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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 février 2017.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
en conclusion des travaux d’une mission d’information (1)
sur le rôle de la marine nationale en Méditerranée
ET PRÉSENTÉ PAR
MM. Jean-David CIOT et Alain MARLEIX,
Députés.
——
(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.
La mission d’information sur le rôle de la marine nationale en Méditerranée est composée de :
– MM. Jean-David Ciot et Alain Marleix, rapporteurs ;
– MM. Bernard Deflesselles, Francis Hillmeyer, Gilbert Le Bris, Gwendal Rouillard, et Philippe Vitel, membres.
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 7
PREMIÈRE PARTIE : PANORAMA DES ENJEUX STRATÉGIQUES ET DES CAPACITÉS NAVALES EN MÉDITERRANÉE 9
I. UNE ZONE COMPLEXE, DE MULTIPLES ENJEUX 9
A. L’IMPORTANCE STRATÉGIQUE DE LA ZONE MÉDITERRANÉE – MER ROUGE 9
1. Une artère économique et stratégique vitale 9
2. Une façade attractive aux atouts uniques 10
B. LES TENSIONS ET ENJEUX POTENTIELS À L’AVENIR 10
1. La question énergétique : facteur d’exacerbation ou de réduction des tensions ? 11
2. Les possibles implications du « pivot » américain vers l’Asie 12
3. Le retour de la puissance russe pour la préservation de ses intérêts stratégiques 14
4. La Turquie, État-charnière en proie à de fortes turbulences 15
5. La Chine, puissance méditerranéenne en devenir ? 16
6. Sur la rive sud : les conséquences régionales potentielles de certains enjeux et défis internes 16
a. Le Maroc : une stabilité maintenue grâce aux réformes accordées, des tensions persistantes 17
b. L’Algérie : le défi et les inconnues de la succession d’Adbelaziz Bouteflika 17
c. La Tunisie : la perspective du retour des combattants djihadistes menace la stabilité du pays symbole du Printemps arabe 18
d. La Libye : une situation sécuritaire et une incertitude politique particulièrement préoccupantes 19
e. L’Égypte : partenaire incontournable pour la sécurité de la mer Rouge et de la Méditerranée orientale 20
C. LA CRISE MIGRATOIRE : DÉFI GLOBAL DE CE DÉBUT DE SIÈCLE 21
1. Mise en perspective préalable 21
2. La Méditerranée orientale : la voie principale 23
3. La Méditerranée centrale : la voie la plus dangereuse 24
4. La Méditerranée occidentale : une voie relativement marginale 25
II. PANORAMA DES FORCES NAVALES PRÉSENTES EN MÉDITERRANÉE 26
A. LA MÉDITERRANÉE : CENTRE NÉVRALGIQUE DE LA MARINE NATIONALE FRANÇAISE 27
B. LES PAYS DE LA RIVE SUD 28
1. Le Maroc 28
2. L’Algérie 28
3. L’Égypte 29
4. Israël 29
C. LES PAYS DE LA RIVE NORD 30
1. L’Espagne 30
2. L’Italie 30
3. La Turquie 30
D. LES MARINES EXTÉRIEURES MAIS PRÉSENTES DANS LE BASSIN MÉDITERRANÉEN 30
1. Les États-Unis 30
2. La Russie 30
DEUXIÈME PARTIE : LES RÔLES DE LA MARINE NATIONALE EN MÉDITERRANÉE 33
I. L’ACTION OPÉRATIONNELLE 33
A. LA MARINE NATIONALE AU QUOTIDIEN À L’INTÉRIEUR DU BASSIN MÉDITERRANÉEN : L’ACTION DE L’ÉTAT EN MER ET LA DÉFENSE MARITIME DU TERRITOIRE 34
1. L’action de l’État en mer 34
a. Présentation synthétique de l’AEM 34
b. Les différents acteurs de l’AEM 35
c. Les moyens consacrés à l’AEM en Méditerranée 36
d. Spécificités de la Méditerranée et résultats obtenus 37
2. La défense maritime du territoire 43
B. LES OPÉRATIONS NON PERMANENTES CONDUITES À PARTIR ET À L’INTÉRIEUR DU BASSIN MÉDITERRANÉEN : UNE MARINE PLUS SOLLICITÉE, PLUS DURABLEMENT 47
1. Des opérations plus nombreuses, plus intenses, plus longues 47
2. La participation de la marine à l’opération Chammal : le déploiement du groupe aéronaval 48
C. LA DIFFICILE GESTION DE LA CRISE MIGRATOIRE : LES DIFFÉRENTES OPÉRATIONS MENÉES EN MÉDITERRANÉE 50
1. Les opérations menées par l’Italie, aux avant-postes de la crise migratoire 50
a. Mare Nostrum 51
b. Mare Sicuro 51
2. Les opérations menées par Frontex en Méditerranée 51
a. En Méditerranée occidentale : Héra, Indalo et Minerva 51
b. En Méditerranée centrale : Triton 52
c. En Méditerranée orientale : Poséidon 52
3. La mission de l’OTAN en mer Égée 52
4. La réponse européenne à la crise au titre de la politique de sécurité et de défense commune : l’opération Sophia 53
a. Aux origines de l’opération 54
b. Le mandat, les moyens et le déroulement de l’opération 57
c. Revue stratégique de l’opération 60
d. Une opération paradoxale, de nombreuses questions en suspens 64
II. LES RELATIONS ENTRETENUES AVEC LES MARINES RIVERAINES 67
A. COOPÉRATION ET EXERCICES OPÉRATIONNELS 68
1. Avec les pays de la rive nord 68
2. Avec les pays de la rive sud 69
3. Avec les pays extérieurs : la relation exemplaire avec les États-Unis 71
B. LA FORMATION 72
1. Forger des relations mutuellement bénéfiques 72
2. Les différentes offres à destination des officiers et officiers-mariniers étrangers 72
3. Bilan des formations 73
III. LE CONCOURS INDISPENSABLE APPORTÉ PAR LA MARINE NATIONALE AUX INDUSTRIES DE DÉFENSE 74
A. LA PARTICIPATION ACTIVE ET DÉCISIVE DE LA MARINE AU SOUTIEN AUX EXPORTATIONS 74
1. Les principes du SOUTEX 74
2. Les actions de SOUTEX menées par la marine en zone Méditerranée 75
B. L’ÉTAT DES MARCHÉS ET LES PROSPECTS POSSIBLES 76
1. Une zone extrêmement concurrentielle 76
2. L’offre française au regard de l’orientation de la demande 76
C. UNE EXIGENCE : PRÉSERVER AVANT TOUT LES CAPACITÉS OPÉRATIONNELLES DE LA MARINE NATIONALE 77
CONCLUSION : QUELQUES OBSERVATIONS 79
TRAVAUX DE LA COMMISSION 83
ANNEXE : AUDITIONS ET DÉPLACEMENTS DE LA MISSION D’INFORMATION 89
Au cours de la décennie actuelle, la Méditerranée aura été au cœur des préoccupations stratégiques et sécuritaires. Printemps arabes, crise syrienne, crise des migrants, le bassin méditerranéen demeure une zone d’effervescence géopolitique. Au-delà de ces dossiers contemporains, la Méditerranée reste également le théâtre de conflits anciens, qui demeurent non résolus et qui façonnent aussi, pour partie, la réalité géopolitique contemporaine – question chypriote, conflit israélo-palestinien notamment. En tout état de cause, elle constitue un espace d’intérêt majeur du fait de son caractère hautement stratégique d’antichambre vers l’Atlantique à l’ouest, vers l’océan Indien et le Pacifique à l’est.
Au regard de cette actualité brûlante et compte tenu de l’importance de la Méditerranée pour la France (1) – tant en termes stratégiques, qu’économiques ou purement militaires – il semblait dès lors naturel que la commission de la Défense s’intéresse à l’action de nos forces armées à l’intérieur ou à partir de cet espace et, singulièrement, au rôle de la marine nationale.
Encore faudrait-il plutôt évoquer les rôles qu’assure notre marine, rôles différents qui peuvent toutefois se compléter ou se confondre en fonction de la perspective retenue. Il peut s’agir du rôle joué à l’intérieur du bassin méditerranéen, avec les opérations menées dans le cadre de l’action de l’État en mer (AEM). Il s’agit également du rôle joué à partir de celui-ci, à l’image de la participation de la marine à l’opération Chammal. En outre, ces rôles sont multiples : action opérationnelle quotidienne de nature civile – l’AEM à nouveau – ou action strictement militaire plus ponctuelle mais de haute intensité – Chammal ; action « diplomatique » et de coopération au travers des partenariats noués avec les marines riveraines ou certaines marines extérieures ; action dans le domaine industriel également, avec l’apport indispensable de la marine dans le cadre du soutien aux exportations (SOUTEX).
Le présent rapport ne prétend certes pas à l’exhaustivité en établissant un audit complet de l’ensemble des missions menées par la marine en Méditerranée. Il vise à faire état des grandes tendances actuellement à l’œuvre ou prévisibles à moyen terme, et à envisager leurs conséquences possibles sur la conduite de ces missions.
Il s’inscrit également dans la perspective d’une défense « à 360° ». Certes, des crises majeures se sont récemment produites aux marges orientales de l’Europe, qui ont légitimement focalisé l’attention de nos partenaires au sein de l’Union européenne comme de l’Alliance atlantique. Mais les risques et les menaces ne se concentrent pas uniquement à l’est. Le flanc sud est également un espace de tensions majeures et susceptibles d’entraîner des changements profonds à terme. Rappelons à cet égard que selon l’Université d’Uppsala (2), 25 % des huit conflits de haute intensité identifiés en 2016 et considérés comme des guerres (3) se situent en Méditerranée ; il s’agit des crises syrienne et libyenne, sachant que deux autres guerres ont lieu dans des pays voisins de pays riverains de la Méditerranée (au Soudan, voisin de la Libye et de l’Égypte et en Irak, voisin de la Syrie et de la Turquie).
La Méditerranée est un espace de contradictions, de crises et de conflits. Son caractère central en fait également souvent un espace de transit et de projection vers d’autres espaces, ce qui lui confère une dimension stratégique très particulière. Elle est dès lors le lieu de rencontre, de croisement, voire d’affrontement des principales puissances économiques et militaires, même lointaines, ainsi qu’en témoigne la présence croissante de la Chine.
Elle est une zone où se déploie tout l’éventail des grands enjeux contemporains : enjeux stratégiques, économiques, énergétiques, migratoires, enjeux de développement, enjeux juridiques (principe de liberté des mers), etc.
Pour faire face à ces enjeux, pour assurer la préservation de nos intérêts nationaux, de ceux de nos alliés et le respect du droit international, il est nécessaire pour notre pays d’avoir une marine cohérente et complète, qui dispose de l’ensemble des matériels et maîtrise l’ensemble des compétences lui permettant d’agir sur toute la palette opérationnelle. Il ne s’agit pas seulement de participer à la « gestion quotidienne » du bassin méditerranéen, mais bien d’être aussi en mesure de mener des opérations de haute intensité. Il est dès lors nécessaire de prémunir notre marine contre deux risques majeurs qui ont pu grever l’action de certaines forces navales étrangères : d’une part, la perte de compétences et de capacités et, d’autre part, le syndrome de la « marine échantillonaire », avec des unités en nombre insuffisant pour assurer les missions efficacement et dans la durée. La marine nationale doit pouvoir mettre en œuvre l’ensemble des capacités et disposer d’un nombre suffisant d’équipements, de bâtiments et d’hommes pour assurer cette mise en œuvre.
PREMIÈRE PARTIE : PANORAMA DES ENJEUX STRATÉGIQUES ET DES CAPACITÉS NAVALES EN MÉDITERRANÉE
I. UNE ZONE COMPLEXE, DE MULTIPLES ENJEUX
Les développements qui suivent ont seulement vocation à fournir une vision très synthétique de l’ensemble des enjeux méditerranéens – parfaitement documentés et facilement accessibles par ailleurs. Sans prétendre à l’exhaustivité, ils visent à aborder quelques points d’actualité que les rapporteurs estiment nécessaire de présenter dès lors qu’ils sont susceptibles de produire des conséquences notables et de concerner, plus ou moins directement, la France et sa marine.
A. L’IMPORTANCE STRATÉGIQUE DE LA ZONE MÉDITERRANÉE – MER ROUGE
1. Une artère économique et stratégique vitale
De manière très brève, on se contentera de rappeler que la Méditerranée est, par définition, un espace maritime stratégique, lien direct entre l’océan Atlantique et l’océan Indien. Son importance en termes de trafic maritime est sans commune mesure avec sa réalité géographique : alors qu’elle ne représente qu’1 % de la surface des mers du globe, la Méditerranée concentre 25 % du trafic maritime global, dont 30 % du trafic pétrolier mondial.
Le canal de Suez est un vecteur-clé d’approvisionnement en hydrocarbures de l’Europe, mais également du continent américain, via le détroit de Gibraltar. Plus de 300 navires franchissent chaque jour le détroit de Gibraltar, 100 le canal de Suez, 50 le détroit du Bosphore, six les bouches de Bonifacio et, au total, ce sont près de 2 000 navires de toutes sortes qui, quotidiennement, sont présents à la mer ou dans un port méditerranéen.
Il convient en effet de rappeler que la route qui traverse l’océan Indien puis la mer Rouge pour arriver en Méditerranée constitue la voie principale qui relie l’Asie à l’Europe. Il s’agit de la route la plus rapide, donc la plus rentable, pour l’ensemble des flux qui l’empruntent. C’est également la voie la plus risquée puisqu’elle passe successivement par le détroit de Malacca, l’océan Indien et le détroit de Bab-el-Mandeb, zones où la piraterie constitue une menace permanente (4).
Sur une zone relativement réduite à l’échelle du monde, on trouve ainsi quatre verrous stratégiques pour l’ensemble des flux mondiaux avec, d’est en ouest, le détroit de Bab-el-Mandeb, le canal de Suez, le détroit de Messine et le détroit de Gibraltar.
Certes des itinéraires alternatifs sont envisageables, mais ils sont :
– soit plus longs – donc plus coûteux, à l’image de celui qui passe par Le Cap en Afrique du Sud (25 % plus long) ;
– soit impraticables à l’heure actuelle, à l’image de la route maritime du Nord transitant par le détroit de Béring et qui n’est éventuellement susceptible de s’ouvrir qu’à l’horizon de 10 ou 15 ans. En outre, le report des flux sur cet itinéraire n’aboutirait pas à un climat géopolitique plus serein ou moins complexe, puisque s’y exercerait notamment une compétition entre les États-Unis, la Russie et la Chine.
2. Une façade attractive aux atouts uniques
La Méditerranée constitue en outre un pôle d’attraction mondial qui concentre un patrimoine historique et culturel probablement sans équivalent par sa richesse et sa diversité, et qui bénéficie d’un climat particulièrement clément, atouts propices au développement d’une économie puissante de la culture et du tourisme.
De fait, d’après les données publiées par l’Organisation mondiale du tourisme, la zone Europe du sud et Méditerranée est la première destination touristique au monde : quelque 215 millions de touristes s’y sont rendus en 2014, soit près de 20 % de l’ensemble des flux de touristes internationaux, et y ont généré près de 200 milliards de dollars de recettes (5).
B. LES TENSIONS ET ENJEUX POTENTIELS À L’AVENIR
Il s’agira ici d’aborder quelques points d’actualité ou susceptibles « devenir l’actualité » de la Méditerranée à moyen terme. Les enjeux « classiques », quotidiens, notamment ceux relevant de l’action de l’État en mer (lutte contre les pollutions, les trafics illicites, etc.), sont traités ultérieurement dans une autre partie. Il en va de même de la crise migratoire, sujet d’actualité et d’une importance majeure s’il en est, qui méritait selon les rapporteurs des développements distincts.
En revanche, le rapport ne reviendra pas sur les enjeux régionaux historiques, anciens mais non encore résolus, que connaît la zone. Ils n’entrent pas dans le mandat de présente mission d’information et, au demeurant, chacun mériterait un rapport spécifique (conflit israélo-palestinien, question de la réunification de Chypre par exemple).
En outre, les rapporteurs ont choisi de ne pas évoquer la crise syrienne faute du temps et du recul nécessaires pour traiter de manière approfondie un dossier particulièrement complexe qui reste encore d’une actualité brûlante et par conséquent peu propice à une analyse satisfaisante. En effet, la Syrie constitue à l’heure actuelle une sorte de « trou noir », avec une situation intérieure très incertaine et extrêmement mouvante et de potentielles conséquences extérieures encore moins aisées à déterminer.
1. La question énergétique : facteur d’exacerbation ou de réduction des tensions ?
Entamée il y a dix ans, l’exploitation de champs gaziers en Méditerranée orientale s’accélère depuis 2009, avec la découverte de gisements au large d’Israël (champs de Tamar, Dalit et Léviathan), du Liban, de l’Égypte (champ de Zhor) et de Chypre.
Ces gisements sont considérables. On estime que celui de Tamar, situé à 90 kilomètres côtes israéliennes, contient 300 milliards de mètres cubes de gaz naturel. Celui de Léviathan est certes plus éloigné des côtes (130 km), mais également plus riche, avec 620 milliards de mètres cubes. Enfin, le méga gisement de Zhor, au large des côtes égyptiennes contient des réserves estimées à 850 milliards de mètres cubes de gaz naturel. En tout, le bassin du Levant en Méditerranée orientale contiendrait plus de 3 500 milliards de mètres cubes de gaz naturel (6), soit l’équivalent de la production mondiale annuelle (7).
De fait la délimitation des frontières maritimes revêt une importance cruciale dans un espace où le moindre km² supplémentaire constitue un enjeu dans la mesure où il est susceptible de receler d’importantes ressources énergétiques. En témoigne le conflit entre Israël et le Liban sur le tracé de leur frontière maritime, lequel porte sur une zone de 850 km², Israël souhaitant étendre cette frontière vers le nord et le Liban souhaitant symétriquement l’établir le plus au sud possible.
LES CHAMPS GAZIERS EN MÉDITERRANÉE ORIENTALE
Source : David Amsellem.
La présence de ressources d’une telle nature et d’une telle ampleur est susceptible de produire des dynamiques de sens opposés. Selon une perspective pessimiste, elle pourrait évidemment d’attiser les rivalités entre les pays concernés. Selon une vision plus optimiste elle pourrait obliger, par réalisme, l’ensemble de ces États à relativiser les différends qui existent entre eux et à négocier un partage de la ressource.
On ne peut qu’espérer que ce second scénario l’emporte à moyen terme, même si les rivalités entre les États concernés seront probablement exacerbées à court terme. Les pays de la zone ayant un besoin croissant en énergie et les États étant en permanence à la recherche de recherche d’une autonomie énergétique plus grande – sans compter les ressources financières et le levier politique associés – un tel espoir n’est peut-être pas vain.
2. Les possibles implications du « pivot » américain vers l’Asie
La zone Méditerranée sera, à l’image du monde entier au demeurant, concernée par le changement de doctrine de l’administration américaine telle qu’exposé dans un rapport du Department of Defense de janvier 2012 (8), lequel entérine la doctrine présentée par le président Barack Obama l’année précédente.
Prenant acte de la redistribution des puissances, du basculement des pôles mondiaux et, en conséquence, du fait que les intérêts économiques et sécuritaires des États-Unis sont « inextricablement liés » à la zone Asie-Pacifique (9), le rapport assure que, bien que l’armée américaine continuera à contribuer à la sécurité au niveau global, celle-ci va nécessairement rééquilibrer ses capacités au sein de cette zone (10). C’est ce changement de priorité stratégique qui est dorénavant connu sous le nom de « pivot » ou de « basculement » asiatique.
Une telle stratégie passera par un renforcement des alliances avec les pays concernés, par une expansion des réseaux de coopération avec les « partenaires émergents » et par l’investissement dans un partenariat stratégique de long terme avec l’Inde afin de consolider son rôle de pilier économique régional et de producteur de sécurité dans la zone océan Indien. Les États-Unis confirment par ailleurs leur rôle dans le maintien de la paix au sein de péninsule coréenne, en coopérant avec leurs alliés et les États de la région afin de dissuader et, le cas échéant, d’assurer une défense contre toute provocation de la part de la Corée du Nord.
Enfin, le rapport traite de la question de la Chine. S’il rappelle les intérêts communs des deux pays pour le maintien de la paix et de la stabilité en Asie du Sud-Est, le rapport précise néanmoins que l’accroissement des capacités militaires chinoises doit s’accompagner d’une plus grande clarté dans les intentions stratégiques de ce pays afin d’éviter des frictions dans la zone. Aussi les États-Unis s’engagent-ils à maintenir les investissements nécessaires pour assurer l’accès à cette région du globe et leur capacité à y agir librement dans le respect de leurs obligations résultant des traités conclus et du droit international. Sont ici visées les stratégies de plus en plus nombreuses et pressantes de « territorialisation » des mers par l’État chinois, lesquelles pourraient conduire à de réelles postures A2/AD (anti-access/area denial) d’interdiction d’accès, en contradiction avec le principe de liberté de mers.
Ce basculement stratégique, s’il s’opérait effectivement sur une vaste échelle, pourrait concerner directement la Méditerranée puisque les États-Unis pourraient être amenés à redistribuer les capacités militaires qui y sont actuellement mobilisées au profit de la zone Asie-Pacifique. Fait révélateur, en dépit de son intérêt stratégique majeur, la Méditerranée n’est pas évoquée une seule fois dans le rapport de janvier 2012 qui, rappelons-le, a trait aux « priorités pour la défense [américaine] au XXIe siècle ».
Toutefois, à ce stade, le « pivot » semble davantage demeurer un concept et un horizon qu’une politique concrète. En effet, cinq ans après la publication de ce rapport, le rééquilibrage n’a pas produit d’effets substantiels. Si le réseau d’alliances a été étoffé, la présence militaire américaine n’a pas été notoirement renforcée.
Enfin des inconnues demeurent quant au niveau de présence militaire américaine en Méditerranée, que l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis n’a pas contribué à dissiper. La nouvelle administration maintiendra-t-elle la dynamique du « pivot » (11) et ses potentielles conséquences pour les autres zones d’intérêt stratégique, dont la Méditerranée ? Que celle-ci soit maintenue ou non, quid des déclarations du 45e président américain exhortant les alliés des États-Unis à assurer eux-mêmes leur protection, du moins à renforcer leur participation dans l’Alliance atlantique, du point de vue financier comme de celui des capacités ?
Les États-Unis ne se désintéresseront toutefois jamais totalement de la Méditerranée, pour au moins trois raisons :
– l’attachement à la défense de la liberté de navigation, cruciale pour les échanges ;
– la nécessité de garantir la sécurité de leurs ressortissants présents dans la zone ;
– la contribution à la sécurité d’Israël, le président Donald Trump semblant d’ailleurs vouloir opérer un rapprochement substantiel avec les autorités de ce pays après des années de relations compliquées – mais toujours maintenues (12) – entre le président Obama et le Premier ministre Netanyahou.
3. Le retour de la puissance russe pour la préservation de ses intérêts stratégiques
Au-delà d’une stratégie globale de démonstration de puissance qui s’exprime sur de nombreux terrains et de la volonté historique de disposer d’un accès aux « mers chaudes », la présence et l’action de la Russie en Méditerranée semblent répondre à deux impératifs.
Le premier tient à la préservation de ses capacités stratégiques, avec les bases de Tartous et de Lattaquié en Syrie. Mais, par ailleurs, l’un des éléments-clé de la stratégie russe en Méditerranée consiste à contenir une possible extension de la menace djihadiste vers le nord et son territoire, avec le retour de combattants islamistes dont au demeurant nombre sont d’origine russe. En effet les combattants de Daech originaires de Russie et, notamment, du Caucase, forment l’un des principaux contingents étrangers de l’organisation terroriste.
