader européen de ce segment du marché. Jouissant d’une histoire photographique très riche et d’un festival de renommée internationale, les Rencontres d’Arles, la France a su créer une foire de première importance dans ce domaine : Paris Photo. D’autres acteurs privés, comme Yellow Korner, une maison d’édition française de photographies, ont également su rendre cet art accessible au plus grand nombre en menant une réflexion sur le prix des œuvres. Si le grand nombre de tirages ainsi édités ne permet pas de faire des biens vendus par ce type d’entreprises des œuvres d’art à proprement parler, ces initiatives peuvent néanmoins constituer une porte d’entrée appréciable vers la photographie d’art, limitée à trente exemplaires numérotés et signés de l’artiste.

Enfin, le design apparaît comme un segment dans lequel la France tend à exceller. Elle peut notamment s’enorgueillir de quelques grands noms du design, passés – Jean Prouvé, Pierre Jeanneret, Le Corbusier, Charlotte Perriand, Serge Mouille ou encore Pierre Paulin – comme présents – Philippe Starck, Ronan et Erwan Bouroullec, Pierre Charpin, etc. Paris accueille également depuis vingt ans le Pavillon des Arts et de Design (PAD), foire qui s’est d’ailleurs exportée à Londres depuis quelques années, donnant ainsi aux galeries françaises une visibilité notable.

II. UNE FISCALITÉ ET UNE RÉGLEMENTATION CONSIDÉRÉES – PARFOIS INDÛMENT – COMME HANDICAPANTES POUR LE MARCHÉ FRANÇAIS

Tout au long des travaux de la mission, notre système juridique et fiscal a été très souvent cité comme l’un des principaux handicaps pour le développement du marché de l’art français. Des freins réglementaires bien trop nombreux entraveraient de même son essor.

Dans tous ces domaines, il est difficile de faire la part entre ce qui relève du mythe et ce qui relève de la réalité. La question du droit de suite, qui a été institué en France par une loi du 20 mai 1920, en est un bon exemple.

En application de la directive 2001/84/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001 relative au droit de suite au profit de l’auteur d’une œuvre d’art originale, l’article L. 122-8 du code de la propriété intellectuelle prévoit que « les auteurs d’œuvres originales graphiques et plastiques ressortissants d’un État membre de la Communauté européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen bénéficient d’un droit de suite, qui est un droit inaliénable de participation au produit de toute vente d’une œuvre après la première cession opérée par l’auteur ou par ses ayants droit, lorsque intervient en tant que vendeur, acheteur ou intermédiaire un professionnel du marché de l’art » (40).

Comme l’explique l’avocat Emmanuel Émile-Zola-Place, ce droit pour l’auteur d’une œuvre graphique ou plastique de percevoir un pourcentage lors des reventes successives de son œuvre originale « est davantage perçu comme une taxe par ceux qui y sont assujettis, plutôt que comme la juste récompense de celui qui est à l’origine de l’œuvre sur laquelle les acteurs du marché spéculent » (41). Lors de son audition, Me Nicolas Moretton, président de la Chambre nationale des commissaires-priseurs judiciaires (CNCPJ), a même estimé que la réglementation applicable au droit de suite avait été l’un des principaux facteurs du déclin du marché de l’art français.

Alors que la directive précitée en a circonscrit le champ d’application (en excluant les œuvres dont le prix de vente est inférieur à 750 euros hors taxes ainsi que les œuvres qui sont revendues à un prix inférieur à 10 000 euros hors taxes dans les trois années suivant leur vente par leur auteur), et alors que cette même directive en a plafonné le montant à 12 500 euros (indépendamment des prix stratosphériques que peuvent atteindre certaines œuvres), le droit de suite n’a pas cessé de faire l’objet de griefs, à la fois de la part des artistes et de leurs ayants droit et de la part des professionnels du marché de l’art.

Les premiers reprochaient à la réglementation française du droit de suite de ne pas permettre que ce dernier puisse être transmis à d’autres personnes que les héritiers de l’auteur, et plus précisément d’interdire sa transmission au titre d’un legs. Sur ce point, ce problème n’en est plus un puisque la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine a modifié l’article L. 123-7 du code de la propriété intellectuelle pour prévoir désormais que « sous réserve des droits des descendants et du conjoint survivant non divorcé, l’auteur peut transmettre le droit de suite par legs », qu’« en l’absence d’héritier et de legs du droit de suite, ce dernier revient au légataire universel ou, à défaut, au détenteur du droit moral » et qu’« en l’absence d’ayant droit connu, ou en cas de vacance ou de déshérence, le tribunal de grande instance peut confier le bénéfice du droit de suite à une société de perception, de gestion et de répartition des droits d’auteur, agréée à cet effet par arrêté du ministre chargé de la culture ».

Quant aux professionnels du marché de l’art, le premier principal reproche fait à la réglementation française du droit de suite tenait à ce que l’article L. 122-8 du code de la propriété intellectuelle prévoit que « le droit de suite est à la charge du vendeur » et que « la responsabilité de son paiement incombe au professionnel intervenant dans la vente et, si la cession s’opère entre deux professionnels, au vendeur ».

Selon certains acteurs du marché – notamment des maisons de ventes –, faire peser sur le vendeur le paiement du droit de suite était de nature à décourager un certain nombre de vendeurs étrangers de choisir la France pour céder leurs œuvres d’art (principalement contemporain) en vente publique ou de gré à gré. Il est vrai que certains États, comme la Chine (en ce compris Hong Kong), Singapour ou la Suisse n’ont pas instauré de droit de suite (42).

C’est ainsi que, depuis la dispersion de la collection d’Yves Saint-Laurent et de Pierre Bergé, la maison de ventes Christie’s avait pris pour habitude de déroger aux dispositions de l’article L. 122-8 précité, en prévoyant la possibilité, dans ses conditions générales de vente et dans celles de son mandat de vente, d’en faire supporter le montant par l’acheteur. Comme l’explique Me Emmanuel Emile-Zola-Place, « le dispositif consistait pour la société de ventes à percevoir entre les mains de l’acheteur, au nom et pour le compte du vendeur, la somme correspondant au montant du droit de suite exigible. Les apparences étaient ainsi ingénieusement préservées : la société de ventes légalement responsable du paiement du droit de suite en collectait effectivement le montant mais, au lieu de le prélever en aval sur le montant d’adjudication versé au vendeur – en même temps que les commissions de vente pour les frais d’expertise, d’assurance, de communication, d’édition, d’assurance et de manutention –, elle le percevait en amont directement entre les mains de l’acheteur en sus du prix d’adjudication ; à charge pour elle de le reverser aux bénéficiaires (auteurs, héritiers, sociétés de gestion collective) au nom et pour le compte du vendeur » (43).

Le Syndicat national des antiquaires (SNA) a contesté en justice la légalité des pratiques contractuelles de Christie’s qui conduisaient à garantir au vendeur un prix net de droit de suite, estimant que le fait pour un opérateur économique de transférer la charge du droit de suite sur l’acheteur était de nature à fausser le jeu de la concurrence et rompre l’uniformité de traitement des professionnels de l’art.

Alors que la cour d’appel de Paris avait fait droit aux arguments du SNA le 12 décembre 2012, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a décidé, le 26 février 2015, que, quand bien même l’article 1er de la directive 2001/84/CE du 27 septembre 2001 relative au droit de suite, transposé en droit français à l’article L. 122-8 du code de la propriété intellectuelle, met le paiement du droit de suite à la charge du vendeur, rien ne s’oppose à ce que le responsable du paiement envers l’auteur, qui doit être clairement désigné, détermine par contrat la personne, y compris l’acheteur, qui supportera in fine le coût du droit de suite. Autrement dit, la CJUE a ouvert aux opérateurs de ventes volontaires, responsables du paiement du droit de suite dans le cadre des ventes qu’ils organisent, la possibilité de décider, dans leurs conditions générales de vente, qui de l’acheteur ou du vendeur doit supporter la charge du droit de suite (44). La Cour de cassation a pris acte de cette décision et jugé, le 3 juin 2015, que « par arrêt du 26 février 2015 (C-41/14), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que l’article 1er, paragraphe 4, de la directive doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que la personne redevable du droit de suite, désignée comme telle par la législation nationale, que ce soit le vendeur ou un professionnel du marché de l’art intervenant dans la transaction, puisse conclure avec toute autre personne, y compris l’acheteur, que cette dernière supporte définitivement, en tout ou en partie, le coût du droit de suite, pour autant qu’un tel arrangement contractuel n’affecte nullement les obligations et la responsabilité qui incombent à la personne redevable envers l’auteur » (45) .

Dès lors que les dispositions de l’article L. 122-8 du code de la propriété intellectuelle ne sont pas d’ordre public et qu’aux termes de la jurisprudence européenne et nationale, la charge du droit de suite peut désormais peser aussi bien sur le vendeur que sur l’acheteur, le grief qui était formulé à la réglementation française de constituer un frein au développement de l’offre de vente dans un marché largement mondialisé a désormais perdu une grande partie de sa légitimité. D’après le juriste François Duret-Robert, cette évolution jurisprudentielle en matière de droit de suite pourrait même être extrêmement bénéfique, en incitant Sotheby’s et Christie’s à ne plus privilégier des lieux de vente autres que la place parisienne.

Certes, il existe toujours des pays où aucun droit de suite n’est exigible, mais le rapporteur note que leur nombre tend à diminuer. En premier lieu, l’instauration d’un droit de suite est, en vertu de la directive 2001/84/CE du 27 septembre 2001, une obligation pour les États membres de l’Union européenne, et à ce titre, le droit de suite a été institué même au Royaume-Uni, qui a profité jusqu’au bout du délai dérogatoire de transposition pour ne mettre sa législation en conformité avec le droit de l’Union qu’à compter du 1er janvier 2012.

En second lieu, le droit de suite existe également en Russie, où son montant est de 5 % du prix de revente lorsque celui-ci est supérieur d’au moins 20 % au prix d’achat. Et il est en passe de voir le jour aux États-Unis, où la place de New York a longtemps profité de l’absence de droit de suite pour attirer les grandes ventes d’œuvres d’art contemporain. En effet, après que l’État de Californie (qui était le seul des États-Unis à avoir instauré un droit de suite) a vu sa législation déclarée inconstitutionnelle en première instance en mai 2012, un contentieux s’est engagé devant les juridictions fédérales. Parallèlement, un projet de loi (« American Royalties Too Act (ART) ») reconnaissant un droit de suite à l’échelle fédérale a été déposé lors de la précédente législature : un nouveau projet devrait être proposé devant le nouveau Congrès. M. Bob Goodlatte, président de la commission judiciaire au Congrès américain, a en effet annoncé, au début de l’année 2015, que les travaux parlementaires sur la réforme du copyright se poursuivraient. Il est donc possible qu’aux États-Unis, un droit de suite soit prochainement reconnu aux artistes au niveau fédéral.

Contrairement aux idées reçues, la réglementation du droit de suite n’est donc plus vraiment un désavantage compétitif pour le marché de l’art français. Plusieurs des personnes entendues, parmi lesquelles des commissaires-priseurs et des présidents d’importantes maisons de ventes, en sont d’ailleurs convenus : cette réglementation n’est plus si handicapante pour la France qu’on veut bien le dire.

En revanche, la « peur du fisc » dont ont fait état un certain nombre des personnes entendues semble, elle, bien réelle chez les quelques centaines de « grands » collectionneurs d’art ancien et contemporain que compte notre pays. Ayant « peur du gendarme », les propriétaires de collections répugneraient à les montrer – phénomène qui ne se verrait qu’en France, selon M. Alain-Dominique Perrin, président de la Fondation Cartier pour l’art contemporain. Pour l’anecdote, il a été rapporté à la mission que plusieurs collectionneurs qui avaient prêté des œuvres au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, pour l’exposition « Passions privées » qui s’y est tenue en 1995-1996, se sont vus notifier un contrôle fiscal après ladite exposition – ce qui n’a pas été de nature à les inciter à montrer une nouvelle fois leurs collections au public.

S’il est vrai que la réglementation, en particulier fiscale, est aujourd’hui perçue comme l’un des principaux freins à l’essor du marché de l’art français, il faut s’efforcer de bien distinguer entre le réel et le ressenti ; au demeurant, plusieurs propositions peuvent être formulées pour mieux adapter la fiscalité aux spécificités du marché de l’art tout en préservant des exigences de justice sociale.

A. UNE FISCALITÉ PERÇUE COMME LE PRINCIPAL FREIN À L’ESSOR DU MARCHÉ DE L’ART FRANÇAIS

Au premier rang des inquiétudes des acteurs du marché de l’art français figure l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Certaines des personnes entendues l’ont présenté comme l’un des principaux facteurs du déclin du marché de l’art français, dans la mesure où il aurait conduit nombre des acheteurs potentiels à s’expatrier au Royaume-Uni, en Belgique, au Luxembourg, en Suisse ou encore au Portugal.

Entre 15 % et 20 % des grands collectionneurs de l’Hôtel Drouot se seraient exilés dans les pays précités pour des raisons fiscales : l’argent n’étant plus en France, il serait illusoire d’espérer que notre pays retrouve une place primordiale sur le marché de l’art. La pression fiscale aurait même fait fuir des professionnels libéraux qui, sans être de grands collectionneurs, achetaient cependant, plus ou moins régulièrement, des meubles et tableaux anciens.

Le rapporteur note cependant que la France n’est pas le seul pays à avoir institué un impôt sur la fortune : en Suisse, un impôt annuel sur la fortune des personnes physiques et morales peut être levé au niveau cantonal.

Par ailleurs, comme l’a justement fait remarquer lors de son audition M. Olivier Lange, directeur général de Drouot Patrimoine, la perspective du « Brexit » pourrait changer la donne, en matière d’exil fiscal des collectionneurs.

Cependant, le rapporteur convient que les débats récurrents sur l’éventuelle intégration des œuvres et objets d’art dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune sont de nature à entretenir des inquiétudes inutiles et contreproductives pour l’attractivité de la France sur le marché mondial de l’art : il n’est presque pas une Foire internationale d’art contemporain (FIAC) qui ne s’ouvre sans qu’au même moment ces débats soient relancés par les initiatives (souvent médiatisées) de parlementaires d’horizons politiques variés, à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances.

1. Des incertitudes regrettables quant à l’intégration des œuvres et objets d’art dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune

S’il est vrai que l’impôt sur la fortune (ISF) n’existe ni en Allemagne, ni en Belgique, ni en Chine, ni aux États-Unis, ni à Hong Kong, ni en Italie, ni au Royaume-Uni, ni en Russie, ni à Singapour, il n’en demeure pas moins que cet impôt ne devrait pas être un obstacle insurmontable au développement de notre marché de l’art dans la mesure où les œuvres et objets d’art en sont exonérés.

En effet, l’article 885 I du code général des impôts prévoit en son premier alinéa que « les objets d’antiquité, d’art ou de collection ne sont pas compris dans les bases d’imposition à l’impôt de solidarité sur la fortune ».

Ce principe d’exonération des œuvres d’art à l’ISF a pour conséquences que le patrimoine artistique détenu par un particulier n’aura pas à être mentionné dans la déclaration d’ISF et que les sommes consacrées à l’acquisition d’œuvres d’art sortent intégralement de l’assiette taxable à l’ISF.

La liste des objets d’art, de collection et d’antiquité exonérés de l’ISF correspond essentiellement à celle du tarif extérieur commun (46), étant précisé que :

– les bijoux ne sont exclus du champ d’application de l’ISF que s’ils tirent l’essentiel de leur valeur de leur ancienneté et de la qualité du travail d’exécution, et non du prix des pierres, métaux précieux et autres matériaux qui les composent (47) ;

– les parts de sociétés civiles à caractère familial qui sont propriétaires d’un monument historique ne sont exclues de la base d’imposition à l’ISF que pour la fraction de leur valeur qui correspond à des objets d’art, de collection ou d’antiquité.

Toutefois, cette exonération est régulièrement remise en cause, non pas par le Gouvernement, mais par des parlementaires de tendances politiques diverses. Par exemple, dans le cadre de l’examen des projets de loi de finances pour 2013 et 2015, des amendements proposant d’inclure les œuvres et objets d’art dans l’assiette de l’ISF ont été déposés, respectivement à l’initiative de députés membres des groupes UDI et SRC (et notamment à l’initiative de l’ancien rapporteur général du Budget, devenu depuis secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances, chargé du Budget : M. Christian Eckert). Plusieurs années auparavant, pareilles initiatives avaient été prises par des députés UMP en 2011 et par des députés socialistes en 1998.

Si de tels amendements ont toujours été rejetés en séance publique, à la demande du Gouvernement, il n’en reste pas moins que, comme l’a expliqué lors de son audition le président du Musée du Louvre, M. Jean-Luc Martinez, la situation d’incertitude qu’engendre la réouverture, presque chaque année, des débats sur l’opportunité d’intégrer (ou non) les œuvres et objets d’art dans l’assiette de l’ISF nuit beaucoup au développement du marché de l’art dans notre pays.

Les annonces régulières d’une éventuelle imposition de ces biens au titre de l’ISF entraînent presque systématiquement et immédiatement une hausse des demandes de certificats et licences d’exportation de la part de collectionneurs soucieux de mettre leurs biens à l’abri d’une potentielle menace fiscale qui, jusqu’à présent, est restée lettre morte.

Du point de vue du rapporteur, notre marché de l’art gagnerait à ce que la question soit définitivement tranchée, que ce soit dans un sens ou dans un autre, car ce marché ne pourra pas se déployer tant que planera au-dessus de lui cette « épée de Damoclès ».

Il note qu’à l’instar des représentants du ministère de l’Économie et des Finances, plusieurs des personnes entendues prônent le statu quo, donc la sanctuarisation de la mesure d’exonération d’ISF dont bénéficient les œuvres et objets d’art.

Si la pérennisation de cette mesure peut être propice à l’attractivité de notre marché de l’art, celle qui assujettit les œuvres et objets d’art à une taxe sur les importations ne l’est en revanche certainement pas.

2. Le caractère inadapté du système de la TVA à l’importation pour le marché des œuvres et objets d’art

En application du d) du 1 de l’article 2 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), les importations sur le territoire des pays membres de l’Union européenne de biens provenant de l’extérieur sont soumises à la TVA. L’article 293 A du code général des impôts prévoit en conséquence qu’« à l’importation, le fait générateur se produit et la taxe devient exigible au moment où le bien est considéré comme importé ».

L’importation d’œuvres et d’objets d’art ne fait pas partie des opérations qui sont énumérées au chapitre 5 du titre IX de la directive précitée et qui bénéficient d’une exonération de TVA à l’importation (48).

En revanche, conformément à la même directive, l’importation d’objets d’art, de collection ou d’antiquité peut se voir appliquer des taux réduits de TVA. Notre pays, comme la plupart de ses voisins européens, a d’ailleurs profité de cette possibilité : en application de 1° du I de l’article 278-0 bis du code général des impôts, l’importation d’une œuvre d’art en France, qu’elle soit réalisée par un particulier ou par un professionnel, est soumise à un taux réduit de TVA de 5,5 % (49).

Contrairement aux idées souvent véhiculées, la France, en appliquant à l’importation des œuvres et objets d’art provenant de l’extérieur de l’Union européenne un taux réduit de TVA de 5,5 %, se situe aujourd’hui dans la moyenne basse des différents taux appliqués dans l’Union européenne. Seul le Royaume-Uni (en ce compris Jersey) applique un taux encore inférieur (5 %). La Belgique, l’Allemagne, le Luxembourg, l’Espagne et l’Italie appliquent respectivement des taux de 6 %, 7 %, 8 % et 10 % (taux identique en Espagne et en Italie) (50). À titre de comparaison, Singapour, la Suisse, la Russie et la Chine appliquent aux objets d’art, de collection et d’antiquité des taxes à l’importation dont les taux sont respectivement de 7 %, 8 %, 18 % et environ 25 %. Il faut cependant noter que Singapour, la Suisse et la Chine se sont dotés de ports francs culturels (Genève, Pékin) où les œuvres et objets d’art peuvent être importés en franchise de toute taxe à l’importation.

Si, en comparaison des taux pratiqués en Europe et de par le monde, le taux de la TVA applicable à l’importation d’œuvres et objets d’art est relativement faible en France, il n’en demeure pas moins vrai que les acheteurs français – comme l’ensemble des acheteurs européens – sont pénalisés par le principe même d’une taxe sur les importations d’objets d’art, d’antiquité et de collection, quand on sait que Hong Kong et les États-Unis ne taxent pas l’importation de ces biens.

Comme l’a fort bien expliqué M. Guillaume Cerutti, président de la Fondation nationale des arts graphiques et plastiques (FNAGP), président Europe, Russie, Moyen-Orient et Inde de Christie’s et ancien président-directeur général de Sotheby’s France, « la volonté qui présidait à l’instauration de cette taxe de favoriser le marché intérieur ne trouve pas à s’appliquer en ce qui concerne le marché de l’art » (51).

Autant la taxation des importations peut être pertinente pour favoriser le dynamisme du marché intérieur pour un certain nombre de biens, autant elle l’est peu s’agissant du marché de l’art, dont la vitalité est tributaire d’acquisitions d’œuvres pouvant être situées aux quatre coins du monde.

Et la fiscalité européenne est d’autant plus désincitative pour le marché de l’art européen que les exportations d’œuvres d’art de l’Union européenne vers l’extérieur échappent, elles, à toute taxation au titre de la TVA (52). Les Européens sont donc fiscalement incités à vendre leurs œuvres et objets d’art à des ressortissants non européens (et notamment américains).

Et les acheteurs européens (qu’il s’agisse de sociétés de ventes aux enchères, de galeries ou de particuliers) sont également incités à revendre hors de l’Union européenne les œuvres et objets d’art qu’ils peuvent acheter à des vendeurs non-européens grâce à un mécanisme de « suspension de taxe » qui leur permet de ne pas acquitter la TVA à l’importation lorsque l’œuvre ou l’objet d’art importé est destiné à être réexporté hors de l’Union (53).

En somme, tout est fait pour les œuvres et d’objets d’art n’entrent pas sur le territoire de l’Union européenne, le quittent ou y passent sans y rester : la TVA à l’importation décourage leur entrée sur ce territoire, le mécanisme de suspension de taxe encourage leur passage seulement provisoire, et l’absence de TVA à l’exportation incite à leur sortie.

Lors de son audition, M. Jean-Jacques Aillagon, ancien ministre de la Culture et de la Communication, a pointé l’appauvrissement du marché de l’art européen auquel contribuent l’application d’une TVA à l’importation et l’absence de TVA à l’exportation. M. Jean-Pierre Osenat, président du Syndicat national des maisons de ventes volontaires (SYMEV), a exprimé les mêmes regrets, expliquant qu’aujourd’hui, 70 % des objets vendus par l’étude qu’il dirige quittent l’Union européenne, le plus souvent sans la moindre imposition.

Déplorant également que le dispositif de TVA à l’importation incite le marché français à se dépouiller de ses œuvres et objets d’art, M. Frédéric Castaing, président de la Compagnie nationale des experts (CNE), a estimé que son objectif devrait au contraire être celui de faire revenir ces biens en France, d’autant plus que leur retour pourrait générer des recettes fiscales grâce aux transactions dont ils pourraient faire l’objet sur notre territoire.

M. Michel Maket, président du Syndicat français des experts professionnels en œuvres d’art et objets de collection (SFEP), a abondé en ce sens. Plutôt que maintenir un système de taxation à l’importation qui, s’agissant des œuvres d’art, provoque un manque à gagner, qui plus est générateur de complexités administratives pour les acteurs du marché, il faut selon lui préférer un système de TVA à l’exportation. À cet égard, le rapporteur note qu’en Espagne, l’exportation hors de l’Union européenne de biens culturels de plus de cinquante ans peut être soumise à une taxe progressive pouvant aller jusqu’à 30 % de la valeur du bien.

Cependant, les perspectives de réforme en matière de TVA à l’importation paraissent délicates à mettre en œuvre : tout en reconnaissant que les acheteurs européens d’œuvres et objets d’art pouvaient être pénalisés par cette taxe, par rapport à d’autres acheteurs, notamment américains, les représentants du ministère de l’Économie et des Finances ont rappelé, lors de leur audition, que la question de la TVA à l’importation relève des compétences européennes, et non nationales.

Or la perspective prochaine du « Brexit » pourrait promettre d’éventuelles perspectives de réforme à un avenir encore plus incertain. En effet, d’après M. Guillaume Cerutti, s’il est certain que la TVA à l’importation décourage les acheteurs européens, mais également les vendeurs non-européens (qui craignent de réaliser des profits moins importants en vendant en Europe, du fait de cette taxe qui limite le dynamisme potentiel des enchères), et s’il est donc indéniable que cette taxe grève la compétitivité des places européennes, il semble que le sort des œuvres et objets d’art ait toujours été secondaire dans les négociations européennes relatives à la TVA et qu’il risque de le devenir encore davantage lorsque le Royaume-Uni quittera l’Union européenne, car il est peu probable que la France trouve des partenaires européens autres que le Royaume-Uni pour remettre en cause l’application de la TVA à l’importation aux œuvres et objets d’art. Le Royaume-Uni sorti de l’Union européenne, la France serait le seul pays de l’Union à qui une telle réforme profiterait.

Sans attendre une évolution de la réglementation de la TVA à l’importation au niveau européen, et sans nécessairement passer par des réformes, un certain nombre de freins d’ordre plus administratif que réglementaire pourraient être levés pour desserrer l’étau dans lequel se trouve le marché de l’art français.

3. Des freins parfois plus administratifs que réglementaires

Comme en matière de droit de suite, il convient, pour ce qui est des obstacles moins réglementaires qu’administratifs, de faire le partage entre ce qui relève du mythe et ce qui relève de la réalité.

Plusieurs des personnes entendues ont exprimé leur crainte que le marché de l’art français ne soit pénalisé par l’adoption d’un amendement prévoyant que, dans le cas où le propriétaire d’un bien culturel envisage de le céder dans le cadre d’une vente publique dans un délai d’un an à compter de la délivrance du certificat d’exportation, celui-ci est délivré à la condition que la vente publique ou la vente de gré à gré ait lieu sur le territoire de l’Union européenne.

Cet amendement, adopté par le Sénat lors de la deuxième lecture du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, a été supprimé en commission mixte paritaire et ne figure donc pas dans le texte définitivement adopté. La crainte exprimée n’a donc plus lieu d’être.

En revanche, il semble bien qu’il y ait ponctuellement une marge de progrès réalisable sur certains aspects administratifs ou réglementaires de notre régime de contrôle des exportations d’œuvres d’art.

a. Un régime de contrôle des exportations d’œuvres d’art qui mérite quelques ajustements ponctuels

La France interdit que sortent de son territoire des biens culturels qu’elle considère comme des « trésors nationaux », c’est-à-dire des œuvres d’art ou des biens historiques dont le maintien sur notre sol est essentiel d’un point de vue patrimonial.

En conséquence, notre pays organise un contrôle des exportations d’œuvres d’art qui impose aux particuliers comme aux professionnels souhaitant vendre, exposer ou simplement déplacer une œuvre d’art à l’étranger de respecter une procédure qui varie selon que le bien est exporté dans un pays de l’Union européenne (certificat d’exportation) ou dans un pays tiers à l’Union (licence d’exportation).

Régime du contrôle des exportations d’œuvres d’art

• Exportation dans un pays de l’Union européenne

Lorsque le bien à exporter présente une ancienneté et une valeur supérieures aux seuils prévus par l’annexe 1 à la partie réglementaire du code du patrimoine, il est déclaré « bien culturel » et doit en conséquence faire l’objet d’une demande d’autorisation de sortie du territoire qui est acceptée ou refusée par le ministère de la Culture dans un délai de 4 mois suivant la réception de la demande.

Si le ministère délivre l’autorisation de sortie, le bien culturel n’est pas considéré comme un « trésor national ». Il fait alors l’objet d’un certificat d’exportation établi par le ministère et valable :

– pour une durée illimitée si le bien a plus de 100 ans ;

– pour une durée de 20 ans si le bien a moins de 100 ans.

Ce certificat devra être présenté aux agents des douanes lors de toute sortie définitive ou temporaire du territoire.

Si, après saisine de la commission consultative des trésors nationaux, le ministère refuse la demande d’autorisation de sortie du territoire, le bien culturel est déclaré « trésor national » et devient inexportable – ce qui limite le nombre d’acquéreurs potentiels. Après que la jurisprudence a admis que l’État pouvait être tenu d’indemniser le propriétaire du bien déclaré « trésor national » pour compenser la perte de valeur résultant de l’impossibilité d’exportation, la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques a mis un terme à l’indemnisation des propriétaires de « trésors nationaux » au titre du refus de délivrance du certificat d’exportation.

Ces propriétaires disposent d’un délai de 30 mois avant de pouvoir à nouveau demander une autorisation de sortie du territoire : pendant ce délai, l’État peut présenter au propriétaire une offre d’achat qui tienne compte des prix sur le marché international. Si le propriétaire n’accepte pas l’offre dans un délai de 3 mois, l’État peut faire procéder à une expertise pour fixer la valeur du bien. Une fois celle-ci fixée, l’État dispose d’un délai de 2 mois, à compter de la réception du rapport d’expertise, pour adresser au propriétaire une offre d’achat au prix de l’expertise. Si, à l’issue de ce délai de 2 mois, l’État n’a formulé aucune offre d’achat, le certificat d’exportation ne peut plus être refusé. Si, dans ce délai de 2 mois, une offre d’achat est faite au prix de l’expertise, le propriétaire dispose de deux mois pour accepter ou refuser l’offre. S’il accepte l’offre, le paiement doit intervenir dans un délai de 6 mois à compter de cette acceptation. S’il refuse l’offre, le refus de délivrance du certificat d’exportation est maintenu.

L’exportation temporaire de « trésors nationaux » est cependant possible, pour une expertise, une manifestation culturelle, une restauration ou un dépôt dans une collection publique. L’exportation temporaire est soumise à une autorisation de sortie qui est acceptée ou refusée par le ministère de la Culture dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande. Si l’autorisation de sortie est donnée, elle mentionne la date de retour de l’œuvre sur le territoire français.

L’exportation illégale ou la tentative d’exportation illégale de biens culturels est pénalement sanctionnée : est punie de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 450 000 euros toute personne qui a exporté ou tenté d’exporter :

– définitivement un « trésor national » ;

– temporairement un « trésor national » sans l’autorisation nécessaire pour une exportation temporaire ;

– définitivement un bien culturel « non trésor national » sans avoir obtenu le certificat d’exportation ;

– temporairement un bien culturel « non trésor national » sans avoir obtenu l’autorisation d’exportation temporaire.

Les biens dont la valeur ou l’ancienneté sont inférieures aux seuils prévus par l’annexe 1 à la partie réglementaire du code du patrimoine peuvent librement circuler sur le territoire de l’Union européenne, sans formalités particulières.

• Exportation dans un pays tiers à l’Union européenne

En cas d’exportation hors de l’Union européenne, les biens dont la valeur et l’ancienneté sont supérieures aux seuils mentionnés dans l’annexe au règlement (CE) n° 116/2009 du 18 décembre 2008 sont soumis à un double contrôle d’exportation : outre le certificat d’exportation délivré par le pays d’exportation, l’exportateur doit obtenir une licence d’exportation qui n’est valable qu’un an à compter de sa délivrance.

Les biens dont la valeur ou l’ancienneté sont inférieures aux seuils susmentionnés peuvent être exportés hors de l’Union européenne sans certificat ni licence d’exportation. En revanche, leur propriétaire devra déposer une déclaration d’exportation dans un bureau des douanes.

La liste des biens culturels soumis au contrôle d’exportation varie sensiblement selon qu’il s’agit d’une exportation organisée dans un pays membre de l’Union européenne (annexe 1 à la partie réglementaire du code du patrimoine) ou dans un pays tiers à l’Union européenne (annexe au règlement CE n° 116/2009 du 18 décembre 2008). Les biens concernés par le contrôle sont déterminés selon leur nature et selon des seuils de valeur et d’ancienneté – étant précisé que c’est le propriétaire du bien qui établit la valeur de l’objet.

Il a été indiqué à la mission que certains de ces seuils devraient être révisés, notamment le seuil de 15 000 euros au-delà duquel les photographies isolées et ayant plus de cinquante ans d’âge ou faisant partie d’une collection comportant des éléments de plus de cinquante ans d’âge sont considérées comme des biens culturels soumis au contrôle d’exportation, en application de l’annexe 1 à la partie réglementaire du code du patrimoine.

Par ailleurs, plusieurs des personnes entendues ont déploré que le traitement, par le ministère de la Culture, des demandes d’autorisation de sortie du territoire de biens culturels, en principe enfermé dans un délai de 4 mois, se soit allongé depuis quelques années.

b. Des déclarations à effectuer au titre de la Convention de Washington (CITES) qui semblent inutilement répétitives

Au-delà de l’émoi suscité chez certaines des personnes entendues par les déclarations faites au printemps dernier par Mme Ségolène Royal, ministre de l’Environnement, de l’énergie et de la mer, qui a annoncé vouloir interdire tout commerce d’ivoire sur le territoire français, la lourdeur administrative des déclarations à effectuer au titre de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) (54), signée à Washington le 3 mars 1973, a été signalée à plusieurs reprises à la mission.

En vertu de cette convention, ainsi que de la réglementation européenne qui en rend l’application plus stricte au sein de l’Union (55), un certain nombre d’espèces d’animaux et de plantes, les spécimens (vivants ou morts) de ces espèces mais aussi les produits qui en sont issus ou qui en contiennent (et notamment les objets d’art comportant de l’ivoire ou du palissandre), sont soumis à un contrôle à l’importation et à l’exportation : il s’agit de garantir que l’exploitation commerciale de plus de 40 000 espèces animales et végétales ne préjudicie pas à leur existence.

Les personnes qui détiennent ou transportent des objets d’art fabriqués à partir d’espèces protégées par la Convention de Washington et par la réglementation européenne doivent être en mesure de justifier à tout moment de la régularité de cette détention.

Sous peine de confiscation et de sanctions pénales, des permis et certificats qui s’ajoutent aux formalités douanières doivent être présentés à l’importation comme à l’exportation pour être visés par les services de la douane. En France, ce sont les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) qui délivrent les documents CITES nécessaires aux importations et exportations, après instruction du dossier de demande présenté par les importateurs ou exportateurs, qu’ils soient, ou non, des professionnels.

Il faut noter que toutes les opérations d’importation ou d’exportation d’objets d’art africains en ivoire, d’objets d’art japonais en écailles de tortue ou encore d’objets d’art latino-américains en plumes de perroquet d’Amazonie ne tombent pas nécessairement sous le coup de la réglementation « CITES » : tout dépend de la date de protection de l’espèce considérée, du degré de protection dont elle bénéficie et du lieu d’achat. Par exemple, pour l’ivoire, la date de référence est le 26 février 1976.

Par ailleurs, au sein de l’Union européenne, les œuvres travaillées avant 1947 bénéficient d’une dérogation spéciale et peuvent circuler et être vendues sans certificats. Cependant, les restaurateurs travaillant l’ivoire et l’écaille de tortue doivent être titulaires d’une autorisation leur permettant de détenir et d’utiliser des stocks constitués antérieurement à la protection instaurée par la Convention pour restaurer des œuvres.

S’il paraît difficile d’admettre que les objets d’art fabriqués à partir d’espèces menacées d’extinction et les maisons de ventes qui en font le commerce échappent totalement à la réglementation « CITES », comme certains en ont formé le vœu devant la mission, il semble néanmoins que les certificats d’importation et d’exportation au titre de la « Convention CITES » doivent être demandés à chaque importation, exportation ou réexportation, ce qui rend le dispositif particulièrement lourd pour les acteurs du marché de l’art.

Peut-être pourrait-on imaginer, comme l’a suggéré lors de son audition M. Dominique Chevalier, président du Syndicat national des antiquaires (SNA), que le document « CITES » soit attaché à l’objet pour lequel il a été délivré tout au long de la circulation de cet objet, de façon à ne pas avoir à redemander aux autorités administratives nationales ou étrangères un permis ou un certificat « CITES » à chaque réexportation.

c. Un registre de police informatisé qui n’intègre pas obligatoirement la photographie des œuvres et objets d’art

Outre que, d’après plusieurs des personnes entendues, les dispositifs de lutte contre le trafic des œuvres et objets d’art gagneraient à ce que les règles applicables aux paiements en espèces, et plus particulièrement les limites applicables à leur montant, soient harmonisées à l’échelle européenne – car il paraît difficilement compréhensible que ces paiements soient autorisés en Suisse jusqu’à 15 000 francs suisses, tandis qu’ils ne le sont en France qu’à hauteur de 1000 euros –, il a été expliqué à la mission que, dans ce domaine, il convenait surtout, au niveau national, de mieux appliquer les dispositifs existants.

Il faut en effet rappeler qu’en France, dans le domaine de l’art, les marchands de gré à gré, les opérateurs de ventes volontaires (OVV) et les commissaires-priseurs judiciaires (CPJ) sont assujettis au dispositif de lutte anti-blanchiment et financement du terrorisme (dit « LAB/FT »), au même titre que les banques, les sociétés d’assurances, les sociétés de gestion du patrimoine, le secteur des jeux, les professionnels du chiffre et du droit, même si, aujourd’hui, le groupe d’action financière (GAFI) ne recommande pas particulièrement d’inclure les professionnels de l’art parmi les assujettis au dispositif LAB/FT au niveau international.

En tant qu’assujettis au dispositif « LAB/FT », les acteurs du marché de l’art français ont cinq obligations :

– mettre en place une cartographie et une évaluation des risques auxquels ils sont exposés ;

– connaître le client en identifiant le bénéficiaire effectif de l’opération ;

– connaître la justification économique de la transaction (origine et destination des fonds) ;

– faire preuve d’une constante vigilance (qui peut être allégée, normale ou renforcée) tout au long de l’opération ;

– faire des déclarations en cas de soupçon sur d’éventuels liens avec des infractions liées à la fraude fiscale ou au terrorisme.

En 2015, la cellule du Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN) n’a reçu que 33 déclarations de soupçon de la part des professionnels de l’art, sur un total de 44 000 déclarations (provenant pour l’essentiel du secteur financier).

Ce faible nombre de déclarations de soupçon tient au fait que les professionnels concernés sont (au mieux) très peu conscients de leurs obligations : entre 2013 et 2015, seuls 13 professionnels du secteur de l’art ont fait des déclarations de soupçon tandis que 29 déclarations de soupçon ont été effectuées par des marchands de métaux précieux.

Par ailleurs, il semblerait que le registre de police ne soit aujourd’hui qu’imparfaitement renseigné par les professionnels du marché de l’art.

Pourtant, en application de l’article 321-7 du code pénal, les personnes dont l’activité professionnelle comporte la vente d’objets mobiliers usagés ou acquis à des personnes autres que celles qui les fabriquent ou en font le commerce, comme les antiquaires, encourent six mois d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende si elles omettent, ne serait-ce que par négligence, de tenir, jour par jour, un registre indiquant la nature, les caractéristiques, la provenance, le mode de règlement de l’objet et contenant une description des objets acquis ou détenus en vue de la vente ou de l’échange et permettant l’identification de ces objets ainsi que celle des personnes qui les ont vendus ou apportés à l’échange. À l’exception des officiers publics ou ministériels, les personnes qui organisent, dans un lieu public ou ouvert au public, une manifestation en vue de la vente ou de l’échange des objets précités encourent les mêmes peines si elles omettent, y compris par négligence, de tenir jour par jour un registre permettant l’identification des vendeurs.

Ce registre peut être tenu exclusivement sous une forme électronique à condition que le traitement automatisé garantisse l’intégrité, l’intangibilité et la sécurité des données enregistrées (56). C’est même une obligation pour les opérateurs de ventes volontaires (57).

En revanche, il n’est aujourd’hui nullement imposé que le registre de police informatisé comporte la photographie des objets commercialisés : une description écrite suffit… alors que, d’après plusieurs des personnes entendues, l’insertion d’une photographie serait nécessaire pour assurer une meilleure traçabilité des œuvres et objets d’art. Lors de son audition, la ministre de la Culture et de la Communication, Mme Audrey Azoulay, a abondé en ce sens.

Proposition n° 1 Rendre obligatoire l’insertion de photographies des œuvres et objets d’art dans le registre de police qui doit être tenu par les professionnels du marché de l’art en application de l’article 321-7 du code pénal.

Par ailleurs, quand on sait que 10 % à 20 % des œuvres et objets faisant l’objet de transactions sur le marché mondial de l’art seraient des faux, que la place parisienne a été secouée ces derniers mois par deux affaires retentissantes relatives à de « faux meubles XVIII», et que le commerce des « antiquités de sang » se développe, notamment à la faveur des conflits au Proche et au Moyen Orient et de l’émergence de ports francs où les biens pillés sommeillent parfois plusieurs années avant que leur histoire ne soit « réinventée » en vue de leur vente de gré à gré ou aux enchères publiques (ce qui permet de les « blanchir sous le marteau »), le rapporteur estime nécessaire de défendre un standard international élevé d’exigences en matière de lutte contre le trafic d’œuvres d’art (58).

Quelques pistes de réflexion ont été suggérées à la mission, comme la création d’un registre de police dans l’ensemble des pays du globe, car il faut savoir que, si un tel registre existe aujourd’hui en France, en Espagne et en Italie, il est encore absent dans de nombreux pays, à commencer par le Royaume-Uni.

Dans le cadre des travaux sur la quatrième directive sur la lutte contre le blanchiment, TRACFIN a fait des propositions pour que les marchands de biens précieux (dont la définition reste délicate : s’agit-il des objets d’art ? des objets de luxe ?) soient dotés d’une autorité de contrôle et de sanction.

TRACFIN promeut également la nécessité d’intégrer, au niveau international, le maximum d’opérateurs vendant des biens précieux dans le dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme : les standards du GAFI devraient être rehaussés, afin d’inclure les professionnels de l’art dans leur périmètre. À cet égard, il faut faire valoir l’avantage que présente ce dispositif pour ces professionnels : en effet, lorsqu’ils ont fait une déclaration de soupçon, ils bénéficient d’une exonération de responsabilité pénale. C’est d’autant plus avantageux qu’une déclaration de soupçon est confidentielle : ni le professionnel ni TRACFIN ne communiquent autour de celle-ci. Et TRACFIN a l’interdiction formelle de révéler l’identité de sa source.

