N° 251 tome II - Rapport sur le projet de loi de finances pour 2013 (n°235)



N° 251

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2012.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2013 (n° 235),

TOME II


PAR M. CHRISTIAN ECKERT

Rapporteur général,

Député.

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SOMMAIRE

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PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

I.– IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS

A.– Autorisation de perception des impôts et produits

Article premier : Autorisation de percevoir les impôts existants 7

B.– Mesures fiscales

Avant l’article 2 12

Article 2 : Revalorisation de la décote et des seuils d’exonération et des abattements en matière de fiscalité directe locale au bénéfice des ménages modestes 14

Article 3 : Création d’une tranche supplémentaire au barème progressif de l’impôt sur le revenu 42

Article 4 : Abaissement du plafond de l’avantage procuré par le quotient familial 61

Après l’article 4 80

Article additionnel après l’article 4 : Abaissement du plafond de l’abattement de 10 % sur le revenu pour frais professionnels 88

Article additionnel après l’article 4 : Plafonnement du barème kilométrique indicatif pour l’impôt sur le revenu 89

Article additionnel après l’article 4 : Abaissement du plafond des versements aux partis politiques pris en compte au titre de la réduction d’impôt sur le revenu pour les dons 90

Article 5 : Imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu des dividendes et des produits de placement à revenu fixe 94

Article 6 : Imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu des gains de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux des particuliers 146

Article 7 : Imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu des gains de levée d’options sur actions et d’attribution d’actions gratuites 154

Article 8 : Contribution exceptionnelle de solidarité sur les très hauts revenus d’activité 160

Article 9 : Réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune 175

Après l’article 9 199

Article 10 : Aménagement du régime d’imposition des plus-values immobilières 200

Après l’article 10 211

Article additionnel après l’article 10 : Adaptation du régime des plus-values sur cession de bijoux, d’objets d’art, de collection ou d’antiquité 215

Article 11 : Renforcement de la taxe sur les logements vacants 217

Avant l’article 12 225

Article 12 : Prorogation et durcissement du malus automobile 226

Article 13 : Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) Air 237

Après l’article 13 245

Article additionnel après l’article 13 : Indexation sur l’inflation de la taxe générale sur les activités polluantes 256

Article 14 : Plus-values sur cession de titres de participation – Calcul de la quote-part de frais et charges sur les plus-values brutes 257

Article 15 : Aménagement de la déductibilité des charges financières 270

Article 16 : Aménagement du mécanisme de report en avant des déficits des sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés 305

Article 17 : Taxation des sommes placées en réserve de capitalisation des entreprises d’assurance 311

Article 18 : Modification du régime des acomptes d’impôt sur les sociétés applicable aux grandes entreprises 320

Après l’article 18 326

Article additionnel après l’article 18 : Prorogation du crédit d’impôt en faveur des métiers d’art 329

II.– RESSOURCES AFFECTÉES

A.– Dispositions relatives aux collectivités territoriales

Article 19 : Fixation pour 2013 de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et des allocations compensatrices d’exonérations d’impôts directs locaux (IDL) 331

Article 20 : Reconduction du fonds de mobilisation départementale pour l’insertion (FMDI) pour 2013-2015 353

Article 21 : Régularisation des montants dus au titre des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle 366

Article 22 : Compensation des transferts de compétences aux départements et aux régions par attribution d’une part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers 373

Article 23 : Compensation aux départements des charges résultant de la mise en oeuvre du revenu de solidarité active 387

Article 24 : Compensation à la collectivité de Mayotte des charges résultant de son processus de départementalisation 403

Article 25 : Évaluation des prélèvements opérés sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales 414

B.– Impositions et autres ressources affectées à des tiers

Article 26 : Fixation des plafonds 2013 des taxes affectées aux opérateurs et à divers organismes chargés de missions de service public 422

Article 27 : Affectation d’une fraction de la taxe sur les transactions financières à l’aide publique au développement 443

Article 28 : Prélèvement exceptionnel sur le fonds de roulement du Centre national du cinéma et de l’image animée 448

Article 29 : Amélioration de l’équité des taxes sur les titres délivrés aux étrangers 455

Article 30 : Amélioration de la qualité et de la performance énergétique des logements et réforme des circuits de financement de la politique du logement 463

C.– Dispositions relatives aux budgets annexes et aux comptes spéciaux

Article 31 : Reconduction des budgets annexes et comptes spéciaux existants 473

Article 32 : Aménagement de la gestion des taxes perçues par la direction générale de l’aviation civile 474

Article 33 : Financement des radars routiers automatisés et de la modernisation du système national du permis de conduire 483

Article 34 : Valorisation des infrastructures de télécommunication des services de l’État 489

Article 35 : Élargissement du périmètre du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage » 495

Article 36 : Aménagement du compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » 500

Article 37 : Prise en charge par le service des retraites de l’État des pensions versées aux agents ayant acquis des droits à la caisse de retraite des fonctionnaires et agents publics de Mayotte 505

Article 38 : Clarification des relations financières entre État et sécurité sociale 508

Article 39 : Majoration de la contribution à l’audiovisuel public 521

Article 40 : Garantie des ressources de l’audiovisuel public 535

Article 41 : Prorogation de dégrèvement de contribution à l’audiovisuel public en faveur des personnes âgées aux revenus modestes 538

Article 42 : Élargissement du compte de commerce « Approvisionnement des armées en produits pétroliers » 540

D.– Autres dispositions

Article 43 : Instauration des clauses d’action collective dans les contrats d’émission de titres d’État 543

Article 44 : Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne 550

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES À L'ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES

Article 45 : Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d’autorisation des emplois 552

TABLEAU COMPARATIF 567

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 871

EXAMEN DES ARTICLES

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

I.– ImpÔts et ressources autorisÉs

A.– Autorisation de perception des impôts et produits

Article premier

Autorisation de percevoir les impôts existants

Texte du projet de loi :

I.– La perception des impôts, produits et revenus affectés à l’État, aux collectivités territoriales, aux établissements publics et organismes divers habilités à les percevoir continue d’être effectuée pendant l’année 2013 conformément aux lois et règlements et aux dispositions de la présente loi.

II.– Sous réserve de dispositions contraires, la présente loi s’applique :

1° À l’impôt sur le revenu dû au titre de 2012 et des années suivantes ;

2° À l’impôt dû par les sociétés sur les résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2012 ;

3° À compter du 1er janvier 2013 pour les autres dispositions fiscales.

Observations et décision de la Commission :

I.– L’AUTORISATION DE PERCEVOIR LES RESSOURCES PUBLIQUES

Aux termes de l’article XIV de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement (...) ». Découlant du principe ainsi posé en 1789, l’article premier du projet de loi de finances renouvelle l’autorisation annuelle de percevoir les impôts, élément essentiel de la tradition démocratique selon laquelle l’impôt n’est légitime que parce qu’il est librement consenti par la Nation. Il revient donc au Parlement d’exprimer ce consentement qui, par nature, ne peut être que précaire et doit être réitéré régulièrement.

Compétence exclusive et obligatoire de la loi de finances de l’année, l’autorisation prévue par le I du présent article voit son champ précisé par le 1° du I de l’article 34 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), qui dispose que « la loi de finances de l’année autorise, pour l’année, la perception des ressources de l’État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’État ».

L’autorisation n’est accordée que pour l’année, conformément au principe d’annualité prévu à l’article 1er de la LOLF.

Elle vise non seulement les recettes fiscales mais également l’ensemble des autres ressources perçues en vue de financer le service public – revenus industriels et commerciaux, rémunération de services rendus, fonds de concours, remboursement de prêts et d’avances, produits de cessions...

Elle couvre les ressources perçues par l’État mais également celles affectées aux collectivités territoriales, aux établissements publics et aux organismes divers – publics ou privés – habilités à les percevoir. D’application générale, le principe d’annualité de l’impôt vise à protéger, par cette autorisation, l’ensemble des contribuables, quel que soit l’organisme bénéficiaire de l’imposition.

Pour que le consentement soit libre, encore faut-il qu’il soit éclairé. Les ressources perçues par l’État – recettes fiscales, recettes non fiscales et fonds de concours – ainsi que les dépenses fiscales relatives aux impositions dont le produit est perçu par l’État sont détaillées respectivement dans le premier et le second tome de l’annexe au projet de loi de finances relative à l’évaluation des voies et moyens. La liste des impositions affectées aux autres organismes publiques et la présentation des prélèvements obligatoires par sous-secteurs d’administration publique sont fournies respectivement par le premier tome de cette annexe et par le rapport sur les prélèvements obligatoires.

II.– LA DATE D’APPLICATION DES DISPOSITIONS FISCALES CONTENUES
DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2013

Le II du présent article prévoit, dans les termes usuels, les conditions d’entrée en vigueur des dispositions fiscales qui ne comportent pas de date d’application particulière.

La règle générale reste l’application des dispositions fiscales à compter du 1er janvier 2013.

Deux exceptions traditionnelles sont prévues : pour l’impôt sur le revenu, la loi de finances s’applique à l’impôt dû au titre de 2012 et des années suivantes ; l’impôt sur les sociétés est dû sur les résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2012 (une mention particulière est nécessaire, en raison à la fois des différences de date de clôture de l’exercice d’une entreprise à l’autre et du mode de recouvrement par acomptes et soldes de cet impôt direct).

III.– L’OBJECTIF DE DÉPENSES FISCALES

 L’exposé des motifs de l’article 1er du projet de loi de finances de l’année fixe, depuis le projet de loi de finances pour 2009, un objectif de dépenses fiscales. Mis en place à la demande de la commission des Finances, cet objectif constitue un outil de pilotage de la dépense fiscale et permet au Parlement d’être informé de l’évolution du coût de ces dispositifs dérogatoires.

Son gel en valeur à périmètre constant constitue une orientation pluriannuelle prévue par la loi de programmation des finances publiques en vigueur (1) et introduite, à l’initiative du rapporteur général, dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 déposé le 28 septembre dernier à l’Assemblée nationale.

Rappelons que le tome II de l’annexe relative à l’évaluation des voies et moyens définit la dépense fiscale comme « des dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en œuvre entraîne pour l’État une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allégement de leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l’application de la norme, c’est-à-dire des principes généraux du droit fiscal français ». Une telle définition conduit à ce que le périmètre des dépenses fiscales soit relativement mouvant, pour deux raisons.

D’une part, l’appréciation de la « norme fiscale » est laissée au Gouvernement qui dispose de la faculté de « déclasser » des dispositifs en les sortant du périmètre des dépenses fiscales dès lors qu’il considère qu’ils relèvent de la norme, par exemple du fait de leur antériorité.

D’autre part, l’ensemble des dépenses fiscales relatives à une imposition donnée doit sortir du périmètre dès lors que la totalité du produit de cet impôt n’est plus affectée à l’État.

En ce qui concerne les années 2009 et 2010, le précédent Gouvernement n’avait pas fourni les montants constatés des dépenses fiscales à l’issue de ces deux exercices. Il est donc impossible de savoir si les objectifs fixés par les projets de loi de finances initiale ont été respectés (2). On peut néanmoins constater que, en cours d’exécution, la prévision pour 2009 avait été revue à la hausse pour 2,1 milliards d’euros – hors impact des mesures fiscales de relance et mesures de périmètre – et que la prévision révisée pour 2010 avait été revue en hausse de 0,7 milliard d’euros – déduction faite des mesures de périmètre et des changements de méthodes de calcul.

Si l’on en croit la tendance révélée par les prévisions révisées, il semble donc qu’en 2009 et en 2010, l’objectif de dépenses fiscales n’ait probablement pas été respecté.

Le constat d’une absence de respect, sous la précédente législature, de l’objectif de dépenses fiscales est confirmé par les résultats de l’année 2011 et par la prévision révisée pour 2012, fournis par l’exposé des motifs du présent article.

En 2011, l’objectif de dépense fiscale aurait atteint 72 milliards d’euros, soit un dépassement de l’objectif évalué à 4,5 milliards d’euros. Hors changements de méthode de chiffrage, le dépassement s’établit à 3,3 milliards d’euros.

En 2012, cet objectif est revu à la hausse de 5 milliards d’euros et s’établirait à 70,9 milliards d’euros. Déduction faite de l’incidence des changements de méthode de chiffrage, la progression par rapport à l’objectif initial s’élèverait à 3,8 milliards d’euros.

Pour ces deux années, les dépassements constatés ou anticipé ne doivent pas étonner car les prévisions initiales ne prenaient pas en compte la croissance spontanée du coût des dispositifs. Dès lors qu’aucune mesure de réduction n’est prévue, les dépenses fiscales augmentent, en effet, de manière mécanique lorsqu’elles montent en charge – par exemple, le crédit d’impôt recherche – ou du seul fait de la croissance spontanée de l’assiette de l’imposition à laquelle elles s’appliquent (3). Une prévision ne prenant pas en compte un tel effet est nécessairement peu fiable.

Au vu des indications fournies par l’exposé des motifs du présent article, les écarts à la prévision s’expliqueraient par des dépassements récurrents sur plusieurs dispositifs – crédit d’impôt recherche, exonération d’impôt sur les sociétés en faveur des sociétés d’investissement immobilier cotées (SIIC), réduction d’impôt en faveur du mécénat des entreprises.

Le tableau suivant retrace les principaux éléments expliquant l’écart entre la prévision de dépenses fiscales et les résultats constatés en 2011 ou anticipés en 2012.

OBJECTIF DE DÉPENSES FISCALES À PÉRIMÈTRE CONSTANT 2010-2013

(en milliards d’euros)

 

2011

2012

Prévision initiale

67,5

65,8

Changements de méthode

1,2

1,2

Croissance du coût des dispositifs

3,3

3,8

Exécution 2011 – Prévision révisée 2012

72

70,8

Source : Exposé des motifs du présent article

Pour 2013, l’objectif de dépense fiscale est fixé à 70,7 milliards d’euros, en diminution de 0,1 milliard d’euros par rapport à la prévision révisée pour 2012.

Un tel résultat serait permis par les mesures de réduction de dépenses fiscales prévues par le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2012 et par le projet de loi de finances pour 2013, en particulier la suppression de l’exonération d’impôt sur le revenu sur les heures supplémentaires représentant une économie de 0,5 milliard d’euros. Il convient également de prendre en compte l’incidence des réductions de dépenses fiscales adoptées dans le cadre du plan dit « Fillon II », présenté en novembre 2011 et dont le rendement avait alors été évalué à 1 milliard d’euros à compter de 2013.

Toutefois, une telle prévision se fonde sur une estimation de la croissance spontanée du coût des dispositifs de seulement 0,6 milliard d’euros, à comparer à une évolution spontanée du coût qui n’a jamais été inférieur à 3,5 milliards d’euros en 2011 et en 2012.

Il semble donc que la prévision de dépenses fiscales pour 2013 soit caractérisée par les mêmes imperfections que celles pour 2011 et 2012, à savoir la sous-évaluation de l’évolution spontanée du coût de ces dispositifs.

Dans ces conditions, l’objectif pour 2013 ne pourra probablement pas être atteint sans l’adoption de mesures supplémentaires de réduction du coût des dépenses fiscales.

*

* *

La Commission adopte à l’unanimité l’article premier sans modification.

*

* *

B.– Mesures fiscales

Avant l’article 2

La Commission examine l’amendement I-CF 86.

M. Charles de Courson. Le Gouvernement ne prévoit aucune réduction des dépenses fiscales qui se monteront à 70,8 milliards d’euros en 2013, contre 70,9 milliards en 2012. Dois-je rappeler à mes collègues socialistes que leur programme annonçait qu’elles diminueraient de 50 milliards ? Mon amendement donne donc délégation au Gouvernement pour raboter les niches fiscales de 10 milliards. Il s’agit d’un objectif difficile à atteindre mais encore raisonnable. J’espère que tous ceux qui conviennent qu’on ne peut pas continuer à parler d’égalité fiscale tout en instaurant de nouvelles niches à un coût croissant voteront cette mesure. En contrepartie, seront supprimées toutes les autres envisagées concernant les ménages.

M. Christian Eckert, rapporteur général. L’amendement relève de la loi de programmation. Je rappelle que j’ai déposé un amendement à la loi de programmation, qui définit un objectif en matière de dépenses fiscales. Par ailleurs, vous savez que les limites entre dépenses fiscales, modalités de calcul de l’impôt et autres dispositifs dérogatoires ne sont pas claires. Ainsi, en considérant comme des dépenses fiscales la taxation des revenus du capital à un niveau inférieur à celui du travail et la fameuse niche Copé, nous récupérons 5 milliards d’euros. De même, en loi de finances rectificative, nous avions procédé à des réductions du même ordre de grandeur. En conséquence, votre amendement est non seulement sans objet, mais il est encore satisfait. Avis défavorable.

M. Hervé Mariton. L’amendement de M. de Courson est malin parce qu’il rappelle que la majorité ne respecte pas ses engagements. L’ampleur de ses ambitions en la matière était irréaliste, outre qu’une réduction aussi considérable des dépenses fiscales aurait été très défavorable aux contribuables et peu cohérente sur le fond. Toutefois, notre collègue persiste dans une pratique qui n’est pas très heureuse et dont il faudrait se débarrasser, celle de la rétroactivité des dispositions fiscales.

M. Olivier Faure. L’intérêt d’une telle proposition résiderait dans le fait de savoir à quelle dépense elle s’applique. À défaut, elle reste dans un registre purement démagogique.

M. Éric Woerth. Cet amendement n’est peut-être pas à sa place, mais il est frappé au coin du bon sens. Dans le projet de budget, les dépenses fiscales ne baissent quasiment pas, contrairement à ce qui était souhaité à gauche comme à droite. Pour les diminuer, il suffirait de s’appuyer sur le rapport de l’IGF qui a mis près de deux ans pour évaluer leur efficacité, mais il n’en a pas été tenu compte.

M. Nicolas Sansu. Je comprends la volonté de passer au rabot les niches fiscales et sociales auxquelles on ne peut s’attaquer sans qu’un chien aboie. C’est pourquoi je suggère un amendement consistant à supprimer purement et simplement la niche Copé, ce qui permettrait d’être à 60 % de l’objectif…

M. Philippe Vigier. L’amendement a le mérite de poser le problème et d’insister sur la démagogie des promesses de campagne. Les niches plafonnées ne sont pas plus d’une vingtaine et, plutôt que de stigmatiser telle ou telle, ne ferait-on pas mieux de s’atteler à une évaluation précise qui permettra d’éviter les propos inconsidérés ?

M. Charles de Courson. L’exposé des motifs de l’article 1er montre bien qu’il n’y a pas de baisse des dépenses fiscales. Le total de celles supprimées au titre de 2013 atteint 2,2 milliards d’euros mais on en trouve de nouvelles pour 600 millions, ce qui représente un gain de 1,6 milliard, lequel est contrebalancé par une augmentation spontanée de la dépense fiscale de 1,5 milliard. Mon amendement entend obliger la majorité à réfléchir aux promesses démagogiques qu’elle a faites.

Quant à la rétroactivité, monsieur Mariton, nous ne faisons que ça en matière d’impôt sur le revenu. Par définition !

M. le rapporteur général. Cet amendement, dont le seul mérite est de mettre le doigt sur certains problèmes, mérite-t-il autant d’attention en commission ? Cela étant, la définition des niches et des dépenses fiscales est à géométrie variable. Le précédent collectif les avait réduites d’environ 5 milliards. Mais il est difficile de faire la part de ce qui relève de la dépense fiscale, de la niche ou même des modalités de calcul de l’impôt. En tout état de cause, l’amendement ne concerne pas le projet de loi de finances mais la loi de programmation.

La Commission rejette l’amendement I-CF 86

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* *

Article 2

Revalorisation de la décote et des seuils d’exonération et des abattements en matière de fiscalité directe locale au bénéfice des ménages modestes

Texte du projet de loi :

I.– Au 4. du I de l’article 197 du code général des impôts, le montant : « 439 € » est remplacé par le montant : « 480 € ».

II.– Les montants des abattements prévus au I de l’article 1414 A du code général des impôts et des revenus prévus aux I et II de l’article 1417 du même code sont revalorisés de 2 %. Les montants ainsi obtenus sont arrondis à l’euro le plus proche.

Observations et décision de la Commission :

Cet article tend à neutraliser certains effets de l’absence d’indexation du barème de l’impôt sur le revenu pour la deuxième année consécutive pour les contribuables les plus modestes au travers de deux mesures :

– une revalorisation de 9 % de la décote (dont le montant est porté de 439 euros à 480 euros) afin de permettre le maintien des niveaux d’imposition des contribuables disposant de revenus assujettis aux première et deuxième tranches du barème progressif de l’impôt sur le revenu ;

– une actualisation de 2 % des plafonds de revenus et des montants d'abattements sur lesquels reposent une douzaine de régimes fiscaux dérogatoires permettant aux plus modestes d’annuler ou de diminuer leur taxe d’habitation (et leur contribution pour l’audiovisuel public), leur taxe foncière sur les propriétés bâties, mais aussi leur CSG et leur CRDS.

Le coût de ces dispositions est estimé à 345 millions d’euros en 2013 et 510 millions d’euros à compter de 2014, décomposés comme suit :

(en millions d’euros)

 

Année 2013

Année 2014

Recettes IR

– 295

– 295

Recettes impôts locaux

– 50

– 50

Recettes sécurité sociale

 

– 165

Total

– 345

– 510

Le souhait du Gouvernement est ainsi de préserver les contribuables les plus modestes des efforts de rigueur votés en loi de finances pour 2012 et d’introduire davantage de progressivité au titre des différentes impositions concernées par ces mesures.

I.– LE RELÈVEMENT DE LA DÉCOTE

A.– LES EFFETS DE LA NON-INDEXATION DU BARÈME DE L’IMPÔT SUR LE REVENU

L’article 16 de la dernière loi de finances rectificative pour 2011 (4) a supprimé l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation anticipée au titre de cette même année (+ 2,1 %) prévue à l’article 2 de la loi de finances pour 2012 (5). Les seuils d’imposition des différentes tranches du barème ont donc été gelés au titre de l’imposition des revenus de l’année 2011, mais également au titre de ceux de l’année 2012. Le rendement attendu de cette suppression était alors estimé à 1 752 millions d’euros au titre de 2012 et de 3 504 millions d’euros au titre de l’année 2013, ainsi répartis :

(en millions d’euros)

 

Année 2012

Année 2013

Recettes IR

1 584

3 168

Recettes ISF

44

88

Recettes DMTG

42

84

Recettes TF

9

18

Recettes TH

73

146

Total

1 752

3 504

1.– Le principe de l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation

L’indexation du barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation des prix hors tabac s’est appliquée sans interruption depuis 1969. Auparavant, des périodes parfois relativement longues se sont écoulées sans que le barème soit indexé (comme ce fut le cas entre 1952 et 1958, et entre 1961 et 1963). On notera par ailleurs qu’en 1966, une minoration d’imposition s’est substituée à l’indexation.

À partir de 1969, l’indexation s’est appliquée de façon continue, mais différenciée selon les tranches du barème. Les quatre premières tranches étaient ainsi revalorisées au-delà du niveau de l’inflation afin d’abaisser plus fortement la pression fiscale pesant sur les contribuables modestes et, inversement, les cinq dernières tranches étaient revalorisées en deçà du niveau de l’inflation afin de limiter la correction du niveau d’imposition au regard de l’inflation annuelle.

Ce n’est qu’à compter de 1981 que le principe d’une indexation indifférenciée à l’ensemble des tranches s’impose. Depuis cette date, il constitue une mesure consensuelle de modération de la pression fiscale prise chaque année en loi de finances initiale.

2.– Les indexations liées à l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu

L’indexation du barème est devenue au cours du temps une référence pour l’évolution conjointe d’autres types de montants, conditionnant dans la majorité des cas une exonération, une minoration d’imposition ou le plafonnement d’un avantage en impôt. Ces montants sont ainsi réputés être indexés chaque année comme la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu.

Les dispositifs indexés relatifs à l’impôt sur le revenu

– les plafonds des demi-parts dont bénéficient les contribuables au titre du quotient familial ou de certaines situations spécifiques (contribuables invalides, parents isolés, anciens combattants, etc.)

– le montant de la décote fixé à 439 euros en 2011

– les montants de revenus donnant droit à exonération d’impôt sur le revenu pour les contribuables modestes, fixés à 8 440 euros ou 9 220 euros s’ils sont âgés de plus de soixante-cinq ans en 2011

– le seuil de chiffre d’affaires du régime micro-entreprise fixé à 80 300 euros en 2011

– la limite d’exonération des titres restaurant fixée à 5,29 euros par titre pour 2011

– la déduction forfaitaire des frais professionnels du revenu brut plafonnée à 14 157 euros au titre de l’imposition des revenus de 2011

– le seuil de recettes annuelles du régime de déclaration contrôlée et le seuil de recettes annuelles du régime déclaratif spécial dans le cadre de la déclaration de revenus entrant dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, fixés à 32 600 euros pour 2011

– les modalités d’imputation des déficits agricoles sur le revenu global imposable (ces déficits sont déductibles à la condition que le total des revenus nets d’autres sources excède 106 215 euros au titre de l’imposition des revenus de 2011)

– la déductibilité du revenu global d’une somme représentative des avantages en nature des personnes âgées de plus de 75 ans vivant sous le toit du contribuable, fixée à 3 359 euros au titre de l’imposition des revenus de 2011

– l’abattement forfaitaire sur le revenu en faveur de certaines personnes âgées de plus de 65 ans, fixé à 2 311 euros si le revenu du contribuable n’excède pas 14 220 euros ou 1 156 euros si ce revenu est compris entre 14 220 euros et 22 930 euros au titre de l’année d’imposition précitée

– l’abattement applicable aux pensions et retraites, fixé à 3 660 euros au titre de l’imposition des revenus de 2011

– l’évaluation forfaitaire minimale du revenu imposable d’après certains éléments du train de vie, fixée à 44 772 euros pour la même année d’imposition

– la retenue à la source sur les traitements, salaires, pensions et rentes viagères de source française servis à des personnes qui ne sont pas domiciliées en France

– la réduction d’impôt accordée au titre de certains dons faits par les particuliers et ouvrant droit à une réduction d’impôt à un taux de 75 % dans la limite d’un plafond de don de 513 euros au titre de l’imposition des revenus de 2011

– le seuil d’exigibilité des acomptes provisionnels pour le recouvrement de l’impôt sur le revenu

Les dispositifs indexés relatifs aux taxes locales

– le plafonnement de la taxe d’habitation, ainsi que les dégrèvements d’office et abattements communs à cette taxe et à la taxe foncière au profit des contribuables qui ne dépassent pas un certain niveau de revenu fiscal de référence mentionné à l’article 1417 du code général des impôts

Les dispositifs indexés relatifs aux droits de mutations à titre gratuit (indexation supprimée en application de la deuxième loi de finances rectificative d’août 2012)

– les tranches du barème applicables aux droits de mutation à titre gratuit

– les mesures d’abattement communes aux successions et donations sur la part de chacun des ascendants et des enfants vivants ou représentés par suite de prédécès ou de renonciation, ainsi que des mesures d’abattement particulières aux successions.

– le montant conditionnant l’exonération totale et l’exonération partielle des DMTG

Les dispositifs indexés relatifs à l’impôt de solidarité sur la fortune

– le barème de l’impôt de solidarité sur la fortune

– le montant des parts de groupements fonciers agricoles et des biens ruraux loués par bail à long terme donnant droit à exonération totale ou partielle d’impôt de solidarité sur la fortune

Les dispositifs indexés relatifs à d’autres impositions (liste non exhaustive)

– les seuils de chiffre d’affaires pour le régime simplifié d’imposition des taxes sur le chiffre d’affaires et pour les bénéfices industriels et commerciaux

– les seuils de chiffre d’affaires pour la franchise en base en matière d’imposition à la TVA

– les fractions de rémunérations individuelles annuelles conditionnant le taux de la taxe sur les salaires

– les montants de la taxe spéciale d’équipement perçue au profit de l’agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométrique en Guadeloupe et en Martinique

Les dispositifs indexés relatifs à des mesures ne relevant pas du code général des impôts (liste non exhaustive)

– les montants déterminant l’ouverture ou la prolongation d’un compte sur le livret d’épargne populaire prévus par le code monétaire et financier

– les tarifs de la TGAP prévus par le code des douanes

Par ailleurs, le législateur a également introduit des mesures d’indexation indépendantes de celle du barème, mais fonctionnant de manière identique. Par exemple, l’article 11-4 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique prévoit que les montants correspondant aux dons consentis par des personnes physiques à une ou plusieurs associations agréées en qualité d'association de financement ou à un ou plusieurs mandataires financiers d'un même parti politique et qui ne peuvent excéder 7 500 euros par an, sont revalorisés tous les ans par décret comme l'indice des prix à la consommation des ménages, hors tabac.

A contrario, certains dispositifs, qui auraient pu être ajoutés à la liste des montants indexés au regard de leur effet sur l’imposition des contribuables modestes, ne l’ont jamais été, à l’instar du seuil minimum de recouvrement de l’impôt sur le revenu (6).

On constate donc que la diversité des dispositifs revalorisés chaque année dans la même proportion que le barème ou selon des règles d’indexation identiques résulte pour partie du hasard des textes et non d’une réelle cohérence d’ensemble recherchée par le législateur. Par conséquent, les effets produits et le coût global de ces dispositifs semblent difficiles à appréhender.

3.– La non-indexation du barème entraîne une hausse de la pression fiscale

L’absence d’indexation du barème de l’impôt sur le revenu ne conduit pas à augmenter facialement les impôts, mais contribue à accroître la pression fiscale puisque les mêmes seuils d’imposition sont appliqués à des revenus dont la valeur en euros constants a baissé.

Un foyer fiscal disposant d’un revenu constant en 2011 et 2012 sera perdant à la non-indexation puisque la valeur en euros constants de son revenu a diminué d’une année sur l’autre du fait de l’inflation et alors que son niveau d’imposition est resté le même. En cas d’indexation, son imposition aurait été allégée de sorte à prendre en compte la baisse de ses capacités contributives.

Si les revenus du contribuable ont augmenté comme l’inflation constatée et sans indexation, le contribuable sera davantage imposé pour un revenu de valeur équivalente à celui qu’il percevait au titre de l’année précédente. En cas d’indexation, au contraire, son effort contributif demeurera inchangé d’une année sur l’autre.

Enfin, si les revenus du contribuable ont augmenté plus rapidement que l’inflation, l’augmentation de la pression fiscale sur son revenu sera pour partie liée à cet enrichissement et pour partie à la non-indexation du barème progressif. En cas d’indexation, la hausse d’imposition n’aurait résulté que de l’accroissement que ses capacités contributives en euros constants.

Cette hausse de la pression fiscale du fait de la non-indexation du barème est d’autant plus importante que les revenus sont imposés à un barème progressif. Les effets de la non indexation du barème de l’impôt sur le revenu au titre de l’imposition des revenus de 2011 ont ainsi eu deux effets distincts :

– une majoration proportionnellement plus importante de l’imposition des contribuables dont le revenu imposable est proche de la limite supérieure de la deuxième tranche d’imposition pour un célibataire que celle constatée pour les contribuables relevant des tranches suivantes (cela peut s’expliquer par l’effet cumulé de la non indexation du barème, de la décote et des minimums garantis) ;

– une concentration du rendement de la mesure (près de 30 %) sur les 10 % de contribuables disposant des revenus imposables les plus élevés.

DÉCILES DE FOYERS FISCAUX PERDANTS À LA SUPPRESSION DE L’INDEXATION ET IMPÔT SUPPLÉMENTAIRE ACQUITTÉ

Tranches de revenu imposable
(en €)

Déciles de foyers fiscaux perdants

Impôt supplémentaire

Jusqu’à 14 617

1 987 618

97 M€

De 14 617 à 17 174

1 987 618

85 M€

De 17 174 à 19 812

1 987 618

73 M€

De 19 812 à 23 185

1 987 618

79 M€

De 23 185 à 26 689

1 987 618

89 M€

De 26 689 à 30 807

1 987 618

141 M€

De 30 807 à 36 220

1 987 618

139 M€

De 36 220 à 43 962

1 987 618

155 M€

De 43 962 à 58 422

1 987 618

197 M€

Plus de 58 422

1 987 618

529 M€

Total

19 876 180

1 584 M€

Source : Ministère de l’Économie et des finances - revenus 2009 actualisés 2011.

FOYERS FISCAUX PERDANTS RÉPARTIS PAR TRANCHE DE BARÈME À LA SUPPRESSION DE L’INDEXATION ET IMPÔT SUPPLÉMENTAIRE ACQUITTÉ

Taux du barème de l’IR

Nombre de foyers fiscaux perdants

Impôt supplémentaire

Montant moyen
de perte

5,5 %

3 472 144

137 M€

39 €

14 %

12 981 630

711 M€

55 €

30 %

3 108 412

576 M€

185 €

41 %

313 994

160 M€

509 €

Total

19 876 180

1 584 M€

80 €

Source : Ministère de l’Économie et des finances - revenus 2009 actualisés 2011.

B.– LA REVALORISATION DU MONTANT DE LA DÉCOTE

Afin de compenser pour partie les effets de la non indexation du barème de l’impôt sur le revenu pour les contribuables modestes, le I du présent article prévoit une revalorisation de 9 % de la décote, dont l’objet est de lisser l’entrée dans le barème progressif.

1.– Présentation du mécanisme de la décote

a) Historique de la décote

Le mécanisme de la décote a été introduit par la loi de finances pour 1982 (7) au bénéfice des contribuables isolés disposant d’une part ou d’une part et demie de quotient familial. Ce mécanisme se substituait à l’époque à un dispositif d’abattement visant à exonérer d’impôt les salariés rémunérés au SMIC disposant d’une part de quotient familial, au motif que cet abattement entraînait d’importants effets de seuil.

« Afin (…) d’améliorer le sort des familles », la loi de finances pour 1987 (8) a étendu le bénéfice de la décote à l’ensemble des contribuables, portant ainsi le nombre de ses bénéficiaires de 2,8 millions à 7 millions.

En 2010, le nombre de bénéficiaires est estimé à 12,3 millions de contribuables pour un coût global de plus de 2 milliards d’euros. Parmi eux, 5 millions sont rendus non imposables et 7 millions bénéficient d’un avantage en impôt moyen de 170 euros.

b) Le dispositif en vigueur

L’article 197, I-4 du code général des impôts dispose que le montant de l’impôt résultant de l’application du barème progressif, après application, le cas échéant, du plafonnement des effets du quotient familial et des abattements de 30 % ou de 40 % pour les contribuables domiciliés en outre-mer, « est diminué, dans la limite de son montant, de la différence entre 439 euros et la moitié de son montant ». Les réductions et crédits d’impôt s’imputent après application éventuelle de la décote.

Ce mécanisme permet d'alléger l’imposition des contribuables titulaires de revenus modestes s’acquittant à ce titre d’un montant d’imposition inférieur à 878 euros au titre de l’imposition des revenus de 2011 et ce, quelles que soient leur situation ou leurs charges de famille. Certains contribuables imposables (9) pourront ainsi devenir non imposables ou demeurer imposables mais voir le montant de leur imposition non recouvré s’il est inférieur au seuil minimum de recouvrement (10).

On notera que le montant d’impôt retenu pour l’application de la décote n’intègre pas l’imposition acquittée en application de taux forfaitaire. Il est ainsi probable que la « barémisation » de la majorité des revenus du capital imposés à des taux forfaitaires prévue par les articles 5, 6 et 7 du présent projet de loi de finances conduisent à majorer l’imposition globale de certains bénéficiaires actuels de la décote et à les priver de ce dispositif pour l’avenir.

Par ailleurs, les revenus bénéficiant d’un système de quotient (à l’instar des revenus exceptionnels ou différés) sont appréciés dans leur totalité pour l’application de la décote, alors même qu’ils sont divisés par un quotient pour l’application du barème progressif (le montant d’imposition ainsi obtenu est alors multiplié par ce même quotient (11)).

Enfin, le mécanisme de la décote n’étant pas familialisé, ses effets sont sensiblement moins avantageux pour un couple que pour un célibataire, ce qui peut diminuer la progressivité de l’impôt à l’entrée du barème pour les contribuables disposant de plus d’une part de quotient familial. Ce constat est d’autant plus vérifiable que d’autres dispositifs s’ajoutant à la décote présentent la même caractéristique (à l’instar du seuil minimum de recouvrement ou des minimums garantis (12)). Les contribuables célibataires sont ainsi mieux traités au regard de l’entrée dans le barème progressif que les couples, à revenu par part égale.

En conséquence, les seuils de revenus nets imposables donnant droit à la décote évoluent en fonction du nombre de parts dont bénéficient les contribuables.

CHAMP D’APPLICATION DE LA DÉCOTE EN 2012

(en euros)

Revenus 2011

 

Nombre de parts

Premier revenu net imposable bénéficiant
de la décote

Dernier revenu net imposable bénéficiant
de la décote

1

11 948

15 833

1,5

15 009

20 615

2

17 990

25 398

2,5

20 972

30 180

3

23 953

33 843

3,5

26 935

36 825

Source : Direction de la législation fiscale

Exemples :

 Foyers fiscaux disposant du même revenu par part de quotient conjugal

– Soit un contribuable célibataire dont le revenu imposable au titre de l'année 2011 est de 12 000 euros. L'impôt brut dont il doit s’acquitter en application du barème est de 266 euros.

Après application de la décote, son imposition est nulle puisque le montant de l’avantage en impôt ainsi obtenu (soit [439 – (266 / 2)] = 306) est supérieur au montant de l’imposition due. On rappellera à cet égard que cet avantage est retenu dans la limite du montant de l’imposition et ne donne donc pas lieu à un remboursement.

– Soit un couple sans enfant soumis à imposition commune dont le revenu imposable au titre de l'année 2011 est de 24 000 €. L'impôt brut dont il doit s’acquitter en application du barème est de 532 euros.

Après application de la décote, son imposition est ramenée à 359 euros (soit un avantage résultant de l’application de la décote de :
[439 – (532 / 2)] = 173, puis 532–173 = 359).

 Foyers fiscaux bénéficiant du cumul de la décote et du seuil minimum de recouvrement

– Soit un contribuable célibataire dont le revenu imposable au titre de l’année 2011 est de 13 250 euros. L'impôt brut dont il doit s’acquitter en application du barème est de 330 euros.

Après application de la décote, son imposition est de 56 euros
(soit [439 – (330 / 2)] = 274, puis 330 – 274 = 56). Le seuil minimum de recouvrement étant de 61 euros, l’impôt à payer est nul.

– Soit un couple avec deux enfants dont le revenu imposable au titre de l'année 2011 est de 26 500 euros. L'impôt brut dont il doit s’acquitter en application du barème est de 328 euros.

Après application de la décote, son imposition est ramenée à 53 euros (soit [439 – (328 / 2)] = 275, puis 328 – 275 = 53). Le seuil minimum de recouvrement étant de 61 euros, l’impôt à payer est également nul.

2.– La revalorisation du montant de la décote proposée par le présent article

Le projet de loi de finances pour 2013 prévoit la revalorisation de la décote à hauteur de 9 %, faisant ainsi passer son montant de 439 euros à 480 euros et le montant maximal d’imposition donnant lieu à allègement d’impôt de 878 euros à 960 euros.

Ces montants sont ajustés de sorte à neutraliser les effets du gel du barème pour les contribuables disposant de revenus inférieurs ou égaux au seuil de la deuxième tranche du barème pour un célibataire, soit 11 896 euros.

a) La méthode de calcul de la revalorisation de la décote retenue

La méthode retenue par le présent article afin de revaloriser le montant de la décote diffère de celle habituellement appliquée. En effet, l’indexation du montant de la décote sur l’évolution du barème conduit traditionnellement à l’augmenter à proportion de l’inflation anticipée au titre de l’année de la réalisation des revenus.

Ainsi, en loi de finances pour 2011 (13), le montant de la décote a été revalorisé de 1,5 %, son montant passant de 433 euros à 439 euros. La loi de finances pour 2012 retenait la même méthode d’indexation en revalorisant la décote de 2,1 %, soit de 439 euros à 448 euros.

Le présent article aurait ainsi pu revaloriser la décote applicable aux revenus de 2012 à hauteur de l’inflation anticipée au titre de cette année, soit 2 %. Le montant de la décote aurait ainsi été porté de 439 euros à 447 euros. Une autre option aurait pu consister en l’application d’une revalorisation tenant compte du gel de ce montant au titre des années 2011 et 2012. Le montant de la décote aurait en conséquence été fixé à 457 euros.

Or, le Gouvernement a préféré à ces deux options une méthode plus favorable aux contribuables modestes qui permet de neutraliser les effets du gel du barème au titre de l’année 2012 pour les contribuables dont les revenus sont inférieurs ou égaux à la limite supérieure de la deuxième tranche du barème de l’impôt sur le revenu pour un célibataire (soit 11 896 euros) et qui ont augmenté comme l’inflation.

Concrètement, le dispositif proposé prévoit qu’un célibataire disposant de 11 896 euros au titre de sa part de quotient familial en 2011 et dont l’imposition inférieure à 61 euros n’était pas recouvrée continue de bénéficier d’une imposition nulle alors que ses revenus de 2012 étaient désormais de 12 134 euros
(soit 11 896 x 102 %).

Pour parvenir à ce résultat, plusieurs étapes de calcul se succèdent. Le montant de l’impôt brut dû pour un revenu imposable de 12 134 euros est de 361 euros. Après application de la décote antérieure d’un montant de 439 euros, ce montant est réduit à 102 euros (soit [439 – (361 / 2)] = 258, puis
361 – 258 =102).

Afin d’assurer au contribuable disposant de ce niveau de revenu cible le non recouvrement de son imposition, la décote doit donc être fixée à 480 euros (soit 102 – 61 = 41, puis 439 + 41 = 480). La revalorisation proposée par le présent article est donc de près de 9 %.

b) Les effets de cette revalorisation pour les bénéficiaires de la décote

Le tableau suivant permet d’illustrer les effets de la décote après application de la revalorisation proposée par le présent article.

On constate ainsi que l’impôt dû après décote est nul jusqu’aux 2/3 de la valeur de la décote maximale (soit 320 euros avec la décote revalorisée à 480 euros et 292 euros avec la décote en vigueur de 439 euros).

De 320 euros à 960 euros avec la nouvelle valeur de la décote (et de 292 euros à 878 euros avec la décote en vigueur), ce mécanisme permet de lisser la progression de l’imposition due en application du barème progressif de façon dégressive à mesure que cette imposition augmente.

Enfin, l’effet de la décote sur le niveau d’imposition s’annule à partir de deux fois son montant, soit 960 euros pour la nouvelle décote de 480 euros, et 878 euros pour la décote en vigueur de 439 euros.

EFFETS DE LA REVALORISATION DE LA DECOTE

La revalorisation de la décote aura plus ou moins d’effet selon l’évolution des revenus des contribuables concernés :

– si les revenus ont augmenté comme l’inflation et qu’ils sont au plus égaux à la limite supérieure de la deuxième tranche du barème pour un célibataire, les droits calculés en application du barème progressif, de la décote et du seuil minimum de recouvrement devraient être nuls (conformément à la démonstration précédente) ;

– si les revenus ont augmenté comme l’inflation et qu’ils excèdent la limite supérieure de la deuxième tranche du barème pour un célibataire, les droits calculés en application du barème progressif et de la décote bénéficieront d’un lissage plus progressif à l’entrée dans le barème jusqu’au seuil de 960 euros d’imposition ;

o Soit un contribuable dont les revenus sont de 15 000 euros en 2011 et de 15 300 euros en 2012 (soit + 2 %). Son imposition au titre des revenus de 2011 est de 387 euros (application d’une décote de 164 euros), tandis que son imposition au titre des revenus de 2012 est de 444 euros avant réforme (application d’une décote de 145 euros) et de 294 euros après réforme (application d’une décote de 295).

– si les revenus n’ont pas augmenté en 2012, les contribuables peuvent bénéficier soit du seuil minimum de recouvrement alors qu’ils n’en bénéficiaient pas au titre de l’imposition des revenus de l’année 2011, soit d’un lissage plus progressif à l’entrée dans le barème progressif dans la limite d’imposition évoquée précédemment ;

o Soit un même contribuable dont les revenus sont demeurés de 15 000 euros en 2011 et en 2012. Son imposition au titre des revenus de 2011 est de 387 euros (application d’une décote de 164 euros), tandis que son imposition au titre des revenus de 2012 sera, après la réforme, de 205 euros (application d’une décote de 346 euros).

– si les revenus ont augmenté plus fortement que l’inflation, les contribuables peuvent soit être imposés et bénéficier d’un lissage plus progressif à l’entrée dans le barème, soit ne plus bénéficier de la décote ;

o Soit un contribuable dont les revenus sont de 15 000 euros en 2011 et de 16 000 euros en 2012 (soit + 6 %). Son imposition au titre des revenus de 2011 est de 387 euros (application d’une décote de 164 euros), tandis que son imposition au titre des revenus de 2012 est de 576 euros, avant réforme, (application d’une décote de 101 euros) et de 535 euros après réforme (application d’une décote de 142).

Pour des contribuables percevant des revenus correspondant au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), l’effet de la revalorisation de la décote au titre des revenus de 2012 est également sensible comme l’illustre le tableau suivant :

Revenus* après abattement de 10 % pour frais professionnels / situation familiale du contribuable

Avant réforme (décote 439 €)

Impôt après application du seuil de mise en recouvrement (61 €) avant réforme

Après réforme (décote 480 €)

Impôt après application du seuil de mise en recouvrement (61 €) après réforme

1 SMIC (12 078)* /célibataire sans enfant

89

89

48

0

2 SMIC (24 156)** /couple sans enfant

617

617

576

576

* Revenus au SMIC appréciés en appliquant à l’année la revalorisation de 2 % intervenue en juillet 2012

**Soit 13 420 euros nets avant abattement de 10 % pour frais professionnels

*** Soit 26 840 euros nets avant abattement de 10 % pour frais professionnels

7 386 120 contribuables bénéficieront de cette mesure, dont le coût représente 295 millions d’euros.

Parmi eux, 306 100 contribuables deviendraient non imposables du fait de la revalorisation de la décote et 7 079 740 foyers imposables bénéficieraient d’an avantage en impôt.

CHAMP D’APPLICATION DE LA DÉCOTE AU TITRE DES REVENUS DE 2012

Dernier revenu non imposable du fait de la décote et du seuil de mise en recouvrement de 61 €

12 140 €* pour un célibataire sans enfant

18 472 €* pour un couple sans enfant

Dernier revenu imposable bénéficiant d’un allègement d’impôt du fait de la décote

16 400 €* pour un célibataire sans enfant

25 900 €*pour un couple sans enfant

*Les revenus sont nets de l’abattement de 10 % pour frais professionnels

II.– L'ALIGNEMENT DES PLAFONDS DE REVENUS UTILISÉS EN MATIÈRE D'EXONÉRATIONS OU D'ABATTEMENTS DE FISCALITÉ LOCALE ET DE PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX AU PROFIT DES MÉNAGES MODESTES

La non-indexation du barème de l'impôt sur le revenu payé en 2013 a pour conséquence indirecte le gel de certains plafonds et montants d'abattements, qui évoluent normalement comme la limite supérieure de la première tranche. Ces plafonds et montants sont utilisés principalement en matière de fiscalité locale et de prélèvements sociaux.

Le II du présent article (alinéa 2) procède donc à un relèvement ciblé afin de préserver la situation des foyers de condition modeste, qui bénéficient des dispositifs d’allègement de fiscalité directe locale.

A.– UNE PLURALITÉ DE MÉCANISMES CONDITIONNÉS PAR LE MÊME PLAFOND DE REVENUS

Les articles 1417 et 1414 A du code général des impôts définissent, pour le premier, des plafonds de revenus et, pour le second, des montants d'abattements utilisés par une douzaine de régimes fiscaux dérogatoires, souvent peu lisibles pour les bénéficiaires.

S'il concerne, à l'origine, des impositions locales, le plafond de revenus défini à l'article 1417 est désormais également utilisé pour la liquidation de la contribution à l’audiovisuel public, de la CSG ou de la CRDS et, plus marginalement, pour l’impôt sur le revenu.

1.– Les exonérations et abattements de fiscalité locale concernés

Ces très nombreux régimes d’allègement s’organisent en trois niveaux.

● Certaines personnes de condition modeste (personnes reconnues indigentes, handicapées, invalides, veuves, âgées de plus de 60 ans...) peuvent bénéficier, au titre de leur habitation principale (14), d'une exonération totale :

– de taxe d'habitation (TH) ;

– de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) ;

– de taxe annuelle pour les résidences mobiles.

Ces exonérations sont automatiques, dès lors que le redevable satisfait à une condition de cohabitation (il doit occuper son logement seul, avec son conjoint ou encore avec des personnes comptées à charge, titulaires de l'allocation supplémentaire d’invalidité ou dont le montant du revenu fiscal de référence ne dépasse pas certaines limites) et à une condition de ressources :

– soit il est reconnu indigent par la commission communale des impositions directes, en accord avec l’agent de l’administration fiscale ;

– soit il bénéficie d'une allocation (de solidarité aux personnes âgées ou supplémentaire d’invalidité), elle-même sous plafond de revenus ;

– soit le revenu fiscal de référence, pour l’année précédente, de son foyer n’excède pas les limites définies au I de l'article 1417 du code général des impôts, à savoir : 10 024 euros pour la première part de quotient familial, majoré de 2 676 euros pour chaque demi-part supplémentaire (des plafonds majorés sont applicables dans les départements d'outre-mer).

On observera toutefois que l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties n'emporte pas celle de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (article 1521 du CGI).

● Lorsqu’elles n’entrent pas dans les catégories ouvrant droit à l’exonération, les personnes modestes peuvent tout de même bénéficier de mécanismes d’abattement (pour la TH), obligatoires ou facultatifs s’ils sont institués sur décision du conseil municipal ou du conseil de l’EPCI, et de dégrèvements (pour la TFPB) qui demeurent soumis aux mêmes conditions de cohabitation et de revenus du foyer (là encore, sur la base du plafond défini au I de l’article 1417).

Sont concernées :

– les personnes accueillant leurs ascendants, de plus de 70 ans ou infirmes, à faibles revenus (abattement obligatoire de 10 %, pouvant être complété par un abattement facultatif jusqu’à 15 %, de la valeur locative au titre de la TH) ;

– les personnes âgées de plus de 65 ans (dégrèvement d’office de 100 euros de TFPB) ;

– l’ensemble des personnes modestes (dégrèvement d’office égal à la fraction de TFPB supérieure à 50 % des revenus et, dans les communes concernées, abattement facultatif jusqu’à 15 % de la valeur locative au titre de la TH).

S’agissant de la TFPB, ces exonérations et dégrèvements bénéficient également aux personnes hébergées en maison de retraite ou en établissement de soins de longue durée, au titre de l’habitation qui constituait leur résidence principale, à condition toutefois qu’elles en conservent la jouissance exclusive.

● Enfin, les foyers modestes ne satisfaisant pas à la condition de revenus posée au I de l’article 1417, et qui n’entrent pas dans l’une des catégories exonérées sans condition de ressources, peuvent bénéficier d’un dégrèvement partiel de la TH si leur revenu fiscal de référence ne dépasse pas un second plafond, défini au II de ce même article : 23 572 euros pour la première part de quotient familial, majorée de 5 507 euros pour la première demi-part et 4 334 euros à compter de la deuxième demi-part supplémentaire. Là encore, des plafonds majorés sont prévus pour les départements d’outre-mer.

Si cette condition de ressource est satisfaite, le redevable de la TH bénéficiera d’un dégrèvement d’office de la fraction de cotisation excédant 3,44 % de ses revenus, diminués le cas échéant d’un abattement en fonction de la composition du foyer fiscal.

Dans un cas comme dans l’autre, la condition de ressources des I et II de l’article 1417 s’apprécie en fonction du montant des revenus de l’année précédente (IV du même article).

Le tableau ci-dessous détaille les différents régimes d’allègement de la fiscalité locale.

ALLÈGEMENTS DE FISCALITÉ LOCALE AU PROFIT DES MÉNAGES MODESTES
PAR IMPOSITION

Imposition

Public concerné

Type

Condition de ressources

Base juridique

Mesure proposée

dans le PLF 2013

Taxe d’habitation

(afférente à l’habitation principale)

Personnes reconnues indigentes par la CCID, d'accord avec l'agent de l'administration fiscale

Exonération

Non

2° du II de l'art. 1408 du CGI

Sans changement

Titulaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées ou de l'allocation supplémentaire d'invalidité

Exonération

Non

1° du I de l'art. 1414 du CGI

Sans changement

Personnes de condition modeste relogés en raison de la démolition de leur logement dans le cadre d’un projet conventionné par l’ANRU

Dégrèvement pendant 3 ans de la différence entre TH avant relogement et TH après

Non

V de l’art. 1414 du CGI

Sans changement

Titulaires de l’allocation adulte handicapé

Exonération

Oui

(I de l’art. 1417 du CGI)

bis du

I du 1414 du CGI

Hausse de 2 % du plafond de revenus

Abattement facultatif de 10 % de la valeur locative

Non

bis du II de l'art. 1411 du CGI

Sans changement

 

Personnes de plus de 60 ans, ainsi que les veufs ou les veuves, quel que soit leur âge

(y compris en cas de cohabitation avec leurs enfants majeurs si ceux-ci sont demandeurs d’emploi et respectent la condition de ressources)

Exonération

Dégrèvement

Oui

(I de l’art. 1417 du CGI)

Oui

(I de l’art. 1417 du CGI)

2° du

I de l'art. 1414 du CGI

IV de l'art. 1414 du CGI

Hausse de 2 % du plafond de revenus

Hausse de 2 % du plafond de revenus

Personnes atteintes d’une invalidité ou d’une infirmité les empêchant de subvenir par leur travail aux nécessités de l’existence

Exonération

Oui

(I de l’art. 1417 du CGI)

3° du

I du l'art. 1414 du CGI

Hausse de 2 % du plafond de revenus

Personnes accueillant leurs ascendants de plus de 70 ans ou infirmes, à faibles revenus

Abattement de 10 % de la valeur locative par personne à charge (15 % à partir de la 3e)

Abattement facultatif complémentaire jusqu'à 15 % de la valeur locative

Oui, pour les ascendants

(I de l’art. 1417 du CGI)

II et III de l'art. 1411 du CGI

Hausse de 2 % du plafond de revenus

 

Tous les autres redevables modestes

Dégrèvement d'office de la fraction de cotisation excédant 3,44 % des revenus, diminués d’un abattement en fonction du nombre de parts

Oui

(II de l’art. 1417 du CGI)

I de l'art.1414 A du CGI

a, b et c du I de l'art.1414 A du CGI

Hausse de 2 % du plafond de revenus

Revalorisation de 2 % des abattements

Abattement facultatif (jusqu'à 15 % de la valeur locative moyenne dans la commune)

Oui

(I de l’art. 1417 du CGI)

3. du II de l’art. 1411 du CGI + décision du conseil municipal

Hausse de 2 % du plafond de revenus

Taxe Foncière sur les Propriétés Bâties

(afférente à leur habitation principale)

Titulaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées ou de l'allocation supplémentaire d'invalidité

Exonération

Non

Art. 1390 du CGI

Sans changement

Personnes âgées de plus de 75 ans

– (résidence principale ET secondaire)

Exonération

Oui

(I de l’art. 1417 du CGI)

Art. 1391 du CGI

Hausse de 2 % du plafond de revenus fixé en art. 1417

Personnes âgées de plus de 65 ans (si non exonérées)

Dégrèvement d’office de 100 euros

Oui

(I de l’art. 1417 du CGI)

Art. 1391 B du CGI

Hausse de 2 % du plafond de revenus fixé en art. 1417

Tous les autres redevables modestes

• Dégrèvement égal à la fraction de la cotisation supérieure à 50 % des revenus

Oui

(I de l’art. 1417 du CGI)

Art. 1391 B ter du CGI

Hausse de 2 % du plafond de revenus fixé en art. 1417

Les personnes en EHPAD ou en établissement de soins de longue durée au titre de l'habitation qui constituait leur résidence principale, à condition d'en conserver la jouissance exclusive

Selon les cas :

Exonération

Non

Oui

(I de l’art. 1417 du CGI)

Oui

(I de l’art. 1417 du CGI)

Art. 1391 B bis du CGI

Sans changement

Exonération

Hausse de 2 % du plafond de revenus fixé en art. 1417

Dégrèvement de 100 euros

Hausse de 2 % du plafond de revenus fixé en art. 1417

Taxe annuelle due sur les résidences mobiles terrestres

Titulaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées ou de l'allocation supplémentaire d'invalidité

Exonération

Non

2° du III de l'art. 1013 du CGI

Sans changement

Les titulaires de l'allocation aux adultes handicapés

Exonération

Oui

3° du III de l'art. 1013 du CGI

Hausse de 2 % du plafond de revenus

Sollicité par le Rapporteur général, le ministère du Budget n’a pas été en mesure d’évaluer le nombre de bénéficiaires de ces dispositifs en faveur des ménages modestes.

