N° 464 - Rapport de M. Jean-Charles Taugourdeau sur la proposition de loi de M. Jean-Charles Taugourdeau et plusieurs de ses collègues visant à créer une médaille d'honneur du bénévolat (222)



N° 464

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 novembre 2012.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION DE LOI visant à créer une médaille d’honneur du bénévolat,

PAR M. Jean-Charles Taugourdeau,

Député.

——

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 222.

INTRODUCTION 5

I. LE BÉNÉVOLAT, UN ENGAGEMENT CITOYEN ESSENTIEL, DÉSINTÉRESSÉ MAIS ANONYME 7

A. L’APPORT CONSIDÉRABLE DES BÉNÉVOLES 7

1. Une action gratuite au service des autres : les caractéristiques principales du bénévolat 7

2. Une implication indispensable au bon fonctionnement de pans entiers de la vie sociale : la place du bénévolat aujourd’hui 8

a) Le bénévolat en France 8

b) Quelques comparaisons européennes 10

B. UNE VOCATION PAR ESSENCE FRAGILE 11

1. Le défi du vieillissement des bénévoles 11

2. Des contraintes difficiles à concilier avec les impératifs personnels 13

II. LA NÉCESSITÉ D’UNE RECONNAISSANCE SOLENNELLE DU BÉNÉVOLAT POUR LE CONFORTER 15

A. DES DISPOSITIFS EXISTANTS QUI NE METTENT PAS SUFFISAMMENT LES BÉNÉVOLES À L’HONNEUR 15

1. Des ordres officiels qui ne font pas une place en tant que tel au bénévolat 15

a) Légion d’honneur et ordre national du Mérite : des distinctions prestigieuses pas vraiment destinées aux bénévoles de base 15

b) Les médailles d’honneur existantes : un complément bienvenu mais pas spécifiquement consacré au bénévolat 17

2. Des démarches non officielles qui répondent au vide sans revêtir la même force symbolique : l’exemple des palmes du bénévolat 18

B. UNE INITIATIVE LÉGITIME DU PARLEMENT 19

1. Face à la passivité du pouvoir réglementaire,… 19

2. … le temps est venu pour la représentation nationale de se prononcer 20

TRAVAUX DE LA COMMISSION 23

I. – DISCUSSION GÉNÉRALE 23

II. – EXAMEN DES ARTICLES 41

Article 1er : Institution de la médaille d’honneur du bénévolat 41

Article 2 : Gage financier 45

TABLEAU COMPARATIF 47

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 49

INTRODUCTION

Étymologiquement, le terme bénévolat vient du latin benevolus, qui signifie « vouloir du bien ». Selon le Conseil économique et social, « Le bénévole est celui qui s’engage librement pour mener à bien une action non salariée, non soumise à l’obligation de la loi, en dehors de son temps professionnel et familial » (1).

À une époque où des doutes sont régulièrement émis sur les valeurs communes, il n’est pas inutile de rappeler que près du quart de la population française agit régulièrement de manière désintéressée au service des autres. Ce constat est rassurant en ce qu’il illustre la vitalité des ressorts humains de la solidarité dans notre pays.

En France, environ 16 millions de personnes sont des bénévoles actifs au sein d’associations, de collectivités publiques ou d’autres entités (organisations non gouvernementales, organisations représentatives, etc.). Elles s’investissent ainsi sans demander la moindre contrepartie.

Sans elles, beaucoup d’enfants ne pourraient plus pratiquer leur sport favori dans les associations sportives locales, de nombreuses personnes âgées ou handicapées n’auraient d’autre solution que l’hôpital, notre patrimoine culturel se dégraderait de manière irrémédiable et l’aide aux plus démunis se réduirait certainement à la portion congrue ; et ce ne sont là que quelques exemples. C’est dire la place prise par les bénévoles dans le fonctionnement, au quotidien, de notre pacte républicain.

Leur dévouement, exemplaire, force le respect. Et pourtant, alors que de nombreuses marques de reconnaissance officielles existent pour souligner, aux yeux de toute la Nation, les parcours individuels exceptionnels de nos concitoyens ou de certains professionnels (dans les rangs de la police nationale, des sapeurs-pompiers, mais aussi des cheminots, des personnels des travaux publics ou du tourisme, entre autres), les pouvoirs publics n’ont jusqu’alors jamais jugé nécessaire d’en faire de même pour ces anonymes désormais si indispensables.

À ceux qui s’étonnent d’une telle distorsion, l’on objecte habituellement que la motivation des bénévoles ne repose pas sur la recherche d’honneurs ou de gratifications quelconques, certains étant de surcroît décorés de la Légion d’honneur ou de l’ordre national du Mérite. En outre, il est vrai que l’État consacre des moyens non négligeables à leur formation et au soutien de leur action, via notamment le fonds de développement de la vie associative.

