LES NOUVELLES MOBILITÉS SEREINES ET DURABLES :
CONCEVOIR ET UTILISER DES VÉHICULES ÉCOLOGIQUES
Annexes sur
par
M. Denis BAUPIN, député, et Mme Fabienne KELLER, sénatrice,
par M. Jean-Yves LE DÉAUT, Premier Vice-président de l'Office |
par M. Bruno SIDO, Président de l’Office |
Composition de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques
Président
M. Bruno SIDO, sénateur
Premier Vice-président
M. Jean-Yves LE DÉAUT, député
Vice-présidents
M. Christian BATAILLE, député M. Roland COURTEAU, sénateur
Mme Anne-Yvonne LE DAIN, députée M. Marcel DENEUX, sénateur
M. Jean-Sébastien VIALATTE, député Mme Virginie KLÈS, sénatrice
DÉputés |
SÉnateurs |
M. Gérard BAPT M. Christian BATAILLE M. Denis BAUPIN M. Alain CLAEYS M. Claude de GANAY Mme Anne GROMMERCH Mme Françoise GUEGOT M. Patrick HETZEL M. Laurent KALINOWSKI Mme Anne-Yvonne LE DAIN M. Jean-Yves LE DEAUT M. Alain MARTY M. Philippe NAUCHE Mme Maud OLIVIER Mme Dominique ORLIAC M. Bertrand PANCHER M. Jean-Louis TOURAINE M. Jean-Sébastien VIALATTE |
M. Gilbert BARBIER Mme Delphine BATAILLE M. Michel BERSON Mme Corinne BOUCHOUX M. Marcel-Pierre CLÉACH M. Roland COURTEAU Mme Michèle DEMISSINE M. Marcel DENEUX Mme Dominique GILLOT Mme Chantal JOUANNO Mme Fabienne KELLER Mme Virginie KLES M. Jean-Pierre LELEUX M. Jean-Claude LENOIR M. Christian NAMY M. Jean-Marc PASTOR Mme Catherine PROCACCIA M. Bruno SIDO |
SOMMAIRE
___
Pages
SAISINE 15
PRÉAMBULE 17
INTRODUCTION 37
PREMIÈRE PARTIE L’ÉVOLUTION DE LA MOBILITÉ, CLEF D’UN CHANGEMENT DE PARADIGME 41
I. LA MOBILITÉ CHANGE DE NATURE : LES COMPORTEMENTS, LES USAGES, LES PRÉFÉRENCES SE MODIFIENT 41
A. PLUSIEURS SYMPTÔMES TRADUISENT L’EVOLUTION DES ATTITUDES ET DES BESOINS 41
1. Les statistiques traduisent de nouveaux comportements 41
a. Les achats de voitures neuves baissent depuis plusieurs années dans les pays développés. Et cette évolution est antérieure à la crise. 41
b. Les jeunes passent moins le permis de conduire et sont moins intéressés par la voiture 42
c. Le comportement des femmes se rapproche rapidement de celui des hommes 42
d. L’évolution de la démographie entraîne un nouveau phénomène : l’immobilité d’une partie de plus en plus importante de la population. 43
2. Les véhicules n’ont plus forcément la même forme 43
3. Le vélo, lui aussi connaît un renouveau 43
4. L’auto partagée et le co-voiturage connaissent un succès grandissant 44
B. LES ATTENTES, LES BESOINS CHANGENT 44
1. De nouveaux symboles sociaux sont privilégiés 44
2. Les préférences, les priorités évoluent 45
II. LES BESOINS DE MOBILITÉ SONT TOUTEFOIS DIVERS, COMME LE MONTRE UNE APPROCHE TYPOLOGIQUE 47
A. DES BESOINS MULTIPLES QU’IL CONVIENT D’ETUDIER DE MANIERE APPROFONDIE 47
1. On peut les décrire, les caractériser, les expliquer 47
2. Une étude du PIPAME, réalisée par le BIPE, est particulièrement pertinente 48
B. LES CRITÈRES D’EXPLICATION TRADITIONNELS PEUVENT ETRE UTILEMENT REVISITES 48
1. Les lieux d’habitation et de travail sont encore déterminants 49
a. Les mobilités dépendent largement des possibilités de transport public 49
b. Les déplacements sont fonction de l’organisation sociale de l’espace, qu’il soit urbain, périurbain ou rural 49
2. L’âge reste un facteur fortement discriminant, mais n’a plus les mêmes effets 51
3. Le genre entraîne moins de différenciations que pour la génération précédente 52
4. Les revenus et la catégorie socio-professionnelle tendent à avoir une moindre influence 53
C. DES CRITÈRES PLUS ORIGINAUX PERMETTENT UNE ANALYSE PLUS FINE 54
1. L’effet générationnel est fondamental 54
2. le mode de vie est un facteur déterminant 56
a. La composition du foyer et la mono ou la bi-activité au sein du foyer 56
b. De nouveaux comportements, tel que « l’incrustation » des jeunes chez leurs parents 56
c. Le développement et la prise en compte de l’immobilité 56
3. L’attitude face à l’automobile façonne les comportements : appartient-on au monde automobile ou au monde non-automobile ? 57
4. Les flottes d’entreprise sont la source d’une autre organisation de la mobilité 57
5. Les performances relatives et la disponibilité des moyens de transport ont une influence majeure 57
6. L’adéquation des modes de transport aux besoins des individus influence leur attractivité 58
7. Vers des politiques de mobilité plus rationalisées pour influencer la mobilité 59
III. LES VISIONS PROSPECTIVISTES DE SOCIOLOGUES, D’ARCHITECTES, D’URBANISTES ET D’ANALYSTES DE LA MOBILITÉ FOURNISSENT LES CLEFS QUI PERMETTENT DE COMPRENDRE CETTE ÉVOLUTION 61
A. LA RÉFLEXION DE GEORGES AMAR : RELIANCE, AUTOMOBILITÉ, TRANSMODALITÉ 61
B. LA RÉFLEXION DE JEAN-MARIE DUTHILLEUL : LE VÉHICULE DE DEMAIN SERA UN PLATEAU, UN LOFT MOBILE 63
C. LA RÉFLEXION DE BRUNO MARZLOFF : DOUTES SUR L’ÉVOLUTION DU MARCHÉ, NOUVELLES FORMES DE RÉGULATION, NOUVELLES AGILITÉS 65
1. Quelles solutions peut-on apporter ? 65
2. Quels sont les facteurs qui modifieraient le véhicule dans les vingt ans qui viennent ? 66
D. LA RÉFLEXION DE FRANÇOIS BELLANGER : CHANGEMENT DE CODES, REMISE EN CAUSE DU FORMAT VOITURE 67
E. LA RÉFLEXION DE BERNARD DARNICHE : MOBILITÉ SEREINE ET DURABLE ; DÉSIR, PLAISIR, ENVIE 68
IV. LES NOUVEAUX SERVICES CONTRIBUENT LARGEMENT AUX NOUVELLES MOBILITÉS ET À L’APPARITION D’UN NOUVEL ECOSYSTÈME 71
A. L’OFFRE DE SERVICES EST DÉJÀ DIVERSIFIÉE 71
1. L’auto partagée, qui se développe depuis plus de 10 ans, devient accessible au grand public 71
a. Le modèle d’Autolib’ de voiture en libre-service est celui qui concerne le plus grand nombre de personnes 71
b. D’autres modèles montrent que l’auto-partage peut prendre diverses formes et qu’il n’est pas le seul apanage des grandes métropoles 72
2. Le covoiturage connaît actuellement une croissance rapide 73
a. Le modèle de BlaBlaCar est très performant 74
b. Les autres formules de covoiturage montrent la diversité des besoins 75
3. Les taxis vont eux aussi s’adapter au partage 76
4. Les plateformes d’éco-mobilité permettront de faciliter la mobilité de tous 76
B. D’AUTRES SERVICES VONT SE DEVELOPPER 77
1. Il faudra réparer les véhicules utilisant des technologies nouvelles 77
2. Le recyclage des batteries va devenir une nécessité 78
3. La promotion de l’éco-entretien sera nécessaire 78
4. Il faudra réfléchir à la manière d’assurer l’apprentissage et la maîtrise de la conduite 79
5. Un usage différent des flottes d’entreprise ne sera possible que si apparaissent des intermédiaires organisateurs de leur utilisation optimale 79
6. La livraison des marchandises peut être conçue différemment grâce aux véhicules écologiques 80
7. Il faut développer une filière industrielle de services de mobilité à haute efficacité énergétique 80
C. LES SOLUTIONS RETENUES DANS CERTAINS PAYS ETRANGERS PEUVENT STIMULER NOTRE IMAGINATION 82
1. Les États-Unis sont plus volontaristes et créatifs 82
a. La recherche sur la voiture propre est devenue une priorité 82
b. La voiture à pilotage automatique – le Googlecar – est une option prise au sérieux 82
c. Le Smartphone façonne les nouveaux services 83
2. La situation en Allemagne 84
V. LES POLITIQUES DE MOBILITÉ DOIVENT D’ABORD PERMETTRE LA LUTTE CONTRE LA POLLUTION ET LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE 87
A. CES POLITIQUES DOIVENT REPOSER SUR UNE APPROCHE PLUS GLOBALE DE L’IMPACT DE LA MOBILITÉ SUR L’ENVIRONNEMENT 87
1. Elles doivent se fonder sur une autre approche des divers polluants 87
a. Il y a un consensus sur le diagnostic : les effets négatifs des polluants sur la santé sont prouvés ; on peut les mesurer ; il est possible techniquement de les diminuer 87
b. On peut fixer des objectifs chiffrés pour améliorer la qualité de l’air 88
c. Les différentes sources de pollution ne sont pas suffisamment prises en compte 89
d. À quelle vitesse la réduction des polluants va-t-elle se mettre en place ? 89
2. Les transports doivent participer à la réalisation du facteur 4 89
a. La manière d’atteindre l’objectif affiché doit être précisée 89
b. Les analyses et prévisions à moyen et long terme de l’ADEME ouvrent des perspectives nouvelles pour aboutir au facteur 4 dans le domaine des transports 91
c. D’autres rapports prévoient la manière d’aboutir au facteur 4 93
3. Les effets du diesel sont insuffisamment étudiés 95
a. L’OMS a tiré une sonnette d’alarme 95
b. L’État, mais aussi d’autres acteurs s’en inquiètent 96
c. Les normes ont eu un premier effet qui reste insuffisant 97
d. PSA répond que les techniques ont considérablement évolué 97
4. Les systèmes d’incitation doivent prendre en compte l’ensemble des inconvénients qu’il faut éviter : Le système actuel de bonus/malus doit être modifié 98
B. CES POLITIQUES REPOSENT LARGEMENT SUR L’UNION EUROPÉENNE QUI FIXE LES NORMES PERMETTANT DE RÉDUIRE LES ÉMISSIONS DES VÉHICULES ET D’AMÉLIORER LA QUALITÉ DE L’AIR 98
1. Des normes progressives de réduction des émissions de CO2 pour les voitures neuves 98
2. Des normes pour le CO2 dont la flexibilité conduit parfois à des abus 99
3. Des associations environnementalistes souhaitent un durcissement de ces normes pour le CO2 99
4. La réduction des particules et des oxydes d’azote relève d’autres normes européennes 100
5. L’amélioration de la qualité de l’air ambiant 102
6. Les autres normes pertinentes 102
C. LE DÉBAT FRANÇAIS SUR LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE 102
1. Principes 103
2. Actions 103
D. LES EXPÉRIENCES ÉTRANGÈRES 105
1. la situation aux États-Unis 105
a. La réduction de la pollution et de la consommation d’énergie 105
b. La promotion du véhicule vert 106
2. la situation en Allemagne 108
a. Une politique offensive et volontariste de lutte contre la pollution 108
b. Une stratégie pour le développement de carburants alternatifs 109
c. Des mesures incitatives originales 110
VI. LES LEVIERS D’ACTION SONT NOMBREUX, MAIS IL EST UTILE DE DISTINGUER S’ILS RELÈVENT DE L’UNION EUROPEENE, DE L’ÉTAT, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES OU DE LA COOPÉRATION ENTRE PLUSIEURS PARTENAIRES 111
A. EN AMONT DE L’UNION EUROPEENE, DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES INTERVIENNENT DE MULTIPLES MANIERES DANS LE DOMAINE DES TRANSPORTS 111
B. L’ÉTAT DISPOSE DE MOYENS D’ACTION IMPORTANTS 112
1. La fiscalité est un outil utile, mais difficile à modifier rapidement 113
2. Les aides publiques restent nécessaires pour faciliter la restructuration et la mutation de la filière et de ses savoir-faire 114
3. Plusieurs réglementations doivent être questionnées 115
a. L’installation de bornes ou de prise de recharge des véhicules électriques dans les copropriétés relève de procédures trop longues 115
b. L’auto-partage implique de réfléchir de manière innovante à l’assurance des véhicules concernés 117
c. Les critères d’homologation des systèmes de protection sont controversés 118
d. L’évolution des systèmes embarqués pose la question des réglementations souhaitables 118
4. Le dynamisme de la recherche et de l’innovation doit être soutenu et accompagné 119
a. Tirer parti des atouts d’un système aux multiples facettes 119
b. Assurer la continuité des financements 119
c. Tirer parti de l’élan des investissements d’avenir 120
d. Accorder une attention particulière aux thèmes de recherche qui feront évoluer la mobilité et répondront aux besoins de la filière automobile 121
e. Prendre conscience qu’il faut renforcer les liens entre recherche et innovation et réfléchir au pilotage de l’innovation 123
f. Tirer parti du potentiel de VeDeCoM 124
C. LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ONT DES COMPETENCES PARTICULIERES 126
1. Les élus locaux sont confrontés à de nouveaux choix 126
2. La cohérence territoriale des décisions nécessite une coopération plus forte entre communes et communautés d’agglomération 127
3. De multiples expériences permettent d’identifier les problèmes qui doivent être résolus 128
D. CERTAINES POLITIQUES RÉSULTENT D’UNE COOPÉRATION ENTRE PLUSIEURS PARTENAIRES 128
E. LA MISE EN PLACE D’UNE GOUVERNANCE PLUS EFFICACE PERMETTRAIT D’AMÉLIORER L’EFFET DES POLITIQUES MISES EN œUVRE 130
1. Une gouvernance globale est nécessaire, car la situation actuelle n’est pas optimale. 130
2. Les pouvoirs publics doivent-ils être neutres ? Qu’en attendent les constructeurs ? 132
3. Les domaines d’intérêt du GART 133
4. Le rôle de la Plateforme de la Filière automobile (PFA) 134
5. Faudrait-il créer une nouvelle structure de dialogue et de coordination ? 135
6. Comment généraliser les bonnes pratiques et s’inspirer de l’expérience cumulée de nombreuses collectivités territoriales ? 138
a. En Ile de France 138
b. À Lyon 140
c. En Alsace 141
d. À Bordeaux 142
e. À Angoulême 144
DEUXIÈME PARTIE : L’ÉVOLUTION DU VÉHICULE, CONSÉQUENCE DE L’ÉVOLUTION DE LA MOBILITÉ 147
I. LA PALETTE DES SOLUTIONS TECHNIQUES S’EST ELARGIE, CE QUI PERMET DE PENSER DIFFEREMMENT LE VEHICULE 147
A. PLUSIEURS TYPES DE MOTORISATION SONT OU SERONT PROCHAINEMENT DISPONIBLES POUR LE GRAND PUBLIC 147
1. Les motorisations thermiques classiques conserveront une place importante, mais elles devront s’adapter 147
2. Le véhicule électrique actuellement disponible devra évoluer 149
a. Les perspectives de développement des véhicules électriques sont importantes, du fait de leurs avantages en matière de pollution et d’impact sur les comptes extérieurs 149
b. Plusieurs véhicules sont déjà disponibles sur le marché 150
c. Des solutions peuvent être trouvées pour permettre le développement de la mobilité électrique 152
d. De manière plus spécifique, les batteries devront permettre plus d’autonomie 155
e. Une approche différente, plus volontariste est nécessaire : L’installation et la multiplication des bornes de recharge est une condition indispensable à leur diffusion sur une large échelle 156
f. La création récente de GIREVE 157
3. Le véhicule à air comprimé, un autre choix technologique 159
4. Le véhicule à hydrogène, un avenir déjà concrétisé 160
a. La technologie hydrogène dans les transports 161
b. L’hydrogène comme carburant : Qu’en est-il de la sécurité de ces véhicules ? 162
c. Pourquoi utiliser l’hydrogène ? 162
d. L’hydrogène est une solution complémentaire aux batteries 163
e. Où en est la recherche sur le stockage de l’énergie ? 163
f. Qu’est ce qui en France empêche le déploiement de l’hydrogène ? 164
g. Comment se situe la France par rapport à l’Allemagne ? 164
B. D’AUTRES CARBURANTS VONT DE PLUS EN PLUS CONCURRENCER LE PETROLE 165
1. Le pétrole ne sera plus dominant 165
2. L’avenir du GPL dépend essentiellement des consommateurs et des messages émis par l’État 165
a. Une ressource encore largement disponible 166
b. Les difficultés du GPL 167
3. Le méthane se développera s’il est davantage utilisé par les particuliers 168
a. L’intérêt du GNV 168
b. Ses perspectives de développement 169
4. Les agro-carburants continuent à faire l’objet de controverses 171
a. Un contexte évolutif 171
b. Une évolution en trois générations 172
5. Ces divers carburants alternatifs sont fortement soutenus par la Commission européenne 173
C. LES SOLUTIONS HYBRIDES VONT PRENDRE UNE PART CROISSANTE DU MARCHE 174
1. Une palette de solutions est possible 174
a. Les combinaisons sont nombreuses 174
b. Des véhicules sont déjà disponibles, mais leur diffusion dépendra largement du soutien de l’État 174
c. D’autres hybrides seront prochainement disponibles 175
2. L’hybride sera une étape de la transition énergétique dans les transports 175
II. COMMENT CONCEVOIR LE VÉHICULE À PARTIR D’UNE APPROCHE GLOBALE DE LA MOBILITÉ ? 177
A. DÉPASSER LA SEULE CONCEPTION TECHNIQUE DU VÉHICULE 177
1. Penser en termes de mobilité plutôt qu’en termes de véhicules conduit à une approche globale 177
a. L’apport d’une réflexion en termes de mobilité 177
b. L’apport d’une approche globale 178
c. Quelles seraient les conséquences d’une approche différente, mettant la mobilité au centre des préoccupations ? 179
2. Cette approche globale pose la question des choix de l’État 180
3. Il ne faut plus raisonner en termes de performances maximales qui ne seront pas utilisées 181
B. PARTIR D’UN NOUVEAU MODÈLE REPOSANT SUR DE NOUVELLES RELATIONS ENTRE LE VÉHICULE ET LES TERRITOIRES 181
1. Les règles de stationnement, la politique de voirie seront alors conçus en fonction d’autres objectifs que de satisfaire de manière prioritaire les automobilistes 181
2. L’offre de mobilité pourra alors évoluer : elle pourra être plus diversifiée, y compris dans les villes petites et moyennes et à la campagne 182
3. Quel véhicule pourrait en découler ? 182
III. L’ORGANISATION ACTUELLE DE LA FILIÈRE AUTOMOBILE PERMETTRA-T-ELLE DE RÉPONDRE À CETTE ÉVOLUTION DE LA MOBILITÉ ET DU VÉHICULE ? 183
A. UNE SITUATION CONTRASTEE 183
1. Une filière actuellement en difficulté 183
2. Une filière qui dispose néanmoins d’atouts 184
B. UNE SITUATION DONT L’ÉVOLUTION PEUT ÊTRE IMAGINÉE AU TRAVERS DE PRÉVISIONS ET DE SCENARII 185
1. La vision énergétique de l’ADEME pour 2030-2050 débouche sur une évaluation du marché automobile 185
a. La vision de l’ADEME 185
b. Les remarques de l’ADEME sur les scenarii d’évolution des consommations d’énergie dans les transports 186
c. Les prévisions de l’ADEME sur l’évolution du marché automobile 188
2. Les prévisions à long terme de l’Agence internationale de l’énergie 189
3. Les trois scenarii du BIPE sur l’évolution du pouvoir d’achat 190
a. Premier scenario : la stabilisation du pouvoir d’achat 190
b. Deuxième scenario : une croissance économique plus forte 190
c. Troisième scenario : une croissance économique plus lente, mais une évolution des valeurs des individus 190
4. Les deux scenarii du BIPE sur le taux d’équipement automobile des ménages 190
a. Premier scenario : la poursuite des tendances passées 190
b. Deuxième scenario : l’apparition de ruptures 190
5. Les scenarii du PREDIT 191
a. Sur la réalisation du facteur 4 191
b. Sur l’évolution du tourisme 191
6. Les trois scenarii du BIPE sur l’évolution possible des valeurs automobiles et environnementales 192
a. Premier scenario : maintien de l’image de l’automobile 192
b. Deuxième scenario : une dualisation du marché entre zones urbaines et zones rurales 192
c. Troisième scenario : la valeur de l’automobile n’est plus liée à l’objet mais au service qu’il rend 192
C. UNE FILIÈRE OÙ LES ANALYSES ET LES STRATÉGIES DES CONSTRUCTEURS ONT UN POIDS PRÉDOMINANT 193
1. Le point de vue des constructeurs français 193
a. Renault : une approche et une taille mondiales ; le choix du véhicule électrique 193
b. PSA : des choix fonction du marché et de la rentabilité ; l’air comprimé 198
c. Lumeneo : un véhicule électrique léger 203
d. Mia Electric : petits véhicules et hydrogène 203
e. France Craft Automobiles : des petits véhicules électriques et hybrides 204
2. Les constructeurs étrangers 205
a. Toyota : en France, un statut particulier du fait de son usine de Valenciennes 205
b. BMW : des solutions nouvelles dans l’industrie automobile 207
c. General Motors 209
d. Mercedes-Benz Cars 210
e. Fiat 211
3. Les équipementiers occupent une place particulière dans la filière 212
4. Le cas particulier de Michelin 214
D. UNE FILIÈRE QUI DOIT S’INTERROGER ET DEVRA S’ADAPTER 215
1. Quelle est la nature de la crise actuelle ? 215
a. L’influence du pouvoir d’achat est patente 215
b. Mais la crise est plus profonde. Elle n’est pas seulement conjoncturelle 216
2. Quels peuvent être les choix stratégiques en fonction de l’évolution du marché ? 217
a. Certains choix stratégiques sont inévitables 217
b. Ces choix peuvent être facilités par les éléments d’analyse qui sont communs 218
3. L’offre devra évoluer car l’offre actuelle est trop classique 218
4. La réduction de la consommation à 2 litres aux 100 km montre que des évolutions sont possibles 220
a. Un objectif consensuel qui est maintenant atteignable 220
b. De tels véhicules existent déjà, mais de façon marginale 221
c. L’objectif à atteindre doit être précisé : que vise-t-on ? à quel coût ? pour quelques privilégiés ou pour tous ? quelles obligations ? quelle attitude face aux différentes technologies ? 221
d. Une combinaison de techniques et d’approches différentes 222
e. Ne faut-il pas en profiter pour repenser le véhicule ? 224
IV. QUELLE VA ÊTRE L’INFLUENCE DE L’ELECTRONIQUE EMBARQUÉE ? 227
A. LE DÉVELOPPEMENT DE L’ÉLECTRONIQUE EMBARQUÉE : AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS 227
1. On commence tout juste à en prendre conscience, alors que son influence est déjà très importante 227
a. Les logiciels sont devenus prédominants 227
b. Les équipements embarqués sont la source d’enjeux importants et peuvent changer la conception même du véhicule 227
2. L’électronique embarquée permet de remplir de multiples fonctions 228
a. Elle permet d’améliorer la sécurité du véhicule, sans pour autant remettre en cause les systèmes existants 228
b. L’électronique embarquée permet de mieux gérer les batteries 229
3. Elle a certains inconvénients dus à sa jeunesse : on n’en est qu’au début du processus 229
a. Elle est fortement consommatrice d’énergie même si elle aide à la régulation d’énergie 229
b. De nombreux tests sont nécessaires. 229
B. CE DEVELOPPEMENT EST LOIN D’ETRE TERMINE 230
1. La connexion du véhicule au Smartphone serait source de nombreuses économies 230
2. De nouveaux outils technologiques permettront d’améliorer encore davantage la sécurité et la protection des usagers 231
3. D’autres initiatives auront des répercussions intéressantes 231
C. L’IMPACT DE LA ROUTE INTELLIGENTE ET DU SMART GRID 232
CONCLUSION 235
RECOMMANDATIONS 239
EXAMEN DU RAPPORT PAR L’OFFICE 251
COMPOSITION DU COMITÉ DE PILOTAGE 261
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS 263
Vers une mobilité sereine et durable :
Une autre automobile est possible
L’automobile, d’abord produit innovant et de luxe au début du XXe siècle s’est rapidement démocratisée sous l’impulsion de l’industrialisation et de la production de masse. Cette filière est aujourd’hui confrontée à des mutations majeures, qui n’ont pas toutes été anticipées. Les conséquences en sont tangibles tant pour ses salariés, qui en font les frais, que pour les clients qui voient leur dépenses d’achat, d’entretien et de carburant amputer leur pouvoir d’achat. Cette crise est également environnementale, car les impacts de cette filière viennent en contradiction avec les impératifs de préservation de l’environnement global et local, et de la santé. Certains constructeurs sont en crise, d’autres ont jusqu’à présent mieux maîtrisé des évolutions techniques mais aussi sociales extrêmement rapides.
Cette situation industrielle, économique et écologique interpelle tous les acteurs de la filière : constructeurs, équipementiers, distributeurs, fournisseurs de carburants, assureurs, banquiers, tandis que de nouveaux services apparaissent et que le numérique et les nouveaux moyens de communication jouent un rôle de plus en plus important tant dans la conception que dans l’usage des véhicules. Elle interpelle également les pouvoirs publics qui doivent simultanément accompagner les entreprises en difficulté, engager la transition écologique, adapter leurs politiques aux enjeux environnementaux, et faciliter dans la mesure du possible l’apparition de nouveaux modèles industriels, d’usage et de consommation plus rationnels.
Cette situation préoccupante nous oblige à adopter une vision de moyen et de long terme pour expliquer l’évolution actuelle. Elle implique l’examen des limites du modèle actuel et des évolutions susceptibles de le remplacer.
Une approche globale de la mobilité
Cette vision, doit prendre en compte l’entièreté de la question en englobant le media et la finalité des déplacements. Les véhicules sont ainsi appréhendés comme un moyen de faciliter cette mobilité, et non comme une fin en soi.
Nous faisons également le choix d’une approche globale, car si le domaine du possible s’est élargi, l’évolution reste incertaine, et la seule technique ne permet pas d’appréhender l’ensemble de l’évolution du paradigme. L’innovation technologique est nécessairement corrélée au modèle social dans lequel elle intervient.
La mobilité est une clef, d’autant plus qu’elle est en train de changer de nature.
Les sociologues, les urbanistes, les architectes, les prospectivistes qui ont participé au comité de pilotage de l’étude le disent clairement : le paradigme évolue rapidement. Avec les nouvelles technologies de communication, l’espace s’est rétréci. On est en lien immédiat et direct avec l’autre bout de la planète ; Par contre, la mobilité réelle non seulement n’a pas suivi mais se trouve le plus souvent entravée, particulièrement dans les grandes agglomérations, où il faut parfois un temps disproportionné pour faire quelques kilomètres, en transport individuel ou en transport collectif. Cette distorsion, la frustration qu’elle engendre, la perte de temps, les mauvaises conditions dans lesquelles est faite cette mobilité, l’incertitude sur la durée de déplacements et sur la capacité à être à l’heure à son rendez-vous, tout cela engendre frustration, inquiétude, souffrance, voire un sentiment d’exclusion pour ceux qui n’ont plus les moyens (financiers et/ou absence de réseau) de se déplacer et donc d’accéder aux services collectifs. Cette impasse implique de repenser la mobilité, d’un point de vue plus écologique mais aussi plus serein.
Jusqu’à une date récente, l’utilité de la possession d’une voiture individuelle ne souffrait d’aucune remise en cause. Son acquisition paraissait naturelle. Elle était porteuse de valeurs, de symboles, de marqueurs sociaux. Elle était parfois considérée – et l’est encore – comme une condition d’obtention d’un emploi. Elle était même un symbole de liberté, voire une condition de la liberté individuelle. Elle était aussi considérée comme un élément de sécurité, notamment pour les femmes.
De même, la mythologie entourant la voiture est liée à la puissance qui y est associée, à sa taille, à sa capacité à rouler vite. Un changement de mentalité s’est amorcé à partir des premières campagnes de sécurité routière. Ainsi, les publicités pour les voitures ne peuvent plus vanter la vitesse maximale d’un modèle pour en faire un argument de vente. Un nouvel imaginaire du véhicule se construit dès lors, qui n’associe plus nécessairement le véhicule à sa puissance, mais au service qu’il rend. On le voit par exemple avec l’essor des monospaces en France depuis la fin des années 1980, qui ne symbolisent ni puissance ni vitesse, mais agrément et capacité de transport. Un mouvement en faveur de véhicules plus sobres pourrait-il succéder à ce nouvel imaginaire du véhicule pratique et ludique ?
La question s’est aujourd’hui partiellement décentrée du media pour se recentrer sur la finalité : quels sont les besoins de mobilité aujourd’hui ? Quelles sont les conditions nécessaires à un transport serein ? Ces besoins sont-ils les mêmes pour tous les citoyens, ou peut-on établir des typologies ? Quelle attitude adopter vis-à-vis des évolutions passées mais aussi des nouvelles opportunités qui restent encore floues ? S’agit-il de tendances lourdes ou de manifestations conjoncturelles ?
La mobilité recouvre certes des situations diverses : elle peut être choisie, mais aussi subie. Les lieux d’habitation ont été repoussés loin des lieux de travail. Aussi faut-il rechercher une mobilité « sereine et durable », selon l’expression de Bernard Darniche. Il faut tout de même éviter la « mobilité de trop », pour Bruno Marzloff.
Une telle approche ouvre des perspectives nouvelles : la voiture n’est plus sacralisée ; elle devient un moyen d’atteindre la mobilité désirée.
La mobilité a alors pour objectif, comme le souligne Georges Amar, de créer du lien, du brassage, des opportunités économiques et professionnelles, ou, pour reprendre l’expression d’Edgar Morin, de la reliance. Il s’agit de passer de l’objet automobile à l’auto-mobilité. Une telle approche permet de s’affranchir des conceptions traditionnelles.
Le concept de mobilité sereine et durable, proposé par Bernard Darniche, ancien coureur automobiliste, journaliste et président de l’association « Les citoyens de la route », permet d’aborder le véhicule non comme objet d’un type particulier qui serait une fin en soi, mais comme un outil permettant d’atteindre un objectif : pouvoir se déplacer de la manière la plus agréable et la plus rationnelle possible.
Bernard Darniche estime que, plutôt que des véhicules, il faut parler de mobilité et tenir compte des aspirations d’une société moderne qui a envie de continuer de se déplacer sans se sentir coupable. « C’est une mobilité pour tous, pour chaque besoin de déplacement. On ne peut pas dissocier la mobilité des moyens de communication qui peuvent s’y substituer. Ne nous déplaçons pas si nous n’en n’avons pas la volonté. C’est un changement de culture. Si on diminue la circulation de 3 à 4 %, le système devient fluide. On est donc à la marge et on peut soulager le système. C’est une mobilité sereine, terme qui intègre tous les paramètres. La solution performante sera la plus douce possible, celle qui permettra de ne pas avoir de perte de temps illégitime. Le véhicule écologique de demain n’est pas un véhicule, mais une offre de mobilité. »
Une approche globale permettra d’intégrer les évolutions technologiques dans un cadre plus large, incluant leurs implications économiques, environnementales, sociales, et sociétales.
Une telle approche permet de déterminer le champ de notre étude : elle conduit à traiter des véhicules et pas seulement des voitures, et de mettre l’accent sur leur caractère écologique plutôt que sur le seul concept de « propreté ».
Le terme de véhicule est en effet plus large que celui de voiture et correspond mieux à la réalité, puisqu’il permet d’englober dans un même continuum non seulement des voitures classiques à 4 roues, mais aussi des deux roues, des véhicules nouveaux à trois roues, ainsi que des quadricycles tels le Twizy. Il y a un continuum de moyens de déplacement, qui peut aller de la marche, ne nécessitant aucun véhicule aux véhicules de transports en commun, en passant par les bicycles, tricycles, quadricycles et voitures particulières.
Le terme de « véhicule écologique » est plus large que celui de « véhicule propre » qui ne fait essentiellement référence qu’aux émissions polluantes. Il prend en compte plus globalement les relations entre la voiture et son environnement, y compris son environnement social.
Le véhicule écologique peut alors être ainsi défini : un véhicule propre, économe, silencieux, sobre, de faible encombrement, sûr pour ses utilisateurs comme pour les autres usagers de la voirie, dont la disponibilité, la puissance, les performances théoriques, la taille, le poids et l’usage sont compatibles avec les contraintes environnementales et sociétales.
Cette approche globale permet aussi de prendre en compte les nouveaux débats qui conduisent déjà à la redéfinition des politiques publiques. Ces nouveaux débats portent sur la nécessité de limiter la pollution et de répondre aux défis du changement climatique ; sur la transition énergétique qui permettra de préciser les évolutions nécessaires vers plus de sobriété et les énergies renouvelables ; sur la place de l’automobile dans la ville ; sur l’impact des nouveaux services ; sur la pérennité du modèle actuel.
Elle permet d’évaluer les évolutions à venir, probables ou plus hypothétiques.
Si historiquement le fordisme a lancé un mouvement permettant à toutes les catégories sociales de posséder une automobile dans les pays développés, il n’est pas forcément évident que l’usage futur d’un véhicule individuel de transport soit lié à sa propriété. Il n’est pas non plus évident que le modèle d’une voiture unique, qui remplisse tous les usages et besoins perdure. Il ne va ainsi pas de soi que le même véhicule soit utilisé aussi bien pour les transports quotidiens que pour le départ d’une famille en vacances. Ce modèle qui s’est imposé n’est en rien une fatalité.
Des véhicules polluants, bruyants, roulant vite et consommant trop, occupant trop de place sur la chaussée ne sont pas une fatalité. L’usage de carburants fossiles n’est pas non plus inéluctable. Un nouveau paradigme est en train de se dessiner, qui considère le véhicule individuel pour ce qu’il est : un moyen de déplacement parmi d’autres. Le nouvel imaginaire qui entoure la voiture n’est plus nécessairement dans la possession d’un véhicule puissant et rapide, mais dans la capacité à atteindre une destination le plus sereinement et respectueusement possible.
Le véhicule écologique n’est plus seulement un projet, un concept. Il commence à exister et certains véhicules innovants dans tel ou tel domaine sont disponibles sur le marché, à un prix qui n’est pas forcément plus onéreux que celui des véhicules thermiques classiques.
La voiture capable de consommer seulement deux litres d’essence aux cent kilomètres n’est plus seulement pour demain. Elle existe déjà à l’état de véhicule de présérie chez PSA.
Les véhicules alternatifs sont déjà une réalité et peuvent très vite percer sur le marché. La Chine prévoit de produire un million de voitures électriques en 2015 et cinq millions en 2020 (contre 5 000 en 2011). L’Allemagne prévoit quant à elle d’en fabriquer un million en 2020. D’ores et déjà, de nombreux pays ont adopté des politiques incitatives en faveur des motorisations au gaz : plus de 800 000 véhicules en Italie utilisent cette technologie.
De même, il existe au Japon depuis plus de 50 ans une catégorie spécifique de véhicules, les Keijidōsha ou K-cars, qui répondent à des normes strictes de gabarit et de puissance, en contrepartie d’incitations financières. À cet égard, l’essor de la Smart en Europe est à noter. De même, les progrès en cours sur l’informatisation et l’électronique embarquée sont importants : Google a produit un véhicule autonome (sans conducteur). Plusieurs constructeurs travaillent sur des projets similaires, et c’est l’un des 34 projets industriels lancés récemment par le ministère du redressement productif en France.
La concurrence va donc s’accentuer, et l’émulation autour des nouvelles technologies également. Il est à noter que les pays émergents ne sont plus seulement un lieu de fabrication à moindre coût ou un marché d’exportation. Plusieurs d’entre eux sont en train de devenir des concurrents potentiels importants, suite à des transferts de technologie et à l’essor de la recherche et développement qu’ils ont promu.
Il en découle que les constructeurs traditionnels français sont confrontés à de nouveaux défis : leur gamme doit être moins polluante, plus sobre, plus économe et répondre à de nouvelles demandes. Elle doit intégrer des véhicules différents, utilisant une quantité moindre d’énergie fossile ou de nouvelles sources d’énergie. Chacun d’entre eux doit donc remettre en cause sa stratégie et faire des choix technologiques – le véhicule électrique pour Renault, le véhicule à air comprimé pour PSA – et proposer des solutions hybrides.
Ces choix sont majeurs et conditionnent l’avenir d’une filière qui se définit de plus en plus au niveau mondial, et où les équipementiers, les prestataires de services, les informaticiens jouent un rôle de plus en plus important.
Cependant, il faut prendre garde aux stratégies misant sur une seule technologie. On voit ainsi les méfaits sur la santé de l’encouragement du diesel pendant trente ans en France. Il faut se garder d’une politique publique qui, en n’encourageant qu’une seule technologie, se priverait de potentiels sauts technologiques dans d’autres domaines.
Le modèle français atteint ses limites
Ces limites sont de trois ordres : elles sont liées aux contraintes écologiques, dont la perception est croissante ; elles sont de nature économique ; mais elles sont aussi liées à la conception même des véhicules.
Des limites liées aux contraintes environnementales et sanitaires
La poursuite des tendances actuelles engendre des problèmes graves en termes de pollution, de santé, d’inégalités sociales et internationales. Notre système a atteint des limites. La dangerosité du diesel, la nécessité absolue de réduire la pollution et le dérèglement climatique rendent nécessaire une évolution profonde.
Depuis de nombreuses années, le diesel a été vivement encouragé en France, notamment grâce à des avantages fiscaux, le gazole étant taxé moins lourdement que l’essence.
Les liens aujourd’hui établis entre diesel et cancer remettent en cause cette politique. Historiquement, l’un des grands constructeurs français – PSA – s’est hautement spécialisé dans ce type de motorisation qui présentait l’avantage de consommer moins de carburant. Cela ne saurait freiner les évolutions rendues nécessaires par les enjeux sanitaires. Parallèlement, l’impact de la mobilité essentiellement fossile pèse de plus en plus lourd dans le bilan carbone de notre pays comme dans la facture énergétique du pays (70 milliards d’importation d’énergie fossile chaque année), entraînant une forte dépendance énergétique et une vulnérabilité aux cours du marché, eux-mêmes indexés sur les réserves existantes de ces combustibles et leur coût d’accès.
Des limites de nature économique
L’évolution du marché est actuellement défavorable aux industriels : la réduction de la demande est marquée en France, ce qui entraîne des répercussions négatives sur l’emploi. Le symbole le plus marquant en a été cette année l’annonce de la fermeture de l’usine PSA d’Aulnay-sous-Bois. Plus de 3 000 personnes travaillaient directement sur le site ; mais cette fermeture s’inscrit dans le cadre d’un plan décidé en 2012 qui conduit à plus de 8 000 suppressions de postes chez ce constructeur. Cette fermeture est emblématique, mais elle n’est pas la seule car elle impacte également de nombreux sous-traitants du secteur.
Cette baisse tendancielle de la demande se traduit en quelques chiffres, à replacer dans un contexte mondial de concurrence de plus en plus vive.
Les immatriculations baissent de manière tendancielle en France depuis plus d’un an. Ce phénomène préoccupant pour les constructeurs et l’ensemble de la filière automobile – qui emploie en France deux millions de personnes – est lié en grande partie à la crise économique qui frappe les pays développés. Mais il y a aussi des causes plus profondes, touchant à l’évolution des comportements des consommateurs auquel le modèle automobile tend à s’adapter.
Pour ces mêmes consommateurs, il s’avère que c’est le droit à la mobilité qui se trouve amputé pour des raisons économiques, du fait d’une conception de la mobilité quasi-exclusivement automobile. Les coûts d’achat et d’usage des véhicules ont tendance à augmenter. Ceux qui, pour se déplacer, n’ont d’autre choix qu’un véhicule automobile voient donc leur mobilité réduite. C’est particulièrement frappant dans les zones aux périphériques des grandes agglomérations, moins bien reliés au cœur de ville par les transports en commun, renvoyant leurs habitants à une forme d’exclusion. C’est d’ailleurs dans ces zones que l’on observe une percée des votes protestataires et de repli. Ces habitants des zones reléguées aux marges des villes ont peut-être plus encore que les urbains d’une réponse adaptée à leurs besoins de mobilité automobile.
Cette évolution doit donc être analysée avec soin : cette baisse de la demande est-elle seulement conjoncturelle (liée au pouvoir d’achat) et temporaire ? Est-elle au contraire structurelle (si elle est liée à un changement d’attitudes et de comportements) et de nature permanente : N’assiste-t-on pas à la remise en cause d’un modèle basé sur le tout automobile et – pour la France – la prééminence du diesel, et aux premières conséquences d’une nouvelle spécialisation internationale ?
Les deux grands constructeurs français, Renault et PSA ont eu des stratégies différentes. Renault, dans une optique mondiale favorisée par son alliance avec Nissan et Dacia, mise sur le véhicule électrique. Peugeot, plus isolée après l’échec de ses négociations de rapprochement avec General Motors, s’oriente sur des motorisations hybrides électriques et sur le moteur à air comprimé. Par ailleurs, les groupes étrangers, et notamment ceux de pays émergents, montent en puissance et en qualité.
Ces stratégies seront-elles suffisantes ? Permettront-elles de surmonter la crise actuelle ? Seront-elles de nature à répondre aux mutations économiques mondiales qui affectent le secteur automobile ? On est en droit de s’interroger.
Certaines évolutions techniques peuvent permettre de répondre à une part des enjeux de réduction de la pollution, et d’amélioration de la santé et la sécurité. Mais cette diversification est insuffisante en elle-même pour résoudre les difficultés des constructeurs. Les évolutions techniques prévisibles ne sont qu’un des éléments : réduire les coûts et les consommations, par exemple, nécessite non seulement une évolution technique mais aussi des changements de comportements, déjà entamés et qui peuvent imposer une réévaluation du business model lui-même.
Des limites liées à la conception même des véhicules
Le véhicule actuel, dans sa forme classique, est de plus en plus vu comme source de nuisances : il est de moins en moins compatible avec les grandes villes, où le stationnement est de plus en plus difficile à organiser. Il consomme trop d’énergie, a un coût d’achat et d’usage trop important et reste inutilisé la plupart du temps. Les voitures sont en effet stationnées 95 % du temps.
Le « tout-automobile » des dernières décennies a conduit à « l’auto-immobilité », du fait de la congestion croissante des grandes villes. Le modèle de l’automobile « à tout faire », possédée et utilisable en toutes circonstances, est en train d’être dépassé.
Dans le même temps, la technologie est devenue mature : l’équipement des ménages s’est généralisé, l’appropriation a été massive, comme le souligne Bruno Marzloff.
Le contexte est également en train de changer, sous l’influence de la circulation d’informations : la donnée publique est ouverte et partagée (open data) ; les machines dialoguent de façon traçable et facilitent l’accès à une masse très importante d’informations.
Un nouveau modèle est en train d’apparaître.
De nouveaux besoins, de nouveaux comportements conduisent à l’apparition d’un nouveau modèle et probablement à une mutation profonde qui a et aura un impact certain sur la filière automobile.
L’évolution du contexte
La conception de la liberté associée au déplacement évolue : elle est désormais vue comme la possibilité de se déplacer selon son désir, et moins liée à la possession d’un véhicule. La maîtrise du temps est un besoin de plus en plus manifesté comme étant un facteur d’optimisation du déplacement : la variable temporelle remplace petit à petit les considérations de distance. La recherche d’une mobilité choisie plus que subie devient de plus en plus importante. Elle est facilitée largement par le développement de nouveaux services de communication.
L’image du véhicule évolue : son partage est désormais non seulement du domaine du possible mais devient la norme pour une part croissante de la population, notamment chez les moins de trente ans ; l’usage se substitue à la propriété. Le développement de l’auto-partage et du covoiturage traduit cette nouvelle forme d’utilisation du véhicule.
Les jeunes achètent aujourd’hui moins de voitures. Ils passent aussi moins le permis de conduire. L’âge moyen de l’acheteur d’une voiture neuve augmente de manière régulière et atteint maintenant 54 ans et demi, ce qui traduit un resserrement du marché et d’un coût d’achat de plus en plus déconnecté du grand public. Le Velib’, l’auto-partage connaissent le succès, sous des noms certes différents selon les lieux. Mais le concept reste le même : le véhicule n’est plus forcément possédé ; il peut être partagé. Et le succès phénoménal du site BlablaCar vient confirmer qu’il ne s’agit pas seulement de partager un véhicule « anonyme » mais aussi son propre véhicule Le véhicule devient serviciel, et est de plus en plus perçu sous l’angle du service qu’il peut rendre.
Le domaine du possible s’élargit.
L’accélération des découvertes technologiques à laquelle on assiste actuellement, conduit à une multiplication des options techniques.
Les technologies évoluent rapidement. Les options techniques ne sont pas closes. Les choix technologiques ne sont pas figés. De nombreux produits sont soit à l’étape de prototypes, soit proches du passage de l’innovation à la production.
Les constructeurs diversifient leur offre de motorisation, les équipementiers diversifient aussi leurs produits. Tous les constructeurs diversifient leur gamme, les uns en proposant des véhicules électriques, d’autres des voitures à air comprimé, au gaz ou à hydrogène, d’autres enfin des modèles hybrides. Certains sont néanmoins en avance, d’autres en retard.
Tous ces moteurs n’ont pas les mêmes performances. Les moteurs thermiques sont actuellement les plus utilisés, mais leurs inconvénients conduisent à une accélération de la recherche sur les autres solutions possibles, tandis que les hybrides se développent progressivement sur le marché.
Les équipementiers participent à ces évolutions, de même que les fournisseurs de services techniques. Néanmoins, les nouveaux véhicules restent peu nombreux. Les technologies ne sont pas encore fixées.
Les nouveaux véhicules, qu’ils soient à deux, trois ou quatre roues, commencent à changer de forme. Un continuum de véhicules est en train de s’élaborer, en fonction des besoins propres à chaque déplacement. Certains sont plus petits. D’autres sont plus légers. La roue motorisée permet de penser le véhicule différemment. L’expérience acquise par les tenants de la voiture sans conducteur laisse entrevoir de nouvelles possibilités. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication changent la donne, permettant par exemple une information en temps réel qui impactera le choix de l’usager. Les nouvelles motorisations, les nouveaux carburants contribuent eux aussi à cette diversité croissante.
Les nouveaux types de véhicules qui apparaissent sont souvent mieux adaptés aux contraintes environnementales et sanitaires. Ils consomment moins d’énergie fossile et permettent d’utiliser différents types de carburants, souvent en combinant deux types de motorisation.
Un nouvel écosystème
Ce nouvel écosystème qui est en train de naître est basé sur une utilisation nouvelle des moyens d’information. C’était déjà le cas pour la recherche du trajet optimal, grâce au GPS. Ce sera de plus en plus le cas pour connaître les lieux d’approvisionnement en carburants de toute sorte, les lieux de recharge des batteries, mais aussi les possibilités d’auto-partage et de covoiturage. Ce sera demain le cas pour faire venir un véhicule devant sa porte si la voiture sans conducteur est autorisée et se généralise.
L’utilisation des Smartphones, associée au développement de ces nouveaux services, facilitera demain le partage d’une même voiture ou l’utilisation successive de modes de transports différents, grâce à la sécurisation des paiements et à l’apparition de cartes de paiement utilisables dans des lieux divers (ce qui n’est pas toujours le cas actuellement).
Ce nouvel écosystème est aussi basé sur la place grandissante des équipements embarqués à l’intérieur des véhicules. Les possibilités de calcul qui peuvent être embarquées sont impressionnantes : le nombre de lignes de leurs logiciels peut être supérieur à celles d’un Boeing ou d’un Airbus.
L’importance croissance de la communication se traduira de plus en plus par le développement de nouveaux services et de nouvelles applications informatiques.
La pile à combustible pourrait par exemple permettre la création de liens nouveaux entre transport, habitat et stockage de l’énergie.
Ce nouvel écosystème conduit à la multiplication de nouveaux services.
De nouveaux services
Les nouveaux services rendent aujourd’hui possible une mobilité choisie plus que subie. Au-delà du déplacement évité par le recours au télétravail, ou du déplacement de loisir, qui est véritablement choisi, il s’agit surtout de permettre à la personne ayant besoin de se déplacer d’avoir le choix du mode le plus pratique, le plus pertinent, le plus rapide, le plus serein. Le développement de l’auto-partage et du covoiturage traduit cette nouvelle forme d’utilisation du véhicule : son partage devient possible ; l’usage peut se substituer à la propriété ; l’image du véhicule et de la mobilité est en train d’évoluer. En témoigne le succès de BlaBlaCar, qui en faisant l’intermédiaire entre offreurs de covoiturage et demandeurs permet l’émergence plus massive du covoiturage. Il revendique actuellement 5 millions de membres en Europe.
L’inter-modalité joue un rôle de plus en plus important. L’usage de plusieurs moyens de transport dans une journée se généralise. Mais il reste encore beaucoup à faire pour organiser cette inter-modalité.
Les nouveaux services de communication ont une influence de plus en plus grande, car ils permettent de savoir si un véhicule sera disponible, où on peut le trouver, où on peut éventuellement le recharger s’il est électrique. L’application Aldo de la société ALD Automotive permet par exemple de disposer d’informations en temps réel sur les disponibilités des divers moyens de transport afin de permettre à son utilisateur d’optimiser son temps de déplacement.
D’autres savoir-faire apparaissent et peuvent être transmis. Il en est ainsi de l’analyse des flottes d’entreprises (30 % du parc automobile) pour aboutir à une utilisation sinon optimale, du moins plus rationnelle. Il en est de même pour les techniques de sécurisation des usagers du covoiturage qui pourraient s’appliquer entre individus ou entre entreprises, et non plus avec l’intervention d’un facilitateur organisant toute la chaîne des opérations.
D’autres services restent à inventer. Il en est largement ainsi pour des formules de location de courte durée, ou de partage de véhicules entre individus.
De nouvelles politiques
Ces politiques reposent sur une réflexion sur les infrastructures (qu’il s’agisse de la localisation des points de distribution des carburants, de recharge des batteries, des parkings pour le covoiturage), sur l’organisation différente du transport urbain et plus globalement sur la conception d’une nouvelle politique urbaine.
Il s’agit de déterminer de manière plus précise quels choix collectifs sont indispensables, et de quelle manière et à quel rythme ils devraient se traduire soit en mesures concrètes d’incitation ou de restrictions, soit par la mise à disposition de nouveaux services.
Quel peut être le rôle des collectivités territoriales ?
Quelles conséquences l’État, les collectivités territoriales, les constructeurs, les autres acteurs traditionnels de la filière, les nouveaux fournisseurs de services doivent-il en tirer ? Quels choix l’État a-t-il, dans un environnement marqué par les normes européennes et les règles de l’OMC ? Quelle stratégie doit-il, peut-il définir ? A quelle vitesse peut-il faire évoluer la fiscalité, les réglementations, les normes, les aides publiques, les mesures de soutien à l’industrie ou aux particuliers ? Comment concevoir des politiques optimales de régulation du stationnement, d’utilisation de la voirie, de promotion de l’auto-partage ou du Velib ?
De nouvelles controverses, de nouveaux débats
Des controverses et des débats se développent, car plusieurs évolutions sont et restent possibles :
N’est-on pas à la veille de changements aussi importants que la découverte du moteur à explosion, de l’exploitation des champs d’hydrocarbures, de l’apparition et la généralisation en quelques années d’Internet ? Réfléchir à la manière dont le moteur à explosion, puis le fordisme ont entraîné une modification profonde du transport, puis sa démocratisation, montre à quel point la mobilité peut modifier en profondeur l’organisation de nos sociétés.
Ces nouveaux comportements sont-ils pérennes ? Ne correspondent-ils pas à la situation particulière des grandes villes où la voiture est plus subie que choisie ? Le moindre attachement à la possession de voiture est-il un élément conjoncturel lié à la crise ? La croissance envisagée de la mobilité dans les pays émergents ne va-t-elle pas se heurter à des limites ? Le modèle de la voiture de demain doit-il toujours remplir l’ensemble des usages, du trajet quotidien au départ en vacances ?
Quels équilibres faut-il maintenir ? Peut-on, doit-on accompagner les évolutions actuelles ? Quels choix l’État a-t-il, dans un environnement marqué par les normes européennes et les règles de l’OMC ? Quelle stratégie doit-il, peut-il définir ? À quelle vitesse peut-il faire évoluer la fiscalité, les réglementations, les normes, les aides publiques, les mesures de soutien à l’industrie ou aux particuliers ? Quel peut être le rôle des collectivités territoriales ?
Comment peut-on créer une dynamique, une synergie entre l’action des pouvoirs publics et celle des industriels et des fournisseurs de services ? Comment peut-on aboutir à une cohérence satisfaisante entre les diverses décisions, entre les diverses réponses à des contraintes parfois opposées (environnementales, industrielles, économiques) ?
Qui sera le développeur et le vendeur de l’offre de mobilité de demain : le constructeur automobile ? Le réseau de transport en commun ? un opérateur des nouvelles technologies ? Quelle typologie des besoins peut-on établir, en fonction de critères de localisation, d’âges, de pouvoir d’achat ?
Quel modèle l’emportera ? Faut-il privilégier la puissance ou la qualité de vie ? Quels choix de carburants : épuisables ou renouvelables ? Peut-on le prévoir, le définir ? Comment évaluer cette situation ?
Les grandes évolutions technologiques se sont historiquement faites à la conjonction de révolutions en matière de communication, à l’œuvre actuellement, de révolutions en matière d’énergie, qui se met en place, et d’innovation dans la mobilité. Le terrain paraît donc des plus propices à une évolution à la fois technologique mais aussi qualitative du véhicule.
Il est nécessaire de faire une analyse suffisamment fine pour vérifier si les évolutions ressenties à Paris ou dans d’autres grandes villes sont valables pour l’ensemble de la France ; si les solutions proposées et adaptées à Paris ou dans les grandes métropoles le sont pour les zones périurbaines et rurales.
Une comparaison s’impose entre les diverses techniques, leurs performances, leur coût, leur niveau de développement, leur impact sur la pollution et la santé humaine, leur durée de vie envisagée et réelle, leur fiabilité.
Dans ce contexte, quel est l’avenir du véhicule individuel motorisé ? Comment concevoir la voiture de demain ?
Concevoir la voiture de demain exige d’accepter de faire preuve d’imagination. Il faut ne pas avoir peur de remettre en cause notre manière traditionnelle de penser.
Un effort d’imagination est nécessaire
Le véhicule d’aujourd’hui est toujours le prolongement de la voiture d’hier. Il a du reste la même forme que la voiture à cheval, même si les chevaux ont été remplacés par un moteur. Son évolution résulte essentiellement de la prise en compte de facteurs techniques. Mais il restait dominé par l’idéologie de la vitesse et de la puissance, dont le corollaire est des voitures plus rapides, plus puissantes, ce qui les rend de plus en plus lourdes.
Son design découle non d’une réflexion novatrice, mais d’une focalisation sur le moteur, la roue, la direction, c'est-à-dire sur des éléments techniques, en oubliant que le véhicule est un lieu de vie, et pas seulement un moyen de se déplacer d’un lieu à un autre, comme le remarque Jean-Marie Duthilleul pour qui la vitesse ne doit plus être le seul élément de réflexion.
Quels sont les concepts, les outils qui vont permettre de concevoir le véhicule de demain ?
Pour Georges Amar, il y a quatre stades dans la manière de considérer la voiture : « Le premier considère l’automobile comme un outil de transport ; le second l’automobile comme un outil de mobilité intelligente ; le troisième stade vise à replacer l’automobile dans le monde de la vie mobile ; le quatrième est très prospectif, la mobilité étant considérée comme une sorte d’art ».
Plusieurs pistes apparaissent : considérer le véhicule non comme une fin en soi mais comme un outil au service de la mobilité, s’affranchir des contraintes traditionnelles en tirant parti des nouvelles technologies et en concevant autrement le véhicule, réfléchir à la manière de réguler l’offre et la demande de mobilité, sortir de l’européocentrisme et s’interroger sur les besoins à satisfaire au niveau mondial, favoriser la recherche de la diversité.
Il faut avoir une approche différente : Se libérer des formes habituelles, des données techniques trop contraignantes alors qu’elles peuvent évoluer, permet de concevoir des véhicules différents, qu’ils soient à 2, 3 ou 4 roues. Ils peuvent être des tricycles, les voitures des quadricycles, termes repris de la réglementation actuelle.
Ces nouveaux véhicules qui arrivent déjà sur le marché sont pensés différemment. Les contraintes techniques ne sont plus les mêmes : le moteur peut dans certains cas être intégré dans la roue. Le véhicule peut se garer seul. Son pilotage devient de plus en plus assisté au point de ne plus nécessiter de conducteur, comme dans le cas du Googlecar qui peut se passer de conducteur.
Le véhicule peut alors être pensé comme une plateforme aménageable, adaptable, qui sera un lieu de vie, de travail et de loisirs. Le véhicule individuel de demain sera, selon Jean Marie Duthilleul « un plateau, un loft mobile ».
Pour François Bellanger, le Renault Twizy est même le seul produit prospectif car sa motorisation est moins puissante. Ce modèle a certes beaucoup de défauts mais il possède le mérite de changer les codes. C’est la preuve que le changement de motorisation permet de repenser l’objet automobile.
L’enjeu n’est pas d’avoir des véhicules électriques qui ressemblent aux véhicules thermiques mais de repenser le véhicule à cette occasion. Le véhicule électrique a un sens s’il est économe et petit, ce qui accroît son autonomie. Le passage à l’électrique devrait du reste être l’occasion de repenser le véhicule, de changer sa forme, et ses usages mais aussi l’insertion de la mobilité dans un mix énergétique responsable. La motorisation électrique devrait a priori complètement changer l’automobile, mais ce n’est pas encore le cas.
Pour François Bellanger, La mobilité urbaine s’inventera entre les 2, 3 et 4 roues en partie électriques. On aurait dû profiter de l’appel d’offre sur Autolib’ pour remettre en cause le format voiture. Il est dommage d’avoir manqué cette occasion. L’enjeu du futur est d’inventer toute une gamme de produits entre le Vélib et l’Autolib’. Mais ce discours est décalé par rapport à celui des constructeurs qui n’ont pas de vraies stratégies à long terme.
Bernard Darniche cite quant à lui le Japon, où s’inventent des 3 ou 4 roues motorisées, très informatisées, très automatisées pour pouvoir être parquées ou stockées (un système permet de les empiler et de les serrer). Ce sont des engins de 200 kilos, et leur batterie n’est pas trop lourde. La recharge est faite lors du stockage dans des lieux dédiés, qui s’apparentent à des silos (faits notamment par Toyota). Ces machines sont à géométrie variable. Leurs roues peuvent s’écarter. Il s’agit d’engins attirants qui s’auto-disciplinent et dont la vitesse varie selon la situation. On n’est plus dans la contrainte administrative, mais dans une contrainte de logique de situation.
Les nouveaux véhicules sont aussi étroitement liés au développement des nouveaux moyens de communication et d’information. Embarqués ou non, ils permettent en effet d’obtenir des informations en temps réel, et d’organiser autrement la mobilité. Ils vont façonner le monde de demain grâce à leurs nouveaux potentiels. Ils changent le paradigme de la mobilité. La voiture peut devenir servicielle.
Pour Bruno Marzloff, le téléphone mobile permet des agilités spatiales, temporelles, sociales, pour coordonner l’ensemble des activités. Il en découle des stratégies d’autonomie qui sont des leviers très puissants. Et pourtant, la demande n’est pas venue des travailleurs nomades, mais des mères qui souhaitaient rester en contact avec leurs enfants.
La régulation de l’offre et de la demande mêlant véhicule individuel et services de mobilité devient plus facile.
Plusieurs solutions peuvent être mises en œuvre, comme le remarque Bruno Marzloff : L’automobiliste peut être encouragé à utiliser d’autres modes de transport. Le covoiturage va permettre une optimisation par une intensification des usages de la voiture. Le taxi collectif, à l’image des Collectivos, peut aussi contribuer à la régulation de l’offre. L’auto-partage va lui aussi se développer, éventuellement selon d’autres formes que celle mise en place par la puissance publique (il pourrait s’organiser de pair à pair). Des convois automatisés pourraient être organisés autrement que sur une base expérimentale. La voiture sans conducteur pourrait façonner l’avenir.
L’e-commerce, qui connaît actuellement un rythme de croissance de 25 %, peut par ailleurs entraîner une réduction de la demande de transport. Il permet la substitution d’une mobilité numérique à une mobilité physique. L’e-santé,
l’e-formation, le télétravail permettent d’atteindre le même objectif.
Pour Bruno Marzloff, une organisation différente du travail pourrait changer la donne de 25 % des modes de déplacement, de 45 % des kilomètres parcourus et de l’essentiel de la mobilité subie, surtout dans des systèmes en tension maximale. Le scénario de transition énergétique élaboré par l’ADEME repose sur une baisse du nombre de véhicules individuels, le parc total passant de 31 millions à 22 millions de véhicules particuliers en 2050, dont 45 % seront des véhicules hybrides bio GNV.
Pour François Bellanger, l’innovation se fera dans les pays pauvres par le low-tech pour répondre aux besoins d’une grande part de leurs populations, alors que les ressources naturelles seront de plus en plus limitées. Les véhicules devront être particulièrement innovants car ils seront dans le contexte inédit : celui d’un développement urbain avec beaucoup d’hommes et peu de ressources naturelles.
Pour Georges Amar, la voiture de demain sera un hybride de l’individuel et du collectif. Il faut mélanger du « soft » et du « hard », du virtuel et du physique. Apparaît alors la notion de « transmodal » qui signifie que l’on ne peut plus distinguer le physique du virtuel.
Pour Jean-Marie Duthilleul, c’est la multi-modalité qui permettra de concevoir le véhicule du futur, car il remplit des fonctions différentes et doit donc être adapté à des besoins très divers. Il faut des véhicules multi-maniables, qui n’altèrent pas la qualité de l’air, et qui peuvent être partagés. L’auto-partage y joue un rôle essentiel.
Ces réflexions rejoignent celle de Bernard Darniche, pour qui il faut une multitude d’offres pour avoir une réponse acceptable au besoin. L’outil de mobilité est actuellement l’automobile, mais il va y avoir des moyens de substitution à l’automobile qui doivent encore être complémentaires. « Nous ne serons sauvés ni par l’auto, ni par les seuls transports en commun ».
Il s’agit de penser le véhicule adapté aux contraintes d’un monde où l’on sait la finitude des ressources, la pollution engendrée par la circulation automobile. Il s’agit également d’envisager les continuités entre modes de transports, qui n’impliquent pas qu’un véhicule unique puisse remplir l’ensemble des besoins en déplacements. Il s’agit enfin d’un véhicule qui bénéficie de l’ensemble des innovations technologiques, pas uniquement celles liées à l’automobile en particulier, mais également celles que nous connaissons depuis plusieurs années avec les technologies de l’information et de la communication.
Comment assurer la transition ?
Il y a des solutions techniques. Mais il faut faire des choix politiques. Les deux démarches sont-elles inconciliables ? Comment peut-on les concilier, afin de mettre la mobilité au centre des préoccupations, afin de rendre le souhaitable possible voire même attractif ?
Se préparer à des évolutions qui peuvent être très différentes
Par définition, l’avenir est incertain. Mais il peut être imaginé, même si les prévisions seront sans doute différentes de la réalité.
C’est l’intérêt des scenarii et des feuilles de route. Les scenarii permettent d’imaginer les évolutions, voire les ruptures possibles. Les feuilles de route permettent de définir le chemin à parcourir pour atteindre l’objectif souhaité.
Or il existe peu de scenarii, ce qui révèle la difficulté à se projeter dans l’avenir incertain. Il y a par contre des feuilles de route, comme celles élaborées par l’ADEME. Il y a également des ambitions de développement industriel, comme en témoignent les 34 plans de relance industrielle proposés par le ministère du redressement productif, qui font la part belle aux évolutions industrielles des véhicules : batteries, hydrogène, véhicule à 2 litres aux 100…
Il serait pourtant utile de réfléchir à l’évolution du marché. Les marchés chinois et indiens des véhicules ne sont sans doute pas aussi prometteurs que certains le pensent. Leur croissance, actuellement forte, risque d’être freinée par l’insuffisance des infrastructures. La mutation nécessaire ne peut être remplacée par une fuite en avant dans l’export.
Réconcilier les choix collectifs et les choix individuels pour assurer une mobilité sereine et durable
Il faut tout d’abord réconcilier les analyses des prévisionnistes et les projets des constructeurs. Le fossé entre les réflexions des sociologues, des urbanistes, des observateurs et celles des constructeurs est trop grand. Certes, les constructeurs financent des centres d’études et s’entourent de conseils extérieurs. Mais on voit encore peu le lien entre ces réflexions qu’ils soutiennent et leurs décisions. Le MIT de Boston travaille sur ces complémentarités entre vision prospective et application technique. Les 34 plans industriels semblent offrir ce lieu de rencontre entre industriels et prospectivistes, mais il semble nécessaire de soutenir plus avant la recherche et le développement grand public de solutions de mobilités intelligentes, sobres et accessibles.
Il faut ensuite définir des priorités, à partir d’une identification des obstacles à surmonter. Quelles sont les contraintes économiques, sociales, écologiques incontournables ? Lesquelles pourront être levées, et à quelles conditions ?
La première contrainte a trait au maintien de l’emploi et de capacités industrielles. L’outil industriel est aujourd’hui fragilisé. Son évolution reste incertaine. Il faut donc le soutenir, mais il faut définir la meilleure manière de le faire. Les nouvelles activités qui lui permettraient de se diversifier n’ont pas encore complètement trouvé leur modèle économique.
Il faut réfléchir à la manière de raccourcir le délai entre une nouvelle idée et sa réalisation industrielle : un prototype apparaîtra au bout de plusieurs années ; sa transformation en véhicule commercialisable prendra encore quelques années. Au total, entre l’idée et sa traduction industrielle il se passe d’une dizaine à une vingtaine d’années. Il faut aider à raccourcir ces temps longs.
Les nouveaux comportements frappent l’imagination. Ils participent d’une nouvelle approche de la voiture individuelle et du déplacement, qui rend possible un nouvel imaginaire de la mobilité. Mais ils ne concernent pour le moment qu’une petite partie de la population. Leur diffusion est plus lente qu’il ne paraît, même si la période actuelle est caractérisée par une accélération des changements. Or c’est bien une diffusion massive des nouveaux véhicules et des nouvelles pratiques qui est nécessaire. Ce sont ceux qui sont contraints d’utiliser un véhicule individuel, du fait de leur localisation géographique, de l’absence d’alternative, qui ont besoin de véhicules sobres et économes.
C’est là qu’intervient la politique, en rendant attractif (aides, certificats d’économie d’énergie, incitations fiscales, priorités de circulation, de stationnement…) ce qui est souhaitable pour la collectivité. C’est aussi la condition pour que ce qui était jusques là une niche trouve son équilibre économique par une distribution plus massive.
Quelles priorités pourrait-on définir ?
- Assurer la cohérence des projets des constructeurs avec les évolutions envisageables. Il faut en effet définir une nouvelle approche permettant de concilier la réflexion des prévisionnistes, des sociologues, des urbanistes et celle des constructeurs.
- Assurer la cohérence des choix collectifs avec les ressources disponibles, des enjeux environnementaux bien sûr, et des enjeux sociétaux, pas seulement en termes d’acceptabilité, mais également en réfléchissant à la manière d’associer les citoyens au débat public et aux décisions qui sont prises.
- Définir un programme de nouvelles infrastructures et de nouveaux modes de transport collectif, en fixant des échéances et en prévoyant les financements nécessaires. Soutenir les démarches visant à un meilleur usage des véhicules à la fois en termes d’éco-conduite mais plus encore de partage des véhicules : en se donnant pour mot d’ordre « 2 personnes par voiture, au même niveau que 2 litres aux 100 km. »
- Penser globalement le véhicule dans une analyse complète de son cycle de vie afin de l’inscrire dans une économie circulaire. Penser globalement les motorisations, en pensant « énergies » plutôt que « carburants » et en allant vers des énergies de plus en plus souvent renouvelables. Penser globalement la filière industrielle en intégrant tous les acteurs et en pensant « équipementiers » plutôt que « sous-traitants ».
Renforcer l’efficacité de l’intervention publique
Cette efficacité n’est pas aujourd’hui suffisante.
Les aides publiques n’ont pas assez d’effets sur la réalité. Les mesures fiscales sont insuffisamment imaginatives. Les infrastructures nécessaires au développement des nouvelles énergies et donc des nouvelles motorisations ne sont pas à la hauteur des besoins. Les normes sont encore trop limitées dans le temps.
Les aides publiques sont l’un des leviers. Le système de bonus - malus mis en place pour faciliter le développement des voitures électriques et sobres en est un exemple. Il faut qu’elles aient un impact réel sur la situation, notamment lorsqu’elles tendent à endiguer les plans sociaux des entreprises qui ferment des sites industriels.
La fiscalité est un outil difficile à manier, mais dont l’impact est important. Elle peut avoir des effets non désirés. C’est le cas pour les avantages fiscaux accordés au diesel qui ont conduit à une surdieselisation du parc automobile français, nocive et contre-productive. Elle évolue lentement, comme le montrent les difficultés rencontrées pour rapprocher la fiscalité sur l’essence et sur le diesel. L’innovation fiscale requière une volonté politique forte qui s’inscrira dans la durée : la définition d’une fiscalité écologique en est l’un des exemples. Mais il n’y aura pas d’évolution réelle de la filière automobile sans des mesures fiscales nouvelles ciblées, facilitant certains choix, en rendant d’autres plus difficiles.
L’élaboration et l’application d’un plan de diffusion des nouvelles énergies paraissent plus aisées. Or l’expérience montre que ce n’est pas forcément le cas : les véhicules électriques apparaissent sur le marché sans qu’il y ait suffisamment de bornes de recharge. Les points de distribution du GPL ou du GNV restent insuffisamment nombreux. Il en est de même pour la distribution de l’hydrogène. Or les nouvelles motorisations ne pourront pas se généraliser tant que la distribution des nouveaux carburants ne sera pas plus généralisée. Un conducteur doit pouvoir bénéficier d’une continuité territoriale de son approvisionnement en carburants non seulement sur le territoire français, mais sur celui de l’Union européenne.
Le travail direct avec les acteurs de la filière, initié au travers des Appels à Manifestation d’Intérêt dans le cadre des investissements d’avenir ou des 34 plans de relance industrielle sont des outils adaptés. Ils permettent aux acteurs du territoire de se tourner vers un objectif, par exemple le véhicule à 2 litres aux 100 km, et de collaborer à son développement.
Les moyens mis en œuvre par l’État sont insuffisants, quelle que soit la qualité des hommes et des femmes chargés de faciliter la création de nouveaux réseaux de distribution ou de recharge. La mission dirigée par Philippe Hirtzmann pour développer un réseau de recharges de batteries utilisées par les véhicules électriques n’a pas assez de personnel face à la tâche à accomplir, du fait de la multiplicité des acteurs à convaincre, qu’ils soient publics ou privés.
Les normes sont un outil utile, mais dont l’effet n’apparaît qu’avec le temps. Leur clarté, leur stabilité sont essentielles pour les constructeurs qui ont besoin de savoir quelles sont les priorités des pouvoirs publics. Or les normes actuelles ne portent que sur l’actuelle décennie. Il importe qu’elles soient plus ambitieuses et définissent les objectifs à atteindre à plus long terme : 2030, 2050. Il faudrait aussi que les échéanciers soient plus précis et définissent des objectifs intermédiaires, par exemple tous les cinq ans. Il faut aussi qu’elles soient contraignantes et que des moyens soient définis pour vérifier leur application.
Assurer l’efficacité de la recherche
Cela suppose de lui accorder des financements suffisants et de veiller à la transition entre recherche, innovation et diffusion des nouveaux produits.
Les financements ont jusqu’à présent été satisfaisants, qu’ils proviennent d’OSEO ou du programme des investissements d’avenir. Il faudra demain poursuivre cette politique et s’assurer que la Banque publique d’investissements leur accorde une attention suffisante, notamment pour assurer la diffusion de l’innovation dans les PME.
La création de l’institut des énergies décarbonées – le VeDeCom – doit être accélérée.
Les priorités sont claires : pour les sciences sociales, l’analyse des modifications des comportements et des besoins, la définition de typologies plus précises, une réflexion sur l’acceptabilité des nouveaux véhicules et sur la diffusion des nouvelles mobilités ; pour les sciences techniques, l’automatisation, le développement des équipements numériques embarqués, la motorisation de la roue, la recherche des économies d’énergie, le développement des carburants alternatifs.
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C’est donc un champ d’exploration gigantesque qui est ouvert par ce questionnement sur le véhicule écologique du futur, après des années de conformisme et de perpétuation d’un modèle générique de véhicule. Il s’agit d’une nécessité écologique, économique, de sérénité du transport, mais aussi d’une chance à saisir pour les acteurs de la filière et les usagers. Le véhicule va changer, mais il n’est que le symptôme d’un changement plus profond et plus durable de la mobilité, et de l’imaginaire qui l’entoure.