2.– Les dégrèvements de la contribution à l’audiovisuel public (CAP)

L’article 1605 bis du code général des impôts assure, s’agissant des personnes modestes, une symétrie quasi-parfaite entre les dispositifs d’exonération de la TH et ceux assurant le dégrèvement total de la CAP. On sait d’ailleurs que pour les particuliers, le recouvrement, le contrôle et le contentieux relatifs à la CAP sont régis comme en matière de taxe d’habitation (7° de l’article 1605 bis).

En sens inverse, cela signifie que certains foyers modestes bénéficiant d’un abattement ou d’un dégrèvement partiel de TH (personnes accueillant leurs ascendants, redevables modestes dont les revenus sont compris entre les deux seuils des I et II de l’article 1417) ne sont pas dégrevés de la CAP.

Deux régimes spécifiques à la CAP viennent compléter les dégrèvements dont bénéficient les personnes modestes exonérées de TH :

– les personnes occupant dans les départements d’outre-mer un logement modeste, dont la valeur locative est inférieure à 40 % de la valeur locative moyenne dans la commune, sont dégrevées de la CAP sans condition de ressources ;

– les personnes sans revenus imposables (au sens du II de l’article 1414 A), notamment les bénéficiaires du RSA, sont également dégrevées de la CAP.

Il faut enfin rappeler que figurent parmi les dispositifs d’allègement de la CAP au profit des ménages modestes les deux régimes dits « des droits acquis », qui sont présentés en détail dans le commentaire de l’article 41 du projet de loi de finances. L’un concerne les personnes âgées modestes pour lesquelles la condition de ressources est remplacée par la non-imposition à l’IR et à l’ISF ; l’autre vise les foyers dont l’un des membres est handicapé, sous la condition de ressources définie au I de l’article 1417 modifié par le présent article.

Le tableau qui suit résume ces différents dispositifs.

ALLÈGEMENTS DE LA CONTRIBUTION À L’AUDIOVISUEL PUBLIC AU PROFIT DES MÉNAGES MODESTES

Imposition

Public concerné

Type

Condition
de
ressources

Base juridique

Mesure proposée

dans le PLF 2013

Contribution à l’audiovisuel public

Personnes reconnues indigentes par la CCID, d'accord avec l'agent de l'administration fiscale, qui sont exonérées de TH

Dégrèvement total

Non

2° du II de l'art. 1408

et 2° de l’art. 1605 bis du CGI

Sans changement

 

Titulaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées ou de l'allocation supplémentaire d'invalidité

Dégrèvement total

Non

1° du I de l'art. 1414

et 2° de l’art. 1605 bis du CGI

Sans changement

 

Titulaires de l’allocation adulte handicapé

Dégrèvement total

Oui

(I de l’art. 1417 du CGI)

1° bis du

I de l’art. 1414

et 2° de l’art. 1605 bis du CGI

Hausse de 2 % du plafond de revenus

 

Personnes de plus de 60 ans, ainsi que les veufs ou les veuves, quel que soit leur âge

(y compris en cas de cohabitation avec leurs enfants majeurs si ceux-ci sont demandeurs d’emploi et respectent la condition de ressources)

Dégrèvement total

Dégrèvement total

Oui

(I de l’art. 1417 du CGI)

Oui

(I de l’art. 1417 du CGI)

2° du

I de l'art. 1414

et 2° de l’art. 1605 bis du CGI

IV de l'art. 1414 du CGI

Hausse de 2 % du plafond de revenus

Hausse de 2 % du plafond de revenus

 

Personnes atteintes d’une invalidité ou d’une infirmité les empêchant de subvenir par leur travail aux nécessités de l’existence

Dégrèvement total

Oui

(I de l’art. 1417 du CGI)

3° du

I du l'art. 1414

et 2° de l’art. 1605 bis du CGI

Hausse de 2 % du plafond de revenus

 

Personnes occupant dans les départements d'outre-mer un immeuble dont la valeur locative n'excède pas 40 % (ou 50 % sur délibération de la commune) de la valeur locative moyenne des locaux d’habitation de la commune

Dégrèvement total

Non

Art. 1649 du CGI

Sans changement

 

Tous les autres redevables dont le montant des revenus est nul

(sont notamment concernés les bénéficiaires du RSA ne percevant aucun autre revenu)

Dégrèvement total

Oui

(absence de revenus tel que définis au II de l’art. 1414 A du CGI)

2° de l’art. 1605 bis du CGI

Sans changement

 

Personnes âgées de plus de 74 ans (au 1er janvier 2013), assujetties à la TH, mais qui bénéficiaient d’une exonération de CAP dans le régime antérieur à 2005

(régime dit « des droits acquis »)

Exonération

Non

(mais condition de non-imposabilité à l’IR et l’ISF)

3° de l’art. 1605 bis du CGI

Prorogation en 2013 du régime (article 41 du PLF)

 

Foyers dont l’un des membres est handicapé, assujettis à la TH, mais qui bénéficiaient d’une exonération de CAP dans le régime antérieur à 2005

(régime dit « des droits acquis »)

Exonération

Oui

(I de l’art. 1417 du CGI)

3° de l’art. 1605 bis du CGI

Prorogation en 2013 du régime (article 41 du PLF)

Hausse de 2 % du plafond de revenus (article 2 du PLF)

3.– Un effet direct sur la CSG et la CRDS

Au-delà de la fiscalité locale, les plafonds de revenus définis au I de l’article 1417 du code général des impôts ont servi de références pour instituer des mécanismes d’exonération et de taux réduit au titre soit de la contribution sociale généralisée (CSG), soit de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), soit des deux.

● Pour la CSG et la CRDS, conformément des 1° et 2° du III de l’article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, sont exonérées les pensions de retraite et d’invalidité ainsi que les allocations chômage perçues par les personnes dont le revenu fiscal de référence « de l'avant-dernière année » est inférieur ou égal aux plafonds du I de l’article 1417 du code général des impôts applicables en matière d'allègements de la taxe d'habitation, qui varient en fonction du nombre de parts de quotient familial.

● Pour la CSG exclusivement, en application du III de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, ces mêmes pensions et allocations sont soumises à la CSG au taux réduit de 3,80 % pour les personnes dont le revenu fiscal de référence de l'année précédente est inférieur au seuil de mise en recouvrement de l'impôt (article 1657-1 bis du code général des impôts : 61 euros) mais dont celui de l'avant-dernière année est supérieur aux mêmes seuils applicables en matière d'allègements de la taxe d'habitation.

4.– Un effet plus limité sur l'imposition des plus-values immobilières à l'IR

Même si l'enjeu budgétaire est plus limité, il faut également mentionner deux dispositifs d'exonération prévus à l'article 150 U du code général des impôts et qui s'appuient sur les dispositions de l'article 1417, concernant :

– l'ensemble des plus-values immobilières réalisées par les titulaires de pensions de vieillesse ou de la carte d'invalidité (III de l'article 150 U) ;

– les plus-values réalisées à l'occasion de la cession de leur ancienne résidence principale par les résidents des établissements d'accueil des personnes âgées ou handicapées (2° du I du même article) si celle-ci n'a pas été occupée depuis leur départ.

Dans les deux régimes, le bénéfice de l'exonération est subordonné à la non-imposition à l'ISF du redevable et à une condition de ressources : dans le premier cas, le revenu fiscal de référence de ce dernier ne peut excéder le plafond du I de l'article 1417 et, dans le second cas, le plafond plus élevé défini au II.

Sans souci d'exhaustivité, on signalera enfin que quelques dispositifs non fiscaux s'appuient aussi sur les I et II de l'article 1417 du code général des impôts et seront donc indirectement impactés par la revalorisation opérée au présent article : par exemple, l'article L. 221-19 du code monétaire et financier subordonne le bénéfice de primes lors de versements sur un plan d'épargne populaire à une telle condition de ressources.

B.– UNE REVALORISATION COHÉRENTE AVEC CELLE OPÉRÉE SUR LA DÉCOTE D'IMPÔT SUR LE REVENU ET PERMETTANT DE NEUTRALISER L'ÉROSION LIÉE À L'INFLATION

L'alinéa 2 du présent article opère une revalorisation de 2 % de l'ensemble des montants figurant aux I de l'article 1414 A et aux I et II de l'article 1417 du code général des impôts, qui servent de plafonds de ressources conditionnant une exonération ou un dégrèvement et des fractions d'abattement pour l'établissement d'impositions locales, de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), ou de la CSG/CRDS entre autres.

La formulation globale retenue manquant de lisibilité, ces montants chiffrés sont détaillés dans le tableau ci-après, pour ce qui concerne le principal plafond du I de l'article 1417.

EFFETS DE LA REVALORISATION DE 2 % SUR LA CONDITION DE RESSOURCES DU I
DE L'ARTICLE 1417 DU CGI

(Résidence en Métropole)

Nombre de parts pour le calcul
de l'impôt sur le revenu (IR)

Condition de ressources
2011 et 2012
(revenus 2010 et 2011)

Condition de ressources
2013
(revenus 2012)

1

10 024 €

10 224 €

1,25

11 362 €

11 589 €

1,5

12 700 €

12 954 €

1,75

14 038 €

14 318 €

2

15 376 €

15 684 €

2,25

16 714 €

17 048 €

2,5

18 052 €

18 413 €

2,75

19 390 €

19 778 €

3

20 728 €

21 143 €

Par demi-part supplémentaire

+ 2 676 €

2 730 €

Par quart de part supplémentaire

+ 1 338 €

1 365 €

Le présent article fixe à 2 % le niveau de revalorisation de ces plafonds et montants, soit le niveau de l'inflation prévisionnelle pour 2012. En effet, sur la période 2007-2011, ceux-ci avaient évolué comme la limite supérieure de la première tranche du barème de l’IR (III de l’article 1417), lui-même à peu près indexé sur l’inflation : ils étaient donc revalorisés, par décret de codification, chaque année N sur la base de l’évolution de l’indice des prix en N-1. En 2012 et en 2013, le gel du barème de l’IR a interrompu cette revalorisation automatique.

La revalorisation proposée, comme celle opérée à l’alinéa 1 en matière de décote d’IR qui va toutefois sensiblement plus loin, vise à combler le décalage dû au gel 2013 sur ces plafonds et montants, grâce à une revalorisation ponctuelle. Étant donné le coût de cette seule mesure (215 millions d’euros en année pleine), qui pèse notamment sur les organismes de la sécurité sociale, il n’a toutefois pas été possible de rattraper aussi les effets du gel 2012.

REVALORISATION DEPUIS 2007 DES MONTANTS DU I DE L'ARTICLE 1417 DU CGI

(Plafond pour une part)

Imposition en année N

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Plafond de revenus de l'année N-1 (du I de l'article 1417)

9 437 €

9 560 €

9 837 €

9 876 €

10 024 €

10 024 €

10 224 €

Taux de revalorisation

-

1,3 %

2,9 %

0,4 %

1,5 %

0,0 %

2,0 %

1ère tranche barème IR

5 614 €

5 687 €

5 852 €

5 875 €

5 963 €

5 963 €

5 963 €

Taux de revalorisation

-

1,3 %

2,9 %

0,4 %

1,5 %

0,0 %

0,0 %

Inflation

1,5 %

2,8 %

0,1 %

1,5 %

2,1 %

1,9 %

(Prév)

1,75 %

(Prév.)

L'évaluation préalable, qui accompagne cet article, évalue à 50 millions d'euros la perte de recettes pour les collectivités territoriales dès 2013 liée à la revalorisation de ces exonérations et abattements obligatoires, qui sont entièrement compensées par l'État. Le manque à gagner résultant des abattements facultatifs, décidés par les conseils municipaux ou intercommunaux et qui ne sont pas compensés, n'est en revanche pas chiffrée.

Interrogée par le Rapporteur général, la direction de la législation fiscale a fourni une répartition indicative de ce surcoût (41 millions d’euros supplémentaires en matière de TH pour un remboursement total de 3,2 milliards d’euros et 9 millions d’euros sur 700 millions d’euros en matière de TFPB). Elle n'a pas été en mesure de préciser l'effet de la revalorisation sur la CAP, qui devrait logiquement être compensé aux organismes de l'audiovisuel public ; on relèvera que le montant total remboursé atteint 438 millions d’euros en 2013, selon le programme annuel de performance Remboursement et dégrèvement annexé au projet de loi de finances.

Les organismes de la sécurité sociale, quant à eux, enregistreront une perte de recettes à compter de 2014, du fait du mode de calcul des exonérations et taux réduit qui retient les revenus de l'avant-dernière année. Le coût correspondant est estimé à 165 millions d'euros, sans compensation par l'État.

Ces estimations n’intègrent pas les modifications opérées par les articles 5, 6 et 10 du projet de loi de finances sur la définition du revenu fiscal de référence (IV de l’article 1417). Ainsi élargi, le nouveau RFR atteindrait plus rapidement les plafonds, même revalorisés, ce qui in fine réduirait le coût de la présente mesure.

*

* *

La Commission se saisit de l’amendement I-CF 89 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Voici un amendement « Ayrault ». Le Premier ministre a déclaré que les mesures fiscales ne concerneraient qu’un ménage sur dix : les « riches ». Mais, en rédigeant l’article 2, les services techniques n’ont pas respecté les consignes puisque, tel qu’il est, le système de décote qui ne touche que la première et la deuxième tranches met à l’abri non pas 90 % mais 80 % des foyers seulement. Je propose donc d’étendre la décote à la troisième tranche. Ceux qui voteront contre mon amendement sont contre le Premier ministre car mon amendement est conforme à sa parole.

M. le président Gilles Carrez. En donnant votre avis sur l’amendement, pouvez-vous, monsieur le rapporteur général, nous expliquer le fonctionnement de cette décote, et ses effets sur les foyers non imposables qui risquent de passer à la tranche à 5,5 %, sur ceux qui glissent de la tranche de 5,5 % à 14 % et sur ceux qui restent dans les tranches en question ; et nous indiquer le nombre de personnes concernées ?

M. le rapporteur général. Le gel du barème de l’impôt sur le revenu n’est une invention ni de M. Ayrault, ni de M. Hollande, puisque c’est vous qui l’avez voté et que nous l’avons combattu. Aujourd'hui, il est pourtant nécessaire, ne serait-ce qu’à cause de la situation budgétaire que vous nous laissez en héritage. La moitié des Français ne paie pas l’impôt sur le revenu. Alors, vous pouvez toujours courir les tribunes pour déclarer que le gel du barème de l’impôt concerne tout le monde. Quand vous l’avez décidé, je vous avais signalé que cette mesure aurait un impact considérable en assujettissant environ 170 000 foyers qui, jusque-là, ne payaient rien, avec pour conséquence de leur faire perdre le bénéfice d’exonérations comme celle de la contribution à l’audiovisuel public, de certains impôts locaux, ou de certaines prestations sociales.

Contrairement à vous, nous avons fait en sorte que, à revenu égal en euros constants, les contribuables appartenant aux deux premières tranches qui ne payaient pas d’impôt continuent de ne pas en payer. C’est un point capital. Nous avons même prévu de compenser le manque à gagner pour les collectivités territoriales, ce qui représente un coût non négligeable. En revanche, c’est vrai, les tranches les plus élevées paieront davantage. Je vous renvoie à mon rapport qui met en évidence l’effet redistributif extrêmement important des mesures relatives à l’impôt sur le revenu contenues dans ce projet de loi de finances : les Français des huit premiers déciles verront leur impôt stabilisé ou réduit, tandis que celui des autres tranches augmentera. Je n’épilogue pas sur le fait de savoir si c’est huit, ou neuf, Français sur dix qui seront épargnés.

M. Charles de Courson. Ce n’est pourtant pas une différence négligeable !

M. le rapporteur général. S’agissant de simulations sur des déclarations qui n’ont pas encore été faites, vous comprendrez qu’il y ait tout de même une marge d’incertitude. En tout cas, tout le monde n’est pas touché ! Il y aura même des gagnants, comme ceux qui bénéficient de faibles revenus du capital, et qui, jusqu’à présent, payaient le prélèvement libératoire. Et ils étaient très nombreux. Assujettis automatiquement au barème, ces revenus seront imposés à un taux inférieur.

M. le président Gilles Carrez. Quelles sont les deux premières tranches dont vous parlez ? Celles à 0 % et à 5,5 %, ou bien celles à 5,5 % et à 14 % ? Dans la seconde hypothèse, un contribuable qui est aujourd'hui dans la tranche à 14 % et qui y reste, bénéficie-t-il du dégel ? Non, d’après mon interprétation, si bien que ne seraient concernés que les tranches à 0 % et à 5,5 %, et les contribuables que l’augmentation nominale de leurs revenus ferait entrer dans la tranche à 14 %, pour la fraction correspondant à l’inflation. Mais je voudrais en être sûr.

M. le rapporteur général. Beaucoup de campagnes de communication entretiennent l’idée reçue selon laquelle la tranche à 14 % équivaudrait à une imposition à ce taux de l’ensemble des revenus, ce qui est évidemment faux, puisqu’il faut bien distinguer le taux marginal et le taux moyen.

Les tranches à 0 et à 5,5 %, monsieur le président, sont bien entendu préservées des effets du gel du barème. Sur la troisième tranche, la décote s’applique, après l’abattement de 10 %, à partir de 16 400 euros pour un célibataire sans enfants et 25 900 euros pour un couple sans enfants. Ces revenus constituent donc le plafond jusqu’auquel les contribuables seront préservés du gel du barème.

M. Hervé Mariton. Au vu des informations que vous venez de donner, monsieur le rapporteur général, on a du mal à considérer que seuls les Français les plus favorisés sont touchés : voilà qui a au moins le mérite de la clarté.

Depuis plusieurs semaines, vous prospérez sur une ambiguïté : beaucoup de Français ont en effet compris que les contribuables relevant des deux premières tranches – respectivement à 5,5 et 14 % – seraient préservés des effets du gel du barème par le jeu de la décote. Or vous venez de confirmer que la première tranche, pour vous, est celle qui commence à 0 %.

Vous avez aussi rappelé que plus de la moitié de nos concitoyens ne payaient pas d’impôt sur le revenu et que, sur cette moitié, une faible minorité devenait imposable en raison du gel. Pour la majorité des autres, la question de la décote ne se pose donc pas ! Dans ces conditions il me semble pour le moins paradoxal que vous vous en prévaliez.

Enfin, un grand nombre de nos concitoyens ont parfaitement compris la différence entre taux marginal et taux moyen : entendriez-vous les habituer à l’idée que ces deux taux ne fassent plus qu’un ?

M. Pierre-Alain Muet. Je conçois que l’opposition joue son rôle. Mais qui, sinon l’ancienne majorité, a instauré le gel du barème sans se préoccuper des contribuables concernés ? Nous proposons, pour notre part, de relever substantiellement la décote existante : c’est là une mesure de justice qui s’inscrit dans la logique de ce PLF.

Pourquoi, selon vous, sommes-nous obligés de réduire les déficits de 30 milliards d’euros ? Parce que, pendant cinq ans, le déficit structurel français est resté compris entre 3,3 % et 4,8 % du PIB – voire au-delà –, ce qui est du jamais vu. Je vous invite donc à un peu de modestie.

J’ajoute que les mesures que nous proposons engagent une vraie réforme fiscale, notamment sur le « mitage » qui empêche la progressivité de notre système d’imposition, qu’il s’agisse de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés. Enfin, la suppression de prélèvements libératoires ou obligatoires contribuera elle aussi, lorsqu’on analyse ses effets, à la justice fiscale.

Nous reparlerons de tout cela dans l’hémicycle, mais l’ancienne majorité ne peut oublier ce qu’elle a fait en cinq ans.

M. Henri Emmanuelli. Il est regrettable que l’on ne puisse taxer la mauvaise foi : cela réglerait les problèmes d’endettement de notre pays ! Depuis un bon quart d’heure, l’ancienne majorité critique ce qu’elle a elle-même instauré l’an dernier. J’aimerais, monsieur le président, que vous jouiez votre rôle : le président doit présider et ne pas prendre longuement la parole sur chaque amendement. Les débats que vos propos suscitent ne permettront assurément pas d’accélérer les choses.

M. Dominique Lefebvre. Je n’ai jamais vu une assemblée travailler ainsi : l’opposition donne une image détestable !

M. le président Gilles Carrez. Les propos de M. Emmanuelli ne méritent pas de commentaires.

M. Olivier Carré. J’assume, pour ma part, le gel du barème voté l’an dernier, car il constitue une mesure de recettes structurelle.

Combien de contribuables sont concernés, d’une part, par la prise en compte des revenus financiers dans le barème, et d’autre part, par l’intégration des heures supplémentaires dans l’assiette de l’impôt sur le revenu ? Selon moi, cette dernière mesure touchera, pour une large part, les personnes relevant des premières tranches, et même celles qui jusqu’alors ne payaient pas l’impôt sur le revenu. J’aimerais savoir combien.

M. Nicolas Sansu. Chacun sait que le gel du barème n’est pas une bonne solution. Nous devrions, à mon sens, alléger le barème et instaurer de nouvelles tranches afin de compenser le milliard d’euros en moins qu’induit l’application du gel à partir de la troisième tranche. C’est le sens d’un amendement que nous défendrons en séance ; je suis sûr que tous nos collègues de gauche sauront le comprendre.

M. Laurent Grandguillaume. Le gel du barème s’est traduit par une double peine pour les contribuables concernés, puisqu’ils ont aussi perdu certains avantages, qu’il s’agisse, par exemple, des tarifs et des bourses scolaires ou des transports.

Je rappelle que c’est la loi TEPA qui avait intégré les heures supplémentaires dans le revenu fiscal de référence. Cela signifiait, là encore, une double peine pour certains de nos concitoyens, qui avec cette mesure ont perdu une partie de leur prime pour l’emploi.

M. Christophe Castaner. Selon un adage du droit pénal français, « Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ». De fait, l’éthique devrait conduire l’opposition à davantage de modestie.

Un autre principe de notre droit dit que la loi pénale plus douce s’applique à tous : ce sera bien le cas, puisque les mesures dont nous parlons bénéficieront à plus de 7,3 millions de Français. J’invite donc l’opposition à la modestie et à la retenue, dans sa propension à nous reprocher de ne pas supprimer assez vite ce qu’elle a mis en œuvre au cours des dix dernières années.

M. le rapporteur général. Comme on vient de le rappeler, 7,386 millions de contribuables bénéficieront de la décote. Il s’agit bien entendu, monsieur Carré, des estimations actuelles, compte tenu des mesures relatives aux heures supplémentaires, décidées dans le cadre de la dernière loi de finances rectificative. J’ajoute que, parmi les contribuables évoqués, 306 000 ne seront plus imposables grâce à la revalorisation de la décote, alors qu’ils l’étaient jusqu’alors.

Il est possible que quelques petits épargnants soient concernés par l’inclusion des revenus du capital dans l’assiette ; mais la plupart d’entre eux seront gagnants dès lors qu’ils s’acquitteront d’une imposition calculée sur la base d’un taux moyen inférieur à celui des taux forfaitaires auxquels ils étaient soumis.

M. Charles de Courson. Les informations données par le rapporteur général sont plus précises que celles qui figurent dans l’étude d’impact.

La suppression des exonérations applicables aux heures supplémentaires touche 8 millions de personnes, dont environ la moitié ne sont pas imposables : combien d’entre elles le deviendront – environ 2 millions, selon mes propres estimations –, et combien d’autres échapperont à l’imposition grâce à la décote ? J’aimerais que vous indiquiez ces chiffres dans votre rapport, monsieur le rapporteur général, car les contribuables visés par vos simulations sont les premiers bénéficiaires des heures supplémentaires.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF 88 de M. Charles de Courson.

M. Philippe Vigier. Cet amendement vise, là encore, à traduire dans les actes les propos du Premier ministre selon lesquels 90 % de nos concitoyens échapperont à l’alourdissement de la fiscalité.

Page 40 du projet de loi de finances, monsieur le rapporteur général, il est écrit, s’agissant de l’impôt sur le revenu, que « l’augmentation de la décote de 9 % bénéficiera à 7,386 millions de contribuables », sur un total de 18 millions. En d’autres termes, 10,6 millions de contribuables seront touchés par les hausses d’impôt, c’est-à-dire non pas 10 % mais 30 %. Il est tout aussi faux de prétendre que vous réduirez le coût des niches fiscales de 50 milliards d’euros. Bref, nous vous rappelons à cette cohérence au nom de laquelle vous donniez des leçons à l’ancienne majorité.

M. Olivier Faure. M. de Courson n’a pas répondu à ma question sur les dépenses fiscales, et je vois que le présent amendement tend à créer, en vue de compenser les pertes de recettes, une taxe additionnelle. Allez au bout de votre logique : à quels contribuables pensez-vous, si vous ne souhaitez pas que les premières tranches soient visées ? Nous pourrions tomber d’accord, ce qui permettrait d’accélérer nos débats.

M. le rapporteur général. L’amendement participe du même esprit que le précédent. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement I-CF 182 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Je propose de revaloriser de 2 % – c’est-à-dire le taux de l’inflation – le plafond d’imposition à partir duquel les contribuables sont affranchis de l’impôt sur le revenu, ainsi que les abattements en faveur des personnes âgées modestes. Cet amendement éviterait d’assujettir à l’impôt sur le revenu des personnes qui ne le sont pas : il bénéficierait donc aux plus modestes.

M. Charles de Courson. Cet amendement est sympathique, mais combien de personnes touche-t-il, et quel est son coût ?

M. le rapporteur général. Je ne puis à ce stade vous donner le nombre exact de personnes concernées, mais le coût, s’il n’est pas parfaitement connu, reste limité.

La Commission adopte l’amendement (Amendement n° I–64).

Puis elle adopte l’article 2 ainsi modifié.

*

* *

Article 3

Création d’une tranche supplémentaire au barème progressif de l’impôt sur le revenu

Texte du projet de loi :

Le 1 du I de l’article 197 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le cinquième alinéa est complété par les mots : « et inférieure ou égale à 150 000 € ; »

2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé : « 45 % pour la fraction supérieure à 150 000 € ; ».

Observations et décision de la Commission :

Le présent article introduit une nouvelle tranche marginale au barème progressif de l’impôt sur le revenu visant à imposer à hauteur de 45 % la fraction des revenus supérieure à 150 000 euros par part de quotient familial.

Cette mesure poursuit un double objectif de renforcement de la progressivité de l’impôt et de répartition équitable de l’effort supplémentaire en matière d’imposition des ménages à concéder pour respecter l’objectif de réduction du déficit public fixé à 3 % en 2013.

Elle participe en cela à la réforme d’ampleur de l’impôt sur le revenu souhaitée par le Gouvernement et dont les principaux aspects tiennent en la « barémisation » de la majeure partie des revenus du capital imposés à des taux forfaitaires, à l’abaissement du plafonnement global de l’avantage lié à certaines dépenses fiscales et à la réduction de l’avantage tiré du quotient familial pour les contribuables les plus aisés.

Le rendement attendu de cette mesure, applicable à compter de l’imposition des revenus de 2012, est de 320 millions d’euros par an.

I.– LE BARÈME PROGRESSIF DE L’IMPÔT SUR LE REVENU EN VIGUEUR

A.– PRÉSENTATION DES CARACTÉRISTIQUES ACTUELLES DU BARÈME DE L’IMPÔT SUR LE REVENU

1.– Un barème progressif en faveur de la redistribution verticale

La progressivité de l’imposition des personnes a été érigée en principe constitutionnel par la décision du Conseil constitutionnel n° 93-320 du 21 juin 1993 relative à la loi de finances rectificative pour 1993.

Ce principe découle de celui de l’égalité des contribuables devant les charges publiques énoncé à l’article 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 selon lequel « pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».

Le législateur a donc pour obligation « de déterminer, dans le respect de ces principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives des contribuables » et de garantir « le caractère progressif du montant de l'imposition globale du revenu des personnes physiques » (15).

En matière d’impôt sur le revenu, la progressivité de l’imposition repose sur plusieurs outils, dont le principal est le barème progressif. L’ensemble de ces outils (au titre desquels on peut également citer la décote, les crédits d’impôt et les abattements en faveur des contribuables modestes) assure la progression du montant de l’imposition à mesure que les revenus augmentent.

Le barème de l’impôt se distingue toutefois des autres outils visant à garantir la progressivité de l’impôt en ce qu’il conditionne le calcul initial de l’impôt sur le revenu en proposant cinq taux d’imposition distincts et croissants à mesure que la fraction de revenu qui leur est soumise augmente. Il ne s’agit donc pas d’une correction apportée à l’impôt, mais de sa structure fondamentale, dont la valeur symbolique est importante et répond le plus directement aux principes constitutionnels précédemment mentionnés.

En théorie, la redistribution verticale qui en découle tient en ce que l’impôt issu de l’application du barème modifie la répartition initiale des revenus au détriment des contribuables les plus aisés. En effet, la progressivité de l’impôt repose sur le principe selon lequel les capacités contributives sont réputées augmenter plus que proportionnellement au revenu, dans la mesure où l’utilité marginale du revenu décroît à partir d’un certain niveau. En conséquence, il apparaît justifié que les contribuables aisés s’acquittent d’un montant d’impôt proportionnellement plus important par rapport à leur revenu que les contribuables plus modestes.

2.– Modalités d’application du barème de l’impôt sur le revenu

Le barème progressif de l’impôt sur le revenu s’applique au revenu net global. Ce dernier correspond au revenu net imposable des foyers fiscaux, apprécié en fonction des propriétés et des capitaux que possèdent leurs membres, des professions qu’ils exercent, des traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent, ainsi que de l’ensemble des bénéfices réalisés au travers d’opérations lucratives, minoré d’un certain nombre de déductions mentionnées à l’article 156 du code général des impôts. Ce revenu est divisé par un nombre de parts de quotient familial déterminé en fonction de la situation et des charges de famille du contribuable (16).

Au revenu correspondant à une part est alors appliqué le barème progressif dont les taux sont définis à l’article 197 du code général des impôts comme suit :

BARÈME PROGRESSIF APPLICABLE AUX REVENUS DE 2011 ET DE 2012 (17)

Fraction du revenu imposable par part

Taux

Inférieure à 5 963 euros

0 %

Supérieure à 5 963 euros et inférieure ou égale à 11 896 euros

5,5 %

Supérieure à 11 896 euros et inférieure ou égale à 26 420 euros

14 %

Supérieure à 26 420 euros et inférieure ou égale 70 830 euros

30 %

Supérieure à 70 830 euros

41 %

Le montant de l’imposition obtenu est alors multiplié par le nombre de parts dont bénéficie le contribuable.

Exemples :

 Un contribuable marié avec deux enfants à charge, et disposant à ce titre de trois parts de quotient familial, perçoit un revenu de 70 000 euros avant déduction de ses frais professionnels et de 63 000 euros après déduction de ces frais. Ce revenu est divisé par trois afin d’obtenir le revenu auquel s’applique le barème, soit 21 000 euros.

Le contribuable s’acquittera d’un montant nul au titre de la première tranche (qui fonctionne comme un abattement en base), de 326 euros au titre de la deuxième tranche (soit la fraction de revenu contenue dans cette tranche multipliée par le taux en vigueur : 5 933 x 5,5 %) et de 1 275 euros au titre de la troisième tranche (soit, selon le même mécanisme, 9 104 x 14 %). Le montant de son imposition au titre d’une part de quotient familial est donc de 1 601 euros.

Ce montant est ensuite multiplié par le nombre de parts dont bénéficie ce contribuable de sorte à obtenir un niveau d’imposition final de 4 803 euros (soit 1 601 x 3). Si le taux marginal d’imposition de ce contribuable est de 14 %, son taux moyen d’imposition, indiqué sur son avis d’imposition, n’est que de 7,62 %.

 Un contribuable ayant une situation et des charges de famille identiques dispose d’un revenu de 140 000 euros avant déduction des frais professionnels et de 126 000 euros après déduction de ces frais. Ce revenu est divisé par trois afin d’obtenir le revenu auquel s’applique le barème, soit 42 000 euros.

Ce contribuable s’acquittera d’un montant nul au titre de la première tranche, de 326 euros au titre de la deuxième tranche, de 2 033 euros au titre de la troisième tranche et de 4 674 euros au titre de la quatrième tranche. Le montant de son imposition au titre d’une part de quotient familial est donc de 7 033 euros.

Ce montant est ensuite multiplié par le nombre de parts dont bénéficie ce contribuable afin d’obtenir l’imposition brute résultant du barème, soit 21 099 euros (7 033 x 3). Toutefois, le plafonnement du quotient familial vient majorer l’imposition finale du contribuable de sorte que l’avantage en impôt qu’il retire de chacune des deux demi-parts dont il dispose ne soit pas supérieur à 2 336 euros. Pour cela, il faut calculer l’impôt dont se serait acquitté le contribuable au titre de deux parts de quotient conjugal (soit 26 667 euros) et minorer ce montant de l’avantage maximum que peuvent procurer deux demi-parts supplémentaires, soit 4 672 euros (2 336 x 2).

À l’issue de ces différentes opérations, le montant d’imposition du contribuable est donc de 21 995 euros. Son taux marginal d’imposition est de 30 % et son taux moyen d’imposition, indiqué sur son avis d’imposition, est de 17,46 %.

Au regard de ces deux exemples, on constate ainsi que le taux moyen d’imposition évolue plus que proportionnellement au revenu à mesure que celui-ci augmente, mais qu’il demeure toujours très sensiblement inférieur, par construction, au taux marginal d’imposition.

Toutefois, l’application du barème progressif n’est qu’une étape particulière d’un processus de détermination de l’impôt plus complexe. En effet, un certain nombre de corrections sont apportées au montant brut d’imposition ainsi calculé en fonction des charges de famille du contribuable, de sa situation personnelle ou des investissements qu’il a réalisés au cours de l’année de réalisation de ses revenus. Le taux moyen résultant du barème progressif est ainsi amené à évoluer en fonction de ces corrections.

Le schéma ci-après permet de retracer les différentes étapes de calcul de l’impôt sur le revenu.






Au regard de ces différentes étapes, on peut constater que la progressivité du barème ne permet pas d’assurer seule la progressivité globale de l’impôt sur le revenu et une redistribution verticale efficace, alors même que les taux d’imposition et les seuils de revenus concernés ont eu tendance à baisser, que l’assiette des revenus soumis au barème est réduite et que de nombreuses niches fiscales ont été introduites avec pour effet de minorer l’imposition des contribuables.

3.– Un impôt sur le revenu de moins en moins progressif du fait de ses réformes successives et de l’introduction de mesures réduisant son rendement

a) La baisse tendancielle du nombre de tranches du revenu imposé

Depuis 1985, le barème de l’impôt sur le revenu a connu une baisse constante (18) du nombre des tranches de revenus imposés (qui est ainsi passé de 13 tranches en 1982 à 5 tranches à compter de 2006) et des taux marginaux qui leur sont appliqués (de 65 % en 1982 à 41 % en 2011). Le tableau suivant illustre cette tendance pour la période récente :

PLAN DE BAISSE DU BARÈME DE L’IMPÔT SUR LE REVENU
AU TITRE DE L’IMPOSITION DES REVENUS DE 1999 À 2002

(en euros)

1999

2000

2001

2002

Limites inférieures

Taux (%)

Limites inférieures

Taux (%)

Limites inférieures

Taux (%)

Limites inférieures

Taux (%)

4 055

8,25

4 121

7,50

4 191

7,05

4 262

6,83

7 976

21,75

8 104

21,00

8 242

19,74

8 382

19,14

14 039

31,75

14 264

31,00

14 506

29,14

14 753

28,26

22 732

41,75

23 096

41,00

23 489

38,54

23 888

37,38

36 987

47,25

37 579

46,75

38 218

43,94

38 868

42,62

45 612

53,25

46 343

52,75

47 131

49,58

47 932

48,09

RÉFORME DU BARÈME DE 2006 APPLICABLE
À COMPTER DE L’IMPOSITION DES REVENUS DE 2005

(en euros)

2005

2006

Limites inférieures

Taux
(%)

Limites inférieures

Taux
(%)

4 412

6,83

5 615

5,50

8 678

19,14

11 198

14

15 225

28,26

24 872

30

24 731

37,38

66 679

40

40 241

42,62

-

-

49 624

48,09

-

-

RÉFORME DU BARÈME DE 2011

(en euros)

2010

2011

Limites inférieures

Taux
(%)

Limites inférieures

Taux
(%)

5 875

5,50

5 963

5,50

11 720

14

11 896

14

26 030

30

25 420

30

69 783

40

70 830

41

Parmi les dernières réformes du barème de l’impôt sur le revenu, la réforme de simplification du barème et d’allègement de l’imposition de l’ensemble des contribuables applicable aux revenus perçus en 2006 (19) permet de représenter les effets négatifs de la réduction des taux d’imposition sur la progressivité en haut de barème. Cette réforme reposait sur une réduction du nombre de tranches et sur l’intégration de l’abattement de 20 % dans le barème (qui s’est traduite par une baisse de 20 % des taux). La suppression de cet abattement ne s’est toutefois pas accompagnée de mesures visant à neutraliser la suppression du plafonnement de cet avantage qui fonctionnait comme une huitième tranche pour les contribuables concernés. La répartition du gain de la réforme s’est donc faite en faveur des contribuables les plus aisés. Les contribuables appartenant au dernier décile de RFR en 2005 ont ainsi bénéficié au total d’un peu plus de 60 % de l’allègement d’impôt opéré par la réforme (soit 2,3 milliards d’euros sur une enveloppe globale dédiée à la réforme de 3,6 milliards d’euros).

Cet exemple d’atténuation récente des effets du barème sur la progressivité de l’imposition des ménages contribue à expliquer le constat dressé par le Conseil des prélèvements obligatoires dans un rapport de mai 2011, intitulé « Prélèvements obligatoires sur les ménages : progressivité et effets redistributifs », selon lequel, si le taux d’effort (20) associé à l’impôt sur le revenu avant application des niches fiscales est resté stable depuis le début de la décennie pour les ménages appartenant aux cinq premiers déciles (notamment parce qu’ils sont demeurés peu ou pas imposables), celui-ci a baissé à mesure que le niveau des revenus des contribuables augmente et ce de façon sensible pour les contribuables disposant des plus hauts revenus.

IMPÔT SUR LE REVENU (HORS AVANTAGES FISCAUX) :
TAUX D’EFFORT SOUS LES LÉGISLATIONS DE 1990, 1998 ET 2009,
PAR DÉCILES DE NIVEAU DE VIE DE RÉFÉRENCE

Lecture : En 2009, l’impôt sur le revenu (hors réductions d’impôt) acquitté par les personnes du 7ème décile (D7) représente 3,8 % de leur niveau de vie, contre 4,3 % sous la législation 1998 et 4,7 % sous la législation 1990

Note : les avantages fiscaux, exclus des calculs, correspondent aux dispositifs d’abattements, de réduction et de crédit d’impôt. Le niveau de vie correspond au rapport du revenu de référence du ménage sur le nombre d’unités de consommation qui le composent

Source : Rapport CPO Prélèvements obligatoires sur les ménages progressivité & effets redistributifs, mai 2011

Le relèvement de la tranche marginale de l’impôt sur le revenu de 40 % à 41 % par l’article 6 de la loi de finances pour 2011 (21) afin de financer une partie de la réforme des retraites adoptée en 2010, constitue la première hausse du taux marginal de l’impôt sur le revenu intervenue depuis l’imposition des revenus de 1982 (le taux marginal avait alors été porté de 60 % à 65 %). Il ne s’agit cependant que d’une correction à la marge des allègements d’impôt votés sous les précédentes législatures qui ne saurait remettre en cause le constat formulé par le Conseil des prélèvements obligatoires.

Cependant, la moindre progressivité de l’impôt sur le revenu ne s’explique pas seulement par la baisse des taux marginaux du barème de l’impôt sur le revenu. La multiplication des avantages fiscaux venant minorer le montant de l’imposition et des modalités particulières du calcul de l’impôt reposant sur l’application de taux forfaitaires a également entraîné une perte de progressivité de l’impôt.

b) L’effet de la dépense fiscale sur la progressivité de l’impôt sur le revenu

Depuis les années 1990, le nombre de réductions d’impôt et de crédits d’impôt a fortement augmenté. Sur la seule décennie 2002-2012, 21 nouvelles niches fiscales ont été créées (on en comptait ainsi 176 en 2002 contre 196 en 2012). Or, l’avantage en impôt retiré de ces dispositifs est très différent selon le décile de revenu auquel le contribuable appartient. Ainsi, les déciles supérieurs sont d’autant plus fortement incités à réduire leur imposition qu’ils disposent des moyens d’actionner les niches fiscales et qu’ils peuvent maximiser le montant de l’avantage obtenu. Selon le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires précité, les contribuables appartenant au dernier décile concentrent ainsi 62 % des réductions d’impôt. Au contraire, les contribuables appartenant aux quatre premiers déciles bénéficient en moyenne de moins d’un quart du montant de réductions d’impôt auquel ils pourraient prétendre, en raison de la faiblesse de leur imposition. Hors PPE (prime pour l’emploi), les crédits d’impôt auraient également un impact régressif puisqu’ils bénéficient pour 63 % aux 20 % des contribuables les plus aisés (48 % si l’on inclut la PPE).

Exemple : Un couple marié disposant de 60 000 euros de revenus de retraite, au titre desquels il devrait s’acquitter d’un impôt de 5 770 euros, a recours à des services à domicile (au titre de travaux ménagers, de travaux de jardinage et de la réparation de leur télévision) pour un montant annuel de 10 000 euros. Ces dépenses lui ouvrent droit à une réduction d’impôt de 50 %, soit de 5 000 euros. Par conséquent, l’imposition de ce contribuable ne sera plus que de 770 euros et son taux moyen d’imposition de 1,36 % (au lieu de 9,62 %).

Un couple marié disposant de 27 500 euros de revenus de retraite au titre desquels il devrait acquitter un impôt de 750 euros a recours au même montant annuel de dépenses fiscales (au titre de travaux ménagers et de travaux d’appareillage de leur résidence pour la réception de la télévision). Il bénéficie donc de 5 000 euros de réduction d’impôt, imputable toutefois à hauteur de l’imposition due car il ne peut bénéficier d’un crédit d’impôt. Le contribuable annule ainsi son imposition, mais bénéficie d’un moindre avantage au regard des sommes qu’il a versées qu’un contribuable plus aisé. Son taux moyen d’imposition est donc nul (contre 2,69 %).

Si ces deux contribuables constatent la baisse de leur taux moyen d’imposition et donc de la progressivité de l’impôt qui leur est appliqué, cette baisse est plus sensible pour celui bénéficiant de revenus élevés que pour le plus modeste. L’incitation à certains comportements ou investissements favorisés par la dépense fiscale n’est donc pas la même selon le niveau de revenu dont disposent les contribuables.

Face à ce constat, de nombreuses mesures d’encadrement de la dépense fiscale ont été adoptées en application des conclusions du rapport d’information de l’Assemblée nationale sur les niches fiscales de 2008 (22) (à l’instar du plafonnement des réductions d’impôt dont l’avantage n’était pas limité ou de l’introduction d’un plafonnement global de l’avantage lié à l’utilisation de certaines niches dont le niveau actuel est de 18 000 euros majoré d’un montant équivalent à 4 % des revenus imposables du contribuable).

Toutefois, l’avantage en impôt issu de la dépense fiscale demeure important pour les contribuables qui disposent de revenus suffisants pour en bénéficier.

c) L’effet du fractionnement de l’assiette de l’impôt sur le revenu et de l’application de taux forfaitaires sur la progressivité de cet impôt

L’impôt sur le revenu a pour particularité d’imposer différemment les revenus selon leur nature. Ainsi, une partie conséquente de l’assiette de l’impôt échappe au barème progressif du fait de mesures spécifiques d’exonération ou de l’application de prélèvements forfaitaires libératoires et de taux forfaitaires.

Dans ce dernier cas, l’avantage retiré du fractionnement de l’assiette imposable est à la fois lié à l’application de taux plus favorables que les deux taux marginaux les plus élevés du barème et à l’imposition des revenus demeurés au barème à un taux moyen inférieur à celui qui leur aurait été appliqué si l’ensemble des revenus avaient été soumis au barème.

Exemple : Un contribuable célibataire bénéficie de 80 000 euros de salaires et de 20 000 euros de gains de cessions de valeurs mobilières. Il est imposé au titre de son salaire au barème de l’impôt sur le revenu à hauteur de 16 162 euros et au titre de ses gains au taux proportionnel de 19 % à hauteur de 3 800 euros. Son imposition finale est donc de 19 962 euros et son taux moyen d’imposition est de 21,70 %.

Si l’ensemble des revenus de ce contribuable avait été imposé au barème progressif, l’imposition due aurait été de 23 542 euros et son taux moyen aurait été de 26,16 %.

Si le contribuable n’avait bénéficié que de 80 000 euros de salaires, son imposition aurait été de 16 162 euros et son taux moyen d’imposition de 22,45 %.

Deux constats découlent de ces exemples :

– le contribuable voit son taux moyen d’imposition fortement baisser si une partie de son revenu est imposée à des taux forfaitaires, tant que ces derniers sont inférieurs à son taux marginal d’imposition au barème ;

– son imposition est proportionnellement moins élevée s’il dispose de revenus imposés aux taux forfaitaires que celle qui aurait été la sienne s’il avait perçu moins de revenus, mais que l’ensemble de ces revenus avait été imposé au barème.

Par conséquent, pour des niveaux de revenus élevés, la progressivité globale de l’impôt sur le revenu peut être sensiblement atténuée du fait de l’application de ces taux forfaitaires, dont c’est l’objet même.

Afin de compenser pour partie les effets de ces modalités particulières d’imposition des revenus du capital, une contribution exceptionnelle sur le revenu fiscal de référence (RFR) a été introduite à l’article 2 de la loi de finances pour 2012 (23) de sorte à imposer à hauteur de :

– 3 % de la fraction du RFR supérieure à 250 000 euros et inférieure ou égale à 500 000 euros pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés et la fraction de RFR supérieure à 500 000 euros et inférieure ou égale à 1 000 000 euros pour les contribuables soumis à imposition commune ;

– 4 % de la fraction de RFR supérieure à 500 000 euros pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés et la fraction de RFR supérieure à 1 000 000 euros pour les contribuables soumis à imposition commune.

L’objectif recherché par l’introduction de cette nouvelle imposition, fondée sur une assiette de revenus large, était d’imposer de la même façon l’ensemble des revenus du contribuable quelle que soit leur nature à partir d’un niveau de revenu global élevé et de compenser ainsi la faible progressivité de l’impôt sur le revenu pour les contribuables aisés.

Toutefois, si cette contribution avait pour mérite de se fonder sur le revenu le plus représentatif de la richesse réelle des contribuables (le RFR comprenant la plupart des revenus et des plus-values retenus pour l’établissement de l’impôt sur le revenu, majorés pour certains de leurs montants exonérés ou abattus en application de l’article 1417 du code général des impôts), elle ne résout pas les effets négatifs sur la progressivité globale de l’imposition des foyers fiscaux du fractionnement de l’assiette de l’impôt sur le revenu et des modalités dérogatoires d’imposition.

4.– Une progressivité de l’impôt ralentie en haut de barème ou annulée pour les revenus les plus élevés

Les graphiques ci-dessous permettent d’apprécier l’évolution de la progressivité globale de l’impôt sur le revenu, compte tenu des remarques précédentes sur les particularités de cet impôt.

PROGRESSION DES TAUX MOYENS D’IMPOSITION DES CONTRIBUABLES RÉPARTIS PAR TRANCHES DE 5 % DE RFR (Y COMPRIS PFL)

La progressivité globale de l’impôt sur le revenu pour l’ensemble des contribuables est vérifiée. Toutefois, cette progressivité aura tendance à ralentir à partir d’un niveau de revenus élevés au titre desquels les contribuables recourent davantage à la dépense fiscale ou aux taux forfaitaires et ce, à mesure que leurs revenus augmentent.

PROGRESSION DES TAUX MOYENS D’IMPOSITION DES CONTRIBUABLES SOUMIS AU TAUX MARGINAL DE 41 % (PFL COMPRIS), RÉPARTIS PAR DÉCILES

La progressivité peut même décroître à partir des plus hauts niveaux de revenus, comme l’illustre le graphique suivant :

PROGRESSION DES TAUX MOYENS D’IMPOSITION DES 100 000 CONTRIBUABLES
LES PLUS AISÉS (Y COMPRIS PFL)

C’est pourquoi le Gouvernement a souhaité remédier aux principales causes de la moindre progressivité de l’impôt en proposant une réforme d’ampleur de l’impôt sur le revenu.

II.– L’INTRODUCTION D’UNE NOUVELLE TRANCHE DE BARÈME À L’IMPÔT SUR LE REVENU

1.– Modalités d’application de la nouvelle tranche

Le présent article introduit une nouvelle tranche marginale au barème progressif de sorte que celui-ci devrait désormais être fixé comme suit :

BARÈME PROGRESSIF APPLICABLE AUX REVENUS 2012 APRÈS RÉFORME

Exemple : un contribuable célibataire qui bénéficie de 200 000 euros de salaires au titre de 2012 sera imposé à hauteur de 64 271 euros contre 62 838 euros avec le barème applicable aujourd’hui (+ 2,2 %).

L’augmentation de l’imposition ne créera pas de ressauts d’imposition importants jusqu’à un certain niveau de revenu. À partir de revenus élevés, le ressaut est plus sensible : l’imposition augmente de plus de 5 % à compter de 300 000 euros pour un célibataire et de 600 000 euros pour un couple.

RÉPARTITION PAR DÉCILES DE RFR DES FOYERS FISCAUX SOUMIS À L’IMPÔT SUR LE REVENU À LA TRANCHE MARGINALE À 45 % AU-DELÀ DE 150 K€

Quantile

borne inférieure de RFR

Borne supérieure de RFR

effectif

Perte moyenne pour le contribuable

1

172 665 €

6 579

– 624 €

2

172 665 €

209 586 €

6 579

– 1 726 €

3

209 586 €

267 922 €

6 579

– 2 831 €

4

267 922 €

319 087 €

6 579

– 2 455 €

5

319 087 €

355 951 €

6 579

– 2 296 €

6

355 951 €

407 082 €

6 580

– 3 684 €

7

407 082 €

477 520 €

6 579

– 5 186 €

8

477 520 €

596 912 €

6 580

– 7 994 €

9

596 912 €

916 068 €

6 579

– 14 151 €

10

916 068 €

 

6 576

– 49 347 €

TOTAL

   

65 787

– 9 027 €

Source : Direction de la législation fiscale, revenus 2010.

2.– La participation de cette mesure à une réforme d’ampleur de l’impôt sur le revenu

Les effets liés à l’introduction de cette nouvelle tranche auraient pu être relativement faibles en termes d’amélioration de la progressivité s’ils ne s’étaient accompagnés des mesures relatives à la « barémisation » de la majeure partie des revenus du capital soumis à des taux forfaitaires (24) et de l’abaissement du plafonnement global des avantages liés à certaines dépenses fiscales (25).

Le tableau ci-dessous permet d’appréhender les revenus imposés au barème avant réforme de l’impôt sur le revenu et ceux qui le seront après réforme.

LISTE INDICATIVE DES REVENUS SOUMIS AU BARÈME PROGRESSIF
AVANT ET APRÈS RÉFORME

Revenus

Imposés au barème avant réforme

Imposés au barème après réforme

– les traitements et salaires

×

×

– les rémunérations des gérants et associés de certaines sociétés / art. 62 du CGI

×

×

– les pensions, retraites et rentes viagères

×

×

– les revenus professionnels (BIC, BNC, BA, « auto-entrepreneurs »)

×

×

– les plus-values professionnelles soumises à l’impôt au taux proportionnel ;

0

0

– les revenus de capitaux mobiliers (RCM) soumis au barème progressif de l’IR ;

×

×

– les revenus fonciers

×

×

– l’indemnité de fonction perçue par les élus locaux imposée à l’IR selon les règles des traitements et salaires

×

×

– l’indemnité de fonction perçue par les élus locaux soumise à la retenue à la source prévue par l’article 204-0 bis du CGI

0

0

– les revenus de capitaux mobiliers (RCM) soumis aux prélèvements forfaitaires libératoires ;

0

×

– les plus-values et gains divers sur cessions de valeurs mobilières soumis à l’impôt au taux proportionnel (PVM)

0

×

– les plus-values immobilières (PVI) imposables

0

× pour les PVI propriétés non bâties

0 pour les PVI propriétés bâties

– les produits tirés des contrats d’assurance-vie en euros imposés au prélèvement forfaitaire libératoire (sauf option pour le barème ou non respect du délai de détention)

0

0

– les produits tirés des contrats d’assurance-vie en unités de compte imposés au prélèvement forfaitaire libératoire (sauf option pour le barème ou non respect du délai de détention)

   

L’assiette du barème progressif est ainsi fortement élargie de telle sorte que le rendement attendu du cumul des mesures de « barémisation » et de l’introduction de la nouvelle tranche atteint en régime de croisière 1 765 millions d’euros ainsi décomposés :

(en millions d’euros)

Mesures impôt sur le revenu

2013

2014

Nouvelle tranche marginale au barème progressif (article 3)

320

320

Barémisation des gains de levée d’options sur actions et attribution gratuite d’actions (article 7)

45

45

Barémisation des gains de cessions de valeurs mobilières et de droits sociaux (article 6)

1 000

1 000

Barémisation des dividendes et produits de placement à revenu fixe (article 5)

2 000

400

Total

3 365

1 765

Éléments de comparaisons internationales

La France n’est pas le seul pays à consentir un relèvement de l’imposition des plus aisés. La présentation de l’imposition des contribuables chez certains de nos plus proches partenaires permet d’illustrer la proximité des niveaux d’imposition applicables aux revenus d’activité. Pour les revenus du capital qui seront désormais soumis au barème progressif, la différence de taux faciaux sera importante. Toutefois, les mesures d’abattement ou d’exonération sous condition d’une partie de ces revenus devraient permettre de maintenir les taux d’imposition moyens à des niveaux cohérents au regard des pratiques européennes.

Depuis la réforme de 2007, l’Allemagne applique un taux marginal de 42 % pour la fraction de revenus supérieure à 52 882 euros, puis de 45 % pour les revenus supérieurs à 250 731 euros. Une taxe supplémentaire de solidarité de 5,5 % et, le cas échéant, l’impôt cultuel de 8 à 9 % s’ajoutent à ces taux marginaux. L’ensemble des revenus financiers (produits de taux, dividendes, gains de change, plus-values de cession) sont imposés au taux de 25 % (auquel s’ajoutent la taxe de solidarité de 1,375 % et l’impôt cultuel). Si le contribuable est imposé à un taux inférieur au titre du barème de l’impôt sur le revenu, il peut néanmoins opter pour une taxation de ses revenus du capital au barème.

