SOMMAIRE
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INTRODUCTION 7
CHAPITRE I – L’ÉVOLUTION DE L’AVIATION CIVILE SUR LES QUARANTE DERNIÈRES ANNÉES 9
1. Des avions plus gros et mieux remplis 11
2. Des avions plus économes 12
3. Des avions moins bruyants 13
4. Des avions plus sûrs 14
C. DES GAINS DE PRODUCTIVITÉ IMPORTANTS 16
D. DES AVIONS DE PLUS EN PLUS COMPLEXES 17
E. LE MAINTIEN D’UNE FRAGILITÉ ÉCONOMIQUE 19
CHAPITRE II – LES DÉFIS À VENIR 21
A. LES PERSPECTIVES À LONG TERME 21
1. L’évolution du trafic 21
a) Les prévisions 21
b) Des interrogations sur la fiabilité des prévisions 25
2. La demande en avions 29
a) À l’horizon 2030 29
b) Au-delà de 2030 : les interrogations sur la segmentation de marché 31
3. Le développement de l’intermodalité 32
4. L’évolution des modèles économiques 34
a) Les compagnies à « bas coûts » 35
b) Le modèle des compagnies du Golfe 37
B. UNE QUADRUPLE EXIGENCE 39
1. Des avions plus économes en carburant et en émission de gaz à effet de serre 40
a) Les carburants 40
b) La réduction des émissions de gaz 42
2. L’accroissement des capacités d’accueil des aéroports 44
a) Les grands aéroports européens. 44
b) Les États-Unis 47
c) La Chine 48
3. L’adaptation de la navigation aérienne 48
a) L’Europe 48
b) Les États-Unis 53
c) La Chine 54
4. L’arrivée d’un nouvel acteur : les drones 56
a) L’évolution prévisible de l’usage des drones 56
b) Les interrogations liées à l’utilisation des drones 57
c) La cohabitation des drones avec les autres usagers de l’espace aérien. 57
d) Des enjeux industriels potentiellement importants 60
CHAPITRE III – LES RÉPONSES SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES 61
A. LA CONSTRUCTION AÉRONAUTIQUE 62
1. L’amélioration des architectures 62
a) Un modèle qui s’est imposé 62
b) Une architecture multiusages 63
c) Les équations de réduction des traînées 63
d) La recherche d’architectures innovantes 65
2. Les progrès de la motorisation 71
a) Les turboréacteurs 71
b) Les turbopropulseurs 75
3. Un problème commun : l’exigence de diminution du bruit des avions 75
4. L’avionique 76
a) La transformation des cockpits 77
b) La navigation et la gestion de vol 77
c) Les plateformes informatiques et les réseaux 77
d) La gestion de l’énergie de bord 78
5. Les technologies transversales 79
a) La science des matériaux 79
(1) Les matériaux composites 80
(2) Les alliages métalliques 84
b) Les techniques informatiques 85
c) L’usine du futur 88
B. LES KÉROSÈNES ALTERNATIFS 91
1. Les filières en voie de maturation 92
a) La filière à hydrotraitement des huiles (HEFA) 92
b) La gazification de la biomasse (BTL) 92
2. Les filières en voie de préparation 93
3. Les perspectives de développement 94
a) La faisabilité technologique 94
b) La faisabilité économique 95
C. LES AÉROPORTS 97
1. Les pistes et les parkings 97
2. Les systèmes opérationnels de l’aéroport 98
3. La sécurité 98
4. La fluidité 99
D. LA NAVIGATION AÉRIENNE 100
1. Les données de la modernisation de la gestion du trafic 100
2. Les incertitudes quant au rythme de déploiement du système 103
a) La mise en œuvre d’une interopérabilité mondiale 103
b) La cohabitation du lancement de SESAR avec les progrès du ciel unique européen 103
c) Le tempo de déploiement du système 104
d) La disponibilité de l’espace 105
e) La sûreté et la sécurité des systèmes 105
f) Les hommes 106
CHAPITRE IV – LES DISPOSITIFS DE FINANCEMENT DE LA RECHERCHE 109
1. Le Conseil pour la recherche aéronautique civile française (CORAC) 110
a) Le Grand Emprunt 111
b) Une feuille de route technologique qui n’est pas financée 114
2. Les crédits alloués à l’ONERA 115
CONCLUSION ET PROPOSITIONS 117
ADOPTION PAR L’OFFICE 133
ANNEXES 135
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 137
Essayer de discerner les grands traits d’évolution scientifique et technologique de l’aviation civile à long terme incite, rétrospectivement, à évoquer l’état de ce secteur il y a une quarantaine d’années.
Peu d’aéroports en France et un seul aéroport de ligne à Paris – Roissy ne sera inauguré qu’en 1974 ; nous étions à l’ère de la Caravelle – le premier vol commercial de Concorde n’aura lieu qu’en 1976, les compagnies charters se développaient mais on était loin du « low cost » ; l’électronique de bord et de navigation aérienne était inexistante ou rudimentaire ; un premier TGV venait d’être mis au point en 1971 mais sera abandonné dans sa version thermique – il faudra attendre 1980 pour la première livraison de la version électrique ; il n’y avait naturellement pas d’interconnexion ferroviaire directe avec les aéroports – celle d’Orly se fait, au demeurant, toujours attendre.
En quarante ans, les progrès de l’aviation civile ont été spectaculaires sur chacun des segments d’un secteur, qui est devenu central pour l’économie française.
Mais, cette position, doit-on le rappeler, est le résultat de plusieurs dizaines d’années d’efforts conjugués de l’État, des industriels et des chercheurs.
Qu’en sera-t-il en 2040 ? La France et l’Europe conserveront-elles l’avance acquise ?
L’émergence de nouveaux modèles économiques de transport aérien, la diversification de la concurrence qui, à cet horizon, pourrait ne plus se restreindre au couple « Boeing-Airbus », la perspective d’une raréfaction, et donc d’un renchérissement des carburants, le développement des interfaces hommes-machines dans les avions et dans l’organisation de la navigation aérienne, le déploiement des lignes ferroviaires à grande vitesse, sont autant de variables qui commanderont l’évolution du secteur.
Mais ce ne seront pas les seules.
Les données environnementales et géographiques (urbanisation mondiale dans un contexte où la croissance du trafic exigera l’implantation de nouveaux aéroports ou la construction de nouvelles pistes de moins en moins tolérés par les riverains, exigence de diminution du bruit des avions, de baisse de leur consommation et de leurs émissions en CO2) seront tout aussi décisives.
C’est pourquoi, après un bref aperçu de l’évolution de l’aviation civile depuis le début des années soixante-dix, le rapport s’efforcera :
- de discerner les défis auxquels elle sera confrontée d’ici 2040 ;
- et d’examiner les réponses scientifiques et technologiques qui pourront être apportées à ces défis, ainsi que les traits d’évolution du financement de cet effort de recherche.
CHAPITRE I – L’ÉVOLUTION DE L’AVIATION CIVILE SUR LES QUARANTE DERNIÈRES ANNÉES
De façon probablement moins spectaculaire que d’autres secteurs économiques, comme les technologies de l’information, l’aviation civile a conduit depuis quarante ans une révolution silencieuse qui en a profondément modifié les conditions d’activité.
Cette évolution a été acquise grâce à la croissance de la demande de transport aérien et à l’intégration progressive d’une offre technologique qui a permis de très importants progrès de productivité. Mais, paradoxalement, ce mouvement n’a pas permis de diminuer la fragilité économique du secteur.
En quarante ans, le nombre de voyageurs1 a été multiplié par 10 (et le fret aérien par 14).
Source : ICAO, IATA, Haver
Il est à noter que cette croissance a été :
- étroitement corrélée à la croissance du commerce international et trois fois supérieure à celle du PNB mondial ;
- et, assise sur le développement urbain, en particulier, sur celui des plus grandes villes.
Les 26 agglomérations de plus de 10 millions d’habitants regroupent 20 % du trafic, les 62 agglomérations de plus de 5 millions d’habitants 40 % du trafic, étant précisé qu’une grande partie de ce trafic repose sur les liaisons entre ces agglomérations.
B. LES PROGRÈS SCIENTIFIQUES TECHNOLOGIQUES
Ces progrès ont affecté l’ensemble des composants de la chaîne de valeur de l’aviation civile car il est clair que la croissance du trafic, très fortement concentrée sur les principaux aéroports et dans des espaces aériens dont les approches sont, par définition, limitées, n’aurait pas pu s’effectuer si les aérogares, les pistes et les capacités de traitement de la navigation aérienne n’avaient pas évolué en parallèle aux technologies proprement aéronautiques.
Sur ce dernier point, les progrès conjugués des architectures, des matériaux, de l’avionique et de la motorisation ont permis des avancées importantes.
Les innovations dans ces domaines ont, ainsi, assuré une « révolution tranquille » dont on doit relever la double nature :
- d’une part, une amélioration progressive dans chacun des secteurs qui concourent à la mise au point de nouveaux modèles d’avions,
- mais, d’autre part, des ruptures technologiques fortes comme celles constituées par l’introduction d’une électronique de bord de plus en plus sophistiquée ou l’utilisation des matériaux composites dans les architectures ou les moteurs.
Dernières remarques sur ces progrès :
- de nature technologique, ils se sont aussi nourris de progrès des sciences fondamentales, sans lesquelles ils n’auraient pas pu être développés ;
- la constitution de cette chaîne de valeur scientifique et technologique repose sur des constantes temps très longs : 20 ans pour la mise au point des arbres en céramique des moteurs ; une durée analogue entre la mise au point de nouveaux concepts mathématiques et leur emploi pour créer des logiciels de vérification de logiciels eux-mêmes de plus en plus employés dans la conception des avions.
Cette extension des délais de mise sur le marché (de l’ordre du double du temps qu’il n’en faut pour proposer une nouvelle molécule dans l’industrie pharmaceutique) est une des particularités du secteur. On n’aura garde d’oublier qu’elle a son revers en termes de retour sur investissement.
1. Des avions plus gros et mieux remplis
Si l’on reprend, sur les vingt dernières années, les évolutions comparées du trafic de passagers et du fret, l’on s’aperçoit que ces deux dernières grandeurs ont beaucoup plus progressé que le nombre de mouvements aériens :
Source : Rapport Académie des sciences
En d’autres termes, depuis 20 ans, le volume du fret a été multiplié par 40, le nombre de passagers par 2, alors que les mouvements d’avions n’ont crû que de 20 %.
Ceci s’explique par trois facteurs :
- le développement des capacités d’emport des avions qui n’a pas uniquement porté sur les longs courriers, mais a aussi concerné les courts et moyens courriers,
- les nouvelles technologies de l’information et la diversification des modèles économiques aidant, la croissance du taux de remplissage des avions est passée de 55 % en 1970 à plus de 75 % en 2010,
- l’augmentation (depuis 1990) du nombre des heures de vols quotidiennes moyennes des avions (de 8 heures 30 à 10 heures 30) qui a, principalement, reposé sur l’amélioration de la gestion de la maintenance (qui est devenue elle-même une des contraintes de conception des nouveaux modèles) et sur la croissance des taux de rotation.
Source : ICAO, ACAS
Depuis 1970, l’efficacité énergétique (mesurée en mega joule/km) a été multipliée par 2, aussi bien pour les longs courriers que pour les courts et moyens courriers.
Source : Lee
Pour ne donner qu’une illustration de cette amélioration, on rappellera qu’un Airbus 380 rempli à 80 % ne consomme que 3 l/100 km par passager.
Le bruit des avions a aussi été réduit (de 13 miles2 carrés pour les B 727 des années 1970, au seul aéroport pour le futur B 787, en passant par 1,5 miles carrés pour le B 777 des années 1995).
Mais cette amélioration n’a pas été totalement perçue par les riverains des aéroports car elle a été « couverte » par la progression du trafic. La baisse de l’énergie sonore pondérée des avions n’a donc résulté que de mesures réglementaires (par exemple, la réduction des vols de nuit à Charles de Gaulle, comme le montre le schéma qui suit)3.
Mesurée à la fois par le nombre d’accidents et de décès de passagers, la sécurité du trafic a été multipliée par 5 depuis 1986 :
Source : ICAO
Sur plus longue période, le taux d’accident fatal par million de décollages est passé de 40 en 1955 à 0,7 en 2010.
Par heure de vol, incluant les phases les plus sensibles de décollage et d’atterrissage au cours desquelles 87 % des accidents ont lieu, ce taux est d’un accident par 10 millions d’heures de vol.
Cette diminution est très corrélée avec les générations d’avions. Par exemple, par million d’heures de vol, la famille des Airbus n’a que 0,26 accident mortel contre 4,27 pour la génération du Boeing 707.
Les facteurs qui ont concouru à cette amélioration sont les suivants :
ü La technique des avions
ü La fiabilité des moteurs
ü La redondance des systèmes
ü Les automatismes
ü Les systèmes de navigation
ü L’environnement aéronautique
ü Le contrôle aérien (radar…)
ü Les aides à la navigation et notamment les systèmes qui permettent de surmonter le manque de visibilité
ü Les méthodes de conduite
ü les procédures opérationnelles
ü la formation
ü l’organisation des entreprises et le retour d’expérience des incidents
Mais comme le soulignent les données fournies par le Bureau Enquête accidents (BEA), il existe toujours un grand différentiel de taux d’accidents mortels suivant les régions du monde. Par exemple, ce taux n’est que de 2 aux États-Unis, de 3,1 en Europe, de 2,6 sur l’ensemble Japon-Chine pour 10 millions de vols, alors qu’il est de 47,7 en Afrique et 24,6 en Russie.
C. DES GAINS DE PRODUCTIVITÉ IMPORTANTS
Depuis le début des années 70, le prix de l’unité de transport aérien (passager/km) a diminué de plus de 60 %.
Source : ICAO, IATA
Mais ce progrès, d’autant plus important qu’il ne prend pas en compte les éléments d’amélioration du confort et des services mis à la disposition des passagers, n’est que partiellement imputable aux gains de productivité technologiques (taille et performance aérodynamique des avions, motorisation) et a largement reposé sur la productivité du travail qui a progressé plus de trois fois plus que les autres facteurs.
Source : ICAO, BACK, IMF, OCDE
D. DES AVIONS DE PLUS EN PLUS COMPLEXES
Sous des formes extérieures proches, les avions de ligne d’aujourd’hui sont beaucoup plus complexes que ceux d’il y a une quarantaine d’années :
- les architectures, qui se nourrissent de l’apport croisé des modélisations et des essais en soufflerie de plus en plus sophistiqués, se sont affinées ;
- les matériaux utilisés, qu’il s’agisse des alliages d’aluminium ou de titane ou des générations successives de composites, se sont diversifiés ;
- les moteurs, tout au moins pour ce qui concerne la turboréaction, ont incorporé des technologies transversales qui les ont rendus plus fiables, plus économes et plus faciles à entretenir.
Mais l’apport essentiel des quatre décennies qui viennent de s’écouler est l’introduction de l’électronique embarquée dans tous les systèmes de l’avion, et, au premier chef dans les systèmes critiques des commandes de vol.
Significativement, la première apparition de l’électronique dans ce domaine s’est effectuée sur le Concorde en 1976. Mais il s’agissait d’un système analogique.
Depuis 1984 (A320), l’ensemble de ces systèmes critiques permettent de gouverner les avions commandés électroniquement :
Ces commandes électroniques assurent trois grandes fonctions :
- l’exécution des ordres donnés par les pilotes,
- le maintien de l’avion dans une enveloppe de vol sûre en fournissant aux pilotes des informations sur les comportements pré-critiques de l’avion ;
- un amortissement automatique des oscillations.
Mettre en œuvre ces fonctions exige un volume de lignes de code très important (un million de lignes de code pour l’A380).
Les installer avec une sûreté presque totale a exigé la mise en place d’une double redondance des systèmes logiciels, du câblage et des calculateurs.
L’ensemble de ces redondances est conforté par le fait que chacun des systèmes dupliqués a été conçu et construit par des industriels différents – ce qui exclut des incidents qui seraient imputables à des fautes initiales de conception.
À titre d’illustration de l’efficacité de ces procédures, l’A320 a été préparé pour ne connaître qu’un incident grave de commandes toutes les 10 millions d’heures de vol. Il n’en a pas connu en 50 millions d’heures de vol…
E. LE MAINTIEN D’UNE FRAGILITÉ ÉCONOMIQUE
L’aviation civile repose sur une chaîne complexe d’intervenants (avionneurs, motoristes, aéroports, navigation aérienne). Ce maillage de métiers et de compétences ne vaut qu’en fonction de sa destination dernière : le développement de l’activité de transport aérien.
Or, le transport aérien est une activité qui n’exige pas de savoir-faire particulier – et exclut donc que des positions technologiques dominantes permettent à des compagnies d’éroder l’émergence de la concurrence.
Certes, les grandes compagnies européennes dites de pavillon (AF/KLM, British Airways, Lufthansa) ont pu perfectionner leur offre par la constitution de réseaux reposant sur des alliances et sur des grandes plateformes de redistribution du trafic (hubs). Elles constituent actuellement une offre à moindre prix. Mais cette stratégie est moins pertinente lorsqu’il s’agit de transport point à point en court et moyen courrier et que la concurrence porte essentiellement sur les prix.
Dans ces conditions, on ne s’étonnera pas que dans une activité où les investissements sont considérables (par exemple pour AF/KLM, 2 milliards d’euros par an), la poussée concurrentielle ait abouti à faire du transport aérien un secteur où les marges nettes sont très faibles (de 0,5 % à 1 %).
Il faudra garder à l’esprit cette vulnérabilité relative des grandes compagnies de pavillon lorsque l’on examinera les perspectives de l’aviation civile dans les 30 prochaines années, les défis auxquels elle sera confrontée et l’éventail des réponses qui pourront être proposées.
CHAPITRE II – LES DÉFIS À VENIR
Même si l’Association internationale du transport aérien (IATA) a conduit une étude sur les perspectives d’évolution du secteur à très long terme (« Vision 2050 »), les personnes entendues par votre rapporteur estiment que la lisibilité de l’évolution du trafic aérien – et par voie de conséquence, celle des secteurs qui y concourent – ne peut raisonnablement pas aller très au-delà de 2030.
Mais ce « rendez-vous de 2030 » prend toute son importance, pour deux raisons.
D’une part, parce que c’est à cet horizon que l’on peut pointer l’émergence possible de difficultés à assurer la croissance du trafic, que celles-ci portent sur la consommation de carburant (et donc sur l’émission de gaz à effet de serre (GES)), sur la saturation de la navigation aérienne, ou sur la difficulté d’étendre les capacités aéroportuaires à proximité de très grandes villes.
D’autre part, parce que les constantes de temps de développement d’un avion – sans rupture technologique marquée – sont de l’ordre de 10 à 15 ans et que les avions qui viennent d’être lancés ou qui le seront d’ici 2015 (A 320-Neo, Dreamliner, A 350) arriveront à mi-vie.
Se posera alors, pour les avionneurs et leurs clients, le problème de savoir si les nouveaux modèles devront être étudiés sur la base de l’incrémentation habituelle ou en fonction des ruptures technologiques qui auront émergé d’ici là.
Mais, dès à présent, on peut affirmer que les perspectives d’évolution du trafic à cet horizon proposeront un triple défi aux avionneurs, à l’infrastructure aéroportuaire et aux autorités de navigation aérienne.
A. LES PERSPECTIVES À LONG TERME
Les principales prévisions d’évolution à l’horizon 2030 (Airbus, Boeing, Bureau du transport aérien de l’Organisation de l'Aviation Civile Internationale (OACI)) sont à peu près convergentes sur l’évolution du trafic passagers et de fret (de 4,6 % à 4,8 % par an).
En diverge notablement, à partir de 2020, la projection effectuée par Georges Ville pour le colloque organisé par l’Académie de l’Air et de l’Espace : « Comment volerons-nous en 2050 ? » :
Le rapport d’Airbus Industries (Perspectives 2030) table sur un accroissement du trafic de passagers dans les vingt prochaines années (4,2 % de 1986 à 2010 – 4,8 % de 2010 à 2030), ce qui aboutirait à un doublement du nombre de passagers en 2030 par rapport à 2010.
L’évolution du fret aérien (dont une grande part est transportée dans des avions de ligne) suit une courbe parallèle.
Cette progression du trafic va être beaucoup plus substantielle dans les zones Asie-Pacifique (5,7 %/an) qu'en Europe (4 %) dont le marché est en voie de maturation.
Elle reposera sur deux facteurs d'expansion déjà constatés :
- la croissance du PIB (en 2010, l'Asie a représenté 24 % du PIB mondial, elle en représentera 36 % en 2030).
Cette croissance crée mécaniquement une hausse de la propension à voyager en avion :
Sur ces bases et à titre d'illustration, la croissance du PIB/habitant de la Chine de 5 000 $ à 8 000 $ impliquera 500 000 passagers annuels supplémentaires.
- la poursuite de l'urbanisation
Actuellement, plus de 50 % du trafic long courrier passe par les 39 grandes mégapoles qui enregistrent un trafic moyen de plus de 10 000 passagers par jour et 42 % par les mégapoles qui ont un trafic un peu inférieur.
Le développement de l’urbanisation (de 3,6 milliards d’urbains en 2010 à 5 milliards en 2030) va confirmer cette tendance.
Or, la population urbaine de la Chine progressera d’un peu plus de 600 millions d’habitants à 900 millions d’habitants en 2030, celle de l’Inde de près de 400 millions d’habitants à 600 millions d’habitants.
Et de nouvelles grandes villes vont apparaître :
Ce nouveau paysage urbain se traduira par la création de nouvelles routes longs courriers :
b) Des interrogations sur la fiabilité des prévisions
Dans leur ensemble, ces prévisions, qui comme toutes les modélisations, extrapolent les tendances constatées, apparaissent raisonnables.
Mais leur espérance de réalisation demeure dépendante de la levée de trois interrogations : l’effet d’une hausse du prix du carburant, le maintien d’une préférence pour le déplacement, et la montée de la concurrence des lignes ferroviaires à grande vitesse.
• Le prix du carburant
En raison de la raréfaction probable des ressources d’hydrocarbures, la question se pose de savoir si à certains paliers de prix, la demande de transport aérien ne sera pas affectée.
Certes, on peut estimer que la montée d’une offre alternative d’hydrocarbures non conventionnels pourrait être un facteur de détente des prix, comme pourrait également l’être l’exploration de nouvelles ressources conventionnelles.
Dans le même ordre d’idées, les progrès technologiques des biocarburants de deuxième et troisième génération pourraient avoir des effets analogues à partir d’un seuil de rentabilité, qui est actuellement beaucoup plus élevé que le prix actuel du baril.
Demeure que la poussée de la croissance mondiale, en particulier dans les pays émergents, pourrait être de nature à absorber ces dernières offres.
Or, le prix du carburant représente environ 30 %4 de la charge d’exploitation aérienne.
Une augmentation à terme de l’ordre de 50 % du prix du baril (à 150 $ par exemple) pourrait notablement peser sur la demande de transport aérien.
D’où l’importance des gains technologiques de consommation des appareils.
• Le maintien d’une préférence pour la vitesse de déplacement
L’ensemble des simulations effectuées sur le volume du trafic aérien en 2030 repose sur ce que les spécialistes du domaine appellent le couplage.
En d’autres termes, un point de croissance du PIB apporte un point à la distance moyenne parcourue par personne et par an. Ce couplage n’a été possible, compte tenu de la croissance passée du PIB, que par une substitution des modes de transport.
Cette substitution s’est faite selon le schéma suivant.
Très rapidement, pour un mode de transport donné, la distance quotidienne maximale pouvant être parcourue devient asymptotique. Ainsi, les 40 kilomètres de marche par jour ont-ils été remplacés par les possibilités du cheval, puis du chemin de fer, puis de l’automobile et, enfin, par celles de l’avion.
Or, comme les autres modes de transport, le maximum des distances à parcourir pour un avion de ligne devient elle aussi asymptotique. Ce qui revient à dire que les avantages offerts par le transport aérien plafonnent, comme ont plafonné les autres modes de transport.
D’où une incertitude sur la validité de la projection de ce phénomène de couplage : les avantages relatifs du déplacement par avion plafonnant, les passagers potentiels consacreront-ils plus de temps au transport aérien qu’auparavant ?
Certes, il existe les réserves potentielles de consommation en transport aérien, en particulier dans les pays émergents ; il existe aussi des différences culturelles et géographiques de comportements (70 kilomètres parcourus par jour et par personnes aux États-Unis mais 40 kilomètres en France).
Ces données introduisent un doute sur la validité du postulat de couplage qui permet d’asseoir une prévision de long terme sur le volume du trafic aérien.
• Le déploiement des lignes ferroviaires à très grande vitesse
L’expérience acquise5 prouve que la concurrence entre le transport ferroviaire à grande vitesse et le transport aérien se manifeste autour de durées de transport de 3 heures – 3 heures 30.
En l’état, le déploiement de ces lignes est un phénomène européen et asiatique. Mais, à terme, rien n’exclut que l’Amérique du Nord en fasse l’expérience.
Pour ne prendre que l’exemple de l’Europe, le réseau des TGV et des trains à grande vitesse en 2030 pourrait constituer un maillage assez concurrentiel vis-à-vis du transport aérien :
Source : Commission européenne – High speed Europe/A sustainable link between citizens, 2010
Cette concurrence pourrait devenir plus aigüe, si sur la base du réseau actuel, des gains de vitesse supplémentaires de l’ordre de 100 kilomètres/heure pouvaient être obtenus sur le rail.