Pour autant, même si les bénévoles ne réclament rien, ils ont droit, autant que bien d’autres, à une reconnaissance plus marquée et spécifique de la Nation. Ce sentiment n’est d’ailleurs pas l’apanage d’un bord de l’échiquier politique, puisque certaines voix de l’actuelle majorité parlementaire se sont également prononcées en ce sens (2).

La présente proposition de loi, déposée le 26 septembre 2012 sur le Bureau de l’Assemblée nationale par plusieurs membres du groupe UMP, entend justement réparer ce qui représente, en définitive, une forme d’injustice. Elle institue à cet effet une médaille d’honneur du bénévolat, dont les principes et les modalités d’attribution s’inspirent de ceux en vigueur pour la médaille d’honneur du travail.

Bien que le sujet ait été évoqué à plusieurs reprises, le pouvoir règlementaire ne s’en est pas emparé. C’est donc au législateur, à présent, qu’incombe de montrer la voie à suivre. En l’espèce, le consensus apparaît non seulement possible mais il est hautement souhaitable, afin de montrer la considération que la représentation nationale accorde à ces femmes et à ces hommes qui sont des modèles d’altruisme et de générosité.

I. LE BÉNÉVOLAT, UN ENGAGEMENT CITOYEN ESSENTIEL, DÉSINTÉRESSÉ MAIS ANONYME

Le bénévolat est une activité non rétribuée et librement choisie, qui s’exerce en général au sein d’un organisme sans but lucratif (association organisation non gouvernementale, syndicat, collectivité ou structure publique). Ce type d’implication est bien souvent complémentaire de la vie associative et, à ce titre, il constitue un réel atout. Pour autant, parce qu’il repose sur des démarches individuelles, par définition sujettes à des aléas divers, il n’en demeure pas moins vulnérable et les pouvoirs publics doivent impérativement s’en préoccuper.

A. L’APPORT CONSIDÉRABLE DES BÉNÉVOLES

En 2010, 32 % des Français de plus de 18 ans étaient engagés dans une activité bénévole dans les domaines sportif, humanitaire, écologique, culturel, social ou des loisirs. Ils contribuent, le plus souvent dans l’ombre des services publics, à l’animation et à l’action quotidienne de plus de 1,1 million d’associations, ainsi qu’à la vie locale ou à la solidarité internationale. Bien que discrète, leur tâche est absolument essentielle.

1. Une action gratuite au service des autres : les caractéristiques principales du bénévolat

La théorie et la pratique distinguent le « bénévolat informel » (aide aux voisins, coup de main, etc.), appelé parfois bénévolat direct ou bénévolat de proximité, du « bénévolat formel », qui s’exerce dans le cadre d’une structure, le plus souvent associative. C’est ce bénévolat-là, tourné davantage vers la collectivité, que vise plus particulièrement à reconnaître et à valoriser la proposition de loi déposée le 26 septembre dernier.

Bénévoles et volontaires (dans le cadre du service civique, des volontariats internationaux en entreprise ou en administration, du volontariat de solidarité internationale, du volontariat de sapeur-pompier ou du service volontaire européen, notamment) s’engagent, sans être rémunérés, dans une action au service de la société ; à la différence des bénévoles, toutefois, les volontaires s’engagent à temps plein dans une mission de plusieurs mois à quelques années et ils bénéficient en échange d’une indemnité de même que, dans la plupart des cas, d’une couverture sociale.

En outre, si le bénévolat et le volontariat constituent tous deux des modalités d’activités philanthropiques, le premier, à la différence du second, n’est pas étroitement encadré par des dispositions légales. Tout au plus le début du deuxième alinéa de l’article 12 de la loi n° 2006-586 du 23 mai 2006, relative à l’engagement éducatif, formalise-t-il les caractéristiques inhérentes à la situation de bénévole. Celle-ci s’apprécie en fait au regard de trois critères :

– en premier lieu, l’exercice d’une activité sans contrepartie. Ce faisant, le bénévole ne perçoit aucune rémunération mais il peut toutefois se voir dédommagé des frais induits par son activité (déplacements, hébergement, acquisition de matériel, etc.). En outre, la jurisprudence a très exceptionnellement accepté que le bénévole reçoive, dans des circonstances particulières, un pécule et des avantages en nature sans que ceux-ci impliquent une relation salariée entre l’intéressé et l’association (3) ;

– en deuxième lieu, l’absence d’un quelconque lien de subordination (notamment dans le cadre associatif). De la sorte, le bénévole peut à tout moment décider de mettre un terme à son engagement, sans procédure ni dédommagement ;

– en troisième lieu, l’effectivité de l’engagement. En la matière, il est généralement admis qu’un bénévole doit consacrer en moyenne deux heures hebdomadaires à son activité.