À cet égard, aux yeux de Moscou, la Syrie constitue un « verrou » qui doit résister, au risque, dans le cas contraire, de provoquer une remontée de djihadistes via la Turquie, notamment au niveau des républiques à majorité musulmane du Caucase – Daghestan, Tchétchénie – voire au-delà.
En outre, d’après M. Pierre Razoux, directeur du domaine de recherche « pensées stratégiques comparées » à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM), l’action menée par la Russie en Méditerranée s’explique également par son souci de promouvoir ses intérêts énergétiques en s’opposant aux deux projets de gazoduc Iran-Irak-Syrie et Qatar-Arabie saoudite-Syrie.
Enfin, au-delà de sa crainte de la contamination djihadiste, il n’est pas impossible que l’inflexibilité russe dans le règlement de la crise syrienne s’explique par son souhait de démontrer aux États autoritaires de la région que la Russie est un partenaire fiable sur lequel ils pourront, le cas échéant, compter.
4. La Turquie, État-charnière en proie à de fortes turbulences
État-charnière entre deux continents – l’Europe et l’Asie – et entre deux mers – la Méditerranée et la mer Noire –, membre de l’Alliance atlantique et partenaire obligé de l’Europe dans la gestion de la crise migratoire (13), la Turquie joue un rôle déterminant en Méditerranée nord-orientale.
Le pays a pu faire preuve d’une certaine ambiguïté voire d’ambivalence dans la crise syrienne et dans la lutte contre les différents groupes terroristes islamistes estimant, au moins dans un premier temps, que la menace la plus directe et la plus dangereuse était représentée par les Kurdes (14) et leurs revendications – la création d’un État autonome – et non par les organisations djihadistes. En outre la Turquie, qui partage plus de 900 kilomètres de frontières avec la Syrie et plus de 300 kilomètres de frontières avec l’Irak, a été une zone importante de la contrebande – de pétrole notamment – servant à financer Daech, ainsi qu’un espace de transit pour les combattants. Enfin, bien que membre de l’OTAN, le pays a longtemps refusé l’accès à ses bases aériennes aux membres de la coalition contre Daech.
Toutefois, la Turquie a fini par s’engager plus activement en raison, d’une part, de la menace sécuritaire représentée par Daech, du fait de ses premiers succès et de sa stratégie d’implantation territoriale et, d’autre part, de la perspective de création d’un État kurde au nord de la Syrie, au voisinage immédiat de la Turquie, hypothèse rendue concevable en raison des succès militaires remportés par les combattants kurdes.
La situation intérieure turque reste en outre préoccupante. La situation sécuritaire demeure très instable, principalement du fait de la lancinante question kurde et du conflit meurtrier qui oppose depuis 1984 le pouvoir turc au PKK. Par ailleurs, le glissement autoritaire du président Recep Tayyip Erdogan, entamé dès le début des années 2010, s’est renforcé ces derniers mois à la faveur de la répression exercée à la suite de la tentative de coup d’État avortée du 15 juillet 2016. Celle-ci a conduit à l’instauration de l’état d’urgence et à la conduite de véritables purges qui ont touché l’institution militaire ainsi que de nombreux autres secteurs – appareils judiciaire et administratif, entreprises, éducation et médias, etc. Dernier symbole de cette dynamique : le Parlement turc a récemment adopté le projet de révision constitutionnelle renforçant les pouvoirs présidentiels avec, notamment, la suppression du poste de Premier ministre. Le texte doit être soumis à référendum au printemps.
5. La Chine, puissance méditerranéenne en devenir ?
Si elle reste encore discrète, la Chine est bien présente en Méditerranée. Cette présence s’exprime principalement par des investissements d’envergure dans les infrastructures portuaires – avec des prises de participation et le développement d’une dizaine de ports de la zone – (15) et les flottes commerciales.
En outre la marine chinoise est déjà intervenue dans le bassin méditerranéen. La première fois en 2011, pour évacuer les ressortissants chinois présents en Libye, et une seconde fois en 2014 pour escorter le transport d’armes chimiques évacuées de Syrie. Par ailleurs, en 2015 et pour la première fois de son histoire, la flotte militaire chinoise aura participé pendant dix jours à des exercices conjoints avec la Russie en Méditerranée orientale.
6. Sur la rive sud : les conséquences régionales potentielles de certains enjeux et défis internes
À partir de la fin de l’année 2010 et principalement en 2011, l’ensemble des pays de la rive sud de la Méditerranée a été confronté à des soulèvements populaires massifs qui, pour certains, ont mis un terme à des régimes autoritaires en place depuis des décennies. Ces « Printemps arabes » qui n’avaient été anticipés par personne ont constitué un séisme géopolitique majeur dont les répliques vont sans doute encore se faire sentir à l’avenir.
Au-delà de cette question très large – qui, pour ce qui concerne les pays du Maghreb, a fait l’objet d’une récente analyse approfondie de la commission des Affaires étrangères (16) – il semblait utile aux rapporteurs de consacrer quelques développements synthétiques aux pays de la rive sud dont ils estiment que leur situation interne pourrait produire des effets à l’échelle régionale et, par conséquent, concerner également les pays de la rive nord dont la France.
a. Le Maroc : une stabilité maintenue grâce aux réformes accordées, des tensions persistantes
Comme l’ensemble des pays de la zone, le Royaume chérifien a connu une phase de forte mobilisation populaire en 2011. Toutefois, si les manifestants exprimaient des revendications classiques – dénonciation de la corruption, du clientélisme, aspiration à davantage de démocratie –, il convient de souligner l’absence de remise en cause de la monarchie en tant qu’institution politique.
Face aux contestations, le pouvoir marocain aura réagi rapidement et de manière constructive, le roi Mohammed VI faisant état de sa volonté de réviser la Constitution dans le but de rééquilibrer les pouvoirs (17). L’ouverture du pouvoir s’est également traduite par l’organisation d’élections législatives anticipées en novembre 2011, remportées par le parti islamiste Justice et Développement (PJD).
Ayant su se réformer partiellement suite aux contestations de 2011, le Royaume chérifien reste donc un État solide de la rive sud, même si les tensions économiques et sociales y restent vives (18). Au point de vue politique, il faut également rappeler que les élections législatives d’octobre 2016 ont de nouveau été remportées par le PJD et que, depuis cette date, le Premier ministre Abdelilah Benkirane tente sans succès de former un gouvernement de coalition, les négociations butant sur la participation du parti Istiqlal – parti historique de l’indépendance.
b. L’Algérie : le défi et les inconnues de la succession d’Adbelaziz Bouteflika
L’Algérie est assez largement restée à l’écart des Printemps arabes en raison, pour partie, de l’habileté des autorités dans la gestion des événements avec, notamment, une série de mesures de nature économique et sociale (19), mais également politiques avec l’engagement d’un processus de réformes (20).
Au-delà des défis sociaux et économiques avec, pour n’évoquer que le plus récent, la chute du prix des hydrocarbures qui rappelons-le assurent 95 % des recettes d’exportation et 70 % des ressources budgétaires du pays (21), le principal défi de nature politique et susceptible de produire des conséquences pour l’ensemble de la région tient à la succession du président Abdelaziz Bouteflika.
Victime d’un accident vasculaire cérébral en 2013 et n’apparaissant plus depuis lors que très rarement en public, le président Bouteflika a toutefois été triomphalement réélu en avril 2014, dès le premier tour, avec 81,5 % des suffrages.
Les dynamiques à l’œuvre quant à la succession du président restent très incertaines et difficilement compréhensibles. Comme le soulignaient à raison nos collègues Axel Poniatowski et Jean-Pierre Dufau, « prendre la mesure exacte du système politique algérien est loin d’être aisé et passe par de subtiles et peu accessibles ʺclés de compréhensionʺ » (22).
Plusieurs noms circulent, sans qu’il soit possible de déterminer clairement les réelles ambitions et les chances de chacun des prétendants potentiels si ce n’est déclarés. Parmi eux on peut citer le général Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major des armées et vice-ministre de la Défense nationale (23), qui, en tout état de cause et compte tenu de l’importance de l’Armée nationale populaire dans la politique algérienne, jouera sans doute un rôle de premier plan lorsque l’heure de la succession sera venue ; le Premier ministre Abdelmalek Sellal ainsi que d’anciens titulaires du poste (Ahmed Ouyahia, Ali Benflis) ; l’ancien ministre de l’Énergie Chaib Kelil ; ou encore Abdelghani Hamel, directeur de la police nationale.
c. La Tunisie : la perspective du retour des combattants djihadistes menace la stabilité du pays symbole du Printemps arabe
On s’en souvient, la Tunisie a constitué le foyer des Printemps arabes de 2011, avec pour élément déclencheur l’immolation par le feu de Mohamed Bouazizi (24). Les manifestations qui s’ensuivent se transforment en véritable révolution qui aboutit à la chute, en janvier 2011, du dictateur Zine el-Abidine Ben Ali, à la tête du pays depuis 1987.
Six ans après le soulèvement du peuple tunisien la transition démocratique, bien réelle, demeure fragile. En outre les attentes économiques et sociales restent naturellement très fortes. Mais au-delà de ces questions, la Tunisie fait face à d’importantes menaces de déstabilisation, lesquelles pourraient avoir un impact direct sur la zone Méditerranée.
Ces menaces sont de trois ordres et ne sont au demeurant pas nécessairement étrangères l’une à l’autre.
En premier lieu, la Tunisie a été frappée par le terrorisme à plusieurs reprises, avec trois attentats en 2015 et une opération de grande ampleur menée en 2016 par un groupe affilié à Daech avec l’attaque – heureusement repoussée – de la ville de Ben Gardane.
En deuxième lieu, le pays est en première ligne face à la crise libyenne, qui constitue un autre élément potentiellement déstabilisateur.
En troisième lieu et enfin, la Tunisie constitue un terreau fertile pour les djihadistes. D’une part, au plan intérieur, le pays compte encore plusieurs maquis islamistes, à l’image de la katiba algéro-tunisienne Okba Ibn Nafi affiliée à Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), ou encore du groupe Jund al-Khilafah (Soldats du Califat) (25) qui a fait allégeance à Daech en 2014. D’autre part, sur le plan extérieur, la Tunisie est le pays qui compte, en proportion de sa population, le plus grand nombre de combattants étrangers en Libye, en Syrie et en Irak, soit quelque 6 000 combattants selon les données de l’institut américain The Soufan Group reprises par le Comité contre le terrorisme de l’ONU.
Même si de nombreux combattants sont probablement morts dans ces pays étrangers, ce sont potentiellement plusieurs centaines voire plusieurs milliers de djihadistes qui pourraient revenir en Tunisie à la faveur des revers militaires enregistrés par Daech ou des consignes données par les dirigeants du groupe terroriste. Il s’agit sans doute là de la principale menace pour la stabilité du pays et, par ricochet, pour la Méditerranée dans son ensemble.
d. La Libye : une situation sécuritaire et une incertitude politique particulièrement préoccupantes
Le chaos institutionnel et sécuritaire dans lequel le pays a été plongé suite à l’écroulement de l’État libyen a favorisé l’expansion djihadiste dans ce pays. De fait, la Libye constitue le principal foyer de développement d’AQMI dans la zone Afrique du Nord, mais également de Daech en dehors de l’Irak et de la Syrie.
Certes, des succès notables ont été accomplis, à l’image de la reprise de Syrte des mains des combattants de Daech (26). Toutefois la situation reste particulièrement préoccupante, avec, d’une part, un risque de dissémination des groupes djihadistes précédemment mis en déroute et, d’autre part, les incertitudes entourant le processus de réconciliation politique issu de l’accord de Skhirat (27) qui constituent un facteur aggravant de déstabilisation. Le Premier ministre Fayez al-Sarraj, chef du gouvernement reconnu par la communauté internationale et établi à Tripoli (28), doit ainsi faire face à des oppositions, des réticences, voire à la franche hostilité d’autres acteurs tels que tels que Khalifa al-Ghowel, ancien chef d’un gouvernement dit « de salut national » (29), ou le maréchal Khalifa Haftar, chef de l’Armée nationale libyenne, homme fort de la Cyrénaïque soutenu par le Parlement de Tobrouk lui-même hostile au Gouvernement de Tripoli (30).
La situation libyenne reste donc critique et génératrice d’instabilité au niveau régional, et ce sur les deux rives de la Méditerranée ainsi qu’en témoigne la crise migratoire dont la Libye constitue l’un des foyers principaux. Cette question fait l’objet de développements spécifiques dans le cadre du présent rapport.
e. L’Égypte : partenaire incontournable pour la sécurité de la mer Rouge et de la Méditerranée orientale
On peut actuellement distinguer quatre grands fronts djihadistes dans la zone Méditerranée et Afrique du Nord : le Levant (Syrie et Irak), la péninsule du Sinaï, la Libye et la bande sahélo-saharienne (BSS). Même si les prévisions en matière géopolitique sont un exercice difficile, on ne peut totalement ignorer le risque majeur que représenterait l’unification de ces quatre fronts.
Se pose dès lors aux pays européens la question suivante : où tracer la frontière sud des intérêts de sécurité européens pour lutter le plus efficacement possible contre le terrorisme islamiste et éviter l’unification de ces fronts djihadistes ?
Pour ce faire, il convient d’assurer une solide « défense de l’avant » – ce à quoi s’emploie la France, souvent insuffisamment soutenue dans la conduite de cette mission, notamment dans la BSS.
En outre, il est nécessaire d’affermir nos liens avec l’acteur régional majeur que constitue l’Égypte. Située au carrefour des quatre fronts djihadistes, elle constitue un nœud absolument crucial, en tant que pièce maîtresse permettant de « tenir » la Méditerranée et la mer Rouge dont on a précédemment rappelé l’intérêt stratégique et économique. L’Égypte est un partenaire incontournable dans la lutte contre le terrorisme international, le pays se considérant comme aux avant-postes dans ce combat. De fait, elle est notamment confrontée aux actions terroristes menées par les groupes présents dans le Sinaï et soupçonnés d’être responsables des attentats menés dans les stations balnéaires de Taba, Charm-El-Cheikh et Dahab au cours des années 2000. Plus récemment, en 2015, le pays a fait face à deux actions d’ampleur : en janvier, avec plusieurs attaques simultanées contre des positions de l’armée dans le nord du Sinaï (31) et qui ont fait plus de 30 victimes ; et en octobre, avec l’explosion suivi du crash, dans la même zone, du vol 9268 de la compagnie russe MetroJet, acte revendiqué par Daech et qui a entraîné la mort des 224 passagers.
Des relations fortes et de confiance ont été tissées entre la France et l’Égypte et ce à tous niveaux – politique, économique, stratégique – notamment depuis 2014. Les armées françaises et, singulièrement, la marine nationale ont d’ailleurs fortement contribué à leur établissement via le soutien aux exportations d’armement et les actions de coopération opérationnelle et de formation (cf. infra). Ces liens sont particulièrement précieux et doivent, le cas échéant, être encore renforcés, même s’il convient naturellement de rester attentif et vigilant quant à la situation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales dans ce pays (32).
C. LA CRISE MIGRATOIRE : DÉFI GLOBAL DE CE DÉBUT DE SIÈCLE
Il ne s’agit évidemment pas de détailler ici l’ensemble des flux migratoires à destination de l’Europe. Les développements qui suivent visent uniquement à présenter les routes méditerranéennes empruntées par les migrants, la gestion de la crise migratoire étant analysée dans une autre partie spécifique.
1. Mise en perspective préalable
Les rapporteurs tiennent tout d’abord à remettre en perspective l’ampleur de la crise migratoire que connaît l’Europe en rappelant les données du problème au niveau global. D’après les statistiques publiées par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (HCR) au titre de l’année 2015 (33), sur 21,3 millions de réfugiés au niveau mondial (34), 86 % se trouvent dans des pays en voie de développement. En valeur absolue, les trois pays qui comptent le plus grand nombre de réfugiés sont, par ordre décroissant : la Turquie (2,5 millions), le Pakistan (1,6 million) et le Liban (1,1 million), la Turquie étant le premier pays d’accueil pour la seconde année consécutive. En proportion de leur population, les pays comptant le plus de réfugiés sont le Liban, avec 183 réfugiés pour 1 000 habitants, et la Jordanie, avec 87 réfugiés pour 1 000 habitants.
De fait, au plan global, les pays industrialisés n’accueillent qu’une faible minorité de l’ensemble des réfugiés. Ainsi, fin 2015, les État membres de l’Union européenne avaient accueilli 2,4 millions de réfugiés environ, soit 0,47 % de la population de l’UE (35). Il ne s’agit naturellement pas de minimiser la crise migratoire et les difficultés multiples qu’elle pose aux pays européens, mais simplement de la replacer dans son cadre global.
DÉTAIL DES VOIES MIGRATOIRES EN MÉDITERRANÉE
Source : Organisation internationale pour les migrations.
LES DIFFÉRENTES ROUTES MIGRATOIRES À DESTINATION DE L’EUROPE
(statistiques au titre des années 2014 et 2015)
Source : Frontex – Risk analysis for 2016.
2. La Méditerranée orientale : la voie principale
La Méditerranée orientale subit la pression de l’immigration irrégulière depuis de nombreuses années. Entre 2008 et 2009 déjà, environ 40 % de l’ensemble des migrants illégaux arrivés dans l’Union européenne avaient emprunté cette route. Les flux ont toutefois considérablement augmenté à compter de l’année 2010 – avec notamment l’arrivée de migrants en provenance d’Irak et d’Afghanistan – et encore plus singulièrement depuis 2014.
En 2015, ce sont quelque 885 000 migrants qui ont atteint l’Union européenne en empruntant la voie orientale, ce qui représente 17 fois le flux constaté en 2014 qui était déjà, à l’époque, une année record en la matière. La grande majorité des migrants est arrivée par les îles grecques, notamment Lesbos. Les flux ont augmenté progressivement entre les mois de janvier et mars, puis se sont significativement accrus en avril pour atteindre un pic en octobre, avec 216 000 arrivées. Ils se sont ensuite relativement réduits à compter de novembre avec l’arrivé de l’hiver – tout en restant cependant supérieurs à ceux constatés à la même période en 2014.
Pour faire face à ces flux, l’agence européenne Frontex a déployé des moyens de plus en plus importants, tant humains qu’opérationnels afin d’augmenter les patrouilles en mer et d’assister la Grèce dans le processus d’enregistrement des milliers de migrants arrivant quotidiennement sur son territoire. Surtout, à la suite de la demande d’assistance formulée par le gouvernement grec, l’agence a mis en place l’opération Poséidon.
Les statistiques indiquent que les migrants ayant emprunté la route de la Méditerranée orientale en 2015 sont majoritairement originaires de Syrie, les autres États de départ étant l’Afghanistan et la Somalie. A également été constatée une augmentation des flux de migrants en provenance d’Afrique sub-saharienne. La plupart des migrants quitte la Grèce et ils poursuivent leur route vers le nord, en passant notamment par la frontière avec la Macédoine.
LES FLUX DE MIGRANTS ILLÉGAUX EN MÉDITERRANÉE ORIENTALE 2008-2015
3. La Méditerranée centrale : la voie la plus dangereuse
La Libye constitue de longue date le point nodal des flux migratoires en provenance du continent africain et empruntant la voie de la Méditerranée centrale. Jusqu’en 2010, la prospérité relative du pays offrait en effet des opportunités d’emploi pour les migrants économiques du continent, qui voyaient en lui soit leur destination finale, soit un pays de transit où ils seraient susceptibles de gagner suffisamment d’argent pour acquitter leur passage vers l’Europe auprès des passeurs.
En 2008, près de 40 000 migrants – pour la plupart originaires de Tunisie, du Nigeria, de Somalie et d’Érythrée – avaient été recensés, notamment près des îles de Lampedusa et de Malte. En 2009, ces flux migratoires avaient quasiment disparu, suite à la conclusion d’un accord bilatéral entre l’Italie et Libye. Toutefois en 2011, à la faveur, d’une part, des Printemps arabes (36) et, d’autre part, de la politique poursuivie par le régime de Mouammar Khadafi (37), les départs en provenance de Libye avaient repris.
De manière assez surprenante, les flux de migrants avaient quasiment cessé immédiatement après la chute du régime, en août 2011, et pendant toute l’année 2012. Toutefois, à compter de 2013, ceux-ci devaient reprendre avec vigueur à la faveur du vide sécuritaire et politique ainsi créé, les passeurs pouvant agir en toute impunité au sein d’une Libye devenue État failli.
Depuis, la Méditerranée centrale est restée une voie soumise à une intense pression migratoire. De ce point de vue l’année 2014 a constitué une année record avec plus de 170 000 arrivées illégales enregistrées. Ce nombre était légèrement inférieur en 2015 – 154 000 arrivées environ – en raison, d’une part, d’un changement d’itinéraire de la part des migrants Syriens qui se sont davantage tournés vers la route de la Méditerranée orientale et, d’autre part, du fait d’une relative pénurie d’embarcations en fin d’année. En 2015, les Érythréens, les Nigérians et les Somaliens représentaient les principales nationalités déterminées à entreprendre la traversée.
LES FLUX DE MIGRANTS ILLÉGAUX EN MÉDITERRANÉE CENTRALE 2008-2015
4. La Méditerranée occidentale : une voie relativement marginale
La voie en provenance du Maroc et à destination de l’Espagne a constitué un point de pression migratoire pendant des années. La coopération entre les deux pays a cependant abouti à un quasi-assèchement de cette route – si on la compare aux deux autres voies méditerranéennes. Il n’en demeure pas moins qu’une partie des flux qui partaient auparavant du Maroc se sont redirigés vers la Libye et, par conséquent, vers la route de la Méditerranée centrale.
Alors que les migrants empruntant la voie de la Méditerranée occidentale étaient originellement des migrants économiques provenant majoritairement du Maroc ou d’Algérie, la physionomie des flux a évolué avec une part de plus en plus importante d’individus issus d’Afrique sub-saharienne et poussés au départ en raison des nombreux conflits qui ont perturbé et continuent de perturber la zone (au Mali au Soudan et Soudan du Sud, au Cameroun, au Nigeria, au Tchad et en République centrafricaine). Au titre de l’année 2015, ce sont les ressortissants Syriens qui constituaient la première nationalité à emprunter cet itinéraire.
Plusieurs raisons expliquent la dynamique des flux migratoires sur cette route particulière. L’Espagne a notamment renforcé ses patrouilles maritimes le long des côtes, mis en place un système de surveillance maritime (Sistema Integrado de Vigilancia Exterior – SIVE, équivalent du système français SPATIONAV) et conclu des accords bilatéraux avec certains pays (Mauritanie et Sénégal). Elle a également renforcé les contrôles aux frontières dans les principaux ports du pays, afin de dissuader les migrants d’embarquer à bord des poids lourds ou des containers chargés sur les ferries à destination d’Almeria et d’Algesiras.
Il convient de préciser qu’au-delà du défi migratoire, les autorités espagnoles doivent faire face aux trafiquants de stupéfiants (cannabis et cocaïne), qui empruntent la même route.
LES FLUX DE MIGRANTS ILLÉGAUX EN MÉDITERRANÉE OCCIDENTALE 2008-2015
(par voie terrestre et par voie maritime)
II. PANORAMA DES FORCES NAVALES PRÉSENTES EN MÉDITERRANÉE
Les rapporteurs souhaitent donner un aperçu des capacités maritimes des puissances méditerranéennes, qu’il s’agisse de pays riverains ou de pays extérieurs mais ayant des intérêts – et des capacités – en Méditerranée.
Sont uniquement évoquées les marines réellement opérationnelles et disposant de capacités notables. Ainsi, il ne sera pas fait état des capacités grecques, actuellement fortement limitées du fait de la crise budgétaire que traverse le pays depuis plusieurs années.
A. LA MÉDITERRANÉE : CENTRE NÉVRALGIQUE DE LA MARINE NATIONALE FRANÇAISE
Traditionnellement, la façade méditerranéenne constitue le point d’ancrage principal de la flotte française, avec l’implantation majeure que représente la base de Toulon.