Il y aura là un frein incontestable à la croissance de la demande de transport aérien.
C’est au demeurant un phénomène que l’on constate au Japon où l’utilisation interne des transports aériens est moindre qu’aux États-Unis et en Europe.
C’est aussi un phénomène que l’on observera en Chine6, réservoir potentiel de croissance du trafic aérien et où l’état de la navigation aérienne aboutit à des retards de vol très importants.
C’est d’ailleurs pourquoi les experts s’accordent à estimer que les évaluations de la Commission européenne, prévoyant le doublement du trafic de 2020 à 2030 dans l’Union, devraient plutôt viser l’horizon 2040-2050.
L’urbanisation mondiale va donc développer les routes longs courriers.
Mais, le poids des liaisons courts et moyens courriers de chaque grande zone (Amérique du Nord, Amérique du Sud, Europe, Russie, Afrique, Asie) est appelé à rester prépondérant, 58 % du revenu par passager au kilomètre en 2010, 56,3 % en 2030, même si le centre de gravité de ce trafic se déplacera vers l’Asie dont les liaisons intérieures auront le même poids en 2030 que celles cumulées de l’Amérique du Nord et de l’Europe.
Dans ces conditions, le maintien de la prévalence du trafic des avions de taille moyenne, mais également les rythmes respectifs de renouvellement de la flotte, expliquent assez largement les besoins de croissance du parc à l’horizon 2030.
Les avions monocouloirs (de 100 à 200 places) qui représentent aujourd’hui 78 % de la flotte, en représenteront encore 73 % en 2030.
D’ici 2030, un total de plus de 32 000 avions devraient être livrés, dont pas moins de 19 000 avions monocouloirs (type Airbus 320) et à peu près 9 000 avions à grand rayon, dont 1 331 très gros porteurs.
b) Au-delà de 2030 : les interrogations sur la segmentation de marché
Une évidence s’impose : les lignes des appareils et donc les solutions technologiques dégagées ont été, jusqu’ici, identiques :
À terme, ce parallélisme des configurations sur des usages différents suscite une interrogation. Est-il conforme à une optimisation des architectures en fonction des missions des avions ?
Par exemple, sur certains usages, on pourrait concevoir des architectures plus adaptées à des vitesses de croisière moindre, ce qui aboutirait à une baisse importante de la consommation et donc du prix et pourrait correspondre à un segment de marché.
Il va de soi que les solutions qui pourraient être dégagées sur ce point ne sont pas séparables du débat entre rupture et continuité dans la conception des avions qui a déjà été évoqué.
Ce débat sur lequel nous reviendrons est un enjeu important de l’évolution technologique du transport aérien.
3. Le développement de l’intermodalité
Le déploiement progressif des lignes ferroviaires à grande vitesse, nous l’avons noté, a fortement concurrencé les routes aériennes intérieures et continuera à les concurrencer.
Mais l’avion et le rail peuvent être également complémentaires, ce dernier venant à l’appui des grands réseaux de transport aérien constitués autour des hubs.
Actuellement, ce phénomène est plutôt européen (Charles de Gaulle, Lyon-Saint-Exupéry, Francfort, et, dans une moindre mesure, Heathrow), mais rien n’interdit de penser qu’à l’avenir, il ne puisse pas se développer dans d’autres villes européennes – Rome, Amsterdam, sur d’autres continents – en particulier sur la façade Atlantique des États-Unis et en Chine.
En France, un premier bilan de cette intermodalité peut être esquissé :
- ouverte en 1994, la gare TGV de Roissy a accueilli 900 000 passagers en 1999 et 2,5 millions en 2008. Cette augmentation de l’intermodalité, qui repose essentiellement sur des passagers français, aboutit à un volume non négligeable (21 % de l’ensemble des correspondances et 4,1 % du trafic de la plateforme).
À Lyon-Saint-Exupéry, la faible offre de correspondance ferroviaire n’a pas permis un développement aussi important de l’intermodalité (38 000 passagers en 2008).
- une note thématique de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) de novembre 2009 détaille le bilan de cette complémentarité modale,
« À Paris-CDG, 2/3 des passagers TGV-avion (62 %, tout comme en 2005) sont en correspondance de vols long-courriers : Amérique du nord (22 %), Asie-Pacifique (16 %), Afrique sauf Maghreb et Moyen-Orient (14 %), Amérique latine et Caraibes (7 %), Outre-mer (6 %) ; ceux en correspondance de vols avec l’Europe représentent quant à eux 30 % de l’ensemble de ces passagers intermodaux.
30 % des passagers TGV-avion de Paris-CDG empruntent le réseau Méditerranée (Marseille, Avignon, Montpellier) et Sud-Est (Lyon, Valence, Dijon) ; 37 % : les réseaux Ouest (Rennes, Nantes, Le Mans) et Sud-Ouest (Tours, Angers, Poitiers, Bordeaux) ; 21 % utilisent le réseau Nord (Lille principalement) et 10 %, Bruxelles.
Au fil des ans, cette répartition évolue peu.
À partir de Lyon-Saint Exupéry, la répartition géographique des passagers TGV-avion est très concentrée vers le réseau Languedoc (45 %) et Provence-Alpes-Côte d’Azur (33 %).
Sur Paris-CDG, les trajets les plus fréquents en TGV-avion sont « Union européenne-réseau TGV Ouest » : 6 % des trajets observés, « Amérique du nord-réseau TGV Ouest » : 5 % et « Asie-réseau TGV Sud » : 3 %.
Sur l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry, la complémentarité modale est majoritairement utilisée sur des trajets « Union européenne réseau TGV Sud » : 17 %, « Union européenne-réseau TGV Alpes » : 11 % et « Métropole-réseau TGV Alpes » : 11 %. »
En Allemagne, à Francfort, l’intermodalité a été systématiquement développée et un terminal spécifique a été achevé en 2007.
L’offre de correspondance ferroviaire est plus substantielle et concerne également des trains régionaux (174 trains grande vitesse/jour en 2010 et 273 trains régionaux en 2010) et se traduit par un usage plus marqué de l’intermodalité (5,5 millions de passagers par an pour les trains à grande vitesse, 3,3 passagers pour les trains régionaux).
- les liens entre l’opérateur de pavillon national (Lufthansa) et le transporteur (Bundesbahn) sont plus étroits.
*
Le premier bilan de cette complémentarité modale est donc encourageant. Ceci d’autant plus que le déploiement des lignes à grande vitesse en Europe est loin d’être terminé.
Mais plusieurs problèmes demeurent :
- le billet unique air/sol pose des problèmes de coresponsabilité entre les transporteurs en cas de difficulté de correspondance mais aussi des problèmes de compatibilité informatique entre les systèmes de réservation des différents intervenants,
- le circuit de continuité du traitement des bagages est encore embryonnaire,
- et, surtout, les temps de correspondance entre avion et train sont encore plus élevés qu’entre avion et avion.
Ceci affaiblit l’offre d’intermodalité.
À Charles de Gaulle, par exemple, ce temps moyen est de 3 heures 49 – ce qui peut rallonger de façon non négligeable un trajet New-York-Rennes ou Pékin-Bruxelles.
4. L’évolution des modèles économiques
– La demande
Une partie des arbitrages effectués par les passagers entre les compagnies aériennes repose sur les prix.
Mais, à terme, on peut observer :
- une plus grande diversification des clientèles tout au moins pour les compagnies européennes :
- l’apparition de nouvelles exigences de la clientèle (confort pour les personnes âgées7, plus grande fluidité des circuits dans les aéroports et, en particulier, de la chaîne de traitement des bagages).
En outre l’exigence croissante de rester en liaison Internet pendant toute la durée du voyage suppose l’établissement d’un modèle économique pertinent :
– l’intégration des antennes – en principe dans la queue des appareils – pose des problèmes d’aérodynamisme et entraîne des coûts supplémentaires (pour l’aviation d’affaires, ces coûts sont estimés à 2,5 % du coût de l’avion).
– la généralisation des liaisons haut débit et ce, notamment, au-dessus des océans, ne peut se faire qu’à l’aide d’un réseau satellitaire complet.
La question est donc de savoir si ces frais seront inclus dans le prix du billet ou feront l’objet d’une facturation séparée.
– L’offre
Le modèle de croissance des grandes compagnies de pavillon a été, jusqu’ici, adossé à des réseaux d’alliance et à la convergence vers de grandes plateformes redistributrices du trafic long courrier sur des routes moyens et courts courriers.
Ce modèle est doublement menacé :
- sur les liaisons point à point en court et en moyen courrier par les compagnies à « bas coûts » ;
- sur les longs courriers par la puissance montante des compagnies dites du Golfe qui s’efforcent de capter une partie du trafic entre les zones Europe, d’une part, et les zones Pacifique-Océan indien, d’autre part.
Quelle peut être, à terme, l’évolution de cet équilibre ?
a) Les compagnies à « bas coûts »
L’apparition de compagnies à bas coûts a été favorisée, la dérégulation du trafic aussi (à compter de 1978 aux États-Unis, sur la période 1987-1997 dans l’Union européenne). Sur les segments américains et européens, elles représentent environ le quart des effectifs des compagnies.
En termes de trafic, leur taux de progression est spectaculaire.
Ces dernières années, mesurée en sièges par kilomètre offerts sur les lignes moyen courrier intra-Europe, la progression de l’offre des compagnies dites « à bas coûts » a été importante.
SSource : OAG, Air France KLM Datawarehouse
Si l’on écarte les excès8 d’une de ces compagnies, on peut observer les prémisses d’une triple évolution :
• l’effort des grandes compagnies de pavillon pour constituer une offre à « bas coûts » ;
• les tentatives juridiques mises en place ou envisagés pour aboutir à une convergence des coûts.
Aux États-Unis, la loi dite du « chapitre 11 » a permis à certaines grandes compagnies américaines de se mettre en faillite pour se restructurer et réduire les écarts de coûts : la différence de coût unitaire par passager entre une compagnie « major » comme Continental Airlines et les compagnies à bas coûts, mesurée par le bénéfice brut, s’est réduite de 48 % en 2004 à 28 % en 2008.
Une autre voie potentielle de réduction des écarts de coûts serait une rectification de la RSTCA (redevance pour service terminaux de la circulation aérienne) car, en l’état, ces règles de répartition des coûts de navigation font supporter aux compagnies utilisatrices des grands aéroports le surcoût des trafics aériens des compagnies à bas coûts sur les petits aéroports. En 2010, les compagnies à bas coûts ont ainsi contribué à hauteur de 11,5 % des recettes de navigation pour des coûts estimés à 16,4 %.
On observe également une tendance à l’hybridation de certaines compagnies à bas coûts (tarification avec billets flexibles, utilisation des aéroports principaux (c’est-à-dire sans allocation-subvention des chambres de commerce ou des autorités locales comme c’est le cas pour les aéroports locaux décentrés), programme de fidélisation, attention croissante portée à la clientèle d’entreprise – ce qui limite la création de ligne point à point dans des endroits écartés, …).
b) Le modèle des compagnies du Golfe9
Ce modèle repose sur la constitution d’une offre d’intermédiation du trafic entre l’Europe et l’Asie10 : il s’agit de capter une partie du trafic qui est appelé à s’accroître sur ces routes.
Ces éléments constitutifs sont les suivants :
- des plateformes surdimensionnées : Roissy a deux pistes couplées indépendantes, Dubaï en aura prochainement huit. Le trafic passager y est passé de 9 millions de passagers en 1997 à 41 millions en 2009.
- d’importantes flottes de longs courriers gros porteurs (Emirates a commandé ou pris en option 100 Airbus A 380 – chiffre à comparer avec les commandes de 15 unités d’Air France et de Lufthansa). On estime qu’en 2030, Emirates sera la première compagnie mondiale long courrier.
- des régimes fiscaux, sociaux et des taxes aéroportuaires qui introduisent de très importantes distorsions de concurrence (estimées par Air France à 3 milliards d’euros par an).
Dès à présent, cet effort a été couronné de succès puisque ces compagnies ont gagné une part importante du marché sur ce segment entre 2005 et 2010.
Source : DWH Midt, bookings bidirectionnels
Au total, en 5 ans, les compagnies du Golfe ont gagné 5 points de parts de marché sur l’axe Europe-Asie-Afrique-Moyen-Orient dont la majeure partie au détriment de trois grandes compagnies européennes.
Si ce mouvement se poursuivait, il aboutirait en 2016 à la perte de 11 000 emplois en Europe.
Il convient donc d’apporter une attention particulière à l’ouverture des nouveaux droits de trafic. Sur ce point, l’attitude britannique, la plus libérale, a abouti à la perte de plus de 7 points de parts de marché sur l’axe précité, alors que l’attitude allemande beaucoup plus restrictive a permis de limiter les pertes de parts de marché Lufthansa à 2,2 points.
Mais, en filigrane, le problème se complique d’un conflit latent entre les intérêts de l’avionneur européen Airbus, à qui il pourrait être demandé de lier l’achat d’A 380 à l’ouverture des droits de trafic, et ceux des 3 grandes compagnies européennes de pavillon11.
C’est dans le contexte d’une réticence de plus en plus grande des États possédant des « compagnies de pavillon » que les « compagnies du Golfe » ont récemment infléchi leur stratégie ; d’une part en incorporant les réseaux d’alliance constitués par les « compagnies de pavillon » et, d’autre part en développant des prises de participation (par exemple, Aer Lingus et Air Berlin).
L’ensemble des éléments de la chaîne de constitution d’offres de l’aviation sont concernés par les exigences qu’impliquera la croissance de la demande dans le secteur : la construction aéronautique, les filières carburants, les aéroports et la navigation aérienne.
Mais ils le seront de façon très imbriquée.
Votre rapporteur n’en donnera qu’un seul exemple : la limitation des mouvements sur les aéroports implique, à terme, une augmentation des capacités d’emport des avions, mais celle-ci rétroagit sur les créneaux de navigation aérienne car l’écart moyen entre avions, de 2,5 nautiques12, passe à 6 nautiques dans la traînée d’un A 380.
Au total, le maintien à un haut niveau de la progression du trafic aérien introduit une quadruple exigence :
- des avions plus économes en carburant et donc émettant moins de gaz à effet de serre ;
- des aéroports aux capacités d’accueil élargies, tant pour les passagers que pour les avions ;
- et, une navigation aérienne capable d’absorber, en toute sécurité, le ressaut de trafic qui se profile, et la gestion de l’arrivée d’un nouvel acteur : les drones civils dont les perspectives de progression sont impressionnantes et qui devront s’intégrer à la circulation aérienne actuelle.
1. Des avions plus économes en carburant et en émission de gaz à effet de serre
Il n’est pas utile d’insister sur le fait que l’objectif économique de diminution des charges de carburant converge avec l’objectif écologique de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Actuellement, les coûts opérationnels (en incluant l’investissement de l’achat des avions) des compagnies aériennes se répartissent comme suit :
Source : Doganis, 2010
Sur cette base, le prix du kérosène représente donc le quart des dépenses des compagnies aériennes. Mais en fonction des fluctuations du prix du baril, ce quota peut atteindre 30 % des dépenses.
Or, au taux de progression prévisionnel estimé du trafic, la consommation finale pourrait doubler d’ici 2030, si rien n’était entrepris pour limiter la consommation des avions :
Cet accroissement prévisionnel de la consommation de kérosène interviendra dans une période se rapprochant du pic pétrolier, au cours de laquelle on peut estimer que la raréfaction de la ressource aboutira à son renchérissement.
Ceci conduit à s’intéresser au cahier des charges des kérosènes alternatifs.
Le terme cahier des charges n’est pas abusif car ce carburant fait l’objet de normes très rigoureuses établies par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et qui :
- d’une part, évoluent très peu ;
- et d’autre part, impliquent une fongibilité totale d’éventuels carburants de substitution13, ce qui exclut aussi bien la recherche d’économies fondées sur certaines percées technologiques dans la motorisation qu’une partie des carburants alternatifs (éthanol, biodiésel).
b) La réduction des émissions de gaz
L’objectif de réduction des émissions de gaz se décline parallèlement à la nécessité économique d’améliorer l’efficacité énergétique des avions.
En l’état, l’aviation ne représente que 0,9 % des émissions de gaz à effet de serre en France et 2 % à l’échelon mondial.
Mais sans intervention, ces émissions croîtraient spontanément à un rythme proche de celui du trafic (de l’ordre de 3 à 4 %).
C’est pourquoi l’IATA (Association internationale du transport aérien) en 2009 et l’OACI en 2010 se sont fixés des objectifs assez ambitieux (croissance neutre en carbone d’ici 2020 et réduite en 2050, de 50 % par rapport au niveau de 2005) :
Aux termes de cette projection, la diminution de 50 % des émissions devrait être assurée à parité par les progrès technologiques de la construction aérienne, de la navigation et des infrastructures aéroportuaires et, d’autre part, par la montée en puissance de l’utilisation des biokérosènes.
Cette anticipation peut paraître quelque peu optimiste, compte tenu des incertitudes scientifiques et économiques qui pèsent sur le déploiement de systèmes de production de biokérosène14 (cf. chapitre III).
En outre l’aviation a intégré, au 1er janvier 2012, le système européen d’échange de quotas15 (ETS – Emission trading scheme). Les compagnies devront racheter, en 2012, 15 % des émissions de gaz à effet de serre (fixé par un rapport à un plafond de 93 % des émissions moyennes constatées entre 2004 et 2006).
Ce quota est appelé à progresser par pallier d’ici à 2020. L’ensemble des vols au départ et à l’arrivée du sol européen sont soumis à cette règle.
À un prix de 12 euros la tonne de CO2, le coût pour l’ensemble des compagnies est évalué à 1,1 milliard d’euros en 2012 et à 10,4 milliards d’euros en 2020.
Cette directive qui a été jugée conforme au droit européen par la Cour de Justice de l’Union européenne (21 décembre 2011) a été fortement contestée par les compagnies européennes, mais également par plusieurs États (dont la Chine et les États-Unis).
C’est pourquoi l’Union européenne a suspendu son application pour tous les vols reliant les États membres à d’autres continents, ceci afin de permettre à l’OACI de trouver une solution globale. Mais elle a maintenu l’application de l’ETS à l’aviation civile pour tous les vols intra-européens.
Dès lors pour l’année 2012, première année de mise en œuvre de la Directive, chaque exploitant devra certifier sa production de CO2 et présenter les permis d’émission correspondants. Le premier bilan de cet exercice est en cours.
*
* *
Votre rapporteur exposera dans le chapitre suivant les réponses scientifiques et technologiques qui pourraient contribuer à augmenter l’efficacité énergétique de l’aviation civile. Dès à présent, il tient à souligner que les progrès sur ce point ne sont pas uniquement liés à la construction aéronautique (architecture, avionique, matériaux, motorisation et nouveaux carburants) mais qu’ils concernent aussi les autres segments du secteur comme la gestion des aéroports et la navigation aérienne.
2. L’accroissement des capacités d’accueil des aéroports
Face à l’accroissement annoncé du trafic d’ici à 2030 et au-delà, les capacités d’accueil des aéroports mondiaux seront-elles suffisantes ?
Sur ce point, les réponses sont différentes de zones à zones, en fonction des espaces disponibles à proximité des grands centres urbains, des règles de régulation du trafic édictées au regard du degré de tolérance des riverains au bruit, ainsi que des règles juridiques de déploiement de ces investissements, et de leur mode de financement.
À titre d’illustration, le modèle de l’aéroport de Dubaï, avec ses 8 pistes jumelées financées sur le budget de l’Emirat, implanté dans un milieu désertique, ne peut se comparer avec celui des grands aéroports américains et européens.
a) Les grands aéroports européens.
Dans ce domaine, il est nécessaire de garder à l’esprit plusieurs points importants :
- l’accroissement des capacités aéroportuaires rétroagit sur l’emploi. Un million de passagers annuels supplémentaires crée 4 000 emplois directs et indirects. Il en est de même pour 100 000 tonnes de fret,
- la disponibilité des grandes plateformes est un atout pour les compagnies nationales « de pavillon »,
- la mise en oeuvre des capacités aéroportuaires dépend aussi des capacités d’emport des avions et d’accueil de la navigation aérienne,
- les capacités de financement des aéroports ne reposent pas sur les redevances d’utilisation mais sur la location d’espaces (boutiques, espaces loués aux compagnies, parkings).
▪ Les pistes
Actuellement, la situation des principaux aéroports européens se présente comme suit :
Les capacités de l’aéroport Charles de Gaulle, qui reposent sur un système de double piste indépendante (le seul disponible en Europe), permettront d’absorber l’accroissement prévisionnel du trafic d’ici 2030 et d’y porter la capacité d’accueil de l’aéroport à 120 millions de passagers. Ceci sous réserve de quelques aménagements (en particulier, la création de « taxiways » périphériques qui permettent de contourner les pistes de décollage et d’accélérer ainsi les mouvements).
À Londres (Heathrow) et à Francfort, des projets d’extension de pistes existent mais pourraient être contrariés (en particulier, à Londres) par la résistance juridique des populations :
▪ Les aérogares
L’extension des aérogares pose moins de problèmes.
À Charles de Gaulle, outre l’ouverture du satellite 4 (8 millions de passagers par an), les travaux de rénovation permettant d’unifier et d’accélérer les contrôles sont prévus d’ici 2020, portant la capacité d’accueil à 82 millions de passagers par an).
Au-delà, il existe des projets d’extension des aérogares de Charles de Gaulle à l’horizon 2030 (un terminal 4 d’une capacité d’accueil de 30 millions de passagers et un terminal 2 H d’une capacité d’accueil de 6 millions de passagers) :
La situation des États-Unis doit s’apprécier selon des contraintes différentes :
- celles d’un espace continental plus vaste que l’Europe,
- celles d’un espace où le rail n’est que peu utilisé pour les transports des passagers,
- et, celles propres à un espace beaucoup plus déréglementé que l’Europe ;
Il en résulte une pression de trafic par habitant beaucoup plus forte qu’en Europe (490 millions de passagers contre 270 millions en Europe, en dépit d’une population totale moindre), mais également une disponibilité plus grande en matière d’offres aéroportuaires (29 grands aéroports contre moins d’une dizaine en Europe).
Cette offre aéroportuaire ne permet, toutefois, pas d’éviter des retards qui peuvent se compter en heures – en particulier en hiver.
Dans la période récente, le regroupement des compagnies a abouti à une évolution du trafic. Celui-ci a tendance à se concentrer sur un petit nombre d’aéroports (principalement, mais pas exclusivement, Charlotte, Atlanta, Chicago, New York), dont les mouvements ont augmenté du fait de la croissance des rotations sur des localisations jugées plus rentables.
Depuis 2000, dix nouvelles pistes ont été construites, mais les extensions ultérieures pourraient être plus difficiles et plus onéreuses sur certains sites (New York, Los Angeles, San Francisco, Chicago).
Ces goulets d’étranglement potentiels pourraient poser problème si on se réfère aux projections 2011-2040 de la FAA (Federal Aviation Administration)16 qui tablent sur une progression de 119 % du nombre des passagers accueillis dans les 20 principaux aéroports (de 490 millions en 2010 à 1 100 millions en 2040) et sur une évolution proche sur les 36 aéroports de taille moyenne (de 131 millions en 2010 à 252 millions en 2040).
Comme dans tous les secteurs de l’économie, la croissance du transport aérien en Chine est soutenue (17,5 %par an depuis 2005).
D’ici 2015, la Chine a planifié la construction de 70 nouveaux aéroports et l’augmentation de la capacité d’une centaine d’autres.
Cette accélération de l’effort d’équipement aéroportuaire s’effectue en parallèle aux prévisions d’augmentation du trafic, mais également pour essayer de redresser les retards très importants qu’enregistre le transport aérien en Chine (par exemple, les délais d’attente entre Pékin, Shanghai ou Hong Kong peuvent être communément de l’ordre de 3 heures) mais qui sont imputables plus aux contraintes du contrôle aérien chinois qu’aux capacités aéroportuaires.
3. L’adaptation de la navigation aérienne
Le contrôle aérien, de route et d’approche est un des éléments essentiels de la chaîne de valeur de l’aviation civile.
C’est aussi un des domaines de l’aviation où l’on commence à constater des tensions d’usage de l’espace aérien.
• En 2010
Le rapport d’Eurocontrol sur les performances de la navigation aérienne concernant le contrôle de 9,5 millions de vols en 2010 montre :
- que les retards de l’« Air trafic management » (ATM – gestion des flux de trafic aérien), après avoir diminué entre 1999 et 2003, se dégradent depuis cette date – en particulier du fait de la capacité globale du contrôle aérien sur le ciel européen. Par rapport à un retard moyen admissible d’une minute, les retards atteignent 2,8 minutes en moyenne17 en 2010, en dépit d’une croissance globale du trafic modeste ;
- que, d’une façon plus générale, l’année 2010 a été la pire année depuis 2001, en matière de ponctualité du trafic :
– le pourcentage de vols en retard de plus de 15 minutes au décollage et à l’atterrissage est passé de 18 à 25 % ;
– le pourcentage de vols arrivant moins de 15 minutes avant l’heure prévue est passé de 10 à 7 %.
• En 2011
Le rapport correspondant pour 2011 marque une amélioration dans un contexte où le trafic a progressé de 3,1 % puisque le délai moyen de retard est passé de 9,8 minutes à 1,6 minute correspondant à une baisse de 42,1 % pour la navigation de route mais seulement de 19 % pour le contrôle d’approche.
Parallèlement, le pourcentage de vols ayant enregistré un retard de plus de 15 minutes a diminué de 25 % à 18 %.