TRACFIN a en outre proposé la création d’un registre des bénéficiaires effectifs des opérations, car il faut indubitablement améliorer leur identification (notamment s’ils sont installés dans des pays à fiscalité privilégiée).

Du point de vue du rapporteur, toutes ces préconisations méritent de faire l’objet d’un examen attentif, au même titre que celles qu’il formule en matière de fiscalité du marché de l’art.

B. PROPOSITIONS POUR DESSINER UNE FISCALITÉ À LA FOIS JUSTE ET MIEUX ADAPTÉE AUX SPÉCIFICITÉS DU MARCHÉ DE L’ART

De nombreuses propositions de réformes de la fiscalité applicable au marché de l’art ont été soumises à la mission. S’il est convaincu que l’outil de la fiscalité doit être utilisé pour favoriser le dynamisme et l’attractivité du marché de l’art français, le rapporteur estime cependant que cet objectif doit être combiné avec l’exigence de justice fiscale et sociale, ce qui l’a conduit à écarter certaines des propositions avancées.

1. Exonérer temporairement le produit de la vente d’œuvres d’art de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), sous condition de remploi

Avant même d’envisager les différentes préconisations qui ont pu être adressées à la mission en matière d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), le rapporteur souhaiterait préciser les raisons pour lesquelles il n’a pas retenu une proposition de réforme portant sur la fiscalité des successions.

Certaines des personnes entendues ont effet indiqué que la « peur du fisc » ressentie par les acteurs du marché de l’art, et principalement par les collectionneurs, se nourrissait, en autres, des règles d’évaluation des biens dans le cadre des successions.

En effet, l’article 764 du code général des impôts (CGI) fixe les règles d’évaluation des meubles meublants et des objets d’art, de collection ou d’antiquité au moment de la succession. Ce texte prévoit que la valeur de ces biens est déterminée, sauf preuve contraire :

– soit par le prix exprimé dans les actes de vente, lorsque cette vente a lieu publiquement dans les deux années à compter du décès ;

– soit, à défaut d’actes de vente, par l’estimation contenue dans les inventaires, s’il en est dressé dans les formes prescrites par l’article 789 du code civil, et dans les cinq années à compter du décès, pour les meubles meublants, et par l’estimation contenue dans les inventaires et autres actes, s’il en est passé, dans le même délai, pour les autres biens meubles ;

– soit, à défaut d’actes de vente et d’inventaires, par la déclaration détaillée et estimative des parties – étant précisé que, pour les meubles meublants, et sans que l’administration ait à en justifier l’existence, la valeur imposable ne peut être inférieure à 5 % de l’ensemble des autres valeurs mobilières et immobilières de la succession.

Par ailleurs, pour ce qui concerne les bijoux, pierreries, objets d’art ou de collection, la valeur imposable ne peut être inférieure à l’évaluation faite dans les contrats ou conventions d’assurances contre le vol ou contre l’incendie en cours au jour du décès et conclus par le défunt, son conjoint ou ses auteurs, moins de dix ans avant l’ouverture de la succession, sauf preuve contraire.

Des critiques ont pu être émises au sujet de ce système, qui exige que l’on déclare la propriété d’œuvres d’art sans que cela soit pour autant fiscalisé au titre de l’ISF : « soit c’est déclaratif et fiscalisé, soit ce n’est pas imposé, et alors il n’y a aucune déclaration à faire », a-t-on dit, en déplorant que les œuvres s’entreposent en conséquence dans les ports francs, dont celui de Genève dont les collections auraient aujourd’hui une valeur supérieure à celles du Louvre.

Il a en effet pu être avancé que le fait que l’évaluation des objets d’art, dans le cadre des successions, repose sur l’évaluation faite dans les contrats d’assurances dissuade les propriétaires desdits objets d’art de les assurer, et, plus généralement, d’en faire connaître l’existence, de les montrer, de les acheter et de les vendre – d’autant plus que, si les objets d’art ne sont pas compris dans l’assiette de l’ISF, le produit de leur vente l’est, en revanche.

Afin de rendre la fiscalité plus prévisible, il a été proposé que les œuvres et objets d’art soient systématiquement réputés inclus dans les meubles meublants dont la valeur imposable serait plafonnée à 5 % de l’ensemble des autres valeurs mobilières et immobilières de la succession.

Il est vrai que, par le passé, la question s’est posée de savoir si les œuvres et objets d’art pouvaient se voir appliquer le forfait de 5 % applicable à l’évaluation des meubles meublants. Dans un arrêt « Tenoudji » du 17 octobre 1995, la Cour de cassation, statuant en sa chambre commerciale, a opéré une distinction entre les œuvres d’art de décoration (susceptibles de se voir appliquer le forfait) et les œuvres d’art de collection (insusceptibles de se voir appliquer le forfait) (59).

La proposition formulée auprès de la mission consistait à abolir cette distinction entre œuvres d’art de décoration et œuvres d’art de collection pour appliquer à l’ensemble des œuvres et objets d’art le régime dégagé par l’arrêt « Tenoudji » pour les œuvres d’art de décoration. Autrement dit, il faudrait leur appliquer le forfait de 5 %.

Le rapporteur estime que les conséquences d’une telle réforme seraient excessives : imaginons une succession dont l’actif serait composé d’un immeuble d’une valeur de 500 000 euros et d’un tableau estimé 2 millions d’euros (hypothèse qui pourrait ne pas être d’école) : la réforme suggérée conduirait à considérer que, pour la détermination de l’impôt dont seraient redevables les héritiers, le tableau d’une valeur de 2 millions d’euros serait réputé valoir 5 % de l’immeuble… soit 25 000 euros.

Outre que, dans une conjoncture peu propice, l’application du régime des meubles meublants à l’ensemble des œuvres et objets d’art, sans distinction, représenterait un manque à gagner non négligeable pour l’État, une telle mesure créerait une rupture d’égalité devant l’impôt difficilement justifiable entre les héritiers qui se voient transmettre un actif successoral comprenant des œuvres et objets d’art et ceux qui bénéficient de successions dépourvues de tels biens.

Pour les mêmes exigences d’égalité devant les charges publiques, le rapporteur n’a pas souhaité faire sienne la proposition qui lui a été faite d’étendre, à l’ensemble des sociétés civiles propriétaires d’œuvres ou objets d’art, l’exonération d’ISF dont bénéficient aujourd’hui certaines société civiles propriétaires de monuments historiques classés ou inscrits.

En effet, l’article 885 I du code général des impôts prévoit que l’exonération d’ISF prévue pour les objets d’antiquité, d’art ou de collection s’applique, à concurrence de la fraction de la valeur des parts représentatives de ces objets, aux parts des sociétés civiles mentionnées à l’article 795 A du même code, c’est-à-dire aux parts des sociétés civiles qui détiennent en pleine propriété et gèrent des biens immeubles par nature ou par destination qui sont, pour l’essentiel, classés ou inscrits sur l’inventaire supplémentaire des monuments historiques, ainsi que des biens meubles qui en constituent le complément historique ou artistique (60).

Autrement dit, les sociétés civiles à caractère familial propriétaires de monuments historiques classés ou inscrits bénéficient non seulement d’une exonération de droits de mutation à titre gratuit pour leurs immeubles classés ou inscrits et pour les meubles qui en constituent le complément historique ou artistique, mais aussi d’une exonération d’ISF pour les objets d’antiquité, d’art et de collection dont elles sont propriétaires.

À l’inverse, les sociétés civiles propriétaires d’œuvres ou objets d’art qui ne sont pas dans le même temps propriétaires de monuments historiques ne bénéficient pas d’une exonération d’ISF : cette exonération ne profite qu’aux membres du foyer imposable à l’ISF qui détiennent directement des œuvres ou objets d’art, et en aucun cas à ceux qui les détiennent indirectement, par exemple par le biais d’une personne morale comme une société civile.

Dans un souci de pérennisation et de transmission des collections, il a été proposé d’étendre cette exonération d’ISF à l’ensemble des sociétés civiles propriétaires d’œuvres et objets d’art, quelles qu’elles soient, à caractère familial ou non, propriétaires ou non de monuments historiques (61).

Le rapporteur n’estime pas souhaitable que des sociétés civiles, potentiellement dépourvues de tout caractère familial, se constituent avec pour seule finalité d’acquérir et de détenir des œuvres et objets d’art en franchise de tout impôt de solidarité sur la fortune.

En revanche, le rapporteur estime utile au renouvellement des collections, à la circulation des œuvres et objets d’art et donc au dynamisme du marché de l’art, d’exonérer temporairement d’ISF le produit de la vente de ces biens, sous condition de remploi.

En effet, si les œuvres et objets d’art ne sont pas inclus dans l’assiette de l’ISF, le produit de leur vente l’est, en revanche : cela dissuade bien des propriétaires d’œuvres et objets d’art de les vendre.

Afin de favoriser la « liquidité » du marché de l’art en France, on pourrait donc imaginer que le produit de la vente d’œuvres et objets d’art soit exonéré d’ISF si les fonds en question sont remployés dans l’acquisition d’autres œuvres d’art dans un délai de deux ans à compter la vente. On pourrait imaginer en outre que cette exonération temporaire d’ISF soit subordonnée à la condition que la vente ait eu lieu en France.

Cette mesure permettrait également d’éviter que les fonds issus de ventes aux enchères réalisées à l’étranger par un résident français ne soient maintenus dans le pays de la transaction, à des fins d’évasion fiscale ou de blanchiment.

Interrogés, lors de leur audition, sur cette proposition qui reviendrait à favoriser la constitution de réserves de trésorerie exonérées d’ISF sur deux ans, les représentants du ministère de l’Économie et des Finances se sont montrés plutôt réservés.

Le rapporteur ne partage pas ces réserves, dans la mesure où, d’après ces mêmes fonctionnaires, le délai moyen qui existe aujourd’hui entre la date de la vente d’œuvres et objets d’art et celle de l’imposition du produit de la vente à l’ISF est d’environ un an. Il s’agirait simplement d’allonger ce délai d’une année supplémentaire afin de permettre aux collectionneurs soucieux de renouveler leur collection en vendant sur le marché français de bénéficier d’un peu de temps pour effectuer des acquisitions susceptibles de bénéficier du régime d’exonération d’ISF.

Proposition n° 2 Exonérer temporairement d’ISF le produit de la vente d’œuvres et objets d’art à la condition que ces biens soient vendus en France et que le produit de leur vente soit remployé dans l’acquisition d’œuvres et objets d’art dans un délai de deux ans à compter de la vente.

Du point de vue du rapporteur, de la même façon que le régime de l’ISF doit être défini de façon à favoriser le plus possible le marché de l’art français, dans le respect des règles européennes, de même le régime de la taxe forfaitaire devrait être revisité avec le même objectif et dans le respect des mêmes contraintes.

2. Différencier le taux de la taxe forfaitaire selon que l’œuvre ou l’objet d’art est vendu ou exporté au sein ou en dehors de l’Union européenne

Le particulier ou l’association qui vend ou exporte une œuvre d’art, de collection ou d’antiquité dispose d’un choix entre une taxation forfaitaire prévue à l’article 150 VK du code général des impôts d’une part, et, d’autre part, une taxation de droit commun prévue à l’article 150 VL du même code, qui ne peut toutefois être retenue que dans l’hypothèse où le vendeur dispose d’éléments de preuves sur la date, la description et le prix d’acquisition du bien, ou dans celle où il détiendrait le bien depuis plus de 22 ans. À défaut de tels éléments, le vendeur sera obligatoirement assujetti à la taxe forfaitaire.

Lorsque le vendeur ou l’exportateur dispose d’éléments prouvant l’origine du bien, il peut opter entre le régime de la taxe forfaitaire et le régime de droit commun de taxation des plus-values sur les biens meubles prévu par l’article 150 UA du code général des impôts.

Ce dernier régime de taxation suppose de déterminer :

– d’abord, la plus-value brute égale à la différence entre le prix d’acquisition et le prix de cession (ou la valeur en douane, en cas d’exportation) ;

– ensuite, la plus-value imposable, en tenant compte de l’abattement de 5 % qui est applicable à chaque année de détention au-delà de la deuxième année de détention (ce mécanisme d’abattements conduit à exonérer la plus-value de toute imposition au bout de la vingt-deuxième année de détention) ;

– enfin, le montant de l’impôt à payer, qui correspond à 34,5 % du montant de la plus-value imposable (taux proportionnel de 19 % + 15,5 % de prélèvements sociaux).

Le régime d’imposition forfaitaire s’applique lorsque le vendeur ou l’exportateur d’un objet d’art, de collection ou d’antiquité ne dispose pas de preuve de l’origine de l’œuvre ou lorsque, bien que disposant d’éléments de preuve, ce régime s’avère plus avantageux que le régime général de taxation des plus-values.

Ce régime conduit à l’application d’une taxe forfaitaire de 6 % du prix de vente du bien à laquelle s’ajoute 0,5 % de contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) – soit un taux de taxation total de 6,5 %. Pour la vente de métaux précieux, le montant de la taxe est de 10 % (+ 0,5 % de CRDS).

La taxe est calculée sur le prix de cession, s’il s’agit d’une vente, ou sur la valeur en douane, s’il s’agit d’une exportation.

La taxe, qui tient lieu d’imposition sur la plus-value, est supportée par le vendeur ou l’exportateur (selon le cas) lorsque l’acquéreur est un particulier ou un professionnel établi hors de France.

Toutefois, lorsque l’acquéreur est un professionnel, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et établi en France, c’est lui qui est redevable de la taxe forfaitaire.

Le rapporteur estime qu’il faudrait différencier le taux de la taxe forfaitaire selon que l’œuvre ou l’objet d’art est vendu ou exporté dans l’Union européenne (le taux pourrait alors être inférieur à 6,5 %) ou hors de l’Union européenne (le taux pourrait alors être supérieur à 6,5 %).

Cette différenciation du taux de la taxe forfaitaire permettrait de favoriser la vente ou l’exportation d’œuvres et d’objets d’art sur le territoire de l’Union européenne – ce qui, en termes de ressources fiscales, ne pourrait qu’être favorable aux États membres – et donc de contenir l’« hémorragie » dont souffrent aujourd’hui la France et l’Europe au bénéfice des places américaines et asiatiques dont notre continent ne doit pas devenir le simple « grenier ».

Proposition n° 3 Instaurer une différenciation de taux de la taxe forfaitaire sur la vente ou l’exportation des œuvres et objets d’art, selon que ceux-ci sont vendus ou exportés au sein ou en dehors de l’Union européenne.

3. Revenir sur la doctrine de l’administration fiscale en matière de mécénat des artistes vivants

L’article 238 bis AB du code général des impôts autorise les entreprises qui font l’acquisition d’œuvres originales d’artistes vivants à déduire du résultat de l’exercice d’acquisition et des quatre années suivantes, par fractions égales, une somme équivalente au prix d’acquisition. Ces entreprises peuvent donc déduire, chaque année pendant 5 ans, 20 % du prix d’acquisition d’œuvres d’artistes vivants, à la double condition toutefois que :

– la réduction effectuée au titre de chaque exercice soit inférieure à cinq millièmes du chiffre d’affaires de l’année ;

– les œuvres concernées soient inscrites à un compte d’actif immobilisé et exposées pendant 5 ans dans un lieu accessible au public.

Or, alors que l’esprit de la loi – tel qu’il ressort des débats parlementaires autour de la loi n° 2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations, et plus précisément du rapport et des interventions en séance publique du sénateur Yann Gaillard, rapporteur – est de favoriser une interprétation la plus large possible de la notion d’accessibilité au public, l’administration fiscale a adopté une acception restrictive de cette notion.

Le sénateur Yann Gaillard a écrit dans son rapport que « l’exposition doit avoir lieu dans un lieu “ accessible au public ” et pas simplement un lieu spécialement destiné à l’exposition des œuvres. De ce point de vue, il ne serait pas nécessaire pour une entreprise d’ouvrir une galerie d’exposition, mais il suffirait que les œuvres soient par exemple présentes dans un hall d’entrée » (62). Et M. Yann Gaillard a réitéré cette précision lors des débats sur le texte en séance publique (63).

Pourtant, lors de la refonte du Bulletin officiel des finances publiques (BOFIP), l’administration fiscale semble avoir limité l’étendue de la notion d’accessibilité au public en décidant qu’elle ne devait pas s’entendre seulement de l’accessibilité aux clients et aux salariés de l’entreprise mais d’une accessibilité permanente à un public plus large.

Le BOFIP relatif aux dépenses d’acquisition d’œuvres d’artistes vivants rendues déductibles de l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux qui a été publié le 2 décembre 2015 précise que « l’exposition de l’œuvre, qui est la contrepartie essentielle et obligatoire de l’avantage fiscal accordé à l’entreprise par la collectivité, peut être réalisée :

« – dans les locaux de l’entreprise ou lors de manifestations organisées par elle ou par un tiers (un musée, une collectivité territoriale ou un établissement public auquel le bien aura été confié). Dans ce cas, le bien doit être situé dans un lieu effectivement accessible au public ou aux salariés, à l’exception de leurs bureaux. L’œuvre ne doit donc pas être placée dans un local réservé à une personne ou à un groupe restreint de personnes. Tel serait le cas notamment si le bien était situé dans un bureau personnel, dans une résidence personnelle ou si le lieu d’exposition était réservé aux seuls clients de l’entreprise. Une entreprise qui exposerait l’œuvre dans un lieu accessible aux seuls clients de l’entreprise et également au profit d’un public plus large, à l’occasion d’une manifestation annuelle ponctuelle, ne pourrait bénéficier de la déduction fiscale susvisée dans la mesure où l’œuvre n’est exposée que ponctuellement au profit d’un public plus large, et non pendant toute la période de cinq ans ;

« – dans un musée auquel le bien est mis en dépôt ;

« – par une région, un département, une commune ou un de leurs établissements publics ou un établissement public à caractère scientifique, culturel ou professionnel.

« Quelles que soient les modalités d’exposition au public adoptées par l’entreprise, le public doit être informé du lieu d’exposition et de sa possibilité d’accès au bien. L’entreprise doit donc communiquer l’information appropriée au public, par des indications attractives sur le lieu même de l’exposition et par tous moyens promotionnels adaptés à l’importance de l’œuvre » (64).

Subordonner le bénéfice du régime fiscal de mécénat des artistes vivants à des conditions aussi restrictives revient à imposer aux entreprises d’ouvrir l’équivalent de galeries d’exposition, ce qui paraît difficile pour les plus petites d’entre elles et par ailleurs contraire à l’intention du législateur telle qu’elle a été exprimée lors de travaux parlementaires par le sénateur Yann Gaillard.

Afin de favoriser l’appropriation et la mise en œuvre du mécénat des artistes vivants par le plus large spectre d’entreprises, y compris les petites et moyennes entreprises, et afin de remédier à l’insécurité juridique de cette nouvelle définition de la notion d’accessibilité au public qui inquiète un certain nombre d’entrepreneurs, le rapporteur estime nécessaire que l’administration fiscale revienne sur l’interprétation très restrictive qu’elle a faite de la condition d’accessibilité au public requise pour bénéficier des dispositifs fiscaux en matière de mécénat des artistes vivants.

Proposition n° 4 Revenir sur l’interprétation restrictive de la notion d’accessibilité au public mise en œuvre par la doctrine fiscale en matière de mécénat des artistes vivants.

Outre la notion d’exposition au public, c’est aussi le plafond de déduction et le périmètre de ce dispositif de mécénat qui doivent être repensés, du point de vue du rapporteur.

4. Augmenter le plafond de la déduction fiscale ouverte aux entreprises au titre de l’acquisition d’œuvres originales d’artistes vivants

En application de l’article 238 bis AB du code général des impôts, les sommes relatives aux acquisitions d’œuvres originales d’artistes vivants ne sont déductibles de l’impôt sur les sociétés ou sur les bénéfices industriels et commerciaux de l’entreprise que dans la limite de 5 ‰ de son chiffre d’affaires, diminuée des réductions d’impôt dont l’entreprise aura par ailleurs pu bénéficier au titre de l’article 238 bis du code précité.

Pour mémoire, cet article 238 bis prévoit qu’ouvrent droit à une réduction d’impôt égale à 60 % de leur montant les versements, pris dans la limite de 5 pour mille du chiffre d’affaires, effectués par les entreprises assujetties à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés, notamment au profit d’œuvres ou d’organismes d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises, ou encore au profit de fondations ou associations reconnues d’utilité publique ou des musées de France.

Le plafond de la déduction fiscale dont sont susceptibles de bénéficier les entreprises qui acquièrent des œuvres originales d’artistes vivants est donc très bas… Par exemple, pour une entreprise qui aura réalisé au cours de l’exercice N un chiffre d’affaires d’un million d’euros, qui aura effectué au cours du même exercice des dons aux œuvres pour un montant de 4 000 euros et qui aura acquis une œuvre d’artiste vivant pour un montant de 20 000 euros, la limite globale de prise en compte des versements sera de 5 000 euros (5 ‰ d’un million d’euros). Les versements effectués au titre de l’article 238 bis du code général des impôts étant de 4 000 euros, cette entreprise ne pourra plus déduire au titre de l’article 238 bis AB du même code que 1 000 euros (5 000 euros – 4 000 euros), alors qu’elle aurait pu, en l’absence de plafond global, déduire 4 000 euros (20 000 euros / 5). En outre, le montant n’ayant pu être déduit au cours de l’exercice N (en l’espèce 3 000 euros) ne pourra être reporté et sera donc définitivement perdu (65).

Cet exemple montre combien l’actuel plafond de déduction des dépenses exposées par les entreprises pour l’acquisition d’œuvres originales d’artistes vivants n’invite guère ces dernières, et notamment celles d’entre elles dont le chiffre d’affaires est le plus faible, à investir dans l’art contemporain.

D’après plusieurs des personnes entendues par la mission, la culture d’entreprise française, peu encline à investir dans des formes d’art contemporain qui apparaissent souvent comme élitistes, voire comme des « caprices des patrons », tranche avec l’engouement constaté chez les entrepreneurs allemands pour l’art en général, et l’art contemporain en particulier – et ce quelle que soit la taille de l’entreprise outre-Rhin.

Afin d’importer dans le plus grand nombre d’entreprises de notre pays (y compris les très petites, petites et moyennes entreprises) cette culture du mécénat et de l’investissement dans les œuvres d’artistes vivants, qui ne pourrait que profiter à la visibilité des artistes qui créent sur notre sol, le rapporteur estime nécessaire que l’outil de la fiscalité soit plus incitatif, ce qui pourrait notamment passer par un rehaussement du plafond de 5 ‰ du chiffre d’affaires qui s’applique à la déduction fiscale ouverte aux entreprises au titre de l’acquisition d’œuvres d’artistes vivants.

Pour mémoire, dans le rapport qu’il a remis en 2008 à Mme Christine Albanel, alors ministre de la Culture et de la Communication, M. Martin Bethenod notait que le plafond uniforme de 5 ‰ (ou 0,5 %) retenu par le législateur, sans considération pour le niveau atteint par le chiffre d’affaires de l’entreprise, demeurait insuffisamment porteur en ce qui concerne les petites entreprises, et il recommandait en conséquence de prévoir des seuils différenciés en fonction du niveau du chiffre d’affaires des entreprises intéressées : l’échelle de seuils serait fonction décroissante du chiffre d’affaires des entreprises concernées, pour mieux adapter les modalités d’application du dispositif selon leur taille (66).

Proposition n° 5 Augmenter le plafond de la déduction fiscale ouverte aux petites et moyennes entreprises au titre de l’acquisition d’œuvres originales d’artistes vivants.

Interrogée sur cette proposition lors de son audition, la ministre de la Culture et de la Communication, Mme Audrey Azoulay, s’y est déclarée favorable, estimant que le plafond actuel de la déduction fiscale au titre de l’acquisition d’œuvres originales d’artistes vivants était un frein pour les petites et moyennes entreprises. Elle a indiqué que la mesure pouvait prendre deux formes : soit une franchise de 100 000 euros au-delà de laquelle s’appliquerait le plafond de 5 ‰ du chiffre d’affaires, soit un barème dégressif de seuils différenciés en fonction du chiffre d’affaires des entreprises.

Au-delà de cette augmentation du plafond de déductibilité des dépenses liées à l’acquisition d’œuvres d’artistes vivants, le dispositif fiscal encadrant le mécénat de ces artistes gagnerait à être étendu à un panel de professionnels plus large qu’il ne l’est aujourd’hui, voire aux non-professionnels.

5. Ouvrir le dispositif fiscal du mécénat des artistes vivants aux professionnels indépendants et aux particuliers

Le dispositif prévu par l’article 238 bis AB du code général des impôts concerne les sociétés soumises, de plein droit ou sur option, à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun, ainsi que celles qui relèvent du régime fiscal des sociétés de personnes, quelle que soit la nature de l’activité professionnelle de l’entreprise.

Les professionnels indépendants qui ne sont pas redevables de l’impôt sur les sociétés, et notamment les professionnels libéraux qui sont assujettis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, semblent donc exclus de ce dispositif.

C’est du moins ce qui ressort de la réponse que le Gouvernement a adressée, le 10 mars 2015, à une question écrite de notre collègue Yves Foulon (67). Le ministre du Budget estime en effet que « les entreprises soumises à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC) […] sont exclues de ce dispositif ». En effet, la déduction spéciale instituée par l’article 238 bis AB précité est soumise à l’exigence de l’inscription, sur un compte de réserve spéciale, d’une somme équivalente à la déduction opérée – exigence qui, compte tenu de leurs obligations juridiques et comptables, a pour effet d’exclure du dispositif les entreprises individuelles et les titulaires de bénéfices non commerciaux.

Il est regrettable que les professions indépendantes, notamment libérales, soient ainsi écartées d’un dispositif dont le rapporteur estime qu’il devrait être étendu à l’ensemble des personnes assujetties à l’impôt sur le revenu ou sur les sociétés, qu’elles soient des professionnels ou des particuliers.

Si, pour des raisons juridiques et comptables, il peut être difficile d’étendre aux professions libérales et aux particuliers un dispositif rigoureusement identique à celui prévu par l’article 238 bis AB du code général des impôts, le rapporteur juge que des pistes devraient être explorées pour ouvrir le dispositif fiscal du mécénat des artistes vivants au plus grand nombre de contribuables.

On pourrait imaginer que l’acquisition d’œuvres originales d’artistes vivants ouvre droit à une réduction d’impôt selon un mécanisme comparable à celui prévu par l’article 200 du code général des impôts (68), pour les particuliers, et par l’article 238 bis du même code, pour les entreprises. Tant cette réduction que le prix de l’œuvre dont l’acquisition ouvrirait droit à réduction d’impôt pourraient, bien sûr, être plafonnés.

On pourrait également imaginer que le bénéfice de cette réduction d’impôt soit subordonné à la condition que l’artiste dont les œuvres sont acquises soit affilié à la Maison des artistes.

En effet, l’adhésion à cette association d’artistes auteurs d’œuvres graphiques et plastiques qui, depuis 1965, est agréée par l’État pour gérer leur Sécurité sociale (69), n’est pas obligatoire.

On estime que, sur les quelque 150 000 artistes qui vendent aujourd’hui à titre professionnel ou amateur dans notre pays, et plus précisément sur les 57 000 artistes graphistes et plasticiens plus particulièrement identifiés, seuls 20 000 adhèrent à l’association. Celle-ci gère avec peu de moyens le régime de Sécurité sociale des artistes concernés qui, malgré le niveau assez faible des cotisations (16 % du bénéfice réalisé), est excédentaire (70).

Le président de la Maison des artistes, M. Rémy Aron, a estimé devant la mission que la subordination de la réduction d’impôt au titre de l’acquisition d’œuvres originales d’artistes vivants à la condition que ces œuvres soient celles d’artistes adhérents à la Maison des artistes permettrait, d’une part, d’identifier plus clairement le périmètre de la mesure, et, d’autre part, de lutter contre l’évasion sociale. En effet, en incitant directement les particuliers, les professions libérales et les entreprises (qu’elles soient, ou non, individuelles) à acheter des œuvres à des artistes « déclarés » et cotisants, et en favorisant ainsi l’augmentation des ventes de ces artistes, la subordination de la réduction d’impôt à cette condition inciterait indirectement les autres artistes, même amateurs, à adhérer et à cotiser à la Maison des artistes.

Tout en évitant à la Maison des artistes de recourir à des méthodes coercitives auxquelles elle ne peut d’ailleurs pas recourir, la subordination du bénéfice de la réduction d’impôt à l’adhésion de l’artiste à cette association contribuerait à valoriser la professionnalisation des artistes graphistes et plasticiens.

Comme nombre de personnes entendues, le rapporteur considère que l’ouverture, aux professionnels indépendants et aux particuliers, de dispositifs fiscaux favorisant l’acquisition d’œuvres originales d’artistes vivants adhérents à la Maison des artistes pourrait contribuer significativement à l’investissement dans les œuvres d’artistes qui créent et cotisent dans notre pays, pour le plus grand bien de la création et de notre marché de l’art contemporain.

L’extension du dispositif prévu par l’article 238 bis AB du code général des impôts aux entreprises individuelles et aux professions libérales était d’ailleurs la première recommandation du rapport remis en 2008 par M. Martin Bethenod à Mme Christine Albanel, alors ministre de la Culture et de la Communication. Ce rapport relevait que « la restriction maintenue par le législateur a ainsi pour conséquence d’exclure du mécanisme les professions libérales qui sont parmi les principaux clients des galeries, des antiquaires ou des sociétés de ventes volontaires » et que « non seulement cette clientèle est importante pour les professionnels, mais elle joue en outre un rôle prescripteur déterminant, en particulier compte tenu de sa présence sur l’ensemble du territoire » (71). En conséquence, il était recommandé que l’administration fiscale admette que la condition selon laquelle une somme égale à la déduction opérée fait l’objet d’une inscription sur un compte de réserve ne puisse être opposée aux entreprises individuelles et aux titulaires de bénéfices non commerciaux qui ne peuvent, en tout état de cause, la satisfaire.

Proposition n° 6 Étendre aux professionnels indépendants, notamment libéraux, ainsi qu’aux particuliers, les dispositifs fiscaux favorisant l’acquisition d’œuvres originales d’artistes vivants et adhérents à la Maison des artistes.

Le rapporteur estime qu’une telle mesure serait plus juste socialement, plus profitable aux artistes qui créent dans notre pays et, indirectement, plus propice à l’essor de notre marché de l’art contemporain que l’instauration d’un crédit d’impôt au bénéfice des maisons de ventes – mesure qui a également été proposée à la mission.

Il a en effet été suggéré de mettre en place un crédit d’impôt sur le modèle de celui qui existe dans le secteur cinématographique pour permettre aux maisons de ventes de déduire de leur impôt sur les sociétés tout ou partie des frais exposés pour transporter, entreposer, assurer, promouvoir et présenter dans leurs catalogues les œuvres et objets d’art.

S’il est possible qu’une telle mesure profite à certaines structures – à commencer par les plus rentables – sur le « second marché », en créant un flux entrant d’œuvres et objets d’art et en contrecarrant les effets de la TVA à l’importation qui n’incite pas à acheter des œuvres et objets d’art vendus à l’étranger, le rapporteur estime que la redynamisation du « second marché » passe d’abord par celle du « premier marché », et donc par celle de la création (72).

6. Étendre le champ des dispositifs fiscaux favorisant l’acquisition de trésors nationaux

Il est rappelé que, lorsqu’une œuvre ou un objet d’art doit être exporté et qu’il présente une ancienneté et une valeur supérieures aux seuils prévus par l’annexe 1 à la partie réglementaire du code du patrimoine, le bien en question est déclaré « bien culturel » et doit en conséquence faire l’objet d’une demande d’autorisation de sortie du territoire. Si, après saisine de la commission consultative des trésors nationaux, le ministère de la Culture et de la communication refuse la demande d’autorisation de sortie du territoire, le bien culturel est déclaré « trésor national » et devient inexportable.

Pendant le délai de 30 mois dont disposent les propriétaires de ce « trésor national » avant de pouvoir à nouveau demander une autorisation de sortie du territoire, l’État peut présenter au propriétaire une offre d’achat qui tienne compte des prix sur le marché international.

Afin de permettre à l’État de financer cette acquisition, l’article 238 bis-O A du code général des impôts lui offre la possibilité de trouver des ressources auprès des entreprises imposées à l’impôt sur les sociétés qui peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt égale à 90 % des versements qu’elles effectuent en faveur de l’achat de biens culturels présentant le caractère de trésors nationaux ayant fait l’objet d’un refus de délivrance d’un certificat d’exportation par l’autorité administrative. La réduction d’impôt, qui ne peut être supérieure à 50 % du montant de l’impôt dû par l’entreprise, s’applique sur l’impôt sur les sociétés dû au titre de l’exercice au cours duquel les versements sont acceptés par les ministres chargés de la Culture et du Budget. Cette réduction d’impôt est également applicable, après avis motivé de la commission consultative des trésors nationaux, aux versements effectués par les entreprises en faveur de l’achat de biens culturels situés en France ou à l’étranger dont l’acquisition présenterait un intérêt majeur pour le patrimoine national au point de vue de l’histoire, de l’art ou de l’archéologie.

Dans une contribution écrite qu’il a fournie à la mission, M. Guillaume Cerutti a indiqué que, si ce dispositif de mécénat a plutôt bien fonctionné depuis sa création par la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France, il ne s’applique cependant que dans le cadre de ventes de gré à gré, et pas dans le cadre de ventes aux enchères publiques.

Or les institutions publiques, à commencer par les musées, sont amenées à préempter des œuvres et objets d’art dans le cadre de ces ventes (73).

Par conséquent, l’exercice du droit préemption dans une vente publique se déroulant en France ne permet pas à l’État (à la collectivité ou personne morale pour le compte de laquelle ce dernier exerce ce droit) de solliciter le concours d’entreprises pour lui permettre de procéder plus facilement à l’acquisition. Par ailleurs, la diminution des crédits d’acquisition des musées nationaux a conduit à une baisse des possibilités de préemption en vente publique de la part de nos institutions publiques.

Afin de mieux protéger le patrimoine national et de l’enrichir, le rapporteur estime, comme M. Guillaume Cerutti, qu’il serait utile d’étendre l’application des dispositions de l’article 238 bis-O A du code général des impôts aux préemptions d’œuvres et objets d’art en vente publique.

Un décret pourrait notamment préciser le montant minimal de la valeur des œuvres pour lesquelles cette mesure s’appliquerait et le délai dont disposerait l’État après la vente pour procéder à la recherche du financement et la confirmation de son paiement. Quant aux maisons de ventes, elles seraient invitées à modifier leurs conditions de vente pour informer leurs clients vendeurs de cette disposition, susceptible d’entraîner un allongement du délai usuel de paiement après la vente en cas d’exercice du droit de préemption par l’État.

Exercice par l’État du droit de préemption

La réglementation relative aux trésors nationaux ne doit pas être confondue avec le mécanisme du droit de préemption, qui, instauré par une loi du 31 décembre 1921, permet à l’État de se substituer à l’adjudicataire (dans le cadre d’une vente aux enchères publiques) ou à l’acheteur (dans le cadre d’une vente de gré à gré). Sans pour autant entrer dans le jeu des enchères, l’État acquiert le bien au dernier prix retenu pour la cession du bien.

En application de l’article L. 123-1 du code du patrimoine, l’État peut exercer, sur toute vente publique d’œuvres d’art ou, à l’issue des enchères, sur toute vente de gré à gré d’œuvres d’art déclarées non adjugées, un droit de préemption par l’effet duquel il se trouve subrogé à l’adjudicataire ou à l’acheteur.

La déclaration, faite par l’autorité administrative, qu’elle entend éventuellement user de son droit de préemption, est formulée, à l’issue de la vente, entre les mains de l’officier public ou ministériel dirigeant les adjudications ou de l’opérateur habilité à organiser la vente publique ou la vente de gré à gré.

L’officier public ou ministériel chargé de procéder à la vente publique ou l’opérateur habilité à organiser une telle vente en donne avis à l’autorité administrative au moins quinze jours à l’avance, avec toutes indications utiles concernant lesdits biens. L’officier public ou ministériel ou l’opérateur informe en même temps l’autorité administrative du jour, de l’heure et du lieu de la vente. L’envoi d’un catalogue avec mention du but de cet envoi peut tenir lieu d’avis. L’opérateur habilité à procéder à la vente de gré à gré notifie sans délai la transaction à l’autorité administrative, avec toutes indications utiles concernant lesdits biens.

La décision de l’autorité administrative de faire, ou non, usage de son droit de préemption doit intervenir dans le délai de quinze jours après la vente publique ou après la notification de la transaction de gré à gré.

L’État peut également exercer ce droit de préemption à la demande et pour le compte d’une collectivité territoriale ou d’une personne morale de droit privé sans but lucratif propriétaire de collections affectées à un musée de France.

M. Guillaume Cerutti estime ainsi que, dans l’hypothèse où un tableau estimé entre 100 000 et 120 000 euros serait mis en vente aux enchères en France et où le certificat d’exportation serait délivré automatiquement, compte tenu de cette estimation inférieure au seuil de 150 000 euros, il serait pratiquement impossible pour l’État de faire une offre avant la vente. Mais si l’œuvre était adjugée pour un montant de 160 000 euros, frais compris, alors l’État pourrait, grâce à la mesure proposée, la préempter en vente publique puis procéder à une publicité pour proposer à une entreprise de l’aider à procéder à l’acquisition en bénéficiant d’une réduction d’impôt égale à 90 % des versements effectués. Pour cette entreprise, la réduction de l’impôt sur les sociétés dû serait de 144 000 euros.

Proposition n° 7 Étendre le dispositif de réduction d’impôt dont bénéficient les entreprises qui effectuent des versements pour permettre l’acquisition de trésors nationaux par l’État dans le cadre d’une vente de gré à gré, à ceux de ces trésors qui font l’objet d’une préemption en vente publique.

Outre cette extension ratione materiae du champ du dispositif fiscal en faveur de l’acquisition de trésors nationaux, qui permettrait à l’État d’utiliser le mécanisme de la préemption de façon plus offensive et généreuse, il a été proposé à la mission de procéder à une extension ratione personae de ce dispositif, de façon à y associer les particuliers.

Le rapporteur estime également utile de ne pas réserver le bénéfice de cette réduction d’impôt aux seules entreprises, mais de l’ouvrir au contraire aux particuliers.

On pourrait également concevoir que ces derniers se voient octroyer le bénéfice des dispositions de l’article 238 bis-O AB du code général des impôts qui prévoient que les sommes consacrées par les entreprises à l’achat de trésors nationaux qui ne font pas l’objet d’une offre d’achat de l’État ouvrent droit à une réduction d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés, égale à 40 % de leur montant (74).

Proposition n° 8 Étendre aux particuliers les dispositifs de réduction d’impôt dont bénéficient les entreprises :

– qui effectuent des versements pour permettre l’acquisition de trésors nationaux par l’État (article 238 bis-O A du code général des impôts) ;

– qui acquièrent elles-mêmes des trésors nationaux dont l’État ne souhaite pas se porter acquéreur (article 238 bis-O AB du code général des impôts).

Lors de son audition, la ministre de la Culture et de la Communication, Mme Audrey Azoulay, s’est montrée ouverte à ces mesures d’incitation fiscale. Le rapporteur forme le vœu qu’elles soient utiles au renforcement des dispositifs qui permettent de conserver les trésors nationaux dans notre pays et dont le grand collectionneur François Pinault a, lors de son audition, jugé qu’ils pouvaient être améliorés. Comme celui-ci l’a rappelé, c’est le devoir de l’État que de protéger ses trésors. L’outil fiscal doit donc être utilisé pour favoriser le maintien de chefs d’œuvre nationaux sur notre sol.

7. Introduire les œuvres et objets d’art dans le dispositif des fonds communs de placement dans l’innovation

Un fonds commun de placement dans l’innovation (FCPI) est un organisme de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) de droit français agréé par l’Autorité des marchés financiers (AMF) permettant à des particuliers d’investir dans le capital-investissement : au moins 60 % de l’actif collecté doit être investi dans des petites et moyennes entreprises (PME) à caractère innovant et non cotées (ou cotées sur le marché libre ou sur Alternext). Pour ce qui est des PME cotées sur un autre marché que le marché libre ou Alternext, le pourcentage qui y est investi est limité à 20 % de l’actif du fonds.

En France, le particulier qui investit dans ce type de fonds a le droit de déduire 18 % du montant de son investissement du montant de son impôt sur le revenu. Cette réduction d’impôt est plafonnée à 2 160 euros pour un célibataire et 4 320 euros pour un couple. Le souscripteur bénéficie aussi d’une exonération des plus-values lors de son retrait du FCPI.

L’économie d’impôt est toutefois soumise à la condition que le souscripteur garde ses parts au minimum cinq ans.

Depuis le 1er janvier 2008, un avantage fiscal supplémentaire profite aux contribuables assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Lors de sa demande d’agrément auprès de l’AMF, le FCPI peut s’engager à respecter un ratio minimum d’entreprises éligibles au dispositif (par exemple 60 %, 70 % ou 80 % de son actif) dont 40 % au moins de sociétés de moins de cinq ans.

Le souscripteur de ce type de FCPI peut bénéficier d’une réduction d’ISF plafonnée à 20 000 euros par an et par foyer fiscal.

Comme l’a expliqué M. Fabien Bouglé, consultant en gestion de patrimoines artistiques et fondateur de « Saint Eloy Art Wealth Management », l’introduction des œuvres et objets d’art dans ce dispositif permettrait à des particuliers d’investir dans l’art.

Le rapporteur fait donc sienne cette proposition qui, symboliquement, aurait en outre l’intérêt d’assimiler la création artistique contemporaine à de l’innovation.

Il conviendrait donc de modifier L. 214-30 du code monétaire et financier afin de prévoir que les fonds communs de placement dans l’innovation peuvent investir dans des œuvres et objets d’art, dans les mêmes conditions que celles qui encadrent leur investissement dans des entreprises innovantes.

Proposition n° 9 Permettre aux fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI) d’investir dans les œuvres et objets d’art dans les mêmes conditions que celles prévues pour leurs investissements dans des entreprises innovantes.