Comme toute mutation, elle peut paraître anxiogène. Un nouveau discours, une nouvelle narration doivent donc accompagner cette évolution pour en rendre perceptible tous les atouts : écologiques, évidemment, mais aussi pour le bien-vivre ensemble. Cette mutation est à portée de mains, elle est même entamée. Ne ratons pas le train.
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Le présent rapport développera ces différents thèmes, afin de les préciser à partir des multiples témoignages présentés lors de plusieurs auditions publiques et des débats auxquels ils ont donné lieu.
L’OPECST a été saisi le 17 septembre 2012 par M. Jean-Paul Chanteguet, Président de la Commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, d’une étude sur les développements technologiques liés aux voitures écologiques. M. Denis Baupin, député de Paris et Mme Fabienne Keller, sénatrice du Bas-Rhin ont été chargés, le 17 octobre 2012, de préparer un rapport sur ce thème.
Leurs premières réflexions ont conduit, comme c’est l’usage, à l’élaboration d’une étude de faisabilité afin de préciser le champ d’une réflexion qui s’est étendue sur plusieurs mois, de définir les questions qui devraient être étudiées, de prévoir les thèmes qui feraient l’objet d’auditions publiques, d’identifier les organismes et les personnalités qui seraient entendus et éventuellement de formuler différemment le titre du rapport final.
Présentée le 18 décembre 2012 à l’OPECST, cette étude de faisabilité a permis de déterminer six axes d’études : les liens entre la mobilité et les usages des véhicules ; l’analyse des contraintes et des opportunités ; la manière de concevoir le véhicule pour permettre une mobilité sereine et durable ; l’interaction entre les acteurs institutionnels et industriels ; les évolutions technologiques ; la prospective scientifique, la recherche et l’innovation.
Le titre du rapport a alors été modifié, pour devenir : « Mobilités sereines et durables : concevoir des véhicules écologiques ».
Les rapporteurs ont estimé qu’il était plus approprié d’étudier les véhicules écologiques à usage individuel plutôt que les seules voitures écologiques, sans pour autant s’interdire de faire référence si nécessaire aux transports collectifs ou de marchandises. Ils ont choisi une approche globale, interdisciplinaire, dynamique dépassant les seuls aspects techniques. Les évolutions technologiques ont été replacées dans un cadre plus large, incluant leurs impacts économiques, environnementaux, sociaux, et sociétaux.
Leur étude s’est ainsi appuyée sur les besoins et les évolutions de comportements plutôt que sur les projections techniques de l’existant. Elle porte tant sur l’évolution des motorisations et des carburants classiques, que sur l’impact des nouvelles technologies (véhicules électriques, à air comprimé, à hydrogène, numérique, composites, technologies de l’information).
Les deux rapporteurs ont ainsi défini le terme « voiture écologique » : un véhicule propre, économe, silencieux, dont la puissance, les performances théoriques, la taille et le poids sont compatibles avec les contraintes environnementales et sociétales.
Ce terme est plus large que celui de « voiture propre » qui ne prend en compte que l’arrêt des émissions polluantes. Il prend en compte plus globalement les relations entre la voiture et son environnement social.
Il s’agit de penser le véhicule adapté aux contraintes d’un monde où l’on sait la finitude des ressources, où l’on a pris conscience de la pollution engendrée par la circulation automobile. Il s’agit également d’envisager les continuités entre modes de transports, qui n’impliquent pas qu’un véhicule unique puisse remplir l’ensemble des besoins en déplacements. Il s’agit enfin d’un véhicule qui bénéficie de l’ensemble des innovations technologiques, pas uniquement celles liées à l’automobile en particulier, mais également celles que nous connaissons depuis plusieurs années avec les technologies de l’information et de la communication.
Ces premières remarques montrent l’intérêt d’une approche globale, dépassant les seuls aspects techniques. Il sera beaucoup plus pertinent de replacer l’analyse des évolutions technologiques dans un cadre plus large, incluant leurs impacts économiques, environnementaux, sociaux, et sociétaux.
Il faut déterminer de manière plus précise quels choix collectifs sont indispensables, et de quelle manière et à quel rythme ils devraient se traduire soit en mesures concrètes d’incitation ou de sanctions, soit par la mise à disposition de nouveaux services.
Comment par exemple, peut-on faire évoluer les comportements ? Comment aboutir à ce que l’usager des transports pense davantage à la possibilité de les combiner ou à une utilisation moins individuelle de sa voiture ?
En d’autres termes, il s’agit de penser et d’organiser l’inter-modalité, le partage des voitures, le covoiturage, de s’interroger sur l’organisation des transports dont l’offre doit être davantage diversifiée, et plus globalement de repenser la mobilité dans les espaces urbains, périurbains et ruraux.
Les premières auditions organisées par les rapporteurs ont permis de composer le comité de pilotage de l’étude qui s’est réuni une première fois le 22 avril 2013 et une seconde fois le 5 décembre 2013. Afin de tenir compte tant des sciences techniques que des sciences humaines et sociales, et de bénéficier des conseils de personnes qui pensent la mobilité de demain, il comprend MM. Georges Amar, ingénieur, écrivain, ancien directeur de la prospective à la RATP, Laurent Antoni, chef du département de l’électricité et de l’hydrogène pour les transports au CEA LITEN, François Bellanger, prospectiviste, directeur de Transit City, Bernard Darniche, ancien coureur automobile, journaliste et président de l’association « Les citoyens de la route », Jean-Marie Duthilleul, architecte et ingénieur, Bruno Marzloff, sociologue, fondateur de La Cité des services, groupe Chronos, Gabriel Plassat, coordinateur du pôle Systèmes de Transports et Mobilités à l’ADEME, auteur du blog « Les transports du futur », Charles Raux, directeur du Laboratoire d’économie des transports (CNRS, Université de Lyon), Jean Syrota, consultant, ancien président de la Commission de régulation de l’énergie, Marc Teyssier d’Orfeuil, délégué général du Club des voitures écologiques, et Benjamin Topper, alors chargé de mission auprès du Président de l’ADEME.
Cinq auditions publiques ont permis un dialogue entre scientifiques, sociologues, urbanistes, constructeurs, équipementiers, distributeurs de carburants, fournisseurs de service, collectivités locales à partir de thématiques définies par les rapporteurs.
La première audition publique, le 14 février 2013, a porté sur les besoins de mobilité et l’impact conjugué des évolutions techniques et de la mise en place de nouveaux services.
La deuxième audition publique, le 19 mars 2013, a porté sur l’enjeu de l’énergie, les réponses à la pollution, les solutions pratiques à proposer aux consommateurs, les difficultés à surmonter pour développer des solutions alternatives, l’organisation de la filière automobile afin qu’elle puisse répondre aux évolutions futures du marché.
La troisième audition publique, le 11 avril 2013, a porté sur l’adaptation des véhicules à leur environnement urbain et rural, à partir de plusieurs problématiques, et des choix rendus possibles par l’apparition de nouveaux services, organisationnels, financiers et numériques.
La quatrième audition publique, le 5 juin 2013, a porté sur les typologies et les leçons que l’on peut tirer des prévisions, qu’elles portent sur les contraintes économiques et énergétiques, les nouveaux comportements, ou les ruptures potentielles.
La cinquième audition publique, le 5 décembre 2013, a permis d’aborder l’objectif de consommation du 2 litres aux 100 km et l’organisation de la gouvernance.
Le compte rendu de ces auditions est publié dans le deuxième tome du présent rapport.
Parallèlement, les rapporteurs ont créé un blog, qui a permis d’intégrer plusieurs documents qui leur ont été envoyés par les participants à ces auditions. Ce blog peut être consulté à l’adresse suivante : http://blogs.senat.fr/
nouvelles_mobilites/.
Ce rapport comprendra deux grandes parties, suivies d’une conclusion et de propositions. La première partie traitera de l’évolution de la mobilité, la deuxième de l’évolution du véhicule.
PREMIÈRE PARTIE
L’ÉVOLUTION DE LA MOBILITÉ, CLEF D’UN CHANGEMENT DE PARADIGME
Le paradigme classique est lié à une voiture puissante, grande, symbole de liberté et de bien-être. Ce paradigme évolue du fait des changements de comportements, d’usages et de préférences. Ces changements sont toutefois différents selon les individus et les groupes sociaux auxquels ils appartiennent, ce qui rend nécessaire d’établir une typologie. Les sociologues, les architectes, les urbanistes et divers analystes donnent des clefs pour comprendre ces évolutions qui reposent en partie sur l’innovation, la mise en place de nouveaux services et la généralisation de politiques publiques plus ciblées et plus novatrices.
I. LA MOBILITÉ CHANGE DE NATURE : LES COMPORTEMENTS, LES USAGES, LES PRÉFÉRENCES SE MODIFIENT
La mobilité a de nouvelles caractéristiques. Certaines évolutions peuvent être clairement identifiées. D’autres se dessinent, ce qui nécessite une attention particulière vis-à-vis des signaux faibles. Des symptômes apparaissent. Leur interprétation est claire. Les causes de cette évolution peuvent être identifiées.
A. PLUSIEURS SYMPTÔMES TRADUISENT L’EVOLUTION DES ATTITUDES ET DES BESOINS
Les statistiques traduisent de nouveaux comportements. Les voitures n’ont plus forcément les mêmes formes. Le vélo connaît, lui aussi, un renouveau. Les modes de déplacement sont plus diversifiés, en réponse à l’apparition d’une offre plus large et au développement de l’inter-modalité. L’auto-partage et le co-voiturage connaissent un succès grandissant.
1. Les statistiques traduisent de nouveaux comportements
a. Les achats de voitures neuves baissent depuis plusieurs années dans les pays développés. Et cette évolution est antérieure à la crise.
Selon les données du ministère du redressement productif, 2,2 millions de véhicules ont été fabriqués en 2011 par la France contre 3,5 millions en 2005. L'emploi dans l'industrie automobile a reculé de 30 % en 10 ans.
Selon les données de la comptabilité nationale, la part des achats de véhicules est passée de 4,7 % du total des dépenses de consommation des ménages en 1996 à 3,8 % seulement en 2006. La cause n’est pas uniquement liée à l’évolution du pouvoir d’achat. Elle tient entre autres à l’augmentation du coût des carburants et des dépenses d’entretien.
La baisse de la demande de véhicules dans notre pays est donc une tendance lourde, même si la voiture continue de représenter en moyenne nationale 72 % des déplacements. La situation est comparable dans les pays industrialisés d’Europe. Ce n’est pas le cas pour les pays émergents.
b. Les jeunes passent moins le permis de conduire et sont moins intéressés par la voiture
Seule la moitié des jeunes de 18 à 25 ans possèdent aujourd’hui un permis de conduire (plus précisément, 45 % des femmes et 48 % des hommes).
C’est une évolution importante : dans les années soixante-dix, le permis était considéré comme un des droits fondamentaux que les jeunes exerçaient souvent dès qu’ils en avaient la possibilité, c'est-à-dire à 18 ans.
Ces données pourraient aussi être une conséquence du comportement des adolescents qui se déplacent moins : selon l’enquête nationale transport déplacement effectuée par l’INSEE en 2008, les jeunes de 11 à 18 ans effectuaient 2,84 déplacements en moyenne en 2008, contre 3,05 en 1994. Leur temps consacré aux loisirs extérieurs a baissé. L’ordinateur, les jeux vidéo et les Smartphones en seraient-ils responsables ? La question mérite d’être posée.
c. Le comportement des femmes se rapproche rapidement de celui des hommes
Les femmes ont autant le permis de conduite que les hommes, et leurs mobilités se rapprochent de celles des hommes.
Évolution du comportement des hommes et des femmes
Hommes |
Femmes | |
Taux de possession du permis de conduire |
1982 : 78 % 2010 : 81 % |
1982 : 47 % 2010 : 72 % |
Régularité de la conduite |
2010 : 87 % de conducteurs réguliers |
2010 : 80 % de conductrices régulières |
Temps de déplacement par jour |
1h56 |
1h40 |
Tableau OPECST.
Elles utilisent presque aussi régulièrement que les hommes une voiture.
Elles ont toutefois un temps de déplacement journalier légèrement inférieur à celui des hommes. Serait-ce l’influence sur les statistiques, des femmes qui pour une raison ou une autre ne travaillent pas ou du temps passé à la maison, qui reste plus important que pour les hommes ?
d. L’évolution de la démographie entraîne un nouveau phénomène : l’immobilité d’une partie de plus en plus importante de la population.
46 % des plus de 65 ans sont immobiles du lundi au samedi, alors qu’ils représentent 24 % de la population.
Leurs modes de mobilité se dégradent si l’on prend en compte ses conséquences sur la santé : une partie des seniors va de plus en plus être incitée à utiliser des mobilités non-actives, tels des fauteuils roulants électrisés, ce qui est déjà le cas aux États-Unis où Wallmart les propose à ses clients.
2. Les véhicules n’ont plus forcément la même forme
Une chaise surplombant une roue, équilibrée grâce à un gyroscope, est la preuve qu’un véhicule peut rouler avec moins de deux roues.
Si les deux roues restent relativement classiques, les tricycles représentent un véritable changement. Ils peuvent ressembler au rickshaw indien, mais aussi être conçus pour donner plus de stabilité à une moto. Ils sont d’un grand intérêt par rapport aux quadricycles car les réglementations qui les concernent sont beaucoup moins strictes.
Une exception doit cependant être faite pour le segway, ce « deux roues » surmonté d’une planche qui permet aux touristes de se déplacer plus facilement.
Les quadricycles eux-mêmes ont maintenant des formes très différentes. Les véhicules de livraison ne sont pas forcément longs et larges. La voiture n’a plus obligatoirement la forme d’un rectangle. La roue motorisée permettra bientôt une nouvelle évolution : le moteur n’occupera plus de place à l’avant du véhicule qui sera ainsi libéré. Le véhicule deviendra alors essentiellement une plateforme qui peut être organisée de manière totalement différente.
3. Le vélo, lui aussi connaît un renouveau
Le vélo traditionnel connaît un nouvel engouement, même si son utilisation reste très différente de ce qu’elle est en Hollande ou au Danemark. Son développement est largement lié à la possibilité d’utiliser des couloirs réservés et de pouvoir laisser son vélo où l’on souhaite. Il est aussi fonction de l’attitude et du civisme des automobilistes et des conducteurs de moto.
Le vélo partagé se développe. Velib’ est un grand succès, qui n’avait pas été complètement prévu. Sa formule est reprise dans plusieurs villes. Son modèle économique pâtit toutefois du pourcentage important de dégradations et de vols.
Il pourrait davantage se développer si l’on prévoyait des parkings à vélo près des gares capables de contenir des centaines de vélos.
Le vélo électrique est une solution nouvelle qui coûte certes encore cher
– environ un millier d’euros –, mais qui permet de réduire la pénibilité de son utilisation dans les zones qui ne sont pas très plates.
4. L’auto partagée et le co-voiturage connaissent un succès grandissant
Le système Autolib’ qui propose des véhicules en libre-service ayant 250 km d’autonomie et dispose de 750 bornes de recharge à Paris a déjà vendu 62 000 abonnements et réalisé 1 200 000 locations. Il va prochainement s’implanter à Bordeaux et à Lyon.
Des formules semblables de véhicules en libre-service se sont de même développées dans plusieurs villes françaises, dont Strasbourg, Nice, Marseille, Angoulême, La Rochelle ….
Selon M. Jean-Baptiste Schmider, directeur général d’Auto’trement Strasbourg, entreprise créée il y a douze ans sous forme associative et maintenant partie du réseau France-Auto-partage, l’auto-partage en France compte aujourd’hui 50 000 usagers pour 4 000 véhicules. Une voiture partagée remplace ainsi neuf voitures particulières. Un auto-partageur roule deux fois moins qu’avec sa voiture individuelle, trois fois moins lorsqu’il a abandonné sa voiture ; les émissions polluantes sont ainsi réduites de trois quarts.
BlaBlaCar, nouvelle appellation de covoiturage.fr revendique aujourd’hui 5 millions de clients. Elle a créé un service qui met en relation des automobilistes prêts à prendre des passagers et des personnes en recherche d’un moyen de mobilité. Cette entreprise dit avoir chaque jour plus de nouveaux clients que de naissances dans notre pays.
Le taux d’occupation des véhicules partagés en covoiturage dans les trajets de longue distance entre les villes est de 2,8 contre 1,7 pour les véhicules individuels ne participant pas au covoiturage.
B. LES ATTENTES, LES BESOINS CHANGENT
Les symboles sociaux, les priorités et les préférences ne sont plus les mêmes.
1. De nouveaux symboles sociaux sont privilégiés
L’imaginaire attaché au véhicule individuel est en mutation. Il n’est plus forcément symbole de liberté, et est parfois connoté négativement en raison des contraintes qui s’y attachent (encombrements, difficultés de stationnement, coût…). Il peut être partagé, ce qui entraîne un rapport différent à la possession. La possession du véhicule n’est plus prioritaire. L’usage s’y substitue, surtout chez les moins de 35 ans. Seuls les seniors et les retraités conservent leurs habitudes. Le Smartphone remplace la voiture dans l’échelle des préférences.
Le recours à l’auto-partage ou au covoiturage est pour certains plus valorisant que d’avoir une belle et puissante voiture, ou même plus simplement que de posséder sa voiture personnelle.
2. Les préférences, les priorités évoluent
Être connecté de manière permanente est plus important que de posséder une voiture, ou que de changer régulièrement sa voiture. La liberté prend d’autres formes : certes, il reste important d’aller et de venir, quand on le souhaite, comme on le souhaite ; mais la liberté de déplacement va au-delà : elle implique d’avoir une palette de choix plus vaste, et de disposer des services qui apportent une plus-value au déplacement (sérénité, respect des horaires, confort…).
La mobilité est préférée à la puissance. La permanence de la connexion à son environnement est fondamentale. L’accès à l’information en temps réel devient primordial.
Cette exigence de communication instantanée et permanente va changer la nature de la mobilité, dont les outils doivent être conçus différemment. L’importance du développement des technologies numériques, et en particulier l’évolution de la téléphonie et de l’économie numérique viennent bouleverser les conceptions traditionnelles. Le Smartphone change le paradigme de la mobilité. Les applications informatiques embarquées deviennent un élément essentiel du véhicule.
Certains urbains ne possèdent plus de voiture, sans pour autant rejeter son utilisation. Le concept traditionnel de voiture « à tout faire », utilisée pour tous les déplacements, quel que soit le nombre de passagers, est en train de s’étioler.
II. LES BESOINS DE MOBILITÉ SONT TOUTEFOIS DIVERS, COMME LE MONTRE UNE APPROCHE TYPOLOGIQUE
A. DES BESOINS MULTIPLES QU’IL CONVIENT D’ETUDIER DE MANIERE APPROFONDIE
1. On peut les décrire, les caractériser, les expliquer
Les besoins de mobilité individuelle sont multiples : ils sont liés à l’activité professionnelle, aux loisirs, à la vie quotidienne.
Ils diffèrent selon les individus et dépendent du lieu de résidence et de l’éloignement du lieu de travail, mais aussi du niveau d’urbanisation : ils ne sont pas les mêmes dans les zones ultra-urbanisées, urbanisées et rurales.
Ces besoins sont parfois contraints de manière excessive : il en est ainsi pour les personnes qui ne peuvent se loger que très loin de leur lieu de travail, du fait d’un urbanisme mal maîtrisé et d’un coût foncier trop élevé. Si en outre le réseau de transports en commun ne dessert pas ces zones de manière suffisamment dense, ces habitants peuvent être contraints d’utiliser, à des coûts croissants et dans des conditions d’agrément dégradées, leur véhicule individuel.
Ils sont également liés à des critères sociologiques. Sont ainsi mis en évidence l’influence de l’âge, du genre, de la génération, de l’époque, de la catégorie socio-économique.
Des statistiques permettent d’appréhender ces besoins de manière moyenne et collective : on connaît ainsi le temps moyen de transport quotidien dans l’agglomération parisienne ou dans les grandes métropoles. La réalité est plus diverse dans les petites villes ou dans les zones rurales.
Ces besoins ne sont pas figés. Ils évoluent au cours du temps, parfois de manière imprévue. Est-on par exemple capable aujourd’hui de prévoir quel serait l’impact sur la mobilité du développement du télétravail comme de l’achat en ligne ? Quelles conclusions en tire-t-on sur l’évolution du parc et de la demande automobile à partir de projections et de prévisions ? Quels sont les scenarii envisageables selon que l’on privilégie l’hypothèse d’une poursuite des tendances actuelles, ou celle d’une rupture plus ou moins marquée ?
Ces questions seront étudiées à partir des travaux du PIPAME et d’autres organismes.
2. Une étude du PIPAME, réalisée par le BIPE, est particulièrement pertinente
Cette étude du PIPAME (Programme interministériel de prospective et d’anticipation des mutations économiques), réalisée par le BIPE à partir de données du CREDOC, analyse l’impact sur ces besoins de plusieurs facteurs :
- la démographie, et notamment le vieillissement de la population dans un contexte où apparaissent de nouveaux comportements chez les plus jeunes ;
- l’évolution des comportements, des conceptions et des valeurs ;
- la diversification des modes de vie ;
- la possibilité de choisir son mode de travail ;
- la localisation des logements et des lieux de travail ;
- la préférence pour la maison individuelle par rapport à un logement dans un immeuble qui sera plus proche de son travail ;
- les possibilités d’utilisation des transports collectifs ;
- la conception qu’ont les individus de leur temps libre ;
- les habitudes d’achat à distance.
Il en découle plusieurs questions :
Comment l’âge, les valeurs et les codes propres à une génération, l’esprit d’une époque influencent-ils le désir de voiture, le type de véhicule qui sera demandé (neuf ou d’occasion) ?
Comment ces facteurs se combinent-ils avec l’évolution du pouvoir d’achat et le souci plus ou moins marqué de respecter l’environnement ?
Comment les choix que font les individus influence-t-elle leur mobilité et le nombre moyens de kilomètres qu’ils parcourront par jour ?
Ces questions seront analysées à partir de critères traditionnels revisités et de critères plus originaux.
B. LES CRITÈRES D’EXPLICATION TRADITIONNELS PEUVENT ETRE UTILEMENT REVISITES
Certains critères sont classiques : les lieux d’habitation et de travail, l’âge, le genre, les revenus (ou plus globalement la catégorie socioprofessionnelle).
Plusieurs analyses, faites par l’INSEE, le BIPE, le STIF, le Commissariat général au développement durable permettent de les revisiter.
1. Les lieux d’habitation et de travail sont encore déterminants
a. Les mobilités dépendent largement des possibilités de transport public
Les lieux d’habitation et d’emploi ont une influence fondamentale sur la réalité des mobilités. Plus ils sont éloignés, plus la mobilité est importante. Mais il s’agit d’une mobilité subie plus que choisie, source de stress individuel et de nuisances tant personnelles que collectives, d’autant plus que cette situation découle de choix imposés par le développement de bureaux en zone centre sans que les besoins de mobilité correspondants aient été envisagés. De nombreuses migrations en découlent, parfois renforcées par les effets du renchérissement du logement dans la zone centre, mais aussi par la poursuite des migrations de la campagne vers la ville.
L’usage de moyens de transport collectifs ou individuels dépend largement de l’existence d’un réseau de transports publics et de l’implantation des zones commerçantes et de services.
A Paris, dans la zone bien irriguée par le métro, le tramway ou le RER, l’utilisation quotidienne de la voiture est moins importante. Il en est différemment en banlieue ou pour les déplacements entre banlieues. La même remarque pourrait être faite à Lyon ou à Strasbourg.
Dans les villes où l’offre de transports collectifs est limitée, dans les zones faiblement urbanisées, dans les zones rurales, la voiture individuelle est souvent le seul moyen de déplacement dès que la distance à parcourir devient importante. La moto, le vélo, la marche à pied sont peu adaptés à la nécessité de transporter à son domicile les produits achetés dans un supermarché généralement éloigné. Il en est souvent de même pour l’accès à la santé, du fait de l’éloignement croissant de l’hôpital dans les petites villes.
Mais, quel que soit le lieu d’habitation, il apparaît que le véhicule individuel reste un instrument privilégié de déplacement le week-end et pendant les vacances. Il est néanmoins en concurrence avec d’autres moyens de transport, qui eux sont collectifs, lorsque la distance à parcourir est plus élevée : le TGV, l’avion sont alors le moyen de transport le plus performant, surtout lorsqu’ils sont couplés avec un véhicule de location.
b. Les déplacements sont fonction de l’organisation sociale de l’espace, qu’il soit urbain, périurbain ou rural
L’influence de l’espace urbain peut utilement être analysée en reprenant les critères de l’étude de l’INSEE « Occupation du territoire et mobilités : une typologie des aires urbaines et du rural ». Quatre zones y sont distinguées : les zones polycentriques, les zones mono-centriques, les aires concentriques, les zones satellites.
Le tableau ci-dessous en synthétise les résultats.
L’influence de l’espace urbain
Zone Polycentrique |
Zone Mono-centrique |
Zone Concentrique |
Zone Satellite | |
Caractéristiques |
74 espaces Étalement de la population Pôles secondaires |
Emploi très concentré dans le centre-ville Déménagements en banlieue |
Concentration autour du pôle urbain |
113 espaces Échanges entre plusieurs zones petites mais à forte concentration |
% des actifs urbains |
70 % |
10 % |
8 % |
13 % |
Densité |
378 hab/km² |
136 hab/km² |
110 hab/km² |
330 hab/km² |
Types de transport |
Transport collectif et/ou voiture |
Centre-ville : transport collectif, voiture Banlieue : voiture |
Centre-ville : Transport collectif moins performant Voiture indispensable ailleurs |
Voiture indispensable si le lien entre les aires n’est pas assuré par les transports collectifs |
Source : INSEE et OPECST.
De manière plus précise, les aires polycentriques – telles que Paris, Bordeaux, Lyon ou Marseille – sont caractérisées par un étalement de la population et de l’emploi et par l’avènement de pôles secondaires. La périurbanisation est très marquée. Sous l’influence du coût du logement, les habitants du centre-ville le quittent pour la banlieue. Les habitants de la banlieue migrent vers les couronnes périurbaines. Il en découle de nombreux déplacements entre les zones de résidence et de travail. Les modes de transport dépendent largement de l’offre de services publics : s’il est possible de se déplacer entre son logement et son bureau en transports publics, ceux-ci sont largement utilisés. Sinon, la voiture est le moyen de transport privilégié, ce qui est le cas plus on s’éloigne du centre-ville. L’inter-modalité offre de nouvelles possibilités : un déplacement en voiture peut être suivi de l’utilisation du train, puis du métro, éventuellement d’un vélo partagé, et de marche à pied.
Dans les aires mono-centriques, l’étalement urbain est important, mais le centre-ville a un pouvoir d’attraction, car les emplois y sont concentrés. Les habitants ont souvent déménagé des centres villes vers les banlieues. Des ruraux y vivent, tout en restant travailler dans une zone rurale.
Dans les aires concentriques, caractérisées par une faible part de la population active et une faible densité de la population, le centre-ville a un fort pouvoir d’attraction sur les habitants de la couronne périurbaine qui la quittent, du fait de la concentration des emplois et des équipements collectifs. Les ruraux viennent s’installer soit en centre-ville, soit en couronne périurbaine. La voiture est indispensable en dehors de la ville centre.
Dans les aires satellites – c’est le cas de Lille, Lens, Douai – 22 % des habitants du centre-ville travaillent dans une autre aire urbaine, contre 6 % dans tous les autres cas. Ces aires sont de deux types : elles peuvent être des aires urbaines situées à proximité d’aires urbaines plus importantes qui, en général, font partie de la classe polycentrique ; elles peuvent aussi être organisées en un réseau caractérisé par des échanges quotidiens croisés.
2. L’âge reste un facteur fortement discriminant, mais n’a plus les mêmes effets
L’influence de l’âge est en train de changer : les jeunes ont des préférences différentes et valorisent moins la voiture, et surtout sa possession. Seuls les seniors, jeunes ou moins jeunes gardent un rapport affectif marqué à la voiture et ressentent sa possession –à laquelle ils ont été habitués assez rapidement dans leur vie- comme un instrument de liberté. Par contre, leurs déplacements quotidiens sont moins nombreux.
Nombre de déplacements quotidiens selon l'âge
(moyenne lissée sur 5 ans)
Source : Insee, enquête nationale transport déplacement 2008 et BIPE.
Évolution du nombre de déplacements selon l’âge
1994 |
2008 | |
18 à 25 ans |
3,52 |
3,32 |
26 à 45 ans |
3,93 |
3,85 |
46 à 59 ans |
3 ,07 |
3,15 |
60 à 74 ans |
2,22 |
2,67 |
75 ans et plus |
1,27 |
1,59 |
Source : données de l’INSEE, enquête nationale déplacement 2008 et BIPE.
Le choix du véhicule résulte néanmoins beaucoup de la situation par rapport au travail : les tranches d’âge de 26 à 60 ans utilisent beaucoup plus la voiture que les autres. Dans tous les cas, l’usage de deux roues motorisés ou du vélo reste marginal.
Répartition modale selon la tranche d'âge
Source : BIPE.
Les séniors, qui ont été habitués depuis leur jeunesse à avoir une voiture, et qui ont passé leur permis de conduire dès que c’était possible, continuent de valoriser la possession de leur véhicule. Il reste pour eux un symbole de liberté et de confort.
Avec le grand âge, les difficultés s’accumulent et arrive un moment où la personne âgée ne peut plus ou ne doit plus conduire, même si elle en a encore le droit. Les pressions familiales l’amènent un jour à abandonner sa place derrière le volant, essentiellement pour des raisons de sécurité.
3. Le genre entraîne moins de différenciations que pour la génération précédente
Pendant des décennies, les femmes ont moins conduit que les hommes. Ce comportement pouvait être contraint, car elles avaient aussi moins souvent le permis de conduire. Puis, à mesure que progressait l’égalité entre les sexes, elles ont accédé à la voiture de manière autonome plus largement, soit à cause de leur travail, soit pour des raisons liées à leur sécurité, ce qui a souvent conduit à la possession de deux véhicules dans les ménages concernés.
La situation n’est plus la même aujourd’hui, les comportements hommes-femmes s’étant largement rapprochés. Comme les hommes, les femmes commencent à moins valoriser la voiture.
Cela n’empêche pas que l’on constate encore des différences : les femmes s’occupent encore davantage des achats réguliers et de l’accompagnement des enfants, comme le montrent des données sur l’objet des déplacements, même si les écarts tendent à se réduire.
Objectif du déplacement
Source : enquête globale transport, STIF, Omnil.
Les femmes continuent par ailleurs à faire des déplacements plus courts, quel que soit le mode de transport, selon des statistiques propres à la région parisienne.
Portée moyenne des déplacements par genre
Source : enquête globale transport, STIF, Omnil.
Les déplacements des femmes sont davantage des déplacements de proximité. En Ile de France, elles utilisent davantage les transports collectifs que les hommes (23 % des déplacements contre 21 %). Elles marchent davantage (38 % des déplacements contre 28 %). Leur comportement dépend néanmoins de l’âge des enfants et de la structure du ménage.
4. Les revenus et la catégorie socio-professionnelle tendent à avoir une moindre influence
Le niveau de revenu et l’appartenance à telle ou telle catégorie socio-professionnelle entraînent généralement de grandes différences dans la consommation.
Le taux d’équipement par ménage reflète cette disparité : 91 % des hauts revenus possèdent au moins une voiture, contre 81 % des classes moyennes et 63 % des bas revenus.
Ces différences sont particulièrement fortes lorsqu’on compare le nombre de véhicules possédés par un ménage : Selon une enquête du Credoc, 49 % des hauts revenus possèdent plusieurs véhicules, contre 28 % des bas revenus.
Cette analyse doit cependant être nuancée : des analyses de l’INSEE portant sur les années 1979-2006 montrent que les dépenses de transport ont eu tendance à converger, quel que soit le niveau de revenu ou la catégorie professionnelle. Les ménages aisés ont stabilisé la part de leur budget consacrée au transport tandis que les ménages modestes ont continué à l’augmenter.
Cette évolution serait-elle due à la banalisation de l’automobile qui pour beaucoup fait partie des dépenses contraintes, qui ne peuvent donner lieu qu’à un arbitrage limité ? Si la voiture est le seul moyen pour se rendre à son travail, comment pourrait-on s’en passer, dans des zones éloignées des lieux où les activités professionnelles tendent à se concentrer ? C’est surtout le cas pour les familles à bas revenus, qui en ont été exclues du fait de l’évolution des prix du foncier et de l’immobilier. Les hauts revenus peuvent être moins soumis à cette contrainte.
Cette évolution n’est-elle pas liée aussi à la maturité et la saturation du marché ? Voire une moindre fascination pour l’automobile ?
C. DES CRITÈRES PLUS ORIGINAUX PERMETTENT UNE ANALYSE PLUS FINE
Ces critères portent sur l’influence des effets générationnels, l’âge du parc, les formes de propriété et les performances attendues des divers modes de transport.
1. L’effet générationnel est fondamental
La prise en compte des générations a changé. On considérait autrefois qu’une génération correspondait à une tranche d’âge située entre 20 et 25 ans, pour tenir compte de l’âge du premier enfant. Les comportements restaient relativement stables. Ce n’est plus le cas, les générations agissant différemment tous les dix ans.
Le tableau ci-dessous définit les générations depuis 1925. Le critère principal est de savoir ce qu’il arrive lorsqu’on a 20 ans.
Définition des générations
Source : BIPE.
L’appartenance ou le sentiment d’appartenance à telle ou telle génération a une grande importance sur le taux d’équipement en automobiles, comme le montre le graphique ci-après. On pourrait en dire tout autant pour les dépenses de location, de leasing, de péages ou de transport aérien.
Taux d'équipement automobile selon les générations
Source : BIPE.
La possession d’une voiture oscille entre 80 et 90 % pour les générations qui se succèdent jusqu’à la crise. La rupture se produit et s’amplifie avec la génération Internet et la génération Euro.
2. le mode de vie est un facteur déterminant
a. La composition du foyer et la mono ou la bi-activité au sein du foyer
La venue des enfants entraîne des comportements très différents.
Le nombre de ménages sans enfants est donc un critère important. Il atteint 50 % comme à Paris (contre 33 % pour l’ensemble de la France). En parallèle, il convient de signaler que 60% des ménages parisiens de possèdent pas de voiture.
Le BIPE travaille sur dix cas de figure, du solo non encore actif
– l’étudiant – au solo ex-active – une veuve – ou encore au DINK, – double income no kids – très connus des spécialistes du marketing, ceux qui remplaceront leur cabriolet par un grand monospace lorsqu’ils auront des enfants.
Ces catégories évoluent, le couple « traditionnel » mono-actif avec enfant, monsieur travaille, madame à la maison – en 1970, on en comptait 30 %, contre 6 à 7 % aujourd’hui – a été remplacé par le couple biactif avec enfants – les deux travaillent. Les besoins de mobilité sont alors totalement différents, et les moyens de se déplacer peuvent l’être également.
b. De nouveaux comportements, tel que « l’incrustation » des jeunes chez leurs parents
Ce sont les « Tanguy » qui représenteraient 5 à 7 % des jeunes adultes. Résultat de l’allongement de l’entrée dans la vie active, ou de l’évolution des mœurs, ils utilisent la voiture des parents. Pour M. Eric Champarnaud, associé et vice-président du BIPE, les cohabitations multi-générationnelles s’allongeant, cette catégorie se décourage bien souvent de passer son permis de conduire.
c. Le développement et la prise en compte de l’immobilité
20 % des personnes ne sortent pas de chez elles un jour donné, en milieu rural et péri-urbain. La proportion en milieu urbain est deux fois moins élevée.
Ces chiffres importants sont l’un des reflets du vieillissement de la population, de plus en plus fort. Mais ils témoignent aussi de l’effort en direction des personnes à mobilité réduite, dont on se souciait peu autrefois lors de la définition des politiques publiques. Leurs besoins doivent être pris en compte et des solutions trouvées pour leur permettre de trouver ou de retrouver une mobilité.
Une telle situation exigera de trouver des services particuliers pour les personnes âgées, avec le relais de l’Aide aux Personnes Âgées – APA, de même que pour les personnes à mobilité réduite.
Ce peut être l’occasion de mettre en place des services de taxis organisés et de transport à la demande.
3. L’attitude face à l’automobile façonne les comportements : appartient-on au monde automobile ou au monde non-automobile ?
M. Eric Champarnaud, partner et vice-président au BIPE, distingue ces deux mondes, en remarquant que de plus en plus de personnes basculent dans le deuxième. Tout dépend de l’attitude de l’individu face à la voiture : « Certaines personnes sont auto-dépendantes – des ruraux, par exemple, qui ne peuvent pas faire autrement que de prendre la voiture pour se rendre à leur travail. Certaines sont des autophiles, de vrais amoureux de l’automobile. D’autres sont mobiphages – des familles auto-exclusives, des businessmen ou des couples auto-actifs. La bi-activité entraîne un accroissement de l’utilisation de l’automobile. À l’opposé, on peut distinguer les gens qui utilisent les deux roues, vélophiles ou motophiles, les alter-autos et les auto-exclus – ceux qui basculent de l’auto-dépendance à l’auto-exclusion. » Cette catégorisation montre la complexité du rapport à l’automobile : de la dépendance à l’exclusion, de l’attachement au rejet. L’objet automobile est donc différemment vécu, selon les nécessités, mais aussi selon la valeur symbolique que l’on y attache. Ces valeurs sont en évolution avec la société, mais aussi avec les contraintes croissantes qui pèsent sur l’usager de l’automobile (pouvoir d’achat, encombrements,…).
4. Les flottes d’entreprise sont la source d’une autre organisation de la mobilité
Ces flottes, qui comptent pour 30 % des véhicules vendus actuellement sont encore peu gérées ou mal gérées. Mais la situation évolue. De plus en plus d’entreprises organisent une utilisation différente de leurs véhicules ; le temps de la voiture attribuée à un cadre qui pouvait la garder le week-end est peut-être révolu.
Les entreprises et les administrations ont de plus en plus recours à des véhicules qui sont partagés entre leurs employés, pour des questions de coûts, mais aussi en application de politiques environnementales.
Certaines entreprises offrent la possibilité de prêter ou de louer à leur personnel des véhicules utilisés pendant la semaine pour satisfaire des besoins professionnels afin d’en rationaliser les usages.
5. Les performances relatives et la disponibilité des moyens de transport ont une influence majeure
Plus une personne est mobile, plus elle sera susceptible d’utiliser des moyens de déplacements différents. Ce sont souvent les mêmes personnes qui utiliseront l’avion, qu’il soit normal ou low cost, qui alterneront l’utilisation de leur propre voiture et celle d’un véhicule de location lorsqu’elles sont loin de leur lieu de résidence ou de travail, qui n’hésiteront pas à prendre le train, surtout s’il s’agit d’un TGV. Ce sont souvent ces personnes qui utilisent les vélos partagés et commencent à utiliser l’auto-partage.
Le choix du mode de transport dépendra de sa disponibilité, de sa fiabilité, de son confort. Mais aussi de la possibilité d’optimiser son trajet en combinant plusieurs modes de transport. Le TGV est d’autant plus intéressant qu’il est couplé avec des trains régionaux, des bus ou des services de location ou de partage de voitures ou de vélos.
La multi-modalité, qui fait aujourd’hui partie de notre paysage, est essentielle. Elle implique d’organiser l’inter-modalité. Il en découle une autre approche des gares et des aéroports pour les passagers et d’autres pratiques des modalités de livraison pour les marchandises. La création de lieux permettant la rencontre de divers moyens de mobilité devient une nécessité de la vie moderne. L’organisation du dernier kilomètre permet l’utilisation de moyens de transport différents : c’est une problématique actuelle de la grande distribution qui commence à combiner transport fluvial et transport en camions –mais des camions différents, plus petits, plus silencieux, plus adaptés à la ville- pour transporter ses marchandises en containers de son espace de stockage à son réseau de distributeurs.
6. L’adéquation des modes de transport aux besoins des individus influence leur attractivité
M. Alain Bernard, fondateur de l’entreprise ModuloWatt, propose une typologie des moyens de transport, en distinguant la voiture, le métro, la moto, le vélo et le VELR (véhicule électrique légèrement robotisé) (1), à partir de dix critères : le prix, le confort, la rapidité, l’effort physique, la difficulté de stationnement, la sécurité, la nuisance sonore, la pollution de l’air, la contribution à l’emploi et l’attrait émotionnel
Cette approche permet de réfléchir aux moyens de transport les plus adaptés aux besoins et aux préférences.
Attrait de chaque mode de transport
Source : M. Alain Bernard, fondateur de Modulowatt.
Si l’on privilégie l’impact environnemental, on préférera les véhicules moins polluants. Si l’on privilégie le prix et la rapidité, on privilégiera la moto. Si l’on privilégie l’attrait émotionnel, on préfèrera la moto et on délaissera le métro.
Dans la plupart des cas, selon cette grille de lecture, le véhicule électrique légèrement robotisé présente un grand nombre d’avantages.
7. Vers des politiques de mobilité plus rationalisées pour influencer la mobilité
Les élus nationaux et locaux s’interrogent aujourd’hui sur la manière de concilier les transports et l’urbanisme, et de réduire l’impact polluant des véhicules et leur contribution négative au dérèglement climatique tout en privilégiant une occupation partagée de l’espace public. Ils cherchent par ailleurs à trouver les solutions qui permettront de réduire la mortalité sur la route et de favoriser la fluidité des transports.
Il en résulte des politiques différentes en termes de vitesse autorisée, mais aussi de partage de la voirie, de place dévolue stationnement. Parallèlement, la réflexion s’approfondit sur les avantages à accorder aux véhicules écologiques en termes de possibilités de stationnement, de réduction du coût du parking et d’utilisation de certaines voies, voire de certains créneaux horaires dans le cas de livraisons.
Ces décisions devraient certes entraîner une modification des comportements des usagers. Encore faut-il qu’elles soient respectées, appliquées et contrôlées, ce qui n’est pas toujours le cas comme le montre la perception très médiocre des droits de stationnement sur voirie, ainsi que des amendes qui y sont attachées en cas de non-respect des règles de stationnement.
L’acceptation des nouvelles règles aura des effets déterminants sur l’évolution de la mobilité, qui deviendra plus maîtrisée. Si leurs objectifs sont atteints, la mobilité sera plus sereine : l’enjeu de la vitesse et donc de la puissance sera moins grand ; il sera plus intéressant d’avoir un véhicule plus petit pour pouvoir le garer plus aisément ; l’utilisation des véhicules sobres se développera d’autant plus vite qu’ils seront source d’avantages tant financiers que temporels.
III. LES VISIONS PROSPECTIVISTES DE SOCIOLOGUES, D’ARCHITECTES, D’URBANISTES ET D’ANALYSTES DE LA MOBILITÉ FOURNISSENT LES CLEFS QUI PERMETTENT DE COMPRENDRE CETTE ÉVOLUTION
A. LA RÉFLEXION DE GEORGES AMAR : RELIANCE, AUTOMOBILITÉ, TRANSMODALITÉ
Pour Georges Amar, ingénieur, écrivain, ancien directeur de la prospective à la RATP, il faut prendre du recul par rapport à l’objet véhicule. Or, « les constructeurs d’automobile sont trop fixés sur le véhicule. Si l’on veut innover et créer la mobilité de demain, il faut arrêter de se polariser sur le véhicule.
Ce thème de la fixation a été étudié par le CGS, le Centre de Gestion Scientifique, un laboratoire de l’École des Mines qui a développé une chaire des théories et méthodes de la conception innovante, financée par Thales, la SNCF, la RATP et Renault. Ce centre est dirigé par les professeurs Armand Hatchiel et Benoît Weil ».
La mobilité est un mode de vie. Le transport en est l’un des composants. « L’intégration du transport dans le concept de mobilité permet de l’appréhender différemment : alors que le transport est considéré par des économistes comme une perte du temps, intégré à la mobilité comme mode de vie, il peut devenir un lieu de travail ou de repos.
La mobilité c’est créer du lien, du brassage, des opportunités économiques et professionnelles.
Alors que la valeur du transport était la valeur transit, la valeur de la mobilité est la création de lien ou comme le disait Edgar Morin, la reliance. Le vrai voyage c’est la rencontre de l’autre. Augmenter la mobilité ce n’est donc pas augmenter le kilométrage mais c’est augmenter le lien. »
M. Amar définit ses idées autour de quatre pôles :
« - le pôle mobilité pour mesurer la nouvelle mobilité qui doit être distinguée du transport ;
- le pôle automobile afin de passer de l’automobile à l’auto-mobilité en réfléchissant sur l’autonomie, autonomie qui a changé de sens. L’autonomie, c’est aujourd’hui les réseaux sociaux, la connexion, et non comme avant le fait d’être maître chez soi ;
- le pôle numérique qui est le pôle qui entraîne le plus grand nombre de modifications sociales et conceptuelles. Les nouvelles technologies, la portabilité, le coopératif, le connectif permettent de penser le véhicule de demain. Ce véhicule de demain c’est, par exemple, le Googlecar. Ce ne sont pas les opérateurs traditionnels qui innovent mais de nouveaux arrivants. À moins qu’ils se transmutent, ce ne sont pas Renault ou la RATP qui vont inventer la mobilité de demain mais des acteurs comme Decaux qui a inventé le Velib ;
- le pôle écologique en considérant que l’écologie est une façon de penser et à condition de détacher l’écologie de l’environnement. L’écologie, c’est donc, par exemple, réduire le nombre de kilomètres, créer de la reliance. L’écologie c’est la reliance, l’hybridation, le métissage, le principe de diversité, le principe de synergie.
La diversité est une notion-clef pour le véhicule de demain. Pour penser la mobilité, il faut prendre conscience qu’il ne faut pas rechercher le mode de transport idéal mais créer de la variété et de la diversité. « La voiture de demain sera un hybride de l’individuel et du collectif ». Il faut mélanger du soft et du hard, du virtuel et du physique. Apparait alors la notion de « transmodal » qui signifie que l’on ne peut plus dire si c’est physique ou virtuel. Velib est un être nouveau, d’un troisième genre. C’est un « transgénique », ou un « transmodal ».
Le véhicule de demain doit donc être multimodal. Il ne faut pas forcément augmenter les infrastructures. Il ne faut pas seulement changer le transport, il faut changer le paradigme, changer en même temps le travail, le loisir, l’école. Tout le réseau RATP va être saturé et doubler le RER prendra vingt ans. On ne peut plus utiliser les vieilles solutions pour les nouveaux problèmes. Il faut de nouvelles solutions.
Pour cela les nouvelles technologies et en particulier les Smartphones sont essentiels. Pour penser les modes de transport de demain, que ce soit la voiture ou le métro, il faut s’appuyer sur les nouveaux potentiels qu’offrent les Smartphones. Les acteurs de la mobilité que sont la RATP ou les constructeurs d’automobile transportent une foule connectée, intelligente. « Dans le métro, le Smartphone est un croisement du virtuel et du réel. Il permet d’interconnecter les modes de transport, de jongler de bus en bus, en ayant les horaires de tous les bus et tous les arrêts. Il permet les enchainements séduisants.
Il ne faut pas seulement un métro automatique mais il faut aussi s’appuyer sur les nouveaux potentiels et notamment le fait que l’on transporte des millions de passagers avec un Smartphone. La foule est devenue smart mob. Smart mob et crowd sourcing sont les nouveaux concepts qui passent par le numérique. Elle est intelligente, elle peut communiquer. Le métro ne transporte plus seulement 9 millions de personnes, mais 9 millions de Smartphones. Avec cette foule connectée, on peut échanger des services entre des personnes. Un nouveau langage se constitue. Il faut civiliser l’i-phone qui permet les enchaînements séduisants, pour reprendre l’expression de Baudrillard. »
Georges Amar considère par ailleurs qu’il y a quatre stades dans la manière de considérer la voiture :
« - le premier considère l’automobile comme un outil de transport ;
- le second l’automobile comme un outil de mobilité intelligente ;
- le troisième stade vise à replacer l’automobile dans le monde de la vie mobile ;
- le quatrième est très prospectif, la mobilité étant considérée comme une sorte d’art. »
B. LA RÉFLEXION DE JEAN-MARIE DUTHILLEUL : LE VÉHICULE DE DEMAIN SERA UN PLATEAU, UN LOFT MOBILE
Jean-Marie Duthilleul est architecte, ingénieur. « C’est la multi-modalité qui permettra de concevoir le véhicule du futur. En effet, les modes de vie et les besoins évoluent, ce qui est révélé par des statistiques intéressantes sur l’âge moyen de l’acheteur de voiture neuve (54 ans, et un an de plus tous les ans) et des utilisateurs de l’auto-partage (environ 30 ans).
En ville, il faut des véhicules multi-maniables, qui n’altèrent pas la qualité de l’air, et qui peuvent être partagés. Alors qu’en semaine, le véhicule individuel remplit des fonctions diverses comme le transport des enfants, le transport des malades, le weekend les besoins évoluent et alors le véhicule individuel peut servir à transporter des gros achats. Il faut donc des véhicules adaptés aux différents besoins. C’est ce que permet la multi-modalité.
Dans ce concept de multi-modalité, l’auto-partage a une place essentielle. L’auto-partage peut avoir des applications très diverses et permet de répondre à des besoins très différents. Il peut être développé au sein d’une entreprise, peut être proposé par une société de transport mais peut aussi se faire au sein d’une même famille.
La multi-modalité dépend du développement des nouveaux moyens de communication et d’information. On peut obtenir des informations en temps réels sur le temps d’attente… et ainsi mieux combiner les différents modes de transport qui s’offrent à l’usager.
La réflexion s’est longtemps focalisée sur les techniques comme le moteur, les roues, la direction. Ce sont ces techniques qui ont donné le design du véhicule. Cependant, le véhicule n’est pas seulement un moyen de se déplacer d’un lieu à un autre. C’est aussi un lieu de vie. C’est pourquoi, une réflexion sur le véhicule du futur ne peut faire l’impasse sur une réflexion autour de la plateforme, un plateau, un loft mobile.
Les nouvelles techniques comme le pilotage automatique ou le Googlecar (homologué en Californie) sont des moyens de faciliter la conduite et donc d’accroitre la communication entre les passagers. Les constructeurs sont de plus en plus conscients de l’importance que prend la plateforme dans la conception du véhicule. On le constate par exemple avec la publicité. Le constructeur ne dit plus : « cette voiture va aller à telle vitesse en neuf secondes », mais plutôt : « vous pouvez bouger vos sièges en neuf secondes ».
La réflexion autour de la plateforme est aussi très importante pour le transport collectif. Le confort des transports collectifs a été au centre des réflexions. Cependant, on constate pour les bus que l’augmentation du confort a nui à la convivialité. Alors qu’en Amérique latine ou en Inde les bus sont peu confortables mais très conviviaux, ici les bus isolent les gens. Il faut faire évoluer la plateforme bus.
La voiture doit être abordée comme un service, sous l’angle de l’information sur les moyens d’offre de déplacement à chaque instant. En ville, on vit dans l’instantané, et non plus dans la programmation. Se donner rendez-vous, c’est donner rendez-vous à un mode, et non à un lieu précis. La génération qui arrive est multimodale.
Il faut aussi sortir de l’idéologie de la vitesse pour concevoir le véhicule à partir du plaisir du trajet. Il faut que le véhicule, le lieu où l’on bouge, se rapproche dans son aménagement du lieu où l’on passe. Déjà en 1935, Le Corbusier constatait que le train n’est jamais qu’une rue qui bouge. Le véhicule du futur est un lieu où l’on retrouve le plaisir du trajet, de la contemplation, de la découverte par la vue, l’odorat, le son, le toucher. La manière dont le véhicule respire par rapport à son environnement est une composante du véhicule du futur.
Au salon de l’automobile, la roue motorisée de Michelin était passée inaperçue. Cependant, cette roue motorisée a le potentiel de faire évoluer le véhicule et de mieux l’adapter aux besoins des usagers. En effet, une roue peut inclure maintenant un moteur et le freinage. Elle peut tourner dans tous les sens. Si l’on met dessus une plateforme adaptée aux besoins, on change la conception du véhicule comme service.
Enfin, même si la vitesse ne doit plus être le seul élément de réflexion, elle reste un élément important et permet d’adapter le véhicule du futur aux différents besoins. La régulation de vitesse des voitures pourrait évoluer. Par exemple, la possibilité de freinage automatique : on devrait pouvoir se mettre en mode automatique sur les autoroutes, assez vite. »
C. LA RÉFLEXION DE BRUNO MARZLOFF : DOUTES SUR L’ÉVOLUTION DU MARCHÉ, NOUVELLES FORMES DE RÉGULATION, NOUVELLES AGILITÉS
Bruno Marzloff est sociologue, fondateur de la Cité des services, groupe Chronos.
Quels sont les enjeux ?
« La voiture, qui représente 80 % des kilomètres parcourus, reste un élément substantiel de la mobilité motorisée en France, avec de grandes différences entre les espaces, et entre Paris, les métropoles en général (à Lyon, à Strasbourg, la voiture représente 50 % de part modale, mais 75 % à Marseille) et les autres zones.
On est à un moment de maturité de la technologie : l’équipement a été massif, l’appropriation massive, et l’on entre dans l’open data (où la donnée publique qui circule est ouverte et partagée) et le big data (dialogue entre machines, traçable et accès à une masse très importante d’informations) ».
1. Quelles solutions peut-on apporter ?
M. Marzloff entrevoit plusieurs types de solutions.
« L’utilisation du big data et l’utilisation d’équipements embarqués va permettre une optimisation par la régulation et la réduction de l’offre. Ces solutions sont liées à la Smart City.
L’automobiliste peut être encouragé à utiliser d’autres modes de transport. Il va pouvoir utiliser le même pass, le même terminal pour traiter de ses accès aux transports publics, au parking, à la location, ce qui est déjà prévu à Nantes et à Belfort. Ce système est déjà en place à Chicago depuis deux ans, ainsi qu’à Berlin et Montréal. Cela permettra une optimisation par la consolidation de l’offre en général.
Les applications sur le Smartphone vont permettre un arbitrage possible entre voiture et transport collectif en cas d’embouteillage par exemple. Tokyo a ainsi mis en place un système de navigation harmonieuse, orientant l’automobiliste en fonction de ses habitudes. Cela conduira à une optimisation par l’autorégulation de la demande
De nouveaux types d’organisation apparaissent.
Le covoiturage va permettre une optimisation par une intensification des usages de la voiture. Ce peut être du covoiturage longue distance (BlaBlaCar a une extension internationale). La puissance publique pourrait encourager un tel dispositif qui est encore en quête de son modèle économique. Ce peut être aussi un covoiturage dynamique (sur des parcours courts). Mais il faut un marché plus dense et plus immédiat.
Le taxi peut y contribuer : La Californie a débloqué 20 millions de dollars à cette fin. Un passage au taxi collectif et au taxi à la volée, selon la pratique des Collectivos, avec des appariements en temps réels, fonctionne bien. Cette solution est appliquée à Londres (système Hailo). Il peut être difficile à mettre en œuvre, du fait de l’organisation de la profession des taxis.
L’auto-partage va lui aussi se développer, éventuellement selon d’autres formes que celle mise en place par la puissance publique. Il pourrait s’organiser de pair à pair. Les solutions existent pour régler les questions d’assurances. Des industriels se lancent sur ce créneau, notamment Mobivia en France (c’est un réseau de réseau de réparateurs auto et de pièces détachées, ex Norauto). Ils forment des places de marché, en tant que « go between » entre offreurs et demandeurs.
La voiture sans conducteur est d’ores et déjà autorisée au Nevada et en Californie pour les voitures automatiques de Googlecar. Cette voiture robot est alimentée par des données exogènes, à partir de capteurs de l’environnement immédiat en temps réel. Elle permet d’éviter le conflit entre le conducteur et la technologie. On peut utiliser son téléphone portable. Toutes les variables sont possibles, comme dans la cabine d’un avion. Cette voiture automatique a déjà parcouru des centaines de milliers de kilomètres.
Une personne qui traverse la route peut être détectée, soit par le Smartphone du piéton qui alerte l’automobiliste, soit par une fonction embarquée dans la voiture.
Des expériences de convois automatisés, pas seulement sur des autoroutes sont par ailleurs menées actuellement.
L’e-commerce, qui connaît actuellement un rythme de croissance de 25 %, peut entraîner une réduction de la demande de transport. Il permet la substitution d’une mobilité numérique à une mobilité physique. L’e-santé, l’e-formation, le télétravail permettent d’atteindre le même objectif ».
2. Quels sont les facteurs qui modifieraient le véhicule dans les vingt ans qui viennent ?
- « La mobilité de trop, résultant du déséquilibre entre mobilité choisie et subie, notamment en Ile de France où l’on constate la densité de déplacement la plus forte par individu en termes de temps et de kms parcourus, et le nombre de déplacements le plus faible.
- Le développement du télétravail : Il y a une forte corrélation entre la distance domicile-travail et l’appétence pour le télétravail. Le télétravail est expérimenté dans le triangle La Haye-Rotterdam-Amsterdam, particulièrement congestionné, pour éviter le déplacement automobile. C’est là qu’ont été créés les premiers télé-centres. Mais va-t-on assez loin ? Aux Pays Bas, CISCO a apporté des solutions technologiques qui n’ont pas pris. Ne faut-il pas aussi prévoir d’autres solutions pour trouver des solutions : des crèches, des consignes, la réception des commandes à distance ?
C’est déjà la réalité, notamment chez Accenture. Les travailleurs nomades qui ne travaillent plus au siège qu’un ou deux jours par semaine se généralisent. Une étude au Royaume Uni suggère que faire travailler une personne sur deux la moitié du temps hors de l’entreprise entraînerait 40 milliards d’économies.
L’organisation du travail pourrait changer la donne de 25 % des modes de déplacement, de 45 % des kilomètres parcourus et de l’essentiel de la mobilité subie, surtout dans des systèmes en tension maximale.
- L’impact du téléphone mobile, qui permet des agilités spatiales, temporelles, sociales, pour coordonner l’ensemble des activités. Il en découle des stratégies d’autonomie qui sont des leviers très puissants. Et pourtant, la demande n’est pas venue des travailleurs nomades, mais des mères qui souhaitaient rester en contact avec leurs enfants ».
D. LA RÉFLEXION DE FRANÇOIS BELLANGER : CHANGEMENT DE CODES, REMISE EN CAUSE DU FORMAT VOITURE
Pour François Bellanger, prospectiviste, directeur de Transit City, « Véhicule électrique n’est pas forcément synonyme de voiture écologique.
Si l’électricité est produite avec du charbon, la pollution est semblable à celle de l’essence, voire pire. Si l’électricité est produite avec du nucléaire, ce n’est pas écologique que ce soit en amont (les mines d’uranium sont des catastrophes environnementales) ou en aval (du fait des déchets radioactifs et toxiques pendant des milliers d’années).
Le monde change ; les modèles doivent suivre. Il faut sortir de l’européocentrisme pour penser la mobilité de demain car les vrais enjeux sont ailleurs. En effet, demain nous serons 9 milliards dont 5 milliards dans les pays pauvres. Le modèle actuel dominant de la voiture lourde confortable à essence ne répondra pas à l’ensemble des demandes futures. Elle répondra seulement aux demandes des classes supérieures et moyennes supérieures dans de nombreux pays.
Demain, dans un monde disposant de moins en moins de ressources naturelles, l’innovation se fera dans les pays pauvres par le low-tech pour répondre aux besoins d’une grande part de leurs populations. Les véhicules devront être particulièrement innovants car ils seront dans un contexte inédit : celui d’un développement urbain avec beaucoup d’hommes et peu de ressources naturelles. Nos modèles automobiles actuels occidentaux n’y sont pas adaptés.
Le passage à l’électrique devrait être l’occasion de repenser le véhicule.
La motorisation électrique devrait a priori complètement changer l’automobile. En effet, changer la motorisation devrait être l’occasion de changer la forme et les usages du véhicule. Pour l’instant, sur ce terrain-là, on n’a pas vu grand-chose de nouveau.
La mobilité urbaine s’inventera entre le 2, 3 et les 4 roues en partie électriques. On aurait dû profiter de l’appel d’offre sur Autolib’ pour remettre en cause le format voiture. Il est dommage d’avoir manqué cette occasion. L’enjeu du futur est d’inventer toute une gamme de produits entre le Vélib et l’Autolib’.
Ce discours est décalé par rapport à celui des constructeurs. Les constructeurs n’ont pas de vraies stratégies à long terme. Ils sont sur la défensive et essaient de survivre avec des logiques de lobbies pour justifier leurs absences de choix. La stratégie de Renault par exemple a été un basculement en quatre mois vers l’électrique. Les conséquences sont dramatiques : Quel est le discours autour de la Zoé ? Quelle innovation par rapport aux autres voitures ? Le seul argument avancé est la propreté. On court après l’idée que l’électricité c’est propre, cependant dans la plupart des pays l’électricité est faite à partir du charbon…
Le seul produit prospectif est le Twizy car sa motorisation est moins puissante. Elle a beaucoup de défauts mais possède le mérite de changer les codes. Le changement de motorisation permet de repenser l’objet automobile. L’enjeu n’est pas d’avoir des véhicules électriques qui ressemblent aux véhicules thermiques mais de repenser le véhicule à cette occasion. Les constructeurs n’ont pas compris que le moteur électrique a un sens s’il est économe et petit ».
E. LA RÉFLEXION DE BERNARD DARNICHE : MOBILITÉ SEREINE ET DURABLE ; DÉSIR, PLAISIR, ENVIE
Bernard Darniche est un ancien coureur automobile. Il est aujourd’hui journaliste et président de l’association « Les citoyens de la route ».
« Il faut parler de mobilité plutôt que des véhicules. Il faut tenir compte des aspirations d’une société moderne qui a envie de continuer de se déplacer sans se sentir coupable.
L’outil de mobilité est actuellement l’automobile, mais il va y avoir des moyens de substitution à l’automobile qui doivent encore être inventés. Les japonais sont très en avance.
Je parle de mobilité pour tous, pour chaque type de citoyen. Le Japon est là aussi un exemple : Plutôt que dire que la mobilité engendre des nuisances, les japonais intègrent les nuisances pour les réduire. Si l’on avait eu de la vision en France, on n’en serait pas à 75 % des voitures fonctionnant au diesel.
On ne peut pas dissocier la mobilité des moyens de communication qui vont s’y substituer. Ne nous déplaçons pas si nous n’en n’avons pas la volonté. C’est un changement de culture. Si on diminue la circulation de 3 à 4 %, le système devient fluide. On est donc à la marge et on peut soulager le système. Mais je n’entends pas d’offre politique dans ce domaine.
Le véhicule écologique de demain n’est pas un véhicule, mais une offre de mobilité. Je pense à une solution performante, la plus douce possible, qui permettrait de ne pas avoir de perte de temps illégitime. Il faut une préoccupation réaliste, et une offre véritable. Les gens s’empareront rapidement de ce genre de solution.
La société n’a pas pris en compte la voiture. Les gens ont été repoussés à 50 km des grands centres. On s’est après étonné de leurs difficultés et de leur mécontentement.
Je parle de mobilité sereine, terme qui intègre tous les paramètres : Aujourd’hui, une famille n’est pas sereine quand un de ses enfants vient d’avoir son permis. Nous sommes dans un système de lâcheté collective que tout le monde subit.
Le vélo électrique correspond à une attente (on ne transpire pas), mais il faudra des voies dédiées rapides entre les agglomérations afin d’éviter les accidents. Il faut une situation différente de celle qu’on imagine actuellement. Le Velib’ est trop lent. La situation est certes différente en ville. Mais ce n’est pas très compliqué à mettre en œuvre.
Au Japon, il y a des 3 ou 4 roues motorisées, très informatisées, très automatisées pour pouvoir être parquées ou stockées (un système permet de les empiler et de les serrer). Ce sont des engins de 200 kilos, et leur batterie n’est pas trop lourde. La recharge est faite lors du stockage dans des lieux dédiés, qui s’apparentent à des silos (faits notamment par Toyota). Ces machines sont à géométrie variable. Leurs roues peuvent s’écarter. Il s’agit d’engins attirants qui s’auto-disciplinent et dont la vitesse varie selon la situation. On n’est plus dans la contrainte administrative, mais dans une contrainte de logique de situation.
Il faut une multitude d’offres pour avoir une offre acceptable. Il faut avoir des réponses multiformes. Nous ne serons sauvés ni par l’auto, ni par les seuls transports en commun ».
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IV. LES NOUVEAUX SERVICES CONTRIBUENT LARGEMENT AUX NOUVELLES MOBILITÉS ET À L’APPARITION D’UN NOUVEL ECOSYSTÈME
A. L’OFFRE DE SERVICES EST DÉJÀ DIVERSIFIÉE
1. L’auto partagée, qui se développe depuis plus de 10 ans, devient accessible au grand public
L’utilisation partagée d’une voiture, que ce soit le véhicule en libre-service ou l’auto-partage, se développe actuellement dans de nombreuses villes en France et à l’étranger.
Elle peut être imaginée de diverses manières. Il s’agit dans son acception originelle d’une coopérative de moyens : des véhicules spécifiquement destinés à être partagés sont mis à disposition par une association ou une entreprise pour ses membres. Dans l’une de ses évolutions actuelles, il consiste à permettre l’utilisation d’une voiture pendant une durée limitée. Une autre des évolutions en cours est l’accroissement de la mise à disposition, dans le cadre de dispositifs d’auto-partage, de véhicules personnels par des particuliers qui rentabilisent ainsi des temps d’inutilisation de leur voiture. Il est à noter qu’un véhicule possédé par un particulier est en moyenne inutilisé 95 % du temps.
Les avantages relatifs à cette mise en commun de véhicules sont nombreux, puisqu’ils réduisent les besoins en stationnement, l’encombrement qui lui est lié, permet la mise à disposition de véhicules moins polluants… Il interroge cependant, comme évoqué précédemment, le rapport entre la possession de l’objet et son usage.
Son développement est directement lié à l’utilisation des nouvelles technologies et en particulier de l’internet mobile qui permettent de procéder de manière quasi immédiate aux réservations nécessaires. Plusieurs applications sont actuellement en cours d’élaboration pour connaître en temps réel les lieux où des véhicules sont disponibles et où ils peuvent être laissés, mais aussi pour payer la prestation.
En marge de ces initiatives, existent des services de location de courte ou très courte durée mis en œuvre par les sociétés de location automobile, mais aussi à l’initiative de collectivités territoriales. Leur utilisation se développe rapidement en Ile de France, avec Autolib’. Mais leur diffusion commence à se généraliser dans l’ensemble du pays.
a. Le modèle d’Autolib’ de voiture en libre-service est celui qui concerne le plus grand nombre de personnes
M. Morald Chibout, son directeur général, analyse l’auto-partage comme le résultat d’une triple révolution : une révolution sociale, du fait du passage d’une logique de possession à une logique d’usage ; une révolution technologique, liée au choix de la batterie lithium-métal-polymère, qui permettra demain d’utiliser l’énergie solaire, de la stocker et de la réinjecter dans le réseau ; une révolution digitale, la voiture étant intelligente, à la fois dans l’informatique embarquée, mais aussi dans l’utilisation qu’en font les clients. « Près de 80 % des locations et des réservations se font via un système digital, mobile. L’abonnement se fait en moins de cinq minutes, la prise de location en moins d’une minute ».
Le modèle économique repose sur une recette moyenne de 500 euros pour un client qui utilise Autolib’ pendant un an. Le cœur de cible d’Autolib’ est clair : le segment 25 ans-35 ans. Pour M. Chibout, c’est un âge auquel on prend rapidement des habitudes. « Ces jeunes ne veulent plus acheter de voitures, mais souhaitent utiliser un véhicule à l’usage, d’une manière spontanée. Aussi tout laisse à penser que l’achat ou le rachat de voiture risque d’être de plus en plus limité ».
L’Autolib’ est relativement petite, même si elle reste dans les canons des automobiles classiques. Elle est électrique. Son empâtement sur la voie publique est réduit, ses émissions locales de CO2 nulles. Son bruit est faible. Dans certaines stations, l’une des prises de recharge de batterie peut être utilisée par des véhicules particuliers.
b. D’autres modèles montrent que l’auto-partage peut prendre diverses formes et qu’il n’est pas le seul apanage des grandes métropoles
Ce modèle existe dans d’autres villes, mais sous d’autres formes : dans ces systèmes, il faut rapporter son véhicule à l’endroit où on l’a pris alors que dans le système autolib, il peut être laissé dans une station.
Ce schéma d’utilisation a des conséquences sur l’état du véhicule : il a tendance, semble-t-il jusqu’à présent, à rester plus propre lorsqu’un lien est établi avec une station où l’on peut mieux être connu.
L’auto-partage n’est pas l’apanage des métropoles. Il se développe aussi dans des villes moyennes, ainsi qu’en zone rurale. En atteste l’exemple de la région Alsace où il permet de relier deux agglomérations, comme en témoigne M. Gabriel Dabi-Schwebel, spécialiste du marketing, président directeur général de 1min30.
À Strasbourg, des véhicules classiques sont partagés. Ils sont garés dans de nombreux parkings en silo ou sur l’espace public, aux stations de tram, notamment dans l’agglomération. Il en est de même dans des villes moyennes proches de Strasbourg. Un site Internet permet de les pré-réserver. Les modèles disponibles sont variés et adaptés aux différents besoins : petites voitures, familiales, monospaces ou encore minibus.
C’est un vrai changement de comportement, qui va sans doute déboucher sur des résultats étonnants. Paradoxalement, une enquête du PREDIT réalisée par France Auto Partage et Cités, mentionnée par Mme Patricia Varnaison, chef du département « déplacements durables » du CERTU, montre ainsi qu’il est plus important, pour un auto-partageur français, d’habiter à côté d’une station de transport collectif que d’une station d’auto-partage. Auto-partage et multi-modalité sont ainsi liés, étant plus complémentaires que concurrents.
Cette enquête suggère aussi que l’auto-partage pourrait transformer le métier des concessionnaires automobiles. Elle montre en effet que le passage à l’auto-partage se fait lorsqu’une personne est confrontée à l’achat d’un nouveau véhicule. Acheter supposant d’aller chez un concessionnaire, celui-ci ne va-t-il pas être amené à proposer un nouveau service : l’adhésion à l’auto-partage ? La vente d’un service relaierait alors celle d’un produit.
L’auto-partage intéresse aussi les collectivités qui peuvent l’organiser en leur sein. Il peut être un outil permettant de gérer différemment les flottes d’entreprises et d’administration dont la plus grande partie reste inutilisée le week-end. L’équilibre de ce modèle économique de l’auto-partage passe par un usage professionnel en semaine et un usage particulier les soirs et week-ends. Cette solution est valable notamment dans les villes moyennes où il est difficile d’atteindre le parc d’une centaine de véhicules nécessaires à la viabilité du service d’auto-partage, selon l’analyse de M. Jean-Baptiste Schmider, directeur général d’Auto’trement Strasbourg.
Il peut aussi être organisé au niveau régional. C’est le cas en Poitou-Charentes où la société Cofely Ineo, qui en est l’opérateur fournit également un service de recharge des véhicules électriques sur la voie publique, comme l’indique M. Guillaume Delmas, son directeur délégué chargé des Nouvelles Mobilités et Smart Grids.
Dans tous les cas, l’auto-partage permet de diminuer le taux d’immobilisation de la voiture – une voiture n’est généralement utilisée que 5 % du temps. Il augmente son usage. Il permet aussi un gain d’espace, ce qui est particulièrement précieux dans les zones urbaines, et diminue les besoins globaux de stationnement.
2. Le covoiturage connaît actuellement une croissance rapide
L’utilisation d’un véhicule par plusieurs personnes pour en partager les frais et réduire le coût de leurs déplacements, appelé covoiturage, se développe elle aussi assez rapidement. Le covoiturage concerne actuellement les longues distances et des projets de déplacement conçus à l’avance. Il pourrait s’étendre dans un futur proche à des déplacements plus courts et plus immédiats, voire aux trajets pendulaires domicile travail dans les zones périurbaines et rurales. Cette évolution dépend néanmoins de l’avènement de « places de marché » permettant à l’offre et à la demande de se confronter.
BlaBlaCar en est l’exemple le plus important. Mais ce n’est pas la seule formule de covoiturage.
a. Le modèle de BlaBlaCar est très performant
BlaBlaCar a tout d’abord une signification linguistique, que se plaît à expliquer son fondateur, M. Frédéric Mazzella. Il symbolise l’échange : celui qui souhaite peu parler cochera la case Bla ; celui qui attend des échanges normaux, la case Blabla ; le grand parleur sera Blablabla.
Le succès de BlaBlaCar est étonnant. Il repose principalement sur l’intérêt de sa formule, mais aussi sur la sécurité qu’il apporte à ses clients : le chauffeur, comme les passagers sont identifiés et peuvent être contactés en cas de difficultés. Le paiement est sécurisé : il est effectué à la société qui le reverse au chauffeur. Une Charte précise les règles du bon comportement.
Mme Laure Wagner, responsable du service de communication de BlaBlaCar apporte des précisions utiles sur les covoitureurs et leurs besoins : « Qui sont les covoitureurs ? Début juin, on en compte 3 millions en France, inscrits sur notre site. Nous transportons 600 000 personnes par mois, pour des trajets de 330 km en moyenne. Il s’agit de longs trajets, principalement effectués le week-end. Les trajets domicile-travail d’une vingtaine de kilomètres ne représentent que 20 % de nos trajets.
On compte un tiers d’étudiants du supérieur, qui ont quitté leur ville d’origine pour faire leurs études dans une plus grande ville, un tiers de jeunes actifs, et un tiers d’actifs de plus de trente ans (ce qui est nouveau). Cette population est composée à 54 % d’hommes et 46 % de femmes. Il ne s’agit pas d’anciens auto-stoppeurs : 86 % de nos membres n’ont jamais pratiqué le stop. Les rares qui en ont fait sont plutôt les plus âgés, et pensent qu’ils n’en referont pas.