Y sont basés les bâtiments et unités suivants, qui couvrent une large part du spectre opérationnel de la marine (38) :
– le porte-avions Charles-de-Gaulle ;
– les trois BPC : le Mistral, le Tonnerre et le Dixmude ;
– les six sous-marins nucléaires d’attaque ;
– les quatre frégates antiaériennes (39) et de défense aérienne (40) ;
– deux frégates anti-sous-marines (41) ;
– deux bâtiments de commandement et de ravitaillement ;
– quatre patrouilleurs de haute mer ;
– trois chasseurs de mines tripartites ;
– une flottille d’hélicoptères Panther (dix unités) ;
– une flottille de NH 90 Caïman (trois unités) ;
– les hommes du commando Hubert spécialisé dans l’action sous-marine ;
– le groupement de fusiliers-marins de Toulon ;
– et les capacités de la gendarmerie maritime : sept vedettes côtières de surveillance maritime et un patrouilleur côtier, ainsi que plusieurs brigades (42).
À terme, Toulon sera également le port d’attache des quatre frégates multi-missions (FREMM) Languedoc, Auvergne, Alsace et Lorraine.
Au total, 35 % des bâtiments de surface et sous-marins et 14 % des aéronefs de la marine sont basés en Méditerranée.
Depuis plusieurs années, on constate chez de nombreux pays de la rive sud une dynamique partagée de renforcement et de modernisation de leurs capacités navales.
Le Royaume chérifien compte sept bâtiments de premier rang, dont une FREMM, la Mohammed VI, qui ne dispose toutefois pas de capacité missile de croisière naval (MdCN). Le pays nourrit en outre des ambitions en matière de lutte anti-sous-marine (ASM).
Est périodiquement évoquée la possibilité d’achat de sous-marins mais, à ce jour, aucune confirmation n’en a été donnée par les autorités.
Ces dernières années, l’Algérie a procédé à une réelle modernisation de sa flotte, avec la livraison de bâtiments récents. Le pays s’affirme dès lors comme une puissance maritime régionale sur laquelle il faut compter.
Ainsi, dans le domaine des bâtiments majeurs, deux frégates de classe Meko A200 allemandes ont été commandées en 2012 (deux autres unités sont prévues en option). La première est entrée en service en avril 2016, la seconde devrait être opérationnelle en 2017. Elles s’ajoutent aux trois frégates de type Koni entrées en service dans les années 1980 et qui ont fait l’objet d’une modernisation. Par ailleurs, l’Algérie a réceptionné en 2014 son premier bâtiment amphibie de débarquement et de soutien logistique (43).
La composante sous-marine algérienne se modernise également avec la livraison, en 2009, de deux sous-marins Kilo 636, deux autres unités ayant été commandées en 2014 pour une mise en service en 2018. Les forces sous-marines comptent en outre les deux Kilo 877E ayant fait l’objet d’une modernisation en Russie entre 2005 et 2007 pour le premier, et entre 2010 et 2011 pour le second.
Au total, au titre des bâtiments majeurs, la marine algérienne comporte actuellement quatre sous-marins classiques, cinq bâtiments de premier rang et un bâtiment amphibie.
La marine algérienne a par ailleurs réceptionné à l’automne 2016 la dernière des trois corvettes furtives de type C 28 A commandées en 2012. Ces navires – dérivés de corvettes chinoises Jiangkai II – ont récemment accru leurs capacités de lutte au-dessus de la surface, avec l’installation de missiles antinavires SSN-25 russes et C802 chinois.
L’Algérie ne dispose pas de capacité anti-sous-marine avérée, bien que certains matériels puissent être employés dans ce domaine. L’armée de l’air dispose également d’une capacité antinavires avec ses chasseurs SU-30 et ses missiles Kh-31.
L’Égypte est engagée depuis plusieurs années dans un programme de renouvellement et de modernisation sans précédent de sa flotte et, plus généralement, de l’ensemble de ses forces armées.
La marine égyptienne dispose de 11 bâtiments de premier rang, dont la FREMM Tahya Misr (44) mise en service en 2015, et de deux bâtiments de projection et de commandement (BPC) initialement destinés à la Russie, le Gamal Abdel Nasser et le Anwar al-Sadat (45). La FREMM complète ainsi le parc de frégates constitué de quatre unités de type O.H. Perry et deux frégates de type Knox (sans compter les frégates légères de type Jianghu I).
En outre, quatre corvettes de type Gowind 2 500 françaises ont été commandées en 2014, la première unité ayant été mise sur cale en 2015 (46). Deux unités supplémentaires sont prévues en option. La marine égyptienne a également récemment acquis quatre patrouilleurs lance-missiles de type Ambassador Mk3 américains (47) qui s’ajoutent aux six bâtiments de même nature de type Ramadan mis en service dans les années 1980 (sans compter les patrouilleurs de type Orsa et Hegu).
L’Égypte compte également quatre sous-marins classiques dont le renouvellement a été engagé, le premier bâtiment de type 209/1400 de construction allemande ayant été réceptionné fin 2016. En termes de lutte ASM, l’Égypte possède des moyens dotés de cette capacité, mais pas toujours les savoir-faire associés.
Il convient de noter que la marine égyptienne ne dispose pas de composante aéronautique navale. C’est l’armée de l’air qui dispose de l’ensemble des moyens aériens et qui arme en conséquence les bâtiments de la marine en mettant à disposition les appareils nécessaires.
La marine israélienne compte 11 bâtiments de premier rang et quatre sous-marins classiques disposant de la capacité missiles de croisière. Elle est en revanche limitée en matière de lutte ASM faute de moyens spécialisés (aéronefs de patrouille maritime et hélicoptères).
La marine espagnole compte 12 bâtiments de premier rang, trois bâtiments amphibies et trois sous-marins classiques. Là encore, la capacité de lutte ASM est en déclin, avec la perte de cette capacité au niveau des bâtiments de surface.
La Marina militare dispose de presque tout le spectre des capacités navales avec 27 bâtiments de premier rang dont des frégates de défense aérienne, des FREMM – avec trois unités supplémentaires prévues entre 2016 et 2018 –, des bâtiments amphibies, deux porte-aéronefs et huit sous-marins classiques. Toutefois, force est de constater que sa capacité opérationnelle s’est dégradée (en matière de lutte ASM notamment) et qu’elle se trouve depuis plusieurs années engagée à titre exclusif dans la gestion de la crise migratoire – ce qui explique également cette perte de capacité. De fait, on pourrait dire que la marine s’est « démilitarisée » au profit de simples opérations de surveillance et de search & rescue (SAR – recherche et sauvetage).
Les forces navales turques sont puissantes, le pays cherchant à développer ses capacités nationales de construction navale. La marine dispose de 24 bâtiments de premier rang et de 14 sous-marins classiques. Elle fait preuve d’un bon niveau opérationnel et, en tant que membre de l’OTAN, elle participe naturellement aux exercices interalliés, notamment le cadre de la lutte ASM.
D. LES MARINES EXTÉRIEURES MAIS PRÉSENTES DANS LE BASSIN MÉDITERRANÉEN
Hors transit d’unités majeures, les États-Unis sont présents en permanence en Méditerranée avec la VIe flotte avec quatre bâtiments de premier rang basés à Rota (Espagne), et un bâtiment de commandement basé à Gaète (Italie).
La marine russe est présente en Méditerranée et en mer Noire avec deux sous-marins SSG de classe Kilo 636.3 et des capacités missiles de croisière, déjà employées à partir de la Méditerranée orientale à l’occasion de frappes à destination de la Syrie, cinq bâtiments de premier rang et 15 bâtiments de deuxième rang. Cette présence navale est permanente depuis l’été 2012.
La Russie y a même déployé à plusieurs reprises son groupe aéronaval (GAN) pendant deux mois, entre novembre 2016 et janvier 2017 (48). Le GAN russe était emmené par le porte-avions Kuznetsov et comprenait un sous-marin et les bâtiments de surface suivants : le croiseur nucléaire Petr Velikiy, les destroyers Kulakov et Severomorsk, le pétrolier-ravitailleur Sergey Osipov et le remorqueur de haute mer Nikolay Chiker.
DEUXIÈME PARTIE : LES RÔLES DE LA MARINE NATIONALE EN MÉDITERRANÉE
Il convient tout d’abord de rappeler que l’amiral commandant en chef pour la Méditerranée (CECMED) assure, pour le compte du chef d’état-major des armées, le contrôle opérationnel de l’ensemble des unités de la marine agissant dans sa zone de compétence. Son commandement s’exerce à partir d’un état-major opérationnel disposant d’un centre opérationnel de la marine (COM) fonctionnant en permanence, basé à Toulon, et qui est en contact permanent avec le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), la direction du renseignement militaire (DRM) et, si nécessaire, le commandement des opérations spéciales (COS). Le COM est en lien permanent avec l’ensemble des unités et forces à la mer.
Du point de vue opérationnel, la zone maritime Méditerranée (ZMM) est composée de quatre zones « régionales » :
– la Méditerranée occidentale (MEDOC) ;
– la Méditerranée centrale (MEDCENT) ;
– la Méditerranée orientale (MEDOR) ;
– mais également la mer Noire.
LES ZONES MARITIMES MÉDITERRANÉE
Source : état-major de la marine ; réponse au questionnaire des rapporteurs.
A. LA MARINE NATIONALE AU QUOTIDIEN À L’INTÉRIEUR DU BASSIN MÉDITERRANÉEN : L’ACTION DE L’ÉTAT EN MER ET LA DÉFENSE MARITIME DU TERRITOIRE
L’action de l’État en mer et la défense maritime du territoire sont regroupées au sein de la notion de posture permanente de sauvegarde maritime (PPSM).
a. Présentation synthétique de l’AEM
L’action de l’État en mer constitue le cadre légal des missions de protection et de sauvegarde des intérêts nationaux de la France en mer. Elle comprend 45 missions distinctes fixées par l’arrêté du 22 mars 2007 (49) et constitue un exemple particulièrement abouti de politique publique interministérielle. La marine nationale et la gendarmerie maritime – placée pour emploi auprès du chef d’état-major de la marine – participent à la réalisation de 44 de ces missions, dont certaines relèvent uniquement de la responsabilité du ministère de la Défense.
Ces missions sont regroupées en dix domaines d’intervention :
– la souveraineté et la protection des intérêts nationaux ;
– la sauvegarde des personnes et des biens en mer ;
– la sécurité maritime ;
– la protection de l’environnement ;
– la gestion des espaces protégés ;
– la sûreté maritime ;
– le contrôle sanitaire et des conditions de travail en mer ;
– la gestion du patrimoine marin et des ressources publiques marines ;
– la police douanière fiscale et économique en mer ;
– la lutte contre les activités maritimes illicites.
Logiquement, la marine nationale est la première contributrice de la fonction « garde-côtes » en termes de moyens engagés. Toutes unités confondues, elle y consacre le quart de son activité. La gendarmerie maritime consacre la totalité de son activité en mer à l’AEM.
Les principales missions menées à l’heure actuelle en Méditerranée sont :
– la lutte contre les pollutions, domaine dans lequel d’importants progrès ont été réalisés et dans lequel la France s’est particulièrement impliquée ;
– la lutte contre les trafics de stupéfiants, notamment ceux opérés par go fast (50) ;
– la lutte contre l’immigration clandestine, la situation des migrants constituant assurément la problématique majeure à l’heure actuelle.
Il convient de noter que les zones sous responsabilité de la France ou à proximité de ses côtes font l’objet de différentes mesures de protection : aires marines protégées (AMP), sanctuaire Pelagos (51), dispositif de séparation de trafic (DST) (52).
b. Les différents acteurs de l’AEM
La conduite de l’AEM repose sur l’action d’une quinzaine d’administrations (53), plus ou moins directement intéressées à cette question et à des niveaux de responsabilité différents. Au niveau central et à l’échelon national le pilotage de l’AEM est assuré par le Secrétaire général de la mer. Ce pilotage prend notamment corps au sein du comité directeur de la fonction garde-côtes qui réunit les directeurs des administrations concernées.
Au niveau local, pour la conduite effective des actions en mer, chaque administration agit de sa propre autorité pour ce qui concerne les activités relevant de ses compétences. Dès lors qu’une action coordonnée entre différents services et administrations s’avère nécessaire, ces actions sont entreprises sous une autorité de référence unique représentant de l’État en mer. Il s’agit, en métropole, du préfet maritime et, dans les espaces ultramarins, du délégué du Gouvernement pour l’AEM assisté du commandant de zone maritime.
Politique interministérielle par nature, la conduite de l’AEM est également une politique hybride relevant majoritairement de la responsabilité de la puissance publique, mais au titre de laquelle intervient également le secteur privé. Tel est le cas dans le domaine du sauvetage en mer, avec la participation essentielle de la société nationale de sauvetage en mer (SNSM).
c. Les moyens consacrés à l’AEM en Méditerranée
Au-delà des capacités traditionnelles – navires et aéronefs –, l’utilisation de drones pourrait constituer une source d’amélioration de l’action dans les phases de recueil de l’information, de coordination des actions et d’intervention. De fait des expérimentations ont été conduites, avec des résultats encourageants, notamment en soutien d’opérations de lutte contre les pollutions. D’autres technologies pourraient également être mobilisées à l’avenir. L’utilisation de ballons permettrait par exemple de renforcer la surveillance des approches maritimes et des activités menées. En outre, la mobilisation et l’analyse des mégadonnées permettront sans doute d’améliorer la réponse de l’État en facilitant la détection des comportements anormaux en mer.
LES MOYENS CONSACRÉS À L’AEM EN MÉDITERRANÉE
Type de moyens |
Nombre d’unités |
Remarques |
Terrestres |
19 sémaphores – MN |
• 12 sur le continent, 7 en Corse • Améliorations grâce au système SPATIONAV 2 |
Hélicoptères |
2 EC135 – DGDDI |
1 supplémentaire mutualisé avec Le Havre |
7 EC 145 – SC |
Rayon d’action 100 miles et 20 minutes sur zone | |
2 EC145 – GN 1 EC135 – GN 1 Écureuil – GN |
||
2 Dauphin – MN |
Alerte à une ou deux heures | |
Puma/Super Puma – AA |
Basés à Solenzara, alerte à quatre heures | |
Avions |
F406 – DGDDI |
• Vitesse : 300 km/h • Autonomie : quatre heures • Remplacement par 2 Beechcraft |
Moyens nautiques hauturiers ≥ 30 mètres |
1 VSR – AM |
|
1 PGC – DGDDI |
Mis en service en 2015 | |
1 PCG – GM |
||
4 PHM – MN 1 RIAS – MN 2 BSAD – MN |
Le remplacement des BSAD par les BSAH est prévu par la LPM 2014-2019 | |
Moyens nautiques côtiers ≤ 20 mètres |
7 VCSM – GM |
|
6 VGC – DGDDI |
||
Moyens nautiques légers < 20 mètres |
7 ULAM – AM |
Dotées de moyens légers |
5 VSR – DGDDI |
||
4 VSMP – GM |
||
11 BNC – GN |
Dotées de moyens légers |
AA : armée de l’air ; AM : affaires maritimes ; BNS : brigade nautique côtière ; BSAD : bâtiment de soutien, d’assistance et de dépollution ; BSAH : bâtiment de soutien et d’assistance hauturier ; DGDDI : direction générale des douanes et des droits indirects ; GM : gendarmerie maritime ; GN : gendarmerie nationale ; MN : marine nationale ; PCG : patrouilleur côtier de la gendarmerie ; PGC : patrouilleur garde-côtes ; RIAS : remorqueur d’intervention, d’assistance et de sauvetage ; SC : sécurité civile ; ULAM : unité littorale des affaires maritimes ; VCSM : vedette côtière de surveillance maritime ; VGC : vedette garde-côtes ; VSMP : vedette de surveillance maritime et portuaire ; VSR : vedette de surveillance régionale.
Source : Secrétariat général de la Mer ; réponse au questionnaire des rapporteurs.
LE DISPOSITIF ET LES ALERTES AFFECTÉS À LA PPS-M EN MÉTROPOLE
Source : ministère de la Défense.
d. Spécificités de la Méditerranée et résultats obtenus
● La Méditerranée concentre des enjeux majeurs, tant en nombre qu’en variété et en importance : tourisme et plaisance, trafic maritime, pêche, environnement, activités illicites. L’augmentation de sa fréquentation s’accompagne d’une croissance sensible du nombre de navires de plaisance et de croisière et des risques associés.
Cela a été rappelé, la zone maritime Méditerranée est un espace complexe, théâtre de crises nombreuses et d’instabilité permanente, mais également un espace stratégique. En effet, au sud du bassin méditerranéen, quelque 30 % du commerce maritime mondial transitent par l’axe Suez-Gibraltar. Quant au nord du bassin, il concentre une très forte activité touristique et de loisirs nautiques et, en outre, abrite le premier port de commerce français.
La question environnementale est également primordiale dans cette zone. Pour ce qui concerne la seule France, rappelons que 45 % des eaux sous sa juridiction sont classées en aires marines protégées (AMP). Aussi le domaine « lutte contre les pollutions » – accidentelles ou volontaires – y revêt une importance particulière. Il convient d’ailleurs à cet égard de souligner les conséquences d’une certaine course au gigantisme des navires. Celle-ci constitue un élément de préoccupation du fait des possibles implications en termes d’assistance afin de prévenir un dommage à l’environnement, ou de sauvetage maritime de grande ampleur.
Un autre aspect dans le domaine environnemental tient au développement envisagé de fermes pilotes d’éoliennes sur les côtes méditerranéennes à partir de 2020, notamment dans les approches de Marseille. Un tel projet ne sera pas sans conséquences dans la conduite de l’AEM en termes de régulation de la navigation, de protection des installations concernées, etc.
Les évolutions les plus notables dans la conduite de l’AEM en Méditerranée tiennent principalement – et logiquement – à la crise des migrants qui a conduit les différentes administrations participant à cette action à engager des moyens dans les différentes opérations menées dans le bassin méditerranéen : Triton et Indalo dans le cadre de Frontex, Sophia et, plus récemment, la mission menée dans le cadre de l’OTAN en mer Égée. Ainsi, en 2015, la marine nationale a détaché un patrouilleur ou une frégate pendant cinq mois pour ces différentes missions et la douane a déployé son patrouilleur Jean-François Deniau dans le cadre de l’opération Triton pendant deux mois au total depuis novembre 2015.
Au-delà de l’aspect capacitaire, on peut également relever un certain nombre d’évolutions notamment liées au contexte post-attentats. Ainsi les échanges de renseignements entre services se sont multipliés. Par ailleurs, dans le cadre de la refonte du volet maritime du plan Vigipirate, les contrôles des navires suspects dans les ports de destination français ont été renforcés.
À l’exception notable – et heureuse – de la piraterie, l’ensemble des questions de sécurité et de sûreté maritime est présent en Méditerranée. La menace terroriste constitue toutefois un enjeu si ce n’est nouveau, du moins renouvelé compte tenu des attaques qu’a récemment subies notre pays. À cet égard, l’augmentation continue du nombre de navires de plaisance et de croisière et des risques associés est un élément d’attention.
Dans le domaine de la lutte contre les trafics de stupéfiants, des changements sont également à signaler. Si l’on constate une diminution des go-fast à l’intérieur du bassin méditerranéen, on note dans le même temps un développement des trafics intercontinentaux : les stupéfiants provenant d’Amérique du Sud (Brésil, Surinam, Guyana, Colombie), sont acheminés au niveau du golfe de Guinée puis empruntent les voies terrestres (Libye par exemple) pour arriver in fine sur les marchés européens.
Il convient par ailleurs de noter que, les navires suspects longeant prioritairement les côtes nord-africaines, leur interception par des moyens espagnols ou italiens s’avère plus aisée – même si la marine nationale française a pu mener avec succès quelques opérations d’envergure en la matière, à l’image de l’interception du cargo Luna-S (54) en septembre 2013 dans les eaux internationales entre la Sardaigne et l’Algérie. Il faut d’ailleurs relever l’importance de « l’autoroute des stupéfiants » entre le Rif marocain, l’Algérie, la Tunisie et la Libye. De fait, en matière de lutte contre les trafics, le renseignement revêt une importance fondamentale. Toutefois les relations avec les services des pays riverains sont souvent inégales et à développer.
Enfin, il est nécessaire de rappeler que les flux illicites qui empruntent la Méditerranée sont, pour la France, des flux entrants. Il ne s’agit pas de simples flux de transit comme dans l’Atlantique ou en mer du Nord.
● L’activité menée au titre de l’AEM en Méditerranée
La Méditerranée représente un peu moins de 30 % des heures de mer et de vol réalisées au titre de l’AEM au niveau national. Toutefois cette moyenne masque des réalités qui témoignent de l’importance de cette façade dans la conduite de certaines missions.
LES MISSIONS RÉALISÉES AU TITRE DE L’AEM EN MÉDITERRANÉE
(moyennes sur 2012-2014, arrondies à la centaine d’heures)
Mission |
Heures de mer/de vol |
Niveau national |
Méditerranée |
Part Méditerranée/niveau national |
Surveillance et préservation des aires marines protégées |
Heures de mer |
6 900 |
3 700 |
54 % |
Heures de vol |
< 100 |
< 100 |
76 % | |
Répression des rejets illicites et lutte contre les pollutions majeures marines |
Heures de mer |
2 900 |
1 200 |
44 % |
Heures de vol |
800 |
300 |
42 % | |
Lutte contre les trafics illicites par voie maritime |
Heures de mer |
43 300 |
17 800 |
41 % |
Heures de vol |
6 000 |
2 200 |
36 % | |
Sauvetage de la vie humaine et assistance aux navires en difficulté |
Heures de mer |
18 300 |
8 200 |
45 % |
Heures de vol |
2 800 |
500 |
16 % | |
Lutte contre les activités de pêche illégale |
Heures de mer |
58 400 |
11 000 |
19 % |
Heures de vol |
1 200 |
100 |
12 % | |
Autres missions (souveraineté, sûreté, etc.) |
Heures de mer |
113 900 |
25 900 |
23 % |
Heures de vol |
2 500 |
700 |
29 % | |
Total |
Heures de mer |
243 700 |
67 800 |
28 % |
Heures de vol |
13 400 |
3 900 |
29 % |
Source : Secrétariat général de la Mer ; réponse au questionnaire des rapporteurs.
Ainsi, cette zone représente 54 % des heures de mer et 76 % des heures de vol réalisées au titre de la surveillance des AMP. De fait, la Méditerranée est constituée à 40 % d’AMP et on y dénombre quelque 71 zones protégées : parcs nationaux, parcs naturels marins (55), réserves, sites Natura 2000, sanctuaire Pelagos.
La lutte contre les pollutions y est également importante (44 % des heures de mer et 42 % des heures de vol nationales) compte tenu du trafic et de la physionomie du bassin méditerranéen, les enjeux environnementaux étant plus prégnants dans une mer fermée.
La lutte contre les trafics illicites est la première activité menée au titre de l’AEM en Méditerranée en valeur absolue, et la deuxième au niveau national, la Méditerranée représentant 41 % des heures de mer et 36 % des heures de vol réalisées au niveau global. De nombreuses opérations sont menées dans le cadre de cette mission : acquisition de renseignement, maîtrise de la connaissance des mouvements de navires, détection, identification et suivi des vecteurs suspects, interception des vecteurs de transport de clandestins, de stupéfiants ou de contrebande.
Les actions de sauvetage et d’assistance constituent une autre mission primordiale de l’AEM en Méditerranée, cette façade représentant 45 % des heures de mer réalisées à ce titre au niveau national. Les opérations menées sont naturellement liées à l’importance du bassin méditerranéen en termes de tourisme, de plaisance et de trafic maritime, les côtes méditerranéennes française, italienne et espagnole concentrant la plus forte activité estivale d’Europe et, par conséquent, les risques associés à une telle concentration.