Mais si l’amélioration de la situation n’est pas contestable, les progrès enregistrés doivent être nuancés parce que la météorologie de 2011 a été plus clémente que celle de 2010 et les mouvements sociaux moins nombreux, comme l’ont été les évènements imprévus (l’éruption du volcan Eyjafjöll).
Il convient également de souligner que la moitié des retards de la navigation en route est imputable à 4 centres de contrôles aériens (Madrid, Barcelone, Athènes et Nicosie). De plus, il est à noter que les trois principaux aéroports européens accueillent 46 % des vols mais supportent 62 % des retards.
Les difficultés du trafic autour des grands aéroports sont confirmées par les tableaux suivants qui montrent que, aussi bien au départ qu’à l’arrivée, les quatre principaux aéroports (Londres, Francfort, Paris, Amsterdam) figurent parmi ceux où les retards sont les plus importants.
Source : Performance Review Report – PRR 2011 - Eurocontrol
À cet effet, il n’est pas inintéressant de relever qu’au départ, les temps de roulage sur piste (taxi-out additional times) sont une des causes principales des retards.
Mais des améliorations liées aux dispositions relatives au « ciel unique européen », qui commencent à être mise en œuvre, pourraient être un facteur de redressement de la situation.
• L’effort de rationalisation engagé dans le cadre du « ciel unique européen »
§ Le constat
À la suite d’importantes perturbations du trafic enregistrées à l’occasion des opérations au Kosovo et en Serbie (emprise accentuée de l’aviation militaire et détournements de routes), l’Union européenne a engagé un effort de rationalisation du trafic aérien.
La comparaison avec les États-Unis – reposant sur des données publiées par Eurocontrol en 2012 – permet de mesurer la difficulté de l’entreprise, qui tient à plusieurs facteurs :
- la densité relative du trafic : le nombre de vols annuels au km² est double de celui des États-Unis (2,2 contre 1,2) ;
- l’imbrication des centres de décision : si Eurocontrol, dont la fondation date de 1960, assure des tâches de coordination et de coopération de gestion de l’espace aérien, la souveraineté des États sur le ciel et la présence d’une aviation militaire font qu’il existe une dispersion des centres de contrôle (20 centres de contrôle aux États-Unis, 63 en Europe).
- La multiplicité des statuts des opérateurs et de leurs agents : chaque pays possède des structures particulières de gestion du contrôle aérien publique, privée avec contrôle public, semi-privée. De là se déclinent toute une série de statuts de personnels de contrôle et une grande diversité de durées du travail et de rémunérations.
Au total, l’ensemble de ces particularités explique que la « productivité » du contrôle de l’espace aérien européen soit relativement faible par rapport aux États-Unis.
Avec 13 % de contrôleurs et 38 % de personnels en moins, les États-Unis assurent ainsi 67 % de vols en plus (15,9 millions contre 9,5 millions) et 70 % d’heures de vols en plus (23,4 millions contre 13,8 millions).
§ La constitution du ciel unique européen
Sur ce point, on se reportera à l’excellent rapport de M. Myard, député, sur la ratification du traité établissant le bloc d’espace aérien fonctionnel (FABEC) entre la France et cinq autres pays18 :
« Deux « paquets » législatifs européens – « ciel unique I » en 2004 et « ciel unique II » en 2009 – ont été adoptés avec l’objectif affiché de fluidifier le trafic européen.
Ils ont été articulés autour de deux éléments : l’un technique, et pour simplifier « informatique », pour assurer l’interopérabilité accrue des procédures, règles et équipements et faciliter ainsi la communication entre les opérateurs nationaux de contrôle ; l’autre fonctionnel, fondé sur une reconfiguration sur une base élargie des limites des espaces aériens, en incitant les États membres à se regrouper entre pays voisins, membres de l’Union européenne de même que, le cas échéant, avec des pays tiers, pour coopérer étroitement sur une dimension géographique intermédiaire entre celle, peu étendue, des pays, et celle d’Eurocontrol.
Ces regroupements sont appelés blocs d’espaces aériens fonctionnels (FAB selon le sigle anglais).
Dans cette perspective, la France a fait le choix de se grouper d’abord avec la Suisse, et ensuite, sur une base plus large, avec ses quatre partenaires du Nord : l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg. »
Tout en maintenant le niveau de sécurité des vols, l’apport attendu de cette rationalisation du contrôle aérien (pour le seul FABEC dans lequel la France est impliquée) pourrait être important tant en termes économiques qu’environnementaux19 :
« § Le FABEC20 peut réduire les retards
Actuellement, le manque de capacité de contrôle de trafic aérien (ATC) n’a qu’une faible part dans les retards des vols commerciaux. Cependant, ceci pourrait changer dans le futur. Sans le FABEC, la croissance du trafic aérien pourrait mener à un accroissement massif des retards liés à la gestion du trafic aérien, à savoir les temps d’attente imposés à certains vols de manière à éviter de dépasser la capacité de contrôle dans certaines zones de l’espace aérien.
Les experts ont estimé qu’en 2018, 33 % des vols pourraient être retardés du fait du manque de capacité ATC. Mettre en place le FABEC peut réduire ces retards. Selon l’étude de faisabilité du FABEC, en 2018, seulement 1 % des vols pourraient être retardés pour des raisons de capacité du système ATC.
§ Le FABEC peut améliorer l’efficacité des vols
La structure du réseau de routes aériennes doit prendre en compte plusieurs besoins, tels que le respect de l’espacement minimum entre deux routes parallèles, et entre deux croisements et l’évitement des zones d’entrainement militaire. Ceci signifie que les déviations par rapport au « grand cercle », qui est la route la plus courte entre deux aéroports, sont inévitables, mais elles doivent être réduites au maximum.
En 2006, le rallongement moyen de routes dans la région du FABEC était de 53 km (28,6 miles nautiques) par vol. Mettre en place le FABEC peut réduire les écarts par rapport à la route directe. Selon l’étude de faisabilité du FABEC, il est envisagé que le bénéfice maximum en termes de longueur de route en 2018 sera une réduction de 17,4 km (soit 9,4 milles nautiques) par rapport à la situation actuelle.
§ Le FABEC peut rendre l’avion plus écologique
L’étude de faisabilité indique un potentiel de réduction de carburant consommé par vol de 72 kg par rapport à la situation actuelle. Ceci est équivalent à une réduction d’émission par vol de 226 kg de CO2 et de 0,7 kg de NOx.
Cette réduction serait plus élevée si on compare à ce que serait l’évolution de la situation sans le FABEC.
§ Le FABEC peut réduire les coûts
L’étude de faisabilité indique que les coûts vont diminuer pour les compagnies aériennes. Moins de fragmentation et une coopération améliorée amèneront une réduction des coûts des services en-route. En se basant sur les propositions du rapport de l’étude de faisabilité et sur quelques hypothèses financières, les experts pensent que le potentiel de gain pour le FABEC se situera entre 3,6 milliards d’euros et 9,8 milliards d’euros d’ici à 2025, mais se situera plus vraisemblablement autour de 7 milliards d’euros. »
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* *
Au total, l’espace aérien européen sera découpé en 9 FABEC.
Pour compléter ce dispositif, la Commission européenne établit pour la période 2012-2014 un système d’indicateurs de performances permettant de suivre les progrès dans le trafic sur ces points (sécurité, environnement, capacité, efficacité économique).
Enfin, ce dispositif institutionnel est assorti d’un très important volet technologique et industriel « SESAR » (Single European Sky ATM (Air Traffic Management) Research) qui sera exposé au chapitre III du présent rapport.
Comme il l’a été souligné, le rapport commun publié en 2010 par Eurocontrol et la Federal Aviation Administration21 (FAA) établit que le système américain de contrôle de la navigation aérienne est deux fois plus productif que le système européen22.
Mais, en termes de ponctualité, est-il efficace ?
Quoique les comparaisons, d’année en année, doivent être effectuées avec prudence – en Europe, par exemple, l’éruption du volcan Eyjafjöll entre le 14 avril et le 21 mai 2010 a abouti à la suppression de vols, mais également à d’importants retards (et même à la fermeture partielle du ciel aérien).
Les tableaux comparés relevant les pourcentages de départs et d’arrivées avec des retards inférieurs à 15 minutes montrent la même dégradation de la performance en Europe et aux États-Unis depuis 2005, étant précisé que les performances américaines semblent largement meilleures que les performances européennes et qu’elles se sont fortement redressées depuis 2007 (tout en restant, en 2010, très inférieures de 5 points à 2002).
Le problème, aux États-Unis, relève plutôt de la vétusté des équipements du contrôle aérien américain, qui repose sur des technologies des années soixante.
Cet équipement :
- atteint les limites de ses capacités de fonctionnement ;
- ne peut être renouvelé parce que les pièces ne sont plus fabriquées, ce qui oblige à « cannibaliser » les systèmes ;
- et, peine à opérer une relève de génération des techniciens de maintenance.
La FAA estime, sur la base des prévisions d’accroissement de trafic d’ici 2020, que l’absence de modernisation aboutirait à cet horizon à un dysfonctionnement dont le coût annuel serait de 23 milliards de dollars.
C’est pourquoi les autorités américaines ont lancé un programme de modernisation fondé sur la numérisation du contrôle (NextGen) qui est analogue au programme « SESAR » développé par l’Union européenne.
De façon sous-jacente, la mise en œuvre parallèle de deux systèmes concurrents risque de poser un problème de normes à l’échelon de l’OACI qui a essayé, en novembre 2012, d’établir des priorités dans ce domaine, qui recouvre de très importants enjeux industriels.
Par ailleurs, les tentatives de convergence entre les systèmes « NetGen » et « SESAR » font apparaître une double opposition entre les États-Unis et l’Europe :
- les États-Unis, qui bénéficient d’une organisation unique, souhaitent que le système soit centralisé, alors que l’Europe, compte tenu de la diversité des opérateurs, le préfère décentralisé ;
- l’Europe souhaite que le système soit ouvert à tous et, les États-Unis, pour des raisons de sécurité, sont porteurs d’un strict contrôle d’accès.
Les principaux points faibles de la navigation aérienne chinoise sont actuellement :
- un contrôle très strict de l’espace aérien par les militaires. Alors que les civils auraient besoin de plus d’espace pour écouler le trafic, l’organisation actuelle de l’espace aérien chinois rend impossible une gestion flexible de l’espace aérien qui pourrait être cogéré par les militaires et les civils. En effet, quand une zone militaire n’est pas active, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’entraînement aérien, il serait possible d’autoriser des avions commerciaux à traverser cette zone en suivant une route aérienne prédéfinie.
- une absence de système centralisé des plans de vol (du type Central Flow Management Unit (CFMU) en Europe) si bien qu’en cas de phénomènes particuliers comme les tempêtes de sable, la neige, les orages, le brouillard, le contrôle aérien n’a pas les moyens de réagir et de s’adapter rapidement.
- une mauvaise coordination entre les différents centres de contrôle en route. Les instructions données aux pilotes changent souvent. Ceci peut s’expliquer en partie par le fait que le contrôleur ne connaît certaines informations de son secteur qu’avec un préavis de 30 minutes (comme pour les zones militaires actives).
- un manque de coordination entre les acteurs d’une même plateforme aéroportuaire : gestionnaire d’aéroport, service du contrôle aérien, compagnies aériennes, service météorologique.
- Et, une absence de système précis pour l’atterrissage sur les grands aéroports. Aujourd’hui, aucun ILS (Instrument Landing System) pour les procédures d’approche de précision Cat II/III6 n’est installé en Chine alors que la France en compte 28. Seuls 4 systèmes ILS Cat II sont en service. En cas de brouillard important sur un aéroport chinois, le contrôleur est donc obligé de limiter le nombre d’atterrissages en attendant que les conditions météorologiques deviennent favorables. Cette réduction de capacité entraîne donc obligatoirement des retards.
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Tout en gardant à l’esprit que la première mission de la navigation est d’assurer la sécurité du routage des avions, du décollage à l’atterrissage, deux problèmes émergent :
- l’instrument actuel est-il capable d’assurer la croissance estimée du trafic à l’horizon 2030 et au-delà ?
- l’instrument actuel peut-il être perfectionné pour participer à l’effort d’économie d’énergie et de diminution de nuisances sonores qui sera demandé au secteur ? On estime, ainsi, qu’il existe une marge d’économie des émissions de gaz à effet de serre de l’ordre de 6 à 8 % dans la situation actuelle.
Les réponses technologiques à ces deux questions sont naturellement liées ; elles reposent sur le déploiement de nouveaux systèmes beaucoup plus précis de positionnement et de guidage des avions qui seront évoqués au chapitre III.
Mais, dès maintenant, il est nécessaire d’insister sur le fait que la mise en place de ces systèmes sera coûteuse et qu’elle introduira des problèmes délicats d’interface « homme-machine » aussi bien au sol que dans les avions.
4. L’arrivée d’un nouvel acteur : les drones
Les concurrences d’usage de l’espace aérien entre l’aviation civile et les autres composantes du trafic aérien (aviation militaire, aviation d’affaires, hélicoptère, aviation de tourisme) s’organisent actuellement sans tensions excessives.
À l’horizon d’un génération ou plus, l’arrivée d’un nouvel acteur, les drones civils, risque d’altérer cet équilibre.
L’évolution prévisible de l’emploi des drones suscite à la fois des interrogations sur les conditions de leur emploi et sur leur cohabitation avec d’autres acteurs de l’espace aérien ;
a) L’évolution prévisible de l’usage des drones
• Une croissance très forte dans les quinze prochaines années
On ne dispose pas de données précises sur le nombre de drones civils employés dans le monde ; de l’ordre d’un millier d’opérateurs aux États-Unis, 127 opérateurs en France en avril 2013.
La FAA estime que 66 % des drones civils sont employés aux États-Unis et 10 % en Europe ; elle table sur un effectif de 10 000 drones en 2017 et de 30 000 drones en 2025.
Il s’agit donc d’un phénomène dont la progression sera très rapide.
• Des caractéristiques très variées
À long terme, un premier partage s’effectuera entre les drones pilotés et les drones automatiques. Mais cette dernière catégorie, parfaitement à portée de technologie, pose, actuellement, trop de problèmes de sécurité d’emploi.
Aujourd’hui, trois autres lignes de partages coexistent :
- celles du poids (moins de 2 kg, 2 à 4 kg, moins de 26 kg, jusqu’à 150 kg et au-delà). En France, 60 opérateurs utilisent des appareils de 2 à 4 kg et deux des appareils entre 4 et 26 kg),
- celles de l’emploi à vue ou non de l’opérateur (en France, seuls 5 opérateurs effectuent des missions hors de vue) ;
- et celles des architectures (avions, hélicoptères multirotors, ballons captifs – sur les 127 opérateurs français, 50 emploient des ballons sondes).
On voit donc que la multiplication des drones pourra prendre des formes extrêmement diverses. En l’état, nous sommes loin des emplois militaires : un « Predator » de 900 kg est utilisé en Afghanistan par un opérateur basé à des milliers de kilomètres.
Mais rien n’interdit d’estimer que le déploiement des drones n’aboutira pas à des usages impliquant des appareils plus grands, ce qui multipliera les risques liés aux concurrences d’usage de l’espace aérien.
b) Les interrogations liées à l’utilisation des drones
Si l’on porte un regard rétrospectif sur les précautions qui ont entouré le développement de l’aviation civile à partir de la seconde guerre mondiale23 (tant en termes de certification de matériel et de logiciels que d’organisation de la navigation aérienne), on ne s’étonnera pas que la montée en puissance des drones puisse susciter des questions du même ordre.
Au nombre d’entre elles, on mentionnera :
- les problèmes liés à la sûreté des systèmes qu’ils soient basés à terre ou embarqués ;
- des problèmes liés à la sécurité. On conçoit bien que l’emploi sur un territoire de milliers d’appareils, moins repérables et identifiables que les avions, puisse impliquer un risque terroriste ;
- des problèmes de préservation de la vie privée car, de façon moins voyante qu’un avion ou qu’un hélicoptère, un drone peut trouver des emplois très intrusifs. C’est ce que l’on commence à appeler les drones « paparazzi » ;
- des problèmes de certification des appareils et de formation des pilotes basés à terre ;
- et, enfin, des problèmes liés à un surcroît d’utilisation des fréquences radios terrestres, puis satellitaires lorsque le système de commande et d’évolution des drones dans l’espace aérien évolue.
c) La cohabitation des drones avec les autres usagers de l’espace aérien.
Si l’on compare le nombre d’avions en vol de façon permanente au-dessus du territoire américain (5 000) et les prévisions actuelles concernant le nombre de drones aux États-Unis en 2025 (30 000), on mesure les problèmes de concurrence d’usage de l’espace aérien qui en résulteront – et les dangers sous-jacents que cette cohabitation pourrait représenter.
Certes, en l’état, les risques de collision impliquant un drone de quelques kilos, évoluant sous un pallier de 100 m d’altitude et à plus de 2 km des pistes, sont réduits aux possibilités « d’évasion » des drones par rapport à leurs systèmes de contrôle.
Mais, à terme, le problème se posera de façon plus aigüe et, en particulier, sur le fait de savoir s’il faut cantonner l’usage des drones à un espace ségrégué par rapport à l’aviation civile ou non.
Des solutions très ambitieuses sont envisagées aux États-Unis, l’Europe et la France étant en situation d’attente.
• Les États-Unis
Le Congrès des États-Unis a donné mandat à l’administration fédérale de proposer d’ici 2015 des solutions pour intégrer la flotte de drones au système américain de navigation aérienne.
La Federal Aviation Administration (FAA) a établi un rapport sur les conditions d’opérabilité de cette intégration24 et proposé une feuille de route sur les avancées de recherche nécessaires à celle-ci. Il s’agit notamment :
- en matière de communication, de démontrer la fiabilité d’un réseau de communication vocale intégrant les systèmes aériens sans pilote ;
- en matière d’opérations aériennes de :
• démontrer la fiabilité d’une navigation de drones commandés par le sol et en interaction avec la navigation aérienne ;
• étudier les arbitrages entre le contrôle au sol et les automatismes dans les systèmes dits « détecter et éviter » qui sont une des bases de sécurisation de la circulation aérienne des drones ;
- en matière d’engins sans pilote à terre, d’évaluer la capacité de négociation autonome de trajectoire de ces appareils ;
- en matière d’interface homme/machine, d’étudier les capacités des opérateurs à arbitrer simultanément entre les trajectoires de plusieurs drones et d’évaluer la charge de travail acceptable pour ces pilotes des drones.
Trois observations sur ce projet :
• Cette feuille de route repose sur la mise en place des démonstrateurs – et donc de sites de tests de drones – et ses objectifs s’étalent entre 2013 et 2020, ce qui renvoie au-delà de cette date pour l’intégration des drones au système américain de navigation aérienne.
• L’effort de recherche attendu repose sur la Nasa, principal organisme américain de recherche sur l’aviation civile, mais aussi beaucoup sur le département de la Défense, au titre de la recherche duale qui est un des modes de financement de la recherche civile aux États-Unis.
• La démarche américaine est très volontariste et traduit, sans doute, le souhait des autorités américaines de prendre une avance décisive dans ce domaine.
Cette demande débouchera, à terme, sur une inclusion des drones dans la modernisation du système de navigation aérienne américaine (« NextGen », l’équivalent du système européen « SESAR »).
• L’Europe
L’Union européenne est compétente pour poser les bases d’une réglementation des drones civils de plus de 150 kg.
Une directive est en préparation sur ce point.
• La France
Les États membres de l’Union européenne ont compétence pour réglementer l’usage des drones de moins de 150 kg. Notre pays a été le premier à réglementer l’usage des drones (arrêté du 11 avril 2012 relatif à l’utilisation de l’espace aérien pour les aéronefs qui circulent sans personne à bord).
Les autorisations données sur cette base (cf. supra) sont plutôt réservées à des usages de niches et dans des espaces très ségrégués par rapport à l’aviation civile.
Elles distinguent, en outre, les usages des drones :
- en fonction de leurs poids ;
- en fonction de leur utilisation à vue ou non du pilote.
Par ailleurs, la DGAC certifie les machines, les pilotes et les procédures d’utilisation.
La philosophie de ce dispositif, qui s’inspire de la réglementation de l’aéromodélisme, est de ne pas établir des règles trop contraignantes dans un premier temps, ceci pour des usages qui ne présentent que des risques limités d’emploi.
Il est clair qu’assez rapidement, une évolution de cette réglementation sera nécessaire, ne serait-ce que parce que le développement de l’utilisation de ce type d’appareil exigera, à terme, l’intégration des drones à l’effort européen de modernisation technologique de la navigation aérienne (Programme SESAR – Single European Sky Air traffic management Research).
d) Des enjeux industriels potentiellement importants
Il est difficile de calibrer, à un horizon de deux générations, l’importance économique de ce qui constituera un nouveau secteur industriel de l’aviation. Mais on peut gager que les gains de productivité importants que l’on peut escompter d’une généralisation de l’usage des drones en font une activité industrielle à ne pas négliger.
Ceci d’autant plus que certains pays (États-Unis, Israël) semblent avoir pris une avance dans ce domaine, alors même que la France n’est pas en retard dans les technologies qui supportent l’utilisation des drones.
Dans un premier temps, votre rapporteur se limitera à trois observations :
- il est très important qu’un cadre réglementaire français et européen soit rapidement établi pour asseoir le droit de cette activité et donner aux industriels européens une lisibilité de développement ;
- l’usage des drones a d’abord été encouragé par les besoins militaires et supporté par la recherche militaire. Il sera nécessaire d’encourager en France, et en Europe, un couplage entre les recherches civiles et militaires dans ce domaine ;
- le secteur des drones est indubitablement une activité d’avenir ; il devrait être éligible aux reliquats du Grand Emprunt (et éventuellement à toute rallonge qui serait dégagée par les pouvoirs publics).
CHAPITRE III – LES RÉPONSES SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES
Plus de passagers, plus d’avions, plus de carburants consommés, plus de trafic aérien, plus de mouvements sur les aéroports, le développement prévu de l’aviation civile renvoie aux déploiements de capacités scientifiques et technologiques qui seules permettront de répondre à cette croissance.
Mais, à cet égard, deux observations s’imposent et une question se pose.
En premier lieu, l’ensemble de la chaîne de création de valeur de l’aviation civile est concernée par l’impact attendu de l’expansion du trafic aérien.
Il va de soi que l’absorption de ce ressaut de demande ne pourra se produire que si l’offre technologique progresse presque frontalement dans tous les secteurs concernés.
En effet, si un des segments ne progresse pas suffisamment, apparaîtront des goulets d’étranglement qui limiteront les possibilités d’augmentation de trafic.
Par ailleurs, dans ce domaine, il faut prendre conscience :
- de la nécessité de faire également progresser parallèlement l’ensemble des acteurs de la recherche sur l’aviation civile. Toute solution de continuité entre chacun des segments, académiques, briques technologiques ou recherche appliquée peut impliquer des retards et donc avoir des répercussions sur la croissance escomptée du trafic,
- et des constances de temps anormalement longues pour développer des innovations de rupture ou des améliorations fortement innovantes.
Ces deux données incontournables du progrès dans le secteur de l’aviation civile à un horizon d’une trentaine d’années traduisent une obligation des pouvoirs publics qui a été remplie depuis quarante ans et plus, celle d’encourager un secteur de pointe de l’économie.
Mais ces observations ne doivent pas occulter une interrogation déjà évoquée, à propos du « rendez-vous de 2030 ».
Si la plupart des personnes entendues par votre rapporteur estiment que la poussée scientifique (pour autant qu’elle continue à être alimentée financièrement) apportera des réponses au défi de la croissance du secteur, elles ne s’accordent pas sur un point : la progression technologique de l’aviation civile s’effectuera-t-elle de façon linéaire comme lors du dernier demi-siècle ou devra-t-elle s’adosser à des ruptures technologiques fortes ?
La ligne de partage entre ces deux options – qui n’est peut-être pas aussi absolue qu’il paraît – passe, du côté des partisans des innovations de rupture, par le constat que les gains de productivité deviennent asymptotiques, et de l’avis des partisans de la progression linéaire, par le constat que les risques financiers et les temps de retour sur investissement excluent que les grands constructeurs puissent se lancer dans l’aventure.
En fonction des informations qu’il a recueillies, votre rapporteur n’est pas en état de trancher le débat mais il estime probable que l’aviation civile connaîtra des évolutions plus marquées que la simple amélioration progressive sur laquelle le secteur s’est reposé depuis un demi-siècle.
Quoiqu’il puisse en être, une certitude s’impose : la modernisation nécessaire de l’aviation civile devra, d’ici 2030, s’appliquer à plusieurs domaines : les architectures aéronautiques, les biocarburants, les aéroports, la motorisation et l’avionique.
Etant précisé que chacun de ces axes de progression devront rechercher le support de disciplines transversales comme la science des matériaux ou les développements de l’informatique.
A. LA CONSTRUCTION AÉRONAUTIQUE
Les progrès des technologies de construction aéronautique seront du même ordre que ceux enregistrés depuis quarante ans pour rendre les avions plus économes : l’évolution des architectures qui réduit les traînées et augmente la portance et l’amélioration de la motorisation qui réduit la consommation directe.
1. L’amélioration des architectures
Le premier demi-siècle d’histoire de l’aviation s’est traduit par une exploitation des concepts d’avions très variés.
Mais au cours des soixante dernières années, on a assisté à une convergence de la configuration des avions de plus de 70 places autour du fuselage cylindrique équipé d’une aile basse aussi lisse que possible et des empennages de contrôle situés à l’arrière du fuselage. Les moteurs sont placés sous la voilure, et en avant pour assurer l’intégralité des ailes en cas de rupture des moteurs.