Fondamentalement, il n’existe donc pas de définition juridique générique du bénévolat. D’ailleurs, c’est sans doute ce qui explique le succès de celui-ci, la réalité ne se trouvant pas confinée aux frontières du droit. Les principaux traits distinctifs de cette forme d’engagement individuel sont la liberté et la gratuité (par opposition au salariat), ce qui lui confère une dimension de solidarité importante.

2. Une implication indispensable au bon fonctionnement de pans entiers de la vie sociale : la place du bénévolat aujourd’hui

Les bénévoles ont investi tous les champs dits « non-marchands » de la vie sociale. S’ils occupent une place prépondérante dans la vie sportive, ils jouent un rôle tout aussi fondamental dans la vie culturelle, dans la défense de l’environnement ou encore dans l’action sociale. Ce faisant, ils sont devenus un rouage essentiel de nos sociétés modernes.

a) Le bénévolat en France

Le bénévolat est assurément, aujourd’hui encore, un phénomène assez mal documenté dans notre pays. Les statistiques officielles reposent principalement sur une enquête de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) menée en 2002 (4), ainsi que sur une autre enquête menée sous l’égide de France Bénévolat et de l’Institut français d’opinion publique (IFOP), parue en septembre 2010 (5), et sur les données d’une dernière enquête associant l’Institut Brulé Ville et associés (BVA) et la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques des ministères des affaires sociales et de la santé (DREES), datant de 2010 et exploitées par M. Lionel Prouteau (6).

Sur la base des dernières données disponibles, on dénombre actuellement quelque 16 millions de bénévoles en France. Depuis 1999, le volume d’heures consacrées au bénévolat a augmenté de 5 % chaque année ; selon l’INSEE, le bénévolat représenterait plus de 1,3 milliard d’heures d’intervention par an : la valorisation de ces heures effectuées atteint la fourchette de 12 à 17 milliards d’euros, soit 1 % du produit intérieur brut (7).

Contrairement à une idée largement répandue, les bénévoles n’exercent pas tous leur activité au sein de structures associatives, même si c’est majoritairement dans ce cadre qu’ils interviennent. L’enquête de l’INSEE avait montré que 17 % des bénévoles agissent pour des organismes non-associatifs, le plus souvent au niveau local ; or, l’importance de ce bénévolat non-associatif est confirmée par l’enquête France Bénévolat-IFOP, où il atteint la proportion de 24,5 %.

La prépondérance du bénévolat associatif en France

 

Dans une association

Dans une autre organisation

Donnent du temps directement à autrui

En % de la population de 15 ans et plus

Engagés actuellement (1)

11 300 000

4 500 000

7 400 000

36 %

Ont donné du temps auparavant (1)

5 500 000

2 800 000

3 600 000

20 %

Ne donnent pas de temps (1)

44 %

Total Français de 15 ans et plus (1)

100 %

(1) Les répondants peuvent avoir plusieurs types d’engagement, de sorte qu’il ne faut pas additionner les trois types d’engagement pour obtenir la totalité des bénévoles. Source : France Bénévolat-IFOP, 2010.

Sans surprise, le bénévolat a davantage cours dans les zones rurales et péri-urbaines (où le taux de participation bénévole dépasse les 35 %) que dans les grandes agglomérations (où le taux de participation bénévole est inférieur à 30 %).

La diffusion du bénévolat selon la taille des communes de résidence

Types de communes

Taux de participation bénévole

Moins de 2 000 habitants

36 %

De 2 000 à 20 0000 habitants

37 %

De 20 000 à 100 0000 habitants

29 %

Plus de 100 0000 habitants

28 %

Source : enquête BVA-DREES, 2011.

Pour ce qui concerne enfin les secteurs d’activités bénéficiant le plus du concours des bénévoles, ils sont très majoritairement orientés vers le sport (23 %), la culture (15 %), les loisirs (15 %) et l’action sociale, la santé et l’humanitaire (10 %). Cette répartition n’est pas en soi étonnante, dans la mesure où elle correspond assez fidèlement au profil des associations les plus nombreuses en France. Or, le bénévolat y pèse quelque 935 000 emplois équivalents temps plein.