Au Royaume-Uni, un nouveau taux de 50 % s’applique aux revenus supérieurs à 150 000 livres (soit 170 000 euros) depuis 2010. Les revenus du capital sont imposés, en vertu de la capital gain tax au taux unique de 18 % (après application d’un abattement plafonné à 10 600 livres en 2011). Cette imposition vise les gains perçus sur des biens de toute nature. On notera qu’à partir de juin 2010 a été introduit un taux supérieur de 28 % réservé aux contribuables les plus aisés.

Aux États-Unis, le taux marginal résulte de la somme de l’impôt fédéral, de l’impôt de l’État et de l’impôt de la ville (et/ou du comté). À New York, par exemple, la somme des taux marginaux supérieurs atteint 47,846 %. Le taux marginal du barème de l’impôt sur le revenu est quant à lui de 35 % pour la fraction des revenus supérieure à 379 150 euros. Les revenus du capital détenus depuis plus d’un an sont taxés au taux forfaitaire de 15 % ou, s’ils ont été détenus pendant moins d’un an, au barème de l’impôt sur le revenu.

En Italie, le taux maximum est de 43 % au titre de l’impôt d’État pour la fraction des revenus supérieure à 75 000 euros. Si les plus-values immobilières sont soumises au barème de l’impôt sur le revenu, les revenus du capital sont taxés au taux forfaitaire de 12,5 %.

Par ailleurs, les projets de contribution exceptionnelle sur les contribuables les plus aisés font l’objet de débats au sein de l’opinion publique notamment aux États-Unis, en Italie, en Espagne et en Allemagne.

*

* *

La Commission procède à l’examen de l’amendement I-CF 65 de M. Nicolas Sansu.

M. le rapporteur général. Ce point a déjà été débattu. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Cet amendement pointe un vrai problème. Compte tenu de la contribution exceptionnelle, à la tranche supérieure de 45 % s’ajoutent deux autres tranches, respectivement à 49 et à 50 %, et la tranche suivante – puisque c’en est une – commence à 75 %. C’est aberrant. Ne pensez-vous pas qu’une telle discontinuité du barème ne pose un problème constitutionnel, monsieur le rapporteur général ?

M. le rapporteur général. Je ne me prononcerai pas à la place du Conseil constitutionnel, qui reste souverain dans ses appréciations. Je conteste, quoi qu’il en soit, votre assimilation de la tranche de 75 % à une tranche du barème. Il s’agit d’une disposition temporaire et exceptionnelle ayant un but dissuasif.

M. Olivier Faure. Pourquoi l’opposition a-t-elle voté contre l’amendement précédent du rapporteur général, alors qu’elle nous fait depuis le début de séance un « numéro de claquettes » sur la défense des classes modestes et populaires ?

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement I-CF 91 de M. Charles de Courson.

M. Philippe Vigier. Au nom de la progressivité de l’impôt sur le revenu, à laquelle nous avons toujours été favorables, nous proposons de créer deux nouvelles tranches à 45 % et 50 %, respectivement à partir de 150 000 euros et 250 000 euros par part. Une telle mesure s’accompagnerait, bien entendu, de l’abrogation des contributions exceptionnelles de 3 et 4 % instaurées par la loi de finances pour 2012.

M. le rapporteur général. Il ne faut pas confondre le barème et la contribution exceptionnelle, laquelle porte sur une assiette plus large comprenant des revenus exonérés ou abattus, à l’instar de la fraction de 40 % des dividendes imposés au barème qui est réintégrée dans le revenu fiscal de référence, ou des revenus bénéficiant de modalités particulières d’imposition non barémisées, comme l’assurance-vie.

Votre amendement revient à faire peser sur les revenus barémisés les faibles taxations ou les exonérations imposées au barème qui est réintégré dans le PPR, que vous aviez créées sur le capital ou l’assurance-vie. Il est donc à l’opposé des objectifs du Gouvernement et de la majorité. Avis défavorable.

M. Yves Jégo. Nous nous sommes abstenus sur l’amendement I-CF 182, monsieur Faure.

Pendant la campagne électorale, l’actuel Président de la République avait annoncé, au nom de la cohérence, une révolution fiscale. Mais quand on voit le « gap » qui sépare l’avant-dernière tranche de celle à 75 % – puisque, même transitoire, cette dernière en est une –, on se demande bien où est la cohérence. Notre amendement permettrait une meilleure progressivité de l’impôt, conformément au vœu même du Président de la République. Qu’est-ce qui vous empêche de le voter ?

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF 150 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Dans la continuité des débats que nous venons d’avoir, cet amendement vise à instaurer davantage de progressivité en instaurant une tranche intermédiaire à 60 %, même si l’impôt exceptionnel de 75 % n’a évidemment pas le même statut – mais qui sait, peut-être en ferons-nous à l’avenir une véritable tranche à 65 %, ce qui ferait passer la tranche du présent amendement à 55 %.

Je me permets de rappeler qu’après l’application de ces tranches que certains jugent confiscatoires, une personne touchant 500 000 euros conservera tout de même un revenu équivalent à 207 fois le Smic. La mesure que nous proposons est donc de justice fiscale.

M. le rapporteur général. J’entends bien les arguments de notre collègue Éric Alauzet mais il continue de faire un amalgame malvenu : ce qu’il appelle une tranche à 75 % n’en est pas une. Il s’agit en effet d’une disposition exceptionnelle, non familialisée et de portée essentiellement dissuasive pour des revenus extravagants. J’invite par conséquent M. Alauzet à retirer son amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable à son adoption.

M. Hervé Mariton. Je tiens à relever que les chiffres avancés par M. Alauzet sont totalement faux. Partir d’un multiple du SMIC donne peut-être une grande ampleur à votre interpellation mais cela relève d’un raisonnement erroné. Je vois clair dans le petit jeu qui tend à consolider quelques tranches intermédiaires mais où va-t-on en termes de taux marginal maximum d’impôt sur le revenu ? Je ne suis pas certain que ce soit la course à laquelle notre pays soit le plus urgemment appelé.

M. Éric Alauzet. On peut toujours, monsieur Mariton, discuter les chiffres mais la notion de « reste à vivre » pour les ménages mérite d’être prise en considération.

Quant à notre rapporteur général, peut-être s’est-il montré un peu inattentif car je n’ai jamais dit que le taux de 75 % constituait une tranche.

Quoi qu’il en soit, j’accepte de retirer mon amendement.

M. Yves Censi. Pour éclairer nos débats, je crois que notre collègue Alauzet confond le revenu mensuel et le revenu annuel.

M. le président Gilles Carrez. Chacun avait rectifié de lui-même.

L’amendement I-CF 150 est retiré.

La Commission adopte ensuite l’article 3 sans modification.

*

* *

Article 4

Abaissement du plafond de l’avantage procuré par le quotient familial

Texte du projet de loi :

Le 2 du I de l’article 197 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le montant : « 2 336 € » est remplacé par le montant : « 2 000 € » ;

2° Au quatrième alinéa, le montant : « 661 € » est remplacé par le montant : « 997 € » ;

3° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les contribuables veufs ayant des enfants à charge qui bénéficient d’une part supplémentaire de quotient familial en application du I de l’article 194 ont droit à une réduction d’impôt égale à 672 € pour cette part supplémentaire lorsque la réduction de leur cotisation d’impôt est plafonnée en application du premier alinéa. Cette réduction d’impôt ne peut toutefois excéder l’augmentation de la cotisation d’impôt résultant du plafonnement. »

Observations et décision de la Commission :

Le présent article prévoit l’abaissement du plafond de l’avantage en impôt procuré par l’attribution de demi-parts supplémentaires par personnes réputées à la charge des contribuables. Ce plafond serait ainsi réduit de 2 336 euros à 2 000 euros ().

En conséquence, des mesures visant à neutraliser les effets de cette baisse sur les plafonds d’avantage liés aux demi-parts attribuées au titre de situations particulières (invalidité, vieillesse, anciens combattants, etc.) sont également prévues de sorte à ne pas impacter les contribuables les plus sensibles à une hausse d’imposition (2° et 3°).

L’objectif poursuivi est donc de minorer le bénéfice tiré du quotient familial de droit commun de façon à renforcer la progressivité de l’impôt uniquement pour les contribuables disposant de revenus relativement élevés et qui ne sont pas soumis à des situations nécessitant un traitement particulier.

I.– PRÉSENTATION DU QUOTIENT FAMILIAL

A.– UNE MODALITÉ DE PRISE EN COMPTE DES CHARGES DE FAMILLE À L’IMPÔT SUR LE REVENU

L’imposition des personnes au barème progressif de l’impôt sur le revenu se fonde sur la notion de foyer fiscal. Ce foyer est composé du contribuable qui représente soit une personne seule (célibataire, divorcée, séparée ou veuve), soit l’entité formée par les époux ou les partenaires d’un PACS, et les enfants ou les personnes considérées à la charge de ce(s) contribuable(s). Il fait l’objet d’une imposition unique au titre de l’impôt sur le revenu, qu’il soit composé d’une seule personne ou de plusieurs, prenant en compte l’ensemble des bénéfices et des revenus des membres le composant.

Au regard du caractère progressif de l’impôt sur le revenu, le principe de l’imposition unique est justifié en ce qu’il permet d’apprécier équitablement les facultés contributives des foyers au regard des charges de famille qu’ils supportent.

À cette fin, un mécanisme de familialisation de l’imposition prenant la forme d’un quotient familial est appliqué aux revenus bruts du contribuable. Bien que ce dispositif eût pu prendre d’autres formes que celle du quotient, son existence permet pour partie de satisfaire à l’exigence constitutionnelle résultant de l’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui prévoit que « pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».

La progressivité de l’impôt, érigée en principe à valeur constitutionnelle (26) contraint le législateur à garantir l’adéquation de la charge fiscale au regard des capacités contributives des foyers fiscaux, estimées au regard de leurs revenus et de leurs charges de famille.

La prise en compte de ces charges s’appuie également sur les dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 qui introduisent l’obligation faite au législateur de mettre en œuvre une politique de solidarité nationale envers les familles de sorte à accompagner leur développement.

Le quotient familial permet de respecter ces deux aspects d’une même obligation à l’égard des contribuables justifiant de charges de famille. Le Conseil constitutionnel a ainsi approuvé à plusieurs reprises (27) le recours à cet outil en faveur de la redistribution horizontale qui permet à l’impôt de demeurer progressif pour ces contribuables, dans la limite d’un certain niveau de revenu.

Les demi-parts de droit commun accordées par personne à charge représentent un coût global estimé à 13,2 milliards d’euros au titre des revenus de 2010.

S’ajoutent à celles-ci les demi-parts (ou quart de parts supplémentaire en cas de résidence alternée) par enfant à charge à compter du troisième dont bénéficient 1,78 million de contribuables pour un coût de 570 millions d’euros et les parts ou demi-parts supplémentaires par orphelin majeur recueilli ou enfant célibataire majeur ayant demandé son rattachement au foyer fiscal attribuées à 1,73 million de contribuables pour un coût de 2 milliards d’euros.

Ce mécanisme ancien et minorant efficacement l’imposition des foyers bénéficiaires est également utilisé pour répondre à diverses situations particulières, indépendantes de la composition des foyers.

LISTE DES DEMI-PARTS SUPPLÉMENTAIRES ACCORDÉES AU TITRE DE SITUATIONS PARTICULIÈRES

Dispositif

Année de création

Nombre de bénéficiaires

Coût estimé en 2012

(en million d’euros)

Demi-part supplémentaire pour les contribuables vivant seuls ayant eu un ou plusieurs enfants à charge pendant au moins cinq ans

1945

4 200 000

1 050

Demi-part supplémentaire pour les contribuables (et leurs veuves) de plus de 75 ans titulaires de la carte du combattant

1945

468 000

230

Demi-part supplémentaire pour les contribuables invalides

1945

1 390 000

350

Maintien du quotient conjugal pour les contribuables veufs ayant des enfants à charge

1929

180 000

80

Demi-part ou quart de part supplémentaire (en cas de résidence alternée) par enfant à charge titulaire de la carte d’invalidité ou part supplémentaire par personne rattachée au foyer titulaire de cette carte

1963

260 000

90

Demi-part ou quart de part supplémentaire (en cas de résidence alternée des enfants à charge) accordée aux parents isolés

1995

1 430 000

410

Total

 

7 928 000

2 210

Source : Voies et moyens, tome II, annexé au PLF 2012

B.– LES RÈGLES RELATIVES À L’APPLICATION DU QUOTIENT FAMILIAL

1.– Une modalité particulière de calcul de l’impôt sur le revenu

Le quotient familial repose sur un calcul consistant à diviser le revenu imposable en un certain nombre de parts, fixé conformément à l’article 194 du code général des impôts, d’après la situation ou les charges de famille du contribuable. L’impôt brut est alors égal au produit de la cotisation correspondant à ce revenu par part multipliée par le nombre de parts.

Concrètement, cela revient à fractionner le revenu du contribuable en fonction de la composition de son foyer fiscal de sorte à l’imposer au barème progressif dans des tranches plus basses que celles qui lui auraient été appliquées en l’absence d’un tel mécanisme.

Par exemple, un couple marié ayant deux enfants mineurs dont le quotient familial est égal à 3 parts et dont le revenu imposable est de 60 000 euros paiera un impôt équivalent à celui acquitté au total par trois célibataires bénéficiant d’une part chacun et disposant chacun d’un revenu de 20 000 euros. Le taux marginal d’imposition étant inférieur pour un revenu de 20 000 euros (14 %), à celui applicable à un revenu de 60 000 euros (30 %), le contribuable voit son imposition réduite par le mécanisme du quotient.

Le bénéfice de ce dispositif est toutefois plafonné à hauteur de 2 336 euros par part.

2.– La détermination du nombre de parts dont bénéficient les contribuables

Au regard de la multiplication des situations donnant droit à l’attribution de demi-parts supplémentaires, le quotient familial dont bénéficient les contribuables peut désormais être fonction de trois types de critères :

– la situation familiale du contribuable (selon qu’il est membre d’un couple soumis à une imposition commune, veuf, divorcé, séparé ou célibataire) ;

– le nombre de personnes considérées à sa charge au regard du droit fiscal ;

– la prise en compte d’une situation particulière (invalidité, détention d’une carte d’ancien combattant…).

a) La prise en compte de la situation familiale du contribuable

La situation familiale du contribuable est appréciée en application des règles définies à l’article 6 du code général des impôts. Le tableau suivant synthétise ces règles d’attribution de part de quotient conjugal selon les cas mentionnés à cet article :

Situation familiale

Nombre de contribuables

Nombre de parts par contribuable

Célibataire, divorcé, veuf

1

1

Décès de l’un des conjoints ou des partenaires en cours d’année

– 1 jusqu’à la date du décès

– 1 à compter du lendemain de la date du décès

– 2

– 2 jusqu’au 31 décembre de l’année du décès.

Couple marié soumis à imposition commune

1

2

Couple pacsé soumis à imposition commune

1

2

Couple non soumis à imposition commune (concubinage)

2

1

Couple marié ou pacsé séparé de biens et ne vivant pas sous le même toit

2

1

Couple en instance de séparation ou de divorce autorisé à avoir des résidences séparées

2

1

Abandon de domicile par l’un ou l’autre des époux

2

1

Personnes mariées ou partenaires de PACS au titre de l’imposition des revenus perçus l’année du mariage ou de la conclusion du PACS

Choix du contribuable pour une imposition commune ou séparée :

– 1

– 2

– 2

– 1

Personnes mariées ou partenaires de PACS au titre de l’imposition des revenus perçus l’année de séparation, rupture ou divorce

2

1

À ce quotient conjugal dont l’avantage en impôt n’est pas plafonné, s’ajoute le quotient familial déterminé en fonction du nombre de personnes à la charge du contribuable.

b) Modalités de calcul du nombre de personnes à charge

Les charges de famille sont définies à l’article 193 ter du code général des impôts comme « les enfants ou les personnes à charge (…) dont le contribuable assume la charge d’entretien à titre exclusif ou principal, nonobstant le versement ou la perception d’une pension alimentaire pour l’entretien desdits enfants ».

Ces charges s’apprécient, en principe, au 1er janvier de l'année de l'imposition. Toutefois, dans le cas où elles augmenteraient en cours d'année, les charges de famille retenues sont celles constatées au 31 décembre (ou, le cas échéant à la date du décès). De cette façon, la situation retenue est toujours la plus avantageuse pour le contribuable.

Exemple : Soit un couple marié dont le premier enfant naît en octobre 2012. Au regard de l’imposition à l’impôt sur le revenu, ce couple sera réputé avoir eu la charge de cet enfant depuis le 1er janvier de l’année d’imposition concernée.

Plusieurs catégories de personnes peuvent être reconnues à la charge des contribuables :

– les enfants, dont la filiation avec le contribuable est établie légalement, qui ont moins de 18 ans ou, s’ils sont infirmes, quel que soit leur âge ;

– les enfants mineurs ou infirmes recueillis dont le contribuable prend effectivement à sa charge l’ensemble des besoins ;

– les enfants majeurs célibataires s’ils ont moins de 21 ans ou moins de 25 ans et qu’ils poursuivent des études ;

– les enfants mariés ou ayant des enfants à charge (28) ;

– des enfants majeurs, orphelins de père et mère recueillis par le contribuable ;

– des personnes titulaires de la carte d’invalidité prévue à l’article L. 214-3 du code de l’action sociale et des familles (soit au titre d’une invalidité de plus de 80 %) et vivant au domicile du contribuable.

Lors de l’introduction du quotient familial en 1948, chaque personne à charge ouvrait droit à une demi-part. Une demi-part supplémentaire a par la suite été accordée aux familles de cinq enfants au moins (1979), puis aux familles ayant trois enfants au moins (1980), puis à chaque enfant à partir du troisième (1986).

Le nombre de parts à prendre en compte en application de ces règles varie selon les situations. Le tableau ci-dessous permet d’appréhender certains cas généraux :

SITUATION DE FAMILLE

NOMBRE DE PARTS

Célibataire, divorcé ou veuf sans enfant à charge

1

Marié sans enfant à charge

2

Célibataire ou divorcé ayant un enfant à charge

1,5

Marié ou veuf ayant un enfant à charge

2,5

Célibataire ou divorcé ayant deux enfants à charge

2

Marié ou veuf ayant deux enfants à charge

3

Célibataire ou divorcé ayant trois enfants à charge

3

Marié ou veuf ayant trois enfants à charge

4

Célibataire ou divorcé ayant quatre enfants à charge

4

Marié ou veuf ayant quatre enfants à charge

5

Célibataire ou divorcé ayant cinq enfants à charge

5

Marié ou veuf ayant cinq enfants à charge

6

Célibataire ou divorcé ayant six enfants à charge

6

Le tableau ainsi présenté pourrait être poursuivi en augmentant d'une part par enfant supplémentaire le quotient familial du contribuable.

Plusieurs situations particulières peuvent également être commentées :

– en cas d’imposition séparée des membres d’un couple du fait d’une séparation, d’un divorce ou d’une rupture de PACS, chacun est considéré comme un célibataire (quotient de 1) ayant à sa charge les enfants dont il assume à titre principal l'entretien ;

– en cas de résidence alternée au domicile de chacun des parents, et sauf disposition juridique contraire, les enfants mineurs sont réputés être à la charge égale de l'un et de l'autre parent. Ils ouvrent alors droit à une majoration du quotient familial de :

 0,25 part pour chacun des deux premiers enfants et 0,5 part à compter du troisième enfant, lorsque le contribuable n'assume la charge exclusive ou principale d'aucun enfant ;

 0,25 part pour le premier et 0,5 part à compter du deuxième, lorsque le contribuable assume la charge exclusive ou principale d'un enfant ;

 0,5 part pour chacun des enfants, lorsque le contribuable assume la charge exclusive ou principale d'au moins deux enfants.

Exemple : Un contribuable divorcé vivant en couple a trois enfants mineurs à sa charge principale. Il bénéficie d’un quotient familial égal à 3 parts (soit une part pour lui, 0,5 part pour chacun des deux premiers enfants, puis une part entière pour le troisième enfant).

Si la charge de ces enfants est réputée également partagée entre les deux parents, le contribuable bénéficie de 2 parts (soit une part pour lui, 0,25 part pour chacun des deux premiers enfants, puis 0,5 part pour le troisième enfant).

S’il a la charge exclusive d’un enfant et que les deux autres sont à la charge partagée des deux parents, il bénéficie de 2,25 parts (soit une pour lui, 0,5 au titre de l’enfant à la charge exclusive, 0,25 au titre du premier enfant en garde partagée et 0,5 au titre du deuxième enfant en garde partagée).

S’il a la charge exclusive de deux enfants et que l’autre enfant est à la charge partagée des deux parents, il bénéficie de 2,5 parts (soit une part pour lui, 0,5 part pour les deux enfants dont il a la charge exclusive et 0,5 pour le troisième enfant pour lequel la garde est partagée).

Par ailleurs, les contribuables célibataires ou divorcés qui vivent seuls bénéficient d’une demi-part supplémentaire s’ils supportent à titre exclusif ou principal la charge d'au moins un enfant. Lorsqu'ils entretiennent uniquement des enfants dont la charge est réputée également partagée avec l'autre parent, la majoration est de 0,25 pour un seul enfant et de 0,5 si les enfants sont au moins deux. On notera que ces dispositions s'appliquent nonobstant la perception éventuelle d'une pension alimentaire versée en vertu d'une décision de justice pour l'entretien desdits enfants.

Exemple : Un contribuable divorcé vivant seul a deux enfants à sa charge principale. Il bénéficie d’un quotient familial de 2,5 parts (soit une part pour lui, deux demi-parts au titre de ses enfants et une demi-part supplémentaire), contre 2 parts s’il avait vécu en couple (le bénéfice de la demi-part supplémentaire étant alors perdu).

Enfin, on notera que les enfants titulaires de la carte prévue à l'article L. 241-3 du code de l'action sociale et des familles et délivrée à partir de 80 % d’invalidité donnent droit à une demi-part supplémentaire ou à un quart de part supplémentaire si l’enfant est réputé à charge égale de ses parents.

c) L’attribution de demi-parts supplémentaires au titre de situations particulières

Certaines situations donnent droit, de façon dérogatoire, à l’attribution d’une demi-part supplémentaire à des contribuables célibataires, divorcés ou veufs n'ayant pas d'enfant à charge lorsque ces contribuables :

– vivent seuls et ont un ou plusieurs enfants faisant l'objet d'une imposition distincte dont ces contribuables ont supporté à titre exclusif ou principal la charge pendant au moins cinq ans au cours desquelles ils vivaient seuls ;

– vivent seuls et ont supporté à titre exclusif ou principal pendant au moins cinq ans au cours desquels ils vivaient seuls la charge d’un ou plusieurs enfants désormais décédés, à la condition que l'un d'eux au moins ait atteint l'âge de seize ans ou soit décédé par suite de faits de guerre ;

– vivent seuls et ont adopté un enfant, à la condition que l'enfant adopté ne soit pas décédé avant d'avoir atteint l'âge de seize ans et qu’il ait été à la charge exclusive ou principale des contribuables pendant au moins cinq années au cours desquelles ceux-ci vivaient seuls ;

– sont titulaires, soit pour une invalidité de 40 % ou plus, soit à titre de veuve, d'une pension prévue par les dispositions du code des pensions militaires ;

– sont titulaires d'une pension d'invalidité pour accident du travail de 40 % ou plus ;

– sont titulaires de la carte d'invalidité prévue à l'article L. 241-3 du code de l'action sociale et des familles (soit à partir de 80 % d’invalidité) ;

– sont âgés de plus de 75 ans et titulaires de la carte du combattant ou d'une pension servie en vertu des dispositions du code des pensions militaires (cette disposition est également applicable aux veuves des personnes bénéficiaires respectant le même critère d’âge).

Dans d’autres cas, le quotient familial est majoré pour les contribuables ayant des personnes à charge ou non et pouvant justifier d’une situation personnelle particulière :

– les contribuables dont un des conjoints remplit l’une des conditions d’invalidité mentionnées précédemment bénéficient d’un quotient familial majoré d’une demi-part ;

– les contribuables remplissant chacun l’une des conditions d’invalidité mentionnées précédemment bénéficient d’un quotient familial majoré d’une part ;

– les contribuables célibataires, divorcés ou veufs ayant un ou plusieurs enfants à charge et remplissant l’une des conditions d’invalidité mentionnées précédemment bénéficient d’une demi-part supplémentaire ;

– les contribuables mariés dont l’un des conjoints est âgé de plus de 75 ans et titulaire de la carte du combattant ou d'une pension servie en vertu des dispositions du code des pensions militaires bénéficient d’une demi-part supplémentaire.

3.– Des effets limités par le plafonnement de l’avantage en impôt au titre du quotient familial

Un plafonnement de l’avantage en impôt tiré de l’application du quotient familial a été introduit en 1981 de sorte que, à partir d’un certain niveau de revenu, cet avantage n’augmente plus.

En effet, le quotient a un effet anti-redistributif : il procure un avantage en impôt croissant à mesure que les revenus augmentent, du fait de la progressivité du barème.

PLAFONDS APPLICABLES AU QUOTIENT FAMILIAL

Dispositif

Plafond de l’avantage de l’avantage en vigueur

Demi-part enfant (ou autre personne) à charge :

- personne à charge exclusive ou principale

- personne à charge partagée

- 2 336 euros par demi-part

- 1 168 euros par quart de part

Maintien du quotient conjugal pour les contribuables veufs ayant des enfants à charge

4 672 euros par part (soit 2 336 + 2 336)

Demi-part supplémentaire « Parents isolés » (contribuables vivant seuls ayant à leur charge un ou plusieurs enfants) :

- personne à charge exclusive ou principale

- personne à charge partagée

- 4 040 euros pour la part accordée au titre du premier enfant

- 2 020 euros pour la demi-part accordée au titre du premier enfant

Demi-part supplémentaire pour les contribuables vivant seuls ayant élevé des enfants seuls pendant 5 ans ou plus :

- cas général

- dispositif transitoire (si moins de 5 ans)

- 897 euros par demi-part

- 120 euros par demi-part (imposition revenus 2012)

Demi-part « Anciens combattants », « Invalides », « Enfants ou personnes à charge invalides »

2 997 euros par demi-part

Déduction des pensions alimentaires versées aux enfants majeurs ou abattement au titre des enfants mariés ou chargé de famille rattachés au foyer

5 698 euros par enfant déductibles (soit un avantage en impôt maximum de 2 336 euros)

Exemple :

Un couple marié ayant à sa charge deux enfants mineurs (3 parts) bénéficie d’un revenu imposable de 300 000 euros.

Afin de calculer le montant de l’avantage auquel ce couple peut prétendre, il faut réaliser deux calculs visant à déterminer le montant de l’impôt dû en l’absence de quotient familial (soit avec 2 parts de quotient conjugal), puis le montant de l’impôt dû en application du quotient familial (soit avec 3 parts).

Dans le premier cas, l’impôt dû est de 84 676 euros et dans le second, cet impôt est ramené à 71 319 euros. L’avantage tiré du quotient familial au titre de chacune des demi-parts (soit 6 678,50 euros) est ainsi supérieur au plafond de 2 336 euros.

Par conséquent, la différence entre cet avantage et le plafond est ajoutée à l’imposition due au titre de l’application du quotient familial, de sorte que l’imposition finale soit de 80 004 euros ( [(6 678,5-2 336) x 2 ] + 71 319 = 80 004), ce qui revient à déduire pour chaque enfant le montant plafonné de l’avantage procuré par le mécanisme du quotient familial (soit 2 enfants x 2 336 €) de l’impôt dû pour deux parts (soit 84 676 – 2 x 2 336).

Actuellement, les revenus imposables au titre desquels le plafond commence à jouer sont relativement élevés, si bien que seuls 2 % des contribuables voient leur avantage en impôt plafonné au titre du quotient familial :

REVENUS IMPOSABLES À PARTIR DESQUELS L’AVANTAGE EN IMPÔT LIÉ À L’APPLICATION DU QUOTIENT FAMILIAL EST PLAFONNÉ POUR LES CONTRIBUABLES SOUMIS À IMPOSITION COMMUNE

2,5 parts
(1 enfant)

3 parts
(2 enfants)

4 parts
(3 enfants)

5 parts
(4 enfants)

6 parts
(5 enfants)

69 584 euros

81 042 euros

103 955 euros

126 835 euros

149 781 euros

Source : DGFIP.

On notera que certains plafonds de quotient familial font l’objet de modalités de calcul spécifiques. Ainsi, les contribuables bénéficiant d’une demi-part supplémentaire du fait de situations particulières (invalidité, anciens combattants) ont également droit à une réduction d’impôt de 661 euros pour chacune des demi-parts auxquelles ils ont droit lorsqu’ils bénéficient déjà d’un avantage en impôt maximum au titre de la demi-part de droit commun. Cette réduction d’impôt ne peut toutefois excéder l'augmentation de la cotisation d'impôt résultant du plafonnement.

Exemple :

Soit un couple marié ayant à sa charge deux enfants mineurs (3 parts) et disposant d’un revenu de 90 000 euros. Le montant de l’impôt à acquitter avant plafonnement du quotient familial est de 7 600 euros. Après plafonnement, ce montant est porté à 8 495 euros. La perte d’avantage est donc de 895 euros.

Si l’un des membres de ce couple bénéficiait d’une pension d’invalidité au titre d’un accident de travail le contraignant à des frais d’appareillage (par exemple, au titre d’une prothèse), alors s’ajouterait à l’avantage lié aux demi-parts de droit commun celui d’une réduction d’impôt de 661 euros par part. Par conséquent, l’avantage de ce couple ne serait plus plafonné et leur imposition serait de 7 600 euros.

PRÉSENTATION DE LA RÉPARTITION DE L’AVANTAGE EN IMPÔT LIÉ AU QUOTIENT FAMILIAL PAR DEMI-PART

 

Foyers fiscaux non imposables

Foyers fiscaux imposables

Nombre
(Milliers)

Répartition (par rapport à l'effectif national)

Revenu imposable

Réduction d'impôt liée au QF

Nombre
(Milliers)

Répartition (par rapport à l'effectif national)

Revenu imposable

Réduction d'impôt liée au QF

Nombre de parts

Montant (Mds €)

Moyenne (€)

Moyenne (€)

Montant (Mds €)

Moyenne (€)

Moyenne (€)

1 et 1,25

6 872

18,7 %

41,7

6 073

0

7 124

19,4 %

149,7

21 020

4

1,5 et 1,75

4 122

11,2 %

38,6

9 362

93

2 719

7,4 %

71,1

26 159

796

2 et 2,25

2 908

7,9 %

32,7

11 244

99

5 215

14,2%

208,5

39 971

231

2,5 et 2,75

1 249

3,4 %

17,1

13 698

133

2 060

5,6 %

93,7

45 471

981

3 et 3,25

971

2,6 %

14,5

14 893

203

1 880

5,1%

98,6

52 456

1 929

3,5 et 3,75

139

0,4 %

1,7

12 297

357

49

0,1 %

2,6

52 234

3 238

4 et 4,25

536

1,5 %

9,6

17 829

404

495

1,3%

33,0

66 763

4 037

4,5

42

0,1%

0,5

12 995

272

12

0,0%

0,8

65 244

4 290

5

175

0,5%

3,0

17 217

461

60

0,2%

5,3

88 382

6 921

5,5 et plus

101

0,3 %

1,6

15 762

462

14

0,0 %

1,4

98 565

9 687

Ensemble

17 114

46,6 %

161,0

9 407

84

19 629

53,4 %

664,7

33 865

601

Source : échantillon des revenus 2010.

4.– Éléments d’évaluation du quotient familial

a) Une exception française

Le quotient familial est un outil de familialisation de l’impôt assez peu répandu (seuls le Portugal et le Luxembourg disposent de dispositifs similaires), contrairement au quotient conjugal qui connaît une application plus fréquente chez nos partenaires européens.

En l’espèce, l’avantage en impôt au titre des charges de famille prend le plus souvent la forme d’un abattement (à l’image de la Belgique et de l’Allemagne, sur option du contribuable), d’une réduction d’impôt ou d’un crédit d’impôt (comme c’est le cas en Autriche et en Italie).

Certains autres pays ne prennent pas en compte les charges de famille, sauf dans des cas particuliers (comme l’Irlande ou les Pays-Bas), mais versent des aides importantes sous la forme d’allocations familiales.

b) Un dispositif efficace au regard de la redistribution horizontale, mais dont le bénéfice revient principalement aux contribuables aisés.

La particularité du système de quotient familial à la française tient à son caractère progressif, l’avantage croissant avec le niveau de revenu jusqu’à un plafond relativement élevé. Si l’effet en termes de redistribution horizontale est important, les contribuables les plus modestes profitent peu de ce mécanisme, contrairement aux contribuables plus aisés (29).

Le quotient familial permet aux contribuables ayant plusieurs personnes à charge d’acquitter un impôt équivalent à celui d’un contribuable célibataire bénéficiant d’un même niveau de revenu par part.

Un couple marié ayant à sa charge quatre enfants mineurs (soit 5 parts de quotient familial) disposant de 100 000 euros de revenu sera imposé à hauteur de 1 181 euros par part (soit une imposition totale de 5 905 euros), à l’instar d’un contribuable disposant de 20 000 euros de revenus.

Au contraire, un contribuable célibataire bénéficiant de 100 000 euros de revenus sera imposé à hauteur de 23 542 euros. L’avantage tiré du quotient familial pour ce couple avec charges de famille est donc très important, puisqu’il correspond à 17 637 euros. L’efficacité de ce mécanisme au regard de la redistribution horizontale est donc vérifiée.

Toutefois, cet avantage croît avec le niveau de revenu, les contribuables ne disposant que de peu de revenus imposables profitant ainsi d’un avantage plus faible que ceux disposant de davantage de revenu.

Un couple marié ayant un enfant mineur à charge (soit 2,5 parts) et dont chacun des membres touche un revenu équivalent à un SMIC mensuel net (soit 1 118 euros par mois et 13 416 euros par an) est imposé avant application du quotient conjugal et après décote à hauteur de 614 euros. En application du quotient conjugal, l’impôt dû n’est que de 323 euros. L’avantage procuré par le quotient familial à ce couple est donc de 291 euros, soit près de la moitié de l’impôt qui serait normalement dû.

Si ce couple avait gagné au titre de chacun de ces membres 2 SMIC mensuels nets (soit 2 236 euros par mois et 26 832 euros par an), l’impôt dû avant application du quotient familial aurait été de 4 083 euros contre 3 414 euros après application du quotient familial. L’avantage en impôt obtenu aurait ainsi été de 669 euros.

On notera que l’avantage évolue ainsi plus que proportionnellement au revenu imposable du fait de la progressivité du barème. L’effet principal du quotient familial est donc de favoriser la redistribution horizontale au détriment de la redistribution verticale.

Le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires de mai 2011 intitulé « Prélèvements obligatoires sur les ménages. Progressivité et effets redistributifs » établit ainsi que le bénéfice du quotient est particulièrement concentré sur les ménages les plus aisés comme l’illustre la répartition suivante :

– les foyers appartenant aux cinq premiers déciles de revenu brut bénéficient de 10 % du total de l’avantage en impôt ;

– ceux appartenant aux 6ème et 7ème déciles de 14 % de ce total ;

– ceux appartenant au 8ème décile de 12 % de ce total ;

– ceux appartenant au 9ème décile de 18 % de ce total ;

– ceux appartenant au dernier décile de revenu de 46 % du total de l’avantage en impôt.

Ce constat a conduit le Gouvernement à proposer l’abaissement du plafonnement du quotient familial pour les seules demi-parts de droit commun. Toutefois, cette baisse est limitée de sorte à ne pas remettre en cause la légitimité de ce dispositif favorable aux familles.

II.– LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A.– L’ABAISSEMENT DU PLAFONNEMENT DE L’AVANTAGE PROCURÉ PAR LE QUOTIENT FAMILIAL

1.– L’abaissement du plafond applicable aux demi-parts de droit commun

Ledu présent article abaisse le plafonnement de l’avantage procuré par les demi-parts de droit commun de 2 336 euros à 2 000 euros. Cette mesure a pour conséquence de limiter la redistribution horizontale pour les contribuables aisés qui n’étaient pas déjà soumis au plafond et de diminuer de 336 euros par demi-part part l’avantage fiscal de ceux qui l’étaient. Cependant, l’ampleur de la baisse proposée n’est pas de nature à modifier sensiblement les niveaux de revenus visés par le plafonnement :

REVENUS IMPOSABLES À PARTIR DESQUELS L’AVANTAGE EN IMPÔT LIÉ À L’APPLICATION DU QUOTIENT FAMILIAL EST PLAFONNÉ POUR LES CONTRIBUABLES SOUMIS À IMPOSITION COMMUNE

 

2,5 parts

(1 enfant)

3 parts

(2 enfants)

4 parts

(3 enfants)

5 parts

(4 enfants)

6 parts

(5 enfants)

Avant réforme

69 584 euros

81 042 euros

103 955 euros

126 835 euros

149 781 euros

Après réforme

67 953 euros

(soit 5 SMIC)

77 193 euros

(soit 6 SMIC)

95 171 euros

(soit 7 SMIC)

114 149 euros

(soit 8,5 SMIC)

132 627 euros

(soit 10 smic)

Source : DGFIP.

On notera toutefois que l’abaissement du quotient familial a un effet de plus en plus important à mesure que le revenu et la taille des familles augmentent, du fait de la progressivité du barème.

2.– Le maintien des plafonds applicables aux demi-parts attribuées au titre de situations particulières

L’abaissement du plafonnement du quotient familial ne s’applique pas aux demi-parts répondant à des situations particulières.

Ainsi, deux dispositions spécifiques sont prévues de façon à neutraliser totalement cette baisse de l’avantage pour les demi-parts supplémentaires au titre desquelles un plafond spécifique n’est pas précisé à l’article 197 du code général des impôts et dont le bénéfice pourrait donc être diminué en conséquence de la baisse du plafond général.

La première de ces dispositions (prévue au du présent article) vise à majorer la réduction d’impôt supplémentaire de 661 euros bénéficiant aux contribuables du fait de situations particulières (invalidité, anciens combattants) à hauteur de la différence entre le plafond de droit commun en vigueur et le nouveau plafond proposé, soit de 336 euros.

Un contribuable invalide qui bénéficie, en application du droit en vigueur, d’un avantage plafonné à 2 336 euros au titre de sa demi-part supplémentaire, majoré de 661 euros au titre de la réduction d’impôt (soit 2 997 euros), pourra désormais minorer son imposition à hauteur de 2 000 euros au titre de la demi-part supplémentaire et de 997 euros au titre de la réduction d’impôt. La réforme est donc neutre pour ce contribuable.

La seconde disposition (prévue au 3° du présent article) introduit, pour les contribuables veufs ayant des enfants à charge, une réduction d’impôt de 672 euros présentant les mêmes caractéristiques que celle évoquée précédemment, de manière à préserver le niveau d’avantage en impôt lié au maintien du quotient conjugal pour ces contribuables.

Ainsi, un contribuable veuf ayant un enfant à charge bénéficie, selon le droit en vigueur, d’une part de quotient familial supplémentaire (correspondant à deux demi-parts plafonnées à 2 336 euros, soit un avantage total de 4 672 euros). En application de la baisse du plafond général, ce contribuable bénéficiera d’une part de quotient familial supplémentaire lui procurant un avantage maximal de 4 000 euros (soit 2 000 euros par demi-part supplémentaire) et d’une réduction d’impôt de 672 euros. L’avantage maximal qu’il pourra tirer du quotient familial demeure ainsi lui aussi inchangé.

B.– LE RENDEMENT ATTENDU DE LA MESURE

Cette mesure devrait s’appliquer à compter de l’imposition des revenus de 2012 et procurer à compter de 2013 un rendement estimé à 490 millions d’euros par an.

Le nombre de contribuables perdants à la mesure serait de 883 000 foyers fiscaux pour un montant moyen de moindre avantage en impôt de 555 euros.

*

* *

La Commission est saisie des amendements identiques I-CF 33 de M. Hervé Mariton et I-CF 92 de M. Charles de Courson.

M. Hervé Mariton. Mon amendement vise à supprimer cet article, lequel abaisse le plafond de l’avantage procuré par le quotient familial de 2 336 euros à 2 000 euros pour chaque demi-part accordée pour charges de famille.

Le quotient familial est un dispositif profondément juste, tout à fait conforme à la philosophie de la Déclaration des droits de l’homme qui veut que chacun contribue en fonction de ses capacités. La taille de la famille constitue à l’évidence l’un des critères de la faculté contributive et la France s’honore à en tenir compte. Du reste, comme l’avait écrit en son temps Alfred Sauvy, le mécanisme pourrait encore être amélioré.

Il existe cependant un plafond, qui, de fait, en réduit la portée. Contrairement à ce qui est avancé dans l’étude d’impact, la réforme proposée à l’article 4 ne répond à aucune recherche de justice puisqu’il s’agit simplement d’une mesure de rendement. En outre, elle a souvent été présentée comme n’étant susceptible d’affecter qu’un très petit nombre de nos concitoyens. Or il n’en est rien : si l’on souhaite que cela rapporte quelque 500 millions d’euros, il faut toucher près d’un million de foyers fiscaux. Ce n’est pas une majorité de Français mais cela ne correspond pas à la partie émergée des contribuables les plus aisés. Elle concernerait pour l’essentiel des ménages dont le revenu fiscal de référence est compris entre 40 000 euros et 50 000 euros, et au moins 100 000 foyers dont le revenu fiscal de référence est encore inférieur à ces seuils. Ce ne sont pas des Français miséreux, ce ne sont pas des Français dans le besoin mais ce ne sont pas des Français riches !

M. Charles de Courson. Mon amendement CF 92 est identique.

Si j’en crois la page 25 de l’étude d’impact, il n’est envisagé de diminuer que le plafonnement de la demi-part « enfant à charge », en excluant les mesures qui concernent notamment les parents isolés, les personnes handicapées, les anciens combattants ou les personnes âgées à charge. Qu’est-ce qui justifie cette approche discriminatoire ?

En 1939, lorsque la IIIème République finissante a adopté le code de la famille, un consensus s’est dégagé autour de la politique familiale. La plupart des familles politiques ont toujours été d’accord pour ne pas mélanger la politique familiale avec d’autres formes de redistribution. En effet, lorsqu’on calcule le niveau de vie réel des familles en fonction du nombre d’enfants, on constate que même le barème actuel est inadapté. Malgré le système des parts, le niveau de vie des familles décroît en fonction du nombre d’enfants.

Dès lors, « taper » 900 000 familles pour économiser 480 millions d’euros me semblerait très contreproductif. La conduite d’une politique familiale cohérente commande que l’on ne « bricole » pas, une fois le quotient familial, une autre fois les allocations familiales. D’ailleurs, quelle est la politique familiale du Gouvernement ?

M. le rapporteur général. Je tiens à rassurer MM. Mariton et de Courson : le quotient familial continuera d’exister ! Ne tentez pas de répandre l’idée que seraient remises en cause la familialisation de l’impôt ou la prise en compte des personnes à charge. Sur la base des revenus pour 2011, 772 000 foyers fiscaux étaient déjà plafonnés. Compte tenu de leur niveau de revenu, il est proposé, non de supprimer l’avantage fiscal, mais de faire en sorte qu’il n’augmente plus. Dès lors, ce n’est pas un million de familles qui vont perdre le bénéfice du quotient familial mais 862 000 foyers qui seront plafonnés au lieu de 772 000 actuellement.

Une famille avec un enfant, soit 2,5 parts, sera plafonnée à partir de 65 953 euros annuels, ce qui correspond à environ cinq fois le SMIC ; s’il y a deux enfants, soit 3 parts, le plafonnement interviendra à partir de 77 193  euros, ce qui équivaut à six fois le SMIC ; avec 4 parts, le plafonnement démarrera à sept fois le SMIC et, avec 6 parts, à dix fois le salaire minimum ! Il me semble donc pour le moins exagéré de considérer que nos propositions fiscales mettent à mal la politique familiale dans notre pays.

D’autre part, M. de Courson a soulevé une question qui n’est pas totalement inintéressante. Les autres plafonds ont été conservés pour des raisons sociales … Il nous a semblé que, pour ceux-là, il n’y avait pas lieu de réduire le plafond de la demi-part supplémentaire.

Mme Sandrine Mazetier. Sans en être vraiment surprise, je suis un peu choquée par les amendements de suppression qui viennent d’être présentés. Je rappelle en effet que 46 % du bénéfice du quotient familial sont captés par 10 % des ménages les plus aisés. Et je ne parle pas de l’héritage que vous nous léguez en ayant laissé filer la dette, ce qui revient à inventer un impôt à la naissance pour les générations futures.

Alors, oui, au nom du redressement et de la justice que porte ce budget de combat, nous sommes fiers de proposer que le bénéfice du quotient familial soit mieux partagé qu’avant et nous assumons sans réserve que les plafonds soient inchangés pour certaines catégories de la population comme les « vieux parents », les parents isolés ou les anciens combattants. Et nous ne manquerons pas de leur faire savoir que certains d’entre vous déplorent le maintien en l’état des avantages fiscaux qui leur sont destinés.

M. Éric Woerth. On dénature la notion de quotient familial, lequel est une mesure d’égalité…

M. Henri Emmanuelli. Absolument pas !

M. Éric Woerth. … entre ceux qui ont des enfants à charge et ceux qui n’en ont pas. L’objectif est de réduire le coût de l’enfant et de tendre à égaliser le pouvoir d’achat des familles. Il est donc curieux de proposer une mesure de rendement dans un tel domaine. Et je ne crois pas non plus que l’on soit « riche » lorsqu’on touche cinq ou six fois le SMIC. Dites-nous à partir de quel multiple du SMIC on bascule dans cette catégorie des riches que vous détestez tant !

M. Henri Emmanuelli. C’est vous le spécialiste !

M. Laurent Baumel. On ne peut pas laisser croire qu’il y a, d’un côté, les défenseurs de la famille, et, de l’autre, des adversaires du quotient familial. Nul ne peut contester que la fiscalité doive prendre en compte le niveau de vie et les charges des familles, ce qui est parfaitement conforme au principe constitutionnel de respect des capacités contributives de chacun.

Au siècle dernier, le quotient familial a été conçu à partir de l’idée que les ménages qui disposent du même revenu par part doivent bénéficier d’une situation équivalente avant et après impôt. Au vrai, d’autres dispositifs seraient envisageables pour prendre en compte les charges de famille. Dans un système fiscal refondé, on pourrait imaginer des réductions d’impôt tendant à prendre en compte la composition de la famille indépendamment du revenu. C’est un sujet pour les décennies à venir. En attendant, la combinaison du quotient familial et d’un barème progressif conduit à avantager les familles les plus riches. Mme Mazetier l’a rappelé : 10 % des familles bénéficient de 46 % du quotient. Le compromis qui nous est proposé n’est qu’une étape en vue de mieux combiner la prise en compte des niveaux de vie avec la progressivité, laquelle constitue l’axe structurant de ce projet de loi de finances.

Je suis par conséquent résolument hostile à ces amendements de suppression.

M. Philippe Vigier. La France a la chance de bénéficier d’un taux de natalité important, ce qui n’est évidemment pas sans incidence sur les charges des familles. Dans le dispositif proposé, nous ne comprenons pas qu’un parent isolé, qu’il soit veuf ou divorcé, ne pâtisse pas de la diminution du quotient familial alors qu’une famille « classique » risque d’en être affectée. Cela n’est pas cohérent puisque certains parents isolés peuvent être plus aisés que d’autres qui ont des enfants. Il aurait fallu au minimum un lissage !

Autre incohérence : au début de l’été, vous avez annoncé à grand bruit l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire en vue d’aider les familles ; quelques semaines après, vous « tapez » sur le quotient familial. Comprenne qui pourra !

M. Régis Juanico. Je souhaite à mon tour rassurer nos collègues de Courson et Vigier, qui affectent de redouter que cette mesure de justice ne remette en cause notre politique familiale. Pour avoir beaucoup travaillé sur ces sujets l’an dernier au sein du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, je vous rappelle que la France est classée au premier rang des pays de l’OCDE pour ce qui concerne son effort de redistribution en faveur des familles, auquel elle consacre 3,7 % du PIB, soit entre 70 milliards et 90 milliards d’euros, contre 2,2 % pour les autres pays de l’OCDE. Au-delà des aides fiscales, cela recouvre toute la politique d’accueil du jeune enfant, les prestations familiales, les congés parentaux, etc. Il n’est pas question de remettre en cause une politique qui fonctionne bien et ce n’est certainement pas par cette mesure de justice sociale que l’on s’oriente dans cette direction.

M. Henri Emmanuelli. Je ne peux pas laisser dire que le quotient familial soit une mesure de justice fiscale. La réalité, c’est qu’au sein d’une famille aisée, un enfant « rapporte » beaucoup plus que dans une famille plus modeste. À titre personnel, je serais plutôt favorable à une déduction forfaitaire par enfant, que l’on soit riche ou pauvre. Cela serait l’amorce d’une véritable politique familiale égalitaire.

Mme Marie-Christine Dalloz. La France est le premier pays redistributeur en matière de politique familiale. Au reste, le taux de natalité qui en résulte fait envie à nombre de nos voisins. L’adoption de cet article du projet de loi de finances risquerait de marquer un coup d’arrêt dans la conduite d’une politique familiale juste et cohérente. Mme Mazetier nous reproche de transmettre une dette à nos enfants. Dès lors, je ne comprends pas que l’une des premières décisions de François Hollande ait été d’augmenter l’allocation de rentrée scolaire sans avoir le premier euro pour financer cette mesure ! À quelque temps de là, vous portez un grave coup au quotient familial en faisant en sorte que la demi-part n’ait pas la même valeur selon qu’est à votre charge un enfant ou un parent âgé. Tout cela n’est pas logique.

M. Yves Censi. Très forte, notre politique familiale repose sur quelques principes – la liberté de choix, la pérennité, l’universalité – que nous sommes très inquiets de voir nos collègues socialistes remettre en cause. L’universalité, cela signifie que les aides ne sont pas attribuées en fonction de la situation de fortune mais de la composition de la cellule familiale, dont le nombre d’enfants. Vous tendez à bafouer ce principe,  au prétexte que certaines familles ne mériteraient pas certains avantages…

M. le rapporteur général. Scandaleux !

M. Yves Censi. …compte tenu de leur revenu fiscal de référence. Au surplus, vous ne tenez aucun compte du point de vue de l’Union nationale des associations familiales (UNAF), seul interlocuteur reconnu par les pouvoirs publics en ces domaines.

Mme Valérie Rabault. J’avoue éprouver quelque fascination pour la mauvaise foi de certains de nos collègues de l’opposition ! Le quotient familial, ce sont 14 milliards d’euros et nous parlons d’une mesure dont le rendement budgétaire serait de 490 millions, soit environ 3 % du total. Prétendre que l’on attaque les fondements du quotient familial et, plus largement, de l’ensemble de notre politique familiale via cette mesure de justice sociale relève donc de la pure mauvaise foi.

M. Alain Fauré. Je suis profondément choqué par ce que je viens d’entendre car je ne pense pas que les Français procréent en fonction de leur feuille d’impôt. S’ils ont plus d’enfants que d’autres Européens, c’est parce que sont prévus des crèches, des politiques d’accueil du jeune enfant et des congés parentaux qui aident les couples à s’organiser.

Il ne me semble pas juste que les ménages les plus aisés captent l’essentiel des avantages fiscaux. Quant aux prestations familiales, les montants versés sont indépendants du revenu, ce qui n’est pas négligeable. Je tenais à le rappeler pour corriger un peu les absurdités que nous avons entendues jusqu’à présent.

M. Laurent Grandguillaume. Je constate que l’opposition reste très attachée à la vision bismarckienne d’un ordre social très hiérarchisé. Pour les plus aisés, l’avantage fiscal représente 4 000 euros en moyenne alors qu’en deçà de 1 500 euros mensuels, le quotient ne procure rien. Je renvoie par conséquent ceux qui parlent d’universalité à l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Puisse cette lecture les inciter à revoir leur position !

M. Hervé Mariton. Le rapporteur général a présenté tout à l’heure une grille de comparaisons en nombres de SMIC par foyer. Je rappelle cependant que lorsqu’on parle de cinq SMIC pour deux parents actifs – les parents isolés n’étant pas concernés par la réforme –, cela revient à un salaire moyen de 2,5 SMIC par parent, ce qui ne me semble pas correspondre à de très gros revenus.

Le rapporteur général a fait une présentation assez factuelle du dispositif gouvernemental. Ce qui est plus intéressant dans nos débats, ce sont les positions de nos collègues socialistes. À les écouter, on en vient rapidement à penser que la proposition du Gouvernement ne leur suffit pas et qu’ils préféreraient mettre en cause le quotient familial dans sa définition même. Leurs arguments remettent en cause la logique de redistribution horizontale qui est l’un des piliers de notre politique familiale. En réalité, vous aspirez, pour la plupart d’entre vous, à aller très au-delà de ce que propose aujourd’hui le Gouvernement. Le pire est donc à craindre !

M. le rapporteur général. Je m’efforce en effet d’être factuel, monsieur Mariton, et je vous remercie de m’en donner acte.

Les allocations familiales, rappelons-le, sont versées indépendamment du revenu.

M. Henri Emmanuelli. C’est une erreur !

M. le rapporteur général. En revanche, seules les familles assujetties à l’impôt sur le revenu bénéficient du quotient familial. Les quelque 772 000 foyers fiscaux qui sont actuellement concernés par le plafonnement bénéficient d’une aide de 194 euros par mois et par demi-part. Demain, cette aide maximale sera simplement ramenée à 166 euros par mois et par demi-part, ce qui demeure tout à fait significatif.

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas une aide, c’est une modalité de calcul de l’impôt !

M. le rapporteur général. Que vous le vouliez ou non, c’est de l’argent qu’ils ont en plus après leur impôt. Avis défavorable à ces amendements de suppression.

Je demande par ailleurs une suspension de séance après le vote sur l’article.

La Commission rejette les amendements identiques I-CF 33 et I-CF 92.

La Commission adopte l’article 4 sans modification.

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* *

Après l’article 4

La Commission est saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 4.

Elle examine d’abord, en discussion commune, les amendements I-CF 31 de M. Hervé Mariton et I-CF 90 de M. Charles de Courson.

M. Olivier Carré. En juillet dernier, le Gouvernement a refiscalisé les heures supplémentaires. Les masses en jeu sont significatives : l’assiette atteint 13 milliards d’euros et la mesure concerne 9,5 millions de personnes. L’État en attend une recette d’environ 3,2 milliards d’euros, issue des charges sociales pour les trois quarts et de l’impôt sur le revenu pour un quart. Ces 800 millions d’euros d’impôt figurant dans les anticipations de recettes, ce sont les salariés gagnant autour de 2 000 euros par mois qui vont les payer, puisque le rapport de MM. Jean Mallot et Jean-Pierre Gorges au nom du Comité d’évaluation et de contrôle a établi que le plus grand nombre de bénéficiaires des mesures d’exonération se situaient à ce niveau de salaire. Comme la majorité précédente avait déjà corrigé les mécanismes d’optimisation qui s’étaient développés au bénéfice des grandes entreprises, ce sont bien les personnes physiques qui seront les premières touchées !