Le fixisme de cette architecture peut s’expliquer par trois types de facteurs :
- elle facilite les processus industriels de construction ;
- elle a été favorisée par l’absence de contraintes extérieures (prix modéré des carburants, pas de règlementation sur l’émission des gaz à effet de serre),
- elle a reposé sur un duopole de construction qui n’encourage pas les innovations de rupture.
Ceci n’exclut pas que, dans le cadre de cette configuration « intangible », l’architecture des avions se soit perfectionnée pour augmenter leur portance et diminuer leur traînée (modification des bords d’attaque et de fuite des ailes, implantation au bout des ailes d’ailettes verticales, forme des empennages, etc.).
b) Une architecture multiusages
Ce qui est remarquable, c’est que le modèle « classique » se soit imposé au cours du dernier demi-siècle pour tous les types de turboréacteur, quels que soient les usages de ces avions.
Cette convergence des architectures s’explique principalement par la réussite des configurations traditionnelles qui permet d’éviter des prises de risques technologiques et financières disproportionnées.
Alors même que, pour certains usages, et sans même évoquer des innovations de rupture, il aurait été possible de travailler sur des configurations novatrices. Par exemple, celle qu’autoriserait une baisse de la vitesse – et donc de la consommation de carburant.
Mais si on exclut l’hypothèse d’une très forte hausse du carburant, ce type d’évolution d’architecture ne peut correspondre qu’à des usages entre de courts courriers et dans un contexte où la concurrence des trains à grande vitesse ne se ferait pas sentir.
Pour les moyens et longs courriers, les voies d’une amélioration de l’aérodynamisme passent par une réduction des différents types de traînées.
c) Les équations de réduction des traînées
L’aérodynamisme d’un objet en mouvement dans un fluide dont les caractéristiques peuvent varier (comme un avion dans l’air) est une des disciplines scientifiques les plus complexes, ce qui explique que les données d’une amélioration, quoique largement explorées, sont loin d’être acquises.
• La finesse
La finesse résume les caractéristiques aérodynamiques d’un avion. Elle résulte du rapport entre la portance de l’avion et de ses différentes traînées.
Plus un avion est fin, plus il est aérodynamique.
• Les différents types de traînées et leur voie de réduction
La traînée d’un avion est la résultante de plusieurs types de frottement :
- la traînée visqueuse qui provient du frottement de l’air et qui se sépare entre :
• trainée de pression de l’air sur le fuselage qui peut être diminuée par le contrôle des tourbillons autour des mâts d’ancrage du moteur et du fuselage ;
• trainée de frottement, qui suppose une amélioration de la linéarité (rectitude de l’écoulement d’air) par l’élimination des turbulences après le bord d’attaque (en particulier, à l’aide de « riblets » (rainures qui améliorent la fluidité d’écoulement)) ;
- la traînée induite imputable aux tourbillons qui se forment autour des ailes et dont la diminution passe par des solutions d’ampleur différente (allongement de l’aile, winglet, optimisation des profils, nouvelles configurations).
Pour chacun de ces types de frottement dans l’air, des potentialités d’amélioration existent.
d) La recherche d’architectures innovantes
Les progrès escomptés de l’amélioration de l’efficacité de la motorisation et de la navigation aérienne ne sont pas négligeables à un terme d’une génération.
En revanche, s’il existe certaines marges de progression sur les architectures « classiques », les lois de la physique font que l’on pourrait prochainement atteindre les limites de l’exercice25.
D’où la nécessité d’engager des recherches permettant d’évaluer la faisabilité d’architectures différentes du modèle hérité de l’après-guerre.
On peut partager ces tentatives entre celles qui se concentrent sur le renouvellement des formes et celles s’attachant à explorer les possibilités d’intégration des moteurs au fuselage.
• L’étude de formes nouvelles
On pourrait faire rêver à l’ère hypersonique étudiée aussi bien en Europe qu’aux États-Unis : celle d’un avion volant à mach 5, soit deux fois et demi plus vite que le Concorde et qui relierait Paris à Tokyo en 3 heures. Mais outre qu’il s’agirait d’un produit de niche réservé à une clientèle très aisée, la mise en œuvre industrielle de ce type de projet – qui suppose de fortes innovations sur la motorisation, n’est envisageable qu’à compter de 2050-2060, au-delà de l’horizon envisagé pour ce rapport.
De fait, et sans être totalement exhaustif, les recherches dans ce domaine se concentrent sur trois types d’architectures novatrices : l’aile haubanée, l’aile rhomboédrique et l’aile volante.
Tout en relevant que ce type d’investigations sont également menées aux États-Unis, votre rapporteur exposera ci-après les projets conduits, principalement pour l’Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA).
Deux observations, cependant :
- ces projets ne sont que des points de départ pour évaluer (à l’aide d’outils de conception dédiés et de pré-étude en soufflerie) leur faisabilité de base (aéroélasticité, comportement en vol – comme le contrôle en roulis, et approche avantage/coût),
- leur développement industriel suppose, dans certains cas, des avancées technologiques fortes dans des domaines transversaux – comme, par exemple, les matériaux composites.
o Les voilures hautes haubanées
Plusieurs avantages de cette solution sont attendus :
- Par rapport à une aile d’« une seule pièce » l’utilisation de hauban permet une réduction du moment de flexion maximal cheminant dans la structure et ainsi une réduction importante de la masse de la structure à épaisseur de profil constante. De façon équivalente, cette solution permet donc également, à masse constante, de réduire l’épaisseur de profil de la voilure, ce qui présente un potentiel de gains aérodynamiques.
- l’aile haubanée permet également, à masse constante, une augmentation de l’allongement, qui outre un gain direct en traînée induite, permet de réduire la corde de la voilure et ainsi facilite la conservation d’un écoulement naturel ;
- l’intégration sous voilure de nacelles pour des moteurs à très fort taux de dilution26 s’en trouve facilitée par la position haute de la voilure. Il est également envisageable de tirer profit d’une intégration forte entre la nacelle, la voilure et les haubans ;
Le projet « Albatros » mené par l’ONERA vise à évaluer le potentiel et l’efficacité aéro-structurelle d’une aile à grand allongement avec haubans.
Dans ce cadre, des études ont été conduites à la fois sur le design (de la voilure, du raccordement aile fuselage, du hauban) et sur sa faisabilité.
Les premiers résultats apparaissent encourageants :
- une « finesse » de 32 (rappel 20 pour l’A380 mais 60 pour un planeur) a été obtenue par l’allongement des ailes, ce qui aboutit à un gain de consommation ;
- un gain de masse de 40 % sur le poids de la structure de l’aile, avec mêmes effets ;
- le contrôle en roulis (qualité de vol) est satisfaisant pour des envergures de 50-60 cm.
o L’aile rhomboédrique
Cette configuration assez ancienne, puisque ses premières approches datent des années trente, a fait l’objet d’études plus récentes de la part de plusieurs équipes.
Elle s’appuie sur un très grand allongement des ailes qui permet :
- une réduction de la traînée induite de 20 à 30 % (et une réduction subséquente de la traînée totale de l’ordre de 15 %) ;
- une économie de masse par l’effet « hauban ».
La diversité des dessins (cf. supra) proposés traduit le caractère encore spéculatif de cette recherche.
De plus, la configuration a deux défauts :
- les jonctions entre les ailes et le fuselage ont des effets aérodynamiques négatifs ;
- et l’hypersustentation des ailes crée des problèmes au décollage et à l’atterrissage.
o L’aile volante
Des modèles d’avions ne possédant ni aile, ni fuselage ont été étudiés depuis longtemps, en particulier dans le modèle militaire. Actuellement, le bombardier furtif B-2 qui est en service dans l’armée de l’air américaine repose sur une configuration proche de cette solution.
Cette configuration aboutit à une meilleure portance et à une réduction importante du bruit (intégration des moteurs, suppression du bruit créé par la jonction des ailes et du fuselage).
Plusieurs projets ont été étudiés au cours des années 2000 (Airbus-Boeing, Nasa, ONERA).
Les premières approches de l’ONERA font apparaître les résultats suivants :
- Première application réalisée avec succès sur la configuration de référence (gain de 10% sur la finesse)
- Grande importance d’une re-optimisation systématique en fonction de la forme en plan (corde, épaisseur, flèche, envergure)
- Très bonne cohérence entre tous les résultats obtenus
- Intégration d’une contrainte sur le vol à basse vitesse (décollage) lors de l’optimisation.
Outre les interrogations sur la maniabilité d’un avion civil à aile volante à basse vitesse, la configuration ne serait, en l’état des recherches, exploitable que pour un avion de grande taille (400 passagers), ce qui induirait des problèmes d’évacuation (beaucoup de passagers seront à plus de 30 mètres des portes d’évacuation).
• La propulsion intégrée
Actuellement, l’amélioration de l’efficacité des moteurs a pour conséquence un accroissement de leur volume (cf. infra 2) et donc de la traînée.
D’où la tentation d’intégrer les moteurs au fuselage, ce qui réduirait à la fois la traînée et le bruit.
Cette novation architecturale est assez séduisante ; à la seule condition de limiter les inconvénients qu’elle comporte :
- placer les moteurs à l’arrière implique de compenser ce surpoids à l’avant pour équilibrer l’assiette de l’avion. D’où un surcroît de masse qui altérerait les avantages de cette configuration ;
- intégrer fortement les moteurs au fuselage pourrait diminuer le flux d’air entrant qui est une des composantes essentielles de l’efficacité de la propulsion.
La progression de cette solution qui est à l’étude à l’ONERA passe par des recherches importantes (en soufflerie et en calculs informatiques – chaque configuration exige un mois de lignes de calculs sur le grand ordinateur géré par le GENCI (Grand Équipement National de Calcul Intensif).
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* *
Si on se réfère à la question évoquée par votre rapporteur : les architectures d’avions devront-elles subir une rupture technologique au tournant des années quatre-vingt-dix pour satisfaire les demandes de réduction de consommation des compagnies aériennes – les données et les informations qu’il a recueillies permettent d’avancer les observations suivantes :
- la plupart des projets évoqués sont à des niveaux de maturation faibles et exigent un investissement amont de recherche académique continu avant d’atteindre un niveau de préparation technologique (Technology Level Readiness ou TLR) qui permettrait d’asseoir leur crédibilité ;
- les constructeurs n’excluent rien mais sont, en même temps, tenus par une balance qu’ils doivent conserver entre les marges de progression dans la déclinaison de leurs lignes d’avion27 et les risques industriels et financiers qu’impliqueraient des innovations de rupture dans les architectures.
Cette convergence de contraintes devrait normalement impliquer un report, au-delà de 2030, de la mise en œuvre industrielle des innovations de rupture sur la configuration des avions.
À deux réserves près :
- le sentiment se fait jour que la progression de la recherche aéronautique segment par segment (architecture, motorisation, avionique) n’est plus de mise et qu’un des enjeux de la recherche académique et du développement est une meilleure intégration de ces segments. Celle-ci pourrait accélérer la recherche de solutions novatrices ;
- la progression de l’efficacité de la motorisation passe principalement par une augmentation de leur volume. Ce qui, a contrario, pourrait pousser assez rapidement au développement d’une architecture intégrant les moteurs au fuselage.
2. Les progrès de la motorisation
La motorisation a enregistré des progrès beaucoup plus conséquents que les architectures.
L’amélioration de la motorisation a été l’élément principal (pour les trois cinquièmes environ) de la progression de l’efficacité énergétique des avions de ligne.
Rappelons que les consommations spécifiques des moteurs d’avion (en kg de passagers/km/siège) ont été divisées par 2,5 en cinquante ans.
Mais toute amélioration éventuelle se heurte aux mêmes interrogations que les architectures : peut-on continuer l’amélioration graduelle qui est déjà planifiée jusqu’en 2020 ou doit-on dès maintenant envisager des ruptures innovantes ?
Dans cette approche, quelles sont, aujourd’hui, les perspectives d’amélioration du rendement des moteurs ?
Dans un turboréacteur moderne, la transformation de l’énergie chimique (le carburant) en énergie propulsive s’opère en deux temps.
Durant le premier, un cycle moteur transforme l’énergie thermique dégagée par la combustion du carburant en énergie mécanique. Cette transformation n’affecte qu’une partie du débit d’air absorbé par le moteur, il s’agit du flux « primaire » fortement comprimé et chauffé.
La poussée du moteur est elle essentiellement créée par l’intermédiaire du flux d’air le plus important, il s’agit du flux « secondaire » qui est comprimé, en utilisant l’énergie mécanique extraite du flux primaire. Le rapport entre le flux secondaire et le flux primaire, appelé taux de dilution, est un des facteurs clefs de la performance de ces moteurs.
Cette ligne de partage trace les deux voies permettant d’améliorer les performances et réduire la consommation des moteurs.
– L’amélioration de la qualité du circuit primaire
L’amélioration de la qualité du cycle primaire se traduit par l’augmentation des rendements thermodynamiques, l’augmentation des températures, des pressions et des rendements de transformation. Ces progrès, lents mais continus, suivent ceux des sciences des matériaux et de la mécanique des fluides.
Un premier axe de développement passe par l’amélioration des matériaux, en termes de poids, pour les parties chaudes de la chambre de combustion.
Une seconde voie de recherche porte sur l’amélioration des composants du cycle de combustion ; elle passe par une meilleure compréhension de l’aérodynamique de combustion afin d’élever la température et d’améliorer ce cycle de combustion. En effet, à l’heure actuelle, une partie du carburant s’échappe de la chambre de combustion sans avoir été brûlé.
Toutefois, la dimension réduite du cœur du moteur pourra imposer de recourir pour cette compression supplémentaire à des solutions nouvelles basées, par exemple, sur une combustion à volume constant ou sur un fonctionnement de la chambre de combustion de type « pulse detonation engine » (chambres multiples avec compression par onde de détonation).
Au total, des gains incrémentaux de 10 à 15 % pourraient être obtenus à l’aide de ces solutions.
– Les améliorations du circuit secondaire
• les moteurs à hélice contrarotatives ou « open rotor »
L’accroissement de l’efficacité propulsive a été largement explorée jusqu’ici – et s’est, notamment, traduite par l’augmentation de la taille des moteurs qui atteint une limite (à architecture inchangée).
La suppression de la nacelle et des carters constituant le flux secondaire est une manière radicale de repousser très loin cet optimum, mais au prix d’une augmentation du bruit.
L’« open rotor » qui ressemble à un moteur à hélice est, en fait, un turboréacteur de très grande dimension :
Cette avancée technologique pose, cependant, de sérieux problèmes du fait de la suppression de la nacelle de protection du moteur :
- des problèmes d’aérodynamisme qui font qu’une partie des gains attendus sont altérés par la perte d’aérodynamisme,
- des problèmes de sûreté (que se passe-t-il si une des pales se brise et va heurter l’avion ?),
- des problèmes de fiabilité opérationnelle en configuration réelle de vol et durant toute la durée de vie de l’avion,
- et, des problèmes de bruits internes et externes à l’avion.
Un démonstrateur au sol d’« open rotor » devrait être mis en place en 2015 et des essais en vol pourraient être envisagés à compter de 2018.
• Les voies classiques d’une amélioration des modes de propulsion
Si les moteurs à hélices contrarotatives marquent une rupture technologique nette, d’autres voies d’amélioration de l’efficacité propulsive sont envisagées par les motoristes.
Celles-ci s’efforcent d’établir une balance entre l’augmentation du taux de dilution (et donc de l’efficacité de la propulsion) et le volume du moteur ;
Ce sont des motorisations qui limitent certains des inconvénients des « open rotors ».
Ces moteurs à très fort taux de dilution reposent sur des technologies qui permettent d’en limiter le volume.
C’est le cas des moteurs à réducteurs ou GTF (gear-turbo-fan), qui sont à haut taux de dilution mais équipés d’un réducteur de vitesse entre la turbine et le fan qui améliore l’efficacité de la propulsion. Cette solution autorise la turbine à tourner à un régime plus élevé et à être plus petite – d’où une réduction du volume du moteur.
• La feuille de route
Telle qu’envisagée par un motoriste spécialiste des motorisations « court-moyen courrier », la feuille de route des progrès de la motorisation marque bien la différence entre les motorisations (comme les LEAP 1 et 2 qui seront notamment destinés à équiper les A320 neo) dont le taux de maturation est avancé ou très avancé et celles des solutions qui exigent des ruptures technologiques (« UBHR carénés » et « open rotor ») et dont la mise au point ne sera pas effective avant 2030.
Cela revient également à dire que les gains potentiels des progrès de la propulsion seraient de l’ordre de 15 à 20 % d’ici 2020 (par rapport à 2012), mais qu’il faudra attendre 2030 (ou plus) pour obtenir des gains de l’ordre de 30 à 40 %.
De plus, les améliorations escomptées exigeront de façon croissante une intégration des recherches entre les motoristes et les avionneurs. Ce qui renvoie à une autre question : les motoristes qui travaillent pour des avionneurs concurrents (par exemple SNECMA et General Electric, qui équipent les avions de Boeing et d’Airbus), pourront-ils équilibrer leurs efforts de recherche entre ces deux principaux clients ?
Dans les turbopropulseurs, la combustion des gaz est transformée en force de rotation et renvoyée vers une hélice.
Le rendement de ce système est plus élevé que celui des turboréacteurs mais :
- il plafonne rapidement dès que l’on atteint des vitesses de l’ordre de 550 km/h du fait de la diminution du rendement aérodynamique des hélices ;
- et, la puissance fournie ne permet pas d’appliquer ce système à des avions de ligne de plus de 100 passagers.
Dans la mesure où il n’est pas exclu que la hausse des prix du carburant puisse être plus élevée qu’escomptée d’ici 20 à 30 ans, il semble important de continuer à travailler sur le développement de cette solution technologique qui représente une alternative.
Un premier projet d’amélioration est envisagé par la SNECMA (à un horizon de certification en 2018) avec le double objectif de diminuer de 10 % la consommation et d’améliorer les coûts.
Mais la bonne fin de ce projet exige l’acquisition de technologies spécifiques (générateur de gaz monocorps, turbine de puissance rapide, réducteur, dégivrage électrique des hélices).
3. Un problème commun : l’exigence de diminution du bruit des avions
Dans la perspective d’un accroissement régulier du trafic centré sur les grands centres urbains, le bruit des avions – et donc le degré d’acceptabilité de cette progression du trafic – devient un enjeu de premier ordre.
Les objectifs environnementaux fixés à la recherche aéronautique européenne (ACARE), en ce domaine, visent à réduire de moitié à l’horizon 2020 le bruit des avions par rapport à 2000.
Le problème se pose naturellement pour les moteurs (cf. supra) mais il existe également pour les architectures de l’avion. L’ONERA, dans des études de bruit effectuées sur des données réelles, a montré que certains éléments de l’architecture (en particulier, les zones de jonction des ailes et du fuselage) généraient en approche presque autant de bruit que les moteurs.
Or, aux dires des personnes entendues, la compréhension des problématiques acoustiques dans des configurations aérodynamiques est extrêmement complexe.
Un réseau de recherche (IROQUA) a été créé en 2005 qui regroupe 30 laboratoires, Airbus, Eurocopter et Dassault Aviation, dont les principaux axes de recherche sont les suivants :
- l’acoustique externe afin de dégager des solutions de traitement du bruit à la source et particulièrement du bruit d’origine aérodynamique. Cela implique un effort de modélisation et de simulation des écoulements générateurs de bruit et de leur propagation ;
- de nouveaux dispositifs de soutes et de train d’atterrissage visant à minimiser les cavités créées pour réduire le bruit de la cellule et de la voilure ;
- la réduction des facteurs de bruits internes de la cabine (étude du comportement vibroacoustique des panneaux composites utilisés dans la cabine) ;
- la prédiction du bruit de combustion dans le moteur et de sa contribution dans le bruit aval rayonné. Cette prédiction – qui a vocation à s’appliquer à la signature acoustique de chaque élément du moteur – nécessite des développements nouveaux de méthodes expérimentales et de méthodes numériques ;
- des études sur la réduction du bruit « aval » en cas d’intégration des moteurs ;
- les impacts sonores autour des aéroports (incluant les installations) ;
- des recherches spécifiques sur de nouveaux matériaux multifonctionnels absorbant le bruit.
On peut définir l’avionique comme l’ensemble de systèmes qui contribuent au pilotage de l’avion, y compris la gestion de l’énergie à bord.
Avec la motorisation, c’est probablement la discipline aéronautique qui a enregistré les progrès les plus sensibles.
Projeter le devenir de ces technologies à un horizon de deux générations aboutit à envisager de très fortes transformations dans la conception interne des avions.
Dans les années à venir, la structuration de l’avionique et la gestion de l’énergie vont concentrer quatre grands secteurs :
- cockpit ;
- navigation et gestion du vol ;
- plateformes informatiques et réseaux embarqués ;
- gestion de l’énergie de bord.
a) La transformation des cockpits
L’effort principal de modernisation du centre de gestion de vol qu’est le cockpit va porter sur l’utilisation de technologies nouvelles d’interactions « homme-système » (grand écran interactif et tactile, imagerie en « 3D » couplés avec la recherche d’une ergonomie plus adaptée).
Ceci en vue d’objectifs d’amélioration de la sécurité pour :
- une meilleure perception du monde extérieur grâce à des techniques de réalité augmentée ou des techniques de pilotage « hors visions extérieures » ;
- une meilleure compréhension de la situation de l’appareil par l’équipage ;
- une meilleure gestion de la fatigue de l’équipage (aide à l’anticipation, surveillance de la vigilance).
b) La navigation et la gestion de vol
Il s’agit d’améliorer l’ensemble des systèmes de gestion du vol (Flight management système ou FMS).
Cette évolution vise à faire des avions de ligne des objets volants communiquant avec le sol (centre de navigation aérien et tour de contrôle) et entre eux, faisant aussi partie d’un réseau pendant toutes les phases de leur mission (du roulage sur piste au parking après atterrissage).
Cette capacité à se situer dans son environnement et à communiquer avec tous les acteurs du vol (contrôle aérien, autres avions, le cas échéant drones) permettra de répondre à plusieurs objectifs :
- la numérisation de la communication (par rapport aux communications radio) et la précision de la localisation contribueront à la modernisation de la navigation aérienne (gestion optimisée de l’espace – cf. infra) et à la mise au point de trajectoires de vol plus économes ;
- à terme et, au-delà de ses rapports avec le contrôle aérien, chaque avion pourra communiquer avec les aéronefs de son environnement (amélioration et automatisation des commandes de vol, détection et rapport sur les phénomènes dangereux (conditions de givre, turbulences de sillage, orages, etc.).
c) Les plateformes informatiques et les réseaux
Les perspectives dans ce domaine visent à tirer toutes les conséquences de l’informatisation des systèmes de bord.
Il s’agit, notamment :
- d’établir des architectures de calcul ouvertes assises sur des plateformes informatiques modulaires, permettant de centraliser les fonctions informatiques du bord – et donc d’opérer des gains de masse au regard de la juxtaposition de réseaux qui prévaut actuellement ;
- de ménager des possibilités d’évolution dans les systèmes (apport de nouvelles fonctions à valeur ajoutée) et de faciliter leur certification ;
- de garantir la sécurité de l’ensemble des plateformes de calcul vis-à-vis des intrusions extérieures.
Mais une partie de ces progrès pourraient être pendants à une évolution dans les techniques de gravure des puces électriques.
Actuellement, ces « puces » à gravures ultrafines sont produites de façon généraliste et non spécialisée. Et plus ces puces sont fines, plus elles posent des problèmes en aéronautique :
- de fiabilité car leur durée de vie est de l’ordre de 4 ans (celles d’un avion doivent durer 30 ans) ;
- et de sécurité car plus elles sont fines, moins elles résistent aux rayonnements ionisants.
Ceci suppose, soit de trouver un autre processus de fabrication, soit de trouver des architectures électroniques résilientes.
Ce qui est d’autant plus nécessaire que les avions seront appelés à incorporer de plus en plus de composites, ce qui diminuera l’effet de « cage de Farraday » qui était un élément de protection contre les ions lourds et les neutrons qui se trouvent dans l’espace.
d) La gestion de l’énergie de bord
L’électricité se substitue progressivement aux systèmes hydrauliques et mécaniques mais l’objectif est de passer au tout électrique à compter de 2025.
Cette évolution devrait générer des gains de masse (en particulier par rapport aux systèmes hydrauliques dont le câblage est plus lourd) et une moindre consommation de carburant (les temps de roulage sur les pistes avec des moteurs thermiques qui ne sont pas conçus pour cet usage sont relativement coûteux en kérosène).
Cela implique des puissances de génération d’électricité de plus en plus fortes (supérieures à 1 MW pour un avion de ligne, soit 1/1 000 de tranche nucléaire) et donc :
- des architectures électriques intelligentes (smart grid) pour une gestion optimisée de la distribution vers les différents usages de l’avion ;
- des nouvelles technologies de générateur d’électricité à haute densité ;
- et des nouvelles technologies de stockage (batteries à grande puissance).
*
* *
Dans une discipline où notre pays demeure un des premiers et un des rares acteurs mondiaux (dans un secteur industriel, celui des usages électroniques où nous avons perdu pied), il est nécessaire de rappeler que les technologies de l’avionique de 2040 :
- d’une part, se préparent dès aujourd’hui ;
- et, d’autre part, doivent continuer à bénéficier d’importants soutiens publics qui font partiellement défaut aujourd’hui.