III. UN MARCHÉ QUI N’A PAS ENCORE SURMONTÉ LES PESANTEURS DU PASSÉ

Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, près de 80 % des œuvres et objets échangés sur le marché de l’art mondial passaient par l’Hôtel Drouot. Ce sont aujourd’hui environ 600 000 lots qui y sont vendus chaque année, alors que près de 350 millions d’objets provenant de France sont vendus chaque année, à l’étranger, par les maisons de ventes anglo-saxonnes Christie’s et Sotheby’s.

Si notre « second marché » de l’art a connu une telle rétrogradation, c’est en grande partie en raison d’archaïsmes qui l’ont peu à peu atrophié.

A. UN MARCHÉ BRIDÉ PAR LE POIDS DE SES ARCHAÏSMES

En 1556, le roi Henri II a créé les offices des maîtres-priseurs de meubles auxquels il a reconnu un monopole sur les ventes aux enchères publiques de meubles, qu’elles soient judiciaires ou volontaires. Aboli en 1789, ce monopole a été rétabli à Paris dès 1801 (75), et dans l’ensemble de la France en 1816 (76).

Reprenant le contenu de la loi du 22 pluviôse an VII, l’article 871 du code général des impôts prévoit toujours que « les meubles, effets, marchandises, bois, fruits, récoltes et tous autres objets mobiliers ne peuvent être vendus publiquement et par enchères, qu’en présence et par le ministère d’officiers publics ayant qualité pour y procéder ».

Certes, ce monopole a pris fin pour les ventes aux enchères publiques volontaires en 2000 (77) , mais il demeure pour les ventes à caractère judiciaire, c’est-à-dire pour « les ventes de meubles corporels ou incorporels aux enchères publiques [qui sont] prescrites par la loi ou par décision de justice, ainsi que les prisées correspondantes » (78).

Ce monopole a marqué en profondeur le statut et l’état d’esprit des commissaires-priseurs français, et, par voie de conséquence, la structuration du marché des ventes aux enchères qui constitue une part non négligeable du marché de l’art, national et international.

1. Un marché dont la structuration et l’état d’esprit ont été façonnés par le statut et le monopole des commissaires priseurs judiciaires

a. Un statut et un monopole qui ont incité à une logique de repli plutôt que d’expansion

En 1964, l’une des trois principales maisons de ventes américaines, Parke Bernet, était à vendre. Un projet d’acquisition a alors été monté par plusieurs commissaires-priseurs parisiens, dont Maurice Rheims, Étienne Ader et René Audap, à une époque où l’étude du premier d’entre eux réalisait un chiffre d’affaires supérieur à ceux de Sotheby’s et Christie’s réunis.

Mais ils ont dû renoncer à l’acquisition envisagée : d’une part parce que leur statut d’officier ministériel leur interdisait d’effectuer les actes de commerce auxquels s’adonnait la maison de ventes américaine Parke Bernet, et, d’autre part, parce que la « Compagnie des commissaires-priseurs de Paris » n’était pas unitaire, mais composée alors de plusieurs dizaines d’offices ministériels juridiquement distincts, indépendants et concurrents.

La maison de ventes Parke Bernet a donc finalement été achetée par Sotheby’s, alors même que cette dernière maison de ventes avait elle-même failli faire l’objet d’un achat par des commissaires-priseurs français.

Selon le juriste François Duret-Robert, c’est le statut d’officier ministériel des commissaires-priseurs français, principalement en ce qu’il était incompatible avec l’accomplissement d’actes de commerce, qui a mis à bas les projets d’expansion des maisons de ventes françaises et, partant, les a peu à peu conduites à s’enferrer dans une logique de repli plutôt que d’expansion.

Ce statut et le monopole qui l’assortit auraient contribué à créer, chez nos commissaires-priseurs, un état d’esprit qui n’est pas celui du commerçant… alors que les commissaires-priseurs anglo-saxons ont, eux, toujours été des commerçants, depuis les débuts de Sotheby’s et de Christie’s (respectivement en 1733 et 1766). En effet, au Royaume-Uni comme aux États-Unis, l’activité de commissaire-priseur est menée dans le cadre du droit commun des activités commerciales.

Comme l’a expliqué devant la mission l’un des représentants d’une grande maison de ventes anglo-saxonne, le statut et le monopole des commissaires-priseurs français ont été « faussement protecteurs » : ils ont même été plutôt « fossoyeurs », car, tout en protégeant l’activité des commissaires-priseurs, ils ont empêché leur développement.

Ils ont en effet créé des habitudes comportementales peu enclines à la conquête du marché international. À l’exception d’Artcurial, qui a ouvert un bureau en Chine, aucune maison de ventes française n’a aujourd’hui de représentation à l’étranger.

Pendant ce temps, les maisons de ventes anglo-saxonnes Sotheby’s et Christie’s ont perçu la mondialisation du marché de l’art, et particulièrement l’essor du marché asiatique à côté duquel beaucoup de commissaires-priseurs français sont passés. Aujourd’hui, ces maisons de ventes anglo-saxonnes disposent d’une cote de confiance et d’un carnet d’adresses si grands qu’elles sont parvenues à fidéliser leurs clients à un degré tel qu’il semble difficile de concurrencer leur attractivité du jour au lendemain.

Alors que les commissaires-priseurs français ont, dans notre arsenal juridique, les moyens d’ériger leurs structures, et notamment l’Hôtel Drouot, en véritables concurrentes de Christie’s et Sotheby’s, ils ne l’ont pas fait, ou du moins pas assez, notamment en raison de problèmes de personnes et de difficultés à s’engager dans une dynamique de regroupement.

b. Un statut et un monopole qui ont favorisé l’atomisation de la profession

L’état d’esprit que leur statut et leur monopole ont façonné chez les commissaires-priseurs est farouchement épris d’indépendance et particulièrement réticent (voire rétif) au regroupement.

Cet état d’esprit a contribué à atomiser le marché français des ventes aux enchères, et, par contrecoup, le marché de l’art français.

Certaines des personnes entendues ont souligné que la faiblesse de notre marché de l’art était en bonne part imputable à sa structuration qui répond mal à la mondialisation du marché de l’art, les maisons de ventes – acteurs du second marché – reposant encore trop sur des structures familiales.

De l’aveu même de M. Jean-Pierre Osenat, président du Syndicat national des maisons de ventes volontaires (SYMEV), la principale question aujourd’hui est de savoir si l’avenir de la profession de commissaire-priseur passe par le maintien de 400 maisons de ventes réparties sur l’ensemble du territoire ou par la création de 40 structures susceptibles de revêtir une dimension internationale.

Comme l’a dit M. François Duret-Robert, au sujet de l’Hôtel Drouot, « on a quatre-vingt dix-neuf généraux… alors que, pour faire une armée, il faut un général et quatre-vingt dix-neuf soldats ».

Des tentatives ont pourtant été faites de parvenir à la création d’une « marque Drouot » reposant sur une structure unique : à la suite de la suppression, en 2000, du monopole des commissaires-priseurs judiciaires sur les ventes volontaires, la Compagnie des commissaires-priseurs de Paris a fait l’objet d’offres d’achat, émanant notamment de Pierre Bergé ou du groupe AXA.

Toutes ces offres ont été refusées par les commissaires-priseurs de l’Hôtel Drouot qui ont créé, en 2002, une société commerciale pour racheter l’hôtel des ventes. Une opération d’achat à effet de levier (LBO) a permis à ces commissaires-priseurs de rester maîtres de leur outil et a conduit à la constitution d’un groupe qui n’est pas une maison de ventes unique comme Christie’s ou Sotheby’s et qui ne compte que des actionnaires personnes physiques, dont 10 à 15 % d’actionnaires retraités – ce qui limite l’accès aux financements bancaires.

L’organisation de l’Hôtel Drouot

76 opérateurs dans lesquels travaillent environ 120 commissaires-priseurs développent aujourd’hui leurs activités au sein de l’Hôtel Drouot. Un groupe Drouot s’est constitué et s’est structuré en 2011 autour d’une holding de tête (Drouot Patrimoine) qui détient à 100 % différentes filiales :

– une société d’édition de presse qui vend chaque semaine environ 60 000 exemplaires de sa revue (Gazette Drouot) qui compte entre 150 et 400 pages et qui publie aussi le Moniteur des ventes (revue spécialisée dans la vente aux enchères de biens d’équipement) ;

– une société d’exploitation des lieux de vente permanents (Drouot Enchère), à savoir les 16 salles de l’Hôtel Drouot et la salle de Drouot Montmartre (pour les ventes courantes) ;

– une société de formation (Drouot Formation), guère rentable, qui propose un cycle de formation ouvert à 45 étudiants (dont 15 étrangers) qui sont des professionnels du marché (surtout des quadragénaires en reconversion professionnelle) mais pas des commissaires-priseurs ;

– une société de services en ingénierie informatique (SSII) qui développe des plateformes (Drouotlive pour les enchères sur Internet lors des ventes physiques, Drouotonline pour les ventes complètement dématérialisées – et donc exclusivement en ligne) ;

– une société Drouotimmobilier qui permet aux commissaires-priseurs de garder la maîtrise de l’immeuble ;

– une société Drouotestimations qui est une maison de ventes à part entière, consacrant son activité à la vente de biens estimés à Drouot.

Interrogés sur l’opportunité d’une réforme de l’Hôtel Drouot qui tendrait à en faire une maison de ventes unique, les représentants de cet hôtel des ventes ont assuré n’avoir, à leurs yeux, qu’un seul « patron » depuis 2011, en la personne de M. Olivier Lange, directeur général de Drouot Patrimoine.

Par ailleurs, ils ont estimé que, plutôt que de transformer l’Hôtel Drouot en une unique maison de ventes dans laquelle tous les commissaires-priseurs mettraient leur activité en commun, il était préférable de défendre un modèle de « coworking » et de mutualisation des moyens et services. L’affectio societatis revêtant une importance considérable et l’individualisme faisant partie du modèle économique artisanal qui fait, selon eux, la force de Drouot, il leur paraît quelque peu illusoire d’essayer de fédérer tous les opérateurs sous une même bannière.

S’ils ont consenti à mettre en commun certains de leurs moyens et services, les commissaires-priseurs de l’Hôtel Drouot restent très attachés à leur indépendance : d’après eux, si quatre ou cinq opérateurs seulement se partageaient le marché parisien, celui-ci disparaîtrait. Ce serait la pluralité des opérateurs de ventes volontaires qui ferait le dynamisme de la profession et qui contribuerait à repérer les objets susceptibles d’être bien vendus.

Ils ont expliqué que, de leur point de vue, il fallait se donner l’ambition et les moyens de briller par son particularisme et de cultiver les différences que le modèle français présente par rapport au modèle anglo-saxon.

c. Un statut et un monopole qui ont provoqué une démarche de contournement du marché français

La défense du marché français à travers le statut et le monopole des commissaires-priseurs a conduit leurs concurrents à adopter une stratégie de contournement.

Ne pouvant s’implanter en France dans les années 1960, à l’époque où notre pays était le centre névralgique du marché de l’art, les grandes maisons de ventes anglo-saxonnes ont développé leurs activités ailleurs : aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Chine.

Selon Mme Jennifer Flay, directrice de la Foire internationale d’art contemporain (FIAC), le fait que les grandes maisons de ventes anglo-saxonnes aient été longtemps écartées du marché de l’art français a considérablement nui à ce dernier.

D’après M. François de Ricqlès, président de Christie’s France, ces maisons de ventes ne souhaitent plus aujourd’hui s’investir sur un marché dont elles n’ont cessé d’être exclues par la réglementation française, d’autant que, par le réseau qu’elles ont su tisser et par leur connaissance du marché, elles attirent désormais les vendeurs davantage que les études des commissaires-priseurs français. Les outils dont disposent Christie’s et Sotheby’s seraient d’ailleurs tellement performants que le retard pris par les maisons de ventes françaises serait à présent irrattrapable.

Alors que les grandes maisons de ventes anglo-saxonnes sont ouvertes en permanence, emploient des centaines de salariés et disposent de bureaux à l’étranger, bon nombre de commissaires-priseurs français ne comptent que quelques employés, et, pris dans un carcan de contraintes, de difficultés de trésorerie ou de réservation de salles d’exposition, ils ne sont que peu armés pour faire face à la concurrence internationale.

Pourtant, depuis une quinzaine d’années, le législateur s’est efforcé de leur donner les armes juridiques pour défendre leur position sur le marché de l’art mondial.

2. La modernisation impulsée par les lois de 2000, 2011 et 2015

Depuis le début des années 2000, le législateur s’est efforcé de donner aux commissaires-priseurs français les moyens de lutter à armes égales avec leurs concurrents anglo-saxons, en ouvrant les ventes publiques volontaires à la concurrence tout en offrant aux commissaires-priseurs la possibilité de pratiquer des avances et garanties de prix, en leur permettant de pratiquer des ventes de gré à gré et en les incitant à se regrouper.

a. La perte du monopole sur les ventes publiques volontaires (loi de 2000)

À la suite d’un contentieux engagé par Sotheby’s devant la Commission européenne en 1992, et par souci de mettre notre droit en conformité avec les exigences européennes rappelées par cette dernière en 1995 et en 1998, la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques a mis fin au monopole des commissaires-priseurs judiciaires sur les ventes aux enchères publiques à caractère volontaire.

Outre que l’article 871 du code général des impôts prévoit désormais que « les meubles, effets, marchandises, bois, fruits, récoltes et tous autres objets mobiliers ne peuvent être vendus publiquement et par enchères, qu’en présence et par le ministère d’officiers publics ayant qualité pour y procéder […] ou des opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques déclarés », l’article L. 321-2 du code de commerce dispose que « les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques sont […] organisées et réalisées […] par des opérateurs exerçant à titre individuel ou sous la forme juridique de leur choix » (79).

S’ils conservent le statut d’officier ministériel et disposent toujours d’un monopole pour les ventes judiciaires (qu’elles soient prescrites par la loi ou par décision de justice) de meubles réalisées dans leur ressort (80), les commissaires-priseurs judiciaires ont cependant la faculté d’exercer des activités de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, en concurrence avec des commissaires-priseurs « non-judiciaires » dénommés opérateurs de ventes volontaires (OVV), à la condition que ces deux types d’activités soient menés dans des cadres juridiques et comptables distincts.

À la suite de cette ouverture à la concurrence des ventes publiques volontaires, les commissaires-priseurs ont donc dû séparer leurs activités de ventes judiciaires et de ventes volontaires, à la fois en termes structurels (scission entre l’office de commissaire-priseur judiciaire et la structure d’opérateur de ventes volontaires – OVV) et en termes comptables (tenue de comptabilité séparées). Ont ainsi été créées des structures bicéphales au sein desquelles un même commissaire-priseur peut effectuer des ventes judiciaires et volontaires dans la même journée.

D’après certaines des personnes entendues, cette scission des activités de ventes volontaires et judiciaires a pénalisé les études de province pour lesquelles il a pu être difficile de dissocier les comptabilités entre ce qui relève de l’office ministériel et ce qui relève de la structure d’OVV. Ces difficultés ont pu être d’autant plus grandes qu’il a été indiqué à la mission que bien des commissaires-priseurs ont refusé de suivre des formations à la suite de la réforme de 2000, qui est donc restée largement méconnue.

Par exemple, on oublie souvent de rappeler que, tout en libéralisant le marché des ventes publiques volontaires, la loi du 10 juillet 2000 a donné aux commissaires-priseurs français les moyens d’être compétitifs, en les autorisant à pratiquer les avances et garanties de prix qui constituaient des avantages comparatifs commerciaux essentiels de leurs concurrents anglo-saxons.

En effet, l’article L. 321-12 du code de commerce prévoit qu’« un opérateur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques […] peut garantir au vendeur un prix d’adjudication minimal du bien proposé à la vente », que « si le prix d’adjudication minimal garanti n’est pas atteint lors de la vente aux enchères, l’opérateur est autorisé à se déclarer adjudicataire du bien à ce prix », ou, à défaut, à verser « au vendeur la différence entre le prix d’adjudication minimal garanti et le prix d’adjudication effectif » et qu’« il peut revendre le bien ainsi acquis, y compris aux enchères publiques » à la condition de mentionner de façon claire et non équivoque qu’il est le propriétaire du bien.

En outre, l’article L. 321-13 du même code prévoit qu’« un opérateur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques […] peut consentir au vendeur une avance sur le prix d’adjudication du bien proposé à la vente ».

Dix ans après la loi de 2000, le législateur a encore étendu le panel des possibilités offertes aux commissaires-priseurs de diversifier leurs activités.

b. L’ouverture des ventes de gré à gré aux commissaires-priseurs (loi de 2011)

La loi n° 2011-850 du 20 juillet 2011 de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques a permis aux commissaires-priseurs judiciaires de procéder à la vente de gré à gré de biens meubles en qualité de mandataire du propriétaire des biens, au sein de sociétés commerciales que cette même loi a par ailleurs autorisées à se livrer, pour les besoins des ventes volontaires qu’elles sont chargées d’organiser, à des activités de transport de meubles, de presse, d’édition et de diffusion de catalogues.

La loi du 20 juillet 2011 a en outre modifié l’article L. 321-9 du code de commerce pour prévoir que « les biens déclarés non adjugés à l’issue des enchères peuvent être vendus de gré à gré, à la demande du propriétaire des biens ou de son représentant, par l’opérateur de ventes volontaires ayant organisé la vente aux enchères publiques ».

Les commissaires-priseurs français se sont ainsi vu ouvrir la pratique de l’« after sale » qui constituait l’un des avantages comparatifs commerciaux des grandes maisons de ventes anglo-saxonnes.

D’après plusieurs des personnes entendues, l’ouverture des ventes de gré à gré aux commissaires-priseurs leur a été très profitable : encore accessoires naguère, les ventes de gré à gré sont aujourd’hui devenues une activité non négligeable des maisons de ventes – ce qui, dans le même temps, nuit beaucoup aux antiquaires et marchands d’art.

Selon M. Maurizio Canesso, président du salon Paris Tableau, l’essor des activités de vente de gré à gré au sein des maisons de ventes établies en France préjudicie grandement aux marchands d’art. En vendant de plus en plus de gré à gré, et à l’étranger, des œuvres qu’elles viennent dénicher en France, les grandes maisons de vente concurrencent les marchands qui, de leur côté, font des investissements importants et de long terme et qui font vivre tout un secteur (restaurateurs d’œuvres d’art, experts, transporteurs, encadreurs, etc.). Car si les marchands d’art font des marges, c’est pour pouvoir entretenir leur stock grâce à des artisans d’art. M. Maurizio Canesso a jugé cette concurrence d’autant plus déloyale que les maisons de ventes ont une meilleure connaissance, grâce aux ventes publiques, des clients potentiels et des experts.

Cette concurrence sur le marché des ventes de gré à gré montre bien que le législateur a amplement donné aux commissaires-priseurs les outils juridiques nécessaires à la garantie de leur compétitivité.

Selon Mme Laurence Mauger-Vielpeau, professeur de droit à l’Université de Caen Basse-Normandie, les lois de 2000 et 2011 ont largement contribué à faire évoluer l’activité de commissaire-priseur d’un statut très réglementé à un statut qui l’est nettement moins aujourd’hui.

c. L’incitation au regroupement des commissaires-priseurs (loi de 2015)

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a entendu poursuivre l’entreprise de modernisation de la profession de commissaire-priseur judiciaire en incitant ses membres à se regrouper au sein de structures d’une taille suffisante pour être compétitives au niveau européen.

Outre qu’elle a encouragé le renouvellement de la profession de commissaire-priseur judiciaire (81), rénové les procédures régissant la détermination des tarifs des commissaires-priseurs (82), et libéralisé leur installation sur la base d’une carte proposée par l’Autorité de la concurrence et arrêtée conjointement par les ministres de la Justice et de l’Économie (83), la loi du 6 août 2015 a engagé leur regroupement avec les huissiers de justice au sein de la profession de commissaire de justice, d’ici 2022 (84).

La mission a pu constater que la perspective de ce regroupement inquiétait les commissaires-priseurs judiciaires qui étaient au nombre de 406 en 2013, tandis que la même année, notre pays comptait 3 265 huissiers de justice (85) . D’après les personnes entendues, le monopole des commissaires-priseurs judiciaires sur les ventes judiciaires permettait à un certain nombre d’entre eux, particulièrement ceux établis en province, de garantir la viabilité économique de leur étude en compensant le déficit de leurs activités de ventes volontaires avec le bénéfice de leurs activités de ventes judiciaires. Or, dans le cadre de la création de la profession de commissaire de justice, bon nombre de commissaires-priseurs judiciaires risquent de perdre leurs activités de ventes judiciaires au profit des huissiers de justice qui disposent d’un réseau d’ores et déjà très structuré et à même d’absorber sans peine ces activités.

La disparition de certains offices de commissaires-priseurs judiciaires pourrait entraîner celle des structures d’opérateurs de ventes volontaires qui leur étaient adossées, particulièrement en province.

Le président de la Chambre nationale des commissaires-priseurs judiciaires (CNCPJ), Me Nicolas Moretton, a exprimé ses craintes qu’à terme, quelque 4 000 commissaires de justice (en lieu et place des quelque 400 commissaires-priseurs judiciaires actuels) soient appelés à se partager le marché des ventes judiciaires, qui n’est que d’environ 250 millions d’euros par an (86). Selon lui, la disparition d’un certain nombre de commissaires-priseurs judiciaires à la suite de la création de la profession de commissaire de justice pourrait conduire la France à devenir « un grenier sans marché de l’art », comme le sont aujourd’hui l’Espagne et l’Italie, de son point de vue.

Me Nicolas Moretton a fait valoir que les commissaires-priseurs judiciaires disposent aujourd’hui d’une formation initiale, d’une formation continue (mise en place depuis quatre ans) et d’un maillage territorial qui leur permet de ne pas passer à côté de certains objets qui pourraient n’être jamais repérés et vendus s’ils n’étaient pas intervenus, notamment dans le cadre d’inventaires notariés pour l’application de la fiscalité sur la fortune ou sur les successions, ou dans le cadre de leur travail avec les professionnels des tutelles et curatelles. Me Moretton a ainsi cité l’exemple d’un commissaire-priseur judiciaire de province qui, intervenu chez un particulier après le passage d’une grande maison de ventes anglo-saxonne, a repéré un vase du XVIIe siècle qui n’avait pas été remarqué par cette maison et qui s’est néanmoins vendu plus de 500 000 euros. De son point de vue, si les grandes maisons de ventes anglo-saxonnes ont une force de vente importante, elles ne font pas mieux que leurs consoeurs françaises, à objet égal – ce que les commissaires-priseurs ne mettraient pas assez en valeur, pas plus qu’ils ne promeuvent suffisamment les avantages qu’ils présentent, notamment en termes de garanties, par rapport à leurs homologues anglo-saxons.

Combinée aux pratiques de « rabattage » des grandes maisons de ventes anglo-saxonnes – qui assurent la remontée, via des intermédiaires, des plus beaux objets à Paris –, la réduction du nombre d’offices de commissaires-priseurs judiciaires et du nombre d’opérateurs de ventes volontaires menacerait l’existence même du marché de l’art en province, selon Me Moretton.

Si le rapporteur entend ces craintes, il tient à souligner que si rien n’avait été fait en 2015, alors que bon nombre de commissaires-priseurs judiciaires conviennent eux-mêmes de la nécessité de se regrouper pour être compétitifs face à leurs concurrents européens et anglo-saxons, la survie de bien des études – et donc du « second marché » de l’art en France – risquerait d’être tout autant en danger.

Il tient également à rappeler que, tout en les incitant à se rapprocher des huissiers de justice, la loi du 6 août 2015 a offert aux commissaires-priseurs judiciaires de nouvelles armes juridiques pour se défendre sur un marché très concurrentiel.

L’article 63 de cette loi a diversifié les formes juridiques possibles pour l’exercice de la profession de commissaire-priseur judiciaire, avec la possibilité de l’exercer à titre libéral sous quelque forme juridique que ce soit, à l’exception de celles qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant (87) .

L’article 65 de cette même loi a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures législatives nécessaires pour faciliter la création de sociétés ayant pour objet l’exercice en commun de plusieurs des professions d’avocat, d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, de commissaire-priseur judiciaire, d’huissier de justice, de notaire, d’administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire, de conseil en propriété industrielle et d’expert-comptable (88).

L’ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016 relative aux sociétés constituées pour l’exercice en commun de plusieurs professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé a ainsi facilité l’interprofessionnalité d’exercice entre professions du droit, ce dont les commissaires-priseurs judiciaires ne peuvent que profiter (89).

Enfin, l’article 55 de la loi du 6 août 2015 a étendu le monopole des commissaires-priseurs judiciaires aux ventes de biens meubles incorporels qui, jusqu’à présent, relevaient de la compétence des notaires – ce qui n’était pas sans susciter des difficultés pour les fonds de commerce qui comprennent à la fois des éléments corporels et des éléments incorporels (90).

Le rapporteur note d’ailleurs que Me Nicolas Moretton s’est félicité de cette mesure que Mme Catherine Chadelat, dans son rapport d’évaluation du dispositif législatif et réglementaire des ventes volontaires de meubles aux enchères (91), a préconisé d’étendre à l’ensemble des commissaires-priseurs, y compris ceux qui exercent en tant qu’opérateurs de ventes volontaires – du moins pour un certain nombre de biens incorporels (92).

Au-delà des profondes et récentes réformes de la profession de commissaire-priseur judiciaire opérées par la loi du 6 août 2015, le rapporteur estime utile de formuler un certain nombre de propositions

B. PROPOSITIONS POUR FAVORISER L’ADAPTATION DU MARCHÉ DE L’ART FRANÇAIS AUX DÉFIS DE LA MONDIALISATION

Le rapporteur estime que, face aux défis de la mondialisation du marché de l’art, les structures de notre « second marché » gagneraient à être encore davantage rénovées, ce qui passe par la poursuite de la modernisation de la profession de commissaire-priseur, par une réforme du Conseil des ventes volontaires (CVV) et par une meilleure réglementation de l’expertise.

1. Poursuivre la modernisation de la profession de commissaire-priseur

a. Mieux adapter la formation des commissaires-priseurs aux enjeux commerciaux

Les commissaires-priseurs, qu’ils soient judiciaires ou non, suivent aujourd’hui la même formation.

L’article R. 321-18 du code de commerce prévoit que « nul ne peut diriger des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques s’il ne remplit les conditions suivantes : […] 3° être soit titulaire d’un diplôme national de licence en droit et d’un diplôme national de licence en histoire de l’art, ou en arts appliqués, ou en archéologie ou en arts plastiques, soit titulaire de titres ou diplômes, admis en dispense, dont la liste est fixée par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé de l’enseignement supérieur ».

Outre l’obtention d’une double licence en droit et en histoire de l’art, il est exigé des commissaires-priseurs qu’ils justifient avoir subi avec succès un examen d’accès à un stage d’une durée de deux ans, avoir accompli ce stage et avoir ensuite subi avec succès un examen d’aptitude à la profession de commissaire-priseur.

La formation des commissaires-priseurs repose donc fondamentalement sur l’acquisition de connaissances beaucoup plus juridiques et artistiques que commerciales.

Nombreuses sont les personnes entendues qui ont estimé que cette formation n’était pas assez adaptée aux réalités du métier de commissaire-priseur, qui impliquent aujourd’hui des aptitudes en matière de gestion, de communication et de marketing – toutes sortes de disciplines enseignées dans les écoles de commerce.

Que des étudiants d’écoles de commerce ne se voient pas offrir la possibilité d’exercer la profession de commissaire-priseur paraît « insensé » à M. Fabien Bouglé, car cette profession est désormais largement tournée vers le commerce, même si elle exige de solides connaissances en droit et, plus encore, en histoire de l’art, selon M. François Duret-Robert.

Or, aujourd’hui, aucune formation intensive aux méthodes commerciales n’est prévue dans le parcours universitaire du commissaire-priseur.

Le rapporteur estime aussi que la limitation de l’accès à la profession à des juristes qui n’ont jamais reçu de formation en marketing, en communication ou en gestion, mérite d’être revisitée, surtout quand on sait qu’un galeriste peut vendre, de gré à gré, un tableau à plusieurs millions d’euros sans le moindre diplôme, tandis qu’un commissaire-priseur doit être à la fois juriste et historien de l’art pour vendre une petite cuillère à dix euros – alors même que ces deux activités sont soumises au même régime fiscal et à la même réglementation (responsabilité en cas de défaut d’authenticité, lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, etc.). La seule différence de méthode (vente à prix fixe dans le cas de la vente de gré à gré et vente au plus offrant, dans le cas de la vente publique) justifie-t-elle des règles d’accès à la profession aussi différentes ?

Si, comme l’a expliqué M. Maurizio Canesso, ce qui manque le plus pour refaire de Paris « the place to be » sur le « second marché » de l’art, c’est l’investissement des maisons de ventes françaises dans des activités de marketing du même niveau que celles de Christie’s ou Sotheby’s, alors il pourrait être très utile de revoir la formation des commissaires-priseurs en l’ouvrant davantage aux problématiques commerciales.

Me Thierry Pomez, trésorier de la Chambre nationale des commissaires-priseurs judiciaires (CNCPJ), a lui-même reconnu que l’implantation des grandes maisons de ventes anglo-saxonnes sur le marché français obligeait désormais les commissaires-priseurs à monter en gamme en matière de marketing et de promotion. Par exemple, afin de mieux capter la clientèle étrangère, l’Hôtel Drouot a mis en place un partenariat avec le Salon du dessin (fréquenté en particulier par les Anglais, les Allemands et les Néerlandais) et organise, deux fois par an, une semaine d’art d’Asie (fin juin et fin décembre) pendant laquelle ont lieu une trentaine de ventes atteignant une trentaine de millions d’euros au total. Lors de ces ventes, les acheteurs potentiels sont accueillis par un personnel parlant le mandarin, et des publications en mandarin sont diffusées dans les grands hôtels parisiens.

D’une manière plus générale, l’Hôtel Drouot a considérablement évolué au cours des dernières années, afin de s’adapter, tout en préservant ses spécificités, à la façon dont les maisons de ventes anglo-saxonnes ont modifié le métier de commissaire-priseur. Alors qu’auparavant, le commissaire-priseur était l’arbitre entre l’acheteur et le vendeur, les maisons de ventes anglo-saxonnes influent de plus en plus sur le prix avec leurs pratiques d’avances et de garanties de prix. Alors que traditionnellement, le commissaire-priseur n’avait pas le droit de faire des actes de commerce, il tend aujourd’hui à devenir un commerçant qui négocie de gré à gré après la vente (« after sale »).

Or, de l’aveu même du directeur général de Drouot Patrimoine, M. Olivier Lange, les commissaires-priseurs n’avaient ni la culture ni la formation pour « faire du business ». Le rapporteur estime donc nécessaire de mieux préparer les commissaires-priseurs aux dimensions actuelles de leur métier.

Proposition n° 10 Mieux adapter la formation des commissaires-priseurs aux enjeux commerciaux et aux exigences de maîtrise des techniques de gestion, de communication et de marketing.

Outre la maîtrise des techniques commerciales, c’est aussi celle des nouvelles technologies qui devrait être davantage inculquée aux jeunes commissaires-priseurs, compte tenu de l’impact croissant du numérique sur les conditions d’exercice de leur métier.

b. Encourager l’exploitation, par les commissaires-priseurs, de toutes les potentialités des nouvelles technologies

Le marché de l’art en ligne connaît une croissance exponentielle : d’après le rapport 2015 de la foire de Maastricht (TEFAF), les ventes d’œuvres et objets d’art en ligne en 2014 représentaient 3,3 milliards d’euros, soit 6 % du volume mondial du marché de l’art, en progression de 32 % par rapport à 2013.

D’après l’édition 2016 du rapport Hiscox sur le marché de l’art en ligne, ce marché a encore progressé de 24 % en 2015. Sur la base de cette tendance, le volume des ventes d’art en ligne pourrait approcher 10 milliards de dollars d’ici 2020. Par ailleurs, une enquête menée auprès de 671 acheteurs a révélé que la part de ces derniers ayant acheté sur des « sites de vente d’œuvres d’art en ligne » est passée de 21 % en 2015 à 41 % en 2016 (93).

Cet essor de la vente en ligne d’œuvres d’art serait imputable à plusieurs facteurs : l’image de luxe et d’inaccessibilité qui serait associée aux ventes aux enchères physiques ; l’arrivée, parmi la clientèle, d’une génération « connectée » (94).

Bien des objets de qualité qui étaient auparavant vendus aux enchères publiques sont désormais échangés par le biais de grandes entreprises non régulées, telles EBay, Amazon, Artprice ou encore Leboncoin.

Dans ce contexte, la profession de commissaire-priseur ne peut se désintéresser des enjeux de l’Internet et des nouvelles technologies, d’autant qu’il a été indiqué à la mission que les ventes aux enchères exclusivement en ligne sont appelées à se développer, notamment pour l’art déco, la photographie, les objets de collection ou encore les gravures.

À cet égard, la mission a pu constater que les commissaires-priseurs judiciaires français avaient déjà largement commencé à prendre le « virage du numérique », qui leur permet de constituer un réseau, d’atteindre un public plus nombreux et plus jeune et de capter ainsi une clientèle nouvelle (95).

D’après le président de la CNCPJ, Me Nicolas Moretton, 310 des quelque 420 commissaires priseurs judiciaires que compte notre pays sont aujourd’hui affiliés au site Internet « Interenchères » qui compte désormais plus d’un million de connexions par mois.

Le rapporteur tient également à saluer les efforts considérables d’adaptation aux nouvelles technologies qu’a déployés l’Hôtel Drouot : aujourd’hui, la plateforme Drouotlive qui permet d’enchérir sur Internet pendant les ventes physiques compte 110 000 inscrits, dont 50 % d’étrangers (96).

Alors que la maison de ventes Christie’s a indiqué à la mission qu’elle commençait à développer des projets pour l’organisation de ventes « online only » (uniquement en ligne), l’Hôtel Drouot dispose d’ores et déjà d’une plateforme dédiée aux ventes exclusivement en ligne (et donc pas en salles) qui constituent désormais l’unique activité de certaines maisons de ventes américaines comme Paddle8 et Heritage. Les représentants de l’Hôtel Drouot ont en outre indiqué qu’ils travaillaient même à une traduction en chinois de leur plateforme numérique.

On ne peut donc pas dire que les commissaires-priseurs français n’aient pas déployé des efforts conséquents pour s’adapter au tournant du digital et atteindre, par son intermédiaire, une nouvelle clientèle.

Cependant, il a également été rapporté à la mission que la France connaissait aujourd’hui une forme d’« uberisation de son marché de l’art » : les œuvres et objets haut de gamme seraient massivement exportés, tandis que la « drouille » (œuvres et objets bas de gamme) resterait en France en se vendant de plus en plus en ligne. Selon certaines personnes entendues, d’ici une dizaine d’années, la plupart des œuvres et objets d’art d’une valeur inférieure à 10 000 euros se vendront sur Internet, ceux dont la valeur se situe entre 10 000 et 100 000 euros se vendront à la fois en ligne et en salles, et ceux dont la valeur dépasse 100 000 euros se vendront en salles, à l’occasion de ventes événementielles.

Par ailleurs, le courtage en ligne se développerait alors qu’il ne serait soumis à aucune régulation : en la matière, « il n’y a aucune garantie, mais des taux d’intermédiation extrêmement faibles », d’après Mme Catherine Chadelat, présidente du Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (CVV). Contrairement au régime applicable aux commissaires-priseurs, la responsabilité des courtiers ne peut être engagée au titre de la transaction entre l’acheteur et le vendeur.

Enfin, il a été indiqué que les commissaires-priseurs français n’exploiteraient pas encore suffisamment toutes les potentialités du numérique, alors que, combinées avec notre réglementation protectrice du consommateur, elles pourraient être un atout par rapport à leurs concurrents étrangers.

Proposition n° 11 Encourager l’exploitation, par les commissaires-priseurs, de toutes les potentialités des nouvelles technologies.

D’une manière plus générale, les commissaires-priseurs français pourraient, selon le professeur Laurence Mauger-Vielpeau, se tailler une place de choix sur les marchés émergents s’ils définissaient une stratégie économique claire et s’ils élargissaient leur assise financière.

c. Inciter encore davantage les commissaires-priseurs à se regrouper

Si des désaccords subsistent sur ses modalités, la nécessité d’un regroupement des commissaires-priseurs a fait l’objet d’un large consensus parmi les personnes entendues.

Pour redynamiser le marché de l’art en France, il faut donner aux commissaires-priseurs les moyens d’être plus innovants et de concurrencer leurs homologues étrangers.

Un certain nombre de commissaires-priseurs ont reconnu que le postulat de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques – à savoir la nécessité de regrouper les commissaires-priseurs judiciaires au sein de structures dimensionnées pour être compétitives au niveau européen – était le bon.

Certaines des personnes entendues par la mission ont toutefois regretté le choix qui a été fait de regrouper les commissaires-priseurs judiciaires avec les huissiers de justice plutôt que de supprimer le monopole des commissaires-priseurs judiciaires sur les ventes judiciaires et d’ouvrir celles-ci aux opérateurs de ventes volontaires, car, selon le professeur Laurence Mauger-Vielpeau, il n’est pas évident que les ventes judiciaires doivent faire l’objet d’un traitement particulier au regard de la liberté de prestations de services prévue par le droit européen. À l’en croire, commissaires-priseurs judiciaires et opérateurs de ventes volontaires (OVV) auraient pu être regroupés au sein d’une même profession et placés sous la tutelle d’une instance professionnelle commune, d’autant que la réglementation applicable aux OVV offrirait aujourd’hui toutes les garanties requises pour leur permettre de conduire des ventes judiciaires – tout au moins lorsque, n’ayant pas lieu sur saisie ou liquidation, elles sont dépourvues de caractère forcé (ce qui est par exemple le cas des ventes judiciaires des biens des personnes protégées).

Le rapporteur note toutefois que, vu les contraintes budgétaires actuelles, la suppression du monopole des commissaires-priseurs judiciaires sur les ventes judiciaires de meubles pourrait coûter très cher à l’État s’il fallait indemniser ces officiers ministériels comme ils l’ont déjà été à la suite de la suppression de leur monopole sur les ventes publiques volontaires de meubles par la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 (97), et comme les avoués près les tribunaux de grandes instances et les cours d’appel l’ont également été (98).

Tout en réaffirmant son opposition à la création de la profession de commissaire de justice, qui risque selon lui de fragiliser l’équilibre économique des petites études, le président de la CNCPJ, Me Nicolas Moretton, a indiqué souscrire aux dispositions de la loi du 6 août 2015 précitée qui encouragent la création de structures interprofessionnelles associant différents métiers du droit (notaires, commissaires-priseurs judiciaires, huissiers de justice, avocats, etc.). S’agissant des structures monoprofessionnelles qui, constituées entre plusieurs commissaires-priseurs, peuvent être une « voie de consolidation économique », le trésorier de la CNCPJ, Me Thierry Pomez, a cité l’exemple du groupe Ivoire France, créé en 2000 pour regrouper plusieurs opérateurs de ventes volontaires (ayant par ailleurs la qualité de commissaires-priseurs judiciaires). Ces commissaires-priseurs se sont dotés d’un site Internet commun, d’une attachée de presse commune et d’une plaquette de résultats des ventes commune. Parfois, ils organisent même des ventes communes.

D’autres commissaires-priseurs ne partagent pas les craintes de Me Moretton quant aux risques potentiels du regroupement des membres de cette profession. Certains ont insisté sur la nécessité de créer des entités suffisamment structurées et financées pour être compétitives et faire en sorte que les œuvres et objets d’art ne soient plus vendus à l’étranger, mais en France. Parmi eux, il en est qui ont même estimé que les grandes villes de province pourraient très bien ne compter chacune qu’un seul commissaire-priseur et que la place de Paris, qui compte aujourd’hui plus d’une centaine de commissaires-priseurs, pourrait très bien n’en compter que quatre ou cinq à l’avenir.

À cet égard, plusieurs des personnes entendues ont appelé de leurs vœux une réforme de l’organisation de l’Hôtel Drouot qui, d’après elles, pourrait disparaître d’ici cinq à dix ans, en grande partie à cause des règles relatives à son actionnariat et du comportement de certains de ses actionnaires.

Il a été indiqué à la mission que le capital du groupe Drouot était particulièrement fermé, même s’il est vrai que, désormais, des opérateurs de ventes volontaires de province qui ne sont pas commissaires-priseurs judiciaires peuvent devenir actionnaires de l’Hôtel Drouot.

En outre, certains de ces actionnaires, notamment retraités, chercheraient davantage la rentabilité de leur investissement que l’innovation. Cet individualisme promettrait l’Hôtel Drouot à un déclin certain. Pour sortir de cette logique de rente, il a par conséquent été proposé que les actionnaires du groupe Drouot soient nécessairement des commissaires-priseurs en exercice.

Lors de leur audition, les représentants de l’Hôtel Drouot ont récusé ces accusations, soulignant les efforts qu’ils fournissent pour maintenir la place de Paris active et pour lutter contre les méthodes commerciales agressives de leurs concurrents.

Ils ont cependant concédé que les commissaires-priseurs de l’Hôtel Drouot ne disposaient pas des mêmes moyens financiers que les grandes maisons de ventes anglo-saxonnes comme Christie’s et Sotheby’s, qui s’appuient sur des actionnaires fortunés et qui peuvent se permettre, par le biais de l’intégration fiscale, de perdre de l’argent sur certaines ventes – ce qui est inconcevable pour leurs homologues françaises.

À ce sujet, le directeur général de Drouot Patrimoine, M. Olivier Lange, a suggéré qu’un investisseur institutionnel comme la Caisse des dépôts et consignations soutienne financièrement le groupe Drouot pour garantir le maintien de la place de Paris.

Proposition n° 12 Inciter encore davantage les commissaires-priseurs à se regrouper, au sein de structures monoprofessionnelles ou interprofessionnelles, ou avec les huissiers de justice.

Le rapporteur est convaincu que le regroupement des commissaires-priseurs au sein de structures plus solides et plus compétitives ne leur impose nullement de « perdre leur âme » ni de sacrifier le modèle français des ventes aux enchères dont le Conseil des ventes volontaires (CVV) est une composante.