Leur motivation est principalement économique. Nous avons deux types de publics très distincts : les conducteurs, d’une part, les passagers, d’autre part. Les premiers veulent réduire leur coût d’essence et de péage, les seconds trouvent le train, notamment le TGV, beaucoup trop cher. Le covoiturage leur permet de voyager trois fois moins cher.
La dimension pratique est aussi mise en avant. Le covoiturage permet en effet de faire des trajets porte à porte, le dernier kilomètre étant souvent résolu. Les trajets transversaux sont aussi possibles, sans passer par Paris. La convivialité est également mise en avant. À noter que l’écologie n’est pas du tout une motivation.
À l’origine, le covoiturage était le fait d’une communauté, la pratique étant plutôt confidentielle. Les pionniers avaient une très forte éthique. Désormais, la pratique intègre les travers de la société. On est dans la consommation. Auparavant, les gens se payaient de la main à la main ; aujourd’hui, on a mis en place un dispositif de paiement en ligne, qui nous a permis de créer de la confiance interpersonnelle. Il n’y a pratiquement plus d’annulation. Cette valeur est pour nous à la base de la confiance de notre communauté. Nous avons créé une confiance quasiment égale à celle qu’on porte à sa famille et ses amis. Notre succès, nous en sommes sûrs, est largement dû à cette confiance. On n’a pas peur de partir avec un inconnu. On part avec une personne dont on a la photo, dont on connaît la voiture et les avis des personnes avec qui elle a voyagé précédemment.
Pour l’avenir, on pense parvenir à atteindre 5 millions de Français inscrits à l’horizon d’un an. 99 % de nos membres confirment leur intérêt. Deux socio-types émergent : les célibataires géographiques et les parents séparés, qui peuvent ainsi assurer la garde de leurs enfants.
En mai 2013, nous avons enregistré 100 000 nouveaux inscrits. S’agissant des trajets domicile-travail, des hubs en entrée de ville seraient très utiles, reliés au transport en commun ».
Le covoiturage concerne « des départs en week-end, assez réguliers. Cela dit, le site sert aussi au trajet domicile-travail. Les Français ont pris d’assaut les déplacements ponctuels du week-end, par intérêt immédiat. Prenons l’exemple d’un trajet Paris-Rennes. Le conducteur ne paiera ni son essence, ni son péage, et roulera gratuitement. Ses trois passagers paieront chacun 20 euros, contre 80 euros s’ils prenaient le train.
Pour les trajets entre le domicile et le travail, les économies sont mal visualisées. Surtout, il faudrait disposer d’une masse critique beaucoup plus importante. Qui plus est, on ne souhaite pas faire de détour pour ce genre de trajet pour aller chercher quelqu’un, mais aller droit au but. Il faudrait que 30 millions de personnes mettent en ligne leur trajet pour faire du regroupement très fin au niveau distance et au niveau horaire.
Un tiers de conducteurs, un tiers de passagers font le choix de ne pas prendre leur voiture. Un tiers sont enregistrés sur notre site comme conducteurs ou passagers ».
b. Les autres formules de covoiturage montrent la diversité des besoins
D’autres sociétés de covoiturage existent.
Des sites internet se développent. La Roue Verte est ainsi dédiée aux déplacements réguliers domicile-travail. Sa charte précise les engagements du conducteur et des passagers. Carpooling propose à ses utilisateurs des conseils pour définir leur profil et ainsi faciliter les appariements.
Des industriels se lancent également sur ce créneau, comme l’a remarqué M. Bruno Marzloff lors de son audition du 27 novembre, en citant les initiatives prises par Mobivia, réseau de réparateurs automobiles et de pièces détachées.
Le covoiturage peut aussi être organisé de manière plus spontanée, soit entre amis, soit au sein une même entreprise. Des expériences de covoiturage impliquant plusieurs entreprises d’un même bassin d’emploi se mettent en place. Des liens peuvent se créer entre des utilisateurs qui ont les mêmes besoins ou les mêmes contraintes de mobilité.
La difficulté la plus grande à résoudre est de parvenir à créer de la confiance entre utilisateurs potentiels : confiance dans le conducteur pour les passagers ; confiance dans les passagers pour le conducteur.
Dans tous les cas, si l’auto-partage permet le partage d’une voiture dans le temps, le covoiturage permet son partage dans l’espace. Il a surtout pour conséquence une diminution du coût du transport et une réduction de la consommation de carburants. Comme l’auto-partage, il permet une utilisation plus rationnelle des véhicules existants en augmentant le taux d’occupation des véhicules.
Si le covoiturage longue distance fonctionne bien, le covoiturage journalier entre les lieux d’habitation et de travail a plus de mal à se développer, ne serait-ce que parce qu’il est plus difficile à rémunérer. Il pourrait cependant s’étendre à partir d’abonnements mensuels ou à partir de parkings relais. Ce pourrait être une solution intéressante pour désengorger les grands centres et faciliter les échanges entre la ville et sa périphérie, périurbaine, voire rurale.
3. Les taxis vont eux aussi s’adapter au partage
L’utilisation des taxis pourrait elle aussi évoluer. M. Bruno Marzloff, sociologue et fondateur de La cité des Services, groupe Chronos, a remarqué, lors de son audition par l’OPECST que la Californie a débloqué 20 millions de dollars pour optimiser l’usage du taxi.
Le développement des taxis collectifs et du taxi à la volée est ainsi probable, malgré les difficultés inhérentes à l’organisation de cette profession. Ce serait une application dans les pays développés de la pratique des Collectivos en cours dans les pays émergents.
Il existe déjà à Paris une offre de taxis partagés pour se rendre dans les aéroports.
4. Les plateformes d’éco-mobilité permettront de faciliter la mobilité de tous
Ces plateformes peuvent prendre des formes différentes. Elles peuvent avoir pour premier objectif l’organisation optimale des transports mais aussi répondre prioritairement à des considérations sociales.
Plusieurs régions se sont emparées de ce thème, certaines pour assurer les transports scolaires, d’autres pour contribuer à la diversité sociale et l’amélioration de la qualité de vie dans les quartiers.
À titre d’exemple, l’Inter association Eco mobilité 57 se fixe comme objectif de « favoriser la mobilité durable et solidaire en Moselle, en favorisant et mutualisant les savoir-faire et activités du territoire tout en promouvant et développant les actions d’aide à la mobilité, en participant au développement local et économique des territoires.
L’inter-association poursuit un but : répondre de façon efficiente aux besoins de mobilité des publics et plus particulièrement des publics en insertion ».
La plateforme peut être physique. Elle peut aussi être virtuelle et prendre la forme d’un réseau informatisé.
L’éco-mobilité peut également avoir pour objectif de promouvoir le tourisme et la mobilité dans les zones rurales. C’est le thème d’un projet soutenu par le Réseau Rural Français et porté par le Réseau des Grands Sites de France, en partenariat avec Mairie-Conseils, la Fédération Française de Randonnée Pédestre, la plateforme Patrimoine et Territoire. Il bénéficie du concours de Parcs nationaux de France, de la DGCIS, de la Fédération des PNR, de l’ONF, du Certu, du Pôle ressources Sports de Nature et du ministère de l’écologie.
B. D’AUTRES SERVICES VONT SE DEVELOPPER
1. Il faudra réparer les véhicules utilisant des technologies nouvelles
La réparation doit s’adapter à de nouvelles motorisations, de nouveaux produits et à un véhicule utilisant de plus en plus d’électronique.
M. Marc Chevreau, président de la société France Craft Automobiles, pose le problème : « Comment les véhicules de demain, très technologiques, pourront-ils être réparés, notamment après un choc ? Les automobiles actuelles comportent déjà des technologies embarquées qui s’avèrent difficiles à restaurer en cas de panne. Qu’en sera-t-il de celles de demain qui disposeront de nouveaux instruments ? Les succursales de constructeurs seront-elles engorgées de voitures dont la remise en service se révélera très complexe ? Enfin, quel sera le coût de cette maintenance, qui constitue l’un des éléments du service fourni au consommateur ? »
Des réponses sont en cours d’élaboration.
La définition et l’organisation de formations nécessaires à l’entretien des nouveaux types de véhicules sont l’une des préoccupations des équipementiers.
Cette évolution qui doit être accompagnée par les pouvoirs publics concerne plusieurs métiers et toutes les professions de la filière : les ouvriers, les techniciens et les ingénieurs doivent acquérir de nouvelles compétences, les réparateurs devront s’adapter, les distributeurs doivent pouvoir expliquer et convaincre, les vendeurs doivent persuader. Cette formation doit être autant initiale que continue.
2. Le recyclage des batteries va devenir une nécessité
Le cas des batteries est particulièrement éclairant. M. Hakim Idjis, doctorant à l’École centrale de Paris, présente les trois enjeux du recyclage, ou plutôt de la valorisation des batteries, terme qu’il préfère à celui de recyclage.
« Dans le futur, la valorisation des batteries deviendra une nécessité pour trois raisons. La première, induite par la directive européenne 2006/66/CE, est d’ordre réglementaire puisque ce texte impose un taux de recyclage équivalent à plus de 50 % de la masse de la batterie, et confie aux constructeurs la responsabilité légale du recyclage et de la collecte.
Le deuxième enjeu, économique, est lié à la possibilité de réutiliser les batteries dans l’industrie automobile ou ailleurs, pour un usage en seconde vie.
Le dernier enjeu, géostratégique, concerne l’approvisionnement en terres rares et en matériaux stratégiques, notamment le lithium, au sujet duquel deux questions se posent : la dépendance vis-à-vis des pays producteurs et la capacité à satisfaire la demande dans les années à venir. Dans ces conditions, on conçoit tout l’intérêt du recyclage.
Le déploiement des filières de valorisation passe par la démonstration de leur viabilité économique, dans un contexte d’émergence et d’évolution des technologies de recyclage ».
3. La promotion de l’éco-entretien sera nécessaire
L’éco-entretien consiste à corriger des dysfonctionnements qui ont été analysés et dont on a cherché les causes.
Il fait l’objet de travaux de la FEDA, de l’ADEME, de l’IFSTTAR (Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux) et de Mobivia qui cherchent les solutions permettant de remettre à niveau le parc roulant en termes de taux d’émission de gaz à effet de serre et de particules.
Ainsi que l’indique Mme Bénédicte Barbry, directrice de la communication et du développement durable chez Mobivia Groupe, la prestation des services peut contribuer à améliorer les performances des véhicules roulants. Mobivia, qui réunit plusieurs enseignes, dont Norauto et Midas, accueille à travers de ses 1 200 centres, 20 millions d’automobilistes, ce qui lui donne un rôle essentiel pour la commercialisation de ces technologies.
Certains systèmes de la voiture connectée permettront d’optimiser l’entretien. Pour l’instant, seuls les véhicules neufs sont concernés, mais des boîtiers comme le eCall, le bCall ou le sCall, qui favorisent l’éco-conduite et contribuent à la sécurité, peuvent équiper tous les véhicules. Ces technologies présentent de surcroît un intérêt économique.
4. Il faudra réfléchir à la manière d’assurer l’apprentissage et la maîtrise de la conduite
Bernard Darniche s’indigne « du coût exorbitant du permis de conduire et prône sa gratuité : une réflexion sur l’apprentissage de la conduite et sa maîtrise est impérative. »
« Dans l’accès à la mobilité, il faut prendre en compte les systèmes de reconnaissance de cette mobilité, et notamment les conditions d’accès au permis de conduire : le permis de conduire permet la reconnaissance de la compétence et de l’aptitude à partager l’espace avec les autres, mais il faut le payer. Pour avoir accès au travail, il faut souvent avoir le droit de se servir d’un véhicule, quel qu’il soit. Mais ce droit n’est pas accessible à tous, alors que le baccalauréat est gratuit. Aujourd’hui, 20 à 30 % des apprentis n’ont pas de travail faute du permis. Il va falloir réagir contre ces carences. Les générateurs de la mobilité que sont les constructeurs pourraient financer cette mobilité : la prise en charge du permis pourrait être un avantage consenti au client.
Il faudrait également prévoir des infrastructures adaptées, comme au Japon, où il y a 1 400 centres d’apprentissage au partage de la route, financés par les constructeurs d’automobiles, les assureurs, les opérateurs d’autoroutes. Le système actuel doit être corrigé : c’est comme si on voulait former des étudiants sans université ».
5. Un usage différent des flottes d’entreprise ne sera possible que si apparaissent des intermédiaires organisateurs de leur utilisation optimale
Comme cela a été vu au sujet de l’auto-partage, une utilisation nouvelle des flottes d’entreprises pourrait faire évoluer les comportements, en faisant accepter une autre manière d’utiliser une voiture : celle-ci serait partagée entre plusieurs personnes, en fonction des besoins. Ces nouvelles pratiques se développeront plus facilement si elles sont organisées de manière professionnelle. Leur intérêt est clair : il s’agit de réduire la durée pendant laquelle le véhicule n’est pas utilisé. Les marges de manœuvre sont donc très grandes.
Des organisateurs de mobilité proposent aux entreprises de régler leurs problématiques d’auto-partage. Ils peuvent être liés aux banques ou aux compagnies d’assurance. Leur intervention est utile pour organiser le paiement lié à l’utilisation de véhicules professionnels par plusieurs personnes ou plusieurs entreprises. Il en est de même pour le portage d’assurance.
6. La livraison des marchandises peut être conçue différemment grâce aux véhicules écologiques
La livraison des marchandises est tout à la fois indispensable et complexe à organiser.
Le remplacement de camions fonctionnant au gazole par les véhicules utilisant des énergies alternatives (gaz ou électriques renouvelables) réduira la pollution et le bruit qu’elle entraîne.
Le témoignage de M. Fabio Ferrari, président-directeur général de Symbio FCell est éclairant sur les difficultés liées à l’utilisation du gazole pour livrer les marchandises.
« Un livreur urbain effectue en moyenne 1000 changements de vitesse en quatre heures. Un véhicule dont la consommation de diesel est en principe de cinq litres aux 100 kilomètres consomme, lorsqu’il effectue des livraisons en ville, onze litres aux 100 ; le même véhicule de livraison circulant en ville devient hors d’usage après 50 000 à 100 000 kilomètres, contre 300 000 à 400 000 kilomètres pour les autres véhicules. Les véhicules thermiques apparaissent donc peu adaptés à ce genre d’usage en milieu urbain : les véhicules électriques, en plus d’être silencieux et non polluants, sont mieux adaptés à la circulation à petite vitesse. Leur seul problème est le stockage de l’énergie, même si les batteries disposent déjà d’un bon niveau d’autonomie, notamment avec l’hydrogène ».
7. Il faut développer une filière industrielle de services de mobilité à haute efficacité énergétique
M. Gabriel Plassat, coordinateur du pôle Systèmes de Transports et Mobilités de l’ADEME, auteur du blog « Les transports du futur », développe cette thèse qui repose sur un dispositif qui combine contraintes et récompenses pour encourager les comportements vertueux et qui fait l’objet d’une expérimentation territoriale. Le but principal est d’augmenter le taux d’occupation des véhicules, qui est pour l’heure extrêmement bas.
« Nous sommes obligés de développer une filière industrielle de services de mobilité à haute efficacité énergétique, permettant de mettre en moyenne deux personnes par voiture. Cette filière repose sur des pionniers qui conçoivent de nouveaux services. Désormais, il faut passer à l’étape suivante : à leur agrégation.
L’agrégation des différents services est possible. L’utilisateur détiendrait une clef, par exemple intégrée dans un téléphone portable, donnant accès à une multitude de modes de transport. Ce système multimodal sera complexe à mettre en œuvre pour les opérateurs du système, mais très simple pour l’utilisateur.
Une moitié des efforts nécessaires pour atteindre cet objectif porte sur les progrès technologiques, l’autre moitié sur l’évolution des comportements. Si nous réussissons à passer de 1,2 à 2 personnes par véhicule, cela équivaudra à un gain de quarante ans – vingt ans de progrès technologique, puis vingt ans pour que les nouveaux objets pénètrent dans le parc.
Il s’agit bien d’une industrie du service, dont l’avenir – même si l’automobile ne disparaît pas – réside dans les services de mobilité ». Les constructeurs s’y intéressent, même s’ils « continuent de se positionner en fabricants d’objets automobiles. PSA porte un projet « e-partage » qui offre des services de mobilité pour les professionnels.
Qui sera l’intégrateur d’un système de mobilité complexe ? Plusieurs acteurs se positionnent pour devenir l’opérateur d’un système multimodal, qu’ils soient constructeurs automobiles ou assureurs. Pourraient également y prétendre un acteur comme ALD – qui gère déjà un grand nombre de véhicules, s’il est capable d’offrir d’autres services et de gérer cette complexité – et des fournisseurs de technologies numériques, des opérateurs de transports publics, des banques proches des sociétés de location de véhicules.
Ces systèmes doivent avoir une dimension mondiale, car les acteurs et les problématiques sont internationaux et il peut être intéressant de créer des dispositifs capables de fonctionner dans le monde entier.
Afin de développer ce système multimodal, l’innovation est nécessaire dans quatre directions : l’ouverture des données, la gouvernance, la synchronisation d’industries très différentes, l’expérimentation dans un « living lab ». Il est cependant très difficile d’innover en matière de système quand on est en compétition avec des projets industriels. Il s’agit pourtant d’une importante voie de progrès ».
M. Philippe Brincard, coordinateur de l’équipe projet GIANT du CEA, donne l’exemple d’un tel projet de mobilité multimodale, actuellement développé dans un quartier créé dans la presqu’île de Grenoble. « Un cahier des charges a été défini avec l’ensemble des collectivités locales, les partenaires industriels et les organismes de recherche. Nous lançons un appel d’offres pour trouver un opérateur capable de gérer les parkings, les titres de transport, l’auto-partage et les vélos. Un outil unique permettra le paiement de ces services, les revenus étant ensuite redistribués aux collectivités et aux différents intervenants. Ce projet est long à mettre en place. L’objectif est de commencer en 2015, lorsque les parkings privatisés auront laissé la place, au sein du « pavillon de la mobilité », à des parkings dédiés à l’auto-partage ou au covoiturage ».
C. LES SOLUTIONS RETENUES DANS CERTAINS PAYS ETRANGERS PEUVENT STIMULER NOTRE IMAGINATION
1. Les États-Unis sont plus volontaristes et créatifs
On y constate une évolution dans les modes de vie mais aussi des évolutions technologiques et des nouveaux services qui peuvent favoriser le développement de véhicules plus propres.
a. La recherche sur la voiture propre est devenue une priorité
D’importants investissements sont faits dans la recherche des nouvelles technologies pour permettre le développement de véhicules propres plus performants. Cette recherche dans les nouvelles technologies a plusieurs axes et objectifs. L’un de ces axes est le développement de batteries plus performantes pour les voitures électriques. En 2010, le secrétaire d’État américain à l’Énergie, Steven Chu, demandait aux fabricants de batteries de développer des unités d’une durée de vie de 15 ans, de multiplier la capacité de stockage de l’énergie par un facteur de cinq à sept et de réduire les coûts par trois afin que les voitures électriques soit comparables aux voitures thermiques actuelles.
b. La voiture à pilotage automatique – le Googlecar – est une option prise au sérieux
Depuis quelques années, Google teste des voitures autonomes. Ce sont des véhicules qui utilisent des lasers, des radars et autres dispositifs pour déterminer leur position et identifier les objets qui les entourent. Ces données sont interprétées par un logiciel d’intelligence artificielle qui permet au véhicule de se conduire tout seul. Ces véhicules ont été testés sur des milliers de kilomètres et sont autorisés dans deux états américains, le Nevada et la Californie. Certains considèrent que le véhicule autonome pourra être utilisé comme un transport public sur mesure.
Cette voiture inclut plusieurs technologies qui lui permettent de détecter les dangers et de s’y adapter. Des problèmes subsistent néanmoins. Quelques difficultés doivent encore être résolues : tous les obstacles ne sont pas encore identifiés.
Il est probable que la présence formelle d’un conducteur sera encore nécessaire pendant de nombreuses années. Ne serait-ce que pour des raisons juridiques. Il faut en effet pouvoir identifier le responsable d’un accident éventuel : le propriétaire de la voiture, le conducteur présumé, le constructeur qui n’avait pas prévu toutes les situations ?
Mais cette technologie pourrait devenir aussi banale que celles qui l’ont précédée. Des fonctions automatiques qui ont pu paraître révolutionnaires à l’époque de leur invention et de leur diffusion sont actuellement banales. Le tableau ci-après en rappelle quelques-unes.
Avancées technologiques
1912 : Cadillac adopte le starter qui permet de remplacer la manivelle
1939 : première transmission automatique sur une Oldsmobile
1951 : premier volant assisté (power steering system) sur une Chrysler
1958 : cruise control de Chrysler (contrôle de vitesse)
1970 : système de freinage ne se bloquant pas chez Chrysler
1997 : Toyota couple un radar au système de contrôle de vitesse qui permet à la voiture de garder une distance de sécurité par rapport à la voiture qui la précède.
2002 : La nuit, Toyota obtient une image infrarouge de la route et des obstacles potentiels.
2003 : Grâce à des capteurs, Mercedes peut détecter un accident imminent et prendre des mesures préventives.
2004 : Infiniti a un système d’alerte lorsque le véhicule s’éloigne de sa trajectoire dans la voie qu’il utilise.
2005 : Volvo alerte le conducteur de la présence d’un véhicule dans un angle mort.
2006 : Lexus dévoile un système d’assistance au stationnement, en cas de créneau.
2008 : Mercedes alerte le conducteur dont l’attention baisse (Attention assist in case of drowsiness).
2009 : système de détection des piétons par Volvo.
2010 : Flotte de 7 voitures autonomes de Google sur les routes de Californie.
2010 : Mercedes propose une assistance lors d’embouteillages en couplant contrôle de vitesse adaptable à basse vitesse et direction automatique.
2011 : une voiture automatique chinoise, faite par l’université nationale de technologie de la défense, parcourt plus de 250 kilomètres.
Source : article de Tom Vanderbilt, dans la revue Wired, février 2012.
c. Le Smartphone façonne les nouveaux services
Le constat est le même en France qu’aux États-Unis. Si l’on veut réduire les émissions de CO2 des transports et créer de nouvelles mobilités, il faut développer les transports collectifs et les nouveaux services.
En ce qui concerne l’auto-partage, ou Car sharing, il est en pleine expansion depuis quelques années. Susan Shaheen, co-directrice du Transportation Sustainability Research Center de l’Université de Berkeley évalue à 800 000 le nombre de personnes utilisant l’auto-partage en 2012, soit une augmentation de 44 % par rapport à 2011. Les entreprises proposant ce service se multiplient. Il existe certains leaders du marché comme Car2go ou Zipcar.
Certaines entreprises de covoiturage comme Zimride ou Ridejoy commencent à se développer mais le covoiturage s’impose plus difficilement aux États-Unis que dans des pays européens.
Le développement de ces nouveaux services est facilité par les nouveaux moyens de communication comme Internet et les Smartphones. Les entreprises comme Car2go, propriété de Daimler, permettent beaucoup de flexibilité dans la mesure où le véhicule peut être pris et reposé n’importe où. Les usagers payent une contribution annuelle et peuvent ensuite se servir des véhicules quand ils le souhaitent. Ils peuvent vérifier la disponibilité et l’emplacement d’un véhicule sur leur Smartphone et ensuite par carte numérique débloquer la voiture, s’en servir et la laisser là où ils veulent. Les particuliers développent aussi des services d’auto-partage « entre pairs ». Les constructeurs automobiles ont pris conscience du développement de ces nouveaux services et y participent.
Dans ce pays où 34 millions de véhicules sont immatriculés, le rapport à la voiture évolue lui aussi, selon les mêmes tendances que celles constatées en France. La voiture est de moins en moins considérée comme un symbole de richesse. Les jeunes passent de moins en moins le permis de conduire et achètent de moins en moins une voiture. Un allemand sur cinq qui possède actuellement une voiture n’en aurait plus en 2020.
Le nombre de jeunes de moins de 24 ans qui ont passé l’épreuve du code de la route a ainsi chuté de 10% entre 2005 et 2011. Cette tendance à la baisse doit néanmoins être relativisée car elle ne semble concerner que les grandes villes. Le nombre total de personnes qui passent le permis reste élevé. Dans les zones rurales, le permis de conduire reste un outil important et un symbole de liberté.
En ce qui concerne l’achat de voitures neuves, jamais le nombre de jeunes acheteurs n’a été aussi faible. Selon le CAR (Center Automotive Research) de l’Université de Duisburg-Essen, alors qu’en 1999 17 % des acheteurs de nouvelles voitures étaient âgés de moins de 30 ans, ils ne sont plus que 7 % en 2009. L’âge moyen des acheteurs de nouvelles voitures est de 52,4 ans en 2013. L’intérêt pour la voiture baisse et les allemands deviennent de plus en plus multimodaux et utilisent de plus en plus le vélo.
Le covoiturage et l’auto-partage se développent considérablement depuis cinq ans. La plus grande entreprise de covoiturage en Allemagne « Mitfahrgelegenheit.de » revendique 4,5 millions d’utilisateurs. Afin de profiter de ce développement considérable, l’entreprise facture maintenant, malgré de vives critiques, une petite commission aux conducteurs ayant trouvé des covoitureurs grâce à ses services. Mais « Mitfahrgelengeheit.de » n’est pas la seule entreprise proposant ce type de service de covoiturage ou d’auto-partage. En effet, de nombreuses start-up se créent ou se développent. Ainsi l’entreprise française BlablaCar a ouvert un site en Allemagne en avril 2013.
Les constructeurs automobiles participent à ces nouvelles tendances afin de trouver, par ce moyen, de nouveaux acheteurs. Certains d’entre eux proposent aujourd’hui leur propre service d’auto-partage. Daimler a créé Car2go et BMW DriveNow.
Dans les offres d’auto-partage, on constate un intérêt croissant pour les véhicules électriques. Une partie des voitures du site Car2go sont électriques, le service Multicity de PSA propose aussi quelques voitures électriques et DriveNow vient d’intégrer 60 véhicules électriques à son service (2). Malgré le développement des offres en voitures électriques, il n’existe pas comme en France avec Autolib un service d’auto partagée 100 % électrique. Cependant, la rentabilité des voitures électriques en Allemagne est mise en question. Selon une étude de la Frauenhofer Systemforschung Elektromobilität (FSEM), si une flotte destinée à l’auto-partage contient trop de voitures électriques, le service n’est plus rentable (3).
Face à ce développement des services d’auto-partage (on comptait 220 000 personnes partageant 5 600 voitures début 2012), une nouvelle structure
– le Bundesverband CarSharing – s’est créée pour représenter les intérêts politiques de ces services devant le Bundestag et les Länder. Selon cet organisme, il y a plus de 140 services d’auto-partage en Allemagne.
Il existe différents modèles d’auto-partage. Il y a le modèle classique où l’on peut réserver un véhicule en avance sur une station du service (Cambio, Stadtmobil, Flinkster). Il existe des modèles plus flexibles où les véhicules peuvent être déposés sur les parkings publics (Car2go, DriveNow), ou l’auto-partage privé avec des véhicules de particuliers partagés avec des conducteurs n’ayant pas de voiture (Autonetzer.de, WhipCar, Getaround).
Alors que le rapport à la voiture évolue, les constructeurs en Allemagne cherchent à réinventer la voiture et les nouvelles technologies occupent une place centrale.
Les constructeurs essayent de s’adapter à la place croissante qu’occupe le Smartphone dans la vie quotidienne de nombreux Allemands. Selon une étude de BITKOM, les conducteurs en Allemagne préfèrent que leur voiture soit connectée à leur Smartphone, plutôt que d’avoir un moteur avec une forte puissance (4). Daimler a ainsi créé l’application Smartphone gratuite Moovel. Cette application a pour but de proposer la meilleure solution entre train, bus, tram, auto-partage, taxi, vélo et covoiturage pour le trajet de l’utilisateur. Elle compare la durée et les coûts du trajet et permet d’acheter les billets immédiatement sur le site.
Le nouveau véhicule électrique allemand, le BMW i3, est étroitement lié au Smartphone du conducteur. Ainsi, une connexion entre la voiture et le Smartphone permet de contrôler si les fenêtres sont fermées, si les lumières sont éteintes, de télécommander la climatisation ou de demander à la navigation l’itinéraire pour aller jusqu’à la gare et ensuite obtenir des indications sur les moyens de transports publics. C’est une voiture connectée qui facilite ainsi la multi-modalité et la conduite intelligente. Une application de Flinc, une société allemande qui gère le covoiturage comme un réseau social, est intégrée à l’ordinateur de bord du i3. Cette application permet au conducteur de chercher des covoitureurs en temps réel. L’Allemagne est le seul pays où cette application est actuellement disponible et BMW permet à Flinc d’utiliser sa plateforme pour permettre à ses clients une mobilité sociale.
Les constructeurs automobiles ne se contentent pas des nouvelles possibilités offertes par le Smartphone. Les nouvelles technologies leur permettent aussi de préfigurer la voiture du futur, une voiture plus connectée et plus autonome. Ces progrès technologiques sont bien accueillis par les automobilistes en Allemagne et 91 % déclarent souhaiter des systèmes d’aide à la conduite (5). Quant à la grande évolution technologique du moment, la voiture autonome, un tiers des allemands se disent prêt à en acheter une (6). C’est ainsi que Mercedes a créé le prototype d’une voiture autonome qui sera bientôt disponible en série. Cette voiture autonome se maintient dans la file, surveille les autres véhicules devant et derrière, capte les limites de vitesse, les feux rouges, contrôle l’accélérateur et le frein sans qu’aucune intervention du conducteur ne soit nécessaire.
La voiture n’est pas la seule à être connectée, la route intelligente fait l’objet de plus en plus de recherches. Pour les péages autoroutiers pour poids lourds (LKW Maut), il existe sur des autoroutes et certaines routes nationales, des systèmes qui collectent des informations intéressantes et importantes sur la circulation. Pour le moment, ces données sont uniquement utilisées pour les péages et non pour la commande du trafic.
La mobilité en Allemagne devient donc plus multimodale, plus confortable et plus efficace. Cependant, un problème se pose : la protection des données sur la localisation des personnes, leurs préférences, leurs habitudes de voyage, le lieu de travail. À qui donner accès à ces données ? Comment les protéger, comment les rendre anonymes ?
V. LES POLITIQUES DE MOBILITÉ DOIVENT D’ABORD PERMETTRE LA LUTTE CONTRE LA POLLUTION ET LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE
A. CES POLITIQUES DOIVENT REPOSER SUR UNE APPROCHE PLUS GLOBALE DE L’IMPACT DE LA MOBILITÉ SUR L’ENVIRONNEMENT
1. Elles doivent se fonder sur une autre approche des divers polluants
a. Il y a un consensus sur le diagnostic : les effets négatifs des polluants sur la santé sont prouvés ; on peut les mesurer ; il est possible techniquement de les diminuer
En 2005, l’OMS a publié une étude (7) sur les effets des transports sur la santé. La pollution de l’air augmente les risques de décès dus à des maladies cardiovasculaires et pulmonaires, et entraîne un risque plus élevé de développer des allergies. Il y a un risque accru de crise cardiaque après exposition aux gaz polluants. Il y a une augmentation des cas de cancers après une longue exposition à un air pollué par les gaz provenant des transports.
Les gaz les plus nocifs sont le dioxyde d’azote, le monoxyde de carbone et les particules en suspension. Une étude de 2004 révèle que dans les pays de l’Union européenne, le secteur des transports est le secteur qui émet le plus de dioxyde de carbone, de monoxyde de carbone et de particules fines.
Les gaz d’échappement sont une source majeure de pollution. Les normes EURO ont pour objectif de diminuer la pollution due aux gaz d’échappement. L’étude soulignait que dans les 10-20 prochaines années les véhicules diesel et à essence resteraient les plus utilisés et que le marché des véhicules propres n’était pas prêt de connaître un développement important avant 2015.
À la demande de l’Union européenne dans le cadre de la révision de sa politique relative à l’air en 2013, l’OMS a publié une étude le 31 janvier 2013 (8), selon laquelle, entre autres, l’exposition à long terme aux particules fines peut être à l’origine de l’athérosclérose, d’issues indésirables de la grossesse ainsi que de maladies respiratoires chez l’enfant. L’examen des bases factuelles des aspects sanitaires de la pollution de l’air suggère l’existence d’un lien potentiel avec le développement neurologique, les fonctions cognitives et le diabète, et renforce le lien de causalité entre les PM 2,5 et la mortalité cardiovasculaire et respiratoire. La directrice régionale de l’OMS pour l’Europe, Mme Zsuzsanna Jakab, est partie du constat que les normes de pollution ne ciblaient pas assez la santé en raison d’un manque d’étude scientifique sur le sujet au moment de l’élaboration de ces normes.
L’étude de l’OMS de 2013 souligne aussi les effets négatifs de l’ozone sur la santé et préconise l’élaboration de lignes directrices fixant les concentrations moyennes d’ozone à long terme. Une nouvelle ligne directrice est également recommandée pour le dioxyde d’azote (NO2), un gaz toxique produit par les systèmes de chauffage, la production d’énergie et les moteurs des véhicules.
Alors que le commissaire européen pour l’environnement, M. Janez Potočnik, a proclamé 2013 « année de l’air » pour les politiques de l’Union européenne, cette étude de l’OMS doit permettre à l’UE d’adopter des normes plus audacieuses en ce qui concerne les particules fines et ainsi préserver la santé des citoyens.
Pour M. Bertrand Hauet, représentant du pôle de compétitivité MOV’EO, « de 1993, date d’Euro 1, à Euro 5, les niveaux de polluants réglementés ont été baissés d’à peu près 90 %, tous types de polluants confondus, à l’émission des véhicules. Euro 6 va voir arriver la convergence vers ce qu’on appelle le neutral fuel. Avec Euro 7, il y aura la convergence totale, quel que soit le type de carburant ».
b. On peut fixer des objectifs chiffrés pour améliorer la qualité de l’air
L’OMS a publié en 2005 des lignes directrices pour les concentrations de certains polluants dans l’air qui sont considérées comme l’évaluation la plus largement reconnue et la plus à jour des effets de la pollution de l’air sur la santé.
Elles fixent des objectifs de qualité de l’air qui permettraient de réduire fortement les risques sanitaires. Elles constatent qu’en ramenant les concentrations de particules (PM10) de 70 à 20 microgrammes par mètre cube, on pourrait faire baisser la mortalité liée à la qualité de l’air de 15 %. En ce qui concerne les particules en suspension, les valeurs recommandées sont : 10 μg/m3 moyenne annuelle et 25 μg/m3 moyenne sur 24 heures pour les PM 2,5 ; et 20 μg/m3 moyenne annuelle et 50 μg/m3 moyenne sur 24 heures pour les PM 10. Ces recommandations sont les premières en ce qui concerne les concentrations en particules en suspension.
Cependant, pour le moment, il n’existe aucun seuil en dessous duquel on n'observe aucun effet néfaste pour la santé. Par conséquent, les valeurs recommandées représentent un objectif acceptable et réalisable pour réduire le plus possible les effets sanitaires en fonction des limitations locales, des moyens disponibles et des priorités de la santé publique.
Malgré ces lignes directrices, l’OMS constate aujourd’hui que plus de 80 % des Européens sont exposés à des niveaux de matières particulaires supérieurs à ceux stipulés dans les lignes directrices. Chaque citoyen est ainsi privé en moyenne de 8,6 mois de vie. Les résultats de recherches récentes mettent en évidence les liens existants entre les PM 2,5 et la mortalité à des niveaux de concentration en dessous de ceux actuellement fixés par les lignes directrices relatives à la qualité de l’air, soit 10 µg/m3 par année.
La valeur limite de l’Union européenne en ce qui concerne les particules fines est deux fois plus élevée que les lignes directrices de l’OMS de 2005. De nouvelles études menées sur le long terme ont révélé un lien entre les particules fines et la mortalité avec des seuils de concentration inférieurs à ceux des limites fixées dans les lignes directrices de l’OMS.
c. Les différentes sources de pollution ne sont pas suffisamment prises en compte
Pour l’instant, l’attention se porte essentiellement sur le CO2. C’est insuffisant.
Il faudrait fixer des normes plus ambitieuses de réduction des diverses émissions polluantes. Ces normes ne devraient pas concerner seulement le CO2, mais aussi les NOx, les particules fines et les émissions secondaires, sans oublier les émissions primaires. Des objectifs chiffrés sur dix ans doivent être déterminés, de façon à permettre une évolution des motorisations. Il faudra bien sûr veiller à leur application.
Les polluants secondaires liés à l’essence doivent être étudiés de manière plus approfondie. Les systèmes de bonus-malus doivent être modifiés pour tenir compte de l’ensemble des polluants.
d. À quelle vitesse la réduction des polluants va-t-elle se mettre en place ?
Le CAS a proposé, à l’horizon 2030, de descendre le plus vite possible à 70 g de C02 par km. Et de rendre le malus annuel, ce qui pourrait faire évoluer les achats.
Alors que les constructeurs sont assez inquiets du renforcement des normes européennes dans la proposition de la Commission de 2012 qui vise à modifier le règlement n° 443/2009, les associations environnementalistes comme Réseau Action Climat et Agir pour l’environnement dénoncent un manque d’ambition, et plaident auprès du Conseil de l’Union européenne et du Parlement Européen pour l’adoption d’un objectif plus contraignant de 80 g de CO2/km en 2020 et un objectif de plus long terme de 60 g de CO2/km en 2025.
2. Les transports doivent participer à la réalisation du facteur 4
a. La manière d’atteindre l’objectif affiché doit être précisée
L’engagement de la France est clair : diminuer par 4 l’émission de gaz à effets de serre d’ici 2050 par rapport à ce qu’elle était en 1990.
Il résulte de décisions du Président de la République et du Premier ministre à partir de 2002, qui ont été confirmées par le Grenelle de l’environnement en 2007. Ces engagements ont été repris après les élections de 2012, notamment lors de la Conférence environnementale de septembre 2012.
Son calendrier doit être précisé : Il faudrait réduire ces émissions de 3 % par an en moyenne dans notre pays, mais les engagements intermédiaires sont insuffisamment précis. Et leur respect reste problématique.
Cet objectif est moins contraignant pour l’instant au plan européen et international. Au niveau européen comme au niveau mondial, l’objectif est un facteur 2. Mais la France considère qu’il faut aller plus loin, du fait de la consommation d’énergies fossiles en croissance dans les pays émergents.
Les transports doivent y contribuer, d’une part en réduisant leur consommation d’hydrocarbures (tant pour se mouvoir que pour faire fonctionner le chauffage ou la climatisation), d’autre part en modifiant les conditions de production des véhicules, notamment en veillant à l’analyse de leur cycle de vie de leur conception à leur recyclage.
Il est également nécessaire d’agir sur le transport de marchandises dont les émissions ont plus augmenté que celles des véhicules particuliers. Les émissions des véhicules utilitaires légers et des poids lourds, qui assurent une grande partie du transport de marchandises, ont progressé de 28 % entre 1990 et 2007 alors que les émissions des véhicules particuliers ont augmenté de 5 %.
Le pétrole, importé à 98 %, représente en effet, directement ou indirectement (via la production d’électricité) les deux-tiers des émissions françaises de CO2. Les transports représentent eux-mêmes 65 % de la consommation de pétrole.
Une nouvelle approche passe par l’utilisation de véhicules consommant moins de produits fossiles (pétrole, gazole, gaz), ou utilisant d’autres sources énergétiques (gaz et électricité renouvelables, hydrogène, air comprimé, agro-carburants, autres énergies renouvelables…). L’utilisation d’énergies alternatives doit bien entendu tenir compte de la manière dont elles sont produites et de leur impact sur l’environnement.
Cette nouvelle politique passe aussi par une organisation différente du système des transports et par une réflexion audacieuse sur les nouvelles mobilités.
Pour l’ADEME, entendue le 27 novembre 2012 lors de l’audition de MM. Benjamin Topper et Daniel Clément, la mobilité peut être un facteur important de réalisation du facteur 4. A titre d’exemple, un véhicule partagé permettrait de remplacer trois véhicules particuliers. L’utilisation du gaz à la place du pétrole permettrait d’aboutir plus facilement au facteur 4, car le gaz peut être produit de manière renouvelable, et donc être moins émetteur de CO2. Le passage au gaz permettrait en outre d’être totalement indépendant du pétrole en 2050.
Pour M. Jean Syrota, consultant, ancien président de la Commission de régulation de l’énergie, également auditionné le 27 novembre 2012, il est plausible que la consommation actuelle de carburant par les véhicules diminue de moitié, notamment en réduisant leur puissance maximum. Les progrès techniques réalisés tant dans les moteurs qu’hors moteurs y contribueront de même que les nouveaux systèmes d’aide à la conduite et les modifications de comportement des conducteurs.
L’utilisation de véhicules électriques permettrait de réduire l’émission de CO2 puisqu’ils n’en produisent pas localement. Leur nuisance en matière de CO2 ou de pollution est déportée de l’environnement immédiat (déchets nucléaires, émissions de CO2 des centrales gaz ou charbon…) si l’électricité n’est pas produite par des moyens renouvelables (solaire, éolien, biogaz…) La fabrication des batteries en produit également (dans les conditions actuelles de production, il faut 250 kWh pour fabriquer un kWh de capacité de batterie), d’autant plus qu’elles viennent essentiellement de Chine où elles entraînent sur place une augmentation de la production de CO2 de 210 g par km.
Au-delà de ces divers points de vue, il serait intéressant d’analyser l’élasticité prix de la consommation de pétrole (en 2008, la circulation avait baissé de 10 %).
b. Les analyses et prévisions à moyen et long terme de l’ADEME ouvrent des perspectives nouvelles pour aboutir au facteur 4 dans le domaine des transports
La feuille de route de l’ADEME a été présentée par MM. Benjamin Topper et Daniel Clément.
« La mobilité a évolué et va sans doute beaucoup évoluer au cours des prochaines décennies. On peut bien sûr penser aux évolutions technologiques sur les véhicules, mais on peut également élargir le champ et réfléchir au comportement des gens vis-à-vis de leur véhicule. Ainsi, la mobilité urbaine et périurbaine verra se développer de nouvelles formes de transports, le véhicule serviciel. Certains exemples existent déjà : une entreprise ou un organisme met à disposition de ses salariés ou du public des véhicules, en libre-service. Ainsi, le véhicule n’est plus possédé par l’individu : il est géré par un professionnel, et utilisé par un particulier. Le véhicule du futur ne sera pas immobilisé 95 % du temps comme aujourd’hui : il circulera plus, mais sera également plus adapté aux trajets de ses passagers. Il sera donc plus fonctionnel, plus économique et plus écologique.
Les hypothèses sur lesquelles l’ADEME travaille sont les suivantes : un véhicule en auto-partage remplacerait trois véhicules particuliers. Ce chiffre est plutôt conservateur : dans les systèmes que l’on voit aujourd’hui, un véhicule en auto-partage remplace plutôt dix véhicules … Mais les gens gardent encore leur véhicule individuel, la comparaison est donc imparfaite. Nous avons retenu le chiffre de 3, qui nous semble crédible.
Ce développement du véhicule serviciel aura un impact important sur le nombre de véhicules et sur les trafics : moins de véhicules en général, moins de trafic et de congestion, mais aussi moins de ventes automobiles. Le relais de croissance des constructeurs se trouve dans le service aux particuliers et aux entreprises, dans la maintenance et l’entretien.
Un petit véhicule sera accepté si ses utilisateurs peuvent disposer d’un véhicule plus grand quand ils partent en vacances. On va vers un petit véhicule d’une ou deux places pour aller seul au travail (ou bien à plusieurs en covoiturant), un véhicule familial pour les déplacements longues distances. Le choix sera plus grand, car on ne sera plus limité à un seul véhicule.
La durée de vie d’un véhicule, d’un moteur électrique, peut être infinie : seule la batterie s’use. C’est la raison pour laquelle la valeur ajoutée des constructeurs automobiles se fera ailleurs. Si les véhicules sont achetés par des professionnels, les flottes seront plus captives et plus adaptées : de petites voitures électriques ou plug-in pour l’urbain, des véhicules thermiques pour les longs trajets. Ils seront optimisés pour leur usage, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Faire entrer un mode de réflexion professionnel dans la mobilité permet d’aboutir à des solutions plus optimales économiquement, tout simplement car le calcul économique n’est pas fait par un individu. Mais ceci ne sera vrai que si le changement se fait à confort équivalent : il faut que l’on puisse réserver son véhicule en amont, tout comme sa place d’arrivée, être certain que le véhicule disposera de suffisamment de batterie ou de carburant. C’est vers une véritable alliance du numérique, des télécommunications et de la mobilité que nous nous dirigeons.
Là encore, la présence de professionnels possédant des parcs de véhicules est primordiale. Cela permet en effet d’avoir des parcs de véhicules captifs et donc adaptés à leur lieu d’usage. On trouvera par exemple des petits véhicules légers et économes en ville et on pourra louer des véhicules plus puissants pour voyager loin de chez soi. Cette spécialisation des véhicules n’est pas possible avec la possession individuelle. Dès lors, on peut travailler sur la taille et le poids des véhicules.
Les constructeurs automobiles pourraient être ces professionnels. Ils doivent dorénavant penser à vendre de la mobilité et non plus des véhicules. Concentrer leurs efforts sur les bornes de recharge semble également une bonne idée.
Google s’est lancé dans le domaine des voitures sans pilote. Leur valeur ajoutée n’est pas dans le véhicule ou ses performances, mais sur le service qu’il rend ou peut rendre. Google a commencé avec Google Maps sur la cartographie par satellite ou avion. Puis Google Street View en photographiant toutes les rues. Puis, on a eu la reconnaissance des panneaux de signalisation. Maintenant, le véhicule sans pilote. L’innovation ne vient pas de là où on l’attend. Si les constructeurs ne prennent pas les devants, le secteur informatique, le big data va prendre le dessus ».
c. D’autres rapports prévoient la manière d’aboutir au facteur 4
— Le rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGDD)
Le CGDD a rendu un rapport (9) en février 2013 qui analyse cet objectif de la France de division par 4 des émissions de gaz à effet de serre (GES).
Ce rapport rappelle que les prospectives, fondées sur des considérations « relativement optimistes », concluent à un facteur de réduction de 2 à 2,5 plutôt que 4, entre 1990 et 2050. Le rapport insiste sur le fait que pour atteindre un facteur 4 il est indispensable de donner une valeur au carbone ce qui peut être fait de plusieurs façons : taxation du GES émis, hausse de la taxation sur les causes d’émission (pour l’essentiel les hydrocarbures fossiles), systèmes de permis d’émission contingentés tels que le système européen des quotas d’émissions négociables (European emissions trading system ou EU ETS), réglementation (les normes contraignantes, telles que la réglementation thermique 2012 (RT 2012) ou les limites d’émission des véhicules, ont pour effet économique de « valoriser » implicitement les émissions à un niveau qui peut être élevé dans les faits).
Le rapport émet une préférence pour une taxation modulée des hydrocarbures, lissant dans le temps les effets erratiques du marché mondial et programmant une hausse régulière des prix. Le rapport considère que le prix du carbone doit être différent selon les secteurs. Le rapport considère que toute taxation de l’énergie améliore le bilan des mesures destinées à l’économiser.
Les auteurs estiment que « les déplacements de courte et moyenne distance (urbains et périurbains notamment) peuvent connaître une révolution en deux décennies, qui les amène à une décarbonation prononcée, grâce au développement des « modes doux » et des services partagés, mais aussi à des systèmes globaux intégrant véhicules électriques, stockages d’énergie liées à l’habitat, production locale d’énergies intermittentes décarbonées et « réseaux intelligents » (« smart grids »). Ces formes d’intégration, aujourd’hui encore loin de la rentabilité, pourront entrer dans le marché dans la décennie 2020-2030 et il faut s’y préparer dès maintenant ».
Pour les transports, le rapport rappelle différentes études prospectives. Il constate que pour atteindre le facteur 4 entre 2030 et 2050, il faudrait « des mutations structurelles assez lourdes comme la diminution de la mobilité, le doublement de la part des transports en commun, le quadruplement de la part des deux roues, la pénétration de la motorisation hybride (1/3 des véhicules) et électrique (1/3 également) ainsi que des biocarburants de 2ème et 3ème génération, une diminution du trafic de marchandises… ». En ce qui concerne les agro-carburants, le rapport constate que la France a atteint un taux d’incorporation de 7 % dans les carburants en 2010, soit une réduction d’émissions estimée entre 3,5 % et 4,9 %.
Le rapport distingue trois problématiques :
Ê le transport de marchandises à longue distance, pour lequel il recommande de développer la recherche sur les composantes de la demande de transport de marchandises à longue distance et sur ses déterminants ;
Ê les déplacements de voyageurs à moyenne et longue distances, caractérisés par le maintien de la prédominance de la route, même s’il faut prendre en compte certaines évolutions :
- le report modal sur le rail, qui peut occuper une place plus importante que pour les marchandises puisqu’il connaît une forte progression depuis 1995 ;
- le covoiturage, les rabattements vers les gares, qui se développent grâce à Internet et aux réseaux sociaux ;
- une demande moins rigide que pour les marchandises puisque les motifs professionnels peuvent diminuer au profit des communications électroniques (visioconférence, télétravail...), mais les déterminants de ces évolutions sont mal connus ;
- la diminution de la consommation des véhicules qui peut encore se poursuivre sérieusement du fait du progrès des rendements des moteurs, des limitations des vitesses, de la diminution du poids des véhicules et de la motorisation hybride
Ê les transports urbains et périurbains des biens et des personnes.
Le rapport estime que la majorité des kilomètres parcourus en véhicule individuel et donc la majorité des émissions sont dus en fait à des trajets reliant deux points de la périphérie ou la périphérie au centre.
La motorisation électrique est susceptible d’apporter de grands bouleversements dans ce créneau, à la fois dans les types de véhicules, dans la structure des services de déplacement (« Yello » à La Rochelle ou « Autolib » à Paris) et dans les régimes de production et d’utilisation de l’électricité. La «décarbonation» de ce créneau ne semble pas présenter de limite à long terme. Seul le rythme de déploiement de ces solutions est encore incertain.
— Le rapport du Conseil général des Ponts et Chaussées
Ce rapport (CGPC 2006), intitulé « Prospective 2050 » publié en mars 2006, dégage trois enseignements essentiels :
- la croissance de la mobilité, tant voyageurs que marchandises, sera ralentie ;
- le développement des modes alternatifs, qu’il faut promouvoir, n’empêchera pas le maintien de la prédominance de la route ;
- de forts progrès techniques des véhicules économes et des carburants propres, incités par une taxe carbone à un niveau approprié, permettraient une division par 2,5 des émissions françaises de CO2 à l’horizon 2050.
— Le rapport de la commission énergie du Conseil d’analyse stratégique (CAS 2007), confirmant le précédent, montre notamment les limites des alternatives à la route : l’ensemble des progrès que l’on peut attendre d’une meilleure valorisation du rail et des transports en commun urbains n’économise que 2,6 Mt CO2 /an en 2050 (sur 140 émis aujourd’hui par le secteur transport).
3. Les effets du diesel sont insuffisamment étudiés
Les moteurs diesel émettent notamment des NOx (oxydes d’azote) et des particules fines (résidus d'une combustion incomplète au sein des moteurs diesel, ces particules pénètrent facilement dans l’appareil respiratoire du fait de leur très petite taille, puisque leur diamètre est souvent inférieur à 1 micromètre).
Ces particules fines ont un diamètre inférieur à 10 micromètres, voire 2,5 micromètres – dites PM 10 et PM 2,5 – et pénètrent très profondément dans les poumons.
a. L’OMS a tiré une sonnette d’alarme
Pour l’OMS, les émissions de moteurs diesel sont cancérigènes. L’Organisation mondiale de la santé s’appuie notamment sur une étude de l’US National Cancer Institute et du National Institute for Occupational Safety and Health publiée en 2012 qui montre un risque accru de cancer des poumons chez les mineurs de fonds exposés aux fumées de diesel.
Ainsi que l’indique le site officiel de l’OMS, « la combustion du diesel produit beaucoup plus de particules par unité de volume d’air que la combustion de pétrole. Plus la concentration de particules est élevée dans l’air ambiant, plus le risque de maladie du poumon et du cœur est élevé. La pollution de l’air est source de nombreuses maladies et cause approximativement 1,3 millions de morts par an dans les villes de plus de 100 000 habitants. Le diesel génère aussi des polluants potentiels à court terme qui influencent le changement climatique ».
Le résumé de cette étude est publié dans The Lancet Oncology le 15 juin 2012. Le communiqué de presse précise qu’« étant donné l’évaluation rigoureuse et indépendante des données scientifiques effectuée par le Groupe de Travail, les gouvernements et autres décideurs disposent à présent d’une base factuelle sur laquelle se fonder pour envisager des normes environnementales relatives aux émissions des gaz d’échappement Diesel et ainsi continuer à travailler avec les fabricants de moteurs et de carburants pour réaliser ces objectifs ».
L’OMS évalue à 42 000 le nombre de décès par an liés aux seules particules fines en France. Elle émet donc un jugement beaucoup plus sévère que dans ses positions antérieures, qui remontent à 1988, quand son Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) classait les gaz d’échappement des moteurs diesel comme étant « probablement cancérigènes pour l’homme ».
b. L’État, mais aussi d’autres acteurs s’en inquiètent
— La perception de ces risques par l’État n’est-elle pas en train de changer ? Le Premier ministre ne déclarait-il pas, lors de la Conférence environnementale en septembre 2012, qu’il fallait traiter la question délicate de la nocivité des particules fines ?
L’État ne peut plus s’abstenir de réagir, alors que la France a été assignée par la Commission européenne devant la Cour de Justice pour manquement aux règles de l’Union européenne en matière de qualité de l’air. Les sanctions financières encourues sont très élevées.
Il importe donc de s’interroger sur la mise en œuvre du plan particules qui s’est fixé comme objectif, d’ici à 2015, de réduire de 30 % les concentrations moyennes de particules fines dans l'atmosphère.
— Pour l’UFC Que Choisir, le filtre à particules qui permet de limiter leurs émissions n’est pas très efficace, car il risque de se boucher, ce qui implique d’éliminer les particules stockées en les brûlant lors d’une phase de régénération consistant « en une injection complémentaire de carburant à la sortie du cylindre afin d’augmenter la température dans l’échappement. Or, si on coupe le moteur à cet instant précis, on se retrouve avec une quantité de carburant qui ne sera pas brûlée et qui va se dissoudre dans l’huile du moteur. Et si cela se produit trop souvent, le niveau d’huile peut monter de façon dangereuse », ce qui peut conduire à la casse du moteur.
Certes, le système « stop and start » permet de réduire les émissions polluantes en ville, mais les arrêts et redémarrages à répétition qu’il entraîne sont source d’un affaiblissement certain du turbo qui n’est plus suffisamment lubrifié.
L’UFC Que Choisir en conclut qu’il faut rééquilibrer le parc automobile, et pour ce faire taxer le diesel comme l’essence. C’est également la position de la Cour des Comptes dès 2007.
— Plusieurs organismes de recherche se préoccupent des effets du diesel : Cette question est notamment étudiée par l'Agence française de sécurité sanitaire, de l'environnement et du travail (Afsset), par l’Institut national du cancer, mais aussi par l’IFPEN (qui a publié des études sur l’évolution du moteur diesel) et l’Union française des industries pétrolières (UFIP).
c. Les normes ont eu un premier effet qui reste insuffisant
Les normes européennes « Euro » sur les particules fines ont permis d’amorcer une réduction des émissions de particules fines des véhicules diesel. Cette réduction est due, notamment, à l’installation de filtres à particules. Cependant, ces filtres peuvent aussi avoir des effets négatifs selon une étude de l’Agence française de sécurité sanitaire (Afsset) réalisée en 2009 (10). L’Afsset constate dans cette étude que certaines technologies associent ces filtres à une catalyse d’oxydation ce qui provoque alors une augmentation significative des émissions de dioxyde d’azote (NO2).
d. PSA répond que les techniques ont considérablement évolué
PSA souligne tout d’abord l’efficacité des filtres à particules.
M. Pierre Macaudière, responsable moteur à la direction de la recherche et du développement de PSA Peugeot Citroën, souligne que PSA a travaillé en pionnier depuis une vingtaine d’années sur les filtres à particules. « Nous avons commencé à équiper nos véhicules en première mondiale en 2000, ce qui veut dire qu’on avait travaillé bien avant. Je tiens à préciser que les diesels filtrés sont efficaces sur toutes les particules, de toutes tailles et dans toutes les conditions d’utilisation du véhicule, que vous soyez au ralenti, à vitesse rapide, que le filtre soit chargé ou que votre moteur soit froid ou chaud. Cette filtration est mécanique et très efficace. Pour nous, le problème des particules est considéré comme réglé. Cette évaluation est faite par nos laboratoires, mais également par tous les laboratoires qui mesurent des véhicules filtrés. Des travaux ont été faits à l’ADEME, chez des organismes d’évaluation indépendants. Les filtres à particules sont très efficaces ».
Comme on l’a vu précédemment, ces assertions du constructeur en ce qui concerne les nouveaux véhicules méritent d’être significativement relativisées.
PSA défend ensuite, en toute logique commerciale, la thèse qu’il est préférable d’inciter les possesseurs de véhicules diesel de plus de dix ans d’âge à vendre leur véhicule qui sera détruit (par un système de prime à la casse) plutôt que de vouloir les transformer pour les rendre plus propres.
Il présente enfin les performances des véhicules diesel nouvelle génération, qui seront hybrides et qui permettront de réduire considérablement le niveau des émissions polluantes par un effet mécanique de moindre consommation de carburants.
4. Les systèmes d’incitation doivent prendre en compte l’ensemble des inconvénients qu’il faut éviter : Le système actuel de bonus/malus doit être modifié
Ce système ne concerne qu’un aspect des pollutions générées par les véhicules à moteur thermique : les émissions de CO2. Il doit être élargi à d’autres critères. Il doit tenir compte des émissions de NOx, de particules fines et de particules secondaires.
B. CES POLITIQUES REPOSENT LARGEMENT SUR L’UNION EUROPÉENNE QUI FIXE LES NORMES PERMETTANT DE RÉDUIRE LES ÉMISSIONS DES VÉHICULES ET D’AMÉLIORER LA QUALITÉ DE L’AIR
1. Des normes progressives de réduction des émissions de CO2 pour les voitures neuves
L’Union européenne s’est fixée l’objectif de réduire de 20 % ses émissions globales de gaz à effet de serre en 2020 par rapport aux niveaux de 1990 et de décarbonisation du secteur des transports.
Afin de remplir ces objectifs, l’Union européenne a adopté en 2009 le règlement n° 443/2009 qui impose aux constructeurs automobiles de réduire les émissions moyennes des voitures neuves à 130 grammes de CO2/km en 2015. Ce règlement fixe également l’objectif de 95 gramme de CO2/km pour 2020 en remettant à plus tard les mesures de mise en œuvre de l’objectif pour 2020. Les limites imposées par le règlement varient selon la masse du véhicule. Pour atteindre les objectifs de 2015, des objectifs intermédiaires sont fixés. Ainsi, en 2012, 65 % de la gamme des voitures neuves de tous les constructeurs devaient respecter la norme, en 2013, l’objectif est de 75 % et en 2014 de 80 % pour atteindre 100 % en 2015. Si les objectifs ne sont pas respectés par les constructeurs des amendes sont prévues et s’appliquent pour chaque voiture vendue. Ces amendes s’élèvent à 5 euros pour le premier g/km d’excès, 15 euros pour le deuxième, 25 pour le troisième et 95 euros pour chaque gramme/km supplémentaire. Ce règlement vise à inciter les constructeurs à développer les nouvelles technologies.
Pour mettre en œuvre l’objectif pour 2020, la Commission européenne a fait une nouvelle proposition de nouveaux règlements le 11 juillet 2012. Présentée comme une « initiative bénéfique pour le climat, les consommateurs, l'innovation et l'emploi », la proposition de la Commission européenne vise une réduction plus importante des émissions de CO2 (11).
Ces propositions modifient le règlement (CE) n° 443/2009 (pour les voitures) et le règlement (UE) n° 510/2011 (pour les camionnettes) et elles doivent permettre de réduire les émissions moyennes des voitures neuves à 95 grammes de CO2 par kilomètre en 2020. En 2011, l’Union européenne constate que la moyenne est de 135,7 g CO2/km pour les véhicules légers, ce qui est assez proche de la limite de 130 g CO2/km pour 2015. Cependant, il est à noter que cette norme n’est qu’une moyenne sur les véhicules mis en vente par un même constructeur, ce qui en limite l’efficacité et induit des stratégies de regroupement et de gammes qui peuvent être interprétées comme une forme de contournement de l’esprit des directives.
Ces propositions de la Commission européenne ont été soumises au Parlement européen et au Conseil pour examen et adoption. Par la suite, les normes feront l’objet d’une évaluation en 2014 afin de fixer des objectifs post-2020.
2. Des normes pour le CO2 dont la flexibilité conduit parfois à des abus
Le règlement européen permet plus de flexibilité pour les constructeurs que les normes nationales. Ils peuvent par exemple se réunir en association pour atteindre des objectifs communs. Cette flexibilité est voulue par le règlement. Cependant, une étude effectuée par TNO, AEA, Ricardo et IHS Global Insight et diligentée par la Commission européenne révèle que les constructeurs utilisent les failles des textes réglementaires pour surestimer les performances écologiques. Les émissions des voitures neuves étaient en moyenne de 167,2 grammes par kilomètre (g/km) dans l'Union européenne en 2002 et de 140,4 g/km en 2010, soit une baisse moyenne totale de 26,8 g/km. Ces chiffres peuvent paraitre globalement satisfaisants mais l’étude révèle que sur cette baisse moyenne, 9,1 g/km sont dus aux méthodes employées lors des tests et non pas à de réelles avancées technologiques. Par exemple, l’une des techniques utilisées pour améliorer les résultats est l’utilisation, durant les tests, de pneus plus adhérents dont ne sont pas dotées les voitures neuves présentées à la vente ensuite. D'après la Commission européenne, de nouvelles procédures devraient être mises en œuvre à partir de 2016 afin, entre autres, de limiter les effets des mesures de flexibilité. Néanmoins, la Commission européenne estime que la flexibilité ne doit pas totalement être remise en cause et plaide pour un peu de tolérance, qu’elle juge nécessaire.
3. Des associations environnementalistes souhaitent un durcissement de ces normes pour le CO2
Alors que les constructeurs sont assez inquiets du renforcement des normes européennes dans la proposition de la Commission, les associations environnementalistes comme Réseau Action Climat et Agir pour l’environnement dénoncent un manque d’ambition, et plaident auprès du Conseil de l’Union européenne et du Parlement européen pour l’adoption d’un objectif plus contraignant de 80 g de CO2/km en 2020 et un objectif de plus long terme de 60 g de CO2/km en 2025.
Dans un document d’information, le Réseau Action Climat fait différentes recommandations pour améliorer les propositions de la Commission. La plupart sont reprises ci-dessous :
- prévoir un objectif de 80 g de CO2/km pour 2020 afin d’optimiser les bénéfices des véhicules plus efficaces ;
- mettre en place un objectif de 60 g de CO2/km d’ici à 2025 ;
- passer de la masse à l’emprise au sol afin d’encourager l’allègement des véhicules ;
- pallier aux lacunes des procédures de test en diminuant l’écart de 10 g au moins afin de tenir compte des manipulations ;
4. La réduction des particules et des oxydes d’azote relève d’autres normes européennes
Cet objectif relève de plusieurs règlements : le règlement (CE) n° 715/2007 ; le règlement (CE) n° 692/2008 ; le règlement (CE) n° 595/2009 ; le règlement (UE) n° 566/2011 et le règlement (UE) n° 459/2012.
La réduction de la pollution atmosphérique due au transport routier est l’un des buts de l’Union européenne qui a adopté des règlements qui posent des limites d’émissions polluantes en ce qui concerne les émissions de particules et d’oxydes d’azote. Ces limites sont fixées par les règlements « Euro » qui ont constamment été renforcés depuis l’adoption du premier règlement en 1993 pour les voitures particulières et 1990 pour les poids lourds. Ces règlements concernent les émissions de monoxyde de carbone (CO), d’hydrocarbures non méthaniques et d’hydrocarbures totaux, d’oxydes d’azote (NOx) et de particules (PM). Les limites prennent en compte les émissions à l’échappement, les émissions par évaporation et les émissions du carter.
Par ailleurs, le règlement (CE) n° 715/2007 fixe les normes « Euro 5 » et « Euro 6 ». Il introduit des exigences communes concernant les émissions des véhicules à moteur et de leurs pièces de rechange spécifiques et met en place des mesures permettant d’améliorer l’accès aux informations sur la réparation des véhicules et de promouvoir la production rapide de véhicules conformes à ces dispositions (12). Les limites varient selon le type de moteur.
La norme « Euro 5 » actuellement en vigueur fixe des limites différenciées pour les émissions provenant des voitures diesel et pour les voitures à essence ou fonctionnant au gaz naturel ou au GPL.
Pour les voitures diesel, les limites sont de :
- 500 mg/km pour le monoxyde de carbone ;
- 5 mg/km pour les particules, ce qui représente une réduction de 80 % de la masse de l’ensemble des émissions par rapport à la norme Euro 4 ;
- 180 mg/km pour les oxydes d’azote (NOx), ce qui représente une réduction de plus de 20 % des émissions par rapport à la norme Euro 4 ;
- 230 mg/km pour les émissions combinées d’hydrocarbures et d’oxydes d’azote.
Pour les voitures à essence ou fonctionnant au gaz naturel ou au GPL, les limites sont de :
- 1000 mg/km pour le monoxyde de carbone ;
- 68 mg/km pour les hydrocarbures non méthaniques ;
- 100 mg/km pour les hydrocarbures totaux ;
- 60 mg/km pour les oxydes d’azote ce qui représente une réduction de 25 % des émissions par rapport à la norme Euro 4 ;
- 5 mg/km pour les particules mais uniquement pour les voitures à essence à injection directe fonctionnant en mélange pauvre, limite qui n’existait pas selon la norme Euro 4).
La norme « Euro 6 » sera applicable à partir du 1er septembre 2014 pour la réception et du 1er septembre 2015 pour l’immatriculation, et prévoit que tous les véhicules équipés d’un moteur diesel auront l’obligation de réduire leurs émissions d’oxydes d’azote de manière importante à compter de son entrée en vigueur. Les émissions combinées d’hydrocarbures et d’oxydes d’azote provenant des véhicules diesel seront également réduites, pour être plafonnées à 170 mg/km en ce qui concerne les voitures et autres véhicules destinés au transport (13).
Les États membres ont l’obligation de refuser la réception, l’immatriculation, la vente et la mise en service des véhicules qui ne respectent pas ces limites d’émission.
Les constructeurs automobiles critiquent l’évolution trop rapide des normes qui les contraint à changer régulièrement de technologies.
5. L’amélioration de la qualité de l’air ambiant
La directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur la qualité de l’air ambiant a pour objectif la « promotion d’un air pur pour l’Europe ». Elle met en place un système d’évaluation de la qualité de l’air ambiant en ce qui concerne l’anhydride sulfureux, le dioxyde d’azote et les oxydes d’azote, les particules PM10 et PM2,5, le plomb, le benzène et le monoxyde de carbone, ainsi que l’ozone et fixe des seuils pour chaque polluant.
La directive impose la gestion de la qualité de l’air et des plans d’action selon les résultats des évaluations. Elle impose aussi une obligation d’informer le public sur la qualité de l’air. Enfin, les États membres définissent le régime des sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées pour son application et prennent toutes les mesures nécessaires pour sa mise en œuvre. Les sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives (14).
6. Les autres normes pertinentes
Les normes imposant des limites d’émissions de CO2 sont l’axe privilégié de l’action de l’Union européenne. Mais il existe aussi d’autres normes qui peuvent permettre de réduire les émissions de CO2. Ainsi Sébastien Vray de l’Association Respire a souligné lors de l’audition publique du 19 mars 2013 que son association porte ses efforts sur le respect de l’application de la directive 1999/94/CE sur l’affichage environnemental du CO2 et de la consommation de carburant dans la publicité automobile. L’information doit être facilement lisible, et au moins aussi visible que l’information principale de la publicité. Or, ce n’est pas le cas de 95 % des publicités automobiles. Le décret d’application de cette directive pourrait être utilement complété en y ajoutant les informations sur les particules fines et le dioxyde d’azote.
C. LE DÉBAT FRANÇAIS SUR LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE
Ce débat, organisé à la suite de la conférence environnementale de septembre 2012, a donné lieu à de nombreuses réunions et consultations. Une synthèse des débats qui y ont eu lieu est disponible sur le site http://www.transition-energetique.gouv.fr/
Ses préconisations dans le domaine de la mobilité, mentionnées dans son enjeu n°6 « Pour une mobilité durable » sont reprises ci-dessous, tant pour les principes poursuivis que pour les actions envisagées.
« Le secteur des transports est le deuxième plus gros poste de consommation finale d'énergie, essentiellement sous forme de pétrole. C’est pourquoi les débats territoriaux et citoyens ont fait du développement fort de solutions de mobilité pour modérer l’usage individuel de la voiture et l’évolution du transport routier la première de leurs recommandations. L'évolution à long terme de la mobilité des personnes et des marchandises est une condition indispensable à l'activité économique comme à la qualité de vie. Elle doit combiner la maîtrise des distances à parcourir, l'accélération du progrès de l'efficacité des véhicules, ainsi qu'une diversification et un renforcement de l'offre de transport et de mobilité à faible émission de gaz à effet de serre, en privilégiant les solutions présentant le meilleur équilibre coût bénéfice pour la société.
Les transports et leur évolution vers des modes alternatifs à la route (fluvial, ferroviaire) sont un enjeu pour la transition énergétique et la diminution des émissions de gaz à effet de serre.
Veiller, dans cette perspective, à la qualité de l’air ».
« Mettre en œuvre en priorité une politique d’aménagement du territoire, incluant des dispositions pour réduire l’étalement urbain, d’occupation de l’espace, d’urbanisme (par exemple : modulation du PTZ pour le neuf et des aides à la pierre en fonction de critères de desserte par les transports en commun et de proximité des services), d’infrastructures, de services de mobilité (par exemple : véhicules en auto-partage, covoiturage, quotas de voies cyclables en ville), et d’organisation du travail (par exemple : télétravail, vidéoconférences, TIC, haut débit, plans de déplacement d’entreprises), réduisant les besoins de mobilité contrainte notamment dans le cadre professionnel (distance et fréquence des trajets), et en favorisant l’évolution des comportements.
Optimiser l’utilisation des infrastructures de transport existantes, les rénover, les moderniser et les entretenir ; orienter les investissements d’infrastructures au profit de celles qui portent la transition énergétique (y compris sur les longues distances nationales) ; développer les transports collectifs (dont les transports en site propre en milieu urbain), les transports doux (par exemple : vélo) et l’inter-modalité, tant dans les territoires urbains, où la création d’un opérateur des déplacements interurbains doit être envisagée, que dans les territoires ruraux et ultramarins, où peu d’alternatives à la route existent actuellement (ex : développer un réseau fiable et efficace de TER, notamment via la réouverture de gares rurales devenant des pôles multimodaux, etc.).
Encourager le développement d’une offre d’information instantanée multimodale pour que chacun puisse définir sa « stratégie personnelle de mobilité ».
Garantir un accès pour tous aux transports en veillant à ce que les infrastructures ou les transports en commun mis en place aient une tarification accessible.
— Pour favoriser l’évolution des comportements :
- lancer un programme national « Deux personnes par voiture » en encourageant le développement des services de voitures partagées ;
- limiter, après étude d’impact, les vitesses sur les autoroutes (130 à 120 ou 110 km/h), les routes (de 90 à 80 km/h) et en ville (de 50 à 30 km/h) sur 80 % de la superficie des zones urbaines et 50 km/h sur leur partie la moins centrale ;
— Pour améliorer l’efficacité des véhicules :
- poursuivre le programme national « Deux litres aux 100 km ».
- rechercher, dans le cadre d’un objectif européen, un objectif de 60 g CO2/km pour les véhicules particuliers et de 100 gCO2/km pour les véhicules utilitaires légers avant 2030 ;
- mettre en place un programme cohérent de développement d'une offre d’équipements, de services et d'aménagement de l'espace urbain et de recherche sur les batteries pour favoriser le déploiement des véhicules électriques pour les déplacements urbains, périurbains et pour les zones non interconnectées, avec un objectif d'atteindre 10 % de déplacements dans des véhicules de ce type à l'horizon 2030, et celui des véhicules au gaz (en augmentant la part du gaz d’origine renouvelable) pour les trajets interurbains ;
- promouvoir et coordonner les services de mobilité basés sur les réseaux intelligents améliorant l’efficacité énergétique.
— Pour le fret :
- mettre en place un plan d’action concret pour inverser la tendance actuelle et engager un véritable report modal, en encourageant le transport de marchandises par les voies navigables et ferroviaires existantes et à créer, particulièrement sur les longues distances, en favorisant, notamment par la voie tarifaire, le transport combiné et le wagon isolé, et en développant la logistique urbaine ;
- l’État planifie l’organisation du report modal et des infrastructures nécessaires (plateformes intermodales), après concertation avec les parties prenantes ;
- établir des normes plus ambitieuses sur les consommations énergétiques des poids lourds, au-delà de 2020 et agir en ce sens au niveau européen ;
- mieux asseoir la taxe kilométrique poids-lourds sur l’ensemble des externalités négatives. Certains acteurs économiques ne soutiennent pas cette position, si elle n’est pas assortie d’adaptations nécessaires ;
- instaurer un groupe de travail partenarial ad hoc pour définir la feuille de route « mobilité des personnes et des marchandises » permettant de placer le pays dans la trajectoire retenue pour 2050 ».