De plus, cette refiscalisation fera revenir dans le barème de nombreux foyers modestes qui ne payaient pas d’impôt auparavant. Il n’est pas normal de pénaliser des salariés qui travaillent davantage à la demande de leur employeur !

M. Charles de Courson. Selon le rapporteur général, l’article 2 fera sortir 300 000 contribuables du barème, mais combien y rentreront du fait de la suppression de l’exonération sur les heures supplémentaires et complémentaires ? Sans doute entre 1 et 2 millions, si l’on retient l’hypothèse que la moitié des 8 millions de bénéficiaires sont aujourd'hui non imposables.

L’amendement I-CF 90 vise à abroger l’abrogation, donc à réparer l’erreur commise par la majorité. Depuis septembre déjà, ces 8 millions de Français voient sur leur feuille de paye qu’ils acquittent des cotisations supplémentaires qui amputent leur pouvoir d’achat. Mais après viendra l’impôt sur le revenu !

J’y insiste, monsieur le rapporteur général : à combien estimez-vous le nombre de Français qui deviendront imposables du fait de la refiscalisation des heures supplémentaires et malgré la décote de l’article 2 ?

M. le rapporteur général. Vous voulez que nous refassions le débat du mois de juillet, mes chers collègues ? Chiche !

La loi de finances rectificative de cet été, rappelons-le, a également abrogé la hausse de la TVA que vous aviez prévu d’instaurer à compter du 1er octobre sur de très nombreux produits, et qui aurait pesé pour 10 milliards d’euros environ sur le pouvoir d’achat des Français. Vous pouvez bien, après cela, verser des larmes sur la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires !

Avis défavorable sur ces deux amendements.

M. Éric Woerth. Le débat sur la TVA est un beau débat puisqu’il pose la question de la compétitivité. J’observe du reste une évolution de la majorité à ce sujet : alors qu’au mois de juillet elle ne voulait pas en entendre parler, elle s’aperçoit aujourd'hui qu’il existe un problème de coût du travail. Nous aurons l’occasion d’en reparler dans la suite de la discussion budgétaire.

Depuis la suppression du dispositif d’exonération sur les heures supplémentaires, on observe que les salariés touchés aujourd'hui par la hausse des cotisations, demain par celle de l’impôt sur le revenu, demandent des augmentations de salaire pour compenser leur baisse de revenu, notamment dans les très petites entreprises. On risque de créer ainsi du chômage supplémentaire : comment des entreprises dont les marges sont déjà tendues pourraient-elles à la fois accorder des augmentations et garder des employés dont, par exemple, le CDD arrive à son terme ? La suppression du dispositif d’exonération aura des conséquences sociales graves. C’est pourquoi nous demandons qu’il soit rétabli.

M. Philippe Vigier. En matière de compétitivité, la position du Gouvernement évolue. Ce qui n’était pas envisageable il y a seulement quelques semaines le devient aujourd'hui et l’on annonce que la CSG ou la TVA augmenteront tôt ou tard.

S’agissant des heures supplémentaires, j’insisterai sur la situation des salariés qui continuent de travailler 39 heures sans jamais être passés aux 35 heures, généralement dans les petites entreprises, et qui se trouveront demain fiscalisés. Il ne s’agit pourtant pas d’heures supplémentaires choisies – et la gauche, qui a mis cinq ans à étendre les 35 heures à toutes les entreprises, le sait bien.

Ces salariés des PME-PMI qui découvrent la « douloureuse » sur leur feuille de paie de septembre sont-ils riches, monsieur le rapporteur général ? Certainement pas !

M. Hervé Mariton. Nous ne lâchons pas prise sur la défiscalisation des heures supplémentaires et, contrairement à la majorité, nous n’avançons pas masqués.

Au sujet des entreprises de moins de vingt salariés, par exemple, vous tenez un discours d’une constante ambiguïté. Dès le départ, vos engagements ont encouragé la restriction mentale. Votre programme indiquait que l’exonération serait maintenue « pour » - et non « dans » – les entreprises de moins de vingt salariés, ce qui vous permet de soutenir aujourd'hui que le cadre peut être différent selon qu’il s’agit de l’employeur ou du salarié. Vous n’avez pas tout à fait menti, mais vous avez rusé. Pour le contribuable, ce n’est ni très transparent ni très agréable.

M. Thierry Mandon. Quelle différence y a-t-il entre un travail rémunéré, non soumis à cotisations sociales et patronales, non déclaré au titre de l’impôt sur le revenu, et le travail au noir, mis à part le fait que le premier était légal ?

M. Pierre-Alain Muet. Le bon équilibre en matière d’heures supplémentaires est connu, monsieur Vigier : leur coût global étant moindre pour l’entreprise, il faut que celle-ci les rémunère 25 % plus cher, d’autant qu’elles sont plus fatigantes pour le salarié. Une intervention publique allant au-delà n’a aucune justification. En cas de chômage massif, il est plus logique de suivre l’exemple de l’Allemagne, qui a subventionné le chômage partiel afin que les salariés restent dans leur emploi. Dans la situation que nous connaissons, subventionner les heures supplémentaires est une absurdité économique.

Mme Marie-Christine Dalloz. Les salariés qui bénéficiaient des exonérations sur les heures supplémentaires apprécieront d’être assimilés à des travailleurs au noir, monsieur Mandon !

Nous constatons sur le terrain que la suppression de ces exonérations ne se traduit pas, contrairement à ce qu’a toujours soutenu la majorité, par des créations d’emplois nettes.

En outre, 53 % des 8 millions de bénéficiaires sont des ouvriers. C’est un très mauvais coup que vous portez aux bas revenus et à leur pouvoir d’achat ! En rétablissant le dispositif, vous enverriez un vrai signe d’intérêt à cette population.

M. le rapporteur général. Si nous refaisons le débat du mois de juillet en commission, nous ne sommes pas couchés ! Vous aurez l’occasion de développer vos arguments en séance publique, mes chers collègues de l’opposition.

La Commission rejette successivement les amendements I-CF 31 et I-CF 90.

Elle en vient à l’amendement I-CF 3 de M. Jean-Pierre Gorges.

Mme Arlette Grosskost. Cet amendement vise à supprimer les avantages fiscaux accordés jusqu’à présent aux journalistes. Alors que plusieurs organes de presse stigmatisent en permanence les députés pour l’indemnité représentative de frais de mandat qu’ils perçoivent, on oublie trop souvent de rappeler que certaines catégories professionnelles bénéficient d’avantages jamais remis en cause.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Il y a eu des évolutions concernant ces catégories. Les 7 650 euros annuels déductibles du revenu imposable pour frais liés à la profession de journaliste correspondent à un équilibre sur lequel le Gouvernement et le rapporteur général ne souhaitent pas revenir à l’heure actuelle.

La Commission rejette l’amendement I-CF 3.

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Elle examine ensuite l’amendement I-CF 85 de M. Laurent Baumel.

M. Laurent Baumel. Mon amendement propose de doubler le montant de l’abattement spécial dont bénéficient les personnes âgées de plus de 65 ans dont le revenu net global ne dépasse pas 14 220 euros et celles dont le revenu net global est compris entre 14 220 et 22 930 euros. La perte de recettes pour l’État serait compensée, à due concurrence, par l’abaissement du plafond de l’abattement de 10 % sur les pensions et retraites, et par la suppression de cet abattement lorsque le montant total des pensions et retraites perçues par l’ensemble des membres du foyer fiscal est supérieur à 36 600 euros.

Cet amendement s’inscrit dans la philosophie de ce texte, qui ne vise pas uniquement à répartir l’effort fiscal entre les contribuables, mais aussi à instaurer une fiscalité plus progressive ; c’est cette logique qui a présidé à la revalorisation de la décote applicable à l’impôt sur le revenu, dont le rapporteur général a souligné l’effet redistributif. La mesure que nous proposons concerne la population des plus de 65 ans, pour laquelle il existe des abattements spéciaux et qui n’est pas moins hétérogène socialement que le reste de la population ; d’ailleurs, le système actuel a été vivement critiqué par la Cour des comptes, qui a souligné que la moitié de la dépense fiscale correspondante allait aux 20 % des foyers les plus aisés et 30 % au décile supérieur de revenus.

M. le rapporteur général. La question a déjà été évoquée à l’article 2, lorsque j’ai proposé de revaloriser de 2 % le montant de cet abattement. Le doubler coûterait cher, et le gage que vous proposez est trop imprécis : à quel niveau fixeriez-vous le plafond de l’abattement de 10 % sur les pensions et retraites ?

Cet amendement ayant été –  certes partiellement – satisfait tout à l’heure, je vous engage à le retirer – faute de quoi, il recueillerait un avis défavorable.

M. Nicolas Sansu. L’impôt sur le revenu s’applique aux personnes physiques, sans distinction de catégories. Ne mettons pas le doigt dans cet engrenage, sinon on finira par différencier un impôt sur le revenu pour les jeunes et un autre pour les personnes âgées !

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement I-CF 1 de M. Dominique Baert.

M. Dominique Baert. À partir du moment où une niche fiscale existe, il faut faire en sorte qu’elle soit juste. Les anciens combattants bénéficient d’une demi-part supplémentaire seulement à partir de 75 ans : nombre d’entre eux n’y ont pas droit. Je propose d’abaisser ce seuil à 74 ans.

M. le président Gilles Carrez. J’admire votre constance, monsieur Baert, mais chaque année qui passe rend votre amendement moins nécessaire…

M. le rapporteur général. Avis défavorable : un tel avantage ne bénéficierait pas à tout le monde, mais aux seules personnes imposables. Nous préférons plutôt, pour un montant de 54 millions d’euros, étendre en année pleine la revalorisation de la retraite du combattant de 44 à 48 points – qui avait été prévue par la précédente majorité, mais pas financée.

M. Régis Juanico. Les anciens combattants d’Algérie ayant aujourd’hui entre 70 et 80 ans, il ne reste plus beaucoup de temps à Dominique Baert pour faire adopter son amendement !

M. Charles de Courson. Tant que vous y êtes, pourquoi ne pas indexer l’avantage fiscal sur la diminution du nombre des anciens combattants ? Cet amendement est une folie !

M. Dominique Baert. Mesurant l’effort consenti pour financer une mesure qui ne l’était pas, j’accepte de retirer mon amendement – bien que j’eusse souhaité un geste supplémentaire.

L’amendement I-CF 1 est retiré.

La Commission en vient à l’amendement I-CF 66 de M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Mon amendement vise à supprimer une niche destinée aux hauts revenus : il s’agit de la réduction d’impôt accordée, à hauteur de 18 % des versements effectués, au titre des souscriptions en numéraire au capital initial ou aux augmentations de capital des sociétés.

M. le rapporteur général. Cette mesure vise le dispositif « Madelin » et les souscriptions aux Fonds d’investissement de proximité – FIP. Sur le fond, je ne me prononcerai pas, mais votre amendement aurait pour conséquence de faire disparaître l’avantage fiscal sur des opérations déjà engagées, ce qui risquerait de mettre en péril leur équilibre financier. Je vous invite donc à le retirer, et à en redéposer un dans le cadre de la deuxième partie du PLF – sans que cela vaille engagement de ma part d’y émettre un avis favorable.

M. Nicolas Sansu. C’est entendu.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement I-CF 25 de M. Camille de Rocca Serra.

Mme Arlette Grosskost. Cet amendement vise à proroger jusqu’en 2016 le FIP Corse.

M. le rapporteur général. Pour les mêmes raisons, je vous invite à retirer votre amendement et à le redéposer dans le cadre de la deuxième partie.

M. Charles de Courson. Les dispositifs de ce type arrivent à terme : il faut examiner la question dans son ensemble, sans prévoir une nouvelle mesure dérogatoire pour la Corse !

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement I-CF 67 de M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Cet amendement concerne les emplois à domicile.

M. le rapporteur général. Il trouverait mieux sa place dans la deuxième partie. Dans le cadre du PLFSS et de la deuxième partie du PLF, je proposerai plusieurs aménagements du dispositif, ayant trait à la fois aux cotisations sociales et aux dispositions fiscales.

L’amendement est retiré.

La Commission examine, en présentation commune, les amendements I-CF 129 à I-CF 131 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il s’agit de mesures purement techniques.

L’administration fiscale a, sans base légale, écarté les ventes d’immeuble à rénover (VIR) des dispositifs de défiscalisation du déficit foncier et des monuments historiques, ce qui provoque de nombreux contentieux. L’amendement I-CF 130 tend à préciser que ce régime s’applique aussi aux ventes d’immeubles à rénover.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Actuellement, le montant de l’acquisition n’incluant pas les travaux réalisés par le vendeur, le montant des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) est déjà minoré d’une fraction de la valeur réelle du bien acheté. Votre amendement reviendrait à faire bénéficier les acquéreurs de deux avantages au titre des mêmes dépenses !

M. Charles de Courson. Il conviendrait tout de même de clarifier les choses : si les VIR ne peuvent pas bénéficier du régime de défiscalisation, il faut le dire !

D’autre part, la réduction d’impôt consentie pour les opérations menées dans le cadre de la loi Malraux est fixée à 22 % du montant des dépenses retenues, dans la limite annuelle de 100 000 euros. Comme il n’a pas été prévu de possibilité de report des déficits, il arrive que les dépenses soient déclarées en portions fictives de 100 000 euros. L’amendement I-CF 129 propose de rendre possible le lissage pluriannuel des dépenses.

M. le rapporteur général. Je suis totalement défavorable à cet amendement. Les avantages fiscaux consentis au titre du dispositif « Malraux » sont plafonnés ; si certains – qui correspondent à une minorité de personnes fortunées – choisissent d’investir davantage, on ne va pas reporter la niche fiscale sur plusieurs années !

Mme Karine Berger. Pour pouvoir bénéficier de vos réductions, monsieur de Courson, encore faut-il être éligible à l’impôt sur le revenu ! Je vous signale que seul le 97e percentile de la population française paye plus de 10 000 euros d’impôts, montant qui correspond au nouveau plafond global proposé par le projet de loi de finances en deuxième partie. J’entends bien que vous vous souciez de la bonne santé du marché immobilier, mais je vous rappelle aussi qu’à de nombreuses reprises, vous avez souhaité que la chasse aux niches fiscales soit l’objectif commun de notre Commission. J’espère par conséquent pouvoir compter sur votre soutien lorsque, dans le cadre de la deuxième partie du PLF, je proposerai des amendements au titre du plafonnement des niches de l’impôt sur le revenu. Il serait dommage que les 3 % de ménages les plus aisés n’aient plus la possibilité de payer l’impôt !

M. Hervé Mariton. Les niches fiscales existent – entre autres raisons – afin d’éviter l’excessive concentration actuelle de l’impôt sur le revenu. Le fait que la majorité fasse tout pour aggraver cette concentration va singulièrement compliquer le débat sur leur réduction – pourtant justifiée à certains égards !

M. Henri Emmanuelli. Voilà comment vous vous préparez à changer d’avis !

M. Charles de Courson. Madame Berger, dois-je vous rappeler que le Gouvernement propose de sortir le dispositif « Malraux » du plafonnement – que nous avons mis cinq ans à établir ? Mon amendement est purement technique : il ne coûtera rien au Trésor, mais il permettra d’éviter les « magouilles ».

J’en viens à l’amendement I-CF 131. Actuellement, les SCPI qui souhaitent réaliser des investissements dans le cadre du dispositif « Malraux » sont soumises à une double contrainte : consacrer 65 % de la collecte aux travaux et 30 % au foncier, le solde correspondant aux frais de dossier. Or, dans certains endroits, le coût du foncier est tel qu’il peut dépasser les 30 %. Je propose de fusionner les deux tranches.

M. le rapporteur général. Avis défavorable : le dispositif actuel engage les SCPI à acquérir du foncier et à lancer de nouveaux projets de restauration.

La Commission rejette successivement les amendements I-CF 130, I-CF 129 et I-CF 131.

Elle en vient à l’amendement I-CF 142 de M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Le crédit d’impôts accordé pour des travaux imposés dans des habitations situées autour d’un site Seveso, a connu de nombreuses variations au cours des dernières années. Par cet amendement, nous proposons de le rétablir à son niveau initial, soit 40 % du montant total des travaux, tout en abaissant son plafond de 30 000 à 15 000 euros. Cela permettrait à la fois aux ménages modestes de répondre à l’obligation de mise en conformité de leurs habitations, et à l’État de rester dans un volume de dépenses constant.

M. le rapporteur général. Sur le principe, je suis favorable à l’amendement, mais sa rédaction fait problème ; en particulier, les propriétaires bailleurs ne pourraient plus bénéficier du crédit d’impôt – ce qui ne me semble pas être le but recherché. Je vous propose donc de le retirer et d’en déposer une nouvelle version dans le cadre de l’article 88.

L’amendement est retiré.

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Article additionnel après l’article 4

Abaissement du plafond de l’abattement de 10 % sur le revenu pour frais professionnels

La Commission examine ensuite l’amendement I-CF 187 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Cet amendement vise à ramener le plafond d’avantage procuré par la déduction forfaitaire de 10 % au titre des frais professionnels de 14 157 à 12 000 euros, la possibilité de passer aux frais réels restant par ailleurs inchangée. Ce plafond s’appliquerait donc aux revenus imposables supérieurs à 10 000 euros par mois, soit environ dix SMIC, pour chacun des membres du foyer déclarant un revenu professionnel.

M. Hervé Mariton. En d’autres termes, l’amendement aggrave la progressivité de l’impôt. Il aurait été plus transparent de la part du rapporteur général d’approuver les amendements visant à créer de nouvelles tranches. Cette déduction proportionnelle mais plafonnée manque de clarté. La réforme de l’impôt sur le revenu de 2005 avait apporté un peu de cohérence en transférant vers le barème des éléments qui faisaient précédemment l’objet de déductions. Mieux vaudrait supprimer les déductions et avoir un barème lisible. La disposition proposée rend plus difficile la lecture du barème, peut-être à dessein car vous en tirez un avantage politique.

M. Charles de Courson. Combien de foyers la mesure concernerait-elle et quel serait son rapport ?

M. le rapporteur général. Moins de 112 000 contribuables, pour un rapport d’environ 80 millions d’euros.

La Commission adopte l’amendement I-CF 187 (Amendement n° I–66).

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Article additionnel après l’article 4

Plafonnement du barème kilométrique indicatif pour l’impôt sur le revenu

La Commission en vient aux amendements I-CF 156 de M. Éric Alauzet et I-CF 143 du rapporteur général, qui peuvent être soumis à une discussion commune.

M. Éric Alauzet. Nous proposons par cet amendement de plafonner le coefficient multiplicateur du barème automobile des indemnités kilométrique à une puissance fiscale de sept chevaux fiscaux. Autrement dit, la déductibilité pour usage professionnel serait la même pour tous les véhicules d’une puissance égale ou supérieure à sept chevaux.

M. le rapporteur général. Votre amendement ne tend à modifier que le barème indicatif. Je lui préfère l’amendement I-CF 143, qui vise également à fixer un plafond pour les véhicules d’une puissance supérieure à sept chevaux fiscaux mais qui permet de couvrir toutes les situations, que les frais soient déclarés en fonction du barème ou non.

M. Pierre-Alain Muet. En effet, l’amendement I-CF 143 vise à limiter la déductibilité du montant des frais professionnels déclarés au réel et relatifs aux déplacements entre le domicile et le lieu de travail pour les véhicules dont la puissance administrative est supérieure à sept chevaux.

M. Hervé Mariton. La démarche ne me semble pas mauvaise car le mode de calcul actuel est plutôt généreux. Je regrette toutefois que le Gouvernement aborde le sujet par plusieurs biais en aggravant très sensiblement, par ailleurs, le malus appliqué à ce type de véhicule. Même si le dispositif existant mérite d’être corrigé, le cumul des deux mesures n’est-il pas excessif ?

M. Éric Woerth. Il s’agit d’une attaque directe contre l’industrie automobile allemande !

M. Charles de Courson. Sur le principe, je ne suis pas hostile à l’amendement, mais il faut faire attention : hier, Carlos Ghosn nous a expliqué que les grands constructeurs automobiles réalisaient leurs marges sur les véhicules haut de gamme. Est-ce bien le moment d’adopter ce genre de mesure ?

M. Henri Emmanuelli. Cela réduirait les marges des constructeurs allemands !

M. Charles de Courson. Les constructeurs français font eux aussi du haut de gamme, et Carlos Ghosn nous dit vouloir attaquer ce segment de marché…

M. le rapporteur général. Plutôt que sur la puissance fiscale, nous aurions préféré nous fonder sur le niveau de pollution, mais, celui-ci n’étant pas connu pour les véhicules les plus anciens, c’est techniquement impossible. En sus de l’objectif concurrentiel évoqué, cette mesure posséderait néanmoins un caractère environnemental, dans la mesure où, dans la majeure partie des cas, plus la puissance d’un véhicule est élevée, plus ses émissions polluantes sont importantes.

Quant au malus, il ne s’applique qu’à l’acquisition du véhicule, alors que le présent amendement vise le stock des véhicules en usage.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur Alauzet, vous ralliez-vous à l’amendement du rapporteur général ?

M. Éric Alauzet. Oui.

L’amendement I-CF 156 est retiré et la Commission adopte l’amendement I-CF 143 (Amendement n° I–65) du rapporteur général.

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* *

Article additionnel après l’article 4

Abaissement du plafond des versements aux partis politiques pris en compte au titre de la réduction d’impôt sur le revenu pour les dons

La Commission examine l’amendement I-CF 166 de Mme Éva Sas.

Mme Éva Sas. Nous proposons de plafonner à 7 500 euros par contribuable les dons consentis à des partis politiques, plutôt que de les limiter à 7 500 euros par parti comme c’est le cas aujourd’hui. L’objectif est d’éviter la multiplication des micro-partis dont la création ne sert qu’à contourner la légalité : avec ce système, une même personne physique peut aujourd’hui donner, par l’intermédiaire de micro-partis affiliés, jusqu’à 50 000, voire 75 000 euros à une même famille politique.

M. le rapporteur général. Ce problème a donné lieu au dépôt de nombreux amendements dans le passé – ce qui ne veut pas dire que celui-ci ne doit pas être examiné avec attention.

Vous évoquez des sommes allant jusqu’à plusieurs dizaines de milliers d’euros, mais en réalité, la législation actuelle plafonne à 15 000 euros par foyer fiscal le montant des dons à des partis politiques ouvrant droit à une réduction d’impôt. Ce plafond, que vous souhaitez abaisser à 7 500 euros, a déjà été modifié : auparavant, il était possible de déduire jusqu’à 7 500 euros par parti politique, sans autre limitation. La législation actuelle, issue d’un compromis entre de nombreuses propositions différentes, me paraît équilibrée. Elle ne conduit pas à favoriser le phénomène des micro-partis.

M. Marc Le Fur. Au cours de la précédente législature, la Commission nous avait chargés, notre ancienne collègue Aurélie Filippetti et moi-même, de rédiger une série d’amendements sur ce sujet, finalement adoptés à l’unanimité. Une double limite a donc été apportée aux dons consentis aux partis politiques : ces dons ne peuvent dépasser 7 500 euros par parti, et leur ensemble n’ouvre droit à une réduction d’impôt que dans la limite de 15 000 euros par an.

Par ailleurs, il ne faut pas faire le procès des micro-partis – auxquels toutes les sensibilités politiques ont d’ailleurs aujourd’hui recours –, dans la mesure où ils tendent à remplacer les associations, et que contrairement à ces dernières, ils ne peuvent recevoir de l’argent de la part de personnes morales et notamment des entreprises. C’est donc un progrès dans le sens de la moralisation de la vie politique. Il paraît préférable de s’en tenir pour l’instant à ce compromis, quitte à examiner à nouveau la question dans quelques années.

M. Jean-Christophe Lagarde. On pouvait en effet juger le système abusif dans la mesure où chaque don consenti à un parti donnait droit à une déduction dans la limite de 7 500 euros : la réduction d’impôt pouvait donc atteindre autant de fois 7 500 euros qu’il y avait de partis concernés. Mais depuis la modification intervenue lors de la précédente législature, le montant global déductible est plafonné. Si on y ajoute la mesure générale de plafonnement à 10 000 euros appliquée aux niches fiscales, on comprend que plus personne n’aura intérêt à multiplier les dons aux partis politiques. La législation actuelle est donc équilibrée et satisfaisante ; on peut même dire que l’amendement proposé est en retard d’une législature.

M. Pascal Terrasse. Il est vrai qu’à partir du moment où on décide de plafonner à 10 000 euros le bénéfice de la plupart des niches fiscales – dont celle-ci, je l’espère –, l’amendement perd de son intérêt. Cette somme correspond justement à 66 % de 15 000 euros, soit le montant maximal des dons ouvrant droit à une réduction d’impôt. Il sera donc difficile pour un même foyer fiscal d’en bénéficier tout en finançant plus d’un parti.

M. Henri Emmanuelli. Je ne comprends pas les réticences exprimées à l’égard d’un amendement qui va vers davantage de moralisation. Il n’est pas nécessaire d’attendre pour l’adopter.

Il est inexact, monsieur Le Fur, que toutes les sensibilités politiques soient concernées par les micro-partis. Au vu de la liste qui a été publiée, certains députés de gauche en ont en effet créé, mais ils représentent à peine 10 % du total.

En tout état de cause, je suis opposé à de telles pratiques, que les lois sur le financement de la vie politique avaient justement pour but d’éviter. Les micro-partis ne sont pas une création du législateur, ils constituent au contraire une déviance destinée à contourner l’esprit de la loi. Plus vite on en finira avec eux, mieux on se portera.

M. Régis Juanico. Je peux d’autant moins m’opposer à cet amendement qu’il reprend une proposition que j’avais faite en tant que rapporteur d’une proposition de loi visant à renforcer les exigences de transparence financière de la vie politique : limiter à 7 500 euros par personne physique et par an les dons consentis à des partis politiques, toutes organisations confondues. On a vu, dans le passé, les effets des stratégies visant à contourner l’esprit de la loi. En multipliant les dons à des partis ou des structures politiques destinées à financer une campagne électorale, certains pouvaient porter le montant de leurs dons à plusieurs dizaines de milliers d’euros. Même si l’amendement n’est pas adopté, il me semble donc nécessaire de progresser dans le sens de la modération et de la transparence.

M. Olivier Faure. Nous sommes tous favorables à l’idée de voir nos concitoyens contribuer, dans des limites strictes, au financement de la démocratie. Cette exigence, et la crainte que certains contribuables ne se tournent vers d’autres formes de défiscalisation, me feraient plutôt pencher en faveur d’un déplafonnement. Mais il est nécessaire de retenir la proposition des auteurs de l’amendement afin d’éviter les dérives évoquées à l’instant par Régis Juanico.

M. Charles de Courson. L’adoption de cet amendement ne changera rien : le statut associatif est déjà détourné pour permettre d’effectuer des dons qui donneront lieu à un crédit d’impôt. Un parti politique n’est qu’une association reconnue comme telle ; or de nombreuses associations ne demandent pas cette reconnaissance.

Mme Christine Pirès Beaune. L’objectif de l’amendement est de lutter contre la multiplication des micro-partis. Mais cette année, à la suite des élections législatives, 71 millions d’euros d’aide ont été distribués à 331 formations politiques. Ne devrait-on pas plutôt durcir les critères de remboursement des frais de campagne ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Une très grande partie des formations dont vous parlez sont des partis ultramarins, soumis à des règles particulières. En effet, si en métropole une formation doit recueillir au moins 1 % des voix dans 50  circonscriptions pour bénéficier de la première fraction des crédits affectés au financement de la vie politique – et très peu d’organisations y parviennent –, il suffit, pour un parti d’outre-mer, d’atteindre ce seuil dans une seule circonscription pour en bénéficier. Quoi qu’il en soit, les sommes concernées sont très faibles.

M. le rapporteur général. Pour la clarté du débat, je me dois de préciser que les dons ne seront pas inclus dans le plafonnement à 10 000 euros des niches fiscales que nous allons mettre en place. L’argument de Pascal Terrasse est donc sans objet. Certes, l’année dernière, Gilles Carrez et Pierre-Alain Muet avaient proposé une mesure de cet ordre, mais ils avaient alors été accusés par les associations humanitaires de vouloir tuer les dons, legs et donations à caractère caritatif. Ce n’était évidemment pas leur intention, et c’est pourquoi j’avais trouvé un peu malsain le débat qui en avait résulté.

Par ailleurs, la fixation à 15 000 euros du plafonnement des dons pouvant donner lieu à une réduction d’impôt – soit deux fois 7 500 euros – visait à permettre par exemple aux deux membres d’un couple ne partageant pas les mêmes opinions politiques de financer chacun un parti, ou tout simplement d’effectuer des dons à deux partis proches. Auparavant, il était possible de déduire jusqu’à 7 500 euros par parti, quel que soit leur nombre, ce qui a favorisé l’émergence des micro-partis. Aujourd’hui, la possibilité de financer de nombreuses organisations est considérablement réduite.

Mon point de vue personnel est que la législation actuelle est équilibrée. Mais de toute façon, l’adoption de l’amendement n’aura aucune conséquence sur le plan budgétaire : ce n’est pas cela qui permettra de réduire le déficit que nos collègues de l’opposition nous ont laissé. Je m’en remets donc à la sagesse de la Commission.

Mme Annick Girardin. Le plafond de 15 000 euros s’applique-t-il par personne ou par foyer fiscal ?

M. Jean-Louis Gagnaire. Je suggère que nous lancions une réflexion commune et sereine sur ces questions plutôt que d’improviser un débat en séance publique. Peu importe le montant du plafond, il paraîtra toujours trop élevé à certains. Méfions-nous des dégâts collatéraux que pourrait entraîner un tel débat, surtout s’il amène une confusion entre dons et cotisations.

M. Pascal Terrasse. Il faudra pourtant bien expliquer à nos concitoyens que les dons consentis aux partis politiques, outre qu’ils permettent de bénéficier d’une niche fiscale, ne sont pas concernés par la mesure générale de plafonnement. Réfléchissez à ce que sera alors leur réaction !

Si ces dons échappent au plafonnement des niches fiscales – ce que je regrette –, l’amendement proposé prend tout son sens et doit être adopté.

La Commission adopte l’amendement (Amendement n° I–75).

Article 5

Imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu des dividendes et des produits de placement à revenu fixe

Texte du projet de loi :

I.– Le code général des impôts est ainsi modifié :

A.– L'article 54 sexies est ainsi modifié :

1° Les mots : « prévus à l'article 125 C » sont remplacés par les mots : « versés au titre des sommes mises à leur disposition par les associés ou actionnaires et portées sur un compte bloqué individuel » et les mots : « dans les conditions prévues au même article » sont supprimés ;

2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le non-respect de l'obligation fixée au premier alinéa entraîne, nonobstant toutes dispositions contraires, l'exigibilité immédiate des impôts dont ont été dispensés les associés ou actionnaires et la société, assortis, le cas échéant, de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 décompté de la date à laquelle ces impôts auraient dû être acquittés. »

B.– L’article 117 quater est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a. Le 1 est ainsi rédigé :

« Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l’article 4 B qui bénéficient de revenus distribués mentionnés aux articles 108 à 146 quater sont assujetties à un prélèvement au taux de 21 %.

« Pour le calcul de ce prélèvement, les revenus mentionnés au premier alinéa sont retenus pour leur montant brut.

« Toutefois, les personnes physiques appartenant à un foyer fiscal dont le revenu fiscal de référence de l'avant-dernière année, tel que défini au 1° du IV de l'article 1417, est inférieur à 50 000 € peuvent demander à être dispensées de ce prélèvement dans les conditions prévues à l'article 242 quater.

« Ce prélèvement s’impute sur l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année au cours de laquelle il a été opéré. S’il excède l’impôt dû, l’excédent est restitué. » ;

b. Au 2, les mots : « L'option prévue » sont remplacés par les mots : « Le prélèvement prévu » ;

2° Le II est ainsi modifié :

a. Au premier alinéa, les mots : « opte pour le » sont remplacés par les mots : « est soumis au » ;

b. Le second alinéa est supprimé ;

3° Le III est ainsi modifié :

a. Le premier alinéa du 1 est ainsi rédigé :

« Lorsque la personne qui assure le paiement des revenus mentionnés au premier alinéa du I est établie hors de France, seules les personnes physiques appartenant à un foyer fiscal dont le revenu fiscal de référence de l'avant-dernière année, tel que défini au 1° du IV de l'article 1417, est égal ou supérieur au montant mentionné au troisième alinéa du 1 du I sont assujetties au prélèvement prévu au I. Les revenus sont déclarés et le prélèvement correspondant est acquitté dans les délais prévus à l'article 1671 C : » ;

b. Le quatrième alinéa du 1 est supprimé ;

c. Le 4 est abrogé.

C.– Au premier alinéa du 1 de l’article 119 bis, les mots : « Sous réserve des dispositions de l’article 125 A, » sont supprimés.

D.– Le premier alinéa du II de l'article 125-0 A est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Les personnes physiques qui bénéficient de produits mentionnés au I peuvent opter pour leur assujettissement à un prélèvement qui libère les revenus auxquels il s'applique de l'impôt sur le revenu, lorsque la personne qui assure le paiement de ces revenus est établie en France, qu'il s'agisse ou non du débiteur, ce dernier étant établi dans un État membre de l'Union européenne ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales.

« L'option, qui est irrévocable, est exercée au plus tard lors de l'encaissement des revenus.

« Le caractère libératoire du prélèvement ne peut être invoqué pour les produits qui sont pris en compte pour la détermination du bénéfice imposable d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole ou d'une profession non commerciale.

« Le taux du prélèvement est fixé : ».

E.– L'article 125 A est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi rédigé :

« I.– Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l’article 4 B qui bénéficient d'intérêts, arrérages et produits de toute nature de fonds d'État, obligations, titres participatifs, bons et autres titres de créances, dépôts, cautionnements et comptes courants, ainsi que d'intérêts versés au titre des sommes mises à la disposition de la société dont elles sont associées ou actionnaires et portées sur un compte bloqué individuel, sont assujetties à un prélèvement, lorsque la personne qui assure le paiement de ces revenus est établie en France, qu’il s’agisse ou non du débiteur.

« Pour le calcul de ce prélèvement, les revenus mentionnés au premier alinéa sont retenus pour leur montant brut.

« Le prélèvement est effectué par le débiteur ou par la personne qui assure le paiement des revenus.

« Toutefois, les personnes physiques appartenant à un foyer fiscal dont le revenu fiscal de référence de l'avant-dernière année, tel que défini au 1° du IV de l'article 1417, est inférieur au montant mentionné au troisième alinéa du 1 du I de l’article 117 quater peuvent demander à être dispensées de ce prélèvement dans les conditions prévues à l'article 242 quater.

« Le prélèvement mentionné au premier alinéa ne s'applique pas aux revenus ayant fait l'objet de la retenue à la source prévue au 1 de l'article 119 bis. » ;

2° Après le I, il est inséré un I bis ainsi rédigé :

« bis.– Les personnes physiques appartenant à un foyer fiscal dont le montant des revenus mentionnés au premier alinéa du I n’excède pas, au titre d’une année, 2 000 € peuvent opter pour leur assujettissement à l’impôt sur le revenu, à raison de ces mêmes revenus, à un taux forfaitaire de 24 %. L’option est exercée lors du dépôt de la déclaration d'ensemble des revenus perçus au titre de la même année. »

« La retenue à la source opérée, le cas échéant, sur les revenus mentionnés au premier alinéa conformément au 1 de l'article 119 bis, est imputée sur l’imposition à taux forfaitaire.

« Les revenus mentionnés au premier alinéa de source étrangère sont retenus pour leur montant brut. L’impôt retenu à la source est imputé sur l’imposition à taux forfaitaire dans la limite du crédit d’impôt auquel il ouvre droit dans les conditions prévues par les conventions internationales. » ;

3° Le II est ainsi rédigé :

« II.– Un prélèvement est obligatoirement applicable aux revenus des produits d'épargne donnés au profit d'un organisme mentionné au 1 de l'article 200 dans le cadre d'un mécanisme dit solidaire de versement automatique à l'organisme bénéficiaire par le gestionnaire du fonds d'épargne.

« Les revenus mentionnés au premier alinéa de source étrangère sont retenus pour leur montant brut. L’impôt retenu à la source est imputé sur le prélèvement dans la limite du crédit d’impôt auquel il ouvre droit dans les conditions prévues par les conventions internationales. » ;

4° Le III est ainsi modifié :

a. La première occurrence du mot : « Le » est remplacé par le mot : « Un » ;

b. Il est complété par un second alinéa ainsi rédigé :

« La retenue à la source opérée conformément au 1 de l'article 119 bis est, le cas échéant, imputée sur le prélèvement mentionné au premier alinéa. » ;

5° Le III bis est ainsi modifié :

a. Au troisième alinéa, les mots : « et aux produits capitalisés sur un plan d'épargne populaire dont la durée est égale ou supérieure à 4 ans ; il est fixé à 35 % pour les produits capitalisés sur un plan d'épargne populaire dont la durée est inférieure à quatre ans » sont supprimés ;

b. Au 2°, les mots : « un tiers » sont remplacés par le taux : « 24 % », et les mots : « juin 1978 » sont remplacés par les mots : « janvier 1998 ainsi que les produits des autres placements » ;

c. Le 3° est abrogé ;

d. Au premier alinéa du 4°, le taux : « 38 % » est remplacé par le taux : « 24 % » et les mots : « émis à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi n° 80-30 du 18 janvier 1980 et avant le 1er janvier 1983 » sont supprimés ;

e. Au second alinéa du 4°, le taux : « 42 % » est remplacé par le taux : « 75 % » ;

f. Les 5° à 7° sont abrogés ;

g. Au 8°, la première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « ainsi que pour le boni de liquidation » et la seconde phrase du même alinéa et le second alinéa sont supprimés ;

h. Au deuxième alinéa du 9°, le taux : « 60 % » est remplacé par le taux : « 75 % » ;

i. Au 10°, les mots : « donnés au profit d’un organisme mentionné au 1 de l’article 200 dans le cadre d’un mécanisme dit "solidaire" de versement automatique à l’organisme bénéficiaire par le gestionnaire du fonds d’épargne » sont remplacés par les mots : « soumis obligatoirement au prélèvement en application du II » ;

6° Le IV est ainsi rédigé :

« IV.– Le prélèvement prévu au I ne s'applique pas aux intérêts et autres revenus exonérés d'impôt sur le revenu en application de l'article 157. » ;

7° Au V, avant le premier alinéa, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :

« Le prélèvement prévu au I s’impute sur l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année au cours de laquelle il a été opéré. S’il excède l’impôt dû, l’excédent est restitué.

« Les prélèvements prévus aux II, III, second alinéa du 4° et deuxième alinéa du 9° du III bis libèrent les revenus auxquels ils s'appliquent de l'impôt sur le revenu. »

F.– L'article 125 D est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi rédigé :

« I.– Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l’article 4 B qui appartiennent à un foyer fiscal dont le revenu fiscal de référence de l'avant-dernière année, tel que défini au 1° du IV de l'article 1417, est égal ou supérieur au montant mentionné au troisième alinéa du 1 du I de l’article 117 quater et qui bénéficient de revenus ou produits énumérés au I de l’article 125 A sont assujetties au prélèvement prévu à ce même I, aux taux fixés au III bis du même article, lorsque la personne qui assure leur paiement est établie hors de France, qu’il s’agisse ou non du débiteur des revenus ou produits, ce dernier étant établi en France ou hors de France. » ;

2° Le II est ainsi modifié :

a. Les mots : « au I de l'article 125 A » sont remplacés par les mots : « au premier alinéa du II de l'article 125-0 A » et les mots : « de l'article 125-0 A » sont remplacés par les mots : « de ce même article » ;

b. Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les revenus de source étrangère mentionnés au premier alinéa sont retenus pour leur montant brut. L'impôt retenu à la source est imputé sur le prélèvement dans la limite du crédit d'impôt auquel il ouvre droit dans les conditions prévues par les conventions internationales. »

3° Au III, les mots : « au V de l'article 125 A » sont remplacés par les mots : « au troisième alinéa du II de l'article 125-0 A » et les mots : « aux I et II » sont remplacés par les mots : « au II » ;

4° Le IV est ainsi modifié :

a. Le premier alinéa est ainsi modifié :

– après les mots : « le contribuable », sont insérés les mots : « est assujetti au prélèvement prévu au I ou », les mots : « aux I et II » sont remplacés par les mots : « au II » et les mots : « mandatée à cet effet » sont remplacés par les mots : « lorsqu’elle est établie hors de France dans un État membre de l'Union européenne, ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, et qu'elle a été mandatée à cet effet par le contribuable » ;

b. Au deuxième alinéa, après les mots : « le prélèvement » sont insérés les mots : « prévue au II » ;

c. Au quatrième alinéa, après le mot : « prélèvement » sont insérés les mots : « mentionné au II » et les mots : « revenus, » sont supprimés ;

5° Le V est ainsi modifié :

a. À la première phrase, les mots : « pour lesquels le contribuable opte pour le » sont remplacés par les mots : « soumis au » ;

b. À la seconde phrase, après le mot : « prélèvement » sont insérés les mots : « mentionné au II ».

G.– Le II de l’article 154 quinquies est ainsi modifié :

1° Les références : « aux articles 117 quater et 125 A » sont remplacées par les références : « au II de l’article 125-0 A et aux I bis, II, III, second alinéa du 4° et deuxième alinéa du 9° du III bis de l'article 125 A » ;

2° Le nombre : « 5,8 » est remplacé par le nombre : « 5,1 ».

H.– Le 3 de l’article 158 est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du 1°, les mots : « aux articles 117 quater et 125 A » sont remplacés par les mots : « au II de l’article 125-0 A et aux I bis, II, III, second alinéa du 4° et deuxième alinéa du 9° du III bis de l'article 125 A » ;

2° Le f du 3° et le 5° sont abrogés.

I.– Au troisième alinéa du 1 de l'article 170, les mots : « aux articles 117 quater et 125 A » sont remplacés par les mots : « au II de l’article 125-0 A et aux I bis, II, III, second alinéa du 4° et deuxième alinéa du 9° du III bis de l'article 125 A ».

J.– Au quatrième alinéa de l'article 193, les mots : « crédits d’impôt mentionnés » sont remplacés par les mots : « , prélèvements et crédits d’impôts mentionnés à l’article 117 quater, au I de l’article 125 A, ».

K.– Au premier alinéa du 1 de l’article 242 ter, le mot : « libératoire » est supprimé.

L.– Le XX de la section II du chapitre IV du titre premier de la première partie du livre premier est intitulé : « Information relative au revenu fiscal de référence » et il est rétabli un article 242 quater ainsi rédigé :

« Art. 242 quater. – Les personnes physiques mentionnées au troisième alinéa du I de l’article 117 quater et au quatrième alinéa du I de l’article 125 A formulent leur demande de dispense des prélèvements prévus aux I de ces mêmes articles avant le 31 octobre de l’année précédant celle du paiement des revenus mentionnés à ces mêmes I, par présentation aux personnes qui en assurent le paiement de leur avis d'imposition établi au titre des revenus de l'avant-dernière année précédant l'année de paiement desdits revenus. »

M.– Au d du II de l'article 1391 B ter, les mots : « aux 2° et 5° » sont remplacés par les mots : « au 2° ».

N.– Le 1° du IV de l’article 1417 est ainsi modifié :

1° Au a bis, les mots : « pour sa fraction qui excède l'abattement non utilisé prévu au 5° du 3 du même article » sont supprimés ;

2° Au c, les mots : « aux articles 117 quater, 125 A » sont remplacés par les mots : « au II de l’article 125-0 A, aux I bis, II, III, second alinéa du 4° et deuxième alinéa du 9° du III bis de l'article 125 A ».

O.– La deuxième phrase du premier alinéa de l'article 1671 C est remplacée par une phrase ainsi rédigée :

« Ces sanctions sont également applicables au prélèvement dû dans les conditions du III du même article 117 quater sauf si le contribuable justifie qu'il a donné mandat à la personne qui assure le paiement des revenus pour déclarer les revenus et acquitter le prélèvement dans les conditions prévues au b du 1 du III de l'article 117 quater. »

P.– Le premier alinéa du I de l’article 1678 quater est ainsi modifié :

1° À la première phrase, les mots : « est versé » sont remplacés par les mots : « et le prélèvement sur les produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation ainsi qu’aux placements de même nature mentionné au II de l’article 125-0 A sont versés » ;

2° Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Ces sanctions sont également applicables au prélèvement dû en application du I de l'article 125 D sauf si le contribuable justifie qu'il a donné mandat à la personne qui assure le paiement des revenus pour déclarer les revenus et acquitter le prélèvement dans les conditions prévues au IV du même article 125 D. » ;

3° À la seconde phrase, les mots : « revenus, produits et gains mentionnés aux I et II de l’article 125 D » sont remplacés par les mots : « produits et gains mentionnés au II de l'article 125 D. »

Q.– Les articles 125 B et 125 C sont abrogés.

II.– Au troisième alinéa de l’article L. 16 du livre des procédures fiscales, les mots : « aux 4° et 6° » sont remplacés par les mots : « au 4° ».

III.– Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

A.– Au dixième alinéa du I de l’article L. 136-6, les mots : « aux 2° et 5° » sont remplacés par les mots : « au 2° ».

B.– Le I de l’article L. 136-7 est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « est opéré le prélèvement prévu à l'article 125 A du code général des impôts, ainsi que les produits de même nature » sont remplacés par les mots : « sont opérés les prélèvements prévus au II de l'article 125-0 A du code général des impôts, aux II, III, second alinéa du 4° et deuxième alinéa du 9° du III bis de l'article 125 A du même code, ainsi que les produits de placements mentionnés au I de l'article 125 A et ceux mentionnés au I de l’article 125-0 A du même code. » ;

2° Au 1°, les mots : « sur lesquels est opéré le prélèvement prévu à l’article 117 quater du même code, ainsi que les revenus de même nature » sont remplacés par les mots : « distribués mentionnés au 1° du 3 de l’article 158 du même code » ;

3° Au 8° bis du II, les mots : « du prélèvement forfaitaire libératoire prévu aux articles 117 quater et 125 A » sont remplacés par les mots : « des prélèvements prévus aux articles 117 quater, 125-0 A et 125 A ».

IV.– A.– À compter du 1er janvier 2012, les prélèvements prévus au I de l’article 117 quater et au I de l’article 125 A du code général des impôts ne libèrent plus les revenus auxquels ils s’appliquent de l’impôt sur le revenu, à l’exception des revenus mentionnés au III de l’article 125 A précité, des revenus mentionnés aux 4°, 6°, 9° et 10° du III bis du même article ainsi que de ceux de même nature lorsque la personne qui assure leur paiement est établie hors de France et des produits mentionnés au I de l’article 125-0 A et au II de l’article 125 D du code général des impôts dans leur version en vigueur au 1er janvier 2012.

B.– Les personnes ayant opté à raison des revenus de capitaux mobiliers perçus en 2012 pour les prélèvements, prévus au I de l’article 117 quater et au I de l’article 125 A du code général des impôts, dont le caractère libératoire de l’impôt sur le revenu est supprimé en application du A du présent IV, bénéficient d'un crédit d'impôt égal au montant de ces prélèvements pour l’établissement de l’impôt sur le revenu au titre de l'année 2012.

Le crédit d’impôt mentionné au premier alinéa est imputé sur l’impôt sur le revenu après imputation des réductions d’impôt mentionnées aux articles 199 quater B à 200 bis, 200 octies et 200 decies A du code général des impôts, des crédits d’impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires. S’il excède l’impôt dû, l’excédent est restitué.

Ce crédit d’impôt n’est pas retenu pour l’application du plafonnement mentionné au 1 de l’article 200-0 A du code général des impôts.

V.–  Pour les revenus perçus en 2013, la demande de dispense mentionnée à l’article 242 quater du code général des impôts dans sa rédaction issue du présent article peut être formulée au plus tard le 31 mars 2013 et prend effet pour les revenus versés à compter de la date à laquelle elle est formulée.

VI.– À l'exception des 2 du E, G, 2 du H, M et 1° du N du I et du A du III, qui s'appliquent aux revenus versés à compter du 1er janvier 2012, les I, II et III s’appliquent aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2013.

Observations et décision de la Commission :

Il est proposé un commentaire d’ensemble des articles 5 à 7 du présent projet de loi de finances, qui mettent en œuvre un des soixante engagements du Président de la République pendant la campagne présidentielle : « Les revenus du capital seront imposés comme ceux du travail ». Ces trois articles visent en effet à soumettre au barème progressif de l’impôt sur le revenu (ce que l’on peut désigner sous le terme générique de « barémisation ») des revenus qui n’y sont pas obligatoirement soumis actuellement Après une présentation générale de l’évolution de la fiscalité applicable aux revenus du capital (1), seront successivement évoquées les mesures proposées pour soumettre au barème de l’impôt sur le revenu les intérêts des placements à revenu fixe (2), les dividendes des placements à revenu variable (3), les plus-values de cession de valeurs mobilières (4), les stock-options, attributions gratuites d’actions et carried interest (5) et, enfin, les conséquences au regard de la déductibilité de la CSG à l’impôt sur le revenu (6).

Au titre de l’impôt sur le revenu, le régime fiscal des revenus de capitaux mobiliers permet actuellement aux contribuables fiscalement domiciliés en France de choisir deux modalités d’imposition alternatives :

– l’imposition par un prélèvement forfaitaire, libératoire de l’impôt sur le revenu, sur option du contribuable, ce prélèvement permettant un acquittement à la source de l’impôt dû ;

– l’imposition au barème de l’impôt sur le revenu, les revenus de capitaux mobiliers étant alors déclarés lors du dépôt de la déclaration de revenus et l’impôt acquitté au titre des revenus perçus l’année précédente.

La possibilité d’opter pour un prélèvement forfaitaire libératoire (PFL) a pendant longtemps été réservée aux produits de placement à revenu fixe. La loi de finances pour 2008 a étendu cette possibilité d’option aux produits de placement à revenu variable bénéficiant de l’abattement de 40 % lorsqu’ils sont imposés au barème, c’est-à-dire, à titre principal, aux dividendes distribués par des sociétés européennes soumises à l’IS ou à un impôt équivalent.

En revanche, les plus-values mobilières n’ont été soumises depuis 1976 qu’à un prélèvement forfaitaire obligatoire, en raison de leur caractère non régulier.

Après une baisse significative à la fin des années 1980, dans un contexte de désinflation compétitive et de libération des marchés financiers, les prélèvements fiscaux et sociaux sur les revenus du capital ont fortement augmenté depuis vingt ans. Les crises économiques et financières de 2008 et 2011, qui ont accru la dégradation de la situation de nos finances publiques, ont aussi nécessité des alourdissements de la fiscalité du capital, afin que tous les revenus participent à l’effort de solidarité et de redressement national. Les revenus de l’épargne ont donc déjà été mis à contribution de manière significative ces dernières années.

Ainsi, après avoir connu une première période (avec inflation élevée et donc rendements nominaux importants) au cours de laquelle il atteignait 25 % (jusqu’en 1990), le taux du prélèvement forfaitaire libératoire portant sur les revenus de capitaux mobiliers a connu dernièrement plusieurs augmentations successives : il a été porté de 15 % à 16 % par la loi de finances pour 2004, puis, concomitamment avec celui portant sur les plus-values mobilières, à 18 % par la loi de finances pour 2008, à 19 % par la loi de finances pour 2011, et enfin à respectivement 21 % pour les dividendes et 24 % pour les intérêts par la dernière loi de finances rectificative pour 2011.

Les revenus de capitaux mobiliers soumis au prélèvement forfaitaire libératoire ou à l’imposition au barème ainsi que les plus-values mobilières supportent par ailleurs les prélèvements sociaux, selon des taux qui ont également été régulièrement relevés.

Après l’institution d’un premier prélèvement social sur les revenus du capital par la loi de finances pour 1984 à un taux de 1 %, complété par un deuxième prélèvement similaire au même taux en 1987, la contribution sociale généralisée (CSG) a été instaurée par la loi de finances pour 1991. Son taux, originellement de 1,1 %, a été successivement porté à 2,4 % en 1993, 3,4 % en 1997, 7,5 % en 1998 et 8,2 % pour les seuls revenus du capital en 2005. Son assiette, initialement limitée aux produits soumis au prélèvement forfaitaire libératoire, a été étendue en 1997 à l’ensemble des revenus du patrimoine et des produits de placement (hors livrets d’épargne réglementés).

Des contributions sociales additionnelles spécifiques ont aussi été créées : contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) au taux de 0,5 % en 1996, contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA) au taux de 0,3 % en 2004 et contribution pour le revenu de solidarité active (RSA) au taux de 1,1 % en 2009.

Enfin, le taux du prélèvement social sur le capital a été porté de 2 % à 2,2 % au 1er janvier 2011, puis à 3,4 % au 1er octobre 2011 et enfin à 5,4 % depuis le 1er juillet 2012 (30).

Au total, l’ensemble des prélèvements sociaux sur les revenus du capital représente aujourd’hui 15,5 %.

ÉVOLUTION DES TAUX DE TAXATION DES REVENUS DU CAPITAL

ANNÉE

PFL

Prélèvements sociaux (PS)

dont CSG

TOTAL PFL+PS

1976/1966

15/25 % (1)

0 %

 

15/25 % (1)

1984

15/25 % (1)

1 %

 

16/26 % (1)

1985

16/25 % (1)

1 %

 

17/26 % (1)

1987

16/25 % (1)

2 %

 

18/27 % (1)

1991

16/15 % (1)

3,1 %

1,1 %

19,1/18,1 % (1)

1993

16/15 % (1)

4,4 %

2,4 %

20,4/19,4 % (1)

1996

16/15 % (1)

4,9 %

2,4 %

20,9/19,9 % (1)

1997

16/15 % (1)

5,4 %

3,4 %

21,4/20,4 % (1)

1998

16/15 % (1)

10 %

7,5 %

26/25 % (1)

2004

16 %

10,3 %

7,5 %

26,3 %

2005

16 %

11 %

8,2 %

27 %

2008

18 %

11 %

8,2 %

29 %

2009

18 %

12,1 %

8,2 %

30,1 %

1er janvier 2011

19 %

12,3 %

8,2 %

31,3 %

1er octobre 2011

19 %

13,5 %

8,2 %

32,5 %

1er janvier 2012

19/21/24 % (2)

13,5 %

8,2 %

32,5/34,5/37,5 % (2)

1er juillet 2012

19/21/24 % (2)

15,5 %

8,2 %

34,5/36,5/39,5 % (2)

(1) Taux applicables respectivement aux plus-values mobilières et aux intérêts

(2) Taux applicables respectivement aux plus-values mobilières, aux dividendes et aux intérêts

c) L’écart de taxation entre revenus du travail et de capital

Certains revenus du capital sont déjà obligatoirement imposés au barème progressif de l’impôt sur le revenu (les revenus fonciers et les rentes viagères à titre onéreux). Soumettre l’ensemble des revenus du capital au barème permettrait de traiter de la même façon au regard de l’impôt sur le revenu tous les types de revenu et limiterait les inégalités résultant actuellement du droit d’option.

De manière schématique, les foyers fiscaux gagnants à la réforme sont ceux qui soumettent actuellement des dividendes ou des produits de placement au prélèvement forfaitaire alors qu’ils acquitteraient un impôt d’un montant inférieur en soumettant ces mêmes revenus au barème (s’ils sont non imposables ou soumis à des taux marginaux de 5,5 % ou 14 %). En sens inverse, les foyers fiscaux perdants deviendront taxés marginalement à 30 %, 41 % ou 45 % sur leurs revenus du capital alors qu’ils peuvent aujourd’hui limiter leur imposition à des taux réels de 19 % s’il s’agit de plus-values de cession, de 21 % s’il s’agit de dividendes et de 24 % s’il s’agit d’intérêts. Il convient toutefois de souligner que, compte tenu de l’existence d’un barème progressif par tranche et de la familialisation de l’impôt sur le revenu, le taux moyen d’imposition des revenus est sensiblement inférieur aux taux marginaux.