2. Réformer le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (CVV)

Tout en supprimant le monopole des commissaires-priseurs judiciaires sur les ventes publiques volontaires, la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 a prévu un dispositif de régulation destiné à encadrer l’activité des opérateurs de ventes volontaires (OVV) qui, en tant que tels, ne sont pas soumis au contrôle de la Chambre nationale des commissaires-priseurs judiciaires (CNCPJ).

Elle a par conséquent institué une autorité de régulation dénommée « Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques » auprès duquel les OVV ont d’abord dû solliciter un agrément pour pouvoir exercer leur activité (99), avant que la loi n° 2011-850 du 20 juillet 2011 ne substitue à cette procédure d’autorisation un dispositif déclaratif (100).

Missions du Conseil des ventes volontaires (CVV)

Établissement d’utilité publique doté de la personnalité morale et financé par le versement de cotisations professionnelles qui sont acquittées par les OVV et assises sur le montant des honoraires bruts perçus l’année précédente à l’occasion des ventes organisées sur le territoire national, le CVV est chargé, en application des articles L. 321-18 et suivants du code de commerce :

– d’enregistrer les déclarations que les OVV doivent effectuer préalablement à l’exercice de leur activité ;

– de vérifier le respect par ces OVV de leurs obligations en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ;

– d’identifier les bonnes pratiques et de promouvoir la qualité des services, en lien avec les organisations professionnelles représentatives des OVV et avec les organisations professionnelles représentatives des experts ;

– d’élaborer, après avis des organisations professionnelles représentatives des OVV, un recueil des obligations déontologiques de ces opérateurs, soumis à l’approbation du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, et rendu public ;

– d’observer l’économie des enchères et de formuler des propositions de modifications législatives et réglementaires au sujet de l’activité de ventes volontaires aux enchères publiques ;

– d’assurer conjointement avec la Chambre nationale des commissaires-priseurs judiciaires (CNCPJ) et le Conseil national des courtiers de marchandises assermentés, l’organisation de la formation professionnelle en vue de l’obtention de la qualification requise pour diriger les ventes ;

– de sanctionner à titre disciplinaire tout manquement aux lois, règlements et obligations professionnelles applicables aux OVV.

Dans le cadre de cette mission de sanction, le CVV doit informer la Chambre nationale et les chambres des commissaires-priseurs judiciaires, ainsi que les chambres départementales des huissiers de justice et des notaires et le Conseil national des courtiers de marchandises assermentés, des faits commis dans le ressort de celles-ci qui ont été portés à sa connaissance et qui porteraient atteinte à la réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. Ces instances lui doivent réciproquement la même information.

Les sanctions disciplinaires sont prononcées par décision motivée et dans le respect du principe du contradictoire – étant précisé que :

– le délai de prescription est de trois ans à compter du manquement ;

– aucun membre du CVV ne peut participer à une délibération relative à une affaire dans laquelle il a un intérêt direct ou indirect ou relative à un organisme au sein duquel il a, au cours des trois années précédant la délibération, détenu un intérêt direct ou indirect, exercé des fonctions ou détenu un mandat.

Les sanctions encourues vont de l’avertissement à l’interdiction définitive d’exercer l’activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ou l’interdiction définitive de diriger des ventes, en passant par le blâme, l’interdiction d’exercer tout ou partie de l’activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ou de diriger des ventes à titre temporaire pour une durée qui ne peut excéder trois ans.

En cas d’urgence et à titre conservatoire, le président du CVV peut prononcer la suspension provisoire de l’exercice de tout ou partie de l’activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques d’un opérateur ou d’une personne habilitée à diriger les ventes, pour une durée ne pouvant excéder un mois (ou trois mois, si le CVV décide d’une prolongation de la mesure).

Le CVV peut publier ses décisions dans les journaux ou supports qu’il détermine, sauf si cette publication risque de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause.

Les décisions du CVV et de son président peuvent faire l’objet d’un recours devant la cour d’appel de Paris.

La France est le seul pays au monde à s’être doté d’une autorité de régulation des ventes publiques volontaires, dont le moins que l’on puisse dire, au vu des auditions menées par la mission, est qu’elle est loin de faire l’unanimité.

Certains voient dans le CVV un « archaïsme administratif », un « comité théodule » qui aurait la main lourde pour de petits manquements et qui fermerait les yeux face à des manquements beaucoup plus graves. En outre, le choix qu’il ferait de publier certaines sanctions dans la Gazette Drouot aurait tendance à ternir l’image de la profession : ce serait davantage un organe de censure qu’un organe de promotion de la profession de commissaire-priseur.

Des voix se sont élevées pour appeler à la suppression du CVV et au transfert de ses attributions à un bureau du ministère de la Justice. Tout en reconnaissant que l’institution du CVV était nécessaire pour assurer la transition vers un marché moins régulé, certaines des personnes entendues estiment que ce conseil n’a jamais joué aucun rôle dans la détection des dysfonctionnements du marché de l’art depuis sa création, n’étant pas doté de compétences dans le domaine du négoce : c’est TRACFIN et l’office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC) qui disposeraient seuls des outils de détection dans ce domaine. Les prérogatives du CVV se sont réduites au fil des ans, alors même que son financement est demeuré constant : celui-ci pourrait être employé plus utilement, en intégrant à moyen terme le CVV au sein du ministère de la Culture dont il pourrait constituer un bureau.

Tout en s’accordant sur l’inutilité qu’il y aurait à conserver le CVV dans sa configuration actuelle, d’autres voix jugent préférable de le faire évoluer en un véritable ordre professionnel chargé de contrôler l’activité des OVV, voire celle des OVV et des commissaires-priseurs judiciaires. Car on pourrait imaginer que ces derniers soient regroupés au sein d’une unique profession dont la formation serait par ailleurs réformée en profondeur, ou que, sans être ainsi regroupés, OVV et commissaires-priseurs judiciaires soient soumis à la tutelle d’une instance disciplinaire unique à caractère interprofessionnel.

Toutefois, plusieurs experts ont indiqué qu’il semblait difficile d’ériger le CVV en véritable ordre professionnel, compte tenu des exigences du droit de l’Union européenne – outre que l’utilité d’un tel ordre laisserait songeur quand on sait que le droit commun des responsabilités civile et pénale offre des réponses aux difficultés qu’il serait appelé à traiter.

D’autres estiment que le CVV est une institution utile et parfaitement légitime, rappelant qu’il avait pour mission de défendre les intérêts des vendeurs et des acheteurs, pas ceux des commissaires-priseurs – même si, de surcroît, le CVV ne peut que contribuer à renforcer la confiance qui est essentielle à l’exercice du métier de commissaire-priseur. En outre, le rôle CVV en matière de formation initiale des commissaires-priseurs serait extrêmement bénéfique pour la profession.

Face à des avis aussi partagés quant à l’utilité du CVV, le rapporteur estime qu’à mi-chemin entre une suppression pure et simple, qui pourrait nuire à la régulation du marché de l’art, et la création d’un ordre professionnel, qui pourrait être incompatible avec les contraintes européennes, il y a peut-être une « troisième voie » à explorer : celle de la réforme de la composition du CVV, qui a fait l’objet d’abondantes critiques au cours des travaux de la mission.

Composition du CVV

Conformément à l’article L. 321-21 du code de commerce, le CVV comprend onze membres nommés pour un mandat de quatre ans renouvelable une fois, à raison de :

1° Un membre du Conseil d’État, en activité ou honoraire, nommé par le garde des Sceaux, ministre de la Justice, sur proposition du vice-président du Conseil d’État ;

2° Deux conseillers de la Cour de cassation, en activité ou honoraires, nommés par le garde des Sceaux sur proposition du premier président de la Cour de cassation ;

3° Un membre de la Cour des comptes, en activité ou honoraire, nommé par le garde des Sceaux sur proposition du premier président de la Cour des comptes ;

4° Trois personnalités exerçant ou ayant cessé d’exercer depuis moins de cinq ans l’activité d’opérateur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, respectivement nommées par le garde des Sceaux, par le ministre chargé de la culture et par le ministre chargé du commerce ;

5° Trois personnalités qualifiées en matière de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, respectivement nommées par le garde des Sceaux, par le ministre chargé de la culture et par le ministre chargé du commerce ;

6° Un expert ayant l’expérience de l’estimation de biens mis en vente aux enchères publiques, nommé par le ministre chargé de la culture.

Des suppléants sont désignés en nombre égal et dans les mêmes formes.

Le président du CVV est nommé par le garde Sceaux, et choisi parmi les membres du Conseil d’État, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes.

Un magistrat du parquet est par ailleurs désigné pour exercer les fonctions de commissaire du Gouvernement auprès du CVV. Il peut proposer une solution amiable aux différends intéressant un OVV qui sont portés à sa connaissance.

Il ne peut être mis fin aux fonctions des membres et du président avant l’expiration de leur mandat qu’en cas de démission ou d’empêchement, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.

Les membres du conseil exerçant au cours de leur mandat l’activité de ventes volontaires aux enchères publiques ne participent pas aux délibérations relatives à la situation individuelle des OVV.

Plusieurs personnes entendues ont fait valoir que la composition actuelle du CVV n’était pas optimale au regard des missions qui lui sont confiées.

Certaines ont souligné que, du fait de sa composition, le CVV était amené à représenter des intérêts parfois très divergents (à la fois ceux des petites études de commissaires-priseurs et ceux des grandes maisons de ventes anglo-saxonnes). La présence de représentants de Sotheby’s et de Christie’s au sein du CVV a été critiquée, notamment en raison du lobbying agressif que ces maisons de ventes y mèneraient.

D’autres ont déploré que le CVV compte en son sein une grande majorité de personnes qui ne sont pas des professionnels du marché de l’art, à l’exception des trois personnalités exerçant ou ayant exercé l’activité d’OVV ainsi que d’un expert.

Sans doute la composition du CVV doit être repensée, afin de donner plus de poids aux professionnels du marché de l’art (et peut-être un peu moins aux hauts fonctionnaires), et afin de rendre son positionnement moins délicat au regard des intérêts en présence.

Interrogée sur cette proposition, la ministre de la Culture et de la Communication, Mme Audrey Azoulay, ne s’est pas montrée hostile à une réforme de la composition du CVV qui donne plus de place aux personnes issues du monde de la culture.

Proposition n° 13 Repenser la composition du Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (CVV) afin de donner plus de poids aux professionnels du marché de l’art et de mieux représenter leur diversité.

En toute hypothèse, le rapporteur estime qu’on ne saurait se passer d’instruments de régulation dans une période où la place de Paris est secouée par de retentissantes affaires, comme celle des « faux meubles du XVIIIe siècle », qui mettent en cause des antiquaires et experts renommés comme MM. Jean Lupu, Laurent Kraemer et Bill Palot et qui soulèvent également la question de la réglementation de l’expertise.

3. Mieux protéger le titre d’expert

Si des affaires comme celle des « faux meubles du XVIIIe siècle » ou encore celle de la société Aristophil, dans le domaine des manuscrits (101), ont pu être révélées, c’est bien parce qu’il existe des règles, en matière d’expertise. Mais si de telles affaires ont pu advenir, c’est sans doute aussi parce que ces règles sont encore insuffisantes.

On ne peut pas nier que des progrès ont été réalisés dans le domaine de l’expertise : outre que l’expertise judiciaire fait l’objet d’une réglementation (102) et que l’intervention des experts dans le cadre de ventes publiques est particulièrement encadrée par le code de commerce (103), la France est, avec la Belgique, le seul pays au monde à s’être doté de compagnies d’experts. Si ces dernières sont nombreuses pour des raisons historiques et si elles disposent chacune de leurs propres statuts (104) et de leurs propres règles de déontologie, elles ont néanmoins toutes plus ou moins les mêmes critères d’admission, à savoir que les candidats à l’admission justifient :

– d’une expérience dans leur spécialité d’au moins dix ans (cinq ans si un diplôme supérieur atteste de cette expérience) ;

– de deux spécialités au maximum ;

– d’une attestation d’assurance ;

– d’un casier judiciaire vierge.

Selon le président de la Compagnie nationale des experts (CNE), M. Frédéric Castaing, il faut s’enorgueillir du dispositif français encadrant l’expertise et mettre en avant les garanties qu’il offre : en 2015, la CNE n’a enregistré que cinq ou six mises en cause de la responsabilité d’experts qui y sont affiliés. De son côté, le Syndicat français des experts professionnels en œuvres d’art et objets de collection (SFEP) n’a recensé la même année que deux mises en cause de la responsabilité de ses experts, d’après son président, M. Michel Maket.

Outre que, comme l’a rappelé M. Olivier Delvaille, vice président de la Fédération nationale d’experts professionnels spécialisés en art (FNEPSA), le marché du mobilier du XVIIIe siècle s’est effondré depuis une vingtaine d’années – de sorte que les pièces chères sont devenues rares et qu’il ne vaut la peine de faire des « faux parfaits » que pour des pièces rares et très coûteuses –, le vice-président de la Chambre nationale des experts spécialisés en objets d’art et de collection (CNES) a souligné qu’il était devenu très difficile de tromper les acheteurs car, les biens circulant de plus en plus et une expertise ayant lieu à chaque revente, les biens privés sont plus souvent (et mieux) expertisés – tandis que des collections publiques du XIXe siècle dont les éléments ne circulent pas continuent, elles, à regorger de faux.

Par ailleurs, les catalogues raisonnés des peintres, sculpteurs ou joailliers se développent : ce sont les inventaires les plus complets possible de leurs œuvres et de leur localisation, qui comportent parfois la mention de leurs propriétaires si ces derniers ont donné leur accord. Une présentation générale de l’artiste accompagne souvent ce travail : ses dates, sa généalogie, sa formation, ses débuts, sa maturité, sa fortune critique, ses collègues et amis, ses élèves, sa postérité. Des documents d’archives y sont joints : acte de baptême, acte(s) de mariage(s), naissance des éventuels enfants, acte de décès, inventaire après décès, vente après décès.

En outre, les nouvelles technologies permettent de rendre l’expertise beaucoup plus rigoureuse : radiographies, prélèvements, systèmes de datation des bois, analyses en laboratoire, etc. C’est un travail austère qui relève presque du diagnostic médical.

Qui plus est, l’expertise a aussi gagné en sérieux du fait que les experts travaillent de plus en plus souvent ensemble, dans le cadre d’expertises croisées : M. Frédéric Castaing a ainsi expliqué que, s’agissant du tableau attribué au Caravage qui a été retrouvé à Toulouse, le travail collégial était indispensable car un seul expert ne peut pas avoir de solution toute faite, car tout expert, même très expérimenté, peut se tromper.

Enfin, contrairement au modèle anglo-saxon où l’expert est très souvent salarié des maisons de ventes (105), l’expert français demeure indépendant.

Lors de leur audition, les représentants de nombreuses compagnies d’experts ont donc loué le modèle français de réglementation de l’expertise qui, hérité de l’époque napoléonienne, s’oppose à la conception anglo-saxonne de l’expertise dans le cadre de laquelle n’importe qui peut se présenter comme expert… de sorte que la sélection entre bons et mauvais experts est faite au gré des catastrophes.

Toutefois, le rapporteur remarque que, l’expertise judiciaire mise à part (106), le titre d’expert n’est pas davantage protégé en France : aucune condition légale n’encadre l’accès à cette profession, aucun statut général n’encadre son exercice et la jurisprudence reste confuse sur la responsabilité et la nature des obligations de l’expert : s’agit-il d’une obligation de moyens (107) ou de résultat (108) ?

Or, l’insuffisante protection du titre d’expert constitue une faiblesse dans une période où l’appât du gain est attisé par l’afflux, sur le marché de l’art, de sommes d’argent considérables, notamment à la suite du report des investissements qui s’effectuaient jadis dans l’immobilier et les paradis fiscaux, et où la part de faux circulant aujourd’hui sur le marché mondial de l’art est estimée entre 10 % et 20 % des œuvres et objets faisant l’objet de transaction.

À cela s’ajoute le dévoiement de l’image des experts qu’opère et diffuse la médiatisation de l’expertise à travers certaines émissions télévisées. Celles-ci présentent au public la figure d’un expert omniscient qui se prononcerait sur photographies, et qui estimerait successivement des armes médiévales, des gravures du XVIIIe siècle, du mobilier de la Renaissance – alors que la spécialisation est le fondement même de l’expertise.

S’il faut avoir conscience que l’expertise ne peut pas tout – ne serait-ce que parce que tout le monde sait, par exemple, qu’un peintre comme Corot signait beaucoup de tableaux peints par ses amis – il n’en demeure pas moins que des marges de progrès subsistent dans la réglementation de l’expertise.

Outre que, d’après certaines des personnes entendues, les connaissances des conservateurs des musées et des restaurateurs d’œuvres et objets d’art seraient sous-exploitées dans le cadre de l’expertise au bénéfice d’acteurs privés (109), il a été indiqué à la mission que certains experts qui sont aujourd’hui des « passages obligés » pour certaines ventes auraient néanmoins des connaissances plutôt limitées dans leur spécialité.

Par ailleurs, alors que les compagnies d’experts sont censées permettre de faire le tri entre les vrais et les faux experts, il semble qu’il soit parfois difficile, d’un point de vue juridique, de refuser des candidats à l’adhésion qui satisfont tous les critères énoncés par ces compagnies mais dont la qualification professionnelle témoigne de ce que leurs compétences sont limitées.

Tout en préservant la tradition culturelle française de l’expertise indépendante, le rapporteur estime que l’usage du titre d’expert pourrait être mieux encadré et contrôlé qu’il ne l’est aujourd’hui, malgré les efforts louables des compagnies d’experts en ce sens.

Les représentants de certaines d’entre elles ont déploré que le titre d’expert ne soit pas protégé par la loi. D’autres ont expliqué qu’une réglementation du titre d’expert par la loi serait mal acceptée par une partie de la profession et qu’il serait préférable :

– d’une part, d’imposer que soit mentionnée, dans les catalogues de ventes, l’affiliation de tel ou tel expert à telle ou telle compagnie (car ce sont les compagnies d’experts qui, par la sélection qu’elles opèrent, permettent de prévenir les difficultés) ;

– d’autre part, d’étendre à l’ensemble des experts une obligation d’assurance, qu’ils interviennent auprès des juridictions, dans le cadre des ventes publiques ou de gré à gré, des successions ou des inventaires.

Proposition n° 14 Mieux protéger le titre d’expert en imposant la mention de leur affiliation à une compagnie d’experts dans les catalogues de ventes et en imposant à l’ensemble des experts une obligation d’assurance.

Lors de son audition, la ministre de la Culture et de la Communication, Mme Audrey Azoulay, s’est déclarée favorable à cette proposition.

IV. CONSOLIDER LA SCÈNE NATIONALE POUR CONQUÉRIR LE MARCHÉ MONDIAL

Le marché français doit aujourd’hui, pour exploiter à plein son potentiel, construire des acteurs de dimension internationale – qu’il s’agisse d’artistes, de galeries ou des maisons de ventes (cf. supra) – et en particulier consolider son marché primaire pour mettre fin au cercle vicieux qui s’est instauré depuis les années 1960 : les artistes français sont faiblement exposés dans les musées français, lieux de création de la valeur esthétique ; ils trouvent dès lors un faible écho auprès des collectionneurs et des galeries, ce qui détourne plus encore le marché national et international de leurs créations.

A. ASSURER UNE MEILLEURE VISIBILITÉ AUX ARTISTES FRANÇAIS

Les artistes français pâtissent d’une faible visibilité au niveau international, en cohérence avec la place qu’occupe la France dans le marché de l’art mondial. Cet état de fait semble en particulier imputable à l’insuffisante diffusion de leurs œuvres au niveau national, de nature à freiner leur insertion dans le jeu mondial.

1. Accroître la promotion des artistes français sur la scène nationale

a. Un préalable indispensable : montrer les artistes français en France

Il est apparu, au cours des auditions conduites par la mission, qu’un réel déficit de chauvinisme innervait l’ensemble des acteurs du marché de l’art en France. À l’inverse, dans les pays anglo-saxons, et particulièrement au Royaume-Uni, comme en Allemagne, les artistes apparaissent plus fermement soutenus par les institutions culturelles comme par les collectionneurs privés.

En France, les institutions muséales font montre d’une ouverture internationale qui, si elle n’est pas critiquable, semble néanmoins laisser peu de place aux artistes français. Comme l’indique le rapport Jobbé-Duval, « la grande ouverture internationale de la scène artistique française est le fruit d’une tradition ancienne et d’une politique depuis longtemps favorable à la diversité culturelle (…) Dans les domaines des expositions et des collections, l’ouverture internationale de la scène artistique française est particulièrement forte et souvent nettement supérieure à ce qui peut s’observer chez nos partenaires » (110). Ainsi, les collections des FRAC sont composées d’environ 45 % d’œuvres issues d’artistes étrangers, tandis que celles gérées par le Centre national des arts plastiques (CNAP) comportent, à parts égales, des artistes français et étrangers.

Cet universalisme se ressent également dans les expositions organisées par les musées français, quand, à l’inverse, de grands musées étrangers comme celui de la Tate Modern consacrent un nombre plus élevé de leurs expositions à des artistes nationaux. Le Palais de Tokyo a toutefois reçu pour mission de montrer au grand public les œuvres issues de la scène artistique française et confère ainsi une visibilité certaine à de jeunes artistes.

Le Palais de Tokyo, vitrine de la scène artistique française ?

Construit à l’occasion de l’Exposition internationale de 1937, le Palais de Tokyo abrite dans son aile Ouest, depuis 2002, un site de création contemporaine qui est aujourd’hui le plus grand d’Europe (avec une surface de 22 000 m²), ainsi qu’un espace d’expositions unique en son genre.

Sa programmation, qui fait la part belle tant à la création émergente qu’aux artistes les plus confirmés de la scène française et internationale, est rythmée par des expositions, des performances et des cartes blanches invitant les artistes à investir l’intégralité de ses espaces.

Le Palais de Tokyo a lancé en 2015 un festival annuel, « Do disturb », et a développé une politique éditoriale qui s’articule autour du magazine « Palais » et d’une collection de livres monographiques.

Il anime depuis 2002 une résidence d’artistes, le Pavillon Neuflize OBC, laboratoire de création, et contribue également au rayonnement de la scène française à l’étranger, à travers la conception, chaque année, de plusieurs expositions hors-les-murs montrées à l’occasion de grands rendez-vous internationaux de l’art.

Fidèle à ses missions citoyennes, le Palais de Tokyo s’est imposé très tôt comme une référence dans le domaine de la médiation culturelle, grâce à un dispositif pionnier, diversifié et généreux d’accompagnement des publics.

Le modèle économique du Palais de Tokyo, unique en son genre pour un lieu d’expositions en France, repose sur un financement mixte public / privé, permettant de générer chaque année plus de la moitié
 du budget de fonctionnement de l’établissement, notamment grâce au mécénat d’entreprises et à son association d’amis, aux événements organisés par des marques et aux défilés des Fashion Week, et à plusieurs concessions (une librairie, plusieurs restaurants, et un club).

Par ailleurs, comme l’a constaté Mme Nathalie Moureau, économiste, les artistes français en milieu de carrière, ayant 45 à 55 ans, bénéficient assez peu d’expositions personnelles au sein des musées d’art contemporain ; seuls les musées des Beaux-Arts semblent en mesure de leur accorder une certaine attention (111). Certaines personnes entendues par la mission ont également constaté que les expositions monographiques organisées par les grands musées d’art contemporain, notamment le Centre Pompidou, arrivaient relativement tard dans la carrière de l’artiste : le circuit de légitimation des artistes par le biais des institutions publiques apparaît extrêmement long.

Ainsi, alors que le CNAP a commencé à acquérir des œuvres de Pierre Soulages dans les années 1960, celui-ci n’a bénéficié d’une exposition au Centre Pompidou qu’en 1979, puis en 2010. De la même façon, l’artiste Jean-Luc Moulène, actuellement exposé au Centre Pompidou, a été acquis pour la première fois par le CNAP il y a 25 ans, tandis que l’artiste Kader Attia, lauréat du Prix Marcel Duchamp cette année, a été acquis pour la première fois par le CNAP en 2002. Le Centre Pompidou a toutefois récemment mis en place un espace dédié à la jeune scène contemporaine, encore inconnue du grand public, la « Galerie 0 », initiative à laquelle le rapporteur ne peut qu’être extrêmement favorable en ce qu’elle permettra sûrement de donner plus de visibilité à de jeunes artistes français ou vivants en France.

En l’absence d’une légitimation rapide par les institutions publiques françaises, il est plus difficile, pour les artistes français, de s’insérer sur le marché international et de trouver un écho auprès de collectionneurs, français comme étrangers. De fait, « la plupart des artistes n’ayant pas exposé dans un grand musée ou une institution réputée ne peuvent prétendre à exposer dans un musée étranger (…) On trouve également le cas paradoxal qui est que certains artistes français ou vivant en France réussissent à avoir une première exposition dans un musée étranger avant de pouvoir l’obtenir d’un musée dans leur propre pays de résidence » (112). L’absence d’exposition au sein d’un musée reconnu rend également extrêmement complexe la tâche des services culturels du réseau diplomatique français, qui peinent à promouvoir de façon crédible une production d’artistes négligée par leurs propres institutions.

C’est la raison pour laquelle le rapport Jobbé-Duval avait préconisé, en 2008, de « rappeler aux responsables d’institutions aidées par l’État leur responsabilité à l’égard de la promotion de la scène française internationale ». Des progrès récents semblent toutefois être apparus dans ce domaine, le Centre Pompidou accueillant prochainement une exposition dédiée aux quatre finalistes du Prix Marcel Duchamp, créé en 2000 par l’Association pour la diffusion internationale de l’art français (ADIAF) dans le but de distinguer un artiste français ou résidant en France. Auparavant, seule l’œuvre du lauréat du Prix Marcel Duchamp était exposée. Ainsi, le grand public pourra pour la première fois cette année découvrir les œuvres de Kader Attia, Yto Barrada, Ulla von Brandenburg et Barthélémy Toguo. En dépit de ces initiatives, qui méritent d’être soulignées, le constat établi en 2008 par le rapport précité demeure d’actualité.

Proposition n° 15 Inciter plus fortement les institutions culturelles publiques, notamment d’art contemporain, à exposer des artistes français ou vivant en France.

De façon générale, le poids de la tradition universaliste de la pensée française se ressent également dans les expositions conduites par les fondations d’art contemporain privées, de même que dans les stocks des galeries françaises, qui promeuvent un grand nombre d’artistes étrangers.

b. Prolonger le soutien public aux artistes contemporains

Au-delà des expositions, il pourrait également être utile de prolonger le soutien public aux artistes prometteurs. En effet, il est apparu que les jeunes créateurs étaient relativement soutenus, en début de carrière, par les pouvoirs publics, notamment par le biais des acquisitions des fonds régionaux d’art contemporain (FRAC) et du fonds national d’art contemporain (FNAC), ou des nombreuses aides à la création comme les bourses ou les résidences d’artiste (113) ; en revanche, peu d’aides leur sont offertes en milieu de carrière, à partir de 40 ans généralement, pour assurer la diffusion et la promotion de leurs œuvres.

Ainsi, comme l’indique une étude de la Fondation Terra Nova, « après leurs années d’études, les jeunes artistes font face à deux étapes cruciales dans leur carrière : l’insertion dans la sphère professionnelle au cours des quatre années qui suivent la sortie de l’école, puis la consolidation de leur position pour passer du statut de “jeune artiste” à celui d’ “artiste confirmé”. Il existe de nombreux dispositifs publics et privés attestant d’un grand dynamisme en matière de soutien à la jeune création. Ces initiatives se sont surtout focalisées sur l’insertion des jeunes artistes dans la vie professionnelle (…) mais assez peu sur la seconde étape de leur carrière, si bien que certains jeunes artistes se retrouvent contraints de réduire, voire d’abandonner, leur pratique au niveau professionnel malgré des débuts prometteurs » (114).

Surtout, il apparaît essentiel que les aides publiques soient tournées tant vers la production que vers la diffusion, en apportant un soutien particulier aux projets d’expositions ou de catalogues. Notamment, l’aide à la création versée par les directions régionales des affaires culturelles, comme l’aide à une recherche ou à une production artistique du Centre national des arts plastiques, ne comprend aucun volet relatif à la diffusion ou à la communication, contrairement aux aides versées par la Ville de Paris, tournées vers la diffusion (cf. encadré ci-après).

Les aides publiques à destination des artistes plasticiens

Plusieurs aides sont aujourd’hui accessibles aux artistes plasticiens. Les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) apportent ainsi leur soutien aux artistes plasticiens par deux biais : l’aide à la création, destinée au développement d’un projet artistique ; l’allocation d’installation d’atelier, permettant l’aménagement d’un local de travail ou l’acquisition de matériel destiné à l’activité de création artistique.

Le Centre national des arts plastiques met en œuvre deux aides aux artistes : le soutien exceptionnel, apporté à un artiste dont la situation financière ne lui permet plus d’exercer son activité à titre professionnel ; le soutien à une recherche ou à une production artistique, qui doit permettre à un artiste déjà exposé de réaliser un projet artistique. En 2015, 16 aides de ce type ont été attribuées, pour un montant de 139 000 euros.

Les collectivités territoriales proposent également des aides aux artistes plasticiens. Notamment, la Ville de Paris a mis en place une aide financière à la création et à la diffusion des arts visuels sur le territoire parisien, de 15 000 euros maximum, qui doit permettre la prise en charge de 60 % des frais engagés pour l’exposition d’une œuvre pour la première fois sur le territoire parisien. Elle propose également des aides aux projets de résidence d’artistes, en vue de la production d’une œuvre inédite, conditionnées à l’exposition de cette dernière pendant une période de dix jours minimum.

Par ailleurs, les initiatives doivent être multipliées, partout sur le territoire, en coopération avec les collectivités territoriales, pour rendre plus visible le travail des artistes français et faciliter leur professionnalisation. Notamment, les pouvoirs publics doivent soutenir les projets de résidence d’artistes et d’incubateurs réunissant, en un même lieu, des ateliers d’artistes mettant en œuvre des moyens de production conséquents et des lieux d’exposition pour les jeunes galeries, à l’image de l’Usine Utopik en Basse-Normandie, qui propose des résidences d’artistes à des plasticiens et à des auteurs, un festival ainsi que des rencontres entre les résidents et le public.

Proposition n° 16 Créer, sur l’ensemble du territoire et en lien avec les institutions culturelles locales, comme les Fonds régionaux d’art contemporain, des clusters d’art contemporain, réunissant des ateliers d’artistes, des moyens de production, des lieux d’exposition et des locaux ouverts aux jeunes entreprises œuvrant dans le domaine de l’art contemporain (galeries, maisons d’édition, start-up en lien avec les arts visuels, etc.)

2. Faciliter l’insertion des artistes français dans le jeu international

a. Favoriser l’internationalisation des artistes français

Les artistes français, contrairement à certains artistes étrangers, notamment allemands, américains ou britanniques, ne disposent que d’une visibilité limitée au niveau international. S’il apparaît indispensable, au préalable, de favoriser leur exposition nationale, il importe également de pouvoir « transformer l’essai » en aidant les structures locales – institutions culturelles ou galeries – à faire la promotion des artistes français au niveau international.

Notamment, les expositions itinérantes, circulant en France et à l’étranger, semblent moins fréquemment organisées par les galeries et musées français que par leurs homologues étrangers, limitant ainsi la visibilité des expositions monographiques présentées en France. Reprenant à son compte une proposition formulée par plusieurs personnes entendues par la mission d’information, le rapporteur recommande la mise en place d’aides spécifiques à l’itinérance des expositions présentées par les galeries, ainsi que l’attribution de moyens dédiés aux musées d’art contemporain. De telles aides permettraient de remédier à l’un des désavantages des artistes français par rapport à leurs homologues étrangers, à savoir l’absence de relais dans des pays étrangers culturellement proches : en effet, contrairement aux artistes anglais et suisses, qui bénéficient d’un degré d’exposition non négligeable aux États-Unis et en Allemagne, les artistes français ne disposent pas de soutiens identifiés au sein de pays étrangers.

Proposition n° 17 Mettre en place des aides spécifiques à la diffusion internationale de la production française en matière d’art contemporain, par exemple par l’octroi d’une aide à l’itinérance internationale d’une exposition

De la même façon, il a été indiqué au rapporteur que les catalogues d’expositions consacrées à des artistes français contemporains n’étaient pas systématiquement bilingues en France, contrairement à d’autres pays comme l’Allemagne. Il apparaît dès lors nécessaire de prévoir, dans le domaine de l’édition de catalogues ou d’ouvrages, la mise en place d’aides spécifiques, afin de mettre en valeur le travail des artistes français au niveau international. Si le CNAP propose d’ores et déjà aux galeries d’art commerciales un soutien à la publication, accessible aux catalogues d’exposition, livres ou monographies publiés en français et dans une langue étrangère, le rapporteur ne peut que déplorer le faible nombre d’aides distribuées en 2015 : en effet, seules dix aides, pour un montant total de 49 750 euros, ont pu être attribuées.

Proposition n° 18 Augmenter le nombre de bénéficiaires des aides du Centre national des arts plastiques en matière d’édition de catalogues et d’ouvrages bilingues

Enfin, le rapporteur a été sensible à la nécessité de faire participer les acteurs locaux de l’art contemporain à la diffusion des œuvres d’artistes français au niveau international. Nombre d’expositions sont en effet organisées en région, notamment par les Fonds régionaux d’art contemporain, que peu d’étrangers ont l’opportunité de visiter. Ainsi, il apparaît opportun de soutenir l’invitation, par des acteurs locaux, de professionnels étrangers, comme cela existe depuis 2010 par le biais du programme Focus de l’Institut français (cf. infra). Ainsi, en 2016, à l’occasion du Salon de Montrouge, des commissaires, directeurs d’institutions et critiques d’art étrangers ont pu bénéficier d’un véritable circuit culturel au sein de musées, de fondations, de galeries et d’ateliers d’artistes dans le Grand Paris, mais aussi en Languedoc-Roussillon, à travers son FRAC, le centre régional d’art contemporain de Sète et le musée de Sérignan. Au-delà de ce dispositif, des moyens financiers pourraient être dégagés pour permettre aux institutions culturelles locales et régionales d’inviter des professionnels étrangers à visiter leurs collections.

Proposition n° 19 Augmenter les crédits des Fonds régionaux d’art contemporain et des institutions culturelles publiques locales dédiés aux actions de diffusion de l’art contemporain auprès des professionnels et collectionneurs étrangers

b. Amplifier les effets de la politique extérieure de la France

L’action extérieure de la France dans le domaine des arts visuels, conduite par la direction générale de la mondialisation, de la culture, de l’enseignement et du développement international du ministère des Affaires étrangères et du développement international (MAEDI), semble avoir pris, depuis quelques années, la pleine mesure des enjeux culturels et économiques qui sous-tendent le marché de l’art. Les industries culturelles et créatives sont même devenues, en 2015, la cinquième famille prioritaire à l’export, sous la houlette de sa fédératrice, Mme Isabelle Giordano.

Le MAEDI, fort d’un réseau diplomatique riche de 154 services de coopération et d’action culturelle, mène ainsi de nombreuses actions dans le domaine des arts visuels, accompagné dans cette politique par l’un de ses opérateurs, l’Institut français, qui est également sous la tutelle du ministre chargé de la culture. La création récente, dans plusieurs postes diplomatiques, de relais spécialisés dans les arts plastiques, sur le modèle du bureau des arts plastiques créé à Berlin en 1996, témoigne d’un ciblage plus poussé de l’action extérieure de la France sur les pays prescripteurs : la Chine, où le relais spécialisé « arts visuels » a été créé en 2014 ; le Royaume-Uni, où se déploie, depuis 2010, le Fluxus Art Projects (cf. encadré infra) ; les États-Unis , avec le département « Arts visuels, design et architecture » de la mission culturelle et universitaire française, créé en 2013 (115).

Le Fluxus Art Projects : la promotion bilatérale des artistes français et britanniques

Le Fluxus Art Projects est un organisme à but non lucratif franco-britannique créé en 2010 par l’Institut français du Royaume-Uni dont l’objectif est de promouvoir les arts visuels et les artistes tant français que britanniques, en leur apportant l’aide nécessaire pour exposer à l’étranger à un moment charnière de leur carrière.

Le ministère de la Culture et de la Communication et le British Council y sont aujourd’hui associés. Le budget d’intervention du Fluxus Art Projects s’est élevé à 129 000 euros entre janvier et juin 2016, dont environ 30 000 euros issus de levées de fonds organisées auprès de mécènes privés.

Ce programme vise en particulier les artistes âgés de moins de 45 ans les plus prometteurs, en apportant un soutien notamment financier à leurs projets d’exposition individuelle ou collective – comme l’exposition de Cyprien Gaillard et Dominique Gonzalez-Foerster à la Hayward Gallery – et en contribuant à la mise en place d’ateliers de travail, de résidences d’artistes et de collaborations entre jeunes curateurs français et britanniques.

En favorisant les collaborations entre les deux scènes artistiques, le Fluxus Art Projects a permis en cinq ans la concrétisation de 90 projets artistiques. Des artistes comme Philippe Parreno et Xavier Veilhan ont pu bénéficier, par ce biais, d’une importante visibilité sur la scène britannique. D’autres artistes, comme Raphaël Zarka, Mathieu Klebeye-Abonnenc, Daniel Dewar et Grégory Gicquel, ont été exposés en Angleterre avant d’être nominés à des prix prestigieux en France, tels le prix Marcel Duchamp ou le prix Meurice.

Enfin, le Fluxus Art Projects a contribué à la production sur le territoire britannique d’expositions d’artistes français qui ont par la suite trouvé leur place dans les plus grands centres d’art européens : « The Pale Fox » de Camille Henrot, « Témoins Oculaires » d’Isabelle Cornaro ou encore « Fröbel Fröbeled » d’Aurélien Froment.

Des moyens supplémentaires, pour partie issus du mécénat, sont alors affectés à ces relais pour mener des actions ciblées auprès des professionnels et des collectionneurs du marché de l’art local (116). L’ambassade de France aux États-Unis a ainsi pu soutenir l’exposition « Spirit your mind » organisée par le collectif français Chalet Society en marge de la foire de Bâle délocalisée à Miami, ce qui a permis de faire connaître le travail d’une quinzaine d’artistes français. Le programme Oui Design, piloté par l’ambassade, a conduit à la réunion, pendant la semaine de design de New-York, de 27 designers et commissaires français et internationaux, et de 15 institutions françaises et américaines, autour des thèmes du savoir-faire et de l’innovation.

Particulièrement sensibilisés à la question depuis 2011, les postes diplomatiques concernés ont multiplié les initiatives depuis lors, de même que l’Institut français, qui a mené, pour la seule année 2015, 120 actions dans le domaine des arts visuels. Si la participation à la Biennale de Venise constitue une action phare de l’Institut français, le renforcement du programme de résidences d’artistes, comme celui de la Villa Kujoyama au Japon ou en partenariat avec des structures locales aux États-Unis, assure une plus grande diffusion des œuvres des artistes français dans les pays concernés. Comme l’ont indiqué plusieurs personnes entendues par la mission, il serait opportun de multiplier les Villas Médicis dans les villes où la création bat actuellement son plein, telles que Los Angeles ou Miami, Rome ne présentant plus un intérêt majeur pour un jeune artiste ou architecte. L’Institut français a également soutenu, en 2015, les expositions personnelles de 16 artistes français, dont Pierre Huygue, Julien Prévieux ou encore Isabelle Cornaro et, dans le domaine du design, de Ronan et Erwan Bouroullec au musée de Tel Aviv.

Son programme Focus, qui permet d’accompagner les professionnels étrangers du monde de l’art dans la découverte de la scène artistique française, par le biais de parcours dédiés en France (cf. supra), est une action particulièrement efficace : entre 2010 et 2014, ce sont plus de cent commissaires internationaux qui ont été invités en France, assurant l’émergence de 50 projets d’exposition d’artistes français dans le monde. Le travail de l’artiste plasticienne Camille Henrot avait ainsi pu être présenté dans le cadre d’un Focus à l’un des futurs jurys de la Biennale de Venise de 2013, dans le cadre de laquelle elle a remporté un Lion d’argent. Le musée d’art de Los Angeles (LACMA) a fait l’acquisition de deux œuvres d’artistes français, Pierre Huygue et Cyprien Gaillard, après la participation de l’un de ses commissaires au programme Focus.

Le MAEDI mène également des actions spécifiques à destination des collectionneurs. Ses ambassades ont notamment organisé des voyages de collectionneurs allemands et suisses à la FIAC, et soutenu l’organisation d’une journée de rencontres dédiées aux collectionneurs français et belges en 2015 à l’occasion de l’exposition des lauréats du prix Marcel Duchamp à Bruxelles. De telles initiatives, probablement appréciées de leurs bénéficiaires, doivent être multipliées.

Si certains ont pu déplorer l’absence d’une vitrine française à New York, à l’image de l’espace d’exposition du Swiss Institute, il est apparu que l’action extérieure de la France dans ce domaine, tournée vers les professionnels prescripteurs, pouvait s’avérer plus efficace sur le long terme. Ayant tourné le dos à des actions de promotion directe des artistes français qui n’avaient pas porté leurs fruits eu égard à la « pression » étatique ressentie par le marché local, le MAEDI apparaît aujourd’hui conduire une politique particulièrement ciblée dans ce domaine. Néanmoins, si une telle initiative était prise par un acteur privé ou associatif, le soutien des pouvoirs publics français serait tout à fait opportun.

En tout état de cause, le rapporteur estime que les crédits d’intervention affectés à ces actions pourraient bénéficier d’une hausse afin d’amplifier les effets positifs de l’action extérieure de la France en matière d’arts visuels. En effet, le budget que l’Institut français consacre aux arts visuels, de 1,8 million d’euros en 2016, est en grande partie absorbé par le pavillon français de la Biennale de Venise (117). Si celui-ci constitue une vitrine indispensable, il n’en reste pas moins que les budgets affectés à la diffusion des œuvres des artistes français, comme aux professionnels prescripteurs, apparaissent insuffisants, notamment dans certains pays prescripteurs comme la Chine, dont le relais « arts visuels » n’a bénéficié, en 2015, que de 60 000 euros.