Les secteurs d’activité bénéficiant du bénévolat en France

Source : ministères chargés des affaires sociales et de la santé, DREES – BVA. Enquête sur la vie associative en France en 2010.

b) Quelques comparaisons européennes

L’Union européenne accorde une réelle importance au bénévolat. Pour preuve, le Conseil des ministres et le Parlement européens ont fait de 2011 l’année européenne des activités de volontariat pour la promotion de la citoyenneté active, afin d’encourager cette forme d’engagement.

Au sein des vingt-sept États membres, quelque 92 à 94 millions de personnes (sur une population totale de 495 millions) sont recensées par la Commission européenne comme bénévoles (8; ce chiffre est équivalent au nombre de bénévoles estimé aux États-Unis (93 millions). Ces personnes représentent, en moyenne, 22 à 23 % des Européens de plus de 15 ans.

Dans une note d’analyse publiée en septembre 2011 (9), le Centre d’analyse stratégique relevait à cet égard que les secteurs bénéficiant le plus du bénévolat en Europe coïncident plutôt avec leurs homologues en France, 34 % des bénévoles européens exerçant dans le domaine du sport, 22 % dans les secteurs éducatif et culturel et 17 % dans le social ainsi que l’humanitaire.

Il faut toutefois observer que le taux d’engagement bénévole est très variable d’un pays à l’autre, une césure semblant à cet égard séparer les pays de l’Europe du Nord de ceux de l’Europe du Sud. Selon l’Eurobaromètre 2010, en effet, le taux d’engagement bénévole atteint 54 % des personnes interrogées aux Pays-Bas, 52 % au Danemark et en Suède, 47 % en Autriche et 44 % en Finlande ; a contrario, il avoisine 13 % en Grèce, 14 % au Portugal et 22 % en Espagne.

Dans ce panorama, la France se situe dans la moyenne européenne, avec 37 % de bénévoles parmi les plus de 15 ans (soit la dixième place sur vingt-sept) et 26 % de la population adulte. Il s’agit là d’un résultat certes satisfaisant mais qui appelle de la part des pouvoirs publics une certaine vigilance car le dynamisme du bénévolat est par nature fragile.

B. UNE VOCATION PAR ESSENCE FRAGILE

Les caractéristiques intrinsèques du bénévolat rendent la « fidélisation » des bénévoles assez difficile. L’extrême liberté laissée à l’engagement peut conduire les intéressés à abandonner sans préavis. Le fait est, au demeurant, qu’existe un certain niveau de rotation des bénévoles, dont les causes sont multiples mais ont souvent trait au manque de temps laissé par la vie professionnelle et familiale.

Ce constat rend d’autant plus remarquables les engagements bénévoles qui s’inscrivent dans une durée assez longue. De ce point de vue, vouloir reconnaître plus solennellement qu’actuellement les situations individuelles de bénévolat datant de plusieurs années, comme le prévoit la présente proposition de loi, prend tout son sens.

1. Le défi du vieillissement des bénévoles

Le renouvellement régulier des bénévoles est une impérieuse nécessité pour garantir la pérennité du monde associatif, des solidarités de proximité et de la vie sociale en général. Or, le fait est que les jeunes générations semblent moins enclines que par le passé au bénévolat : ainsi, 29 % des jeunes de 15 à 24 ans s’engagent à des titres plus ou moins directement bénévoles, alors que la proportion atteint 45 % chez les plus de 50 ans et 51 % chez les retraités, selon l’enquête France Bénévolat-IFOP de 2010.

Analyse de l’engagement bénévole, en fonction de l’âge

Tranches d’âge

Taux global d’engagement

Bénévolat associatif

Bénévolat de proximité

15-24 ans

29 %

16 %

15 %

25-34 ans

25 %

15 %

11 %

35-49 ans

30 %

17 %

11 %

50-64 ans

45 %

26 %

13 %

Plus de 65 ans

51 %

38 %

13 %

Moyenne générale

36 %

23 %

16 %

Source : La situation du bénévolat en France en 2010, France Bénévolat.

De fait, les moins de 25 ans présentent un taux d’engagement inférieur à la moyenne (36 %), lié vraisemblablement à la faible implication des mineurs dans le bénévolat pour cause de scolarisation. Plus surprenante, en revanche, est la diminution sensible du niveau d’engagement de la tranche des 25-34 ans par rapport à la moyenne et à la tranche d’âge précédente. L’évolution ne devient réellement positive que pour les tranches d’âges supérieures à 50 ans, ce qui certes permet un certain renouvellement mais n’empêche pas une tendance au vieillissement général de la population bénévole.

S’ajoute à ce constat le fait que les jeunes générations actuelles sont plus mobiles que les précédentes. Par voie de conséquence, l’effet « rattrapage » pouvant être escompté à mesure de leur avancement dans l’âge n’est plus aussi mécanique qu’auparavant, la dimension locale et affective ayant moins de poids dans leurs choix.