La lutte contre la pêche illégale constitue la deuxième mission menée en Méditerranée en valeur absolue. Elle est toutefois plus importante dans d’autres zones, dans l’Atlantique et dans la zone sud de l’océan Indien.
Les autres missions – de souveraineté notamment – sont aussi relativement plus importantes dans les zones Atlantique, Manche-mer du Nord et outre-mer qu’en Méditerranée.
DISTRIBUTION DES HEURES DE MER PAR ACTIVITÉ MENÉE AU TITRE DE L’AEM EN MÉDITERRANÉE
Source : Secrétariat général de la Mer ; réponse au questionnaire des rapporteurs.
DISTRIBUTION DES HEURES DE VOL PAR ACTIVITÉ MENÉE AU TITRE DE L’AEM EN MÉDITERRANÉE
Source : Secrétariat général de la Mer ; réponse au questionnaire des rapporteurs.
La coopération avec les autres pays riverains dans la conduite de l’AEM
L’AEM regroupe des missions qui, par nature, supposent l’existence d’une forte coopération internationale. La mer ne connaissant pas de frontières physiques, un même risque ou un même enjeu peut concerner simultanément ou successivement différents États.
Tel est notamment le cas dans les domaines du sauvetage en mer ou de la lutte contre les pollutions. Ainsi, des accords régionaux ou « sous-régionaux » lient la France avec ses États voisins de la rive nord : l’accord Lion Plan (56) avec l’Espagne et l’accord RAMOGE (57) avec l’Italie et Monaco, lesquels font l’objet d’exercices d’application réguliers.
En matière de lutte contre les trafics de stupéfiants, il convient de noter qu’une partie des pays riverains de la Méditerranée est représentée au sein du centre de coordination et lutte antidrogue pour la Méditerranée (CECLAD-M), basée à Nanterre dans les locaux de l’office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS).
Il existe une instance de dialogue et d’échange d’informations au niveau du bassin méditerranéen : le Mediterranean Coast Guard Functions Forum (MedCGFF), qui regroupe, sur la base du volontariat, les institutions et services intervenant dans le domaine de la fonction garde-côtes et issus de différents pays. Toutefois, d’après les informations recueillies par les rapporteurs, son fonctionnement est perfectible. En effet, si les pays du nord « jouent le jeu », tel n’est pas forcément le cas des pays du sud (58).
Des coopérations bilatérales existent également entre les marines militaires de chacun des pays, qui permettent de renforcer l’efficacité des actions menées (cf. infra).
● Les résultats de l’AEM en Méditerranée
Le tableau suivant retrace les résultats obtenus dans la conduite des missions d’AEM en Méditerranée sur trois ans, entre 2012 et 2014. On notera principalement que conformément à l’importance des enjeux environnementaux dans cette zone, la Méditerranée concentre une grande part des résultats obtenus dans le domaine de la protection du milieu marin et de la lutte contre les pollutions.
Concernant la lutte contre les trafics illicites par voie de mer, on relèvera l’indicateur relatif aux saisies de stupéfiants, dont près de 75 % ont été réalisés en Méditerranée sur cette période. Il convient toutefois de souligner la volatilité de cet indicateur, ce résultat impressionnant résultant, en l’espèce, d’une saisie de 20 tonnes de stupéfiants opérée en 2013 (59). Concernant l’immigration clandestine, la modicité de l’indicateur s’explique, d’une part, par le fait que les flux clandestins se concentrent essentiellement à Mayotte au niveau national et que, d’autre part, la gestion de la crise migratoire dans le bassin méditerranéen relève davantage d’opérations intégrées au niveau européen à l’image de l’opération Sophia.
RÉSULTATS OBTENUS AU TITRE DES MISSIONS RELEVANT DE L’AEM EN MÉDITERRANÉE
(moyennes sur 2012-2014)
Mission |
Indicateur |
Niveau national |
Méditerranée |
Part Méditerranée/niveau national |
Surveillance et préservation des aires marines protégées |
Infractions |
221 |
106 |
48 % |
Répression des rejets illicites et lutte contre les pollutions majeures marines |
Pollutions détectées |
73 |
36 |
49 % |
Procès-verbaux |
23 |
14 |
62 % | |
Lutte contre les trafics illicites par voie maritime |
Stupéfiants saisis (kg) |
9 915 |
7 347 |
74 % |
Migrants interceptés |
11 282 |
1 |
0 % | |
Sauvetage de la vie humaine et assistance aux navires en difficulté |
Personnes secourues |
4 344 |
1 236 |
28 % |
Remorquages |
7 |
3 |
40 % | |
Mines détruites |
2 230 |
849 |
38 % | |
Lutte contre les activités de pêche illégale |
Navires contrôlés |
14 965 |
3 045 |
20 % |
Procès-verbaux |
2 923 |
629 |
22 % | |
Autres missions (souveraineté, sûreté, etc.) |
Contrôles en mer |
13 964 |
5 176 |
37 % |
Source : Secrétariat général de la Mer ; réponse au questionnaire des rapporteurs.
2. La défense maritime du territoire
La défense maritime du territoire (DMT) s’exerce sur les approches maritimes ainsi que sur le littoral français métropolitain et ultramarin et contribue à la sûreté de la population et des voies d’approvisionnement. Elle constitue en quelque sorte le pendant militaire de l’AEM, qui vise au maintien de l’ordre et à la sécurité des biens et des personnes. Les moyens concourant aux deux missions sont toutefois largement mutualisés, la porosité entre les deux domaines étant importante.
D’après le code de la défense, la DMT « concourt à assurer la sécurité du territoire, et notamment la protection des installations prioritaires de défense […] ». Mission permanente, elle comporte trois dimensions : le renseignement, la surveillance, la protection.
La défense maritime du territoire
Article D*1431-1 du code de la défense :
« Dans le cadre de la politique générale de défense définie par le Gouvernement, la défense maritime du territoire concourt à assurer la sécurité du territoire, et notamment la protection des installations prioritaires de défense. Elle complète la défense civile, la défense opérationnelle du territoire et la défense aérienne. Elle est permanente et a pour objet :
1° De surveiller les approches du territoire national sur ses façades maritimes, de déceler et d’évaluer la menace qui peut s’y exercer sur ou dans la mer ;
2° De renseigner les autorités civiles et militaires sur les activités suspectes ou hostiles en mer et les menaces d’origine maritime qui concernent leurs domaines de responsabilités ;
3° De s’opposer aux actions menées par voie de mer contre le territoire national et aux entreprises adverses contre les intérêts nationaux dans les approches de ce territoire, en particulier, contre les activités nationales dans toutes les zones littorales et maritimes où la France dispose de droits d’exploitation. »
En termes opérationnels, la DMT se déploie par couches successives, du littoral à la haute mer, une vigilance particulière étant exercée aux zones côtières. En substance, la DMT vise à :
– assurer en permanence la liberté d’action de la FOST afin notamment de permettre l’exercice de la permanence de la dissuasion ;
– garantir l’absence d’entrave à la circulation des approvisionnements et la maîtrise des approches maritimes : en effet, 70 % des importations et exportations françaises transitent par la mer, et notamment 94 % des importations en hydrocarbures ;
– assurer la protection du littoral depuis la mer, en particulier les installations d’importance prioritaire ou vitale : on peut notamment penser aux bases militaires ou encore aux centres nationaux de production d’électricité (les centrales nucléaires en particulier).
Une problématique renouvelée : la protection face au terrorisme maritime
Le risque terroriste maritime n’a jamais été sous-estimé par les autorités publiques françaises. En témoigne l’organisation d’exercices de contre-terrorisme maritime (CTM) menés sur une façade maritime française : l’exercice Armor en Atlantique ou dans la Manche, et l’exercice Estérel en Méditerranée.
Toutefois, les attentats qui récemment ont frappé la France – notamment l’attaque meurtrière menée dans la salle de concert du Bataclan – ont contribué à replacer ce type de menace au premier rang des préoccupations. Deux risques principaux sont redoutés : le risque d’une tuerie de masse réalisée en milieu clos et en mer (scénario type « Bataclan sur mer ») ; le risque tendant à l’utilisation d’une embarcation-suicide et/ou piégée qui ciblerait soit des navires de croisière, soit des navires transportant des matières dangereuses (60). Ces risques sont d’autant plus prégnants que 19 millions de passagers accostent ou embarquent en France chaque année. Ils le sont naturellement en Méditerranée, a fortiori durant la période estivale.
C’est pourquoi la protection des navires à passagers a émergé en tant que nouvel enjeu de sécurité. La protection des navires est une mission que la marine nationale remplit depuis déjà quelques années. En effet, depuis 2009 la marine nationale offre, sous certaines conditions, la possibilité aux navires français évoluant dans des zones dangereuses d’embarquer un renfort en personnel pour les protéger. Cette protection s’effectue via l’affectation à leur bord d’équipes de protection embarquée (EPE). À titre d’exemple, les thoniers-senneurs opérant aux Seychelles font régulièrement appel au service de la marine (61).
Depuis le 1er août 2016, cette mission de protection a été adaptée aux navires à passagers avec la mise en place d’équipes de protection des navires à passagers (EPNAP). Il s’agit d’équipes mixtes, composées à la fois de gendarmes maritimes et de fusiliers-marins.
Enfin, au-delà de la protection offerte par la puissance publique, il convient de préciser que la loi n° 2016-816 du 20 juin 2016 pour l’économie bleue, issue d’une initiative de nos collègues Bruno Le Roux, Arnaud Leroy et Jean-Paul Chanteguet (62), permet dorénavant aux équipes de protection privée des navires d’embarquer afin de parer aux menaces d’actes de terrorisme. Cette activité continue de s’exercer au-delà de la mer territoriale des États. En revanche, par dérogation au principe de droit commun applicable en matière protection contre les actes de piraterie – où elle s’exerce dans des zones préalablement définies par arrêté du Premier ministre – elle n’est soumise à aucun zonage en matière protection contre les actes terroristes (63).
La protection des navires français assurant les liaisons transméditerranéennes – entre la Corse et le continent et à destination ou en provenance d’Afrique du Nord – constitue également un nouvel enjeu et, afin de réduire la vulnérabilité dans le domaine du trafic de passagers, la marine a procédé au renforcement des capacités de contrôle de la gendarmerie maritime dans plusieurs ports à passagers tels que Nice et Sète.
Enfin, il convient de souligner que le plan Pirate-Mer est actuellement en cours de révision sous l’égide du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Ce travail vise, d’une part, à prendre en compte les nouvelles menaces telles que les tueries de masse et, d’autre part, à préciser les chaînes d’alerte et le type de réponses opérationnelles possibles. La nouvelle version de Pirate-Mer devrait être achevée au début de l’année 2017.
LA PROTECTION DES APPROCHES MARITIMES ET DES SITES SENSIBLES EN MÉTROPOLE
Source : état-major de la marine.
LA DMT : PRÉSENTATION SYNTHÉTIQUE
Source : état-major de la marine.
B. LES OPÉRATIONS NON PERMANENTES CONDUITES À PARTIR ET À L’INTÉRIEUR DU BASSIN MÉDITERRANÉEN : UNE MARINE PLUS SOLLICITÉE, PLUS DURABLEMENT
1. Des opérations plus nombreuses, plus intenses, plus longues
L’année 2011 avait constitué une année exceptionnelle en termes opérationnels pour la marine nationale avec la conduite de l’opération Harmattan, menée depuis le large des côtes libyennes du 18 mars au 31 octobre 2011. Cette opération de haute intensité s’était traduite par le déploiement de 24 bâtiments de surface et avait représenté un total cumulé d’environ 900 jours de présence sur zone.
Entre 2012 et 2013, les temps de présence des forces en Méditerranée orientale avaient presque triplé, dans le cadre de la conduite de missions ISR (64) au large de la Syrie. Alors qu’on avait dénombré 183 jours de présence dans cette zone en 2012, le temps de présence était passé à 533 jours en 2013 (et 577 jours en 2015). Dans le même temps, en Méditerranée occidentale, les temps de présence avaient diminué avec un moindre engagement au titre des missions de lutte contre les trafics de stupéfiants (65) (133 jours en 2015 contre 400 jours en 2010).
Depuis 2015, on constate un pic d’activité sous l’effet conjugué, d’une part, d’une augmentation des zones où la permanence de la marine est requise et, d’autre part, de l’élargissement du spectre des missions menées avec, de manière très synthétique :
– des frappes menées par le groupe aéronaval (GAN) sur la Syrie et l’Irak depuis la Méditerranée orientale ;
– les différents transits effectués par le GAN en Méditerranée ;
– des missions ISR conduites par les bâtiments de surface et les bâtiments sous-marins en Méditerranée centrale ;
– des missions ISR en Méditerranée orientale ;
– la participation des unités de la marine aux opérations de gestion de la crise migratoire en Méditerranée centrale et orientale ;
– la relève de l’opération Daman (66), au Liban, effectué par le bâtiment de projection et de commandement Mistral avec l’escorte de la frégate anti-aérienne Jean-Bart ;
– la participation à une mission de reconnaissance de plage et à une mission hydrographique (67) au Liban.
Il convient également de préciser que la marine nationale française est régulièrement présente en mer Noire au titre des mesures de réassurance et dans le respect de la convention de Montreux (68). Une telle présence permet d’évaluer la situation en Syrie avec une autre perspective qu’en Méditerranée orientale.
En tout, au cours des dernières années, on constate que le nombre d’opérations augmente, se déclenchent de plus en plus rapidement compte tenu de l’actualité et de l’exigence de réactivité politique, qu’elles ont tendance à s’inscrire dans la durée et qu’elles impliquent systématiquement des capacités de « haut du spectre », tant en ce qui concerne les ressources humaines que les matériels mobilisés.
En 2015, 26 % des jours de mer des unités de la force d’action navale, 54 % des jours de mer des SNA et 23 % des heures de vol des aéronefs de la flotte ont été réalisés en Méditerranée.
2. La participation de la marine à l’opération Chammal : le déploiement du groupe aéronaval
Le 19 septembre dernier, le groupe aéronaval emmené par le porte-avions Charles-de-Gaulle quittait Toulon pour participer à son troisième engagement (69) en moins de deux ans dans les opérations menées par la coalition internationale contre Daech.
Il s’agissait du premier déploiement du GAN en format « tout Rafale » à la suite du retrait du service actif des Super Étendard Modernisés (SEM) à l’été 2016. Le porte-avions embarquait 24 Rafale, soit l’équivalent de deux flottilles de chasse, auxquels s’ajoutaient deux avions de guet aérien Hawkeye et quatre hélicoptères (70).
Le déploiement du porte-avions dans cette configuration a substantiellement renforcé le dispositif français engagé dans l’opération Chammal. Il a en effet permis de tripler le potentiel aérien et les capacités de frappe aérienne, les moyens déployés par la France dans la région comprenant déjà les 12 Rafale de l’armée de l’air et un avion de patrouille maritime Atlantique 2.
L’intérêt d’une telle présence est manifeste, ainsi qu’en témoigne le bilan des activités aériennes du GAN lors du précédent déploiement effectué du 18 novembre 2015 au 16 mars 2016 :
– 532 sorties, soit jusqu’à 18 manœuvres par jour dans les phases d’intensification ;
– 102 frappes effectuées contre Daech en Irak et en Syrie ;
– la conduite de plus d’une trentaine de missions ISR et la production de quelque 1 000 dossiers de renseignement au profit de la coalition.
À l’occasion de leur ultime déploiement sur le Charles-de-Gaulle avant son arrêt technique majeur (ATM), les avions du GAN auront réalisé, en deux mois et demi, 480 sorties et 109 frappes (71) pour 2 700 heures de vol au profit de la coalition.
En dehors du porte-avions et de son groupe aérien embarqué (GAé), le GAN comprenait un SNA, la frégate de défense aérienne Forbin, la frégate anti-sous-marine Jean-de-Vienne, la frégate légère furtive La Fayette ainsi que le bâtiment de commandement et de ravitaillement Marne. Des navires alliés ont précédemment été intégrés au GAN : le destroyer lance-missiles américain USS Ross et la frégate allemande Augsburg. Au total, le GAN comptait donc six bâtiments, 26 avions – 24 Rafale et deux Hawkeye – et huit hélicoptères.
Le déploiement du Charles-de-Gaulle dans le cadre de l’opération Chammal a constitué sa dernière mission avant son entrée en ATM pour mener son entretien à mi-vie. D’une durée de 18 mois, cet ATM permettra d’opérer révision complète qui se traduira par le remplacement de ses moyens de propulsion, la régénération de son potentiel et la remise à niveau de son standard technologique (système de combat, senseurs et installations aviation notamment) (72).
LA COMPOSITION DU GAN ET DU GAé ENGAGÉS DANS CHAMMAL AU 17 NOVEMBRE 2016
Source : état-major des armées.
C. LA DIFFICILE GESTION DE LA CRISE MIGRATOIRE : LES DIFFÉRENTES OPÉRATIONS MENÉES EN MÉDITERRANÉE
1. Les opérations menées par l’Italie, aux avant-postes de la crise migratoire
L’Italie est, naturellement, le premier pays à avoir été confronté au défi migratoire en provenance du bassin méditerranéen. C’est ainsi qu’elle a successivement mis en place plusieurs opérations de surveillance et de sauvetage, d’abord conduites de manière autonome puis, progressivement, dans le cadre de l’Union européenne.
Le déplacement à Rome d’une délégation de la commission composée de la présidente Patricia Adam et des deux rapporteurs a permis de faire le point sur la réponse italienne et européenne à la crise migratoire. En effet, la délégation a pu se rendre tant auprès de l’état-major de la Marina militare qu’auprès de l’état-major de l’opération Sophia, installé dans la capitale italienne. Elle a également pu s’entretenir des sujets d’intérêts communs à nos pays – dont la crise migratoire – avec les membres de la IVe commission – Défense de la Chambre des députés.
Les développements qui suivent n’ont évidemment pas vocation à détailler in extenso les opérations successivement menées, mais à rappeler de manière synthétique quelles furent les premières actions entreprises avant la mise en place de Sophia.
Les autorités italiennes ont d’abord lancé l’opération Mare Nostrum, qui s’est déroulée pendant un an, d’octobre 2013 à octobre 2014. À l’époque, déjà, la mise en place de cette opération avait été décidée après un drame humanitaire, le naufrage d’une embarcation au large de Lampedusa au cours duquel 366 migrants avaient disparu.
Il s’agissait d’une opération double, à visée humanitaire et à visée « policière », dans le cadre de la lutte contre la traite des êtres humains. Y participaient des moyens navals de grande portée, des personnels de la police nationale, du ministère de la Santé et de la Guardia di Finanzia. Dans ce cadre, les moyens mobilisés ont permis de porter secours à 156 632 migrants au cours de 439 événements et cinq embarcations ont été saisies.
Il convient de souligner que l’acceptation de l’opération par l’opinion publique italienne s’était révélée faible. Le principal reproche adressé était qu’il s’agissait d’une opération purement nationale dont seule l’Italie subissait la charge, alors que le problème était beaucoup plus global. L’autre critique principale tenait au caractère incitatif du dispositif, la présence de la marine italienne étant perçue comme un facteur d’attraction pour les migrants.
Mare Nostrum a pris fin avec la mise en place de l’opération Triton, menée dans le cadre européen de l’agence Frontex, ce qui répondait dès lors à la première critique.
À compter de mars 2015 et suite à l’aggravation de la crise libyenne, le gouvernement italien a décidé de mettre en place l’opération Mare Sicuro. Cette opération a vocation, d’une part, à protéger les lignes de communication et les navires marchands et, d’autre part, à lutter contre les menaces terroristes. D’après les statistiques communiquées par l’état-major de la marine italienne, l’opération a permis de sauver 49 354 migrants, d’interpeller 759 passeurs et de détruire une embarcation.
2. Les opérations menées par Frontex en Méditerranée
a. En Méditerranée occidentale : Héra, Indalo et Minerva
En Méditerranée occidentale, Frontex a conduit ou continue de mener plusieurs opérations : Héra, Indalo et Minerva. Les moyens déployés par l’agence en Espagne (105 officiers, trois bâtiments, deux aéronefs) visent à assister les autorités espagnoles dans le domaine de la surveillance des frontières et des opérations SAR. Les experts de Frontex apportent également une assistance dans le domaine de la détection de documents falsifiés et de véhicules volés, ou encore dans la lutte contre l’importation de substances illégales et de produits soumis à accise.
Ces opérations ont permis de sauver 1 440 migrants entre juillet et septembre 2016.
b. En Méditerranée centrale : Triton
L’opération Titron de contrôle des frontières et de sauvetage en Méditerranée centrale a été lancée en novembre 2014 par Frontex. Elle se déploie dans les eaux territoriales italiennes et dans une partie des zones de recherche et de sauvetage au large de l’Italie et de Malte, à 138 miles au sud de la Sicile. Dans le cadre de Triton, Frontex coordonne les moyens de 26 États-membres (trois aéronefs, neuf bâtiments et deux hélicoptères). Son budget pour 2015 s’établissait à 37,4 millions d’euros. Entre les mois de janvier et d’août 2016, ses unités ont secouru 38 750 migrants avaient été secourues et 57 passeurs arrêtés.
L’opération mobilise 170 experts, neuf moyens nautiques, trois avions et deux hélicoptères. La France y contribue par l’envoi d’experts et la mise à disposition par la marine et par la douane, pendant des périodes limitées, de moyens nautiques et d’un avion.
c. En Méditerranée orientale : Poséidon
L’opération Poséidon vise à apporter une assistance technique à la Grèce dans le but de renforcer sa surveillance côtière, ses moyens de sauvetage et ses capacités d’enregistrement et identification des migrants. Dans ce cadre, Frontex aide également les autorités grecques dans la conduite des procédures de retour et de réadmission. L’aire d’opérations couvre les îles grecques et les frontières maritimes entre la Grèce et la Turquie. L’opération Poséidon mobilise 300 experts et comporte 19 bâtiments, un aéronef et deux hélicoptères ; elle a permis de porter assistance à 37 479 migrants entre janvier et août 2016.
3. La mission de l’OTAN en mer Égée
Enfin, depuis février 2016, l’OTAN mène une mission de reconnaissance, d’observation et de surveillance des mouvements migratoires illégaux en mer Égée. Elle a vocation à soutenir tant la Grèce et la Turquie que l’Union européenne, via Frontex, dans les actions menées pour mettre un terme aux flux de trafics illégaux et de migrations irrégulières dans cette zone.
À ce jour, 31 navires de huit pays différents – dont la France – ont participé à cette opération dans le cadre du NATO’s Standing Maritime Group 2 (SNMG2), totalisant plus de 10 000 heures de patrouille.
4. La réponse européenne à la crise au titre de la politique de sécurité et de défense commune : l’opération Sophia
« Tout ce que tu feras est dérisoire, mais il est essentiel que tu le fasses. » Cette citation de Gandhi semble s’appliquer parfaitement à la réponse apportée par l’Union européenne à la crise migratoire qui la touche.
L’opération européenne menée en Méditerranée centrale – successivement EUNAVFOR-MED puis Sophia – est une opération ambitieuse selon les standards européens, tant en termes de rapidité de mise en œuvre que de moyens mobilisés. Elle est « essentielle », car elle a permis de sauver des milliers de vies, et que les pays européens ne pouvaient décemment pas rester inactifs face à la détresse de ceux qui s’échouent sur ses côtes ou qui disparaissent en mer. Dans le même temps, elle est et restera, par nature, « dérisoire ». Car que représente la mobilisation de 25 États, d’une quinzaine de moyens navals et aéronautiques et d’un budget commun de 11,8 millions d’euros (73), ramené à 6,7 millions d’euros (74), face à l’ampleur des flux – plus de 335 000 migrants ont rejoint l’Europe par la mer entre janvier et novembre 2016, et près de 730 000 en 2015 –, face aux milliers de disparus en mer – avec plus de 11 000 morts depuis 2014 –, face à la complexité et à la multiplicité des enjeux politico-stratégiques, juridiques, économiques, humanitaires dont ces migrations ne sont que la conséquence ?