Proposition n° 20 Augmenter la subvention versée à l’Institut français et les crédits d’intervention des postes diplomatiques disposant d’un relais « arts visuels »

B. ACCOMPAGNER LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DES GALERIES DES PREMIER ET SECOND MARCHÉS

1. Une situation économique difficile qui contribue à la faible internationalisation des galeries françaises

a. Une participation coûteuse aux foires internationales

Au-delà même de la morosité économique, qui touche l’ensemble des pays occidentaux depuis la crise de 2008, les galeries sont aujourd’hui confrontées à une évolution sociologique relativement coûteuse. En effet, leur fréquentation par les particuliers est aujourd’hui en baisse, ceux-ci n’ayant pas de temps à consacrer à la visite de galeries devenues trop nombreuses. Comme l’explique le journaliste Harry Bellet, « dans les années 1950, vous alliez à Paris, il y avait une dizaine de galeries à voir et c’était fini. Dans les années 1960, vous quittiez Paris pour aller à New York où il n’y avait pas 200 galeries. Maintenant, c’est mondial. Le phénomène de foires s’est amplifié parce que les clients ne peuvent plus, tout simplement, faire la tournée des galeries. Si vous voulez faire la tournée des galeries de Chelsea, il vous faut la semaine. Il y a en a plus de 400. » (118)

Les galeries sont donc contraintes, pour s’assurer une certaine visibilité auprès des collectionneurs, de participer à une dizaine de foires, nationales ou internationales, par an. Celles-ci se sont largement développées au cours des dernières années jusqu’à devenir un point de passage obligé pour les galeries d’art contemporain, mais également pour les galeries d’art moderne ou ancien et les antiquaires. En matière d’art contemporain, ces foires apparaissent de plus en plus comme des instances de légitimation tant des galeries que des artistes.

LA SITUATION ÉCONOMIQUE DES GALERIES D’ART EN 2013

Source : N. Moureau, « La faible rentabilité des marchands français », Le Journal des Arts, n° 443, octobre 2015.

De fait, ce sont les galeries d’art contemporain qui semblent avoir connu la plus forte élévation de leurs charges externes, qui regroupent les dépenses liées au transport, aux vernissages et aux foires, et à la communication, entre 2006 et 2013, celles-ci représentant 39 % de leur chiffre d’affaires (119). Ainsi, si certaines galeries parviennent à dégager un résultat d’exploitation de 50 %, ce n’est pas le cas de la majorité des galeries : les galeries affiliées au Syndicat national des antiquaires (SNA) avaient une rentabilité de 7,4 % en 2013, quand celle des galeries du Comité professionnel des galeries d’art (CPGA), plus portées sur l’art contemporain, n’atteignait que 0,5 % (120).

Or, participer à de tels événements a un coût – plusieurs milliers d’euros par stand, auxquels il faut ajouter les coûts liés à la scénographie, à la gestion des collectionneurs les plus importants, à l’embauche d’assistants et au transport des œuvres (121) – qui n’est pas toujours susceptible d’être rentabilisé par les galeries présentant des artistes dont la cote n’est pas encore élevée. De fait, seules les grandes galeries, à l’assise financière solide et défendant des artistes reconnus, peuvent se permettre, tout en maintenant une programmation artistique au sein d’une galerie physique, de participer à Art Basel ou à la FIAC, accroissant encore leur visibilité et celle de leurs artistes.

Face à cette situation, certaines galeries plus jeunes, ne pouvant accéder aux grandes manifestations d’art contemporain faute de moyens financiers ou de stands disponibles, ont créé leurs propres événements en marge de ces dernières. C’est le cas à Bâle, où la foire de Liste, depuis 1996, présente au public des galeries émergentes et des artistes encore peu connus. Elle accueille chaque année environ 80 galeries – parmi lesquelles 10 à 15 y viennent pour la première fois – issues d’une trentaine de pays. Une initiative similaire se développe également à Paris où, depuis 2015, Paris Internationale, un collectif de cinq jeunes galeries, organise sans soutien public une foire dans un hôtel particulier situé à proximité du Grand Palais. Elle a réuni cette année, pour sa deuxième édition, 53 galeries et 7 projets. Les professionnels étrangers, notamment britanniques, apparaissent particulièrement intéressés par cette foire, plus jeune et plus dynamique, à certains égards, que la FIAC. Certaines foires, comme Drawing Now Paris, s’attachent à proposer des stands à prix réduits pour assurer la participation de galeries émergentes.

Le Centre national des arts plastiques propose également des aides visant à faciliter la participation de galeries d’art à des événements commerciaux à l’étranger. Toutefois, tant le nombre de bénéficiaires que le montant de l’aide ainsi apportée semble insuffisant. Ainsi, en 2015, seuls douze projets ont pu être soutenus pour un montant total de 60 000 euros, l’aide moyenne apportée s’élevant à 5 000 euros, montant insuffisant eu égard aux frais réels engendrés par la participation aux foires d’art internationales.

Proposition n° 21 Augmenter le nombre de bénéficiaires et le montant de l’aide allouée aux galeries d’art pour la participation à des foires internationales.

Les grandes foires internationales, qu’il s’agisse d’art contemporain
– comme Art Basel, Art Basel Miami Beach, Frieze London, Frieze New York, la FIAC – ou d’art moderne ou ancien – Biennale des antiquaires, Frieze Masters, TEFAF de Maastricht, Armory Show, etc. –, montrent une certaine uniformisation des
œuvres et des galeries présentées. Ainsi, la FIAC et Frieze London présentent environ 65 % de galeries communes. Si chacune de ces foires a ses particularités, l’importance qu’elles ont prise au cours des dernières années amène à s’interroger sur la diversité culturelle permise par le marché. C’est pourquoi le rapporteur estime nécessaire que les pouvoirs publics apportent leur soutien aux initiatives porteuses, comme celle du salon Galeristes qui se tiendra en décembre 2016 à Paris, susceptibles, d’une part, d’accroître la diversité culturelle des artistes présentés et, d’autre part, de faire de la France une place incontournable du marché de l’art.

Proposition n° 22 Soutenir, au plan financier et immobilier, les initiatives porteuses, telle que celle de Paris Internationale, assurant une plus grande visibilité aux galeries émergentes et une plus grande diversité culturelle dans les artistes présentés

b. Une concurrence de plus en plus prégnante

La concurrence qui existe sur le premier marché de l’art, qui met en jeu les galeries d’art contemporain, a toujours été constitutive de son fonctionnement, les galeries émergentes, accompagnant de jeunes artistes, les perdant parfois au profit de galeries plus importantes au fur et à mesure de l’accroissement de la notoriété desdits artistes. Ce fut notamment le cas du jeune Emmanuel Perrotin, qui ne put exposer Damien Hirst qu’une seule fois, en 1991, avant que celui-ci ne rejoigne une galerie britannique bien établie et n’obtienne, en 1995, le prix Turner, puis soit exposé, dès 1996, par la galerie américaine Gagosian.

Par ailleurs, les galeries intervenant sur le second marché, consacré aux œuvres ayant déjà fait l’objet d’une première commercialisation, sont concurrencées depuis plusieurs années déjà par les maisons de ventes aux enchères, qui sont de plus en plus présentes sur le marché des ventes de gré à gré. Comme l’écrivait déjà la sociologue Raymonde Moulin en 2000, « l’une des récentes manifestations de la concurrence entre les auctionneers et les marchands réside dans l’ouverture de départements de transactions privées. L’organisation des private sales éloigne l’auctionneer de sa fonction théorique d’arbitre, son activité se rapprochant alors de celle des professionnels du négoce. » (122)

Les ventes de gré à gré ont été ouvertes en 2011 aux maisons de ventes établies en France, et elles représentent d’ores et déjà une part importante de leur activité, comme en témoigne le dernier rapport d’activité du Conseil des ventes volontaires. En effet, 66 opérateurs de ventes volontaires déclarent avoir réalisé des ventes de gré à gré en 2014, pour un montant de 93 millions d’euros, ce qui représente 12 % des montants adjugés dans le cadre de leurs ventes publiques aux enchères. Au niveau mondial, Christie’s a annoncé avoir réalisé, en 2015, 851 millions de dollars de ventes de gré à gré, contre 673 millions de dollars pour sa concurrente Sotheby’s. Toutefois, « le Conseil des ventes considère que sa connaissance de l’activité de vente de gré à gré des OVV est encore imparfaite et que les indications quant au poids de ces activités doivent être prises avec prudence. » (123)

2. La nécessité d’une aide publique à la constitution de stocks par les galeries

a. Des coûts de fonctionnement de plus en plus importants

Les galeries d’art contemporain font face à des coûts de fonctionnement importants. En effet, « le galeriste prend en charge les coûts liés à la production d’œuvres par ses artistes. Cela représente des sommes tellement importantes qu’il doit parfois nouer des partenariats de coproduction, voire s’endetter, notamment lorsqu’il s’agit de réaliser des installations complexes ou des œuvres monumentales pour des événements précis comme la Biennale de Venise, qui pourront difficilement être revendues mais contribuent à la notoriété des artistes » (124).

Or, l’art contemporain, notamment lorsqu’il est fait d’installations et d’œuvres monumentales, apparaît de plus en plus tourné vers une économie de production, à l’instar du cinéma : de telles œuvres ne peuvent exister que si la galerie les finance en amont. Pour autant, ces œuvres monumentales, si elles confèrent à leurs auteurs une certaine notoriété, ne sont pas nécessairement commercialisables en tant que telles – comme c’est le cas des œuvres d’art urbain –, ou difficilement commercialisables du fait de leur volume, sauf à être acquises par une institution culturelle ou un collectionneur bénéficiant d’un espace suffisant pour les stocker ou les exposer.

Au-delà de cette évolution récente de l’économie du marché de l’art contemporain, c’est le fonctionnement même des galeries qui repose sur la notion de stock : c’est en défendant des artistes initialement peu connus, dont elles vendent, parfois en exclusivité, les œuvres, que les galeries peuvent espérer se développer et acquérir une certaine visibilité au niveau international. Il en est de même des galeries opérant sur le second marché : il faut une assise financière relativement large pour prendre des risques susceptibles de déboucher sur des ventes exceptionnelles (cf. supra).

b. Soutenir le tissu économique constitué par les galeries

Les galeries françaises bénéficient aujourd’hui d’un certain nombre d’aides, notamment du Centre national des arts plastiques. Le rapporteur a déjà souligné la nécessité d’augmenter les moyens dédiés au soutien à la publication ainsi que l’aide accordée aux galeries françaises souhaitant participer à une foire internationale (cf. supra). Il en est de même du soutien à la première exposition personnelle, en galerie ou dans le cadre d’une foire, d’artistes déjà engagés de façon professionnelle sur la scène artistique française : celle-ci n’a concerné, en 2015, que 13 galeries pour un montant total de 43 000 euros. Si ces dispositifs ont le mérite d’exister, il conviendrait d’accroître les moyens qui leur sont affectés afin d’en amplifier les effets et d’avoir un impact réel sur le tissu français des galeries d’art.

De plus, les conditions d’octroi de ces aides ne sont pas toujours aisées à satisfaire. Par exemple, l’obligation d’avoir une implantation physique permanente fait obstacle à ce qu’y accèdent les galeries nomades, réponse à l’importance prise par les foires. Eu égard à la baisse de fréquentation des galeries permanentes et aux coûts engendrés par les implantations immobilières, un tel modèle économique, qui suppose de s’implanter temporairement, entre deux foires, dans des lieux éphémères, n’est pas incohérent. Aussi le rapporteur recommande que ces galeries, qui exposent de façon itinérante, puissent également bénéficier des aides publiques.

Par ailleurs, pour faire face aux difficultés rencontrées par les galeries pour accéder au crédit bancaire, une avance remboursable peut être sollicitée auprès du CNAP par une galerie pour la production d’une œuvre spécifique. D’un montant maximum de 50 000 euros, cette facilité de trésorerie peut représenter jusqu’à 80 % du coût de production de l’œuvre. Là encore, si le dispositif est particulièrement intéressant en ce qu’il assure le financement la production d’œuvres, seules 5 galeries en ont bénéficié en 2015.

De la même façon, l’Institut pour le financement du cinéma et des industries créatives, établissement de crédit agréé par le ministère de la Culture et de la communication, propose des garanties de crédits (125) aux galeries d’art qui souhaitent emprunter auprès d’un établissement bancaire et dispose également, depuis 2014, d’un fonds d’avances remboursables aux galeries d’art (FARGA). Plus larges que les avances remboursables proposées par le CNAP, puisqu’elles visent également les dépenses liées au développement de la galerie
– communication, participation à une foire, etc. –, les avances du FARGA peuvent atteindre 100 000 euros. Là encore, les bénéficiaires sont relativement peu nombreux, notamment du fait de la condition d’existence de deux ans posée pour l’obtention de cette avance remboursable ; le FARGA n’a ainsi octroyé, en 2015, que six prêts à de jeunes galeries, pour un montant total de 270 000 euros. Toutefois, le fonds n’ayant vu le jour que récemment, le nombre de prêts est vraisemblablement amené à augmenter.

Proposition n° 23 Augmenter le nombre de bénéficiaires des aides publiques accordant des facilités de trésorerie aux galeries

Pour survivre face aux grandes galeries dans un contexte économique difficile, les galeries de taille plus modeste ont aujourd’hui besoin d’acquérir une capacité d’investissement supérieure. C’est précisément l’objet de la proposition formulée par plusieurs personnes entendues par le rapporteur, et dont M. Franck Prazan, qui dirige la galerie Applicat-Prazan, est l’auteur. Par le biais d’une provision réglementée, les galeries pourraient déduire de leur résultat, pour le calcul de l’impôt sur les sociétés, un tiers du montant des achats d’objets d’art, de collection ou d’antiquités réalisés dans l’année et invendus à la clôture de l’exercice, et ce pendant trois ans. Cette provision serait toutefois conditionnée au réinvestissement, l’année suivante, de la somme annuelle ainsi provisionnée. Ce mécanisme, qui encouragerait les galeries à constituer des stocks plus importants et améliorerait corrélativement la situation financière des artistes plasticiens, est susceptible de contribuer à un surcroît d’activité des galeries et marchands d’art, eu égard aux effets de l’accroissement de leurs stocks sur leur niveau de ventes.

Par ailleurs, si ce dispositif permet une minoration d’impôt sur les sociétés à hauteur du tiers de la valeur de l’œuvre pendant trois ans, son coût fiscal est extrêmement faible dès lors qu’une reprise de la provision ainsi constituée intervient au moment de la vente des œuvres en question : seule l’inflation sur les sommes dont l’imposition est décalée dans le temps et, éventuellement, les sommes non recouvrées du fait de l’absence de vente des œuvres ou de leur dépréciation, sont ainsi à la charge de l’État. Plus encore, ce mécanisme est susceptible de générer de plus amples recettes fiscales – taxe sur la valeur ajoutée et impôt sur les sociétés –, s’il se traduit effectivement par un surcroît de ventes. Le rapporteur ne peut qu’être favorable à ce dispositif, dont le coût est quasi nul pour les finances publiques mais qui répond au besoin de trésorerie des galeries et assure ainsi un soutien efficace à leur tissu économique.

Proposition n° 24 Créer, au sein du code général des impôts, une provision réglementée facilitant l’accroissement du stock des galeries de premier et de second marché

Au-delà, il importe de rendre les aides aux start-up accessibles aux jeunes galeries, qui ont des besoins de trésorerie extrêmement importants au moment de leur création et pendant leurs premières années d’exercice. Que des incubateurs soient spécifiquement créés sur le thème des arts visuels, mêlant ateliers d’artistes et espaces d’expositions pour les jeunes galeries, ou que ces dernières soient accueillies au sein d’incubateurs d’entreprises non thématiques, les initiatives telles que celles des Ateliers de Paris ou de la résidence Créatis de la Gaîté Lyrique doivent être multipliées. De la même façon, les jeunes galeries devraient être éligibles aux fonds d’amorçage qui existent dans le domaine de l’innovation, ou destinataires d’un fonds spécifique.

C. CRÉER UN CONTEXTE PLUS FAVORABLE À LA COLLECTION D’œUVRES D’ART

1. Assurer une meilleure reconnaissance aux collectionneurs

Au-delà de la mesure fiscale déjà évoquée, propre à encourager la constitution de collections et à soutenir la scène artistique contemporaine, il apparaît nécessaire, tant du point de vue des institutions que des acteurs privés opérant en France, d’assurer une meilleure reconnaissance aux collectionneurs français et étrangers.

a. La nécessité d’une meilleure reconnaissance institutionnelle des collectionneurs français

Comme cela a été indiqué au cours des auditions conduites par le rapporteur, les collectionneurs français, qui forment un tissu relativement diffus, bénéficient aujourd’hui d’une trop faible considération de la part des institutions. Celles-ci, s’estimant seules légitimes dans leurs choix artistiques, ne leur font qu’une place limitée. Ainsi, comme l’indique une récente étude du ministère de la Culture et de la Communication, « plusieurs collectionneurs [interrogés] regrettent d’être souvent réduits à une fonction de fournisseurs de services ou de pourvoyeurs de fonds et de ne pas être considérés comme des partenaires à part entière, porteurs d’une expertise concurrente ou complémentaire de celle des membres de l’institution. Au collectionneur serait reconnue la fonction de mécène sans la légitimité du conservateur. » (126)

Il apparaît donc aujourd’hui nécessaire que les institutions marquent plus d’égards vis-à-vis des collectionneurs. Le rapporteur se rallie notamment à l’idée émise par une personne entendue par la mission de proposer à un collectionneur de devenir temporairement commissaire d’une exposition organisée à partir de sa collection et du fonds de l’institution en question, qui pourrait être, par exemple, un fonds régional d’art contemporain. De telles initiatives, propres à assurer la reconnaissance de l’engagement du collectionneur au profit des artistes contemporains, doivent être encouragées.

Proposition n° 25 Encourager les institutions culturelles publiques à faire une place plus importante aux collectionneurs

L’attitude des institutions culturelles à l’égard des collectionneurs est d’autant plus dommageable qu’il existe, comme le note la fondation Terra Nova, « une majorité mal connue de collectionneurs plus modestes qui mérite l’attention car, contrairement aux plus grandes fortunes, elle s’intéresse au marché local et peut avoir un rôle décisif pour encourager de jeunes talents qui n’ont pas accès aux foires internationales ou aux institutions prestigieuses » (127).

Par ailleurs, entretenir des relations plus étroites avec les collectionneurs peut, dans une perspective patrimoniale, contribuer à contrebalancer la faiblesse des crédits budgétaires alloués aux acquisitions des musées. De ce point de vue, le dispositif fiscal français, s’il est très incitatif, pourrait voir ses effets amplifiés et conduire à la multiplication des donations, comme celles des époux Cligman au musée des Beaux-Arts de Tours en 2016, des époux Marcie-Rivière au musée d’Orsay en 2011 ou encore d’Yvon Lambert à l’État en 2012, estimée à 90 millions d’euros. Il est également notable que la poursuite de relations de confiance avec les collectionneurs étrangers peut déboucher sur des donations extrêmement utiles aux grands musées français, comme le montre l’exemple de la donation récente des époux Hays au musée d’Orsay.

Ces donations, qui enrichissent de façon considérable le patrimoine muséal, sont encore trop rares, notamment du fait de la complexité administrative qui pèse sur les négociations – les donateurs demandant généralement des contreparties, notamment en termes d’exposition des œuvres cédées. Les institutions culturelles françaises sont ainsi passées, pour certaines, à côté d’opportunités réelles : les négociations entreprises avec Helmut Newton en 2003, qui souhaitait faire don de ses œuvres à la France, n’ont pu aboutir, tandis que le collectionneur allemand Frieder Burda, qui avait initialement projeté l’ouverture d’un musée à Mougins, y a renoncé au profit de la ville de Baden-Baden. Il apparaît nécessaire, dans ce domaine, de se doter de moyens budgétaires suffisants pour satisfaire les demandes des collectionneurs ou des artistes, lorsqu’elles apparaissent raisonnables et que leur contrepartie, pour le patrimoine et le rayonnement culturel français, est indéniable.

b. Mieux synchroniser les événements artistiques pour attirer les collectionneurs étrangers

Les collectionneurs étrangers, pour les plus importants d’entre eux, suivent un calendrier relativement précis, dicté par l’enchaînement des foires, des biennales et des grandes ventes aux enchères. Dès lors, pour rendre le marché français attractif, un effort particulier doit être consenti par les acteurs publics comme privés pour concentrer les événements qu’ils organisent à des dates voisines, afin de susciter le déplacement des collectionneurs étrangers.

Les foires ont d’ores et déjà tenté de donner de la cohérence à leur programmation, la Biennale des Antiquaires accueillant ainsi les exposants de Paris Tableau cette année afin d’éviter une concurrence entre les deux événements, et le salon du dessin contemporain – Drawing Now Paris – se tenant au même moment que le Salon du dessin. C’est également le cas à Marseille, où les salons d’art contemporain Art-O-Rama et Paréidolie – dédié au dessin – se tiennent à la fin du mois d’août. Par ailleurs, le rapporteur juge souhaitable que la haute joaillerie fasse l’objet d’un événement à part entière, en France, afin d’accroître la visibilité de ce secteur tout à fait porteur.

Les institutions publiques ont également commencé à travailler plus étroitement avec les acteurs privés : les grands musées comme le Centre Pompidou, le Musée d’art moderne de la Ville de Paris, le Palais de Tokyo, le musée Picasso ou encore la fondation La Maison Rouge organisent, au moment de la FIAC, des expositions ou des événements particuliers. Le Centre Pompidou a ainsi ouvert trois expositions pendant la FIAC et proposera aussi une exposition intitulée The Pencil of culture retraçant dix ans d’acquisitions dans le domaine de la photographie dans le cadre de la foire Paris Photo. Les maisons de ventes organisent également leurs événements en fonction de l’agenda parisien : ainsi, Christie’s organise d’importantes ventes d’art moderne et contemporain pendant la FIAC, ainsi que des ventes de dessins pendant le Salon du dessin.

Il importe toutefois que les foires d’art les plus importantes de Paris, notamment dans le domaine du dessin ou du design, puissent également bénéficier de telles synergies. De la même façon, les institutions culturelles bénéficiant d’une implantation régionale devraient tirer profit des événements commerciaux qui se tiennent à Paris pour attirer un nouveau public, en faisant de ceux-ci des temps forts de leur propre programmation.

Afin d’améliorer la temporalité des événements artistiques et, au-delà, d’encourager les partenariats, le rapporteur estime indispensable que le ministère de la Culture et de la communication accueille en son sein une instance de dialogue, à laquelle participeraient, non seulement les professionnels du marché de l’art, mais également les institutions culturelles, publiques et privées, nationales et locales, et les collectivités territoriales, de même que les collectionneurs, voire les entreprises mécènes.

Proposition n° 26 Créer, au sein du ministère de la Culture et de la communication, une instance de dialogue réunissant tous les acteurs du marché de l’art en France – professionnels du marché de l’art, institutions culturelles, collectivités territoriales, collectionneurs et mécènes – afin que chacun agisse, en partenariat avec les autres acteurs, en faveur du marché de l’art français

De cette façon, l’ensemble des acteurs du marché de l’art, qu’ils soient publics ou privés, serait en mesure de mieux conjuguer leurs efforts pour faire de la France une place incontournable du marché de l’art. Comme l’a indiqué M. Alain Seban, ancien président du Centre Pompidou, « nous ne sommes pas si puissants que nous puissions nous diviser contre nous-même ». Au-delà du calendrier événementiel, des stratégies communes pourraient également émerger pour assurer la cohérence du soutien aux artistes. Notamment, il a été indiqué au rapporteur que des initiatives comme celle du Pavillon français à la Biennale de Venise, organisé par l’Institut français, étaient entreprises sans concertation avec les institutions publiques de l’art contemporain, cette absence d’interaction étant susceptible de conduire à des choix critiquables ou contre-productifs en matière d’artistes présentés. La nouvelle procédure de sélection, mise en œuvre depuis deux ans et fondée sur un appel à projets, a toutefois conduit à la sélection d’artistes comme Céleste Boursier-Mougenot, qui a bénéficié d’expositions d’envergure au sein d’institutions muséales publiques – au Centre Pompidou-Metz et au Palais de Tokyo –, en parallèle de sa participation à la Biennale.

2. Utiliser Internet comme médium privilégié pour encourager la constitution de collections chez les jeunes actifs

Les galeries d’art, en particulier contemporain, pâtissent aujourd’hui d’une image négative auprès du grand public. Une attitude distante, hautaine, voire méprisante, leur est souvent reprochée, ce qui a évidemment un impact dommageable sur la génération spontanée de nouveaux collectionneurs, qui n’ont pas nécessairement pu acquérir les codes culturels de l’art contemporain. C’est à juste titre qu’une personne entendue par le rapporteur a déclaré que « l’art contemporain [devait] avoir conscience de la nécessité des bonnes manières ». Plus que nul autre, l’art contemporain, esthétiquement moins accessible et culturellement associé au monde du luxe, nécessite de faire montre de pédagogie.

Le vecteur d’Internet, en ce qu’il permet de s’intéresser à l’art, notamment contemporain, sans avoir à franchir la porte parfois intimidante des galeries, constitue un outil de développement indispensable pour celles-ci, notamment à destination des actifs de 20 ans à 40 ans, qui sont familiers de ce médium. Internet est un moyen efficace de mettre en valeur le travail des nombreux artistes plasticiens que compte la France et de remédier à la baisse de fréquentation des galeries en captant une nouvelle clientèle.

Cependant, la vente sur Internet est perçue, par de nombreuses galeries d’art ayant une implantation physique, comme indigne et réservée aux artistes de seconde catégorie, ce qui dissuade les artistes de proposer leurs œuvres par ce biais. De fait, « pour les acteurs traditionnels français (galeries, petites maisons de ventes aux enchères), le passage à Internet n’est pas naturel. Il est vrai que cela casse un peu certains codes du marché, comme l’opacité des prix ou l’asymétrie de l’information. Il est vrai que cela représente un coût pour des acteurs aux marges déjà étroites » (128). Ainsi, très peu de galeries d’art françaises ayant une implantation physique proposent aujourd’hui leurs œuvres à la vente sur Internet.

Les acheteurs se montrent également frileux en France, où les achats d’œuvres d’art sur Internet dépassent rarement 2 000 euros, notamment en raison de l’absence de contact avec l’œuvre et de craintes liées à sa qualité. Certains galeristes estiment que ce marché n’est pas amené à se développer, du fait de la nécessité d’un contact physique avec l’œuvre. C’est sans conteste une analyse attestée en ce qui concerne le marché des œuvres d’exception, mais probablement moins juste en ce qui concerne les œuvres ne dépassant pas un montant de quelques dizaines de milliers d’euros. Par ailleurs, la réglementation française de la vente en ligne paraît favorable à son développement dans le domaine de l’art, en ce qu’elle offre d’importantes garanties aux acheteurs, en particulier la possibilité de retourner le bien concerné.

La France semble ainsi accuser un certain retard dans le développement de la vente d’œuvres d’art en ligne, notamment par rapport aux États-Unis, où Artsy, une start-up née en 2010 et soutenue par Larry Gagosian et Emmanuel Perrotin, qui propose 230 000 œuvres à la vente pour des prix allant de 100 dollars à un million de dollars, s’est implantée avec succès. Certaines initiatives de ce type ont pourtant vu le jour en France : Artsper pour l’art contemporain, qui propose à la vente près de 30 000 œuvres issues de 800 galeries ; Artistics, véritable galerie en ligne qui permet d’acheter directement l’œuvre à son auteur ; Expertissim pour les antiquités et les objets de collection ; Artviatic pour les œuvres d’art moderne de plus de 20 000 euros.

Toutefois, les galeries en ligne ne bénéficient que d’une faible reconnaissance du milieu de l’art, puisqu’elles ne participent pas, par exemple, au Comité professionnel des galeries d’art. Il conviendrait ici de distinguer les galeries d’art en ligne – qui mettent directement des artistes sélectionnés en contact avec le public, comme c’est le cas des galeries physiques – des agrégateurs de galeries, qui jouent le rôle d’intermédiaire entre des galeries physiques et des clients potentiels, ou des sites de vente en ligne n’opérant aucune sélection. Les galeries d’art en ligne devraient pouvoir accéder aux aides du Centre national des arts plastiques, notamment pour bénéficier de son soutien en matière d’accès aux foires internationales, tandis que des aides devraient également être développées pour permettre aux galeries physiques de proposer leurs œuvres à la vente sur Internet.

Proposition n° 27 Mettre en place des aides spécifiques visant à favoriser le développement de galeries d’art en ligne

3. Permettre l’émergence d’une nouvelle génération de collectionneurs par l’éducation artistique

Le déficit d’éducation artistique est apparu, pour nombre de personnes entendues par le rapporteur, comme l’une des causes de la faiblesse du marché de l’art français, étant à l’origine de la moindre appétence de nos concitoyens pour les arts visuels. De fait, il est difficile de devenir collectionneur, même à un niveau très modeste, sans le bagage culturel adéquat, notamment en raison des freins psychologiques qui peuvent exister, notamment dans le domaine de l’art contemporain (cf. supra).

Cependant, plusieurs initiatives ont été prises au cours des dernières années dans le domaine de l’enseignement artistique et culturel. Notamment, les élèves bénéficient depuis longtemps d’un enseignement de pratiques artistiques et d’histoire de l’art, à l’école et au collège, puis d’enseignements optionnels de ce type au lycée. Un nouveau pas a été franchi avec la réforme intervenue en 2013, dont l’objectif premier était de démocratiser l’accès à la culture sous toutes ses formes. En effet, l’article 10 de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République a modifié l’article L. 121-6 du code de l’éducation afin de créer un parcours d’éducation artistique et culturelle (PEAC) mis en œuvre tout au long de la scolarité. Ainsi, chaque élève, au cours de sa scolarité, « suit des enseignements qui constituent l’un des fondements d’une éducation artistique et culturelle ; ce fondement est souvent complété par des actions éducatives et s’enrichit d’expériences personnelles ou collectives, à l’école et en dehors de l’école. » (129)

À l’école, par exemple, l’établissement doit choisir chaque année un domaine des arts et de la culture – arts visuels, architecture, cinéma, patrimoine, spectacle vivant, etc. – qui doit faire l’objet d’actions éducatives spécifiques, conjuguant connaissances, pratiques artistiques, contact avec l’œuvre et rencontres avec les acteurs du monde culturel, et complétant l’action de l’enseignant au sein de sa classe. D’année en année, ces actions éducatives thématiques peuvent être approfondies et complétées afin d’enrichir le parcours artistique des élèves. L’académie de Créteil donne ainsi l’exemple du parcours « Découvrir des œuvres contemporaines à travers des explorations sonores et plastiques », mis en œuvre dans le Val-de-Marne et par le biais duquel de jeunes élèves peuvent entrer au contact d’une œuvre d’Annette Messager, Danses du scalp, exposée au Musée d’art contemporain du Val-de-Marne.

La réforme de l’organisation du temps scolaire pourrait également constituer une opportunité réelle pour contribuer à éveiller les jeunes élèves aux arts visuels, notamment lors du temps périscolaire, dans le cadre des projets éducatifs territoriaux (PEDT), en complément des actions éducatives à proprement parler. Si les collectivités territoriales sont investies de longue date dans les projets éducatifs artistiques et culturels, par le biais, notamment, de résidences d’artistes, la réforme de l’organisation du temps scolaire pourrait, à l’avenir, les y impliquer plus encore.

Si l’histoire de l’art figure parmi les épreuves du diplôme national du brevet depuis 2009, les nouveaux programmes applicables en 2016 aux écoles et aux collèges traduisent la priorité accordée par le Gouvernement à l’enseignement artistique et culturel. Au collège, cet enseignement devient pluridisciplinaire et l’histoire de l’art est enseignée aussi bien à travers les enseignements d’arts plastiques, de musique, d’histoire, de français, de langues vivantes que par le biais des disciplines scientifiques et de l’éducation physique et sportive. Les enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI), accessibles aux élèves de la cinquième à la troisième, pourraient également constituer un cadre privilégié pour aborder les arts visuels et contribuer ainsi au parcours d’éducation artistique et culturelle.

Le parcours éducatif artistique et culturel trouve aussi à s’appliquer au lycée, où il est complété par des enseignements d’exploration en classe de seconde : l’enseignement d’exploration « Création et activités artistiques » propose un enseignement dans le domaine des arts visuels d’une heure et trente minutes par semaine, tandis que l’enseignement d’exploration « Création et culture design » offre un enseignement de trois heures par semaine relatif à la création industrielle et artisanale. S’y ajoutent des enseignements d’arts plastiques et d’histoire de l’art optionnels ou facultatifs selon la filière choisie. Si ces enseignements ne sont pas accessibles dans chaque lycée, l’enseignement pluridisciplinaire de l’histoire des arts est cependant obligatoire à raison de 24 heures par an de la classe de seconde à celle de terminale.

Sans mésestimer l’importance des autres disciplines relevant de l’éducation artistique et culturelle, le rapporteur estime souhaitable, notamment à l’école primaire, de délivrer à tous les élèves les bases nécessaires à la compréhension des arts visuels, trop souvent délaissés au profit des arts vivants. Un équilibre doit être recherché, dans les activités périscolaires proposées par les collectivités comme dans les actions éducatives mises en œuvre par le corps enseignant, entre les différents domaines de l’éducation artistique et culturelle.

Par ailleurs, pour appuyer les activités scolaires et périscolaires organisées dans ce domaine, il importe que l’Éducation nationale mette à disposition de chaque enseignant des modules de formation aux arts visuels, réalisés en partenariat avec des institutions culturelles publiques. De façon générale, le recours au numérique doit être encouragé en ce qu’il assure un accès facilité aux arts visuels à tous les élèves. En particulier, les actions numériques des FRAC à vocation pédagogique doivent être soutenues, comme l’enrichissement du site internet « Lescollectionsdesfrac.fr », ce qui nécessite que leur soient alloués des moyens supplémentaires.

Proposition n° 28 Développer massivement les outils numériques à destination des élèves et des professeurs pour faciliter leur accès aux arts visuels

*

* *

Lors de sa réunion du mardi 15 novembre 2016, la mission d’information a adopté le présent rapport à l’unanimité.

LISTE DES PROPOSITIONS

1. Rendre obligatoire l’insertion de photographies des œuvres et objets d’art dans le registre de police qui doit être tenu par les professionnels du marché de l’art en application de l’article 321-7 du code pénal.

2. Exonérer temporairement d’ISF le produit de la vente d’œuvres et objets d’art à la condition que ces biens soient vendus en France et que le produit de leur vente soit remployé dans l’acquisition d’œuvres et objets d’art dans un délai de deux ans à compter de la vente.

3. Instaurer une différenciation de taux de la taxe forfaitaire sur la vente ou l’exportation des œuvres et objets d’art, selon que ceux-ci sont vendus ou exportés au sein ou en dehors de l’Union européenne.

4. Revenir sur l’interprétation restrictive de la notion d’accessibilité au public mise en œuvre par la doctrine fiscale en matière de mécénat des artistes vivants.

5. Augmenter le plafond de la déduction fiscale ouverte aux petites et moyennes entreprises au titre de l’acquisition d’œuvres originales d’artistes vivants.

6. Étendre aux professionnels indépendants, notamment libéraux, ainsi qu’aux particuliers, les dispositifs fiscaux favorisant l’acquisition d’œuvres originales d’artistes vivants et adhérents à la Maison des artistes.

7. Étendre le dispositif de réduction d’impôt dont bénéficient les entreprises qui effectuent des versements pour permettre l’acquisition de trésors nationaux par l’État dans le cadre d’une vente de gré à gré, à ceux de ces trésors qui font l’objet d’une préemption en vente publique.

8. Étendre aux particuliers les dispositifs de réduction d’impôt dont bénéficient les entreprises :

– qui effectuent des versements pour permettre l’acquisition de trésors nationaux par l’État (article 238 bis-O A du code général des impôts) ;

– qui acquièrent elles-mêmes des trésors nationaux dont l’État ne souhaite pas se porter acquéreur (article 238 bis-O AB du code général des impôts).

9. Permettre aux fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI) d’investir dans les œuvres et objets d’art dans les mêmes conditions que celles prévues pour leurs investissements dans des entreprises innovantes.

10. Mieux adapter la formation des commissaires-priseurs aux enjeux commerciaux et aux exigences de maîtrise des techniques de gestion, de communication et de marketing.

11. Encourager l’exploitation, par les commissaires-priseurs, de toutes les potentialités des nouvelles technologies.

12. Inciter encore davantage les commissaires-priseurs à se regrouper, au sein de structures monoprofessionnelles ou interprofessionnelles, ou avec les huissiers de justice.

13. Repenser la composition du Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (CVV) afin de donner plus de poids aux professionnels du marché de l’art et de mieux représenter leur diversité.

14. Mieux protéger le titre d’expert en imposant la mention de leur affiliation à une compagnie d’experts dans les catalogues de ventes et en imposant à l’ensemble des experts une obligation d’assurance.

15. Inciter plus fortement les institutions culturelles publiques, notamment d’art contemporain, à exposer des artistes français ou vivant en France.

16. Créer, sur l’ensemble du territoire et en lien avec les institutions culturelles locales, comme les Fonds régionaux d’art contemporain, des clusters d’art contemporain, réunissant des ateliers d’artistes, des moyens de production, des lieux d’exposition et des locaux ouverts aux jeunes entreprises œuvrant dans le domaine de l’art contemporain (galeries, maisons d’édition, start-up en lien avec les arts visuels, etc.).

17. Mettre en place des aides spécifiques à la diffusion internationale de la production française en matière d’art contemporain, par exemple par l’octroi d’une aide à l’itinérance internationale d’une exposition.

18. Augmenter le nombre de bénéficiaires des aides du Centre national des arts plastiques en matière d’édition de catalogues et d’ouvrages bilingues.

19. Augmenter les crédits des Fonds régionaux d’art contemporain et des institutions culturelles publiques locales dédiés aux actions de diffusion de l’art contemporain auprès des professionnels et collectionneurs étrangers.

20. Augmenter la subvention versée à l’Institut français et les crédits d’intervention des postes diplomatiques disposant d’un relais « arts visuels ».

21. Augmenter le nombre de bénéficiaires et le montant de l’aide allouée aux galeries d’art pour la participation à des foires internationales.

22. Soutenir, au plan financier et immobilier, les initiatives porteuses, telle que celle de Paris Internationale, assurant une plus grande visibilité aux galeries émergentes et une plus grande diversité culturelle dans les artistes présentés.

23. Augmenter le nombre de bénéficiaires des aides publiques accordant des facilités de trésorerie aux galeries.

24. Créer, au sein du code général des impôts, une provision réglementée facilitant l’accroissement du stock des galeries de premier et de second marché.

25. Encourager les institutions culturelles publiques à faire une place plus importante aux collectionneurs.

26. Créer, au sein du ministère de la Culture et de la communication, une instance de dialogue réunissant tous les acteurs du marché de l’art en France
– professionnels du marché de l’art, institutions culturelles, collectivités territoriales, collectionneurs et mécènes – afin que chacun agisse, en partenariat avec les autres acteurs, en faveur du marché de l’art français.

27. Mettre en place des aides spécifiques visant à favoriser le développement de galeries d’art en ligne.

28. Développer massivement les outils numériques à destination des élèves et des professeurs pour faciliter leur accès aux arts visuels.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation examine le rapport d’information sur le marché de l’art lors de sa séance du mercredi 16 novembre 2016.

M. le président Patrick Bloche. Mes chers collègues, Michel Herbillon, président de la mission d’information, et Stéphane Travert, rapporteur, vont nous présenter ce matin leur rapport sur le marché de l’art.

Il s’agit d’un moment important pour notre commission puisque nous décidons, chaque année, de constituer deux missions d’information. C’est l’illustration la plus visible de la capacité de notre assemblée, et du Parlement en général, à s’emparer de sujets importants, en l’occurrence pour les acteurs culturels et le rayonnement international de notre pays.

Le rapport devait être envoyé à tous les membres de la commission, mais, à cause d’un mauvais clic, il n’est parvenu qu’aux membres de la mission d’information, lesquels l’avaient déjà en leur possession. Je suis sincèrement désolé, mes chers collègues, que vous n’ayez pas eu le temps, de ce fait, de vous plonger dans la lecture de cet ouvrage. Je laisse à Michel Herbillon et Stéphane Travert le soin de vous expliquer la manière dont ils sont arrivés à des conclusions consensuelles.

Cette mission d’information, qui comportait quatorze membres, a été créée en janvier dernier par notre commission, mais ses travaux n‘ont réellement débuté qu’au mois de mai, en raison de la disparition de notre collègue Sophie Dessus, qui en était la rapporteure. Nous avons, toutes et tous, ce matin, une pensée pour Sophie, qui aurait aimé présenter ce rapport concernant un sujet qui lui tenait à cœur. Je remercie Stéphane Travert d’avoir accepté de prendre la relève.

La mission d’information a conduit, en quelques mois, un travail de grande ampleur, nourri de très nombreuses auditions et rencontres. Le projet de rapport, approuvé hier par la mission, étudie tous les aspects et enjeux d’un secteur rarement abordé par la représentation nationale, alors qu’il joue un rôle clé dans la vitalité de la création des arts visuels et le rayonnement artistique de notre pays.

Je vais maintenant donner la parole à Michel Herbillon, puis à Stéphane Travert, afin qu’ils nous rendent compte des travaux de la mission d’information et de ses préconisations.

M. Michel Herbillon, président de la mission d’information. Comme l’a dit le président Bloche, nous avons, ce matin, une pensée émue pour notre collègue Sophie Dessus.

Je suis heureux de vous retrouver, avec Stéphane Travert, pour vous présenter ce rapport d’information relatif au marché de l’art français, fruit de nombreuses semaines de travail.