La barémisation des revenus du capital permettra de traiter de la même façon ces revenus par rapport à ceux du travail dans le cadre de l’impôt sur le revenu, qui doit être progressif afin de tenir compte de l’ensemble des capacités contributives des personnes imposables.

Si l’on ajoute les prélèvements sociaux, lesquels ne sont pas progressifs mais proportionnels, l’imposition des revenus du capital demeure plus avantageuse que celle des revenus du travail : face aux 15,5 % de prélèvements sociaux sur le capital, il convient en effet d’ajouter, outre la CSG et la CRDS sur les revenus d’activité (à un taux réel de 7,86 % compte tenu de l’abattement pour frais professionnels), les cotisations sociales non contributives payées par les employeurs (au titre de l’assurance maladie, de la solidarité pour l’autonomie et des prestations familiales), à un taux global de 18,5 %, que ne supportent pas les revenus du capital. L’écart de taxation nominal est donc de 10,86 % en défaveur des revenus du travail.

Mais il faut aussi tenir compte du fait que les revenus du capital ont déjà subi une taxation au niveau des bénéfices de l’entreprise (pour les dividendes et les plus-values mobilières, qui sont la contrepartie de bénéfices non distribués) ou ont subi l’érosion monétaire (pour les intérêts, dont le taux d’imposition effectif dépend du taux d’inflation).

On doit aussi relever que l’ISF, dont le caractère progressif est aussi rétabli par l’article 9 du présent projet de loi de finances, impose indirectement la valorisation du capital.

La mesure proposée, qui correspond strictement à l’engagement pris par le Président de la République devant les Français, est donc juste, équitable et équilibrée.

d) Les rentrées fiscales résultant de la réforme

Selon l’évaluation préalable de l’article 5 du présent projet, en ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers hors plus-values mobilières, 5 millions de contribuables paieraient une cotisation moyenne d’impôt supplémentaire (dès lors qu’ils sont imposés dans des tranches marginales supérieures à 30 %) et 4,5 millions bénéficieraient d’une réduction de leur cotisation d’impôt.

Il devrait en résulter un gain « en trésorerie » pour le budget de l’État de 1,63 milliard d'euros en 2013, ce gain résultant de l’augmentation des montants perçus au titre de l’acompte obligatoirement versé sur les dividendes par rapport à l’ancien prélèvement forfaitaire libératoire correspondant. En y ajoutant le gain permanent de 400 millions d'euros résultant de la barémisation (après imputation des acomptes), les recettes de l’État devraient être accrues de 2 milliards d'euros en 2013 au titre des revenus de capitaux mobiliers.

Il convient d’y ajouter 1 milliard d'euros au titre de la barémisation des plus-values mobilières, et 45 millions d'euros en ce qui concerne la barémisation des stock-options et attributions d’actions gratuites.

Au total, la barémisation devrait permettre de rapporter 3,1 milliards d'euros au budget général en 2013, et 1,4 milliard d'euros en régime de croisière.

e) Les effets de la barémisation

Les tableaux suivants présentent les résultats d’une simulation, réalisée par la DGFiP, des effets de la barémisation des revenus de capitaux mobiliers (hors plus-values mobilières), en intégrant les autres mesures du présent projet loi de finances (notamment la nouvelle tranche à 45 %). L’impact de l’option à la taxation au taux forfaitaire pour les intérêts de moins de 2 000 euros n’a pas été pris en compte en raison de l’impossibilité de déterminer le comportement réel des épargnants.

FOYERS FISCAUX PERDANT À LA BARÉMISATION DES REVENUS DE CAPITAUX MOBILIERS (HORS PLUS-VALUES)

Déciles de RFR

Gain pour l’État
(en euros)

<= 17 926 €

7 925 999

<= 23 588 €

9 961 093

<= 28 668 €

11 595 999

<= 34 816 €

17 668 041

<= 42 408 €

21 435 277

<= 52 278 €

68 695 036

<= 60 117 €

181 714 799

<= 72 543 €

270 032 824

<= 99 073 €

474 888 797

> 99 073 €

1 975 190 650

Total

3 039 108 515

Les perdants au taux marginal de 5,5 % sont les contribuables âgés de plus de 65 ans ou invalides bénéficiant de l’abattement spécial prévu à l’article 157 bis du code général des impôts (égal à 2 312 euros si leur revenu net global n'excède pas 14 220 euros et à 1 156 euros s'il est compris entre 14 220 et 22 930 euros) : l’augmentation du revenu net global liée à la barémisation fait en effet perdre à ces contribuables le bénéfice de cet abattement.

FOYERS FISCAUX GAGNANT À LA BARÉMISATION DES REVENUS DE CAPITAUX MOBILIERS (HORS PLUS-VALUES)

Déciles de RFR

Perte pour l’État
(en euros)

<= 8 562 € 

79 135 927

<= 13 055 € 

100 465 912

<= 16 253 € 

72 671 443

<= 19 326 € 

91 068 080

<= 23 266 € 

111 072 514

<= 27 329 € 

106 597 219

<= 31 870 € 

105 116 143

<= 37 399 € 

116 702 296

<= 45 004 € 

123 346 235

> 45 004 €

125 786 904

Total

1 031 962 674

2.– La barémisation des intérêts

L’imposition des produits de placement à revenu fixe peut être opérée, sur option du contribuable ou d’office, sous la forme d’un prélèvement forfaitaire régi par les articles 125-0 A et 125 A du code général des impôts lorsque l’établissement payeur est établi en France, et par l’article 125 D du même code lorsque l'établissement payeur est établi hors de France dans un État européen.

C’est la loi de finances pour 1966 qui a introduit la possibilité d’opter pour le prélèvement forfaitaire. L’option une fois exercée n’a pas besoin d’être renouvelée chaque année : elle demeure valable pour les produits de placements concernés tant qu’elle n’a pas été révoquée, mais elle ne peut pas être remise en cause pour les produits déjà perçus.

Le prélèvement forfaitaire est libératoire de l'impôt sur le revenu pour les revenus, produits et gains auxquels il s'applique. Ceux-ci n'entrent donc pas en compte pour la détermination du revenu global du bénéficiaire servant d'assiette à l'impôt sur le revenu au barème progressif. Par conséquent, l’enjeu est relativement simple pour les contribuables. Dès lors que la somme des autres revenus déjà soumis au barème correspond au seuil d’entrée dans la tranche à 30 %, il est économiquement rationnel d’opter pour le prélèvement forfaitaire sur l’ensemble des produits à taux fixe. Par ce biais, la minoration de l’imposition sur les produits de placement à revenu fixe est de 6 % par rapport à la tranche à 30 % et de 17 % par rapport à la tranche à 41 %, et elle serait de 21 % par rapport à la nouvelle tranche à 45 % dont la création est prévue par l’article 3 du présent projet de loi de finances.

Dans un souci de justice fiscale, l’option pour le prélèvement forfaitaire libératoire est supprimée, sauf pour les produits de placement inférieurs à 2 000 euros par an.

Toutefois, pour éviter un coût en trésorerie, il est instauré un acompte au taux de 24 %, qui se substitue à l’ancien prélèvement forfaitaire mais qui sera obligatoire et s’imputera sur le montant de l’impôt sur le revenu payé l’année suivante ; le contribuable pourra cependant s’exonérer du paiement de cet acompte si son revenu fiscal de référence (RFR) est inférieur à 50 000 euros.

Un certain nombre de dispositions de coordination rédactionnelle sont aussi nécessaires.

a) Les nouvelles modalités d’imposition des intérêts

La soumission de l’ensemble des produits de placement à revenu fixe au barème de l’impôt sur le revenu résulte de la modification du 3 de l’article 158 du code général des impôts opérée par le 1° du H du I de l’article 5 du présent projet. Tous les revenus de capitaux mobiliers sont pris en compte au titre du revenu net catégoriel correspondant entrant dans la composition du revenu net global soumis au barème.

La soumission des produits de placement à revenu fixe au barème progressif de l’impôt sur le revenu devrait se traduire paradoxalement par une perte de recettes de 100 millions d'euros. En effet, de nombreux contribuables optent aujourd’hui pour le prélèvement forfaitaire, par facilité, alors qu’ils y perdent fiscalement.

La comparaison entre les deux régimes d’imposition dépend de la situation fiscale du contribuable, en particulier de son taux marginal d’imposition avant prise en compte des intérêts. Une simulation simplifiée est présentée dans le tableau suivant, comparant la situation actuelle au prélèvement forfaitaire libératoire avec le nouveau régime d’impôt sur le revenu issu du présent projet de loi de finances pour des revenus déjà soumis à la tranche marginale supérieure. On constatera que le surcroît d’imposition est significatif.

COMPARAISON ENTRE L’IMPOSITION DES INTÉRÊTS AU BARÈME ET AU PFL

(montants en euros)

 

Barème

PFL

Intérêts versés

100 000

100 000

CSG déductible imputable sur revenu global

5 100

 

IR ou PFL

45 % x 94 900 = 42 705

24 % x 100 000 = 24 000

Prélèvements sociaux

15 500

15 500

Total des impôts directs

58 205

39 500

Écart d’imposition

18 705 (+ 47,4 %)

L’option pour un prélèvement forfaitaire libératoire est toutefois maintenue par exception pour les cinq cas suivants :

• Les produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation, notamment les produits d’assurance-vie

Ces produits de placement sont régis par l’article 125-0 A du code général des impôts, qui est modifié par le D du I de l’article 5 du présent projet pour maintenir en vigueur le droit d’option actuel.

Le mode d’imposition aujourd’hui applicable à l’assurance-vie n’est donc pas modifié. Lors du rachat total ou partiel du contrat, le contribuable aura toujours le choix entre une imposition des produits du placement au barème de l’impôt sur le revenu ou à un taux forfaitaire qui est dégressif selon la durée de détention : 35 % en-deçà de quatre ans ; 15 % entre quatre et huit ans et 7,5 % au-delà de huit ans (avec dans ce dernier cas un abattement annuel de 4 600 euros pour une personne seule ou de 9 200 euros en cas d’imposition commune). Si la sortie du contrat se fait en rente, les produits acquis jusqu’à la conversion en rente sont exonérés d’impôt sur le revenu mais la rente viagère est imposée à l’impôt sur le revenu pour une fraction de son montant qui est déterminée d'après l'âge du crédirentier lors de l'entrée en jouissance de la rente. Des cas d’exonération totale sont prévus, quelle que soit la durée du contrat lorsque le dénouement du contrat résulte du licenciement du bénéficiaire des produits, de sa mise à la retraite anticipée ou de son invalidité ou de celle de son conjoint, ou après huit ans pour les contrats dits DSK ou NSK qui doivent faire l’objet d’un investissement minimal en actions.

L’assurance-vie représente, avec un encours de 1 400 milliards d'euros au 31 décembre 2011 selon les statistiques établies par la Banque de France, un tiers de l’épargne financière des ménages. La détention d’assurance-vie par les ménages est très concentrée : selon l’enquête Patrimoine 2010 de l’INSEE, si 41 % des ménages détiennent aujourd’hui de tels contrats, 64,8 % des encours sont détenus par les 2,7 millions de ménages constituant le dernier décile de patrimoine (> 450 000 euros).

La Cour des comptes précise, dans son rapport public thématique sur l’assurance-vie de janvier 2012, que les contrats les plus importants sont concentrés sur une petite fraction du dernier décile : l’encours moyen détenu en assurance-vie est supérieur à 600 000 euros pour le dernier centile, alors qu’il est inférieur à 54 000 euros pour les deux premiers centiles du dernier décile. Toujours selon la Cour, 1 % des ménages les plus aisés détiendraient plus du quart de l’encours de l’assurance-vie, avec certains contrats pouvant dépasser plusieurs centaines de millions d’euros. Dans ces conditions, il convient de s’interroger sur le maintien en l’état de l’avantage fiscal concernant l’imposition des produits de l’assurance-vie, lequel représente une dépense fiscale dont le montant s’élèvera à 1,2 milliard d’euros.

• Les foyers fiscaux dont le montant des produits de placement à revenu fixe perçus au cours d’une année ne dépasse pas 2 000 euros

Cette nouvelle faculté d’option figure au nouveau I bis de l’article 125 A du code général des impôts, qui est créé par le 2° du E du I de l’article 5 du présent projet.

Le taux actuel du prélèvement forfaitaire obligatoire sur les intérêts, soit 24 %, est maintenu pour les placements d’un montant modéré, afin de ne pas désinciter l’effort d’épargne des contribuables modestes. On peut toutefois s’interroger sur le montant de placement retenu : aux conditions actuelles du marché, un contribuable aisé pourrait ainsi réduire son niveau d’imposition en plaçant jusqu’à 80 000 euros de son capital sur des obligations d’État (OAT à dix ans rémunérées à 2,5 %).

Le choix de l’option sera effectué a posteriori sur la déclaration des revenus, afin de pouvoir apprécier globalement le respect du seuil de 2 000 euros.

Le coût de cette dépense fiscale est estimé à 40 millions d’euros. Ce chiffrage pourrait toutefois être surévalué car il est fondé sur l’hypothèse d’un comportement totalement rationnel des contribuables, à savoir que seuls des contribuables ayant intérêt à exercer cette option le feront. Or, comme on l’a vu au 1, des contribuables imposés dans les premières tranches du barème optent pourtant aujourd’hui pour l’actuel prélèvement forfaitaire libératoire.

• Les produits d’épargne donnés dans le cadre d’un mécanisme solidaire de versement automatique

Ces produits de placement sont régis par les II et 10° du III bis de l’article 125 A du code général des impôts, dont une nouvelle rédaction est proposée respectivement par le 3° et le i du 5° du E du I de l’article 5 du présent projet.

Le prélèvement forfaitaire libératoire au taux réduit de 5 % applicable aux revenus des produits d’épargne qui prévoient un versement automatique au profit de certains organismes d’intérêt général est maintenu en l’état, au nom de la logique de solidarité qui prévaut pour encourager ce type de placements solidaires.

Les organismes en cause sont ceux qui perçoivent des dons ouvrant droit à une réduction d’impôt sur le revenu de 66 %. Ils sont listés au 1 de l’article 200 du code général des impôts : il s’agit de fondations ou associations reconnues d’utilité publique ; d’œuvres ou d’organismes d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial ou culturel ; des établissements d’enseignement supérieur ou artistique ; des organismes agréés de soutien à l’investissement des PME ; d’associations cultuelles et de bienfaisance ; d’organismes désintéressés présentant au public des œuvres culturelles ; de fonds de dotation à ces organismes ou à la fondation du patrimoine.

• Les intérêts versés vers un État ou territoire non coopératif (ETNC)

Les versements de produits de placement à revenu fixe vers des ETNC (31) sont régis par les III et 11° du III bis de l’article 125 A du code général des impôts. Le 4° du E du I de l’article 5 du présent projet se contente de procéder aux coordinations rédactionnelles nécessaires au III de l’article 125 A.

Dans un souci de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, les intérêts versés par un débiteur français vers un ETNC restent soumis à un prélèvement forfaitaire libératoire au taux de 50 %.

• Les bons anonymes

Les produits des bons et titres dont le bénéficiaire des intérêts n’autorise pas l’établissement payeur à communiquer son identité et son domicile fiscal à l’administration lors du payement sont régis par les deuxièmes alinéas des 4° et 9° du III bis de l’article 125 A du code général des impôts. Les e et h du 5° du E du I de l’article 5 du présent projet modifient ces dispositions.

Le prélèvement forfaitaire libératoire applicable aux bons anonymes est maintenu, dans un souci évident de lutte contre la fraude fiscale. Les taux applicables sont actuellement de 42 % pour les bons émis entre 1980 et 1983 et de 60 % pour les bons postérieurs. Il est proposé d’unifier ces taux à 75 %, afin de maintenir un écart significatif avec le taux marginal de la dernière tranche du barème de l’impôt sur le revenu, soit 45 %. En y ajoutant les prélèvements sociaux, les bons anonymes seront donc taxés à hauteur de 90,5 %.

On rappellera que les bons et titres anonymes sont par ailleurs soumis au prélèvement d’office prévu par l’article 990 A du code général des impôts sur leur valeur nominale. Son taux est de 2 % pour chaque année de détention. Ce prélèvement porte sur le capital et non sur les revenus du capital. En revanche, ces bons ne sont pas assujettis à l’ISF.

b) La substitution d’un prélèvement obligatoire à titre d’acompte à un prélèvement forfaitaire libératoire optionnel

Avant d’être en principe soumis au barème de l’impôt sur le revenu, les produits de placement auront dû subir un prélèvement, qui constituera en fait un acompte sur l’impôt dû. Ce prélèvement sera en effet imputé sur l’impôt sur le revenu payé l’année suivante et, en cas d’excédent, ce dernier sera restituable.

Ce prélèvement est prévu par l’article 125 A du code général des impôts lorsque la personne qui verse les intérêts est établie en France, et par l’article 125 D lorsque la personne qui verse les intérêts est établie hors de France. Il se substitue donc à l’actuel prélèvement forfaitaire libératoire, régi par les mêmes articles. Les E et F du I de l’article 5 du présent projet procèdent aux modifications rédactionnelles nécessaires pour transformer le prélèvement libératoire mais optionnel aujourd’hui en vigueur en un acompte qui devient obligatoire, sauf exception.

● Le champ d’application et l’assiette de l’acompte

Le champ d’application du prélèvement est fixé par le I de l’article 125 A. Il reprend la terminologie fixée depuis la loi de finances pour 1966 : sont concernés les « intérêts, arrérages et produits de toute nature de fonds d'État, obligations, titres participatifs, bons et autres titres de créances, dépôts, cautionnements et comptes courants ». Les intérêts versés au titre des sommes mises à la disposition des sociétés dont les contribuables sont associés ou actionnaires et portées sur un compte bloqué individuel sont aussi concernés (ils figurent aujourd’hui à l’article 125 C, qui est abrogé par le Q du I de l’article 5 du présent projet, ce qui oblige à modifier pour coordination l’article 54 sexies en ce qui concerne les obligations déclaratives des sociétés concernées, ce qui est fait par le A du I de l’article 5 du présent projet). Les intérêts versés au titre des avances accordées à des sociétés par certains de leurs associés sont aussi nécessairement soumis au prélèvement obligatoire, l’article 125 B qui les régit actuellement étant abrogé par coordination avec la suppression du droit d’option par le Q du I de l’article 5 du présent projet.

Le taux du prélèvement versé à titre d’acompte de l’impôt sur le revenu est fixé en reprenant le taux de 24 % de l’actuel prélèvement forfaitaire libératoire. Il concerne :

– en vertu du 1° du III bis de l’article 125 A : les produits des obligations négociables et des titres participatifs, ainsi que les intérêts des fonds salariaux et des plans d’épargne-logement non exonérés (au-delà de douze ans). La référence aux plans d’épargne populaire est supprimée par le a du 5° du E du I de l’article 5 du présent projet, dès lors que ce produit d’épargne est fermé depuis le 25 septembre 2003 ;

– en vertu du 1° bis du III bis de l’article 125 A : les produits des titres de créances négociables sur un marché réglementé et non susceptibles d’être cotés ;

– en vertu des 2° et premier alinéa du 9° du III bis de l’article 125 A : les produits des bons du Trésor, des autres bons de caisse et des autres placements. Les différents taux applicables variant selon la date d’émission des bons (de 33,3 % à 45 %) sont unifiés à 24 %, ce qui permet d’abroger les 3° et 5° à 7° du III bis. Il pourrait en résulter des pertes de recettes pour l’État et un effet d’aubaine pour les quelques contribuables encore concernés selon leur tranche marginale d’imposition, mais une simplification des dispositions applicables était indispensable compte tenu de la superposition actuelle de strates successives de taux de prélèvement ;

– en vertu du premier alinéa du 4° du III bis de l’article 125 A : les produits des autres bons et titres, lorsque le bénéficiaire des intérêts autorise l’établissement payeur à communiquer son identité et son domicile fiscal à l’administration ;

– en vertu du 8° du III bis de l’article 125 A : les produits de parts émises par des fonds communs de créances (FCC) et les bonis de liquidation répartis par ces fonds. Le taux de 35 % qui a été appliqué à ces bonis lorsqu’ils ont été répartis avant 1995 est supprimé par le g du 5° du E du I de l’article 5 du présent projet, s’agissant d’une disposition désormais périmée.

Lors du calcul de l’impôt sur le revenu, l’article 193 du code général des impôts, modifié en ce sens par le J du I de l’article 5 du présent projet, rappelle que le prélèvement déjà effectué s’impute sur l’impôt sur le revenu dû.

● Les exonérations de l’acompte

L’ensemble des produits de placement actuellement exonérés d’impôt sur le revenu le sont par voie de conséquence également du nouveau prélèvement obligatoire. Il s’agit notamment des livrets d’épargne réglementés et des produits d’épargne contractuelle dont l’exonération, prévue à l’article 158 du code général des impôts, est étendue au nouveau prélèvement obligatoire par le 6° du E du I de l’article 5 du présent projet qui propose une nouvelle rédaction du IV de l’article 125 A. Sont ainsi concernés les livrets A, les livrets jeunes, les livrets de développement durable (LDD), les livrets d’épargne-entreprise (LEE), les livrets et plans d’épargne populaire (LEP et PEP) et les comptes et plans d’épargne-logement (CEL et PEL (32)). L’encours total de ces produits de placement représentait 763 milliards d'euros au 31 décembre 2011 selon les statistiques établies par la Banque de France. La dépense fiscale correspondante au titre de l’impôt sur le revenu peut être évaluée globalement à 1,5 milliard d'euros.

Les contribuables membres d’un foyer fiscal dont le revenu fiscal de référence (RFR) de l’avant-dernière année est inférieur à 50 000 euros pourront aussi demander à être exonérés de ce prélèvement (33). L’article 242 quater du code général des impôts, qui est rétabli par le L du I de l’article 5 du présent projet, prévoit que la demande de dispense du prélèvement devra être formulée auprès de l’établissement payeur des intérêts avant le 31 octobre de l’année précédant le payement. Il suffira pour cela aux contribuables concernés de présenter leur dernier avis d’imposition (lequel leur est adressé par l’administration au plus tard en septembre) qui indique le montant de leur RFR. Pour les revenus 2013 - la date du 31 octobre 2012 étant nécessairement dépassée avant l’entrée en vigueur de la présente loi de finances -, il est prévu par le V de l’article 5 du présent projet de reporter le délai d’option jusqu’au 31 mars 2013 ; la dispense de prélèvement s’appliquera alors à compter de la date d’exercice de l’option (les contribuables concernés ayant objectivement intérêt à exercer leur option le plus tôt possible après l’entrée en vigueur de la loi de finances).

Cette exonération liée au RFR vise à éviter que des contribuables imposés à un taux marginal inférieur au taux du prélèvement anticipé fassent une avance de trésorerie à l’État, puisque le prélèvement qu’ils auront acquitté en excédent sera imputable sur l’impôt dû. Pour ces contribuables, le coût en trésorerie est supporté par l’État. En revanche, en cas d’exonération totale de prélèvement à titre d’acompte alors même que l’impôt finalement dû sera calculé sur un taux marginal élevé (à partir de 30 %), on peut s’interroger sur l’avantage indu ainsi accordé aux contribuables en cause. Une telle situation peut se produire spontanément, en fonction de l’évolution des revenus du contribuable, mais elle peut aussi résulter du choix du seuil d’exonération lui-même. Or, avec un RFR à 50 000 euros, un contribuable célibataire est en principe taxé au taux marginal de 30 %. Le passage d’un taux marginal de 14 % à 30 % intervient, pour un célibataire, avec un RFR de 27 000 euros. Dans ces conditions, le système proposé est plutôt très favorable aux contribuables.

● Les modalités d’entrée en vigueur

Les modalités d’entrée en vigueur de la substitution du nouveau prélèvement obligatoire versé à titre d’acompte à l’actuel prélèvement forfaitaire libératoire à caractère optionnel sont fixées par les IV et VI de l’article 5 du présent projet. Le caractère libératoire de l’impôt sur le revenu de l’actuel prélèvement forfaitaire est supprimé pour les revenus de placement perçus en 2012 ; cette mesure n’a toutefois pas de caractère rétroactif dès lors que l’actuel prélèvement forfaitaire ne pouvait être considéré comme libératoire de l’impôt sur le revenu que lorsque ce dernier devenait lui-même exigible, soit au 31 décembre 2012. Les contribuables qui avaient opté pour le prélèvement forfaitaire libératoire en 2012 bénéficieront d’un crédit d’impôt équivalent (et restituable en cas d’excédent) pour le calcul de l’impôt sur le revenu dû au titre des revenus de l’année 2012 qui sera déclaré et payé en 2013.

c) Les dispositions de coordination

● Certains produits de placement à revenu fixe émis avant le 1er janvier 1987, ainsi que les bons de caisse émis par les entreprises industrielles et commerciales sont soumis, en application du 1 de l'article 119 bis du code général des impôts, à une retenue assise sur le montant des produits arrivant à échéance et calculée selon les taux fixés par le 1 de l'article 187 du même code. Ces taux sont de 17 % pour les intérêts des obligations négociables émises avant le 1er janvier 1965, de 15 % pour les intérêts des obligations négociables émises entre le 1er janvier 1965 et le 31 décembre 1986 et de 30 % pour les bons de caisse.

Cette retenue à la source ne revêt aucun caractère libératoire. Cependant, les bénéficiaires des revenus qui y sont soumis ont droit, à ce titre, à un crédit d'impôt d'égal montant. Dès lors que cette retenue à la source s'analyse comme le paiement anticipé d'une fraction de l'impôt (impôt sur le revenu, prélèvement forfaitaire libératoire ou impôt sur les sociétés selon le cas) incombant au bénéficiaire des revenus, il convient de prévoir les modalités d’imputation de la retenue à la source éventuellement déjà opérée. Les C et E du I de l’article 5 du présent projet prévoient les coordinations nécessaires avec les nouveaux prélèvements forfaitaires mis en place par l’article 125 A.

● L’option pour le prélèvement forfaitaire libératoire lorsque les intérêts sont payés par une personne établie hors de France est aujourd’hui réservée aux États membres de l’Union européenne ainsi qu’à ceux parties à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale (34). L’administration fiscale peut en effet conclure avec les établissements payeurs concernés des conventions organisant le paiement du prélèvement. Dès lors que le prélèvement devient obligatoire, l’administration pourra continuer d’utiliser le même mode opératoire avec les établissements concernés. Mais, pour les établissements situés dans des pays hors Europe, les échanges d’information ne sont pas assez organisés pour garantir le caractère fiable du prélèvement à opérer. Il est donc prévu dans ce cas que le prélèvement soit acquitté par le contribuable lui-même. Cette modification du IV de l’article 125 D du code général des impôts est opérée par le a du 4° du F du I de l’article 5 du présent projet.

L’article 1678 quater du code général des impôts prévoit par ailleurs que les sanctions prévues au titre de la retenue à la source sur les revenus payés vers l’étranger sont applicables pour le prélèvement sur les intérêts payés par des établissements français, mais pas par des établissements étrangers. Dès lors que le prélèvement n’est plus optionnel, le P du I de l’article 5 du présent projet rend ces sanctions également applicables pour les dividendes payés par un établissement établi hors de France. Le contribuable pourra toutefois s’en exonérer s’il justifie avoir donné mandat à un établissement européen pour acquitter le prélèvement.

● La déclaration de revenus établie par le contribuable pour l’établissement de l’impôt sur le revenu, qui est prévue par l’article 170 du code général des impôts, doit mentionner le montant des produits de placement soumis à un prélèvement libératoire. Le champ des prélèvements en cause ayant été modifié, le I du I de l’article 5 du présent projet procède aux coordinations nécessaires.

Une coordination de nature similaire est réalisée par le K du I de l’article 5 du présent projet en ce qui concerne l’article 242 ter du code général des impôts, qui concerne la déclaration des revenus de capitaux mobiliers qui est adressée par les établissements payeurs à l’administration fiscale ainsi qu’aux contribuables pour qu’ils puissent renseigner leur propre déclaration.

● Pour le calcul du RFR, l’article 1417 du code général des impôts prévoit la réintégration des revenus soumis à des prélèvements libératoires. Le champ des prélèvements en cause ayant été modifié, le 2° du N du I de l’article 5 du présent projet procède aux coordinations nécessaires.

● L’assiette des prélèvements sociaux sur les revenus du capital étant définie par référence aux catégories de revenus de capitaux mobiliers et de prélèvements définis par le code général des impôts, le III de l’article 5 du présent projet prévoit les coordinations nécessaires au sein du code de la sécurité sociale. Ces coordinations sont effectuées à droit constant par rapport à l’assiette des prélèvements sociaux sur les revenus du capital.

3.– La barémisation des dividendes

L’imposition de certains produits de placement à revenu variable peut être opérée, sur option du contribuable, sous la forme d’un prélèvement forfaitaire régi par l’article 117 quater du code général des impôts. Ce droit d’option a été instauré par la loi de finances pour 2008. L’option pour le prélèvement forfaitaire peut être exercée « au fil de l’eau », à l’occasion de chaque encaissement, ce qui permet à un contribuable, au titre d’une même année, d’opter pour le prélèvement pour certains des revenus qui y sont éligibles et de demeurer imposé au barème pour d’autres. Comme pour le prélèvement forfaitaire concernant les intérêts, celui-ci est aussi libératoire de l'impôt sur le revenu pour les dividendes auxquels il s'applique. Ceux-ci ne sont donc pas pris en compte pour la détermination du revenu global du bénéficiaire servant d'assiette à l'impôt sur le revenu au barème progressif.

Le calcul d’optimisation fiscale du contribuable est cependant plus complexe que pour les intérêts. Il convient en effet de tenir compte des différents abattements applicables à l’impôt sur le revenu au titre des dividendes. Dès lors que la somme des autres revenus déjà soumis au barème correspond au seuil d’entrée dans la tranche à 41 %, il est économiquement rationnel d’opter pour le prélèvement forfaitaire au-delà du montant de dividendes épuisant l’abattement forfaitaire. Le taux réel de taxation est en effet, compte tenu de l’abattement proportionnel de 40 % sur les dividendes, de : 60 % x 41 % = 24,6 % (35). Par ce biais, la minoration de l’imposition sur les produits de placement à revenu variable est de 3,6 % par rapport à la tranche à 41 %, et elle serait de 6 % par rapport à la nouvelle tranche à 45 % créée par l’article 3 du présent projet de loi de finances.

En revanche, les contribuables soumis à la tranche à 30 % n’ont aucun intérêt à exercer l’option, puisque les dividendes qu’ils perçoivent sont taxés marginalement à l’impôt sur le revenu à 18 % (soit 60 % x 30 %). Cette complexité induit de nombreuses erreurs défavorables aux contribuables, ainsi que le démontre le tableau suivant :

FOYERS FISCAUX AYANT OPTÉ À TORT POUR LE PRÉLÈVEMENT FORFAITAIRE LIBÉRATOIRE SUR LES DIVIDENDES AU TITRE DES REVENUS 2010

Taux marginal
(en %)

Nombre de foyers
fiscaux perdants

Montant du surplus d'imposition
(en millions d'euros)

0

5 025

3,0

5,5

7 402

5,1

14

16 985

5,9

30

22412

11,0

41

7 891

21,1

Ensemble

59 714

46,0

L’option pour le prélèvement forfaitaire libératoire est supprimée. Un acompte au taux de 21 %, qui se substitue à l’ancien prélèvement forfaitaire mais qui sera obligatoire et s’imputera sur le montant de l’impôt sur le revenu payé l’année suivante, est instauré.

L’abattement de 40 % (instauré en 2004 pour compenser la suppression de l’avoir fiscal) est maintenu, mais les abattements forfaitaires de 1 525 euros (pour une personne seule) ou 3 050 euros (en cas d’imposition commune) sont supprimés.

Un certain nombre de dispositions de coordination rédactionnelle sont aussi nécessaires.

a) Les nouvelles modalités d’imposition des dividendes

La soumission de l’ensemble des produits de placement à revenu variable au barème de l’impôt sur le revenu résulte de la modification du 3 de l’article 158 du code général des impôts opérée par le 1° du H du I de l’article 5 du présent projet. Tous les revenus de capitaux mobiliers sont pris en compte au titre du revenu net catégoriel correspondant entrant dans la composition du revenu net global soumis au barème. Les revenus distribués, qui constituent un sous-ensemble des revenus de capitaux mobiliers, sont définis de manière très extensive par l’article 109 du code général des impôts comme « tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital », ainsi que « toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevés sur les bénéfices ».

Certains revenus distribués, mentionnés au 2° du 3 de l’article 158 du code général des impôts, continueront d’être retenus pour le calcul de l’impôt après réfaction d’un abattement de 40 %. Pour bénéficier de cet abattement, les revenus distribués en application d’une décision régulière des organes compétents de la société distributrice doivent l’être par une société soumise à l’impôt sur les sociétés ou à un impôt étranger équivalent et établie en France, dans l’Union européenne ou dans un État ou territoire ayant conclu avec la France une convention en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscales. En vertu du principe de transparence fiscale qui leur est applicable, les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) bénéficient également de l’abattement pour les revenus distribués prélevés sur des bénéfices qui n’ont pas supporté l’impôt sur les sociétés ou un impôt équivalent.

Les revenus distribués qui ne sont pas éligibles à la réfaction de base de 40 % sont, en principe, imposés au barème pour leur montant net. Le montant de certains d’entre eux est toutefois majoré de 25 % pour le calcul de l’impôt en application du 7 de l’article 158 du code général des impôts. Tel est notamment le cas des rémunérations et avantages occultes ou des dépenses somptuaires dont la déduction de l’assiette de l’impôt sur les sociétés est interdite.

La situation particulière des dividendes au regard du barème de l’impôt sur le revenu a déjà été réduite par la loi de finances pour 2011. Celle-ci a en effet supprimé le crédit d’impôt correspondant à 50 % des revenus distribués ouvrant droit à l’abattement de 40 % ou perçus dans le cadre d’un plan d’épargne en actions (PEA), qui était plafonné à 115 euros pour une personne seule et à 230 euros pour un couple.

Ce crédit d’impôt avait été instauré par la loi de finances pour 2004, en « contrepartie » de la suppression de l’avoir fiscal, en même temps que l’abattement forfaitaire et l’abattement proportionnel. Autant l’abattement de 40 % (36) a un sens économiquement puisqu’il permet de tenir compte du fait que les revenus distribués ont déjà subi l’impôt sur les sociétés avant d’être distribués, autant l’abattement forfaitaire constitue, comme le crédit d’impôt, un « cadeau fiscal » qui réduit indûment la progressivité du barème de l’impôt sur le revenu.

Le 2° du H du I de l’article 5 du présent projet abroge le 5° du 3 de l’article 158 du code général des impôts qui prévoit que les revenus auxquels est appliqué l’abattement de 40 % ouvrent droit à un abattement forfaitaire dont le montant est de 1 525 euros pour un contribuable célibataire, divorcé ou veuf et de 3 050 euros pour les contribuables soumis à une imposition commune. Selon l’évaluation des voies et moyens annexée au présent projet de loi de finances, le coût de cette dépense fiscale est estimé à 370 millions d'euros en 2012. En chiffrant sa suppression par rapport aux nouvelles modalités d’imposition au barème des dividendes, le Gouvernement escompte un gain de 418 millions d'euros.

La comparaison entre les deux régimes d’imposition dépend de la situation fiscale du contribuable, en particulier de son taux marginal d’imposition avant prise en compte des revenus distribués. Une simulation simplifiée est présentée dans le tableau suivant, comparant la situation actuelle au prélèvement forfaitaire libératoire avec le nouveau régime d’impôt sur le revenu issu du présent projet de loi de finances pour des revenus déjà soumis à la tranche marginale supérieure. On constatera que l’écart, sans être négligeable, n’est pas extravagant.

COMPARAISON ENTRE LES DIVIDENDES AU BARÈME ET AU PFL

(montants en euros)

 

Barème

PFL

Dividendes versés

100 000

100 000

Abattement de 40 %

40 000

 

CSG déductible imputable sur revenu global

5 100

 

IR ou PFL

45 % x 54 900 = 24 705

21 % x 100 000 = 21 000

Prélèvements sociaux

15 500

15 500

Total des impôts directs

40 205

36 500

Écart d’imposition

3 705 (+ 10,2 %)

b) La substitution d’un prélèvement obligatoire à titre d’acompte à un prélèvement forfaitaire libératoire optionnel

Avant d’être en principe soumis au barème de l’impôt sur le revenu, les dividendes auront dû subir un prélèvement, qui constituera en fait un acompte sur l’impôt dû. Ce prélèvement sera en effet imputé sur l’impôt sur le revenu payé l’année suivante et, en cas d’excédent, ce dernier sera restituable.

Ce prélèvement est prévu par l’article 117 quater du code général des impôts, selon les modalités définies respectivement aux II et III de cet article selon que la personne qui verse les dividendes est établie en France ou hors de France. Il se substitue donc à l’actuel prélèvement forfaitaire libératoire, régi par le même article. Le B du I de l’article 5 du présent projet procède aux modifications rédactionnelles nécessaires pour transformer le prélèvement libératoire mais optionnel aujourd’hui en vigueur en un acompte qui devient obligatoire, sauf exception.

Le champ d’application du prélèvement est fixé par le I de l’article 117 quater. Il est considérablement élargi par rapport à l’actuel prélèvement forfaitaire libératoire. En effet, alors que ce dernier ne concerne que les revenus éligibles à l’abattement de 40 %, c’est-à-dire pour l’essentiel les dividendes des sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés, le nouveau prélèvement anticipé s’applique à l’ensemble des revenus distribués imposés à l’impôt sur le revenu. Sont ainsi concernés, en plus des dividendes, toutes les sommes réputées distribuées selon la législation fiscale : les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital, les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices, les avances, prêts ou acomptes accordés aux associés, les rémunérations et avantages occultes, les rémunérations excessives et les dépenses somptuaires, les jetons de présence et autres rémunérations allouées aux membres du conseil d’administration ou du conseil de surveillance des sociétés anonymes.

Le 2° du I de l’article 117 quater exclut toutefois du champ du prélèvement deux catégories de revenus :

– les revenus pris en compte pour la détermination du bénéfice imposable d’une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole ou d’une profession non commerciale, c’est-à-dire les dividendes perçus par un entrepreneur individuel ou par un professionnel libéral qui sont imposés, selon le cas, comme des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), des bénéfices agricoles (BA) ou des bénéfices non commerciaux (BNC) ;

– les revenus afférents à des titres détenus dans un plan d’épargne en actions (PEA). En effet, les produits des placements dans le cadre d’un PEA sont exonérés de l’impôt sur le revenu à la condition que le plan ne soit pas liquidé moins de cinq ans après le premier versement. Seule l’éventuelle plus-value réalisée sur le PEA est imposée dans l’hypothèse d’une liquidation plus précoce du plan. Les dividendes perçus dans le cadre d’un PEA ne sont donc pas directement imposés, ni au prélèvement anticipé, ni au barème. Il en résulte une dépense fiscale de 120 millions d'euros. Toutefois, l’imposition de la fraction des produits des titres non cotés détenus dans un PEA dépassant annuellement 10 % de leur montant est prévue par le 5° bis de l’article 157 du code général des impôts. Cette exception, qui vise à lutter contre une optimisation fiscale consistant à déplafonner de fait le montant des versements au PEA par une minoration artificielle de la valeur des titres non cotés inclus (se traduisant par leur rendement très élevé), rend donc possible l’imposition annuelle de dividendes perçus dans un PEA. Le dépassement de la limite d’exonération étant nécessairement apprécié au terme de l’année, l’imposition de ces dividendes ne peut pas entrer dans le champ d’application du prélèvement anticipé.

Les contribuables membres d’un foyer fiscal dont le revenu fiscal de référence (RFR) de l’avant-dernière année est inférieur à 50 000 euros pourront toutefois demander à être exonérés de ce prélèvement (37). La même exonération s’appliquant pour les produits de placement à revenu fixe, il est renvoyé sur ce point au commentaire correspondant. Le choix du seuil de 50 000 euros paraît cependant mieux adapté pour les dividendes puisque le taux réel de taxation au barème ne sera supérieur au taux du prélèvement forfaitaire anticipé que pour les contribuables situés dans les tranches à 41 % et 45 %. On observera cependant qu’en cas d’imposition commune, un RFR de 50 000 euros correspond à une taxation au barème à un taux marginal de 14 % et à un taux réel de 8,4 % pour les dividendes, soit un écart significatif avec une taxation forfaitaire à 21 %.

Selon les estimations du Gouvernement portant tant sur l’acompte sur les dividendes que sur l’acompte sur les intérêts, sur les 2 479 195 foyers fiscaux redevables de ces acomptes avec un RFR supérieur à 50 000 euros, 173 703 foyers fiscaux devraient verser un acompte supérieur à l’impôt sur le revenu calculé avant imputation du crédit d’impôt représentatif de l’acompte, et donc obtenir une restitution. Le montant global de l’excédent d’acompte non imputé sur l’impôt dû et restituable est estimé à 489 millions d’euros sur une recette totale d’acompte de 4 571 millions d’euros, soit un peu plus de 10 %.

Le taux du prélèvement versé à titre d’acompte de l’impôt sur le revenu est fixé en reprenant le taux de 21 % de l’actuel prélèvement forfaitaire libératoire. Comme pour ce dernier, il est assis sur le montant brut des revenus perçus, sans déduction notamment des frais de garde.

Comme pour les intérêts, l’article 193 du code général des impôts est modifié par le J du I de l’article 5 du présent projet pour rappeler que, lors du calcul de l’impôt sur le revenu, le prélèvement déjà effectué s’impute sur l’impôt sur le revenu dû.

Les modalités d’entrée en vigueur de la substitution du nouveau prélèvement obligatoire versé à titre d’acompte à l’actuel prélèvement forfaitaire libératoire à caractère optionnel sont fixées par les IV et VI de l’article 5 du présent projet dans les mêmes conditions que pour les intérêts.

c) Les dispositions de coordination

● Pour le calcul du RFR, l’article 1417 du code général des impôts prévoit la réintégration des abattements applicables aux dividendes. Il en est de même pour le bénéfice du dégrèvement de taxe foncière sur les propriétés bâties afférente à l’habitation principale en fonction du revenu prévu par l’article 1391 B ter du même code. Dès lors que l’abattement forfaitaire est supprimé, les M et 1° du N du I de l’article 5 du présent projet procèdent aux coordinations nécessaires.

● L’article 1671 C du code général des impôts prévoit que les sanctions prévues au titre de la retenue à la source sur les revenus payés vers l’étranger sont applicables pour le prélèvement sur les dividendes payés par des établissements français, mais pas par des établissements étrangers. Dès lors que le prélèvement n’est plus optionnel, le O du I de l’article 5 du présent projet rend ces sanctions également applicables pour les dividendes payés par un établissement établi hors de France. Le contribuable pourra toutefois s’en exonérer s’il justifie avoir donné mandat à un établissement européen pour acquitter le prélèvement.

● L’assiette des prélèvements sociaux sur les revenus du capital étant définie par référence aux catégories de revenus de capitaux mobiliers et de prélèvements définis par le code général des impôts, le III de l’article 5 du présent projet prévoit les coordinations nécessaires au sein du code de la sécurité sociale. Ces coordinations sont effectuées à droit constant par rapport à l’assiette des prélèvements sociaux sur les revenus du capital. Cette assiette ne tenait déjà pas compte des différents abattements applicables pour les dividendes à l’impôt sur le revenu. L’assiette fiscale se rapproche donc de l’assiette sociale, même si elle lui demeure inférieure (en raison du maintien de l’abattement de 40 %).

4.– La barémisation des plus-values mobilières

La loi de finances pour 2000 a fusionné les différents régimes d'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux des particuliers en un dispositif unique qui figure aux articles 150-0 A à 150-0 E du code général des impôts.

Sont imposables à ce titre à l’impôt sur le revenu les plus-values réalisées par des personnes physiques, dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé, à l’occasion de la cession à titre onéreux d’actions, de droits de souscription ou d’achat d’actions, de certificats d’investissement, d’obligations, de titres participatifs, de parts sociales, de titres de sociétés immobilières non cotées passibles de l'impôt sur les sociétés ou de titres de sociétés d’investissement à capital variable (SICAV) et de fonds communs de placement (FCP).

Certaines plus-values sur valeurs mobilières relèvent toutefois d'un autre régime d'imposition : il en est ainsi pour les bénéfices non commerciaux et pour les plus-values professionnelles concernant les cessions de titres de sociétés soumises à l'impôt sur le revenu dans lesquelles le cédant exerce son activité professionnelle.

Sous réserve de ces exceptions, les plus-values sur valeurs mobilières réalisées par les particuliers sont soumises à l’impôt sur le revenu à un taux forfaitaire de 19 %. L'imposition est établie au titre de l'année au cours de laquelle la cession est intervenue, quelles que soient les modalités de paiement du prix.

La loi de finances pour 2011 a supprimé le seuil annuel de cessions (créé en 1978 et fixé à 25 830 euros en 2010) en-deçà duquel les plus-values de cessions de valeurs mobilières étaient exonérées d’impôt sur le revenu : toutes les plus-values mobilières sont désormais imposées au taux forfaitaire dès le premier euro.

Dans un souci de justice fiscale, il est proposé de supprimer ce taux forfaitaire et donc de faire basculer au barème de l’impôt sur le revenu les plus-values mobilières. Des mesures transitoires sont prévues pour lisser cette barémisation. Un certain nombre de dispositions de coordination rédactionnelle sont également nécessaires.

Les plus-values de cession à titre onéreux de valeurs mobilières, droits sociaux et titres assimilés sont intégrées dans le revenu global net servant de base à l’impôt sur le revenu tel que défini par l’article 13 du code général des impôts. Cette modification est opérée par le A du I de l’article 6 du présent projet. Par voie de conséquence, un nouveau revenu net catégoriel afférent aux plus-values mobilières est défini au nouveau 6 bis de l’article 158 du code général des impôts, créé par le J du I de l’article 6 du présent projet. Toutes les plus-values mobilières sont prises en compte au titre de ce revenu net catégoriel qui entre dans la composition du revenu net global soumis au barème.

La mention du taux forfaitaire de 19 %, qui figure au 2 de l’article 200 A du code général des impôts, est supprimée par le 1° du P du I de l’article 6 du présent projet. Il en est de même pour les taux réduits applicables dans les départements d’outre-mer : ils sont mentionnés au 7 de l’article 200 A, qui est abrogé par le 3° du P du I de l’article 6 du présent projet. Un avantage équivalent existe toutefois au barème de l’impôt sur le revenu : le 3 de l’article 197 du code général des impôts prévoit en effet que le montant de l’impôt sur le revenu est réduit de 30 % pour les contribuables domiciliés en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion, et de 40 % pour ceux domiciliés en Guyane. Ces réductions du montant de l’impôt dû sont plafonnées, alors que l’application des taux forfaitaires pour les plus-values mobilières ne fait actuellement l’objet d’aucun plafonnement.

Les profits nets réalisés en France sur les marchés à terme, sur les marchés d’options négociables et sur les opérations de bons d’option, qui sont aujourd’hui soumis au taux forfaitaire des plus-values mobilières, seront soumis au barème. Les articles 150 quinquies, 150 sexies, 150 nonies et 150 decies du code général des impôts qui fixent les règles applicables à ces opérations financières sont modifiés en ce sens par les C, D et E du I de l’article 6 du présent projet. Il en va de même pour les plus-values de cession d'actifs distribuées par un fonds de placement immobilier (FPI), qui sont également soumises au taux forfaitaire des plus-values mobilières et seront elles aussi soumises au barème. L’article 150-0 F qui fixe les règles applicables à ces plus-values particulières est modifié en ce sens par le H du I de l’article 6 du présent projet.

L’article 163 quinquies C qui régit les plus-values de cession de titres distribuées par les sociétés de capital-risque (SCR) est modifié par le 1° du M du I de l’article 6 du présent projet afin de prévoir leur imposition au barème lorsque l’actionnaire est une personne physique fiscalement domiciliée en France, à un taux forfaitaire de 45 % lorsque l’actionnaire est une personne physique fiscalement domiciliée hors de France et à la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis à un taux de 55 % lorsqu’elles sont payées dans un ETNC. Pour autant, si la cession d’actions de SCR intervient après une période de conservation de cinq ans, la plus-value demeure exonérée d'impôt sur le revenu en application du 1 bis du III de l’article 150-0 A du code général des impôts.

Les plus-values de cession de droits sociaux émis par une société soumise à l’impôt sur les sociétés et ayant son siège en France qui est détenue à hauteur de 25 % de ses bénéfices par le cédant ou son cercle familial sont imposées, lorsque le cédant n’est pas domicilié fiscalement en France, dans les conditions prévues par l’article 244 bis B du code général des impôts aux taux forfaitaires de 19 %, ou de 50 % si le cédant est domicilié dans un ETNC. Le R du I de l’article 6 du présent projet porte le taux forfaitaire de droit commun de 19 % à 45 %. Le O du I de l’article 6 du présent projet corrige un oubli en prévoyant que ces plus-values seront mentionnées sur la déclaration de revenus prévue par l’article 170 du code général des impôts.

Pour les plus-values réalisées au titre des seules actions ou parts de sociétés, afin d’inciter à leur détention longue, l’article 150-0 D du code général des impôts est modifié par le 1 du G du I de l’article 6 du présent projet afin d’instaurer des abattements pour durée de détention. Ces abattements sont de :

– 5 % du montant de la plus-value pour les actions détenues plus de deux ans et moins de quatre ans à la date de la cession ;

– 10 % du montant de la plus-value pour les actions détenues plus de quatre ans et moins de sept ans à la date de la cession ;

– 15 % du montant de la plus-value pour les actions détenues plus de sept ans et moins de huit ans à la date de la cession ;

– 20 % du montant de la plus-value pour les actions détenues plus de huit ans et moins de neuf ans à la date de la cession ;

– 25 % du montant de la plus-value pour les actions détenues plus de neuf ans et moins de dix ans à la date de la cession ;

– 30 % du montant de la plus-value pour les actions détenues plus de dix ans et moins de onze ans à la date de la cession ;

– 35 % du montant de la plus-value pour les actions détenues plus de onze ans et moins de douze ans à la date de la cession ;

– 40 % du montant de la plus-value pour les actions détenues plus de douze ans à la date de la cession. Le taux maximum d’abattement retenu correspond au taux d’abattement applicable pour les dividendes.

Pour l’application de ces abattements, la durée de détention des actions est décomptée à partir du 1er janvier de l’année d’acquisition, ce qui est très favorable pour les actions acquises en fin d’année. Les modalités de calcul de la durée de détention sont celles définies par l’article 150-0 D ter du code général des impôts. Ainsi, en cas de cession de titres ou droits appartenant à une série de titres ou droits de même nature, acquis ou souscrits à des dates différentes, les titres ou droits cédés sont ceux acquis ou souscrits aux dates les plus anciennes. Afin d’éviter les effets d’aubaine, les compteurs sont toutefois remis à zéro avec l’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions : quelle que soit leur durée réelle de détention antérieure, toutes les actions détenues au 1er janvier 2013 seront considérées comme ayant été acquises à cette date. De ce fait, il ne serait pas possible de bénéficier d’un abattement de 40 % avant 2025, ce qui correspond à un horizon de placement très long pour des actions, en particulier si elles étaient détenues depuis longtemps déjà avant 2013.

La loi de finances rectificative pour 2005 avait déjà instauré, pour les plus-values de cessions de titres de sociétés, des abattements pour durée de détention. Ce système d’abattement, qui figurait à l’article 150-0 D bis du code général des impôts, pouvait aboutir à une exonération totale au bout de huit ans et aurait eu un coût budgétaire de l’ordre du milliard d’euros à partir de 2014. C’est pourquoi la loi de finances pour 2012 a transformé l'abattement d'un tiers applicable aux plus-values de cessions d’actions pour chaque année de détention au-delà de la cinquième année en un report d'imposition sur ces mêmes plus-values après huit ans de détention, sous condition de remploi d'une fraction de 80 % de la plus-value. Au terme de cinq années supplémentaires, ce report peut se transformer en une exonération des plus-values réalisées. Ce système n’est pas impacté par la réforme du mode d’imposition des plus-values mobilières : un investisseur qui utilise la plus-value réalisée sur une start-up peut la réinvestir dans une nouvelle start up et bénéficier in fine d’une exonération totale d’imposition.

Il devrait résulter de la soumission au barème de l’impôt sur le revenu des plus-values mobilières un surplus de recettes fiscales estimé à un milliard d'euros (compte tenu de leur entrée en vigueur très différée, le coût des abattements n’est pas chiffré à ce stade par le Gouvernement).

73 400 contribuables paieraient une cotisation moyenne d’impôt supplémentaire de 14 000 euros et 57 200 contribuables bénéficieraient d’une réduction de leur cotisation d’impôt de 694 euros en moyenne. La répartition des foyers fiscaux perdants et gagnants par déciles de revenu fiscal de référence (RFR) figure dans les tableaux suivants.

FOYERS FISCAUX PERDANT À LA BARÉMISATION DES PLUS-VALUES MOBILIÈRES

Déciles de RFR

Montant des plus-values déclarées
(en millions d'euros)

Gain pour l'État
(en millions d'euros)

<= 38 815 €

37,36

5,26

<= 56 159,50 €

33,20

3,24

<= 70 204 €

40,33

3,96

<= 85 406,50 €

51,22

5,25

<= 104 936 €

71,73

7,92

<= 131 466,50 €

98,90

11,53

<= 171 641 €

150,68

17,79

<= 243 970,50 €

244,95

33,30

<= 432 728 €

508,33

80,55

> 432 728 €

3 747,18

878,35

Total

4 983,88

1 047,14

FOYERS FISCAUX GAGNANT À LA BARÉMISATION DES PLUS-VALUES MOBILIÈRES

Déciles de RFR

Montant des plus-values déclarées
(en millions d'euros)

Perte pour l'État
(en millions d'euros)

<= 12 527 €

24,16

3,85

<= 19 351 €

16,42

2,66

<= 24 490 €

17,31

2,09

<= 29 176 €

20,30

2,07

<= 34 811 €

25,55

2,52

<= 41 275,50 €

27,49

2,59

<= 48 241 €

29,43

2,55

<= 56 665 €

33,94

2,84

<= 74 152 €

55,14

4,40

> 74 152 €

201,01

14,14

Total

450,75

39,72

La comparaison entre les deux régimes d’imposition dépend de la situation fiscale du contribuable, en particulier de son taux marginal d’imposition avant prise en compte des plus-values mobilières. Une simulation simplifiée est présentée dans le tableau suivant, comparant la situation actuelle au taux forfaitaire avec le nouveau régime d’impôt sur le revenu issu du présent projet de loi de finances pour des revenus déjà soumis à la tranche marginale supérieure. On constatera que le surcroît d’imposition est substantiel (augmentation de plus de deux-tiers).

COMPARAISON ENTRE LES PLUS-VALUES MOBILIÈRES AU BARÈME ET À 19 %

(montants en euros)

 

Barème

Taux forfaitaire

Plus-values nettes

100 000

100 000

CSG déductible imputable sur revenu global

5 100

 

IR ou taux forfaitaire

45 % x 94 900 = 42 705

19 % x 100 000 = 19 000

Prélèvements sociaux

15 500

15 500

Total des impôts directs

58 205

34 500

Écart d’imposition

23 705 (+ 68,7 %)

Il convient toutefois de relativiser ce surcoût car, pour les actions détenues depuis plus de douze ans, le mécanisme de l’abattement de 40 % pour durée de détention aboutit à une taxation similaire à celle applicable aux dividendes, soit une augmentation d’impôt tout à fait raisonnable. La détention longue de titres de capital est ainsi très fortement récompensée fiscalement.