Une réponse européenne à la crise migratoire est évidemment indispensable. Mais la réponse actuelle n’est certainement pas suffisante, ni même adaptée, à certains égards. Elle n’en demeure pas moins nécessaire – ne serait-ce que d’un point de vue humanitaire –, même s’il faut rester conscient du fait qu’elle ne répond qu’aux symptômes de la crise et non à ses causes, bien plus globales. Aussi, à bien des égards et comme l’a caractérisé la Chambre des Lords britannique, l’opération Sophia fait face à un « défi impossible » (75) à relever.
ARRIVÉES DE MIGRANTS PAR VOIE MARITIME EN EUROPE ET DISPARITIONS EN MER EN 2016 (a)
(a) Statistiques au 1er janvier 2017.
Source : Organisation internationale pour les migrations – OIM.
a. Aux origines de l’opération
Depuis 2014, l’Europe est confrontée à un défi migratoire aux conséquences d’une ampleur sans précédent sur le continent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Provoquée par des crises géopolitiques et économiques d’une violence extrême, cette « crise migratoire » voit des centaines de milliers d’êtres humains fuir la guerre, les persécutions, les violences et la pauvreté dans l’espoir d’un avenir meilleur au sein de l’Union européenne. En Méditerranée centrale, cette crise est notamment liée à la faillite de l’État libyen et au vide politique et sécuritaire qui s’en est suivi.
ARRIVÉES MENSUELLES DE MIGRANTS EN MÉDITERRANÉE 2015-2016
Source : OIM.
Ce drame humanitaire constitue un défi majeur pour les pays européens, qui ont décidé, avec une réactivité qui mérite d’être soulignée, la mise en place d’une opération de lutte contre les réseaux de passeurs de migrants. Car c’est bien un drame qui est à l’origine de l’opération EUNAVFOR-MED/Sophia avec la disparition, le 18 avril 2015, de quelque 700 migrants entre Tripoli et Lampedusa.
Quelques jours seulement après cet événement, le 23 avril, le Conseil européen soulignait que l’Union européenne mettrait tout en œuvre pour éviter toute nouvelle perte de vies humaines en mer, pour s’attaquer aux causes profondes de la détresse humaine en Méditerranée, en coopération avec les pays d’origine et de transit, et pour lutter contre les passeurs et les trafiquants d’êtres humains. Le Conseil adoptait alors un plan d’action prévoyant, notamment, la création d’une opération au titre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) et visant à lutter contre les réseaux criminels de passeurs de migrants.
Le 18 mai 2015, le Conseil approuvait le concept de gestion de crise pour une opération militaire PSDC visant à démanteler le modèle économique des réseaux de trafic de clandestins et de traite des êtres humains dans la partie sud de la Méditerranée centrale (76). En conséquence, le 22 juin 2015, l’UE lançait une opération militaire baptisée EUNAVFOR-MED (77) dans cette zone, opération visant à entreprendre des efforts systématiques en vue d’identifier, de capturer et de neutraliser les navires et les embarcations ainsi que les ressources qui sont utilisés ou soupçonnés d’être utilisés par des passeurs ou des trafiquants de migrants.
Il convient de préciser que le mandat de l’opération ne fait pas explicitement référence aux actions de secours aux personnes naufragées (78). Il ne s’agit pas d’une omission mais d’une évidence, dès lors que le sauvetage en mer constitue une obligation non seulement morale, mais juridique, à laquelle sont soumis l’ensemble des navires sans distinction quant à leur nature – civils ou militaires – ou quant à l’État du pavillon. Ainsi, du point de vue « maritime », les personnes fuyant leur pays d’origine pour tenter de rejoindre l’Europe ne sont ni des « migrants » (79) ni des « réfugiés » (80) mais des « naufragés ».
Or, en application des conventions applicables en la matière et, plus généralement, du droit de la mer (81), tout navire est tenu de porter assistance à des naufragés, quel que soit leur statut. Tout capitaine doit porter secours et assistance à un navire ou à une personne en détresse sauf lorsqu’une telle action l’expose à un risque immédiat pour lui-même, son équipage, ses passagers ou son navire.
De fait, les actions de sauvetage ont bien été intégrées dès la mise en place de l’opération européenne. Depuis son lancement et d’après les informations disponibles fin 2016, les unités de Sophia ont directement secouru près de 31 900 personnes au cours de 222 actions de sauvetage. Elles ont également contribué au sauvetage de plus de 41 200 autres migrants, pris en charge par d’autres acteurs (ONG) (82).
L’obligation d’assistance en mer consacrée par le droit international
● Article 98 de la convention de Montego Bay
« Obligation de prêter assistance
1. Tout État exige du capitaine d’un navire battant son pavillon que, pour autant que cela lui est possible sans faire courir de risques graves au navire, à l’équipage ou aux passagers :
a) il prête assistance à quiconque est trouvé en péril en mer ;
b) il se porte aussi vite que possible au secours des personnes en détresse s’il est informé qu’elles ont besoin d’assistance, dans la mesure où l’on peut raisonnablement s’attendre qu’il agisse de la sorte ;
c) en cas d’abordage, il prête assistance à l’autre navire, à son équipage et à ses passagers, et, dans la mesure du possible, indique à l’autre navire le nom et le port d’enregistrement de son propre navire et le port le plus proche qu’il touchera.
2. Tous les États côtiers facilitent la création et le fonctionnement d’un service permanent de recherche et de sauvetage adéquat et efficace pour assurer la sécurité maritime et aérienne et, s’il y a lieu, collaborent à cette fin avec leurs voisins dans le cadre d’arrangements régionaux. »
● Règle 33 du chapitre V de la convention SOLAS (extraits)
« Situations de détresse : obligations et procédures
1 - Le capitaine d’un navire en mer qui est en mesure de prêter assistance et qui reçoit, de quelque source que ce soit, une information indiquant que des personnes se trouvent en détresse en mer, est tenu de se porter à toute vitesse à leur secours en les informant ou en informant le service de recherche et de sauvetage de ce fait, si possible. Cette obligation de prêter assistance s’applique quels que soient la nationalité ou le statut de telles personnes ou les circonstances dans lesquelles elles sont trouvées. Si le navire qui reçoit l’alerte de détresse est dans l’impossibilité de se porter à leur secours, ou si, dans les circonstances spéciales où il se trouve, il n’estime ni raisonnable ni nécessaire de le faire, le capitaine doit inscrire au journal de bord la raison pour laquelle il ne se porte pas au secours des personnes en détresse et en informer le service de recherche et de sauvetage compétent […]. »
DÉCÈS MENSUELS DE MIGRANTS EN MÉDITERRANÉE 2014-2016
Source : OIM.
b. Le mandat, les moyens et le déroulement de l’opération
● Le mandat initial de l’opération était de 12 mois à compter de la date où elle aurait atteint sa pleine capacité opérationnelle (83). Sophia se décline en trois phases :
– phase 1 : collecte d’informations et organisation de patrouilles en mer pour détecter les filières de trafiquants ;
– phase 2 : arraisonnement, fouille, saisie et déroutement des navires et embarcations utilisés en haute mer par les passeurs puis, dans un second temps, dans les eaux territoriales libyennes en cas d’accord du gouvernement libyen ou dans le cadre d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies ;
– phase 3 : attaque à terre des embarcations, navires et ressources ad hoc servant aux trafiquants de migrants.
La phase 2 a démarré le 7 octobre 2015. Elle s’est traduite par la mise en œuvre de six navires, dont la frégate française Courbet, et sept avions et hélicoptères, dont un Falcon 50 français engagé ponctuellement. Actuellement, c’est le patrouilleur de haute mer (PHM) Commandant Ducuing, qui est affecté à l’opération. Il devrait notamment être chargé du contrôle de l’embargo sur les armes à destination de la Libye. Plus précisément, l’opération est entrée dans sa phase 2A d’intervention dans les eaux internationales. La phase 2B correspondrait à une action dans les eaux territoriales libyennes : elle nécessiterait au préalable soit un mandat de l’ONU, soit une autorisation du gouvernement libyen.
À l’automne 2015, l’opération a changé de dénomination pour être rebaptisée en l’honneur de Sophia (84), une petite fille née le 24 août 2015, d’une mère Somalienne secourue avec 453 autres migrants, à bord de la frégate allemande Schleswig-Holstein qui croisait en Méditerranée centrale dans le cadre de ce qui était alors l’opération EUNAVFOR-MED. Sur proposition de Mme Federica Mogherini, Haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, EUNAVFOR-MED prendra le nom de cette petite fille, elle-même prénommée d’après le surnom donné à la frégate allemande.
● L’opération Sophia, qui mobilise actuellement 25 États membres (85) et dont l’état-major opérationnel est basé à Rome, est passée par plusieurs phases :
– en juin 2015 : s’est opérée la génération de forces avec le rassemblement des unités participantes et la collecte de renseignement sur les réseaux criminels opérant en Libye ;
– depuis le 7 octobre 2015 : l’action contre ces réseaux a débuté (86), tout en restant limitée à la haute mer en respect de la souveraineté de l’État libyen. Il est en effet impossible aux unités de Sophia d’entrer et d’agir dans les eaux territoriales libyennes sans invitation du gouvernement libyen reconnu. De fait, les passeurs se sont adaptés et ne s’aventurent plus au-delà eaux territoriales libyennes ; ils ne transportent plus les migrants mais se contentent de les mettre à la mer. Aussi, en dehors des missions purement militaires à l’image des missions ISR, les bâtiments militaires ne font pas autre chose que les autres navires civils, et il peut paraître insatisfaisant de mobiliser de coûteux moyens militaires pour assurer des missions que réalisent d’autres acteurs tels que des ONG (87) ;
– le 20 juin 2016, le Conseil de l’Union européenne a prorogé jusqu’au 27 juillet 2017 le mandat de l’opération Sophia et l’a renforcé en y ajoutant deux tâches de soutien (88) : la formation des garde-côtes libyens et de la marine libyenne ; et une contribution à la mise en œuvre de l’embargo des Nations unies sur les armes, en haute mer, au large des côtes libyennes. Le 30 août et le 6 septembre 2016, le comité politique et de sécurité (COPS) (89) a autorisé le commencement de ces deux nouvelles tâches.
ZONES D’OPÉRATION RESPECTIVES DE SOPHIA (a), DE TRITON ET DE L’OTAN EN MÉDITERRANÉE
(a) : situation antérieure à l’extension de la zone d’opération de Sophia en juin 2016
Source : House of Lords, European Union Committee.
● En termes capacitaires, l’opération Sophia mobilise les moyens militaires suivants :
– six navires : le porte-avions léger italien Garibaldi, navire-amiral de l’opération, le PHM français Commandant Ducuing, le bâtiment de ravitaillement allemand Main, la frégate espagnole Navarra, le bâtiment multirôles hydro-océanographique britannique HMS Echo et le navire d’assaut amphibie italien San Giorgio ;
– trois hélicoptères : un espagnol et deux italiens ;
– et trois moyens aériens : un Merlin luxembourgeois, un Vigma espagnol et un Falcon 50 français.
Il convient de préciser l’opération a d’abord été dotée d’un budget commun d’un montant de 11,82 millions d’euros pour une période de 12 mois (90). Pour la période allant du 28 juillet 2016 au 27 juillet 2017, le montant de référence s’élève à 6,7 millions d’euros. Au-delà de ce financement commun, les moyens militaires et les personnels nécessaires sont fournis par les différents États contributeurs, qui en assument la charge (coûts de fonctionnement et frais de personnel).
● D’après les analyses de l’Organisation internationale des migrations, la physionomie des flux a changé en 2016, avec une décroissance du nombre de migrants provenant de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan et, parallèlement, un accroissement du nombre de migrants en provenance d’Afrique, notamment du Nigeria et d’Érythrée. Fin mai 2016, le premier groupe représentait 68,5 % des arrivées totales. À la fin du mois de novembre, cette part était descendue à 42,8 %. Ces changements sont liés à la fermeture de la route des Balkans et à l’accord conclu entre l’Union européenne et la Turquie, lequel a naturellement conduit à une diminution des arrivées en Grèce.
NATIONALITÉS DES MIGRANTS ARRIVÉES EN ITALIE ET GRÈCE EN 2016
(arrivées cumulées au 30 novembre 2016)
Source : OIM, Monthly Flows Compilation Report, 11 janvier 2017.
c. Revue stratégique de l’opération
Quelques semaines avant la fin du mandat initial de l’opération – laquelle, en vertu de l’article 13 de la décision 2005/778, devait prendre fin « au plus tard douze mois après avoir atteint sa pleine capacité opérationnelle (91) » – une revue stratégique de Sophia a été présentée au Conseil de l’Union européenne. Cette revue avait vocation, d’une part, à analyser les changements intervenus en termes opérationnels après un an de mise en œuvre et, d’autre part, à proposer au Conseil les modifications à opérer le cas échéant afin d’adapter le dispositif. Les développements qui suivent présentent les principaux enseignements issus de la revue stratégique ainsi que le retour d’expérience attaché à l’opération, notamment quant aux résultats obtenus dans les domaines où elle a reçu mandat pour agir.
● Sur la collecte de renseignement et l’organisation de patrouilles en mer pour détecter et surveiller les filières de passeurs (phase 1)
Il apparaît tout d’abord que l’opération s’est trouvée confrontée à deux facteurs limitants. Le premier tient à la disponibilité à éclipses des moyens ISR, ce qui a parfois limité sa capacité à collecter de l’information pertinente. Le second est la contrainte juridique liée à l’impossibilité pour les bâtiments et aéronefs d’opérer dans l’espace de souveraineté libyen.
Toutefois, Sophia a permis d’aboutir à une connaissance fine des réseaux de passeurs et de leur modèle économique. Cette activité représente plus de 50 % des revenus disponibles dans certaines villes de la région Tripolitaine, la plupart des départs de migrants repérés par les unités déployées dans le cadre de Sophia s’opérant à partir de la zone côtière qui s’étend de Zouwârah à Homs – la ville de Sebha (92), située à l’intérieur des terres, représentant également un point nodal pour les réseaux de passeurs. Au titre de 2015, et d’après les informations diffusées dans la presse, on estimait que les revenus tirés du trafic de migrants avaient atteint 4,5 milliards d’euros en Libye, soit plus du tiers du PIB national (93).
● Sur l’arraisonnement, la fouille, la saisie et le déroutement des navires et embarcations utilisés en haute mer par les passeurs (phase 2A)
Il ressort du retour d’expérience que la présence accrue des moyens de Sophia en haute mer a effectivement perturbé l’organisation des trafics et qu’elle s’est traduite par une diminution du nombre de trafiquants et de passeurs dans ces zones. L’effet dissuasif de Sophia a toutefois une contrepartie moins positive puisque les passeurs ont en fait adapté leur dispositif en conséquence : ils « n’accompagnent » plus les migrants durant la traversée mais se contentent de les guider hors des eaux territoriales libyennes, le cas échéant équipés de moyens de navigation et de communication afin de passer des appels de détresse.
Lorsque l’opération a été lancée, les passeurs et trafiquants utilisaient en majorité des embarcations en bois, susceptibles d’être récupérées et réutilisées. Elles permettaient en outre d’embarquer quelque 400 personnes en moyenne, ce qui représentait un profit d’environ 500 000 euros par traversée.
De plus en plus, ce sont des pneumatiques qui sont utilisées pour effectuer la traversée (94). Bien qu’encore moins aptes à prendre la mer que les embarcations de bois et ne pouvant transporter autant de personnes, ils s’avèrent plus aisés à obtenir et moins onéreux à l’achat et représentent dès lors un retour sur investissement substantiel.
Selon le premier bilan de l’opération tracé à la mi-juin 2016, soit quelques semaines après la présentation de la revue stratégique au Conseil, 71 trafiquants présumés avaient été arrêtés et remis aux autorités judiciaires italiennes et 139 embarcations utilisées dans le cadre de trafics avaient été neutralisées (95). Si l’on met en rapport ces résultats avec le seul budget commun de fonctionnement de l’opération mobilisé au cours de sa première année de mise en œuvre – 11,8 millions d’euros entre juillet 2015 et juillet 2016 –, on peut légitimement s’interroger sur la disproportion entre les moyens engagés et les effets obtenus, sachant en outre que ne sont pas pris en compte les coûts opérationnels supportés par chaque État contributeur (coûts de fonctionnement des unités – navires et aéronefs – et frais de personnels).
Fin octobre 2016, soit un an après le début de la phase 2 de lutte contre les réseaux de passeurs, on dénombrait au total 96 passeurs ou trafiquants présumés arrêtés et 337 embarcations neutralisées (96). Selon le dernier bilan disponible établi au 31 décembre 2016, 101 individus suspectés de trafic avaient été remis aux autorités judiciaires italiennes, 372 embarcations avaient été neutralisées et 253 actions relatives à la mise en œuvre de l’embargo des Nations unies avaient été entreprises.
● La prorogation de l’opération et l’extension de son mandat et de la zone d’opération
Conformément aux recommandations formulées lors de la revue stratégique, le Conseil de l’Union européenne a prorogé d’un an, jusqu’au 27 juillet 2017 le mandat de l’opération Sophia.
En outre, il a complété son mandat en ajoutant deux nouvelles missions :
– la formation des garde-côtes libyens et de la marine libyenne ;
– la participation à la mise en œuvre de l’embargo des Nations unies sur les armes en haute mer au large des côtes libyennes (97).
Le processus de formation avait débuté avec la signature, le 23 août 2016, d’un accord de coopération entre le contre-amiral italien Enrico Credendino, commandant de Sophia, et le commodore libyen Abdallah Toumia, commandant de la garde-côtes libyenne et de la sécurité portuaire. La formation proprement dite – d’une durée de plusieurs mois – a commencé le 27 octobre, 78 garde-côtes libyens ayant été sélectionnés à cet effet.
Sa zone d’opération a par ailleurs été étendue à l’est, à la hauteur de la frontière entre la Libye et l’Égypte.
d. Une opération paradoxale, de nombreuses questions en suspens
● À maints égards, l’opération Sophia est une opération paradoxale. Tout d’abord, si elle a effectivement permis aux États concernés d’acquérir une connaissance plus précise des mécanismes du trafic de migrants et si elle a en partie perturbé l’organisation de ce trafic, elle est condamnée à l’inefficacité au regard de son mandat.
En effet, d’une part et conformément aux règles de droit international, la lutte effective contre les réseaux de passeurs est suspendue à la délivrance d’un mandat du Conseil de sécurité des Nations unies ou à une invitation des autorités libyennes. À ce stade et dans un futur prévisible, l’une comme l’autre de ces hypothèses semble hors d’atteinte.
D’autre part, en réalité, jusqu’à très récemment l’action menée par les unités déployées dans le cadre de Sophia n’était pas celle pour laquelle elle avait reçu mandat. Les actions de sauvetage, pour essentielles qu’elles soient, relèvent en effet de la simple application des obligations découlant du droit de la mer. En revanche, comme cela a été rappelé, les résultats concrets de la lutte contre les passeurs et trafiquants se sont révélés somme toute modestes eu égard aux moyens engagés.
En somme, Sophia a rempli et continue de remplir une mission humanitaire de grande valeur mais qui ne figure pas dans son mandat et qui, au surplus, incombe par principe à l’ensemble des navires, civils ou militaires, sur toutes les mers du globe et en toutes circonstances.
En revanche, elle n’a manifestement pas rempli la mission « militaro-policière » pour laquelle elle a été mise en place. En effet, si elle « contribue à démanteler le modèle économique des réseaux de trafics de clandestins et de traite des êtres humains dans la partie sud de la Méditerranée centrale » (98), on ne peut soutenir qu’une telle contribution se soit révélée significative et, en tout état de cause, à la mesure des moyens matériels et financiers déployés.
La volonté politique des États contributeurs, le nombre et la qualité des capacités mobilisées ne sont naturellement pas en cause. Mais fondamentalement, Sophia ne remplira pas la mission pour laquelle elle a été créée tant que ses unités ne pourront pas agir dans les eaux territoriales libyennes.
Au-delà de certaines actions parfois évoquées et dont on peine à envisager la mise en œuvre concrète (99), c’est la raison pour laquelle les rapporteurs estiment absolument nécessaire de poursuivre l’action diplomatique au niveau du Conseil de sécurité des Nations unies et en direction des autorités libyennes. Le cas échéant, les États européens ne devraient pas s’interdire d’exercer une réelle pression sur celles-ci, par exemple en conditionnant les actions de formation des garde-côtes libyens à l’accès, dès à présent, des unités de Sophia aux eaux territoriales libyennes. Idéalement, une fois formés, les garde-côtes libyens permettront la poursuite, par procuration, de l’action de Sophia dans les eaux territoriales. Mais la question à court et moyen termes demeure, cette action devant être entreprise au plus vite.
● En lien avec l’extension de la zone d’action de Sophia, les rapporteurs plaident pour une plus grande « militarisation » de l’opération. Un pas a été fait en ce sens suite à la revue stratégique avec la participation des unités de Sophia au contrôle de l’embargo sur les armes à destination de la Libye. Mais pour que Sophia donne toute sa mesure et justifie un tel déploiement, il faudrait que ses unités puissent agir dans les eaux territoriales libyennes.
En revanche, tant que cette zone leur sera interdite, on peut s’interroger sur la mobilisation de moyens militaires coûteux et disposant de technologies et de capacités très avancées pour conduire, à titre principal, de simples opérations de sauvetage. De fait, si les eaux libyennes devaient demeurer inaccessibles, peut-être faudrait-il au contraire envisager une « démilitarisation » au moins partielle de l’opération, au profit d’une « civilianisation » de certaines missions.
Une partie des moyens militaires actuels contribuerait naturellement au contrôle de l’embargo. Une autre partie pourrait continuer de participer aux opérations de secours mais pour ces dernières, le recours aux capacités civiles pourrait être plus largement recherché. L’Union européenne pourrait ainsi participer davantage à l’affrètement de navires civils, directement – en armant des navires – ou indirectement – en participant au financement de structures civiles compétentes dont les rapporteurs tiennent par ailleurs à saluer l’action et le rôle éminents (ONG par exemple). Cela permettrait, d’une part, de redéployer les moyens actuels, par nature précieux et comptés, vers des missions de nature réellement militaire et, d’autre part, de réduire le coût du déploiement tout en continuant à porter assistance aux migrants.
● Un autre paradoxe de Sophia est que, mise en place pour contribuer au démantèlement des réseaux de passeurs, elle aboutit, à certains égards, à consolider leur activité en améliorant leur « offre ». Certes, l’opération a perturbé l’organisation des réseaux – bien que trop modestement – mais dans le même temps, pour les migrants, la présence des unités de Sophia constitue une garantie supplémentaire d’atteindre les rivages européens. Dans une certaine mesure, elle rend donc d’autant plus attractive l’offre des passeurs. Les autorités libyennes le reconnaissent elles-mêmes, si l’on en croit les propos du colonel Tawfik Alskir, commandant des opérations de la garde-côtes libyenne, rapportés par la chaîne d’information britannique Sky News (100).
Les passeurs l’ont rapidement compris qui, successivement, ont d’abord escorté les embarcations de migrants en haute mer et passé eux-mêmes les appels de détresse pour alerter les navires croisant dans les mêmes zones puis, ont laissé les migrants naviguer sans escorte au-delà des eaux territoriales en embarquant du matériel de communication. Ce nouveau mode opératoire peut s’avérer encore plus intéressant pour les passeurs dont certains n’hésitent pas à ne fournir que le niveau de carburant strictement nécessaire aux embarcations pour sortir des eaux territoriales. L’envoyé spécial de l’ONU pour la Libye, M. Martin Kobler ne disait pas autre chose, quoi qu’en des termes plus imagés, lors d’un entretien accordé à la presse française au printemps 2016 (101). De fait le nombre de décès de migrants en Méditerranée rapporté au nombre de traversées – même s’il restera toujours trop élevé – témoigne de l’efficacité des opérations de sauvetage. Ainsi, en 2016, 363 348 migrants sont arrivés en Europe par la Méditerranée et 5 079 sont décédés ou portés disparus, soit moins de 1,4 %.