Alors que la France a dominé le marché de l’art jusque dans les années soixante, force est de constater qu’elle est, à présent, réduite à une position bien moins importante : notre pays est aujourd’hui relégué au quatrième rang mondial, loin derrière les trois géants que sont les États-Unis, le Royaume-Uni et la Chine, qui règnent sans partage et représentent à eux seuls plus de 80 % du marché de l’art. Cette partition relativement récente du marché de l’art procède à la fois d’un phénomène d’internationalisation du marché, auquel les acteurs français peinent à s’intégrer, et de la polarisation de ce marché autour de protagonistes puissants, constitués en un quasi-oligopole.

Face à ce constat sans appel, il nous a semblé essentiel de mettre en valeur les formidables ressources dont nous disposons. Des atouts, la France en regorge, et la longue tradition française en matière de culture peut s’appuyer sur un tissu dense d’acteurs compétents, parmi lesquels on recense des galeries et des marchands d’art, des musées, des collectionneurs, des maisons de vente. Ce sont ces acteurs que nous nous sommes attachés à rencontrer afin de recueillir leur témoignage, leurs expériences et leurs propositions.

Je peux vous dire que toutes ces rencontres, ces tables rondes et les échanges qui s’en sont suivis ont été particulièrement féconds, intéressants, parfois surprenants, toujours sur un ton extrêmement libre. C’est ce que permet, monsieur le président, une mission d’information, et c’est dans ce contexte que nous avons recueilli de nombreux témoignages.

Nous nous sommes donc réunis, le 27 janvier dernier, dans le but d’analyser les forces et les faiblesses du marché de l’art en France et de formuler des propositions propres à lui redonner son lustre. C’est dans cette perspective que j’ai été nommé président de la mission. Celle-ci a d’abord eu pour rapporteur Sophie Dessus, mais nous n’avons pas eu l’occasion de travailler ensemble puisqu’elle m’avait demandé, en raison de sa maladie, de différer les auditions. Après sa disparition, Stéphane Travert a été désigné pour prendre sa suite.

Du mois de mai au mois de novembre, nous avons conduit près de quarante-deux auditions et table rondes et entendu une centaine de personnes : nous avons ainsi reçu la quasi-totalité des acteurs concernés par le champ de nos travaux, brossant, par la même occasion, un panorama complet des différents protagonistes qui animent aujourd’hui le marché de l’art. Si nous avons accueilli la majorité des intervenants ici, à l’Assemblée nationale, nous avons également effectué des déplacements qui nous ont menés dans plusieurs lieux culturels, à Paris, mais aussi à Londres, où nous sommes allés voir la Frieze Art Fair et la Frieze Masters. Nous y avons rencontré un certain nombre d’acteurs du marché de l’art en Grande-Bretagne.

Nous nous sommes efforcés de couvrir, de la manière la plus exhaustive possible, le spectre de toutes celles et ceux qui font le marché de l’art et participent à son fonctionnement.

Nous avons ainsi auditionné des dirigeantes et dirigeants d’institutions muséales et culturelles, parmi lesquelles le Centre Pompidou, le Palais de Tokyo, la Fondation Louis Vuitton, le musée d’Orsay, etc. ; des associations et des organisations professionnelles : le Syndicat national des antiquaires (SNA), le Syndicat national des maisons de ventes volontaires (Symev), l’Association pour la diffusion internationale de l’art français (ADIAF), le Comité professionnel des galeries d’art (CPGA), etc. ; des responsables d’événements privés, comme la Foire internationale d’art contemporain (FIAC), les dirigeants de Paris Photo, de Paris Internationale, de la Biennale des antiquaires ; des maisons de vente : Drouot, Sotheby’s France, Christie’s France, Artcurial ; des galeries : la galerie Daniel Templon, la galerie Perrotin, la galerie Thaddaeus Ropac, la galerie Applicat-Prazan, etc. ; des experts et personnalités du marché de l’art : MM. François Pinault, Pierre Bergé, Jean-Jacques Aillagon, Alain Seban, Alfred Pacquement, Guillaume Cerutti, Jean-Paul Claverie, conseiller artistique de Bernard Arnault, etc.

Nous avons également rencontré les représentants des principales administrations concernées par le marché de l’art : le ministère des Affaires étrangères, avec la Direction générale de la mondialisation, de la culture, de l’enseignement et du développement international ; le ministère de la Culture et de la communication, avec la Direction générale de la création artistique (DGCA) – service des arts plastiques – et la Direction générale des patrimoines (DGP) – service des musées de France ; l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC), la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) et Tracfin.

À titre anecdotique, sachez que nous avons rencontré les responsables de la répression le lendemain de la révélation de l’affaire des faux meubles, que les professionnels appellent les « faux parfaits ». Réalisés avec des bois anciens du XVIIIe siècle et de fausses estampilles, ils ont abusé les plus grands acheteurs, et même Versailles. Il était intéressant d’entendre « en direct » ceux qui avaient révélé cette affaire.

Enfin, nous avons eu l’occasion, il y a deux semaines, d’auditionner Mme la ministre, Audrey Azoulay, ainsi que les collectionneurs.

Nous avons aussi rencontré les principaux responsables des écoles d’art, comme les Beaux-Arts, à Paris.

Ces auditions, qui se sont avérées aussi riches que passionnantes, nous ont permis de comprendre comment le paysage de l’art s’organisait en France autour des acteurs qui le font vivre. Nous avons ensuite pu dégager une analyse précise et complète de la situation dans laquelle se trouve aujourd’hui le marché de l’art en France.

Au début de nos auditions, nous avions envisagé, avec Stéphane Travert, d’intituler notre rapport « No hope » – titre que nous aurions ensuite francisé –, autrement dit « Plus d’espoir » pour le marché de l’art français. Au fil des auditions et des rencontres, nous avons changé de point de vue. C’est aussi cela qui fait l’intérêt des missions d’information. L’analyse à laquelle nous sommes parvenus nuance le constat alarmant qui avait conduit à la création de cette mission d’information, et a mis en évidence plusieurs pistes pour rendre à notre pays la place qu’il mérite.

C’est la raison pour laquelle nous avons tenu, avec Stéphane Travert, à présenter un certain nombre de propositions. Nous souhaitons, ainsi que le président Patrick Bloche, en assurer le suivi d’ici à la fin de cette législature, comme lors de la prochaine.

Les différents acteurs que nous avons rencontrés nous ont confirmé ce que nous supposions des difficultés qu’ils rencontrent à l’heure actuelle pour peser sur le marché de l’art à l’échelle internationale et y faire exister les artistes français. Ils ont également souligné l’importance des leviers fiscaux et réglementaires, voire législatifs, qui tendent à entraver le développement de notre marché de l’art.

Cela étant, ils ont aussi mis en lumière les éléments sur lesquels nous devons nous appuyer pour agir : aujourd’hui, la France, et Paris en particulier, est une place attractive du rayonnement culturel, nourrie par plusieurs manifestations de grande ampleur et de notoriété internationale, comme la FIAC, le Salon du Dessin, ou encore Paris Photo. Contrairement aux idées reçues, la FIAC n’a pas à rougir de la comparaison avec la Frieze, à Londres. La FIAC est un événement très important pour les acteurs du marché de l’art dans le monde.

En outre, notre pays dispose d’un réseau très fourni d’acteurs spécialisés, qu’il s’agit de faire travailler en bonne intelligence avec une génération d’artistes prometteurs, comme Cyprien Gaillard, Neil Beloufa ou encore Camille Henrot. C’est d’ailleurs un artiste français, présent dans la nouvelle aile de la Tate Modern, à Londres, qui a eu le prix Marcel Duchamp, décerné chaque année au Centre Pompidou à un artiste émergent.

C’est autour de ces axes et des secteurs où la France excelle, comme le design, la photographie – tout le monde nous a dit que Paris et la France étaient le centre mondial de la photo –, l’art urbain, le dessin – avec des salons très importants en matière de dessin ancien ou de dessin contemporain – et les arts premiers, que nous devons concentrer notre action.

Ce sont tous ces éléments que nous avons pris en compte dans l’élaboration de ce rapport d’information.

Je cède à présent la parole à mon collègue Stéphane Travert, qui va vous en livrer les propositions. Je rappelle que le rapport d’information a été adopté hier à l’unanimité par notre mission. Fort heureusement, nous avons très souvent des positions communes sur ces sujets, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons dans l’hémicycle. Ils ne font pas l’objet de clivages ni de polémiques. Je pourrais dire, en utilisant un vocabulaire qui vous est plus familier, mes chers collègues de la gauche, que l’art est plutôt « transcourants ».

M. Stéphane Travert, rapporteur de la mission d’information. Comme Michel Herbillon, je tiens à souligner la qualité de l’ambiance qui a présidé à nos travaux durant les semaines où nous avons auditionné plus de cent personnes et acteurs majeurs du monde de l’art. Cette harmonie nous permet de vous livrer aujourd’hui une synthèse de nos réflexions.

Je vous remercie, mes chers collègues, de votre participation à nos travaux. Nous avons pu, au travers de nos auditions et de nos déplacements, chercher à comprendre comment donner un nouveau souffle au marché de l’art en France.

Nous avons rencontré de nombreux artistes, des collectionneurs, des galeristes, des présidents d’institutions, qui contribuent aujourd’hui à l’enrichissement du patrimoine national et méritent toute notre gratitude.

Le marché de l’art porte en lui des passions qui rassemblent. C’est le pari de l’audace, la foi des galeristes dans le talent des créateurs qui font vivre le marché et qui créent aujourd’hui des rencontres indispensables à l’épanouissement des talents et à la vitalité culturelle de notre pays. Dans ce rapport, nous avons voulu montrer le dynamisme, le savoir-faire des professionnels de l’art, ainsi que les leviers qu’il faut, selon nous, absolument actionner pour remédier aux faiblesses que nous avons pu recenser durant ces nombreuses heures d’auditions.

Comme l’a souligné Michel Herbillon, la France n’occupe plus aujourd’hui que le quatrième rang mondial sur le marché de l’art et ne représentait plus que 6 % du marché mondial en 2015. Plus inquiétant encore, notre pays ne concentrait, la même année, que 4 % des ventes aux enchères de fine art, et c’est sur l’art contemporain que la situation est la plus critique puisque la France ne pèse que 2 % de ce marché. À l’échelle européenne, nous nous trouvons également en situation de décrochage, puisque nous ne représentons que 19 % du marché, ventes privées et publiques confondues, là où le Royaume-Uni occupe la première place, avec près de 64 % des parts de marché.

C’est en partant de ces données que nous avons décidé d’auditionner un large panel d’acteurs du marché de l’art et que nous avons établi un certain nombre de propositions, que nous estimons aujourd’hui à même de constituer des remèdes aux faiblesses de notre marché de l’art, d’une part, et d’offrir un soutien efficace aux acteurs et aux secteurs qui portent le marché de l’art en France, d’autre part.

Certaines de ces propositions recueillent un large consensus parmi les personnes auditionnées. C’est notamment le cas des mesures concernant la fiscalité du marché de l’art, qui constituent un levier privilégié d’action en faveur de la circulation des œuvres et de la constitution de collections.

Pour cette raison, je pense qu’il ne faut pas ranimer le débat récurrent sur l’introduction des œuvres d’art dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Le marché de l’art réclame de la stabilité et n’apprécie guère les annonces et les propositions de modifications de la loi fiscale. Parallèlement, j’estime que le régime de l’ISF doit être défini de façon à favoriser le plus possible le marché de l’art français. Il conviendrait d’exonérer temporairement d’ISF le produit de la vente d’œuvres et d’objets d’art, à condition que ces biens soient vendus en France et que le produit de leur vente soit remployé dans l’acquisition d’œuvres ou d’objets d’art dans un délai de deux ans à compter de la vente.

Notre fiscalité doit également limiter les pertes qu’accusent les places françaises et européennes au bénéfice des États-Unis : nous proposons donc d’instaurer une différenciation du taux de la taxe forfaitaire sur la vente ou l’exportation des œuvres et objets d’art, selon que ceux-ci sont vendus ou exportés au sein ou en dehors de l’Union européenne.

Par ailleurs, si la France accuse un retard substantiel sur ses concurrents, c’est en partie en raison de l’absence d’un réseau important de collectionneurs et de mécènes, comme ceux que l’on peut, par exemple, trouver en Allemagne. C’est pourquoi il est essentiel d’adapter notre fiscalité, afin qu’elle facilite et encourage la constitution de collections et la pratique du mécénat d’entreprise.

Nous avons donc proposé, dans ce rapport, d’augmenter la déduction fiscale ouverte aux petites et moyennes entreprises au titre de l’acquisition d’œuvres originales d’artistes vivants, ce à quoi Mme la ministre de la Culture et de la Communication ne s’est pas déclarée hostile. La mesure pourrait prendre la forme d’une franchise de 100 000 euros, au-delà de laquelle s’appliquerait le plafond de 5 ‰ du chiffre d’affaires ou un barème dégressif de seuils différenciés en fonction du chiffre d’affaires des entreprises, cette dernière solution étant particulièrement lisible pour les PME.

Dans la même perspective, nous proposons d’étendre le dispositif de réduction d’impôt dont bénéficient les entreprises qui effectuent des versements pour permettre l’acquisition de trésors nationaux par l’État dans le cadre d’une vente de gré à gré à ceux de ces trésors qui font l’objet d’une préemption en vente publique. Nous pourrions aussi étendre aux particuliers les dispositifs de réduction d’impôt dont bénéficient les entreprises qui effectuent des versements pour permettre l’acquisition de trésors nationaux par l’État et qui acquièrent elles-mêmes des trésors nationaux dont l’État ne souhaite pas se porter acquéreur.

Dans le même esprit, nous proposons d’étendre aux professionnels indépendants, notamment libéraux, ainsi qu’aux particuliers, les dispositifs fiscaux favorisant l’acquisition d’œuvres originales d’artistes vivants adhérents de la Maison des artistes.

Nous avons également constaté, lors des auditions, que les pays anglo-saxons possèdent toujours une longueur d’avance en matière de maisons de ventes. Cette particularité, pour partie culturelle, s’explique également par le statut et la formation de leurs commissaires-priseurs, mieux préparés à la dimension marchande de leur fonction et à son caractère mondialisé. Nous recommandons donc dans notre rapport d’adapter la formation des commissaires-priseurs aux enjeux commerciaux et aux exigences de maîtrise des techniques de gestion, de communication et de marketing ; nous recommandons aussi de les encourager à exploiter toutes les potentialités des nouvelles technologies, en particulier la vente en ligne.

Par ailleurs, nous jugeons souhaitable de repenser la composition du Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (CVV), de façon à donner plus de poids aux professionnels du marché de l’art.

En outre, il est impératif de protéger et de mieux valoriser le statut des experts français du marché de l’art en imposant, par exemple, la mention de leur affiliation à une compagnie d’experts dans les catalogues de vente.

Au-delà de ces recommandations, qui concernent le second marché, le rapport avance également plusieurs propositions relatives au premier marché. Eu égard au manque de visibilité dont pâtissent les artistes français ou travaillant en France, il nous paraît indispensable que les institutions culturelles de notre pays, qui agissent comme des prescripteurs puissants, fassent une part plus importante, notamment dans leurs expositions, à la création artistique contemporaine qui innerve nos territoires.

En parallèle, il serait intéressant de constituer, dans une logique de mise en cohérence de l’action culturelle, des clusters d’art contemporain qui réuniraient des ateliers d’artistes, des moyens de production, des lieux d’exposition et des locaux ouverts aux jeunes entreprises œuvrant dans le domaine de l’art contemporain. Mme la ministre de la Culture s’est montrée très favorable à cette proposition.

S’il est urgent de mettre davantage de moyens et de lieux de production à disposition des artistes – pensons au coût très élevé des ateliers d’artiste dans nos métropoles, à Paris, en particulier –, il importe également d’augmenter les aides aux galeries d’art contemporain, notamment l’aide du Centre national des arts plastiques (CNAP) destinée à la participation à une foire internationale, et de créer de nouveaux dispositifs de soutien, en particulier pour favoriser l’itinérance des expositions et la vente d’œuvres d’art en ligne.

Je n’évoquerai pas ici l’idée de créer une provision réglementée destinée à favoriser l’investissement dans le stock des galeries puisqu’elle a déjà été débattue dans le cadre du projet de loi de finances.

Des événements tels que la foire Paris Internationale doivent également être soutenus par les pouvoirs publics, car ils contribuent à renforcer l’intérêt des collectionneurs étrangers d’art contemporain pour la place française.

Les crédits des institutions muséales, en forte hausse dans le projet de loi de finances pour 2017, devraient continuer à augmenter chaque année, notamment pour leur permettre de conduire des actions à destination des commissaires étrangers. De la même manière, il importe de fixer à un niveau cohérent avec l’ambition qui est la nôtre dans ce domaine les crédits des postes diplomatiques et des instituts français les plus concernés par le marché de l’art – je pense au Royaume-Uni, aux États-Unis, mais aussi à la Chine.

Pour conclure, il me paraît indispensable de doter le ministère de la culture d’une véritable instance de dialogue et de concertation réunissant tous les acteurs du marché de l’art en France – maisons de ventes, marchands d’art, galeries, experts, institutions culturelles, collectivités territoriales, collectionneurs et mécènes – afin que chacun agisse, en partenariat avec les autres acteurs, en faveur du marché de l’art français. C’est à cette condition que la France pourra pleinement exploiter son potentiel dans ce domaine.

Enfin, comme l’a dit Michel Herbillon, nous souhaitons que les propositions qui sont présentées ici fassent l’objet d’un suivi – c’est dire l’espoir que nous mettons dans la reconduction de nos mandats respectifs lors de la prochaine législature.

M. le président Patrick Bloche. Merci, cher président, cher rapporteur, de cette présentation dynamique de votre rapport. Je remercie en particulier Stéphane Travert d’avoir fait référence aux enjeux fiscaux, essentiels en ce domaine. Pour avoir vécu douloureusement la récente discussion de la première partie du projet de loi de finances, pendant laquelle je me suis senti très seul, je ne peux qu’inviter à une mobilisation collective. Les enjeux ne sont pas seulement culturels, ils sont aussi économiques : développer le marché de l’art, c’est favoriser la localisation d’emplois dans notre pays. Je regrette que cet argument, audible quand il s’agit du cinéma, le soit si peu lorsqu’il s’agit des arts visuels.

M. Hervé Féron. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, chers collègues, le groupe socialiste, écologiste et républicain tient tout d’abord à saluer les efforts fournis par la mission d’information, et plus particulièrement son président et son rapporteur, qui ont eu à mener à bien ce travail important dans les tristes circonstances que nous avons tous en tête. Sophie Dessus n’était pas une députée comme les autres et nous pensons, bien sûr, très fort à elle.

Le résultat de cette mission est dense mais passionnant, technique mais inspirant : toutes mes félicitations, monsieur le rapporteur.

Vous commencez par rappeler ce que nous oublions souvent, à savoir le poids économique considérable de la culture, et notamment des arts visuels, qui en 2015 ont représenté 21,4 milliards d’euros et quelque 310 000 emplois en France. Comme l’a dit le président de la Maison des artistes, « si l’art relève de la poétique, les biens culturels s’échangent pourtant sur un marché ».

Le marché de l’art recèle bien des spécificités. L’art n’est pas un bien comme les autres : il fait appel au cœur et à l’esprit plutôt qu’à nos simples réflexes consuméristes et, en cela, il est plus durable. Cette tendance est particulièrement observable ces derniers temps, à en croire la théorie émise par le journaliste américain Scott Reyburn selon lequel nous serions « passés d’un marché de la dilapidation à un marché de la rétention ».

Malgré leur contribution essentielle à l’économie et à l’image de la France dans le monde, les acteurs du marché de l’art souffrent d’un véritable déficit de reconnaissance de la part de l’État comme des médias. Relativement peu de crédits sont accordés pour soutenir directement l’activité des artistes et des galeries et les artistes français pâtissent d’une faible exposition dans les musées français, à l’exception peut-être du Palais de Tokyo.

À la différence des médias du Royaume-Uni, où un artiste contemporain peut aisément faire la une des journaux, les médias français parlent peu d’art contemporain, en dehors des scandales – tout le monde se souvient du traitement réservé à l’œuvre d’Anish Kapoor à Versailles ou à l’« arbre » de Paul McCarthy, place Vendôme –, à tel point – et c’est un comble ! – que le rapport parle d’un « réel déficit de chauvinisme des acteurs du marché de l’art en France ». Comme pour les artistes émergents musicaux, la solution consisterait à mettre en place un soutien public aux artistes contemporains dans la durée, y compris en milieu de carrière, afin d’assurer la diffusion et la promotion de leurs œuvres. Il importerait aussi de mettre à contribution notre réseau de coopération et d’action culturelle, unique en son genre, pour créer des « relais visuels » partout dans le monde.

Du XVIIe siècle, où Paris était le centre de la création artistique mondiale, aux années soixante, la France a dominé le marché de l’art, que se partagent désormais trois puissances hégémoniques, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la Chine. La partie dans laquelle vous décrivez les « politiques culturelles offensives » d’un pays comme les États-Unis après la Seconde Guerre mondiale est particulièrement intéressante. En France, dans les années soixante-dix, les artistes ont adopté un positionnement « anti-marché » qui a façonné dans un sens presque opposé notre conception du marché de l’art. Alors que la France occupe seulement la quatrième place mondiale en la matière et que les grosses maisons de ventes profitant de la mondialisation sont américaines, on peut s’interroger sur les phénomènes aux conséquences géopolitiques majeures que sont le Brexit et l’élection de Donald Trump. Pensez-vous, comme on l’a dit pour la finance au moment du Brexit, que la place de Paris pourra se trouver renforcée par rapport à Londres et à New York dans le marché mondial de l’art ?

Vous évoquez dans votre rapport la lutte contre le blanchiment et le trafic de « biens précieux ». Nous avons organisé en juin dernier avec une chercheuse du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) un colloque sur le patrimoine et la culture yéménites où nous avons appris que dans les pays en guerre, le pillage est en plein essor et qu’il est même organisé de manière de plus en plus professionnelle, en particulier dans les régions où le gouvernement central n’exerce plus de contrôle. Quelle est l’ampleur de ce phénomène ? Avez-vous une idée du nombre d’œuvres d’art issues de ces pillages qui se retrouvent sur le marché de l’art, en France et dans le monde ? Les places mondiales du marché de l’art sont-elles susceptibles de lutter efficacement contre ces trafics absolument illégaux ? Font-elles au contraire preuve d’une certaine complaisance à leur égard ?

Vous parlez aussi de la réforme issue de la loi pour la croissance et l’activité prévoyant de fusionner à l’horizon 2022 la profession de commissaire-priseur judiciaire avec celle d’huissier de justice au sein de la profession de « commissaire de justice ». Ce matin, un bonnet qui aurait appartenu à Charles Lindbergh a été mis aux enchères et, hier, plusieurs éditeurs dont un français ont présenté comme une œuvre inédite de Vincent Van Gogh un carnet contenant soixante-cinq dessins dont l’authenticité est vivement contestée par le musée Van Gogh d’Amsterdam. Voilà qui démontre la nécessité d’avoir de vrais experts sur le marché. Bien que vous traitiez largement la question dans votre rapport, vous n’évoquez pas le fait que les huissiers de justice n’ont, du fait de leur formation, aucune compétence dans le domaine de l’art et que cette fusion va permettre à des acteurs ayant des formations très disparates d’effectuer, de plein droit et sans restriction, des inventaires, des prisées et des ventes aux enchères publiques. Sans même évoquer le fait que l’atomisation du marché se fera au profit des grandes structures anglo-saxonnes richissimes comme Sotheby’s ou Christie’s, on peut craindre que cette réforme ne rende plus difficile l’appréciation de la valeur des objets des particuliers, ce qui risquerait de mettre le marché de l’art tout entier en danger.

Le rapport se conclut par une belle idée qui est de « permettre l’émergence d’une nouvelle génération de collectionneurs par l’éducation artistique » alors que les moyens dévolus à l’éducation artistique et culturelle (EAC) ont été doublés par le Gouvernement depuis 2012. Je pense qu’il serait également utile de mettre à profit les temps d’activités périscolaires (TAPs) pour, dès le plus jeune âge, sensibiliser les élèves aux arts visuels et aux arts plastiques en donnant davantage de moyens aux communes pour former des animateurs et faire intervenir des artistes professionnels.

M. François de Mazières. À mon tour de féliciter le rapporteur et le président de cet excellent travail. Je tiens à souligner le nombre impressionnant d’auditions auxquelles vous avez procédé et le spectre très large que vous avez couvert.

Vous avez décidé de vous consacrer à cette question en raison des inquiétudes qui pèsent sur le marché de l’art en France. Une idée très répandue est qu’aujourd’hui, la France n’occupe plus la place qu’elle avait pendant l’entre-deux-guerres. Il est évident que c’est en partie vrai. Toutefois, comme vous le montrez, notre pays possède encore de précieux atouts : un réseau de galeries très développé, des centres d’arts territoriaux, les Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC), institutions uniques en leur genre, de grandes institutions parisiennes, très nombreuses, des collectionneurs dont deux très grands, des salons, des manifestations de niveau international, et une place particulière dans le domaine du design, du dessin et de l’art urbain. Votre rapport, comme vous le disiez, est rassurant. Le potentiel est là.

Reste que la place de la France est aujourd’hui mineure et que les artistes français ont du mal à s’exporter. Nous l’entendons partout. Vos analyses soulignent le manque de collectionneurs intermédiaires, à la différence de l’Allemagne. En outre, les très grands collectionneurs français, qui s’appuient sur un système de ventes sophistiqué, achètent peu d’artistes de leur pays à la différence, là encore, de ce qui se passe en Allemagne.

Parmi vos nombreuses propositions, j’aimerais que vous nous disiez celle que vous considérez comme la plus significative, la plus à même de dynamiser le secteur. Vous avez avancé beaucoup de propositions de nature fiscale, or le rapport ne se fait pas beaucoup l’écho des réactions du ministère des finances. Il serait intéressant d’avoir la vision de Bercy. Lors des travaux sur la loi relative au mécénat, nous avions établi un tableau comparatif international, moyen qui s’était révélé très efficace pour convaincre qu’il fallait changer nos dispositifs. Sans doute pourriez-vous ajouter cet élément à vos analyses.

J’aimerais vous interroger sur les conséquences du Brexit, de l’élection de Donald Trump ainsi que de l’émergence de deux très grands musées privés sur la place du marché de l’art français.

Vous avez souligné un atout très important : l’axe majeur que constitue la coopération entre le monde privé et le monde public. Elle souffre cependant d’une faiblesse, que vous avez pointée lors de l’audition de Mme la ministre : l’identification du domaine des arts plastiques est bien moindre que par le passé au sein du ministère de la culture.

Nous avons auditionné la semaine dernière le directeur du projet Médicis-Clichy-Montfermeil. L’une des missions qui lui ont été confiées est d’accueillir cent jeunes artistes issus des écoles d’art françaises. Pensez-vous que ce projet constitue un exemple de cluster ?

J’en viens à deux questions à caractère technique.

Pour les galeries, vous n’évoquez pas la mise en place d’un mécanisme d’amortissement de leurs stocks d’œuvres d’art, « simple de mise en œuvre et sans effet négatif au plan du budget de l’État », comme le souligne Guillaume Cerutti dans son récent ouvrage.

Par ailleurs, vous parlez peu du droit de suite. La Fondation Giacometti nous avait fait part d’un blocage à ce sujet, notamment lors de la discussion du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. Serait-ce un handicap pour le marché de l’art français ? Ne faudrait-il pas revenir sur nos positions ?

Vous avez largement abordé la question de l’expertise dans votre rapport. Nous sommes tous sensibles aux scandales qui ont eu lieu récemment. Nous disposons d’excellents experts. Comment améliorer le fonctionnement de l’expertise ? Faudrait-il développer les coopérations internationales ?

Enfin, je tiens à souligner les incidences qu’aura le prélèvement à la source souhaité par la majorité. Cette réforme est conçue, vous le savez, pour éviter les niches fiscales et, pour avoir été rapporteur au Conseil des impôts, je peux vous dire qu’elle contribuera à fragiliser tout le dispositif fiscal en faveur de la culture, dont le président de notre commission a justement rappelé l’importance.

Dernier point : si les crédits des institutions muséales sont, comme vous l’avez souligné, en forte progression dans le présent budget, c’est après avoir connu une forte diminution au cours des quatre dernières années. C’est un petit détail mais il mérite d’être souligné.

Mme Colette Langlade. Ma première question porte sur l’attitude des institutions culturelles à l’égard des collectionneurs. À côté des très grands collectionneurs que sont Bernard Arnault et François Pinault, la majorité mal connue des collectionneurs plus modestes mérite une attention particulière. Comment s’intéresser au marché local et encourager des jeunes talents n’ayant pas accès aux foires internationales ou aux institutions prestigieuses ?

Ma deuxième question a trait au circuit numérique. Les galeries d’art, en particulier d’art contemporain, pâtissent d’une image plutôt négative auprès du grand public. Internet pourrait être un vecteur important pour susciter l’intérêt pour l’art. Comment franchir cette étape numérique, perçue par de nombreux acteurs du marché de l’art comme indigne et réservée aux artistes de seconde catégorie ?

Mme Dominique Nachury. Merci au président et au rapporteur de la mission d’information pour leur présentation – je dis présentation car, n’étant pas membre de la mission, je n’ai pas été destinataire du rapport, dont je prendrai bientôt connaissance. Vous soulignez que le marché de l’art contribue à la vitalité culturelle mais qu’il constitue aussi un enjeu économique et je partage entièrement votre position.

Je voulais saluer les tableaux de droit comparé qui figurent en annexe : l’un portant sur la fiscalité du marché de l’art, l’autre sur sa réglementation. Ils nous seront utiles pour l’avenir.

Un point qui m’intéresse particulièrement dans cette mission d’information est l’évolution de la profession de commissaire-priseur et le rôle que peut jouer Drouot, qui est un nom mythique, dans cette nécessaire revitalisation du marché de l’art en France.

M. Patrick Hetzel. Le président et le rapporteur mettent en avant le fait que le marché de l’art est devenu une question géopolitique alors que trois grandes nations sont en compétition avec la France. Dans la revue Commentaire, Jean-Pierre Daviet et Pierre Grégory publient depuis plusieurs années des articles sur cet enjeu stratégique. Dans un article récent, ils pointent un problème particulier, dont je n’ai pas trouvé mention dans votre rapport, celui de l’expertise d’État en matière d’art. Outre le scandale du mobilier de Versailles, pensons à la découverte à Toulouse d’un tableau dont l’attribution au Caravage est encore controversée. Les auteurs de l’article soulignent la difficulté qu’éprouvent nos experts nationaux à donner un avis aux décideurs politiques sur le caractère stratégique de certaines œuvres en vue d’autoriser ou non leur exportation – le problème s’est posé récemment à propos de deux tableaux de Rembrandt. La question de l’expertise d’État n’est pas neutre : il y va de la gestion du patrimoine artistique de notre pays. Avez-vous des précisions à nous apporter sur ce point ?

Mme Véronique Besse. Le groupe d’études sur les chrétiens d’Orient, dont je suis présidente, reçoit régulièrement des personnalités du monde oriental. Plusieurs d’entre elles ont évoqué devant nous l’essor du marché noir de l’art avec l’avènement de Daech : le marché européen est inondé de nombreuses pièces archéologiques en provenance de Mésopotamie. Des sites complets se retrouvent en pièces détachées dans certaines galeries. L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a qualifié ces vols d’œuvres antiques de « crimes de guerre ». Monsieur le président, monsieur le rapporteur, quelles pistes envisagez-vous pour permettre la restitution de ce patrimoine volé ?

M. Paul Salen. Le marché de l’art français connaît une forte concurrence des pays étrangers. Vous préconisez, monsieur le rapporteur, plusieurs dispositions pour le redynamiser.

J’aimerais, à la suite de Véronique Besse, m’attacher à un point particulier. Au cours de vos auditions, la question de la provenance des œuvres d’art a-t-elle été abordée ? Les conflits au Moyen-Orient ont entraîné la destruction de sites archéologiques et la disparition d’œuvres d’art. Quelles mesures comptez-vous proposer pour garantir la provenance et enrayer le trafic qui existe aujourd’hui ?

Mme Martine Martinel. Je fais à mon tour l’éloge de votre rapport, qui est tout à fait passionnant.

Créées à l’origine dans le cadre de la politique d’implantation des maisons de la culture, les artothèques permettent aux particuliers de s’initier à l’art, d’apprendre à vivre avec des œuvres d’art contemporain et de faciliter l’emprunt, voire l’achat de ces œuvres. Les artothèques telles que nous les connaissons actuellement sont nées sous l’impulsion du ministère de la culture, alors dirigé par Jack Lang, en collaboration avec des municipalités, des départements, des régions ou des associations. Elles proposent un fonds d’œuvres issues, pour une moitié, du Fonds national d’art contemporain (FNAC) et, pour l’autre, d’un fonds d’œuvres établi sur proposition des structures bénéficiaires, à commencer par les collectivités territoriales.

Depuis 1999, l’association de développement et de recherche sur les artothèques (ADRA) se charge d’étudier les questions relatives à ce qui fonde l’action des quarante artothèques. L’ADRA joue un rôle d’appui, de ressource et de conseil en ce qui concerne la recherche artistique, la diffusion et la médiation des œuvres. Elle permet aussi l’émergence de nouveaux acheteurs dans le domaine des arts plastiques sans introduire de dimension spéculative. Quel est votre avis, monsieur le rapporteur, sur ce dispositif ? Comment pourrait-on le développer davantage sur l’ensemble du territoire ?

M. Michel Herbillon, président de la mission d’information. Merci, mes chers collègues, des appréciations que vous avez formulées, voire des louanges que vous nous avez adressées. Le rapporteur et moi-même y sommes très sensibles.

L’élection de Donald Trump étant assez récente, nous n’en avons pas encore mesuré les conséquences pour le marché de l’art. Au titre du suivi de notre mission, nous envisageons d’auditionner l’intéressé dans les jours prochains, et nous ne manquerons pas d’en rendre compte à la commission ! (Sourires.) Je peux simplement dire que les volontés protectionnistes de M. Trump ne me paraissent guère compatibles avec l’internationalisation du marché de l’art. Ainsi que vous l’avez relevé très justement, mes chers collègues, c’est un marché international où les questions de géopolitique sont évidemment très prégnantes.

Nous avons interrogé les responsables de Sotheby’s et de Christie’s, à Londres et à Paris, sur les conséquences du Brexit. On y réfléchit notamment chez Christie’s, maison qui est la propriété de François Pinault et qui est très présente en France, mais encore plus au Royaume-Uni. Il se trouve que les ventes de grandes œuvres qui atteignent des prix élevés ont toujours lieu soit à Londres, soit à New York, même s’il y a aussi des ventes importantes en France. Certains espèrent que les grandes ventes quitteront Londres pour d’autres capitales, par hypothèse Paris, mais, selon moi, ce n’est pas demain la veille, tant la place de Londres sur le marché de l’art est importante, singulièrement sur celui de l’art contemporain.

S’agissant des questions de fiscalité, abordées notamment par François de Mazières, nous devons vous faire part de l’audition particulièrement éclairante que nous avons faite des représentants du ministère des finances car, ainsi qu’on peut le lire dans le guide Michelin, non seulement cela « méritait un détour », mais cela « valait le voyage » ! Avec beaucoup de professionnalisme et de courtoisie, ils ont invariablement répondu non à chacune de nos propositions, que nous leur avons présentées avec certitude mais mesure. Lorsque nous avions le moindre espoir qu’ils commencent à esquisser un oui, ils nous indiquaient que le ministère de la culture – horresco referens ! – avait déjà formulé cette proposition après d’eux. Toutefois, ainsi que le président Patrick Bloche l’a très bien dit, nous n’allons pas lâcher : nous allons continuer inlassablement à faire un certain nombre de propositions dans ce domaine.

À la suite de vos remarques, j’insiste à nouveau sur un point : l’ensemble des professionnels que nous avons auditionnés, notamment les galeristes et les maisons de ventes, ont regretté l’absence d’identification et de lisibilité des arts plastiques et de l’art contemporain au sein du ministère de la culture, contrairement à ce qui prévalait auparavant, notamment depuis l’impulsion donnée par Jack Lang, et contrairement à ce qui se passe aujourd’hui pour le spectacle vivant. Actuellement, la responsabilité en matière d’arts plastiques et d’art contemporain relève de la DGCA.

Un point ressort de nos auditions, notamment de celle de François Pinault : l’excellence de notre législation sur les trésors nationaux, qui permet de conserver en France les grandes œuvres de notre patrimoine. Il faut absolument garder ce dispositif, qui n’existe pas partout.

Ainsi que l’a très justement suggéré François de Mazières, le projet Médicis-Clichy-Montfermeil peut être un exemple de cluster d’art contemporain. Nous suivons avec beaucoup d’attention ce projet, qui peut être l’occasion de développer l’art contemporain.

Il nous est apparu, et nous le regrettons, que la France est dans une situation très différente de l’Allemagne dans le domaine de l’art contemporain. En Allemagne, il y a, d’une part, des collectionneurs intermédiaires qui achètent des œuvres d’artistes allemands et, d’autre part, de très grands artistes – Georg Baselitz, Anselm Kiefer et Gerhard Richter, entre autres – qui ont une visibilité internationale, leurs œuvres étant présentes à la fois dans les musées et dans les grandes collections mondiales. Nous peinons à citer des noms d’artistes français de ce niveau, à l’exception notable de Pierre Soulages. Il y a pourtant, en France, à la fois un réseau muséal, le réseau des FRAC, des galeries qui soutiennent les artistes contemporains et des collectionneurs. Nous avons le sentiment que nous disposons de tous les ingrédients pour faire un très bon cocktail dans le domaine de l’art contemporain, mais ce n’est pas ce qui se passe. Selon moi, il faudrait que tous les acteurs, y compris les galeries et les écoles d’art, conjuguent leurs efforts pour que la France passe au stade supérieur en matière de développement et de promotion de l’art contemporain.

Ainsi que François de Mazières l’a souligné, il faudrait notamment que les collectionneurs français achètent davantage d’œuvres aux artistes français. C’est un cercle vicieux : dans la mesure où les artistes français n’ont guère de notoriété internationale et où leurs œuvres ne sont pas assez présentes dans les musées, les expositions et les foires internationales, les collectionneurs français achètent moins leurs œuvres que celles des artistes étrangers.

Il faudrait aussi davantage d’actions pour soutenir les artistes français, notamment les artistes émergents, même si le Palais de Tokyo et le Centre Pompidou font déjà beaucoup en la matière. Le Centre Pompidou expose désormais les œuvres de tous les artistes nommés pour le prix Marcel Duchamp, et pas seulement celles du lauréat, ce qui était le cas jusqu’à récemment. S’agissant des foires, on sait qu’il est difficile pour les petites galeries et les artistes émergents d’avoir une place à la FIAC, ne serait-ce qu’en raison du coût du stand ; mais il y a, parallèlement à la FIAC, Paris Internationale, où des galeries plus petites et des artistes moins connus exposent. Il s’agit là d’une action tout à fait résolue dans le domaine de l’art contemporain. La directrice de la FIAC a elle-même souligné l’excellence de Paris Internationale.

Colette Langlade a dit très justement qu’il convenait d’accorder davantage d’attention aux collectionneurs intermédiaires ou plus modestes et d’encourager les jeunes talents. Nous avons formulé un certain nombre de propositions à ce sujet dans notre rapport. À l’issue des auditions que nous avons menées, nous restons tout de même assez optimistes, car le terreau et les ingrédients sont bien là. Simplement, il faut que tous les acteurs conjuguent leurs efforts pour franchir une nouvelle étape, ainsi que je viens de l’indiquer.

Toutes les galeries se posent la question du numérique, et les ventes en ligne se développent. Dans le même temps, rien ne remplace le contact direct avec l’œuvre d’art, que ce soit pour les collectionneurs qui achètent ou pour tous ceux qui développent le goût de l’art en mouvement.

Dominique Nachury a relevé à juste titre que l’enjeu était non seulement culturel, mais aussi économique, compte tenu de la place du marché de l’art. En ce qui concerne les commissaires-priseurs, Drouot est en effet une marque connue à l’international. La difficulté est que, derrière cette marque générique, il y a, si je puis dire, toute une série d’artisans et d’entrepreneurs individuels qui sont extrêmement attachés à leur indépendance. Les tentatives, notamment celle de Pierre Bergé, de fédérer tous les acteurs derrière cette marque et de développer celle-ci à l’international ont échoué en raison de l’individualisme très fort des différents commissaires-priseurs.

Patrick Hetzel a souligné avec raison le problème de l’expertise d’État dans le domaine de l’art, ainsi que l’illustrent les récentes querelles à propos de l’authenticité du tableau du Caravage qu’il a cité, ou encore d’un tableau de Rembrandt et, depuis ce matin, de dessins de Van Gogh. Le rôle de l’expert est important. Selon moi, il convient de professionnaliser davantage encore le métier d’expert d’État et de fluidifier les rapports entre les experts, les collectionneurs et le monde des musées. Il faut notamment qu’il y ait davantage de contacts entre les conservateurs et les experts.

M. le rapporteur. D’une manière générale, l’art contemporain et sa valorisation sont une affaire de génération : il y a une génération « sacrifiée », qui n’a pas pris le train en marche ; désormais, la valorisation de l’art contemporain se fait grâce au travail d’une nouvelle génération, notamment de nouvelles galeries. Le numérique, que Colette Langlade a évoqué, est en train de redonner ses lettres de noblesse à la création contemporaine. Nous avons rencontré à la Frieze Masters des galeristes allemands qui vendaient des œuvres à 50 000 ou 100 000 euros uniquement sur internet, car ils avaient réussi à reproduire à l’écran les œuvres d’art telles qu’elles sont accrochées dans une galerie.

Peut-être ne sommes-nous pas, nous Français, suffisamment chauvins ou protectionnistes en la matière. Si les musées n’achètent pas suffisamment d’œuvres d’art françaises et ne soutiennent pas assez la jeune création française, on ne donne pas de valeur à ces œuvres d’art, ce qui crée une sorte de brouillage : les acheteurs en viennent à se dire que c’est plutôt en Allemagne, au Royaume-Uni ou aux États-Unis que l’on peut trouver des artistes émergents. En outre, effet de mode ou véritable mal français, on a toujours tendance à considérer que « c’est mieux ailleurs », alors que la France regorge de véritables talents, ainsi que nous avons pu le constater.