COMPARAISON ENTRE LES PLUS-VALUES SUR ACTIONS AU BARÈME ET À 19 %
APRÈS DÉTENTION DE PLUS DE DOUZE ANS

(montants en euros)

 

Barème

Taux forfaitaire

Plus-values nettes

100 000

100 000

Abattement de 40 %

40 000

 

CSG déductible imputable sur revenu global

5 100

 

IR ou taux forfaitaire

45 % x 54 900 = 24 705

19 % x 100 000 = 19 000

Prélèvements sociaux

15 500

15 500

Total des impôts directs

40 205

34 500

Écart d’imposition

5 705 (+ 16,5 %)

L’imposition à un taux forfaitaire est toutefois maintenue dans deux cas :

• Les cessions de bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE)

Ce dispositif a été institué par la loi de finances pour 1998 afin de permettre aux jeunes sociétés de s’attacher, par le biais d’un intéressement à leur capital, le concours de salariés qu’elles ne peuvent s’offrir compte tenu de leur faible surface financière. L’objectif recherché consiste à maintenir une incitation fiscale forte en faveur de cette catégorie de placements concernant les salariés (y compris les dirigeants salariés) de PME innovantes.

Les taux forfaitaires applicables, fixés par l’article 163 bis G du code général des impôts qui est modifié pour coordination par le L du I de l’article 6 du présent projet, sont inchangés par rapport au droit en vigueur : le gain net réalisé lors de la cession de BSPCE est taxé à 19 %, ou par dérogation à 30 % si le bénéficiaire exerce son activité dans la société depuis moins de trois ans à la date de la cession.

La dépense fiscale correspondante est de 7 millions d'euros en 2012.

• Les gains nets réalisés sur les plans d’épargne en actions (PEA)

Les plus-values réalisées dans le cadre d’un PEA sont exonérées de l’impôt sur le revenu à la condition que le plan ne soit pas liquidé moins de cinq ans après le premier versement.

Il en résulte une dépense fiscale de 100 millions d'euros.

Dans l’hypothèse d’une liquidation plus précoce du plan, les taux forfaitaires applicables aux plus-values réalisées, fixés par le 5 de l’article 200 A du code général des impôts qui est modifié pour coordination par le 2° du P du I de l’article 6 du présent projet, sont inchangés par rapport au droit en vigueur : le gain net réalisé est taxé à 22,5 % si le retrait ou le rachat intervient avant l’expiration de la deuxième année, et à 19 % si le retrait ou le rachat intervient entre les deuxième et cinquième années.

Selon les comptes financiers de la Banque de France, les encours placés sur les 7 millions de PEA ouverts s’élevaient à 91,7 milliards d'euros en 2010 (sous la forme d’actions ou d’OPCVM placés en actions), alors que l’encours total des actions détenues par les ménages hors PEA était de 617 milliards d'euros. Pour près de 15 % des placements en actions des ménages, la barémisation n’aura donc pas d’incidence.

Compte tenu du plafond de versement sur le PEA fixé à 132 000 euros, les contribuables modestes qui investissent en actions ne verront pas leur imposition augmenter.

b) Les mesures transitoires

La taxation des plus-values de cession de valeurs mobilières au barème progressif de l’impôt sur le revenu à la place d’un taux forfaitaire de 19 % s’applique, en vertu du V de l’article 6 du présent projet, aux plus-values réalisées au titre de l’année 2012, au titre de l’impôt sur le revenu payé en 2013. L’assiette de l’imposition n’étant constituée qu’au 31 décembre 2012, il n’y aucune rétroactivité au sens juridique du terme ; on parle seulement, dans ce cas, de « petite rétroactivité fiscale ». Comme pour l’ensemble de l’impôt sur le revenu, le taux d’imposition appliqué aux revenus de l’année en cours est connu à la fin de l’année concernée pour l’impôt payé l’année suivante.

Pour autant, afin de « lisser » l’entrée dans le barème lors de la mise en œuvre de la réforme, le K du I de l’article 6 du présent projet permet aux contribuables d’opter pour un système spécifique de quotient pour la prise en compte des plus-values réalisées au titre des années 2012 à 2014.

Le système général du quotient à l’impôt sur le revenu, défini à l’article 163-0 A du code général des impôts, vise à éviter que la progressivité de l'impôt n'aboutisse à soumettre à une imposition trop importante les revenus exceptionnels ou les revenus dont la perception a été différée ou concentrée par des circonstances indépendantes de la volonté du contribuable. Il consiste, pour l'année de réalisation d'un revenu exceptionnel ou différé, à calculer les droits simples afférents à ce revenu en ajoutant le quart du montant net de ce revenu au revenu net imposable ordinaire du contribuable et à multiplier par quatre la cotisation supplémentaire ainsi obtenue. Cette technique a bien pour effet « d’épaissir » les tranches du barème et de ralentir sa progressivité. En revanche, elle n’a aucun impact pour les contribuables déjà situés à la dernière tranche du barème avant la prise en compte du revenu exceptionnel ou différé.

Le présent article propose de moduler le système de quotient transitoire spécifique aux plus-values mobilières en fonction de la durée de détention des titres (38) :

– il est tenu compte de la moitié des gains réalisés si les titres ont été détenus entre deux et quatre ans ;

– il est tenu compte du quart des gains réalisés si les titres ont été détenus au moins quatre ans.

Si un contribuable réalise des plus-values correspondant à des durées de détention différentes, il pourra bénéficier des deux quotients pour chaque catégorie de titres.

Le tableau suivant présente à titre d’exemple l’effet du quotient dans le cas d’un contribuable célibataire qui serait imposé sur des revenus d’activité de 20 000 euros et réaliserait une plus-value mobilière de 20 000 euros. Le barème est celui de l’impôt sur le revenu 2012. Hors plus-value, ce contribuable est à la tranche marginale de 14 % ; si sa plus-value est barémisée, il passe à la tranche à 30 %. Grâce au quotient, il reste à la tranche à 14 %. Ce taux étant inférieur à l’actuel taux forfaitaire de 19 %, il est gagnant grâce au quotient.

EXEMPLE D’APPLICATION DU QUOTIENT POUR LES PLUS-VALUES MOBILIÈRES

(montants en euros)

 

Taux forfaitaire

Barème

Quotient avec 3 ans de détention

Quotient avec 5 ans de détention

Imposition de la plus-value

3 800

4 653

3 306

2 800

Total de l’impôt sur le revenu

4 981

5 834

4 487

3 981

Taux marginal

14 %

30 %

14 %

14 %

Calcul de l’impôt dû avec quotient pour la moitié des gains de plus-value :

a. Revenu net global ordinaire imposable : 20 000 €.

Droits simples correspondants = 1 181 €

b. Revenu ordinaire + quotient : 18 000 € + 20 000 €/2 = 28 000 €

Droits simples correspondants = 2 834 €

c. Droits simples sur la plus-value : (2 834 – 1 181) × 2 = 3 306 €

d. Impôt total dû : 1 181 + 3 306 = 4 487 €

Au titre de l’imposition des gains de cession de valeurs mobilières, il est tenu compte des gains nets réalisés chaque année : les moins-values s’imputent sur les plus-values. Le mode d’imputation des moins-values est défini par le 11 de l’article 150-0 D du code général des impôts, qui est complété par le 2° du G du I de l’article 6 du présent projet pour tenir compte de l’application du système du quotient. Lorsque le contribuable opte pour ce système avantageux d’imposition, il convient en effet de déterminer un gain net pour chacune des périodes d’application du quotient. Il est donc procédé dans ce cas à une « tunnelisation » des moins-values imputables sur les plus-values correspondant à une même durée de détention :

– les moins-values constatées une année au titre de valeurs mobilières détenues depuis moins de deux ans ne sont imputables que sur les plus-values réalisées au cours de la même année au titre de valeurs mobilières détenues depuis moins de deux ans ;

– les moins-values constatées une année au titre de valeurs mobilières qui auront été détenues entre deux et quatre ans ne sont imputables que sur les plus-values réalisées au cours de la même année au titre de valeurs mobilières qui auront été détenues entre deux et quatre ans ;

– les moins-values constatées une année au titre de valeurs mobilières détenues depuis au moins quatre ans ne sont imputables que sur les plus-values réalisées au cours de la même année au titre de valeurs mobilières détenues depuis au moins quatre ans.

Il sera ainsi possible de déterminer un gain net pour chaque période d’application du quotient, en évitant tout effet d’aubaine (consistant à imputer des moins-values de court terme sur des plus-values de long terme qui, à ce titre seulement, bénéficient du quotient le plus avantageux). À titre d’exemple, pour des cessions réalisées en 2013, il sera possible d’imputer des moins-values correspondant à des titres acquis en 2010 sur des plus-values correspondant à des titres acquis en 2009 (ouvrant droit à un quotient de la moitié), mais non sur des plus-values correspondant à des titres acquis en 2008 (ouvrant droit à un quotient du quart).

Si une moins-value réalisée une année n’est pas imputée sur une plus-value imputée la même année, il existe toutefois une possibilité de report pendant dix ans, qui est très favorable pour le contribuable car elle lui permet de « piloter » son revenu imposable. Cette large possibilité de report n’est pas remise en cause par la « tunnelisation » des moins-values pour l’application du quotient : des moins-values constatées une année qui ne seraient pas imputées sur des plus-values réalisées la même année, notamment si elles ne concernent pas des titres dont la durée de détention est similaire, restent reportables pendant dix ans.

Indépendamment de ce système transitoire de quotient et de « tunnelisation » mis en place à l’occasion de la barémisation (dont le coût est estimé à 150 millions d'euros par le Gouvernement), il existe des dispositifs permettant déjà de limiter l’imposition au titre des plus-values mobilières. Il s’agit notamment de l’exonération des plus-values de cession de titres de jeunes entreprises innovantes (JEI) réalisant des projets de recherche et développement. Cette exonération totale, dont le coût budgétaire est estimé à 2 millions d'euros, est acquise si le cédant a conservé les titres cédés pendant au moins trois ans et s’il n’a pas détenu avec son cercle familial une participation de plus 25 % dans la JEI. Il existe aussi une exonération pour les titres représentant plus de 25 % du capital lorsqu’ils sont cédés dans un cadre familial, à condition que ces titres ne soient pas cédés à un tiers pendant une durée de cinq ans.

La loi de finances rectificative pour 2005 a pour sa part institué un abattement pour durée de détention sur les plus-values réalisées par les dirigeants de PME qui cèdent leurs titres lors de leur départ à la retraite. Cet abattement est égal à un tiers par année de détention au-delà de la cinquième année, ce qui aboutit à une exonération là aussi totale de la plus-value au-delà de huit ans. Ce dispositif, codifié sous l’article 150-0 D ter du code général des impôts, est applicable aux cessions de titres acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2006 qui sont réalisées entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2013. Il représente une dépense fiscale de 375 millions d'euros. Le IV de l’article 6 du présent projet prévoit de le proroger jusqu’en 2017. Il continuera donc de s’appliquer et pourra annuler l’impact de la barémisation des plus-values mobilières pour les dirigeants concernés.

c) Les dispositions de coordination

● La première loi de finances rectificative pour 2011 a assujetti à l'impôt sur le revenu les personnes physiques transférant à compter du 3 mars 2011 leur domicile fiscal hors de France au titre des plus-values latentes sur valeurs mobilières et droits sociaux constatées avant le changement de domicile. Un sursis de paiement sans prise de garanties est accordé lorsque le contribuable transfère son domicile dans un État de l'Union européenne ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. En revanche, lorsque le contribuable transfère son domicile dans un autre État, le paiement de l'impôt est en principe immédiat mais, sur demande du contribuable et sous réserve de prise de garanties adéquates, un sursis de paiement peut également être accordé. Cette prise de garanties n'est pas exigée en cas de changement de domicile fiscal pour des raisons professionnelles.

Le calcul de l’impôt sur le revenu afférent aux plus-values latentes est déterminé par l’article 167 bis du code général des impôts, en faisant application du taux forfaitaire de 19 %. Le N du I de l’article 6 du présent projet supprime ce taux et prévoit la taxation des plus-values selon le barème progressif de l’impôt sur le revenu. Le montant de l’exit tax sera égal à la différence entre, d’une part, ce qu’aurait rapporté l’impôt sur le revenu calculé sur tous les revenus taxables en intégrant les plus-values latentes et, d’autre part, l’impôt sur le revenu réellement dû. Par coordination, le 2° du J du I de l’article 6 du présent projet crée un nouveau 6 ter de l’article 158 du code général des impôts pour définir un nouveau revenu net catégoriel afférent aux plus-values latentes.

Pour éviter toute rétroactivité fiscale, ce nouveau mode de calcul s’applique aux transferts de domicile fiscal hors de France intervenus à compter de la date d’adoption du présent projet de loi de finances par le conseil des ministres, soit le 28 septembre 2012.

● Pour le calcul du RFR, l’article 1417 du code général des impôts prévoit la réintégration de certains abattements. Le S du I de l’article 6 du présent projet prévoit donc la réintégration du nouvel abattement pour durée de détention au titre des plus-values de cession d’actions.

● L’assiette des prélèvements sociaux sur les revenus du capital étant définie par référence au code général des impôts, le II de l’article 6 du présent projet prévoit les coordinations nécessaires au sein du code de la sécurité sociale. Ces coordinations sont effectuées à droit constant par rapport à l’assiette des prélèvements sociaux sur les revenus du capital. L’assiette sociale ne tenant pas compte des différents abattements applicables à l’impôt sur le revenu, le nouvel abattement pour durée de détention au titre des plus-values de cession d’actions doit en être expressément exclu.

5.– La barémisation des stock-options, attributions d’actions gratuites et carried interest

Il s’agit de trois catégories particulières de revenus quasi-salariaux, quand bien même ils sont liés à des placements financiers. L’article 8 du présent projet de loi de finances prévoit d’ailleurs de prendre en compte ces revenus d’activité professionnelle au titre de la contribution exceptionnelle de solidarité sur les très hauts revenus. Leurs caractéristiques particulières nécessitent des dispositions spécifiques pour les soumettre au barème progressif de l’impôt sur le revenu.

a) Les stock options

La loi n° 70-1322 du 31 décembre 1970 relative à l'ouverture d'options de souscription ou d'achat d'actions au bénéfice du personnel des sociétés a institué un mécanisme inspiré du système des stock-options plan pratiqué aux États-Unis. Il permet aux sociétés de proposer à leurs salariés de souscrire ou d'acheter, dans des conditions financières avantageuses, des actions de la société qui les emploie. Il s’agit d’un mécanisme d’intéressement et de fidélisation des dirigeants et des salariés de l’entreprise.

Le mécanisme des options est le suivant : après autorisation de l'assemblée générale extraordinaire, le conseil d'administration (ou le directoire) offre à tout ou partie du personnel salarié de la société le droit de souscrire ou d'acheter des actions à un prix déterminé qui ne peut pas être modifié pendant la durée de l'option (sauf ajustement en cas d'opérations financières ultérieures ayant des répercussions sur la valeur du titre). Les bénéficiaires ont un certain délai pour lever leur option. Ainsi, en cas de hausse de la valeur de l'action, ils peuvent acquérir des titres de la société à un prix inférieur à leur valeur du moment.

Les gains de levée d’options sur actions sont soumis à trois régimes d’imposition différents selon le produit généré :

– le gain sur le rabais (à savoir la différence entre le prix de l’action le jour de l’attribution de l’option et le prix auquel elle est effectivement acquise) est considéré comme un salaire. Il est taxé au barème progressif de l’impôt sur le revenu au-delà de 5 % de la valeur de l’action au jour de l’attribution de l’option ;

– la plus-value d'acquisition (la différence entre le prix de l'action le jour de la levée de l’option et son prix d’achat) représente un complément de salaire imposable au barème progressif de l'impôt sur le revenu après déduction du rabais déjà taxé. Mais la plus-value d’acquisition peut être soumise sur option du contribuable à un régime spécifique d’imposition des plus-values mobilières, à condition que la levée de l’option n'intervienne qu’après un délai d’indisponibilité de quatre ans à compter de la date d’attribution de l’option. Les taux d'imposition spécifiques de la plus-value d’acquisition sont alors les suivants :

– 18 % jusqu’à 152 500 euros et 30 % au-delà en cas de cession après un délai de portage de deux ans à compter de la levée de l’option ;

– 30 % jusqu’à 152 500 euros et 41 % au-delà si le délai de portage de deux ans n’est pas respecté ;

– l’éventuelle plus-value de cession (la différence entre le prix de cession de l'action et son prix le jour de la levée de l’option) est imposée selon le régime de droit commun des plus-values mobilières (donc maintenant au barème progressif de l’impôt sur le revenu).

Le graphique suivant illustre la détermination des gains imposables.

IMPOSITION DES GAINS LIÉS AUX STOCK-OPTIONS

Dans le cadre de la barémisation de l’ensemble des revenus du capital, il convient de supprimer l’option pour un prélèvement à taux forfaitaire qui ne subsiste plus aujourd’hui que pour les plus-values d’acquisition. L’avantage tiré de la levée d’option sera donc taxé comme des traitements et salaires au barème progressif de l’impôt sur le revenu. 7 000 contribuables seraient perdants et il devrait en résulter un gain pour le budget de l’État de 37 millions d'euros.

Les règles fiscales concernant les stock-options, qui figurent aux articles 80 bis, 163 bis C et 200 A du code général des impôts, sont regroupées par les A, F et G du I de l’article 7 du présent projet sous le seul article 80 bis, avec trois modifications de fond : la suppression des taux forfaitaires d’imposition des plus-values d’acquisition ; des délais d’indisponibilité et de portage ; et la possibilité d’imputer la moins-value réalisée le cas échéant en cas de cession des actions pour un prix inférieur à leur valeur à la date de la levée de l’option sur la plus-value d’acquisition (puisqu’il ne s’agit plus de la même catégorie de revenus).

Afin de maintenir une incitation à la détention longue des actions acquises par voie de stock-option, le D du I de l’article 7 du présent projet modifie l’article 163-0 A du code général des impôts afin de permettre au bénéficiaire de la plus-value d’acquisition de bénéficier du système de quotient de droit commun à l’impôt sur le revenu (soit le quotient du quart), sans devoir respecter la condition du revenu exceptionnel (le montant du revenu exceptionnel doit en principe dépasser la moyenne des revenus nets imposables des trois dernières années), mais à condition de respecter un délai de quatre ans à compter de la levée de l’option.

La dernière loi de finances rectificative pour 2010 a institué une retenue à la source sur les gains de source française issus de la levée d’options sur titres à des personnes non domiciliées en France. Cette retenue est calculée selon les mêmes modalités que pour les résidents fiscaux français, avec les taux forfaitaires, et imputable sur le montant de l’impôt sur le revenu. Le E du I de l’article 7 du présent projet modifie l’article 182 A ter du code général des impôts relatif à cette retenue à la source pour tenir compte de la barémisation des plus-values d’acquisition.

Les plus-values d’acquisition sont soumises, quel que soit leur mode d'imposition à l'impôt sur le revenu, aux prélèvements sociaux dus au titre des revenus du patrimoine (39), à un taux global de 15,5 % (40). Lorsque l’actuelle période d’indisponibilité de quatre ans avant la levée de l’option n’est pas respectée, l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale assujettit la plus-value d’acquisition aux cotisations sociales de droit commun. Dès lors que cette période d’indisponibilité est supprimée, le 1° du C du II de l’article 7 du présent projet prévoit que l’assujettissement aux cotisations sociales sera désormais déclenché par le non-respect du nouveau délai de quatre ans qui court à compter de la levée de l’option.

Les options de souscription et d’achat d'actions consenties à compter du 16 octobre 2007 sont également soumises à deux contributions sociales spécifiques : une contribution patronale au taux de 30 % (41)prévue par l’article L. 137-13 du code de la sécurité sociale, et une contribution salariale au taux de 10 % (42) prévue par l’article L. 137-14 du même code. L’assiette de la contribution salariale spécifique porte sur la plus-value d’acquisition ; elle doit donc être modifiée pour coordination par le B du II de l’article 7 du présent projet.

b) Les attributions d’actions gratuites

À la différence de l’attribution de stock- options qui représente une forme de rémunération aléatoire, celle d’actions gratuites repose sur l’attribution d’un gain certain. Les actions gratuites peuvent être attribuées, avec l’autorisation de l’assemblée générale extraordinaire et dans le respect des conditions définies aux articles L. 225-197-1 à L. 225-197-6 du code de commerce, à tout ou partie des salariés et dirigeants d’entreprises par actions, cotée ou non cotées. Le bénéficiaire d'une attribution d'actions gratuites ne devient propriétaire des titres correspondants qu'au terme d'une période d'acquisition et ne peut pleinement en disposer qu'à l'issue d'une période de conservation. Le délai d’acquisition à respecter avant l’attribution définitive des actions ne peut être inférieur à deux ans, de même que la durée minimale de conservation après leur acquisition par le bénéficiaire. L’assemblée générale extraordinaire peut toutefois supprimer ou réduire le délai minimal de conservation de tout ou partie des actions, à condition de porter le délai d'acquisition à quatre ans au moins.

L’avantage retiré par les bénéficiaires correspond à la valeur de l’action au jour de l’acquisition. La loi de finances pour 2005 a prévu que ce gain d’acquisition est taxé comme des traitements et salaires au barème progressif de l’impôt sur le revenu, avec une option offerte au contribuable de bénéficier d’un taux forfaitaire de 30 % à condition de respecter un délai de conservation de deux ans à compter de la date d’attribution définitive (dispositif dit Balladur).

Dans le cadre de la barémisation de l’ensemble des revenus du capital, il convient de supprimer cette option pour un prélèvement à taux forfaitaire pour les gains d’acquisition. L’avantage tiré de l’attribution d’actions gratuites sera donc toujours taxé comme des traitements et salaires au barème. Il devrait en résulter un gain pour le budget de l’État de 8 millions d'euros.

Les règles fiscales concernant les attributions gratuites d’actions, qui figurent aux articles 80 quaterdecies et 200 A du code général des impôts, sont regroupées par les B et F du I de l’article 7 du présent projet sous le seul article 80 quaterdecies, avec trois modifications de fond : la suppression du taux forfaitaire d’imposition, du délai de conservation et de la possibilité d’imputer la moins-value réalisée le cas échéant en cas de cession des actions gratuites pour un prix inférieur à leur valeur à la date de l'attribution définitive sur le montant de l’avantage tiré de l'attribution de l’action.

Afin de maintenir une incitation à la détention longue des actions acquises par voie d’attribution gratuite, le D du I de l’article 7 du présent projet modifie l’article 163-0 A du code général des impôts afin de permettre au bénéficiaire du gain d’acquisition de bénéficier du système de quotient de droit commun à l’impôt sur le revenu (soit le quotient du quart), sans devoir respecter la condition du revenu exceptionnel (le montant du revenu exceptionnel doit en principe dépasser la moyenne des revenus nets imposables des trois dernières années), mais à condition de respecter un délai de quatre ans à compter de l’attribution définitive de l’action gratuite. Par rapport au droit en vigueur, le délai de conservation est donc doublé.

Le E du I de l’article 7 du présent projet modifie l’article 182 A ter du code général des impôts relatif à la retenue à la source sur les gains de source française issus de l’attribution d’actions gratuites pour tenir compte de la barémisation des gains d’acquisition.

Les gains d’acquisition sont soumis, quel que soit leur mode d'imposition à l'impôt sur le revenu, aux prélèvements sociaux dus au titre des revenus du patrimoine (43), à un taux global de 15,5 % (44). Lorsque la période d’indisponibilité après leur attribution définitive n’est pas respectée, l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale assujettit le gain d’acquisition aux cotisations sociales de droit commun. Le 2° du C du II de l’article 7 du présent projet procède à la coordination nécessaire pour maintenir ce mode d’assujettissement.

Les attributions d’actions gratuites sont également soumises à deux contributions sociales spécifiques : une contribution patronale au taux de 30 % prévue (45) par l’article L. 137-13 du code de la sécurité sociale, et une contribution salariale au taux de 10 % (46) prévue par l’article L. 137-14 du même code. L’assiette de la contribution salariale spécifique porte sur le gain d’acquisition ; elle doit donc être modifiée pour coordination par le B du II de l’article 7 du présent projet.

c) Les carried interest

Les carried interest constituent un dispositif d’intéressement à la performance des gestionnaires des fonds communs de placement à risques (FCPR) et des sociétés de capital-risque (SCR). La pratique des parts ou actions de carried interest consiste à réserver aux membres de l’équipe de gestion de ces structures de capital-risque qui ont personnellement investi dans la structure une part de la plus-value réalisée proportionnellement plus importante que la part attribuée aux investisseurs ordinaires. Le taux de rendement de la structure doit atteindre un niveau fixé à l’avance (de l’ordre de 8 % par an) pour que les gestionnaires puissent percevoir leur avantage. Cette pratique d’intéressement aux résultats permet ainsi de responsabiliser les membres de l’équipe de gestion en les faisant investir dans le FCPR ou la SCR aux côtés des investisseurs.

La loi de finances pour 2009 a conféré une base légale à l’application du régime des plus-values mobilières aux carried interest tout en « durcissant » les conditions pour en bénéficier. L’article 80 quindecies du code général des impôts définit ainsi les carried interest comme des gains réalisés par des salariés ou dirigeants des SCR, des sociétés de gestion de FCPR ou de SCR ou des sociétés qui réalisent des prestations de services liées à la gestion des FCPR ou des SCR, lors de la cession ou le rachat de parts de FCPR ou d’actions de SCR donnant lieu à des droits sur l’actif ou les produits.

Les conditions fixées pour bénéficier du régime des plus-values mobilières sont les suivantes :

– les parts ou actions doivent avoir été souscrites ou acquises à un prix correspondant à leur valeur ;

– elles constituent une seule et même catégorie de parts ou actions ;

– elles représentent au moins 1 % du montant total des souscriptions dans le fonds ou la société ou un pourcentage inférieur fixé par décret, après avis de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Cette souplesse permet d’adapter ce critère aux spécificités de certains segments du capital-investissement qui ne peuvent être caractérisés juridiquement dans la loi ;

– les sommes ou valeurs auxquelles elles donnent droit sont versées au moins cinq ans après la date de constitution du fonds ou de l’admission des actions et, pour les parts de FCPR, après le remboursement des apports des autres porteurs ;

– le cédant perçoit une rémunération normale au titre du contrat de travail ou du mandat social qui lui a permis de souscrire ou d’acquérir ces parts ou actions.

Les carried interest dits « vertueux » car ils respectent ces conditions bénéficient du régime d’imposition des plus-values mobilières au taux forfaitaire de 19 % : ils relèvent du 8 du II de l’article 150-0 A du code général des impôts. Ceux qui ne les respectent pas ces conditions sont imposés à l’impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires : ils relèvent alors de l’article 80 quindecies du même code. Ce dernier cas ne concerne toutefois pas plus de 1,5 % des carried interest.

La barémisation de l’ensemble des revenus du capital limite l’intérêt de conserver un statut particulier pour les carried interest. Puisqu’ils ont vocation à être imposés aux même taux d’imposition que les revenus du travail, il est logique de les traiter au niveau fiscal suivant leur nature réelle. De ce point de vue, la disproportion entre la part de la plus-value attribuée aux gestionnaires et la part de leur investissement ainsi que les conditions d’attribution de cette plus-value caractérisent un élément de rémunération à la performance, qui doit être considéré comme un revenu du travail et non comme un revenu du capital.

Les B et F du I de l’article 6 du présent projet reprennent la définition légale des carried interest à l’article 80 quindecies du code général des impôts, mais sans les différentes conditions « vertueuses » figurant aujourd’hui à l’article 150-0 A du même code puisqu’ils sont désormais tous taxés de la même manière au titre des traitements et salaires. Le 2° du M. du I de l’article 6 du présent projet procède à la coordination nécessaire concernant le régime fiscal des distributions des SCR, fixé par l’article 163 quinquies C du code général des impôts.

Les obligations déclaratives spécifiques qui pèsent sur les sociétés de gestion des SCR et les FCPR concernant les gains nets et distributions afférents à des droits de carried interest sont modifiées en conséquence à l’article 242 ter C du code général des impôts par le Q du I de l’article 6 du présent projet. Une coordination rédactionnelle est assurée à l’article L. 221-31 du code monétaire et financier par le III de l’article 6 du présent projet, en ce qui concerne l’impossibilité de faire figurer dans un PEA des titres de carried interest.

Enfin, l’article 14 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 modifie de manière équivalente le régime social des carried interest : alors qu’ils sont aujourd’hui imposés socialement comme des revenus du patrimoine à 15,5 %, ils seront désormais assujettis à la CSG et à la CRDS sur les revenus d’activité (soit 8 %), d’une part, et au forfait social (soit 20 %), d’autre part. En conséquence, la contribution salariale spécifique de 30 % assise sur les distributions et gains nets des carried interest « non vertueux », prévue par l’article L. 137-18 du code de la sécurité sociale, est supprimée.

6.– L’aménagement de la déductibilité de la CSG

Lorsque la loi de finances pour 1991 a institué la CSG à un taux de 1,1 %, elle n’a pas prévu sa déductibilité de l’impôt sur le revenu, puisqu’elle se substituait à des cotisations patronales de sécurité sociale. Lors de l’augmentation de 1,3 % du taux de la CSG réalisée par la première loi de finances rectificative pour 1993, la déductibilité de cette augmentation de la CSG avait été prévue, mais la loi de finances pour 1994 est revenue sur cette décision en réaffirmant le caractère non déductible de la CSG. En revanche, lorsque le taux de la CSG a été augmenté pour se substituer à des cotisations salariales d’assurance maladie qui étaient déductibles de l’assiette de l’impôt sur le revenu, les lois de finances pour 1997 et pour 1998 ont prévu la déductibilité des augmentations de taux de CSG correspondant à ces substitutions à des cotisations déductibles. Cette déductibilité a concerné l’intégralité de la CSG, y compris donc portant sur les revenus de remplacement et ceux du capital qui pourtant n’étaient pas auparavant soumis à cotisations, lesquelles ne pouvaient donc pas être déduites de l’impôt sur le revenu. Lorsque la CSG sur les seuls revenus du capital a été augmentée en 2004, la loi de finances rectificative pour 2004 a prévu la déductibilité de cette augmentation.

Il en résulte aujourd’hui qu’en vertu de l’article 154 quinquies du code général des impôts, lorsque des revenus sont soumis à la CSG avant de payer l’impôt sur le revenu au barème, ils sont déductibles de l’impôt sur le revenu afférent à l’année de leur paiement (donc avec un décalage d’un an), à hauteur de 5,1 points pour les revenus d’activité, de 4,2 ou 3,8 points pour les revenus de remplacement et de 5,8 points pour les revenus du capital. La part de la CSG non déductible est donc, pour tous les revenus, de 2,4 points. La CRDS et tous les autres prélèvements sociaux portant sur les revenus du capital sont par ailleurs intégralement non déductibles.

La CSG portant sur les revenus du capital ayant fait l’objet d’un prélèvement forfaitaire n’est pas déductible. Le Conseil constitutionnel a en effet jugé, dans sa décision n° 97-395 DC du 30 décembre 1997 sur la loi de finances pour 1998, qu’« il appartenait au législateur de prévoir, afin de ne pas remettre en cause le caractère progressif du montant de l'imposition du revenu des personnes physiques, que la déductibilité partielle de la contribution sociale généralisée continuerait à ne bénéficier qu'aux revenus et produits soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu et non à ceux soumis à un taux proportionnel ».

Pour les revenus de capitaux mobiliers, la réduction du nombre de revenus soumis à de tels prélèvements est prise en compte par le 1° du G du I de l’article 5 du présent projet. Pour les plus-values mobilières, leur déductibilité est désormais prévue par le I du I de l’article 6 du présent projet. La déductibilité des plus-values d’acquisition au titre des stock-options et des gains d’acquisition des attributions d’actions gratuites est quant à elle prévue par le C du I de l’article 7 du présent projet, au titre de la CSG sur les revenus d’activité.

L’augmentation de la part des revenus du capital soumis au barème augmente donc indirectement le coût pour l’État de la CSG déductible (de 270 millions d'euros pour les seuls revenus de capitaux mobiliers). Pour compenser partiellement ce coût, le 2° du G du I de l’article 5 du présent projet aligne pour les revenus du capital la part déductible sur celle correspondant aux revenus d’activité, soit 5,1 points de CSG. Cette mesure a un impact non seulement sur les nouveaux revenus soumis au barème, mais aussi sur les revenus du capital qui étaient déjà barémisés (par exemple les revenus fonciers).

Le gain résultant de la diminution de la fraction déductible de la CSG de 5,8 points à 5,1 points est estimé par le Gouvernement à 61 millions d'euros en 2013 et à 119 millions d'euros en 2014, compte tenu des modalités de paiement de la CSG sur les revenus du patrimoine qui est acquittée sur rôle d’après les éléments déclarés à l’impôt sur le revenu, la déduction étant opérée l’année suivant celle de son paiement. En revanche, le Gouvernement n’a fourni aucune estimation financière de l’impact de cette mesure par catégories de revenus.

La diminution de la part déductible des seuls revenus du capital a pour effet d’introduire pour la première fois une différence de part non déductible de CSG entre revenus : toujours 2,4 points pour les revenus d’activité et de remplacement, mais seulement 1,7 point pour les revenus du capital. On rappellera que, dans sa décision précitée du 30 décembre 1997, le Conseil constitutionnel avait justement relevé que l’augmentation alors réalisée de la part de la CSG déductible « n'a ni pour objet, ni pour effet de traiter les revenus et produits du patrimoine différemment des autres revenus au regard de la déductibilité de la contribution sociale généralisée ; qu'en effet, ces revenus et produits, dans leur ensemble, bénéficient de cette déductibilité dès lors qu'ils sont soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu ». On peut donc s’interroger sur une éventuelle rupture d’égalité entre catégorie de revenus, qui désavantagerait les revenus du capital au regard de l’impôt sur le revenu alors que la barémisation est censée permettre de les traiter à égalité avec les revenus du travail.

*

* *

La Commission examine l’amendement I-CF 194 du rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il s’agit de préciser le champ du prélèvement au titre de l’acompte sur les dividendes. Celui prévu par le texte est trop large.

La Commission adopte l’amendement (Amendement n° I–70).

Elle est ensuite saisie de l’amendement I-CF 192 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Il s’agit de préciser le revenu fiscal de référence au-dessous duquel les contribuables seront exonérés du versement de l’acompte. Le système mis en place est le suivant : le contribuable versera un acompte en 2013, prélevé au taux de 21 % pour les dividendes et de 24 % pour les intérêts des placements à revenu fixe ; puis, en 2014, lorsque ces revenus seront soumis au barème de l’impôt sur le revenu, l’acompte sera imputé sur le montant de l’impôt aux fins de régularisation.

M. le président Gilles Carrez. Nous avons rencontré le même problème l’an dernier, lorsqu’il s’est agi de faire passer le prélèvement forfaitaire à 24 %. Nous n’avions pas entièrement suivi le Gouvernement : si nous avions bien fait passer le taux à 24 % pour les revenus des obligations, nous l’avions en revanche fixé à 21 % pour les dividendes.

La raison en était la suivante : lorsqu’on soumet ces revenus au barème de l’impôt sur le revenu, on bascule dans un système où l’impôt est dû avec un an de décalage. Si l’on applique le barème une année donnée à la totalité des prélèvements forfaitaires libératoires, cela conduit à une année blanche pour les recettes. D’où la nécessité de mettre en place un acompte dès l’année 2013 sur les produits d’épargne 2013, la régularisation se faisant en 2014.

M. le rapporteur général. Le système est celui décrit par le président. Mon amendement vise à éviter que des contribuables ne paient trop au titre de l’acompte et que la déduction dont ils bénéficieront sur l’impôt de l’année suivante ne soit trop élevée. En d’autres termes, il s’agit de leur épargner un décaissement de trésorerie inutile.

M. Charles de Courson. Le problème se pose pour les contribuables modestes, qui se voient appliquer un abattement de 2 000 euros. Comment le taux de 21 %, qui se situe entre la troisième et la quatrième tranche du barème de l’impôt sur le revenu, a-t-il été fixé ? N’y a-t-il pas un risque que de nombreux contribuables se trouvent dans la situation d’avoir déjà trop payé, auquel cas il faudra les rembourser ?

M. le rapporteur général. Le taux de 21 % est le taux actuel du prélèvement forfaitaire libératoire sur les intérêts. Le prélèvement interviendra au moment de la perception des intérêts, puis une régularisation sera effectuée lors du calcul de l’impôt sur le revenu. Toutefois, ne seront obligés de verser un acompte que ceux dont le revenu fiscal de référence sera supérieur aux plafonds qui sont précisés dans mon amendement : 25 000 euros pour un célibataire et 50 000 euros pour un couple en ce qui concerne les intérêts, 50 000 euros et 75 000 euros respectivement en ce qui concerne les dividendes.

Mme Valérie Pécresse. Cet échange m’amène à poser à nouveau la question que j’ai soulevée lors de la discussion générale : combien de foyers vont changer de tranche d’imposition en incluant les revenus du capital dans leur déclaration de revenus ? C’est un point important : ce sont ces contribuables qui vont avoir de mauvaises surprises, se tromper ou être confrontés à des problèmes de trésorerie.

M. le rapporteur général. Vous trouverez, dans mon rapport, le nombre de « gagnants » et de « perdants » par décile, et pourrez vous en faire une idée. Le mécanisme que je propose est relativement simple : les contribuables modestes n’auront pas à verser d’acompte, leurs revenus seront soumis au barème l’année suivante. En revanche, les contribuables dont le revenu fiscal de référence est supérieur aux plafonds précisés dans mon amendement paieront tous un acompte de 21 % pour les dividendes et de 24 % pour les intérêts. Ce sont les taux actuels des prélèvements forfaitaires libératoires. L’année suivante, l’acompte versé sera déduit du montant de l’impôt.

Le système est très simple. Mon amendement a pour objet de préciser les seuils à partir desquels les contribuables auront à verser un acompte. C’est une disposition favorable aux contribuables modestes, qui visent à éviter les ressauts d’imposition.

M. Olivier Carré. Prenons le cas d’un contribuable qui a perçu des dividendes en 2012 et s’est acquitté du paiement de l’impôt avec le prélèvement forfaitaire au taux actuel. Avons-nous la possibilité, au moyen d’une loi de finances qui aurait alors un effet rétroactif, de revenir sur ce taux l’année suivante ? Les dividendes seront intégrés aux revenus soumis au barème de l’impôt sur le revenu, alors que l’impôt avait été acquitté définitivement à un taux connu. Ce n’est donc pas tout à fait le même traitement que dans le cadre de l’impôt sur le revenu traditionnel.

M. le rapporteur général. Si fait, c’est exactement le système de l’impôt sur le revenu : la loi de finances de l’année fixe les taux et les modalités de paiement de l’impôt qui s’applique aux revenus de l’année précédente. Les intérêts et dividendes perçus en 2012 seront, de même, soumis au barème de l’impôt sur le revenu payé en 2013. Pour simplifier, le prélèvement forfaitaire cessera d’être libératoire pour les dividendes et les intérêts perçus à partir de 2012. La situation est la même que pour un salaire perçu, par exemple, au mois de juin : l’impôt n’a pas encore été calculé puisque le barème n’est connu qu’en fin d’année. Le prélèvement qui aura déjà eu lieu pour les intérêts ou les dividendes ne constitue qu’un acompte désormais, plus un prélèvement libératoire.

M. Olivier Carré. À la différence près que l’impôt sur ce salaire n’aura pas encore été acquitté, alors qu’il l’est déjà dans le cas que je décris. Il y a donc un problème.

La Commission adopte l’amendement (Amendement n° I–73).

Elle examine ensuite l’amendement I-CF 189 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Il s’agit de supprimer la retenue à la source spécifique qui s’appliquait aux intérêts perçus au titre de placements datant d’avant 1987. Il s’agit donc plutôt d’un « nettoyage ». Ces revenus seront intégrés au nouveau régime fiscal décrit précédemment.

M. Charles de Courson. Cette retenue à la source était-elle plus ou moins généreuse que le nouveau régime ?

M. le rapporteur général. Peu importe. Il s’agit de procéder à un alignement : 1987, c’est de l’histoire ancienne !

La Commission adopte l’amendement(Amendement n° I–72).

Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement I-CF 12 de M. Gilles Carrez et l’amendement I-CF 185 du rapporteur général.

M. le président Gilles Carrez. L’examen de mon amendement I-CF 12 m’amène à poser à nouveau la question soulevée par Mme Pécresse, à laquelle il nous faut une réponse aussi précise que possible.

L’inclusion des produits du patrimoine dans les revenus soumis au barème de l’impôt sur le revenu va faire passer les contribuables concernés dans une tranche d’imposition supérieure. Jusqu’à la tranche de 14 % incluse, cela ne pose pas de problème. M. le rapporteur général nous a d’ailleurs expliqué que certains contribuables bénéficieraient au contraire d’un allègement d’imposition, dans la mesure où ils choisissaient souvent par simplicité – je le confirme – le prélèvement forfaitaire à la source, alors qu’ils auraient pu payer un impôt moins élevé, qui plus est l’année suivante, s’ils avaient choisi de soumettre leurs revenus au barème.

Cependant, ce raisonnement ne vaut plus pour la tranche à 30 % et au-delà. L’amendement que je propose consiste à élargir la sorte de franchise prévue par le Gouvernement, qui est bien conscient du problème : le texte prévoit en effet que le contribuable pourrait continuer à opter pour le prélèvement forfaitaire libératoire si les revenus annuels de son patrimoine étaient inférieurs à 2 000 euros. Dès lors, ceux-ci ne seraient pas intégrés aux revenus soumis au barème.

Je propose de rehausser ce seuil de 2 000 à 5 000 euros pour éviter à de nombreux ménages – quelques centaines de milliers ? quelques millions ? il serait utile d’en connaître le nombre – de passer dans la tranche d’imposition à 30 %. À défaut, ces contribuables risquent d’avoir une très mauvaise surprise. C’est un sujet important. L’amendement de M. le rapporteur général va cependant dans une direction opposée.

M. le rapporteur général. Mon amendement I-CF 185 est en effet concurrent du vôtre, monsieur le président. Je ne partage pas votre point de vue. Vous semblez sous-entendre que cette réforme doit se faire de façon équilibrée, à somme nulle, qu’il doit y avoir autant de gagnants que de perdants. Nous soutenons au contraire que les revenus du patrimoine, en particulier, s’agissant de cet amendement, les intérêts, doivent être soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Il est donc logique qu’il y ait des gagnants et des perdants.

Les plafonds des livrets d’épargne liquide réglementés – livrets A et livrets de développement durable – ont été doublés ou sont en passe de l’être, et un volume important de l’épargne demeure défiscalisé. Les intérêts dont il est question sont, eux, attachés soit à des livrets autres que l’épargne réglementée, soit à de l’assurance-vie, soit à des titres de type obligataire.

Le choix du Gouvernement a été de maintenir l’option du prélèvement libératoire pour les revenus du patrimoine n’excédant pas 2 000 euros. Si l’on retient un taux d’intérêt de 2,5 %, ce seuil correspond à un capital de 80 000 euros. Le seuil de 5 000 euros que vous proposez, monsieur le président, correspond, lui, à un capital d’environ 200 000 euros, qui peut s’ajouter aux livrets d’épargne réglementés. Nous estimons pour notre part qu’un capital de 40 000 euros, hors épargne réglementée et dispositifs de type assurance-vie, est déjà confortable. Je souhaite donc que le seuil proposé par le Gouvernement soit divisé par deux, et je suis bien entendu défavorable à votre amendement, monsieur le président.

M. le président Gilles Carrez. Avez-vous une idée, monsieur le rapporteur général, du nombre de contribuables qui passeraient de la tranche d’imposition à 14 % à celle à 30 % ?

Mme Karine Berger. Je voudrais compléter les propos très clairs de M. le rapporteur général s’agissant des patrimoines financiers concernés par chacun des deux amendements – je soutiens pleinement celui de M. le rapporteur général.

En France, nous distinguons l’épargne immobilière et l’épargne financière, cette dernière comprenant l’épargne financière réglementée – livret A, livret de développement durable, plan d’épargne-logement, plan d’épargne en actions, assurance-vie, etc. C’est une distinction importante.

Les calculs de patrimoine effectués par M. le rapporteur général sont exacts : si l’on retient un taux d’intérêt à 3 % – je suis persuadée que les taux finiront par remonter –, un intérêt de 2 000 euros par an correspond à un patrimoine financier de l’ordre de 60 000 euros hors placements réglementés et immobiliers, tandis qu’un intérêt de 5 000 euros correspond à un patrimoine de 170 000 euros.

Le taux d’épargne des Français s’établit à 16 % du PIB, dont environ 10 % d’épargne immobilière et 5 % d’épargne financière. Au sein de ces 5 % figurent les produits d’épargne réglementés. Si l’on fait, à partir de ces chiffres, un calcul qu’il faut néanmoins considérer avec beaucoup de prudence, un patrimoine de 200 000 euros d’épargne financière, hors épargne réglementée, correspond à un patrimoine global d’environ 2 millions d’euros.

On peut dès lors estimer, sans trop de risque de se tromper, que les ménages dont les revenus du patrimoine sont supérieurs au seuil que vous proposez, monsieur le président, sont pour une grande partie ceux qui sont assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune. Cette évaluation est certes grossière, mais donne une idée assez juste du type de foyers fiscaux concernés. En revanche, les ménages dont les revenus du patrimoine sont supérieurs au seuil proposé par le rapporteur général sont, à peu de choses près, les 5 % de ménages les plus aisés.

M. le président Gilles Carrez. Ces calculs me paraissent, chère collègue, un peu fantaisistes.

M. Hervé Mariton. Mme Berger aurait tout à fait raison si la détention d’un patrimoine immobilier et d’un livret A était un préalable indispensable à la constitution d’un patrimoine mobilier. L’épargne des Français ne suit pas à ce point des règles ! Un certain nombre de foyers fiscaux entrent certainement dans la description faite par Mme Berger. D’autres non. Il me paraît malvenu de légiférer en méprisant cette seconde catégorie.

M. Charles de Courson. Si nous abaissons le seuil de 2 000 à 1 000 euros, nous allons favoriser la transformation d’une épargne à moyen terme en épargne à court terme, et cet effet risque d’être massif. L’épargne réglementée se révèle beaucoup plus attractive pour les contribuables qui relèvent de la troisième tranche d’imposition et au-delà. Il faut, au contraire, encourager l’épargne non réglementée.

Vous faites, chers collègues de la majorité, un calcul un peu théorique. Les particuliers ne détiennent que peu ou pas d’obligations assimilables du Trésor – OAT – ; ils détiennent plutôt des obligations à rendement de 3,5 %, 4 %, voire 5 ou 6 %. Si l’on prend le cas d’obligations à 5 %, avec un seuil à 1 000 euros, vous incitez les ménages dont le patrimoine est supérieur à 20 000 euros à aller vers l’épargne réglementée.

Il convient non pas d’abaisser, mais de rehausser le plafond. À défaut, vous favoriserez les placements à court terme. Or, tous ceux qui ont travaillé sur la fiscalité du patrimoine en conviennent : notre système fiscal n’encourage pas les placements à long terme. Une personne mariée avec quatre enfants peut multiplier les placements liquides et constituer un patrimoine d’épargne réglementée de près de 600 000 euros.

M. le président Gilles Carrez. Je n’avais pas évoqué cet aspect extrêmement important. La mesure proposée par M. le rapporteur général va amplifier l’effet du relèvement de 50 % du plafond du livret A. Cela risque de nuire au financement de l’économie. J’appelle l’attention de la commission sur ce point.

Je suis prêt à envisager un seuil de 3 000 euros. En revanche, l’abaisser de 2 000 à 1 000 euros me paraît faire courir un risque majeur pour le financement de nos entreprises.

M. le rapporteur général. Le débat a eu lieu et se poursuivra certainement en séance. Je maintiens que ma proposition va dans le sens de la justice.

Certes, tout le monde n’est pas tenu de détenir un livret A. Le nombre de livrets A est cependant proche du nombre de Français, même si certains sont vides.

M. Hervé Mariton. Ils vont se remplir !

M. le rapporteur général. Le livret A n’a pas que des inconvénients : il a aussi une vocation et gagnerait à être développé.

Vous avez mentionné, monsieur le président, les transferts d’épargne qui pourraient être consécutifs au relèvement du plafond du livret A. Cependant, les professionnels qui travaillent sur la question, en particulier les fédérations bancaires, n’anticipent pas de mouvements significatifs, sauf peut-être sur quelques comptes à terme. Il ne devrait pas y avoir de décollecte sur l’assurance-vie, du moins pour cette raison. L’encours du livret A est sans commune mesure avec les volumes détenus sur l’assurance-vie.

M. le président Gilles Carrez. Le rapport Duquesne sur la réforme de l’épargne réglementée met en évidence un double phénomène.

Premièrement, les livrets fiscalisés risquent de se vider au profit des livrets A, mettant en péril la capacité de prêt des banques. Certes, nous ne sommes pas tenus d’écouter les banques. Elles constituent cependant une réalité économique et sont aujourd’hui soumises à des contraintes de fonds propres de plus en plus fortes. Nous devons faire attention.

Deuxièmement, le rapport Duquesne contient une observation très judicieuse concernant les versements d’épargne à venir : les Français risquent d’arbitrer en affectant au livret A les versements qu’ils avaient prévu de faire sur l’assurance-vie.

Tout cela concourt à rendre plus difficile encore le financement de nos entreprises.

Mme Marie-Christine Dalloz. Un élément m’avait frappé au cours de la campagne électorale : la composition – je ne parle pas des montants – des patrimoines des deux candidats au second tour de l’élection présidentielle était assez révélatrice de leurs choix d’investissement.

Les propos de Mme Berger m’interpellent : il n’existe pas de patrimoine idéal que chacun devrait détenir, au motif que cette répartition est la plus adaptée aux yeux du parti socialiste. Les épargnants font tous des choix différents. On est en droit, en constituant son patrimoine, de soutenir l’économie française, qui plus est dans une période particulière. L’amendement proposé par M. le rapporteur général porte atteinte à ce type d’investissement. C’est un mauvais signe supplémentaire.

Mme Valérie Pécresse. Mme Dalloz m’ôte les mots de la bouche.

Mme Berger tient des raisonnements statistiques, éloignés des réalités de la vie des ménages. Dans beaucoup de villes d’Île-de-France, il est difficile, pour une famille nombreuse, d’acheter un pavillon avec 200 000 euros. On arbitre différemment entre épargne financière et épargne immobilière à Paris et en province. Je souhaiterais que l’on cesse de pratiquer une discrimination à l’égard de l’Île-de-France.

Mme Karine Berger. J’ignorais que la commission des Finances devait légiférer en fonction de la structure du patrimoine de M. Nicolas Sarkozy. Vous venez de me l’apprendre. Je propose que nous nous intéressions à la structure moyenne du patrimoine des Français plutôt qu’à celle des habitants de Neuilly-sur-Seine ou d’autres villes d’Île-de-France. Chacun est naturellement libre de choisir le niveau de risque de ses placements. La grande majorité des ménages français présente néanmoins la structure d’investissement et d’épargne que j’ai décrite.

La Commission rejette l’amendement I-CF 12.

Puis, elle adopte l’amendement I-CF 185 (Amendement n° I–67).

Elle est ensuite saisie de l’amendement I-CF 188 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Il s’agit d’une précision sur les dates d’application du régime fiscal particulier – prélèvement forfaitaire de 75 % – auquel seront soumis les bons anonymes, qui ont vocation à disparaître.

La Commission adopte l’amendement (Amendement n° I–68).

Puis, elle en vient à l’amendement I-CF 191 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Vous disiez, monsieur le président, que nous n’écoutons jamais les banques. Cet amendement est pourtant issu d’une demande de la Fédération bancaire française, qui souhaite que nous clarifiions la responsabilité en cas de tentative de fraude de la part d’un contribuable qui présenterait un faux avis d’imposition. Les banques doivent indiquer au contribuable, en fonction de son revenu fiscal de référence, s’il est tenu ou non de verser un acompte. Il s’agit d’éviter que leur responsabilité soit engagée, en particulier celle du guichetier dont le rôle n’est pas de vérifier si la photocopie de la feuille d’imposition qu’on lui fournit est falsifiée ou non.

La Commission adopte l’amendement (Amendement n° I–69).

Elle examine ensuite l’amendement I-CF 186 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Cet amendement vise à renforcer la lutte contre les paradis fiscaux, en soumettant les revenus des personnes physiques ou morales domiciliées dans un État ou territoire non coopératif – ETNC – à un taux de 75 % de prélèvement à la source.

La Commission adopte cet amendement (Amendement n° I–89).

Elle est ensuite saisie de l’amendement I-CF 183 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Cet amendement vise à réduire le taux de CSG sur les revenus du capital pour éviter que la réforme n’entraîne une rupture d’égalité entre les revenus du capital et ceux du travail au regard de la déductibilité à l’impôt sur le revenu.

M. le président Gilles Carrez. Quel serait le coût de cet amendement ?

M. le rapporteur général. La perte de recettes correspondante pour les régimes d’assurance maladie étant compensée par un relèvement à due concurrence du taux de prélèvement social sur le capital, cette opération sera neutre pour la sphère sociale.

La Commission adopte cet amendement (Amendement n° I–71).

Elle adopte ensuite l’article 5 ainsi modifié.

*

* *

Article 6

Imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu des gains de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux des particuliers

Texte du projet de loi :

I.– Le code général des impôts est ainsi modifié :

A.– Au 2 de l’article 13, après la référence : « VII bis », est insérée la référence : « et au 1 du VII ter » et après les mots : « présente section », sont insérés les mots : « ainsi que les plus-values et créances mentionnées à l’article 167 bis ».

B.– L'article 80 quindecies est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 80 quindecies. - Les distributions et les gains nets afférents à des parts de fonds communs de placement à risques, des actions de sociétés de capital-risque ou des droits représentatifs d’un placement financier dans une entité, constituée dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et dont l’objet principal est d’investir dans des sociétés dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché d’instruments financiers français ou étranger, ou d’une société qui réalise des prestations de services liées à la gestion de cette entité, donnant lieu à des droits différents sur l’actif net ou les produits du fonds, de la société ou de l’entité et attribués en fonction de la qualité de la personne, sont imposables à l’impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires. »

C.– Au premier alinéa de l'article 150 quinquies, les mots : « à l'article 96 A et au taux prévu » sont supprimés.

D.– Au premier alinéa de l'article 150 sexies, les mots : « au taux prévu au 2 de l'article 200 A » sont supprimés et les mots : « à l'article 96 A » sont remplacés par les mots : « au 2 de l'article 200 A ».

E.– Au 3 des articles 150 nonies et 150 decies, les mots : « , l'article 96 A » sont supprimés.

F.– Le II de l'article 150-0 A est ainsi modifié :

1° Au 7, les mots : « et du 8 » sont supprimés ;

2° Le 8 est abrogé.

G.– L’article 150-0 D est ainsi modifié :

1° Le 1 est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Les gains nets retirés des cessions à titre onéreux d'actions, de parts de sociétés ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts et les compléments de prix mentionnés au 2 du I de l'article 150-0 A y afférents sont réduits d'un abattement égal à :

« a) 5 % de leur montant lorsque les actions, parts ou droits sont détenus depuis au moins deux ans et moins de quatre ans à la date de la cession ;

« b) 10 % de leur montant lorsque les actions, parts ou droits sont détenus depuis au moins quatre ans et moins de sept ans à la date de la cession ;

« Le taux de l'abattement prévu au b est augmenté de cinq points par année de détention supplémentaire à compter de la septième année et jusqu'à la douzième année révolue.