5. Les technologies transversales
Si les disciplines qui concourent directement à la conception des avions ont des feuilles de route, à peu près identifiées28, l’aéronautique civile – comme toutes les branches industrielles –, se nourrit de l’évolution de technologies transversales.
Au titre de ces technologies transversales, trois semblent prédominantes : la science des matériaux, la conception numérique et les technologies destinées à être le support de ce que l’on appelle l’usine du futur.
De façon tout aussi diffuse mais moins visible que les technologies de l’information, les progrès de la science des matériaux irriguent notre quotidien.
Comme l’ensemble des secteurs industriels, la construction aéronautique n’a pas échappé à ce mouvement.
Compte tenu de la très grande variété des contraintes physiques que doivent subir les différentes parties d’un avion, cette « pervasion » des nouveaux matériaux dans l’aviation n’est pas cantonnée à l’emploi de fibre de carbone dans les aérostructures. Elle concerne également d’autres matériaux composites mais aussi les alliages métalliques.
L’emploi de matériaux composites, c’est-à-dire non miscibles et constitués d’une matrice et d’un renfort, n’est pas en soi une nouveauté.
Le bois, par exemple, est un composite constitué d’une matrice en lignine et de renforts en cellulose.
Dans la construction aéronautique sont employés deux types de composites : les composites en céramique dans les moteurs et les composites, principalement à base de carbone, qui sont employés dans l’architecture de l’avion (ailes, fuselage, freins, etc.).
• Les matériaux composites de l’aérostructure
Si on examine sur 40 ans l’évolution des aérostructures des Airbus, le pourcentage en poids des composites de l’aérostructure est passé de 5 % pour l’A300 à 53 % pour l’A350.
La masse structurale de l’A350 se répartit comme suit :
- 53 % composite,
- 6 % acier,
- 19 % alliages d’aluminium,
- 14 % titane.
La forte montée de l’emploi de ces matériaux dans les aérostructures s’explique par des gains de masse incontestables vis-à-vis des alliages classiques, mais comprend certains inconvénients et suscite quelques interrogations.
• Les avantages
Outre des gains en termes d’entretien et de maintenance, l’avantage de l’usage de composites se mesure par des gains de masse importants, qui se traduisent par des diminutions de consommation (on estime qu’une tonne de masse économisée se traduit par une économie de 6 000 tonnes de kérosène sur la durée de vie d’un avion).
À titre d’illustration, l’emploi de composites pour le caisson central de l’A380 (dont l’aérostructure comprend environ 30 % de composites) a permis d’économiser 1,5 tonne de poids.
Autre exemple, la masse structurale de l’A350 est de 15 tonnes plus légère qu’elle ne l’aurait été sans composite – au total le gain de masse ainsi obtenu est de 15 tonnes.
Mais ces avantages sont tempérés par des inconvénients.
• Les inconvénients
• Les problèmes de sécurité
▪ L’aéroélasticité
Les composites sont plus rigides que les métaux. Il est donc nécessaire de les tester en situation de vibration dynamique, en particulier parce que les commandes de vol peuvent amplifier la fréquence de ces vibrations.
▪ Le foudroiement
Les avions en aluminium constituent, comme les voitures, des « cages de Faraday » qui conduisent l’électricité. Une architecture métallique représente donc une protection contre le foudroiement. À l’opposé, les matériaux composites sont isolants et, donc, susceptibles de subir plus fortement les impacts de foudre.
Il a donc été nécessaire de « baigner » ou de grillager les architectures composites des avions avec une poudre métallique permettant d’assurer la conduction du courant, ce qui les alourdit et réduit le gain de poids de l’emploi de ces nouveaux matériaux.
▪ Le dégivrage
Le problème se pose pour les plus gros avions. La structure métallique permettait un dégivrage thermique. Or les nouveaux matériaux ne conduisent pas la chaleur. Il pourrait être envisagé un dégivrage reposant sur des techniques électromagnétiques, mais ces techniques peuvent être ingérentes au regard des circuits électriques internes des avions.
• Les difficultés d’industrialisation
Au regard de l’emploi d’alliages métalliques qui ont une vie industrielle de plus d’un demi-siècle, l’assemblage des composites sur un produit aussi complexe qu’un avion peut poser des problèmes industriels.
Les fissures dans les ailes de l’A380 ou les problèmes de calage29 qui ont affecté plus d’une cinquantaine de B787 en témoignent.
Par ailleurs, il se trouve que plus on utilise de composites dans l’aérostructure, plus on doit employer du titane pour renforcer la structure (du fait de la différence de dilatation entre les composites et l’aluminium). Comme le montre le tableau qui suit :
Cet emploi du titane est très coûteux et annule une partie des gains de masse obtenus par les composites.
• Les interrogations sur le vieillissement
Le matériel aéronautique subit des contraintes physiques (vibrations de vol, écarts de températures) qui accélèrent le vieillissement des structures, alors même que la durée de vie des avions se mesure en dizaine d’années.
Or, si le comportement de l’aluminium et de ses alliages dans la durée et en conditions d’emploi en vol est très documenté, une certaine incertitude existe quant au comportement de vieillissement des matériaux composites.
Certains objectent à ces questions que les composites sont employés depuis longtemps et que l’on possède des références sur leur vieillissement.
Cet argument n’est pas totalement recevable en ce que :
- les composites employés évoluent,
- leur usinage et leur assemblage aussi,
- et, leur rôle dans l’aérostructure n’est plus le même et les soumet donc à des contraintes d’expositions et de travail physiques notablement différentes de leurs emplois passés.
• Les matériaux composites utilisés dans la motorisation
Un turboréacteur est un compromis entre sa densité, sa résistance mécanique (de 20 000 h à 100 000 h d’utilisation) et sa tenue en température (> 1 150°C).
Ces contraintes d’usage font qu’il ne comprend que 5 % de composites et 95 % de métaux et d’alliages métalliques divers (45 % d’alliages de nickel, 25 % d’alliages de titane, 6 % d’alliages de cobalt, 4 % d’alliages d’aluminium et 15 % d’acier).
Actuellement, seules les aubes de la turbine sont en composites30, ce qui apporte un gain de masse non négligeable).
Les prochaines étapes de l’introduction des composites visent, en premier lieu, certaines parties froides (comme l’aube et le centre de la soufflante).
Mais pour obtenir un gain de masse de facteur 2, introduire les composites en céramique dans les parties chaudes suppose des avancées technologiques.
Ces composites sont déjà employés dans les moteurs d’avions militaires (le M 88 du Rafale) mais avec des composites qui favorisent l’oxydation – ce qui est acceptable pour un moteur militaire dont la durée de vie est de 5 000 heures mais pas pour un avion civil qui peut avoir une durée de vie allant jusqu’à 100 000 heures.
Les motoristes s’engagent donc dans l’étude de céramiques composites moins sensibles à l’oxydation.
Compte tenu des différentes contraintes d’emploi et de tenue en vol des parties d’un avion, les métaux et alliages métalliques ont encore un avenir dans la construction aéronautique.
Les marges de progression dans ce domaine sont loin d’être négligeables car elles peuvent être porteuses de gain de masse mais concernent aussi des gains de résistance et de durée de vie.
Votre rapporteur n’en donnera que deux exemples.
Pour les tôles minces du fuselage, les matériaux proposés par la société Constellium et l’Institut de recherche technologique (IRT) de Nantes offrent des gains non négligeables (+ 46 % de tenue à la corrosion, + 5 à 7 % en densité, + 25 % de tenue en pratique).
Pour le futur A350 X, la substitution d’alliages en aluminium-lithium à l’aluminium pourrait représenter une diminution de la masse structurale de l’avion de 5 à 7 tonnes. Et cet alliage, outre sa résistance à la corrosion et à la fatigue, a un autre avantage – il allonge la durée de vie de l’avion et réduit les coûts d’exploitation.
Dans le domaine de la motorisation, la marge de progression concerne les réductions de masse par l’emploi d’alliage de titane à très haute résistance et passe par la recherche sur les alliages de nickel autorisant l’augmentation de la montée en température pour les structures chaudes du moteur.
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* *
L’ensemble de ces progrès technologiques a un corollaire, l’évolution des processus industriels de fabrication (cf. infra).
Au-delà, et à vue d’une génération (ou plus), les avancées dans la science des matériaux appliquée à la construction aéronautique pourraient concerner :
- une attention accrue apportée aux interfaces composites/métaux,
- les recherches sur les matériaux composites multifonctionnels (conductivité électrique, surfaces antigivres et autonettoyantes, résistance au vieillissement, détection des dommages par intégration de capteurs),
- et, enfin, un des domaines qui fait l’objet du plus grand nombre de publications scientifiques du monde, l’utilisation des graphènes (nanotechnologie de carbone à très grande résistance) mais dont le degré de maturation technologique est faible.
b) Les techniques informatiques
• Un phénomène exponentiel
La construction aéronautique n’échappe pas au phénomène social de la numérisation.
Considérée sous le triple aspect de la puissance de calcul embarquée, du nombre de bus numériques (i.e, c’est-à-dire des voies de transport entre l’unité centrale et le processeur) et du volume des codes logiciels, cette augmentation est exponentielle.
Rappelons que les systèmes informatiques de l’A380 comprennent 100 millions de lignes de codes.
• La conception et sa vérification
Cette omniprésence des logiciels s’observe à la fois dans les conceptions des avions (CAO) et dans leur fonctionnement (logiciels embarqués).
Dans les deux cas, les logiciels concernés ne sont pas écrits à la main mais élaborés automatiquement à partir de langages de base qui se déclinent en langages d’application.
En application, comme en fonctionnement, la plupart de ces logiciels se situent au plus haut niveau des systèmes critiques, c’est-à-dire :
- qu’ils ne sont certifiés (comme le sont les autres parties de l’avion) qu’en fonction d’une probabilité extrêmement faible de pannes (par exemple, pour les commande de vol de l’A320, toutes les 10 millions d’heures de vol) ;
- et que les systèmes embarqués sont redondants – pour l’A320, trois ordinateurs et trois logiciels fabriqués par des industriels différents.
Compte tenu du volume de lignes de codes dans les avions actuels, le problème se pose de la validation et la vérification de celles-ci. On estime qu’actuellement, on doit déployer quatre lignes de vérification pour une ligne de conception.
Les erreurs peuvent avoir des conséquences très lourdes. Par exemple, en 1996, une erreur sur une ligne de codes a abouti à l’explosion du prototype d’Ariane 5, quarante secondes après son lancement.
Et plus une erreur est détectée tardivement, plus elle coûte cher à corriger.
L’enjeu est donc de mettre en place des procédures sûres et automatisées de vérification des logiciels de conception. Aux méthodes traditionnelles se substituent, graduellement, des méthodes mathématiques.
- Les méthodes traditionnelles de vérification
La première de ces méthodes est la relecture du programme par des experts, suivie d’une simulation (exécution du programme dans un environnement de fonctionnement). Mais la méthode jusqu’ici la plus employée est le test qui consiste à définir des valeurs d’entrée du programme, à l’exécuter et à comparer les résultats obtenus aux résultats attendus.
Le principal intérêt du test est de vérifier l’exécution du programme sur le matériel, ceci en faisant varier les scénarios d’exécution.
L’inconvénient de ces méthodes est qu’elles sont longues et coûteuses (coût de l’écriture des scénarios et maintenance des bancs de test) et que, de ce fait, elles ne peuvent être exhaustives.
- Les méthodes formelles
Ce sont des procédés mathématiques qui permettent d’analyser les programmes avec des calculs automatiques sans recourir à leur exécution. Ces méthodes ont été utilisées pour la première fois pour la vérification des logiciels de l’A380.
Elles sont exhaustives par rapport à l’examen de la propriété considérée.
L’analyse statique permet d’approcher les comportements du programme en vérifiant qu’ils n’aboutissent pas à des situations dangereuses (par exemple que les logiciels de commandes de vols n’engendrent pas de comportements mettant en danger l’équilibre de l’avion).
Autre méthode, la vérification déductive s’applique à poser des préconditions et des postconditions à la bonne marche d’un facteur. Si celles-ci ne sont pas remplies, le logiciel n’est pas validé.
• Les nouveaux défis de la conception et de la vérification
L’évolution des microprocesseurs, des architectures informatiques et des méthodes de communication va rétroagir sur la conception des logiciels et donc sur celle de la validité de leur vérification.
Les puces dites « multi-cœur » visent à accroître la puissance de calcul et donc à diminuer les consommations d’énergie, ceci en mettant plusieurs processus sur une seule puce de silicium.
Les architectures dites « modulaires intégrées » visent à supprimer l’équation qui voulait que l’on consacre un calculateur à une seule fonction, ce qui avait pour conséquence une multiplication du nombre de calculateurs embarqués.
L’idée des architectures modulaires intégrées est de partager sur un même calculateur les ressources de calcul et de communication (« bus » de transmissions informatiques) ; un même calculateur étant appelé à gérer plusieurs fonctions. Cette avancée nécessite la mise au point « d’interfaces » qui permettent de gérer les communications entre les différentes parties du réseau.
Enfin, les réseaux sans fils qui sont maintenant d’application courante permettront des gains importants de masse sur le câblage.
Le problème est que ces évolutions n’ont pas été conçues pour le transport aérien et que les équipements qui les supportent garantissent une performance moyenne élevée mais en aucun cas le support de logiciels critiques ne tolérant qu’un pourcentage infinitésimal de pannes ou de dysfonctionnements.
Il est donc nécessaire de redéfinir, le cas échéant, leurs bases de fonctionnement et les conséquences à en tirer sur la production des logiciels de conception et de vérification destinés à l’aviation.
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On ne surprendra personne en indiquant que les logiciels embarqués, comme l’ensemble des éléments de la numérisation de la société, sont des enjeux industriels capitaux.
L’étude commandée en 2010 sur les « briques génériques de logiciels embarqués » chiffrait, en 2006, à 135 milliards d’euros (dont 51 milliards pour l’aérospatial) le chiffre d’affaires mondial de cette activité en 2015.
Mais la même étude mettait en avant certaines faiblesses de notre dispositif industriel dans ce domaine :
- Si par secteur – et c’est un cas d’école dans l’aéronautique, nos entreprises se situent à un très bon rang mondial, le cloisonnement entre chacun de ces secteurs empêchait l’organisation de synergies et, quelquefois l’émergence d’une masse critique de recherches,
- la préoccupation de sécurité des systèmes contre les intrusions doit devenir un enjeu de plus en plus important, au fur et à mesure que leur prévalence dans la chaîne de valeur industrielle s’établit,
- les systèmes de formation demeuraient incomplets :
§ seuls 20 % de diplômés avaient reçu une formation dans ce domaine technologique transversal,
§ et, il n’existait pas de cursus universitaire complet et cohérent sur ce thème.
Un avion est un produit très complexe à concevoir, à fabriquer et à assembler.
Dans un contexte mondial de plus en plus concurrentiel, l’efficacité des procédés industriels qui concourent à cette fabrication peut être décisive.
À ce titre, les innovations technologiques peuvent être de deux ordres.
En premier lieu, la mise en cohérence de l’activité de l’avionneur, constructeur et assembleur, et des multiples sous-traitants, est un sujet qui peut paraître moins ambitieux que les percées technologiques mais qui est tout aussi essentiel en matière de rythme de production et contraintes de certification.
Au-delà, une industrie qui investit 17 % de son chiffre d’affaires dans la recherche est amenée à générer des innovations de procédés de fabrication.
Ces derniers progrès sont de deux natures, les uns sont dédiés à des domaines précis, les autres comme la robotique ou la réalité augmentée, ont une vocation plus transversale.
Dans chacun de ces secteurs, les enjeux industriels directs et dérivés sont très importants.
• Les mutations industrielles dédiées
Votre rapporteur se bornera, sur ce fait, à donner quelques exemples, tirés de ce qui pourrait être un véritable catalogue « Manufrance » des très nombreuses innovations dans les procédés industriels de la construction aéronautique :
- l’introduction des composites dans l’aérostructure et dans les moteurs a été porteuse d’innovations :
§ pour le moteur GenX co-fabriqué par la SNECMA, le carter de la « soufflante » est fabriqué en composite avec une technologie innovante de tissage et non plus par le procédé d’implant classique,
§ le caisson central de l’A350 en composite est directement effectué par dépose de couche grâce à un robot qui permet de répondre très exactement aux spécifications très variées de cet ensemble,
§ les soudages des pièces d’aluminium par « friction-malaxage » apportent des gains très importants de coût, de rapidité de cycle de fabrication et de robustesse,
§ les techniques de « fabrication directe » par laser qui s’opposent aux techniques de dépôt de couche apportent des gains de masses en matériaux. Elles ouvrent la voie de ce que l’on appelle « l’optimisation topologique », c’est-à-dire les possibilités d’analyser et de rectifier le design des pièces.
L’ensemble de ces progrès destinés à des objets à haute tenue critique et à durée de vie longue nécessite un investissement technologique continu consacré à la compréhension du cycle de vie des matériaux (comportement, endommagement, procédé).
• La robotique
Les évolutions de la robotique s’appliquent naturellement aux domaines évoqués ci-dessus mais elles sont porteuses de progrès spécifiques dans les procédés industriels.
À titre d’illustration, un axe de recherche important concerne les robots collaboratifs pour suivre concrètement la fabrication d’un avion.
Par exemple, ces robots auront vocation :
- à localiser précisément les zones à riveter par les compagnons ;
- et, ultérieurement, à vérifier si le travail a été effectué correctement.
• La réalité augmentée
Grâce à une modélisation d’imagerie qui représente en détail les différentes parties d’un avion, ce concept qui est en application chez Airbus permet, en particulier :
- de faire coïncider le virtuel (c’est-à-dire le design informatique des différentes parties de l’avion) avec le réel.
Ceci permet, notamment, de visualiser les points les plus délicats de construction de l’avion. Par exemple, les difficultés d’accès à des zones où il sera nécessaire d’intervenir – pour riveter ou pour boulonner. Et le cas échéant de concevoir des outils prototypes pour des zones difficiles d’accès.
- de géolocaliser le réel.
Un bon exemple de l’utilité de cette application est la localisation des « brackets » (supports en métal qui servent d’interface entre le câblage et la structure – dans un A 380, il y a plus de 60 000 de ces supports). La géolocalisation permet de visualiser l’implantation de ces supports et d’opérer des vérifications.
- d’en évaluer l’implantation des postes de travail lors de la construction de l’avion (valeurs logistiques, passage charriots d’outillage, établis, accès à l’avion (confort des postes de travail, etc.).
- de tester les solutions de maintenance.
• Des enjeux industriels très importants
Les technologies de pointe en matière d’industrialisation dégagées pour la construction aéronautique n’engendrent pas uniquement des avantages concurrentiels directs pour le secteur mais ont également vocation à diffuser en amont et dans d’autres secteurs.
À titre d’illustration, la conception et le logiciel du robot très sophistiqué qui sert à déposer les couches de composites de l’A350 a permis le maintien en activité d’une entreprise de la région nantaise et des prises de position dans le domaine des logiciels consacrés aux machines-outils.
Dans ce cadre, estimer, comme certains, que la construction aéronautique est un secteur qui se supporte lui-même et n’a pas besoin de soutiens publics est une option à courte vue.
L’exemple de l’Institut de recherche technologique de Nantes dédié aux transports (automobile, rail, mer, aviation) montre bien l’importance des synergies qui peuvent se dégager tant en matière de robotique, de procédés industriels innovants, que de design de structures complexes. Il illustre, sur ce point, la voie de ce que pourrait être une des bases du renouveau industriel de notre pays.
Dans la mesure où les contraintes physiques du vol excluent que le transport aérien puisse utiliser les énergies renouvelables terrestres de production d’électricité par éolienne ou photovoltaïque, il constitue un des terrains d’élection des biocarburants.
Quel pourrait être le besoin du transport aérien en carburant d’ici 2040 ?
Et en cas d’insuffisance des ressources en combustibles possibles, les offres de substitution en carburants alternatifs, à faible émission de CO231, permettront-elles de remédier à ce déficit ?
Les éléments de réponse à la première de ces questions dépendent de deux variables : la progression du trafic aérien et les améliorations technologiques limitant les consommations par passager/km.
Si, du fait de la crise, les prévisions qui tablaient sur un doublement du trafic d’ici 2030 portent cet évènement – suivant les modèles – entre 2040 et 2050, elles impliquent un doublement de la consommation jusqu’à un niveau de l’ordre de 500 millions de tonnes de kérosène par an.
Bien sûr, cette donnée est à corriger des progrès technologiques attendus, en particulier des architectures et de la motorisation mais qui pourraient laisser subsister un déficit prévisionnel de l’ordre de 100 millions de tonnes de kérosène par an.
À l’opposé, les projections dont on dispose sur les disponibilités en hydrocarbures vers 2030 varient du simple au double, de 3 milliards de tonnes par an à 6 milliards – cet écart étant imputable à ce que le premier de ces chiffres n’incorpore pas les potentialités des hydrocarbures non conventionnels et reste prudente sur l’évaluation des stocks conventionnels exploitables.
Mais, au total, si on se réfère à la production actuelle de 4 milliards de tonnes par an, on pourrait être confronté à des tensions d’utilisation assez fortes à partir de 2030, car les autres secteurs de l’économie mondiale pourraient absorber une partie d’un excédent de production escompté qui n’est, au demeurant, pas assuré.
Le développement prévisible de ces tensions d’usage posera donc, d’ici à une génération, le problème de la disponibilité de biocarburants, à faible émission de gaz à effet de serre.
En l’état, on doit faire la part des filières en voie de maturation technologique et de celles en préparation.
La mise en œuvre de ces filières sera étroitement dépendante de préalables technologiques et économiques.
1. Les filières en voie de maturation
Actuellement, et compte tenu du cahier des charges très rigoureux du carburant destiné à l’aviation, seules deux filières sont en développement.
a) La filière à hydrotraitement des huiles (HEFA)
Cette filière qui est homologuée et au stade de prédémonstration permet d’aboutir à une réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’ordre de 30 %.
Elle présente, cependant, le double inconvénient :
- de reposer sur une base de ressources naturelles étroites (160 millions de tonnes par an d’huiles, ce qui correspondrait à une production de 130 millions de tonnes par an de biokérosène),
- et d’entrer à la fois en concurrence avec des usages alimentaires et avec des objectifs de protection de la biodiversité.
b) La gazification de la biomasse (BTL)
Ce procédé est homologué mais à un stade de développement moins avancé que l’hydrotraitement des huiles. Il s’agit d’un biocarburant dit de seconde génération reposant sur la filière lignocellulosique, dont les ressources potentielles sont beaucoup plus élevées que la filière « huile ». Il peut aboutir à des économies d’émission de gaz à effet de serre de l’ordre de 60 % par rapport aux hydrocarbures et présente moins de concurrence d’usage avec les filières agroalimentaires que la filière « huile »32.
2. Les filières en voie de préparation
Les biocarburants de troisième génération concernent essentiellement les microalgues.
Pourtant, le potentiel des microalgues est important, suivant le rapport de l’Algogroup : l’écart entre la production actuelle (12 milliards dans le monde correspondant en théorie à 1 % des besoins en kérosène) et le potentiel exploitable est d’un facteur 200.
Mais :
- l’exploitation directe et complète de la ressource naturelle poserait des problèmes de biodiversité ;
- elle entrerait en concurrence avec d’autres usages des macroalgues (cosmétiques, industrie chimique, nutrition) dont l’équation économique est plus prometteuse.
Et la culture en mer (algues bleues) ou en lagunes (algues vertes) aboutirait à des coûts supplémentaires (par rapport à la cueillette) prohibitifs.
Les microalgues présentent des avantages incontestables vis-à-vis des biocarburants de deuxième génération :
- leur culture hors sol n’entre pas en concurrence avec les usages alimentaires,
- l’extraction des lipides pour fabriquer du biocarburant laisse des coproduits (hydrate de carbone, protéines) qui peuvent trouver un marché,
- leur bilan en CO2 est plus favorable,
- on commence à explorer les mécanismes qui font qu’en condition de stress, ces microalgues augmentent leur production de lipides.
Toutefois, la mise en œuvre pratique de cette filière suscite des interrogations qui font que son déploiement n’est pas envisageable avant 2025/2030 :
- les consommations intermédiaires en eau et en nutriment sont sensiblement élevées. Un rapport de l’Académie des sciences américaine a ainsi établi que pour produire 5 % du carburant utilisé dans l’ensemble des transports, aux États-Unis, il serait nécessaire d’y consacrer 6 à 15 millions de tonnes d’azote, ce qui correspond à 44 % de l’azote utilisée pour l’agriculture américaine ;
- en l’état, seuls 30 à 50 % des lipides générés sont transformables ;
- les coûts de récolte (il est nécessaire de séparer les algues de l’eau) et d’extraction sont importants et représentent encore 70 % du prix de revient ;
- les modes de cultures ne sont pas déterminés :
§ la culture en bassins ouverts (qui serait favorable aux algues autotrophes dont les consommations en intrants sont plus faibles) ont l’inconvénient de soumettre les algues aux prédateurs et aux agents pathogènes de l’air ;
§ la culture en photobioréacteurs fermés est très coûteuse en énergie.
Au total, ces inconvénients aboutissent en démonstration de laboratoire, à des coûts de production entre 3 et 5,6 € le litre de biokérosène, ce qui semble rédhibitoire.
L’avenir de la filière de troisième génération de biocarburants est donc pendant à un effort continu de recherche et de développement et, en particulier, à des études plus poussées :
- sur la sélection génétique des souches permettant d’accroître la résistance et d’améliorer la production de lipides exploitables,
- et sur la recherche de souches à plus grande rapidité de croissance, ce qui conditionne, en partie, la viabilité économique de la filière.