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1. la situation aux États-Unis
a. La réduction de la pollution et de la consommation d’énergie
C’est le Clean Air Act de 1970, amendé en 1990, qui fixe le cadre pour les politiques liées à la pollution et la consommation d’énergie. Mais les Américains ont longtemps privilégié des voitures très polluantes.
Pour ce qui est de la consommation en énergie, c’est le Corporate Average Fuel Economy (CAFE), mis en place par le Energy Policy and Conservation Act de 1975 amendé par l’Energy Independence and Security Act de 2007, qui fixe les standards. Selon cette loi, c’est au Secrétaire des Transports que revient la responsabilité de mettre en place des standards afin de réduire la consommation en carburant des véhicules. Le secrétaire des Transports a délégué la responsabilité au National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA) qui dépend du Département des Transports.
Ces standards ont fortement évolué depuis la présidence d’Obama. En janvier 2009, le Président Obama adopte un Mémorandum créant un Programme commun entre le NHTSA et l’Agence pour l’environnement afin de mettre en place de nouveaux standards de réduction de la consommation en carburant et d’émissions de CO2 pour les véhicules pour la période 2012-2016. Les standards alors adoptés en termes de réduction de la consommation de CO2 fixent un objectif d’une consommation de carburant de 6,63 litres aux 100 km (35,5 mpg) en 2016, pour une économie estimée de 1.8 milliards de barils de pétrole sur cette période soit 5 % par an et une réduction de 900 millions de tonnes en émissions de CO2.
Ces nouveaux standards ont été accompagnés de nouveaux labels pour donner une meilleure information sur l’économie en carburant, les besoins en énergie, les coûts de carburants et les impacts sur l’environnement. Ces labels intitulés « Fuel Economy and Environment Labels » s’appliquent depuis 2013 à tous les nouveaux véhicules, y compris les véhicules électriques et hybrides.
Dans un deuxième Memorandum de 2010 intitulé « Improving Energy Security, American Competitiveness and Job Creation, and Environmental Protection through a Transformation of our Nation’s Fleet of Cars and Trucks », le Président Obama demande au NHTSA et à l’Agence pour l’environnement d’adopter de nouveaux standards pour la période 2017-2025. Les standards ont été accentués pour 2025 où la consommation en carburant des véhicules est fixée à 4.32 litres aux 100 Kms (54.5 mpg) (15). Les nouveaux standards ont reçu le soutien des 13 plus importants constructeurs automobiles qui représentent 90 % des véhicules vendus aux États-Unis, d’environnementalistes, du United Auto Workers et de l’État de Californie. Ce memorandum prévoit des sanctions financières pour les constructeurs automobiles en cas de non-respect des normes fixées.
Ces standards ont des objectifs environnementaux mais aussi économiques dans la mesure où ils visent à réduire la dépendance énergétique des États-Unis. La dépendance au pétrole est, selon les États-Unis, « la menace plus grande et immédiate pour l’économie américaine, la sécurité nationale. Elle contribue aussi à la menace du changement climatique ». Ces standards sont d’ailleurs complétés par des incitations pour le développement de carburants vert.
Pour ce qui est de la pollution, c’est l’Agence pour l’environnement qui a la charge des normes. Elle a développé des standards pour les émissions de CO2 et de soufre. En ce qui concerne les particules fines, l’Agence pour l’environnement a adopté le 14 décembre 2012 un nouveau standard de concentration maximale de 12 microgrammes par mètre-cube. On considère que 99 % des communes pourront atteindre ce standard en 2020 sans que de nouvelles mesures soient nécessaires.
Ces différentes mesures ont porté leurs fruits selon un rapport publié par l’Agence pour l’environnement (16) qui souligne que les émissions de CO2 ont baissé de 13 % et que les économies en carburant ont progressé de 16 % entre 2007 et 2012. Par ailleurs, les usagers ont deux fois plus de choix en véhicules hybrides ou diesel, et un choix de véhicules électriques et de véhicules moins gourmands en carburant.
b. La promotion du véhicule vert
Afin de compléter les standards sur la réduction de la consommation en carburant des véhicules et les émissions de CO2, des mesures ont été prises pour inciter le développement de nouveaux carburants tels que l’électricité ou les agro-carburants. Dès 2008, le Président Obama fixait comme objectif d’avoir un million de véhicules électriques sur les routes d’ici 2015.
Alors que le secteur automobile traversait une crise importante en 2009, le Congrès allouait 25 milliards de dollars pour le développement des véhicules verts. Il décidait notamment d’allouer 8 milliards de dollars pour aider trois constructeurs, l’Américain Ford, le Japonais Nissan et l’Américain Tesla, à développer la voiture verte sur le marché américain.
Il existe aussi un crédit d’impôt pour l’achat de véhicules électriques. Ce dernier avait déjà été adopté en 2007 sous la présidence Bush. Ce crédit d’impôt se retrouve à la Section 30D de l’Internal Revenue Code (17) et s’applique pour les véhicules achetés après le 31 décembre 2009. Il s’élève de 2 500 dollars à 7 500 dollars selon les performances du véhicule électrique acheté. Il prend progressivement fin pour un constructeur lorsque le 200 000ème véhicule concerné par le crédit d’impôt a été vendu.
De plus, le Energy Policy Act de 2005, amendé par le Energy Independence and Security Act de 2007, demande à l’Agence pour l’Environnement d’établir des standards, le Renewable Fuel Standard, qui dans le but de réduire les émissions de CO2 fixent un objectif en termes d’utilisation de carburants alternatifs. Les premiers standards fixaient un objectif de 7,5 milliards de gallons de carburants renouvelables à mélanger à l’essence.
En mars 2013 le Président Obama a fixé de nouveaux objectifs. L’une des mesures pour atteindre ces objectifs est la mise en place d’un Energy Security Trust qui vise selon le Président Obama à « libérer définitivement nos familles et nos entreprises des douloureux pics des prix de l’essence ». Ce plan prévoit l’allocation annuelle de 200 millions de dollars de l’argent perçu sur l’essence et le pétrole des plateformes fédérales du territoire américain pour financer des technologies « révolutionnaires » pour les véhicules, en particulier la recherche sur les sources d’énergies propres comme l’électricité et les agro-carburants. Il s’agit de mettre fin à la dépendance des véhicules au pétrole et à l’essence.
Malgré ces nombreuses mesures qui incitent au développement de véhicules plus verts et plus propres, les difficultés persistent et l’ensemble des objectifs n’est pas encore atteint. Des études révèlent que ces voitures ne sont pas accessibles à tous en raison de leur prix. Les crédits d’impôts mis en place par le Gouvernement américain ne sont pas suffisants pour rendre ces véhicules plus abordables pour les classes moins favorisées. Par exemple, la Chevrolet Volt qui est un véhicule hybride rechargeable coûte 40 000 dollars. Le crédit d’impôt de 7 500 dollars semble donc insuffisant.
Par ailleurs, les véhicules « propres » tels que les véhicules électriques sont moins performants au regard des critères d’appréciation traditionnels que ceux à essence et bénéficient d’une autonomie beaucoup plus faible. Aussi les ventes de véhicules propres restent-elles très faibles alors même que le secteur automobile est en pleine reprise aux États-Unis. Chevrolet n’a vendu que 7 700 Chevrolet Volt en 2011. Les véhicules électriques ne représentent que 0,1 % du marché. De plus, il y a un problème d’infrastructures. Les États-Unis sont donc confrontés aux mêmes difficultés que la France.
a. Une politique offensive et volontariste de lutte contre la pollution
Conscient de l’importance de lutter efficacement contre le changement climatique, le gouvernement allemand s’est fixé comme objectif une réduction des émissions de gaz à effet de serre, par rapport au niveau de 1990, de 40 % en 2020, 55 % en 2030, 70 en 2040 de 80 % à 95 % en 2050. Ces objectifs sont plus ambitieux que les objectifs européens.
Pour atteindre les objectifs de réduction de gaz à effet de serre dans le secteur des transports, le gouvernement allemand a adopté différentes stratégies :
- pour limiter les émissions polluantes des véhicules ;
- pour développer les véhicules propres ;
- en prévoyant des incitations financières.
En 2010, les émissions de gaz à effet de serre avaient baissé de 24 % par rapport à 1990. Ces résultats sont le fruit d’un investissement important dans l’innovation pour le développement de véhicules propres alimentés par des carburants produits par des énergies renouvelables.
Des études prospectives ont été menées pour analyser les scenarii futurs. Le ministère de l’environnement a publié une étude intitulée « Politikszenarien V (scenarii politiques V) » comportant deux scenarii pour les émissions de gaz à effet de serre en 2030, l’un mesuré, l’autre reposant sur des changements structurels.
En ce qui concerne les émissions polluantes, le gouvernement allemand soutient la proposition de la Commission européenne du 11 juillet 2012 qui vise à modifier le règlement n° 443/2009. Cependant, il insiste sur la nécessité de développer l’innovation, et a souhaité en amoindrir les exigences en augmentant les bonifications sur les véhicules électriques, afin que les obligations sur le reste de la gamme soient réduites, et en en décalant d’un an l’entrée en vigueur. Le calcul est en effet élaboré en moyenne sur l’ensemble des véhicules commercialisés par un constructeur, et non modèle par modèle.
Le gouvernement allemand considère que pour réduire de manière importante les émissions de CO2, il faut une part significative de véhicules « propres » et insiste sur l’importance de développer les véhicules électriques alimentés par des sources d’énergies propres. Il a proposé, par conséquent, au Conseil d’aménager le système des super-crédits, qui prévoit des incitations plus fortes et intervenant bien plus en amont. L’attribution des super-crédits n’est en effet prévue que pour les voitures hybrides et électriques ayant un chargeur externe et pour les voitures à hydrogène.
En ce qui concerne les particules fines pour les véhicules à moteur diesel, le gouvernement allemand a mis en place un plan de soutien pour équiper ces véhicules de filtres avec un budget de 30 millions d’euros pour 2012 et 2013. En 2012, il y a eu plus de 152 000 demandes de subventions.
L’Allemagne a aussi mis en place des zones écologiques pour améliorer la qualité de l’air dans les grandes villes et les agglomérations où les seuils limites de particules fines sont atteints. Selon les villes, les règlementations peuvent fortement varier et aller jusqu’à l’interdiction de circulation pour certains véhicules. D’autres pays européens ont également mis en place des dispositifs similaires.
b. Une stratégie pour le développement de carburants alternatifs
L’un des points les plus importants de la stratégie de l’Allemagne est le développement de carburants alternatifs produits par des sources d’énergies renouvelables. Pour cela, le gouvernement allemand considère qu’il faut une coopération entre l’industrie et le monde politique. Un bon exemple de cette coopération est le Forum der Verkehrswirtschaftlichen Energiestrategie (forum de la stratégie énergétique dans le domaine de l’économie des transports). Le gouvernement allemand y anime le débat sur la consommation des ressources et la protection du climat entre l’industrie automobile et les fournisseurs d’énergie.
L’Allemagne accorde beaucoup d’importance au développement de véhicules alimentés par l’hydrogène. Il a mis en place le NIP : Nationale Innovationsprogramm Wasserstoff- und Brenzellentechnologie 2006-2016, dont le budget total s’élève à 1,4 milliard d’euros financés à parts égales par l’État (le ministère fédéral des transports, de la construction et du développement urbain et le ministère fédéral de l’économie et de la technologie) et l’industrie concernée.
Son objectif est de faire avancer les applications de la technologie hydrogène et de la pile à combustible et d’installer davantage de stations-service à hydrogène d’ici 2050 (actuellement il en existe 14) pour créer un réseau qui recouvre et relie les grands agglomérations en Allemagne. La somme investie est de 20 millions d’euros.
Dans le secteur des transports, un projet phare pour l’hydrogène, le Clean Energy Partnership, de décembre 2002 traite de la production d’hydrogène, de l’infrastructure en stations-service et du développement des véhicules. Le CEP exploite les stations-service à Berlin et Hambourg et teste plus d’une centaine de voitures et bus à hydrogène dans des conditions d‘utilisation quotidienne. En janvier 2011, les voitures à hydrogène avaient parcouru plus d’un million de km, plus de 25 fois le tour du monde.
Le gouvernement allemand mise donc sur l’hydrogène. Parallèlement, il développe un programme important pour les véhicules électriques. En 2009, il a présenté un plan national pour développer la mobilité électrique. Ce plan prévoit la mise en circulation d’un million de voitures électriques d’ici 2020. Une étude de 2010 montre que les coûts, pour réaliser cet objectif, pourraient aller de 0,8 à 2,7 milliards d’euro, en fonction de l’évolution du prix de pétrole et des prix des batteries. Les auteurs de cette étude, le réseau de recherche Energie Impuls OWL, constatent que différents types de véhicules seront nécessaires à l’avenir pour répondre aux besoins de mobilité (véhicule léger, berline, bus électrique…).
Il est intéressant de noter que ces programmes sont menés en parallèle, ménageant ainsi plusieurs options technologiques d’avenir.
c. Des mesures incitatives originales
L’Allemagne n’a pas mis en place de prime à l’achat mais utilise des incitations diverses :
- l’exonération de l’impôt sur les véhicules pendant dix ans pour les voitures émettant moins de 50 gr/CO2/km et achetées avant le 31 décembre 2015 (cet impôt est calculé en fonction de la cylindrée, la norme anti-pollution et l’émission de CO2) ;
- la possibilité d’utiliser la plaque de la première voiture pour un deuxième véhicule (économie d’assurance) ;
- des stationnements réservés et des assouplissements des restrictions d’accès ;
- la possibilité de circuler dans couloirs réservés bus.
VI. LES LEVIERS D’ACTION SONT NOMBREUX, MAIS IL EST UTILE DE DISTINGUER S’ILS RELÈVENT DE L’UNION EUROPEENE, DE L’ÉTAT, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES OU DE LA COOPÉRATION ENTRE PLUSIEURS PARTENAIRES
Ces leviers sont multiples : techniques, réglementaires, financiers, organisationnels. Leur efficacité suppose une meilleure coordination entre les différents niveaux de décision (gouvernance) et un financement adéquat (qui va payer ?).
A. EN AMONT DE L’UNION EUROPEENE, DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES INTERVIENNENT DE MULTIPLES MANIERES DANS LE DOMAINE DES TRANSPORTS
Le cadre juridique permettant de légiférer et d’inciter résulte de l’intervention de multiples organismes, nationaux, européens et mondiaux dont les décisions sont fortement imbriquées.
Plusieurs règles sont établies au niveau mondial, dans le cadre de la commission économique pour l’Europe de l’ONU (CEE/ONU), de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), de l’OCDE ou de l’OMS. Elles résultent aussi de conférences internationales et d’engagements internationaux comme le protocole de Kyoto. Elles concernent notamment la pollution, la sécurité ou la protection de la santé.
Il en est ainsi pour les objectifs à atteindre en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre même si les engagements pris au plan mondial ne sont pas acceptés par tous les pays et sont diversement appliqués par ceux qui les ont acceptés. Le protocole de Kyoto en est un exemple. La Conférence de Doha sur le changement climatique est révélatrice des difficultés qui restent à surmonter.
Ces objectifs, ces règles des institutions internationales compétentes sont ensuite repris par l’Union européenne dans le cadre de règlements ou de directives. Ils sont alors contraignants pour ses États-membres, soit directement, soit après transposition. Les engagements européens sont souvent plus précis et débouchent sur des outils normatifs. Lorsque l’Union européenne adopte des directives et non des règlements, les États-membres doivent les transposer dans leur législation nationale. Mais leurs grandes lignes doivent être respectées.
L’Union européenne intervient de multiples manières en matière de transport : elle définit des priorités et des objectifs. Elle établit des normes. Elle crée des règles contraignantes, mais peut aussi mettre en place des systèmes basés sur le volontariat. Ses moyens financiers ne sont pas négligeables.
Au-delà de la réduction de la pollution et de l’amélioration de la qualité de l’air, thème déjà abordé dans ce rapport, les priorités de l’Union européenne portent notamment sur les engagements permettant une évolution du mix énergétique et la mise en œuvre du volet « croissance verte » de la stratégie 2020 dont l’objectif est de promouvoir une croissance intelligente, durable et inclusive.
Certaines de ses règles sont contraignantes, comme celles sur l’affectation des terres agricoles qui ont des implications sur le développement du bioéthanol de première génération. D’autres sont volontaires, tels les systèmes d’établissement de la conformité des biocarburants avec les critères de durabilité européens.
Ses moyens financiers en matière de transport découlent notamment des fonds destinés à la politique régionale et de ceux destinés à la recherche dans le cadre du PCRD.
B. L’ÉTAT DISPOSE DE MOYENS D’ACTION IMPORTANTS
L’État organise une réflexion globale. Cette réflexion porte certes sur les transports, mais aussi plus largement sur l’énergie et l’environnement. Elle découle souvent de débats collectifs, tels ceux qui ont eu lieu lors du Grenelle de l’environnement et plus récemment, lors de la Conférence environnementale. Elle débouche sur des mesures législatives et réglementaires, qui peuvent reprendre les engagements pris par le Président de la République ou le Premier ministre et qui se traduisent dans une feuille de route.
L’État définit des mesures volontaristes permettant d’orienter l’activité de la filière automobile, tant en période normale qu’en période de crise.
Ces mesures sont tout d’abord fiscales : l’État a ainsi jusqu’à présent avantagé le gazole par rapport à l’essence, et dans une moindre mesure le GPL. Une réflexion s’impose sur ces choix. C’est l’un des objectifs du débat sur la fiscalité écologique.
L’État a également, par le passé comme récemment, mis en œuvre des dispositifs économiques de relance du secteur automobile. C’est le cas des divers plans de relance et de soutien. Le dernier plan de relance, contrairement aux précédents, conditionne les mannes financières à des impératifs d’efficience écologique. Par ailleurs, la Banque Publique d’Investissement a vocation à être la banque de la transition écologique. Elle devrait permettre au secteur automobile de réorienter sa production en direction de véhicules plus écologiques.
L’État incite, réglemente et sanctionne. Le système des bonus-malus est l’un des moyens qu’il met en œuvre : des avantages sont accordés aux acquéreurs de véhicules propres ; des pénalités frappent ceux optant pour une voiture émettant trop de CO2. La prime à la casse relevait du même souci de faire évoluer le parc automobile pour qu’il soit plus moderne, moins polluant et moins dangereux, ce qui est également l’objectif des contrôles techniques réguliers.
Si certaines de ces réglementations demeurent justifiées, d’autres sont devenues désuètes et doivent être modifiées.
L’État a un rôle majeur dans la conception, le financement et la réalisation des grandes infrastructures nécessaires à la mobilité : routes, autoroutes, canaux, ports, aéroports, voies ferroviaires. C’est son action qui facilite la fourniture d’une offre de transports diversifiée et l’organisation de l’inter-modalité.
L’État joue également un rôle majeur dans l’organisation et le financement de l’appareil de recherche, et dans le soutien à l’innovation.
Quelle est l’efficacité de cette politique ? Quel est l’effet réel des mesures incitatrices et des pénalités ? Le mesure-t-on ? Les pouvoirs publics français ont-ils pris la mesure des nouvelles contraintes qui s’imposent à la filière automobile ? S’inspirent-ils suffisamment des bonnes pratiques et des expériences qui ont réussi à l’étranger, tant dans les pays développés que dans certains pays émergents ?
1. La fiscalité est un outil utile, mais difficile à modifier rapidement
La fiscalité a un rôle majeur dans les transports. C’est la différence entre les taxes sur l’essence et le gazole qui a entraîné le développement des véhicules utilisant une motorisation diesel.
C’est la faiblesse de la fiscalité sur le GPL qui pourrait permettre de relancer cette filière.
Ce sont les réductions d’impôt liées à la recherche et l’innovation qui permettent d’inciter les entreprises à prendre des risques technologiques, à se projeter davantage dans l’avenir et à y consacrer davantage de moyens.
La fiscalité est aujourd’hui inadaptée aux évolutions constatées, aux résultats attendus ou espérés et aux objectifs politiques poursuivis.
Le diesel a ainsi pris en France une part trop importante du parc automobile : environ 80 % des véhicules neufs fonctionnent au diesel. Un signal doit être envoyé aux constructeurs et aux consommateurs pour rééquilibrer la situation. Ce signal passera inévitablement par un rapprochement des fiscalités sur l’essence et le diesel.
C’est certes compliqué du fait du poids des investissements consacrés au diesel par certains constructeurs. Il est nécessaire de le faire progressivement, et éventuellement d’utiliser une partie du produit de la fiscalité non seulement pour accompagner les ménages, mais aussi les constructeurs. Les effets d’une modification de fiscalité se traduisent significativement dans les comportements des acheteurs. La fiscalité participe du choix du véhicule, en ce qu’elle traduit une volonté de favoriser telle ou telle solution : l’évolution rapide du parc diesel à la faveur d’une fiscalité favorable en témoigne, alors même que selon l’UFC Que Choisir, cette fiscalité avantageuse serait finalement défavorable au portefeuille de plus de 70% des automobilistes roulant au gazole.
2. Les aides publiques restent nécessaires pour faciliter la restructuration et la mutation de la filière et de ses savoir-faire
Les plans publics d’aide à l’automobile sont-ils globalement efficaces et suffisamment ciblés ? La réponse à cette question est difficile.
Plusieurs plans se sont succédés depuis dix, vingt ans, car le soutien à l’industrie automobile a toujours été une priorité constante des gouvernements de notre pays. Même si leur succès est mitigé, l’accompagnement des pouvoirs publics est encore nécessaire.
Face à l’importance de la crise actuelle, M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif a présenté un plan de redressement le 25 juillet 2012.
Ce plan comprend plusieurs volets relatifs à l’innovation, la recherche et développement. Il s’appuie sur un renforcement du bonus-malus écologique. Le bonus écologique passe pour un véhicule électrique passe de 5 000 à 7 000 euros pour un véhicule électrique, et de 2 000 à 4 000 euros pour un véhicule hybride. Les bonus relatifs aux véhicules thermiques faiblement polluants seront augmentés de 100 ou de 150 euros selon les cas. Ces mesures s’appliquent désormais aux collectivités locales et aux véhicules de sociétés et non plus seulement aux particuliers. De plus, l’État s'engage à acheter 1 500 exemplaires par an de voitures hybrides ou électriques (soit 25 % de ses achats annuels). Un effort particulier sera fait en matière d'infrastructures de recharge qui seront mises en place dans douze métropoles dans les six mois.
L’objectif est clair : favoriser l’automobile « écologique », c'est-à-dire pour le gouvernement les véhicules thermiques propres, hybrides et électriques en fonction de ce que les producteurs proposent sur le marché actuellement.
Oséo mobilisera 150 millions d'euros pour soutenir la trésorerie des sous-traitants, tandis que 350 millions d'euros du programme d’investissements d’avenir seront réorientés en faveur des projets innovants liés aux véhicules de demain, en lien avec les pôles de compétitivité, la Banque publique d’investissement, la Banque européenne d’investissement et le programme-cadre Recherche et Développement de l’Union européenne.
Le Fonds de modernisation des équipementiers automobiles (FMEA) sera également mobilisé. L’ensemble des mesures envisagées atteindra 600 millions d’euros.
Ce plan a été complété au cours de l’automne par des dispositifs d’accompagnement destinés à PSA, afin de prévoir les mesures tendant à favoriser la mobilité et le maintien dans l’emploi des seniors, à accompagner les reclassements et les reconversions industrielles, et à adapter les mesures d’accompagnement du dispositif social.
Il est encore trop tôt pour dire avec certitude si ce plan est la hauteur des difficultés actuelles et s’il est suffisant pour les années à venir.
On peut néanmoins constater que le nombre des immatriculations continue encore à décroître, ce qui montre la difficulté de l’exercice. On peut aussi remarquer que des accords sociaux ont été signés avec des entreprises en difficulté, et non des moindres. On peut enfin se demander s’il ne se focalise pas trop sur le seul véhicule électrique, qui n’est qu’une des options possibles actuellement.
3. Plusieurs réglementations doivent être questionnées
Les règlements sont nombreux. Ils sont parfois inadaptés, mais leur remplacement par des textes plus efficaces est parfois long et difficile. Certaines réglementations sont insuffisantes, d’autres ne sont plus adaptées aux évolutions en cours.
Quatre exemples peuvent en être donnés,
a. L’installation de bornes ou de prises de recharge des véhicules électriques dans les copropriétés relève de procédures trop longues
— Le système actuel prévoit l’installation de points de charge.
Ce système découle du décret n° 2011-873 du 25 juillet 2011 relatif aux installations dédiées à la recharge des véhicules électriques ou hybrides rechargeables dans les bâtiments et aux infrastructures pour le stationnement sécurisé des vélos.
Ce décret dispose que « lorsque les bâtiments neufs à usage principal d'habitation groupant au moins deux logements sont équipés d'un parc de stationnement bâti clos et couvert d'accès réservé aux seuls occupants des places de stationnement, constitué notamment de places de stationnement individuelles fermées ou d'accès sécurisé, ce parc est alimenté en électricité pour permettre la recharge des véhicules électriques ou hybrides rechargeables. L'équipement réalisé est relié à un tableau général basse tension en aval du disjoncteur de l'immeuble, se situant dans un local technique électrique. Tout ou partie des places du parc de stationnement doit être conçu de manière à pouvoir accueillir ultérieurement un point de charge pour la recharge normale d'un véhicule électrique ou hybride rechargeable, disposant d'un système de mesure permettant une facturation individuelle des consommations. Dans ce but, des fourreaux, des chemins de câble ou des conduits sont installés à partir du tableau général basse tension de façon à pouvoir desservir au moins 10 % des places destinées aux véhicules automobiles, avec un minimum d'une place. Ce minimum de places à équiper se calcule par rapport à la plus petite des valeurs suivantes : – soit la totalité des emplacements exigés par le document d'urbanisme, s'il prévoit moins d'une place par logement ; – soit la totalité des emplacements représentant en moyenne une place par logement, majorée du nombre de places exigées pour d'autres usages que le logement. Les places desservies sont soit des places individuelles, soit un espace commun ».
— Mais le processus de décision est inadapté
Le même décret dispose qu’« une description détaillée des travaux à entreprendre est jointe à cette information, assortie d'un plan ou d'un schéma, sauf si l'établissement de ce plan a été rendu impossible du fait du propriétaire.
Dans le cas d'un immeuble en copropriété, la demande est notifiée au copropriétaire avec copie au syndic de copropriété représentant le syndicat des copropriétaires. Dans le délai de trois mois suivant la réception de la demande, le copropriétaire notifie au syndic sa demande d'inscription de la question à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale.
Le propriétaire ou, le cas échéant, le syndicat des copropriétaires représenté par le syndic, qui entend s'opposer aux travaux permettant la recharge normale des véhicules électriques ou hybrides rechargeables avec un système de mesure permettant une facturation individuelle des consommations doit, à peine de forclusion, saisir le tribunal d'instance du lieu de l'immeuble dans le délai de six mois suivant réception de la demande ».
C’est donc l’assemblée générale des copropriétaires qui décide de l'installation de bornes de recharge. Ce système est très lourd, car un propriétaire de véhicule électrique doit attendre l’approbation de la prochaine assemblée générale, le plus souvent annuelle.
— Les propositions de M. John Honoré
M. John Honoré, co-fondateur de Borne Recharge Service, propose que la décision soit prise non plus par l’assemblée générale mais par le conseil syndical.
Il souligne que le montant des travaux à réaliser est compatible avec cette proposition si le conseil syndical peut engager des frais jusqu’à 4 000 euros, ce qui correspond à la somme maximale de travaux qu’il est possible d'effectuer après consultation du président du conseil syndical ou du conseil syndical, généralement composé de trois membres élus par l'assemblée générale des copropriétaires.
Or le coût des travaux dans une copropriété classique pour une borne de recharge est compris entre 2 000 euros (15/20 mètres de câble) et 3 000 euros (40/50 mètres de câble).
Il suggère que la borne dispose d'un sous-comptage individuel permettant le remboursement de la consommation électrique effectuée à titre privée pour recharger un véhicule électrique ; l'installation doit être individuelle et les frais inhérents ne peuvent être réglés que par le copropriétaire demandeur et utilisateur du véhicule électrique.
De telles dispositions permettraient d’éviter les branchements « sauvages », des copropriétaires branchant la borne de recharge directement sur le compteur de l'appartement (ce que l’on constate souvent) ce qui contrevient au texte initial (raccordement au TGBT) et pourrait poser des problèmes économiques ou de sécurité.
b. L’auto-partage implique de réfléchir de manière innovante à l’assurance des véhicules concernés
M. Denis Breillat, représentant de la MACIF a expliqué lors d’une des auditions publiques les problèmes auxquels sont confrontés les assureurs du fait des nouveaux services.
« Les assureurs doivent sécuriser de nouveaux services qui mettent en question les modèles assurantiels en vigueur depuis une cinquantaine d’années. Depuis son instauration en 1958, l’assurance-automobile obligatoire est adossée au couple stable et exclusif formé par l’automobile et la personne, mais, contrairement à la pratique anglo-saxonne, c’est le véhicule qui est assuré, et non le conducteur. Or avec, notamment, le développement de l’utilisation collaborative du véhicule, la relation entre le conducteur et le véhicule s’est distendue, si bien que le décalage entre la réalité des nouveaux modes de mobilité et le dispositif réglementaire de l’assurance obligatoire est devenue une source de difficultés. Nous devons faire preuve d’imagination pour renouveler nos modèles classiques et couvrir les risques de l’auto-partage. Pour cela, il convient de desserrer le carcan de la réglementation afin d’intégrer les nouveaux modes de déplacement dans le code des assurances.
Nous sommes gênés par le principe de l’assurance attachée au véhicule. Nous parvenons bien sûr à proposer des contrats d’assurance pour l’auto-partage, non sans prendre quelques libertés avec le code des assurances. En outre, une flotte d’auto-partage entre particuliers ne s’assure pas de la même manière qu’une flotte de service d’auto-partage, notamment parce que les usages ne sont pas les mêmes.
L’assurance devrait pouvoir suivre la personne dans tous ses déplacements, quel que soit le mode de transport choisi, mais les règles en matière de responsabilité civile s’y opposent. Aujourd’hui, c’est le véhicule qui est l’objet de l’assurance. Selon le mode de déplacement choisi, ce sont donc plusieurs assureurs qui interviennent en offrant des garanties différentes. On pourrait choisir de lier l’assurance à la personne, qui est tout aussi accidentogène que le véhicule.
Dans les contrats d’assurance adaptés à l’auto-partage entre particuliers, deux personnes sont assurées : le conducteur pour la responsabilité civile et les dommages corporels ; le propriétaire du véhicule pour les dommages matériels. Au surplus, le contrat est souscrit par une troisième personne, l’opérateur d’auto-partage. Cette dichotomie des garanties ne se rencontre pas dans un contrat d’assurance-automobile type, en vertu duquel une seule personne est assurée.
Le code des assurances n’a pas prévu ces cas particuliers. Nous sommes obligés de construire des usines à gaz pour répondre aux besoins des utilisateurs de ces nouveaux services dans le respect des contraintes réglementaires, alors qu’une assurance de la personne qui permettrait de la suivre dans tous ses déplacements serait plus efficace et plus simple à imaginer ».
c. Les critères d’homologation des systèmes de protection sont controversés
Ce problème a été soulevé par Mme Caroline Deck, chercheuse au laboratoire ICube de Strasbourg sur la protection de la tête des usagers vulnérables de la route.
« Les progrès à accomplir restent énormes. Les critères actuels d’homologation des systèmes de protection se fondent sur des enregistrements datant de 1972 d’une accélération uniquement linéaire sur une tête de mannequin. Ces résultats sont fortement controversés depuis des années, et les scientifiques se battent pour modifier les normes en vigueur pour l’homologation des casques de motos et de vélos, pour la certification des capots et pour les tests sur les pare-brise.
Nous sommes présents dans des réunions ISO et AFNOR afin que la modélisation par éléments finis puisse être utilisée dans le futur pour définir les normes de protection. L’évolution des normes est très lente. Suivant les univers dans lesquels nous évoluons, nous constatons que nous sommes confrontés à des résistances plus ou moins fortes. Parce que les enjeux économiques sont moindres, la protection du cycliste rencontre moins d’obstacles et fait réagir moins de lobbies ».
d. L’évolution des systèmes embarqués pose la question des réglementations souhaitables
Le bCall est une évolution de l’électronique embarquée qui permet la communication entre le véhicule et son environnement, en particulier avec les autres véhicules. Pour M. Michel Vilatte, président de la Fédération des syndicats de la distribution automobile (FEDA), « de nouvelles solutions de services, dites de bCall, sont proposées sous un format trop souvent propriétaire qui ne laisse aux usagers que des choix réduits. Un encadrement réglementaire permettrait de préserver la libre concurrence entre les opérateurs et le libre choix des automobilistes, qui verraient leurs divers besoins satisfaits.
Si nous voulons garantir une mobilité optimale sur le territoire national et même au-delà, il faut que l’automobiliste ait le plus grand choix possible de prestataires : il ne faut pas l’enfermer dans des solutions propriétaires. Les systèmes d’électronique embarquée doivent être à la fois ouverts et interopérables ».
« Des normes techniques et informatiques communes doivent être mises en place. La Commission européenne travaille sur le sujet, mais des instances nationales ont aussi leur mot à dire. Il revient par exemple à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) de s’assurer que la liberté individuelle est préservée.
Quelques constructeurs, français ou étrangers, proposent d’ores et déjà l’usage de systèmes fermés qui contraignent le conducteur à utiliser un opérateur unique et le système de guidage qui y est associé ».
4. Le dynamisme de la recherche et de l’innovation doit être soutenu et accompagné
a. Tirer parti des atouts d’un système aux multiples facettes
Ce système apparaît souvent très complexe aux observateurs extérieurs. Il résulte en effet de l’histoire et de la propension constante des gouvernements qui se sont succédés depuis François 1er à créer de nouvelles structures de recherche et d’enseignement supérieur chaque fois que l’Université ne répondait pas à leurs souhaits ou à des besoins particuliers.
Ce système opaque fonctionne pourtant correctement : universités et grands organismes ont créé des unités mixtes de recherche, qui ont parfois une extension internationale.
Il convient de savoir quelles sont les structures dont les recherches sont les plus pertinentes. Il y a bien sûr l’ADEME, mais aussi l’IFPEN, le CEA, l’INRA, l’INRIA, l’INERIS (Institut national de l'environnement industriel et des risques), sans oublier le CNRS.
Il y a aussi des organismes plus spécialisés, comme l’IFSTTAR (Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux), le CERTU (Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques).
Cette liste n’est pas exhaustive et peut être complétée.
b. Assurer la continuité des financements
Les financements disponibles sont français, mais aussi de plus en plus européens voire internationaux. Certains sont pérennes et attribués à des équipes. Mais, de plus en plus, ces équipes sont également financées dans le cadre d’appels d’offre. C’est la pratique de l’ANR et du programme des investissements d’avenir géré par le Commissariat général aux investissements. C’est aussi la politique des bailleurs de fonds européens et internationaux.
A ces financements s’ajoutent ceux d’Oséo et de la future Banque publique d’investissement, qui doit financer les investissements de la transition écologique.
La coordination de ces divers financements nationaux et des financements européens est de plus en plus importante. Il sera intéressant de l’évaluer sur des thèmes et des projets précis.
Il faudra notamment s’assurer que la France tirera bien parti des sommes du FEDER 2014-2020 disponibles pour les véhicules écologiques. Ces fonds ont en effet pour objectif de favoriser le développement de l’électro-mobilité et des bornes de rechargement.
c. Tirer parti de l’élan des investissements d’avenir
Les investissements d’avenir ont permis le développement de nombreux projets.
L’ADEME leur a apporté son soutien, avec des crédits du grand emprunt sous l’autorité du Commissariat général aux investissements. M. François Moisan, directeur exécutif Stratégie, Recherche, International, ADEME précise ce soutien :
« Un programme véhicule du futur a été doté de 950 millions d’euros. Sur ce sujet, nous avons lancé une dizaine d’appels à manifestation d’intérêt, sur plusieurs thématiques, l’allégement des véhicules, les chaînes de traction thermique et électrique, l’expérimentation des infrastructures de charges et leur déploiement, la mobilité quotidienne, les transports ferroviaires et les navires du futur.
Les réponses aux chaînes de traction thermique visant des véhicules hybrides ont été nombreuses, et positionnent les constructeurs français à un très bon niveau d’innovation. Par contre, nous avons été plus déçus des réponses aux chaînes de traction électrique.
En matière d’expérimentation des infrastructures de charge, nous avons reçu de très bons projets. D’autres AMI sont encore en cours, et ont eu des résultats plus décevants : mobilité occasionnelle, véhicule hydrogène, véhicule lourd routier.
Nous avons eu des projets de véhicules dédiés à l’urbain très intéressants, mais dont les conditions d’utilisation restent à préciser. Avec PSA, nous avons conduit un projet de véhicule hybride essence/air comprimé, avec des perspectives d’industrialisation à des coûts acceptables.
S’agissant de l’AMI mobilité quotidienne (trajets quotidiens urbains et péri-urbains de personnes et de marchandises), nous avons enregistré 26 dossiers déposés, cinq projets lauréats, dont un projet très ambitieux à Lyon, Optimode, unique au plan mondial (comportant de nouveaux services de mobilité avec une information tous modes utilisables par tous les habitants), le tout devant générer 200 000 tonnes d’économies de CO2). Les autres projets concernent la Bretagne, Niort (sur les assurances dans le cas d’auto-partage), Belfort, Rennes, le plateau de Saclay. »
d. Accorder une attention particulière aux thèmes de recherche qui feront évoluer la mobilité et répondront aux besoins de la filière automobile
Certains domaines de recherche sont particulièrement prometteurs. Une attention particulière devra leur être accordée.
La recherche sur les nouvelles mobilités et les nouveaux véhicules ne peut pas se limiter aux seules études technologiques. La définition même du cadre de l’étude de l’OPECST le montre clairement : c’est la mobilité qui va entraîner une évolution des véhicules, et non l’inverse.
Il en découle une attention particulière apportée aux sciences humaines et sociales, d’autant plus que les avancées en matière de recherche et d’innovation découlent le plus souvent d’une approche pluridisciplinaire. C’est du reste l’orientation actuelle des appels d’offre nationaux ou internationaux qui concernent de plus en plus des projets coordonnés, susceptibles de créer des synergies en tirant parti des complémentarités entre sciences.
Sept thèmes de recherche paraissent particulièrement importants :
- l’apparition et le rythme de diffusion des nouvelles formes de mobilité ;
- l’évolution du rapport à la voiture, à sa possession, à son usage, en fonction de l’âge, de la génération, du genre et de la catégorie socio-professionnelle (les résultats de l’étude du PIPAME devront être analysés avec soin) ;
- les aspects liés au droit de la mobilité (code de la route, code de la rue, accès au permis de conduire) ;
- la manière de concevoir le véhicule du futur ;
- l’appropriation par les citoyens des nouveaux services qui leur sont proposés (quel est l’usage réel des Smartphones et des nouvelles applications ?) ;
- l’acceptation des nouvelles contraintes d’utilisation de la voirie ;
- les facteurs de rupture.
La recherche technique n’en reste pas moins très importante. Elle porte sur des thèmes variés tant au plan national qu’européen.
Neuf thèmes feront l’objet d’une attention particulière :
- les possibilités techniques permettant de concevoir différemment les véhicules ;
- les technologies permettant la réduction des émissions polluantes ;
- les aspects de sécurité des véhicules pour leurs occupants et pour l’environnement dans lequel ils évoluent ;
- les technologies liées aux nuisances sonores des véhicules ;
- les agro-carburants et les autres énergies nouvelles utilisables dans le transport (air comprimé, hydrogène) ;
- les batteries, leur sécurité, leur autonomie ;
- l’utilisation croissante du numérique et des technologies de l’information dans les nouvelles voitures ;
- les techniques permettant de rendre la route intelligente ;
- les facteurs de rupture.
e. Prendre conscience qu’il faut renforcer les liens entre recherche et innovation et réfléchir au pilotage de l’innovation
— Le passage de la recherche à l’innovation est grandement facilité par les pôles de compétitivité qui servent souvent d’incubateurs d’entreprises, accompagnent les start-ups dans leur développement et les conseillent sur leur politique de brevets.
Dans le secteur automobile, plusieurs pôles de compétitivité se sont formés, selon les territoires : MOV’EO, iDforCAR, LUTB (Lyon Urban Truck & Bus), Véhicule du Futur Alsace-Franche-Comté, Mobilité et Transports avancés, Pôle automobile Haut de Gamme, i-Trans et le pôle de compétitivité solutions pour mobilités et véhicules du futur.
Leurs activités en faveur de la filière doivent être évaluées du point de vue de leur contribution aux nouvelles mobilités, de la recherche technologique et de leur soutien aux PME, voire aux très petites entreprises.
M. Bertrand Hauet, représentant MOV’EO, rappelle que MOV’EO est l’un des premiers pôles de compétitivité lié à l’automobile et à la mobilité. L’un de ses domaines d’activité stratégique est lié aux chaînes de traction thermique.
Pour lui, les vrais enjeux de la recherche collaborative du futur sont multiples. « Le premier axe, c’est la diversité énergétique. Il ne faut pas croire qu’on fera du tout-essence, ou du tout diesel ou du tout biocarburants ou du tout hydrogène. Les chaînes de traction et les motorisations des véhicules du futur devront être compatibles avec l’ensemble de ces filières énergétiques qui vont être très diversifiées. Le second axe, c’est le traitement de la pollution de l’air. Le traitement est à la fois global et local, avec des difficultés particulières d’un point de vue local. La diversification des technologies qui vont arriver, comme la présence de véhicules électriques, avec des filières électriques, vont pouvoir résoudre des missions en local. L’hybridation, et également tous types d’hybridations intermédiaires, vont être aussi adaptés aux usages. »
M. Jacques Chauvet, directeur général de MOV’EO, se félicite de la création de la Plateforme de la filière automobile, qui va être la « one voice » de la filière. Il souhaite que les PME et les ARIA (associations régionales de l'industrie automobile prennent leur part dans le débat que va permettre sa création.
— L’approche de PSA sur le pilotage de l’innovation
Un document fourni par le groupe montre les différentes étapes de son projet de véhicule à air comprimé :
« Hybrid Air a été l’occasion pour PSA Peugeot Citroën d’expérimenter un mode nouveau de pilotage de l’innovation adapté aux besoins d’un projet à fort enjeu. Il s’articule autour de points clefs :
- un projet développé en unité de lieu et d’action en mode entrepreneurial avec une confidentialité très forte : un plateau multidisciplinaire unique de 200 personnes alliant les compétences d’intégration véhicule, de développement de chaîne de traction, de marketing, de vision produit et de stratégie. Ce plateau a bénéficié d’une liberté totale pour s'organiser et adapter une idée novatrice aux exigences automobiles. En deux années, quatre générations de véhicules prototypes ont été développées, testées et optimisées ;
- une équipe « protégée » pour allier agilité et réussite sur une technologie très en rupture nécessitant de sortir des modes habituels de fonctionnement et des modèles mentaux associés (règles, habitudes, reproduction des acquis, rigidité des cadres managériaux) ;
- un schéma de développement accéléré basé sur des étapes de validation adaptées et des processus allégés ainsi qu’une grande autonomie donnée au directeur de projet ;
- une gouvernance de haut niveau avec un sponsoring direct du projet par un membre du Directoire et une chaîne de décision courte et efficace ;
- une phase d’incubation démarrée dès la phase amont du projet a permis de définir le positionnement « marché » de la chaîne de traction : attentes clients, valorisation et déploiement. Des tests cliniques ont été réalisés dès les premières générations de prototypes pour approfondir les connaissances des besoins clients et leurs réactions face à une technologie très en rupture ;
- une relation « partenaire » avec les fournisseurs stratégiques du projet fondée sur la création de valeur dès la phase amont avec des perspectives affichées et partagées, un management clair des opérations, une relation transparente et symétrique et un schéma de décision commun établi, daté et tracé : « une équipe, un projet ».
f. Tirer parti du potentiel de VeDeCoM
La création de VeDeCoM a été le fruit d’un processus assez long qui doit encore être précisé au plan financier.
Lors de l’audition publique du 19 mars 2013, M. Guillaume Devauchelle, directeur recherche et développement du groupe Valeo, indiquait que l’Institut d'excellence sur les énergies décarbonées (IEED) VeDeCoM devrait voir prochainement le jour, après deux ans de travail intense et de négociations avec le Commissariat général à l'investissement.
« Cet institut se veut parmi les premiers mondiaux, avec à terme 400 personnes, dont 100 chercheurs issus de la recherche publique, 100 chercheurs propres à VeDeCoM, 100 chercheurs propres aux grands équipementiers et constructeurs et 100 chercheurs propres aux entreprises de taille intermédiaire (ETI). Nous créons un modèle économique sur le modèle des Fraunhofer en Allemagne pour créer un institut de recherche majeur sur ces questions. 44 sociétés y participent. Les grandes entreprises automobiles, les françaises et les autres. Je cite Continental, mais aussi des filiales de la SNCF, l’IFSTTAR (Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux), l’IFPEN, le CEA, et aussi des ETI et des PME ».
L’audition publique du 5 décembre 2013 a permis à M. Devauchelle de préciser la nature de cette structure originale : « VeDeCoM est une fondation partenariale et universitaire sous l'égide de l'UVSQ, université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et du Pôle de compétitivité Mov’eo. Elle réunit des laboratoires nombreux, des écoles d'ingénieur toutes prestigieuses, des collectivités locales en tant qu'acteurs de la recherche, c'est assez nouveau, et des industriels. Les industriels qui participent à VeDeCoM abandonnent leurs droits de propriété intellectuelle. C'est tout à fait unique.
Ces industriels sont ceux de la PFA, une filiale de la SNCF, des acteurs de la mobilité collective comme Véolia, Transdev, mais également un équipementier aéronautique et beaucoup de PME, fournisseurs de technologie. Ils travaillent sur les véhicules décarbonés, le véhicule autonome et connecté qui est la nouvelle frontière, et les expériences de mobilité.
L'objet de VeDeCoM est très simple. Il s'agit de réunir dans un même lieu tous les acteurs et de conduire des expériences. L'idée est de faire une démonstration par an, donc la preuve par l'exemple. Voilà ce que nous prévoyons. Cela paraît très ambitieux. Nous envisageons environ 3 à 400 chercheurs sur le site de Versailles-Satory.
Nous sommes confrontés à une difficulté. Nous inaugurons la fondation partenariale universitaire IEED, c'est une première. Il n'y a pas de cadre juridique et fiscal. Nous commençons toute une procédure très longue et très lente de notification, de qualification, et après plusieurs années nous n'avons toujours pas touché le moindre centime de financement. Tout se fait sur financement privé. La fondation, comme toutes, dotée d'un capital initial, ne pourra pas survivre à l'année 2014 si nous n'avons pas, comme espéré, cette fameuse subvention, tant attendue, pour faire fonctionner le système.
Je rappelle que l'objectif de VeDeCoM est d'être autofinancé à terme et de vivre de ses droits de propriété industrielle. L'institut développe un savoir-faire, et le vend à qui veut l'acheter, et non pas simplement à l'ensemble de ses membres ».
Au regard de ses objectifs et de l’importance de la démarche initiée, il convient de rapidement donner à VeDeCoM les moyens de ses ambitions.
C. LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ONT DES COMPETENCES PARTICULIERES
L’organisation de la mobilité relève aussi des collectivités territoriales qui interagissent avec l’État. Ces collectivités sont actuellement à la recherche de nouvelles solutions, pour penser autrement le transport, mais aussi pour penser autrement la ville.
1. Les élus locaux sont confrontés à de nouveaux choix
Leur rôle, déjà important, va s’accroître : Ce sont les élus locaux, en particulier les maires, qui peuvent décider du stationnement, de l’affectation des voies, de la mise en place de voies réservées ou de voies à sens unique. Ce sont également les villes qui ont un rôle majeur en matière d’aménagement de parkings. Ce sont elles qui pourraient donner l’impulsion nécessaire au développement, dans ces parkings, des bornes de recharge des batteries nécessaires au fonctionnement des voitures électriques.
Des voies sont déjà réservées aux bus et aux taxis. On pourrait imaginer que des voies soient réservées aux véhicules écologiques, sobres, de petite taille, partagés ou à haut taux d’occupation. Le stationnement pourrait aussi être organisé de manière à privilégier les véhicules écologiques, la livraison des marchandises de manière à ce qu’elle résulte d’une approche plus écologique.
Le stationnement n’est pas forcément facile à organiser. M. Jean Syrota remarque que « le stationnement résidentiel entraîne des problèmes, car 20 % de la consommation à Paris sert à tourner pour trouver une place. Or beaucoup de places sont données presque gratuitement aux personnes qui bénéficient du stationnement résidentiel ». C’est l’une des voies possibles. Il y en a bien d’autres, notamment de décentralisation de la gestion du stationnement comme le prévoit la loi « Métropoles » afin de rendre les amendes dissuasives et assurer la rotation des places dites « rotatives ».
Les communes, les départements, les régions sont souvent à l’origine des nouveaux services d’auto-partage ou de véhicules en libre-service. Leur intervention est nécessaire, car sinon les solutions mises en place risquent de se heurter à des difficultés trop grandes, comme à Lyon où un dialogue plus fourni entre la ville et le pourvoyeur d’autos partagées aurait peut-être pu permettre la poursuite d’une première expérience d’auto-partage qui s’est arrêtée brutalement à la suite de difficultés juridiques.
Les collectivités territoriales vont être appelées à jouer un rôle majeur dans le développement des véhicules écologiques. Pour M. Teyssier d’Orfeuil, « ce sont les élus locaux qui vont faciliter le développement des véhicules propres en décidant d’installer des bornes de recharge dans leur collectivité. Les élus locaux peuvent aussi « bonusser » l’achat de véhicules « propres ». Il est également à noter que les élus locaux peuvent pratiquer une discrimination positive pour ces véhicules, dont les tarifs préférentiels pour voitures écologiques en matière de stationnement. »
Les élus locaux vont être amenés à se demander quelle est la palette des mesures de discrimination positive au niveau local, et quelle politique peut être imaginée pour favoriser le développement de véhicules écologiques et notamment celui de véhicules propres de petite taille.
Le Club des voitures écologiques propose deux mesures allant dans ce sens :
- le demi-tarif dans les parkings pour les véhicules de petite taille ;
Ce concept a aussi été proposé et adopté par la ville de Paris. La Smart qui en bénéficie a été sélectionnée car elle est adaptée à la ville par sa petite taille et peu polluante. Désormais, la Toyota IQ est également éligible à ce dispositif. Le demi-tarif permet une bonne gestion de l’espace public mais est aussi un élément de marketing pour les constructeurs. Ce concept a été repris par Vinci qui le propose maintenant sur l’ensemble de la France ;
- Le disque vert.
Il permet d’offrir 1 h 30 de stationnement gratuit pour les véhicules propres. M. Teyssier d’Orfeuil propose de les définir ainsi : « des voitures de moins de 3 mètres, les voitures fonctionnant au GPL, au bioéthanol, à l’électrique, ou hybride ainsi que les véhicules utilisés en auto-partage » ;
Toutes ces nouvelles expériences, toutes ces nouvelles solutions devront être évaluées. Il est important en l’espèce que les collectivités territoriales puissent continuer à expérimenter, à innover, afin que les bonnes pratiques puissent se diffuser.
2. La cohérence territoriale des décisions nécessite une coopération plus forte entre communes et communautés d’agglomération
Plusieurs enjeux ne relèvent cependant pas du territoire d’une seule ville mais de l’intercommunalité. Or les intercommunalités rencontrent parfois des difficultés pour prendre toute leur part dans l’organisation de la mobilité et des transports, alors même que c’est souvent un échelon pertinent, correspondant à un bassin de vie et d’emplois. Une réflexion s’impose sur l’utilisation effective des compétences qui lui sont attribuées. Il en est ainsi pour la définition d’un périmètre suffisamment étendu de services d’auto-partage, pour la mise en place de l’inter-modalité, pour l’organisation d’un réseau cohérent de transports en commun, ou pour l’organisation de la voirie d’intérêt intercommunal. Les réflexions qui découleront de la préparation de l’acte III de la décentralisation devront être suivies avec soin.
3. De multiples expériences permettent d’identifier les problèmes qui doivent être résolus
L’action volontaire de la Ville de Paris depuis 2001, comme celles de Strasbourg, Grenoble, Nantes ou Bordeaux en matière de voirie et de transports permettent de répondre aux défis des nouvelles mobilités.
Cette évolution est indispensable si l’on veut éviter d’aboutir à une situation absurde : celle de l’auto-immobile, paralysée par les embouteillages croissants et de moins en moins utilisée du fait des problèmes non moins croissants de stationnement.
C’est de manière plus globale la question de l’adaptation de la voiture à la ville, sa taille, son encombrement, qui doit être posée, après des décennies d’adaptation de la ville à la voiture. Car les marges de manœuvre des villes et intercommunalités sont contrariées par leur incapacité à agir sur la taille, la forme, la puissance des véhicules qui transitent et stationnent dans leurs rues.
Plusieurs exemples permettent d’identifier les problèmes à résoudre. Quatre grandes villes seront prises en exemple : Paris, Strasbourg, Lyon, Bordeaux et une ville moyenne : Angoulême. Elles seront présentées ci-après, dans le chapitre traitant de la gouvernance.
D. CERTAINES POLITIQUES RÉSULTENT D’UNE COOPÉRATION ENTRE PLUSIEURS PARTENAIRES
C’est le cas lorsqu’il faut développer de nouvelles infrastructures. Sont concernées tant les bornes de recharge des batteries que les réseaux de distribution d’hydrogène et des nouveaux carburants. Les investissements nécessaires à la recharge des batteries des véhicules électriques n’ayant pas été anticipés, les installations nécessaires au développement des technologies alternatives et des carburants alternatifs sont insuffisantes, alors qu’apparaissent de nouveaux types de véhicules. Il faut éviter que cette erreur se répète pour la distribution du GNV et de l’hydrogène.
C’est le cas aussi quand on souhaite encourager des initiatives dynamiques. L’exemple que peuvent donner les pouvoirs publics peut être déterminant pour le lancement de nouvelles technologies. Certains organismes, publics ou privés, peuvent avoir un rôle fédérateur en regroupant les commandes.
L’initiative de La Poste mérite d’être soulignée.
Mme Christelle Chabredier, responsable Innovation, Environnement et Énergie, du groupe La Poste la présente ainsi, en insistant sur trois notions essentielles : les usages, l’écosystème et l’externalité.
« La notion d’usage, de besoin, de cahier des charges est essentielle. Elle renvoie à la démarche mise en place par La Poste autour du véhicule électrique et du groupement de commande, que la Poste a animé pour faire émerger la filière industrielle de production de véhicules électriques.
La notion d’écosystème est importante. Lorsqu’on parle de nouvelles mobilités, sereines et durables, on ne parle pas simplement du véhicule, d’une solution ou d’une modalité. Il faut aussi parler infrastructure, comportement, conduite du changement au sein des entreprises. Pour préfigurer 2030-2050, il faut agir dès maintenant, donc prendre des décisions industrielles, managériales, co-construites, co-élaborées, personne n’ayant la solution. La solution ne peut qu’être que co-construite, chacun devant apporter son intelligence et sa perception.
La Poste a une particularité : c’est une entreprise ancienne, multiséculaire. Ce n’est pas une start-up. Elle s’inscrit dans la continuité de l’évolution des mentalités des technologies. Elle doit être dans la vision et l’action. Certains moments imposent de prendre des décisions qui donnent une impulsion. Concrètement, lorsque La Poste fait le choix de s’équiper de 10 000 véhicules électriques, c’est bel et bien un choix. Il n’empêche que la réflexion sur les expérimentations se poursuit. Mais c’est une décision qui engage.
Il est nécessaire de bien connaître ses besoins et ses usages, et d’avoir une vision d’ensemble. Grâce à sa forte présence territoriale, La Poste a une très bonne connaissance des usages, de ses territoires. On souhaite s’inscrire avec les collectivités locales dans une vision de la mobilité de demain.
Par nature, nous avons l’obligation d’extrêmement bien connaître nos usages et nos besoins, ne serait-ce que pour déterminer nos tournées. Certaines se font à pied, à vélo avec assistance électrique, à trois roues, à quatre roues, en TGV… Il faut donc raisonner non seulement en termes d’inter-modalité, mais aussi de gamme. Notre connaissance très fine de nos besoins nous a permis d’acquérir un vrai savoir-faire. Le développement de la filière électrique nous a permis d’identifier des savoir-faire très particuliers en termes d’usage, ce pourquoi nous avons créé une filiale en conseil et mobilité durable, Greenovia. Nous ne sommes plus dans une logique de transport, mais de mobilité.
Quant à l’externalité, elle vise à répondre à la question du coût des solutions écologiques que l’on pourrait mettre en œuvre. Dans cette période de transition, on commence à sentir ce qu’est une externalité positive et négative. Petit à petit, nos interlocuteurs se rendent compte qu’il faut prendre en compte cette dimension. Le législateur devra y réfléchir, pour aider à faire bouger les modalités. Lorsqu’on compare un véhicule thermique et un véhicule électrique, on raisonne en coût global de possession, au détriment d’autres critères.
La R&D, les pôles de compétitivité et les AMI ont été évoqués. L’important est de mettre l’accent sur le développement. Il existe beaucoup de solutions sur lesquelles nous sommes en recherche. L’important est cependant le passage au développement, qui précède le déploiement. Sur ce sujet, La Poste a un rôle à jouer. Il faut faire le pari de tester une solution, compte tenu des convergences nouvelles entre le bâtiment, les transports, le numérique et les smart grids. Il faut franchir le pas, pour que le changement soit perceptible et que les solutions sortent des laboratoires ».
E. LA MISE EN PLACE D’UNE GOUVERNANCE PLUS EFFICACE PERMETTRAIT D’AMÉLIORER L’EFFET DES POLITIQUES MISES EN œUVRE
De multiples témoignages font ressortir le besoin de nouvelles formes de gouvernance. Ils apparaissent dans toutes les auditions publiques que nous avons organisées, et plus particulièrement dans la cinquième d’entre elle.
Ce thème a été abordé autour de six questions : la nécessité d’une gouvernance globale, les modalités d’intervention des pouvoirs publics, les domaines d’intérêt du GART, le rôle de la Plateforme de la filière automobile, la création d’une nouvelle structure de dialogue et de coordination, et les leçons à tirer de l’expérience et des préoccupations des collectivités territoriales.
1. Une gouvernance globale est nécessaire, car la situation actuelle n’est pas optimale.
Il apparaît clairement que pour aboutir à des décisions rationnelles, il faut coordonner les actions d’acteurs qui sont de fait très nombreux : l’Union européenne, l’État, les régions, les départements, les communes et les communautés d’agglomération, les centres de recherche universitaires ou relevant du CNRS pour les pouvoirs publics. Pour le secteur privé, les constructeurs, les équipementiers, les banquiers, les assureurs, les gestionnaires de parkings, les syndics d’immeubles, les hypermarchés, les stations-service, les représentants d’usagers, les centres de recherche privés sans que cette liste soit limitative.
Leur interaction, l’enchevêtrement de leurs compétences ont été décrites en plusieurs endroits de ce rapport, d’autant plus que la complexité de la filière automobile résulte de l’interaction de grandes entreprises produisant des millions de véhicules, d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) et de PME.
Il faut donc tout d’abord organiser les liens entre recherche, innovation et production, ce qui suppose de coordonner l’activité des industriels et des centres de recherche, qu’ils soient internes ou externes. Il faut aussi mettre en place les services indispensables à l’utilisation des véhicules. Il faut enfin élaborer les réglementations qui permettront aux conducteurs d’utiliser leurs véhicules dans de bonnes conditions pour eux-mêmes et pour la collectivité.
La plupart des sujets abordés jusqu’à présent sont concernés : la définition de véhicules plus écologiques, les recherches appliquées sur la taille, le poids, la forme du véhicule, l’adaptation des véhicules aux nouveaux besoins et aux nouveaux usages, l’évolution des motorisations afin d’aboutir à une pollution et une consommation énergétique moindre, l’élaboration et le contrôle de l’application des normes, la mise en place de nouveaux réseaux de distribution de carburants et de recharge de batteries, l’utilisation de la voirie, l’organisation du stationnement.
Tout ne dépend pas que des constructeurs. Les nouvelles technologies, les nouvelles motorisations ne pourront pas se diffuser sur le marché si de nouveaux réseaux de distribution et de recharge de batteries ne sont pas mis en place, et ceci très rapidement. Il n’est pas possible de convaincre un acheteur de voiture de passer à l’électricité, à l’hydrogène, à l’air comprimé, au GNV et même au GPL s’il n’est pas assuré de pouvoir trouver sur l’ensemble du territoire les lieux de recharge ou de distribution. Or les décisions nécessaires pour parvenir à un maillage correct du territoire relèvent de tant d’acteurs que l’on comprend aisément les difficultés auxquelles s’est heurtée la mission Hirtzman. Sa tâche est en effet particulièrement ardue, tant le nombre d’acteurs à convaincre est élevé, tant les prises de décisions nécessaires sont décentralisées.
Ce maillage, qui ne se met pas en place assez rapidement est pourtant un objectif partagé par l’Union européenne pour permettre la libre circulation de tous les véhicules sur l’ensemble du territoire européen, par le gouvernement, par de nombreuses collectivités territoriales et par tous acteurs privés de la filière, sans oublier les conducteurs de véhicules.
Et le débat sur les types de prises de recharge des véhicules électrique ( 2 et 3, éventuellement 2+) montre combien il est difficile de mettre en place une politique cohérente au plan européen qui suppose non seulement de prendre une décision commune, mais encore de faire évoluer les réglementations existantes.
Les objectifs sont clairs, mais les moyens de les atteindre sont malheureusement insuffisants, ce qui nuit à l’efficacité des décisions qui doivent et qui devront être prises.
Il faut en fait répondre à des questions simples mais fondamentales : Qui pilote et comment ? Quel rôle jouent les discussions interministérielles ? Comment aboutir à des décisions transparentes et crédibles pour les citoyens/consommateurs/usagers ? Comment éviter le décalage souvent constaté entre les informations données par les constructeurs et la réalité perçue par les conducteurs ?
Voici quelques premières réponses :
Pour M. Stéphane Burban, du ministère du redressement productif, « nous sommes impliqués soit dans des colloques interministériels, soit dans le dépôt des projets ADEME, pour nous assurer que l'implantation des bornes est logique et intéressante dans les collectivités.
Sur la règlementation, nous sommes en phase interministérielle : sur le bonus-malus, sur la règlementation euro 6. En charge des industriels, le MRP va concilier les différents points de vue industriels avec les besoins écologiques, autant que les besoins écologiques vont se concilier avec les besoins industriels. Nous sommes en communication constante sur des thèmes, car la fiscalité et la règlementation influent forcément sur le monde industriel français ».
Quel pourrait être le domaine de la transparence ? Une remarque de M. Gabriel Plassat, coordinateur du pôle Systèmes de Transports et Mobilités à l’ADEME, auteur du blog « Les transports du futur », est particulièrement intéressante. Il se demande ce qui se passerait si les voitures communiquaient en temps réel la pollution réelle qu'elles produisent, ce qui est aujourd’hui techniquement possible. « On n'a rien à craindre puisque le véhicule respecte la norme. Sauf que la transparence va tout changer. Accéder à la connaissance de la donnée est différent de la règlementation. C'est possible, et ce peut être couplé à la directive européenne qui s'appelle Véhicule propre et économe ».
Un des bénéfices d’une telle transparence serait d’éviter des problèmes inutiles et des décisions prises sur des critères faussés. Le témoignage de M. Bernard Darniche est éclairant : « la norme de calcul pour les véhicules thermiques actuels est complètement loufoque. Ce n'est pas du tout ce que l'on constate dans la vraie vie. Si l’on a calculé le démonstrateur d'implantation de points de recharges par rapport à cette norme, elle est complètement faussée ».
2. Les pouvoirs publics doivent-ils être neutres ? Qu’en attendent les constructeurs ?
La question de la neutralité n’est pas sans importance, car dans le passé, l’État, en France, a souvent privilégié une technologie au détriment d’une autre. En-a-ton tiré les enseignements ?
Ainsi, pour M. Willy Bredda, chef du bureau des voitures particulières à la direction générale de l’énergie et du climat du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, « nous ne pensons pas qu'une seule énergie répondra aux défis de la réduction des émissions et des consommations. Pour nous, il y a différents carburants. Ils ont chacun leurs avantages et leurs inconvénients, de la même façon que pour les véhicules, vous avez des citadines conçues pour le milieu urbain, des berlines conçues pour des portions plus routières, des monospaces conçus pour transporter plusieurs personnes, nous pensons qu'il y a des carburants plus propices à être utilisés pour un usage ou pour un autre. La solution miracle n'existe pas ».
Pour M. Stéphane Burban, du ministère du redressement productif, « la vigilance est sans a priori technologique. Toutes les solutions sont à développer, sont développables, et nous restons vigilants sur toutes les technologies qui peuvent être mises en place.
La position du MRP est de développer et de déployer la voiture électrique à l'ensemble des citoyens. C'est l'une des pistes envisagées. D'autres prospectives sont en place notamment sur des piles à combustible, piles à range-extender, solutions hybrides avec plusieurs énergies ».
Quelles sont les attentes des constructeurs ?
M. Jean-Christophe Béziat, directeur de l'innovation du groupe Renault les présente ainsi : Un rôle qui peut se résumer en trois mots : initiateur, moteur, et exemplaire.
Les industriels ont besoin de stabilité, de pérennité de l'action publique, de garantie des moyens d'action mis à disposition de cette action publique.
La question des infrastructures de charge des batteries électriques illustre bien cette préoccupation. M. Béziat insiste sur la nécessaire intervention de l’État, afin de « casser le syndrome de l'œuf et de la poule : pas de bornes, car pas de véhicules, et pas de véhicules car pas de bornes ». Il remarque le rôle qu’a joué l’État depuis 2009, puis à partir de 2012. « On peut souligner cette continuité de l'action de l'État. Cela se concrétise par la mission Hirtzman, sous l'égide des ministères du redressement productif et de l'écologie. Cela se concrétise aussi depuis deux ou trois mois par l'annonce le 12 septembre à l'Élysée des 34 plans industriels dont l'un est consacré à l'infrastructure de charge, piloté par le préfet Francis Vuibert. En tant que partie prenante, intéressée au succès de ces démarches, nous attendons avec beaucoup d'impatience la publication de la feuille de route de ce plan industriel, et nous sommes à la disposition du préfet Vuibert pour y contribuer ».
3. Les domaines d’intérêt du GART
Les propos de M. Pierre Serne, vice-président de la région Île-de-France et membre du conseil d’administration du GART, rendent compte des préoccupations du GART en matière de gouvernance. Quatre thèmes en ressortent : les nouveaux usages ; le gabarit des véhicules, le maillage du territoire ; la tarification du stationnement.
Pour le GART, « le type de motorisation importe moins que les usages de l'automobile. Il ne s'agit pas d'opposer des types de motorisation, mais bien de réfléchir sur les fonctionnalités que les services peuvent rendre, notamment en insistant sur l'auto-partage et le covoiturage. À titre illustratif, pour le GART, un véhicule utilisé en auto-partage équivaut à 8 véhicules particuliers évités. Une voiture écologique peut donc aussi être une voiture thermique mieux utilisée et à petit gabarit.
Le GART insiste beaucoup sur ces questions de gabarit puisque les autorités organisatrices se préoccupent de l'encombrement de la voirie et du stationnement, tout en insistant sur l'importance d'un maillage efficace d'infrastructures de charge des véhicules électriques ».
Par ailleurs, « le GART émet des réserves sur la gratuité du stationnement pour les véhicules électriques. En effet, tous les débats sur la décentralisation du stationnement, la tarification, qui intéressent beaucoup le GART, conduisent à rappeler qu'opter pour le stationnement gratuit en faveur des véhicules électriques tend à s'éloigner des objectifs, qui restent d'œuvrer en faveur du report modal. Un véhicule électrique reste un véhicule, il encombre la voirie au même titre qu'un véhicule thermique. La question de la taille et du nombre de véhicules en circulation reste aux yeux du GART un élément extrêmement prioritaire ».
4. Le rôle de la Plateforme de la Filière automobile (PFA)
La Plateforme de la Filière Automobile (PFA) vient d’être créée. Son président en est M. Michel Rollier. Pour M. Jacques Chauvet, directeur général de MOV’EO, sa gouvernance regroupe des organismes légitimes et compétents, et va lui permettre de progresser en étant le « one voice » de l’automobile.
Cette fonction est importante, car, comme le souligne M. Jacques Chauvet, le nombre d’organismes qui travaillent sur l’automobile est beaucoup trop important. « Entre les pôles, les comités techniques, les ARIA, les instituts, les chambres de commerce, les ARD (Auto Récupération Démolition), les organisations locales régionales, franchement, il y a trop de joueurs pour que la filière soit efficace ».
Son rôle est ainsi présenté par M. Bernard Million-Rousseau, directeur général de la Plateforme de la filière automobile : « C’est une instance d'échange et de concertation entre les grands acteurs de la filière automobile. Elle est constituée pour sa gouvernance de deux collèges, celui des constructeurs et celui des équipementiers-fournisseurs. Elle a évolué dans sa gouvernance en 2012 avec la création du comité technique automobile, l'un des comités de cette plateforme, et puis dans la façon dont elle est administrée, courant 2013.
Cette plateforme intègre l'amont de la filière, c'est-à-dire la partie industrielle, les équipementiers, mais non la partie aval. Nous avons de bonnes relations avec l'aval de la filière et les organisations professionnelles qui la composent, et nous n'excluons pas un troisième collège à l'avenir ».
La PFA coopère avec les pôles de compétitivité de la filière automobile, et notamment LUTB en Rhône-Alpes, le Pôle du véhicule du futur en l'Alsace-Franche-Comté, Mov’eo en Ile-de-France. Elle développe ses relations avec le monde universitaire, les laboratoires et le monde éducatif, « pour travailler notamment sur les compétences dont la filière a besoin dans le futur. Car nous l’avons vu, les nouvelles technologies arrivant, il va falloir sérieusement repenser certains programmes. Nous trouvons d'ailleurs des interlocuteurs très ouverts à ce sujet ».
Toutes les instances de la PFA « sont ouvertes à tous les acteurs de la filière qui souhaitent participer à ces travaux et qui ont de la valeur ajoutée à apporter. J'en veux pour preuve l'organisation début octobre dernier des Ateliers de la Filière Automobile, qui ont réuni pendant deux jours 700 participants, une centaine d'intervenants, et étaient ouverts à toute personne souhaitant s'intéresser aux travaux de la PFA ».
Les relations avec les pouvoirs publics sont proches : « voici deux exemples de nos relations avec nos collègues des pouvoirs publics : avec le véhicule à 2 litres aux 100, nous venons de décider en concertation avec eux, très récemment, d'avoir un point mensuel, pendant lequel nous allons expliquer l'avancement du projet. Ce point réunira nos collègues du CGI, de DGCIS et de l'ADEME ; nous avons au minimum une réunion officielle entre la gouvernance de la PFA et le cabinet du ministre du redressement productif à une fréquence au moins trimestrielle, pour faire le point sur les grands sujets qui nous préoccupent ».
5. Faudrait-il créer une nouvelle structure de dialogue et de coordination ?
C’est une question qui intéresse particulièrement M. Marc Teyssier d'Orfeuil, directeur général du Club des voitures écologiques, qui souhaite une modification de la gouvernance. Voici les principaux points de son argumentation :
« Il n'y a pas de gouvernance en matière de voitures écologiques, car il n'y a pas de lieu de débat. Très modestement le club essaie de l'être, mais ce que vous avez finalement fait avec l'OPECST est à peu près le seul lieu où l'on échange, toutes énergies confondues.
Il faut créer ce lieu au niveau national, et je ne peux que vous suggérer de le porter vous-même. Vous pouvez avoir un rôle de lieu d'incubation et de rencontres. Reste ensuite à inviter les opérateurs autour de la table. Cela n'existe pas au niveau national.
En situation locale, en complément de ce que font les régions et les départements, les AOMD seraient le bon lieu de la gouvernance. Les collectivités locales sont en train de s'organiser, mais les maires qui vont arriver n'ont pas du tout cette notion de leur rôle possible vis-à-vis de la voiture écologique.
Nous avons réussi à mettre en réseau, je m’en réjouis, les bornes électriques. 15 villes ont accepté de mettre en réseau le disque vert. C'est totalement nouveau. Celui de Bordeaux va être valable à Orléans et Alès. Cela veut dire que cette idée de transversalité, d'interopérabilité, peut se faire politiquement. Reste à ce qu'elle puisse se faire techniquement ».
Ces arguments peuvent être complétés par plusieurs interrogations, entendues lors de la cinquième audition publique : Quelles formes nouvelles de gouvernance faudrait-il mettre en place ? À quoi servirait la création d’un lieu public de débat et de préparation des décisions impliquant des acteurs multiples, indépendants et répartis sur l’ensemble du territoire ?
Comment assurer la cohabitation d’une pluralité d’acteurs nouveaux ? Comment éviter que Google soit trop puissant dans l’évolution de la mobilité, mais aussi pour ce qui concerne les liens entre énergie, transports et logement ? Quel rôle doivent jouer les autorités organisatrices de transport ? Quel doit être le rôle des élus ?
L’enjeu est d’une double nature. D’une part, il faut concourir à des décisions cohérentes de tous les acteurs concernés, ce qui implique de réfléchir à la manière de coordonner leurs réflexions et leurs décisions. D’autre part, il faut préciser la manière d’aboutir à des décisions cohérentes des communes dans le cadre de l’intercommunalité, en matière de politique de stationnement, d’horaires de livraison, d’avantages pouvant être consentis aux véhicules écologiques.