Le Brexit est une réalité dans les urnes, mais ses implications pour le Royaume-Uni demeurent incertaines. Les avis des économistes et des acteurs du monde de l’art sont assez partagés : tout dépendra des mesures qui seront prises en matière de droit de suite et de TVA à l’importation. D’autre part, quel effet le Brexit aura-t-il sur les exilés fiscaux ? Certains d’entre eux pourraient revenir en France, notamment à Paris. Si celle-ci est considérée comme une nouvelle place financière, elle pourrait attirer des professionnels étrangers à fort pouvoir d’achat. Les avis divergent sur ce point.

Il en va de même sur le droit de suite, que plusieurs d’entre vous ont évoqué. Dans le cadre de la loi relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, nous avons été aussi loin que possible en ce qui concerne la possibilité de léguer le droit de suite. Les acteurs du monde de l’art critiquaient le fait que le droit de suite soit, en France, à la charge du vendeur, contrairement à ce qui se fait au Royaume-Uni. Selon eux, cela dissuadait les vendeurs de venir dans notre pays. Ce problème a été complètement réglé avec l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 3 juin 2015.

Véronique Besse a évoqué le pillage des œuvres d’art au Moyen-Orient, ce que l’on appelle les « antiquités du sang ». Nous n’avons pas étudié cette question, car elle relevait du champ non pas de notre mission d’information, mais de celle qui a porté sur les moyens de Daech.

Le président Michel Herbillon a évoqué l’audition des fonctionnaires du ministère des finances. Nous en sommes sortis un peu abasourdis : toutes les propositions que nous avons faites, qui nous semblaient pourtant des mesures de bon sens, ont été refusées. Nous aurions d’ailleurs dû ajouter une proposition supplémentaire dans notre rapport : revoir la chaîne de prise de décision en la matière. C’est encore l’échelon politique qui décide dans ce pays, et il doit prendre ses responsabilités – pour ma part, je ne cesserai pas de l’affirmer. Nous aurons besoin de la mobilisation de tous les acteurs pour défendre ces propositions auprès de Bercy et leur donner une traduction législative concrète.

Les clusters d’art contemporain peuvent contribuer à l’émergence des artistes locaux. Les élus des territoires, dont je fais partie, s’appuient sur les FRAC et sur les artothèques, dont Martine Martinel a eu raison de souligner le rôle. Pour ma part, je connais l’artothèque de Caen, qui est un véritable outil au service de l’art contemporain. Aujourd’hui, les collectivités territoriales ont une place essentielle dans le financement de la culture. Il leur revient de soutenir les FRAC et les artothèques et d’accompagner leur ambition. Les FRAC vont connaître des mutations avec la mise en place des grandes régions. Quant aux artothèques, elles sont en effet quarante, ce qui n’est pas suffisant, et sont majoritairement situées dans les métropoles. Il faut en créer dans les milieux ruraux, de manière à ce que l’art contemporain pénètre ces territoires qui n’y ont souvent pas accès.

La question de l’expertise d’État, soulevée par Patrick Hetzel, n’a pas été évoquée au cours des auditions que nous avons menées. Dans notre rapport, nous proposons de mieux protéger le titre d’expert, afin que cette fonction soit confortée et reconnue, et que l’analyse des experts ne soit pas sans cesse battue en brèche. D’autre part, nous préconisons la création d’un registre de police européen pour mieux protéger les œuvres. En France, les professionnels du marché de l’art doivent obligatoirement tenir un registre de police indiquant notamment l’origine des œuvres, ce qui n’est pas nécessairement le cas chez nos voisins européens. Une harmonisation des règles au niveau européen permettrait un contrôle renforcé de la provenance des œuvres.

M. le président Patrick Bloche. Merci beaucoup, monsieur le président, monsieur le rapporteur. En vous écoutant, je me suis posé la question suivante : dans le marché de l’art, quel est l’élément qui gêne le plus Bercy, l’art ou le marché ? Peut-être est-ce finalement le marché.

La Commission autorise, à l’unanimité, la publication du rapport d’information relatif au marché de l’art.

ANNEXE N° 1 :
FISCALITÉ COMPARÉE DU MARCHÉ DE L’ART

Source : Journal des arts, n° 433, 10 au 23 avril 2015

 

Impôts sur
la fortune

Impôts sur
le revenu (IR)

Impôts sur
les sociétés (IS)

Imposition des plus-values (œuvres)

Impôts sur
les donations

Impôts sur
les successions

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

Taxes sur les importations / exportations

Donations aux institutions culturelles

Droit de suite

FRANCE

Assujettissement à l’ISF de la fortune nette égale ou supérieure à 1 300 000 €.

Un barème progressif comportant 6 tranches de 0 % à 1,5 % (au- delà de 10 000 000 €).

Les œuvres d’art sont exonérées d’ISF.

Plafonnement de la somme de la cotisation d’ISF et de celles des impositions sur le revenu (IR, CSG…) à 75 % des revenus.

Dation en paiement d’œuvres d’art possible.

Barème progressif comportant 5 tranches de 0 % à 45 % (au-delà de 151 956 €).

Contributions sociales (CSG, CRDS…) de 8 % sur les revenus d’activité et de 15,5 % sur les revenus du patrimoine.

Contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, de 3 % au-delà de 250 000 € et de 4 % au-delà de 500 000 € (pour un célibataire ; limites des tranches doublées pour un couple).

Taux normal de 33,33 %.

Ce taux atteint 38 % pour certaines grandes entreprises assujetties à des surtaxes de 3,3 % et 10,7 %, assises sur le montant de l’IS.

Il existe un mécanisme qui permet de déduire sur cinq ans l’achat d’œuvres d’artistes vivants.

Impôt local sur la valeur ajoutée, assiette plus large que le bénéfice, au taux de 0 % à 1,5 % (CVAE).

Une taxe forfaitaire de 6,5 % du prix de vente est applicable aux cessions, supérieures à 5 000 €, réalisées par les particuliers.

Possibilité d’opter pour le régime de droit commun des plus-values mobilières au taux cumulé de 34,5 %, avec un abattement pour durée de détention (5 % par an au-delà de la 2e année).

Les taux sont fonction du lien de parenté.

En ligne directe et conjoint : taux de 5 % à 45 % (au-delà de 1 805 677 €) avec un abattement à la base de 100 000 € (ligne directe) et de 80 724 € (conjoints).

Taux de 60 % au-delà du 4e degré de parenté.

Dation en paiement d’œuvres d’art possible.

En principe, mêmes dispositions que pour les droits de donation.

Exonération des conjoints.

Les donations faites moins de quinze ans avant le décès doivent être réintégrées dans le calcul de l’impôt (perte du bénéfice des abattements, des premières tranches du barème…).

Taux normal de 20 %.

Pour les œuvres d’art, les assujettis- revendeurs peuvent dans certains cas asseoir la TVA non sur le prix de vente mais sur la marge. Dans certains cas, la marge est déterminée forfaitairement à 30 % du prix de vente.

Taux réduit de 5,5 % s’applique aux ventes directes des artistes.

Les importations (hors UE) d’œuvres d’art, objets de collection et antiquités sont passibles d’une TVA au taux réduit de 5,5 %.

Réduction d’IS, égale à 90 % de la dépense, pour les entreprises contribuant à l’achat par les personnes publiques des trésors nationaux, et à 40 % en cas d’achat des mêmes trésors pour l’entreprise elle- même.

Réduction d’impôt au titre du don aux œuvres, ouverte aux particuliers (IR : 66 % du versement dans la limite de 20 % du revenu) et entreprises (IS ou IR : 60 % du versement dans la limite de 5 ‰ du CA).

Directive 2001/84/CE transposée.

Taux :
- pour la fraction du prix de vente inférieure à 50 000 € : 4 %
- de 50 000 € à 200 000 € : 3 %
- de 200 000 € à 350 000 € : 1 %
- de 350 000 € à 500 000 € : 0,5 %
- au-delà, taux de 0,25 %.

Le droit est plafonné à 12 500 €.

Pas de droit de suite pour les ventes inférieures à 750 €.

ALLEMAGNE

Néant

Barème progressif comportant 8 tranches d’imposition de 14 % à 42 % (au-delà de 52 882 €) avec une tranche supplémentaire de 45 % (au-delà de 250 730 € ; les limites des tranches sont doublées pour un couple marié).

Une surtaxe de solidarité (5,5 %), et le cas échéant l’impôt d’église s’appliquent sur l’impôt calculé selon le barème.

Le taux fédéral est de 15 %.

Le taux marginal cumulé de l’impôt sur les sociétés est de 29 %-33 %en incluant l’impôt communal sur les bénéfices et la surtaxe de solidarité de 5,5 %.

S’agissant de biens meubles, dont les œuvres d’art, seules les plus-values spéculatives (le délai de spéculation étant fixé à un an) sont imposables.

Voir impôts sur les successions.

Le délai de rappel fiscal des donations antérieures à la succession est de dix ans.

Les taux varient de 7 % à 30 % (à partir de 26 000 000 €) en ligne directe et entre conjoints et de 15 % à 50 % dans les autres cas.

Les abattements s’imputent sur la part de chaque bénéficiaire (400 000 € pour les enfants et 500 000 € pour les époux).

Les œuvres d’art et collections peuvent, sous conditions, bénéficier d’une exonération de 60 % ou de 100 % de leur valeur.

Taux normal de 19 %.

Pour les œuvres d’art, les assujettis-revendeurs peuvent dans certains cas asseoir la TVA non sur le prix de vente mais sur la marge. Dans certains cas, la marge est déterminée forfaitairement à 30 % du prix de vente.

Un taux réduit de 7 % s’applique aux ventes directes des artistes.

Les importations d’œuvres d’art originales (hors UE), objets de collection et antiquités sont passibles d’une TVA au taux réduit de 7 %.

Déduction ouverte aux entreprises et particuliers, plafonnée à 20 % du revenu imposable ou à 0,4 ‰ de la somme du chiffre d’affaires et de la masse salariale.

Directive 2001/84/CE transposée (voir France).

Pas de droit de suite pour les ventes inférieures à 400 €.

BELGIQUE

Néant

Barème progressif comportant 5 tranches de 25 % à 50 % (au-delà de 36 300 €).

Il existe des surtaxes communales assises sur l’IR.

Taux normal de 33 %. Cependant, compte tenu d’une surtaxe « de crise » le taux marginal est de 33,99 %.

Les plus-values de cession de biens culturels réalisées dans le cadre de la gestion du patrimoine privé ne sont pas imposables.

Les donations de biens meubles bénéficient de taux favorables : de 3 % en ligne directe à 7 % au-delà de la famille proche.

Les barèmes, complexes, varient selon les régions. Les taux marginaux varient de 30 % (conjoint, ligne directe) à 80 %.

Dation en paiement d’œuvres d’art possible.

Taux normal : 21 %. Pour les œuvres d’art, les assujettis- revendeurs peuvent dans certains cas asseoir la TVA sur la marge.

Un taux réduit de 6 % s’applique aux ventes directes des artistes.

Les importations (hors UE) d’œuvres d’art, objets de collection et antiquités sont passibles d’une TVA au taux réduit de 6 %.

Les dons en espèces ou par remise d’œuvres d’art à des institutions agréées ouvrent droit à une réduction d’impôt (IR ou IS) égale à 45 % de leur valeur. Les dons éligibles sont plafonnés à 10 % des revenus nets ou 376 350 € (particuliers) ou 5 % du bénéfice ou 500 000 € (sociétés).

Directive 2001/84/CE transposée (voir France).

Pas de droit de suite pour les ventes inférieures à 2 000 €.

CHINE

Néant

Barème progressif de 3 % à 45 %, au-delà de 80 000 CNY (12 000 € environ).

Taux de 25 % et taux préférentiel de 20 % pour les petites entreprises. 15 % dans certaines zones du territoire.

Taux de 20 %

Néant

Néant

Taux de 17 %

La charge combinée des droits de douane et de TVA à l’importation peut atteindre 23 % à 30 % environ.

Un port franc culturel existe à Pékin.

Les donations à des organismes agréés sont déductibles de l’assiette de l’IR ou de l’IS dans la limite de 30 % des revenus (particuliers) et 12 % du bénéfice (sociétés).

Néant

ESPAGNE

Un impôt annuel sur la fortune supprimé en 2008 a été réintroduit pour 2011 et 2012 et prorogé pour 2013, 2014 et 2015.

L’impôt frappe les patrimoines supérieurs à 700 000 € à des taux progressifs de 0,2 % à 2,5 % (au-delà de 10 700 000 €).

Les œuvres d’art sont exonérées sous conditions.

Dation en paiement possible.

Barème progressif complexe.

Une part du barème relève des communautés autonomes. Par exemple, le taux marginal est de 44,5 % à Madrid (au-delà de 60 000 €) et de 49 % en Catalogne (au-delà de 175 000 €).

Dation en paiement possible.

Taux normal de 28 %.

Les PME relèvent d’un barème progressif : 25 % (à hauteur de 300 000 €) et 28 %. À partir de 2016, le taux normal sera de 25 %.

Dation en paiement possible.

Les plus-values sont imposées selon un barème spécial de 20 % à 24 % (plus- values de plus de 50 000 €).

Dation en paiement possible.

Voir impôts sur la succession

Barème progressif. Les taux s’étalent de 7,65 % à 34 % (au- delà de 797 555 €). Ils sont ensuite majorés en fonction de la fortune du bénéficiaire et du lien de parenté : le taux marginal en ligne directe peut atteindre 40,8 % et 81,60 % entre non- parents.

Exonération totale ou partielle des biens faisant partie du patrimoine historique ou culturel.

Dation en paiement possible.

Taux normal : 21 %.

Pour les œuvres d’art, les assujettis- revendeurs peuvent dans certains cas asseoir la TVA sur la marge.

Un taux réduit de 10 % s’applique aux ventes directes des artistes. Les ventes d’œuvres d’art entre particuliers peuvent être soumises aux droits d’enregistrement de 4 % à 8 %.

Dation en paiement possible.

Les importations (hors UE) d’œuvres d’art, objet de collections et d’antiquités sont passibles d’une TVA au taux réduit de 10 %.

L’exportation hors l’UE des biens culturels de plus de cinquante ans peut être soumise à une taxe progressive jusqu’à 30 % de la valeur du bien.

Dation en paiement possible.

Les donations ouvrent droit à une réduction d’impôt égale à 27,5 % (IR, 30 % à partir de 2016) ou 37,5 % (IS, 40 % à partir de 2016) de leur montant, retenu dans la limite de 10 % des revenus ou bénéfices imposables.

Directive 2001/84/ CE transposée (voir France).

Pas de droit de suite pour les ventes inférieures à 1 200 €.

ÉTATS-UNIS

Néant

Impôt fédéral : barème progressif avec un taux marginal à 39,6 % (au-delà de 413 200 $ pour les célibataires ; 464 850 $ pour les couples).

Medicare tax : 3,8 % sur les revenus du patrimoine si le revenu global est supérieur à 200 000 $ (célibataires).

La plupart des États fédérés et certaines villes imposent, en sus, leur propre impôt sur le revenu. Le taux marginal cumulé peut atteindre 50 %.

Impôt fédéral : barème progressif avec un taux marginal à 35 %.

La plupart des États fédérés et certaines villes imposent, en sus, leur propre impôt sur les sociétés de 0 % à 12 %.

Le taux effectif moyen est de l’ordre de 40 %.

L’impôt fédéral sur les plus-values à long terme (un an ou plus) frappant les biens de collection et œuvres d’art est de 28 %, auquel s’ajoute, le cas échéant, la Medicare tax de 3,8 %.

Les plus-values à court terme sont imposées au barème progressif (voir IR).

Les plus-values peuvent être assujetties aux impôts sur le revenu des États fédérés et de certaines municipalités.

Le taux de l’impôt fédéral sur les donations est de 40 % après un abattement de 5 430 000 $.

L’impôt sur les donations peut également exister au niveau des États fédérés.

Le taux de l’impôt fédéral sur les successions est de 40 % après un abattement de 5 430 000 $.

La plupart des États fédérés imposent, en plus, leur propre impôt sur les successions. Il s’impute partiellement sur l’impôt fédéral.

La plupart des États (45 sur 50) appliquent une « taxe de vente » (sales tax) sur le prix d’achat lorsque le bien est livré dans l’État en question. Lorsque le bien est livré dans un autre État, en principe la vente est exempte de sales tax dans l’État où le bien est acquis, mais l’acheteur est redevable de la « taxe d’usage » (use tax), calculée sur le prix d’achat dans l’État dans lequel le bien est livré. Le taux de ces taxes varie d’un État à l’autre. À New York, le taux de la sales tax est de 8,875 %.

Néant

Une déduction est prévue pour les donations aux organismes à but non lucratif (« charities »).

Il est possible de donner des sommes d’argent mais aussi des biens meubles dont œuvres d’art.

Déduction du revenu imposable de 100 % de la valeur vénale de l’œuvre, dans la limite du 30 % du revenu brut « ajusté ».

Le droit de suite n’existait qu’en Californie.

La loi instaurant ce droit a néanmoins été déclarée inconstitutionnelle en première instance en mai 2012. La décision fait actuellement l’objet d’un recours devant une cour fédérale d’appel.

HONG KONG

Néant

Seuls les revenus d’activité et les revenus fonciers sont imposés. Le barème est progressif (de 2 % à 17 %).

Taux unique de 16,5 % (sociétés) ou 15 % (entreprise individuelle)

Néant

Néant

Abolis en 2006

Néant

Néant

Les donations à des organismes agréés sont déductibles de l’assiette de l’IR ou de l’IS dans la limite de 35 % des revenus.

Néant

ITALIE

Néant

Barème progressif comportant 5 tranches de 23 % à 43 % (au-delà de 75 000 €).

Taux de 27,5 %.

Impôt régional sur la valeur ajoutée (Irap) au taux de 3,9 %.

Les plus-values de cession de biens meubles réalisées par les particuliers dans le cadre de la gestion du patrimoine privé ne sont pas imposables.

Voir impôts sur les successions.

Impôt supprimé en 2001 et réintroduit en 2007.

Taux proportionnels variables selon le degré de parenté : de 4 % (conjoint, ligne directe : avec un abattement de 1 000 000 €) à 8 %.

Taux normal de 22 %. Pour les œuvres d’art, les assujettis- revendeurs peuvent dans certains cas asseoir la TVA sur la marge.

Le taux réduit de 10 % frappe les ventes directes d’artistes.

Les importations (hors UE) d’œuvres d’art, objets de collection et antiquités sont passibles d’une TVA au taux réduit de 10 %.

Déductions d’assiette ou réductions d’impôts (sous plafonds) possibles pour les entreprises et les particuliers (plusieurs régimes différents).

Directive 2001/84/CE transposée (voir France).

Pas de droit de suite pour les ventes inférieures à 3 000 €.

JERSEY

Néant

Taux de 20 %

Taux normal de 0 %, sauf pour les entreprises de services financiers (10 %) et de marchands immobiliers et bailleurs (20 %).

Néant

Néant

Néant

Taux de 5 % depuis juin 2011.

TVA à l’importation : 5 %

Les dons aux œuvres (« charities ») ouvrent droit à un avantage pour l’organisme donataire, lequel peut récupérer le montant de l’IR supporté par le donateur.

Néant

LUXEMBOURG

Pas d’impôt sur la fortune des particuliers depuis 2006.

Cependant, il existe un impôt sur la fortune des sociétés frappant au taux de 0,5 % l’ensemble des actifs de la société, après déduction des dettes.

19 tranches, de 0 % à 39 % (au-delà de 41 793 €) et 40 % (au-delà de 100 000 €).

Une surtaxe sociale de 7 % ou 9 % s’applique sur l’impôt calculé selon le barème.

Taux de 21 %.

Taux marginal de 29,22 % compte tenu des impositions locales et sociales sur les bénéfices.

Les plus-values de cession de biens meubles détenus depuis plus de six mois échappent à l’impôt sur le revenu.

Taux proportionnels applicables aux donations de biens meubles, variables selon le degré de parenté : de 1,8 % (en ligne directe) à 14,4 %.

Les successions en ligne directe (à hauteur de la part légale) et entre conjoints sont exonérées.

Le taux entre non- parents peut atteindre 48 %.

Dation en paiement possible.

Taux normal de 17 %. Pour les œuvres d’art, les assujettis- revendeurs peuvent dans certains cas asseoir la TVA sur la marge.

Un taux réduit de 8 % s’applique aux ventes directes des artistes.

Les importations (hors UE) d’œuvres d’art, objets de collection et antiquités sont passibles d’une TVA au taux réduit de 8 %.

Déduction de l’assiette de l’impôt sur le revenu (particuliers et entreprises) des dons aux œuvres dans la limite de 20 % du revenu et d’un montant de 1 000 000 €.

Directive 2001/84/CE transposée (voir France).

Pas de droit de suite pour les ventes inférieures à 3 000 €.

ROYAUME-UNI

Néant

Le barème progressif comporte 3 tranches : 20 %, 40 % et 45 % (au-delà de 150 000 £).

Le don d’œuvres d’art à un organisme agréé peut ouvrir droit à une réduction d’IR à hauteur de 30 % de la valeur de l’œuvre

Pour les exercices ouverts à compter du 1er avril 2015, le taux normal de l’IS est de 20 % (contre 23 % en 2013 et 28 % en 2010).

Le don d’œuvres d’art à un organisme agréé peut ouvrir droit à une réduction d’IS à hauteur de 20 % de la valeur de l’œuvre.

En principe, les plus-values, dont le montant annuel excède 11 000 £, sont imposées au taux de 28 % (capital gains tax). Cependant, les cessions de biens meubles, dont les œuvres d’art, pour un prix inférieur à 6 000 £ sont ignorées.

Le don d’œuvres d’art à un organisme agréé peut ouvrir droit à une réduction d’impôt à hauteur de 30 % de la valeur de l’œuvre.

Il n’existe pas d’impôt spécifique sur les donations. Cependant, le don peut caractériser une cession entraînant l’imposition à l’impôt sur les plus-values.

Le don doit être réintégré dans l’assiette de l’impôt sur les successions si le décès a lieu dans les sept ans.

Les successions inférieures à 325 000 £ sont non imposables (taux 0 %).

Au-delà de 325 000 £, les donations à des trusts sont imposées à 20 %, alors qu’un taux unique de 40 % s’applique au moment du décès, peu importe le lien de parenté.

La part du conjoint est exonérée.

Dation en paiement d’œuvres d’art possible.

Taux normal : 20 %. Pour les œuvres d’art, les assujettis- revendeurs peuvent dans certains cas asseoir la TVA sur la marge.

Les importations (hors UE) d’œuvres d’art, objets de collection et antiquités sont passibles d’une TVA au taux réduit de 5 %.

Une déduction d’IR pour donation régulière est directement précomptée sur la fiche de paie (payroll giving).

Un mécanisme permet à l’organisme donataire de récupérer, auprès du fisc, l’IR grevant le montant de la donation, supporté par le donateur (gift aid).

Les sociétés peuvent déduire les dons aux œuvres de l’assiette de l’IS.

Directive 2001/84/CE transposée le 1er janvier 2012 (voir France).

Pas de droit de suite pour les ventes inférieures à 1 000 €.

RUSSIE

Néant

Impôt proportionnel au taux de 13 %.

Taux fédéral de 2 % auquel s’ajoutent des impôts levés au niveau régional de 13,5 % à 18 %.

Les plus-values privées entrent dans l’assiette de l’impôt sur le revenu.

Pas d’impôt spécial sur les donations mais les dons peuvent être soumis à l’impôt sur le revenu.

Néant

Taux standard : 18 %

TVA à l’importation au taux de 18 %.

Il existe également des interdictions et taxes à l’exportation.

Déductions possibles

Droit de suite de 5 % lorsque l’œuvre est revendue 20 % de plus qu’au prix d’achat.

SINGAPOUR

Néant

Barème progressif compris entre 0 % et 20 % (au-delà de 320 000 SGD, soit environ 218 000 €)

Taux de 17 %.

La part des bénéfices jusqu’à 300 000 SGD (env. 204 000 €) relève d’une imposition réduite à un taux effectif proche de 8,5 %.

Néant

Néant

Néant

Taux de 7 %

Les importations d’œuvres d’art sont assujetties à une TVA de 7 %.

Un port franc existe à Singapour.

Les donations en espèces au profit des institutions agréées ainsi que les dons d’œuvres d’art aux musées (ou autres, à condition d’être exposées dans des lieux publics) ouvrent droit à une déduction d’assiette de 2,5 fois leur valeur.

Néant

SUISSE

Un impôt annuel sur la fortune des particuliers et des personnes morales peut être levé au niveau cantonal.

Les taux sont le plus souvent progressifs, selon les cantons de 0,3 % à 1 % pour les particuliers et de 0,05 % à 1 % pour les personnes morales.

Barème progressif comportant plusieurs tranches de 0 % à 11,5 % (impôt fédéral).

L’IR est levé aussi au niveau du canton et de la commune, le taux marginal cumulé pouvant atteindre 40 %.

Il existe des impôts sur les bénéfices des sociétés au niveau fédéral, cantonal et communal.

Le taux marginal cumulé varie de 12 % à 25 % (dont impôt fédéral de 8,5 %).

Pas d’imposition de plus-values de cession de biens mobiliers relevant du patrimoine privé.

Voir impôt sur les successions.

Pas d’impôt fédéral. L’impôt varie fortement en fonction du canton et du degré de parenté (de 0 % à 50 %).

Les conjoints et les descendants sont le plus souvent exonérés.

Dation en paiement possible dans certains cantons.

Taux normal de TVA de 8 % qui s’applique aussi aux transactions sur les œuvres d’art.

TVA à l’importation de 8 %.

Il existe des zones franches (notamment le port franc de Genève).

Déduction du don de l’assiette de l’impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés. Le don est retenu dans la limite de 20 % du revenu ou bénéfice (impôt fédéral et la plupart des impôts cantonaux).

Néant

ANNEXE N° 2 :
LA RÉGLEMENTATION DU MARCHÉ DE L’ART EN FRANCE ET AU ROYAUME-UNI : UNE COMPARAISON

 

France

Royaume-Uni

Bilan

Avantage

Accès à la profession

- Accès à la profession réglementé

Distinction : volontaire / judiciaire

Organe de régulation : Conseil des ventes volontaires

- Loi Macron : commissaire de justice (incertitudes…)

- Libre accès à la profession

- Libre concurrence

Pas de distinction : volontaire / judiciaire

Pas de contrôle centralisé mais existence d’organes d’autorégulations avec un code de conduite propre

- Le professionnel est mieux formé en France

- Marché britannique plus dynamique et plus concurrentiel

Meilleure adéquation entre l’offre et la demande au Royaume-Uni

Avantage Royaume-Uni

Protection des consommateurs

- Les règles de protection du consommateur sont d’ordre public

Obligation d’information des vendeurs professionnels à l’égard de l’acheteur : prix de l’objet, caractéristiques, provenance, transport

Contrats conclus à distance : les consommateurs ne bénéficient pas d’un droit de rétractation pour les ventes aux enchères, même en ligne ou par téléphone

Contrats passés avec les consommateurs : obligation de vendre un bien de qualité satisfaisante et conforme à sa description

Contrats conclus à distance : obligation du vendeur d’informer le consommateur du délai de 14 jours après réception de la marchandise pour annuler la vente

Protection plus lourde en France

- Du point de vue du vendeur : avantage Royaume-Uni

- Du point de vue de l’acheteur : avantage France

Droit des contrats et authenticité

Droit des contrats français = protection du consentement

Conséquences : L’authenticité peut être érigée par les parties comme une condition déterminante du consentement, et un défaut d’authenticité d’une œuvre peut donc être sanctionné par l’erreur en droit français

Droit des contrats anglais = protection du contrat

Conséquences :

- Appréciation plus stricte de la notion d’erreur en droit anglais, un défaut d’authenticité ne sera pas sanctionné par l’erreur

- Deux autres mécanismes permettent d’entraîner la nullité : fausse déclaration et résolution pour inexécution

Les protections ne sont pas de même nature mais les sanctions sont comparables

Égalite France/
Royaume-Uni

Libre jouissance des biens

Vol ou perte : délai de 3 ans pour agir en justice (à compter du vol ou de la perte)

- L’acheteur de bonne foi peut se retourner contre le vendeur

- La bonne foi de l’acheteur est présumée

Dépossession : délai de 6 ans pour agir en justice (à compter de la dépossession)

Vol : délai de 6 ans à partir de l’achat de bonne foi

- L’acheteur de bonne foi peut se retourner contre le vendeur

Protection de l’acheteur renforcée en France

- Du point de vue du vendeur : avantage Royaume-Uni

- Du point de vue de l’acheteur : avantage France

Diligences requises de la part de l’acheteur

- Obligations de l’acheteur de se renseigner sur la provenance et l’authenticité de l’œuvre

- Le défaut de diligences rend impossible l’annulation de la vente pour défaut d’authenticité

- Vente aux enchères : les diligences incombent aux maisons de vente

Aucune obligation d’information de la part du vendeur

Aucune obligation de diligence de la part de l’acheteur

 

Sécurité des transactions : avantage France
Liberté des transactions : avantage Royaume-Uni

Droit de suite

- Applicable pour les artistes décédés moins de 70 ans avant la vente

Taux imposés par l’UE

Seuil : 750 €

Supporté par le vendeur ou l’acheteur depuis la décision de la CJUE du 26 février 2015 (liberté contractuelle)

- Applicable pour les artistes décédés moins de 70 ans avant la vente

Taux imposés par l’UE

Seuil : 1000 €

- Supporté par le vendeur ou l’acheteur (liberté contractuelle)

- Le droit de suite a été imposé au Royaume-Uni par l’UE

- Il est possible que le Brexit permette à Londres de se libérer de cette obligation pour rivaliser avec New-York et Hong-Kong

Avantage Royaume-Uni

Droit de reproduction

Théoriquement, les droits de reproduction sont dus. Il existe une exception pour les catalogues de vente aux enchères qui risque cependant d’être remise en cause dans un avenir proche

Les catalogues de vente ne sont pas soumis à des droits de reproduction

 

Avantage Royaume-Uni

TVA sur les œuvres d’art

Vente par l’artiste ou ses ayants droit : 5,5% sur le prix de vente

Vente réalisée par un tiers : 20% sur la marge

Vente d’un bien non considéré comme une œuvre d’art (article de bijouterie, de joaillerie, d’orfèvrerie, dessins techniques…) : 20% sur le prix de vente
Régime de la marge forfaitaire : 20% de TVA sur 30% du prix de vente. Possible lorsque le prix d’achat n’est pas significatif et lorsqu’il s’agit de galeries effectuant des actions de promotion

Vente par un artiste : taux normal
Vente par un tiers : 16,67% (un sixième) sur la marge

- Exclut les articles de bijouterie, joaillerie, orfèvrerie, dessins techniques, décors de théâtre

Le régime de TVA sur la marge est particulièrement avantageux pour les marchands.

En ce qui concerne le taux forfaitaire, là encore, le Brexit permettra au Royaume-Uni de pratiquer des taux libres

Avantage France

TVA sur l’importation

- Imposée par l’Union européenne

- Taux : 5,5%

- Imposée par l’Union européenne

- Taux : 5 %

- Le Royaume-Uni a longtemps maintenu un taux dérogatoire de 2,5%

- Les taux avantageux du Royaume-Uni lui permettaient d’être un port d’importation important au sein de l’UE

- Le Brexit va permettre au Royaume-Uni de fixer librement ses taxes à l’importation

Avantage Royaume-Uni

Déduction de la TVA intracommunautaire

Déduction de la TVA pour les livraisons au sein de l’UE à un ressortissant assujetti

Plus de déduction de la TVA depuis la sortie de l’UE

Paris peut devenir la solution la plus avantageuse pour de nombreux marchands européens qui souhaitent s’exonérer du paiement de la TVA

Avantage France

ISF

Les œuvres d’art sont exclues de l’assiette de l’ISF

Il n’y a pas de taxe équivalente au Royaume-Uni

- Malgré ses conséquences négatives sur les fortunes établies en France, l’ISF semble avoir un aspect incitatif et dynamisant sur le marché de l’art

- Toutefois, les débats réguliers sur la question renvoient une image particulièrement instable de la situation des collections en France

Avantage Royaume-Uni

Taxe sur la plus-value

Pour les objets d’art :

Seuil de 5 000 €

Calcul selon deux options :

- 6,5% sur la totalité du prix de vente

- 34,5% sur la marge (avec un abattement de 5% par an à partir de la deuxième année)

Pour les métaux précieux :

- taxés dès le premier euro

- taux de 10,5%

- Seuil de 6 000 £

Calcul :

- déduction de 6 000 £

- 10% si le revenu imposable est inférieur à 43 001 £

- 10% si le total du revenu imposable et de la plus-value imposable est inférieur à 34 785 £. Tout gain excédant ce seuil sera taxé à 20%

- Le système français est avantageux pour les grands marchands et les opérations importantes

- Le régime de la taxe sur la plus-value permet une exonération intéressante (totale au bout de 22 ans)

Avantage France

Droits de succession

Taux progressif allant de 5% pour les patrimoines de moins de 8 072 € à 45% pour les patrimoines excédant 1 805 677 €

- Les objets d’art peuvent être évalués comme représentant 5% du patrimoine immobilier s’ils sont considérés comme “meubles meublant”

- Dation en paiement permet de payer les droits de mutation, les droits de partage et l’ISF

- 40 % sur tout héritage dépassant 325 000 £

-Un taux réduit de 36% peut être obtenu si au moins 10% de l’héritage est transmis à une association caritative enregistrée au Royaume-Uni

Acceptance in Lieu permet de payer les taxes liées aux héritages

- Le Private Treaty Sale permet à un héritier vendant un bien à un acheteur public de déduire 25% du prix de vente de ses droits de succession, l’acheteur public bénéficiant lui d’un prix de vente correspondant à 75 % de la valeur normale de l’objet

- Jusqu’au seuil de 902 838 €, le contribuable français bénéficie d’un taux plus avantageux que son homologue britannique (30 % contre 40 %)

- Les taux français sont donc plus avantageux pour les fortunes moins importantes. Au-delà, les taux de 40 % et 45 % sont assez similaires, ils peuvent donc entraîner la vente de meubles pour payer les droits de succession

- En revanche, le forfait mobilier français permet de transmettre du mobilier d’art à un coût moindre

Avantage Royaume-Uni

Mécénat

Dons d’œuvres d’art :

- 66% sur l’IR (limite : 20% du revenu)

- 60% sur l’IS (limite : 5% du chiffre d’affaires)

Lorsque ces dons dépassent les seuils fixés, ils peuvent être étalés sur une période de 5 ans
Dons à des institutions publiques :

- crédit d’ISF égal à 75 % de la valeur du don

- limité chaque année à 50 000 €

Achat d’un trésor national :

- 90% sur l’IS dans la limite de 50% du montant imposable

Achat d’art contemporain :
- déduction du prix d’achat dans la limite de 5% du chiffre d’affaire
- obligation d’exposer gratuitement dans un lieu accessible au public ou aux salariés de l’entreprise pendant 5 ans
- l’artiste doit être vivant au moment de l’achat

Cultural Gift Scheme :

- 30% sur l’IR et la taxe sur la plus-value (est étalable sur 5 ans)

- 20% sur l’IS (n’est pas étalable sur 5 ans)

L’incitation fiscale au mécénat peut rendre le marché de l’art français particulièrement attractif
Les avantages fiscaux dont bénéficient les acheteurs français engendrent une demande importante qui peut être rassurante pour les vendeurs

Avantage France

Certificat d’exportation

En UE :

Nécessité d’obtenir un certificat d’exportation pour tous les biens dépassant les seuils d’ancienneté et de prix prescrits par la loi
En dehors de l’UE :

Nécessité d’obtenir une licence d’exportation pour tous les biens dépassant les seuils d’ancienneté et de prix prescrits par l’Union européenne (très similaires aux dispositions françaises)

Trésor national : Ouverture d’un délai de 30 mois durant lesquels toute exportation est impossible. L’État peut se porter acquéreur au prix international du marché

En UE :
Nécessité d’obtenir un certificat d’exportation pour tous les biens dépassant 50 ans d’ancienneté et de prix ne bénéficiant pas d’un régime dérogatoire prévu par la loi

En dehors de l’UE :

Nécessité d’obtenir une licence d’exportation pour tous les biens dépassant les seuils d’ancienneté et de prix prescrits par l’Union européenne

Trésor national :

Trois critères :

- lié à l’histoire nationale, son départ serait dommageable

- esthétique remarquable

- intérêt pour l’étude de l’art ou de l’histoire

Ouverture d’un délai de 2 à 6 mois ou plus. L’État peut se porter acquéreur au prix du marché

Lorsque la législation britannique se doublait de la législation européenne, le contrôle aux frontières pouvait être particulièrement strict. Le Brexit vient remettre en cause ce double contrôle

Égalité France/
Royaume-Uni

Droit de préemption

L’État peut se subroger au dernier enchérisseur

- L’État dispose d’un délai de 15 jours pour confirmer son acquisition

Préemption possible pour les ventes aux enchères, les ventes privées et les ventes after sale

Pas de droit de préemption

 

Avantage Royaume-Uni

Exportation d’espèces en danger

Ratification de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction de 1973 (CITES)

Ivoire et corne de rhinocéros :

Un arrêté en date du 16 août 2016 pourrait contraindre les professionnels du marché à l’obtention d’un certificat pour tous les biens datant d’avant 1975

Espèces en danger :

La vente de biens personnels contenant des matériaux provenant d’espèces en danger est soumise à autorisation CITES

Ratification de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction de 1973 (CITES)
Ivoire et corne de rhinocéros :

Commerce des antiquités datées d’avant 1947 : libre

Commerce des antiquités datées d’entre 1947 et 1975 : soumise à la délivrance d’un certificat CITES

Espèces en danger :

La vente de biens personnels contenant des matériaux provenant d’espèces en danger n’est pas soumise à autorisation CITES

La France paraît désavantagée sur ce point et pourrait l’être encore plus à l’avenir.

L’obligation d’obtenir un certificat, même pour les meubles fabriqués avant 1945 constitue une lourdeur administrative difficile à supporter pour les maisons de vente. Les vendeurs seront alors inévitablement attirés par les marchés étrangers.

Avantage Royaume-Uni

Exportation d’armes

- Les armes historiques et de collection datant d’avant 1900 doivent obtenir une autorisation de la direction générale des douanes

- Les armes de plus de 50 ans et d’une valeur de plus de 50 000 € doivent obtenir un certificat d’exportation

- Les armes historiques et de collection datant d’avant 1897 doivent obtenir une autorisation de l’ECO (Export Control Organisation)

- Les armes de plus de 50 ans et d’une valeur de plus de 35 000£ doivent obtenir un certificat d’exportation

 

Égalité France/
Royaume-Uni

Source : document fourni à la mission, lors de son déplacement à Londres, par la maison de ventes Christie’s.