3. Les perspectives de développement
a) La faisabilité technologique
De très nombreux essais en vol incluant du biokérosène à des pourcentages variables ont eu lieu. L’Union européenne prévoit une production de 2 millions de tonnes de biokérosène en 2020.
L’IATA estime que 6 % de biokérosène seront incorporés au kérosène fossile en 2020.
En l’état, les horizons de développement de ces filières sont les suivants :
Mais cette feuille de route ne traduit pas la faisabilité technologique de l’inclusion de biokérosène dans les moteurs :
- certains de ces composants ont des problèmes de tenue au froid ;
- et, il est nécessaire de tester sur la durée de vie d’un moteur (de 20 000 à 100 000 heures) la neutralité de ces biocarburants sur l’abrasion des moteurs, la tenue des joints et sur d’éventuelles difficultés de rallumage de la combustion en vol.
Nous l’avons souligné, la mise en œuvre des biocarburants de troisième génération n’est pas mûre.
Mais qu’en est-il des carburants de deuxième génération ?
La réponse à cette question dépend de l’équilibre de deux facteurs, de coût et de revenus.
Au chef des coûts, le déploiement d’une filière jusqu’à la fabrication industrielle repose sur des constantes de temps d’une dizaine d’années, ce qu’on appelle la « traversée du désert » avant le premier retour sur investissement. Cette prise de risque financier est encore démultipliée par l’importance du coût initial de ce déploiement industriel.
Parallèlement, le calibrage des coûts d’exploitation n’est pas totalement tranché. Et principalement celui de la ressource. Par exemple, pour la filière « huile », il existe une corrélation entre le prix du pétrole et celui de l’huile de palme. Si on s’attarde à la filière ligno-cellulosique et à son produit phare le « jatropha », on aboutit à des cycles de culture relativement longs qui sont de nature à peser sur le coût de la ressource.
En matière de revenus, on estime que ces filières ne pourront être rentables qu’à partir d’un prix du pétrole se situant entre 200 et 250 dollars le baril.
Or, les prévisions d’extraction et d’usage des hydrocarbures à l’ombre portée d’une génération ne sont pas fixées dans le marbre ; comme ne l’est pas à cet horizon, le prix de la tonne de CO2, comme ne le sont pas non plus les perspectives techniques et économiques d’une filière concurrente à celles des biocarburants, la filière de captation et de stockage en profondeur de CO2 qui serait adossée à des ressources en charbon très abondantes.
Dans ces conditions, le développement des filières de biokérosène ne sera envisageable :
- qu’en fonction de dispositions réglementaires prévoyant l’inclusion par pallier d’une part croissante de biokérosène dans le kérosène « fossile » ; étant précisé que pour être tolérable financièrement ce pourcentage devra croître lentement ;
- et que par un financement public soutenu de la filière portant non seulement sur la recherche et le développement de prototype mais qui devrait également subventionner la différence entre le prix des biokérosènes et le prix de marché des hydrocarbures. C’est au demeurant la solution choisie pour une des nations qui ne figure pas nommément parmi les plus interventionnistes : aux États-Unis, le programme de développement de biocarburants est supporté par plusieurs départements ministériels dont certains subventionnent les achats de biocarburants par la marine américaine.
Ces subventions pourraient être compensées par une taxation très légère des kérosènes fossiles.
Les aéroports sont une pièce essentielle de la chaîne de valeur de l’aviation civile :
- ils sont un point de passage obligé qui devra faire face au doublement du trafic aérien envisagé d’ici 2040-2050, étant précisé que cette croissance sera corrélée avec une plus grande densité de trafic (améliorations des taux de rotation des avions imputables aux politiques des compagnies et à la modernisation de la navigation aérienne – cf. infra) ;
- ils relient les transports aériens aux autres modes de transport ;
- et, ils constitent, comme il l’a été souligné, des zones de forte densité d’emploi. Avec un phénomène émergent, ce que les marques de luxe appellent « le 6ème continent ». Le chiffre d’affaires des boutiques « hors taxes » augmente de façon vertigineuse (20 milliards de dollars en 2000, près de 50 milliards en 2012).
Face à la croissance attendue du trafic, les possibilités d’amélioration des capacités d’accueil des aéroports dépendent, au premier chef, des facultés d’extension des pistes.
Mais au-delà, on doit se demander quels pourront être les apports de la science et de la technologie à l’amélioration des disponibilités d’accueil des aéroports, sachant que ce secteur est celui de l’aviation qui fait l’objet du plus faible investissement en recherche.
Dans ce cadre, on peut distinguer quatre domaines où des progrès sont envisageables, les pistes, les fonctions opérationnelles de l’aéroport, la sécurité et la fluidité des opérations d’embarquement.
La capacité annuelle théorique d’une piste est de l’ordre de 250 000 mouvements par an mais cette capacité est réduite par les horaires d’ouverture et la concentration du trafic sur des pics quotidiens et saisonniers.
Il en résulte qu’une attention particulière doit être accordée à l’ensemble des opérations qui se déroulent après l’atterrissage et autour des parkings, et ceci sur trois points :
- l’amélioration des possibilités de parking,
- l’amélioration de la logistique de ravitaillement et de maintenance (chargement des bagages, nettoyage, carburant, ravitaillement en nourriture, rapidité des opérations de maintenance),
- et la circulation des nombreux véhicules qui interviennent sur l’aéroport. Sur ce dernier point, l’apparition d’un nouvel acteur (les taxibots – tracteurs qui sont destinés à conduire les avions à proximité des pistes d’envol et à les ramener au parking33) pourrait densifier ce trafic.
Peu d’innovations décisives sont attendues sur les pistes mêmes, sinon l’invention aux États-Unis d’un « béton mou » destiné aux dégagements qui ont vocation à ralentir l’avion après un décollage raté (ce béton dans lequel l’avion « s’enlise » progressivement permettrait de raccourcir les dégagements et donc des gains d’espace).
2. Les systèmes opérationnels de l’aéroport
De l’arrivée au parking au décollage, les aéroports assurent, par le truchement d’acteurs différents, une série de fonctions opérationnelles au travers de différentes opérations (navigation, contrôle des bagages, enregistrement des passagers, police, etc.).
Actuellement, ces fonctions ne sont pas centralisées. À titre d’illustration, ce n’est que depuis peu qu’il existe une liste de vols unique à Roissy.
Centraliser l’ensemble de ces fonctions permettrait probablement de prévoir les pointes de trafic et d’anticiper les embouteillages.
La sécurité dans les aéroports comprend plusieurs domaines, celle des systèmes, celle des installations et celle des passagers.
La feuille de route, dans ce domaine, s’oriente vers la mise en place d’une vidéosurveillance intelligente.
L’analyse logicielle du contenu des flux vidéo permet de signaler des situations particulières aux opérateurs de sécurité en remplissant des fonctions de base :
- détection de mouvement suspect ;
- franchissement d’une zone virtuelle par un individu ou un véhicule suspect ;
- décodage des plaques minéralogiques dans les parkings ;
- détection automatique des accidents sur les voies de circulation ou alerte en cas de stationnement inopportun ;
et des fonctions évoluées :
- détection d’objets abandonnés ;
- mesure des files d’attentes de personnes ;
- analyse du comportement des foules ;
- suivi automatique d’un individu.
- détection à la volée de matière ou objets illicites ;
- identification des individus à la volée ;
- suivi automatique de personnes par la vidéo.
Par rapport à un voyage ferroviaire, l’ensemble des opérations d’enregistrement et de contrôle pénalise le transport aérien.
L’amélioration de la fluidité des circuits des passagers et des bagages est donc un enjeu non négligeable.
S’agissant des passagers, la mise en place d’une vidéosurveillance intelligente, évoquée ci-dessus, en est un des éléments.
D’autres gisements d’amélioration existent.
Par exemple, il serait possible de localiser très exactement sur un téléphone portable le comptoir d’enregistrement d’un vol, ce qui éviterait aux passagers des transhumances habituelles d’un hall à l’autre.
Mais, l’enjeu principal est la mise en place d’un contrôle de sécurité en continu.
Les scanners utilisés à titre expérimental dans certains aéroports ont montré des défaillances de fonctionnement.
En outre, ils exposent les voyageurs réguliers à des doses de radiation supérieures à ce qu’est censé supporter un opérateur travaillant dans une centrale nucléaire.
D’autres options sont envisageables pour ces « couloirs de contrôle intelligents » :
- l’amélioration des systèmes reposant sur le rayonnement du corps humain (dont les définitions d’usage ne sont pas encore satisfaisantes et qui imposent une certaine gymnastique aux personnes contrôlées car, contrairement aux technologies actives, le système ne peut voir au travers du corps humain)34 ;
- la recherche de progrès dans la détection à distance de matières illicites, technologie qui permet d’envisager une visualisation d’objets invisibles en surface mais qui n’est pas mûre.
Concernant la fluidité du cycle des bagages (contrôle de sûreté, tri, chargement, déchargement et livraison) qui est très onéreux en personnel, l’enjeu est double :
- améliorer la rapidité de ce cycle en l’automatisant (tapis à l’entrée, utilisation de puces RFID, Radio Frequency Identification, etc.) ;
- faire progresser la sûreté de l’acheminement (3 % des bagages mal acheminés coûtent chaque année 3,3 milliards de dollars aux compagnies).
Toutefois, la mise en œuvre de ces progrès technologiques repose sur l’intérêt pour agir des compagnies qui sont responsables de ce circuit de bagages, ce qui revient à dire que des progrès ne pourront être enregistrés dans ce domaine que s’ils génèrent parallèlement des gains de productivité ou un enrichissement de l’offre des compagnies.
1. Les données de la modernisation de la gestion du trafic
L’adéquation des capacités de gestion du contrôle de la navigation aérienne est le défi le plus immédiat auquel devra faire face l’aviation civile.
D’une part, parce que l’acquis, en Europe, comme aux États-Unis ou la Chine, fait apparaître une dégradation progressive des résultats d’une fonction essentielle – avec des conséquences non négligeables en termes de consommation.
Et d’autre part, parce que même si le doublement du trafic primitivement envisagé vers 2030 pourrait être reporté d’une décennie, il connaîtra une double progression quantitativement mais aussi « qualitativement ». Le mouvement que l’on observe aux États-Unis de concentration de la masse du trafic sur certains grands aéroports, l’accroissement des rotations d’avions dans des plages horaires qui ne sont pas extensibles contient en lui-même un risque de thrombose du trafic.
Enfin, parce que le contrôle aérien repose sur des technologies des années soixante et échappe encore au mouvement de numérisation de l’économie.
Dans ces conditions, la mise en œuvre de moyens supplémentaires en personnel et en équipement ne suffirait probablement pas à répondre de façon satisfaisante à ce surcroît de demande de trafic – qu’il s’agisse du contrôle « en route » ou du contrôle d’approche.
La solution proposée à l’échelle européenne – mais une initiative similaire existe dans l’espace aérien américain – est le programme SESAR (Single european sky air traffic management research – ou recherche sur le contrôle du trafic aérien dans le ciel unique européen).
Le concept opérationnel de « SESAR », tel que défini dans une note de la DGAC, repose sur la réduction des incertitudes quant au positionnement des avions de leur décollage à l’atterrissage :
« Aujourd’hui le contrôle de la circulation repose sur un concept opérationnel dans lequel le contrôleur de la circulation aérienne utilise des informations plan de vol et des informations radar. Les informations plan de vol contiennent des informations sur la route suivie par l’avion et les niveaux et heures de passage prévus sur des points. Ces informations demeurent relativement imprécises. À partir de ces informations, le contrôleur se construit une image mentale du trafic et détecte les risques potentiels de pertes de séparations entre avions. Même si un certain nombre d’outils ont été développés pour l’aider dans sa tâche, l’imprécision des informations ne permet pas d’augmenter significativement le nombre de vols traité par un contrôleur à un instant donné. C’est pourquoi la réduction de l’incertitude sur les futures positions de l’avion est le facteur déterminant dans l’amélioration du système.
Les concepts opérationnels de SESAR reposent sur le partage entre le sol et le bord d’une connaissance précise des trajectoires 4D (position et temps). Ces trajectoires 4D servent de base au fonctionnement du système à partir du dépôt des intentions de vol, du plan de vol. Les informations associées à la trajectoire sont partagées entre tous les acteurs (avion, compagnies aériennes, services de la navigation aérienne, aéroport…) et permettent de réduire l’incertitude. Cette réduction de l’incertitude permet, de mieux anticiper les problèmes, de diminuer le nombre de conflits potentiels et les actions à prendre sur les vols et d’anticiper sur les décisions. Cela permettra de rendre les outils de contrôle plus efficaces.
Il est également envisagé de pouvoir déléguer le maintien des séparations à bord : la responsabilité du pilote pourra être totale (self séparation) dans les espaces peu denses ou bien être utilisée pour régler des problèmes particuliers par exemple réglés aujourd’hui par des séparations à vue et qui ne peuvent pas être appliquées par mauvaise visibilité ou des actions du contrôleur.
L'automatisation jouera un rôle de plus en plus important, facilitée par le développement des liaisons de données numériques air-sol permettant l'échange d’information entre les calculateurs bord et au sol. »
Ce programme a été lancé en 2006 et s’est traduit en mai 2008 par l’élaboration d’un plan directeur européen de gestion du trafic aérien.
Une phase de développement (2009-2016) reposant sur une entreprise commune à laquelle sont associés la Commission européenne, Eurocontrol, et les principaux acteurs du secteur (gestionnaires de la navigation aérienne, aéroports, fournisseurs d’équipement au sol et embarqués et constructeurs d’avions) est actuellement menée.
Le coût total de la recherche sur cette phase est de 2,1 milliards d’euros et 300 projets de recherche ont été labellisés sur la phase (2009-2016).
Ultérieurement, la phase de déploiement (2016-2025) verra la mise en œuvre des équipements au sol et embarqués, dont le coût d’investissement est estimé pour l’ensemble du ciel européen à 30 milliards d’euros, dont 7 pour les équipements de sol et 23 pour les avions (civils et militaires).
Une révision du plan directeur de SESAR a été approuvée en juillet 2012 clarifiant les objectifs de la phase de déploiement (2014-2020).
Malgré une vision encore insuffisante du cheminement économique de cette modernisation, ce plan révisé est une première étape importante vers le déploiement, car il clarifie les priorités du programme sur la période 2015-2020 :
- l’intégration et la capacité des aéroports : la gestion du trafic à la surface sera améliorée et les aéroports importants seront mieux intégrés dans le système ATM (Air transport management) en prenant en compte les interactions entre vols à l’arrivée et vols au départ.
- la gestion des conflits et l’automatisation : la charge de travail du contrôleur sera réduite grâce à des outils d’assistance automatisée.
- évolution de la gestion de l’espace vers la gestion des trajectoires 4D : l’usager gagnera en flexibilité et en efficacité en suivant une route déterminée sans référence au réseau de routes aériennes (Free routing) et tous les acteurs bord et sol auront une vision commune actualisée des trajectoires grâce au partage des informations sur les trajectoires prévues dans l’espace et le temps.
- gestion collaborative du réseau et ajustement dynamique demande-capacité : il s’agit de suivre l'évolution du trafic et de la demande d'espace aérien, d’identifier les déséquilibres de capacité/trafic, de développer des scénarios de régulations impliquant tous les acteurs (processus CDM) en cas de manque de capacité.
- synchronisation du trafic : l’objectif est d’améliorer la gestion des vols au départ comme à l’arrivée afin d’optimiser les séquences de trafic et les profils de montée et de descente, et par conséquence, limiter les interventions tactiques du contrôleur.
Le plan directeur prévoit une phase de déploiement initial (2014-2020) pour un budget d’industrialisation et déploiement de 10 à 20 milliards d’euros selon le rythme de mise en œuvre qui sera de retour.
Ces investissements sont importants et ne pourront être engagés sans une parfaite coordination des acteurs du déploiement et un cheminement économique approfondi aussi sûr que possible assurant aux usagers un retour sur investissement clairement démontré. Les questions de standardisation et d’interopérabilité devront également être approfondies.
La Communauté européenne pourrait contribuer au déploiement pour 3 milliards d’euros principalement au travers de compléments de financement ou de mécanismes incitatifs qui restent à préciser.
2. Les incertitudes quant au rythme de déploiement du système
Même si, sur les deux rives de l’Atlantique, une volonté politique claire s’est exprimée pour aller de l’avant, beaucoup d’interrogations demeurent quant au rythme de mise en œuvre de cette réforme.
a) La mise en œuvre d’une interopérabilité mondiale
La juxtaposition de deux initiatives de modernisation de la navigation aérienne (« SESAR » en Europe, « NextGen » aux États-Unis) renvoie de toute évidence à la nécessité de faire converger les normes de ces deux systèmes.
On imaginerait difficilement qu’un système choisi pour optimiser la trajectoire des avions dès leur décollage puisse coexister avec un autre sans que des normes communes soient instaurées.
L’élaboration de normes communes est actuellement confiée à l’OACI.
b) La cohabitation du lancement de SESAR avec les progrès du ciel unique européen
Moderniser l’instrument (SESAR) et actualiser les procédures (ciel unique européen) constitue un double défi pour l’aviation civile européenne.
Dans ce cadre, le déploiement de SESAR ne sera réellement efficace – et donc porteur d’économies sur le coût du contrôle et les consommations en vol – que si une synchronisation entre ces deux réformes est instaurée.
Et, cela suppose :
- une amélioration de la gestion des flux de vol pour Eurocontrol, en particulier entre les cinq premiers aéroports européens, dont les zones de contrôle se recoupent ;
- la mise en place d’un outil européen unique de contrôle du trafic et des conflits de trajectoires de l’espace aérien.
c) Le tempo de déploiement du système
C’est un aspect essentiel de la mise en place de SESAR.
Le coût estimé pour l’Europe (mais les données américaines sont du même ordre) est de 30 milliards d’euros dont 7 milliards pour les équipements au sol et 23 milliards pour les compagnies aériennes.
Il faut garder à l’esprit que l’efficacité de « SESAR » ne sera perceptible – suivant les systèmes qu’il supporte – que lorsque 60 à 80 % des avions seront équipés.
Or, les contraintes de cette modernisation sont doubles :
- pour les avions en commande, qu’il s’agisse de modèles déjà sur le marché (A320, A380) ou de modèles en phase de lancement (A350, A320 Neo), une concertation forte avec les constructeurs sera nécessaire ;
- pour les avions faisant partie du parc, le coût de cette mise à niveau risque d’être très élevé, compte tenu du poids du stock existant et de la durée d’immobilisation des avions.
Dès lors, on peut s’interroger sur l’incitation qu’auront les compagnies aériennes européennes à s’équiper. Ceci, d’autant plus qu’elles pourraient bénéficier de progrès de productivité assez rapides du fait de la mise en place du ciel unique européen.
Comment asseoir une modernisation coûteuse dont le retour sur investissement ne sera pas immédiat puisqu’il est lié aux taux de rééquipement de l’ensemble de la flotte ?
Votre rapporteur estime que deux possibilités, qui ne sont pas exclusives l’une de l’autre, s’offrent :
- prévoir des incitations financières européennes pour favoriser une croissance aussi rapide que possible de l’équipement des avions ;
- faire évoluer les principes de priorité d’approche.
Actuellement, la règle « premier arrivé, premier servi » s’applique. Il pourrait être fortement incitatif de la faire évoluer et de donner des priorités d’atterrissage aux avions les mieux équipés.
d) La disponibilité de l’espace
La mise en œuvre de « SESAR » n’est pas séparable d’emploi d’une constellation de satellites communiquant aux avions et aux opérateurs au sol les positions exactes des avions. Cela ne pose pas de problèmes technologiques majeurs, sauf en matière de disponibilité de l’espace.
Ceci à deux titres :
- il sera nécessaire de dégager des bandes de fréquence, ce qui introduira une concurrence d’usage entre l’aviation civile, les télécommunications et la télévision par satellite,
- le bon fonctionnement des systèmes implique une sûreté (cf. infra) de la constellation satellitaire. Or, la pollution de l’espace par des débris devient de plus en plus préoccupante. On mentionnera sur ce point l’excellent rapport adopté par l’Office en 201235.
e) La sûreté et la sécurité des systèmes
La sûreté de SESAR qui s’adresse à des phases opérationnelles critiques devra être d’autant plus sérieusement testée qu’elle doit assurer non pas le fonctionnement d’un système unifié (comme les commandes de vol d’un avion) mais d’une juxtaposition d’intervenants (contrôle aérien, de route et d’approche, contrôle d’atterrissage et de décollage, compagnies aériennes, pilotes).
Le défi sur ce point n’est pas mineur car il porte sur la vérification de plusieurs millions de types de codes.
En matière de sécurité, votre rapporteur renverra aux minutes de l’audition publique que l’Office a organisée le 21 févier 2013 sur le « Le risque numérique : en prendre conscience pour mieux le maîtriser ? » en collaboration avec la Commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale et la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.
Il se bornera à rappeler que le transport aérien est un terrain d’élection des attaques terroristes, ce qui suppose que les systèmes numérisés qui viendront à l’appui de la modernisation de la navigation aérienne ne soient pas susceptibles d’être pénétrés - c’est un des débats entre les États-Unis qui souhaitent un système le plus fermé possible et les Européens qui préféreraient des architectures informatiques plus ouvertes.
Un investissement important doit être entrepris dans ce domaine à l’occasion de la mise en place de « SESAR » mais surtout lorsque l’on arrivera à un stade de maturité permettant à chaque avion d’être un objet communiquant avec les autres avions.
Chaque degré d’automatisation des opérateurs devra, en parallèle, être assorti d’un renforcement de la cyber-sécurité.
On estime, par exemple, que d’ici 2040-2050, il pourrait être envisagé de mettre en opération des avions cargos entièrement automatisés et sans photo dont on imagine les conséquences d’une prise de contrôle par des opérateurs malveillants.
Peut-être n’a-t-on pas assez exactement mesuré l’impact à venir de l’introduction des technologies qui vont concourir à la modernisation de la navigation aérienne.
Pour certains acteurs, ce choc technologique s’apparentera presque à un changement de métier :
- les contrôleurs aériens auront non seulement à mettre à jour les progrès du ciel unique européen mais également à sortir d’une approche traditionnelle de leur fonction privilégiant la prise de marge pour des raisons parfaitement compréhensibles de sécurité.
De plus, cette optimisation progressive des trajectoires devra s’effectuer dans un ciel « mixte », c’est-à-dire comprenant des avions équipés par « SESAR » et d’autres qui ne le seront pas dans les dix prochaines années ;
- les pilotes auront non seulement à connaître une avionique de cockpit modifiée, mais encore à gérer une réduction de leur autonomie – en application des normes d’optimisation des trajectoires de vol transmises par le contrôle aérien. À terme, ils seront destinés à piloter des objets volants communiquant avec d’autres objets communicants dans l’espace aérien.
Lorsque l’on se remémore les difficultés passées rencontrées à l’occasion de l’automatisation de certaines fonctions de vol, l’on ne peut que s’interroger sur l’impact d’une modernisation infiniment plus étendue.
Changement de méthode, changement de métier ?
Il va de soi que la réponse traditionnelle qui réside dans un soutien de formation de la part des opérateurs du contrôle aérien est une nécessité.
Mais compte tenu de l’ampleur de ces innovations – qui s’appliqueront à des systèmes hautement critiques –, votre rapporteur croît utile d’insister sur un point, l’attention qu’il conviendra d’apporter dans un environnement nouveau aux interfaces homme-machine, qu’il s’agisse des pilotes ou des acteurs du contrôle aérien.
À cet effet, on rappellera les conclusions du Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA) sur le vol Paris-Rio, selon lesquelles pendant près de deux minutes, les pilotes ont ignoré les avertissements sonores et visuels qui leur signalaient le décrochage de l’avion.
La numérisation et l’automatisation sont des axes de modernisation inéluctables, mais ce mouvement doit prendre en compte les incertitudes liées au facteur humain.
CHAPITRE IV – LES DISPOSITIFS DE FINANCEMENT DE LA RECHERCHE
Comme tout secteur de pointe, l’aviation ne peut progresser que sur la base d’une forte poussée de recherche et de développement.
On rappellera que les grandes entreprises liées à l’aviation civile consacrent une part importante de leur chiffre d’affaires aux dépenses de recherche et de développement (de 15 à 17 % suivant les acteurs).
Votre rapporteur doit insister sur la nécessité de forts financements publics sur ce secteur :
- d’une part parce que le développement d’un produit nouveau repose à la fois sur de la recherche académique et sur la constitution de briques technologiques de base qui, à l’origine, sont beaucoup moins ciblées que le développement et la recherche appliquée ;
- et, d’autre part, parce que les constantes de temps d’élaboration des innovations de rupture sont très longues (de 10 à 20 ans suivant le cas), ce qui retarde d’autant les retours sur investissement des entreprises. D’où le système d’avances remboursables à long terme employé en Europe pour soutenir directement la recherche en entreprise.
Sur ces bases, on verra que, si les soutiens publics européens sont, en l’état, satisfaisants, les soutiens publics nationaux faiblissent.
Sur le 7ème Programme-cadre de recherche et développement (PCRD) (2007-2013), le budget de recherche sur les transports s’établit à 4 milliards d’euros dont deux pour l’aéronautique.
Ce budget est d’abord affecté à deux grands programmes (Clean Sky et SESAR) pour 1,15 milliards d’euros.