Il s’agit là d’une conséquence inévitable de la mise en place de Sophia et il n’est évidemment pas question de remettre en cause l’action humanitaire des unités participant à l’opération. Mais c’est un paradoxe qu’il convient malgré tout de garder à l’esprit et qui perdurera tant que les eaux territoriales libyennes resteront un sanctuaire pour les passeurs et que l’action de Sophia restera limitée à la haute mer.
De Frontex à l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes
Le 6 octobre 2016, la Commission européenne annonçait l’inauguration de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. Succédant à Frontex, ses principales missions sont les suivantes :
– surveiller les flux migratoires et effectuer des analyses des risques ;
– assurer le suivi de la gestion des frontières extérieures de l’Union européenne ;
– apporter une assistance opérationnelle et technique aux États membres ;
– soutenir les opérations de recherche et de sauvetage ;
– soutenir, conjointement avec d’autres agences de l’Union européenne, les autorités nationales de garde-côtes ;
– jouer un rôle accru en matière de retour des migrants dans leurs pays d’origine.
Elle devrait bénéficier de moyens accrus par rapport à Frontex. Son budget devrait passer progressivement de 238 millions d’euros à 322 millions d’euros d’ici 2020. Sur la même période, ses effectifs statutaires devraient plus que doubler et passer de 417 à 1 000 personnes. Par ailleurs, une réserve de 1 500 garde-frontières et garde-côtes ainsi qu’un parc d’équipements techniques seront mis à sa disposition par les États membres. La France a ainsi annoncé contribuer à cette réserve à hauteur de 170 personnels issus des forces de sécurité.
II. LES RELATIONS ENTRETENUES AVEC LES MARINES RIVERAINES
Pour la marine nationale, la Méditerranée est une zone essentielle en termes de géopolitique et de relations internationales. Ces relations entretenues avec les pays et les marines étrangères, qui ne peuvent pas se détacher de la vision opérationnelle afin de construire le « temps long » des opérations, sont sous-tendues par trois piliers :
– la coopération opérationnelle : réalisée de marine à marine, avec les flottes engagées dans les mêmes opérations ou entraînements ;
– la coopération stratégique : qui est davantage de nature politique et dont l’instrument principal est l’Initiative 5+5 (102), mais qui en réalité débouche sur peu de réalisations opérationnelles ;
– la coopération industrielle : qui peut être à l’origine de partenariats stratégiques ou opérationnels.
Les partenaires méditerranéens de la France peuvent participer aux trois piliers ou à seulement certains d’entre eux, sachant que l’implication dans un pilier peut initier une dynamique vers les autres.
Par principe et sauf circonstances particulières – actuellement, vis-à-vis de la Syrie par exemple – la marine nationale est susceptible d’entretenir des relations avec l’ensemble des pays riverains de la Méditerranée. Naturellement, ces relations sont plus ou moins développées en fonction des priorités diplomatiques, stratégiques et opérationnelles de notre pays.
Au-delà de la coopération opérationnelle stricto sensu, qu’il s’agisse d’exercices, d’entraînements ou de la participation à des opérations conjointes, les actions de formation tiennent une place essentielle dans la constitution ou le renforcement des partenariats avec les marines riveraines. En outre, la coopération industrielle tend à se développer à mesure que certains pays du bassin méditerranéen s’équipent en matériels français.
A. COOPÉRATION ET EXERCICES OPÉRATIONNELS
1. Avec les pays de la rive nord
● Les principaux partenaires de la marine nationale au nord du bassin méditerranéen sont l’Espagne et l’Italie, mais également le Portugal et Chypre. Avec les trois premiers, la relation bilatérale dans le domaine naval est d’ailleurs encadrée par un plan de coopération validé périodiquement par les états-majors des marines concernées (103).
Force est toutefois de reconnaître que, même avec nos deux partenaires majeurs – Espagne et Italie – la coopération est parfois limitée. En dehors des cadres multinationaux ou supranationaux, la coopération bilatérale peut s’avérer plus difficile.
La situation budgétaire actuelle de l’Espagne limite fortement les possibilités de coopération de l’Armada avec d’autres marines une fois que le pays a contribué aux opérations d’envergure que sont Sophia ou Atalante (104). Les relations entre la marine nationale et l’Armada reposent notamment sur la conduite d’opérations conjointes, en particulier dans le domaine de la lutte contre les narcotrafics (entre 2005 et 2014 essentiellement) ou encore dans le golfe de Guinée. En outre, les bâtiments de la marine nationale effectuent en moyenne une soixante d’escale par an en Espagne.
Quant à la marine italienne, les rapporteurs ont pu constater au cours de leur déplacement à Rome qu’elle était « consumée » par les opérations successivement mises en place dans sa zone de responsabilité (105). En outre, le pays mène des opérations nationales de protection de ses intérêts, mais celles-ci demeurent des opérations de bas de spectre de type « action de l’État en mer », au détriment des opérations de haut du spectre de type défense antiaérienne ou lutte anti-sous-marine. Aussi la coopération avec la Marina militare se trouve limitée du fait de la perte de savoir-faire de celle-ci dans certains domaines.
Les relations avec Chypre tiennent surtout à l’accueil que réserve le pays aux escales françaises (une trentaine effectuée en 2015) et à la coopération en matière de SAR et d’évacuation de ressortissants (106). Il convient également de noter que la coopération avec la composante navale de la Garde nationale chypriote s’effectue dans le cadre d’un accord de coopération en matière de défense conclu en 2010.
Avec le Portugal, on notera en particulier la coopération aux opérations menées dans le golfe de Guinée (107) et la participation régulière à des exercices dans les domaines amphibie et lutte anti-sous-marine, celle-ci étant toutefois limitée par la disponibilité des navires portugais engagés dans des activités opérationnelles.
Il convient de préciser qu’au-delà des relations bilatérales, les interactions entre la marine nationale française et les autres marines de la rive nord se déroulent également dans un cadre multilatéral (OTAN par exemple). Elles peuvent aussi se traduire par la participation à des exercices et des entraînements spécifiques organisés par la France. Tel est par exemple le cas avec la participation des marines portugaise et espagnole à des exercices de lutte anti-sous-marine.
● La coopération avec les autres pays de la rive nord reste à ce stade limitée, voire inexistante.
Avec la Turquie, la coopération bilatérale se limite ainsi à quelques escales et à la participation à des exercices organisés dans le cadre de l’OTAN. Il est vrai que les relations difficiles que la Turquie entretient avec la Grèce et Chypre ne facilitent pas la conduite d’actions de coopération.
Avec la Slovénie, la Croatie, le Monténégro et la Grèce, la coopération est naturellement limitée du fait de la modestie des capacités navales de ces pays (108) ou des difficultés budgétaires qu’ils rencontrent et qui limitent leur contribution aux activités communes (Grèce).
Aucune coopération n’est entretenue avec l’Albanie – hormis les escales d’opportunité – et la Bosnie.
2. Avec les pays de la rive sud
Les activités de coopération opérationnelle (ACO) menées avec les pays de la rive sud du bassin méditerranéen sont organisées, selon le partenaire, sur une base annuelle ou bisannuelle. Globalement d’un bon niveau, elles permettent de maintenir et de renforcer les liens entre la marine nationale française et les autres marines riveraines afin :
– de renforcer leurs capacités dans le domaine de la sécurité et de la sûreté maritimes ;
– de les accompagner dans la maîtrise de nouvelles capacités (109) ;
– de développer l’interopérabilité entre les deux flottes.
● Sur la rive sud, deux partenaires se détachent nettement.
L’Égypte constitue naturellement notre partenaire principal, engagé, comme la France, dans la guerre contre le terrorisme. Le pays est un pilier de stabilité, qui entretient des relations de bonne entente avec Israël et qui fait figure de « tampon » entre la Syrie et la Libye. L’Égypte est en outre la « porte cochère » de l’entrée vers l’océan Indien. Or, sans la possibilité de passer par le canal de Suez, l’action de la marine nationale serait singulièrement compliquée (110).
La coopération entre les marines française et égyptienne prend corps avec l’exercice biannuel aéromaritime Cleopatra. Par ailleurs, un exercice Ramsès d’interactions avec le groupe aéronaval français au large d’Alexandrie a été organisé au mois de mars 2016.
Le Maroc est le deuxième partenaire de la rive sud. La vente d’une FREMM au Royaume chérifien a permis à sa marine de franchir une marche opérationnelle et de dynamiser le partenariat avec la France au-delà de l’exercice annuel de sécurité et de sûreté maritimes Chébec, qui était devenu quelque peu routinier. De fait avec le Maroc – comme avec l’Égypte – la coopération va beaucoup plus loin que la simple organisation d’exercices communs. Ainsi, la France assure des actions de formation des marins marocains avec l’envoi chaque année d’un bateau marocain auprès de la force d’action navale. Un partenariat entre l’École navale française et l’École royale navale marocaine a d’ailleurs été conclu en avril 2015. Par ailleurs, une coopération bilatérale dans le domaine de la lutte contre les pollutions en mer a été relancée dans le cadre de l’Initiative 5+5. La coopération est donc réelle et complète, et d’autant plus importante du fait de la position stratégique du Maroc par rapport au « verrou » de Gibraltar.
Au-delà de ces deux pays avec lesquels la France entretient une relation particulière, il convient également d’évoquer Israël, avec qui la coopération est certes plus discrète mais prend progressivement de l’ampleur. En témoignent la multiplication des escales de la marine nationale dans le port de Haïfa et l’organisation de l’exercice annuel Carmel. Les autorités militaires israéliennes expriment par ailleurs une volonté forte de développer le champ des coopérations bilatérales dans certains domaines (domaine sous-marin, déminage, etc.).
● La coopération est en revanche peu développée avec les autres pays de la rive sud.
Avec la Tunisie, la coopération est structurellement modeste compte tenu notamment des différences de niveau opérationnel et de la disponibilité des équipements tunisiens. Elle s’est toutefois intensifiée depuis les attentats qui ont touché le pays et se concrétise notamment dans le domaine de la protection défense, avec des audits de protection des bases navales conduits par la force des fusiliers-marins et commandos française. Un exercice annuel, Pangolin, est organisé, dont le thème est alternativement la plongée ou la sécurité et la sûreté maritimes.
L’Algérie dispose de la marine la plus étoffée et la plus moderne de la rive Sud – Égypte mise à part. L’entente est globalement bonne, bien que le dialogue puisse parfois s’avérer compliqué et les relations routinières. Un exercice de sécurité et sûreté maritimes, Raïs Hamidou, est organisé tous les ans.
Les relations avec le Liban se concrétisent principalement par des escales, au cours desquelles peuvent d’ailleurs se réaliser des coopérations d’opportunité avec, par exemple, l’apport d’un soutien technique de la part de la marine française pour assurer la disponibilité de certains navires libanais. En outre, les éditions 2012 et 2013 de l’exercice bilatéral Cèdre bleu ont permis le transfert de compétences et de savoir-faire à destination de la marine libanaise. Il convient enfin de souligner l’existence d’une commission mixte interarmées réunie sur une base annuelle.
Globalement, les blocages éventuels en matière de coopération tiennent aux différences de cultures opérationnelles, aux difficultés qu’éprouvent certaines marines à conduire des processus de planification, et à l’incapacité de certains États à « voir loin », au-delà de la réactivité ponctuelle et à court terme exigée par les exercices.
3. Avec les pays extérieurs : la relation exemplaire avec les États-Unis
En dehors de la coopération menée par la France avec ses voisins méditerranéens, il faut souligner la relation particulière qui unit la marine nationale avec l’US Navy.
La flotte française est sans conteste la première d’Europe. Fortement engagée sur un grand nombre de théâtres, acteur majeur de l’OTAN, elle est l’une des seules capable de mener des missions sur l’ensemble du spectre opérationnel, notamment dans le « haut du spectre ». Elle est également la première alliée de la marine américaine, ce qui témoigne de son excellence et de sa crédibilité opérationnelles, ainsi que de sa maîtrise de l’ensemble des capacités militaires.
Il faut souligner à cet égard l’événement inédit qu’a constitué la prise de commandement par le porte-avions Charles-de-Gaulle, en décembre 2015, de la Task Force 50 américaine dans le cadre d’Arromanches 2. Le symbole était particulièrement fort et révélateur puisque cette Task force n’avait jusqu’alors jamais été dirigée par une force navale étrangère.
1. Forger des relations mutuellement bénéfiques
Les formations délivrées par la marine nationale aux marins étrangers sont mutuellement bénéfiques. Pour les marines étrangères, elles permettent l’acquisition ou le renforcement de certaines compétences et savoir-faire. Pour la France, il s’agit d’un outil d’influence. Pour les deux marines, elles permettent d’accroître leur connaissance mutuelle et l’interopérabilité de leurs unités.
Les actions de formation, naturellement très liées aux relations nouées au niveau industriel dans le cadre des exportations d’armement, existent avec la plupart des pays de la rive sud. Il peut s’agir d’actions de longue durée, avec l’accueil d’officiers au sein de l’École navale. Il convient toutefois d’être attentif à la préservation des équilibres au sein des écoles (111).
La marine nationale propose également des formations ponctuelles à destination des officiers et officiers-mariniers étrangers pour l’acquisition de compétences et de savoir-faire particuliers (112).
2. Les différentes offres à destination des officiers et officiers-mariniers étrangers
Le principe est que la marine nationale n’offre pas de formations « sur-mesure » aux stagiaires étrangers, mais propose uniquement des formations destinées par ailleurs à son propre personnel. Une telle politique impose un certain nombre de prérequis – dont, en principe, la pratique de la langue française – et limite naturellement le champ des offres possibles puisqu’une partie des formations est interdite aux stagiaires étrangers pour d’évidentes raisons de confidentialité. Les demandes spécifiques de formation seront dès lors redirigées vers un prestataire extérieur, généralement le groupe Défense Conseil International (DCI) dans sa composante navale.
Pour ce qui concerne la formation initiale des officiers, la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) du ministère des Affaires étrangères sélectionne d’abord les pays autorisés à présenter des candidats à l’École navale. Deux voies de recrutement sont possibles :
– l’admission sur dossier en master ;
– l’admission après examen probatoire, celui-ci étant organisé par la mission de défense des pays sélectionnés.
En outre, des échanges de semestres sont effectués avec certains pays européens riverains – Italie et Espagne par exemple – dans le cadre du processus de Bologne. Une extension de cette possibilité est à l’étude avec le Maroc. Par ailleurs, des officiers-élèves sélectionnés par la DCSD sont susceptibles d’embarquer dans le cadre de la mission Jeanne-d’Arc (113). Enfin, des formations opérationnelles, principalement délivrées au Pôle écoles de la Méditerranée de Saint-Mandrier (PEM), mais également dans les écoles de l’aéronautique navale ou encore au service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM) sont proposées.
S’ils ne sont pas éligibles aux formations initiales délivrées en France, les officiers-mariniers des pays riverains peuvent bénéficier de formations opérationnelles dans le même cadre que celui offert aux officiers. Ils peuvent également effectuer des stages « à la carte » et des cycles de formation discontinue par l’intermédiaire de la DCSD.
Il faut néanmoins rester conscient du fait que tout personnel de la marine nationale française affecté à des actions de formation est, potentiellement, un marin en moins disponible pour la conduite de missions opérationnelles. C’est pourquoi la marine promeut les formations proposées par la société DCI, lesquelles sont d’autant plus crédibles qu’elles sont labellisées par la marine nationale afin d’assurer leur conformité aux standards opérationnels et de ne pas dégrader le degré de qualité recherché par les bénéficiaires étrangers.
Les formations de DCI permettent en outre de répondre aux demandes spécifiques qui seraient formulées par le pays d’origine et que la marine nationale ne peut honorer dès lors que, comme cela a été rappelé, elle ne propose aux stagiaires étrangers que les formations délivrées à son propre personnel, sans adaptation (hormis les modules classifiés, qui leur sont interdits). Officiers comme officiers-mariniers sont éligibles aux formations de DCI.
Il convient de souligner que, s’il n’existe pas de concurrence frontale en matière de formation, les pays de la rive sud sollicitent de plus en plus d’autres marines occidentales que la France et notamment les États-Unis (114) dont les capacités en la matière sont très conséquentes. Toutefois, d’après les informations communiquées aux rapporteurs, la France détient un avantage comparatif par rapport aux formations anglo-saxonnes relativement « binaires ». Un candidat échouant aux tests initiaux d’une telle formation n’est pas accepté et ne peut donc pas la suivre une formation anglo-saxonne. La France fait preuve de davantage de souplesse, en adaptant l’offre pour délivrer une formation peut-être moins ambitieuse que prévue, mais néanmoins utile pour le stagiaire.
Les bénéficiaires étrangers des formations assurées, directement ou indirectement, par la marine française en sont très satisfaits, quels que soient le type de formation ou la catégorie de personnels concernés. La forte croissance des demandes en ce sens témoigne de la qualité et du succès de ces formations.
En témoignent également les volontés d’approfondissement de telles relations. Ainsi, des projets partenariats sont actuellement à l’étude entre, d’une part, l’École navale et le PEM de Saint-Mandrier et, d’autre part, les écoles marocaines correspondantes.
Il convient toutefois d’insister sur la nécessaire maîtrise de la langue française, une insuffisante maîtrise de celle-ci s’avérant in fine contre-productive car, d’une part, frustrante pour les stagiaires placés en situation d’échec et, d’autre part, insatisfaisante pour leur pays d’origine dont les attentes en termes de renforcement des compétences de leurs personnels ne seront pas comblées.
STAGIAIRES ÉTRANGERS BÉNÉFICIANT DE FORMATIONS FINANCÉES PAR LA DCSD (a)
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 (b) | |||||||||||
OFF |
OM |
HDR |
OFF |
OM |
HDR |
OFF |
OM |
HDR |
OFF |
OM |
HDR |
OFF |
OM |
HDR | |
Espagne |
1 |
1 |
|||||||||||||
Liban |
5 |
4 |
1 |
6 |
1 |
2 |
1 |
4 |
2 |
1 |
|||||
Maroc |
9 |
29 |
8 |
22 |
3 |
16 |
22 |
5 |
7 |
16 |
3 |
||||
Tunisie |
1 |
1 |
1 |
1 |
3 |
||||||||||
Algérie |
1 |
1 |
|||||||||||||
Jordanie |
2 |
4 |
|||||||||||||
Égypte |
2 |
||||||||||||||
TOTAL |
50 |
42 |
46 |
21 |
26 |
(a) formations continues, discontinues et à la carte
(b) projections
OFF : officiers ; OM : officiers-mariniers ; HDR : hommes du rang
Source : réponses au questionnaire des rapporteurs.
III. LE CONCOURS INDISPENSABLE APPORTÉ PAR LA MARINE NATIONALE AUX INDUSTRIES DE DÉFENSE
A. LA PARTICIPATION ACTIVE ET DÉCISIVE DE LA MARINE AU SOUTIEN AUX EXPORTATIONS
Comme l’avaient rappelé nos collègues Nathalie Chabanne et Yves Foulon à l’occasion de leur rapport d’information consacré au dispositif de soutien aux exportations d’armement (115), le rôle des armées en la matière est indispensable.
Ce soutien aux exportations, ou SOUTEX, regroupe les concours apportés par les armées en soutien des actions commerciales à l’exportation au profit des industriels français, suite à leur sollicitation. Les actions menées dans ce cadre comprennent notamment :
– des démonstrations d’équipements réalisées par des experts militaires, en France ou à l’étranger, notamment à l’occasion de salons ;
– le témoignage apporté en matière de mise en œuvre et d’efficacité opérationnelle des matériels militaires français ;
– la mise à disposition de personnels ;
– la mise à disposition temporaire de matériels dont les industriels ne disposeraient pas au moment requis pour réaliser une démonstration à des clients étrangers ;
– la participation à la formation académique, technique et opérationnelle d’opérateurs étrangers, la demande pour le « label France » étant en augmentation constante.
2. Les actions de SOUTEX menées par la marine en zone Méditerranée
« Soutien remarquable », « relation exceptionnelle », du point de vue des industriels auditionnés par les rapporteurs, l’action menée par la marine au profit des industries françaises à l’export est indispensable.
En matière de SOUTEX, la force de la marine nationale est de pouvoir proposer des matériels et des savoir-faire qui ont été éprouvés en opérations (sea/combat proven). Ce soutien à la base industrielle et technologique de défense (BITD) est pertinent et nécessaire car il s’inscrit dans la construction de partenariats stratégiques.
Compte tenu des succès à l’export rencontrés ces derniers mois par les industriels français dans certains pays de la Méditerranée, la marine a naturellement été sollicitée et a participé activement aux actions de SOUTEX. Celles-ci relèvent, à titre principal, de deux domaines.
Le premier, le plus important, tient à l’accompagnement des contrats déjà signés. Ainsi, la marine s’implique particulièrement dans la formation et l’entraînement des équipages des FREMM vendues au Maroc et à l’Égypte. En 2015, des marins français ont participé à la formation initiale de leurs homologues égyptiens dans le cadre d’actions pilotées par DCI. Au titre de 2016, la marine a conduit un stage d’entraînement opérationnel réalisé au profit de la FREMM marocaine. Elle a également participé à la formation opérationnelle de l’équipage de la FREMM égyptienne, ainsi qu’à la prise en main des BPC, également sous pilotage de DCI.
L’Égypte constitue et va demeurer un exemple emblématique de l’accompagnement dans la durée d’un pays client. L’exportation de plusieurs bâtiments d’envergure – une FREMM, deux BPC, quatre corvettes Gowind – induisant la poursuite et le renforcement des relations sur le long terme compte tenu des besoins de formation associés.
La marine agit également en amont de la signature des contrats d’armement, en soutenant les prospects industriels potentiels. Dans ce cadre l’activité opérationnelle de certains navires en Méditerranée (L’Adroit notamment) permet de mener des actions de SOUTEX lors des escales. Des escales ont ainsi été effectuées à Malte et Chypre en 2015, ainsi qu’en Croatie en 2016.
B. L’ÉTAT DES MARCHÉS ET LES PROSPECTS POSSIBLES
Les développements qui suivent n’ont évidemment pas vocation à fournir un état précis de chaque marché national, tel n’est pas l’objet de la mission. Il s’agit de présenter, dans les grandes lignes, la réalité industrielle et concurrentielle en Méditerranée.
1. Une zone extrêmement concurrentielle
L’importance de la zone Méditerranée au plan industriel découle naturellement de son importance aux plans géopolitique et militaire. Elle ne constitue toutefois pas un marché global et homogène. Même si certaines permanences existent en termes de demande d’équipements, chaque pays représente un marché spécifique en tant que tel compte tenu de son histoire, de sa structure politique et institutionnelle, de ses capacités financières et des liens qu’il entretient avec la France.
La zone reste extrêmement concurrentielle au point de vue industriel. Cette compétition est le fait d’acteurs « historiques » comme l’Italie, l’Allemagne ou l’Espagne, mais également de nouveaux entrants, à l’image de la Turquie, dont l’attitude commercialement agressive en fait l’un des nouveaux concurrents les plus actifs.
Au-delà des acteurs méditerranéens, des industriels extérieurs proposent également leurs produits et équipements dans la zone. Tel est le cas des États-Unis, de la Chine ou encore de l’Australie, laquelle a récemment (116) fourni quatre patrouilleurs de classe Austal à la marine maltaise (117).