« Pour l’application de cet abattement, la durée de détention est décomptée à partir du 1er janvier de l'année d'acquisition ou de souscription des actions, parts ou droits ou, pour ceux acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2013, à partir du 1er janvier 2013, selon les modalités prévues aux II et III de l’article 150-0 D ter. »

2° Le 11 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« En cas d’option pour l’application des dispositions du 2° du I de l’article 163-0 A, les moins-values de cession constatées au cours d’une année sur des titres ou droits détenus respectivement, à la date de la cession, depuis moins de deux ans, de deux ans à moins de quatre ans et depuis au moins quatre ans sont imputables sur les plus-values de cession de même nature réalisées au cours de la même année sur des titres ou droits détenus dans les mêmes conditions de durée.

« Les moins-values constatées au cours d’une année non imputées sur les plus-values de même nature réalisées au titre de la même année sont, indépendamment de la durée de détention des titres concernés, imputables sur les plus-values de même nature réalisées au titre des dix années suivantes. »

H.– Au premier alinéa de l'article 150-0 F, les mots : « soumises au taux d'imposition prévu » sont remplacés par les mots : « imposées dans les conditions prévues ».

I.– Au II de l’article 154 quinquies, après la référence : « c », sont insérés les mots : «, e, à l’exception des gains définis aux 6 et 6 bis de l’article 200 A, ».

J.– L’article 158 est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du 1, la référence : « 6 » est remplacée par la référence : « 6 ter » ;

2° Après le 6, sont insérés un 6 bis et un 6 ter ainsi rédigés :

« 6 bis. Les gains nets de cession de valeurs mobilières, de droits sociaux et titres assimilés sont déterminés conformément aux dispositions des articles 150-0 A à 150-0 E. Sont également imposables dans cette catégorie les profits réalisés sur les marchés d’instruments financiers et assimilés, déterminés conformément aux dispositions des articles 150 ter à 150 undecies, les distributions de plus-values mentionnées à l’article 150-0 F et au 1 du II de l’article 163 quinquies C lorsque l’actionnaire est une personne physique fiscalement domiciliée en France.

« 6 ter. Les plus-values latentes sur droits sociaux, valeurs, titres ou droits, les créances trouvant leur origine dans une clause de complément de prix et certaines plus-values en report d’imposition imposables lors du transfert du domicile fiscal hors de France sont déterminées conformément aux dispositions de l’article 167 bis. »

K.– Le I de l’article 163-0 A est ainsi modifié :

1° Les deux alinéas sont regroupés sous un 1° ;

2° Il est complété par un 2° et un 3° ainsi rédigés :

« 2° Lorsqu’au cours de l'une des années 2012, 2013 ou 2014, un contribuable a réalisé des gains nets de cession mentionnés aux I et II de l’article 150-0 A ou bénéficié de distributions de plus-values mentionnées à l’article 150-0 F et au 1 du II de l’article 163 quinquies C imposées dans les conditions prévues au 2 de l'article 200 A, l’intéressé peut demander que l’impôt correspondant soit calculé en ajoutant à son revenu net global imposable :

« a) la moitié de ces gains lorsque les titres ou droits correspondants sont détenus depuis au moins deux ans et moins de quatre ans à la date de la cession et en multipliant par deux la cotisation supplémentaire ainsi obtenue ;

« b) le quart de ces gains lorsque les titres ou droits correspondants sont détenus depuis au moins quatre ans à la date de la cession et en multipliant par quatre la cotisation supplémentaire ainsi obtenue ;

« L’ensemble des gains mentionnés aux alinéas précédents et réalisés au titre de l’année sont pris en compte.

« Pour les gains nets de cession mentionnés aux I et II de l'article 150-0 A, la durée de détention mentionnée aux a et b est décomptée selon les modalités prévues aux II et III de l’article 150-0 D ter.

« Pour les distributions d’une fraction des actifs d’un fonds commun de placement à risques mentionnées au 7 du II de l’article 150-0 A et pour les distributions de plus-values mentionnées à l'article 150-0 F et au 1 du II de l'article 163 quinquies C, cette durée de détention est décomptée à partir du 1er janvier de l'année d'acquisition ou de souscription des titres. L'année d'acquisition ou de souscription retenue pour ce calcul est l'année la plus récente entre celle de l'acquisition ou de la souscription des titres du fonds ou de la société de capital-risque par le contribuable et celle de l'acquisition ou de la souscription des titres cédés par le fonds ou la société.

« 3° La demande du contribuable s'exerce indépendamment pour chacune des options prévues aux 1° et 2°. »

L.– Au premier alinéa du I de l'article 163 bis G, les mots : « et aux taux prévus à l'article 150-0 A, ou au 2 de l'article 200 A » sont remplacés par les mots : « prévues à l'article 150-0 A et au taux de 19 % ».

M.– Le 1 du II de l’article 163 quinquies C est ainsi modifié :

1° Après les mots : « du 31 décembre 2001 sont », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « imposées dans les conditions prévues au 2 de l’article 200 A lorsque l’actionnaire est une personne physique fiscalement domiciliée en France au sens de l’article 4 B, ou soumises à la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis lorsqu'elles sont payées dans un État ou territoire non coopératif au sens de l'article 238-0 A, ou soumises à cette même retenue à la source aux taux de 19 % pour les gains réalisés avant le 1er janvier 2013 et de 45 % pour ceux réalisés à compter de cette date lorsque l’actionnaire est une personne physique fiscalement domiciliée hors de France. Toutefois, les personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France au sens de l’article 4 B peuvent demander le remboursement de l'excédent du prélèvement de 19 % ou 45 %, selon le cas, lorsque ce prélèvement excède la différence entre, d’une part, le montant de l'impôt qui résulterait de l'application des dispositions de l'article 197 A à la somme des distributions mentionnées dans le présent alinéa et des autres revenus de source française imposés dans les conditions de l'article 197 A précité au titre de la même année et, d’autre part, le montant de l'impôt établi dans les conditions prévues à l'article 197 A sur ces autres revenus. » ;

2° Les deuxième à huitième alinéas sont supprimés.

N.– L'article 167 bis est ainsi modifié :

1° Le 4 du I est abrogé ;

2° Au II, les mots : « imposables lors de ce transfert au taux d’imposition mentionné au 4 du I du présent article » sont remplacés par les mots : « également imposables lors de ce transfert » ;

3° Après le II, il est inséré un II bis ainsi rédigé :

« II bis.– L’impôt relatif aux plus-values et créances déterminées dans les conditions prévues aux I et II est égal à la différence entre, d’une part, le montant de l’impôt résultant de l’application des dispositions de l’article 197 à l’ensemble des revenus de source française et étrangère mentionnés au 1 de l'article 167 auxquels s’ajoutent les plus-values et créances imposables en vertu des I et II et, d’autre part, le montant de l’impôt établi dans les conditions prévues à l'article 197 pour les seuls revenus de source française et étrangère mentionnés au 1 de l'article 167. » ;

4° Au deuxième alinéa du 4 du VIII, les mots : « taux d’imposition mentionné au 4 du I » sont remplacés par les mots : « le rapport entre, d’une part, l'impôt calculé dans les conditions du II bis et, d’autre part, la somme des plus-values et créances déterminées dans les conditions des I et II » et les mots : « taux d'imposition mentionné au même 4 » sont remplacés par les mots : « le rapport entre, d’une part, l'impôt calculé dans les conditions du II bis et, d’autre part, la somme des plus-values et créances déterminées dans les conditions des I et II ».

O.– Au troisième alinéa du 1 de l'article 170, après la référence : « 150-0 D bis, », sont insérés les mots : « le montant de l'abattement mentionné à l'article 150-0 D ter, le montant des plus-values soumises au prélèvement prévu à l’article 244 bis B, ».

P.– L'article 200 A est ainsi modifié :

1° Au 2, les mots : « imposés au taux forfaitaire de 19 % » sont remplacés par les mots : « pris en compte pour la détermination du revenu net global défini à l’article 158 » ;

2° Le 5 est complété par les mots : « ou au taux de 19 % s’il intervient postérieurement. » ;

3° Le 7 est abrogé.

Q.– L’article 242 ter C est ainsi modifié :

1° Le 1 est ainsi modifié :

a) Les mots : « au dernier alinéa du 8 du II de l’article 150-0 A » sont remplacés par les mots : « à l'article 80 quindecies » ;

b) Après les mots : « gains nets et distributions mentionnés », la fin du 1 est ainsi rédigée : « à l’article 80 quindecies » ;

2° Au 2, les mots : « au dernier alinéa du 8 du II de l’article 150-0 A » sont remplacés par les mots : « à l'article 80 quindecies ».

R.– L'article 244 bis B est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : « et imposés » sont supprimés et après la référence : « 150-0 E », sont insérés les mots : « et soumis à un prélèvement au taux de 19 % ou, pour les gains réalisés à compter du 1er janvier 2013, de 45 %. » ;

b) Il est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Le prélèvement est libératoire de l’impôt sur le revenu dû à raison des sommes qui ont supporté celui-ci. Toutefois, les personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France au sens de l’article 4 B peuvent demander le remboursement de l'excédent du prélèvement de 19 % ou de 45 %, selon le cas, lorsque ce prélèvement excède la différence entre, d’une part, le montant de l'impôt qui résulterait de l'application des dispositions de l'article 197 A à la somme des gains nets mentionnés dans le présent alinéa et des autres revenus de source française imposés dans les conditions de l'article 197 A précité au titre de la même année et, d’autre part, le montant de l'impôt établi dans les conditions prévues à l'article 197 A sur ces autres revenus. » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

a) Avant les mots : « Les gains », sont insérés les mots : « Par dérogation, » ;

b) Les mots : « , par dérogation au taux prévu au 2 de l'article 200 A et, » sont supprimés.

S.– Au a bis du 1° du IV de l’article 1417, après les mots : « du même article », sont insérés les mots : « , du montant des abattements prévus au 1 de l’article 150-0 D et à l'article 150-0 D ter, du montant des plus-values soumises au prélèvement prévu à l’article 244 bis B ».

II.– Le I de l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

A.– Au e, les mots : « à un taux proportionnel » sont supprimés et les références : « aux 7 et 8 » sont remplacées par la référence : « au 7 ».

B.– Au dixième alinéa, après la référence : « de l’article 125-0 A, », est insérée la référence : « au 1 de l’article 150-0 D, ».

III.– À la seconde phrase du 2° du II de l’article L. 221-31 du code monétaire et financier, les mots : « au dernier alinéa du 8 du II de l’article 150-0 A du code général des impôts » sont remplacés par les mots : « à l'article 80 quindecies du code général des impôts ».

IV.– À la fin de la seconde phrase du A du XVIII de l’article 29 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, l’année : « 2013 » est remplacée par l’année : « 2017 ».

V.– Les I, II et III s’appliquent aux gains et profits nets réalisés à compter du 1er janvier 2012 et aux distributions perçues à compter du 1er janvier 2012, à l’exception du G du I qui s’applique aux gains nets réalisés à compter du 1er janvier 2013 et du N du I qui s’applique aux transferts de domicile fiscal hors de France intervenus à compter du 28 septembre 2012.

Observations et décision de la Commission :

Le commentaire du présent article est présenté sous l’article 5, compte tenu de l’analogie des sujets.

*

* *

La Commission examine les amendements identiques I-CF 61 de M. Jean-François Lamour et I-CF 96 de M. Charles de Courson. 

M. Jean-François Lamour. Par idéologie, et pour éponger le surcroît de dépenses que vous avez engagées en juin et en juillet, vous êtes en train d’affaiblir la compétitivité de nos entreprises. La barèmisation des gains nets de cessions de valeurs mobilières tel que proposée à l’article 6 en est l’exemple le plus frappant. Avec ce dispositif en effet, on pourra arriver à des taux de taxation confiscatoires. Comment faire vivre une entreprise qu’on a créée en supportant un taux de taxation de près de 60 % ? Il est vrai que si nous étions aux affaires, nous devrions nous aussi trouver des recettes supplémentaires, mais c’est une véritable frénésie de taxation qui vous a saisis, et qui est invivable pour les entreprises. Vous êtes en train de réduire à néant tout ce que nous avions fait pour préparer notre pays à sortir de la crise, au détriment de sa capacité à créer de la richesse et de l’emploi.

M. Charles de Courson. Ce texte sera catastrophique pour le dynamisme économique, et il n’améliorera pas pour autant le rendement de l’impôt sur le revenu, tout simplement parce que les personnes visées partiront. Il est vrai que, cédant avec une vitesse étonnante à la pression médiatique des « pigeons », le Gouvernement s’est empressé de promettre de modifier cet article : dans ce cas pourquoi le voterions-nous ? Il serait intéressant de savoir, monsieur le rapporteur général, où le Gouvernement en est de sa réflexion. En tout état de cause, on voit bien que taxer aussi lourdement des personnes qui ont consacré quarante ans de leur vie à construire une entreprise aura des conséquences catastrophiques.

M. le rapporteur général. Je vais m’attarder un peu sur cette affaire d’importance.

Monsieur de Courson, votre description de créateurs d’entreprise spoliés des fruits d’un travail de quarante ans nous aurait fait pleurer si nous ignorions qu’au bout de quarante ans de travail on prend sa retraite. J’ai l’honneur de vous informer, premièrement, que, dans l’état actuel du projet du Gouvernement, les plus-values réalisées par les dirigeants d’une PME qui cèdent leurs parts pour partir en retraite sont exonérées en totalité. Ce que vous prétendez est donc faux, monsieur de Courson.

M. Charles de Courson. Ce n’est pas vrai pour les actionnaires minoritaires.

M. le rapporteur général. La loi ne dit pas qu’il faille être actionnaire majoritaire pour être exonéré, mais avoir détenu 25 % du capital pendant 5 ans.

Deuxièmement, les plus-values de cession réalisées par les dirigeants actionnaires de jeunes entreprises innovantes sont également exonérées en totalité.

Troisièmement, les actionnaires qui réinvestissent dans une autre société au moins 80 % des plus-values tirées de la cession de leurs parts dans les trois années qui suivent et qui s’engagent à conserver leurs titres pendant cinq ans sont aussi exonérés en totalité. C’est l’état du droit, et le texte du Gouvernement ne le modifie pas.

Quatrièmement, le texte prévoit un système d’abattement en fonction de la durée de détention des titres, qui peut aller jusqu’à 40 %. Je vous concède que le texte du Gouvernement me semble un peu sévère quand il prévoit un décomptage de la durée de détention à partir du 1er janvier 2013, ce qui repousse à 2025 le bénéfice de la totalité de l’abattement. C’est un point qui mérite d’être modifié, et si le Gouvernement ne nous propose pas d’aménager ce délai, je prendrai l’initiative de vous proposer des aménagements.

Cinquièmement, le Gouvernement a proposé de lisser le dispositif dans l’hypothèse où une vente massive et ponctuelle de titres provoquerait un pic de revenus et donc un passage dans la tranche marginale la plus élevé. Dans ce cas, le Gouvernement a prévu un système d’étalement de la plus-value sur deux ou quatre ans en fonction, là encore, de la durée de détention des parts.

À l’aune de ces éléments factuels, il me semble que les caricatures qui ont été largement diffusées dans cette affaire méritent d’être réévaluées. Le Gouvernement a néanmoins entendu les critiques, et s’apprête à déposer un amendement qui, sans remettre en cause la barèmisation des plus-values de cession des valeurs mobilières, y apportera les aménagements que je vous ai indiqués.

Reste, mes chers collègues, qu’il n’y a pas, à ma connaissance, de définition fiscale du créateur d’entreprise, ou de la start up, à l’inverse de la jeune entreprise innovante dont les critères sont fixés dans le code général des impôts. Si j’ai manifesté une certaine irritation, c’est en raison de la présentation caricaturale qui a été faite de ce texte, et qui a malheureusement convaincu beaucoup de chefs d’entreprise.

J’ajoute que le Gouvernement proposera aussi probablement un régime particulier pour les cessions opérées en 2012.

M. Hervé Mariton. Ce dispositif est extrêmement pénalisant pour les entreprises, et probablement voué, comme tous les dispositifs de cette nature, à voir sa base fiscale lui échapper.

Je vous remercie pour vos précisions, monsieur le rapporteur général, mais signifient-elles que les concessions du Gouvernement se limiteront à proposer de nouvelles modalités d’abattement et la suppression du caractère rétroactif du dispositif ? Notre Commission doit être informée de l’état de la question, et en attendant que vous-même et le Gouvernement nous donniez de plus amples précisions, le plus simple serait de rejeter cet article.

Par ailleurs, sachant que le rendement attendu du dispositif est de un milliard d’euros, à combien estimez-vous le coût des aménagements gouvernementaux et comment comptez-vous le compenser ?

M. Pierre-Alain Muet. À cause du système du prélèvement forfaitaire, l’impôt sur le revenu n’est progressif que pour les revenus du travail, puisqu’il permet aux dix plus hauts revenus de payer moins de 20 % d’impôt sur leur revenu global. Je considère pour ma part, comme tous ceux qui se trouvent sur les bancs de la gauche, que la justice fiscale impose qu’on soit taxé en fonction de son revenu, quelle qu’en soit la nature. Le discours des « pigeons » me semble d’autant plus indécent, dans la situation actuelle de nos finances publiques, que les plus-values de cessions sont totalement exonérées s’agissant de jeunes entreprises innovantes ou en cas de départ à la retraite, sans parler d’autres aménagements tels que le lissage par le système du quotient.

M. Hervé Mariton. Dans ce cas, pourquoi le Gouvernement corrige-t-il sa copie ?

M. Pierre-Alain Muet. S’agissant des abattements, je préférerais, comme le rapporteur général, que le décompte se fasse à partir du moment où l’entreprise a été créée plutôt qu’à partir du 1er janvier 2013. On peut certes apporter d’autres aménagements à la marge, mais dans son état actuel, le texte épargne déjà presque totalement les créateurs d’entreprise, et taxe pour l’essentiel la rente ou la simple détention d’actions.

Cette réforme introduira une plus grande justice dans les deux sens. Ainsi la réforme va diminuer l’imposition d’une famille de trois enfants qui déclare 80 000 euros de salaires et 32 000 euros de plus-values de cession de parts d’entreprise, et qui, dans l’état actuel du droit, est davantage taxée au titre de ces plus-values. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement annonce à raison que si l’impôt va augmenter pour 73 000 contribuables, il diminuera pour 57 000. Rien n’est plus injuste qu’un taux forfaitaire.

M. Thierry Mandon. Je vous remercie, monsieur le rapporteur général, d’avoir condamné des caricatures qui ne rendent pas service aux entreprises innovantes. Notre droit fiscal prévoit un certain nombre de dispositifs pour protéger les jeunes entreprises, notamment dans les secteurs à risque. Cela dit, il y a bien un problème de financement des entreprises innovantes à risque. Supprimer cet article reviendrait à perpétuer des avantages immérités, mais il faudra que nous réfléchissions à la mise en place d’un cadre fiscal propre à inciter l’épargne privée à s’investir dans ces entreprises innovantes à caractère technologique.

M. Olivier Carré. Aujourd’hui, si on excepte les jeunes entreprises innovantes et les entreprises dont les dirigeants doivent attendre leur retraite, le dispositif concerne une vingtaine de personnes, et c’est à l’aune de la situation de ces vingt personnes qu’on décide de ce qui s’appliquera à des milliers d’entreprises, artisans qui décident de créer une société, entrepreneurs dans le domaine de services à la personne ou dans d’autres domaines qui, sans être au top de l’innovation technologique, sont créateurs d’emplois grâce à leur talent et à leur capacité à mener leurs équipes à la réussite. Ce sont eux qui seraient susceptibles de créer des entreprises de taille intermédiaire, ces fameuses ETI qui manquent tant à la France, notamment à cause de sa fiscalité. Alors que nous devrions libérer les énergies de ces entrepreneurs, nous sommes en train d’aller à rebours de ce qu’il faudrait faire. Je ne confonds certes pas croissance et capacité à « faire du fric », mais les « rentiers » dont vous parlez sans cesse seront déjà lourdement taxés au titre de l’ISF. Alors, de grâce, épargnez ceux qui entreprennent, quels que soient leur statut et leur âge !

Mme Karine Berger. Je voudrais revenir à la logique qui a présidé à l’élaboration de cet article, soit notre volonté, validée par les Français, d’aligner la taxation des revenus du capital sur celle des revenus du travail. Actuellement, un euro provenant du capital peut être moins taxé qu’un euro gagné par le travail, notamment pour les ménages auxquels s’appliquent les taux des plus hautes tranches du barème. La droite peut penser que le travail est trop taxé en France, mais elle ne peut pas considérer comme normal que le capital le soit moins.

M. le président Gille Carrez. Pourquoi ne parlez-vous pas des niveaux de taxation du patrimoine en vigueur dans les pays qui nous entourent ?

Mme Karine Berger. Je suis à la commission des Finances de l’Assemblée nationale française.

M. le président Gille Carrez. Vous avez voté hier un traité de coordination budgétaire !

Mme Karine Berger. La France reste totalement souveraine quant aux modalités de réalisation de la justice fiscale. Ce choix ne peut pas être dicté par l’extérieur.

Article 7

Imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu des gains de levée d’options sur actions et d’attribution d’actions gratuites

Texte du projet de loi :

I.– Le code général des impôts est ainsi modifié :

A.– L’article 80 bis est ainsi modifié :

1° le I est ainsi modifié :

a) Les mots : « constitue pour le bénéficiaire un complément de salaire imposable dans les conditions prévues au II de l’article 163 bis C » sont remplacés par les mots : « est imposé dans la catégorie des traitements et salaires. » ;

b) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les actions acquises avant le 1er janvier 1990, le prix d’acquisition est réputé égal à la valeur de l’action à la date de la levée de l’option. » ;

2° Après le I, il est inséré un I bis ainsi rédigé :

« I bis.– Lorsque le prix d’acquisition des actions offertes dans les conditions prévues au I est inférieur à 95 % de la moyenne des cours ou du cours moyen d’achat respectivement mentionnés aux articles L. 225-177 et L. 225-179 du code de commerce, la différence est imposée dans la catégorie des traitements et salaires au titre de l’année au cours de laquelle l’option est levée. » ;

3° Le II est remplacé par les dispositions suivantes :

« II.– L’avantage défini au I, le cas échéant diminué de la différence mentionnée au I bis, est imposé au titre de l’année de disposition, de cession, de conversion au porteur ou de mise en location des titres correspondants.

« L'échange sans soulte d'actions résultant d'une opération d'offre publique, de fusion, de scission, de division ou de regroupement réalisée conformément à la réglementation en vigueur, ou de l'apport à une société créée dans les conditions prévues à l'article 220 nonies ne fait pas perdre le bénéfice des dispositions du troisième alinéa du I de l’article 163-0 A. Les conditions mentionnées à cet alinéa continuent à être applicables aux actions reçues en échange et l’impôt sera dû au titre de l’année de disposition, de cession, de conversion au porteur ou de mise en location de ces actions. » ;

4° Le III est ainsi modifié :

a) Les références : « I et II » sont remplacées par les références : « I à II » ;

b) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les obligations déclaratives incombent alors à la filiale ou à la mère française. » ;

5° Il est complété par un IV et un V ainsi rédigés :

« IV.– Le gain net égal à la différence entre le prix de cession et le prix de souscription ou d’achat des actions augmenté, le cas échéant, de l’avantage défini au I du présent article, est imposé dans les conditions prévues à l’article 150-0 A.

« V.– Un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles les actions peuvent exceptionnellement être négociées avant l’expiration du délai prévu au troisième alinéa du I de l’article 163-0 A sans perdre le bénéfice de ses dispositions. »

B.– L’article 80 quaterdecies est ainsi modifié :

1° Le I est remplacé par les dispositions suivantes :

« I.– L’avantage correspondant à la valeur, à leur date d’acquisition, des actions attribuées dans les conditions définies aux articles L. 225-197-1 à L. 225-197-3 du code de commerce est imposé entre les mains de l’attributaire dans la catégorie des traitements et salaires. » ;

2° Après le I, il est inséré un I bis ainsi rédigé :

« I bis.– L'échange sans soulte d'actions résultant d'une opération d'offre publique, de fusion, de scission, de division ou de regroupement réalisée conformément à la réglementation en vigueur ne fait pas perdre le bénéfice des dispositions prévues au quatrième alinéa du I de l’article 163-0 A. Les conditions mentionnées à cet alinéa continuent à être applicables aux actions reçues en échange.

« Il en est de même des opérations d’apport d’actions réalisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa du III de l’article L. 225-197-1 du code de commerce par une personne détenant, directement ou indirectement, moins de 10 % du capital de la société émettrice, lorsque l’attribution a été réalisée au profit de l’ensemble des salariés de l’entreprise et que la société bénéficiaire de l’apport détient, directement ou indirectement, moins de 40 % du capital et des droits de vote de la société émettrice. » ;

3° Le II est remplacé par les dispositions suivantes :

« II.– L'impôt est dû au titre de l'année au cours de laquelle le bénéficiaire a disposé de ses actions, les a cédées, converties au porteur ou mises en location. Toutefois, en cas d'échange sans soulte résultant d'une opération mentionnée au I bis, l'impôt est dû au titre de l'année de disposition, de cession, de conversion au porteur ou de mise en location des actions reçues en échange. » ;

4° Il est complété par un III et un IV ainsi rédigés :

« III.– Les dispositions des I à II s’appliquent lorsque l’attribution est effectuée, dans les mêmes conditions, par une société dont le siège social est situé à l’étranger et qui est mère ou filiale de l’entreprise dans laquelle l’attributaire exerce son activité.

« Les obligations déclaratives incombent alors à la filiale ou à la mère française.

« IV.– Le gain net égal à la différence entre le prix de cession et la valeur des actions à leur date d’acquisition, est imposé dans les conditions prévues à l’article 150-0 A. »

C.– Le I de l’article 154 quinquies est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La contribution prévue à l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale afférente aux avantages définis au I de l’article 80 bis et au I de l’article 80 quaterdecies est admise en déduction du revenu imposable de l’année de son paiement, à hauteur de 5,1 points. »

D.– Le I de l’article 163-0 A est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les dispositions du premier alinéa sont applicables, lorsque les actions acquises revêtent la forme nominative et demeurent indisponibles sans être données en location, suivant des modalités fixées par décret en Conseil d’État, jusqu’à l’achèvement d’une période de quatre années à compter de la levée des options, à l’avantage défini au I de l’article 80 bis, même si son montant n’excède pas la moyenne des revenus nets des trois dernières années.

« Les dispositions du premier alinéa s’appliquent également, lorsque les actions demeurent indisponibles sans être données en location pendant une période minimale de quatre ans à compter de leur attribution définitive, à l’avantage défini au I de l’article 80 quaterdecies, même si son montant n’excède pas la moyenne des revenus nets des trois dernières années. »

E.– L’article 182 A ter est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) À la première phrase du premier alinéa du 1, les mots : « et au 6 bis de l’article 200 A » sont remplacés par les mots : « et au I de l’article 80 quaterdecies » et les mots : « au titre de l’année de ladite cession » sont supprimés ;

b) Au deuxième alinéa du 1, la référence : « II » est remplacée par la référence : « I bis » ;

c) À la seconde phrase du 2, les mots : « remise des titres » sont remplacés par les mots : « souscription ou l’acquisition des titres. » ;

2° Le II est ainsi modifié :

a) Au 1, les mots : « les avantages ou gains mentionnés au premier alinéa du 1 du I bénéficient des régimes prévus aux I de l'article 163 bis C, 6 bis de l'article 200 A ou » sont remplacés par les mots : « le gain net de cession de titres souscrits en exercice de bons de souscription de parts de créateur d’entreprise bénéficie du régime prévu au » et le mot : « leur » est remplacé par le mot : « son » ;

b) Le 2 est remplacé par les dispositions suivantes :

« 2. Dans les situations autres que celles mentionnées à l’alinéa précédent, la base de la retenue à la source est constituée par le montant net des avantages accordés, déterminé conformément aux règles de droit commun applicables aux traitements et salaires, à l’exclusion de celles qui prévoient la déduction des frais professionnels réels. » ;

3° Les III et IV sont remplacés par les dispositions suivantes :

« III.– 1. Lorsque le gain net de cession de titres souscrits en exercice de bons de souscription de parts de créateur d’entreprise bénéficie du régime prévu au I de l’article 163 bis G, les taux de la retenue à la source correspondent à ceux prévus par ce régime. La retenue à la source est alors libératoire de l’impôt sur le revenu ;

« 2. Dans les situations autres que celles mentionnées à l’alinéa précédent, la retenue est calculée conformément au III de l’article 182 A et régularisée dans les conditions mentionnées aux articles 197 A et 197 B.

« IV.– La retenue à la source est acquittée par la personne qui effectue le versement des sommes issues de la cession des titres dans les cas mentionnés au 1 du I ou qui constate l’avantage salarial dans les cas mentionnés au second alinéa du 1 et au 2 du I. »

F.– Les 6 et 6 bis de l'article 200 A sont abrogés.

G.– L'article 163 bis C est abrogé.

II.– Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

A.– Au e du I de l’article L. 136-6, la référence : « aux 6 et 6 bis de l’article 200 A » est remplacée par la référence : « au I de l’article 80 bis et au I de l’article 80 quaterdecies ».

B.– Au premier alinéa de l’article L. 137-14, la référence : « aux 6 et 6 bis de l’article 200 A » est remplacée par la référence : « au I de l’article 80 bis et au I de l’article 80 quaterdecies ».

C.– L’article L. 242-1 est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, la référence : « au I de l'article 163 bis C » est remplacée par la référence : « à l'article 163-0 A », les mots : « II du même article » sont remplacés par les mots : « I de l'article 80 bis du même code » et la référence : « II de l’article 80 bis » est remplacée par la référence : « I bis de l’article 80 bis » ;

2° Au treizième alinéa, la référence : « au I de l’article 80 quaterdecies » est remplacée par la référence : « à l’article 163-0 A ».

III.– Les dispositions des I et II sont applicables aux dispositions, cessions, conversions aux porteurs et mises en location intervenues à compter du 1er janvier 2012, à l'exception des dispositions du 2° du A du I qui sont applicables aux levées d'option intervenues à compter de la même date.

Observations et décision de la Commission :

À l’instar de l’article 6, le commentaire du présent article est présenté sous l’article 5, compte tenu de l’analogie des sujets.

*

* *

La Commission se saisit de l’amendement I-CF 181 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. La fiscalité des stock-options faisait la différence entre celles levées avant quatre ans et celles levées après leur attribution, de façon à encourager la détention et à retarder la levée de l’option. L’assujettissement au barème de l’impôt sur le revenu ne permet pas de maintenir une telle disposition. Aussi cet amendement propose-t-il, au cas où l’option serait levée avant quatre ans, une majoration de la cotisation salariale.

La Commission adopte l’amendement (Amendement n° I–76).

Elle adopte ensuite, l’article 7 ainsi modifié.

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Croyez-vous par ailleurs, mes chers collègues, que la situation de quelqu’un qui cherche à revendre à tout prix son entreprise avant cinq ans soit comparable à celle du chef d’entreprise qui a consacré sa vie à créer et à faire prospérer sa PME ? Si tel est le cas, nous n’avons effectivement pas la même conception de l’entreprise.

M. Jean-Louis Gagnaire. Le rapporteur général nous a ramenés à la réalité du texte, bien éloignée des fantasmes colportés de part et d’autre. Il faut concilier deux logiques : aligner la fiscalité du capital sur celle du travail tout en préservant les intérêts des entrepreneurs et des entreprises. En l’état, le texte témoigne déjà de cette volonté de ménager les jeunes entreprises et les entrepreneurs qui conservent longtemps leur entreprise. Il serait bon en outre que le Gouvernement tienne compte d’autres situations : celle, par exemple, de certaines entreprises très innovantes à cycle de vie très court, qui ne versent de rémunérations ni en salaires ni en dividendes. Ces entreprises n’ont pas les mêmes besoins de financement que celles à croissance lente. Nous aurons l’occasion de discuter de tout cela lors de l’examen du projet de loi sur la banque publique d’investissement.

M. Michel Piron. Sans doute faudrait-il éviter d’assimiler le capital et les revenus du travail. Que l’on cherche à aligner la fiscalité des revenus du capital sur celle des revenus du travail peut se concevoir, mais l’on ne peut considérer de la même manière une plus-value de cession et les revenus du travail. D’ailleurs, n’introduisez-vous pas vous-même des distinctions en fonction de la durée de détention ?

M. le président Gilles Carrez. Merci, monsieur Piron, d’avoir rappelé cette distinction élémentaire s’agissant de ce que l’on appelle l’ensemble des produits du capital ! Certains produits relèvent de mouvements d’actifs, d’autres de flux récurrents, et ce n’est pas du tout la même chose !

M. Alain Fauré. En tant que chef d’entreprise, je ne suis pas effrayé par les mesures prises. Elles sont justes. De surcroît, des atténuations sont prévues.

M. Charles de Courson. Première chose inacceptable : le caractère rétroactif de cette mesure. Deuxième scandale : la durée de détention, qui est beaucoup trop longue. Et il faut relever le taux de 40 %, car la plus-value est calculée sans aucune réévaluation. Troisième critique : vous n’obtiendrez jamais le milliard que vous escomptez parce que les gens bloqueront leurs transactions ! Enfin, êtes-vous conscients que nous sommes dans un espace européen ? Et connaissez-vous les taux en vigueur en Europe pour la taxation de ce type de plus-values ? Espagne : 21 % ; Grande-Bretagne : 28 % ; Allemagne : 26,4 % ; et nous sommes à 34,5 %. Passer à un taux marginal de 57 ou 58 %, c’est une pure folie !

M. le rapporteur général. Il est certain que si les produits ne sont pas ceux qui sont attendus, il faudra les remplacer.

M. le président Gilles Carrez. Je me demande vraiment si nous sommes dans le cadre de la jurisprudence dite « petite rétroactivité ». Outre que les contribuables qui ont effectué une cession depuis le 1er janvier 2012 ont pris leur décision en considérant la fiscalité globale à 35 %, ils ont, du fait qu’il s’agissait d’un prélèvement libératoire, déjà payé l’impôt. Et, sur le plan juridique, c’est le point le plus important car le Conseil constitutionnel, quand il apprécie la « petite rétroactivité », joue sur le fait que l’impôt sur le revenu est décalé d’un an. Or ce n’est pas le cas ici.

M. le rapporteur général. Il y aura vraisemblablement des aménagements concernant les transactions effectuées en 2012. Mais le prélèvement sur les plus-values n’est plus libératoire.

La Commission rejette les amendements identiques I-CF 61 et I-CF 96.

Puis elle rejette successivement les amendements I-CF 36 de M. Gilles Carrez et I-CF 94 de M. Charles de Courson, et les amendements I-CF 39, I-CF 40 et I-CF 38 de M. Hervé Mariton.

La Commission se saisit ensuite de l’amendement I-CF 195 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Il s’agit de ramener de dix à cinq ans la durée d’imputation des moins-values sur les plus-values de cessions de valeurs mobilières.

La Commission adopte l’amendement (Amendement n° I–74).

Elle examine ensuite l’amendement I-CF 13 de M. Gilles Carrez.

M. le président Gilles Carrez. La commission des Finances avait, l’an dernier, élaboré un dispositif permettant au cédant d’une entreprise dont il détenait au moins 10 % et qui réinvestissait au moins 80 % de la plus-value dans une autre entreprise, de bénéficier d’un report d’imposition, qui devenait une exonération définitive si l’investissement était conservé au moins cinq ans. Ce dispositif devait succéder à un mécanisme qui devait entrer en vigueur en 2012, mais qui ne serait pas tenable compte tenu de l’état des finances publiques. Je vous propose donc, avec cet amendement, d’assouplir le mécanisme voté l’an dernier qui est trop contraignant.

M. le rapporteur général. Je vous remercie de votre présentation qui montre que mes propos n’étaient pas dénués de fondement. Je vous demande de retirer votre amendement. Je ne connais pas les intentions exactes du Gouvernement, mais il se pourrait qu’il ne se détourne pas tout à fait de la porte que vous avez entrouverte.

M. Charles de Courson. Autrement dit, on découvrira les amendements en séance !

M. le rapporteur général. J’ai demandé au Gouvernement de déposer ses amendements pour qu’ils puissent être examinés dans le cadre de l’article 88, mais il faut pouvoir procéder au chiffrage détaillé des mesures prises en contrepartie. Du reste, avez-vous oublié dans quelles conditions nous avons examiné la prétendue suppression de la taxe professionnelle ?

M. le président Gilles Carrez. Je retire l’amendement, mais je maintiens que la plus-value, résultat d’une opération patrimoniale, n’est pas de même nature que les flux de capital qui, eux, peuvent être traités comme les revenus provenant du travail. Nous reverrons cela, je l’espère, en article 88.

L’amendement est retiré.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement I-CF 37 de M. Gilles Carrez.

Elle adopte ensuite l’article 6 ainsi modifié.

Article 8

Contribution exceptionnelle de solidarité sur les très hauts revenus d’activité

Texte du projet de loi :

I.– Après la section 0I du chapitre III du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts, il est inséré une section 0I bis intitulée : « Contribution exceptionnelle de solidarité sur les très hauts revenus d’activité » comprenant un article 223 sexies A ainsi rédigé :

« Art. 223 sexies A.– 1. Il est institué à la charge des personnes physiques, dans les conditions de l’article 4 A, une contribution exceptionnelle de 18 % sur la fraction de leurs revenus d’activité professionnelle qui excède 1 000 000 €.

« Les revenus d'activité professionnelle pris en compte pour l'établissement de la contribution s'entendent de la somme, sans qu’il soit fait application des règles prévues aux articles 75-0 B, 84 A et 100 bis, des revenus nets imposables à l’impôt sur le revenu suivants :

« a) Les traitements et salaires définis à l'article 79, à l'exclusion des allocations chômage et de préretraite.

« Les revenus soumis à la retenue prévue au I de l’article 204-0 bis sont retenus pour leur montant net de frais d’emploi ;

« b) Les rémunérations allouées aux gérants et associés des sociétés mentionnées à l'article 62 ;

« c) Les bénéfices provenant des activités relevant des bénéfices industriels ou commerciaux mentionnés aux articles 34 et 35, des bénéfices non commerciaux mentionnés au 1 de l’article 92 et des bénéfices agricoles mentionnés à l’article 63, lorsque ces activités sont exercées à titre professionnel au sens du IV de l’article 155.

« Les revenus soumis aux versements libératoires prévus par l’article 151-0 sont retenus pour leur montant diminué, selon le cas, de l’abattement prévu au 1 de l’article 50-0 ou de la réfaction forfaitaire prévue au 1 de l’article 102 ter ;

« d) Les avantages, distributions ou gains définis aux I de l’article 80 bis, I de l’article 80 quaterdecies et à l’article 80 quindecies dans leur rédaction issue des articles XX et XX de la loi n° du de finances pour 2013 à l’exception de ceux soumis aux contributions mentionnées aux articles L. 137-14 ou L. 137-18 du code de la sécurité sociale.

« Il n’est pas tenu compte des plus-values et moins-values professionnelles à long terme et des déficits des années antérieures.

« 2. La contribution est déclarée, établie, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes garanties et sanctions qu'en matière d'impôt sur le revenu. »

II.– Le I s’applique au titre des revenus des années 2012 et 2013.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article introduit une nouvelle contribution exceptionnelle de solidarité sur la fraction des revenus professionnels supérieure à un million d’euros.

Cette mesure vise à majorer l’imposition globale des personnes physiques qui disposent des plus fortes capacités contributives au titre des revenus de 2012 et de 2013, de façon à répartir équitablement les efforts contributifs supplémentaires à réaliser pour parvenir à l’objectif d’un déficit budgétaire de 3 % en 2013.

En permettant une plus forte taxation des rémunérations très conséquentes dont bénéficie une part infime des personnes en activité, la contribution exceptionnelle de solidarité s’inscrit également en cohérence avec les deux autres volets de la réforme d’ampleur de l’imposition des ménages les plus aisés proposés par le présent projet de loi de finances, que sont le renforcement de l’impôt de solidarité sur la fortune (article 9) et l’assujettissement des revenus du capital au barème progressif de l’impôt sur le revenu (articles 5 à 7).

I.– LA CRÉATION D’UNE CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE DE SOLIDARITÉ SUR LES TRÈS HAUTS REVENUS D’ACTIVITÉ

A.– LES OBJECTIFS POURSUIVIS PAR LA MESURE

1.– Cibler les contribuables disposant de revenus d’activité très élevés, dont l’évolution a été dynamique sur la période récente

a) Présentation de la situation fiscale moyenne des bénéficiaires de revenus d’activité supérieurs à un million d’euros

Les personnes physiques qui perçoivent plus d’un million d’euros de revenus d’activité, en supposant qu’elles constituent chacune un foyer fiscal distinct, représentent 0,0042 % des 36 millions de foyers fiscaux en France, soit 1 500 personnes.

Le tableau ci-dessous détaille la situation fiscale d’un groupe de contribuables un peu plus large que celui visé par la taxe, puisqu’il traite de l’ensemble des foyers disposant de plus d’un million d’euros de revenu net imposable, ce qui aboutit à prendre en compte 381 contribuables de plus que ceux qui seront concernés par cette contribution. Toutefois, ces informations permettent d’appréhender une situation fiscale moyenne très proche de celles des personnes qui s’acquitteront de la contribution.

SITUATION FISCALE DES CONTRIBUABLES DISPOSANT DE PLUS DE 1 000 000 EUROS DE REVENU NET IMPOSABLE

Nombre de foyers

Revenu brut global moyen (Euros)

RFR moyen (Euros)

Impôt barème (Millions d'euros)

Impôt effectivement acquitté - Hors PFL
(Millions d'euros)

Impôt PFL
(Millions d'euros)

Taux moyen (Hors PFL)

Nombre de parts moyen

1 881

1 812 263

2 278 697

1 315,00

1 108,66

49,34

28,32 %

2,6

Source : Direction de la législation fiscale, revenus 2010.

Le revenu brut global moyen, qui constitue la somme des revenus catégoriels nets imposables au barème progressif composés principalement de revenus d’activité (à l’exception des revenus fonciers et de certains revenus de capitaux mobiliers), est relativement élevé au regard du seuil d’imposition à la contribution. Ce constat est cohérent avec le rendement attendu de la contribution exceptionnelle de solidarité dont l’assiette devrait être de 1 170 millions d’euros. La fraction de revenus imposables serait de 780 000 euros en moyenne par contribuable.

Le revenu fiscal de référence moyen (47) de ces contribuables est supérieur de 20 % au revenu brut global. Ceci s’explique par l’imposition d’une partie de leurs revenus à des taux forfaitaires ou à des prélèvements forfaitaires libératoires de l’impôt sur le revenu qui échappent à l’assiette du barème progressif (48) (ils ne sont donc pas pris en compte pour la détermination du revenu brut global). La contribution exceptionnelle de solidarité sur les revenus d’activité a vocation à imposer la part de ces revenus bénéficiant actuellement des taux forfaitaires qui ne sont pas des revenus du capital (soit par exemple, les revenus retenus à la source ou les gains de levée d’options assimilés à des éléments de salaires). Elle ne porte donc pas sur l’ensemble des revenus de ces contribuables, à la différence de la contribution exceptionnelle sur le revenu fiscal de référence (49), mais sur une assiette plus étroite que celle en vigueur pour l’application du barème progressif et qui le sera plus encore lorsque la majeure partie des revenus du capital seront soumis à ce barème.

Le taux moyen d’imposition des contribuables disposant de plus d’un million d’euros de revenus net imposables au barème est de 28,32 %, contre un taux marginal d’imposition de 41 %. Cet écart peut s’expliquer pour une faible part par la progressivité de l’impôt et les effets du quotient familial, et pour une part plus importante par le recours à des avantages en impôt prenant la forme de déductions de charges, de réductions d’impôt ou de crédits d’impôt.

En effet, pour des niveaux de revenus très importants, la progressivité du barème et le quotient familial influent très peu sur le montant d’imposition des contribuables puisque la très grande majorité des revenus sont imposés au taux marginal supérieur. L’avantage tiré du quotient consistant pour les contribuables à ce qu’une fraction de leur revenu soit imposée dans une tranche inférieure à celle qui lui aurait été appliquée en l’absence de ce mécanisme est donc faible, voire nul.

Exemple : Un contribuable célibataire disposant de 1 200 000 euros de salaires et d’autres éléments de rémunérations soumis au barème progressif s’acquitte de 472 838 euros d’impôt sur le revenu pour un taux d’imposition moyen de 39,9 %. Un couple soumis à imposition commune disposant des mêmes revenus s’acquittera de 459 480 pour un taux moyen d’imposition de 38,7 %.

La dépense fiscale apparaît donc comme le vecteur le plus important de minoration de l’imposition due. Toutefois, cette dépense fiscale ne sera pas applicable au titre de la contribution exceptionnelle de solidarité et ne pourra donc atténuer le supplément d’imposition à acquitter à ce titre par les contribuables.

Enfin, on peut souligner que les revenus d’activité supérieurs à un million d’euros sont composés d’une part dominante de revenus appartenant à la catégorie des traitements et salaires pour 62 % des 1 500 personnes visées par la contribution et d’une part dominante de revenus appartenant à la catégorie des bénéfices non commerciaux pour 30 % d’entre elles. Ces données confirment le fait que pour ces contribuables, les revenus d’activité représentent une part substantielle de leur revenu global. Elles permettent également d’expliquer le faible écart entre le nombre de foyers disposant d’un revenu net imposable de plus d’un million d’euros et le nombre de personnes bénéficiant d’un million d’euros de revenus d’activité.

b) Le niveau d’imposition actuel des revenus d’activité supérieurs à un million d’euros

Les contribuables bénéficiant de hauts revenus d’activité sont actuellement assujettis à trois impositions distinctes :

– les prélèvements sociaux composés de la contribution sociale généralisée au taux de 7,5 % et de la contribution au remboursement de la dette sociale au taux de 0,5 % ;

– l’impôt sur le revenu au barème progressif dont le taux de la tranche marginale supérieure est de 41 % ;

– la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus aux taux de 3 % pour la fraction des revenus comprise entre 250 000 euros et 500 000 euros s’ils sont célibataires, divorcés ou veufs et entre 500 000 euros et 1 000 000 euros s’ils sont soumis à une imposition commune, et de 4 % pour la fraction des revenus supérieure à 500 000 euros s’ils sont célibataires, divorcés ou veufs et à 1 000 000 euros s’ils sont soumis à une imposition commune.

Exemple : un contribuable célibataire dont le revenu d’activité brut de prélèvements sociaux est de 1 200 000 euros s’acquitte de :

– 89 809 euros au titre de la CSG (sur une assiette nette de frais professionnels de 1 197 454 euros) ;

– 5 988 euros au titre de la CRDS (sur la même assiette que celle de la CSG) ;

– 446 755 euros au titre de l’impôt sur le revenu (sur une assiette nette de CSG déductible et de frais professionnels de 1 122 227euros) ;

– 32 389 euros au titre de la contribution exceptionnelle sur le RFR (qui, en l’absence d’autres revenus, s’applique au revenu d’activité net de frais professionnel).

Le montant total d’imposition de ce contribuable au titre de son revenu d’activité est donc de 574 941 euros pour un taux moyen d’imposition de 47,9 %.

Afin de mieux prendre en compte les capacités contributives des personnes bénéficiant de revenus professionnels très élevés, voire excessifs dans le contexte de crise économique actuel, le Gouvernement a fait le choix de majorer ce niveau moyen d’imposition en introduisant une contribution exceptionnelle de solidarité, prévue par les engagements pris par le Président de la République.

2.– Décourager les versements de rémunérations excessives

a) L’évolution des plus hautes rémunérations a été très dynamique sur la période récente

Selon une étude réalisée par l’INSEE en 2011 (50), l’augmentation des revenus d’activité a été beaucoup plus élevée entre 2004 et 2007 pour les très hauts revenus (+ 39 %) représentant 0,01 % des contribuables disposant des plus hauts revenus déclarés par unité de consommation (51), soit en moyenne 1,2 million d’euros tous revenus confondus, que pour l’ensemble des revenus d’activité perçus par les ménages (+ 11 %).

On rappellera, à titre de comparaison, qu’un million d’euros de revenus d’activité correspondent à 76 fois le salaire minimum de croissance net à temps plein versé au titre d’une année.

b) Face à ce constat, la contribution exceptionnelle de solidarité constitue un outil de rationalisation du bénéfice tiré des plus hautes rémunérations.

L’introduction de cette contribution vise à soumettre les personnes percevant des revenus supérieurs à un million d’euros à un effort contributif supplémentaire au titre de la fraction de revenus qui dépasse ce seuil.

Il s’agit donc d’une mesure d’incitation à rationaliser l’échelle des rémunérations par le biais de la minoration de l’avantage en revenu retiré après imposition.

Cette mesure constitue une forme de pendant aux mesures de majoration de l’imposition à la charge de l’employeur prévues dans le cas où les rémunérations ou les autres avantages versés par celui-ci à ses salariés et aux mandataires sociaux dépassent certains seuils.

À titre d’exemple, de telles majorations destinées à décourager le versement de « parachutes dorés » ou de « retraites chapeaux » de montants trop importants (52), ont été sensiblement accentuées par la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 d’août dernier.

B.– LES MODALITÉS D’APPLICATION DE LA TAXE

1.–  le champ des contribuables concernés

a) Le recours aux règles de territorialité de l’impôt sur le revenu

La contribution s’applique aux personnes physiques mentionnées à l’article 4 A du code général des impôts qui ont leur domicile fiscal en France et qui sont passibles à ce titre de l’impôt sur le revenu (en application d’une obligation fiscale illimitée) et à celles dont le domicile fiscal est situé hors de France et qui sont passibles de cet impôt à raison de leurs seuls revenus de source française (au titre d’une obligation fiscale restreinte).

Cet article est complété par l’article 4 B du même code qui définit la notion de domicile fiscal. Il suffit ainsi qu’une des conditions suivantes soit remplie pour qu’il y ait domiciliation fiscale en France (53) :

– avoir en France son foyer fiscal en France ou son lieu de séjour principal (54;

– exercer en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins que cette activité ne soit exercée à titre accessoire ;

– disposer en France du centre de ses intérêts économiques (55) ;

– être un agent de l’État qui exerce ses fonctions ou est chargé de mission dans un pays étranger, et qui n’est pas soumis dans ce pays à un impôt personnel sur l’ensemble de ses revenus.

Enfin, l’article 4 bis du même code précise que sont également passibles de l’impôt sur le revenu « les personnes de nationalité française et étrangère, ayant ou non leur domicile fiscal en France, qui recueillent des bénéfices ou revenus dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions ».

La contribution exceptionnelle a donc vocation à s’appliquer à différentes catégories de contribuables, lorsqu’ils bénéficient d’un montant de revenus d’activité supérieur au seuil de revenus déclenchant l’imposition.

b) Une imposition individualisée au sein des foyers fiscaux

La contribution s’applique à chacune des personnes physiques répondant aux critères d’imposition, sans prise en compte de leur situation familiale et de leurs charges de famille.

Cette contribution apparaît ainsi plus proche des prélèvements sociaux ou des prélèvements libératoires de l’impôt sur le revenu que de l’impôt sur le revenu ou de la contribution exceptionnelle sur le RFR.

En effet, la définition du champ des redevables diffère selon les impositions. L’unité de taxation peut ainsi être une personne physique ou le foyer fiscal auquel elle appartient. À cette première distinction, s’ajoutent des régimes de taxation hybrides pouvant prendre en compte de façon plus ou moins profonde la situation familiale du contribuable ou la spécificité des revenus perçus par l’un des membres du foyer fiscal.

Par exemple, l’impôt sur le revenu, qui est un impôt familialisé, repose sur une imposition du foyer fiscal dont les revenus sont agrégés et sur une prise en compte de la situation et des charges de famille par le biais du quotient familial. En contrepartie, le principe de solidarité devant le recouvrement de l’impôt s’applique.

Cette familialisation permet d’assurer que la progressivité du barème tienne compte des capacités contributives des foyers, déterminées en partie par leur composition (56).

En effet, le Conseil constitutionnel apprécie le respect de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui prévoit que « pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable », laquelle « doit être également répartie entre tous les citoyens, à raison de leurs facultés », en tenant compte des dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946 qui imposent la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale entre les familles.

Le respect de ces principes ne nécessite pas que chaque imposition ou prélèvement retienne les revenus du foyer ou sa composition. Le législateur a en effet la latitude d’apprécier les facultés contributives des contribuables compte tenu des caractéristiques propres de l’imposition concernée (57). Toutefois, cette latitude ne doit pas remettre en cause la progressivité globale de l’imposition en fonction des capacités contributives de chacun.

Dans le cadre de la présente contribution, le Gouvernement a estimé que les capacités contributives des personnes bénéficiant de plus d’un million d’euros de revenus d’activité sont suffisantes pour ne pas retenir leur revenu global ou celui des membres de leur foyer, ni la composition de ce dernier.

Cette décision peut se justifier au regard des précisions apportées ci-dessus. En effet, la contribution exceptionnelle de solidarité ne concernera qu’une partie des revenus perçus par les contribuables, qui aura déjà été soumise à des prélèvements progressifs et familialisés. Il est donc possible de considérer que la progressivité globale de l’imposition de ces contribuables, après application de la contribution, sera adaptée à leurs capacités contributives.

Cependant, des disparités manifestes de traitement entre des foyers disposant de très hauts revenus peuvent découler de cette définition du champ des redevables.

Un foyer composé d’un célibataire bénéficiant de 1 500 000 euros de rémunérations diverses sera imposé à la contribution à hauteur de 90 000 euros, alors qu’un foyer composé de deux personnes percevant 900 000 euros de rémunération chacune, soit 1 800 000 euros au total, ne sera pas imposé.

2.– L’assiette de la contribution

L’assiette de la contribution est étroite. Elle comprend les revenus d’activité suivants :

– les traitements et salaires définis à l’article 79 du code général des impôts qui « concourent à la formation du revenu global servant de base à l’impôt sur le revenu », à l’exception des allocations chômage et de préretraite ;

– les jetons de présence spéciaux et autres rémunérations assimilées imposables selon les règles des traitements et salaires ;

– les indemnités des élus soumises à la retenue à la source prévue à l’article 204-0 bis du même code et retenues pour leur montant net de frais d’emploi ;

– les rémunérations allouées aux gérants et associés des sociétés mentionnées à l’article 62 du même code (sociétés à responsabilité limitée et entreprises assimilées) ;

– les bénéfices industriels ou commerciaux, les bénéfices non commerciaux et les bénéfices agricoles lorsqu’ils proviennent d’une activité exercée à titre professionnel ;

– les revenus ouvrant droit au versement libératoire de l’impôt sur le revenu pour les travailleurs indépendants ayant opté pour le régime micro-social simplifié ;

– les avantages résultant des attributions gratuites d’actions, des gains de levée d’options sur titre et des distributions sous forme de « carried interest » qui n’ont pas été soumis, pour les deux premiers revenus, à la contribution salariale mentionnée à l’article L. 137-14 du code de la sécurité sociale et, pour le troisième, à la contribution prévue à l’article L. 137-18 du même code.

Par ailleurs, les plus-values et moins-values professionnelles à long terme sont exclues du champ de la contribution, tandis que les éventuels déficits antérieurs ne sont pas pris en compte.