Les deux grands programmes sont des projets de niveau III. En dessous, les projets de niveau II (jusqu’à 50 millions d’euros) visent à intégrer les éléments technologiques de la recherche aérienne. Enfin, des projets de niveau I (jusqu’à 5 millions d’euros) ont pour but d’explorer de nouveaux développements technologiques.
Le projet Clean Sky I se poursuivra jusqu’en 2017 et mobilisera 1,6 milliard d’euros (dont la moitié à la charge des industriels) ; il vise principalement à réduire la consommation (et donc les émissions de CO2).
D’ici 2016, 20 démonstrateurs seront mis en œuvre (par exemple, sur l’open rotor ou sur les ailes « intelligentes » dont la traînée est diminuée).
Après 2016, SESAR entrera en phase de déploiement mais des recherches (SESAR II) porteront sur la sécurité de fonctionnement du système.
Par ailleurs, la Direction générale de l’énergie encourage des recherches sur les biofuels (avec l’objectif de produire 2 millions de tonnes de biokérosène en 2020).
Enfin, s’il n’existe pas d’appel à projet spécifique concernant les logiciels, un programme d’infrastructures a pour objet le soutien aux grands calculateurs qui sont indispensables à la recherche de pointe en aéronautique.
Sauf sur le dernier point et qui est appelé à prendre une importance croissante pour l’ensemble des secteurs de l’industrie, le dispositif européen est satisfaisant.
Sa pérennité semble assurée (Clean Sky II, SESAR II) pour les plus grands projets.
Mais une double incertitude demeure :
- sur le volume des crédits de recherche à dégager sur la période du 8ème Programme cadre (2014-2020) ;
- et, sur la ventilation de l’enveloppe qui sera établie.
Il serait regrettable que le débat actuel sur l’importance du budget recherche européen – qui n’est pas tranché puisque le Parlement s’est opposé assez fermement aux propositions du Conseil – aboutisse à l’affaiblissement d’une des rares réussites des politiques communes.
1. Le Conseil pour la recherche aéronautique civile française (CORAC)
Depuis juillet 2008, le Conseil pour la recherche aéronautique civile française (CORAC) fédère l’ensemble des intervenants du secteur (industriels, aéroports, ONERA, administrations).
La mission du CORAC – qui repose sur une convention d’objectifs36 conclue avec l’État – est d’établir une feuille de route de la recherche aéronautique et de proposer les moyens de sa mise en œuvre (en s’appuyant sur l’amélioration de la coordination et de l’intégration des acteurs et sur le déploiement de démonstrateurs technologiques).
Le CORAC a trouvé son articulation avec le dispositif du Grand Emprunt, mais connaît des vicissitudes quant au financement de beaucoup des objectifs de sa feuille de route, ce qui est d’autant plus regrettable que les soutiens aux recherches fondamentales menées par l’ONERA faiblissent.
Le commissariat général à l’investissement a été créé en 2010 pour gérer les 35 milliards du Grand Emprunt.
Ces actions sont partagées à 50 % - 50 % entre :
- des secteurs amont de la recherche et du transfert de technologie ;
- des affectations sur des thématiques industrielles d’avenir :
ü transports dont aéronautique
ü biotechnologie,
ü numérique.
Une enveloppe de 1,5 milliard d’euros a été affectée à l’aéronautique. Cette somme est gérée par l’ONERA qui applique les décisions du Premier ministre préparées par le CORAC et un comité de pilotage.
Les actions de soutien ont été regroupées sur deux secteurs :
- un soutien direct (A350 et Eurocopter) ;
- et la mise en place de 6 démonstrateurs.
Tous les dossiers sont présentés par des consortiums industriels. Par exemple, le dossier « avions composites » (105 millions d’euros) est mené par Airbus, Dassaut et Safran.
Le soutien prend trois formes :
- avances remboursables en cas de succès au programme (850 millions d’euros) ;
- subventions (570 millions d’euros) ;
- subventions avec retour (80 millions d’euros) qui impliquent le versement d’une redevance (jusqu’à 30 % du montant de la subvention) en cas de succès du produit commercial.
Par grands groupes aéronautiques, la répartition de ces soutiens est la suivante :
- EADS |
892 millions d’euros |
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- SAFRAN |
287 millions d’euros |
|
- et Thalès |
123 millions d’euros dont |
- 9,6 millions d’euros avec retour sur le projet GENOME |
- 13,6 millions de subventions sur l’avionique modulaire | ||
- 55 millions de subventions sur l’hélicoptère du futur | ||
- et 45 millions d’avances remboursables par l’hélicoptère X4 |
Par thématiques, les allocations du Grand Emprunt ont concerné :
• Les structures et les matériaux composites
Deux types de développement sont soutenus :
- le long courrier avec la version allongée de l’A350,
- et le moyen courrier avec le successeur de l’A320.
Ces applications posent des problèmes différents :
- les masses et les interfaces composites-métal ne sont pas les mêmes,
- les cadences et les coûts de production varient,
- et les gains de masse sont plus difficiles à obtenir sur les petits avions.
Pour :
- l’A350, il s’agit d’obtenir un gain de masse d’une tonne,
- et pour le remplacement de l’A320, il s’agit de concentrer l’effort sur les parties françaises de l’appareil (nez de l’avion, jonction fuselage-voilure), ce qui suppose 3 ou 4 ans de recherches.
• La motorisation (EPICE)
Le projet EPICE (Engin Propulsif Intégrant des Composantes Environnementales).
Il s’agit, à la fois, d’améliorer la poussée du moteur et de travailler sur son intégration dans l’avion :
- pour les courts et moyens courriers dont la taille du moteur est appelée à croître37, il est recherché :
- une meilleure isolation phonique,
- une optimisation de l’intégration à l’avion,
- et un allègement des matériaux employés.
• L’électrification
Le projet GENOME (81 millions d’euros de soutien) porte sur la substitution de l’électrique à l’hydraulique (cela concerne notamment les trains d’atterrissage, les commandes de vols et l’air en cabine).
Comme votre rapporteur l’a déjà souligné, cette substitution permettra des gains de masse importants, notamment sur les systèmes hydrauliques (il y a des kilomètres de tuyaux dans un avion moderne) mais également de forts gains en maintenance et en volume.
Par ailleurs, les circuits hydrauliques dans un avion ne peuvent être changés. Ils sont, de plus, surdimensionnés pour faire face à des pics de puissance d’utilisation qui sont rarement sollicités (commande de vols et surtout train d’atterrissage).
Si on électrifiait ces systèmes hydrauliques, on éviterait ce surdimensionnement puisque on pourrait utiliser la puissance alternativement pour chacun des usages.
Mais l’électrification a ses propres problèmes :
- elle exige des générateurs de puissance forte ;
- elle nécessite des convertisseurs d’énergie (l’électricité est fournie par un alternateur branché sur le moteur) beaucoup plus efficaces ;
- et elle génère son propre réseau de câblage.
Enfin, l’aéronautique, outre les programmes mentionnés ci-dessus, a bénéficié d’une aide supplémentaire : la création de l’Institut de recherche technologique de Toulouse (45 millions d’euros) qui crée des collaborations dans trois domaines (matériaux, système embarqué, électrification de l’avion).
b) Une feuille de route technologique qui n’est pas financée
La feuille de route établie en 2009 par le CORAC38 comprend trois sujets :
- l’usine du futur, usine virtuelle fondée sur la réalité augmentée et dont un des objectifs est d’assurer une meilleure intégration de la chaîne de production entre les constructions et leurs sous-traitants ;
- les nouvelles architectures aériennes ;
- le programme SEFA (systèmes embarqués et fonctions avancées), qui a pour objet de préparer de nouvelles technologies, configurations, et fonctionnalités opérationnelles à forte valeur ajoutée, pour faciliter l’exploitation des aéronefs (maintenance incluse), les rendre encore plus sûrs, et accroitre leur compétitivité.
L’évaluation du coût de ces programmes ressort à 800 millions d’euros sur 7 ans dont 400 millions d’euros à la charge de l’État. Actuellement, ils ne sont pas financés.
Cette solution de continuité dans les financements est particulièrement préoccupante :
- elle met en cause le maintien d’une avance technologique européenne, à terme, car les domaines concernés s’appliquent à des briques de développement qui seront nécessaires pour la génération d’avions qui apparaîtront sur le marché en 2025-2030 ;
- elle ne peut être composée par les retours d’avances remboursables reçues au titre du Grand Emprunt (car celles-ci reviendront à la masse et ne seront pas disponibles avant plus de 15 ans) ;
Votre rapporteur rappelle que les effets d’entrainement des secteurs de pointe ne se mesurent pas uniquement aux emplois directs, qui sont peu délocalisés dans l’aviation civile, mais doivent incorporer les conséquences transversales qu’ils ont sur l’ensemble du tissu industriel français. Par exemple, on a déjà souligné le poids d’Airbus dans la région nantaise – qu’il s’agisse du pôle consacré aux nouveaux matériaux employés dans les transports ou du soutien à la robotique et aux logiciels robotiques.
Ce risque d’altération des efforts d’amélioration de l’industrie de pointe qu’est l’aviation civile, s’ajoute au danger – tout aussi redoutable –de diminuer la position de cette industrie en une quinzaine d’années, dans un contexte concurrentiel où les américains se maintiennent et où la concurrence chinoise pointe.
Ce retrait se marque également dans ce dernier des soutiens aux recherches de l’ONERA, domaine dans lequel on observe un décrochage préoccupant vis-à-vis l’Allemagne.
2. Les crédits alloués à l’ONERA
Les développements technologiques à venir devront, naturellement, se nourrir de l’acquis, d’avancées plus fondamentales.
Une partie de cette recherche est assurée par les industriels, l’autre est principalement le fait de l’ONERA.
L’activité de cet organisme est particulièrement importante car elle porte, en matière aéronautique, sur des briques technologiques qui devront générer des applications à des horizons à long terme.
Dans un univers industriel où le niveau de concurrence est appelé à s’accroître du fait de l’arrivée d’acteurs nouveaux, le soutien à cette action est essentiel pour préparer l’avenir.
Or, les soutiens institutionnels destinés à ce titre par l’ONERA et, en particulier les subventions, sont en forte diminution depuis 2011 :
Ces données sont doublement inquiétantes, vis-à-vis des États-Unis et de la Chine, mais aussi vis-à-vis de notre principal partenaire dans Airbus, dont les crédits de soutien institutionnel ont été deux fois plus importants en 2012 et seront deux fois plus importants en 2013.
Si on peut concevoir – en période de rigueur – une altération de certains soutiens pour l’ensemble de la filière française, il serait très dangereux de faire perdurer l’écart qui se creuse avec l’Allemagne car, notre partenaire fort d’une recherche beaucoup mieux dotée financièrement pourrait revendiquer de nouveaux arbitrages dans la répartition de la chaîne de valeur des Airbus.
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Au terme d'une étude où votre rapporteur a entendu près de 100 personnes, représentant les principaux acteurs de l'aviation civile, plusieurs constantes s'imposent :
1. L'aviation civile sera confrontée dans les 30 ans qui viennent à des défis technologiques de grande ampleur sur l'ensemble des segments de sa chaîne de valeur.
Seules des réponses adéquates à ces défis lui permettront de satisfaire le ressaut de trafic qui s'annonce (doublement du nombre de passagers entre 2030 et 2050 suivant les estimations).
2. La « charnière » de 2025-2030 est particulièrement importante.
C’est vers cette période que des goulets d’étranglement du trafic pourront se manifester (capacités d’accueil des très grands aéroports, disponibilité des combustibles fossiles, gestion de la navigation aérienne, cohabitation avec les drones).
Et c’est à ce moment que seront lancés les successeurs des avions qui arrivent sur le marché (A320 Neo, A350, B787).
Avec une question sous-jacente : ce renouvellement s’effectuera-t-il, comme par le passé, sous la forme d’une continuité innovante ou exigera-t-il des ruptures technologiques fortes en matière d’architecture et de motorisation ?
Compte tenu des constantes de temps de préparation de ces innovations (entre dix et vingt ans), il faut les enclencher dès maintenant.
3. La confrontation des modèles économiques des compagnies aériennes (compagnies ou pavillon, compagnies de niche, compagnies à bas prix, intermédiation entre l'Europe et l'Asie proposée par les compagnies du Golfe) risque de renforcer la fragilité économique du transport aérien (confrontation d’investissements très lourds et d'une rentabilité très faible de l'ordre de 1 %).
4. Avec le nucléaire et l'espace, l'aviation civile est une industrie d'une grande complexité, puisque :
- elle supporte des contraintes de sûreté et de sécurité très élevées ;
- elle se situe à un très haut niveau technologique dont les progrès doivent être constamment nourris ;
- elle rassemble une multitude d'intervenants qui ne se résume pas à la trilogie classique (constructeurs, motoristes, spécialistes de l'avionique) et incorpore un tissu très diversifié de PME.
- elle est totalement intégrée à l'échelon mondial.
Pour ne donner qu'un exemple de cette ramification d'intervenants et de cette intrication dans la mondialisation, on rappellera qu'un A380 comprend environ 4 millions de composants industriels fabriqués par plus de 1 500 sociétés dans 30 pays (dont 800 aux États-Unis et 21 au Japon).
5. C'est une des rares industries où notre pays est un acteur de rang mondial qu'il s'agisse :
- du rang de ses aéroports ;
- de l'activité de sa principale compagnie aérienne ;
- et, de son offre d'avions, domaine dans lequel elle est le seul pays avec les États-Unis à posséder un grand constructeur, un grand motoriste et un grand spécialiste d'avionique.
6. L’aviation civile est une activité industrielle capitale pour notre pays – quantitativement mais aussi en fonction d’un fort pouvoir de diffusion d’innovations dans l’ensemble du tissu industriel.
Industrie de pointe, la construction aéronautique est confrontée en permanence à un défi : les développements technologiques de l’amont ne sont producteurs de progrès de productivité que si on trouve des procédés industriels adéquats pour les appliquer.
Ces adaptations permanentes des processus de production rétroagissent sur les fournisseurs des constructeurs et au-delà. Le meilleur exemple que l’on peut donner dans ce mouvement est la fabrication en composite du caisson central de l’A350 qui a donné lieu au sauvetage d’une entreprise nantaise de robotique et permis des avancées de l’offre de logiciels de ce domaine.
7. Qu’elles prennent la forme d’une continuité d’améliorations très innovantes ou de ruptures technologiques plus tranchées, les configurations des avions qui seront lancés en 2030, se préparent dès maintenant, en recherche académique et en développement de briques technologiques lourdes.
8. Le financement de cette recherche qui doit préparer, dès maintenant, l’avenir de l’aviation européenne à une génération doit être partagé entre les pouvoirs publics et les industriels.
Pour deux raisons.
D’une part, parce que la concurrence actuellement américaine (bientôt chinoise mais aussi allemande) dispose de très importants financements publics.
Et, d’autre part, parce que si les industriels doivent légitimement assurer une part des risques (ce qu’ils font pour un volume de recherche de l’ordre de 13 à 17 % du chiffre d’affaires), ils ne peuvent pas assurer la totalité d’un risque industriel dont les retours sur investissement dépassent la dizaine d’années.
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Des constats qui précèdent se déclinent les propositions de votre rapporteur.
De nature et d’importance différentes, celles-ci sont principalement fondées sur le souci de conserver à notre pays un de ses rares avantages industriels dans un contexte de renforcement de la concurrence mondiale.
I. Maintenir dans le long terme des soutiens publics à la recherche aéronautique
Le rang de l’industrie aéronautique française n’est pas dû au hasard. Il est le fruit de politiques publiques menées de façon constante depuis un demi-siècle, au travers de succès mais aussi d’échecs.
Ces soutiens publics nationaux et européens ont principalement porté sur toute la chaîne de recherches et été accordés à tous les types d’acteurs. Ce n’est ni une spécificité français, ni européenne. Les grands pays de l’aéronautique – et, en particulier, les États-Unis (DARPA, NASA) – allouent à l’industrie aéronautique par divers canaux des moyens considérables.
Or, du fait des apports du Grand Emprunt, dont l’aéronautique a bénéficié, mais pas plus que beaucoup d’autres secteurs, les soutiens publics nationaux à la recherche aéronautique s’altèrent.
Cette évolution, si elle se confirmait, à terme, serait de nature à tarir les flux de la recherche aéronautique française et compromettre l’avenir de cette industrie car c’est dans les années à venir que se prépareront les ruptures technologiques nécessaires aux avions qui seront lancés en 2025-2030.
Dans ce domaine industriel d’excellence, le raisonnement à courte vue qui consiste à diminuer le soutien à un secteur qui réussit pour le transférer, à enveloppe financière égale, sur des terrains industriels où nous avons largement perdu pied, semble peu pertinent. C’est pourquoi votre rapporteur estime qu’une réactivation des soutiens publics à la recherche aéronautique est indispensable ; ceci sur chacun des éléments de la chaîne de recherche.
1. Remettre à niveau dans la durée les crédits alloués à l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA)
L’ONERA est une pièce importante du dispositif français – en ce que, dans son activité aéronautique civile39, il se situe à la charnière des recherches académiqueset du développement technologique de base. L’Office a, par ailleurs, été labellisé « Institut Carnot ». Il couvre donc l’amont de l’intervention des industriels mais contracte avec eux sur les interfaces de recherche de l’aval.
Avec des moyens très importants en capacité de calcul et en soufflerie (l’installation de Modane est la première du monde), l’Office est donc en situation d’amorcer des études sur des thématiques appelées à être importantes ou décisives à moyen ou long terme et que les industriels n’ont pas vocation à préfinancer.
L’altération de plus de la moitié des crédits de recherche qui lui sont alloués par la DGAC est donc très préoccupante.
Elle l’est d’autant plus que nos partenaires allemands ont considérablement augmenté les crédits du « LUFO » qui est l’équivalent allemand de l’ONERA.
Ceci alors même que nos voisins n’ont qu’un grand industriel (Airbus) à soutenir, alors que la France en a trois (Airbus, Thalès, Safran).
De plus, les crédits français sont soumis à la variabilité des dotations de l’annualité budgétaire alors que les dotations allemandes sont cadrées sur cinq ans, ce qui leur confère une lisibilité de recherche précieuse.
Le ressaut des crédits annuels nécessaires à cette remise à niveau est de l’ordre de 80 millions40 d’euros par an, ce qui ne paraît pas excessif au regard des enjeux que cette réallocation sous-tend.
2. Assurer le financement des projets du Conseil pour la recherche aéronautique (CORAC)
La mise en perspective de l’innovation aéronautique a été relancée en 2008 par la création du CORAC. Le comité regroupe l’ensemble des intervenants de l’aviation civile.
Le CORAC a joué un rôle important dans la mise en œuvre des fonds du Grand Emprunt en mettant en place 6 démonstrateurs dont un des avantages est d’associer le tissu des PME de l’industrie aéronautique (plus de 350 PME ont partagé ces activités de recherche).
Au-delà, le comité a validé une feuille de route scientifique et technologique qui s’est traduite par trois programmes structurants (déjà évoqués au cours de cette étude) qui chacun correspond à des secteurs d’excellence de l’industrie aéronautique et dont l’impact sur la compétitivité de l’ensemble de la filière devrait être maximal.
Ces trois programmes sont les suivants :
l L’usine aéronautique du futur pour préparer les innovations sur les méthodes et procédés d’avenir de la filière avec la nécessité d’une révolution technologique concernant :
- les matériaux et procédés ;
- le pilotage technique de la chaine logistique ;
- la mise en œuvre de nouvelles technologies robotiques.
l Les systèmes Embarqués et Fonctionnalités Avancés. Il s’agit ici de développer de façon concertée les nouvelles technologies et fonctionnalités indispensables pour faciliter l’exploitation des aéronefs, les rendre encore plus sûrs (dans un espace aérien très chargé et en tenant compte de toutes les conditions météorologiques), et accroitre leur compétitivité. Concrètement ce programme inclut les éléments suivants :
- la gestion du vol : préparation des systèmes de nouvelle génération pour les aéronefs futurs, en adéquation avec les nouveaux concepts issus des programmes européens et américains de gestion du trafic aérien, « SESAR » et « NextGen » ;
- les fonctionnalités à forte valeur ajoutée : optimisation multicritères des trajectoires afin d’améliorer l’efficacité globale « porte à porte », en minimisant l’impact sur l’environnement et en accroissant la sécurité ;
- le cockpit avancé : conception de plateformes « centrées sur le pilote », permettant d’optimiser la charge de travail de l’équipage, de lui permettre de maîtriser la complexité et de lui offrir des gains de performance, de sécurité et de flexibilité opérationnelle.
l Les nouvelles configurations d’aéronefs. Les avions de transport modernes s’appuient sur des formules aéropropulsives éprouvées. De nouvelles configurations sont nécessaires pour atteindre nos objectifs à long terme : elles demandent à aller au-delà du domaine de conception connu. Cette thématique inclut :
- de nouveaux critères de conception et de dimensionnement ;
- des méthodes et capacités de calcul pour une conception multidisciplinaire plus étendue.
- Les essais nécessaires à la validation de ces nouvelles configurations (maquettes en soufflerie, simulateur de propulsion, …)
Il n’est pas utile d’insister sur le fait que ces programmes ont à la fois le but de donner des objectifs à la recherche aéronautique sur des thématiques essentielles et de préparer la continuité innovante pour les ruptures technologiques de l’aviation de 2030.
Malheureusement, aucun financement n’a été dégagé sur ce point. Les crédits publics correspondants sont de 400 millions d’euros sur 6 ans (400 millions d’euros devront être supportés par l’industrie), soit environ 60-70 millions d’euros par an.
Dans ce domaine, comme dans celui de l’altération des dotations de l’ONERA, on est frappé par la disproportion entre la relative modicité des enveloppes nécessaires et les résultats industriels, financiers et sociaux que l’on peut raisonnablement escompter de leur libération.
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Or, des potentialités de financement existent.
Si le retour des avances remboursables délivrées dans le cadre du Grand Emprunt n’est pas attendu avant une quinzaine d’années (et au demeurant, sera réaffecté à la masse), il existe un reliquat non employé et qu’il n’est pas actuellement envisagé d’utiliser pour l’aéronautique.
Sans même parler d’une nouvelle tranche de Grand Emprunt, il paraît à votre rapporteur indispensable d’affecter une partie de ce reliquat à un secteur d’excellence qui, rappelons-le à nouveau, génère un million d’emplois en France (dont 330 000 emplois directs).
3. Mener une action de recherche spécifique à la turbopropulsion
Les turbopropulseurs représentent un secteur non négligeable de la construction aéronautique. Le marché à un horizon de 20 ans est évalué à plus de 3 000 avions.
En l’état, leur emploi correspond à des lignes transversales pour des trajets de l’ordre de 500 à 600 kilomètres et présentent, dans ce cadre, deux types d’avantages par rapport à la turboréaction :
- les consommations sont sensiblement moindres (de l’ordre de 20 %) ;
- et, la maintenance de la motorisation est beaucoup plus rapide et beaucoup moins coûteuse.
Dans un avenir où l’on doit probablement escompter une augmentation de long terme du prix du kérosène, il convient de prêter attention aux progrès technologiques de cette filière. Et, particulièrement mais pas exclusivement, dans trois domaines :
- le rendement de la motorisation – des gains de l’ordre de 10 % sont dès maintenant envisagés dans le nouveau projet de turbopropulseur mené par SAFRAN ;
- la diminution du bruit produit par l’hélice – le moteur n’étant pas caréné,
- et, l’amélioration de l’assiette de vol. Sans que cela entraîne de risques particuliers, les vols en turbopropulsion sont moins stables qu’en turboréaction, ce qui diminue un éventuel emploi de la turborpropulsion sur des trajets plus longs que ceux pour lesquels elle est actuellement utilisée.
Votre rapporteur estime que des programmes spécifiques de recherche doivent être lancés sur ce point.
4. La création d’une Alliance de recherche dans le domaine de l’aéronautique
La recherche aéronautique est, à la fois, de très haut niveau, très diversifiée suivant les thématiques et dépendante de technologies transversales de pointe.
La question se pose donc de savoir si, au côté du CORAC qui définit la feuille de route technologique de cette industrie, il ne serait pas utile de créer une structure permettant de mieux fédérer la mise en œuvre de cette feuille de route, ainsi que les autres innovations développées par les acteurs de cette recherche.
La création d’une Alliance de recherche aéronautique pourrait répondre à cet objectif.
Elle permettrait notamment :
- d’activer les coopérations entre les intervenants actuels (ONERA, industriels, IRT de Nantes et de Toulouse, INRIA) mais aussi avec des acteurs potentiels présents dans le monde universitaire sur des technologies transversales (matériaux, techniques numériques) ;
- et d’essayer d’associer plus étroitement les PME de l’aéronautique à cet effort de recherche.
II. Anticiper le développement du marché des drones
À l’horizon de ce rapport (2040), il est très difficile de quantifier le poids futur des marchés des drones civils dans la construction aérienne.
Mais les premières évaluations dont on dispose sur les dix prochaines années aux États-Unis (30 000 drones civils en 2025) laissent à penser que le déploiement de ces technologies sera rapide et important.
En l’état :
- la France a édicté une réglementation prudente en 2012 – cela a été le premier pays à le faire au monde ;
- notre pays n’a pas bénéficié de l’effet d’entrainement des drones militaires (qui a profité à Israël et aux Etats-Unis) d’acteurs industriels non négligeables (dont beaucoup de PME) et d’un pôle de compétitivité dont une partie de l’activité est dédiée aux drones ;
- l’Union européenne est compétente pour réglementer la circulation des drones de plus de 150 kg. Une directive est en préparation sur ce point.
Mais il faut aller plus loin.