Les autorités régulatrices des transports, le GART, les pôles de compétitivité ont déjà des fonctions coordinatrices. Mais ce n’est pas suffisant face aux besoins. C’est pourquoi l’on ne peut que se réjouir de la mise en place de nouvelles structures telles que la Plateforme de la Filière automobile (PFA) et de VeDeCom dans le domaine de la recherche. Est-ce toutefois suffisant ? La question doit être posée, même si les réponses sont encore floues.
Une structure de coordination et de réflexion aurait plusieurs avantages. Elle permettrait en effet :
- d’intégrer les nouveaux acteurs de la mobilité et de gérer les problèmes de mobilités. Le contexte est en effet en train d’évoluer rapidement. Comme le souligne M. Thibaut Moura, représentant le Club des voitures écologiques, « la téléphonie, la navigation, Internet et ses communautés vont jouer un rôle de plus en plus important. Il va y avoir une perte de pouvoir des opérateurs historiques. Un opérateur pourra proposer une variété de solutions adaptée aux différentes situations et tout sera prépayé par avance, de sorte qu’il n’y ait plus qu’un interlocuteur ».
- d’améliorer, voire d’assurer la cohérence entre les choix des pouvoirs publics et celle des constructeurs.
- de préciser les tâches qui doivent être remplies et par qui. Divers schémas sont possibles, mais encore faut-il en parler. M. Marc Teyssier d’Orfeuil souligne que des solutions existent, mais qu’il faudrait faire preuve de plus de pédagogie et communiquer différemment. À titre d’exemple, certains constructeurs et notamment Nissan, proposent d’installer gratuitement des bornes dans les collectivités locales.
- de remédier à l’insuffisance de pilotage de l’action publique. Ce n’est pas forcément un problème de financement insuffisant. Des financements de l’État sont disponibles, mais sont soit sous-utilisés, soit inutilisés.
- de débattre de l’application des directives européennes, et de réfléchir aux démarches nécessaires pour que les intérêts français soient défendus au mieux auprès de la Commission européenne ; de réfléchir à la manière de payer le coût de la recharge, dans des lieux multiples.
- de mutualiser l’expérience des opérateurs, de réduire les coûts de mise en place de nouveaux services créant des lieux communs de recherche ou de production, ce qui est le cas lorsque l’innovation est la plus forte et qu’il faut absolument aboutir à des produits et des services originaux ;
Il convient de s’interroger sur le type de dialogue qu’il faut organiser. Si l’on veut mettre en place des solutions optimales, il faut tout d’abord organiser un dialogue entre plusieurs ministères, les constructeurs et les équipementiers, au-delà de ce qui existe actuellement.
Les ministères de l’écologie et du redressement productif déclarent qu’ils travaillent ensemble régulièrement. M. Stéphane Burban rappelle que « sur la règlementation, nous sommes en phase interministérielle : sur le bonus-malus, sur la règlementation euro 6. En charge des industriels, le MRP va concilier les différents points de vue industriels avec les besoins écologiques, autant que les besoins écologiques vont se concilier avec les besoins industriels. Nous sommes en communication constante sur des thèmes, car la fiscalité et la règlementation influent forcément sur le monde industriel français ».
De même, une coordination existe entre l’ADEME, les constructeurs et la Plateforme de la filière automobile comme le souligne M. Gabriel Plassat : « l'ADEME a lancé plusieurs Appels à Manifestation d'Intérêt. Nous avons retenu trois gros projets de trois grands lauréats, dont un projet de PSA sur l'hybride diésel de 75 millions, un projet de Renault sur la même technologie de 27 millions, et un troisième porté par Valéo sur les équipements liés à l'hybridation, de 36 millions d'euros.
Ces projets sont en cours, et nous sommes en train d'opérer un nouvel appel dans le cadre de la Plateforme automobile, avec certaines difficultés pour avoir une logique de filière, but normal d'une telle plateforme, puisque l'un des constructeurs, PSA, ne peut plus recevoir d'aide jusqu'en 2015. Cela rend difficile la synergie et la mise en œuvre de projets collaboratifs sur ces domaines ».
Mais est-ce suffisant pour aboutir à une combinaison optimale des solutions qui peuvent être mises en œuvre par chacun des acteurs ? L’exemple de la recharge des batteries des véhicules électriques montre bien comment il est préférable d’aboutir à une complémentarité des divers modes de recharge : sur la voirie publique, dans les parkings souterrains, dans des hypermarchés, dans les maisons individuelles et les immeubles collectifs. Comme le remarque Mme Marie Castelli, « il faut aller plus loin dans le développement des infrastructures 100 % publiques. Un Programme d'Investissement d'Avenir a été débloqué pour les collectivités territoriales. Il faut les pousser à y répondre, et trouver un système pour encourager les initiatives privées ».
Il convient enfin d’éviter des erreurs fatales : comme le souligne, M. Stéphane Burban, du ministère du redressement productif, « on ne peut pas développer des infrastructures qui ne seraient pas utilisées ou utilisables, ce serait pire. Les normes sont elles aussi en cours d'évolution, et ce serait une catastrophe de développer un véhicule qui ne serait pas adaptable sur la voirie ».
6. Comment généraliser les bonnes pratiques et s’inspirer de l’expérience cumulée de nombreuses collectivités territoriales ?
Plusieurs expériences ont été présentées lors de la cinquième publique par des élus et des fonctionnaires d’Ile de France, de Lyon, d’Alsace et de Bordeaux. Elles complètent une présentation faite lors d’une autre audition publique par un représentant d’Angoulême.
M. Pierre Serne, vice-président de la région Ile de France, en charge des transports et des mobilités, a souligné le rôle des plans de déplacement urbains, l’étendue des financements mis en place par la région, les difficultés de définition du covoiturage, le rôle du futur comité régional dédié aux questions des nouvelles mobilités urbaines et des nouveaux véhicules urbains , ainsi que la politique du STIF vis-à-vis de son parc de bus.
« C'est dans le cadre du Plan de déplacement urbain d'Ile-de-France que la question des nouveaux véhicules urbains et des nouvelles mobilités a beaucoup émergé, et cela répondait non seulement à une envie de notre part, mais aussi à une demande forte des acteurs qui s'est manifestée symboliquement par un nombre important de questions du président de la commission d'enquête publique. Il nous a même demandé de renforcer encore la partie sur les nouvelles mobilités et les nouveaux véhicules urbains dans le PDU que nous adopterons, si tout va bien, au printemps 2014.
Dans ces réflexions, faites sous forme de groupes de travail pendant toute l'année 2013, est apparue la nécessité de réfléchir non seulement sur les véhicules eux-mêmes, mais sur les usages qui en sont faits. C'est ainsi que nous avons réfléchi et écrit non seulement sur la question du recours à des carburants de substitution, le développement de nouveaux services basés sur le partage de l'usage des véhicules, l’auto-partage, la mutualisation des flottes existantes, les véhicules à haut taux d'occupation, mais aussi sur des mesures connexes et indispensables comme le stationnement modulé ou la circulation préférentielle sur voies réservées, sur les axes franciliens à haut débit. La question du gabarit des véhicules a été fortement posée, et j'y reviendrai puisque le GART insiste aussi beaucoup là-dessus ».
La région va appuyer financièrement le développement de stations de recharge en carburants de substitution, les bornes de recharge électrique, les stations de compression au gaz naturel et au biogaz. Elle va aider les PME et les TPE qui proposent des services d'auto-partage visant le grand public pour le déplacement de personnes, et les professionnels du transport de marchandises pour la logistique des derniers km.
Elle a identifié plusieurs contraintes juridiques et réglementaires, et notamment l’absence de définition légale du covoitureur. « Nous allons commencer à mettre en place des voies dédiées sur autoroute pour des véhicules prioritaires. Nous ne pouvons pas encore le faire pour le covoitureur, puisque nous manquons d'une définition légale à ce stade du covoiturage. Nous avons donc besoin du législateur sur cette question ».
Un comité régional dédié aux questions des nouvelles mobilités urbaines et des nouveaux véhicules urbains réunira, en 2014, « les industriels de la construction automobile, des opérateurs de mobilité, les responsables régionaux des transports collectifs, des organismes d'étude et de recherche, des associations d'usagers, et des professionnels du transport de marchandises ».
Il est prévu de financer des expérimentations nécessaires au déploiement des nouveaux véhicules urbains, et notamment le comptage de véhicules à haut taux d'occupation, la circulation facilitée sur des voies dédiées.
Le STIF a par ailleurs pris des premières mesures de sortie du diesel pour le parc de matériel roulant en Ile-de-France, en achetant des véhicules au gaz et hybrides, « avec comme objectif cible en 2025 la totalité du parc roulant francilien, c'est-à-dire pas loin de 10 000 bus, entièrement électriques ou biogaz ».
M. Gilles Vesco, adjoint au maire de la ville de Lyon, vice-président en charge des nouvelles mobilités du Grand Lyon a ainsi présenté l’expérience de Lyon, en insistant sur une gouvernance intégrée de la mobilité, le rôle de levier du territoire et les rapports nécessaires entre public et privé.
« À Lyon, nous tâchons d'avoir une gouvernance de la mobilité très intégrée. La création de la métropole de Lyon va y concourir en plus. Si nous nous retrouvons dans cette situation où le président du Grand Lyon et de la future métropole au premier janvier 2015 est le même que le maire de Lyon, avec l'absorption de la voirie du Conseil général, car cette métropole englobe les compétences du Conseil général sur son territoire, nous aurons la gestion intégrée de la voierie, des transports en commun, de toute la mobilité alternative, type Vélo’V, Bluely, réplique de Autolib' comme vous le savez, les plateformes de covoiturage, et les transports en commun ».
Cette intégration de la gouvernance, nécessaire, sera facilitée par l’absorption par le syndicat du SYTRAL du syndicat des transports du Rhône.
100 bornes grand public de recharge vont être mises en place, une par station Bluely, en surface. 70 bornes électriques existent déjà chez les stationnaires en ouvrage. Le plan IRVE Grand Lyon prévoit qu'il y ait au moins une borne de recharge par commune, à due proportion de la population.
Cette intégration sera suivie par une intégration des cartes de transport. Il existe une mission « pass' urbain ». Il est déjà possible de décrocher un VeloV’ avec une carte de transport en commun ou Bluely. Un tel système est le début d’une démarche d’intégration des cartes de paiement.
Pour M. Vesco, le territoire a servi de levier pour plusieurs accords : entre Renault et Bolloré sur le Twizy, entre la CNR et Bolloré pour « avoir du vert dans les bornes de recharge », entre la CNR et Renault. Le territoire a permis un dialogue entre plusieurs acteurs, et notamment JC Decaux et Bolloré sur des offres de tarification croisées. Il est ainsi « une plateforme d'intermédiation entre ces fleurons de l'économie française qui prennent des risques sur l'avenir et sur notre territoire ».
Dans un tel schéma, « le rapport avec le privé est nécessairement intégré. Pas de VéloV' sans Decaux ; pas de Bluecar sans Bolloré ; pas d'Optimod’, cette centrale de mobilité, ce GPS multimodal, ce navigateur, intégré dans la centrale de mobilité Onlymoov’ lyonnaise, qui comprendra également un prédicteur de trafic à une heure, sans IBM ; pas de transport en commun sans Keolis ; et pas de Sun moov, un autre système en boucle d'auto-partage à la Confluence, quartier-EcoCité, sans Transdev, sans le projet NEDO.
Nous devons donc nous acculturer à des modes de fonctionnement nouveaux, qui demandent un changement de gouvernance, tout en rappelant le point de vue de l'usager, qui paradoxalement n'est pas le premier venant à l'esprit de ces grands opérateurs privés.
Plus en amont, dans le temps où l'on doit intégrer cette gouvernance, il faut prendre en compte le fait que cette ville intelligente, servicielle, est aussi celle du partage de l'intelligence.
Une intelligence collective se matérialise par ces plateformes de médiation que sont VéloV', Bluely, et cela change le rapport de l'individuel au collectif. Ces plateformes de médiation ne sont pas des lieux où le maire gèrerait sa ville à la vue et à la voix, mais au contraire font que la somme des intérêts individuels concourt à l'intérêt collectif ».
La situation en Alsace a été présentée par MM. Pascal Mangin, conseiller régional d'Alsace et président de l'observatoire régional des transports et de la logistique d’Alsace (ORTAL) et Jean-Philippe Cali, directeur de la mobilité du département du Bas-Rhin. M. Mangin a principalement insisté sur ce qu’attendent les collectivités territoriales du législateur, M. Jean-Philippe Cali sur les besoins de coordination.
M. Pascal Mangin a rappelé l’existence en Alsace d’une coordination des autorités organisatrices de transport, faisant travailler ensemble dix autorités. Une plateforme, Vialsace, est le résultat de ces travaux.
Pour M. Mangin, « les questions de nouvelles mobilités seront mieux traitées si le législateur, dans sa loi sur l'affirmation des métropoles, met en place de vraies autorités organisatrices de la mobilité urbaine, s'il fait des métropoles une vraie autorité organisatrice pour permettre une meilleure intégration, et non simplement le traitement de la question du transport.
De quoi pourrions-nous avoir besoin ? La question des données est importante. Elle doit être libérée de manière massive. Il faut éviter que les entreprises intervenant sur les secteurs et aires de transport ne puissent les conserver sans les partager.
Nous pensons qu'il faut favoriser la prise en compte de cette question de mobilité dans l'ensemble des systèmes existants, en particulier les schémas de cohérence territorial, les SCOT. Dans le milieu périurbain, voire rural cette question pourrait être mieux traitée. Nous avons tous beaucoup débattu ce matin de la ville, c'est plus facile, mais la question du rural et du périurbain mérite d'être traitée.
Il est également important que le législateur s'intéresse à tous les rapports entre les autorités, et entre l'État et les collectivités territoriales, pour non pas simplement désigner des chefs de file, mais organiser les compétences, qu'elles puissent ensuite être mises en œuvre. Il y a aujourd'hui trop de lieux où la mobilité tombe entre des interstices, et finalement plus personne ne s'y intéresse, et pas uniquement pour des questions de rentabilité ».
L’Alsace travaille par ailleurs sur l'idée d'une carte orange régionale. « Cela pose de nombreux problèmes, et je crois qu'un peu d'aide de la part du législateur pourrait faciliter la décision concernant les nouvelles mobilités ».
M. Jean-Philippe Cali a développé le thème de la coordination entre les différentes collectivités, régionale, départementales et communales.
En matière de covoiturage, « chaque collectivité se lance dans ce dossier, car c'est un projet porteur, qui fonctionne bien. Nous avons des sites de mise en relation, des parkings qui se créent, mais par contre il n'y a pas de collectivité chef de file. Nous, département, nous nous saisissons de ce dossier. La région est présente via notamment la plateforme Vialsace qui souhaite intégrer le covoiturage dans son bouquet de solutions. Les communautés de communes ou les communes se saisissent aussi de ce dossier. Il y a un problème de coordination entre les différentes collectivités sur ce sujet, qui n'est pas anodin. Le covoiturage ne représente que 5 à 10 % des usages. Mais les usages évoluent, et c'est vraiment un dossier d'actualité, qui viendra à s'étendre ».
En ce qui concerne les moyens d’identification et de paiement, un débat existe sur une carte orange : « les 10 AOT ne souhaitent pas forcément avoir une billettique ou une tarification commune. On ne sait pas exactement quelle collectivité veut quoi, si Mulhouse souhaite avoir la même chose que la communauté urbaine de Strasbourg. Les départements sont-ils d'accord ? Il y a liberté tarifaire des régions par rapport à la SNCF… Tout cela fait que sur ce dossier, nous ne sommes pas forcément en ordre de bataille pour définir une tarification adaptée pour nos usagers, c'est-à-dire un usager venant d'une commune périurbaine, qui souhaite via un tarif combiné aller dans l'urbain.
Voilà deux exemples pour montrer qu'en termes de coordination, il y a encore des efforts à faire de la part des collectivités, dans un souci de lisibilité de l'usager. C'est le cœur du sujet, pour l'usager qui se demande où il doit prendre son titre, et ce qu’il doit faire pour chaque démarche ? ».
M. Jean-Philippe Gardère, directeur des espaces publics de la ville de Bordeaux, a insisté sur les modes de déplacement alternatifs, la mise en place de bornes électriques, les moyens d’identification, et les avantages consentis aux véhicules écologiques.
« A la ville de Bordeaux, le maire avait plutôt idée de travailler sur la mobilité, sur la réduction de la voiture, quel que soit le mode de déplacement. C'est une politique qui a été menée à bien, puisqu'on est passé à un taux de motorisation en centre-ville de 1,2 à 0,6 véhicule par ménage.
Nous sommes partis non pas seulement en restreignant, mais aussi en favorisant des modes de déplacement alternatifs. Le premier est la marche. On n'en parle pas beaucoup, mais la marche à pied est un mode de déplacement majoritaire dans les centres des villes, et notamment dans le centre de Bordeaux. Nous avons travaillé sur le vélo. Bordeaux est la ville-centre d'une communauté urbaine. Nous ne sommes pas du tout intégrés comme à Lyon, nous avons des services séparés, mais nous travaillons en coordination, car nous sommes obligés, de toute manière, d'aller dans le même sens.
Nous avons à la fois des vélos en libre-service, une maison du vélo, avec 3 000 vélos que l'on prête à des bordelais, dont le nouveau Pibal. Nous avons décidé de réinventer le vélo. Nous avons demandé aux bordelais les qualités qui pour eux feraient le vélo de l'avenir, et nous avons demandé à Stark de le dessiner. Nous avons aujourd'hui un vélo, le Pibal, du nom de l'alevin de l'anguille, pour ceux qui ne sont pas bordelais. Il fait à la fois vélo et trottinette. Il permet de se déplacer dans les voies piétonnes, et surtout dans les voies en contrôle d'accès de la ville. En effet pour restreindre l'accès à la voiture en centre-ville, nous avons une centaine de bornes. Seuls les habitants du quartier peuvent pénétrer en voiture dans le centre-ville. La plupart de ces voies sont donc devenues semi-piétonnes. Cela aussi nous a permis de réduire le taux de motorisation.
Nous avons aussi beaucoup travaillé sur le véhicule électrique, en intégration avec la communauté urbaine, financés par ÉcoCités. Mais nous avons essayé d'aller plus vite, sans attendre le résultat de toutes les missions, de l'étude de généralisation des bornes de recharge électrique, que lançait la communauté urbaine.
Nous avons répondu à l'appel de Bolloré. Nous avons immédiatement lancé un programme de mise en place de bornes électriques. Nous installons, pour inauguration début janvier, 200 places de véhicules en auto-partage électrique, donc 200 bornes, 400 à la fin de l'année 2014. Et nous avons en même temps installé 5 bornes de recharge rapide gratuite, car Bolloré offrait les bornes de recharge lente. Nous offrons le service aux usagers de la voiture électrique. Nous en installerons une trentaine sur la ville.
Ce sont des bornes plutôt innovantes, car au lieu de se relier à du 43 kilovoltampères (KVA), elles le sont à un compteur domestique, et équipées de batteries. Cela nous permet d'économiser en frais de génie civil, et d'écrêter le pic. Les batteries de la borne se chargent en heures creuses, pour débiter en heures pleines. Disposées sur voie publique, ces bornes ne génèrent que peu de travaux, et ne surchargent pas le réseau EDF.
Pour essayer d'apporter aux études que lance la communauté urbaine, et que peuvent lancer l'État, nous allons installer un système de supervision de ces bornes. Même si elles sont gratuites, l'usager est obligé de s'identifier, ce qui nous permettra de connaître le taux d'utilisation, la fréquence de retour des mêmes usagers, et d’essayer de constituer des statistiques pour savoir où les installer et en quel nombre.
L'usager s'identifie par le biais d'un SMS. Il a un code, et doit rentrer son code à chaque fois qu'il utilise une borne. Mais tout un chacun qui arrive par exemple de Paris en voiture électrique, parce qu'il a un peu le temps, ou de n'importe ville de la communauté urbaine de Bordeaux, ou de l'Aquitaine, peut à tout moment se recharger en utilisant n'importe quelle carte RFID, une carte bancaire par exemple. Elle n'est pas débitée, mais elle permet de débloquer le service. Cela nous permettra de savoir combien viennent de l'extérieur.
Ce sont des bornes de réassurance pour les gens qui viennent de l'extérieur. Nous leur disons de venir en voiture électrique, s’ils ne viennent pas en bus, car nous privilégions le bus, et ils trouveront à se recharger en ville. Cela sert aussi aux bordelais qui achèteraient des véhicules électriques pour pouvoir se recharger dans leur ville. En effet, nous avons très peu d'immeubles avec des parkings souterrains, ce sont des très vieux immeubles. Donc tous les gens du centre-ville pourraient être privés de voiture électrique si nous ne leur offrions pas une borne de recharge rapide.
Nous avons également privilégié le stationnement. Nous avons le disque vert depuis déjà quelques années : donc une heure et demie de stationnement gratuit pour les véhicules électriques. Ce n'est pas la gratuité complète, un certain temps seulement, pour permettre aux visiteurs d'avoir un avantage et de stationner en centre-ville ».
À Angoulême, l’auto-partage de véhicules électriques est organisé par Cofely Inéo. Comme l’indique M. Guillaume Delmas, son directeur délégué, chargé des Nouvelles Mobilités et Smart Grids, cette société vient d’inaugurer, avec France-Autopartage, le premier service d’auto-partage régional de véhicules électriques en Poitou-Charentes. Elle est également opérateur du service du Grand Angoulême. Dans les deux cas, son intervention découle d’un marché de services classique. En Poitou-Charentes, elle fournit également un service de recharge des véhicules électriques sur la voie publique.
M. Delmas souligne les difficultés à surmonter, car il n’est pas toujours possible d’accéder aux bornes de recharge. « Il faudrait posséder une multitude de cartes spécifiques pour pouvoir recharger son véhicule ! Ainsi, il n’est pas possible de recharger à La Rochelle une voiture électrique que l’on a prise à Saintes.
Le simple référencement des bornes de recharge est déjà une gageure. Nous devrions pourtant offrir à l’acquéreur d’un véhicule électrique une cartographie des bornes et une information sur leur disponibilité en temps réel. Notre entreprise travaille à la conception d’une telle offre à l’échelle de la région dans un premier temps, puis, dans un second temps, sur tout le territoire national.
Afin de remédier à la fragmentation des réseaux, certains opérateurs, dont nous sommes, réfléchissent à des dispositifs de compensation permettant à un conducteur d’avoir accès à l’ensemble des infrastructures, quel que soit le support d’accès. Tant que l’interopérabilité ne sera pas une réalité, que chaque collectivité conservera son propre support d’accès, sa grille tarifaire et sa réglementation, le transport multimodal ne pourra pas être déployé à grande échelle ».
DEUXIÈME PARTIE :
L’ÉVOLUTION DU VÉHICULE, CONSÉQUENCE DE L’ÉVOLUTION DE LA MOBILITÉ
Quelles finalités poursuivre ? Quels objectifs rechercher ? Comment concevoir les véhicules de demain à partir des évolutions présentes et souhaitées ? Comment répondre aux besoins de mobilité en répondant aux enjeux exposés dans la première partie de cette étude ?
Pour répondre à ces questions, il faut tout à la fois décliner les conséquences d’une approche globale de la mobilité ; tenir compte des solutions nationales et européennes permettant de répondre aux contraintes environnementales et sanitaires ; se demander si l’organisation actuelle de la filière automobile permet de répondre aux évolutions actuelles, envisagées et souhaitées de la mobilité et du véhicule ; prendre en considération les perspectives techniques ; envisager les conséquences des nouvelles techniques de communication et des nouveaux services.
I. LA PALETTE DES SOLUTIONS TECHNIQUES S’EST ELARGIE, CE QUI PERMET DE PENSER DIFFEREMMENT LE VEHICULE
Plusieurs types de moteurs peuvent en effet être utilisés pour propulser une voiture : thermiques, électriques, à gaz liquéfié ou naturel, à air comprimé, à hydrogène, notamment. Tous n’ont pas les mêmes performances. Les moteurs thermiques sont actuellement les plus utilisés, mais leurs inconvénients conduisent à une accélération de la recherche sur les autres solutions possibles. Plusieurs carburants sont disponibles. Leurs avantages et leurs inconvénients diffèrent également.
Une comparaison s’impose entre les diverses techniques, leurs performances, leur niveau de développement, leur impact sur la pollution et la santé humaine, leur fiabilité.
A. PLUSIEURS TYPES DE MOTORISATION SONT OU SERONT PROCHAINEMENT DISPONIBLES POUR LE GRAND PUBLIC
1. Les motorisations thermiques classiques conserveront une place importante, mais elles devront s’adapter
Les moteurs thermiques classiques (à essence ou diesel) resteront probablement dominants à court et moyen terme. À échéance plus lointaine, ils seront associés à d’autres types de moteurs et permettront le développement des véhicules hybrides. Des progrès technologiques devraient permettre d’ici 2020 une forte réduction de la consommation d’essence. L’objectif affiché et encouragé du véhicule à 2 litres aux 100 kilomètres va dans ce sens. Corrélativement, la production de CO2 pour les moteurs à essence et diesel, de NOx et éventuellement de particules fines pour les moteurs diesel devrait diminuer de manière significative ; il serait toutefois intéressant de disposer d’éléments plus précis à ce sujet de la part des constructeurs.
Des améliorations pourront par ailleurs être apportées aux véhicules existants, en sachant que le parc ne se renouvelle que lentement et que la part du diesel est très importante (80 % des véhicules neufs sur le marché français sont des diesels).
Les véhicules thermiques ne disparaîtront pas rapidement. Ils ont même un avenir pour Jean Syrota pour peu qu’ils fassent des progrès. « Il est plausible d’envisager que la consommation du carburant actuel soit réduite de moitié. On a aujourd’hui des véhicules dont les performances ne servent à rien, mais qui entraînent une surconsommation de carburant : à titre d’exemple, on peut remarquer qu’entre l’option la plus puissante et la moins puissante de la Peugeot 407, la vitesse de pointe varie de 20 % (de 230 km/h contre 192 km/h), mais la consommation en ville est de 72 % plus élevée, contre 58 % sur route et autoroute. Il en est de même pour la BMW série 3.
On pourrait réduire la consommation en réduisant la puissance maximum et en intervenant sur d’autres facteurs : les moteurs, les autres éléments du véhicule, l’aide à la conduite et le comportement du conducteur ».
Des améliorations sont également possibles grâce au stop and start (en tous cas en ce qui concerne les véhicules essence, les résultats étant au contraire négatifs pour les véhicules diesel) et à la récupération de l’énergie de freinage. « C’est un début. L’hybride aura une autonomie de 20 à 40 km en électrique. Il n’y aura pas de miracle d’ici 2030 ».
Le véhicule thermique n’est pas condamné car « le carburant actuel est le plus efficace, tant en termes de densité que de transfert d’énergie : la pompe à essence produit 500 fois plus d’énergie qu’une batterie. Tous les véhicules qui ne fonctionnent pas à l’essence nécessitent la mise en place d’infrastructures ».
Il y a des perspectives intéressantes d’évolution des véhicules thermiques : Les améliorations qui peuvent être faites sur le moteur d’une voiture classique, à combustion interne, associé à l’électricité à travers les véhicules hybrides, peuvent faire aussi bien, sinon mieux, que le tout électrique. Tout dépend du mix CO2 de l’électricité, comme le rappelle M. Charles Raux, directeur du Laboratoire d’économie des transports (CNRS, Université de Lyon).
2. Le véhicule électrique actuellement disponible devra évoluer
a. Les perspectives de développement des véhicules électriques sont importantes, du fait de leurs avantages en matière de pollution et d’impact sur les comptes extérieurs
— Les moteurs électriques peuvent connaître un développement rapide, qu’ils se suffisent à eux-mêmes ou qu’ils fassent partie de solutions hybrides. Renault estime ainsi qu’il va falloir électrifier les moteurs thermiques qui vont faire par ailleurs des progrès très importants en termes de CO2 et de consommation. Cela permettrait aux moteurs électriques de représenter, en 2020, 5 à 20 % du parc selon les solutions retenues.
Le choix d’une composante électrique est maintenant fait par tous les constructeurs. Ce ne fut pas toujours le cas dans le passé, comme le montre l’exemple de Peugeot qui ne l’a reprise qu’en 2008, après huit ans d’arrêt.
Leur développement sera favorisé par l’auto-partage et l’auto en libre-service, du fait du comportement de leurs utilisateurs qui peuvent vouloir montrer qu’ils s’intéressent aussi à l’environnement. Comme l’ont souligné plusieurs interlocuteurs, ce passage par un véhicule partagé électrique peut sensibiliser l’utilisateur à la pertinence et l’efficience d’une telle solution.
Leur usage pourrait changer rapidement la physionomie du secteur des transports. Sa généralisation dépend cependant encore des progrès techniques qui garantiront une plus grande autonomie aux batteries et diminueront le temps nécessaire à leur recharge, facteurs eux-mêmes dépendants de la plus ou moins grande sobriété des véhicules.
Les prévisions de l’ADEME pour 2050 laissent entrevoir que les véhicules électriques représenteraient en France à cette date un tiers de l’ensemble des véhicules. L’électricité fournirait alors un tiers du mix énergétique dans les transports.
— Leur impact environnemental est mis en avant pour expliquer l’intérêt de ce genre de véhicule. Mais cet impact environnemental est relatif.
Il est très différent selon la manière dont l’électricité est produite : à partir du charbon, du pétrole ou du gaz, à partir de l’énergie nucléaire, à partir d’énergies renouvelables telles l’énergie éolienne, solaire, hydraulique ou marine. Comme le remarque François Bellanger, prospectiviste, directeur de Transit City, « il faut bien distinguer véhicule électrique et véhicule écologique. L’électricité n’est pas en soi-même une solution miracle. Le véhicule électrique n’est « propre » que si la manière dont l’électricité a été produite est peu polluante ».
Jean Syrota abonde dans ce sens en remarquant que « les avantages du véhicule électrique en termes d’émissions de CO2 ne sont pas universels : certes, il ne consomme pas de pétrole et ne produit pas de CO2, mais il convient de nuancer ce propos, car pour fabriquer des batteries, il faut des quantités très importantes d’électricité : 250 kW d’électricité sont en effet nécessaires pour fabriquer un kW de capacité de batterie.
Les émissions de CO2 dépendent du pays de fabrication des batteries et du pays d’utilisation du véhicule. En France, on arrive à une émission de 66 g de CO2 par km, contre 134 g en Allemagne, 210 g en Chine (où l’électricité est faite à partir du charbon) et en Israël, et 250 g en Inde et en Australie. L’équivalent est de 100 g pour un véhicule thermique. »
« On peut imaginer des contraintes pour diminuer la pollution et favoriser la circulation en utilisant l’électricité. C’est certes possible. Mais alors, c’est le véhicule hybride qui gagnera, car il sera encore disponible pour aller sur la route. Il y a certes des flottes captives, l’auto-partage, le deuxième véhicule, des originaux. Mais ce sera un marché de niches ».
— Leur impact sur les comptes extérieurs est dû essentiellement à la réduction des importations d’hydrocarbures. Il dépend cependant aussi des importations de batteries et de l’utilisation des terres rares.
— L’impact global est donc complexe :
L’impact des hydrocarbures sur le déficit de la balance commerciale française est considérable, puisque 98 % du pétrole et 96 % du gaz que nous utilisons sont importés. La facture énergétique atteint 69 milliards d’euros en 2012. Comme le souligne l’ADEME, le secteur des transports représente en France 35 % de la consommation totale d’énergie et 60 % des produits pétroliers qui y sont consommés, tandis que l’automobile représente 57 % du bilan énergétique du transport urbain. Par ailleurs, le diesel entraîne une forte dépendance à l’égard de la Russie, producteur important de gazole.
Le développement des véhicules électriques pourrait être néanmoins une dépendance quasi absolue vis-à-vis de la Chine du fait de la rareté des composants nécessaires pour produire en masse de nouvelles batteries.
b. Plusieurs véhicules sont déjà disponibles sur le marché
AVERE France a établi la liste des véhicules électriques légers utilitaires actuellement disponibles.
véhicules électriques légers utilitaires
Ê Sur le marché fin 2013
Constructeur |
Modèle |
Aixam Méga |
La gamme e-Worker : |
Alkè |
La gamme XT |
Brandt Motors |
|
Courb |
|
GGT Electric |
|
Goupil |
|
Gruau |
|
JV Andruet |
|
Ligier Professionnal |
|
Mercedes |
Vito E-CELL |
Nev |
|
Piaggio |
Porter électrique |
PVI |
|
Renault |
|
Renault Trucks |
Maxity électrique |
Simplycity |
Benne Basculante Pick Up |
Smith Electric |
|
Tam Tam |
Ê Les sorties 2014
Constructeur |
Modèle |
Citroën |
|
Nissan |
|
Peugeot |
Partner électrique |
Ê En préparation, date de sortie inconnue
Constructeur |
Modèle |
Volkswagen |
Source : AVERE France.
c. Des solutions peuvent être trouvées pour permettre le développement de la mobilité électrique
AVERE France a dressé une liste des freins à ce développement et des solutions envisageables.
Freins et solutions au développement de la mobilité électrique en France
Enjeu |
Frein |
Solutions envisageables |
Déploiement des infrastructures 100% publiques |
Complexité de mise en oeuvre du dispositif d'aide au déploiement d'infrastructures de recharge géré par l’Ademe |
- Simplification de la procédure de réponse exigée par le CGI - Simplification de la procédure Ademe (niveau de détail exigé) - Création d’un autre dispositif de financement pour les petits projets |
Frilosité des collectivités qui se sentent un peu perdues face à la complexité du sujet |
Campagne de communication à mettre en œuvre (ex : tour des régions Avere-France) | |
Attentes en matière de stabilisation des standards |
- Prise de décision dans les meilleurs délais - Prévoir le financement du retrofit en France | |
Impossibilité de recensement exhaustif des IRVE |
Rendre la communication des bornes obligatoire | |
Faiblesse des moyens de la mission Hirtzman Incertitudes sur son avenir |
- Augmentation des moyens, notamment humains - Pérennisation de la mission : Création d’une Task Force sur le modèle fibre optique | |
Dispositif actuel ne permet pas de faire de la DSP |
Extension du dispositif au privé via le dispositif SIEG | |
Déploiement des infrastructures privées accessibles au public (parkings privés, parkings de supermarchés, hôtels, stations-services…) |
Aucune aide ou aucun financement |
Rendre les IRVE éligibles aux CEE (plafonner le nb afin d’éviter un détournement par les obligés) |
Déploiement des IRVE dans Les parkings souterrains |
Mesures de sécurité extrême-ment contraignante, couteuses et instables |
- Reprise de la consultation ministérielle (conseil sécurité civile) afin de stabiliser le cahier des charges puis bilan en janvier 2015 (attention à se focaliser sur les accidents durant la charge uniquement) - Aides financières (CEE) - Label « parkings verts » |
Déploiement infrastructures 100 % privées - habitat collectif |
Complexité de la mise en œuvre du droit à la prise |
- Donner le pouvoir de validation au président du conseil syndical (modif loi 1965 sur copropriétés) ; - Anticiper la date d'application du décret ; - Inclure les parkings extérieurs dans le champ d'application ; - Rédiger un document pédago-gique validé par les services de l’état, expliquant la démarche, destiné aux copropriétaires et aux syndics ; - Inclure professionnels dans les parties prenantes consultées par la DGALN pour la suite des réflexions autour de ce texte. |
Déploiement infrastructures 100 % habitat collectif et immeubles tertiaires |
Investissements parfois lourds |
- Aides financières (CEE) - Dilution d’une partie des travaux dans les charges de l’immeuble - Crédits d’impôt |
Soutien du marché des VE particuliers et utilitaires dans sa phase de démarrage |
Prix d’achat des VE et VH par rapport au thermique |
Maintien du Bonus tant que les constructeurs ne feront pas d’économies d’échelles suffi-santes |
Blocage psychologique sur l’autonomie |
Maillage de la voirie en IRVE efficace (bornes de charge rapides sur les trajets intercités, charge semi accélérée dans lieux accessibles au public, normale dans parkings relais…) | |
Peur de la nouveauté, dédain |
Mise en place de mesures incitatives au plan local : - Stationnement gratuit (prévoir une vignette de reconnaissance des VE afin de les distinguer) - Utilisation des couloirs de bus - Places réservées (prévoir une modification du code de la route) | |
Campagne de communication sur le plaisir « responsable » de conduire un VE | ||
Pédagogie | ||
Développement du marché des Véhicules électriques légers |
Sur les autoroutes (même urbaines limitées à 70 km/h), les quadricycles sont interdits. Sur les « routes express », les véhicules autorisés ou non sont listés dans chaque décret ou arrêté préfectoral |
Autoriser les quadricycles lourds (vont à 110 km/h) homologués à circuler partout |
Pas d’incitations particulières à l’usage |
Prise en compte de la faible emprise de ce type de véhicule sur l’espace public dans le coût et la règlementation du station-nement | |
Prix |
Rétablir une aide (Ademe, municipalités ou dans le cadre du Bonus) | |
Développement du marché des VAE (18) |
Prix |
Inciter les municipalités à proposer une subvention (modèle de la Ville de Paris) |
Vulnérabilité des vélos |
Prévoir des aires de stationnement sécurisées pour les vélos | |
Développement des transports en commun électriques et hybrides |
Coût élevé des véhicules et infrastructures |
Inciter les élus à faire le choix politique d’investir dans l’électrique (quel moyen ?) |
Développer la logistique du dernier km électrique |
Coût élevé des véhicules et infrastructures |
Mettre en place des mesures incitatives au plan local : - Horaires et possibilités de livraison aménagés - Création de plateformes logistiques aux abords des agglomérations - Exonérer les poids lourds électriques de la taxe transport de marchandises - Développer les IRVE adaptées dans les centres urbains |
d. De manière plus spécifique, les batteries devront permettre plus d’autonomie
Pour M. Jean Syrota, consultant, ancien président de la Commission de régulation de l’énergie, « Le développement du véhicule électrique est freiné par l’insuffisance de son autonomie. Dans la pratique, elle atteint le plus souvent entre 60 et 80 kms, distance qui n’est pas dépassée par 70 % des conducteurs. Beaucoup de facteurs peuvent l’influencer : la vitesse, le chauffage et la climatisation (notamment dans les embouteillages), les accessoires, le vent contraire, la pente.
Les incertitudes sur la batterie portent sur sa durée de vie qui a un impact sur son équilibre économique (la batterie représente la moitié du prix du véhicule ; or pour avoir un marché important, il faut un produit beaucoup moins cher) ; sur sa sécurité ; sur l’infrastructure de recharge à créer ; sur la durée de recharge (6 à 8 heures sur une prise de 220 volts, plus si la prise n’est pas aux normes). Les avantages sont collectifs, mais les inconvénients individuels. Le branchement n’est pas agréable et il faut avoir une prise, ce qui pose des problèmes dans les immeubles collectifs. On dit actuellement que les batteries dureront 8 ans, mais on n’en sait rien.
On pourrait normaliser les bornes de recharge pour 220 volts et les bornes de recharge rapides (30 minutes). Mais ce type de borne baisse la durée de vie des batteries, et n’est pas normalisé en France. Les bornes doivent-elles fonctionner au courant alternatif ou continu ? Quelle doit être leur tension ? Les constructeurs ne sont pas d’accord. »
Comment pourrait-on organiser la recharge des batteries électriques de manière satisfaisante, sinon optimale ? Les solutions actuelles sont insuffisantes, même si leur diversité augmente avec l’utilisation de prises beaucoup plus chères mais qui permettent une réduction significative du temps de recharge.
L’évolution des batteries a certes déjà commencé : les batteries au plomb sont remplacées dans les véhicules électriques soit par des batteries Lithium-ion (dans la plupart des cas), soit par des batteries Lithium Métal Polymère (solution retenue par le groupe Bolloré pour Autolib’). Ces différents types de batteries ont été décrits dans un rapport du Centre d’analyse stratégique (le CAS) sur « la voiture de demain : carburants et électricité », élaboré par MM. Jean Syrota, Philippe Hirtzman et Mme Dominique Auverlot. Ce rapport a été publié par la Documentation française en 2011.
M. Laurent Antoni, chef du département de l’électricité et de l’hydrogène pour les transports au CEA LITEN, souligne que l’autonomie du véhicule a été doublée en passant de la technologie nickel cadmium des années 90 à la technologie lithium, pour une capacité identique des packs batterie.
La problématique est clairement définie : la batterie la plus sophistiquée n’est pas en soi la meilleure. Cette dernière devra combiner performances techniques, sûreté, autonomie acceptable, coût abordable et devra pouvoir être rechargée facilement dans des réseaux suffisamment développés. Elle devra aussi être choisie par suffisamment de constructeurs pour assurer son avenir économique.
L’utilisation de la batterie pourrait elle-même évoluer. Le CEA voit dans les batteries de véhicules électriques un maillon contribuant au stockage général de l’énergie. Comme l’indique Laurent Antoni, « le véhicule électrique est une réserve d’énergie disponible, quand il ne roule pas. Ceci permet de faire le lien avec les besoins en électricité du réseau dans le cadre d’un smart grid ou d’une maison, dans le cadre d’un smart house ».
e. Une approche différente, plus volontariste est nécessaire : L’installation et la multiplication des bornes de recharge est une condition indispensable à leur diffusion sur une large échelle
- On constate un décalage réel, préoccupant, entre la montée en puissance de la production de véhicules électriques et le déploiement des bornes de recharge.
M. Marc Teyssier d’Orfeuil s’inquiète du fait que des choix ont été faits mais qu’ils n’ont pas été suivis de l’installation des infrastructures nécessaires. Il indique qu’au Japon, l’augmentation du nombre de ventes de voitures électriques est proportionnel au nombre de bornes installés sur le territoire. Il constate que depuis deux gouvernements, le choix s’est porté sur l’électrique mais que l’action de l’État est en panne sur les bornes de recharge. Il redoute que dans un an et demi il n’y en ait pas suffisamment, et que l’option du véhicule électrique soit un échec. Il insiste sur le fait qu’aucune borne de recharge n’est installée dans les ministères alors que les élus nationaux devraient montrer l’exemple afin d’inciter les élus locaux à installer les bornes de recharge dans leur collectivité. Il faut qu’il y ait un vrai travail de communication. M. Teyssier d’Orfeuil propose la création d’une fondation d’entreprise pour le déploiement des infrastructures de recharge pour accélérer la mise en place des bornes de recharge.
Il estime également que les élus se doivent de travailler sur toutes les solutions disponibles : GPL, GNV, E85 et hybride. Il est en effet stratégique d’élaborer un bouquet énergétique pour ne pas « mettre tous ses œufs dans le même panier ».
- Les difficultés sont bien identifiées, même s’il s’agit souvent davantage de réassurer le conducteur que d’apporter une réponse à l’insuffisance de l’autonomie du véhicule :
Leur mise en place est trop lente, alors que les freins techniques à leur développement ont été résolus.
Dans les copropriétés, leur déploiement peut être long, car il dépend pour l’instant d’une décision de l’assemblée générale des copropriétaires. Ce problème peut être résolu. Les propositions faites dans ce but par M. John Honoré ont été présentées ci-dessus lors de l’examen de la pertinence des réglementations actuelles. Mais il faut aussi trouver des solutions à la prise en charge des frais directs (pose d’une borne ou d’une prise) et à celle des coûts induits s’il apparaît qu’il faut renforcer l’installation électrique du bâtiment, voire le réseau.
Sur la voie publique, se posent principalement trois problèmes : la localisation des bornes de branchement, la prise en charge de leur financement, l’interopérabilité des prises.
- Le développement des batteries est ralenti par le décalage entre la solution préconisée par la France et la norme finalement décidée par l’Union européenne
La Commission européenne a défini le type de prise qui doit être utilisé lors de la recharge des batteries : les prises de type 2 alors que la France avait misé sur les prises de type 3.
- Une typologie des besoins est là aussi intéressante. Les situations sont en effet nombreuses : il faut prendre en compte les véhicules particuliers, mais aussi les véhicules professionnels ; la recharge en parking public ou privé, dans un HLM, dans un immeuble en copropriété, et dans une maison individuelle.
Les flottes d’entreprises sont intéressantes car des solutions concrètes peuvent être trouvées plus rapidement.
- Diverses propositions sont faites :
Des expériences évoquées lors des Rencontres internationales du véhicule écologique (RIVE) d’octobre 2012 méritent d’être étudiées de près, qu’il s’agisse de la création de nouvelles relations entre secteurs public et privé pour faciliter l’accès aux bornes de recharge, de l’utilisation des places de stationnement libérées la nuit pour recharger les batteries, de l’utilisation des parkings professionnels pour charger les batteries des employés pendant la journée, ou de l’implantation sur la voie publique de bornes de recharge.
L’équipement d’un parking public peut aussi être une façon de déployer plus rapidement un nombre de points de charge.
f. La création récente de GIREVE
GIREVE, créée le 12 juillet dernier, est une société qui a pour objectif de faciliter l’usage des bornes de recharge électrique d’accès public, en les rendant visibles, accessibles et interopérables pour tous les utilisateurs.
Son objectif est de favoriser le développement de la voiture électrique notamment en constituant une plateforme commune de gestion des données, afin de faciliter la localisation des bornes par GPS, Smartphone ou Internet. Son objectif est également d’indiquer si une borne sera disponible et d’offrir la possibilité de la réserver ou de payer la recharge même quand la borne n’est pas exploitée par l’opérateur habituel de l’utilisateur.
Cette société a été créée par la Caisse des dépôts, Renault, EDF, ErDF et la Compagnie nationale du Rhône (GDF-Suez).
M. Bruno Lebrun, président de GIREVE, en a présenté les finalités lors de l’audition publique du 5 décembre 2013 : « GIREVE qui signifie Groupement pour l'Itinérance de la Recharge Électrique des Véhicules a été créé dans l'objectif de promouvoir les services autour de la mobilité électrique et la coordination des acteurs.
L'itinérance en général est la faculté de l'abonné d'un opérateur d'utiliser la capacité d'un autre opérateur au fur et à mesure de ses déplacements, pour la recharge électrique spécifiquement. Du fait de la nécessité de brancher le véhicule à fréquence très régulière, l'idée est que l'on assure à l'utilisateur la capacité de se recharger dans toute condition et à tout moment, quand sa jauge lui indique l’urgence de le faire, comme l’on va vers la première banque venue pour retirer de l'argent, même si elle n'est pas dans notre réseau bancaire ».
Il faut aussi « assurer à l'opérateur du trafic sur son infrastructure, et pour cela qu'il puisse chercher de l'usage au-delà de ses propres abonnés, en laissant ouvert l'accès aux services. Ceux-ci ne peuvent être totalement gratuits partout.
GIREVE s'est conçu comme une plateforme d'interopérabilité, qui permettra cet échange entre opérateurs de mobilité, opérateurs de recharge. Nous avons la conviction, avec les actionnaires, que ce modèle crée une fonction de chef d'orchestre, de tiers de confiance aussi. Il est de nature aussi à simplifier les échanges, créer l'émergence de standards, et à promouvoir l'innovation, non pas seulement des gros opérateurs, mais également celle des petits acteurs, nouveaux entrants sur le marché.
GIREVE est une plateforme technique d'intermédiation entre opérateurs, pour qu’avec votre badge Mairie de Bordeaux, vous puissiez par exemple vous charger sur une borne d’Auchan, d’Ikéa ou de Leclerc. Vous branchez le véhicule, et si le service est payant, et il le sera dans certains cas, il faut que vous soyez identifié. Si vous n'êtes pas affilié au réseau sur lequel vous venez vous charger, il faut que l'opérateur ait la certitude de couvrir ses frais.
L'idée est de garder un seul moyen d'accès, et donc une seule facture à la fin, mais de donner aux opérateurs la certitude qu'ils couvriront le coût du service offert. Il s'agit de l'intermédiation entre les opérateurs publics, mais aussi privés.
EDF est au capital de GIREVE, et nous sommes en train de discuter avec eux le cas de Paris ou il y aura le réseau Bolloré, juxtaposé à un autre réseau public. Les deux seront à-priori payants. Ils devront être interopérables, c'est la volonté des élus de Paris. Il faut donc que les deux opérateurs se causent, et GIREVE est la plateforme d'intermédiation des flux entre ces opérateurs.
Cet outil doit faciliter les échanges entre les acteurs et devenir un organe de concertation pour qu'à la base des services de recherche, de réservation, et de recharge de véhicules, émergent plus facilement des standards techniques ».
3. Le véhicule à air comprimé, un autre choix technologique
L’air comprimé est fabriqué à partir de l’air ambiant qui est aspiré et filtré. Il est compressé et le compresseur peut fonctionner avec une source d’énergie renouvelable. Son transport est facile. Il permet un vrai stockage de l’énergie et des énergies renouvelables.
La problématique repose sur la manière dont est faite la compression, qui doit être propre, car dépendante de l’énergie utilisée pour la compression de l’air.
Sa distribution pourrait se faire dans des stations-services. Son inconvénient actuel tient néanmoins à la taille des réservoirs qui doivent encore être gros pour que l’énergie qu’ils contiennent soit suffisante.
Le coût des réservoirs dans lesquels il peut être stocké (qu’ils soient en aluminium, en acier ou en fibres de carbone) devrait par contre rester stable, contrairement à celui des batteries du fait de la rareté du lithium.
Le moteur à air comprimé a deux avantages : il est silencieux et n’émet aucun gaz polluant localement. Il est déjà développé par Guy Nègre, motoriste et fondateur de MDI. Il est aussi développé selon une autre technologie dans le cadre du projet Airpower.
Guy Nègre travaille avec la société indienne Tata Motors. Sa technologie est déjà utilisée sur la Minicat. L’utilisation d’une pompe à air comprimé devrait permettre de faire un plein du réservoir en 3 minutes pour un coût d'environ 2,50 euros.
Le projet Airpower repose sur une technologie à air comprimé permettant de développer une nouvelle génération de véhicules 100 % non polluants (voire dépolluants avec le système de filtres aspirants) bénéficiant d’une puissance et d’une autonomie comparables aux véhicules actuels.
Cette technologie, brevetée en Italie, est en cours d’agrément et de développement en France. Se posent des questions d’ordre capitalistique.
Il y enfin depuis peu un projet de véhicule à air comprimé de PSA qui le présente ainsi :
« Hybrid Air est une chaine de traction full hybride d’un nouveau genre, combinant l’essence et l’air comprimé sans batterie, constituant une alternative à l’hybridation électrique. Hybrid Air permet à PSA Peugeot Citroën de se positionner en leader mondial de la technologie avec une offre client cœur de gamme accessible en prix, des consommations moindres et simple à l’usage.
Cette technologie se positionne dans une zone de compromis CO2/Coût encore non atteinte à ce jour par les technologies actuelles, offrant ainsi une véritable rupture.
Elle permet également un fonctionnement en Mode Air (zéro CO2) sur 60 à 80 % de temps d’usage urbain (selon densité du trafic) grâce à une efficacité optimale de la récupération d’énergie au freinage.
Hybrid Air est un mariage innovant de technologies éprouvées : un moteur à essence, un stockeur d’énergie sous forme d’air comprimé, un ensemble moteur-pompe hydraulique et une transmission automatique. Un système de pilotage électronique intelligent adapte le mode de fonctionnement à la conduite de l’utilisateur et optimise l’efficacité énergétique. Les composants hydrauliques (moteur et pompe) récupèrent et stockent l’énergie produite :
- soit par le moteur thermique fonctionnant à son meilleur rendement,
- soit issue de l’énergie cinétique récupérée au freinage et en décélération.
Une transmission continue spécifique assure une utilisation optimale des différentes énergies en fonction des conditions de roulage selon 3 modes de fonctionnement :
- mode thermique essence : seul le moteur thermique transmet l’énergie aux roues ;
- mode AIR : seul le moteur hydraulique transmet l’énergie stockée aux roues via les accumulateurs ;
- mode combiné essence/air comprimé : les moteurs thermiques et hydrauliques fonctionnent conjointement pour apporter l’énergie nécessaire aux roues ».
4. Le véhicule à hydrogène, un avenir déjà concrétisé
Son utilisation dans les transports a fait l’objet d’une autre étude de l’OPECST. C’est en effet une énergie qui pourrait être extrêmement importante si l’on arrive à la produire dans des conditions satisfaisantes.
Les deux rapporteurs de l’étude de l’OPECST, MM. Laurent Kalinowski et Jean-Marc Pastor ont étudié ses « applications énergétiques, mobiles ou statiques, envisageables notamment dans les transports, mais aussi dans le secteur résidentiel, ou encore l’électronique ». Le champ de cette étude est donc plus large que l’utilisation de l’hydrogène par des véhicules.
Les auditions publiques sur les nouvelles mobilités et les véhicules écologiques ont donné lieu à plusieurs interventions sur l’hydrogène de MM. Laurent Antoni, chef du département de l’électricité et de l’hydrogène pour les transports au CEA LITEN, Bernard Frois, président du groupe des Représentants des États-membres de L’Union européenne auprès du JTI Hydrogène, Nicolas Bardi, chef du département des technologies biomasse et hydrogène au CEA LITEN, Paul Lucchese, directeur de la recherche scientifique au CEA, et vice-président d’AFHYPAC, Gérald Pourcelly, chercheur à l’Université de Montpellier 2, Fabio Ferrari, président directeur général de SymbioFCell et de Mme Françoise Charbit, adjointe au directeur du CEA LITEN, chargée de la stratégie et des programmes. Ces interventions ont surtout porté sur le rôle de l’hydrogène dans les relations à créer entre transport et logement, grâce aux possibilités de stockage de l’énergie qu’offre l’hydrogène, mais aussi sur la problématique des livraisons en ville et du poids des véhicules. Ces réflexions seront reprises au fil du rapport.
Les éléments ci-après sont repris d’une audition de M. Laurent Antoni par vos rapporteurs le 30 janvier 2013. Ils portent sur six points : l’utilisation de l’hydrogène dans les transports ; la sécurité des véhicules ; les raisons d’utiliser l’hydrogène ; l’utilisation de l’hydrogène comme complément aux batteries ; la recherche sur le stockage de l’énergie ; les obstacles au déploiement de l’hydrogène en France.
a. La technologie hydrogène dans les transports
« Pour l’hydrogène et la mobilité hydrogène, on en est au niveau du déploiement : plus de 500 véhicules à hydrogène roulent à travers le monde aujourd’hui (surtout en Allemagne, aux États-Unis et au Japon), desservis par 208 stations d’hydrogène dans le monde dont 27 nouvellement installées en 2012. L’Allemagne vise 50 stations à fin 2015.
PSA Peugeot Citroën a conçu un tel véhicule (Fisypac) avec le CEA entre 2003 et 2010. Puis PSA Peugeot Citroën a mis en veille cette activité. Au sein de l’alliance Renault-Nissan, l’activité pile à combustible est portée par Nissan. Le CEA poursuit ses développements pour les transports à travers notamment une collaboration avec une jeune société française Symbio FCell. Les grands constructeurs français semblent ainsi moins intéressés que plusieurs constructeurs étrangers : Daimler, Ford et Nissan ont signé cette semaine un contrat sur la commercialisation d’un véhicule à pile à combustible accessible au grand public d’ici 2017, afin d’unir leurs forces et de baisser le surcoût lié à la technologie hydrogène. Hyundai commence sa commercialisation cette année ; Toyota et Honda annoncent qu’ils le feront en 2015. Tout commencera par les flottes captives (gouvernements, grandes sociétés privées et publiques).
Depuis 2002, le coût d’un véhicule à hydrogène a diminué de près de 80 %. Par ailleurs, les projections en production massive (500 000 véhicules par an) montrent que le coût d’un véhicule à hydrogène n’est plus très loin de la barre des 35 $/kW, objectif visé pour être comparable aux véhicules thermiques : il ne culminerait plus qu’à 50 $/kW.
On utilise aujourd’hui cinq fois moins de platine qu’il y a sept ans par cm² d’électrode, tout en produisant plus d’électricité. Et la durée de vie actuelle des piles à combustible est de plusieurs milliers d’heures ».
b. L’hydrogène comme carburant : Qu’en est-il de la sécurité de ces véhicules ?
« Il faut trouver des solutions dont le niveau de sécurité ne soit pas moins élevé que le niveau de sécurité actuel de l’essence. L’hydrogène brûle et explose ; l’essence aussi. La sécurité est prise en compte dès la conception du réservoir.
On stocke généralement les réservoirs des véhicules à 700 bars aujourd’hui soit en bouteille de 37 litres, cela représente 1,3 kg d’hydrogène. Comme on parcourt jusqu’à 130 km par kilogramme d’hydrogène, il faut entre 3 et 5 kilogrammes d’hydrogène dans le réservoir pour ne pas perdre en autonomie par rapport aux autres voitures.
Si l’on prend un facteur de sécurité égal à 2.4, il faut faire des tests de sécurité jusqu’à 1 700 bars (gestion de la thermique, impact de balles, accidents). Aucun surincident lié à la technologie hydrogène n’a été répertorié aujourd’hui sur les 500 véhicules en circulation. Cela traduit un bon niveau de maturité ».
c. Pourquoi utiliser l’hydrogène ?
« Le rendement n’est pas la motivation essentielle des projets de véhicules décarbonés. Le rendement global est moins important que le service rendu aux personnes et l’apport à l’environnement (en fait la diminution de l’empreinte environnementale), car nous partons d’une énergie fatale, inépuisable et renouvelable. Le rendement actuel de la chaine de traction des véhicules à pile à combustible est en moyenne de l’ordre de 50 % contre 20 % pour les moteurs thermiques. Cependant, en termes de rendement global (du puits à la roue), l’hydrogène est plus faible que le pétrole, mais il permet une réduction voire une annulation de la production de CO2 et de l’émission de CO2 à l’utilisation des véhicules. Ainsi, en considérant un véhicule électrique utilisant une pile à combustible alimentée par de l’hydrogène produit à partir d’énergie solaire et d’électrolyse de l’eau, le rendement global est de l’ordre de 5 %. En partant toujours de l’énergie solaire, il est de l’ordre de 14 % pour un véhicule électrique à batterie et 0,1 % pour un véhicule utilisant des biocarburants. Mais dans ce cas, les véhicules électriques à pile à combustible et à batterie n’émettent pas de CO2 pendant leur utilisation.
Le bilan du puits à la roue d’un véhicule à hydrogène (pour de l’hydrogène fabriqué à partir de gaz naturel et de vaporéformage) est déjà plus faible que celui d’un véhicule à essence : 70 à 90 grammes de CO2/km. Outre le fait que l’on émet moins de CO2, on le fait de manière localisée, ce qui facilite les possibilités de captage et de revalorisation du CO2. La production de l’hydrogène à partir d’énergies renouvelables réduirait encore plus ce bilan et est l’objectif à atteindre.
On peut envisager d’enrichir le gaz naturel en hydrogène (Hythane) et le distribuer via le réseau de gaz. On peut aussi imaginer des solutions locales de production et de distribution qui permettent de ne pas être obligés d’utiliser ou de créer de gros réseaux gaziers ».
d. L’hydrogène est une solution complémentaire aux batteries
« L’hydrogène va permettre de répondre de manière complémentaire aux besoins des véhicules électriques à batterie. Ce peut être un moyen pour allonger l’autonomie des véhicules électriques, en utilisant l’hybridation (véhicule dit en mode « range extender »). Cela permet de résoudre le problème de la durée de recharge ; la durée de recharge en hydrogène est équivalente à celle d’un plein d’essence. Cela pourrait être aussi intéressant pour les transports de marchandises en milieu urbain. Les livraisons pourraient se faire de nuit puisque l’hybride PAC-Moteur électrique implique la disparition de toute nuisance sonore. Cela permettrait d’imaginer de nouveaux plans de circulation pour désengorger les centres villes ».
e. Où en est la recherche sur le stockage de l’énergie ?
« L’utilisation de l’hydrogène comme stockage massif d’énergie, notamment d’énergies renouvelables, est une voie complémentaire pour le stockage d’énergie. Un premier démonstrateur en France a permis d’obtenir des résultats intéressants sur le couplage avec l’énergie solaire, et sur le stockage. Cela est réalisé en Corse dans le cadre de la plateforme Myrte (560 kW de puissance électrique issue de panneaux photovoltaïques, un électrolyseur, un stockage hydrogène/oxygène, 100 kW de puissance électrique fournie par une pile à combustible). Le pic de consommation du milieu de journée est assuré directement par l’électricité photovoltaïque et le pic de consommation en soirée par l’électricité produite par la pile à combustible à partir de l’hydrogène fabriqué par électrolyse pendant la journée. C’est un site d’expérimentation d’utilisation des énergies renouvelables pour soutenir le réseau en écrêtant les pics de consommation. Ce projet résulte d’une coopération entre le CEA, l’Université de Corse et Areva Stockage d’Énergies Renouvelables. Il est à noter qu’une partie de cet hydrogène pourrait être utilisé pour alimenter les véhicules à pile à combustible ».
f. Qu’est ce qui en France empêche le déploiement de l’hydrogène ?
« Un des principaux freins au déploiement en France des technologies de l’hydrogène françaises et internationales est la barrière réglementaire notamment pour les transports. L’hydrogène est considéré actuellement comme un gaz industriel dangereux. Il faut mettre en place une réglementation adaptée. Des avancées ont eu lieu ces dernières années. Il y a une directive européenne n°079/2009 qui a été retranscrite en droit français en mars 2011 concernant la réception par type des véhicules à moteur fonctionnant à l’hydrogène. Une extension a été publiée en 2010 (n° 406/2010). Et une proposition de directive sur les carburants alternatifs a été publiée il y a une semaine. Parmi ces carburants alternatifs, l’électricité et l’hydrogène sont mentionnés en premier. Cette directive prévoit l’obligation d’installation en France d’ici fin 2020 de près d’un million de bornes de recharges électriques et d’un réseau de stations à hydrogène distantes au maximum de 300 km.
Mais pour faciliter le déploiement de véhicules à hydrogène en France, la France devra également proposer ses propres réglementations et les acteurs devront travailler en étroite collaboration avec les DREAL ».
g. Comment se situe la France par rapport à l’Allemagne ?
« Dans le domaine des batteries, la France n’a rien à envier à l’Allemagne aussi bien par ses activités de recherche et de développement (CEA, CNRS) que par l’implication de constructeurs automobile comme plus particulièrement Renault dans les véhicules électriques.
L’Allemagne a misé sur le véhicule à hydrogène depuis de nombreuses années. Ainsi les constructeurs allemands Daimler, Volkswagen et BMW développent seuls ou en collaborations avec d’autres constructeurs internationaux des véhicules à pile à combustible avec un début commercialisation entre 2015 et 2017. Il existe également un plan associé de déploiement des infrastructures hydrogène associées avec 15 stations hydrogène en place et 35 nouvelles d’ici 2015. L’Allemagne investit ainsi 1,4 milliards d’Euros en 10 ans dans l’hydrogène soit autant que l’Europe.
Mais l’Allemagne s’est également lancée dans un grand programme de stockage des énergies renouvelables. La problématique des énergies renouvelables est de gérer leur intermittence sans trop perturber le réseau actuel. Une solution est de stocker ces énergies quand elles sont en excès sous forme d’hydrogène gazeux produit par électrolyse. Cet hydrogène pourra réalimenter le réseau électrique en utilisant des piles à combustible. Combiné à du dioxyde de carbone, l’hydrogène peut être transformé en méthane, c’est-à-dire en gaz naturel de synthèse. Ce gaz naturel de synthèse peut alors être injecté dans le réseau de distribution de gaz naturel, ou bien être stocké pour être transformé ultérieurement en électricité et chaleur lors des pics de consommation. Cette dernière voie permet ainsi de recycler de grandes quantités de CO2. Enfin, une partie de l’hydrogène produit pourra alimenter des stations à hydrogène à proximité ».
B. D’AUTRES CARBURANTS VONT DE PLUS EN PLUS CONCURRENCER LE PETROLE
1. Le pétrole ne sera plus dominant
La consommation de pétrole diminue certes depuis plusieurs années, mais l’évolution de son prix reste incertaine. Or c’est un facteur important qui accélérera ou freinera le développement des technologies alternatives.
Le prix du pétrole devrait augmenter à moyen et à long terme, même en cas de découverte de ressources nouvelles et de possibilité de nouvelles exploitations, car elles se feront à un coût plus élevé. Les évolutions à plus court terme sont moins prévisibles et pourraient être plus erratiques, comme l’a montré l’expérience des années passées depuis la première crise de 1973.
Mais, il n’y a pas de certitude sur l’évolution du prix du pétrole qui est aujourd’hui comparable à celui de 1980 en euros constants. Pour M. Jean Syrota, il devrait augmenter en tendance car c’est une ressource épuisable. Mais il peut aussi osciller avec un trend montant autour de 80 à 120 $ le baril. Tout dépendra certes de la consommation chinoise, mais aussi des découvertes et de la profondeur des forages lors de l’exploration de nouveaux territoires.
L’ère du pétrole prédominant va donc toucher à sa fin d’ici au plus une à deux décennies, comme cela fut le cas pour l’ère du charbon dominant. Les hydrocarbures n’existent pas en quantité illimitée, et même si les réserves prouvées de gaz sont nettement supérieures à celles de pétrole, le « pic de pétrole » a probablement été dépassé.
Cette contrainte pourrait baisser si les véhicules consommaient beaucoup moins de pétrole. Ce n’est pas impossible. C’est le cas depuis quelques années. Mais il faudrait que cette évolution se poursuive. C’est du reste l’objectif des autorités publiques. Un tel objectif semble aujourd’hui réalisable y compris par les constructeurs.
2. L’avenir du GPL dépend essentiellement des consommateurs et des messages émis par l’État
M. Joël Pedessac, directeur général du Comité français du butane et du propane (CFBP), a présenté les avantages et la problématique de l’utilisation de ce carburant lors des auditions publiques de l’OPECST et lors des rencontres internationales des voitures écologiques (RIVE).
a. Une ressource encore largement disponible
Le GPL – gaz de pétrole liquéfié – se trouve sous forme de butane et de propane. Dans le monde, il représente 2 % de l’énergie primaire au niveau mondial, en France 1,2 % et 10 millions de personnes l’utilisent, principalement dans les secteurs domestiques et tertiaires, ainsi que dans les transports.
Les véhicules fonctionnant au GPL sont particulièrement développés en Corée, en Turquie, en Pologne, au Japon, en Australie, en Italie, en Russie, au Mexique, en Thaïlande et aux États-Unis. Dans chacun de ces pays, plus d’un million de véhicules utilisent ce carburant. En France, il y en a 200 000, nombre qui est aujourd’hui limité par l’absence de bonus et par certaines interdictions d’utilisation de la voirie.
Ses avantages sont réels : il produit moins de CO2, de NOx et de particules (17 % de CO2 en moins que le gazole et 14 % de moins que l’essence). Il n’émet pratiquement pas de particules. 90 % des polluants dont il est responsable sont émis au moment de son utilisation, 10 % lors du transport et de la production. La voie de leur réduction passe par la recherche sur les moteurs et la performance du traitement des gaz. Le GPL bénéficiera des améliorations du fonctionnement, du rendement et des émissions du moteur à essence. Les émissions d’oxydes d’azote et de particules pourraient être réduites en injectant 20 à 30 % d’air comburant à du GPL, technique qui reste toutefois au stade expérimental.
Il a les attraits des énergies liquides en termes de stockabilité, puisqu’il est liquide à température ambiante.
C’est une ressource encore largement disponible, et l’Union européenne considère qu’il pourrait, en 2020, représenter 10 % du mix carburant. Sa disponibilité va du reste augmenter d’ici là du fait de l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments.
Un moteur GPL est un moteur thermique conçu pour fonctionner à l’essence, et adapté pour fonctionner au GPL. Il pourrait être conçu dès le départ pour fonctionner au GPL, mais ce n’est pas le cas. Monter sur un véhicule cette « adaptation » coûte entre 1 500 et 2 000 euros si elle est faite après l’achat.
Les enquêtes de perception du GPL indiquent que 55 % des personnes sont prêtes à acheter un véhicule GPL s’il coûte entre 500 et 600 euros de plus qu’un véhicule essence. Les constructeurs le proposent : c’est notamment le cas de Renault pour la Clio. Le nombre de modèles proposés est cependant insuffisant pour entraîner un engouement des consommateurs. L’adaptation des moteurs thermiques traditionnels permettrait de traiter une partie du parc existant et de réduire son niveau de pollution.
Le GPL avait connu un essor relativement important. Mais cet essor a été brisé par deux accidents liés à l’absence de soupape de sécurité sur les réservoirs, survenus l’un en 1999, l’autre en 2001. Leurs causes ont été réglées, mais l’opinion publique en a gardé la mémoire. Les interdictions ne sont plus justifiées depuis que des soupapes ont été mises sur les réservoirs.
Une partie des avantages dont il a bénéficié en 2008 ont été supprimés. Or ce sont ces mesures qui avaient permis son développement à un rythme soutenu. Les avantages fiscaux dont il bénéficie ne sont pas suffisants, même si la TICPE sur le GPL n’est que de 6 centimes, contre 60 pour l’essence (un litre de GPL est vendu environ 70 centimes hors taxes, coûts de distribution et de station inclus).
Il en résulte un excédent important de capacités de distribution de ce carburant, les installations mises en place n’étant rentabilisées qu’à partir d’un million de véhicules. Or le seuil de 200 000 véhicules n’a jamais été franchi en 15 ans.
200 millions d’euros ont été investis entre 1996 et 2001 pour construire 2 000 stations GPL (il y a en France 10 000 stations-service). Une station GPL coûte entre 60 000 et 100 000 euros. Son entretien, 10 000 euros par an. 150 ont depuis lors été fermées.
En comparaison, l’Allemagne a maillé tout son territoire en 5 ans en construisant 6 000 stations-service GPL, et le marché est en forte croissance. L’Italie est l’un des plus gros marchés de GPL, avec 2 200 stations-service.
L’autonomie d’un véhicule GPL est de 500 kilomètres, et c’est ce qui dimensionne la taille d’un réseau. Le réseau français est suffisant pour répondre aux usages de personnes qui partent au travail, en week-end ou en vacances.
Les freins au développement du GPL ne viennent donc pas de sa distribution, mais de la concurrence des voitures diesel, de la réglementation et des systèmes de bonus.
Le bonus mis en place en 2008 a trop bien fonctionné : il s’est vendu 75 000 véhicules GPL en 2010, ce qui a coûté 150 millions d’euros en bonus. Le ministère des finances y a mis fin au 1er janvier 2011, alors que le système mis en place était initialement prévu pour durer jusqu’à fin 2012. Les ventes de véhicules GPL ont alors brutalement diminué, passant de 8 000 véhicules vendus par mois à 1 500 par an en 2013.
En août 2012, le nouveau bonus mis en place n’a concerné que les véhicules électriques, hybrides diesel et essence, ce qui exclut toutes les autres énergies alternatives, alors qu’il existe des hybrides GPL ou GNV.
Les distributeurs évaluent le bonus qui permettrait de relancer ce type de carburant à une somme relativement faible, de l’ordre de 400 à 500 euros par véhicule (soit environ le coût de l’adaptation du moteur en cas de fabrication en série).
Le Comité français du butane et du propane (CFBP) souhaite que les pouvoirs publics, au plus haut niveau, émettent un message clair sur la définition des énergies alternatives, dont le GPL.
3. Le méthane se développera s’il est davantage utilisé par les particuliers
Le gaz décarboné est, selon l’ADEME, le carburant présentant le plus d’avantages. Comme l’indique M. Benjamin Topper, « dans un scenario sur la période 2030-2050, inclus dans le rapport de l’ADEME « Vision 2030-2050 », un passage du carburant liquide aujourd’hui (essence ou diesel) à un carburant gazeux serait triplement profitable : Il permettrait (1) une indépendance vis-à-vis du pétrole, dont les réserves sont déjà en tension (2) de profiter d’un réseau de gaz partiellement décarboné grâce à la méthanisation (3) de réduire la saisonnalité du réseau de gaz en lui permettant d’avoir des débits plus constants au cours de l’année, et ainsi permettre l’incorporation d’hydrogène fatal produit par les EnR intermittentes sur le réseau de gaz.
Ce scenario aborde le passage au carburant gazeux. Les véhicules au gaz ne posent aucun souci d’un point de vue technologique, 1 million de véhicules GNV circulent en ce moment même en Italie.
Ce scenario ne considère pas la montée en puissance de la méthanation ; par contre, il prévoit l’incorporation d’une part d’hydrogène dans le réseau de gaz (limitée à 7 % en énergie).
La transition énergétique ne pourra être mise en œuvre qu’avec une meilleure cohérence des différents réseaux : le réseau électrique doit profiter du vecteur gaz pour gérer l’intermittence des EnR. On peut avoir un réseau de gaz décarboné à près de 50 % en 2050, il faudra en faire bon usage ».
L’intérêt de ce carburant a été souligné par plusieurs participants aux auditions publiques de l’OPECST : M. Pierre Trami, responsable des activités mobilité durable à la direction de la stratégie et des finances de GrDF (GNV et collectivités locales) ; M. Hervé Casterman, directeur Environnement et Climat à la direction Développement durable, GDF-Suez ; M. Gilles Durand, secrétaire général, Association française du gaz naturel pour véhicules (AFGNV) ; M. Clément Chandon, directeur d’Iveco France, Mme Angélique Michel, directrice adjointe, GNVERT.
Le gaz naturel pour les usages de transport a été développé en France après la guerre. Il l’est actuellement en Iran et en Argentine, pays qui ont du gaz et des capacités de raffinage limitées. Il l’est peu ailleurs, à l’exception toutefois des flottes captives. La Suède et l’Allemagne font actuellement des efforts importants pour le développer. Il en résulte qu’il circule dans le monde 16 millions de véhicules fonctionnant au GNV, contre 10 000 en France. C’est dire leur potentiel de croissance. Ils peuvent utiliser du bio-méthane et correspondent à la norme Euro 6. Une Smart est actuellement adaptée au gaz naturel.