Il en va de même de certaines modalités particulières d’imposition explicitement écartées pour l’appréciation du montant des revenus d’activité assujettis à la contribution, à l’instar du régime de la moyenne triennale applicable aux bénéfices agricoles ou du régime de déduction de la moyenne des recettes de l’année d’imposition et des deux années précédentes, de la moyenne des dépenses de ces mêmes années applicables aux bénéfices provenant de la production littéraire, scientifique, artistique ou de la pratique d’un sport (cette disposition s’applique également pour la détermination des salaires imposables des artistes du spectacle et des sportifs).

Le traitement des éléments de rémunération particuliers

 Les gains de levée d’options sur titre et les avantages résultant d’attributions gratuites d’actions

En application de l’article L. 137-14 du CSS (code de la sécurité sociale), les bénéficiaires de stock-options et d’attributions gratuites d’actions sont redevables d’une contribution salariale assise sur le montant des avantages définis aux articles 6 et 6 bis de l’article 200 A du code général des impôts, soit :

– les gains de levée d’options au titre des stock-options définis au titre de l’article 80 bis du même code comme l'avantage correspondant à la différence entre la valeur réelle de l'action à la date de levée d'une option et le prix de souscription ou d'achat de cette action, diminuée le cas échéant du rabais excédentaire ;

– les gains d’acquisition des actions attribuées gratuitement, c’est-à-dire leur valeur à la date d’acquisition.

Le taux de cette contribution est fixé à 10 % au titre des actions attribuées à compter du 16 octobre 2007 et cédées postérieurement à l’entrée en vigueur de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 (58).

En l’absence de dispositions spécifiques à l’application de la contribution exceptionnelle de solidarité, le taux d’imposition global acquitté sur ces revenus aurait été de 45 % au titre de l’impôt sur le revenu, de 15,5 % au titre des prélèvements sociaux, de 10 % au titre de la contribution salariale, de 4 % au titre au titre de la contribution RFR et de 18 % au titre de la présente contribution de solidarité, soit un taux marginal global d’imposition de 92,5 %.

Une mesure de coordination est prévue de sorte que les gains ou avantages assujettis à la contribution salariale de 10 % résultant de stock-options ou actions gratuites attribuées après le 16 octobre 2007 ne soient pas retenus dans l’assiette de la contribution, le taux marginal d’imposition qui leur est appliqué atteignant d’ores et déjà 74,5 %.

Les gains ou avantages attribués avant cette date seront en revanche imposés à un taux marginal global moyen élevé, à hauteur de 82,5 % (soit 45 % d’impôt sur le revenu, 15,5 % de prélèvements sociaux, 4 % de contribution RFR et 18 % de contribution exceptionnelle de solidarité).

 Les distributions de « carried interests »

Les distributions et gains nets imposables selon le régime des traitements et salaires sont soumis à une contribution sociale salariale spécifique de 30 % pour ceux afférents aux fonds communs de placement à risques créés à compter du 1er janvier 2010 et aux actions et droits émis à compter de la même date pour les sociétés de capital-risque et les entités assimilées.

Afin de respecter le seuil de 75 % de taux marginal d’imposition, le présent article prévoit également de n’assujettir à la contribution que les distributions ou gains qui n’auraient pas été soumis à la contribution salariale.

Toutefois, cette contribution est supprimée à l’article 14 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 et, par conséquent, cette disposition particulière peut être supprimée par coordination puisque désormais ces éléments de rémunérations seront traités comme des salaires au regard des prélèvements sociaux.

3.– Le taux de la contribution

Le taux de la contribution tend à assurer que le taux marginal global d’imposition de la fraction des revenus d’activité dépassant le seuil de 1 000 000 euros par personne physique soit de 75 %, conformément aux engagements du Président de la République.

Ce taux supérieur doit donc être de 18 %, de façon que, cumulé aux 45 % de taux marginal à l’impôt sur le revenu, aux 8 % de prélèvements sociaux et aux 4 % de taux marginal de la contribution sur le RFR, le taux marginal global d’imposition atteigne bien 75 %.

Toutefois, ce taux marginal d’imposition est supérieur au taux moyen d’imposition appliqué du fait des modalités particulières de calcul de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux. Le taux moyen d’imposition est en effet minoré du fait de la déductibilité d’une fraction de 5,1 % de la CSG acquittée de l’assiette soumise au barème de l’impôt sur le revenu et de la déduction des frais professionnels retenus pour un montant forfaitaire ou pour leur montant réel.

Exemple : un contribuable célibataire dont le revenu d’activité brut de prélèvements sociaux est de 1 200 000 euros s’acquittera de :

– 89 809 euros au titre de la CSG (sur une assiette nette de frais professionnels de 1 197 454 euros) ;

– 5 988 euros au titre de la CRDS (sur la même assiette que celle de la CSG) ;

– 446 755 euros au titre de l’impôt sur le revenu (sur une assiette nette de CSG déductible et de frais professionnels de 1 122 227 euros) ;

– 32 389 euros au titre de la contribution exceptionnelle sur le RFR (qui, en l’absence d’autres revenus, s’applique au revenu d’activité net de frais professionnel) ;

– 202 000 euros au titre de la contribution exceptionnelle de solidarité (appliquée au revenu d’activité net imposable).

Le montant total d’imposition de ce contribuable au titre de son revenu d’activité est donc de 776 941 euros et son taux moyen d’imposition de 65 % au regard de son montant de rémunération brut de prélèvements sociaux. En l’absence de contribution exceptionnelle, son taux moyen d’imposition aurait été de 47,9 %. La contribution majore donc de 17,1 points son taux moyen d’imposition, et non de 16 %.

II.– LES EFFETS DE LA NOUVELLE CONTRIBUTION

1.– Les majorations d’impôt attendues

Les personnes physiques concernées par la contribution exceptionnelle s’acquitteront d’un montant moyen d’imposition supplémentaire de 139 579 euros au titre d’une fraction de revenu imposable moyenne de 775 440 euros. Le tableau ci-dessous présente une évaluation prudente de l’effet de la contribution sur les redevables concernés en excluant les gains de levée d’options qui ne sont pas individualisables sur le fondement des données dont dispose l’administration fiscale.

PRÉSENTATION DU RENDEMENT DE LA CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE DE SOLIDARITÉ PAR CONTRIBUABLE RÉPARTIS PAR DÉCILE DE RFR.

Quantile

Borne inférieure de RFR

Gain budgétaire

Montant moyen
de contribution exceptionnelle
de solidarité

Assiette moyenne
de la contribution exceptionnelle
de solidarité

1

-

3 025 308 €

22 083 €

122 681 €

2

1 094 762 €

2 605 185 €

19 016 €

105 644 €

3

1 174 347 €

4 250 939 €

31 029 €

172 382 €

4

1 280 116 €

6 172 609 €

45 056 €

250 308 €

5

1 392 725 €

9 033 587 €

65 939 €

366 325 €

6

1 571 962 €

12 641 363 €

92 273 €

512 626 €

7

1 763 872 €

16 346 641 €

119 319 €

662 881 €

8

2 051 186 €

23 333 989 €

170 321 €

946 228 €

9

2 449 440 €

34 695 237 €

253 250 €

1 406 944 €

10

3 529 192 €

78 979 090 €

580 729 €

3 226 270 €

 

 

191 083 948 €

139 579 €

775 440 €

Source : Direction de la législation fiscale, revenus 2010

Si les gains de levée d’option étaient pris en compte sans être individualisées, le montant de contribution exceptionnelle acquitté par les contribuables concernés se répartirait comme suit :

PRÉSENTATION DU RENDEMENT DE LA CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE DE SOLIDARITÉ PAR CONTRIBUABLE RÉPARTIS PAR DÉCILE DE RFR, GAINS DE LEVÉE D’OPTION COMPRIS

Quantile

Borne inférieure de RFR

Gain budgétaire

Montant moyen de contribution exceptionnelle de solidarité

Assiette moyenne de la contribution exceptionnelle de solidarité

1

-

3 146 958 €

20 841 €

115 782 €

2

1 092 278 €

2 841 265 €

18 816 €

104 535 €

3

1 173 429 €

4 441 936 €

29 417 €

163 427 €

4

1 276 081 €

6 672 197 €

44 187 €

245 482 €

5

1 386 303 €

9 857 373 €

65 281 €

362 670 €

6

1 564 439 €

13 638 881 €

90 324 €

501 798 €

7

1 757 756 €

18 162 425 €

120 281 €

668 227 €

8

2 038 315 €

26 233 149 €

173 729 €

965 164 €

9

2 427 640 €

38 738 422 €

258 256 €

1 434 757 €

10

3 494 805 €

118 879 403 €

792 529 €

4 402 941 €

 

TOTAL

242 612 009 €

160 883 €

893 769 €

Par ailleurs, ces redevables seront également soumis à l’introduction de la nouvelle tranche à 45 % du barème progressif de l’impôt sur le revenu prévue par l’article 3 du présent projet de loi de finances. Le graphique suivant permet d’apprécier le cumul des hausses d’imposition qu’ils connaîtront du fait de ces deux mesures. On constate ainsi que l’effort contributif supplémentaire demandé spécifiquement à cette catégorie de personnes est sensible.

2.– Le rendement attendu

Le rendement de la contribution exceptionnelle de solidarité est estimé à 210 millions d’euros en 2013 et en 2014 au titre de l’imposition des revenus de 2012 et de 2013. Ce rendement représente la moyenne du rendement des deux hypothèses présentées précédemment.

*

* *

La Commission examine l’amendement I-CF 32 de M. Hervé Mariton, tendant à supprimer l’article.

M. Hervé Mariton. Nous voudrions être rassurés sur la nature réellement exceptionnelle de cette contribution qui porte le niveau d’imposition à un niveau tout à fait considérable. Le Gouvernement a parlé de deux ans. Qu’en pensez-vous, monsieur le rapporteur général ? Est-il par ailleurs bien raisonnable de créer pareille distorsion entre les revenus d’activité et les revenus du patrimoine ?

M. le rapporteur général. Oui, il y a une raison, car il s’agit de dissuader le versement de rémunérations pharaoniques. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement I-CF 97 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Comment justifier que les revenus d’activité supérieurs à 1 million soient frappés de cette taxe exceptionnelle, et non les revenus du patrimoine d’un montant équivalent ? Pourquoi une telle distinction alors que vous ne cessez, au fil des articles, de l’atténuer ? N’y a-t-il pas un risque de rupture d’égalité ?

M. le rapporteur général. Il s’agit d’une contribution exceptionnelle qui vise les revenus d’activité extravagants. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement I-CF 178 de M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Même si le cas de figure est marginal, il faudrait inclure dans l’assiette de la contribution exceptionnelle les allocations chômage et de préretraite car il n’y a pas lieu de les distinguer des salaires.

M. le rapporteur général. Vous l’avez dit vous-même, le risque est quasiment nul. Défavorable.

M. Jean-Louis Gagnaire. Raison de plus !

M. Marc Le Fur. Sait-on quel sera le nombre de contribuables concernés ? Leur profession ?

M. le rapporteur général. On parle de 1 500 personnes. Vous trouverez des précisions dans mon rapport, mais il n’est pas possible d’aller plus loin à ce stade.

M. Jean-Louis Gagnaire. Un contribuable approchant du seuil d’imposition peut mettre en œuvre des stratégies d’évitement.

M. le président Gilles Carrez. Notamment en substituant les dividendes au salaire. Dans ce cas, il ne sera plus imposé qu’à 45 %.

M. Hervé Mariton. Cette contribution étant assise sur les salaires individuels, la femme, ou le mari au foyer dont le conjoint gagne plus de 1 million d’euros sera moins bien traité que deux époux gagnant chacun 999 999 euros. C’est absurde.

M. le rapporteur général. Deux revenus importants, ce n’est pas la même chose qu’un revenu extravagant !

Mme Sandrine Mazetier. Le taux d’activité féminine est, en France, l’un des plus élevés d’Europe, ce qui a sans doute un lien avec notre excellente démographie. J’approuve donc des dispositions fiscales qui incitent les deux conjoints à travailler.

L’amendement est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement I-CF 198 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Les « Pigeons » avaient raison sur un point : compte tenu de l’assujettissement des « carried interests » aux prélèvements sociaux au taux de 15,5 %, applicable aux revenus du capital, la contribution exceptionnelle pouvait atteindre 82,5 %. Mon amendement prévoit l’application d’un taux dérogatoire de 10,5 % sur ces revenus au lieu de 18 %, afin d’éviter que l’ensemble des revenus d’activité professionnelle ne soit imposé à un taux marginal supérieur à 75 %. Il introduit également différentes mesures de coordination.

M. le président Gilles Carrez. Les « carried interests » sont-ils les seuls revenus soumis au prélèvement social de 15,5 % ?

M. le rapporteur général. Non, les stock-options et les attributions gratuites le sont également.

M. Olivier Carré. De fait, l’article 7 requalifie en salaires et traitements les levées de stock-options.

M. le président Gilles Carrez. D’où cet amendement de coordination, qui plafonne le taux d’imposition à 75 %, tous prélèvements confondus.

La Commission adopte l’amendement (Amendement n° I–77).

Puis elle adopte l’article 8 ainsi modifié.

*

* *

Article 9

Réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune

Texte du projet de loi :

I.– Le code général des impôts est ainsi modifié :

A.– Au premier alinéa de l’article 885 A, les mots : « la limite de la première tranche du tarif fixé à l’article 885 U » sont remplacés par le montant : « 1 310 000 € ».

B.– La section II du chapitre I bis du titre IV de la première partie du livre premier est complétée par un article 885 G quater ainsi rédigé :

« Art. 885 G quater.– Les dettes contractées par le redevable pour l’acquisition ou dans l’intérêt de biens qui ne sont pas pris en compte pour l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune dû par l’intéressé ou qui en sont exonérés ne sont pas imputables sur la valeur des biens taxables. Le cas échéant, elles sont imputables à concurrence de la fraction de la valeur de ces biens qui n’est pas exonérée. »

C.– L’article 885 O ter est ainsi rédigé :

« Art. 885 O ter.– Les éléments du patrimoine social non nécessaires à l'activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de la société ne sont pas considérés comme des biens professionnels et doivent être compris, pour leurs valeurs au 1er janvier de l’année d’imposition, dans le patrimoine du ou des propriétaires des parts ou actions à concurrence du pourcentage détenu dans ladite société.

« Cette règle s’applique quel que soit le nombre de niveaux d’interposition entre la société et les biens non nécessaires à son activité. »

D.– L’article 885 U est ainsi rédigé : 

« Art 885 U.– 1. Le tarif de l’impôt est fixé à :

Fraction de la valeur nette taxable du patrimoine

Tarif applicable (en %)

N’excédant pas 800 000 €

Supérieure à 800 000 € et inférieure ou égale à 1 310 000 €

Supérieure à 1 310 000 € et inférieure ou égale à 2 570 000 €

Supérieure à 2 570 000 € et inférieure ou égale à 5 000 000 €

Supérieure à 5 000 000 € et inférieure ou égale à 10 000 000 €

Supérieure à 10 000 000 €

0

0,50

0,70

1

1,25

1,50

« 2. Pour les redevables dont le patrimoine a une valeur nette taxable égale ou supérieure à 1 310 000 € et inférieure à 1 410 000 €, le montant de l’impôt calculé selon le tarif prévu au tableau du 1 est réduit d’une somme égale à 17 977,5 € – 1,275 % P, où P est la valeur nette taxable du patrimoine.

E.– L’article 885 V bis est ainsi rétabli :

« Art. 885 V bis.– I. – L’impôt de solidarité sur la fortune du redevable ayant son domicile fiscal en France est réduit de la différence entre, d’une part, le total de cet impôt et des impôts dus en France et à l’étranger au titre des revenus et produits de l'année précédente, calculés avant imputation des seuls crédits d'impôt représentatifs d’une imposition acquittée à l’étranger et des retenues non libératoires, et, d'autre part, 75 % du total des revenus mondiaux nets de frais professionnels de l'année précédente, après déduction des seuls déficits catégoriels dont l'imputation est autorisée par l'article 156, ainsi que des revenus exonérés d'impôt sur le revenu et des produits soumis à un prélèvement libératoire réalisés au cours de la même année en France ou hors de France.

« II.– Pour l’application du I, sont également regardés comme des revenus réalisés au cours de la même année en France ou hors de France :

« 1° Les intérêts des plans d’épargne-logement, pour le montant retenu au c du 2° du II de l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale ;

« 2° La variation de la valeur de rachat des bons ou contrats de capitalisation, des placements de même nature, notamment des contrats d'assurance-vie, ainsi que des instruments financiers de toute nature visant à capitaliser des revenus, souscrits auprès d’entreprises établies en France ou hors de France, entre le 1er janvier et le 31 décembre de l’année précédente, nette des versements et des rachats opérés entre ces mêmes dates ;

« 3° Les produits capitalisés dans les trusts définis à l’article 792-0 bis entre le 1er janvier et le 31 décembre de l’année précédente ;

« 4° Pour les porteurs de parts ou d’actions d’une société passible de l’impôt sur les sociétés, et à proportion des droits du redevable dans les bénéfices de la société, le bénéfice distribuable, au sens de l’article L. 232-11 du code de commerce, du dernier exercice clos entre le 1er janvier et le 31 décembre de l’année précédente, minoré du report bénéficiaire mentionné à ce même article et majoré des sommes à porter en réserve en application des statuts et des charges exposées au profit des porteurs. Les distributions se rapportant à des bénéfices pris en compte pour l'application du présent 4° ne sont pas prises en compte pour l'application du I.

« L’alinéa précédent s’applique lorsque les droits détenus dans les bénéfices de la société directement ou indirectement par le redevable avec son conjoint ou par des concubins notoires, leurs ascendants et leurs descendants ainsi que leurs frères et sœurs ont dépassé ensemble 25 % de ces bénéfices à un moment quelconque au cours des cinq dernières années ;

« 5° Les plus-values ayant donné lieu à sursis d’imposition, au titre de l’année de l’opération ayant donné lieu au sursis ainsi que les gains nets placés en report d’imposition.

« III.- Les revenus et produits mentionnés aux 1° à 5° du II sont pris en compte sous déduction des mêmes revenus et produits déjà retenus pour l’application du présent article au titre des années antérieures en application des mêmes 1° à 5° du II. Cette disposition s’applique de la même façon lors du dénouement des contrats mentionnés au 2° du II.

« Le 4° du II ne s’applique pas au bénéfice de sociétés exerçant de manière prépondérante une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

« Les plus-values, y compris celles mentionnées au 5° du II, ainsi que tous les revenus sont déterminés sans considération des exonérations, seuils, réductions et abattements prévus par le présent code, à l'exception de ceux représentatifs de frais professionnels.

« Lorsque l’impôt sur le revenu a frappé des revenus de personnes dont les biens n’entrent pas dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune, il est réduit suivant le pourcentage du revenu de ces personnes par rapport au revenu total. »

F.– Le 2 du I de l’article 885 W est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « comprise dans les limites de la deuxième ligne de la première colonne du tableau du 1 du I de l’article 885 U » sont remplacés par les mots : « inférieure à 3 000 000 € » et après le mot : « mentionnent », il est inséré les mots : « la valeur brute et » ;

2° Au second alinéa, après les mots : « La valeur », il est inséré les mots : « brute et la valeur » et les mots : « est portée » sont remplacés par les mots : « sont portées ».

G.– Au I de l’article 990 J, les mots : « du I » sont supprimés.

H.– Au 1 du IV de l’article 1727, il est inséré un troisième alinéa ainsi rédigé :

« En matière d’impôt de solidarité sur la fortune, le point de départ de calcul de l’intérêt de retard est le 1er juillet de l’année au titre de laquelle l’imposition est établie si le redevable est tenu à l’obligation déclarative prévue au premier alinéa du 2 du I de l’article 885 W. »

II.– S’agissant de l’impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l’année 2012, le point de départ du calcul de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du code général des impôts est le 1er décembre 2012 si le redevable est tenu à l’obligation déclarative prévue au premier alinéa du 2 du I de l’article 885 W du même code.

III.– Au IV de l’article 1er de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, il est inséré un 4° ainsi rédigé :

« 4° Par dérogation au III du présent article, le a et le b du 1° du II et le 3° du II du présent article s’appliquent pour le contrôle de l’impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l’année 2011. Pour l’application de cette disposition, les redevables mentionnés au 2 du I de l’article 885 W sont ceux dont le patrimoine est compris entre 1 300 000 € et 3 000 000 € et qui se sont acquittés de leur obligation déclarative. »

IV.– Les dispositions du I s’appliquent à l’impôt de solidarité sur la fortune dû à compter de l’année 2013.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article rétablit, à partir de l’année 2013, l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) à un niveau proche de celui qui était applicable en 2011, avant la réforme votée par la précédente majorité qui devait s’appliquer en 2012. Il s’agit de la traduction d’un des soixante engagements du Président de la République pendant la campagne présidentielle : « Je reviendrai sur les allégements de l’impôt sur la fortune institués en 2011 par la droite, en relevant les taux d’imposition des plus gros patrimoines ».

Le rendement de l’ISF est estimé par le fascicule des voies et moyens annexé au présent projet de loi de finances à 4,321 milliards d'euros en 2011, 5,175 milliards d'euros en 2012 (dont 2,3 milliards d'euros au titre de la contribution exceptionnelle votée dans le cadre de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 en août dernier) et 4,074 milliards d'euros en 2013 avec la mise en œuvre du nouveau barème.

Par rapport à l’ISF 2012 (sans tenir compte de la contribution exceptionnelle), le rendement budgétaire du présent article est estimé à 1,199 milliard d'euros.

1.– Les nombreuses évolutions successives de l’ISF

L’histoire du régime d’imposition spécifique de la détention du patrimoine se caractérise par de nombreuses modifications successives.

La loi de finances pour 1982 a institué un impôt sur les grandes fortunes (IGF), afin de taxer spécifiquement la capacité contributive que confère la détention d'un patrimoine.

Les personnes physiques redevables de cet impôt étaient imposables sur l'ensemble des biens, droits et valeurs leur appartenant, ainsi que sur les biens appartenant à leur conjoint et à leurs enfants mineurs lorsqu'ils ont l'administration légale des biens de ceux-ci ; les concubins notoires étaient imposés comme les personnes mariées ; les personnes physiques fiscalement domiciliées à l’étranger étaient imposables au titre des seuls biens situés hors de France.

L’impôt était payé annuellement sur la base d’une déclaration effectuée au plus tard le 15 juin, évaluant le patrimoine détenu au 1er janvier. Les biens professionnels ainsi que les œuvres d’art étaient exonérés. L’IGF taxait les patrimoines supérieurs à 3 millions de francs (soit 457 347 euros courants ou 951 810 euros constants 2011), selon un barème progressif à quatre tranches :

– 0 % en-deçà de 3 millions de francs ;

– 0,5 % entre 3 et 5 millions de francs ;

– 1 % entre 5 et 10 millions de francs ;

– et 1,5 % au-delà de 10 millions de francs.

La loi de finances rectificative du 11 juillet 1986 a supprimé l’IGF à partir du 1er janvier 1987. Mais la loi de finances pour 1989 a rétabli une imposition équivalente à l’IGF, sous le nouvel intitulé d’un impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

Le seuil de patrimoine conduisant à un assujettissement à l’impôt a été fixé à 4 millions de francs (609 796 euros courants ou 904 000 euros constants 2011), avec un barème progressif à cinq tranches :

– 0 % en-deçà de 4 millions de francs ;

– 0,5 % entre 4 et 6,5 millions de francs ;

– 0,7 % entre 6,5 et 12,9 millions de francs ;

– 0,9 % entre 12,9 et 20 millions de francs ;

– et 1,1 % au-delà de 20 millions de francs.

Un système de plafonnement (plafonnement dit « Rocard ») a été mis en place corrélativement, permettant de limiter le montant de l’ISF à acquitter lorsque le montant cumulé de l’ISF et de l’impôt sur le revenu dépassait 70 % de l’ensemble des revenus.

La loi de finances pour 1990 a porté à 1,2 % le taux de la cinquième tranche du barème de l’ISF et instauré une sixième tranche à 1,5 % pour les patrimoines supérieurs à 40 millions de francs.

La loi de finances pour 1991 a porté à 85 % le montant du plafonnement des impositions dues par rapport au revenu (plafonnement dit « Bérégovoy »).

La loi de finances rectificative du 4 août 1995 a prévu une majoration de 10 % du montant des cotisations d’ISF dues.

La loi de finances pour 1996 a instauré un mécanisme de limitation du plafonnement (« plafonnement du plafonnement » dit « Juppé »), limitant pour les assujettis dont le patrimoine dépassait la limite supérieure de la troisième tranche du barème (soit alors 14,9 millions de francs) la réduction d’ISF résultant du plafonnement Bérégovoy à 50 % du montant de la cotisation d’ISF à acquitter ou au montant de l’impôt correspondant à un patrimoine taxable égal à la limite supérieure de la troisième tranche du barème si ce dernier montant était supérieur au précédent.

La loi de finances pour 1999 a intégré dans le barème la majoration de 10 % (d’où le nouveau barème suivant : 0 % ; 0,55 %, 0,75 %, 1 %, 1,3 %, 1,65 %) et créé une septième tranche marginale au taux de 1,8 % pour la fraction du patrimoine taxable excédant 100 millions de francs (15 millions d'euros). Elle a également prévu un abattement de 20 % sur la valeur vénale de la résidence principale.

La loi de finances pour 2005 a porté de 720 000 euros à 732 000 euros le seuil d'imposition à l'ISF et prévu que les limites des tranches du barème de l'ISF seraient désormais revalorisées automatiquement chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu. Le seuil d’imposition qui devait en résulter pour l’ISF 2011 était de 800 000 euros de patrimoine net.

La loi relative au travail, à l’emploi et au pouvoir d’achat, dite « TEPA », du 21 août 2007 a porté à 30 % l’abattement sur la valeur vénale de la résidence principale pour la détermination de l’assiette de l’ISF. Elle a aussi instauré une réduction d’impôt de 75 % pour l’investissement dans les PME (dont le taux a été réduit à 50 % en 2011), ainsi qu’une réduction d’impôt de 75 % des dons effectués au profit de certains organismes d'intérêt général (dans une limite annuelle de 50 000 euros, réduite à 45 000 euros en 2011).

La première loi de finances rectificative pour 2011 a réformé l’ISF et supprimé son plafonnement. Ont ainsi été modifiés :

– le seuil d'imposition, qui a été porté dès l'ISF dû au titre de l'année 2011 de 800 000 euros à 1,3 million d'euros ;

– le barème progressif, qui prévoyait une taxation dès le premier euro au taux de 0,25 % pour les patrimoines nets taxables égaux ou supérieurs à 1,3 million d'euros et inférieurs à 3 millions d'euros et au taux de 0,5 % pour les patrimoines égaux ou supérieurs à 3 millions d'euros. En outre, un mécanisme de décote a été prévu afin d'éviter les effets de seuil liés à la taxation du patrimoine net imposable au premier euro. Ainsi, un lissage était opéré pour les patrimoines nets taxables à l’entrée du barème, compris entre 1,3 et 1,4 million d'euros, puis pour ceux compris entre 3 et 3,2 millions d'euros ;

– le montant de la réduction d'impôt pour personne à charge, dont le montant a été porté de 150 à 300 euros et qui a été étendu à toute personne dont le contribuable assure la charge d'entretien à titre exclusif ou principal ;

– le régime d’exonération des biens professionnels, en assouplissant les règles applicables en cas de pluriactivité et en supprimant la référence aux droits financiers pour l'appréciation du seuil minimal de détention de 25 % ;

– les modalités déclaratives et de recouvrement des redevables de l'ISF dont le patrimoine net taxable est compris entre 1,3 et 3 millions d'euros, dont le montant du patrimoine taxable devait être déclaré conjointement avec la déclaration des revenus. Pour ces redevables, l'ISF était désormais recouvré par voie de rôle, distinct de celui de l'impôt sur le revenu, et pouvait, sur option des redevables concernés, donner lieu à des prélèvements mensuels.

Mis à part la modification du seuil d’assujettissement à l’ISF qui était d’application immédiate, cet « ISF light » devait s’appliquer à compter de l’année 2012. La nouvelle majorité parlementaire a toutefois souhaité que cette réforme ne soit pas mise en œuvre. Conformément à l’engagement du Président de la République et dans un souci de justice fiscale, l’ISF payé en 2012 doit être équivalent à celui payé en 2011.

Pour atteindre cet objectif, la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 a instauré une contribution exceptionnelle sur la fortune au titre de l’année 2012, calculée selon le barème de l’ISF 2011, sur laquelle s’imputent les montants déjà payés au titre de l’ISF 2012. Le résultat finalement recouvré sera donc celui correspondant à un ISF au barème 2011.

La deuxième loi de finances rectificative pour 2012 n’a donc conservé de la première loi de finances rectificative pour 2011, en ce qui concerne l’ISF, que la disposition portant le seuil d’exonération de 800 000 euros à 1,3 million d'euros ainsi que les nouvelles modalités de recouvrement de l’impôt. En revanche, le nouveau barème à deux taux moyens, qui est très peu progressif et aboutit à un allègement substantiel de l’imposition frappant les plus hauts patrimoines, a été de facto supprimé.

Le présent article rétablit à titre permanent les caractéristiques de l’ISF d’avant 2012.

2.– Le rétablissement d’un barème progressif de l’ISF

Le D du I du présent article modifie l’article 885 U du code général des impôts pour rétablir un barème progressif de l’ISF à six tranches.

BARÈME DE L’ISF 2011

Fraction de la valeur nette taxable du patrimoine (en euros)

Taux (en %)

N’excédant pas 800 000

0

Supérieure à 800 000 et inférieure ou égale à 1 310 000

0,55

Supérieure à 1 310 000 et inférieure ou égale à 2 570 000

0,75

Supérieure à 2 570 000 et inférieure ou égale à 4 040 000

1

Supérieure à 4 040 000 et inférieure ou égale à 7 710 000

1,3

Supérieure à 7 710 000 et inférieure ou égale à 16 790 000

1,65

Supérieure à 16 790 000

1,8

BARÈME DE L’ISF 2012

Valeur nette taxable du patrimoine (en euros)

Taux (en %)

Égale ou supérieure à 1 300 000 et inférieure à 3 000 000

0,25

Égale ou supérieure à 3 000 000

0,5

BARÈME DE L’ISF 2013

Fraction de la valeur nette taxable du patrimoine (en euros)

Taux (en %)

N’excédant pas 800 000

0

Supérieure à 800 000 et inférieure ou égale à 1 310 000

0,5

Supérieure à 1 310 000 et inférieure ou égale à 2 570 000

0,7

Supérieure à 2 570 000 et inférieure ou égale à 5 000 000

1

Supérieure à 5 000 000 et inférieure ou égale à 10 000 000

1,25

Supérieure à 10 00 000

1,5

ÉVOLUTION DES TAUX DES TRANCHES DU BARÈME DE L’IGF PUIS DE L’ISF (en %)

1982-1984

1985-1986

1989

1990-1998

1999-2011/2012

2013

0

0

0

0

0

0

0,5

0,5

0,5

0,5

0,55

0,5

1

1

0,7

0,7

0,75

0,7

1,5

1,5

0,9

0,9

1

1

 

2

1,1

1,2

1,3

1,25

     

1,5

1,65

1,5

       

1,8

 

La septième tranche de l’ISF, qui avait été instaurée par la loi de finances pour 1999, n’est pas rétablie. On rappellera à cet égard que dans sa décision n° 98-405 DC du 29 décembre 1998 sur cette loi de finances, le Conseil constitutionnel avait jugé conforme à la Constitution l’augmentation à 1,8 % du taux marginal de l’ISF en constatant « qu'un tel taux prend en compte les facultés contributives des citoyens concernés » et qu’« il n'a pas pour conséquence, par ses effets sur le patrimoine de ces contribuables, de porter atteinte à leur droit de propriété ».

Le taux proposé pour la tranche marginale supérieure, qui s’appliquera au-delà de 10 millions d'euros de patrimoine, est celui qui avait été retenu lors de la création de l’IGF en 1982 et pour l’ISF par la loi de finances pour 1990, à savoir 1,5 % (59). La structure générale du barème est dans l’ensemble très proche de celle qui s’est appliquée entre 1990 et 1998.

Le A du I du présent article modifie l’article 885 A du code général des impôts pour maintenir l’exonération d’ISF applicable aux contribuables relevant des deux premières tranches d’imposition (jusqu’à 1,31 million d'euros), qui a été instaurée par la première loi de finances rectificative pour 2011. Cette exonération se justifie pleinement au regard de l’objectif de justice fiscale recherché par le Gouvernement. En effet, les contribuables concernés ne participaient que faiblement au rendement de l’ISF, avec moins de 10 % de ses recettes, alors qu’ils avaient toujours représenté numériquement une part importante des assujettis. L’évolution du marché immobilier depuis le début des années 2000 avait en effet eu pour conséquence de faire entrer dans cette tranche d’imposition un grand nombre de contribuables, certes très aisés mais dont il serait difficile d’affirmer qu’ils possédaient une fortune du seul fait qu’ils étaient propriétaires de leur résidence principale. Entre 2000 et 2010, le nombre des assujettis de cette tranche est ainsi passé de 113 209 à 310 707. On peut toutefois s’interroger sur le seuil d’entrée retenu, à 1 310 000 euros, alors que tant l’ISF 2011 (pourtant calculé sur un barème avec une deuxième tranche à 1 310 000 euros) que l’ISF 2012 et la contribution exceptionnelle sur la fortune au titre de l’année 2012 avaient un seuil d’entrée à 1 300 000 euros.

Le système de décote qui avait été introduit par la première loi de finances rectificative pour 2011 pour l’entrée dans le barème est pour sa part maintenu. Le mécanisme de lissage du montant de l’impôt à acquitter pour les patrimoines compris entre 1,31 et 1,41 million d’euros vise à limiter le montant de l’ISF dû en raison du passage immédiat dans la troisième tranche à 0,7 %. La réduction de l’impôt est égale à 17 977,50 euros moins 1,275 % fois la valeur nette taxable du patrimoine. Grâce à cette décote, l’entrée dans l’ISF se fait en devant acquitter, non pas un impôt de 2 550 euros, mais un montant réduit de moitié, à 1 275 euros. La décote rejoint l’imposition de droit commun de l’ISF pour un patrimoine de 1,41 million d’euros, avec une cotisation de 3 250 euros.

L’article 885 U prévoit depuis 2004 une actualisation annuelle du barème, dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu. Compte tenu du gel du barème de l’impôt sur le revenu opéré par la dernière loi de finances rectificative pour 2011, les différentes tranches du barème de l’ISF n’ont pas à être revalorisées depuis 2011. Le principe de l’actualisation automatique est supprimé, comme cela a aussi été fait par la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 adoptée en août dernier en ce qui concerne les barèmes des droits de mutation à titre gratuit. Du fait de la désindexation du barème de l’ISF, 10 000 assujettis deviennent redevables et 1 800 redevables deviennent imposés à la tranche supérieure.

3.– Le rétablissement d’un plafonnement de l’ISF

Le mécanisme de plafonnement de l’ISF, qui était prévu à l’article 885 V bis du code général des impôts, permettait, lorsque le montant cumulé de l’ISF et des impôts dus en France et à l’étranger au titre des revenus de l’année précédente dépassait 85 % de l’ensemble des revenus du contribuable, de limiter le montant d’ISF à acquitter en en déduisant le montant de l’excédent d’imposition ainsi constaté.

Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1989 qui a instauré l’ISF, le Gouvernement avait proposé de fixer à 80 % la proportion de l’ensemble des revenus servant de référence pour le calcul du plafonnement, mais ce taux a été réduit à 70 % par l’adoption d’un amendement de la Commission des finances. La loi de finances pour 1991 a porté ce taux à 85 %. Les impositions à prendre en compte au titre du plafonnement ont toutefois été étendues aux prélèvements sociaux. Cet élargissement a été effectif à partir d’un arrêt du tribunal de grande instance de Paris du 15 novembre 1996 qui admettait cette inclusion. Celle-ci a été reprise par une instruction fiscale du 10 mai 1999.

Le législateur a toutefois souhaité limiter les effets du plafonnement, qui était détourné de son objet par certains contribuables susceptibles de faire baisser artificiellement leurs revenus pour maximiser le montant de l’imposition ainsi plafonné. À cet effet, la loi de finances pour 1996 a introduit un plafonnement du plafonnement, pour les assujettis dont le patrimoine dépassait la limite supérieure de la troisième tranche du barème d’imposition à l’ISF (aujourd’hui 2 570 000 euros).

En vertu de ce mécanisme, la réduction pouvant être opérée sur la cotisation d’ISF ne pouvait être supérieure, soit à 50 % du montant de la cotisation d’ISF brute à acquitter, soit au montant de l’impôt correspondant à un patrimoine taxable égal à la limite supérieure de la troisième tranche du barème (soit 12 255 euros pour le barème 2011) si ce montant était supérieur à 50 % de la cotisation d’ISF brute.

Dans sa décision n° 2010-99 QPC du 11 février 2011, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution le « plafonnement du plafonnement » de l’ISF en retenant qu'en limitant ainsi l'avantage tiré par les détenteurs des patrimoines les plus importants du plafonnement de l’ISF par rapport aux revenus, « le législateur a entendu faire obstacle à ce que ces contribuables n'aménagent leur situation en privilégiant la détention de biens qui ne procurent aucun revenu imposable ; qu'il a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les facultés contributives de ces contribuables ; que cette appréciation n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ».

La première loi de finances rectificative pour 2011 a supprimé le mécanisme de plafonnement, en contrepartie de l’institution d’un nouveau barème de l’ISF à deux taux moyens, mais réduits, au premier euro (0,25 % et 0,5 %). Dans sa décision n° 2011-638 DC du 28 juillet 2011, le Conseil constitutionnel a validé l’équilibre d’ensemble de cette réforme en estimant que « le législateur, en modifiant le barème de l’impôt de solidarité sur la fortune, a entendu éviter que la suppression concomitante du plafonnement prévu par l’article 885 V bis du code général des impôts et du droit à restitution des impositions directes en fonction du revenu prévu par les articles 1er et 1649 0 A du même code aboutisse à faire peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives ».

L’ISF dû au titre de 2012 n’est pas plafonné. La contribution exceptionnelle sur la fortune instituée au titre de l'année 2012 par la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 ne l’est pas non plus, pas plus que l’ensemble des deux. Dans sa décision n° 2012-654 DC du 9 août 2012, le Conseil constitutionnel a toutefois jugé conforme à la Constitution cette absence de plafonnement, considérant son caractère exceptionnel.

Le Conseil a en effet estimé qu’un mécanisme de plafonnement était indispensable pour ne pas entraîner de rupture de l'égalité devant les charges publiques, mais que la rupture d’égalité résultant de la contribution exceptionnelle non plafonnée était acceptable dès lors qu’elle était non renouvelable. En rétablissant un barème progressif à taux élevés pour l’ISF, le législateur ne peut donc pas faire l’économie du rétablissement d’un mécanisme de plafonnement.

Les motifs invoqués par le Conseil, qui doivent guider l’action du législateur, méritent d’être cités intégralement : « pour ne pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques, le législateur a, depuis la création de l'impôt de solidarité sur la fortune par la loi du 23 décembre 1988 susvisée, inclus dans le régime de celui-ci des règles de plafonnement qui ne procèdent pas d'un calcul impôt par impôt et qui limitent la somme de l'impôt de solidarité sur la fortune et des impôts dus au titre des revenus et produits de l'année précédente à une fraction totale des revenus nets de l'année précédente ; que, si, dans la loi du 29 juillet 2011 susvisée, le législateur a pu abroger, à compter de l'année 2012, l'article 885 V bis du code général des impôts relatif au plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune sans méconnaître la Constitution, c'est en raison de la forte baisse concomitante des taux de cet impôt ; que le législateur ne saurait établir un barème de l'impôt de solidarité sur la fortune tel que celui qui était en vigueur avant l'année 2012 sans l'assortir d'un dispositif de plafonnement ou produisant des effets équivalents destiné à éviter une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; Considérant, toutefois, que la loi de finances rectificative contestée met en œuvre, en cours d'année, de nouvelles orientations fiscales qui incluent, de manière non renouvelable, la création d'une contribution exceptionnelle sur la fortune exigible au titre de la seule année 2012 ; que cette contribution est établie après déduction de l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2012 ; qu'est déduit le montant brut de cet impôt sans remettre en cause les réductions imputées par le contribuable sur l'impôt de solidarité sur la fortune ; qu'en outre, le droit à restitution acquis en application des articles 1er et 1649-0 A du code général des impôts au titre des impositions afférentes aux revenus réalisés en 2010, en s'imputant sur l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2012 pour les contribuables redevables de cet impôt, produit ses effets sur la cotisation d'impôt de solidarité sur la fortune due en 2012 ; que, dans ces conditions, la rupture de l'égalité devant les charges publiques qui découle de l'absence de dispositif de plafonnement ou produisant des effets équivalents ne doit pas conduire à juger cette contribution exceptionnelle contraire à la Constitution ».

La Cour de cassation s’est aussi déjà prononcée sur la conventionalité de l’ISF, plus particulièrement sur sa compatibilité avec l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) qui garantit le droit au respect des biens. Sa chambre commerciale, financière et économique a été amenée à juger, dans tous les cas d’espèce dont elle a été saisie jusqu’à présent, que l’ISF n’était pas confiscatoire (25 janvier 2005, Imbert de Tremiolles ; 6 février 2007, Binet ; 26 février 2008, Vigneron ; 7 octobre 2008, Paillaud ; 4 mai 2010, Mirabel). Mais dans son raisonnement, la Cour prend bien soin de vérifier que le mécanisme de calcul de l'impôt de solidarité sur la fortune, avec son plafonnement, n’entraîne pas pour les contribuables concernés des prélèvements d’ISF et d'impôt sur le revenu qui seraient supérieurs aux revenus dont ils avaient disposé. À partir de ce constat, elle estime que la loi, notamment avec le système de plafonnement, maintient un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de la sauvegarde des droits de l'homme, et donc que l’ISF ne présente pas de caractère confiscatoire.

Le E du I du présent article rétablit donc l’article 885 V bis du code général des impôts qui avait été supprimé par la première loi de finances rectificative pour 2011, mais en modifiant certain des paramètres du plafonnement. Le champ des impositions globalement plafonné n’est pas modifié : il comprend l’ISF, l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux (implicitement (60)). Le taux du plafonnement est réduit à 75 %. Ce taux plus faible que celui applicable entre 1991 et 2011 se justifie par l’augmentation des revenus pris en compte pour calculer le plafonnement, ce qui a pour effet de limiter le montant du plafonnement. De ce fait également, il n’a pas paru nécessaire de rétablir un plafonnement du plafonnement.

Pour la détermination des revenus pris en compte, il est de nouveau fait référence aux revenus nets de frais professionnels de l'année précédente après déduction des seuls déficits catégoriels dont l'imputation est autorisée par l'article 156 du code général des impôts, ainsi qu’aux revenus exonérés d'impôt sur le revenu réalisés au cours de la même année en France ou hors de France et des produits soumis à un prélèvement libératoire.

La « base ressources » est toutefois élargie aux revenus capitalisés, quand bien même ils ne sont pas disponibles. Une approche similaire avait déjà été en partie retenue pour le calcul du dénominateur du bouclier fiscal en application du 6 de l’article 1649-0 A du code général des impôts. Il s’agit en effet d'éviter les effets d'aubaine pour les contribuables qui affichent peu de revenus mais détiennent pourtant des sommes conséquentes. Certains placements leur permettent de se constituer un revenu certain même s’il n’est pas disponible. En outre, ils peuvent bénéficier d’avances au travers de prêts adossés aux résultats, qui peuvent assurer le paiement de dépenses courantes.

Les revenus réputés réalisés pour le calcul du plafonnement sont listés au II de l’article 885 V bis. Il s’agit :

1° les intérêts des plans d’épargne-logement (PEL) lors de leur inscription en compte, pour les intérêts courus sur des plans de plus de dix ans ouverts avant le 1er mars 2011 et sur les plans ouverts à compter de cette date. Une disposition similaire existait pour le bouclier fiscal ;

2° les produits capitalisés au cours de l’année sur des bons de capitalisation et des contrats d’assurance-vie. Ces produits n’étaient pris en compte, pour le calcul du bouclier fiscal, qu’au titre des contrats en euros. Une instruction fiscale du 26 août 2008 avait bien tenté de tenir compte également des compartiments en euros des contrats multisupports mais elle a été annulée sur ce point pour défaut de base légale par une décision M. et Mme Nemo du 13 janvier 2010 du Conseil d’État statuant au contentieux. Ces compartiments en euros n’ont donc été pris en compte comme revenus réputés réalisés que par la loi de finances pour 2011, à l’initiative de la commission des Finances. Le texte du Gouvernement va encore plus loin puisqu’il ne différencie pas les types de contrats d’assurance-vie, de sorte que même les compartiments en unités de compte des contrats multisupports et les contrats en unités de compte seront aussi pris en compte ;

3° les produits capitalisés dans les trusts à l’étranger, tels qu’ils ont été définis à l’article 792-0 bis du code général des impôts par la première loi de finances rectificative pour 2011 pour leur imposition aux droits de mutation à titre gratuit ;

4° les bénéfices distribuables des sociétés passibles de l’impôt sur les sociétés qui n’exercent pas de manière prépondérante une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale et qui sont contrôlées à hauteur de 25 % au cours des cinq dernières années par le contribuable ou son cercle familial. Ces critères sont « décalqués » de ceux applicables pour l’exonération à l’ISF des biens professionnels. Il s’agit de contourner un des principaux moyens utilisés pour minorer les revenus pris en compte, avec la création de sociétés « fictives » dans lesquelles sont logés les dividendes. Il peut notamment s’agir de sociétés de gestion d’un patrimoine mobilier ou immobilier. Les sociétés de personne n’ont pas à être prises en compte en vertu du principe de transparence fiscale qui les régit. La part des bénéfices distribuables qui sera prise en compte dépendra de la proportion des droits du contribuable dans les bénéfices de la société. Les distributions réalisées ne seront pas comptabilisées comme des revenus, pour ne pas être comptés deux fois ;

5° les gains ou plus-values placés en sursis ou en report d’imposition, l’année de leur réalisation. Sont concernés à ce titre, d’une part, le report d’imposition, prévu par l’article 150-0 B bis, des gains retirés de l’apport d’une créance non exigible trouvant son origine dans une clause contractuelle de complément de prix de cession de valeurs mobilières en fonction d’une indexation en relation directe avec l’activité d’une société et, d’autre part, le sursis d’imposition, prévu par l’article 150-0 D bis, des plus-values de cession d’action sous condition de remploi.

Pour éviter qu’un même revenu ne soit pris en compte deux fois, lorsqu’il est réputé réalisé puis de nouveau lorsqu’il est effectivement perçu, le III de l’article 885 V bis prévoit que les revenus qui ont déjà été réputés réalisés sont déduits des revenus effectivement réalisés l’année de leur réalisation. En particulier, les produits capitalisés sur un contrat d’assurance-vie seront déduits lors du dénouement du contrat.

Lors de sa dernière année d’application en 2011, le plafonnement concernait 6 889 redevables de l’ISF et avait un coût brut de 772 millions d'euros et un coût net de 514 millions d'euros (avec le plafonnement du plafonnement). En 2013, le nombre de plafonnés devrait rester stable, à 6 881 redevables, et le coût du plafonnement serait de 667 millions d'euros (sans plafonnement du plafonnement). Le tableau suivant fournit la répartition des plafonnés au titre de l’ISF 2013 par tranche du nouveau barème.

Tranches de patrimoine net taxable

Nombre de foyers plafonnés

Montant moyen du plafonnement
(en euros)

Entre 1 310 000 e t 2 570 000 €

1 275

4 085

Entre 2 570 000 e t 5 000 000 €

1 469

11 761

Entre 5 000 000 e t 10 000 000 €

1 759

31 415

Au -delà de 10 000 000 €

2 378

247 793

T O T A L

6 881

96 933

4.– L’amélioration du contrôle et du recouvrement de l’ISF

Afin d’améliorer le contrôle et le recouvrement, et par suite le rendement de l’ISF, le présent article prévoit deux mesures d’assiette visant à éviter des comportements minorant artificiellement le patrimoine net taxable : une première mesure concernant les obligations déclaratives des contribuables et une seconde mesure concernant les pénalités.

Il faut enfin faire état d’une mesure transitoire concernant l’ISF 2011.

● Tout d’abord, le B du I du présent article crée un nouvel article 885 G quater pour préciser que les dettes afférentes à des biens non imposables ne peuvent pas venir en déduction du patrimoine taxable. Ainsi, à titre d’exemple, des prêts contractés pour acquérir des œuvres d’art ou des actions considérées comme biens professionnels ne pourront pas être déduits du patrimoine du contribuable. Une règle de prorata est prévue pour les biens seulement partiellement exonérés d’ISF.

Cette disposition constitue une mesure de clarification car, sur le fond, elle est pour l’essentiel déjà applicable à l’ISF. En effet, l’article 885 D prévoit l’application à l’ISF des règles d’assiette des droits de mutation par décès. Or l’article 769 indique que les dettes afférentes à des biens compris dans la succession mais exonérés des droits de mutation doivent être imputées en priorité sur la valeur des biens exonérés. Ce n’est qu’en cas d’excédent de la dette par rapport au patrimoine exonéré qu’elle est aujourd’hui déductible pour le calcul de l’ISF (on peut se référer sur ce point à la réponse ministérielle Mathieu, JO Q Sénat 2 avril 1998 p. 1055 n° 4868). Avec cette nouvelle disposition législative, un tel excédent éventuel ne sera plus déductible.

● Ensuite, le C du I du présent article modifie l’article 885 O ter du code général des impôts pour préciser que les éléments du patrimoine social qui ne sont pas nécessaires à l’activité d’une société détenue par le contribuable, directement ou indirectement, doivent être réintégrés dans son patrimoine taxable, à proportion de son pourcentage de détention.

L’objectif consiste à éviter des transferts abusifs dans le patrimoine de la société de biens du patrimoine non professionnel des actionnaires les plus importants. Mais il s’agit là aussi d’une simple clarification car l’article en cause prévoit déjà que seule la fraction de la valeur des parts ou actions de la société correspondant aux éléments de son patrimoine social nécessaires à son activité peut être exonérée au titre des biens professionnels : il s’agit de la même règle, mais écrite « en creux ».

Sur ce fondement, la Cour de cassation a ainsi déjà jugé, dans son arrêt DGI c/ Loheac du 6 mai 2008, que lorsqu'un bien, même inscrit à l'actif du bilan d'une entreprise, est affecté en partie à l'exploitation et se trouve, pour le surplus, mis à la disposition privative de l'exploitant, seule la fraction de ce bien nécessaire à l'exploitation peut être considérée comme un bien professionnel et que la partie mise à la disposition privative de l’exploitant constitue une créance taxable à l’ISF.

● En ce qui concerne les obligations déclaratives, le F du I du présent article modifie l’article 885 W du code général des impôts pour les contribuables dont le patrimoine net est inférieur à 3 millions d'euros.

Depuis la première loi de finances rectificative pour 2001, ces contribuables déclarent leur patrimoine net sur leur déclaration annuelle pour l’impôt sur le revenu et ne sont plus tenus de souscrire la déclaration spécifique d’ISF au 15 juin. Il n’est pas proposé de revenir sur cette mesure de simplification pour les contribuables, mais il est nécessaire pour l’administration de disposer d’éléments d’information suffisants pour élaborer son programme de contrôle fiscal au titre de l’ISF. La connaissance du patrimoine brut est indispensable pour estimer le montant des exonérations appliquées par les contribuables. Cette information devra donc désormais être fournie par les contribuables, ce qui constitue toutefois une charge faible puisqu’il s’agit d’une seule ligne supplémentaire à remplir sur la déclaration annuelle des revenus.

● Au titre des pénalités, le H du I du présent article complète l’article 1727 du code général des impôts afin de maintenir pour tous les redevables de l’ISF la date du 1er juillet comme point de départ du calcul de l’intérêt de retard. La règle de droit commun s’applique sans difficulté pour les contribuables dont le patrimoine est supérieur à 3 millions d'euros : ils doivent déclarer au 15 juin et l’intérêt de retard court à compter du premier jour du mois suivant. En revanche, pour les contribuables dont le patrimoine est inférieur à 3 millions d'euros, l'ISF est recouvré par voie de rôle, distinct de l'impôt sur le revenu. Le point de départ de l’intérêt de retard est donc en principe retardé après la date où, au dernier trimestre de l’année, le rôle devient exécutoire. Une règle spécifique doit donc être édicté les concernant (61).

● Enfin, le III du présent article prévoit que les dispositions de contrôle fiscal prévues par la première loi de finances rectificative pour 2011 qui concernent le contrôle de l’ISF 2012 sont rendues applicables au contrôle de l’ISF 2011. Une telle disposition ne saurait toutefois avoir d’effet rétroactif et ne pourra donc concerner que les contrôles engagés à compter de l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2013.

5.– Les conséquences pour les contribuables du nouveau barème de l’ISF

À la demande du Rapporteur général, la DGFiP a procédé à un certain nombre de simulations qui sont retracées ci-après.

Le tableau suivant ventile par tranche du barème les recettes d’ISF estimées en 2013.

Tranches de patrimoine net taxable

Nombres
de foyers

Montants ISF
(en M€)

Entre 1 310 000 ET 2 570 000 €

214 575

999

Entre 2 570 000 et 5 000 000 €

55 509

844

Entre 5 000 000 et 10 000 000 €

13 660

580

Au-delà de 10 000 000 €

4 913

822

TOTAL

288 657

3 245

La cotisation moyenne du nouvel ISF s’élèverait donc à 11 228 €.

Le tableau suivant ventile les redevables perdants, par rapport à l’ISF 2012 hors contribution exceptionnelle, par décile de RFR (revenu fiscal de référence).

Déciles de RFR
(en euros)

Nombre de foyers

Pertes ISF
(en millions d’euros)

<= 35 590

20 908

54

<= 52 570

20 912

49

<= 67 091

20 906

53

<= 81 700

20 909

57

<= 98 490

20 910

64

<=119 743

20 909

75

<= 150 841

20 905

89

<= 205 267

20 911

110

<= 342 143

20 908

153

> 342 143

20 909

428

TOTAL

209 087

1 132

Le tableau suivant ventile les redevables gagnants, par rapport à l’ISF 2012 hors contribution exceptionnelle, également par décile de RFR. L’avantage moyen serait de 2 852 € pour les 48 019 gagnants, représentant 17 % des foyers redevables de l’ISF.

Déciles de RFR
(en euros)

Nombre de foyers

Pertes ISF
(en millions d’euros)

<= 20 944

4 800

31

<= 35 563

4 804

12

<= 46 470

4 802

7

<= 56 432

4 801

6

<= 66 834

4 802

6

<= 78 948

4 802

7

<= 94 470

4 803

7

<= 118 807

4 801

9

<= 175 869

4 802

15

> 175 869

4 802

37

TOTAL

48 019

137

Le tableau suivant ventile par déciles de patrimoine l’évolution du montant moyen payé par les contribuables au titre de l’ISF entre 2011 et 2013.

MONTANTS MOYENS PAYÉS AU TITRE DE L’IMPOSITION DU PATRIMOINE

Déciles de patrimoine
(en millions d’euros)

Montant moyen de
l'ISF 2011

(en euros)

Montant moyen de
l'ISF 2012

(en euros)

Montant moyen de
(ISF 2012 + contribution exceptionnelle)
(en euros)

Montant moyen de l'ISF 2013
(en euros)

patrimoine compris
entre 0 € et 1,4 M€

2 690

2 603

2 973

1 802

patrimoine compris
entre 1,4 M€ et 1,5 M€

3 226

3 344

3 556

2 946

patrimoine compris
entre 1,5 M€ et 1,6 M€

3 838

3 519

4 225

3 535