Certes, il n’y a pas encore péril en la demeure car le dynamisme du bénévolat en France reste satisfaisant ; au demeurant, même s’il est moindre que la moyenne, le taux d’engagement bénévole des jeunes ne s’effondre pas, ne serait-ce que grâce à des dispositifs comme le service civique qui entretiennent opportunément l’envie d’action de la jeunesse auprès des autres. Il n’en demeure pas moins que le vieillissement des bénévoles est un phénomène qui touche jusqu’aux responsables associatifs : en 2005, déjà, 57 % des présidents d’associations accusaient plus de 55 ans, contre seulement 7 % moins de 35 ans ; or, la tendance ne s’est pas améliorée.

Dans ces conditions, il semble parfaitement justifié de vouloir mettre davantage en avant les exemples donnés par ces bénévoles qui ont consacré plusieurs dizaines d’années à une association ou à une cause collective. Il y aurait là, tout à la fois, une forme de reconnaissance et aussi une promotion des parcours les plus singuliers, à destination des jeunes.

2. Des contraintes difficiles à concilier avec les impératifs personnels

La proportion des bénévoles qui abandonnent leur engagement se situe aux alentours de 20 %, ce qui reflète une rotation non négligeable des effectifs. Selon l’enquête France Bénévolat-IFOP, les principales raisons avancées pour justifier cet arrêt du bénévolat sont le manque de temps pour 47 % d’entre eux, le changement de situation personnelle ou professionnelle pour 38 % et la déception relative au mode de gouvernance des structures d’accueil pour 22 %.

Les personnes qui n’ont jamais été bénévoles mettent elles aussi en avant des raisons similaires : 55 % avancent l’argument du manque de temps et 20 % la volonté de se consacrer à leur entourage.

Ces constats traduisent une réalité ressentie sur le terrain : le bénévolat, bien qu’il repose sur un puissant désir d’être utile à la collectivité, se heurte nécessairement à des difficultés pratiques inhérentes à la vie privée des bénévoles. Pour autant, ces difficultés, dont personne ne nie l’existence, ne paraissent pas insurmontables.

En effet, à titre d’illustration, il convient de souligner que contrairement à certaines idées reçues, l’ampleur de la sphère familiale ne constitue pas réellement un frein à l’engagement des actifs. Elle serait même plutôt un stimulus notable, notamment en raison de l’importance prise par les activités périscolaires dans les rythmes éducatifs des enfants de plus de 3 ans.

Le bénévolat des adultes en 2010,
selon le nombre et l’âge des enfants au foyer

Nombre d’enfants au foyer

Taux de bénévolat

Aucun

31,6 %

Enfant(s) de moins de 3 ans uniquement

23,3 %

Enfants de moins et de plus de 3 ans

30,3 %

1 enfant de plus de 3 ans

30,3 %

2 enfants de plus de 3 ans

36,0 %

Au moins 3 enfants, tous de plus de 3 ans

42,7 %

Source : Centre d’analyse stratégique, note d’analyse n° 241, septembre 2011, p. 4.

Il apparaît difficile de soutenir, en l’espèce, que les parents d’au moins trois enfants de plus de 3 ans disposent de davantage de temps disponible que les parents d’un enfant de moins de trois ans. Les contraintes du temps et de la famille sont donc, par définition, subjectives et il importe d’encourager sans relâche les vocations en combattant les présupposés. Cela passe, assurément, par une communication adaptée mais aussi par une meilleure reconnaissance collective de l’utilité sociale du bénévolat.

II. LA NÉCESSITÉ D’UNE RECONNAISSANCE SOLENNELLE DU BÉNÉVOLAT POUR LE CONFORTER

Si les bénévoles ne sont généralement pas mus par des considérations matérielles, ni même symboliques, mais plutôt par la volonté de donner du sens à leur action, il n’en reste pas moins que leur activité n’est sans doute pas suffisamment mise en exergue, ni valorisée. Or, une meilleure reconnaissance ne serait sans doute pas inutile pour conforter, voire amplifier, les vocations.

A. DES DISPOSITIFS EXISTANTS QUI NE METTENT PAS SUFFISAMMENT LES BÉNÉVOLES À L’HONNEUR

Aucune distinction ne permet de reconnaître spécifiquement l’engagement bénévole parmi les différentes catégories de médailles officielles civiles. Certes, des bénévoles figurent régulièrement dans les promotions des ordres nationaux de la Légion d’honneur ou du Mérite, notamment sur proposition du ministre chargé de la vie associative. Il en va de même, pour les bénévoles associatifs via la médaille d’honneur de la jeunesse et des sports. Pour autant, ce faisant, non seulement leur nombre reste limité, ce qui atténue la portée de l’exemple ainsi donné, mais de surcroît ce sont davantage quelques parcours individuels que le bénévolat en tant que tel qui se trouvent mis en exergue.