Le GNV peut être produit à partir de gaz naturel ou de biogaz.
Une des formes du GNV, le biométhane est un biogaz qui est épuré, et qu’on peut donc injecter dans le réseau de gaz naturel. C’est un gaz naturel renouvelable, produit à partir des déchets organiques.
Comme l’indique M. Hervé Casterman, il permet une approche d’écologie industrielle, les déchets devenant carburant pour les flottes de véhicules des collectivités. Cette énergie renouvelable peut être injectée dans les réseaux ou utilisée dans les véhicules, au même titre que les agro-biocarburants ou de l’électricité produite sans CO2.
Il présente l’intérêt d’utiliser les résidus, agricoles, domestiques ou agroalimentaires, qui sont des ressources fatales. Ces ressources sont décomposées dans un digesteur, puis épurées pour obtenir les mêmes propriétés physico-chimiques que le gaz naturel, de façon à être injectées sur le réseau de gaz naturel.
Le GNV produit 25 % de CO2 en moins que l’essence, 95 % en moins de NOx. Il ne produit pas de particules. L’Agence allemande de l’énergie estime que le gaz naturel produit 20 % de moins d’émission de CO2 que le diesel.
L’optimisation des moteurs, spécifiquement pour le GNV, devrait permettre une réduction supplémentaire des émissions de CO2 de l’ordre de 30 % et l’introduction progressive du biométhane comme carburant.
b. Ses perspectives de développement
Au niveau mondial, il a depuis 2000 une croissance annuelle de l’ordre de 20 %. Il devrait occuper 9 % du marché mondial en 2020, soit 65 millions de véhicules d’après les prévisions de l’Organisation internationale du gaz, contre 18 millions actuellement.
En France, il est utilisé essentiellement par les bus et les camions, les bennes à ordures, et seulement par 10 000 véhicules légers. 50 % des villes de plus de 200 000 habitants ont des flottes GNV. À Lille, la moitié des bus fonctionnent au biogaz. L’usine de méthanisation de Morsbach, près de Forbach en Moselle est à ce jour la plus importante à ce jour. Elle sera suivie prochainement par une usine de méthanisation en Bretagne, à Locminé.
Les Allemands méthanisent le lisier de leurs exploitations agricoles et se servent du méthane à l’échelle de l’exploitation.
À Paris, un grand groupe de livraison de matériaux aura bientôt toute sa flotte de véhicules de 3,5 tonnes, 26 tonnes et 44 tonnes qui fonctionnera au GNV, et qui sans rien changer, pourra fonctionner au biométhane.
Le réseau installé en France alimente actuellement en gaz naturel 9 700 communes.
En Europe, il coûte entre 6 et 38 % moins cher que le diesel, l’essence, ou le GPL.
Il y a actuellement dans le monde 20 700 stations pour 14,5 millions de véhicules GNV, en Europe, 4 000 stations pour 1,5 million de véhicules GNV. En France, 177 stations pour 13 500 véhicules GNV.
Selon M. Pierre Trami, « le potentiel technique qui est mesuré en France sur l’ensemble de la valorisation du biométhane est de l’ordre de 300 TWh, soit 20 millions de véhicules si l’on focalise toute l’attention sur l’usage du biocarburant. Le schéma prospectif de l’ADEME 2030-2050 estime quant à lui qu’il y aura une diminution de 31 millions à 21 millions de véhicules particuliers, dont 45 % seront des véhicules hybrides bio GNV ».
GrDF, a actuellement 310 projets qui ont été collectés sur le territoire national et qui ont fait l’objet d’une étude de préfaisabilité. Leur faisabilité technique est établie. Le temps de latence des projets est d’environ 4 ans. À l’horizon 2020, une capacité de 9 TWh pourrait être réinjectée sur le réseau. La valorisation de la partie carburant représente l’équivalent de 12 000 emplois pérennes en France non délocalisables.
Pour GrDF, le biométhane est un produit pertinent, facilement réalisable et économiquement viable. Il a été jusqu’à présent délaissé en France au profit du GPL.
Selon M. Gilles Durand, secrétaire général de l’AFGNV, le cycle de développement de la filière passe d’abord par les usages privés. Afin de permettre ce développement, l’AFGNV propose de garantir la prolongation, jusqu’en 2020, de l’exonération de la TICPE pour le GNV, et de positionner le biométhane carburant au même niveau que l’électricité (40 % de décote sur le montant de la taxe) dans l’écotaxe Poids Lourds pour les véhicules qui utiliseront ce carburant.
L’offre française de véhicules GNV reste très insuffisante. Les véhicules GNV ne peuvent par ailleurs s’alimenter que dans 123 stations situées sur les sites de GrDF.
Pour susciter le développement de cette filière, M. Pierre Trami propose une triple démarche : faire connaître aux entreprises l’existence de la loi sur l’air, élargir son application aux véhicules poids lourds, entre 3,5 tonnes et 20 tonnes ; tendre vers des modèles de fabrication régionaux, pour susciter la confiance ; permettre à l’UGAP de faire un groupement de commandes pour ce type de véhicules, qui sera bénéfique au public comme aux entreprises.
4. Les agro-carburants continuent à faire l’objet de controverses
Les agro-carburants ont fait l’objet de débats auxquels ont principalement participé MM. Alain Jeanroy, directeur général de la Confédération générale des betteraviers, Sylvain Desmoures, représentant le Syndicat national des producteurs d’alcool agricole (SNPAA), Pierre Trami, responsable des activités mobilité durable à la direction de la stratégie et des finances de GrDF, Clément Chandon, directeur d’Iveco France, Mme Angélique Michel, directrice adjointe de GNVERT, MM. Joël Pedessac, directeur général du Comité français du butane propane, Charles Raux, directeur du laboratoire d’économie des transports (CNRS, Université de Lyon), Nicolas Bardi, du CEA LITEN.
Les agro-carburants ont été perçus il y a quelques années comme une solution idéale : ils permettaient d’utiliser des terres non employées, et de produire une énergie locale. Mais ce système a atteint ses limites, notamment du fait de la concurrence trop vive qu’il crée avec les usages alimentaires des produits de l’agriculture.
Incorporés à l’essence ou au diesel dans des proportions variables, ils peuvent être produits de plusieurs manières. Plusieurs d’entre eux sont déjà sur le marché. Les infrastructures de distribution existent, mais pas en nombre suffisant, et sont encore insuffisamment connues par le grand public.
Les agro-carburants ne sont donc pas confrontés aux mêmes freins que les autres sources d’énergie. Mais l’ensemble du parc n’est pas encore adapté à ce style de carburant, ce qui gêne leur développement. En outre, les véhicules FlexFuel roulant au super-éthanol E85 sont encore peu nombreux.
On distingue le bioéthanol et son dérivé l’ETBE, à base d'alcool qui sont produits à partir de végétaux riches en sucre tels que la canne à sucre et la betterave, ou de plantes riches en amidon, comme le blé ; le diester, le biodiesel, les EMHV (esters méthyliques d'huiles végétales), fabriqués avec 90 % d’huile (de soja, de palme, de colza, de tournesol) et 10 % de méthanol ; le biogaz produit par fermentation de matière organique.
Pour l’instant, le bioéthanol est mélangé à l’essence ou au diesel dans des proportions variables : entre 3 et 5 % dans le SP95 et le SP98 ; 10 % dans le SP95-E10 ; 85 % dans le E85 (qui permet une décroissance des émissions de CO2 de 40 % ainsi qu’une réduction significative de émissions polluantes selon l’ADEME et l’IFP).
Le SP95-E10 est compatible avec 75 % du parc automobile actuel (en fait les voitures produites depuis 1990). Le E85 est utilisé dans des véhicules spécialement équipés, qu’ils soient flex-fuel, ou hybrides. Les projets de développement concernent surtout le E20 en France, tandis que le Brésil utilise déjà le E25.
b. Une évolution en trois générations
— Les agro-carburants de première génération, fabriqués à partir de ressources végétales alimentaires ont donc été vivement critiqués, ce qui a conduit à l’adoption de règles européennes sur l’usage des terres agricoles. 40 % de la production de soja américain sert aujourd’hui à la production d’éthanol, ce qui entraîne une forte hausse de prix de ce produit quand il est destiné à l’usage alimentaire.
Aussi privilégie-t-on aujourd’hui les agro-carburants de deuxième, voire de troisième génération.
— Les agro-carburants de deuxième génération sont produits à partir de cellulose, de végétaux non alimentaires, ou de parties non alimentaires de plantes. Ils utilisent de la paille, du bois ou des macro-algues.
Le CEA mène des recherches sur cette deuxième génération qui reste chère. Les usines ne seront rentables qu’avec des capacités de traitement de biomasse assez importantes. Aussi faut-il que les pouvoirs publics garantissent aux chercheurs, aux producteurs et aux distributeurs une stabilité réglementaire sur le long terme.
Des démonstrateurs permettent actuellement de faire la preuve de la robustesse de la technologie à une échelle plus petite. Le défi est d’arriver à réduire le coût de ces technologies pour avoir des installations de plus petite taille, mieux intégrables sur le territoire.
— Les agro-carburants de troisième génération sont produits à partir de micro-algues qui peuvent accumuler des acides gras, contenir des sucres ou être méthanisées.
Le principe de la fabrication de carburant à partir de micro-algues est connu. Mais il est encore très cher. On est très loin des coûts qu’il serait nécessaire pour aboutir à des produits économiquement rentables.
5. Ces divers carburants alternatifs sont fortement soutenus par la Commission européenne
L’Union européenne est consciente que, pour qu’il soit possible de développer les voitures propres, il faut des standards communs et une uniformisation des normes entre les États membres. Si l’on veut promouvoir l’utilisation de véhicules propres, il faut agir prioritairement sur le développement et le maillage des infrastructures de recharge ou de remplissage des réservoirs afin de rendre leur utilisation plus simple et ainsi inciter les consommateurs à s’en équiper.
La Commission européenne a annoncé le 24 janvier 2013 un ensemble de mesures qui vise à mettre en place, dans toute l’Europe, des stations pour les carburants de substitution, et à fixer des normes communes pour leur conception et leur utilisation. Ces mesures partent du constat de la Commission européenne que « les carburants propres se heurtent à trois principaux obstacles : le coût élevé des véhicules, la faible réceptivité des consommateurs et le manque de bornes de recharge et de stations de ravitaillement »(19).
La Commission propose :
- pour l’électricité, d’imposer dans chaque État membre, un nombre minimum de points de recharge, utilisant une prise standard. La Commission européenne a décidé que ce serait la prise de type 2 qui servirait de standard. L’objectif pour la France pour 2020 est de 97 000 infrastructures ouvertes au public ;
- pour l’hydrogène, de relier entre elles les stations de ravitaillement existantes pour former un réseau répondant à des normes communes, afin d'assurer la mobilité des véhicules à hydrogène. Cela s'appliquera aux quatorze États-membres qui disposent, à l'heure actuelle, d'un réseau d'hydrogène. Une borne de recharge doit se trouver tous les 300 km ;
- de s’assurer du caractère durable des biocarburants ;
- d’installer, d'ici 2020, des stations de ravitaillement de GNL tous les 400 km le long des routes du réseau central transeuropéen de transport ;
- de prévoir, d'ici 2020, des points de ravitaillement de gaz naturel comprimé (GNC) ouverts au public, répondant à des normes communes, dans toute l'Europe, à des intervalles ne dépassant pas 150 km ;
Aucune proposition ne concerne le gaz de pétrole liquéfié, dont l’infrastructure de base existe.
Pendant le Conseil des ministres des transports le 11 mars 2013, certains États se sont opposés à ces propositions et aux financements publics de ces mesures.
L’une des pistes intéressante, également évoquée pendant les auditions, est l’hybridation électrique – gaz, qui permettrait en outre d’avoir des réservoirs de gaz plus petits sur les véhicules. Pourrait alors être envisagée une solution de recharge en gaz qui ne soit pas nécessairement liée au réseau, mais pourrait prendre la forme de « bouteilles de gaz » tel qu’on en trouve sur tout le territoire pour les besoins domestiques des particuliers non reliés à un réseau de gaz.
C. LES SOLUTIONS HYBRIDES VONT PRENDRE UNE PART CROISSANTE DU MARCHE
1. Une palette de solutions est possible
a. Les combinaisons sont nombreuses
Il y a une multiplicité de solutions techniques : il y aura ainsi des véhicules fonctionnant à l’essence et aux agro-carburants, au gazole et aux agro-carburants, à l’hydrogène et à l’électricité. Il y aura même des schémas d’hybridation trois voies, notamment essence-électricité-agro-carburants, éventuellement flexfuel-électricité. Un tel véhicule pourrait fonctionner à l’essence, à l’électricité et au E85.
Les flexfuels, véhicules à carburant modulable, font partie des solutions les plus recherchées par les constructeurs et les motoristes, notamment parce qu’ils utilisent un seul réservoir.
b. Des véhicules sont déjà disponibles, mais leur diffusion dépendra largement du soutien de l’État
Les flexfuels disponibles en France sont produits par Renault, Dacia, Volvo et Ford.
Leur développement est largement lié au soutien de l’État, en raison de leur prix plus élevé. L’État avait pris des engagements d’achats publics qui n’ont pas été tenus (il est vrai qu’il était envisagé qu’ils représentent 30 % de ses achats, pourcentage qui est apparu trop important). Les flexfuels sont exonérés du malus depuis janvier 2009, mais ne sont toujours pas éligibles au bonus.
c. D’autres hybrides seront prochainement disponibles
Il en est ainsi d’un projet innovant de PSA : L’Hybride éco ainsi présenté par le constructeur :
« C’est un système mild hybride conçu pour optimiser le rendement global du moteur :
L’architecture est caractérisée par le couplage du moteur thermique avec une machine électrique de 10 kW. La machine électrique (et ses stratégies de pilotage), associée à une batterie Li-ion 48 V, peut entraîner seule le véhicule à basse vitesse dans des phases de manœuvre de stationnement ou de sortie de parking jusqu’à 20 km/h et fournir une puissance additionnelle pendant les phases d’accélération. C’est une solution compatible avec les motorisations essence et diesel associées à des transmissions mécaniques ou automatiques.
Ce nouveau véhicule permettra notamment des gains de consommation de 10 à 15 % selon l’usage du véhicule à iso motorisation ; des manœuvres de stationnement ou de sortie de parking sans émission ni odeur grâce au roulage électrique à basse vitesse.
Il est réalisé avec les équipementiers Valéo, Bosch, Continental ».
2. L’hybride sera une étape de la transition énergétique dans les transports
L’hybridation va permettre de faire la transition entre énergies fossiles et nouvelles énergies. Le fait de combiner deux sources d’énergie différentes constitue la chaîne entre les énergies épuisables et les énergies nouvelles, et tend dès à présent à se généraliser. Elle permet une mutation souple et progressive des unes vers les autres, en fonction des mutations technologiques, tout en permettant une plus grande sobriété des véhicules.
Le développement de véhicules hybrides est manifestement l’une des étapes dans la transition vers le véhicule écologique.
Les solutions hybrides au gaz paraissent particulièrement intéressantes aux chercheurs de l’IFPEN.
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II. COMMENT CONCEVOIR LE VÉHICULE À PARTIR D’UNE APPROCHE GLOBALE DE LA MOBILITÉ ?
Les solutions relèvent certes de la technologie, mais pas seulement. Les problèmes sont complexes, leur résolution aussi.
Envisager l’ensemble des véhicules et non plus seulement les voitures est un premier pas. Réfléchir aux mobilités plutôt qu’aux véhicules en est un deuxième.
A. DÉPASSER LA SEULE CONCEPTION TECHNIQUE DU VÉHICULE
1. Penser en termes de mobilité plutôt qu’en termes de véhicules conduit à une approche globale
a. L’apport d’une réflexion en termes de mobilité
Les véhicules actuels sont essentiellement conçus à partir d’analyses qui le plus souvent reposent soit sur les évolutions techniques nouvelles ou envisagées des voitures, soit sur l’évolution du secteur des transports. L’évolution de la mobilité et des besoins de déplacements est rarement prise en compte.
Il en résulte la plupart du temps une recherche de performances plus grande, qui rendent la voiture plus puissante et plus rapide, mais aussi plus lourde.
Ce sont ses critères qui ont conduit, aux États-Unis notamment, à des standards de voitures consommant beaucoup de carburant. Ce n’est plus forcément le cas aujourd’hui, l’évolution des technologies permettant de réduire de manière générale la consommation d’énergie.
Concevoir l’automobile comme un moyen de transport n’est plus suffisant. L’appréhender dans le cadre d’une réflexion sur l’auto-mobilité ouvre de nouvelles perspectives.
Pour Georges Amar, qui développe cette approche, l’automobile elle-même n’est pas un objet suffisant de réflexion. Il faut étendre la réflexion à ce qu’il appelle la mobilité intelligente qui permet de concevoir la voiture à valeur ajoutée.
« La mobilité intelligente découle de l’évolution de notre société : les courses, le travail, l’enseignement, la culture, deviennent mobiles, et sont réinterprétés et transformés par la mobilité. Cela change complètement les critères de performance. Le terme de vie mobile recode en profondeur la voiture, il la réinterprète. On ne se demandera plus seulement comment aller efficacement d’un point à un autre, mais également comment on va de ce fait transformer sa santé, son travail, sa relation à autrui, sa relation à l’environnement ».
Il faut s’inspirer de l’exemple de l’iPhone. Sa valeur n’est pas dans le fait qu’il permet ou non de téléphoner efficacement. Comment la voiture va-t-elle créer de la valeur ? La voiture à valeur ajoutée, c’est le cadre conceptuel nouveau, parce que précisément on entre dans un état de la société économique et sociale qui est la vie mobile, le territoire mobile.
La voiture peut alors être appréhendée autrement. Comme outil de transport (qu’on améliore), comme outil de mobilité intelligente (en tenant compte de toutes les possibilités de l’électronique embarquée ou extérieure) ; comme élément de la vie mobile, enfin, mais c’est encore très prospectif, comme un des beaux-arts, en l’appréhendant comme une mobilité élégante, avec économie de moyens, comme un danseur (ce qui peut être source de valeur ajoutée, comme le silence de la voiture électrique).
M. Gabriel Plassat souligne quant à lui l’intérêt de distinguer entre l’usage et la conception des objets, et d’interroger la qualité des véhicules à partir de la performance des services de mobilité : c’est grâce à cette boucle, qui passe par la dépossession des objets, qu’un saut qualitatif en matière d’efficacité énergétique deviendra possible. Le Vélib’ est un système performant, alors que le vélo utilisé, de qualité médiocre, serait peu attrayant pour un acheteur. La même approche doit prévaloir pour l’automobile.
b. L’apport d’une approche globale
Elle est nécessaire car tout est lié. Les conditions de diffusion des évolutions technologiques et leur impact sur la société sont en effet tout aussi importants que les possibilités offertes par les progrès techniques.
L’acquisition d’un véhicule électrique par exemple implique de s’intéresser aux conditions de sa recharge. Une simple prise ne suffit pas. Une wall box peut être nécessaire, comme dans le cas de la Zoé. Dans certains cas, l’installation électrique du bâtiment devra être renforcée pour permettre l’installation de bornes de recharge dans le parking de l’immeuble. ErDF peut être amenée à renforcer le réseau. La décision d’un individu peut donc entraîner une série d’opérations qui n’avaient pas été conçues au départ.
L’aménagement de bornes de recharge dans les immeubles ou sur la voie publique sera beaucoup plus rationnel si l’on tient compte de l’existence de plusieurs prises, puisque les constructeurs n’ont pas eu d’approche harmonisée. Une approche globale aurait permis dès le départ de poser la question de l’interopérabilité des prises.
Une analyse globale aurait permis de ne pas aboutir à la situation actuelle qui est grotesque en matière de recharge de batteries : quelques stations avaient été installées il y a quelques années sur la voie publique avant que l’offre de véhicules électriques ne soit suffisante et n’avaient pas été utilisées. Ce fut notamment le cas à Paris. Au moment où l’offre apparaît, les investissements nécessaires n’ont pas été faits.
Une approche globale aurait conduit à dimensionner correctement l’effort à accomplir pour inciter et persuader tous les acteurs concernés d’envisager la pose de bornes de branchements.
La mission dirigée par M. Hirtzman dispose de peu de personnel au regard de la tâche qu’elle doit accomplir. Il n’est dans ces conditions pas étonnant que le problème subsiste.
c. Quelles seraient les conséquences d’une approche différente, mettant la mobilité au centre des préoccupations ?
— L’approche de l’espace public serait différente, tant en ville qu’en zone rurale.
- Les investissements d’infrastructure seraient conçus dans un autre esprit.
- La fluidité deviendrait une priorité, ce qui aurait des incidences sur la consommation des véhicules, mais aussi sur l’organisation du stationnement et de la voirie.
Les réactions sont diverses par rapport aux mesures envisagées par certaines collectivités.
M. Bernard Darniche rappelle que les véhicules sont optimisés pour rouler à régime constant. Or, les conditions de circulation urbaine, ou la fluidité n’est pas nécessairement au rendez-vous, entraîne une consommation de carburant supérieure.
— Les recherches pourraient se concentrer sur les liens entre vitesse et efficacité énergétique, ainsi que sur les liens entre taille de la voiture et efficacité énergétique
L’efficacité énergétique est plus élevée au-dessus de 50 km/heure. La vitesse moyenne en ville multiplie en effet la consommation par quatre. Or, dans les communes, la vitesse est limitée à 50 km/heure. Il s’agit donc de savoir si l’on produira un jour des véhicules adaptés aux besoins, et notamment des voitures plus petites.
— La question de l’accès aux bornes de recharge serait pensée différemment
Comme le remarque M. Guillaume Delmas, directeur délégué de Cofely Ineo, chargé des Nouvelles Mobilités et Smart Grids, « il faudrait posséder une multitude de cartes spécifiques pour pouvoir recharger son véhicule. Ainsi, il n’est pas possible de recharger à La Rochelle une voiture électrique que l’on a prise à Saintes.
Afin de remédier à la fragmentation des réseaux, certains opérateurs, dont nous sommes, réfléchissent à des dispositifs de compensation permettant à un conducteur d’avoir accès à l’ensemble des infrastructures, quel que soit le support d’accès.
Tant que l’interopérabilité ne sera pas une réalité, que chaque collectivité conservera son propre support d’accès, sa grille tarifaire et sa réglementation, le transport multimodal ne pourra pas être déployé à grande échelle.
Le simple référencement des bornes de recharge est déjà une gageure. Nous devrions pourtant offrir à l’acquéreur d’un véhicule électrique une cartographie des bornes et une information sur leur disponibilité en temps réel. Notre entreprise travaille à la conception d’une telle offre à l’échelle de la région dans un premier temps, puis, dans un second temps, sur tout le territoire national. »
2. Cette approche globale pose la question des choix de l’État
La question centrale est de savoir si l’État doit s’engager en faveur d’une seule technologie ou au contraire être neutre dans ses choix. Cette question prend une importance grandissante, du fait de la position de l’Union européenne qui privilégie la neutralité face aux différentes solutions techniques.
La France, au contraire, préfère faire des choix, dans le cadre d’une politique industrielle (expression difficilement comprise à Bruxelles où ce thème est occulté au profit de la politique régionale et de la politique de concurrence). Il en est résulté de nouvelles filières industrielles qui ont contribué au développement de produits nouveaux, souvent à haute valeur ajoutée du fait de l’originalité de la recherche qui a permis leur conception. Dans plusieurs cas, ces filières ont contribué au développement des exportations de biens mais aussi de services.
L’approche des nouvelles motorisations et des nouveaux carburants peut être analysé à travers ce prisme.
De quelle manière faut-il répartir les fonds publics, surtout à une période où ceux-ci sont plus rares ? Faut-il privilégier une filière (la filière électrique) ou répartir l’effort entre plusieurs options techniques (l’électrique, l’air comprimé, l’hydrogène d’une part, le GPL, le GNV, les agro-carburants de deuxième ou troisième génération d’autre part) ?
Pour l’instant, les structures publiques de financement soutiennent ces divers projets d’autant plus que, si l’on prend le cas des motorisations, l’un est porté par Renault, l’autre par PSA, un troisième par le CEA. Si l’on prend le cas des carburants, la nécessité de sortir de la prédominance du pétrole conduit à rechercher toute solution, dans un univers où l’on trouve GDF Suez, mais aussi les représentants des filières agricoles.
Le choix n’est pas forcément simple du fait de la présence d’acteurs multiples qui tous peuvent relever de l’aide de l’État.
3. Il ne faut plus raisonner en termes de performances maximales qui ne seront pas utilisées
Veut-on continuer à avoir un parc de véhicules toujours croissant, sans évolution du modèle standard ? Faut-il maintenir ce système, avec des véhicules en propriété gérés à leur guise par leurs propriétaires ? Ou peut-on le changer partiellement ou totalement, avec des systèmes qui soient davantage partagés ?
L’évolution des technologies et leur potentielle généralisation se posent de manière très différente selon que l’on raisonne dans un système ou dans un autre. Quel type de véhicule découlerait d’une approche différente, moins axée sur la performance ?
Ces véhicules pourraient être davantage adaptés aux besoins réels, en termes de pollution, de consommation, de bruit, de sécurité, de vitesse, de dialogue avec la route intelligente, d’accès aux personnes handicapées. Ils seraient utilisés différemment. Une plus grande attention serait accordée à leur entretien pour qu’ils puissent être utilisés plus longtemps, ce qui permettrait de réduire leurs effets collatéraux.
Ils pourraient être encore plus divers : certains pourraient être modulables, ce qui correspond au souhait exprimé par de nombreux jeunes ; d’autres pourraient se déplacer sans conducteur, ou avec un conducteur moins accaparé par la route. Certains véhicules pourraient se garer automatiquement dans des garages adaptés, comme le propose M. Alain Bernard.
Bref, ces véhicules se rapprocheraient fort de la définition que nous donnons du véhicule écologique.
B. PARTIR D’UN NOUVEAU MODÈLE REPOSANT SUR DE NOUVELLES RELATIONS ENTRE LE VÉHICULE ET LES TERRITOIRES
Ce modèle serait basé sur le refus de concevoir l’aménagement du territoire en fonction du tout-automobile.
1. Les règles de stationnement, la politique de voirie seront alors conçus en fonction d’autres objectifs que de satisfaire de manière prioritaire les automobilistes
Une telle politique commence à se dessiner dans plusieurs villes. C’est le sens des mesures de réduction des vitesses maximales, de limitation de l’accès des véhicules à certaines zones du centre-ville, de l’aménagement de zones piétonnes, d’un aménagement différent de la voirie, afin de diminuer le niveau de pollution.
2. L’offre de mobilité pourra alors évoluer : elle pourra être plus diversifiée, y compris dans les villes petites et moyennes et à la campagne
L’inter-modalité sera privilégiée. La mise en place de lieux de rencontres pour covoitureurs pourra se développer, de même que la priorité aux autres modes de transports doux. L’automobile serait ainsi une partie de l’écosystème des transports, complémentaire aux autres sans occuper toute la place.
3. Quel véhicule pourrait en découler ?
Le véhicule utilisé en zone dense serait nécessairement plus petit pour pouvoir se garer plus facilement et avoir moins d’emprise sur la voie publique.
Les avantages que les pouvoirs publics pourraient consentir à l’achat seraient justifiés dans la durée par la réduction de la pollution. Les constructeurs seraient ainsi incités à fabriquer des véhicules moins polluants. Un exemple probant à l’étranger : au Japon, les K-cars bénéficient d’avantages fiscaux et financiers notamment en raison de leur gabarit faible et extrêmement normé, et de leur faible puissance. Ces véhicules ne doivent en effet pas dépasser 660 cm3 et 63 chevaux de puissance, pour un gabarit maximal de 3,4 mètres de longueur, 1,48 mètre de large et 2 mètres de hauteur.
Ce véhicule n’aurait donc pas besoin d’être aussi puissant, ce qui le rendrait plus sobre et plus léger. Sa vitesse maximale serait plus proche de la vitesse maximale autorisée sur autoroute (sans forcément être égale à celle-ci).
Le véhicule serait alors moins accidentogène.
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III. L’ORGANISATION ACTUELLE DE LA FILIÈRE AUTOMOBILE PERMETTRA-T-ELLE DE RÉPONDRE À CETTE ÉVOLUTION DE LA MOBILITÉ ET DU VÉHICULE ?
1. Une filière actuellement en difficulté
Les difficultés s’accumulent sur le marché national. Son évolution est actuellement défavorable : la réduction de la demande est marquée, ce qui entraîne des répercussions négatives sur l’emploi.
Cette baisse se traduit dans les chiffres et doit être replacée dans un contexte mondial de concurrence de plus en plus vive. Selon les données du ministère du redressement productif, 2,2 millions de véhicules ont été fabriqués en 2011 en France contre 3,5 millions en 2005.
Le nombre d’immatriculations au plan national diminue, tandis que l’âge moyen de l’acheteur d’une voiture neuve augmente. Le parc vieillit. Il en résulte une situation difficile pour les constructeurs français qui depuis deux ans ferment des sites et/ou réduisent leurs effectifs. Le symbole le plus récent en a été la fermeture de l’usine PSA d’Aulnay-sous-Bois, tandis que Renault parvenait à négocier un accord avec les syndicats sur le maintien de ses cinq sites de production en France.
Les conséquences sur l’emploi dans le secteur automobile sont importantes, d’autant plus que ces difficultés aggravent une tendance déjà lourde : l'emploi dans l'industrie automobile a reculé de 30 % en 10 ans.
Et pourtant, les constructeurs étrangers trouvent le marché français attractif : Toyota s’installe à Valenciennes et y produit ; Ford a aussi des projets de production en France.
Les sous-traitants – souvent des PME – sont dans une situation particulièrement délicate. Le rétrécissement de l’activité a des conséquences défavorables pour les entreprises de taille intermédiaire, dont certaines sont obligées de mettre fin à leurs activités. Il faut donc veiller à ce que les sous-traitants, dont le rôle est majeur, ne deviennent pas une variable d’ajustement.
La dépendance vis-à-vis du marché mondial augmente et pèse sur les comptes extérieurs. La contrainte extérieure freine le recours à certaines technologies.
Des matières premières essentielles à la production des nouveaux véhicules doivent être importées. C’est le cas des terres rares qui sont localisées principalement en Chine. Or ce sont des composants essentiels des batteries et des aimants utilisés dans les voitures électriques. Mais, comme le remarque Jean Syrota, les problèmes de disponibilités en lithium ou en terres rares peuvent être résolus. Les constructeurs de batteries sont par ailleurs en majeure partie étrangers. Il en est de même pour les appareils d’électronique embarquée.
2. Une filière qui dispose néanmoins d’atouts
Les atouts sont certains : le secteur automobile emploie dans sa totalité 1,8 million de personnes. Le nombre de personnes employées par les fournisseurs de l’automobile en France est proche de 250 000 personnes.
Tant les constructeurs que les grands équipementiers se positionnent à l’échelle européenne ou mondiale.
Les équipementiers sont particulièrement actifs et sont particulièrement attentifs à l’innovation, à la qualité et à la sécurité. De très grosses entreprises, telles que Valeo, Plastic Omnium, Cap Gemini ou Faurecia, côtoient beaucoup de petites entreprises qui doivent veiller à ne pas dépendre uniquement d’un ou deux constructeurs. 80 % d’entre elles ont moins de 50 salariés, selon les données du Fonds de modernisation des équipementiers automobiles.
Leurs activités sont diverses : emboutissage de tôle, fabrication d’équipements électroniques, de sièges, de pièces de carrosserie plastique, de pare-chocs, de réservoirs, de batteries.
Le secteur de la réparation devient quant à lui de plus en plus diversifié. Il doit s’adapter à de nouvelles motorisations, de nouveaux produits, et à un véhicule utilisant de plus en plus d’électronique.
Les banques elles-mêmes et les compagnies d’assurances jouent un rôle croissant dans cette filière. Les grandes entreprises sont également, dans un autre registre, des acteurs majeurs du fait de l’importance de leurs flottes professionnelles.
Les pouvoirs publics accompagnent depuis longtemps la filière, même si les centres de décision sont en train de se diversifier. Cette tradition de soutien public peut prendre différentes formes : prime à la casse, bonus-malus, participation dans des entreprises du secteur.
Aussi, la filière automobile française est de plus en plus présente dans le monde entier, se renforce dans les pays émergents où la demande est croissante. Certains analystes mettent néanmoins en garde contre un optimisme qui leur paraît exagéré. Les perspectives d’évolution du marché dans les pays émergents risquent de ne pas être aussi brillantes que prévu.
B. UNE SITUATION DONT L’ÉVOLUTION PEUT ÊTRE IMAGINÉE AU TRAVERS DE PRÉVISIONS ET DE SCENARII
1. La vision énergétique de l’ADEME pour 2030-2050 débouche sur une évaluation du marché automobile
Évoquée plusieurs fois dans ce rapport, la contribution de l’ADEME à l’élaboration de visions énergétiques 2030- 2050 dépasse très largement le secteur des transports.
Cet exercice de prospective permet d’identifier une voie possible pour la transition énergétique dans notre pays. « Il est basé sur deux horizons temporels et deux méthodologies distinctes : une vision qui, à partir d’aujourd’hui, cherche à tirer, de manière ambitieuse mais réaliste, le potentiel maximum des économies d’énergie et des énergies renouvelables jusqu’en 2030 ; et une vision normative qui vise l’atteinte du facteur 4 en 2050, c'est-à-dire la division par 4 des émissions de gaz à effet de serre générées sur le territoire national par rapport à 1990 ».
Son scenario 2030 repose sur une hypothèse de croissance économique de 1,8 % par an et une population composée de 69 millions d’habitants en 2030. Il ne suppose pas un changement radical du mode de vie, une baisse du confort et ne fait pas le pari de ruptures technologiques fortes.
Il en ressort qu’à cet horizon, les transports contribueront à hauteur de 30 %, soit 8 Mtep, à la baisse de la consommation d’énergie.
Les services de mobilité représenteront en 2050 30 % des flux de voyageurs urbains, la voiture étant intégrée dans une offre élargie et diversifiée. Le modèle a évolué et passe de la possession au service : elle n’est plus seulement un bien acheté par un particulier pour son seul usage personnel.
En 2030, l’hypothèse prise est que chaque personne parcourra autant de kilomètres qu’aujourd’hui, mais différemment, du fait du développement de l’auto-partage, du covoiturage et d’un report modal sur les transports en communs et les modes doux.
Il y aura à cette date de plus en plus de véhicules hybrides non rechargeables et de nouvelles motorisations qui seront principalement soit des véhicules hybrides rechargeables plug-in (à double motorisation et qui se rechargent sur le secteur), soit des véhicules électriques qui seront surtout achetés par des professionnels et qui seront déployés par les services de mobilité.
Les émissions moyennes de CO2 diminueront de 167 g/km à 100 g/km. Les véhicules neufs émettront en moyenne 49 g/km, contre 127 en 2010.
Dans ce scenario, les surfaces cultivées pour les agro-carburants n’augmentent pas tandis que la part des carburants de deuxième génération progresse aux dépens de ceux de première génération. Le transport de marchandises est encore fortement marqué par la route.
En 2050, les flux de voyageurs en transports collectifs auront doublé. Les transports en deux roues motorisées et vélo seront multipliés par 4.
Le parc automobile ne comprendra que 22 millions de véhicules contre 35 actuellement. Les véhicules seront mutualisés, serviront plusieurs fois dans une même journée et transporteront plus de voyageurs. Le remplissage des véhicules et leur plus large utilisation dans le temps apparaissent primordiaux. Le parc comporterait un tiers de véhicules thermiques, un tiers de véhicules hybrides et un tiers de véhicules électriques.
12 millions de véhicules seraient possédés, 5 millions seraient en auto-partage et 5 millions seraient des véhicules utilitaires légers.
Les véhicules thermiques passeraient progressivement du pétrole au gaz, dont une partie importante serait renouvelable. La France pourrait ainsi être indépendante du pétrole à l’horizon 2050. Le développement de la deuxième et de la troisième génération d’agro-carburants y contribuera.
Les poids lourds resteraient hors des villes et déposeraient leurs marchandises dans des centres logistiques qui les achemineraient dans les centres urbains avec des véhicules plus légers.
b. Les remarques de l’ADEME sur les scenarii d’évolution des consommations d’énergie dans les transports
M. François Moisan, directeur exécutif Stratégie, Recherche, International, ADEME remarque que les différents scenarii qui étudient les perspectives d’évolution des consommations d’énergie dans les transports en visant le facteur 4 (ceux de Négatep, de l’ANCRE, de l’ADEME, de Négawatt, association qui a fait un scenario d’atteinte globale du facteur 4 sur toutes les consommations d’énergie en permettant en parallèle une sortie du nucléaire…) d’ici 2050, n’atteignent pas tous cet objectif. Par contre, tous prévoient une décroissance notable des consommations.
« Quels seraient, en 2030, les vecteurs énergétiques dans ces scenarii ? On constate de grandes différences entre 2030 et 2050. En 2030, beaucoup de carburants pétroliers, une pénétration relativement faible de l’électricité, du gaz, principalement à terme du biogaz. En 2050, une diversification beaucoup plus grande entre l’électricité, le biogaz. La part des biocarburants reste faible compte tenu de la concurrence avec l’alimentation ».
c. Les prévisions de l’ADEME sur l’évolution du marché automobile
Ces prévisions ont été présentées par Mme Joëlle Colosio, chef du service Qualité de l’air à l’ADEME.
« L’ADEME prévoit une érosion des ventes de diesel, une poussée de l’électrification des véhicules, un taux d’équipement des ménages en baisse. Les véhicules hybrides seront en augmentation de 0 aujourd'hui à 10 % en 2030. Les véhicules rechargeables passeront de 1 à 2 % aujourd'hui à 22 % à 2030.
Par contre, le décollage du GNV est encore un marché de niche qui est réservé aux poids lourds. Sur les biocarburants, il n’y a pas de vraie émergence des véhicules FlexFuel. L’hydrogène est une technologie qui n’est pas encore mature, et les coûts d’investissement des infrastructures de distribution sont très élevés.
Sur l’évolution des flux de voyageurs, il est envisagé une baisse de 20 % sur les déplacements urbains, qui vont être pris plus par du covoiturage ou de l’auto-partage, en augmentation de 10 % ; Sur le périurbain, une baisse de 20 % et également sur la longue distance, avec des rééquilibrages véhicule individuel
– auto-partage – covoiturage – transports collectifs – transports ferrés également. Et puis la part du vélo et du deux-roues électrique pour l’urbain et l’interurbain ».
2. Les prévisions à long terme de l’Agence internationale de l’énergie
M. François Cuénot, de l’Agence internationale de l’énergie les commente de cette manière : « L’Agence internationale de l’énergie réalise des projections à long terme, à 2050, à l’échelle du monde. Aussi, j’ai envie de tordre le cou à une idée reçue, qui consiste à dire que le secteur des transports est très cher à décarboner. Sur les quatre prochaines décennies, nous avons fait la somme du coût du secteur de transport, en achat de véhicules et en dépenses de carburants et d’infrastructures. On s’aperçoit que le coût total diminue.
S’il y a amélioration technologique, on constate un transfert du coût du carburant vers les véhicules. Si le véhicule énergétiquement efficace coûte plus cher à l’achat, on se rattrape largement pendant le coût de la durée de vie. Pour améliorer l’efficacité énergétique d’un véhicule de 40 %, on dépensera aujourd’hui 2 000 dollars par véhicule, pour une économie de 4 000 dollars sur la durée de vie du véhicule. Cette dernière notion est importante, car pourquoi les gens n’achètent-ils pas de véhicules énergétiquement efficaces, alors qu’ils feront des économies dans la durée ? Du fait principalement du prix des carburants trop bas (même si ce n’est pas le cas en Europe), incertains, d’un manque d’information évident. Il faut ajouter que les constructeurs automobiles utilisent les gains d’efficacité énergétique pour augmenter la puissance ou le poids des véhicules, ce qui arrive moins aujourd’hui à cause des normes. Mais le paramètre le plus important est le temps de retour sur investissement, qui est très court. C’est sur ce point que les politiques publiques sont importantes : comment faire pour que l’utilisateur prenne en compte toute la durée de vie du véhicule ?
Cela dit, la neutralité technologique est, à mes yeux, fondamentale. Les pouvoirs publics ne doivent pas intervenir sur la technologie à promouvoir. Voyez le diesel. Au plan européen, il a fait l’objet d’une promotion, tant en matière de fiscalité que de normes. Nous en payons le prix aujourd’hui… La volonté de l’interdire est tout aussi contreproductive, le mal étant déjà fait.
Le bonus-malus est un bon exemple. C’est un système censé être économiquement neutre, qui permet de favoriser les modes de transport les plus vertueux ».
Quel est le niveau de production pour atteindre la rentabilité ? « Sur ce point, nous n’avons pas de chiffres précis. Tesla, le fabricant californien de véhicules électriques, a fait son premier bénéfice avec 20 000 véhicules par an. Le véhicule est très cher, mais il a sa niche. Même avec une petite production, on peut avoir un business. De fait, il n’y a pas vraiment de seuil. Nos modèles montrent que chaque doublement de la production s’accompagne d’une diminution du coût entre 10 et 15 % ».
3. Les trois scenarii du BIPE sur l’évolution du pouvoir d’achat
a. Premier scenario : la stabilisation du pouvoir d’achat
L’économie croîtrait de manière modérée, la croissance du pouvoir d’achat serait limitée de ce fait et à cause des mesures prises pour réduire l’endettement, les taux d’activité par âge resteraient stables.
Dans ce scenario, la croissance modérée du pouvoir d’achat va dicter les arbitrages de consommation des ménages.
b. Deuxième scenario : une croissance économique plus forte
La croissance économique serait de 2% par an sur le long terme. L’âge de la retraite serait augmenté. Le taux d’activité des jeunes serait plus élevé.
On peut alors imaginer une rupture par rapport aux tendances antérieures et une dualisation des comportements et des marchés en cas d’évolution contrastée du pouvoir d’achat entre les diverses catégories de ménages.
c. Troisième scenario : une croissance économique plus lente, mais une évolution des valeurs des individus
Tous les entrants sur le marché du travail ne trouveraient pas l’emploi qu’ils souhaitent. Le taux d’activité des 55-64 ans augmenterait légèrement, celui des 15-24 ans diminuerait lui aussi légèrement.
Les prix effectifs des biens et services évolueraient, certains aujourd’hui gratuits et peu chers, comme l’espace de stationnement individuel, pourraient devenir très chers parce que très prisés, tandis que d’autres verraient leur prix baisser.
4. Les deux scenarii du BIPE sur le taux d’équipement automobile des ménages
a. Premier scenario : la poursuite des tendances passées
Il y aurait une hausse du taux d’équipement moyen des ménages de 0,3 % par an jusqu’à 2010, puis une croissance nulle entre 2010 et 2020.
Le mono-équipement décroîtrait à l’horizon 2015 pour atteindre 45 % en 2020. Le bi-équipement croîtrait d’environ 0,8 % par an jusqu’en 2020. le tri-équipement croîtrait faiblement à partir de 2015 et atteindrait 6 % en 2020.
b. Deuxième scenario : l’apparition de ruptures
Ces ruptures découleraient d’une prise de conscience écologiste et de l’effet de la crise sur les jeunes générations.
Les jeunes ne s’équiperaient pas, loueraient un voiture ou utiliseraient tout autre moyen de locomotion.
Il en résulterait une hausse du taux d’équipement moyen des ménages de 0,2 % par an jusqu’en 2010, puis une décroissance de ce taux de l’ordre de - 0,2 % par an entre 2010 et 2015, et de - 0,5 % par an entre 2015 et 2020.
a. Sur la réalisation du facteur 4
Le rapport du Programme de recherche et d’innovation dans les transports (PREDIT), du Laboratoire d’économie des transports (LET) et d’Enerdata (2008) développe trois scenarii contrastés, fondés sur la poursuite des tendances actuelles (« Pégase »), la diminution des vitesses moyennes de 20 % et un développement important des péages et taxes carbone (« Chronos ») ou des changements radicaux dans les modes de vie réduisant drastiquement la demande (« Hestia »). Dans tous les cas, il y a diminution de la vitesse et du volume des déplacements, et augmentation des coûts pour l’usager.
b. Sur l’évolution du tourisme
L’approche du PREDIT est intéressante dans la mesure où l’on peut en tirer des conséquences sur l’évolution envisagée des transports à partir des hypothèses retenues.
- Premier scenario : la poursuite des tendances actuelles
Les tensions internationales subsistent, conduisant à des substitutions de lieux de destination en fonction du contexte géopolitique et des évènements, mais les voyages internationaux restent globalement sûrs.
Le transport par route, comme le transport aérien est alors marqué par une réduction des émissions polluantes (de l’ordre de 65 % pour la route d’ici 2050).
Les moteurs hybrides, les piles à combustible, la motorisation électrique en ville prend le relais des moteurs hybrides.
Le train prend une place modale plus grande. C’est la fin d’un usage sans limite de l’automobile.
- Deuxième scenario : Une approche maximaliste : « le monde est à nous »
L’hypothèse est faite que les voyages seraient plus faciles et plus sûrs. La mobilité à très longue distance pourrait exploser. Le trafic aérien serait particulièrement concerné, l’automobile moins.
Les préoccupations environnementales sont moins importantes. Les coûts de réduction des émissions polluantes paraissent disproportionnés pat rapport aux bénéfices économiques qui peuvent en être attendus. Il peut même en résulter un laxisme environnemental.
- Troisième scenario : « la décroissance conflictuelle ou le scenario du pire »
L’insécurité globale serait plus importante. Même les voyages de proximité seraient atteints.
L’efficacité énergétique progresserait, mais avec un moindre dynamisme, du fait du coût de la recherche.
6. Les trois scenarii du BIPE sur l’évolution possible des valeurs automobiles et environnementales
a. Premier scenario : maintien de l’image de l’automobile
L’image de l’automobile, mais aussi ses valeurs ou la perception de son utilité pour les consommateurs ne changeraient pas.
Les comportements d’achat automobile ou les usages de l’automobile (appréhendés en nombre de trajets, de kilométrage annuel moyen parcouru, de taux d’occupation des véhicules) resteraient les mêmes.
b. Deuxième scenario : une dualisation du marché entre zones urbaines et zones rurales
Il suppose une intensification, dans les zones urbaines denses, des préoccupations environnementales et des inquiétudes liées à la congestion, au bruit et à la pollution atmosphérique.
Dans les zones rurales, où ces inconvénients sont moins présents, l’attachement à l’automobile resterait fort comme moyen de déplacement et comme objet d’images.
Il en résulterait une diversité accrue des marchés automobiles et une interprétation plus complexe des tendances d’achat par âge et par génération.
c. Troisième scenario : la valeur de l’automobile n’est plus liée à l’objet mais au service qu’il rend
Il pourrait alors y avoir des schémas très différents des taux d’équipement individuels en véhicules particuliers, en fonction de l’évolution de l’offre alternative de transports.
Les choix de gamme pourraient être modifiés, les particuliers privilégiant la dimension pratique de l’automobile plutôt que la détention comme vecteur d’image.
Certains ménages pourraient détenir et utiliser simultanément un véhicule low cost utilisé pour leurs déplacements quotidiens et un véhicule premium , multi-équipé et bourré d’électronique pour leurs déplacements interurbains, professionnels ou leurs voyages.
C. UNE FILIÈRE OÙ LES ANALYSES ET LES STRATÉGIES DES CONSTRUCTEURS ONT UN POIDS PRÉDOMINANT
Quelle est la stratégie des constructeurs français et des constructeurs étrangers présents en France ? À partir de quelles prévisions est-elle définie ? À quelle échéance les constructeurs se projettent-ils ? Comment leur stratégie se compare-t-elle avec celle des grands groupes étrangers ? Les relations entre constructeurs et équipementiers, entre constructeurs et sous-traitants pourraient-elles être améliorées ?
1. Le point de vue des constructeurs français
a. Renault : une approche et une taille mondiales ; le choix du véhicule électrique
La position du groupe Renault a été présentée lors des différentes auditions par Mme Louise d’Harcourt, directeur des affaires parlementaires et politiques ; Mme Béatrice Foucher, directeur du programme véhicule électrique ; M. Christian Rousseau, expert leader Mobilité et Systèmes de transport ; Mme Martine Meyer ; M. Philippe Schulz, expert-leader Environnement, Énergie et Matières premières ; M. Thomas Orsini ; M. Eric Lemerle, responsable des études sur la mobilité, direction de la connaissance client ; M. Aurélien Subsol, chef de produit Zoé ; M. Thierry Viadieu, directeur des programmes et des services de mobilité ; M. Jean-Christophe Béziat, directeur de l’innovation à la direction des affaires publiques ; M. Jean-Michel Billig, membre du Comité exécutif du groupe Renault, directeur engineering, qualité, informatique.
Les débats ont porté sur la stratégie du groupe, l’adaptation de la gamme à l’évolution du contexte automobile, et son implication dans le véhicule électrique.
— Une stratégie mondiale tenant compte de l’évolution de la demande, de l’environnement, de l’emploi, et de la nécessité de concilier des calendriers différents
Le groupe Renault, comme tous les groupes mondiaux, ne se positionne pas dans un cadre hexagonal, ni même européen, mais mondial. À ce niveau, les comportements sont très différents. Si les marchés déclinent en Europe, le marché automobile croît de 8 % à l’international. C’est à la fois la cause et la conséquence de son alliance avec Nissan.
Renault fait face à la baisse du pouvoir d’achat et à la réduction du budget dédié à l’automobile dans les pays développés et au report des consommateurs vers des véhicules d’occasion et des véhicules moins chers.
La recherche et l’emploi font aussi partie de ses priorités stratégiques.
En matière de recherche, Renault a fait le choix de garder 80 % de ses moyens de recherche et d’innovation en France. Cela permet d’apporter une réponse au problème de l’emploi, notamment sur deux sites : Maubeuge et Flins.
S’agissant de l’emploi, Renault conserve en France cinq sites d’assemblage (à Flins, Sandouville, Douai, Maubeuge et Batilly) ainsi qu’une usine à Cléon.
Cette implantation territoriale est un choix stratégique car il aurait pu produire les 530 000 voitures fabriquées en 2012 sur un seul site, ce que fait Nissan en Angleterre.
En mars 2012, un accord avec les partenaires sociaux a été signé, valable jusqu’en 2016, où Renault s’engage à ne fermer aucun site en France et à créer les conditions pour que ses partenaires Nissan et Daimler rapatrient en France une partie de leur production, soit 80 000 véhicules. En contrepartie, des efforts ont été demandés aux salariés : la durée du travail remonte à 35 heures (contre 28 heures dans certains cas), ce qui entraîne une diminution notable des RTT ; des regroupements des fonctions support se feront entre sites industriel.
Les préoccupations environnementales font partie de cette stratégie. L’approche de Renault s’appuie sur le cycle de vie. Il vient ainsi de publier une analyse de cycle de vie sur le véhicule électrique. Il a mis en place dès 2007 une signature « éco2 », écologique et économique, pour souligner cet aspect de la mobilité accessible pour tous, basée sur trois critères environnementaux sur chacune des étapes du cycle de vie. Cette approche repose aussi sur plusieurs études en amont, car l’ensemble des acteurs de la filière ont besoin d’anticipation.
Les progrès réalisés en termes de consommation énergétique sont, depuis plusieurs années, continus. Sur les cinq dernières années, la consommation moyenne des véhicules vendus en France a été réduite de 1 litre/100 km sur les véhicules essence, et de 0,8 litre/100 km sur les véhicules diesel. Ce progrès va se poursuivre, ce qui permettra de se rapprocher du plan et de l’ambition affichées par le gouvernement d’un véhicule à 2 litres/100 km. Il n'y aura pas une solution miracle qui permettra de répondre à ce programme extrêmement fédérateur. Il va y avoir un ensemble de briques technologiques qui permettront de contribuer individuellement à répondre à des besoins spécifiques en fonction des usages, des moyens, et de la période à laquelle ces véhicules seront utilisés.
Un groupe comme Renault doit enfin concilier trois agendas : celui du constructeur ; celui du citoyen et du consommateur qui agit sur ses comportements et ses attentes ; celui des pouvoirs publics qui déterminent les politiques publiques d’accompagnement des nouveaux choix industriels.
— Une gamme qui doit répondre au contexte actuel et pressenti
Pour Renault, cette gamme doit être adaptée aux nouveaux besoins et tenir compte de la baisse du pouvoir d’achat et de l’évolution des modes de vie. Les véhicules doivent être moins polluants et moins encombrants. S’ils sont thermiques, leurs performances doivent être améliorées.
Cette gamme doit aussi permettre de répondre aux besoins des personnes ayant de petits budgets. C’est le sens de la solution low cost que propose Renault, concrétisée par la production de la Logan estampillée « Dacia par Renault », dont 900 000 exemplaires ont déjà été vendus. Son prix de base de 5000 euros est rendu possible par la réutilisation d’anciennes motorisations. Logan fait maintenant partie d’une gamme qui inclut Duster et Sanghero. Ces véhicules permettent à Renault d’attirer vers ses véhicules neufs des personnes qui, traditionnellement, se portaient plutôt vers l’occasion. Ces nouveaux acheteurs ne sont ni dans un rapport d’image, ni dans un rapport statutaire à la voiture.
Renault envisage aussi de développer des voitures pour des mobilités alternatives, car les nouvelles formes de mobilités ont fait évoluer le rapport au véhicule. Il lui faut donc s’adapter à cette évolution du rapport à la possession de l’automobile, ce qui l’amène à contribuer au développement de l’auto-partage. Le groupe, qui estime que le Twizy et la Zoé sont adaptées à l’auto-partage, fait une expérience d’auto-partage à Saint Quentin. Celui-ci y est organisé dans un périmètre délimité. Les gens peuvent redéposer leur voiture où ils veulent dans ce périmètre, sans qu’il y ait besoin de le laisser à une borne. Le véhicule est ensuite récupéré. Le schéma retenu permet de s’affranchir de l’usage de son automobile et fonctionne bien.
Les véhicules futurs devront être munis des équipements adéquats pour les voyageurs – aide à la géolocalisation, aide à la navigation, aide à l’optimisation du parcours, système de gestion de l’énergie dans les véhicules électriques.
La gamme doit être innovante. C’est le cas du Twizy, un quadricycle qui occupe un espace réduit, et a un usage intermédiaire entre le véhicule et le deux-roues. Force est pourtant de constater que ce nouveau véhicule rencontre des obstacles réglementaires : sur quelles voies doit-il rouler ? Avec quel type de permis ? Le Twizy démontre comment la création d’un véhicule de rupture oblige à se confronter à de nombreux problèmes réglementaires.
— La priorité donnée au véhicule électrique
- Les implications de ce choix
Dans le cadre de son alliance avec Nissan, Renault a investi 4 milliards d’euros pour lancer une gamme de véhicules électriques, preuve qu’il ne s’agit pas d’un choix de niche, mais d’un choix stratégique. Sa réussite dépendra de la coïncidence des trois agendas.
Sa filière véhicule électrique s’est appuyée sur deux piliers :
Bien qu’on aille vers l’électrification, on ne va pas vers le 100 % électrique. Le rôle du véhicule électrique est d’émettre 0 g de CO2 et le rôle des pouvoirs publics est d’aboutir à ce que la demande soit la moins carbonée possible. Par ailleurs, si les concurrents offrent des voitures plus grosses, il va falloir électrifier les moteurs thermiques qui vont aussi faire des progrès énormes en termes de CO2 et de consommation, pour s’adapter à la concurrence si celle-ci offre des voitures plus grosses.
Offrir une gamme de véhicules électriques abordable ne peut pas être atteint sans rencontre entre les positions publiques et l’industrie, sur les besoins d’infrastructures, sur le transport de marchandises lors du dernier kilomètre, sur la gestion des parkings.
Tous ces dispositifs auront des effets sociétaux, le véhicule électrique pouvant apporter des bénéfices sanitaires, notamment en ville. Sa massification, à hauteur de 20 %, permet de réduire des composés comme le dioxyde d’azote de l’ordre de 45 %.
- la concrétisation à grande échelle de ce choix : la Zoé
La Zoé, fabriquée à Flins, est aujourd’hui une voiture emblématique, même si Renault produit aussi d’autres véhicules électriques : la Kangoo, à Maubeuge, le Twizy, en Espagne, la Fluence (une grande Mégane), en Turquie.
Les débats ont porté sur son intérêt économique, ses perspectives de production et de commercialisation, son autonomie et la recharge de sa batterie.
La Zoé arrive à un prix inférieur à son équivalent diesel. Et donc les calculs TCO, hors infrastructures, montrent qu’il est plus intéressant, dès lors que l’on fait plus de 12 000 kilomètres, de rouler en Zoé qu’en véhicule diesel équivalent.
Depuis mars 2013, elle est commercialisée en France dans tout le réseau primaire qui compte 400 points de vente. Fin juillet, plus de 4 000 Zoé ont été vendues. D’ici la fin du premier semestre, Zoé sera progressivement commercialisée dans tous les pays d’Europe. Les capacités installées à l’usine de Flins permettent de produire 100 000 voitures par an, objectif qui n’est toutefois pas prévu la première année. Fin 2013, 5 500 Zoé étaient immatriculées en France ; 3 000 avaient en outre été vendues ailleurs en Europe.
Son autonomie varie selon la manière dont on l’aborde : Il y a tout d’abord l’autonomie homologuée, puis l’autonomie moyenne en conditions normales et enfin l’autonomie en conditions exceptionnelles.
L'autonomie homologuée de Zoé en cycle mixte NEDC (New European Driving Cycle) est de 210 kilomètres sur un cycle normalisé. Dans des conditions normales de température et de pression, c'est-à-dire dans des températures tempérées avec un fonctionnement normal, elle est de 150 kilomètres. Dans un environnement sévère, c'est-à-dire en dessous de 0°C et une utilisation agressive, elle est d’au moins 100 kilomètres.
Trois possibilités s’offrent pour la recharge de sa batterie, chacune ayant sa problématique :
- la recharge dans un immeuble de bureaux, dans des parkings, chez des artisans, ou en zone pavillonnaire : C’est la plus simple. Des solutions commercialisées permettent la recharge.
Dans une maison individuelle, ce qui représente 70 % des cas, le particulier achètera la wall box qui lui permettra de se connecter au réseau. C’est la wall box qui permet de programmer la charge, de la différer, afin d’éviter les tensions sur le système électrique.
- la recharge dans une copropriété : elle est plus compliquée et peut être chère, même si les solutions techniques existent. Les travaux peuvent s’élever entre 10 000 et 15 000 euros, s’il faut apporter l’électricité ou refaire le tableau. Si ce coût porte sur le premier demandeur de la copropriété, ce sera pour lui insupportable, car le prix de sa voiture sera doublé. En plus, les délais sont très importants, dès lors qu’il faut passer par l’assemblée générale de copropriété. Même si l’on a un droit d’aboutir, les délais ne seront pas raccourcis pour autant. Pour beaucoup d’acquéreurs, ces travaux ont pris six à douze mois.
- la recharge publique : Les études ont montré que dans les endroits où il y avait de la recharge publique, normale ou accélérée, les utilisateurs de véhicules électriques roulaient plus. C’est ce qui se passe au Japon. La recharge publique ne sert donc pas qu’à réassurer les conducteurs de véhicules électriques qui veulent être sûrs de ne pas tomber en panne, quelles que soient les circonstances.
Pour Renault, la décision de l’Union européenne de privilégier une prise de type 2 plutôt que de type 3, solution qu’il avait retenue, n’est pas un problème. Elle s’impose. Mais encore faut-il que cette décision rentre dans les faits, ce qui n’est pas encore le cas. Renault souhaite que ce processus soit le plus rapide possible.
b. PSA : des choix fonction du marché et de la rentabilité ; l’air comprimé
La position de PSA Peugeot Citroën a été exprimée par plusieurs de ses représentants : M. Hervé Pichon, délégué aux relations avec les institutions françaises, à la direction des affaires publiques ; Mme Sandrine Delenne, chef de projet « mobilité du futur » à la direction de la recherche, de l’innovation et des technologies avancées ; M. Pierre Macaudière, responsable moteur à la direction de la recherche et du développement ; M. Philippe Cholet, délégué aux affaires commerciales et économiques à la direction des affaires publiques ; M. Jean-François Huere, délégué à la sécurité routière à la direction des affaires publiques ; M. Claude-Jean Couderc, chargé des relations citoyens-consommateurs à la direction des affaires publiques ; M. Jean-Marc Finot, directeur de la recherche et de l’ingénierie avancée ; M. Gilles Le Borgne, directeur de la recherche et du développement.
Il découle de leurs interventions que PSA met l’accent sur l’importance du marché, sur la « nécessité de ne pas avoir raison trop tôt », sur l’intérêt du diesel, sur les possibilités qu’offre l’hybridation, et sur l’intérêt de la recherche pour concevoir les véhicules de demain.
— L’adaptation au marché et les exigences de rentabilité sont fondamentales
Comme le souligne M. Hervé Pichon, « un constructeur automobile est soumis à des contraintes. Il s’adresse à un marché – un marché vaste – à des clients, à des attentes de mobilité totalement différentes. Il doit construire une offre diversifiée, qui doit répondre à un modèle économique viable. Il est donc normal que ce constructeur prenne en compte les besoins de mobilité d’un certain nombre de clients qui ne sont pas forcément des urbains vivant à Paris, là où existe le meilleur maillage de transports en commun dans le monde. D’autres besoins de mobilité doivent être satisfaits, qui correspondent à une aspiration profonde de nos concitoyens, à savoir la liberté d’aller et venir, la fluidité, les échanges, la rupture d’une certaine fracture sociale, liée à l’isolement. Tous ces éléments forgent la viabilité d’un système économique et industriel ».
« Un industriel de l’automobile doit fonder son activité sur un modèle économique et la prise en compte de demandes de mobilité qui sont extrêmement diverses. On a parlé des jeunes. Mais il y a aussi des moins jeunes, qui ont un projet familial : leur demande de mobilité n’est pas la même. Ce sont tous ces éléments que doivent prendre en compte des industriels de l’automobile, sur la base d’un modèle économique viable. On ne saurait s’abstraire des impératifs de rentabilité et de profitabilité d’une activité industrielle ».
La solution technique devra en outre être acceptable pour le client.
PSA, qui met l’accent sur la très forte boulimie de mobilité de notre société et l’attachement des français à la liberté que confère l’automobile, a réalisé une étude sur les différentes attentes et postures face au besoin de mobilité. Il en résulte le constat de plusieurs approches différentes, les unes plutôt liées à la possession de l’objet automobile, les autres plutôt liées à des arbitrages compliqués à faire dans la journée, d’autres enfin à une démarche écocitoyenne. PSA en tire une conclusion : « il faut avoir une approche liée à l’hybridation, à la fois des moteurs, des silhouettes et des solutions modales. »
« Pour parvenir à une mobilité durable et à des véhicules propres –c’est l’objectif du groupe qui a la volonté de proposer un véhicule propre pour chacun, plusieurs leviers peuvent être actionnés : réduire les émissions de CO2, c’est travailler sur les chaînes de traction, mais aussi sur l’allégement, l’aérodynamique, et l’utilisation de matériaux recyclables ou bio-sourcés. Dans les chaînes de traction, nombre de leviers sont disponibles : la réduction de la cylindrée à puissance équivalente ; les technologies de stop and start, qui permettent de réduire jusqu’à 15 % les émissions ; l’hybridation ».
Pour PSA, il faut faire le meilleur choix en termes technologiques pour que le marché réponde. Il y a un compromis à trouver entre les technologies moteur, les énergies et le coût. L’optimum varie selon les zones géographiques.
Ainsi PSA fait 100 % de sa gamme à l’éthanol (E100) au Brésil (où des véhicules compatibles fonctionnent en utilisant entre 0 et 100 % d’éthanol, car il y a des pompes qui distribuent jusqu’à 100 % d’éthanol. En Chine, il ne propose que des moteurs à essence, et pas de diesel (il n’y a pas en Chine de gazole compatible avec les moteurs diesel modernes ; seuls les poids lourds y utilisent le diesel avec des moteurs plus rustiques, or PSA ne produit pas de poids lourds). Il vend en Argentine ou en Iran des véhicules au gaz ou au gaz naturel, en Italie et en Allemagne des véhicules au gaz naturel et au GPL).
En revanche, il ne vend en France aucun véhicule au GPL ou au GNV, car le groupe considère que l’avantage écologique est plutôt au diesel qu’il juge propre aujourd’hui.
— Un choix trop rapide du véhicule électrique qui alors n’était pas en phase avec le marché
PSA s’y est intéressé dès 1995 avec la Peugeot 106, la Citroën AX, la Saxo électrique et deux utilitaires, la Citroën Berlingo et la Peugeot Partner Electrique. Sur les 10 000 véhicules fabriqués, 3 500 circulent encore en Europe, ce chiffre correspondant au nombre de contrats de location de batteries encore actifs à ce jour. C’était la première génération avec des batteries cadmium nickel de chez SAFT qui donnaient 80 km d’autonomie. Cette production était associée à une Charte de développement du véhicule électrique signée entre PSA, Renault, EDF et l’État, avec l’objectif de 100 000 véhicules en 2010. Mais ces véhicules n’ont pas trouvé leur marché à l’époque. Leur conception était presque exclusivement réalisée en France, le moteur étant fait par Leroy Sommer et l’électronique par Sagem. Il n’y a donc pas eu de retour sur investissement.
PSA a été un acteur déterminant du véhicule électrique avant l’heure. L’engagement de l’État d’acquérir des véhicules électriques s’est transformé dans la loi sur l’air de novembre 96 en l’acquisition de véhicules propres GPL et GNV.
En 2004, PSA arrête la commercialisation. Il avait alors vendu 10 000 véhicules. Il n’en vend plus actuellement, mais poursuit la recherche sur les organes électriques et les hybrides.
PSA revient depuis 2011 au tout électrique avec « une vision pragmatique, considérant que c’est un marché niche ». Il recherche la mutualisation des coûts de développement et de production via un partenariat avec Mitsubishi. Le marché démarrera par les flottes et sur des quantités correspondant à l’usage du véhicule. Deux petits véhicules seront proposés : la Peugeot iOn et la Citroën C Zéro, à des prix d’introduction assez élevés de 35 000 euros, qui devraient baisser prochainement.
La sensibilité au prix est en effet assez forte. Nissan en a fait l’expérience. Mais le prix dépend non seulement des volumes, mais aussi des taux de change entre euro et yen (c’est Mitsubishi qui produit au Japon, ce qui est le cas aussi pour Nissan).
— Un fort attachement au diesel : Pour PSA, le diesel n’est pas condamné. Mais il peu rationnel économiquement de modifier les véhicules diesel anciens.
Pour PSA : « Le diesel conserve des avantages : Le filtre permet d’éliminer 99,9 % des particules primaires. Le diesel ne produit pratiquement pas de particules secondaires, du fait du montant très faible de composés organiques volatils (COV) qui sont du reste mal connus. »
Que faire vis-à-vis des véhicules diesel anciens ? « Si on veut les remettre à niveau, il faut les équiper d’un filtre efficace et d’un système de traitement efficace de l’oxyde d’azote, ce qui suppose de changer le moteur et la ligne d’échappement, ce qui concerne les catalyseurs, le filtre à particules, et les moyens permettant de traiter les polluants et notamment les oxydes d’azote. Ces changements coûteraient trois fois le prix actuel des anciens véhicules. Ils n’ont donc pas de sens économique. Cela n’aurait de sens que pour les véhicules respectant la norme Euro5, c'est-à-dire produits à partir de 2011, éventuellement ceux respectant la norme Euro 4, c’est à dire produits avant 2005. »
Cette réflexion conduit PSA à envisager une prime incitant au rajeunissement du parc, ce qui conduirait à l’élimination des véhicules les plus polluants, ceux qui ont plus de dix ans d’âge. « Ce serait préférable en termes de ratio coût-efficacité à une remise au niveau des véhicules anciens qui ne pourrait être que partielle et aurait des effets collatéraux sur d’autres polluants (les oxydes d’azote) si l’on ne change pas le moteur. En effet, si l’on supprime une partie des particules, on fabrique du NO2, les filtres catalysés ouverts rajoutés ne retenant pas les particules fines. »
— Les nouveaux diesels ont un avenir, comme les hybrides, dont le véhicule air comprimé.
Pour PSA, l’hybride diesel a du sens en Europe, car c’est un marché où il y a des véhicules diesel. Les performances d’un hybride diesel équipé d’un stop and start a les mêmes performances environnementales et de consommation énergétique qu’un hybride essence, mais coûte moins cher à l’achat (de 2 000 à 3 000 euros en moins). Cette approche se retrouve sur les modèles premium Peugeot 508 et 3008, Citroën DS 5, toutes construites à Sochaux, à Rennes et à Mulhouse.
« Cet hybride diesel combinant les avantages de la motorisation électrique et de la motorisation diesel est plus performant en termes de consommation d’énergie fossile qu’un moteur à essence (sa consommation d’énergie est de 20 à 25 % plus faible, ses émissions de CO2 plus réduites, de l’ordre de 15 à 20 %). Dans les zones urbaines et périurbaines, la réduction des émissions de CO2 atteint même 35 à 40 %, tandis que le diesel est la motorisation la plus efficace sur route et autoroute ».
PSA produira également de l’hybride essence, mais pas un hybride thermique électrique. Ce sera un hybride air, hybride thermique hydraulique à stockage d’énergie grâce à l’air comprimé. C’est ce qu’on appelle communément « hybride air » ; le grand public l’appelle moteur à air comprimé. Cela permet de réduire les coûts et d’aboutir à un coût inférieur ou équivalent à un moteur diesel avec stop and start (parce qu’il n’y a pas de batterie). Ce projet est soutenu par l’ADEME au titre des investissements d’avenir. L’aide qui en découle, d’au moins à 5 millions d’euros, est versée à une société où PSA n’est pas majoritaire.
« Par ailleurs, il y a l’hybride plug in, c'est-à-dire un hybride électrique rechargeable sur le réseau qui, comme tous les hybrides, récupère de l’énergie au freinage. Il ne fonctionne aujourd’hui que sur les hybrides diesel puisque c’est un hybride thermique électrique avec batterie et non un hybride hydraulique. C’est une future génération qui, dès 2016, va permettre en ville des longs circuits cumulés proches de zéro émission avec une autonomie supérieure du fait du moteur diesel (quand on n’utilise pas la batterie, on passe en mode hybride diesel). Un projet démonstrateur en a été fait. Il s’appelle Hydole (hybride à dominante électrique). Ce genre de technologie est déjà commercialisée par Opel (la Volt) et par Toyota, mais à un prix très élevé (42 000 euros pour la Volt). »
— Quels seront les véhicules de PSA, demain ?
« Il n’y aura tout d’abord pas de rupture technologique d’ici 2025. Après, tout dépendra de la transformation de la recherche en innovation pour les nouvelles batteries : lithium silicium, lithium air. L’amélioration attendue des performances serait de l’ordre de 20 %. Ces nouvelles batteries seraient une rupture car elles nécessitent de nouveaux process de fabrication. Il faut donc faire de nouvelles usines, ce qui pose la question de l’amortissement des usines actuelles. »
Pour Mme Sandrine Delenne, chef de projet « mobilité du futur », à la direction de la recherche, de l’innovation et des technologies avancées, « le véhicule du futur sera plus respectueux de l’environnement, communiquant et intelligent, et potentiellement autonome. Il sera également plus attractif et susceptible d’être facilement partagé ou intégré dans une chaîne multimodale. Grâce aux technologies de l’information et de la communication et au véhicule connecté, nous pouvons aller vers de nouvelles mobilités urbaines. La fluidité permettra de moins polluer, de moins émettre d’émissions de CO2. Les nouvelles technologies, les aides à la conduite aideront à trouver plus facilement des places de parking (30 % des véhicules à Paris tournent à la recherche d’une place de parking). Elles renforceront la sécurité, aideront à l’auto-partage et à la gestion des risques urbains. Elles apporteront des informations efficaces sur le trafic en temps réel via des systèmes embarqués, qui permettront d’éviter la congestion et de sécuriser les intersections ».
« PSA est bien conscient que la chaîne du champ des possibles des objets de mobilité est composée d’objets de deux roues (vélos électriques, scooters, électriques ou non), mais aussi de quatre roues. Entre les deux, il y a une place pour des objets qui relèvent d’autres catégories d’homologation de quadricycles
– du type concept car BB1 pour la marque Peugeot, avec quatre moteurs-roues – qui intègrent une conception nouvelle de l’habitacle et de l’architecture, pour limiter l’encombrement. La taille des modèles a été réduite, mais les quadricycles ont des restrictions d’usage. Un tel concept car n’est pas commercialisé, mais vise à ouvrir le champ de la réflexion. Au-delà du concept novateur du concept car, le BB1 soulève des questions d’acceptabilité, de conscience par rapport à la sécurité et aux chocs, et des nouveaux usages ».
Dans ce contexte, PSA travaille sur plusieurs projets :
- Un projet de « tricycle à 4 roues » (car les roues arrière sont très proches l’une de l’autre) : Le VéLV, véhicule électrique léger de ville sera plus petit que la Smart et pèsera moins de 700 kg. Un trois places, avec une vitesse maximale de 110 km/h, électrique, qui aura une autonomie de 100 kms. Sa carrosserie sera en fibres de verre et résine polyester. Parce que c’est un tricycle, il pourra circuler sur autoroute et sur le périphérique. Ce véhicule devrait sortir avant 2020. C’est actuellement un démonstrateur financé par l’ADEME.