2. L’offre française au regard de l’orientation de la demande
La Méditerranée concentre plusieurs séries d’enjeux ayant des répercussions globales, au-delà du bassin méditerranéen stricto sensu et qui, en termes d’équipements, orientent la demande potentielle sur un spectre assez large :
– la gestion des flux migratoires ;
– la protection des routes maritimes ;
– l’affirmation de puissance : la Méditerranée est devenue une zone de démonstration de puissance navale, la mer étant l’une des zones où l’expression de la volonté des États peut s’exercer sans trop d’entraves ;
– le contre-terrorisme maritime.
Compte tenu des enjeux actuels, l’ensemble du spectre des équipements peut être sollicité par les clients. Ainsi, la crise migratoire et ses conséquences accélèrent l’acquisition de moyens de basse intensité : équipements de surveillance – bâtiments et aéronefs –, de contrôle et d’action, systèmes d’information correspondants, etc. En revanche, la démonstration de force par certains États et l’exigence de protection des voies maritimes ravivent l’intérêt des clients potentiels pour l’acquisition de moyens de haute intensité avec les bâtiments de premier rang (FREMM par exemple), ou encore les moyens de détection et de lutte anti-sous-marines. La lutte contre le terrorisme maritime suppose quant à elle l’équipement en hélicoptères lourds notamment.
À cet égard, l’offre française semble bien adaptée car elle est en mesure de proposer la totalité de la gamme de produits – qu’il s’agisse des plateformes ou des systèmes – afin de couvrir l’ensemble du spectre des missions susceptibles d’être conduites par les clients potentiels. Les très bons résultats obtenus à l’export ces dernières années dans le bassin méditerranéen témoignent d’ailleurs de la pertinence du positionnement de l’offre française.
S’il fallait relever un désavantage pour l’industrie française, celui-ci tenait à l’absence de produit intermédiaire entre les frégates lourdes telles que les FREMM, navires très technologiques et très automatisés, et les corvettes telles que les Gowind, moins polyvalentes que les premières. De ce point de vue, l’enrichissement de la gamme avec l’arrivée des frégates de taille intermédiaire (FTI) pourrait constituer un atout non négligeable à l’exportation – ce qui était d’ailleurs l’une des caractéristiques recherchées lors du lancement de ce programme.
C. UNE EXIGENCE : PRÉSERVER AVANT TOUT LES CAPACITÉS OPÉRATIONNELLES DE LA MARINE NATIONALE
Les exportations sont une nécessité (118), notamment pour assurer le passage aux nouvelles générations d’équipements et de systèmes grâce aux ressources qu’elles procurent à l’industrie, ressources susceptibles d’être réinjectées dans les programmes d’armement futurs, la recherche et technologie (R&T) et la recherche et développement (R&D).
Dans le domaine du SOUTEX comme dans celui de la formation, il existe un équilibre à préserver. En effet, le premier client de l’industrie de défense française reste la marine nationale et il ne faut pas « sacrifier » celle-ci sur l’autel des exportations, en réduisant ou en reportant les livraisons qui lui sont destinées pour satisfaire une demande étrangère.
Ainsi, alors que le prélèvement de la FREMM Normandie au profit de l’Égypte a pu se dérouler dans de bonnes conditions sans perturber la capacité opérationnelle de la marine – l’industriel DCNS ayant démontré qu’il pouvait accélérer la cadence des livraisons ultérieures – le prélèvement d’une seconde FREMM aurait été inenvisageable.
La même question se posera avec les FTI, qui ont autant été conçues pour satisfaire les besoins de la marine nationale (119) que pour gagner des marchés à l’export. Au-delà des bâtiments, la question se pose dans le domaine des équipements, notamment les missiles, pour lesquels la marine ne dispose pas nécessairement de stocks conséquents (Exocet ou ASTER par exemple).
CONCLUSION : QUELQUES OBSERVATIONS
Au terme de leurs travaux, les rapporteurs souhaitent formuler plusieurs observations. Il ne leur revient évidemment pas de décider quelles capacités doivent être déployées en Méditerranée, ou de détailler les missions qu’elles doivent remplir. Ils tiennent toutefois à souligner les points suivants.
● La Méditerranée est une zone d’échanges et de transit vitale pour les économies contemporaines. Le principal cardinal de liberté de circulation maritime doit impérativement y être assuré, ce qui nécessite la présence, la mobilisation et le déploiement potentiels de capacités navales en conséquence (moyens ASM notamment).
● Sur l’opération Sophia, les rapporteurs réitèrent leur observation. Tant que Sophia ne pourra pas déployer son action dans les eaux territoriales libyennes, elle sera incapable d’honorer son mandat. Même s’il s’agit d’un dossier sensible pour les autorités libyennes avec des considérations légitimes en termes de souveraineté, une telle action est indispensable. Tout doit donc être entrepris au niveau diplomatique, que ce soit au Conseil de sécurité des Nations unies ou directement avec les autorités libyennes pour obtenir l’accès aux eaux territoriales. Le cas échéant, les États européens pourraient conditionner la poursuite de la formation des garde-côtes libyens à l’obtention d’un tel accès.
Par ailleurs, un rééquilibrage entre les moyens militaires et civils devrait sans doute être envisagé dans l’hypothèse où les eaux internationales libyennes resteraient interdites aux unités de l’opération Sophia.
● Concernant la coopération au sens large et compte tenu des informations recueillies par les rapporteurs sur le fonctionnement de ces deux instances, il conviendrait de redynamiser :
– au niveau opérationnel : le Forum méditerranéen de la fonction garde-côtes ;
– au niveau politique : l’Initiative 5+5, volet « défense » du Dialogue 5+5, même s’il est vrai que celle-ci subit sans doute les conséquences des difficultés rencontrées par l’un de ses membres fondateurs, la Libye. Il conviendrait que cette Initiative débouche sur davantage de réalisations opérationnelles. La France en assure la présidence tournante depuis le 1er janvier 2017, ce qui constitue l’occasion pour notre pays de raviver cette instance.
● Enfin et surtout, les rapporteurs souhaiteraient formuler des observations de portée plus générale et plus prospective concernant l’état des forces navales en Europe compte tenu des risques et menaces actuels. Elles sont valables au-delà du « cas » méditerranéen.
La marine française est la seule marine européenne réellement présente et crédible en Méditerranée, car en mesure d’agir sur l’ensemble du spectre des missions. Au-delà de la capacité, elle en a la volonté, répondant ainsi aux instructions de l’autorité politique. En effet, assumer une responsabilité stratégique – qui n’est qu’un volet de la responsabilité politique – nécessite capacité et volonté.
Or, quelles sont à l’heure actuelle les « vraies » marines en Europe, capables matériellement et prêtes « psychologiquement » à mener tout type de missions et d’opérations, y compris de haut du spectre ? La Royal Navy britannique reste une grande marine mais elle fait face à des défis et blocages majeurs, tant en termes de ressources humaines (120) qu’en termes capacitaires (121). En outre, et pour ce qui concerne cette zone spécifique, la Méditerranée ne constitue plus une zone d’intérêt prioritaire pour elle. La Deutsche Marine, à l’image de l’ensemble des forces armées de ce pays, n’a pas encore manifesté concrètement et substantiellement sa volonté à s’impliquer davantage dans les affaires stratégiques du monde. La Marina militare italienne s’est, en quelque sorte, « démilitarisée », menant quasi exclusivement des opérations de simple garde-côtes et ayant perdu des compétences critiques dans certains domaines essentiels (la lutte ASM notamment). L’Armada espagnole fait face, d’une part, à des problèmes budgétaires et, d’autre part, à des difficultés opérationnelles avec, elle aussi des pertes de compétences (en lutte ASM également).
Il ne s’agit pas faire preuve d’arrogance ou de condescendance, au contraire : les exemples de nos voisins et alliés doivent nous inciter à la plus grande vigilance. Car le temps militaire est un temps long. Porter l’effort de défense et le maintenir à un niveau cohérent par rapport aux menaces, aux risques, aux nécessités et responsabilités stratégiques et aux priorités politiques suppose une rigueur et des efforts constants et durables.
Pour ce qui concerne la marine nationale, la « problématique RH » constitue un sujet d’attention majeur ainsi que l’ont volontiers reconnu les chefs d’état-major de la marine successifs. Notre collègue Gwendal Rouillard s’est régulièrement fait l’écho des tensions pesant sur certaines spécialités au demeurant très différentes – des atomiciens aux fusiliers-marins – tant en amont au niveau du recrutement qu’en aval dès lors qu’il s’agit de fidéliser les personnels (122).
Il est par ailleurs essentiel de ne pas baisser la garde en matière de lutte ASM, à un moment où la menace dans ce domaine est de plus en plus forte ainsi qu’en témoignent les actions menées par la flotte sous-marine russe notamment. C’est pourquoi il est indispensable de remédier rapidement aux problèmes de disponibilité des hélicoptères NH 90, de « tenir » le calendrier de livraison des sous-marins nucléaires d’attaque issus du programme Barracuda – déjà retardé de deux ans – et de réaliser la « trame frégate » avec 15 bâtiments de premier rang (123), voire de la renforcer à l’avenir.
Plus globalement et comme cela a été rappelé à de nombreuses reprises à l’occasion de plusieurs rapports (124), il est impératif que l’Union européenne tienne enfin compte des efforts que la France est souvent bien seule à assumer pour assurer la sécurité non seulement des Français, mais de l’ensemble du continent européen et de ses citoyens. Cela pourrait passer, par exemple, par une neutralisation au moins temporaire d’une partie des dépenses de défense pour le calcul des règles de déficit excessif imposées par le Pacte de stabilité et de croissance.
Si, à la suite notamment d’un éventuel désengagement américain au sein de l’Alliance atlantique, l’Union européenne se voit contrainte d’augmenter son effort de défense, une telle modification des règles budgétaires européennes n’en serait que plus légitime.
Notre marine constitue une force multi-missions unique en Europe, dont il faut conserver et même renforcer les capacités. Comme l’affirmait à raison un autre président américain, Theodore Roosevelt, « Une marine puissante ne constitue pas une provocation à la guerre. Elle représente la meilleure garantie pour la paix. » (125) – une telle appréciation s’appliquant, au-delà des seules forces navales, aux forces armées dans leur globalité.
La commission procède à l’examen du rapport de la mission d’information sur le rôle de la marine nationale en Méditerranée au cours de sa réunion du mardi 7 février 2017.
Un débat suit l’exposé des rapporteurs.
M. Jean-Jacques Candelier. Avant toute chose, je tiens à féliciter nos collègues pour ce travail de qualité. Je ne peux néanmoins m’empêcher de constater qu’il y a bien peu de marins sur le pont pour cette réunion… Premièrement, j’ai cru entendre que la Turquie souffrait plus des Kurdes que de Daesh ; je suis étonné de cette analyse alors que les Kurdes jouent un rôle important dans la lutte contre les djihadistes. Deuxièmement, la marine française, depuis Toulon, déploie une véritable armada en Méditerranée – environ deux-tiers de la flotte hors SNLE et le porte-avions, désormais immobilisé en cale sèche. C’est cette situation qui nous conduit à sous-traiter à la Royal Navy un certain nombre de missions sur la façade atlantique. Cette stratégie date. Elle ne tient ainsi pas compte de l’extension de notre zone économique exclusive, qui place la France au deuxième rang mondial en termes de surface maritime, ni de l’apparition de nouvelles zones de tensions dans l’océan Pacifique. Dans ces conditions, ne devrions-nous pas alléger le dispositif en Méditerranée, ou du moins en réduire la voilure ? Enfin, je m’interroge sur la redondance des missions effectuées par notre marine et celles menées dans le cadre de l’opération européenne Sophia, qui lutte contre toutes les formes de trafic sur le même espace.
M. Philippe Vitel. Votre rapport est très complet et j’ai hâte de pouvoir le lire en détail. S’agissant de Sophia, vous l’avez indiqué, le gouvernement libyen reconnu n’autorise toujours pas la présence des bâtiments déployés dans le cadre de cette opération dans ses eaux territoriales. J’avais cru comprendre que cette question devait être abordée lors du Sommet européen organisé à Malte, le 3 février dernier. Pourtant, si les conclusions de ce Sommet, dont je viens de prendre connaissance, font état d’une augmentation des moyens consacrés notamment à la formation des garde-côtes libyens, rien n’est dit sur la mise en place d’une ligne de protection dans les eaux territoriales libyennes, dont l’utilité est reconnue par chacun. Il est indispensable que la communauté internationale convainque la Libye que ce projet ne constitue pas une ingérence, mais permettra d’assurer une meilleure protection de tous, plus proche des ports d’origine.
Je souhaiterais également évoquer nos capacités aéromaritimes, et en particulier nos capacités de surveillance. La rénovation des Atlantique 2, souvent sujette à débats, constitue un enjeu alors que la disponibilité opérationnelle de ces appareils atteint ses limites. La lenteur du programme de rénovation pose-t-elle, selon vous, des difficultés d’un point de vue capacitaire ? De même, la faible disponibilité de nos appareils nous place-t-elle en porte-à-faux vis-à-vis de nos alliés ?
M. Michel Voisin. Je prends la parole en tant que représentant du président de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Je me suis rendu à Malte comme en Italie et, je l’avoue, je me pose beaucoup de questions sur l’opération Sophia. Alors que l’Italie consacrait 10 millions d’euros à l’opération Mare Nostrum, l’Union européenne, qui logiquement a pris la suite des autorités italiennes, a d’abord consacré deux millions d’euros à l’opération Sophia, avant de porter ce montant à hauteur de 12 millions. Toutefois, les résultats n’évoluent pas et le nombre de migrants périssant en Méditerranée croît de manière exponentielle. Vous avez indiqué le nombre de passeurs arrêtés mais je crains que cela ne soit pas le cœur du problème. Or, lorsque l’on met bout à bout les moyens affectés, je me demande si, au fond, on ne dépense pas tant d’argent pour se donner bonne conscience, et au fond, pour ne faire que des ronds dans l’eau…
M. Gwendal Rouillard. Félicitations à nos rapporteurs pour ce rapport que je lirai avec attention. Au cours des dernières années, la France s’est rapprochée de ses partenaires de la rive sud. Par ailleurs, l’Union européenne comme l’OTAN, à la demande de la France, ont mené des discussions avec ces partenaires. Je m’interroge toutefois sur la cohérence de certains dispositifs, et notamment sur notre stratégie et nos moyens de surveillance de la Méditerranée. Techniquement nous sommes bien sûr capables d’installer sur toutes les rives des radars ou d’autres moyens de surveillance, mais politiquement, on peine à avancer alors même que c’est collectivement que nous sommes confrontés à la menace terroriste. D’après vous, au terme de vos auditions, vous semble-t-il possible de disposer d’un système de surveillance globale, pour décupler nos moyens de surveillances, par exemple dans le cadre du Dialogue 5+5 ?
M. Yves Fromion. Je m’étais rendu avec notre collègue Joaquim Pueyo en Sicile, sur un bateau italien, au contact des réalités que vous évoquez. Dans la continuité de ce qui vient d’être dit, il me semble que, s’agissant de la crise migratoire, nombre de pays européens cherchent avant tout à se donner bonne conscience. Ne soyons pas dupes : la Libye profite largement des flux financiers liés au trafic de migrants, essentiellement en provenance d’Afrique de l’Ouest. Ce à quoi nous assistons en l’espèce est une amplification d’une migration ancienne, due à la misère et aux difficultés économiques. Elle continuera tant que les pays d’émigration ne joueront pas le jeu.
Mais lorsque l’on nous dit, comme l’a fait le ministre de la Défense ici même et dans l’hémicycle, que nous ne pouvons pas pousser notre dispositif plus avant dans les eaux territoriales libyennes, ce n’est pas acceptable. Il y a pourtant un hôpital italien à Tripoli, et nombre d’autres choses en Libye. Quand on veut, on peut ! Chacun le sait ici, les eaux territoriales ne font l’objet d’aucun contrôle. Nous nous donnons bonne conscience en affrétant des bâtiments qui, au fond, accompagnent et sécurisent le trafic migratoire. Les marins italiens avec lesquels je me suis entretenu sont scandalisés de ce qu’on leur demande de faire ; il faut en être conscient ! C’est de notre faute si les migrants se noient ! On peut se réfugier derrière le cadre légal ou l’ordre public international pour ne pas stopper ces trafics, mais c’est bien peu de choses face aux vies humaines. C’est bien pour sauver des vies que nous avions agi lorsque nous avons arrêté les troupes de Mouammar Kadhafi à Benghazi. On pleure dans les journaux, mais nous sommes responsables, et le Parlement français porte une lourde responsabilité devant l’Histoire en acceptant de jouer ce jeu les yeux bandés.
M. Alain Marleix, co-rapporteur. En réponse à Jean-Jacques Candelier, nous coopérons avec le Royaume-Uni dans l’intérêt des deux pays, conformément aux traités qui nous lient. La Royal Navy n’est pas très présente en Méditerranée et il lui arrive aussi de faire appel à notre marine. Cette coopération est ancienne et encadrée.
M. Jean-David Ciot, co-rapporteur. Je tiens à préciser que, s’agissant de l’appréciation du niveau de menace pesant sur la Turquie entre les Kurdes et Daech, nous n’avons fait que présenter la position de l’État turc. Leur appréciation de la situation, différente de la nôtre, les conduit à déployer leurs capacités selon leurs propres priorités. Dans le rapport, vous le verrez, nous avons fait un inventaire précis des menaces et des forces en présence. S’agissant de l’allégement de notre engagement en Méditerranée, je ne crois pas que cela soit possible au regard de l’intérêt stratégique de cet espace comme de la situation internationale. La stratégie du pivot envisagée par l’administration Obama, et dont on attend de voir ce qu’elle deviendra sous l’administration Trump, va également dans ce sens. Je partage par ailleurs l’avis d’Alain Marleix sur notre coopération avec les Britanniques. Elle s’exprime notamment dans l’océan Atlantique ou encore plus au nord, dans l’intérêt de nos deux pays.
Concernant la cohérence des dispositifs, évoquée par M. Rouillard. Je vous avoue qu’au début de nos travaux, je m’interrogeais également sur les raisons qui nous empêchaient de coopérer de manière plus approfondie avec l’Espagne, l’Italie, la Grèce, voire la Turquie, sur des intérêts stratégiques communs. Il y a en fait plusieurs explications. D’abord, l’état et la nature des forces ne sont pas les mêmes. Ensuite, les modalités d’engagement sont différentes. Ainsi par exemple de l’Espagne. Si les enjeux militaires sont principalement côtiers, le processus de décision repose plusieurs ministères, compétents pour le commandement des opérations selon la nature des missions menées. En France, le ministère de la Défense, par le biais du préfet maritime, est la seule autorité de commandement. De même, si l’Italie dispose de réelles capacités militaires – deux porte-aéronefs, des FREMM – elle n’est pas en mesure de les utiliser militairement car elles ne servent quasiment qu’à des fins humanitaires. Les conditions d’engagement des bâtiments sont donc différentes. C’est pourquoi je suis quelque peu réservé sur un approfondissement de la coopération vers un dispositif plus intégré.
C’est également ce constat qui m’amène à plaider pour le maintien de notre défense sur la totalité du spectre, reposant sur des moyens et des compétences garantis sur le long terme. La marine, je le rappelle, ne s’appréhende qu’à long terme. Au-delà de la croyance des uns et des autres dans la règle des 3 %, je pense d’ailleurs que nous devrions réfléchir à sortir une partie des dépenses de défense pour le calcul des règles de déficit excessif.
J’ajoute que la situation de dépendance dans laquelle se trouvent les Britanniques vis-à-vis des Américains dans certains domaines ne facilite pas toujours l’approfondissement de notre coopération suivant un mode plus « intégré » qu’aujourd’hui.
Les régimes politiques des pays riverains de la Méditerranée, au sud, et le caractère parfois relatif de leur stabilité dans la durée ‒ en Algérie, par exemple ‒ peuvent également freiner le développement de coopérations très intégrées avec les pays concernés. Au nombre des facteurs de risques de déstabilisation de ce pays et au-delà de la question de la succession du président de la République, il faut aussi compter l’évolution du prix du pétrole, dont l’effondrement a largement vidé les réserves financières sur lesquelles repose traditionnellement la stabilité du régime algérien.
Pour toutes ces raisons, je ne crois pas qu’il serait avisé pour nous de baisser la garde en Méditerranée.
J’en viens à l’opération Sophia, et à son relatif échec ‒ ou, du moins, au fait que l’opération n’ait pas répondu totalement aux ambitions de son mandat. La situation s’explique par le fait que les moyens militaires de l’opération Sophia n’ont pas la possibilité d’opérer dans les eaux territoriales libyennes. Faut-il que nous y pénétrions sans mandat ?
M. Yves Fromion. Certainement pas !
M. Jean-David Ciot, co-rapporteur. Ce n’est en effet pas possible, et cela changerait très profondément la nature de notre intervention dans un contexte politique compliqué, où la rivalité entre le Premier ministre libyen et le maréchal Haftar conduit chacun à essayer de montrer qu’il maîtrise les eaux territoriales libyennes. Nous n’en avons pas moins de lourdes responsabilités.
J’ajoute que même si le champ d’intervention de l’opération Sophia était étendu aux eaux territoriales libyennes, il n’en recouvrirait toujours pas pour autant la totalité des zones d’actions des filières de passeurs et de trafiquants. En effet, ces filières ne s’organisent pas seulement dans les ports ; elles prennent leurs racines à l’intérieur des terres. La ligne des côtes libyennes n’est en réalité que notre dernière ligne de défense en Méditerranée avant notre territoire national, et la tenir ne nous dispensera pas d’un dispositif de défense de l’avant, dans le Sahel.
M. Alain Marleix, co-rapporteur. Pour compléter les réponses de mon collègue montrant la nécessité de notre présence en Méditerranée, je tiens à souligner combien le nombre de navires de premier rang a tendance à s’accroître : on en compte aujourd’hui soixante-dix à quatre-vingt, appartenant à diverses puissances qui, pour certaines comme l’Algérie ou la Tunisie, n’avaient pas de tradition très forte de puissance maritime militaire. Le Maroc, dont la flotte se partage entre deux mers, dispose aujourd’hui de sept navires de premier rang, dont une FREMM ; l’Algérie en a cinq ou six, l’Égypte onze, l’Espagne huit, l’Italie vingt-sept ‒ d’ailleurs déployés exclusivement en Méditerranée ‒, la Turquie vingt-quatre, la VIe flotte américaine compte quatre frégates de premier rang et un bâtiment de commandement, etc. Ajoutez à cela que viennent croiser en Méditerranée des marines qui n’y étaient pas présentes il y a quelques années, comme le montre le déploiement d’un porte-avions russe, ou les passages réguliers de la marine chinoise. Tout cela fait du monde, pour une mer de superficie relativement modeste. Ajoutez aussi, concernant l’Algérie, que l’effort d’équipement ne porte pas uniquement sur l’acquisition de navires, mais aussi sur la modernisation de la base de Mers-el-Kébir, qui offre de remarquables possibilités avec ses eaux froides et profondes, où un sous-marin peut demeurer longtemps sans être repéré.
Quant aux incertitudes politiques qui justifient que l’on ne baisse pas la garde, elles ne concernent pas seulement l’Algérie. La situation de la Libye appelle elle aussi une grande vigilance : certes, le pays est peu peuplé, mais sa superficie et la longueur de ses côtes lui confèrent une position stratégique.
Voilà des éléments dont il faut avoir bien conscience, et qui justifient que l’on ne relâche pas l’effort sur le terrain.
M. Michel Voisin. J’aimerais ajouter que, concernant les flux de migrants, j’ai appris qu’une organisation commune à plusieurs pays du sud de l’Europe avait établi trois centres d’accueil de migrants, dont la capacité d’accueil s’élève à mille ou mille cinq cents personnes. Selon mes informations, ces centres ne comptent qu’une centaine de réfugiés, car la plupart de ceux qui y arrivent s’orientent immédiatement vers le sud de l’Italie, d’où ils remontent vers l’Europe de l’ouest.