1. Des ordres officiels qui ne font pas une place en tant que tel au bénévolat

La France ne manque pas de distinctions civiles et militaires. Certaines, à l’image de la Légion d’honneur ou de l’ordre national du Mérite, sont très connues et prestigieuses. Elles ne sont pas les seules, cependant, puisqu’une trentaine de médailles civiles officielles (médaille d’honneur du travail, des sapeurs-pompiers, de la police nationale, de la famille, des mines, etc.) permettent de reconnaître les mérites de personnes vivant et travaillant sur le territoire national. Sur le total, le bénévolat ne fait l’objet d’aucun traitement particulier, les pouvoirs publics estimant – à tort – que la Légion d’honneur, l’ordre national du Mérite et certaines médailles d’honneur permettent de donner une place suffisante aux bénévoles.

a) Légion d’honneur et ordre national du Mérite : des distinctions prestigieuses pas vraiment destinées aux bénévoles de base

En théorie, les ordres nationaux de la Légion d’honneur et du Mérite, qui récompensent les services rendus au pays dans tous les domaines de son activité, constituent un support approprié pour marquer la reconnaissance de la Nation aux bénévoles.

Pour mémoire, la Légion d’honneur est la plus haute décoration honorifique française. Elle a été instituée le 19 mai 1802 et récompense depuis ses origines les mérites éminents, militaires ou civils, rendus à la Nation. Elle procède de cinq grades : chevalier, officier, commandeur, grand officier et grand’croix.

L’admission et l’avancement dans l’ordre sont prononcés dans la limite de contingents fixés par décret du Président de la République pour une période de trois ans. Ces contingents sont répartis entre le Chef de l’État et les différents ministres qui adressent leurs propositions au grand chancelier. Depuis 2008, la nomination peut se faire par une procédure d’initiative citoyenne, sur proposition de 50 citoyens résidant dans le même département que la personne proposée.

L’article R 7 du code de la Légion d’honneur et de la médaille militaire fixe le nombre maximum de membres à 113 425 chevaliers, 10 000 officiers, 1 250 commandeurs et 250 grands officiers et 75 grand’croix. Au 15 juillet 2010, on recensait 74 834 chevaliers, 17 032 officiers, 3 009 commandeurs, 314 grands officiers et 67 grand’croix. La moitié d’entre eux, environ, sont issus des rangs militaires. Sur le solde, les bénévoles – dirigeants d’associations pour la plupart, d’ailleurs – ne représentent qu’une infime minorité.

L’ordre national du Mérite est le second ordre national. Institué par le décret n° 63-1196 du 3 décembre 1963, il récompense des services ou activités assortis de mérites distingués effectués soit dans une fonction publique, civile ou militaire, soit dans un cadre privé. Comme pour la Légion d’honneur, le Président de la République est le grand maître de l’ordre et les promotions, qui interviennent deux fois l’an par publication au journal officiel, sont subordonnées à des règles de délai entre chaque grade (chevalier, officier, commandeur, grand officier, grand’croix), sur propositions ministérielles s’inscrivant dans la limite de contingents fixés par décret présidentiel pour une période de trois ans.

Le décret n° 2012-72 du 23 janvier 2012 fixant les contingents de croix de l’ordre national du Mérite pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 a prévu que, sur cette période, les contingents annuels s’établiront, à titre civil, à 3 400 chevaliers, 720 officiers, 140 commandeurs, 12 grands officiers et 6 grand’croix. Une fois encore, peu de place ne semble pouvoir être faite aux millions de bénévoles de notre pays.

Dans les faits, l’ordre de la Légion d’honneur et l’ordre national du Mérite sont donc pratiquement inaccessibles pour les bénévoles qui n’atteignent pas des fonctions de dirigeant national ou régional d’association.

Sous la précédente législature, le Président Nicolas Sarkozy et le gouvernement ont fourni des efforts pour essayer de remédier à ce constat. Ainsi, dans sa circulaire du 24 septembre 2008 relative aux ordres nationaux de la Légion d’honneur et du Mérite, François Fillon soulignait-il : « Dans sa lettre du 11 juillet 2008, le Président de la République a rappelé que la Légion d’honneur et l’ordre national du Mérite, qui sont la récompense de services rendus au pays dans tous les domaines de son activité, doivent donner une image aussi fidèle que possible de la société française et accueillir celles et ceux qui contribuent de la manière la plus éclatante à son rayonnement. (…) la représentation des personnes de rang modeste, des personnes issues des minorités, des bénévoles du monde associatif et des acteurs du secteur privé (chefs d’entreprise, ingénieurs, chercheurs, techniciens, professions libérales...) demeure trop faible ».