- une voiture connectée, à l’image des centaines de milliers de voitures du groupe déjà connectées en Europe pour permettre un appel d’urgence via le système e-call ;
- un véhicule plus léger, qui permettra de réduire ses émissions de CO2 de 45 g/km par rapport à la 207. Le gain de masse de 70 kg est le résultat de l’utilisation de matériaux allégés innovants (de l’acier très haute limite élastique, de l’aluminium, des composites) ;
- un véhicule accessible en termes de coût avec des performances environnementales maximisées : l’Hybride éco, un super stop and start, compatible essence-diesel, bridé, léger, permettant des gains de 10 à 15 % de consommation et de 15g de CO2 par kilomètre. Sa petite batterie lithium ion et son petit moteur permettent de l’envisager à un coût réduit, en dessous de l’Hybrid air. Un tel véhicule est prévu pour 2015-2016.
« C’est une transformation de la gamme, sur la base d’une baisse des consommations et de l’augmentation des performances. PSA explore actuellement tous les chemins possibles pour aboutir aux meilleurs combinaisons thermiques-électriques et pour répondre au mieux aux différents usages de ses clients. »
c. Lumeneo : un véhicule électrique léger
M. Daniel Moulene, président directeur général de Lumeneo, indique que sa société a développé un véhicule électrique léger, la Neoma, disposant de 4 places, d’une longueur de 2,70 mètres et pesant 850 kg. Son autonomie est limitée, le poids étant une vraie contrainte. « Ce qui est lourd dans un véhicule électrique, ne l’oubliez pas, c’est la batterie qui, en plus, est chère. Par comparaison, Tesla a une très grosse autonomie, mais un prix correspondant. Le problème fondamental est celui du prix des batteries, raison pour laquelle nous cherchons à faire des hybrides, qui sont aujourd’hui polluants en ville. La solution pour la ville, c’est le véhicule 100 % électrique ou fonctionnant à l’électricité lorsqu’il roule en ville. Les véhicules hybrides ne se rechargeant pas produisent du CO2 ».
« Nous avons choisi de faire des véhicules petits, puisqu’à 80 % du temps on est seul dans son véhicule, en proposant des véhicules à une, deux, trois, quatre places éventuellement, avec une très faible consommation, à partir d’une prise normale 16 ampères, 220 volts. Nous attendons que les normes soient totalement figées pour passer à des charges rapides, quand au moins, il y aura une certaine homogénéité en Europe ».
d. Mia Electric : petits véhicules et hydrogène
M. Eric Fuzeau, responsable commercial de Mia Electric, remarque qu’il partage la vision de Lumeneo, à savoir des véhicules adaptés à la mobilité de tous les jours, un véhicule tel qu’on l’entend aujourd'hui, c'est-à-dire trois à quatre places, et avec lequel on se déplace au quotidien.
Avec un véhicule de trois à quatre places maximum, d’u poids total autorisé en charge de 850 kg qui implique des autonomies de 80 à 120 km avec de petites batteries qui font 8 ou 12 kWh, Mia Electric a cherché à « aller vers le client et connaître son besoin, plutôt que l’inverse. On a d’abord défini notre véhicule suivant les besoins. Et ensuite, on a essayé de boucler un cercle vertueux, même si ce n’est pas tout à fait possible. Notre véhicule est à 95 % recyclable, avec des matériaux comme de l’ABS (acrylonitrile butadiène styrène) ». La recharge se fait sur une prise de 220 volts, 16 ampères, en 3 ou 5 heures selon le type de batterie. « On peut à tout moment faire du biberonnage, ce qui permet d’augmenter les autonomies, de les doubler. La Mia a la consommation d’un chauffe-eau électrique. Pas plus. Il y a plein de choses qui se disent, mais je pense que tout n’est pas forcément vrai. On peut recharger un véhicule électrique, on peut se déplacer au quotidien, en utilisant un véhicule sur 80 à 100 km tous les jours, avec une charge de 10 kWh maximum ».
e. France Craft Automobiles : des petits véhicules électriques et hybrides
M. Marc Chevreau, président de France Craft Automobiles, constructeur qui fabrique des petits véhicules électriques et hybrides, remarque que « nous avons, semble-t-il, de nombreuses certitudes en matière de technologies, mais nous ne parvenons pas à nous accorder sur celles qui sont les plus performantes selon les usages. Nous pourrions imaginer que différents véhicules puissent répondre aux différents besoins des utilisateurs, par exemple en termes de zone géographique couverte ou de vitesse de déplacement.
Certes, le lithium a aujourd’hui le mérite d’exister, mais les solutions alternatives sont nombreuses. Des dispositifs propres à base de nickel et de zinc peuvent par exemple être opérationnels. Leur rendement est très bon. Pourquoi cette électrochimie, pourtant développée en France, est-elle particulièrement délaissée ? L’électronique de puissance est peut-être nouvelle sur la route, mais elle est déjà répandue depuis longtemps sur d’autres véhicules. Il faut faire des choix, sans tarder. Pour que ces technologies évoluent, le mieux est encore de les faire rouler ! »
« La réglementation ne me semble pas être une source de blocage. En revanche, si l’on veut développer le « biberonnage » des véhicules électriques sur la voirie, il faudra bien installer des bornes de recharge rapide. Mais cela suppose un tirage d’électricité très élevé, qui, loin de lisser la consommation, créerait de nouveaux pics ».
M. Chevreau évoque la croissance de la localisation des personnes âgées en zones urbaines et périurbaines, phénomène qui n’est pas nouveau mais qui se précipite. « Le même phénomène vaut pour les personnes handicapées. En zone rurale et périurbaine, on observe une désertification des moyens, notamment des services de mobilité. Comment parvenir à garder la qualité de mobilité dans ces zones, alors que, pour des raisons économiques, les moyens se paupérisent ? A-t-on des solutions pour ces populations ? Cette population est-elle laissée pour compte ? On a parlé de la robotisation des véhicules, robotisation qui peut être destinée à ce type d’individus, pour les assister dans leur mobilité. L’accès à bord des véhicules est aussi un point important. Au-delà, le maillage des zones est un sujet essentiel. En zone urbaine, on trouve facilement des stations essence ; c’est beaucoup plus difficile en zones rurales, à telle enseigne que le nombre de kilomètres quotidiens représente peu par rapport à ceux que l’on fait pour faire le plein ».
Il présente ainsi sa vision des financements et de la dimension industrielle. « Le financement de recherches et de projets ? On sait faire. Le démonstrateur ? On ne sait plus faire. Pourquoi ? À mon sens, les pôles de compétitivité se sont arrêtés en cours de route. À la base, leur mission était de favoriser les créations d’innovation qui vont sur le marché. L’ingénierie de projet est parfaitement maîtrisée : par contre, l’industrialisation est beaucoup plus difficile.
Que faut-il faire pour que les innovations se concrétisent sur la route ? C’est toute la question. Les pôles de compétitivité sont une très bonne vitrine, notamment des régions, en termes d’attractivité pour les entreprises. Au-delà, il faut aussi créer de l’emploi et industrialiser les très bonnes innovations. »
2. Les constructeurs étrangers
a. Toyota : en France, un statut particulier du fait de son usine de Valenciennes
M. Pascal Ruch, président directeur général de Toyota France présente ainsi la vision de Toyota en termes de mobilité durable : « Je souhaite partir du constat environnemental suivant. Lorsque Toyota parle mobilité, c’est à l’échelle planétaire. Aujourd’hui, le parc automobile compte 800 millions de véhicules. D’ici la fin de la décennie, dans sept ou huit ans, on devrait se rapprocher des 1,2 milliard de véhicules, avec tout ce que cela suppose pour la qualité de l’air, le changement climatique ou la demande énergétique. Tous ces éléments, Toyota les prend en compte dans sa conception de mobilité durable. Pour Toyota, il n’y a pas une seule solution. Il faut travailler de front sur plusieurs chantiers, raison pour laquelle le groupe investit plus de 7 milliards en Recherche et Développement, pour disposer de solutions durables. C’est le plus gros budget de tous les constructeurs automobiles, mais aussi le plus gros budget en 2011 en R&D, toutes entreprises confondues.
Toyota travaille de front sur trois pistes. La première porte sur le 100 % électrique, solution pérenne pour un centre urbain, adaptée à ce contexte. Nous travaillons intensément sur la piste de l’hydrogène, de la pile à combustible rechargeable, qui se concrétisera à partir de 2015 en petite série et de 2020 en grande série. D’ici là, la solution retenue par Toyota est la solution hybride rechargeable, plus de 5 millions de véhicules ayant déjà été vendus. Cet hybride se décline en version rechargeable, solution très adaptée en ville. Il n’existe pas une, mais plusieurs solutions, Toyota estimant qu’il faut travailler de front sur l’ensemble ».
M. Sébastien Grellier, chef de département planification et relations extérieures à Toyota France, souligne que son groupe raisonne en faisant une analyse du cycle de vie pour faire face aux enjeux énergétiques. « L’analyse globale du cycle de vie, qui prend en compte la conception, la production, l’utilisation et également le recyclage, est une donnée clé. Nous la faisons au sein du groupe depuis plusieurs années. L’analyse de cycle de vie est systémique et systématisée pour l’ensemble de la conception de tous les véhicules, qu’ils soient hybrides ou thermiques.
Je vais vous donner les deux résultats principaux que ces analyses nous permettent d’avoir systématiquement. Le premier concerne l’allègement des pièces. C’est effectivement un enjeu de la mobilité de demain. Pour la Yaris hybride, qui est produite en France, cette analyse du cycle de vie a permis, par rapport à la Prius qui était le premier véhicule hybride, de réduire de 17 % le poids des composants hybrides et de 25 % sa taille. Cela a permis de mettre cette technologie hybride dans un véhicule plus petit de type Yaris. Le deuxième élément, tout aussi important, se pose en termes de production. L’un des enjeux pour l’instant des constructeurs, c’est de travailler aussi au niveau des usines. Nous avons la chance d’avoir l’usine de Valenciennes, et cette usine fait partie, parmi les 59 usines Toyota à travers le monde, des cinq plus vertueuses en termes d’environnement. Par véhicule produit, cette usine a réussi à réduire de plus de 30 % la consommation énergétique nécessaire à la production d’un véhicule. Au-delà des émissions de CO2, c’est aussi l’un des enjeux de la production, et il aura un impact global.
Toyota a développé le « Toyota Olefin super polymère ». Ce nouveau type de plastique permet d’être recyclable et recyclé plusieurs fois. Aujourd'hui, on équipe sur toute la partie insonorisation du véhicule environ 6 kilos de ces matières. Elles permettent d’aller un peu plus loin en termes de recyclage, et notamment de répondre à la future norme européenne d’ici 2015, qui veut que 95 % de l’ensemble du véhicule soit valorisable ou réutilisable.
La filière de recyclage, est aussi l’un des enjeux des différents constructeurs aujourd'hui. Et là aussi, la France est en train de rattraper son retard et de s’adapter aux directives européennes, à travers toute la mise en place des centres de véhicules hors d’usage. On travaille beaucoup avec cette filière pour atteindre ces fameux 95 %.
Le groupe Toyota a fait depuis quinze ans le choix de privilégier, même si ce n’est pas la seule technologie, l’hybride essence. L’intérêt de cette technologie, en termes d’émissions de particules, c’est que, comme toute motorisation essence, on est sur des niveaux bien moindres que sur des motorisations diesel. Et son deuxième avantage, en termes d’émission de NOx, par exemple sur la Yaris hybride, c’est qu’on est sur des niveaux de rejet de 6 mg/km, qui sont d’ores et déjà dix fois inférieurs aux futures normes Euro 6, lesquelles entreront en application à partir de 2014.
Au côté de cette technologie, il y a le 100 % électrique bien entendu, et la pile à combustible à hydrogène, à une échéance un peu plus lointaine, qui sera certainement l’une des meilleures technologies d’avenir pour tendre vers l’éco-voiture utile. Ensuite, se posera toujours la question, un peu comme l’électricité, de savoir comment est produite cette énergie à la base ».
M. Ruch précise par ailleurs qu’il n’y a pas de solution idéale au niveau planétaire, ce qui amène Toyota à travailler sur toutes les options techniques. Les constructeurs doivent en outre tenir compte des changements sociétaux : la désirabilité d’une voiture n’est plus la même aujourd’hui ; l’auto-partage devient un élément important, même si sa gestion est compliquée. Des évolutions techniques vont prochainement se concrétiser : dans quelques mois sortira
l’i-ROAD, véhicule à trois roues qui s’inclinent, offrent une manoeuvrabilité parfaite et qui prend peu d’espace en stationnement (5 tiennent sur une seule place). Ce véhicule sera prochainement utilisé en auto-partage à Grenoble en partenariat avec EDF. Quant au diesel, son évolution dépendra essentiellement des changements de fiscalité. Elle pourrait être rapide ; on constate du reste un début de retournement de tendance en sa défaveur.
b. BMW : des solutions nouvelles dans l’industrie automobile
M. Jean-Michel Juchet, directeur de la communication de BMW souligne que « le groupe BMW est bien connu pour ses automobiles de sport et de luxe, moins pour avoir engagé depuis quarante ans une politique de développement durable. De réels progrès ont été réalisés sur l’efficience des moteurs thermiques. Mais la révolution, pour notre groupe, est l’introduction d’une marque, BMWi, qui a vocation à construire des voitures électriques, à proposer des solutions de mobilité avec des concepts tout à fait nouveaux dans l’industrie automobile, comme l’introduction de matériaux en carbone ou aluminium, mais aussi de services.
La société investit ainsi beaucoup aux côtés de start-up pour développer les services nécessaires à la mobilité urbaine et périurbaine de l’avenir, que ce soit MyCityWay, pour détecter en temps réel les embouteillages, les places de parking, et gagner en fluidité ; l’auto-partage, avec la disponibilité d’une voiture à tous endroits d’une ville, à tout moment, avec un maximum de flexibilité ; le partage de parkings privés. On ne travaillera pas que sur la dimension environnementale, sur la sécurité, mais encore sur la fluidité et la mobilité dans les grandes villes et les centres urbains.
La puissance est aussi un facteur de sécurité active : dépassement, manœuvre d’évitement… .
Il faut éviter les faux débats. À côté des mobilités collective et individuelle, on voit le développement de l’auto-partage et de formes nouvelles d’utilisation de véhicules individuels. Cette évolution n’exclut pas l’usage classique d’un véhicule, sous forme d’achat ou de location. On assiste à l’émergence de nouvelles offres, de nouvelles attentes, étant entendu qu’on ne saurait substituer la notion d’auto-partage à celle de propriété. Imagine-t-on l’auto-partage d’une maison ?
Pour en revenir à l’usage de l’automobile, il ne faut pas sous-estimer le potentiel de l’électrique. Il trouvera sa place sur le marché par son attractivité. Une voiture électrique doit être sûre, dynamique, compacte. Elle offre d’ailleurs des possibilités d’architecture extraordinaire, une relation entre un gabarit extérieur et une habilité intérieure, que ne propose pas une voiture thermique. À la fin des fins, c’est l’appétence d’une voiture électrique qui déterminera sa position sur le marché. Mais il faudra aussi lever les freins à l’achat d’une voiture électrique, comme celui de l’autonomie, par adjonction d’un petit moteur thermique, pour étendre son usage au-delà des zones urbaines.
Les évolutions de la motorisation dans l’industrie automobile, qu’elle soit thermique, hybride ou électrique, amèneront BMW à réduire, en 2020, les émissions de CO2 de 50 % par rapport à 1995.
BMW travaille beaucoup sur l’ensemble de la chaîne de création de valeur, sur la production vertueuse, propre, en économisant les ressources. Il s’intéresse à l’interaction homme-machine-service. Pour cela, nous avons un système qui s’appelle « Eco Pro ». Sur l’aspect machine, il paramètre le fonctionnement du moteur et la transmission. Il gère aussi le système de navigation pour rechercher l’itinéraire le plus efficient pour aller d’un point A à un point B, pas forcément le plus court ni le plus long, mais le plus efficient. Il gère aussi la capacité d’énergie de la voiture, que ce soit en thermique, et plus encore en hybride ou en électrique, pour optimiser la consommation. Il gère le conducteur lui-même. À travers des mesures extrêmement simples, comme des stages d’éco-conduite, l’homme peut avoir un comportement de conduite qui va lui-même générer de grosses économies.
Le charme de ce sujet, c’est que ça fonctionne aujourd'hui, ça fonctionnera demain, et ça fonctionne indépendamment de toutes sortes de technologies qui sont le mix d’aujourd'hui et de demain sur la circulation routière. Toutes choses étant égales par ailleurs, je dirais même qu’à vitesse moyenne équivalente, on peut arriver facilement à réduire de 20 à 25 % encore la consommation d’énergie ».
« Les solutions à motorisation thermique doivent évoluer. Sur le diesel, nous faisons un effort considérable sur l’introduction des normes Euro 6, bien avant l’heure d’ailleurs de l’obligation. Aujourd'hui 60 modèles passent les normes Euro 6 dans notre gamme en série, 30 autres en option. Et nous sommes conscients qu’il s’agit là d’un enjeu considérable.
Au-delà de l’actualité immédiate, nous allons multiplier les offres en termes d’hybride rechargeable et d’électrique. L’électrique, en fait, nous le voyons plus universel que pour un usage strictement urbain ou périurbain, puisque, comme on l’entendait avec nos collègues de General Motors, on peut lui adjoindre ce qu’on appelle l’étendeur d’autonomie, et lui donner beaucoup plus de flexibilité d’emploi que l’électrique pur. Nous avons aussi beaucoup d’ambition sur les motorisations électriques pour résoudre ce type de question ».
M. Serge Naudin, président du directoire de BMW, abonde dans ce sens.
Il souligne plus particulièrement l’intérêt de l’utilisation des fibres de carbone, qui permettent d’alléger le véhicule. BMWi est ainsi basée sur de l’aluminium et du carbone. Ces fibres sont produites aux États-Unis, tissées en Bavière, puis moulées, la difficulté étant de maîtriser la température. Pressé, le carbone est alors mis sur l’aluminium. Il en résulte des conditions de production très différentes : la consommation d’électricité diminue de 50 %, la consommation d’eau de 70 %, le circuit étant fermé.
M. Gérard Planche, responsable de projet véhicules électriques à General Motors France, souligne qu’en tant que constructeur automobile, son groupe est « conscient de ne s’adresser qu’à une partie des besoins de mobilité. Celle-ci commence avec les besoins de télétravail, ensuite la marche, puis les transports en commun. »
Il met en exergue la technologie électrique à prolongateur d’autonomie. « D’après nous, cette technologie répond le mieux aux défis d’aujourd'hui. Nous connaissons tous les désavantages du véhicule électrique. Les avantages sont indéniables, mais le désavantage, c’est son autonomie. Pour avoir plus d’autonomie, on va essayer d’avoir une plus grosse batterie, donc c’est du poids rajouté et du temps de charge. Pour diminuer ce temps de charge, on va vers les charges rapides qui ne sont pas idéales pour lisser l’offre et la demande. Nous aurons donc des pointes. Et également, il y a l’incertitude d’arriver au but. Il y a surtout des différences d’autonomie en hiver et en été.
Les trois quarts des déplacements, en Europe ou aux États-Unis curieusement, ne font pas plus de 60 km/jour. On a donc décidé de construire une batterie permettant de parcourir 60 km et de la compléter par un moteur à combustion. Ce moteur peut consommer aussi bien de l’essence, du diesel, de l’E85, du GPL ou du gaz naturel. Ces deux technologies fonctionnent séparément, contrairement à ce que l’on comprend de l’hybride actuel.
Vous pouvez choisir de partir de la maison en thermique ou en électrique. Si j’habite en province ou dans la grande banlieue, je pars en thermique et je me mets en électrique lorsque j’arrive aux portes de la ville. De cette façon, on répond à la lutte contre la pollution des villes.
La moyenne de consommation de nos clients se situe entre 2 et 3 litres/100 km. Aux États-Unis, j’ai entendu parler d’un chiffre de moins d’1 litre/100 km, ce qui m’étonne beaucoup. Nous allons le contrôler ».
M. Marc Langenbrinck, directeur général de Mercedes-Benz Cars, présente ainsi la perception de sa société sur la mobilité sereine et durable pour aujourd’hui et les années à venir :
« La mobilité individuelle est à l’aube d’un changement de paradigme. Initialement comprise comme l’intérêt de se déplacer agréablement d’un point A à un point B, la mobilité englobe dorénavant entre autres des attentes de durabilité et de sérénité. Au regard de ce besoin grandissant chez nos clients, la mobilité se trouve au centre d’une équation avec 4 nouveaux facteurs :
- les technologies : confrontés à de nouveaux besoins, les constructeurs doivent développer de nouvelles offres, investir dans de nouvelles technologies, de nouveaux services ;
- l’utilisateur : les nouvelles générations n’ont pas le même rapport à la mobilité et à l’automobile. Ces clients/consommateurs attendent la prise en compte de leurs besoins spécifiques par des solutions globales ;
- les infrastructures : routes, transports en commun, problématiques de recharge d’énergie et de mix, systèmes intégrés, ... Pour tous ces aspects, c’est la volonté politique qui reste déterminante ;
- la réglementation, qu’elle soit européenne ou nationale : elle régit l’évolution des transports tels que nous les connaissons avec une tendance de fond vers des solutions plus écoresponsables, dans le cadre d’une harmonisation européenne.
Le futur modèle de mobilité et son succès dépendent de l’interdépendance entre ces 4 aspects de la mobilité. C’est particulièrement vrai pour les technologies du futur. L’électrique, par exemple, n’a d’avenir que s’il est soutenu par des politiques volontaristes, un développement des infrastructures, une acceptation par les clients des contraintes engendrées, et un modèle économique viable pour les entreprises – la capacité des utilisateurs à payer le surcoût d’un véhicule électrique étant pour le moment soumise au maintien des aides gouvernementales.
Daimler est prêt à jouer son rôle dans cette évolution importante. La vision du Groupe est claire : un acteur aussi incontournable de l’industrie automobile se doit d’être présent sur tous les changements technologiques majeurs. Nous travaillons donc sur 3 axes :
- tout d’abord l’optimisation permanente et continue du thermique, qui constituera encore longtemps la large majorité du parc automobile. Mercedes-Benz arrête le label BlueEFFICIENCY en 2013 après sa généralisation sur tous les véhicules de la gamme depuis 2008 (en 5 ans, baisse de 20 % du CO2 moyen, passé à 140 g/km ; objectif de 125 g/km en 2016) ;
- puis l’introduction partielle des technologies intermédiaires, comme l’hybride essence et diesel, bientôt complétés par l’hybride rechargeable qui permettra d’atteindre 79 g CO2/km sur une Classe S de près de deux tonnes ;
- enfin le zéro-émission, avec la solution du présent (batteries rechargeables) sur Smart electric drive et Classe B électrique dès 2014. Daimler travaille activement à la solution du futur (pile à combustible) à l’horizon 2017.
Daimler s’attaque par ailleurs aux autres enjeux de façon globale :
- tous les aspects mécaniques et aérodynamiques sont pris en compte : Cx record pour le CLA (0.22), boites de vitesses de plus en plus performantes, suspensions et trains de roulements perfectionnés ;
- anticipation des normes Euro 6 (mise en vigueur 2014/2015) : un tiers des poids lourds vendus en 2012 ainsi que tous les moteurs à essence de la gamme compacte sont déjà conformes ;
- financement d’infrastructures : installations d’éoliennes en Allemagne, de sorte que le parc suffise à propulser chaque Smart électrique vendue en Allemagne. Un autre exemple : l’aide au financement de vingt stations de recharge d’hydrogène.
Tous les acteurs ont leur place dans le développement des solutions du futur. Le Groupe Daimler apporte sa contribution de façon volontaire et confiante dans l’avenir ».
M. Christophe Useo, responsable de la communication interne, et Mme Armelle de Clermont-Tonnerre, directrice de la communication, ont présenté les priorités de Fiat et le choix du groupe en faveur du GNV, en indiquant très clairement que le nombre minimum de véhicules qu’il fallait produire aujourd’hui dans le contexte mondial était de 6 millions.
Pour Fiat, le marché, dont l’évolution est rapide, est bipolaire : le premium prend de l’ampleur, mais les petites voitures se développent. Fiat travaille aussi bien sur les moteurs thermiques existants (où beaucoup de progrès sont possibles en termes de réduction de la consommation, d’émissions polluantes mais aussi de plaisir de conduire) que sur l’électrique et l’hybride (même s’il est difficile de trouver une solution économique intéressante pour les petites voitures).
Fiat étudie également le comportement de l’automobiliste et analyse les paramètres de sa conduite pour parvenir à l’améliorer. La société considère qu’il est possible de diminuer le poids des véhicules.
Elle mise sur le GNV, qui est pour elle la solution à court terme la plus judicieuse en termes d’environnement et de réduction de la pollution. Le groupe a pour ce carburant une part de marché de 72 % en Europe, du fait de sa force en Italie et en Allemagne. Si le GNV ne se développe pas en France, c’est essentiellement à cause d’une focalisation trop forte sur l’électrique. Le manque d’infrastructures de recharge est une autre explication, même si un particulier peut utiliser un petit compresseur (le coût reste néanmoins élevé).
3. Les équipementiers occupent une place particulière dans la filière
Parmi les équipementiers, on trouve de très grandes entreprises, telles que Valeo, Plastic Omnium, Cap Gemini ou Faurecia, mais aussi beaucoup de petites entreprises qui doivent veiller à ne pas dépendre uniquement d’un ou deux constructeurs. 80 % d’entre elles ont moins de 50 salariés, selon les données du Fonds de modernisation des équipementiers automobiles. Il faut donc veiller à ce que les sous-traitants, dont le rôle est majeur, ne deviennent pas une variable d’ajustement.
Leurs activités sont diverses : emboutissage de tôle, fabrication d’équipements électroniques, de sièges, de pièces de carrosserie plastique, de pare-chocs, de réservoirs, de batteries…
M. Arnaud de David-Beauregard, vice-président en charge des opérations de la Fédération des industries des équipements pour véhicules (FIEV) souligne que les équipementiers représentent un chiffre d’affaires de 17 milliards d’euros, dont plus de la moitié est réalisée à l’exportation. Ils emploient 82 000 personnes en France. « Ils assurent 75 % de la valeur d’un véhicule, à la fois dans la production des composants et dans les conceptions de nombre de fonctions qui participent au véhicule. Ceci est rendu possible par un tissu industriel extrêmement important qui se compose de grands groupes « nationaux » entre guillemets, mais aussi d’un nombre très significatif de filiales et de groupes étrangers qui contribuent à la vitalité du secteur. Le nombre d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) est aussi extrêmement important. Et il y a aussi beaucoup de PME.
La mobilité et l’anticipation des tendances futures sont pour eux fondamentales. Les équipementiers y participent largement, en anticipant souvent la conception des voitures et en proposant des fonctions complètes et innovantes aux constructeurs. Il faut ajouter des systèmes désormais répandus, comme le stop and start ou les développements observés sur les batteries.
Le point essentiel est l’innovation. Notre industrie pourra participer positivement au développement de la mobilité durable dans la mesure où elle aura une capacité d’innovation, ce qui suppose un minimum de compétitivité. Il faut donc envisager ce sujet de manière globale, avec l’ensemble de ces aspects, plutôt que de se concentrer sur un modèle supposé résoudre toutes les difficultés ».
Pour M. Guillaume Devauchelle, directeur de la recherche du groupe Valéo, « l’industrie automobile ne va pas si mal. Elle va mal en Europe, mais partout ailleurs dans le monde, il y a une croissance, et c’est une opportunité pour l’industrie française que de participer à cette croissance. Je vais donner un ordre de grandeur. En Chine, on estime qu’entre 2012 et 2022, la différence de voitures produites sera de 15 millions en plus, ce qui correspond à l’ensemble du marché européen. Il y a donc un formidable appétit de mobilité dans le monde, sauf en Europe où le marché est en légère croissance ou en stagnation. Mais c’est une chance pour nos industries, à condition que nous soyons compétitifs. Pour être compétitifs, nous devons avoir un produit qui répond aux attentes du marché, ici et sur toutes les plateformes mondiales. La recherche et l’innovation sont les deux facteurs clés de cette compétitivité. Je rejoins donc l’optimisme de Jacques Chauvet. C’est à nous de la saisir, et nous avons les armes. La France est un pays technologique, dont la culture scientifique et l’expérience sont extrêmement fortes. Beaucoup de pays nous les envient. Si l’on sait s’organiser, l’avenir peut être meilleur qu’aujourd'hui. »
Les bureaux d’études des grands équipementiers français travaillent pour ces pays, et y exportent leur savoir-faire. « C’est une chance d’avoir cette culture technique, et il faut savoir l’exploiter. Par exemple, nous estimons que les réglementations européennes qui fixent le taux d’émissions de CO2 à un niveau très bas sont une chance, parce que cela nous donne un avantage compétitif sur l’ensemble du monde. C’est également vrai pour des organismes tels qu’Euro NCAP, qui fixe des objectifs de sécurité encore accrus. Je rappelle qu’il y a encore 1 million de morts sur les routes, et beaucoup moins dans l’Union européenne. Là aussi, c’est une opportunité pour développer nos technologies. »
M. Christophe Aufrère, directeur de la stratégie des technologies chez Faurecia remarque que « chacun dans son périmètre ne pourra pas tout maîtriser. On doit se mettre d’accord entre les constructeurs, les équipementiers, pour travailler de concert, et c’est ce qu’on fait effectivement au niveau de la Plateforme de la filière automobile. Nous avons commencé à réfléchir à certains sujets, notamment au véhicule 2 litres/100 km, et nous avons réussi à cristalliser des intérêts communs en répartissant à droite ou à gauche les efforts à faire.
Dans les instituts de recherche technologique (IRT), au niveau de la filière automobile, on a défini qui doit faire quoi pour qu’il n’y ait pas de redondance, par exemple, entre des IRT matériaux qui peuvent se chevaucher, l’IRT Jules Vernes et l’IRT M2P.
Plus de la moitié de l’innovation des grands équipementiers français est développée à partir de la France, voire les trois quarts jusqu'à 80%. Dès lors que nous avons de l’innovation, on peut aussi penser qu’on va générer des emplois, dans la R&D, mais aussi dans l’industrie. En ce qui nous concerne, nous ne faisons que de grands modules. C’est notre spécificité. Si on doit livrer PSA en France, on sera obligé de le faire à partir d’usines françaises. Tout cela joue. La taille des pièces est un élément important pour garder des emplois en France. Comme nous n’avons que de gros modules, cela va plutôt dans le bon sens ».
4. Le cas particulier de Michelin
Alors que Michelin développe le moteur dans la roue, son analyse des technologies existantes est intéressante.
M. Philippe Denimal, ancien directeur de la recherche de Michelin, remarque que « le pneu joue un rôle dans la consommation d’énergie globale d’une voiture : à lui seul, il dissipe entre 20 et 30 % des énergies consommées à bord – 30 % étant plutôt la proportion atteinte par les poids lourds. Le bruit est un deuxième enjeu de performance, puisqu’il provient, dans une proportion variant de 50 à 80 % à vitesse constante, du contact avec la chaussée. L’adhérence est un troisième enjeu, que ce soit sur sol sec – où elle détermine les distances de freinage –, mouillé ou glissant. Ces fondamentaux, en termes de performance, concernent autant les conducteurs particuliers que la société dans son ensemble, à travers les questions de sécurité qu’ils posent. Enfin, le dernier enjeu d’importance est la durée de vie, pour le pneu comme pour les autres composants des véhicules.
Les exigences des constructeurs automobiles touchent à l’augmentation de la sécurité et à la réduction de la consommation. Nous y travaillons donc. Cependant, la situation est très différente entre, d’un côté, les véhicules neufs et, de l’autre, l’entretien courant. Depuis vingt ans, comme la plupart de ses concurrents, Michelin a développé des technologies de basse résistance au roulement – dont dépend la dissipation d’énergie – afin de répondre aux demandes des constructeurs ; or ces technologies ne se vendent guère sur le marché du remplacement, où le critère économique prévaut. Notre groupe a donc été amené à proposer deux lignes de produits, des produits de haute performance et d’autres plus économiques, plébiscités par les clients particuliers, pour lesquels l’étiquetage des informations, en vigueur depuis fin 2012, ne constituera jamais un critère de choix aussi déterminant qu’un bonus-malus.
Quant aux évolutions technologiques de l’automobile, notamment au regard des enjeux de consommation d’énergie, il faut bien voir qu’elles n’ont pas toutes le même degré de maturité : certaines d’entre elles, par exemple, ne deviendront réellement intéressantes qu’à une échéance de plusieurs décennies. La voiture sans conducteur de Google, dont le lancement était passé un peu inaperçu, a quelque chance d’entrer sur le marché dans dix ou quinze ans. Certaines sociétés – au moins une en France et d’autres, en plus grand nombre, outre-Rhin – travaillent ainsi à la conception de « self-driving cars », c’est-à-dire de voitures totalement autonomes dans la conduite. L’évolution sera néanmoins graduelle : dans un premier temps, on verra sans doute apparaître des véhicules capables de détecter des situations accidentogènes, notamment en milieu urbain, et d’y répondre.
Selon les projections actuelles, le taux de pénétration du véhicule électrique à l’horizon 2020 ne devrait guère dépasser de 3 à 7 %. En revanche, les véhicules hybrides sont amenés à se développer ; nous y travaillons avec les constructeurs dans le cadre de la plateforme consacrée aux technologies du futur.
La flexion du pneu à chaque tour de roue produit l’échauffement de sa structure interne, qui peut atteindre 100 degrés pour un poids lourd et 70 degrés pour une voiture de tourisme. Pour ce qui concerne la consommation d’énergie de la voiture elle-même, certains effets d’aérodynamie s’avèrent déterminants au-dessus de 80 km/heure, c’est-à-dire sur autoroute.
La consommation d’énergie croît en fonction de la vitesse ; mais il convient, pour la mesurer, de combiner toutes les sources de dissipation entre elles ».
D. UNE FILIÈRE QUI DOIT S’INTERROGER ET DEVRA S’ADAPTER
La crise de la filière automobile française est préoccupante, malgré quelques éléments d’optimisme. L’évolution du marché dans les pays développés et du pouvoir d’achat restreint les marges de manœuvre des constructeurs. Son impact sur les différents acteurs de la filière –constructeurs et équipementiers tout d’abord devra être étudié de manière précise. Cette baisse de la demande est-elle conjoncturelle (liée au pouvoir d’achat) et temporaire ? Est-elle au contraire structurelle (si elle est liée à un changement d’attitudes et de comportements) et de nature permanente : N’assiste-t-on pas à la mise en cause d’un modèle : le tout automobile et la prééminence du diesel, et aux premières conséquences d’une nouvelle spécialisation internationale ?
1. Quelle est la nature de la crise actuelle ?
Quelles en sont les causes ? Une évolution moins favorable du pouvoir d’achat ? Un changement structurel de comportements ? L’état du marché, arrivé à maturité et qui devient un marché de renouvellement ?
a. L’influence du pouvoir d’achat est patente
Le pouvoir d’achat est sans doute une donnée essentielle, du fait du coût croissant d’achat des véhicules et de leur usage. La contrainte de pouvoir d’achat risque d’être de plus en plus forte, surtout dans le contexte économique actuel.
Le coût moyen d’une voiture est de l’ordre de 6 000 euros par an, moyenne qui intègre l’amortissement du véhicule, son utilisation (frais d’essence et de péages), son stationnement (plus élevé dans les métropoles lorsqu’il faut louer ou acheter une place de garage), l’entretien et la maintenance, les réparations, et enfin les assurances.
Cette moyenne recouvre évidemment des disparités importantes entre les possesseurs de voitures. Le coût du premier véhicule est souvent supérieur à celui du deuxième. De manière générale, les différences sont liées à la puissance et à la taille du véhicule ainsi qu’à la variété et à la sophistication de ses équipements.
La situation est de plus en plus diversifiée, du fait de l’apparition et du succès de véhicules low cost. Ceux-ci devaient dans un premier temps être produits à l’étranger pour y être vendus. Ce n’est plus le cas pour les voitures de Dacia, tandis que l’offre de véhicules étrangers à bas prix tend à se développer.
L’exemple de la Logan est particulièrement instructif : il s’en est globalement vendu 900 000, dont 10 % environ en France.
Quelle que soit la diversification du parc automobile, il est probable que le coût d’usage d’une voiture, mais aussi d’une moto, aura tendance à augmenter, sous l’effet de la hausse du prix des carburants, des réparations et des assurances. Le stationnement devrait par ailleurs représenter un budget de plus en plus élevé dans les zones particulièrement denses des grandes métropoles. L’ère du stationnement gratuit y est, elle aussi révolue. Les questionnements autour de péages urbains vont dans le même sens.
b. Mais la crise est plus profonde. Elle n’est pas seulement conjoncturelle
La demande diminue aussi sous l’influence d’autres critères.
- L’évolution du marché dans les pays développés et du pouvoir d’achat restreignent les marges de manœuvre des constructeurs : il y a manifestement une maturité et une saturation du marché dans les pays développés.
Le marché est devenu dans les pays développés un marché de renouvellement.
- L’évolution de l’offre est freinée.
La contrainte extérieure freine le recours à certaines technologies : les terres rares, essentielles à la production de nouveaux véhicules doivent être importées.
La taille des entreprises et de leurs capacités d’investissement peut être une autre explication. Mais certains exemples étrangers montre qu’elle n’est pas toujours pertinente. Il n’y a pas forcément de taille minimale pour rentabiliser les investissements.
Les constructeurs donnent aussi l’impression d’être tétanisés par l’évolution de la demande. Ils sont obligés de faire des choix stratégiques qui souvent reposent sur un pari : le pari d’une technologie ; le pari du choix d’un partenaire.
2. Quels peuvent être les choix stratégiques en fonction de l’évolution du marché ?
Une mutation profonde de l’industrie automobile et des stratégies des constructeurs est-elle possible ? À quelle vitesse l’offre de véhicules pourrait-elle se modifier ? Si oui, à quelles conditions ? Qui va payer pour la transition ? Et qui subirait le plus le coût de la non-transition ? La réponse apparaît plus claire : les consommateurs, les professionnels (largement les PME dans le cas du diesel). Le rôle des pouvoirs publics est d’organiser la transition pour qu’elle soit le plus profitable possible à la collectivité en amortissant les impacts négatifs pour les plus fragiles.
a. Certains choix stratégiques sont inévitables
Ces choix sont la plupart du temps technico-politiques :
Quelle technologie faudrait-il développer, dans un contexte de multiplication des possibilités techniques et d’incertitude sur celle que va préférer le marché ? Peut-on se contenter de conserver les mêmes solutions technologiques ou faut-il s’adapter, et si oui, à quelle vitesse ?
Comment peut-on choisir la technologie la plus adaptée dans un contexte où les services associés nécessaires à son développement ne sont pas forcément disponibles ?
Quelle est la gamme la plus adaptée à l’outil industriel existant, à celui qui pourrait être financé, aux prévisions de demande et aux capacités d’adaptation de l’entreprise ? Faut-il privilégier le haut de gamme, à forte valeur ajoutée, tenter l’aventure du low cost, poursuivre sur une gamme moyenne, ou faire un mix de ces différentes options ?
L’approche doit-elle être nécessairement mondiale ? Qu’en découle-t-il au niveau du choix des partenaires et des lieux d’implantation ? Faut-il envisager de nouveaux partenariats ? Où est-il préférable, où est-il possible de localiser la production ? Selon quels critères une telle décision sera-t-elle prise ?
Faut-il envisager des prévisions plus pessimistes d’évolution de la demande et tirer les conséquences qui découleraient d’un marché moins porteur ? Peut-on évaluer si le marché est prêt pour de nouveaux produits ou de nouveaux services associés ?
Y a-t-il une taille nécessaire des investissements pour assurer leur rentabilité ?
Ces questions sont particulièrement prégnantes pour les constructeurs français.
b. Ces choix peuvent être facilités par les éléments d’analyse qui sont communs
- Certains constats sont communs
Les technologies sont multiples. Aucun choix ne s’impose d’emblée aujourd’hui entre les différentes motorisations ou les différents carburants. Des solutions hybrides permettront des évolutions moins brutales.
Le marché est mondial, mais de nouveaux comportements apparaissent, qui changent l’appréciation du marché.
Des analyses de plus en plus fines de la situation sont disponibles. Les outils existent. Il en est ainsi pour la pollution et des effets des diverses motorisations, qui font l’objet d’analyses de plus en plus précises. La consommation d’énergie fossile doit diminuer. La production de matières polluantes doit être maîtrisée et diminuer. Un accord est aussi possible sur la nécessité d’avoir une approche globale, tenant compte de l’ensemble de la filière et de sa nécessaire évolution.
Il y a de nouvelles possibilités techniques déjà décrites.
- Un accord se dessine également sur les méthodes d’analyse
Il est maintenant admis qu’il faut utiliser la méthode du puits à la roue et prendre en compte l’ensemble des coûts, ce que recouvre le terme de TCO (Total Cost Analysis).
Le TCO a en effet l’avantage de tenir compte des coûts de recherche et développement, d’industrialisation, de commercialisation, mais aussi de recyclage.
On s’aperçoit alors qu’un véhicule hydrogène, dans des cas de livraison en centre-ville en particulier, a le même TCO qu’un véhicule diesel
(cf. SymbioFcell).
Il faut aussi tenir compte des coûts induits. On constate alors que le coût des branchements doit être intégré à la réflexion dans le cas du véhicule électrique, quel que soit le porteur de ces coûts : un individu pour sa voiture dans son lieu de résidence, une entreprise pour ses véhicules professionnels ou pour les véhicules de ses employés, une société de parkings, une collectivité publique.
3. L’offre devra évoluer car l’offre actuelle est trop classique
— Les véhicules restent lourds, alors que des études démontrent les avantages de véhicules allégés. L’offre de ces nouveaux véhicules légers reste peu diversifiée, et rare sur le marché.
Le poids des véhicules a augmenté de manière importante depuis plusieurs années, pour un même type de véhicule, dans la très grande majorité des gammes. Des véhicules vendus sous le même nom ont en effet pris du poids et du volume au fur et à mesure de la sortie de nouveaux modèles. La tendance est plus lourde quand on prend en compte les évolutions de l’offre et la recherche de nouveaux modèles de même catégorie.
Quelques exemples sont significatifs : dès 1997, on constatait que le poids des voitures de la gamme moyenne inférieure augmentait de 17,5 kg par an. La Peugeot 205 pesait 740 kg en 1983, alors que la 207 pesait au moins 1 150 kg en 2010. Parallèlement, la Golf de Volkswagen augmentait de 350 kg au fur et à mesure que sa taille augmentait.
Plusieurs facteurs sont responsables de cette évolution négative : l’insonorisation du véhicule, sa finition, ses équipements, l’amélioration de son confort, mais aussi les systèmes de protection contre les chocs.
Il peut néanmoins diminuer, comme l’a montré l’exemple de BMW avec ses suspensions en aluminium et l’utilisation de magnésium dans la structure de certains de ses moteurs ; ou Mazda et même Peugeot dont certaines versions de la 208 sont beaucoup moins lourdes.
L’utilisation de moteurs à trois cylindres plutôt qu’à quatre dans les petites voitures, l’emploi d’aluminium ou de nouveaux matériaux tels la fibre de carbone et le kevlar sont des moyens d’une nouvelle politique.
La réduction du poids du véhicule est pourtant l’un des moyens pour réduire sa consommation.
— Les véhicules ne sont pas adaptés à leurs conditions réelles d’utilisation : leur puissance et leur vitesse sont trop importantes et augmentent leur consommation, leur encombrement reste excessif, alors que la vitesse autorisée en ville est passée de 60 km/h à 50 km/h, tandis qu’en centre-ville, de plus en plus, la vitesse maximale autorisée peut baisser à 30 km/h. Or les constructeurs continuent de produire des voitures dont les performances sont très nettement supérieures, et qui en conséquence consomment et polluent beaucoup plus dans leurs usages réguliers. À quoi bon ?
La réduction de la taille des véhicules permettrait pourtant de diminuer les encombrements et de faciliter le stationnement. L’exemple de la Smart montre l’intérêt de la multiplication des petites voitures pour résoudre ces problèmes.
— Les véhicules sont mal adaptés à leur environnement : ils sont trop bruyants, polluent encore trop et ne sont pas toujours très accessibles aux personnes handicapées.
Or le véhicule ne peut pas être appréhendé hors de son environnement. Une approche plus responsable est nécessaire, pour en limiter non seulement la pollution mais aussi le bruit, et pour diminuer sa dangerosité.
La réduction de la pollution passe, nous l’avons vu, par une diminution de la consommation et une moindre utilisation du diesel. Mais elle passe aussi par de nouveaux équipements, et notamment les pots catalytiques (même s’ils ne résolvent pas tous les problèmes, et à condition de ne pas en créer de nouveaux).
— Cette offre pourrait évoluer, surtout si le marché envoie des signes clairs ; or il est actuellement en train de changer.
4. La réduction de la consommation à 2 litres aux 100 km montre que des évolutions sont possibles
Cinq thèmes se sont dégagés de la cinquième audition publique du 5 décembre 2013 : l’objectif des deux litres aux 100 est atteignable et consensuel ; de tels véhicules existent déjà, mais de façon marginale ; l’objectif à atteindre doit être précisé ; il sera atteint par une combinaison de techniques et d’approches différentes ; ne faut-il pas en profiter pour repenser le véhicule ?
a. Un objectif consensuel qui est maintenant atteignable
Cet objectif est clairement perçu, comme le montre l’ensemble des interventions de cette audition publique. Les termes utilisés sont proches et se complètent. Il s’agit de réduire la consommation, d’économiser l'énergie fossile, de réduire les rejets de CO2 et de lutter contre l'effet de serre et la pollution atmosphérique.
Cela permettra d’atteindre un enjeu à multiples faces : de santé publique, de protection de l’environnement, de lutte contre le changement climatique, de gestion des ressources fossiles.
C’est l’occasion pour la filière automobile de se fédérer, autour de l’élaboration de briques technologiques, et de nouveaux thèmes de recherche et développement.
Ce défi économique, technique, comportemental a aussi des implications en matière d'infrastructures. L’atteindre donnera un avantage compétitif à l’industrie française.
M. Guillaume Devauchelle (Valéo) ajoute que cet objectif doit être sans concession, c’est-à-dire qu’il ne sacrifie « ni la sécurité ni l’écologie, qu’il respecte les normes de choc et les normes d'homologation, et qu’il soit enfin accessible à tous. »
b. De tels véhicules existent déjà, mais de façon marginale
Au-delà du tuk tuk, du rickshaw asiatique ou des K cars japonais, de tels véhicules existent déjà : c’est le cas du véhicule électrique ; c’est le cas pour certains véhicules hybrides, pensés pour parer à l’insuffisance actuelle de l’autonomie des véhicules électriques.
Selon M. Joël Pedessac (CFBP), on a vu au challenge éco marathon, ou au Shell éco marathon « des petits véhicules qui ressemblent à des suppositoires, peut-être des tricycles, mais consomment dans le meilleur des cas moins de 0,05 litre aux 100, pour transporter cent kilos de masse, conducteur compris ».
Comme l’indique Mme Marie Castelli, secrétaire générale de l’AVERE, l’autonomie des véhicules électriques est actuellement limitée et « les fait plutôt correspondre à des trajets pendulaires, quotidiens. Pour les autres usages, il faut trouver des solutions. Cette solution, c'est l'hybridation, et notamment l'hybride rechargeable ».
Pour M. Stéphane Burban, du ministère du redressement productif, « il existe sur le marché des véhicules à 2 litres aux 100, mais ils sont sur des niches financières, écologiques, ou technologiques ».
L’enjeu est donc ambitieux : il s’agit d’aboutir à de véhicules pouvant être construits en grande série, dans des conditions de prix accessibles au grand public.
c. L’objectif à atteindre doit être précisé : que vise-t-on ? à quel coût ? pour quelques privilégiés ou pour tous ? quelles obligations ? quelle attitude face aux différentes technologies ?
Il faut tout d’abord préciser qu’il s’agit bien de deux litres aux 100, et non de zéro.
Il faut ensuite concevoir ces véhicules de manière à ce qu’ils soient accessibles au plus grand nombre. C’est du reste l’une des conditions essentielles pour qu’ils aient un effet positif sur la pollution. Cela implique qu’ils ne soient pas seulement conçus pour la France, mais qu’ils aient vocation à être diffusés au plan mondial.
Leur coût doit donc leur permettre d’être accessible au plus grand nombre. Ce n’est pas forcément le cas actuellement. Un constructeur allemand a présenté au dernier salon de Francfort un véhicule homologué à 0,9 litre aux 100. Mais il coûtait 110 000 euros.
Pour M. Willy Breda, chef du bureau des voitures particulières à la direction générale de l’énergie et du climat du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, « la philosophie du programme 2 litres aux 100, n'est pas de savoir si l’on peut développer un véhicule qui consomme 2 litres aux 100, car cela se fait déjà, mais de se demander comment le développer, et donc de le rendre accessible à un coût abordable. D'un point de vue écologique, ce qui importe, c'est moins le côté vitrine technologique que le programme pourrait nous apporter, mais plus le développement de ces véhicules, en les proposant accessibles au plus grand nombre, en les généralisant dans le parc, et en voyant les émissions et les consommations baisser réellement ».
Pour M. Stéphane Burban du ministère du redressement productif, « il faut 100 000 véhicules par an pour commencer à atteindre une rentabilité satisfaisante. Pour atteindre cet objectif, les conditions sont aussi réglementaires, car il est de notre vigilance de pouvoir public de mettre en place des normes adaptables, évolutives. Il s'agit encore une fois de développer un véhicule mis sur la voierie publique. Les normes de sécurité, de performances, les mesures de performances également, sont importantes. Nous n'avons pas parlé de la notion de puits à la roue. On ne peut pas dire qu'un véhicule est écologique si l'on ne va pas jusqu'à la chaîne complète, c'est-à-dire la distribution de carburant jusqu'à l'utilisation du véhicule, voire l'extraction de l'énergie. Les normes et la règlementation de la mesure de la performance sont aussi des conditions de réussite du projet ».
d. Une combinaison de techniques et d’approches différentes
Pour M. Pierre-Henri Bigeard, directeur général adjoint de l’IFPEN, les solutions envisagées concernent :
- l’amélioration des systèmes de propulsion et leur utilisation, l'augmentation du rendement moteur via l'optimisation de la plupart des technologies déjà mises en œuvre permettant d'obtenir la moitié des gains en consommation ;
- les cinématiques moteur de rupture pour maximiser le taux de détente des gaz brûlés ;
- les technologies de récupération des pertes, d'ordre cinétique ou thermique ;
- des solutions technologiques autour du turbo et du cycle de Rankine de récupération des pertes thermiques ;
- l'optimisation du moteur en l'exploitant au plus près de son domaine de meilleur rendement, en particulier par l'étude d'une transmission à haut rendement, avec une bonne adéquation avec le carburant utilisé ;
- l’électrification des véhicules, qui permet non seulement de réduire la consommation directe, mais aussi d'ajuster la charge du moteur thermique dans sa zone de meilleur rendement. L’IFPEN travaille sur la mise au point d'un moteur électrique de rupture, de forte densité et de forte puissance massique ;
- l’optimisation de l'énergie à bord du véhicule, notamment grâce à un calculateur de gestion de l'énergie qui optimise le flux de puissance autour de la batterie, et décide s'il est opportun d'allumer ou d'éteindre le moteur thermique selon la situation, le plaçant sur un point de fonctionnement optimum ;
- l’éco-conduite ou l'amélioration de l'utilisation du véhicule, car un comportement inadéquat du conducteur peut dégrader très rapidement les performances énergétiques. L'objectif est d'approcher la trajectoire énergétique optimale en tenant compte du parcours et du véhicule. Le conducteur peut être aidé en temps réel par des outils spécifiques.
Pour M. Jean-Michel Billig (Renault, co-responsable du programme 2 litres au 100 lancé par le ministère du redressement productif), il y a des défis en matière d'aérodynamique, de masse, de consommation d'énergie à bord, par exemple la climatisation, et enfin des défis sur la chaîne de traction.
« Les solutions techniques ne suffiront pas pour descendre à 2 litres aux 100. Il faudra également former le conducteur à une meilleure fluidité dans sa conduite, et connecter le véhicule, de manière à pouvoir mieux anticiper les bouchons, les accidents, le trafic, la météo. Cela aussi apporte une fluidité, et donc une réduction de la consommation.
Il y a en matière d'infrastructures routières toute une politique à avoir. Je pense au revêtement des routes, aux nœuds routiers, puisque ce sont des facteurs de consommation tout à fait considérables. Selon la qualité du revêtement vous pouvez influer de l'ordre de 10 à 15 % sur la consommation ».
Pour M. Finot (PSA), il faut s’intéresser à l'architecture du véhicule, à tous les allègements possibles et au groupe motopropulseur.
Pour M. Christophe Aufrère (Faurecia), « notre objectif commun est de réduire de 250 kg environ la masse d'un véhicule. Cela fait apparaître des technologies existantes. On peut faire de la reconception et gagner 5 à 10 % de masse. C'est loin d'être négligeable, mais ce ne sera pas suffisant pour atteindre les 250 kg de gains. Ainsi nous sommes en train de nous positionner sur toute la partie composite. Ce sont de nouvelles technologies, de nouveaux matériaux. Nous avons d'ailleurs dans le cadre du CRA, en marge du véhicule 2 litres, fait une étude complète sur les matériaux et l'allègement : si l'on veut titiller les 250 kg, il va falloir aller vers des résines et des matériaux différents tel le carbone ».
Pour M. Willy Breda, « pour un même véhicule et un même parcours, la façon dont on va conduire le véhicule va influer énormément sur les consommations. En fonction de la façon avec laquelle vous conduisez votre véhicule, vous pouvez atteindre des différences de consommation de l'ordre de
15-20 % ».
Il faut aussi intégrer la problématique de la distribution de l’énergie nécessaire au véhicule. M. Joël Pedessac (CFBP) remarque que 12 litres de GPL correspondent à ces toutes petites bouteilles de gaz de 5 ou 6 kilos, commercialisées en France dans à peu près 50 000 points de vente, ce qui permet de répondre au problème de la diminution drastique du nombre de stations-service (de deux tiers en quarante ans). «Si l'on change de modèle de réflexion, et que l'on parte sur des emballages beaucoup plus réduits que l'on pourrait mettre dans un véhicule, s'il était conçu pour cela, avec deux petites recharges de chacune 3 ou 4 kilos, on aboutirait à 500 km d'autonomie ».
M. Pedessac souligne aussi qu’« il est peut-être intéressant de considérer qu'avec des énergies autres que des carburants conventionnels, il y a possibilité d'améliorer la performance des véhicules en consommation et en émission de CO2. En exploitant les performances du moteur, l'indice d'octane du GPL étant supérieur à celui de l'essence, on arriverait certainement à des rendements bien meilleurs que ceux obtenus avec des véhicules essence ».
e. Ne faut-il pas en profiter pour repenser le véhicule ?
L’occasion est intéressante.
L’objectif des deux litres aux 100 pourrait être plus facile à atteindre sur des véhicules de type Twizy, c’est-à-dire de quadricycles légers. Ce type de modèle qui utilise peu d'espace permettrait de réduire les encombrements, et de faciliter les problèmes de stationnement en ville.
Il serait plus facile à atteindre si l’on se fixait comme objectif de repenser la forme, le poids, l’encombrement du véhicule : un véhicule plus léger, moins imposant consommera moins. De nouvelles formes adaptées à une consommation moindre pourraient de même être imaginées.
Ce type de véhicule pourrait présenter beaucoup d’intérêt en dehors du milieu urbain, car les plus dépendants de l'automobile sont justement ceux qui ne sont pas en milieu urbain.
Ce n’est pas une utopie : Le MIT y réfléchit.
M. Christophe Lefebvre, responsable du programme transport du CEA LITEN, souligne pour sa part l’intérêt et l’importance d’une réduction drastique de la masse. « Si l'on fait une voiture de 1,5 tonne, nous n'arriverons pas à 2 litres aux 100. Mais les véhicules d'aujourd'hui sont une sédimentation de 100 ans d'histoire de l'automobile. On a empilé des fonctions. Je pense qu'il faut absolument aller vers une approche système global du véhicule.
Voici un exemple. On va optimiser une direction assistée pour qu'elle consomme moins d'énergie, et qu'elle soit moins lourde. Mais si l'on a un objectif très ambitieux sur la masse, si le véhicule atteint 700 kg et présente des pneus très étroits, donc peu de résistance au roulement, y-a-t-il encore besoin d'une direction assistée ? On pourrait peut-être enlever la fonction. C'est avec de telles réflexions que l'on va enclencher la spirale vertueuse de la masse et arriver à l'objectif très ambitieux autour de 700 kg. Il faut vraiment une approche globale système, repenser le véhicule en profondeur».
Les constructeurs restent réservés. Ils considèrent que dans un premier temps les nouvelles avancées technologiques viseront les voitures traditionnelles, dont le modèle économique est davantage assuré. Par contre, les progrès réalisés sont transposables sur d’autres types de véhicules, le critère d’appréciation restant les contraintes de marché.
M. François Sudam (Plateforme de la filière automobile) estime ainsi que « notre objectif est bien de faire un véhicule qui ressemble à un véhicule actuel en termes d'habitabilité, de rangement, de coffre, de façon à garder une polyvalence. Ce n'est pas de faire un engin de mobilité urbaine, qui pourrait avoir une consommation extrêmement basse, mais n'apporterait pas la polyvalence d'un véhicule type segment B actuel ».
Pour M. Jean-Marc Finot (PSA), « il nous est apparu plus opportun de rester sur des attentes clients clairement identifiées à l'horizon 2020 ». PSA a pourtant réfléchi à un « véhicule électrique de ville ultra léger, VéLV, purement électrique, offrant des conditions de confort et de sécurité équivalentes à un véhicule d'aujourd'hui ». Mais ce projet n’a pas été lancé, pour des raisons économiques.
M. Finot souligne également que le besoin actuel est de développer un hybride technologique. « Si les équations économiques, si les usages clients, si les attentes, s'orientent vers d'autres types de produit que les architectures traditionnelles, il sera toujours temps de les faire ».
M. Billig (Renault) souligne que « nous travaillons à partir d'un démonstrateur, parlant pour le public, car c'est le véhicule de masse aujourd'hui dans la rue. Lorsqu'il verra dans la rue un véhicule qu'il connait bien, de quatre places, qui consomme la moitié de ce qu'il consomme aujourd'hui, je pense que cela l’interpellera. Nous lui dirons que cette brique de technologie est transposable sur un véhicule deux places, et il aura peut-être une manifestation d'intérêt supplémentaire ».
IV. QUELLE VA ÊTRE L’INFLUENCE DE L’ELECTRONIQUE EMBARQUÉE ?
A. LE DÉVELOPPEMENT DE L’ÉLECTRONIQUE EMBARQUÉE : AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS
L’électronique embarquée va modifier les capacités des véhicules et permettre une meilleure adaptation de leurs performances aux besoins, en termes de consommation, de vitesse, de dialogue avec la route intelligente, les autres véhicules et usagers.
1. On commence tout juste à en prendre conscience, alors que son influence est déjà très importante
a. Les logiciels sont devenus prédominants
Comme l’indique M. David Servat, responsable du programme système embarqué à l’institut CEA LIST, « Aujourd’hui, 80 % des fonctions embarquées sont assurées par un logiciel alors que ce chiffre était à peine de 30 % il y a une vingtaine d’années. La Volt, véhicule électrique de Chevrolet, embarque à elle seule plus de logiciels – une dizaine de millions de lignes de code – que le futur avion de chasse F-35 américain. De nos jours, un véhicule est avant tout un système logiciel et complexe qui évolue dans un environnement ouvert, et doit en conséquence s’adapter à un contexte en changement permanent, dans les conditions imprévisibles du trafic urbain.
Pour parvenir à une telle maîtrise, il est nécessaire de développer des processus de conception et de validation avancés qui ont fait leur preuve dans la bionique ou le ferroviaire : tests de modèles, techniques formelles, simulations de systèmes hybrides… Les mêmes exigences doivent s’imposer pour obtenir la confiance des usagers et développer des véhicules autonomes susceptibles de résoudre les problèmes de congestion du trafic ».
Pour M. Jean-François Huere, de PSA, demain, l’électronique sera partout. Véritable moteur de l’innovation en matière de sécurité, elle permettra aussi d’éviter l’accident. Elle servira aussi des véhicules propres « qui ne sont pas qu’électriques, mais qui sont également hybrides et surtout plus légers pour émettre moins de CO2 ».
b. Les équipements embarqués sont la source d’enjeux importants et peuvent changer la conception même du véhicule
Comme l’indique M. Guy Friedrich, directeur du laboratoire d’électromécanique de l’Université de technologie de Compiègne, « les enjeux sont à la fois industriels et scientifiques : je pense à l’utilisation de nouveaux matériaux semi-conducteurs, à l’amélioration des performances, à l’intégration, à la miniaturisation et à la fiabilité des systèmes.
Ces composants de puissance gèrent l’énergie, ils renforcent l’efficacité, la fiabilité et la compétitivité des véhicules en termes de coûts ».
La multiplication et l’évolution de ces équipements embarqués peuvent avoir des conséquences importantes que l’on commence à entrevoir. Il en est ainsi du diagnostic embarqué pour les moteurs à essence et les moteurs à diesel qui informe l’utilisateur en temps réel et régule le système : il ne suffit plus d’avoir un véhicule qui ne pollue moins lorsqu’il sort et qu’il est neuf. Ses avantages doivent être durables.
De son introduction pourraient résulter des contrôles plus périodiques et la mise en cause de la responsabilité du constructeur, qui a une obligation de garantir un certain niveau d’émissions et qui pourrait être obligé, en cas d’anomalies et de dérives constatées sur un véhicule, à rappeler tous les véhicules du même type. Les enjeux économiques découlant de la durabilité pourraient alors devenir considérables.
2. L’électronique embarquée permet de remplir de multiples fonctions
Pour M. Michel Vilatte, président de la Fédération des syndicats de la distribution automobile (FEDA), « l’électronique embarquée est une source de progrès en matière de confort, de sécurité et de préservation de l’environnement. Elle permet à certains constructeurs d’élaborer des systèmes de voiture connectée ».
a. Elle permet d’améliorer la sécurité du véhicule, sans pour autant remettre en cause les systèmes existants
M. Christian Lubat, directeur associé de SiConsult, conseil en électronique dresse une liste des diverses technologies embarquées au service de la sécurité : « les boutons d’assistance – eCall ou bCall –, les amortisseurs de collision comme les structures déformantes ou les airbags, et les instruments d’aide à la conduite qui interviennent avant le choc éventuel dans des situations dangereuses – système de freinage ABS, stabilisateur électronique de trajectoire ESP, avertisseurs de franchissement de ligne blanche… Cette liste ne serait pas complète si l’on oubliait les classiques feux de détresse.
Aucun de ces systèmes complémentaires n’est obsolète. Il faudra donc que chacun d’entre nous les fasse évoluer. Ainsi, les feux de détresse, utilisés par tous sur tous les véhicules, préviennent d’une situation dangereuse. Leur utilisation est extrêmement simple et l’éventualité de conflits avec d’autres fonctions de la voiture est très faible. Leur portée reste toutefois limitée, car elle dépend du champ de vision des conducteurs auxquels le message s’adresse.
Or la fonction warning peut être considérablement améliorée grâce aux technologies des objets communicants et de la localisation. En cas de freinage brutal, de choc ou d’action volontaire, une information peut être transmise sur plusieurs centaines de mètres afin que les automobilistes concernés soient informés qu’un « événement » potentiellement dangereux est en cours devant eux. Grâce aux technologies de radiofréquence alliées à l’utilisation d’un logiciel, ces informations peuvent être transmises malgré un virage ou la présence de brouillard. La même action peut aussi transmettre l’information localisée aux gestionnaires de trafic ou de secours.
Par ailleurs, pour signaler un accident, une présence sur la bande d’arrêt d’urgence, un chevreuil sur la route, l’automobiliste pourra toujours appuyer sur le bouton warning qui activera des fonctions supplémentaires ».
b. L’électronique embarquée permet de mieux gérer les batteries
Pour M. Guy Friedrich, directeur du laboratoire d’électromécanique de l’Université de technologie de Compiègne, l’électronique de puissance, qui est une technologie à part entière nouvelle et spécifique aux véhicules propres « assure l’interface entre la batterie et le système de traction électrique que l’on trouve sur les véhicules hybrides comme sur les véhicules entièrement électriques.
Elle joue également un rôle dans la gestion des batteries et dans leur sécurité. En termes de fiabilité, cette électronique de contrôle et d’énergie constitue en quelque sorte un maillon faible du système. Il faut donc mieux la prendre en compte, tant sur le plan technologique que sur celui de la formation – en formant par exemple plus d’ingénieurs dans ce secteur ».
Elle est utilisée pour le freinage récupératif, technique qui permet de diminuer la consommation énergétique d’un véhicule. Elle crée des possibilités d’information vis-à-vis des autres véhicules, des postes de secours et des gestionnaires de trafic.
3. Elle a certains inconvénients dus à sa jeunesse : on n’en est qu’au début du processus
a. Elle est fortement consommatrice d’énergie même si elle aide à la régulation d’énergie
Il ne faut pas perdre de vue le lien entre la dépense énergétique et le volume disponible sur un véhicule. L’électronique embarquée est très coûteuse en termes de consommation, comme le montrent les études faites sur des cycles normalisés en ville ou sur route afin de comparer les différents véhicules.
b. De nombreux tests sont nécessaires.
C’est ce qu’indique M. David Servat, responsable du programme système embarqué à l’institut CEA LIST : « La plupart des systèmes de commande du véhicule, moteur ou direction – dans les systèmes hybrides, la gestion de la batterie, l’optimisation du régime du moteur –, sont contrôlés par des logiciels qui tournent avec des calculateurs embarqués spécifiques. À mesure que l’on ajoute des fonctionnalités, on rend plus difficile la maîtrise de l’ensemble. Aujourd’hui, pour valider des fonctions d’aide à la conduite, les constructeurs se trouvent dans l’obligation de faire d’innombrables tests pour prendre en compte des fonctionnalités de plus en plus complexes. »
B. CE DEVELOPPEMENT EST LOIN D’ETRE TERMINE
1. La connexion du véhicule au Smartphone serait source de nombreuses économies
Cela permettrait de faire l’économie d’équipements rendus inutiles, idée que développe M. Christian Lubat, directeur associé de SiConsult, conseil en électronique.
« Les automobilistes ne peuvent pas utiliser leur Smartphone lorsqu’ils conduisent, car ils ne peuvent pas le connecter à leur tableau de bord. Si cette faculté existait, des applications les dispenseraient d’équiper leur véhicule de nombreuses options, ce qui mettrait un terme à un double emploi qui s’avère un non-sens économique et écologique. Un système de navigation coûte en effet entre 1 500 et 2 000 euros dans un véhicule neuf, alors que le prix de l’application de navigation et de cartographie la plus chère sur un Smartphone ne dépasse pas 70 euros.
Contrairement à la tendance actuelle, il n’y a pas lieu de chercher à faire du tableau de bord une tablette tactile : si, demain, on découvre un bug dans le logiciel, ce sont des milliers de véhicules en circulation qui en pâtiront, sans qu’aucune évolution ne soit à envisager. Les constructeurs automobiles pourraient supprimer le système de navigation, voire le système audio, et les remplacer par une connexion avec un Smartphone. Cela permettrait de développer des usages intéressants : par exemple, il semble bien plus optimal d’utiliser son Smartphone pour contrôler son alcoolémie que d’acheter des systèmes chimiques périssables. Cette orientation nous paraît d’autant plus opportune que la France sait concevoir des périphériques et des applications, et l’on devrait soutenir cette filière créatrice d’usages.
S’agissant de l’information sur le trafic en temps réel, pourquoi acheter des protocoles spécifiques à un opérateur, alors que des applications presque gratuites seront bientôt disponibles ? De même, on parle de l’installation de caméras dans des véhicules haut de gamme pour contrôler la fatigue du conducteur, alors que les Smartphones en sont déjà munis, ce qui rend concevable le développement d’applications à cet effet.
Enfin, Apple et Google – les deux principaux fournisseurs de systèmes d’exploitation – ont déjà élaboré des techniques de contrôle vocal qui pourraient libérer les mains des usagers. Est-ce donc un impératif, pour un constructeur automobile, de consacrer des ressources de recherche et développement à la conception d’un système concurrent ? Ne vaudrait-il pas mieux prévoir la possibilité de connecter les Smartphones au tableau de bord et de bénéficier de leurs facultés de contrôle vocal, qui ne cesseront de s’améliorer – contrairement aux performances des instruments installés à demeure dans une voiture au moment de sa fabrication ».
2. De nouveaux outils technologiques permettront d’améliorer encore davantage la sécurité et la protection des usagers
Comme l’indique M. Jean-François Huere, de PSA, « demain, des systèmes permettront de détecter les obstacles, et d’autres prendront des décisions à la place du conducteur ».
Mme Caroline Deck, chercheuse au laboratoire ICube de Strasbourg, propose « d’utiliser l’informatique pour développer des substituts de corps humains grâce à la technique de modélisation par éléments finis. Le corps humain discrétisé se voit affecter des propriétés mécaniques, et des accidents réels sont reconstitués pour chercher des corrélations entre paramètres mécaniques et survenue de lésions.
Des modèles informatiques et mathématiques permettent ensuite, lors de l’homologation d’un système de protection, de calculer le risque réel pris par l’usager – sachant que ces normes sont valables pour l’univers urbain, c'est-à-dire des vitesses ne dépassant pas trente à quarante kilomètres par heure.
Cette méthode s’applique aux passagers des automobiles, mais aussi aux usagers vulnérables de l’espace public. Elle permet d’optimiser numériquement des systèmes de protection avant même la construction coûteuse des prototypes ».
3. D’autres initiatives auront des répercussions intéressantes
Elles concernent tout d’abord l’utilisation de systèmes agiles, et notamment des calculateurs performants dotés d’interfaces agréables et ergonomiques. De nombreuses applications et de petits périphériques pourraient être insérés au centre du véhicule. Nous avons une véritable compétence nationale dans ce domaine.
Elles concernent aussi le contrôle en temps réel de l’énergie consommée et de la pollution induite. L’énergie consommée étant liée à la masse – au frottement des roues comme au frottement aérodynamique –, mais aussi, précisément et pour une grande part, à l’accélération, un compteur de la consommation et de la pollution en temps réel permettrait de sensibiliser les conducteurs à ce phénomène.
Elles concernent aussi le développement de services d’information en temps réel dans divers domaines : la connaissance du trafic, les lieux d’implantation et la disponibilité des bornes de recharge des véhicules électriques, la localisation des parkings, les inter-modalités possibles.
Ces services sont incroyablement variés. M. Gabriel Plassat cite les services de mobilité porte à porte qui pourront être expérimentés grâce au numérique, au travers d’un assistant personnel de mobilité et de l’accès à certaines données ; on aboutira ainsi à une « économie de la fonctionnalité en vertu de laquelle la conception de l’objet s’appuie sur la fonction qu’on lui assigne, et non sur les perspectives de vente de celui-ci. Le cahier des charges du véhicule est modifié, l’utilisation d’autres énergies est possible, à l’instar de l’industrie des véhicules opérés par des tiers ».
C. L’IMPACT DE LA ROUTE INTELLIGENTE ET DU SMART GRID
La route intelligente est l’une des infrastructures résultant de l’émergence de l’économie numérique. Permettre le dialogue entre le véhicule et la chaussée va devenir un objectif de plus en plus important. La route va devenir de plus en plus intelligente, de multiples informations seront transmises au conducteur en fonction du lieu où il se trouve.
La réalisation de cet objectif dépendra d’une part de l’équipement routier et autoroutier, d’autre part de l’électronique embarquée dans les véhicules. Les avantages attendus sont de même nature que ceux ayant découlé des GPS. Sont en jeu des changements de comportement, conduisant à une plus grande sécurité et à une utilisation plus rationnelle du véhicule grâce à une meilleure prise en compte de l’environnement immédiat.
Le smart grid ou réseau intelligent va permettre de faire le lien entre les transports et le logement. Le véhicule peut en effet être utilisé pour stocker de l’énergie.
Comme le souligne M. Laurent Antoni du CEA LITEN, « la voiture est alors autant un moyen de déplacement qu’un moyen de stockage d’énergie. En effet, le véhicule électrique est une réserve d’énergie disponible, quand il ne roule pas. Ceci permet de faire le lien avec les besoins en électricité du réseau dans le cadre d’un smart grid ou d’une maison, dans le cadre d’une smart house.
On peut par exemple imaginer des garages publics avec des prises électriques pour les véhicules. On pourrait ainsi gérer à la fois la recharge des véhicules mais aussi le soutien aux demandes du réseau. Ceci implique de construire un modèle économique répondant aux questions suivantes : À quel prix vend-on l’électricité au réseau ? À quel prix achète-t-on l’électricité pour charger la batterie ? Une approche similaire est possible pour trouver une convergence entre habitat et transport. Par exemple, l’installation de panneaux photovoltaïques d’une puissance de 5 kW électrique sur une maison à basse consommation couplée à un stockage batterie de 6 à 10kWh (inférieur à la capacité d’un véhicule électrique) permettrait sous nos latitudes d’assurer jusqu’à 70 % d’autoconsommation électrique.
Ces approches permettent d’écrêter la demande et de répondre aux intermittences des énergies renouvelables (solaire, éolien) et de lisser le fonctionnement des grandes centrales de production électriques ».
M. Bernard Frois, président du Comité des États-membres du JIT FCH, souligne quant à lui l’importance des smart grids qui vont probablement permettre d’aller vers un système composé de petits îlots spécifiques. C’est un changement de paradigme, car aujourd'hui, les solutions qu’on envisage sont très globales et la réponse attendue est totale. Ces petits îlots seront source de flexibilité.