*
* *
La commission autorise à l’unanimité le dépôt du rapport d’information sur le rôle de la marine nationale en Méditerranée en vue de sa publication.
ANNEXE :
AUDITIONS ET DÉPLACEMENTS DE LA MISSION D’INFORMATION
(Par ordre chronologique)
1. Auditions :
Ø Institut de recherche stratégique de l’École militaire – M. Pierre Razoux, directeur du domaine de recherche « pensées stratégiques comparées » ;
Ø Ministère de l’Économie et des finances – M. Jean-Michel Thillier, chef de service - adjoint à la directrice générale des douanes et des droits indirects, Mme Isabelle Peroz, sous directrice de la programmation, du budget et des moyens, M. Lionel Fend, chef du bureau en charge des moyens d’intervention des services et de la coordination aéromaritime et Mme Laurence Jaclard, chargée des relations institutionnelles – Élus ;
Ø État-major de la marine – Mme le vice-amiral Anne Cullerre, sous-cheffe d’état-major « Opérations aéronavales » (ALOPS), M. le capitaine de vaisseau Laurent Lebreton, chef de l’état-major « opérations aéronavales » et M. le capitaine de vaisseau François-Xavier Polderman, officier chargé des liaisons parlementaires ;
Ø Thales* – M. Pierre-Éric Pommellet, directeur général adjoint Systèmes de mission de Défense, M. l’amiral (2S) Stéphane Verwaerde, conseiller défense – marine, et Mme Isabelle Caputo, directrice des relations institutionnelles ;
Ø Secrétariat général de la Mer – M. Michel Aymeric, Secrétaire général et M. Alain Riveron, chargé de mission auprès du Secrétaire général ;
Ø État-major de la marine – M. le contre-amiral Hervé Bléjean, sous-chef « relations internationales » (ALRI) et M. le capitaine de vaisseau François-Xavier Polderman, officier chargé des liaisons parlementaires ;
Ø GICAN* – M. Patrick Boissier, président, et M. Hervé Croce, responsable des relations institutionnelles ;
Ø DCNS* – M. Hervé Guillou, président-directeur général, et M. Fabien Menant, directeur des affaires publiques ;
Ø Armateurs de France – Mme Cécile Bellord, déléguée générale adjoint – affaires juridiques et fiscales, et M. Patrick Rondeau, responsable sécurité sûreté.
2. Déplacement en Italie – Rome (du 6 au 7 juin 2016)
Ø Ambassade de France en Italie – Mme l’ambassadrice Catherine Colonna, M. le général de brigade Jérôme Lockhart, attaché de défense, M. le capitaine de frégate Sacha Bailly, attaché naval et M. Félix Butin, deuxième conseiller ;
Ø État-major de l’opération Sophia – M. le vice-amiral Giovanni Gumiero, chef d’état-major du Centro Operativo Interforze (COI), M. le contre-amiral Gilles Humeau, commandant adjoint de l’opération Sophia, M. le colonel Paolo Fabbri, chef conduite du COI, M. le lieutenant-colonel Fabio Pontiroli, IIIe bureau « plans et stratégie » de l’état-major des armées italien ;
Ø État-major de la marine italien – M. le vice-amiral d’escadre Raffaele Caruso, major général de la marine et M. le capitaine de vaisseau Gianfranco Annunziata, IIIe bureau « plans et stratégie » ;
Ø Camera dei deputati – M. le député Francesco Saverio Garofani, président (Parti démocrate) de la IVe Commission – Défense, Mme la députée Rosa Maria Villecco Calipari, vice-présidente (Parti démocrate) de la IVe Commission – Défense.
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.
1 () Rappelons également que, jusqu’à une date relativement récente à l’échelle de l’histoire du bassin méditerranéen, la France elle-même était séparée en deux par la Méditerranée du fait de l’existence des départements français d’Algérie.
2 () Uppsala Conflict Data Program, Department of Peace and Conflict Research.
3 () Soit les conflits causant directement la mort de plus de 1 000 personnes par an. Ils sont en cours dans les pays suivant (par ordre décroissant de létalité) : Syrie, Irak, Afghanistan, Yémen, Nigeria, Soudan, Libye et Somalie.
4 () Sur le sujet de la piraterie, voir notamment Assemblée nationale, avis n° 1860 de M. Nicolas Bays, fait au nom de la commission de la Défense nationale et des forces armées sur le projet de loi relatif aux activités privées de protection des navires (n° 1674).
5 () Organisation mondiale du tourisme, Faits saillants OMT du tourisme – édition 2015.
6 () D’après le bureau américain d’études géologiques (U.S. Geological Survey) Assessment of Undiscovered Oil and Gas Resources of the Levant Basin Province, Eastern Mediterranean, mars 2010, cité par David Amsellem, Politique étrangère – Hiver 2016-2017.
7 () BP Statistical Review of World Energy, juin 2016.
8 () Department of Defense, Sustaining U.S. Global Leadership : Priorities for 21st Century Defense, janvier 2012.
9 () « U.S. economic and security interests are inextricably linked to developments in the arc extending from the Western Pacific and East Asia into the Indian Ocean region and South Asia, creating a mix of evolving challenges and opportunities. »
10 () « Accordingly, while the U.S. military will continue to contribute to security globally, we will of necessity rebalance toward the Asia-Pacific region. » (souligné dans le texte).
11 () À cet égard, la décision du président Trump de retirer les États-Unis de l’accord de partenariat transpacifique (TPP) – traité de libre-échange auquel la Chine n’était pas partie – n’est pas sans susciter des interrogations.
12 () Avec par exemple et malgré ces tensions, la conclusion d’un accord portant sur la fourniture à Israël d’une aide militaire d’un montant de 38 milliards de dollars sur la décennie 2019-2028, accord qui constitue même, d’après le Département d’État américain, « le plus important engagement d’assistance militaire bilatérale dans l’histoire des États-Unis ».
13 () Conclu entre l’Union européenne et la Turquie, l’accord du 18 mars 2016 prévoit l’expulsion vers la Turquie de tous les nouveaux migrants en situation irrégulière arrivant en Europe depuis la Turquie à compter du 20 mars 2016. Sont concernés les migrants ne demandant pas l’asile, mais également les demandeurs d’asile dont la demande a été déclarée infondée ou irrecevable conformément à la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale.
14 () Parti des travailleurs du Kurdistan (Partiya Karkerên Kurdistan – PKK) en Turquie, Parti de l’union démocratique (Partiya Yekîtiya Demokrat – PYD) et sa branche armée des Unités de protection du peuple (YPG – Yekîneyên Parastina Gel) en Syrie.
15 () La Chine a construit un terminal à conteneurs à Port-Saïd et détient la majorité des parts du port du Pirée (Grèce). Elle détient également des parts dans les ports de Cherchell (Algérie), de Port-Saïd et d’Alexandrie (Égypte), d’Ashdod et de Haïfa (Israël), d’Ambarli à Istanbul (Turquie), de Gênes et Naples (Italie). Un autre port à conteneurs doit par ailleurs être construit en Algérie.
16 () Assemblée nationale, rapport d’information n° 4384 de M. Jean Glavany au nom de la commission des Affaires étrangères sur la coopération européenne avec les pays du Maghreb, janvier 2017.
17 () Avec, notamment, une réforme des institutions judiciaires.
18 () Ainsi qu’en ont témoigné encore récemment les manifestations qui ont suivi la mort, dans des circonstances tragiques, d’un vendeur de poisson auquel la police avait confisqué sa marchandise.
19 () Baisse du prix du sucre et de l’huile, subventions, exonérations fiscales et douanières par exemple.
20 () Levée de l’état d’urgence, nouvelles lois sur les élections, les partis politiques et les associations par exemple.
21 () L’Algérie entre défis internes et périls extérieurs – entretien avec Denis Bauchard, Questions internationales n° 81, septembre-octobre 2016.
22 () Assemblée nationale, rapport d’information n° 1501 de MM. Axel Poniatowski et Jean-Pierre Dufau au nom de la commission des Affaires étrangères, octobre 2013.
23 () En Algérie, le président de la République est également ministre de la Défense.
24 () Jeune vendeur ambulant qui avait tenté sans succès de récupérer sa marchandise précédemment confisquée par les autorités.
25 () Groupe responsable de l’enlèvement et de l’assassinat du ressortissant français Hervé Gourdel en septembre 2014.
26 () En décembre 2016.
27 () Accord conclu à Skhirat au Maroc en décembre 2015 entre les différentes forces politiques rivales libyennes, et qui prévoit notamment l’établissement d’un conseil présidentiel et d’un gouvernement d’entente nationale.
28 () Depuis mars 2016.
29 () Le 12 janvier, Khalifa al-Ghowel a une nouvelle fois défié l’autorité du Premier ministre al-Sarraj. Ses partisans, armés, ont ainsi occupé pendant plusieurs heures trois ministères (de la Défense, du Travail et des Martyrs, blessés et disparus) à Tripoli même.
30 () Sous la présidence d’Aguila Saleh, le Parlement de Tobrouk continue de s’opposer au Gouvernement de Tripoli et a rejeté à plusieurs reprises la liste du gouvernement d’entente nationale.
31 () Notamment près de la localité d’Al-Arich.
32 () Au-delà de la situation des citoyens égyptiens, plusieurs événements tragiques ont directement concerné des ressortissants étrangers, à l’image du décès du Français Éric Lang, battu à mort dans un commissariat du Caire (septembre 2013), ou de celui du chercheur italien Giulio Regeni dont le corps présentait de nombreuses traces de torture (janvier 2016).
33 () UNHCR, Global trends – Forced displacements in 2015, juin 2016.
34 () Soit 16,1 millions de personnes placées sous le mandat du HCR, auxquelles s’ajoutent 5,2 millions de réfugiés palestiniens enregistrés par l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA – United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East).
35 () 508 millions d’habitants environ en 2015.
36 () Entre les seuls mois de janvier et mars 2011 quelque 23 000 Tunisiens étaient arrivés sur l’île de Lampedusa.
37 () Entre les mois de mars et août 2011, plus de 40 000 migrants d’origine sub-saharienne expulsés par le régime libyen étaient arrivés à Lampedusa et, dans une moindre mesure, en Sicile et à Malte.
38 () Exception faite, notamment, de la dissuasion, les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins étant basés à l’Île-Longue.
39 () Cassard et Jean Bart.
40 () Forbin et Chevalier Paul.
41 () Jean de Vienne et Montcalm.
42 () Brigades de recherches, de protection des installations militaires, et de surveillance littorale.
43 () Le Kalaat Beni Abbes.
44 () Ex-Normandie.
45 () Ex-Vladivostok et Sevastopol.
46 () L’Égypte a confirmé une expression de besoin pour deux navires supplémentaires.
47 () Livrés entre 2013 et 2015.
48 () Déploiement marqué par deux incidents majeurs avec la perte de deux avions de chasse, un Mig-29 et un Sukhoï Su-33.
49 () Arrêté du 22 mars 2007 établissant la liste des missions en mer incombant à l’État dans les zones maritimes de la Manche-mer du Nord, de l’Atlantique, de la Méditerranée, des Antilles, de Guyane, du sud de l’océan Indien et dans les eaux bordant les Terres australes et antarctiques françaises.
50 () Technique utilisée par les trafiquants de drogue pour acheminer rapidement des quantités de stupéfiants grâce à l’utilisation d’embarcations ou de véhicules très puissants.
51 () Créé par un accord du 25 novembre 2009 conclu entre la France, l’Italie et la Principauté de Monaco, le sanctuaire Pelagos consiste en un espace maritime de 87 500 km² visant à assurer la protection des mammifères marins qui le fréquentent.
52 () Gérés par l’Organisation maritime internationale (OMI), les DST sont établis dans les zones où le trafic maritime est particulièrement dense afin de le réguler, notamment pour éviter les risques de collision.
53 () Services du Premier ministre, Défense, Budget, Transports, Industrie, Intérieur, Santé, Environnement, Justice, Agriculture et Pêche, Emploi, Équipement, Culture, Affaires étrangères, Recherche, Outre-mer.
54 () Opération menée par l’aviso Commandant Birot, avec l’assistance du remorqueur de haute mer algérien El Moussif. La quantité de cannabis transportée par le Luna-S était estimée à 20 tonnes, soit une valeur marchande de 50 millions d’euros.
55 () À titre d’exemple, le parc marin du golfe du Lion, le premier de Méditerranée, s’étend jusqu’à 40 miles de la côte.
56 () Accord signé le 22 juillet 2002 et portant coopération technique et assistance mutuelle entre la France et l’Espagne en matière de sauvetage et de lutte antipollution dans le golfe de Lion.
57 () Signé le 10 mai 1976, l’accord doit son nom aux premières syllabes des trois villes qui limitaient sa zone de compétence lors de sa signature: Saint-RAphaël, MOnaco et GÊnes. Il est complété, en 1993, par un plan d’intervention pour la lutte contre les pollutions marines accidentelles en Méditerranée dénommé RAMOGEPOL.
58 () À titre d’exemple, aucune réunion ne s’est tenue en 2015 lorsque la présidence du forum était assurée par le Maroc.
59 () Suite à l’interception du Luna-S, avec une saisie de quelque 20 tonnes de cannabis.
60 () Par exemple sur le modèle de l’attentat contre le destroyer américain USS Cole en 2000 dans le port d’Aden au Yémen.
61 () Pour davantage de précisions sur le EPE, voir Assemblée nationale, avis n° 1860 de M. Nicolas Bays, fait au nom de la commission de la Défense nationale et des forces armées sur le projet de loi relatif aux activités privées de protection des navires (n° 1674).
62 () Assemblée nationale, proposition de loi n° 2964 pour l’économie bleue.
63 () En application du II nouveau de l’article L. 5442-1 du code des transports, créé par l’article 61 de la loi n° 2016-816 du 20 juin 2016 pour l’économie bleue.
64 () Intelligence, Surveillance, Reconnaissance.
65 () Opérations Lévrier.
66 () Menée dans le cadre de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL), depuis le 23 mars 1978.
67 () Avec le déploiement du bâtiment hydrographique et océanographique Beautemps-Beaupré.
68 () En application de la convention de Montreux du 20 juillet 1936 concernant le régime des détroits qui détermine les conditions de navigation dans les détroits des Dardanelles, du Bosphore et dans la mer de Marmara, il est interdit aux navires de guerre de croiser en mer Noire de manière permanente. L’article 18 de la convention stipule ainsi que : « Quel que soit l’objet de leur présence en Mer Noire, les bâtiments de guerre des Puissances non riveraines ne pourront y rester plus de vingt-et-un jours. »
69 () Son dernier engagement remonte à la période du 18 novembre 2015 au 16 mars 2016 (dans le cadre d’Arromanches 2).
70 () Soit un NH90, un Dauphin Pedro et une Alouette III.
71 () Soit plus de 60 % des 177 frappes réalisées dans le cadre d’Arromanches 3.
72 () Pour plus de précisions sur l’ATM du porte-avions, voir Assemblée nationale, avis n° 4130 tome 5 de M. Gwendal Rouillard, « Défense – Préparation et emploi des forces : marine », fait au nom de la commission de la Défense nationale et des forces armées sur le projet de loi de finances pour 2017 (n° 4061).
73 () S’ajoutent à ce budget, prévu pour 12 mois jusqu’au 27 juillet 2016, les coûts de fonctionnement et les frais de personnels afférents aux moyens militaires déployés et qui sont assumés par chacun des pays contributeurs.
74 () Pour la nouvelle période de 12 mois allant du 28 juillet 2016 au 27 juillet 2017.
75 () House of Lords, European Union Committee, Operation Sophia, the EU’s naval mission in the Mediterranean : an impossible challenge, 14th Report of Session 2015-16.
76 () Décision (PESC) 2015/778 du Conseil du 18 mai 2015 relative à une opération militaire de l’Union européenne dans la partie sud de la Méditerranée centrale (EUNAVFOR MED).
77 () EU Naval Force – Mediterranean sea.
78 () Cf. articles 1er et 2 de la décision 2015/778 précitée.
79 () Hors cas des réfugiés, les migrants peuvent être définis comme des personnes ayant quitté leur pays natal, généralement pour des raisons économiques, afin de s’établir dans un autre pays et sans que leur intégrité physique soit en danger. Voir notamment le protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, mer et air, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, adopté en 2000, dit protocole de Palerme.
80 () En application de l’article 1er de la convention signée à Genève le 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et du protocole relatif au statut des réfugiés conclu à New York le 31 janvier 1967. En substance, le réfugié migre pour des raisons de sécurité ou de sûreté. Le réfugié est un individu ayant quitté le pays dont il possède la nationalité ou dans lequel il avait sa résidence habituelle et qui craint avec raison d’y être persécuté « du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques » et qui, du fait de cette crainte, ne peut ou ne veut réclamer la protection de son pays d’origine (pour les nationaux), ou y retourner (pour les simples résidents).
81 () Notamment :
– l’article 98 de la convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 (United Nations Convention on the Law of the Sea – UNCLOS) dite convention de Montego Bay :
– et la règle 33 du chapitre V de la convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer conclue à Londres le 1er novembre 1974 (dite convention SOLAS – Safety Of Life At Sea).
82 () Service européen pour l’action extérieure, communiqué de presse, 27 octobre 2016.
83 () Article 13 de la décision 2015/778 précitée.
84 () Décision (PESC) 2015/1926 du Conseil du 26 octobre 2015 modifiant la décision (PESC) 2015/778 relative à une opération militaire de l’Union européenne dans la partie sud de la Méditerranée centrale (EUNAVFOR MED).
85 () Autriche, Allemagne, Belgique, Bulgarie, Chypre, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie et Suède.
86 () Elle comprend l’arraisonnement, la fouille, la saisie et le déroutement, en haute mer, des navires et des embarcations soupçonnés d’être utilisés pour la traite d’êtres humains ou le trafic de migrants.
87 () Notamment SOS Méditerranée, avec son navire affrété l’Aquarius, Migrant Offshore Aid Station (MOAS, basée à Malte) avec le Phoenix, ou encore Médecins Sans Frontières avec le Bourbon Argos.
88 () Décision (PESC) 2016/993 du Conseil du 20 juin 2016 modifiant la décision (PESC) 2015/778 relative à une opération militaire de l’Union européenne dans la partie sud de la Méditerranée centrale (EUNAVFOR MED opération SOPHIA).
89 () Le COPS suit la situation internationale dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune et de la politique de sécurité et de défense commune.
90 () Jusqu’au 27 juillet 2016.
91 () D’après le contre-amiral Gilles Humeau, commandant adjoint de l’opération entre mars et septembre 2016, cette pleine capacité opérationnelle a été atteinte le 27 juillet 2015 (Assemblée nationale, audition du contre-amiral Gilles Humeau par la commission de la Défense nationale et des forces armées, mardi 24 mai 2016, compte rendu n° 51).
92 () Les trafiquants et les passeurs utilisent les routes commerciales traditionnelles partant du Mali, du Niger et du Tchad et qui, depuis des siècles traversent la ville pour remonter vers le nord et les côtes libyennes.
93 () Les Échos, Libye : le trafic de migrants pèse 4,5 milliards d’euros, 15 février 2016.
94 () Dans 80 à 90 % des cas de sauvetage effectués durant les premiers mois de l’année 2016, l’embarcation utilisée était un canot pneumatique.
95 () Déclaration de Mme Federica Mogherini, haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, 14 juin 2016.
96 () Service européen pour l’action extérieure, communiqué de presse, 27 octobre 2016.
97 () Résolution 2292 du Conseil de sécurité des Nations unies, 14 juin 2016.
98 () Article 1er de la décision 2015/778.
99 () Par exemple l’interdiction, par l’ONU, du commerce des embarcations pneumatiques à destination de la Libye.
100 () http://news.sky.com/story/eu-operation-encourages-illegal-migrants-10315017.
101 () Interrogé sur l’efficacité de Sophia, M. Kobler répondait dans ces termes : « Non, bien au contraire! Elle crée un appel d’air ! Elle ne patrouille pas dans les eaux territoriales libyennes. Les passeurs mettent donc les migrants dans les bateaux et ne leur donnent même plus l’essence suffisante pour aller jusqu’à Lampedusa. Ensuite, ils appellent le numéro d’urgence en Italie leur disant : "Eh, préparez-vous, 500 vont arriver !" » (entretien au Journal du dimanche, 29 mai 2016).
102 () Lancée en 2004, il s’agit du volet « défense » du Dialogue 5+5 lancé en 1990 et qui constitue le plus ancien cadre de rencontre entre pays du bassin méditerranéen. Il regroupe, d’une part, cinq États de la rive sud membres de l’Union du Maghreb arabe (Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie et Tunisie) et, d’autre part, cinq États de la rive nord membres de l’Union européenne (France, Espagne, Italie, Malte et Portugal).
103 () Tous les 18 mois avec l’Espagne et l’Italie, tous les ans avec le Portugal.
104 () Première opération navale de l’Union européenne au titre de la PSDC, lancée en 2008, Atalante vise à lutter contre la piraterie dans l’océan Indien, au large des côtes somaliennes.
105 () Mare Nostrum et Mare Sicuro.
106 () Avec, par exemple, la participation de la frégate de défense aérienne française Forbin à l’exercice multinational Argonaut 2015 organisé par Chypre.
107 () Embarquements croisés, exercices conjoints, participation aux exercices NEMO de coopération et de formation des marines riveraines du golfe de Guinée.
108 () On notera toutefois, pour ce qui concerne la Slovénie et le Monténégro, des escales régulières de chasseurs de mines tripartites français, qui donnent lieu à des embarquements, des démonstrations et des plongées conjointes.
109 () Notamment les FREMM au Maroc et en Égypte ou encore les BPC en Égypte.
110 () Les bâtiments de la marine nationale effectuent une trentaine de transits par le canal de Suez tous les ans.
111 () Ainsi, l’École navale accueille au maximum un tiers de cadets étrangers par an afin de maintenir un équilibre avec les cadets français.
112 () Ces formations s’effectuent notamment à Toulon et Saint-Mandrier.
113 () Ainsi, deux officiers-élèves égyptiens et un marocain y ont participé en 2016.
114 () Le Maroc par exemple.
115 () Assemblée nationale, rapport d’information n° 2469 de Mme Nathalie Chabanne et M. Yves Foulon sur le dispositif de soutien aux exportations d’armement (décembre 2014).
116 () En 2010.
117 () Maritime Squadron of the Armed Forces of Malta.
118 () Sur les différents avantages à retirer des exportations d’armement, voir le rapport d’information n° 2469 précité de Mme Nathalie Chabanne et M. Yves Foulon.
119 () Afin de respecter la trame de 15 frégates de premier rang.
120 () Face à une pénurie de personnels dans certaines spécialités, la Royal Navy a dû faire appel à ses alliés, dont la France, pour lui mettre des marins à disposition.
121 () House of Commons, Defence Committee, Restoring the Fleet: Naval Procurement and the National Shipbuilding Strategy, Third Report of Session 2016-17, 21 novembre 2016.
122 () Voir notamment Assemblée nationale, avis n° 4130 tome 5 de M. Gwendal Rouillard, « Défense – Préparation et emploi des forces : marine », fait au nom de la commission de la Défense nationale et des forces armées sur le projet de loi de finances pour 2017 (n° 4061).
123 () Ce que permettra notamment le lancement anticipé du programme FTI.
124 () Voir par exemple Assemblée nationale, rapport d’information n° 3323 de M. Alain Marty et Mme Marie Récalde sur les conséquences du rythme des opérations extérieures sur le maintien en condition opérationnelle des matériels, fait au nom de la commission de la Défense nationale et des forces armées, décembre 2015.
125 () « A good Navy is not a provocative of war. It is the surest guaranty of peace. », discours sur l’état de l’Union, 2 décembre 1902.
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