ANNEXE N° 3 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA MISSION

(par ordre chronologique)

Ø Ministère de la Culture et de la Communication

– Direction générale de la création artistique – service des arts plastiques : M. Pierre Oudart, directeur adjoint

– Direction générale des patrimoines – service des musées de France : M. Vincent Lefèvre, sous-directeur des collections, et Mme Claire Chastanier, adjointe au sous-directeur des collections, secrétaire générale de l’Observatoire du marché de l’art et du mouvement des biens culturels

– Observatoire du marché de l’art et du mouvement des biens culturels : M. Gilles Andréani, président

Ø Terra Nova : Mmes Nicole Ferry-Maccario et Anne Bourgois, coauteures du rapport Création et marché de l’art : Comment renouveler l’attractivité de la France ? (2015)

Ø Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques : Mme Catherine Chadelat, présidente, et M. Loïc Lechevalier, secrétaire général

Ø Sotheby’s : M. Mario Tavella, président-directeur général, M. Brice Foisil, senior director département Mobilier, Mme Elodie Berthier, responsable juridique

Ø Christie’s France : M. François de Ricqlès, président-directeur général, M. Édouard Boccon-Gibod, directeur général, et Mme Stéphanie Ibanez, directrice juridique

Ø Syndicat national des maisons de vente volontaires (SYMEV) :
M. Jean-Pierre Osenat, commissaire-priseur, président

Ø Piasa : M. Alain Cadiou, président-directeur général

Ø M. Fabien Bouglé, consultant en gestion de patrimoine artistique, fondateur de Saint Eloy Art Wealth Management, auteur de Investir dans l’art

Ø Chambre nationale des commissaires-priseurs (CNCPJ) : Me Nicolas Moretton, président, Me Agnès Carlier, vice-présidente, Me Thierry Pomez, trésorier, et M. Georges Decocq, professeur de droit, conseil de la CNCPJ

Ø Table ronde « Trafic d’œuvres d’art »

– Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) : M. Thierry Picart, directeur des enquêtes douanières, et M. Philippe Bock, enquêteur à la 4ème division d’enquête

– Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) :
Colonel Ludovic Ehrhart, chef de l’OCBC

– Service du Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN) : Mme Julie Chevalier, chef du département de l’analyse, du renseignement et de l’information (DARI)

Ø Comité professionnel des galeries d’art (CPGA) : M. Georges-Philippe Vallois, président, et Mme Laurène Henry, chargée des affaires juridiques

Ø Musée du Louvre : M. Jean-Luc Martinez, président, M. Nicolas Feau, conseiller du président, et M. Xavier Salmon, directeur du département des arts graphiques

Ø Audition commune des sociétés de vente d’œuvres d’art en ligne

– Carré d’artistes : M. Alexandre Siahou, directeur digital, marketing et communication, et Mme Aurélia Quémeneur, responsable marketing et communication

– Artistics : Mme Sonia Rameau, gérante, fondatrice

Ø Syndicat National des Antiquaires : M. Dominique Chevalier, président, et Mme Brigitte Vergilino, conseil

Ø Hôtel Drouot : M. Alexandre Giquello, président du conseil de surveillance de Drouot Enchère, M. Olivier Lange, directeur général de Drouot Patrimoine, Mme Cécile Bernard, directrice du développement de Drouot Patrimoine, Mme Pauline de Montgolfier, responsable Presse et Média, et M. Ronan Bretel, juriste en droit de l’art, culture et patrimoine

Ø Table ronde « Expertise des œuvres d’art »

– M. Frédéric Castaing, président de la Compagnie nationale des experts (CNE)

– Mme Geneviève Beaume, présidente de la Chambre nationale des experts spécialisés en objets d’art et de collection (CNES), et M. Jean-Michel Renard, vice-président

– M. Michel Maket, président du Syndicat français des experts professionnels en œuvres d’art et objets de collection (SFEP), et Mme Elisabeth Maréchaux-Laurentin, membre du bureau

– M. Chakib Slitine, vice-président de l’Union française des experts (UFE), et Mme Noémie Tillier, secrétaire générale

– M. Paul Fragne, président de la Fédération nationale d’experts professionnels spécialisés en art (FNEPSA), M. Olivier Delvaille, vice-président, et M. Claude Vilars, trésorier

Ø M. Guillaume Cerutti, président de la Fondation nationale des arts graphiques et plastiques (FNAGP), ancien président-directeur général de Sotheby’s France

Ø Musée d’Orsay : M. Guy Cogeval, président, M. Yves Badetz, conservateur général en charge des acquisitions, et M. Alain Lombard, administrateur général

Ø Artcurial : M. Nicolas Orlowski, président-directeur général

Ø Table ronde « Galeries d’art »

– Galerie d’art Templon : Mme Anne-Claudie Coric, directrice générale

– Galerie Perrotin : M. Emmanuel Perrotin

– Galerie Thaddaeus Ropac : M. Joachim Pflieger, directeur

– Galerie Applicat-Prazan : M. Franck Prazan

Ø Paris Tableau : M. Maurizio Canesso, président, et M. Bertrand Gautier, membre du comité de direction

Ø La Maison des artistes : M. Rémy Aron, président, M. Jean-Marc Bourgeois, vice-président, et M. Eudes Ajot, assistant du président, chargé des relations publiques

Ø Audition commune « Économie du marché de l’art »

– M. Dominique Sagot Duvauroux, économiste, professeur à l’université d’Angers

– Mme Nathalie Moureau, économiste, professeur à l’université Paul Valéry de Montpellier

– Mme Françoise Benhamou, économiste

Ø Société des Auteurs dans les Arts Graphiques et Plastiques (ADAGP) : Mme Marie-Anne Ferry Fall, directrice générale, et M. Romain Durand, responsable du service droit de suite

Ø Ministère des affaires étrangères – direction générale de la mondialisation, de la culture, de l’enseignement et du développement international : Mme Anne-Marie Descôtes, directrice générale, et Mme Ina Pouant, cheffe du pôle de la création artistique et des industries culturelles et créatives (sous-direction de la culture et des médias – direction de la culture, de l’enseignement, de la recherche et du réseau)

Ø École nationale supérieure des Beaux-Arts : M. Jean-Marc Bustamante, directeur, Mme Patricia Stibbe, directrice-adjointe, et M. Didier Semin, directeur des études

Ø Salon du dessin contemporain « Drawing now Paris » : Mme Christine Phal, présidente, et Mme Carine Tissot, directrice

Ø Foire internationale d’art contemporain (FIAC) : Mme Jennifer Flay, directrice

Ø Ministère des Finances : M. Jean-Luc Barçon-Maurin, chef du service juridique de la fiscalité (direction générale des finances publiques), M. Guillaume Appéré, sous-directeur chargé de la fiscalité des transactions (direction de la législation fiscale), et M. Raphaël Montagner, section TVA (direction de la législation fiscale)

Ø Audition commune « Droit du marché de l’art »

– Mme Laurence Mauger-Vielpeau, professeur à l’université de Caen Basse Normandie

– M. François Duret-Robert, juriste, auteur de Droit du marché de l’art

Ø Association nationale des écoles supérieures d’art (ANDéA) :
M. Emmanuel Tibloux, président

Ø Association pour la diffusion internationale de l’art français (ADIAF) : M. Gilles Fuchs, président, et Mme Caroline Crabbe, déléguée générale

Ø Paris Photo : Mme Florence Bourgeois, directrice

Ø PLATFORM : M. Bernard de Montferrand, président, et Mme Anne-Claire Duprat, secrétaire générale

Ø M. Pierre Bergé, président de la Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent

Ø M. Jean-Jacques Aillagon, ancien ministre de la Culture et de la Communication

ØCentre national des arts plastiques : M. Yves Robert, directeur

ØM. Alfred Pacquement, directeur honoraire du Musée national d’art moderne, Centre Pompidou

ØMusée national d’art moderne, Centre Pompidou : M. Serge Lasvignes, président, et Mme Brigitte Léal, directrice adjointe en charge des collections

ØM. Alain Seban, ancien président du Centre Pompidou

ØMme Audrey Azoulay, ministre de la Culture et de la Communication

DÉPLACEMENTS

Fondation Cartier pour l’art contemporain (14 juin 2016)

– M. Alain-Dominique Perrin, fondateur et président

Londres (6 et 7 octobre 2016)

– M. François Croquette, conseiller culturel, directeur de l’Institut français du Royaume-Uni

– Mme Victoria Siddall, directrice de la Frieze Art Fair

– Mme Coline Milliard, critique d’art, directrice associée de la galerie Caroll/Fletcher

– Mme Aurélie Didier, directrice associée de la galerie Dickinson

– Mme Eimear Martin, commissaire à la Hayward Gallery

– M. Andrea Lissoni, commissaire à la Tate Modern

– Mme Catherine Petitgas, présidente du Fluxus Art Projects

– M. Abdessemed Adel, artiste

– M. Romain Chenais, galerie High Art

– M. Arthur de Monbrison, galerie Monbrison

– Mme Jane Quinn, directrice associée de l’agence Bolton & Quinn

– M. Armand Jalut, artiste

– Mme Ayelet Elstein, chief revenue officer chez Tondo Art

– Mme Hélène Nguyen-Ban, VNH Gallery

– M. Jussi Pyllkanen, président Monde de Christie’s

– M. Guillaume Cerutti, président Europe de Christie’s

– M. Édouard Boccon-Gibod, directeur général de Christie’s France

– M. Martin Wilson, Global Managing Director and General Counsel chez Christie’s

Fondation Louis Vuitton (27 octobre 2016)

– M. Jean-Paul Claverie, conseiller de M. Bernard Arnault, président de la Fondation Louis Vuitton

Fondation Pinault (28 octobre 2016)

– M. François Pinault

Paris Internationale (19 octobre 2016)

– M. Clément Delepine, co-directeur de Paris Internationale

– M. Romain Chenais, co-directeur de Paris Internationale

– Mme Alix Dionot-Morani, galerie Crèvecoeur

– M. Guillaume Sultana, galerie Sultana

– Mme Nerina Ciaccia et M. Antoine Levi, galerie Antoine Levi

Palais de Tokyo (8 novembre 2016)

– M. Jean de Loisy, président

– M. Jean-Baptiste de Beauvais, directeur des relations extérieures

1 () S. Kancel, J. Itty, M. Weill, B. Durieux, L’apport de la culture à l’économie de la France, décembre 2013.

2 () France Créative, Création sous tension, 2e panorama de l’économie de la culture et de la création en France, 2015.

3 () Ce montant tient compte des ventes d’œuvres d’art, d’antiquités et d’objets de collection effectuées dans le cadre de ventes publiques aux enchères, ou bien de gré à gré.

4 () R. Moulin, Le marché de l’art, mondialisation et nouvelles technologies, Dominos Flammarion, 2000, p. 13.

5 () J.-M. Schmitt, A. Dubrulle, Le marché de l’art, La documentation française, 2014, p. 16.

6 () Audition du 6 septembre 2016.

7 () J.-M. Schmitt, A. Dubrulle, Le marché de l’art, La documentation française, 2014, p. 13.

8 () R. Moulin, Le marché de l’art, mondialisation et nouvelles technologies, Dominos Flammarion, 2000, p. 37.

9 () S. Kancel, J. Itty, M. Weill, B. Durieux, L’apport de la culture à l’économie de la France, décembre 2013.

10 () Artprice, Le marché de l’art en 2014, 2015, p. 2.

11 () J.-M. Schmitt, A. Dubrulle, Le marché de l’art, La documentation française, 2014, p. 34.

12 () Conseil des ventes volontaires, Rapport d’activité 2015, p. 198.

13 () D’après les données d’Artprice parues en juillet 2016, la Chine représente, au premier semestre 2016, 35,5 % du chiffre d’affaires dégagé par les ventes aux enchères de fine art, devant les États-Unis et le Royaume-Uni.

14 () Artprice, Le marché de l’art en 2015, 2016.

15 () G. Cerutti, « Mutations du marché mondial de l’art, paradoxes du marché français », Commentaire 2010/3, numéro 131.

16 () Artprice, Le marché de l’art en 2015, 2016.

17 () Artprice, Le marché de l’art en 2015, 2016.

18 () Artprice, Le marché de l’art contemporain 2015, 2015.

19 () Cette catégorie regroupe les œuvres produites après 1945 par des artistes encore vivants ou décédés.

20 () L’art contemporain est défini, notamment par Artprice, comme l’ensemble des œuvres produites par des artistes nés après1945.

21 () Artprice, Le marché de l’art contemporain 2015, 2015.

22 () N. Moureau et M. Vidal, « Galeries-maisons de ventes, une situation contrastées », Le Journal des Arts, n° 443, octobre 2015.

23 () Conseil des ventes volontaires, Rapport annuel 2015, 2016.

24 () N. Moureau, « La faible rentabilité des marchands français », Le Journal des Arts, n° 443, octobre 2015.

25 () Guillaume Cerutti, « Mutations du marché mondial de l’art, paradoxes du marché français », Commentaire, 2010/3, numéro 131, p. 775.

26 () Bibliothèque nationale de France, « Du voyage d’étude à l’immigration : des artistes étrangers à Paris au siècle des avant-gardes (1855-1968). Bibliographie sélective », septembre 2012.

27 () J. Cassou, Une vie pour la liberté, 1981.

28 () S. K. Rich, « Les échanges artistiques entre la France et les États-Unis, 1950-1968 », Perspective, 2011.

29 () R. Moulin, Le marché de l’art. Mondialisation et nouvelles technologies, Dominos Flammarion, p. 53, 2000.

30 () R. Moulin, Le marché de l’art. Mondialisation et nouvelles technologies, Dominos Flammarion, p. 38, 2000.

31 () R. Moulin, Le marché de l’art. Mondialisation et nouvelles technologies, Dominos Flammarion, p. 41, 2000.

32 () Bernard Zürcher, « Une galerie à New York... ou les conditions du marché de l’art contemporain en France », Le journal de l’école de Paris du management, 2012/3, n° 95, p. 25.

33 () F. Rouet, « Les galeries d’art contemporain en France en 2012 », Culture études n° 2013-2, 2013.

34 () F. Bouglé, Investir dans l’art, Gualino Lextenso édition, 2015, p. 22.

35 () D’après le dernier rapport de la TEFAF, la France représente en 2015 11 % du marché de l’art en nombre de lots vendus, derrière les États-Unis (24 %) et la Chine (13 %).

36 () Conseil des ventes volontaires, Rapport d’activité 2015, p. 272.

37 () Guillaume Cerutti, « Mutations du marché mondial de l’art, paradoxes du marché français », Commentaire, 2010/3, numéro 131, p. 775.

38 () Conseil des ventes volontaires, Rapport d’activité 2015, p. 156.

39 () Conseil des ventes volontaires, Rapport d’activité 2015, p. 144.

40 () Par dérogation, ce droit ne s’applique pas lorsque le vendeur a acquis l’œuvre directement de l’auteur moins de trois ans avant cette vente et que le prix de vente ne dépasse pas 10 000 euros.

41 () « Droit de suite : entre protection de l’artiste et protection du marché », note sous Paris, 12 décembre 2012, Dalloz Actualité, 17 janvier 2013.

42 () Voir, en annexe, le tableau de fiscalité internationale comparée applicable au marché de l’art, publié dans le Journal des arts (n° 433, avril 2015).

43 () « Droit de suite : entre protection de l’artiste et protection du marché », note sous Paris, 12 décembre 2012, Dalloz Actualité, 17 janvier 2013.

44 () CJUE, 26 févr. 2015, aff. C-41/14, Christie’s France SNC c/ Syndicat national des antiquaires.

45 () Cass. 1ère civ. 3 juin 2015, pourvoi n° 13-12675.

46 () Il s’agit des œuvres d’art, des objets de collection et des objets d’antiquité ayant plus de 100 ans d’âge.

Par œuvres d’art, il faut entendre :

– les tapis et tapisseries ;

– les tableaux, peintures et dessins à la main, qu’ils soient anciens ou modernes et quelle que soit la matière sur laquelle ils ont été exécutés, pourvu qu’ils l’aient été à la main ;

– les installations et œuvres numériques ou audiovisuelles ;

– les gravures, estampes et lithographies originales tirées en nombre limité ;

– les statues et sculptures originales, qu’elles soient anciennes ou modernes et quelle que soit la matière, pourvu qu’elles aient été entièrement exécutées de la main de l’artiste ;

– les tapis et textiles muraux faits à la main ;

– les céramiques, pourvu qu’il s’agisse d’exemplaires uniques entièrement exécutés de la main de l’artiste ;

– les émaux sur cuivre, pourvu qu’ils aient été entièrement exécutés à la main, et dans la limite de 8 exemplaires numérotés ;

– les photographies, pourvu qu’elles aient été tirées par l’artiste ou sous son contrôle, qu’elles aient été signées et numérotées, et dans la limite de 30 exemplaires, tous formats et supports confondus.

À ce sujet, la directrice du salon Paris Photo, Mme Florence Bourgeois, a estimé que cette définition des photographies susceptibles d’être qualifiées d’œuvres d’art était inadaptée, notamment aux photographies anciennes, comme celles de Gustave Le Gray dont il peut exister plus de 30 exemplaires, ni signés, ni numérotés.

Par objets de collection, il faut entendre des objets anciens, rares, présentant un intérêt historique et dont le prix doit être sensiblement supérieur à la valeur d’un bien similaire destiné à un usage courant. La question de savoir si un bien est un objet de collection est une question de fait, appréciée au cas par cas, sous le contrôle du juge de l’impôt. Il peut s’agir de timbres-poste, de collections de zoologie, de botanique ou de minéralogie, d’armes, d’articles d’habillement, de véhicules ou d’objets primitifs. Pour ce qui est des monnaies anciennes, seules les monnaies antérieures à 1800 sont des objets de collection.

Par objets d’antiquité, il faut entendre des objets, autres que des objets d’art ou de collection, ayant plus de 100 ans d’âge. Il peut s’agir de meubles anciens, de cadres, de vitraux, de lustres, d’instruments de musique, de médailles ou encore d’articles de joaillerie. L’ancienneté résultant généralement de l’appartenance prolongée au patrimoine familial, les indications que peut donner le vendeur sont susceptibles de constituer un élément suffisant d’appréciation.

47 () Les bijoux qui tirent l’essentiel de leur valeur de leurs composants plutôt que de leur ancienneté et les « meubles meublants » sont en revanche compris dans l’assiette de l’ISF. Les meubles meublants correspondent au mobilier courant de moins de 100 ans et dépourvu de caractère historique ou artistique. Ces meubles sont évalués soit grâce au prix net d’une vente publique, soit grâce à un inventaire notarié ou établi par le redevable, soit par l’application d’un forfait de 5 % à l’ensemble de l’actif brut du redevable.

48 () Sauf lorsque l’importation d’objets d’art, de collection ou d’antiquité est réalisée à destination d’établissements agréés par le ministre de la Culture et la Communication tels que les musées nationaux, les musées des collectivités territoriales, les fondations ou certaines associations (article 262 ter du code général des impôts ; article 50 decies de l’annexe 4 au même code).

49 () Ce taux réduit s’applique également aux acquisitions intracommunautaires d’œuvres d’art, d’objets de collection ou d’antiquité.

50 () Voir, en annexe, le tableau de fiscalité internationale comparée applicable au marché de l’art, publié dans le Journal des arts (n° 433, avril 2015).

51 () Contribution écrite fournie à la mission.

52 () En France, c’est le I de l’article 262 du code général des impôts qui prévoit que les ventes d’objets d’art, de collection ou d’antiquité exportés dans un pays tiers à l’Union européenne sont exonérées de TVA.

53 () Lors de son audition, M. Alain Cadiou, président-directeur général de Piasa, a signalé que ce mécanisme de « suspension de taxe » était par ailleurs difficile à appliquer pour les petites maisons de ventes qui n’ont pas les moyens de se doter des entrepôts douaniers nécessaires. D’une manière plus générale, l’ensemble du dispositif de la TVA a été jugée particulièrement complexe, notamment par les représentants des galeries en ligne.

54 () De l’anglais Convention on International Trade of Endangered Species.

55 () Règlement UE n° 1320/2014 de la Commission du 1er décembre 2014 modifiant le règlement (CE) n° 338/97 du Conseil relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce.

56 () Décret n° 2013-287 du 4 avril 2013 relatif au registre tenu par les personnes dont l’activité professionnelle comporte la vente ou l’échange de certains objets mobiliers.

57 () Article L. 321-10 du code de commerce.

58 () Il a été indiqué à la mission qu’une mission avait d’ailleurs été confiée aux inspections générales des Finances, de l’Administration et des Affaires culturelles sur les procédures de vérification de la provenance des œuvres d’art acquises par les institutions publiques françaises.

59 () Cass. com. 17 octobre 1995, pourvoi n° 94-10.196.

60 () Il est rappelé que ces sociétés doivent être constituées uniquement entre personnes parentes en ligne directe ou entre frères et sœurs, leurs conjoints et, le cas échéant, les enfants de ces différentes personnes. Les parts de ces sociétés doivent rester la propriété de ces personnes ou de leurs descendants.

61 () Voir également l’article du professeur Renaud Mortier, « ISF et détention d’objets d’art via une société civile : pourquoi et comment réformer l’article 885 I du CGI », JCP E, n° 43-44, 25 octobre 2007.

62 () Rapport n° 278 (session ordinaire 2002-2003) fait au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif au mécénat, aux associations et aux fondations, par M. Yann Gaillard, sénateur, p. 32.

63 () Séance du 13 mai 2003.

64 () BOI-BIC-CHG-70-10-20151202, n° 90 et s.

65 () BOI-BIC-CHG-70-10-20151202, n° 230.

66 () Propositions en faveur du développement du marché de l’art en France, p. 11.

67 () Réponse à la question n° 74082.

68 () Cet article prévoit qu’ouvrent droit à une réduction d’impôt sur le revenu égale à 66 % de leur montant les sommes prises dans la limite de 20 % du revenu imposable qui correspondent à des dons et versements effectués par les contribuables domiciliés en France au profit de fondations ou associations reconnues d’utilité publique, de fondations universitaires, ou encore d’œuvres ou d’organismes d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises.

69 () L’association remplit par ailleurs des missions d’accompagnement professionnel, de conseil et d’information, notamment grâce à un service de consultations juridiques gratuites spécialisées dans les droits des artistes.

70 () Il est par ailleurs rappelé que le financement de la Maison des artistes est également assuré par le versement, par les diffuseurs des œuvres artistiques, d’une contribution qui s’élève à 1,1 % de leur chiffre d’affaires ou de leur commission. Toute personne physique ou morale qui procède à l’exploitation commerciale des œuvres originales déterminées par la réglementation est concernée : cela correspond notamment à l’activité des galeries d’art, des éditeurs d’art, des sociétés de ventes volontaires, des antiquaires, des brocanteurs, de certains musées et également aux commerces dont une part de l’activité consiste à vendre des œuvres originales graphiques et plastiques. La qualification de diffuseur est fondée dès lors qu’un produit financier est issu d’opérations commerciales (vente, revente) y compris les ventes à l’exportation, indépendamment de la provenance des œuvres ou du nombre de transactions commerciales dont elles ont fait l’objet. Toutes les transactions commerciales pour des œuvres originales graphiques et plastiques sont concernées, qu’il s’agisse des ventes d’œuvres contemporaines d’artistes vivants, d’œuvres d’artistes morts ou d’œuvres tombées dans le domaine public. Le diffuseur est redevable de sa contribution, quelles que soient la situation de l’artiste sur le plan social, sa nationalité, sa résidence fiscale, même si l’auteur des œuvres est anonyme dans le cas d’œuvres non signées, et indépendamment du genre et du mérite des œuvres : œuvres d’écoles, d’ateliers, à la manière de…, à l’exception des copies « serviles » (c’est-à-dire des reproductions obtenues par des procédés purement mécaniques).

71 () Propositions en faveur du développement du marché de l’art en France, p. 10.

72 () Le « premier marché » est celui sur lequel l’œuvre d’art fait l’objet d’une première acquisition, par exemple à la suite de sa présentation dans une galerie ou dans une foire. Une fois l’œuvre vendue, elle passe sur le « second marché » qui est celui des reventes (de gré à gré, chez les marchands, galeristes et antiquaires, ou aux enchères publiques).

73 () D’après les chiffres fournis à la mission, 120 préemptions auraient été recensées en 2015.

74 () Il est précisé que, pour bénéficier de cette réduction d’impôt, l’entreprise doit en outre s’engager à consentir au classement du bien comme monument historique ou comme archives historiques, à ne pas céder le bien avant l’expiration d’un délai de dix ans à compter de son acquisition, et, durant cette période, à placer le bien en dépôt auprès d’un musée de France, d’un service public d’archives ou d’une bibliothèque relevant de l’État ou placée sous son contrôle technique.

75 () Loi du 27 ventôse an IX portant établissement de 80 commissaires-priseurs de meubles à Paris.

76 () Loi du 28 avril 1816 sur les finances, complétée par l’ordonnance du 26 juin 1816 qui établit, en exécution de la loi du 28 avril 1816, des commissaires-priseurs judiciaires dans les villes chefs-lieux d’arrondissement, ou qui sont le siège d’un tribunal de grande instance, et dans celles qui, n’ayant ni sous-préfecture ni tribunal, renferment une population de cinq mille âmes et au-dessus.

77 () Loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

78 () Article 29 de la loi du 10 juillet 2000 précitée.

79 () Les articles L. 321-4 et suivants du code de commerce définissent le régime applicable aux opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (OVV).

80 () Article 29 de la loi du 10 juillet 2000 précitée : « les titulaires d’un office de commissaire-priseur dont le statut est fixé par l’ordonnance n° 45-2593 du 2 novembre 1945 relative au statut des commissaires-priseurs prennent le titre de commissaires-priseurs judiciaires. Ils ont, avec les autres officiers publics ou ministériels et les autres personnes légalement habilitées, seuls compétence pour organiser et réaliser les ventes judiciaires de meubles corporels ou incorporels aux enchères publiques, et faire les inventaires et prisées correspondants ».

81 () Article 55 de la loi du 6 août 2015 précitée, fixant une limite d’âge pour l’exercice de la profession de commissaire-priseur judiciaire (70 ans), et article 59 de la même loi, élargissant les possibilités d’exercice de cette profession en qualité de salarié.

82 () Article 50 de la loi du 6 août 2015 précitée. L’Autorité de la concurrence s’est vu confier le soin d’émettre un avis sur sur le décret en Conseil d’État appelé à préciser les modalités de détermination des « coûts pertinents » et de la « rémunération raisonnable » que doivent désormais prendre en compte les tarifs réglementés applicables aux prestations des commissaires-priseurs judiciaires, ainsi que sur les projets d’arrêtés de révision tarifaire, dont cette autorité pourra se saisir soit à la demande du Gouvernement soit de son propre chef et pour lesquels son avis simple, rendu public, sera élaboré après que les associations de défense des consommateurs agréées au niveau national pour ester en justice et les organisations professionnelles ou instances ordinales concernées auront été mises en mesure d’y contribuer.

Au même titre que d’autres professions juridiques et judiciaires, les commissaires-priseurs judiciaires se sont vu imposer une obligation de transparence tarifaire passant par l’affichage, dans leur lieu d’exercice et sur leur site Internet, des tarifs qu’ils pratiquent. En outre, l’obligation d’information du consommateur sur les prix et les conditions particulières de l’exécution des services, qui est prévue par l’article L. 113-3 du code de la consommation, a été étendue aux prestations des commissaires-priseurs judiciaires, comme à celles d’autres professions du droit.

83 () Article 52 de la loi du 6 août 2015 précitée, qui prévoit notamment que « les commissaires-priseurs judiciaires peuvent librement s’installer dans les zones où l’implantation d’offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services ».

84 () Ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice.

85 () Rapport d’information n° 2475 sur les professions juridiques réglementées fait, au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, par Mme Cécile Untermaier et M. Philippe Houillon, décembre 2014, pp. 185 et 187.

86 () Et encore, il semblerait que l’essentiel du chiffre d’affaires des commissaires-priseurs judiciaires résulterait des actes qu’ils effectuent au titre des ventes judiciaires, plus que des ventes elles-mêmes, et notamment des estimations auxquelles ils procèdent pour le besoin des inventaires notariés.

87 () Décret n° 2016-883 du 29 juin 2016 relatif à l’exercice des professions d’huissier de justice, de notaire et de commissaire-priseur judiciaire sous forme de société autre qu’une société civile professionnelle ou qu’une société d’exercice libéral.

88 () Tout en garantissant aux professionnels la maîtrise du capital et des droits de vote de la structure interprofessionnelle ainsi que des conditions d’exercice de leur profession, en préservant les principes déontologiques applicables à chaque profession, en prenant en considération les incompatibilités et les risques de conflits d’intérêts propres à chaque profession, et en préservant l’intégrité des missions des professionnels liées au statut d’officier public et ministériel dans l’accomplissement de leurs fonctions.

89 () L’article 67 de la loi du 6 août 2015 a par ailleurs encouragé l’interprofessionnalité capitalistique en simplifiant les conditions de création et de constitution des sociétés d’exercice libéral (SEL) et des sociétés de participations financières de professions libérales (SPFPL).

90 () Dans cette hypothèse, la vente aux enchères publiques du fonds de commerce était confiée soit au notaire soit au commissaire-priseur judiciaire, selon que les éléments incorporels ou corporels étaient prédominants au sein du fonds de commerce.

91 () Rapport publié en décembre 2014, p. 42.

92 () Droits patrimoniaux d’auteur, droits de propriété industrielle (marques, brevets, dessins, modèles), bases de données et logiciels, noms de domaines, noms commerciaux et enseignes, fonds de commerce.

93 () Ce rapport est consultable au lien suivant : https://www.hiscox.fr/wp-content/uploads/2016/05/Etude-version-DIGITALE-Hiscox-Online-Art-Trade-Report-2016_FR-.pdf

94 () Ce mode de participation aux enchères présente par ailleurs l’avantage, pour les commissaires-priseurs, de pouvoir vérifier l’identité et les capacités financières des enchérisseurs, dans la mesure où, pour être autorisé à enchérir en ligne, il faut demander une autorisation et fournir une pièce d’identité et des données bancaires.

95 () Il a en effet été indiqué à la mission que 20 % des personnes qui enchérissent en ligne ne sont jamais allées physiquement en salle des ventes.

96 () Toutefois, alors que le groupe Drouot fait des efforts considérables de modernisation pour préserver son modèle, il est aujourd’hui attaqué par ses concurrents : le groupe Dassault, auquel est adossé Artcurial, aurait ainsi assigné l’Hôtel Drouot devant l’Autorité de la concurrence en demandant à ce que « Le Figaro Enchères » et « Invaluable » puissent vendre sur Drouotlive dont la création porterait, selon eux, atteinte aux règles de la concurrence.

97 () La suppression du monopole des commissaires-priseurs en matière de ventes volontaires a donné lieu à une indemnisation pour dépréciation de la valeur de leur droit de présentation. L’article 38 de la loi du 10 juillet 2000 dispose en effet que « les commissaires-priseurs sont indemnisés en raison du préjudice subi du fait de la dépréciation de la valeur pécuniaire de leur droit de présentation résultant de la suppression du monopole conféré jusqu’à l’entrée en vigueur de la présente loi à ces officiers ministériels dans le domaine des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ». Le Conseil d’État a par la suite eu l’occasion de juger que « la dépréciation de la valeur pécuniaire de leur droit de présentation résultant, pour les commissaires-priseurs, de la suppression par la loi du 10 juillet 2000 de leur monopole dans le domaine des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques porte atteinte à un droit patrimonial qui, s’il revêt une nature exceptionnelle, dès lors que la disposition en est restreinte et conditionnée par la nécessité de maintenir le contrôle qui appartient au Gouvernement sur la transmission des offices et d’assurer l’indépendance des fonctions publiques attachées au titre de commissaire-priseur, n’en est pas moins un bien au sens de l’article 1er du premier protocole additionnel » à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CE, 23 mars 2005, requête n° 263944).

98 () Les lois n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et n° 2011-94 du 25 janvier 2011 qui ont supprimé les offices ministériels d’avoués près les tribunaux de grande instance et les cours d’appel comportent un dispositif d’indemnisation. L’article 2 de la loi du 31 décembre 1971 dispose désormais que « les offices d’avoués près les tribunaux de grande instance et les offices d’avoués près les cours d’appel sont supprimés » et que « les avoués sont indemnisés, dans les conditions fixées au chapitre II de la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 précitée, de la perte du droit qui leur est reconnu par l’article 91 de la loi du 2 avril 1816 de présenter un successeur à l’agrément du garde des Sceaux, ministre de la justice ». Les conditions d’indemnisation de la perte du droit de présentation sont précisées notamment par l’article 13 de la loi du 25 janvier 2011 qui prévoit que l’« indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation [est] fixée par le juge de l’expropriation dans les conditions définies par les articles L. 13-1 à L. 13-25 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ». Si, en 2011, le Conseil constitutionnel a refusé de reconnaître aux avoués près les cours d’appel un droit à l’indemnisation d’un « préjudice de carrière » et d’un préjudice économique, il a en revanche confirmé le caractère constitutionnel de l’indemnisation de la suppression du droit de présentation dont bénéficiaient ces professionnels, jugeant qu’« en prévoyant la réparation du “ préjudice correspondant à la perte du droit de présentation ”, le législateur a entendu que le préjudice patrimonial subi du fait de la perte du droit de présentation soit intégralement réparé, que, pour assurer la réparation intégrale de ce préjudice, il appartiendra […] le cas échéant, au juge de l’expropriation, de fixer cette indemnité dans la limite de la valeur des offices [et] que ces dispositions ne méconnaissent pas les exigences résultant de l’article 13 de la Déclaration de 1789 » (Conseil constitutionnel, décision n° 2010-624 DC du 20 janvier 2011, considérant n° 20).

99 () L’octroi de cet agrément était subordonné à la présentation de garanties suffisantes en ce qui concerne leur organisation, leurs moyens techniques et financiers, l’honorabilité et l’expérience de leurs dirigeants ainsi que les dispositions propres à assurer pour leurs clients la sécurité des opérations.

100 () Le CVV s’assure notamment que l’OVV appelé à exercer en tant que personne physique est français ou ressortissant d’un État membre de l’Union européenne (UE) ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), qu’il n’a pas été l’auteur de faits ayant donné lieu à une condamnation pénale définitive pour des agissements contraires à l’honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs ou de faits de même nature ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, de retrait d’agrément ou d’autorisation dans la profession qu’il exerçait antérieurement, et qu’il a la qualification requise pour diriger une vente ou qu’il est titulaire d’un titre, d’un diplôme ou d’une habilitation reconnus équivalents en la matière.

S’il s’agit d’une personne morale, le CVV s’assure que l’OVV est constitué en conformité avec la législation d’un État membre de l’UE ou d’un autre État partie à l’accord sur l’EEE, qu’il a son siège statutaire, son administration centrale ou son principal établissement sur le territoire de l’un de ces États membres ou parties, qu’il dispose d’au moins un établissement en France, y compris sous forme d’agence, de succursale ou de filiale, qu’il comprend parmi ses dirigeants, associés ou salariés au moins une personne remplissant les conditions relatives aux personnes physiques exerçant en tant qu’OVV et qu’il justifie que ses dirigeants n’ont pas fait l’objet d’une condamnation pénale définitive pour des agissements contraires à l’honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs ou n’ont pas été les auteurs de faits de même nature ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, de retrait d’agrément ou d’autorisation dans la profession qu’ils exerçaient antérieurement.

101 () Voir notamment : « Scandale des manuscrits : les victimes d’Aristophil se mobilisent », Le Monde, 15 avril 2015.

102 () Loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires et décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 relatif aux experts judiciaires.

103 () L’article L. 321-17 du code de commerce prévoit que les OVV et les officiers publics ou ministériels compétents pour procéder aux ventes judiciaires et volontaires ainsi que les experts qui les assistent dans la description, la présentation et l’estimation des biens engagent leur responsabilité au cours ou à l’occasion des prisées et des ventes de meubles aux enchères publiques, conformément aux règles applicables à ces ventes. Les clauses qui visent à écarter ou à limiter leur responsabilité sont interdites et réputées non écrites. Et les actions en responsabilité civile engagées à l’occasion des prisées et des ventes volontaires et judiciaires de meubles aux enchères publiques se prescrivent par cinq ans à compter de l’adjudication ou de la prisée.

L’article L. 321-29 du même code dispose que « le public est informé de l’intervention d’experts dans l’organisation de la vente » et l’article L. 321-30 ajoute que « tout expert intervenant à titre onéreux à l’occasion d’une vente de meubles aux enchères publiques est tenu de contracter une assurance garantissant sa responsabilité professionnelle », que tous éléments relatifs à la nature de cette garantie sont portés à la connaissance du public et que l’expert « est solidairement responsable avec l’organisateur de la vente pour ce qui relève de son activité ».

Qui plus est, en application de l’article L. 321-32 du même code, l’expert « ne peut décrire, présenter, estimer, ni mettre en vente un bien lui appartenant, ni se porter acquéreur directement ou indirectement pour son propre compte d’un bien dans les ventes aux enchères publiques auxquelles il apporte son concours ». Toutefois, « à titre exceptionnel, l’expert peut cependant vendre, par l’intermédiaire d’un [OVV] un bien lui appartenant à condition qu’il en soit fait mention dans la publicité de manière claire et non équivoque ».

104 () Par exemple, la Fédération nationale d’experts professionnels spécialisés en art (FNEPSA) admet cinq à sept experts par an, à l’issue d’un stage de 2 à 5 ans donnant lieu à l’élaboration d’un mémoire.

105 () Il n’est, semble-t-il, pas rare de lire, dans les conditions générales de ces maisons de ventes, que les mesures des œuvres et objets qui sont indiquées peuvent avoir caractère approximatif, que c’est à l’acheteur de se donner les moyens de vérifier la description des lots mis en vente, ou encore que les délais de prescription des actions en responsabilité civile peuvent faire l’objet d’aménagements contractuels…

106 () Les juges peuvent faire appel aux experts inscrits sur la liste nationale par spécialité dressée par la Cour de cassation et les listes par cour d’appel tant au pénal qu’au civil. Le contrôle de l’expert est exercé par le premier président et le procureur général de la cour d’appel pour les experts inscrits sur les listes des cours d’appel, et par le premier président et le procureur général près la Cour de cassation pour les experts inscrits sur la liste nationale. Le procureur ou le premier président examine ainsi tout manquement à l’honneur et à la probité de la part d’un expert (rapport faussé, etc.) et il peut recevoir les plaintes des parties à un procès.

Pour devenir expert auprès des juridictions (ou des douanes), il suffit d’en faire la demande et de déposer un dossier qui est instruit par le premier président de la cour d’appel ou de la Cour de cassation. Il faut cependant noter que les experts judiciaires sont le plus souvent choisis parmi ceux qui sont affiliés aux compagnies d’experts.

107 () Jusqu’en 1995, il semblait acquis que l’expert n’était tenu qu’à une obligation de moyens : ses conclusions reposaient sur une description consciencieuse et prudente de l’œuvre ; elles excluaient le recours à des examens scientifiques très poussés ou à des prélèvements destructeurs.

108 () Dans un arrêt du 7 novembre 1995, la Cour de cassation, statuant en sa première chambre civile (pourvoi n° 93-11418) a décidé que « l’expert qui affirme l’authenticité d’une œuvre d’art sans assortir son avis de réserves engage sa responsabilité sur cette affirmation ». La Haute juridiction a ainsi condamné un expert alors même qu’il avait mis en œuvre l’ensemble des moyens d’authentification disponibles au moment où il avait procédé à ces opérations, suggérant que l’obligation de l’expert s’apparentait à une obligation de résultat.

Depuis 1995, les juges semblent être revenus sur cette jurisprudence. La Cour de cassation, statuant en sa première chambre civile, a ainsi jugé, le 17 juillet 2001, en matière d’expertise dans le cadre de contrats d’assurance que « sauf stipulation contraire, le professionnel qui évalue des biens en vue de leur assurance, ne souscrit pas, envers l’assuré, l’obligation de résultat que l’assureur ne se prévaudra pas d’une sous-évaluation du risque » (pourvoi n° 99-19474).

109 () S’agissant des conservateurs, serait notamment en cause la clause de confidentialité qui leur est imposée, vraisemblablement afin d’éviter le risque de valoriser des objets détenus par des personnes privées, comme des antiquaires.

En effet, la circulaire n° 2007/007 du 26 avril 2007 portant charte de déontologie des conservateurs du patrimoine (fonction publique d’État et territoriale) et autres responsables scientifiques des musées de France, pour l’application de l’article L. 442-8 du code du patrimoine, prévoit en son I, 3°, que « le conservateur s’interdit de révéler les faits, informations ou documents dont il a obtenu connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, et qui auraient un caractère secret de par leur nature ou de par les prescriptions d’un supérieur hiérarchique, à moins d’en être dispensé par une autorité hiérarchique. Outre les limites fixées par la loi, la confidentialité s’applique notamment aux projets d’acquisitions, à toutes les opérations en cours liées au marché et à toute information liée à la protection de la vie privée. Les informations relatives à la sécurité des musées ou des collections et des locaux privés (notamment les résidences des collectionneurs) visités dans l’exercice des fonctions font l’objet de la plus stricte confidentialité de la part du conservateur. La confidentialité ne saurait entraver l’obligation juridique d’aider tout pouvoir public compétent à enquêter sur des biens pouvant avoir été acquis ou transférés illégalement ou volés ». Autrement dit, les membres de la profession muséale doivent protéger les informations confidentielles obtenues dans le cadre de leur travail et les informations concernant les objets soumis au musée pour identification sont confidentielles, ce qui implique qu’elles ne doivent pas être publiées ni transmises à une autre institution ou personne sans autorisation spécifique du propriétaire.

110 () H. Jobbé-Duval, Rapport pour améliorer la participation de la France au dialogue artistique international dans le domaine des arts visuels, 2008, p. 12.

111 () N. Moureau, « Ces enfants des sixties, mal-aimés des musées », Le Journal des Arts, n° 454, avril 2016.

112 () H. Jobbé-Duval, Rapport pour améliorer la participation de la France au dialogue artistique international dans le domaine des arts visuels, 2008, p. 13.

113 () Le Centre national des arts plastiques dénombre ainsi 140 aides publiques et privées à la création artistique en 2015.

114 () N. Ferry-Maccario, A. Aron, J. Bouchemit, A. Bourgois, J.-B. Costa de Beauregard, C. Lombard et P. Nyzam, Création et marché de l’art : comment renouveler l’attractivité de la France ?, Fondation Terra Nova, octobre 2015, p. 7.

115 () Il existe toutefois des chargés de mission spécialisés dans les arts visuels depuis quinze ans au sein de cette mission.

116 () Le relais spécialisé en Allemagne bénéficie ainsi de 154 800 euros de budget d’intervention en 2016, contre 80 000 euros pour le relais spécialisé qui existe en Chine, 129 000 euros pour le Fluxus Art Project et 416 000 euros pour le département des arts visuels de la mission culturelle et universitaire française aux États-Unis.

117 () D’après les informations fournies au rapporteur, ce budget est partagé, en 2016, entre le pavillon français à la Biennale de Venise (600 000 euros), les programmes de diffusion et d’expositions, dont Focus (700 000 euros), les programmes de résidence (150 000 euros) et le financement d’opérations d’art contemporain dans le cadre de la saison culturelle de la Corée en France (300 000 euros).

118 () H. Bellet, G. Billault, A. Quemin, H. Delacour, B. Leca, « L’évolution des lieux de la concurrence : le cas du marché de l’art contemporain », Entreprises et histoire, 2008/4 n° 53, ESKA, p.94.

119 () N. Moureau, « La faible rentabilité des marchands français », Le Journal des Arts, n° 443, octobre 2015.

120 () N. Moureau, « La faible rentabilité des marchands français », Le Journal des Arts, n° 443, octobre 2015.

121 () Nathalie Moureau estime ainsi, dans son article précité, qu’un stand de 60 m2 à la FIAC coûte, au total, entre 45 000 et 65 000 euros.

122 () R. Moulin, Le marché de l’art, mondialisation et nouvelles technologies, Dominos Flammarion, 2000, p. 62.

123 () Conseil des ventes volontaires, Rapport d’activité 2015, 2016, p. 133.

124 () B. Zürcher, « Une galerie à New York… ou les conditions du marché de l’art contemporain en France », Le Journal de l’École de Paris n° 95, mai/ juin 2012, p. 25.

125 () Seules trois garanties ont été octroyées en 2015 d’après le dernier rapport d’activité de l’IFCIC.

126 () N. Moureau, D. Sagot-Duvauroux, M. Vidal, « Collectionneurs d’art contemporain : des acteurs méconnus de la vie artistique », Culture Études, 2015-1, p. 11.

127 () N. Ferry-Maccario, A. Aron, J. Bouchemit, A. Bourgois, J.-B. Costa de Beauregard, C. Lombard et P. Nyzam, Création et marché de l’art : comment renouveler l’attractivité de la France ?, Fondation Terra Nova, octobre 2015, p. 17.

128 () N. Ferry-Maccario, A. Aron, J. Bouchemit, A. Bourgois, J.-B. Costa de Beauregard, C. Lombard et P. Nyzam, Création et marché de l’art : comment renouveler l’attractivité de la France ?, Fondation Terra Nova, octobre 2015, p. 20.

129 () Ministère de l’éducation nationale, circulaire n° 2013-073 du 3 mai 2013, NOR : MENE1311045C.


© Assemblée nationale