Et le Premier ministre d’alors de recommander aux ministres : « Conformément à la demande du Président de la République, vous veillerez à diversifier encore davantage vos propositions dans les différentes promotions des deux ordres nationaux, afin de récompenser les citoyens qui servent notre pays avec le plus de détermination, d’efficacité, d’abnégation et de sens de l’intérêt commun. »

Malheureusement, en raison des contingentements et de la nécessité d’assurer un certain équilibre dans les récompenses des services rendus, les ordres nationaux de la Légion d’honneur et du Mérite restent inadaptés pour promouvoir l’engagement bénévole, tout spécialement quand il s’agit des personnes cantonnées à des fonctions modestes qui n’en sont pas moins essentielles.

b) Les médailles d’honneur existantes : un complément bienvenu mais pas spécifiquement consacré au bénévolat

Certaines des médailles officielles civiles qui existent aujourd’hui, en dehors des ordres nationaux de la Légion d’honneur et du Mérite, peuvent permettre de récompenser certains types d’engagements bénévoles. C’est le cas essentiellement de la médaille d’honneur de la jeunesse et des sports, dont l’article 1er du décret n° 69-942 du 14 octobre 1969 relatif aux caractéristiques et aux modalités de son attribution, dispose qu’elle récompense les personnes qui se sont distinguées d’une manière particulièrement honorable au service, notamment :

– des mouvements de jeunesse et des activités socio-éducatives (de nature le plus souvent associative) ;

– et des colonies de vacances, des œuvres de plein air, des activités de loisir social et de l’éducation populaire, où les bénévoles jouent également un rôle important.

Dans les faits, cette médaille d’honneur ministérielle cible principalement les bénévoles œuvrant dans les associations sportives ou d’éducation populaire. De larges pans du bénévolat échappent donc à ce type de reconnaissance.

Par voie de conséquence, en l’état actuel des décorations et distinctions officielles françaises, le bénévolat apparaît comme l’un des grands oubliés. Si les pouvoirs publics s’attachent, surtout depuis 2008, à promouvoir davantage que par le passé les trajectoires personnelles exemplaires plutôt que l’accès aux responsabilités associatives, il n’en demeure pas moins que bon nombre de bénévoles qui consacrent une large partie de leur vie à des causes altruistes ne se trouvent pas solennellement honorés comme il se doit.

2. Des démarches non officielles qui répondent au vide sans revêtir la même force symbolique : l’exemple des palmes du bénévolat

À côté des médailles civiles officielles, il existe des récompenses décernées par des entités de droit privé, fondations et associations notamment. Parmi ces médailles non officielles, il convient plus particulièrement de souligner les palmes du bénévolat, créées en décembre 2000 par la Fondation du bénévolat, présidée par M. Bernard Marie et reconnue d’utilité publique par décret le 5 mai 1995.

Placées sous le haut patronage du défenseur des droits, ces palmes du bénévolat sont une distinction purement honorifique exclusivement destinée à récompenser les bénévoles qui se sont engagés depuis plus de dix ans au service de la collectivité. À l’image des médailles d’honneur délivrées par les départements ministériels, elles comportent plusieurs échelons : les palmes de bronze sont accordées à des personnes justifiant d’au moins dix années d’activités bénévoles, les palmes d’argent le sont au bout de quinze années de bénévolat (ou après un minimum de cinq années dans l’échelon des palmes de bronze) et les palmes d’or au bout de vingt-trois années de bénévolat (ou après un minimum de huit années dans l’échelon des palmes d’argent).

Chaque année, quelque 50 palmes d’or, 100 palmes d’argent et 200 palmes de bronze peuvent être attribuées par le conseil de la Fondation du bénévolat, après examen préalable des dossiers par un jury constitué de personnalités indépendantes. Les demandes sont formulées soit par des bénévoles, soit par des responsables associatifs, soit par des maires.

Cette heureuse initiative présente bien des attraits. Tout d’abord, elle marque une reconnaissance spécifique de l’engagement bénévole, les récipiendaires étant récompensés à ce titre et à ce titre seulement. Ensuite, en donnant aux maires et aux responsables associatifs un rôle majeur sur les propositions de personnes à décorer, elle garantit que la distinction ainsi attribuée l’est en priorité aux bénévoles de base méritants, qui ne rechignent pas aux tâches les plus ingrates dans l’intérêt général.