Ce rapport avait pour ambition d’interroger un champ vaste et complexe : Comment s’adapter à la raréfaction des ressources ? Comment rompre avec les politiques d’adaptation de la ville à la voiture ? Comment changer le modèle automobile ? Ces questions ne sont pas nouvelles, mais sont de plus en plus prégnantes. Elles ont déjà conduit à la mise en place de nouvelles politiques.
La situation actuelle ne peut pas perdurer : les émissions de CO2 contribuent à l’effet de serre et doivent être réduites ; les émissions de particules fines et de NOx par les moteurs diesel ont un impact sanitaire avéré. En parallèle, la crise de la filière a des conséquences tangibles pour les salariés, qui en font les frais. Les clients voient leurs dépenses d’achat, d’entretien et de carburant amputer leur pouvoir d’achat. Les usagers des véhicules connaissent une souffrance grandissante dans la mobilité, qui est entravée par les encombrements, les difficultés de stationnement, l’absence de sérénité dans le transport.
Il faut donc faire des choix plus marqués. Cette approche est souhaitable d’un point de vue collectif. Mais il faut en convaincre les individus, car le succès d’une politique dépend de leur adhésion.
Nous avons adopté une approche globale qui nous a permis de réfléchir aux conditions nécessaires à l’avènement de véhicules écologiques permettant d’organiser de nouvelles mobilités sereines et durables.
Les véhicules doivent être pensés différemment. Il faut partir des besoins et des évolutions de comportements plutôt que des seules projections techniques de l’existant. Il faut prendre en compte la complexité des solutions possibles, les contraintes qui ne pourront pas être levées à court terme, mais qui pourraient évoluer à moyen et long terme. Il faut tenir compte de la pérennité des évolutions actuelles et de l’acceptabilité des propositions qui peuvent être faites.
L’analyse des besoins de mobilité, à partir de typologies, montre la diversité des situations et conduit à la conclusion que l’offre de véhicules, de moteurs et de carburants devra être à la fois différente et diversifiée. Elle montre aussi qu’un nouveau modèle est en train d’apparaître, qui conduit inéluctablement à une mutation profonde de la filière automobile.
L’offre se diversifie, et traduit l’évolution du champ des possibles. Mais elle reste encore très classique. Des véhicules différents apparaissent peu à peu, mais leur modèle économique n’est pas encore stabilisé.
Les possibilités techniques sont de plus en plus nombreuses. Elles peuvent permettre de répondre à cette évolution et de répondre à des contraintes croissantes en termes de pollution et de nouvelles exigences en termes de santé et de sécurité. Mais elles sont insuffisantes en elles-mêmes pour résoudre les difficultés des constructeurs.
Les évolutions techniques prévisibles ne sont qu’un des éléments de notre analyse qui est beaucoup plus ambitieuse : les choix sont plus nombreux, mais l’évolution reste incertaine, et la technique ne permet pas à elle seule de faire face à l’évolution du paradigme. Réduire la consommation, par exemple, nécessite une évolution technique et une évolution culturelle et sociale. Les nouvelles possibilités doivent être intégrées. Les nouveaux choix doivent être compris.
De nouvelles infrastructures sont nécessaires, qu’il s’agisse de la localisation des points de distribution des carburants alternatifs, de la recharge des batteries, des parkings pour le covoiturage, de l’aménagement de voies réservées aux véhicules sobres ou à haut taux d’occupation...
Mais il faut aussi organiser différemment le transport urbain, trouver des solutions innovantes pour les zones périphériques et les zones rurales, l’objectif étant de concevoir une nouvelle politique urbaine et un aménagement du territoire intégrant les nouvelles mobilités.
Une approche dynamique est nécessaire, car l’inaction aurait des conséquences dramatiques en termes d’emplois et de commerce extérieur. Or la voiture écologique n’est plus seulement un projet, un concept. Elle commence à exister sous diverses formes, et est maintenant disponible pour le grand public, à un prix de plus en plus abordable.
Mais les décisions, les stratégies des constructeurs et des fournisseurs de service ne sont pas toujours adaptées à ce nouvel environnement, à cette nouvelle problématique. L’action des pouvoirs publics n’est pas suffisante. Les incitations financières ou fiscales ne permettent pas d’influencer suffisamment la situation. Le cadre qu’ils fixent par des normes se doit de devenir plus efficace. La pérennité de l’effort de recherche doit être affirmée.
L’action publique doit donc être pensée différemment. Il faut répondre aux contraintes nouvelles, de nature économique, financière et sociale, en s’appuyant sur les atouts de la filière. Il faut tirer les conséquences des nouvelles possibilités techniques, qu’elles concernent les motorisations, les carburants ou les nouveaux véhicules, à 2, 3 ou 4 roues ou la mise en place de services innovants.
La réponse à des besoins multiples doit être diversifiée : Plusieurs choix sont encore possibles, tant pour les moteurs que pour les carburants. Les nouveaux services doivent encore trouver leur modèle économique. La recherche montre que des évolutions sont possibles. Les comparaisons internationales montrent que la palette des choix réalisables est très large.
Il est possible de faire évoluer les comportements. Il est possible de convaincre l’usager de penser à une utilisation moins individuelle de sa voiture et d’aller vers les « deux personnes par voiture ». Mais encore faut-il concevoir et organiser une inter-modalité efficace, développer l’auto-partage et le covoiturage, prévoir de nouvelles aires de stationnement combinées aux nouveaux services, offrir une offre plus diversifiée de transports publics, et plus globalement repenser la ville.
Tel est l’objectif des recommandations des rapporteurs.
I. Organiser la mobilité du 21ème siècle : sobre, interactive, intermodale, sereine
Constat :
Le véhicule individuel motorisé est l’une des composantes de la mobilité. Sa place et son évolution doivent intégrer les nouvelles contraintes (écologiques, sociales, économiques, urbaines), les nouveaux usages et les nouvelles opportunités de la mobilité. Celle-ci doit être organisée afin de permettre une multiplicité de choix, pour un usage performant de chacune des solutions et adapté aux différents besoins.
Recommandations :
• Faire de la mobilité énergétiquement sobre un enjeu prioritaire de la transition énergétique
• Faire de la mobilité sobre, sereine et sûre (sécurité routière) la grande cause nationale de l’année 2016
• Privilégier l’utilisation optimale des infrastructures existantes (ferroviaires, routières, etc.) à la construction d’infrastructures nouvelles.
• Intégrer la complémentarité des modes de déplacement – et non leur concurrence – dans les plans de déplacement à toutes échelles territoriales (nationale, régionale, locale)
• Mettre en place un observatoire national des mobilités, analysant les évolutions des besoins et des pratiques, catégorisant les publics (en fonction de leurs espaces territoriaux, usages de la mobilité, etc.), organisant le benchmarking des meilleures réponses en France et à l’étranger, garantissant le maintien des données dans le domaine public…
• Systématiser l’intégration de l’approche mobilité dans les politiques d’aménagement des territoires
• Dans les espaces urbains, organiser l’espace public, notamment la voirie, pour favoriser et diversifier l’offre de transports collectifs, favoriser les déplacements actifs notamment à vélo
• Veiller particulièrement dans les zones périurbaines et rurales, à assurer le droit à la mobilité en organisant des offres diversifiées et économes de mobilité (transports collectifs, services à la demande, véhicules partagés, véhicules sobres…)
• Organiser l’information multimodale au niveau local, régional et national, en s’appuyant sur les nouvelles technologies de communication embarquées, en apportant à l’usager une information en temps réel, ainsi que l’impact écologique, économique et en sécurisation des temps de parcours des différentes options
• Offrir des dispositifs de tarification et de paiement multimodaux (pass mobilité, etc.) intégrant dans un même titre de transport une complémentarité des modes (transports collectifs, vélos en libre-service, auto-partage, taxis, location véhicule, stationnement, etc.)
• Expérimenter et organiser des « hubs intermodaux », espaces publics où sont organisées correspondances et inter-modalité entre modes et services. Les gares en sont notamment un lieu privilégié
• Développer les plateformes d’éco-mobilité et de promotion de l’inter-modalité
• Favoriser l’évolution des modes d’organisation du travail réduisant la mobilité contrainte et la congestion des heures de pointes : centres de télétravail à distance partagés, travail mobile, travail en temps décalé…
• Organiser les espaces de circulation pour favoriser la sécurité (code de la rue, vitesses réduites…), la réduction des nuisances sonores et des consommations énergétiques (revêtements de chaussée innovants…)
• Organiser la mobilité en zone urbanisée afin de réduire la pollution atmosphérique (notamment régulation de la circulation lors des pics de pollution…)
II. Faire évoluer le modèle automobile : sobriété, plaisir, modernité, convivialité, modularité ; un nouvel imaginaire
Constat :
L’imaginaire positif associé de longue date à l’automobile s’érode avec la montée des contraintes qui lui sont associées (coût, pollution, encombrement). Le véhicule motorisé individuel restant indispensable pour nombre d’usages et de parts du territoire, un nouvel imaginaire correspondant aux attentes nouvelles doit émerger. La notion de « plaisir » a été évoquée par de nombreuses personnes auditionnées. Cette notion s’est doublée de l’enjeu de sérénité de la mobilité. Pour permettre la transition vers des mobilités plus sobres, il convient de ne pas le faire dans une optique d’austérité, mais de promouvoir les nouveaux véhicules et comportements en les rendant attractifs.
Recommandations :
• Faire de l’évolution du modèle automobile vers le véhicule écologique une priorité de la politique industrielle nationale et européenne, en coordination avec les constructeurs
• Contribuer à un nouvel imaginaire du véhicule en favorisant dans la communication publique (narration, concepts, images…) les critères de sobriété énergétiques (2l maximum aux 100 km), de moindre encombrement, de moindre pollution, les concepts de sérénité des déplacements et d‘agrément, aux dépens des critères de puissance et de vitesse ; mettre en évidence les surcoûts et surpollutions induits par la puissance inutile des véhicules
• Soutenir les innovations en matière :
- de véhicules de très petite taille (une place, deux places) faisant le lien entre 2-roues, 3-roues, 4-roues ;
- de « briques technologiques » permettant la réduction des consommations au niveau des moteurs, du poids, du roulement, des matériaux… ;
- de réduction du bruit ;
- de véhicule modulaire ;
- de services de mobilité (locations, véhicules partagés, etc.).
• Favoriser le développement des nouvelles technologies de communication permettant un usage plus performant, plus écologique, plus serein et plus sécurisé des véhicules, notamment dans l’assistance à la conduite ; y compris les perspectives de « véhicule sans chauffeur »
• Faire évoluer les contraintes réglementaires pesant sur les petits véhicules, notamment les quadricycles, afin qu’ils puissent être utilisés partout et afin d’améliorer leur insertion dans le paysage des déplacements
• Étudier les diverses manières de diminuer le coût du permis de conduire
• Former les conducteurs à l’éco-conduite, notamment dans le cadre de leur activité professionnelle
• Favoriser le « retrofit » (mise à niveau en matière de pollution et de sobriété) par solutions innovantes pour les véhicules existants, notamment les diesels les plus polluants
• Favoriser l’adaptation des véhicules à essence pour qu’ils puissent utiliser du GPL ou du GNV
• Approfondir les études sanitaires sur les impacts de la pollution, et étudier de manière approfondie les impacts des polluants combinés, particules fines, polluants secondaires liés à l’essence…
III. Contractualiser avec les constructeurs dans une optique de renouvellement du modèle automobile et de pérennisation des emplois
Constat :
L’industrie automobile est un des piliers de l’économie française. L’évolution des véhicules doit se faire en synergie avec les industriels. Le rôle de l’État est d’orienter et d’accompagner les évolutions les plus favorables à l’émergence des véhicules les plus adaptés aux besoins d’aujourd’hui. Et cela dans un contexte particulièrement fragile pour l’emploi dans la filière pour ce qui est du territoire national. L’aide publique doit être doublement conditionnée à l’évolution du modèle actuel vers une mobilité soutenable et au maintien de l’emploi.
Recommandations :
• Développer et pérenniser les outils de coordination de la filière industrielle (plateforme automobile) en veillant à l’intégration des différents acteurs, y compris PME, équipementiers et sous-traitants
• Coordonner la recherche sur le véhicule du futur (cf. l’exemple du MIT aux États-Unis) par la mise en réseau des pôles de compétitivité, centres de recherche, etc. par le développement des appels à manifestation d’intérêt favorisant les innovations en matière de véhicules et d’usages. Soutenir VeDeCom et Mov’eo, et veiller à ce qu'ils soient dotés de moyens financiers suffisants
• Conditionner les aides publiques qui soutiennent la filière au développement et à la commercialisation de véhicules plus sobres
• Mobiliser le grand emprunt et les investissements d’avenir en ce sens
• Assurer une continuité et une visibilité des aides publiques à la recherche et au développement en matière de technologies innovantes pour permettre une anticipation des stratégies des industriels et des consommateurs
• Organiser avec la filière la durabilité des véhicules (réduction de l’obsolescence), leur réparabilité, anticiper les normes de recyclabilité des pièces et matériaux, organiser la déconstruction, dans un esprit d’économie circulaire
• Systématiser l’analyse du cycle de vie (ACV) afin de promouvoir les véhicules ayant la plus faible empreinte écologique sur l’ensemble de leur cycle de vie. Faire un bilan carbone de tous les véhicules, et une évaluation TCO (Total Cost Analysis) du coût du véhicule en coût global (investissement + usage) sur sa durée de vie. Publier un classement annuel des véhicules les moins polluants basé non seulement sur les émissions de CO2 mais aussi sur les émissions de particules fines et de dioxyde d’azote
• Accompagner la profession dans la mise au point d’un business model de plus en plus tourné vers le service de mobilité (location, voiture partagée…)
• Aider les recherches sur la réduction de la consommation énergétique des véhicules et de leurs émissions polluantes, mais aussi sur la réduction de leur taille et l’allègement de leur poids
• Accélérer la mise en place des normes les plus ambitieuses de réduction de l’ensemble des émissions polluantes (CO2, NOx, particules fines, émissions secondaires) et fiabiliser au plus vite les procédures européennes d’homologation des émissions des véhicules
• Développer la formation des professionnels de l’automobile sur les nouvelles technologies de motorisation et le changement de source d’énergie d’un véhicule en circulation
• Encourager les systèmes de gestion économe d’énergie à bord des véhicules.
IV. Donner dès maintenant des avantages aux pionniers (stationnement, circulation, fiscalité, bonus) et orienter les utilisateurs vers les véhicules sobres, peu polluants, de petite taille
Constat :
Pour amorcer le changement, il convient d’avoir un rôle proactif. Et cela d’autant plus que les constructeurs eux-mêmes estiment que ces signaux sont indispensables pour rendre le business model des véhicules écologiques plus performant que le statu quo. Cela passe par des avantages donnés aux pionniers : favoriser les véhicules sobres, de petite taille, utilisés en commun en facilitant la vie de leurs usagers et possesseurs.
Recommandations :
• Promouvoir une communication institutionnelle au plus haut niveau en faveur des énergies alternatives
• Préserver et améliorer le bonus-malus pour favoriser le développement des véhicules écologiques. Le rendre plus efficace et global afin qu’il ne repose pas seulement sur les émissions de CO2, mais tienne compte également des émissions de NOx, de particules fines et de particules secondaires
• Moduler la fiscalité des véhicules en fonction de leur gabarit et de leur puissance, selon le modèle des K-cars japonais
• Mettre en place une étiquette énergie des véhicules à la vente, qui prenne en compte la consommation, les émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques « du puits à la roue »
• Accentuer la prise en compte, notamment par la fiscalité, des externalités négatives liées à chaque type de carburant. Mettre fin aux exonérations fiscales à destination d’un seul carburant. Mettre en place une fiscalité incitative à l’usage de carburants alternatifs. Établir un mécanisme progressif et prévisible de rapprochement de la fiscalité sur le gazole et l’essence, comme préconisé par la Cour des Comptes, en affectant une partie des recettes fiscales à la compensation des impacts sociaux et économiques
• Donner des priorités de circulation aux véhicules écologiques, par exemple par des voies de circulation (réservées aux transports collectifs, aux véhicules d’urgence, aux taxis, aux véhicules sobres, et au co-voiturage) dans les zones congestionnées, notamment sur les voies autoroutières
• Mettre en place un système de tarification préférentielle sur les voies à péage pour les véhicules écologiques, sur la base de leur mode de propulsion (électrique, gaz,…), de leur sobriété, de leur taille et de leur taux d’occupation
• Faciliter le stationnement des véhicules écologiques (en fonction de leur motorisation, de leur taille et de leur puissance) sur la voirie et dans les parcs souterrains, en leur réservant des places dédiées et / ou en réduisant leur coût de stationnement. Soutenir les solutions innovantes telles que le disque vert, permettant d’offrir 1 h 30 de stationnement gratuit pour ces véhicules
• Faire évoluer le dispositif des Certificats d’économie d’énergie, afin qu’il puisse bénéficier à l’achat de véhicules écologiques et/ou au remplacement d’un véhicule polluant par un véhicule écologique
• Mettre en place des prêts à taux zéro destinés aux foyers modestes, afin de leur permettre d’acquérir un véhicule écologique.
• Utiliser l’effet levier de la commande publique pour soutenir le développement de véhicules sobres
• Favoriser, notamment par des mesures fiscales, l’utilisation de véhicules écologiques dans les flottes professionnelles (administrations et entreprises) et dans les flottes de taxi
• Renforcer le contrôle des véhicules usagés. En particulier, le contrôle technique sur l’éco-diagnostic et l’éco-entretien
• Mettre en œuvre les mesures annoncées récemment de réduction de la vitesse des véhicules sur les autoroutes, les périphériques, les routes et les villes, qui permettent simultanément de réduire l’accidentologie, la consommation énergétique, la pollution et le bruit… tout en réduisant le coût pour les conducteurs
• Simplifier les démarches de changement d’énergie pour les véhicules existants (électrification, transformation pour permettre un usage de gaz, d’éthanol…)
• Accompagner le renouvellement et l’adaptation aux nouvelles normes des véhicules diesel en circulation.
V. Privilégier les évolutions vers des carburants renouvelables, en poursuivant des objectifs plus ciblés et en gardant ouvertes les différentes options techniques
Constat :
Dans le cadre de la transition énergétique, il faut accélérer le développement de carburants alternatifs et renouvelables. Ce développement ne doit pas injurier l’avenir en conduisant à une monoculture technologique, mais au contraire développer l’ensemble de la palette d’alternatives.
Recommandations :
• Ne fermer aucune option technique de motorisation pour promouvoir la mixité énergétique : des sauts technologiques peuvent avoir lieu aussi bien dans les moteurs thermiques (gaz, agro-carburants issus d’énergies renouvelables) qu’électriques, à l’hydrogène ou à l’air comprimé
• De manière générale, afin de promouvoir la mixité énergétique dans les transports, accorder les avantages consentis aux voitures électriques aux autres types de voitures écologiques, et notamment les hybrides, celles fonctionnant au GPL, au GNV, à l’hydrogène ou à l’air comprimé
• Assurer un soutien constant à la recherche sur les motorisations alternatives et les carburants alternatifs, en particulier le biogaz, l’hydrogène et les agro-carburants de troisième génération
• Mobiliser le grand emprunt et les investissements d’avenir en faveur de l’utilisation des énergies alternatives dans la mobilité
• Anticiper avec les acteurs industriels et les acteurs publics les besoins de distribution de chacun des carburants alternatifs, permettant aux véhicules qui les utilisent de s’approvisionner de manière satisfaisante sur l’ensemble du territoire. Étudier les hypothèses impliquant des plans d’infrastructures (et leur coût), celles passant par l’achat de recharges (piles, bouteilles de gaz…) et celles passant par l’autoproduction/autoconsommation
• Intégrer en conséquence le développement de l’utilisation des énergies renouvelables dans les schémas énergétiques régionaux et territoriaux, en privilégiant les opportunités liées aux énergies produites localement
• Intégrer au système des Certificats d’économie d’énergie des dispositifs permettant le développement de l’usage des énergies alternatives dans la mobilité
• Encourager les initiatives issues des 34 plans industriels pour structurer une filière française et européenne des énergies alternatives pour véhicules et de véhicules sobres
• Utiliser l’effet levier de la commande publique pour soutenir le développement de l’utilisation des énergies renouvelables dans la mobilité
• Faire un bilan de l’intensité carbone et des implications environnementales du développement des agro-carburants de première et de deuxième génération, et de leur utilisation. Développer les agro-carburants de troisième génération
• Organiser dès maintenant un plan de recyclage des batteries et la mise en place des outils industriels correspondants
• Veiller à la formation des réparateurs, notamment en matière de réparation des moteurs fonctionnant aux énergies alternatives
• Favoriser l’utilisation d’énergies renouvelables pour charger les batteries. Renforcer le réseau français R&D dédié aux batteries. Accélérer la mise en place du réseau de recharge de batteries. Réviser les conditions d’autorisation d’installation de prise de recharge de batteries dans les immeubles collectifs
• Retirer les panneaux « interdit au GPL » à l’entrée des parcs de stationnement
• Ces réformes faites, assurer la stabilité des incitations publiques et des réglementations sur les carburants alternatifs
• Pour favoriser le développement des véhicules au gaz, favoriser leur utilisation dans les flottes captives, en particulier les petits véhicules et les véhicules utilitaires à usage professionnel
VI. Favoriser l’usage partagé des véhicules
Constat :
L’un des enjeux majeurs, quelle que soit l’évolution des véhicules au plan technique, est leur meilleure occupation. C’est un gage d’efficacité énergétique, mais aussi de moindre encombrement des voiries et des stationnements.
Recommandations :
• Fixer nationalement l’objectif « 2 personnes par voiture » au même niveau d’ambition, de visibilité et de moyens que celui des « 2 litres aux 100 km », en mettant en valeur dans la communication l’intérêt en terme de pouvoir d’achat, de consommation énergétique, de pollution et de réduction des émissions de gaz à effet de serre
• Favoriser le développement des services d’auto-partage, notamment en facilitant la complémentarité entre usages individuels et professionnels, en utilisant les Certificats d’économie d’énergie (CEE) pour soutenir leur développement, etc.
• Favoriser le partage des véhicules individuels en soutenant la mise en place des réseaux d’organisation du co-voiturage entre particuliers, notamment via les CEE, l’intégration dans les Plans de Déplacement d’Entreprises (et de pôles d’entreprises) et d’Administration…
• Faire évoluer le code des assurances pour favoriser le partage des véhicules
• Faciliter la mise en place de lieux de rencontre (notamment de stationnement) sur l’espace public à usage du co-voiturage, avec signalétique homogénéisée
• Donner un statut juridique au co-voiturage afin de sécuriser son usage
• Donner des priorités de circulation aux véhicules à haut taux d’occupation (au moins 3 personnes) par exemple par des voies de circulation réservées aux transports collectifs, aux véhicules d’urgence, aux taxis, aux véhicules sobres, et au co-voiturage dans les zones congestionnées, notamment sur les voies autoroutières
• Mettre en place des systèmes de tarification préférentielle sur les voies à péage pour les véhicules à haut taux d’occupation (au moins 3 personnes)
• Favoriser l’usage des véhicules partagés dans les flottes professionnelles et de l’administration (PDE, PDA, mutualisation de véhicules, abonnement à services d’auto-partage...)
• Inciter les collectivités à intégrer dans leur PLU des dispositifs incitatifs / obligatoires pour la mise en place de systèmes d’auto-partage (par exemple de véhicules électriques) au sein des nouvelles copropriétés d'au moins 20 logements
VII. Une gouvernance partenariale, un État stratège
Constat :
Les acteurs publics, qu’il s’agisse de l’État, des collectivités territoriales ou de l’Union Européenne, ont un rôle majeur à jouer dans l’organisation de la mobilité et l’impulsion des orientations de la filière, en coordination avec les professionnels.
Recommandations :
• Afin de donner une coordination et une visibilité à une politique en faveur des véhicules écologiques et de mettre fin à l’éparpillement, créer une instance publique de pilotage des acteurs concernés par leur développement (l’Union européenne, l’État, les régions, les départements, les communes et les communautés d’agglomération, les centres de recherche universitaires ou relevant du CNRS, les constructeurs, les équipementiers, les banquiers, les assureurs, les gestionnaires de parkings, les syndics d’immeubles, les hypermarchés, les stations-service, les représentants d’usagers, les centres de recherche privés…) sous coordination des ministères de l’écologie et de l’industrie, chargée de l’élaboration de préconisations, du suivi de la mise en œuvre et de l’évaluation
• Mettre en place un lieu de coordination de tous les acteurs du transport, notamment les AOT et les transporteurs publics, à l’échelle régionale et à celle des agglomérations et des intercommunalités pour faciliter le développement des systèmes d’information, la mise à disposition d’informations multimodales fiables et accessibles à tous, la mise en place d’une tarification multimodale, la mise en place de dispositifs locaux favorisant la circulation et le stationnement des véhicules écologiques, ainsi que l’organisation de l’usage partagé des véhicules.
• Renforcer le droit à l’expérimentation des collectivités pour favoriser la mobilité sobre et partagée
• Inscrire dans les PDU, PDE et PDA des objectifs de développement de l’utilisation des véhicules écologiques et de l’usage partagé des véhicules
• Renforcer le système de gouvernance, aux niveaux local et national, de surveillance des émissions polluantes, de lutte contre la pollution de l’air, de l’amélioration de la qualité de l’air, en ce qui concerne à la fois la pollution de fond et les pics
• Développer et pérenniser les outils de coordination de la filière industrielle (plateforme automobile) en veillant à l’intégration des différents acteurs, y compris PME, équipementiers et sous-traitants.
• Mettre en réseau les pôles de compétitivité, centres de recherche, etc. travaillant sur le véhicule écologique
• Créer une instance nationale fédérant les acteurs du transport
VIII. Organiser la veille sur les innovations technologiques et sociales de la mobilité
Constat :
Les mutations sont amorcées. Cela transparaît de l’ensemble du rapport et des auditions. Il convient donc d’organiser une veille active nationale et internationale des innovations, et d’accompagner la Recherche et Développement sur ces nouveaux enjeux.
Recommandations :
• Mettre en place un observatoire national des mobilités, analysant les évolutions des besoins et des pratiques, catégorisant les publics (en fonction de leurs espaces territoriaux, usages de la mobilité, etc.), organisant le benchmarking des meilleures réponses en France et à l’étranger…
• Organiser la coordination de la prospective énergétique et de la prospective de la mobilité au sein de la transition énergétique
• Accompagner le développement de services locaux innovants de mobilité
• Favoriser les expérimentations et les innovations pour le développement de véhicules sans conducteur
• Veiller au niveau de sécurité des systèmes production-distribution-transport de carburants
• Étudier les implications en termes de sécurité informatique du développement des systèmes d’électronique embarquée dans les véhicules, et leur vulnérabilité au risque de piratage.
• Faire évoluer la Convention de Vienne pour revoir les contraintes réglementaires au stationnement d’un véhicule sans qu’un conducteur soit derrière le volant
• En parallèle du développement des véhicules écologiques et partagés, soutenir les initiatives d’organisation du dernier kilomètre de livraison.
IX. Promouvoir une politique européenne en faveur de la mobilité sobre
Constat :
Une partie des normes qui régissent le secteur automobile, en particulier celles relatives à la pollution atmosphérique et aux émissions de gaz à effet de serre, ressort de l’Union européenne. En parallèle, les enjeux des constructeurs automobiles se sont mondialisés ; il convient donc que la France ait à la fois un rôle proactif dans le débat européen, mais aussi que cet échelon territorial permette une meilleure coordination des efforts des acteurs de la filière.
Recommandations :
• Établir un calendrier des mesures à prendre en matière de mobilité, pour atteindre le facteur 4 de réduction des gaz à effet de serre en 2050, et les objectifs intermédiaires déjà fixés pour 2020 en matière d’efficacité énergétique
• Faire du véhicule sobre et de l’utilisation des énergies renouvelables dans la mobilité des axes de la politique industrielle européenne
• Se donner les moyens de faire respecter la future norme européenne prévoyant que, d’ici 2015, 95 % de l’ensemble du véhicule soit valorisable ou réutilisable
• Renforcer les normes de réduction des polluants (CO2, NOx, particules) au niveau européen
• Construire une filière française et européenne sur les technologies des batteries et de stockage d’électricité, pour les besoins énergétiques et de mobilité
• Inclure la mobilité sobre et renouvelable dans les objectifs poursuivis par la politique régionale, pour pouvoir bénéficier davantage des aides européennes
• Adapter la réglementation européenne pour utiliser l’effet levier de la commande publique pour soutenir le développement de véhicules sobres et l’utilisation des énergies renouvelables dans la mobilité
• Élaborer au niveau européen une stratégie concernant le développement d’une « route plus intelligente », les concepts de « convois automatisés de véhicules », et comportant des objectifs, un calendrier, des financements
• Favoriser les échanges de bonnes pratiques et d’expériences en Europe
EXAMEN DU RAPPORT PAR L’OFFICE
L’OPECST s’est réuni le 15 janvier 2014, sous la présidence de M. Bruno Sido, président, pour examiner le présent rapport.
« M. Denis Baupin, député, co-rapporteur : Ce travail, passionnant, répondait à l’attente des acteurs de la mobilité de débattre de ces questions. Le rapport traite non seulement de véhicules mais aussi de la mobilité. Il faut faire évoluer les véhicules dans un environnement de contraintes écologiques, d’encombrements croissants qui sont une source de difficultés quotidiennes pour nos concitoyens, comme le rappelle M. Bernard Darniche qui parle même de souffrance. Il y a derrière tout cela des problématiques d’emploi.
Nous avons donc traité des contraintes, mais aussi de la manière dont le véhicule pourrait évoluer. Se pose la question de savoir s’il n’y a pas une mutation sur les véhicules de l’ordre de celles ayant permis le passage de la machine à écrire à l’ordinateur. Cela va de pair avec des interrogations des constructeurs sur la dimension du véhicule, sa puissance, son usage, son prix, le nombre de passagers, les motorisations, l’évolution du pouvoir d’achat des ménages, le coût des carburants. L’âge moyen de l’acheteur d’une voiture neuve est de 54 ans, ce qui explique une partie des difficultés économiques du secteur. La question du droit à la mobilité se pose, notamment dans les secteurs périurbains et pour les personnes exposées. Des sentiments d’exclusion en découlent, dont l’impact est fort sur le sentiment d’appartenance à la société.
Il existe aussi beaucoup d’opportunités liées aux nouvelles technologies de communication et au partage des véhicules (qui se développe à un rythme très soutenu, comme le montre l’exemple de BlaBlaCar qui enregistre plus de 100 000 abonnés par mois). Les applications informatiques dans les véhicules se multiplient, ce qui pose la question de l’identité du futur agrégateur de la mobilité : Renault, la RATP, Google ? On constate enfin l’existence d’enjeux d’environnement, d’emploi, de sérénité. On voit des potentialités pour les constructeurs, notamment sur le segment des petits véhicules. Différent du modèle de la voiture à tout faire, ce type de véhicule possède des avantages en matière de consommation, de pollution, de stationnement, d’encombrement. On compte soixante projets de ce type dans le monde dont le Twizy. La question posée aux constructeurs est celle du business model, car le risque industriel est trop important par rapport aux attentes estimées de la population. Mais que se passerait-il si la collectivité émettait des signaux en termes de fiscalité ou de stationnement pour favoriser ces mutations ? Il y aurait alors une modification des attitudes et les pouvoirs publics pourraient influencer la situation de manière significative.
Mme Fabienne Keller, sénatrice, co-rapporteure : On note une évolution des comportements, des usages, des attitudes. L’effet générationnel est particulièrement important. Être propriétaire de son véhicule est moins valorisé aujourd’hui. Les jeunes passent de moins en moins le permis de conduire, notamment pour des raisons de coût. L’auto-partage et le covoiturage se développent, ce dernier ayant même doublé en 2013.
Des typologies sont essentielles pour analyser finement la situation. Elles peuvent reposer sur des critères traditionnels tels que le pouvoir d’achat, la catégorie socio-professionnelle, l’âge, mais aussi sur d’autres critères qui sont des clefs intéressantes : l’impact générationnel, le genre, les préférences, l’influence des lieux d’habitation et de travail, les possibilités de transport public, l’organisation sociale de l’espace. Il en est de même pour le mode de vie, le sentiment d’appartenance au monde automobile ou au monde non-automobile, les nouveaux comportements des jeunes (l’effet « Tanguy »), le développement de l’immobilité à partir d’un certain âge, le degré d’acceptation individuelle et collective de politiques de mobilité plus rationalisées, l’arbitrage entre prix et confort.
Des tendances apparaissent : les flottes d’entreprises jouent un rôle important ; le véhicule individuel est toujours un très bon mode de rabattement vers des transports publics en milieu diffus ; l’open data se développe, ce qui pose de nouveaux problèmes ; la réduction d’un facteur 4 des émissions de gaz à effet de serre reste l’objectif à atteindre.
Le rapport analyse la mobilité plutôt que le véhicule, car il s’agit de parvenir à une mobilité sobre, interactive, ce qui rend nécessaire l’organisation de la complémentarité entre les différents modes de transport.
M. Denis Baupin : Des recommandations découlent de cette approche : la mobilité doit être inscrite dans la transition énergétique. La bonne utilisation des infrastructures routières et autoroutières est aussi importante que l’organisation de la complémentarité des divers transports. L’aménagement du territoire, l’organisation de l’espace urbain sont concernés. Il faut créer dans les villes des carrefours (hubs) entre divers modes de transport, incluant l’auto-partage, le covoiturage, les taxis, le vélo. Il faut aussi régler les questions de tarification et de communication : demain le « pass Navigo » pourrait comporter une information sur les différents services ; les Smartphones pourraient permettre une vision plus intermodale.
L’objectif des « 2 litres aux 100 », pour lequel les constructeurs sont très engagés, peut être atteint par une évolution des véhicules existants, mais aussi en partant de véhicules de beaucoup plus petite taille, en reconcevant le véhicule, en respectant des objectifs de moindre consommation et de moindre pollution. Tous les déplacements sont concernés, qu’ils soient urbains, périurbains ou ruraux. Il faut faire de cette évolution une priorité de la politique industrielle, ce qui correspond à la ligne préconisée par le Président de la République et le Premier ministre. Il convient de soutenir l’innovation, les technologies de communication et les véhicules sans conducteur. Déjà homologués dans trois États aux États-Unis d’Amérique, ils seront probablement utilisés non seulement sur autoroute, mais aussi en milieu urbain dans les quinze ou vingt prochaines années. Il faut encourager les évolutions technologiques, l’apprentissage de l’éco-conduite, l’amélioration du parc technologique existant ; objectif qui permettra de soutenir l’activité économique des équipementiers.
Mme Fabienne Keller : L’industrie automobile, secteur majeur en France, qui comprend beaucoup de sous-traitants, est aujourd’hui en grande difficulté conjoncturelle et structurelle. Il faut donc l’accompagner et l’orienter, anticiper les évolutions à venir pour qu’elle reste forte dans un monde qui évolue. Il faut accélérer la recherche sur les véhicules du futur, à partir des pôles de compétitivité qui doivent être mis en réseau, tout comme les centres de recherche, afin qu’ils multiplient leurs échanges, qui doivent aussi concerner l’ADEME et les sociologues. L’aide publique jouera un rôle important, de même que les normes. La durabilité du véhicule doit être recherchée, les analyses du puits à la roue développées.
M. Denis Baupin : Comment favoriser cette évolution ? Il faut donner des avantages aux pionniers. Le Club des véhicules écologiques essaie de travailler avec les collectivités sur ce qu’on peut faire. Les outils sont nombreux : améliorer le bonus-malus, en y intégrant les particules fines, utiliser la fiscalité comme au Japon pour les petits véhicules, les « K cars ». Une étiquette pourrait donner une information au consommateur sur l’ensemble du coût global du véhicule. La fiscalité des carburants pourrait évoluer afin de faciliter l’utilisation des carburants alternatifs et rapprocher les avantages consentis au gazole face à l’essence. Les véhicules écologiques pourraient bénéficier de priorités de circulation sur des voies réservées, mais aussi d’une tarification préférentielle sur des voies à péage, et de dispositifs pour favoriser leur stationnement (comme le disque vert promu par le Club des véhicules écologiques). Des certificats d’économie d’énergie pourraient être mis en place pour les véhicules les plus sobres. Leur multiplication serait facilitée s’ils faisaient l’objet de commandes publiques plus nombreuses et s’ils étaient davantage utilisés dans les flottes d’entreprises. Les constructeurs n’y sont pas opposés et pensent que les comportements d’achat des consommateurs pourraient en être modifiés.
Quant aux carburants, il ne faut fermer aucune option technique, car aucune solution n’apparaît aujourd’hui parfaite. Il faut encourager ce qui fonctionne aux énergies renouvelables, soutenir la recherche, utiliser le grand emprunt et les investissements d’avenir. Il importe de prendre en compte la distribution des énergies d’alimentation, sujet qui n’a pas été suffisamment anticipé pour la voiture électrique. Il est aussi possible de ne pas dépendre d’un réseau grâce à des systèmes de consommation-production, ou à l’utilisation de bonbonnes de recharge de gaz. Les préconisations de l’Office portent sur les leviers utilisables.
Mme Fabienne Keller : L’usage partagé des véhicules sera facilité par des avantages tels qu’une voie rapide (fast lane), habituelle aux États-Unis ou des possibilités de stationnement. Le covoiturage longue distance posera néanmoins des problèmes à la SNCF, car il revient beaucoup moins cher que le train.
Dans un contexte caractérisé par une multiplicité d’acteurs (les autorités organisatrices de transports, les pôles de compétitivité, les industriels, les fournisseurs de service, les centres de recherche), l’État stratège doit coordonner et donner de la visibilité. La bonne gouvernance recouvre notamment le droit à l’expérimentation des collectivités locales et la mise en réseau des pôles de compétitivité et des centres de recherche. Elle doit aussi s’appliquer à l’amélioration de la qualité de l’air.
M. Denis Baupin : En matière de veille et de poursuite de la recherche, la mutation est en partie entamée. Il faut engager une observation sociologique et technologique, et de la prospective afin de progresser sur les véhicules sans conducteur, la route intelligente, les questions de responsabilité en cas d’accident, l’évolution des conventions existantes sur la sécurité des véhicules, les risques de piratage informatique, la sécurité des carburants. La recherche doit se poursuivre sur ces questions avec une approche transversale. Si, demain, un industriel réussissait une percée technologique ou sociologique, les autres entreprises qui ne l’auraient pas anticipé faute de veille pourraient se trouver en danger.
Mme Fabienne Keller : Il faut promouvoir une politique européenne de la mobilité. Tous les pays européens sont confrontés aux mêmes défis, même si leurs réalités industrielles diffèrent. La France est l’un des grands pays automobiles qui participent aux mesures indispensables pour réaliser les objectifs de réduction des gaz à effet de serre. L’Union européenne doit aujourd’hui se positionner face au monde et faire de cette mobilité l’un des axes de la politique européenne, ce qui suppose de trouver des axes communs et un financement conséquent de la recherche.
M. Denis Baupin : Ce sont des questions clefs conduisant à se demander si l’expression « véhicule écologique » ne serait pas un oxymore. Il y a en fait des potentialités importantes mais aussi beaucoup d’usages pour lesquels l’automobile va rester indispensable. Les mots d’ordre du type « 2 litres aux 100 » sont utiles.
Mme Fabienne Keller : J’ai été très impressionnée par les remarques des participants aux auditions publiques qui parlaient de l’utilité du croisement des regards. L’urbanisme, les liens entre la conception de la ville et la mobilité doivent être pris en compte, au même titre que la réalité économique et industrielle, dimension forte de l’avenir du véhicule écologique. La question de la gouvernance est centrale.
M. Bruno Sido, sénateur, président de l’OPECST : Vous avez analysé un sujet complexe en y intégrant des questions nouvelles d’urbanisme, de voiture connectée ; cela pose le problème de la sécurité des personnes. Je ne suis pas sûr que la problématique du pouvoir d’achat soit bien celle décrite par vous. Je vous poserai plusieurs questions : comment éviter la baisse du recours au transport collectif, si les véhicules écologiques transportant plusieurs passagers se développent ? Comment conserver la maîtrise du temps de transport ? Quelles sont les pollutions engendrées, en fin de vie, par les batteries des véhicules électriques ? Pourquoi n’abordez-vous pas la question des motos et des deux roues motorisées en général, phénomène qui a explosé depuis cinq ans ?
Mme Fabienne Keller : Il n’y a pas de contradiction entre transports collectifs et véhicules écologiques partagés. La maîtrise du temps est un élément qui doit être pris en compte, ce que fait, du reste, la RATP en affichant les temps d’attente des métros et des bus, ce qui contribue à diminuer l’énervement des passagers. Le transport en commun en site propre (TCSP) est fiable au point de vue horaire et temps de parcours. Nous proposons de créer des centrales de mobilité, donnant des informations sur la durée de transport prévisible.
Les pollutions engendrées par le recyclage des batteries sont une question majeure, mais il faut aussi savoir que beaucoup de vieux véhicules terminent actuellement leur vie dans les pays en développement. Nous avons traité les deux roues motorisées en prenant en compte toute leur gamme, de la très grosse moto au vélo électrique.
M. Marcel Deneux, sénateur : Le vélo électrique permet de faire 60 km sans problème, mais il reste cher (environ 1 400 euros).
M. Denis Baupin : Faut-il ouvrir des voies réservées pour d’autres véhicules que ceux affectés aux transports collectifs ? Cela dépend des lieux. Sur autoroute, c’est pertinent. Sur le périphérique parisien, si la voie de gauche était réservée aux véhicules en commun, aux bus express, aux véhicules à plusieurs passagers, aux taxis, on aboutirait, selon diverses études, à une fluidité meilleure.
La pollution liée aux batteries est une vraie question. C’est pourquoi nous recommandons d’élaborer dès maintenant un plan de recyclage des batteries. Les réponses aux questions soulevées par les deux roues sont proches de celles proposées pour les quatre roues. Les deux roues émettent moins de gaz à effet de serre, sont mieux adaptées à l’espace urbain, mais leur impact sur la pollution n’est pas forcément moindre. Il faut donc aller vers un mix et un continuum permettant de bénéficier des avantages des uns et des autres.
M. Jean-Yves Le Déaut, député, premier vice-président de l’OPECST : Je me réjouis de cette étude qui renforce les travaux de l’OPECST sur la consommation énergétique, du fait du poids des transports dans ce domaine. Votre rapport complète ceux sur la cyber-sécurité, sur la rénovation thermique des bâtiments, sur la transition énergétique. Je vous félicite pour votre esprit d’innovation : c’est la première fois qu’on a créé un blog à l’Assemblée nationale et à l’OPECST au cours de la réalisation d’un rapport. L’idée pourrait être retenue pour les travaux ultérieurs. C’est un très bon rapport, et je souhaite que vous organisiez, au cours des dix-huit mois à venir, une audition publique sur ce thème. L’Office pourrait reprendre votre idée de grande cause nationale, mais pour 2016.
Dans le monde actuel, les ressources vont se raréfier, et les besoins de mobilité vont s’accroître. Vos solutions sont intéressantes. Pourriez-vous expliquer l’un de vos graphiques qui montre que les jeunes sont moins enclins à posséder une voiture ? En matière de réduction des vitesses, il conviendra d’éviter qu’il y ait trop de limitations de vitesse différentes et donc des variations de vitesse trop nombreuses sur une même route.
Quand un basculement vers des mobilités sereines et durables s’opérera-t-il ? Qui va être concerné par ces nouvelles mobilités ? Qu’en est-il pour une famille moyenne type vivant en banlieue ? Les nouveaux véhicules vont-ils entraîner des surcoûts ? Y aura-t-il un marché, et qui va le tirer ?
M. Denis Baupin : L’Agence internationale de l’énergie propose de réduire les vitesses, mesure qui peut se mettre en place rapidement et ne coûte rien ; sa lisibilité est un élément important. Mais les technologies embarquées permettront de détecter la vitesse autorisée au lieu où passe le véhicule.
À propos des espaces réservés au stationnement, il n’y a pas que l’espace public, mais aussi les parkings publics : à Paris, les petits véhicules y payent leur place déjà moins cher. Mais il faut savoir que les véhicules partagés remplacent une dizaine de véhicules individuels, ce qui permet un gain de place important.
Quand se fera le basculement ? Les scenarii prévoient des évolutions en continu vers 2020, 2050. Mais un saut technologique en faveur du petit véhicule peut survenir, ce qui pourrait entrainer un bouleversement très rapide. Acheter une Zoé aujourd’hui, au prix actuel de l’électricité, c’est très rentable.
M. Bruno Sido : Jusqu’au jour où l’État imposera une taxe sur ce type de transaction.
M. Denis Baupin : Les véhicules au gaz présentent les mêmes avantages, mais les consommateurs n’en tiennent pas compte.
Un couple en banlieue avec deux enfants va profiter des innovations au niveau des briques technologiques qui permettront une réduction de la consommation du véhicule. Les petits véhicules ne sont qu’une des réponses. Le modèle du véhicule à tout faire, dominant depuis des décennies, va probablement être modifié. C’est ce que souhaitait Smart au départ, en imaginant de mettre à disposition de ses utilisateurs une voiture plus grande pour les vacances. Les constructeurs se demandent s’ils seront capables de passer de la fourniture du véhicule à la fourniture de services de proximité.
Mme Fabienne Keller : Citiz, organisme d’auto-partage, a prévu des solutions en alliant diverses offres, y compris pour les vacances. Des articulations s’esquissent donc, portant sur les services. L’auto-partage permet en outre une place de parking assurée, ce qui, en ville, constitue un vrai avantage.
S’il est difficile de prédire les basculements, on peut constater ce qui s’est produit avec le changement de nom de covoiturage.fr, devenu BlaBlaCar, lié à la prise de conscience de l’importance de la convivialité. Les différences entre les besoins d’un couple en banlieue et ceux d’une personne seule en centre-ville montrent l’importance des typologies pour étudier comment chacun peut améliorer sa situation en matière de mobilité et d’impact sur l’environnement.
Dans toute nouvelle offre, il y a évidemment une dimension de marché, l’effet de masse permettant de trouver un marché. C’est un frein, mais il en existe d’autres, comme ceux concernant les règlements sur les véhicules non classiques.
Le blog s’est révélé être un bon outil pour informer de manière approfondie les intéressés au cours de l’étude de l’Office.
M. Marcel Deneux : Je me félicite que l’OPECST ait engagé un tel rapport, que l’on attendait et où l’on retrouve plusieurs des idées du club des véhicules écologiques que j’ai créé, il y a quelques années, avec M. Bernard Darniche. J’aurais cependant préféré que vous parliez non seulement de la conception, mais aussi de l’utilisation des véhicules écologiques.
Il n’y aura pas de politique européenne dans ce domaine sans une politique industrielle et une politique de l’énergie au niveau européen. Je vous ai trouvé réservés sur l’hydrogène, alors que Total Allemagne équipe ce pays de 340 bornes d’approvisionnement et que tous les constructeurs allemands proposent des véhicules à hydrogène. Quant à l’utilisation du gaz naturel et du méthane, vous ne parlez que des petits véhicules. Aujourd’hui, la réalité économique est différente : Fiat Italie vend des bus et des tracteurs fonctionnant au méthane car le moteur à gaz naturel est plus adapté aux grandes cylindrées.
À propos des biocarburants, j’aurais aimé une autre approche : demain, cette politique continuera car c’est l’un des sous-produits des politiques de développement des protéines pour l’alimentation soit animale, soit humaine. C’est l’inverse de ce qui se fait aujourd’hui. La troisième génération se fera, mais sans doute pas avant quinze ans. Par ailleurs, je vous ai trouvé timides sur l’exemplarité supposée des décideurs publics qui parlent des véhicules propres mais n’en achètent pas.
Un autre problème est fondamental : le terme agro-carburant n’est plus officiellement admis. C’est un problème de droit administratif. En juillet 2006, est paru au Journal officiel un glossaire des termes à utiliser. De plus, un débat parlementaire récent a tranché cette question. De plus, on ne peut pas parler d’agro-carburant de deuxième génération. Il convient de ne parler que de biocarburants. Je souhaite donc que vous utilisiez ce dernier terme dans votre rapport.
Au sujet de la réduction de la vitesse, la consommation aux 100 km est parfois plus forte quand on ralentit. C’est mon expérience, notamment sur les chemins caillouteux. La consommation optimale est réglée par les constructeurs. Mais quelle diminution de la vitesse faut-il pour y parvenir ? Je ne suis pas certain que les panneaux de limitation de vitesse soient la meilleure solution.
Par ailleurs, il faudrait mesurer la qualité de l’air dans les lieux de résidence, et pas seulement à l’extérieur.
Enfin, la crédibilité est essentielle. Or elle est parfois absente, ce qui est le cas pour les projets du ministère du redressement productif qui comportent des erreurs d’illustration photographique, le colza représenté ne pouvant servir à produire du bioéthanol.
M. Roland Courteau, sénateur : C’est un rapport foisonnant et un excellent travail. Cette étude est la bienvenue, car elle manquait. Au sujet des voies réservées, vos propositions sont intéressantes mais comment les mettre en œuvre concrètement, sauf à multiplier les sanctions ou à faire appel au civisme ? Là où il fonctionne, ce système ne s’appuie-t-il pas sur la délation ? Quant au vocabulaire, n’oublions pas que la troisième génération de biocarburants concerne les micro-algues, qu’on peut difficilement qualifier « d’agro-carburant ».
L’INRA effectue des travaux de recherche à partir de micro-algues. C’est sans doute la filière de l’avenir. Quant à la qualité de l’air, je suis d’accord avec votre proposition de renforcement de la gouvernance et de la surveillance, du fait du nombre élevé de décès dus à cette pollution et aux particules fines (on en dénombre 40 000 par an).
Comment explique-t-on la pollution de l’air dans le métro ?
M. Denis Baupin : La pollution de l’air intérieur est effectivement une question importante. En région parisienne, l’endroit le plus pollué est l’intérieur des voitures.
Je suis d’accord pour mettre en valeur l’utilisation des véhicules écologiques, en insérant dans l’intitulé du rapport le mot « utiliser ». Il s’agit bien de concevoir et d’utiliser des véhicules écologiques.
S’agissant de l’hydrogène, je vous donne acte de vos remarques. Il est vrai que ces questions évoluent très vite. Concernant le gaz et les petits véhicules, je rappellerai que c’est M. Bernard Darniche qui fait cette suggestion. Mais j’ai organisé une exposition, il y a quelques années, sur les véhicules logistiques au gaz qui sont nombreux. Le contrôle sur les voies réservées se fait à Londres en péage urbain, par photographie des plaques. Il est vrai qu’il est plus compliqué de vérifier le nombre de passagers.
Sur les termes agro-carburants et biocarburants, je ne suis pas sûr que le débat soit clos. Une décision parlementaire a certes été prise, mais à une voix de majorité. On verra ce qu’il en sera au moment du débat sur l’énergie.
Quant aux commandes publiques, on en parle beaucoup dans notre rapport.
Mme Fabienne Keller : La qualité de l’air est un défi du XXIe siècle, comme la pollution par le bruit. Mais c’est un domaine où il n’y a pas de ressources affectées, pas de fiscalité propre. C’est un enjeu majeur, à l’intérieur et à l’extérieur des véhicules, dans le métro où elle est due aux tunnels, mais aussi au freinage – le métro aérien constitue peut-être une réponse historique, une application des idées de Pasteur. La France a du retard dans l’application des directives européennes sur ce thème. Pourtant, on dispose d’études épidémiologiques très sérieuses. Bien mesurer tous les polluants est, par ailleurs, nécessaire et une vision globale est nécessaire pour être plus efficient en termes d’environnement.
M. Jean-Yves Le Déaut : Ce sont plutôt des collectivités territoriales et les entreprises publiques qui ont montré l’exemple. Je refais la proposition de décaler à 2016 l’année de grande cause nationale. L’OPECST soutiendra cette proposition. Avez-vous analysé l’apport des trente-quatre points du ministère du redressement industriel et plus particulièrement ceux concernant les transports ? J’insiste sur la nécessité de travailler sur des matériaux plus sûrs et plus légers. Il faut enfin ne fermer aucune option technique.
M. Denis Baupin : Nous évoquons les trente-quatre plans industriels du ministère du redressement productif et avons rencontré certains chefs de projets.
M. Bruno Sido : Je souhaite également que l’intitulé du rapport soit modifié, afin d’intégrer l’idée d’utilisation des véhicules écologiques. Je préfère qu’on ne prenne pas de décision concernant le vocabulaire en raison de la dimension politique de ce débat.
L’OPECST décide que l’intitulé du rapport est modifié et devient : « Les nouvelles mobilités sereines et durables : concevoir et utiliser des véhicules écologiques ». La proposition de déclarer la mobilité sobre, sereine et sûre grande cause nationale sera formulée pour l’année 2016.
L’OPECST a alors adopté ce rapport à l’unanimité, M. Marcel Deneux maintenant sa réserve sur l’utilisation du terme « agro-carburant ». »
COMPOSITION DU COMITÉ DE PILOTAGE
- M. Georges Amar, ingénieur, écrivain, ancien directeur de la prospective à la RATP
- M. Laurent Antoni, chef du département de l’électricité et de l’hydrogène pour les transports au CEA LITEN
- M. François Bellanger, prospectiviste et directeur de Transit City
- M. Bernard Darniche, journaliste, président de l’association « Les citoyens de la route »
- M. Jean-Marie Duthilleul, architecte, ingénieur
- M. Bruno Marzloff, sociologue, fondateur de La cité des services, groupe Chronos
- M. Gabriel Plassat, coordinateur du pôle Systèmes de Transports et Mobilités à l’ADEME, auteur du blog « Les transports du futur »
- M. Charles Raux, directeur du Laboratoire d’économie des transports (CNRS, Université de Lyon)
- M. Jean Syrota, consultant, ancien président de la Commission de régulation de l’énergie
- M. Marc Teyssier d’Orfeuil, délégué général du Club des voitures écologiques
- M. Benjamin Topper, alors chargé de la prospective énergétique auprès du Président de l’ADEME
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS
— Le 27 novembre 2012
- M. Daniel Clément, directeur scientifique adjoint de l’ADEME ;
- M. Bernard Darniche, journaliste, président de l’association « Les citoyens de la route » ;
- M. Bruno Marzloff, sociologue, fondateur de La cité des services, groupe Chronos ;
- M. Benjamin Topper, chargé de la prospective énergétique auprès du président de l’ADEME ;
- M. Jean Syrota, consultant, ancien président de la Commission de régulation de l’énergie.
— Le 13 décembre 2012
- M. Georges Amar, ingénieur, écrivain, ancien directeur de la prospective à la RATP ;
- M. Jean-Marie Duthilleul, architecte, ingénieur ;
- Mmes Louise d’Harcourt, directeur des affaires parlementaires et politiques du groupe Renault, et Mme Béatrice Foucher, directeur du programme véhicule électrique du groupe Renault.
— Le 30 janvier 2013
- M. Laurent Antoni, chef du département de l’électricité et de l’hydrogène pour les transports au CEA LITEN ;
- M. François Bellanger, prospectiviste, directeur de Transit City ;
- M. Marc Teyssier d’Orfeuil et M. Thibaut Moura, représentant le Club des voitures écologiques.
— Le 14 février 2013, lors de la première audition publique
- M. Bruno Sido, sénateur, président de l’OPECST
- M. Jean-Yves Le Déaut, député, premier vice-président de l’OPECST
- M. Laurent Antoni, chef du département de l’électricité et de l’hydrogène pour les transports au CEA LITEN
- Mme Mireille Appel-Muller, déléguée générale de L’Institut pour la ville en mouvement
- Mme Danielle Attias, professeur à l’École centrale Paris, titulaire de la Chaire de recherche Armand Peugeot sur l’économie de l'électro-mobilité
- M. Joseph Beretta, président de l’AVERE-France (association pour la mobilité électrique)
- M. Jean-Claude Bocquet, professeur à l’École centrale Paris, directeur du laboratoire de génie industriel
- M. Morald Chibout, directeur général d’Autolib’
- M. Gabriel Dabi-Schwebel, spécialiste du marketing, président directeur général de 1min30
- M. Bernard Darniche, journaliste, président de l’association « Les citoyens de la route »
- M. François de Charentenay, ancien directeur de la recherche de PSA, membre de l’Académie des technologies
- M. Arnaud de David-Beauregard, vice-président en charge des opérations de la FIEV
- Mme Sandrine Delenne, chef de projet « Mobilité du futur », Direction de la recherche, de l’innovation et des technologies avancées (DRIA) de PSA Peugeot Citroën.
- Mme Louise d’Harcourt, directeur des affaires politiques et parlementaires de Renault
- M. Jean-Louis Jourdan, directeur développement durable de la SNCF
- M. Jean-Michel Juchet, directeur de la communication de BMW
- M. Yves Lasfargue, directeur de l’Obergo (observatoire du télétravail, des conditions de travail, et de l’ergostressie) et inventeur du concept d’ergostressie
- M. Bruno Marzloff, sociologue, fondateur de La Cité des services, groupe Chronos
- Mme Martine Meyer, responsable Environnement et Santé à la direction du plan environnement de Renault
- M. Alain Meyere, Institut d’aménagement et d’urbanisme, Fédération nationale des agences d’urbanisme (FNAU)
- M. Flavien Neuvy, directeur de l’Observatoire Cetelem de l’automobile
- M. Jean-Pierre Orfeuil, Institut pour la ville en mouvement
- M. Hervé Pichon, délégué aux relations avec les Institutions publiques, Direction des affaires publiques, PSA Peugeot Citroën
- M. Christian Rousseau, expert leader mobilité et systèmes de transport de Renault
- M. Pascal Ruch, président directeur général de Toyota France
- M. Marc Teyssier d’Orfeuil, délégué général du Club des voitures écologiques
- Mme Patricia Varnaison, chef du département « déplacements durables » du CERTU
- Mme Isabelle Van de Walle, Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC)
— Le 19 mars 2013, lors de la deuxième audition publique
- M. Bruno Sido, sénateur, président de l’OPECST
- M. Georges Amar, ingénieur, écrivain, ancien directeur de la prospective à la RATP
- M. Laurent Antoni, chef du département de l’électricité et de l’hydrogène pour les transports au CEA LITEN
- Mme Danièle Attias, professeur à l’École centrale Paris, titulaire de la Chaire Armand Peugeot sur l’économie de l’électro-mobilité
- M. Christophe Aufrère, directeur de la stratégie des technologies de Faurecia
- M. Nicolas Bardi, chef du département des technologies biomasse et hydrogène, CEA LITEN
- M. Joseph Beretta, président de l’AVERE-France (association pour la mobilité électrique)
- M. Jean-Claude Bocquet, professeur à l’École centrale de Paris, directeur du Laboratoire de génie industriel
- M. Alexandre Bouchet, directeur associé E-Cube
- M. Frédéric Bouvier, Laboratoire central de surveillance de la qualité de l’air (LCSQA)
- M. François-Marie Bréon, chercheur, Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement
- M. Hervé Casterman, directeur Environnement et Climat à la Direction développement durable de GDF SUEZ
- M. Franck Cazenave, directeur marketing et innovation de Bosch France
- M. Clément Chandon, directeur, Iveco France
- M. Jacques Chauvet, directeur général, Mov’eo
- M. Philippe Cholet, délégué Affaires commerciales et économique, Direction des affaires publiques, PSA Peugeot Citroën
- M. André Cicolella, président du Réseau Santé Environnement
- Mme Joëlle Colosio, chef du service Qualité de l’air, ADEME
- M. Bernard Darniche, journaliste, président de l’association « Les citoyens de la route »
- M. Arnaud de David-Beauregard, vice-président en charge des opérations de la Fédération des industries d’équipements de véhicule (FIEV)
- M. Sylvain Demoures, SNPAA (syndicat national des producteurs d’alcool agricole)
- M. Guillaume Devauchelle, directeur recherche et développement, Groupe Valeo
- M. Alain Dollet, directeur Adjoint Scientifique « Énergie », Institut des Sciences de l'Ingénierie et des Systèmes (INSIS), CNRS
- M. Carlos Dora, coordinateur santé publique, département environnement, Organisation mondiale de la santé (OMS)
- Mme Dominique Dujols, directrice institutionnelle de l’Union sociale pour l’habitat
- M. Gilles Durand, secrétaire général, Association française du gaz naturel pour véhicules (AFGNV)
- M. Fabio Ferrari, président directeur général de Symbio FCell
- M. Bernard Frois, président du comité des États membres du JTI FCH (expérience allemande sur le stockage de l’énergie variable en lien avec les transports)
- M. Eric Fuzeau, responsable commercial de Mia Electric
- M. Mohamed Gabsi, ENS-Cachan
- M. Sébastien Grellier, chef de département planification et relations extérieures, Toyota France
- M. Robert Gresser, directeur de l’innovation, Solvay Rhodia, projet vitesse²
- M. Bertrand Hauet, Mov’eo
- M. Dominique Herrier, IFP énergies nouvelles
- M. Philippe Hirtzman, chargé de mission Déplacement des infrastructures de recharge électrique pour véhicules (MRP/MEDDE)
- M. Alain Jeanroy, directeur général, Confédération générale des betteraviers
- M. Bernard Jomier, médecin des quartiers engagé contre la pollution
- M. Jean-Michel Juchet, directeur de la communication et des affaires publiques, BMW France
- M. Bernard Julien, ENS-Cachan
- M. Stéphen Kerckhove, délégué général d’Agir pour l’environnement (APE)
- Mme Lorelei Limousin, chargée de mission Climat-Transports, Réseau-Action-Climat
- M. Paul Lucchese, directeur de la recherche scientifique, CEA, et vice-président d’AFHYPAC
- M. Pierre Macaudière, responsable moteur à la direction de la recherche et du développement, PSA Peugeot Citroën
- Mme Angélique Michel, directrice adjointe de GNVERT
- M. Daniel Moulene, président directeur général de Lumeneo
- M. Chris Orion, chef de projet chez Bosch Automotive Service Solutions
- M. Thomas Orsini, directeur du business développement du véhicule électrique de Renault
- M. Tommaso Pardi, chargé de recherche au CNRS (IDHE-ENS de Cachan)
- M. Joël Pedessac, directeur général, Comité français du butane et du propane (CFBP)
- M. Gérard Planche, responsable de projet véhicules électriques, Général Motors France
- M. Gerald Pourcelly, Université de Montpellier 2
- M. Charles Raux, directeur du Laboratoire d’économie des transports (CNRS, Université de Lyon)
- M. Claude Ricaud, Schneider Electric
- M. Yves Riou, délégué général de la Fédération des syndicats de la distribution automobile (FEDA)
- Mme Laurence Rouïl, responsable du pôle « Mobilisation environnementale et Décision » de l’INERIS
- M. Laurent Schmitt, vice-président Stratégie et Innovation d'Alstom Grid, membre de Systematic (pôle de compétitivité)
- M. Philippe Schulz, expert-leader Environnement, Énergie et Matières premières, Renault
- M. Frédéric Storck, directeur gestion de l’énergie, Compagnie nationale du Rhône
- M. Pierre Trami, responsable des activités mobilité durable à la direction de la stratégie et des finances de GrDF
- M. Yann Tremeac, chef de service adjoint du service transport et mobilité de l’ADEME
- M. Michel Vilatte, président de la FEDA (Fédération des Syndicats de la Distribution Automobile)
- M. Denis Voisin, chargé de mission mobilité durable, Fondation N. Hulot
- M. Sébastien Vray, président de Respire
- Mme Elisabeth Windisch, Laboratoire Ville GrDf habitat transport, Paris Tech
— Le 11 avril 2013, lors de la troisième audition publique
- Mme Danièle Attias, professeur à l’École centrale Paris, titulaire de la Chaire de recherche Armand Peugeot sur l’économie de l'électro-mobilité
- Mme Bénédicte Barbry, directrice de la communication et du développement durable, Mobivia groupe
- M. Didier Blocus, responsable du développement des véhicules électriques, ALD Automotive
- Mme Laurence Boisramé, directeur de projet marketing stratégique à GDFSUEZ
- M. Denis Breillat, Macif
- M. Philippe Brincard, coordinateur équipe projet GIANT du CEA
- Mme Françoise Charbit, adjointe au directeur du CEA LITEN, en charge de la stratégie et des programmes,
- M. Marc Chevreau, président de France Craft Automobiles
- Mme Joëlle Colosio, chef de service Qualité de l’air, ADEME
- M. Bernard Darniche, journaliste, président de l’association « Les citoyens de la route »
- Mme Caroline Deck, chercheuse au laboratoire Icube de Strasbourg, spécialiste de la sécurité dans les transports
- M. Jean-Marie Delbecq, président d’I-Trans, pôle de compétitivité
- M. Christian Deleplace, expert leader de la direction de l’ingénierie et de la qualité du groupe Renault
- M. Guillaume Delmas, directeur délégué de COFELY INEO, en charge des Nouvelles Mobilités et Smart Grids
- M. Philippe Denimal, Michelin
- Mme Louise d’Harcourt, directeur des affaires politiques et parlementaires du groupe Renault
- M. Fabio Ferrari, président directeur général de Symbio FCell
- M. Guy Friedrich, directeur du laboratoire électromécanique de l’université technologique de Compiègne
- M. Mohamed Gabsi, professeur à l’ENS Cachan
- M. Jean-François Gruson, chef du département économie et évaluation environnementale, IFPEN
- M. Bertrand Hauet, Mov’eo
- M. John Honoré, directeur général et co-fondateur de Borne Recharge Service SAS
- M. Jean-François Huere, délégué Sécurité routière et ITS, direction des affaires publiques de PSA Peugeot Citroën
- M. Hakim Idjis, doctorant à l’École centrale Paris
- Mme Béatrice Lacout, SAFT
- M. Christian Lubat, directeur associé de SiConsult (conseil en électronique)
- M. Frédéric Mazzella, fondateur de BlaBlaCar
- M. Christophe Meunier-Jacob, SaveCode SAS
- M. Gabriel Plassat, coordinateur du pôle Systèmes de Transports et Mobilités à l’ADEME, auteur du blog « Les transports du futur »
- M. Jean-Charles Sarbach, directeur technique de la FIEV
- M. Jean-Baptiste Schmider, directeur général d'Auto'trement Strasbourg
- M. David Servat, responsable du programme Système embarqué au CEA/LIST
- M. Aurélien Subsol, chef de produit Zoé, Renault
- M. Thierry Viadieu, directeur des programmes et des services de mobilité du groupe Renault
- M. Michel Vilatte, président de la FEDA (Fédération des Syndicats de la Distribution Automobile)
— Le 5 juin 2013, lors de la quatrième audition publique
- M. Laurent Antoni, chef du département de l’électricité et de l’hydrogène pour les transports au CEA LITEN
- M. Dominique Auverlot, chef du département Développement durable du Commissariat général à la stratégie et à la prospective (ex CAS)
- M. Alain Bernard, fondateur de Modulowatt
- Mme Marie Castelli, secrétaire général de l’AVERE
- Mme Christelle Chabredier, responsable Innovation, Environnement et Énergie, groupe La Poste
- M. Eric Champarnaud, Partner & VP au BIPE
- M. Marc Chevreau, président de France Craft Automobiles
- M. Pascal Clément, Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies
- M. Claude-Jean Couderc, chargé des relations citoyens consommateurs, direction des affaires publiques, PSA Peugeot Citroën
- M. Michel Couture, directeur mobilité électrique, EDF
- M. François Cuénot, International Energy Agency
- M. Bertrand Duflos, expert en nouvelles technologies
- M. Gilles Durand, secrétaire général de l'AFGNV
- Mme Elisabeth Gouvernal, Institut de l'aménagement et d'urbanisme, Île-de-France
- M. Hervé Groazil, responsable Réglementation et Affaires publiques à la direction Produit, Iveco France
- M. Fabrice Hamelin, ENPC, Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux
- M. Eric Lemerle, responsable des études sur la mobilité, direction de la connaissance client, groupe Renault
- M. Nicolas Louvet, PREDIT, directeur du cabinet 6T-Bureau de recherche
- M. Bruno Marzloff, sociologue, fondateur de La cité des services, groupe Chronos
- M. François Moisan, directeur exécutif Stratégie, Recherche, International de l’ADEME
- M. Daniel Moulene, président directeur général de Lumeneo
- M. Joël Pedessac, directeur général, Comité français du butane et du propane (CFBP)
- M. Hervé Pichon, délégué aux relations avec les institutions publiques, direction des affaires publiques, PSA Peugeot Citroën
- M. Gabriel Plassat, coordinateur du pôle Systèmes de Transports et Mobilités à l’ADEME, auteur du blog « Les transports du futur »
- M. Eric Prades, directeur Hydrogène Énergie, groupe Air Liquide
- M. Yvon Roche, cogérant de France Autopartage
- M. Marc Teyssier d’Orfeuil, délégué général du Club des voitures écologiques
- M. Pierre Trami, chef de projet biométhane-carburants, GrDF
- Mme Laure Wagner, service de communication, BlaBlaCar
— Le 5 décembre 2013, lors de la cinquième audition publique
- M. Christophe Aufrère, directeur de la stratégie des technologies de Faurecia
- M. Jean-Christophe Béziat, directeur de l’innovation à la direction des affaires publiques du groupe Renault
- M. Pierre-Henri Bigeard, directeur général adjoint de l'IFPEN
- M. Jean-Michel Billig, membre du comité exécutif du groupe Renault, directeur engineering, qualité, informatique
- M. Willy Breda, chef du bureau des voitures particulières, direction générale de l’énergie et du climat, ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie
- M. Stéphane Burban, DGCIS, ministère du redressement productif
- M. Jean-Philippe Cali, directeur de la mobilité du département du Bas-Rhin
- Mme Marie Castelli, secrétaire générale de l'AVERE
- M. Bernard Darniche, journaliste, président de l’association « Les citoyens de la route »
- M. Guillaume Devauchelle, directeur recherche et développement du groupe Valéo
- M. Jean-Marc Finot, directeur de la recherche et de l’ingénierie avancée du groupe PSA Peugeot Citroën
- M. Jean-Philippe Gardère, directeur des espaces publics de la ville de Bordeaux
- Mme Dominique Gillot, sénatrice
- M. Bruno Lebrun, président de GIREVE
- M. Christophe Lefebvre, responsable du programme transport du CEA LITEN
- M. Pascal Mangin, conseiller régional d’Alsace, président de l’Observatoire régional des transports et de la logistique d’Alsace (ORTAL)
- M. Bernard Million-Rousseau, directeur général de la Plateforme de la filière automobile
- M. Joël Pedessac, directeur général du Comité français du butane et propane, (CFBP)
- M. Gabriel Plassat, coordinateur du pôle Systèmes de Transports et Mobilités à l’ADEME, auteur du blog « Les transports du futur »
- M. Pierre Serne, vice-président de la région Île-de-France, en charge des transports et des mobilités, membre du conseil d’administration du GART
- M. François Sudam, directeur du programme 2l aux 100 de la Plateforme de la filière automobile
- M. Marc Teyssier d’Orfeuil, délégué général du Club des voitures écologiques
- M. Gilles Vesco, adjoint au maire de la ville de Lyon, vice-président en charge des nouvelles mobilités du Grand Lyon
— Le 18 décembre 2013
- M. Sébastien Grellier, chef du département planification, relations extérieures et environnement de Toyota France ;
- Mme Florence Lambert, CEA, chargée du projet batteries du ministère du redressement productif ;
- M. Pascal Ruch, PDG de Toyota France.
— Le 19 décembre 2013
- M. Jean-Michel Juchet, directeur de la communication et des affaires publiques de BMW ;
- M. Serge Naudin, président du directoire de BMW.
— Le 6 janvier 2014
- Mme Armelle de Clermont-Tonnerre, directrice de la communication, Fiat France ;
- M. Gilles Le Borgne, directeur de la recherche et du développement de PSA Peugeot Citroën ;
- M. Hervé Pichon, délégué aux relations avec les Institutions publiques, Direction des affaires publiques, PSA Peugeot Citroën ;
- M. Christophe Useo, responsable de la communication interne de Fiat France, attaché de presse Fiat et Abarth.
1 () Ce vélo est ainsi défini :
2 () carsharing-blog.de.
3 () Le seuil maximum avancé est de 625 voitures électriques dans un réseau de 10 000 voitures auto-partagées.
4 () 49 % contre 47 % ; chez les moins de 30 ans 66% contre 42 %.
5 () Étude de BITKOM.
6 () Étude de BITKOM.
7 () Krzyzanowski Michal, Kuna-Dibbert Brigit, Schneider Jürgen, Health effects of transport-related air pollution, WHO, 2005.
8 () Review of evidence on health aspects of air pollution – REVIHAAP Project, WHO, 2013.
9 () Rapport n° 008378-01 « Le facteur 4 en France : la division par 4 des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050 », Conseil général de l’environnement et du développement durable, février 2013.
10 () Émissions de dioxyde d’azote de véhicules diesel, Afsset, Edition scientifique, Air et agents chimiques, août 2009.
11 () Communiqué de presse de la Commission européenne du 11 juillet 2012, IP/12/771.
12 () Site Europa, http://europa.eu/legislation_summaries/environment/air_pollution/l28186_fr.htm.
13 () Site Europa, http://europa.eu/legislation_summaries/environment/air_pollution/l28186_fr.htm.
14 () Site Europa, http://europa.eu/legislation_summaries/environment/air_pollution/ev0002_fr.htm.
15 () 2017 and Later Model Year Light-Duty Vehicle Greenhouse Gas Emissions and Corporate Average Fuel Economy Standards, 15 octobre 2012.
16 () Light-Duty Automotive Technology, Carbon Dioxide Emissions, and Fuel Economy Trends: 1975 Through 2012.
17 () Energy Improvement and Extension Act de 2008 et the American Recovery and Reinvestment Act de 2009.
18 () VAE : vélos à assistance électrique.
19 () Communiqué de presse de la Commission européenne, 24 janvier 2013, IP/13/40.
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