Sur cet enjeu industriel émergent, votre rapporteur préconise :
1. La constitution d’une mission intergouvernementale – structure administrative légère et par vocation provisoire – dédiée au développement de cette industrie.
Le rôle de cette mission serait d’amorcer la création d’une filière :
- de donner une plus grande lisibilité réglementaire dont les industriels ont besoin, ceci pour trancher le débat entre l’évolution des drones dans un espace ségrégué ou non avec l’aviation civile, et pour développer des normes de certification et de formation des pilotes ;
- d’activer une politique de commandes publiques pour des usages régaliens (par exemple, surveillance des forêts et des routes des lignes ferroviaires ou des installations nucléaires) ;
- d’insister sur les points forts de l’offre française (drones-hélicoptères civils et militaires, systèmes de sûreté et de sécurité des communications),
- de faire le lien entre les développements militaires et leur activité civile,
- et de fédérer les recherches sur les briques technologiques (optronique, théoriques, radar, systèmes de transmissions) qui sont nécessaires aux PME productrices de drones mais que peu d’entre elles maîtrisent.
2. Le suivi, à l’échelon européen, de l’activation des recherches dans ce domaine et de la mise en place d’une directive pour les drones de plus de 150 kg.
III. Suivre les progrès des filières de biokérosène
Les filières de production du biokérosène sont à des stades de développement variés (démonstrateurs et pré-installations industrielles pour la filière huile, recherche développement pour la filière algue, dite de 3ème génération).
Chacune d’entre elles a des bilans et des perspectives en matière d’émission nettes de CO2, de concurrence avec les usages agricoles, et de cycle de production très différents.
De plus, celle de ces filières qui est la plus proche du déploiement industriel repose sur un modèle économique aléatoire :
- ses prix de revient demeurent prohibitifs par rapport à ceux des hydrocarbures traditionnels – pour le moins, de deux à trois fois plus élevés ;
- les investissements initiaux sont très lourds et le retour sur investissement est de l’ordre d’une dizaine d’années ;
- mais, surtout, la montée en puissance significative de cette filière dépend du prix des carburants qu’il est très difficile d’évaluer à l’horizon d’une décennie ou plus, en ce qu’il dépend :
- de la demande,
- et, d’une offre qui s’est récemment spectaculairement étoffée avec l’extraction des hydrocarbures non conventionnels et qui pourrait, aussi, être activée par la mise en place de système de captation et de stockage de CO2 reposant sur l’usage d’une matière première abondante, le charbon.
Dans ces conditions, votre rapporteur préconise de suivre et de développer la filière de biokérosène à l’échelon européen :
- en activant les recherches dans ce domaine, et en particulier sur les filières de 3ème génération (algues), dans le cadre du 8ème Programme cadre de recherche et développement européen (PCRD) ;
- en soutenant progressivement un premier déploiement industriel des filières de deuxième génération, ce qui ne peut être fait qu’en les subventionnant comme le font les départements de l’énergie et de la défense aux États-Unis.
Mais il est clair qu’à terme, cette subvention directe sur des fonds européens pourra poser le problème d’une taxation très légère du kérosène fossile sur le territoire de l’Union européenne.
IV. Surveiller l’établissement de normes pour la rénovation de la navigation aérienne
Actuellement, deux propositions de rénovation de la navigation aérienne coexistent à l’échelon mondial : « SESAR » pour l’Europe et « NextGen » pour les États-Unis.
Un mémorandum a été signé entre l’Europe et les États-Unis pour coordonner ces deux programmes.
À l’échelon de l’OACI, la conférence de novembre 2012 a adopté un Plan global de navigation aérienne sur lequel tous les systèmes régionaux – dont « SESAR » et « NextGen » – devront s’aligner.
Mais si le suivi de ce plus petit dénominateur commun ne pose pas de problème à nos industriels qui sont souvent engagés sur les deux programmes, il existe une différence entre les deux programmes : « NextGen » vise à rénover les infrastructures américaines de navigation aérienne dans une optique de court-moyen terme alors que « SESAR » – lié au ciel unique européen – a des objectifs de plus long terme.
De là, il paraît nécessaire à votre rapporteur que les pouvoirs publics accordent une attention particulière à trois sujets :
- une normalisation fondée sur une démarche de court terme et des standards limitatifs par opposition à des standards plus ouverts avantagerait les États-Unis ;
- les enjeux industriels sont très importants lorsqu’il s’agit de spécifications techniques ou opérationnelles développées par des organismes de normalisation comme le RTCA aux États-Unis ou Eurocae en Europe. Or, Eurocae étant dotée de beaucoup moins de moyens que l’organisme américain, il est donc nécessaire de renforcer cette structure ;
- les besoins de l’Asie – et, en premier lieu de la Chine – portent sur une rénovation totale des infrastructures et sur des solutions de long terme. En principe, cette demande trouverait plus de répondant dans le projet européen que dans le projet américain. Mais la stratégie européenne devrait prendre en compte ce marché et développer assez rapidement des solutions de long terme, faute de quoi le marché asiatique pourrait se tourner vers l’offre américaine.
Votre rapporteur a conscience que ces propositions sont très techniques, mais il souhaite insister sur l’importance du suivi des programmes internationaux de normalisation – suivi qui cadre parfaitement avec les efforts de rénovation de notre diplomatie économique actuellement entrepris.
V. Accorder une attention particulière à la formation des hommes
Dans une activité industrielle qui est, en permanence, soumise à la poussée des innovations, l’attention apportée à la formation est essentielle.
Sans prétendre à être exhaustif, votre rapporteur estime que trois domaines de formation sont importants pour l’avenir de l’aviation civile.
1. Les besoins en formations spécifiques au secteur de la construction aéronautique
Dans l’immédiat, on ne peut que constater le paradoxe très français d’un secteur qui a de forts besoins en main d’œuvre très qualifiée et qui a du mal à en recruter.
Cela renvoie assez clairement à deux problèmes plus généraux : l’adéquation des formations à la demande industrielle et l’emploi des fonds dédiés à la formation professionnelle.
Cela vaut, par exemple, pour Airbus qui participe à des efforts de formation en milieu scolaire, mais cela vaut encore plus pour le réseau de PME associées à cette industrie.
Une politique plus volontariste est nécessaire sur ce point en insistant sur l’enseignement en alternance.
À terme, la modification des procédés industriels va générer de nouveaux métiers ou faire profondément évoluer ce qui existe.
La question se pose dès maintenant de savoir s’il est nécessaire d’organiser à tous les échelons (lycées professionnels, BTS, IUT, universités et écoles d’ingénieurs) des formations répondant à ces évolutions.
À titre d’illustration, les Allemands ont entrepris un effort important de ce type autour de leur pôle de Hambourg.
2. Anticiper le choc de l’introduction de la numérisation dans les systèmes de navigation aérienne
À un horizon de dix à quinze ans, les technologies employées dans le contrôle de la navigation aérienne vont transformer l’exercice de cette activité.
Ces modifications seront d’autant plus importantes dans l’espace aérien européen car elles coïncident avec la mise en place progressive des accords sur le ciel unique.
Pour les pilotes, comme pour les contrôleurs aériens, il ne s’agira pas à proprement parler d’un changement de métier mais d‘une mutation profonde.
Dans ces deux cas, un effort très conséquent de formation doit être entrepris auprès de ces deux populations.
Cet effort devra accorder un soin particulier aux interfaces homme-machine, notamment en situation de crise.
3. Tirer les conséquences de la numérisation de l’économie
Ce mouvement général ne concerne pas directement l’aviation civile mais comme secteur de pointe, elle est un des premiers à en subir l’appel.
De façon croissante, l’aéronautique aura besoin de spécialistes des logiciels embarqués.
Or, le rapport présenté sur ce sujet en 2010 a montré :
- que seuls 20 % des étudiants avaient reçu une formation dans ce domaine ;
- et qu’aucune formation dédiée à ce sujet n’était en place.
Votre rapporteur estime qu’il est nécessaire de redresser rapidement cette situation.
VI. Fédérer une recherche sur les aéroports de l’avenir
Les passagers ont le sentiment que les taxes d’aéroport ont fortement augmenté depuis 20 ans sans que les services offerts aient notablement progressé.
Si l’on excepte les initiatives qui ont été prises dans ce domaine par le « pôle aviation » de Hambourg, il existe très peu de recherches dans ce domaine.
Il semble, par ailleurs, que contrairement aux constructeurs, les responsables d’aéroport ne confrontent qu’assez peu leurs projets.
Pourtant, les aéroports qui sont des points de passages obligés du trafic aérien sont une des pièces essentielles du dispositif de l’aviation civile.
On imagine mal que les avions et la navigation aérienne se modernisent fortement à un horizon d’une génération, sans que les plateformes aériennes suivent.
C’est pourquoi votre rapporteur propose de confier aux Aéroports de Paris – en liaison avec les industriels et les opérateurs publics concernés – une mission exploratoire dans ce domaine. Cette mission devra aussi envisager la possibilité de créer un pôle de recherches coopératives – européen ou extra-européen.
Quatre domaines pourraient être plus spécifiquement envisagés :
a) L’unification des fonctions opérationnelles de l’aéroport
Comme votre rapporteur l’a noté, ce n’est que récemment et sans l’impulsion de la DGAC, qu’a été élaborée, à Roissy, une liste unique de vols remplaçant les listes antérieures qui étaient gérées par chacun des intervenants (contrôle aérien, tour de contrôle, compagnies, contrôle de sécurité, police des frontières, etc.).
Une unification plus poussée des systèmes d’information de ces intervenants permettrait de mieux cerner les pointes de trafic de passagers et de bagages et donc de limiter les temps d’attente.
Cette fusion des systèmes devrait également s’appliquer aux multiples acteurs qui interviennent sur les zones de parking des avions (maintenance, ravitaillement, nettoyage, etc.).
b) L’intégration de l’information aux instruments de communication des passagers
Les téléphones dits « intelligents » ont généré des offres applicatives multiples. Mais peu sur les vols.
Une application pourrait être proposée par les compagnies, permettant aux passagers de recevoir en situation l’intégralité des informations sur leur vol (retards éventuels, localisation exacte du comptoir d’enregistrement permettant d’éviter les pérégrinations de plusieurs centaines de mètres entre les halls).
c) La fluidité des opérations de sécurité et d’acheminement des passagers et des bagages
Si en matière de santé, des progrès incontestables sont en vue pour la détection des dangers potentiels, grâce à l’affinement des logiciels servant les systèmes de vidéosurveillance, beaucoup reste à faire pour améliorer la fluidité des opérations de sécurité.
Le contrôle et les flux de bagages pourraient s’effectuer en continu grâce à des systèmes de puces RFID.
Le contrôle des passagers et sa fluidité dépendent pour partie des moyens qui lui sont affectés et pourraient s’effectuer également en continu grâce à des systèmes reposant sur les ondes émis par le corps humain. Ces systèmes, plus rapides que les portiques traditionnels, sans les inconvénients d’irradiation des scanners, ne sont toutefois pas encore en état de maturation industrielle.
d) L’intermodalité
Les trains à grande vitesse ou à très grande vitesse constituent une offre concurrentielle quelquefois décisive pour l’aviation civile.
Mais ils peuvent également être un atout pour celle-ci.
À une condition, celle de lever les solutions de continuité qui continuent à exister entre ces deux modes de transport.
En première analyse, on peut en identifier trois :
- les trop grands délais d’attente qui existent entre les connections aériennes et ferroviaires : 3 heures en moyenne à Roissy, soit environ la durée d’un vol entre Paris et Athènes ;
- la quasi-absence d’une offre unifiée de vente de billets pour des transports mixtes « rail-avion » ;
- les délais de circulation de passagers et des bagages entre les deux modes de transport : à part Francfort, les grands aéroports mondiaux ont été conçus pour des liaisons directes reposant sur l’usage de l’automobile ou de transport en commun les reliant au centre-ville. Mais pas en fonction d’une offre intermodale de transport.
Lors de sa réunion du 12 juin 2013, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a adopté, à l’unanimité des membres présents, les conclusions et les propositions du rapport sur « Les perspectives d’évolution de l’aviation civile à l’horizon 2040 : préserver l’avance de la France et de l’Europe ».
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
I. FRANCE
ê M. Dominique Acquaviva, vice president systems engineering – ATR
ê M. Yohann Allouche, Alternative fuels research project manager – Airbus France S.A.S
ê Mme Stéphanie Arnoux-Couderc, chargée des relations parlementaires au cabinet du président directeur général et du directeur général délégué – Aéroports de Paris
ê M. Pierre Bachelier, head of air traffic management program engineering – Airbus S.A.S.
ê M. Filippo Bagnato, chief executive officer – ATR
ê Mme Anne Bondiou-Clergerie, directrice de la R&D, de l’environnement et de l’espace au GIFAS
ê M. Yves Brocard, directeur du développement aéronautique – ONERA
ê Mme Muriel Brunet, chef de projet « Clean sky technology evaluator » – ONERA
ê Mme Delphine Carronnier, Research & Technology, Overall physical design – Airbus S.A.S.
ê M. Bernard Cathelain, Directeur général adjoint aménagement et développement – Aéroports de Paris
ê M. Patrick Champigny, Directeur du département aérodynamique appliquée – ONERA
ê M. Dominique Chatrenet, Flight control executive expert – Airbus S.A.S.
ê Mme Naïma Cobo, directrice du programme "FABEC" à la DSNA – Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire
ê M. Maxime Coffin, chef de la mission de l'aviation légère, générale et des hélicoptères – Ministère de l'écologie, du développement durable, du transport et du logement
ê M. Dominique Colin de Verdière – Ministère de l'écologie, du développement durable, du transport et du logement
ê M. Frédéric Daubas, responsable du service commercial – SAFRAN
ê M. Bruno Dubost, directeur scientifique de Constellium – Académie des technologies
ê M. Pierre Fabre, président directeur général – SAFRAN
ê M. Marc Fontaine, secrétaire général – AIRBUS
ê M. Patrick Gandil, directeur général – Direction générale de l'aviation civile (DGAC)
ê M. Maurice Georges, directeur des services de la navigation aérienne – Direction générale de l'aviation civile (DGAC)
ê M. Yves Giniaux, directeur marketing & strategy – Thales
ê M. Bruno Giorgianni, conseiller pour les affaires politiques et institutionnelles – Dassault Aviation
ê M. Antoine Grelet, conseiller technique – Direction générale de l'aviation civile
ê M. Pascal Guillemet, Market Studies – SAFRAN
ê M. Jacques Lafaye, chargé de mission auprès du président – ONERA
ê M. Luc Lallouette, directeur du programme SESAR – Thales
ê Mme Sylvie Lefebvre, responsable des relations institutionnelles – ATR
ê M. Thierry Lempereur, directeur technique "coopération européenne et réglementation de la sécurité" – Ministère de l'écologie, du développement durable, du transport et du logement
ê M. Xavier Leroy, directeur de recherche à l'INRIA
ê M. Laurent Manach, directeur général – CEOEMC2
ê Mme Patricia Manent, chargée des relations avec le parlement et les institutions – Air France
ê M. Gilles Mantoux, chef de la mission du ciel unique et de la réglementation de la navigation aérienne – Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire
ê M. Michel Mathieu, senior Vice-Président – Thales
ê M. Denis Maugars, président directeur général – ONERA
ê M. Thierry Maugis, délégué régional EADS Développement – Airbus Opérations SAS
ê M. Jean-Pierre Metivier, vice-président Systems intergration & Strategy and engineering senior site representative – Airbus Operations S.A.S
ê M. Pierre Moschetti, sous-directeur de la Construction aéronautique – Ministère de l'écologie, du développement durable, du transport et du logement
ê M. Jean-Luc Moullet, directeur de programme – Commissariat général à l'investissement
ê M. Aldo Mucciardi, secrétaire général – ATR
ê M. Bruno Nouzille, vice-président, directeur technique – Thales
ê M. Pierre Porot, responsable de programme – IFP Energies Nouvelles
ê Mme Armelle Sanière – IFP Energies Nouvelles
ê M. Solly Side, vice-président instutional & european affairs – Thales
ê Mme Marianne Sieg de Maintenant, directrice du développement de la Direction général marketing et réseau – Air France
ê Mme Laetitia Sigonneau, conseiller technique – Direction générale de l'aviation civile
ê M. Bruno Stoufflet, directeur de la prospective, directeur de la stratégie scientifique – Dassault Aviation
ê M. Cédric Tedesco, chef du pôle affaires réservées et territoriales – Direction générale de l'aviation civile (DGAC)
ê M. Jean-Paul Troadec, directeur du BEA
ê M. Marc Ventre, président du CORAC
ê M. Patrick Wagner, directeur – ONERA
ê Mme Isabelle Wallard, directeur de la stratégie – Aéroports de Paris
ê Mme Virginie Wiels, chercheur – ONERA/DTIM
ê M. Antonio Zizolfi, vice president design development & product technology – ATR
II. ÉTRANGER
ê M. Maurizio Castelletti, chef d'unité, Single sky & modernisation of air traffic control – Commission européenne, Direction générale de la mobilité et des transports
ê M. Daniel Chiron, directeur de l'unité, Aéronautique – Commission européenne, Direction générale de la recherche et de l'innovation
ê M. Jean-Louis Colson, chef de l'unité droits des passagers – Commission européenne, Direction générale de la mobilité et des transports
ê M. Tilt Jürimäe, chef d'unité, Aéronautique – Commission européenne, Direction générale de la recherche et de l'innovation
ê M. Bertrand de Lacombe, conseiller transports – Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne
ê M. Damien Meadows, chef d'unité, Marché international du carbone, Aviation et Maritime – Commission européenne, Direction général de l'action pour le climat
ê Mme Mary Veronica Tovsak Pleterski, directrice, Marché européen et international du carbone – Commission européenne, Direction général de l'action pour le climat
B. Allemagne
ê M. Walter Birkhan, Directeur général – Hamburg Aviation Services
ê M. Gunnar Groß, Secrétaire général – Airbus Operations GmbH
C. États-Unis
ê M. Leslie Riegle, directeur – Aerospace industries association, Civil aviation environment & security
ê M. Dan Elwell vice president Aviation civile – Aerospace industries association,
ê M. Maverick Douglas, inspecteur de la sécurité – Federal aviation administration, Lead airport certification
ê M. Kent Duffy, senior airport planner – Federal aviation administration Airports, National planning & environmental division
ê M. Curtis A. Holsclaw, deputy director – Federal aviation administration, Environment & Energy
ê M. James H. Williams, UAS integration manager – Federal aviation administration, UAS Integration Office
ê M. Pierre Pape, alternate representative of France on the Council of the international civil aviation organization – French delegation to ICAO
ê M. Gerard Dillingham, director civil aviation issues – Government Accountability Office,
ê Mme Heather Krause, assistant director – Government Accountability Office
ê M. John Hickey, deputy associate administrator for aviation safety – Federal aviation administration,
ê M. Carey Fagan, executive director – Federal aviation administration, Office of international affairs
ê M. Carl Burleson, deputy assistant administrator for policy, international affairs and environment – Federal aviation administration,
ê Mme Victoria Cox, assistant adminstrator for Nextgen – Federal aviation administration, Affairs & Environment
ê Mme Rebecca Barthel, foreign affairs specialist Europe and Middle East – Federal aviation administration, Affairs & Environment
ê Mme Cecilia Capestany PhD, senior advisor for international affairs – Federal aviation administration, Aviation safety
ê M. Rhett Jefferies, CLEEN program manager – Federal aviation administration, Environment & Energy
ê M. Nate Brown, alternative jet fuel project manager – Federal aviation administration, Environment & Energy CLEEN program
ê M. Darryel D. James, manager Europe, Africa, Middle East Group – Federal aviation administration, International
ê M. Franck P. Paskiewicz, deputy director – Federal aviation administration, « Aviation safety Aircraft certification service »
ê M. Cortney Robinson, director, Civil aviation infrastructure – Aerospace industries association
ê Mme Victoria Wei, chief of staff NextGen – Federal aviation administration,
d. Canada
ê M. Daniel Azéma, directeur de cabinet – International civil aviation organisation (ICAO), Cabinet du Secrétaire général
ê Mme Narjess Teyssier, chef – International civil aviation organisation (ICAO), Section analyse économique et politique
ê M. Michel Wachenheim, Ambassadeur, Représentant permanent de la France – Organisation de l'aviation civile internationale
1 Mesuré par ce qu’on appelle RPKs (c’est-à-dire le revenu perçu par les compagnies aériennes par passager au km).
2 1 mile = 1 609 m
3 On ajoutera un phénomène nouveau : l’amélioration des procédures d’approche de navigation aérienne peut aboutir à diminuer le bruit autour des aéroports et à le transférer, en mode mineur, à plusieurs dizaines de kilomètres, au-dessus de résidents qui ne percevaient antérieurement aucun bruit.
4 Données variables en fonction des types de vol (court moyen courrier – long courrier) et du « millésime » des avions.
5 Par exemple, la diminution du trafic passager de l’aéroport de Strasbourg au fur et à mesure de l’extension de la ligne TGV de Paris.
6 En 2012, le réseau de TGV chinois constitue la moitié du réseau de la planète.
7 En dix ans, la demande de transport aérien pour les personnes âgées a crû de 40 %.
8 Emploi de personnel avec contrat de travail de droit irlandais mais résidant sur le sol français (condamné par la justice française), méconnaissance du droit européen en matière de subvention (une plainte est actuellement instruite à ce titre par la Commission européenne).
9 Le modèle s’applique au trafic entre l’Asie et l’Europe ou l’Océan indien et l’Europe, mais des modèles similaires émergent sur la zone Asie-Pacifique-Amérique du Nord.
10 Mais également sur les zones touristiques de l’Océan indien (Ile Maurice).
11 Même si certains estiment que l’achat d’A 380 est un point de passage obligé pour les compagnies du Golfe, compte tenu de leur modèle économique.
12 1 mille nautique = 1 852 mètres
13 Ce qu’on appelle dans le milieu le « drop in » s’explique, en grande partie, par le fait qu’il est nécessaire d’alimenter mondialement un stock d’avions dont les différences de millésimes peuvent se traduire en dizaine d’années.
14 Ceci, d’autant plus que le bilan net d’émissions de CO2 des biokérosènes n’est pas égal à zéro.
15 La Directive de 2008 a été transposée en droit français en janvier 2011.
16 « Terminal area forecast summary » (FAA 2010)
17 Ce petit écart peut sembler de peu d’importance, mais sur l’ensemble du trafic européen, il se mesure en tonnes de kérosène…
18 Assemblée nationale N° 299 – Quatorzième législature.
19 Données fournies par Direction générale de l’aviation civile (DGAC)
20 i.e celui auquel la France est associée.
21 Comparaisons sur la gestion opérationnelle du trafic aérien entre les États-Unis et l’Europe.
22 Ceci est notamment imputable aux contraintes de gestion de l’espace européen mais également à certaines caractéristiques américaines (vols plus longs en moyenne, absence relative de pics saisonniers de trafic – par exemple les flux des vacances d’été et de l’Europe du Nord vers la Méditerranée).
23 Qui ont donné lieu à la création d’une organisation internationale dédiée : l’Organisation internationale de l’aviation civile (OACI), basée à Montréal.
24 Integration of unmamed Aircraft Systems into national airspace system (FAA – Sept. 2012).
25 Cette observation n’inclut pas les gains de masse qui pourraient être obtenus grâce aux matériaux composites.
26 Donc très volumineux.
27 Par exemple, l’A320 a été lancé en 1982 et l’A320 ne sera produit qu’à partir de 2015 – c’est-à-dire plus de 30 ans après…
28 À cette réserve près que le débat entre continuité innovante et rupture technologique forte n’est pas tranché sur les architectures et, à un moindre degré, sur les options de motorisation.
29 L’utilisation des cales est nécessaire pour compenser les jeux résultant des tolérances d’usinage, de formage ou d’élaboration des pieds de l’avion.
30 La substitution des composites au titane a pris 20 ans de recherche et de développement.
31 Ce qui exclut les solutions reposant sur la gazéification du charbon ou l’emploi du gaz naturel.
32 Pour satisfaire les besoins en kérosène de l’Europe, la filière « huile » devrait mobiliser 60 millions d’hectares, soit 24 % des termes cultivées alors que la filière « BTL » ne mobiliserait que 8 % de ces surfaces.
33 Avec des économies d’énergie non négligeables.
34 Ces systèmes non ionisants peuvent être passifs (mesure des ondes émises naturellement par le corps) ou actif (émission d’ondes millimétriques sur le corps et mesure de l’écho).
35 « Les enjeux et perspectives de la politique spatiale européenne » - Rapporteurs : Mme Catherine Procaccia et M. Bruno Sido, sénateurs - Référence Assemblée nationale : 348 (14ème législature) - Référence Sénat : 114 (2012-2013) – 07/11/2012
36 Les objectifs premiers étant environnementaux : à l’horizon 2020, réduction par deux du bruit perçu et réduction de 50 % des émissions de gaz à effet de serre et de 80 % des émissions d’oxyde d’azote. Mais ces objectifs environnementaux coïncident avec les contraintes économiques d’évolution de l’aviation civile.
37 Hors open rotor qui est géré sur des fonds européens (Clean Sky).
38 qui ne se borne pas à établir les ruptures technologiques nécessaires mais qui prévoit leur développement, assis sur des démonstrations qui ont aussi pour but de fédérer les actions et, en particulier, les PME.
39 L’ONERA mène également des recherches militaires et des recherches sur l’espace.
40 Dans un monde idéal, 100 millions d’euros (évaluation du CORAC) seraient préférables.
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