Il reste que, comme elles ne sont pas une décoration officielle, les palmes du bénévolat relèvent du régime issu de l’article 8 du décret du 6 novembre 1920, qui disposait que « le port des insignes de distinctions honorifiques, créés et décernées par des sociétés [NDLR – par des associations], ou rubans ou rosettes qui les rappellent, n’est autorisé que dans les réunions de ces sociétés ». Autrement dit, n’ayant aucun caractère de décoration officielle, elles ne peuvent être exhibées fièrement en public en toute occasion par ceux à qui elles ont été attribuées, ce qui en limite quelque peu la portée symbolique.

Pour cette même raison, les pouvoirs publics ne peuvent se retrancher derrière l’existence des palmes du bénévolat pour ne pas répondre aux aspirations du monde bénévole à une reconnaissance officielle spécifique.

B. UNE INITIATIVE LÉGITIME DU PARLEMENT

Le Parlement a pour missions constitutionnelles de contrôler l’action du pouvoir exécutif et de voter la loi, dont il partage l’initiative avec le Gouvernement. À plusieurs reprises, l’attention des autorités a été appelée sur l’incongruité de l’absence d’une décoration officielle particulière destinée à reconnaître et récompenser les efforts des bénévoles. Jusqu’alors, il a toujours été mis en avant que les ordres nationaux de la Légion d’honneur et du Mérite suffisaient à remplir cet office. Tel n’est pourtant pas le cas.

Récemment, à l’occasion de son audition en Commission élargie sur les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » du projet de loi de finances pour 2013, la ministre chargée de la vie associative a esquissé une certaine ouverture sur le sujet, mais en apparence seulement. Pour qu’un réel changement intervienne, il appartient donc à l’Assemblée nationale de faire preuve de détermination en votant, en première lecture, la présente proposition de loi visant à créer une médaille d’honneur du bénévolat.

1. Face à la passivité du pouvoir réglementaire,…

La volonté parlementaire de voir les bénévoles mieux reconnus pour leur engagement à travers une décoration spécifique n’est pas nouvelle. De longue date, l’attention de l’Exécutif a été appelée sur ce sujet.

De multiples questions écrites parlementaires en attestent. Sous la VIIIème législature, en 1986, M. Gérard Césard soulevait déjà auprès du Gouvernement la question de la création éventuelle d’une médaille d’or du bénévolat (10). Sous la Xème législature, M. Pierre Mazeaud interrogeait l’Exécutif sur les insuffisances de la médaille d’honneur de la jeunesse et des sports (11). Sous la XIème législature, Mme Nicole Feidt questionnait le Gouvernement sur les moyens de récompenser plus largement les bénévoles œuvrant dans les associations d’anciens combattants (12). Enfin, plus récemment, lors des XIIème et XIIIème législatures, M. Bruno Bourg Broc (13), tout d’abord, puis MM. Philippe Armand Martin, Gérard Lorgeoux et Jacques Le Nay (14), ensuite, ont évoqué plus directement la possibilité de créer une décoration spécifique pour récompenser les mérites des bénévoles.

Des propositions de loi, plus rares il est vrai, ont également été déposées sur le sujet sur le Bureau de l’Assemblée nationale. Ainsi, sous la XIIème législature, Mme Marcelle Ramonet et plusieurs membres du groupe RPR avaient-ils présenté une proposition de loi portant création d’une médaille des activités sociales, caritatives et humanitaires comportant trois échelons (bronze, argent, or) et décernée pour les personnes justifiant de dix années de services rendus dans les domaines concernés (15). De même, sous la XIIIème législature, le député Franck Gilard avait-il, lui aussi, déposé une proposition de loi visant à favoriser l’engagement bénévole et associatif, dont l’article 1er instituait une médaille du bénévolat constituée de trois échelons aux modalités d’attribution précisées par la voie règlementaire(16). Enfin, toujours sous la législature précédente, une version identique à la présente proposition de loi avait été déposée par le rapporteur le 20 mars 2012 (17).

Le Gouvernement ne s’est malheureusement jamais montré, jusqu’à présent, très réceptif à toutes ces initiatives, excipant tantôt la spécificité de l’engagement bénévole (n’attendant, par définition, aucune contrepartie), tantôt les mécanismes existants (ordres nationaux de la Légion d’honneur et du Mérite, médailles d’honneur sectorielles), dont on a vu qu’ils ne permettent d’honorer les bénévoles que très marginalement, pour justifier le statu quo.

À cet égard, la ligne de conduite du Gouvernement actuel ne semble pas différer de celle de ses prédécesseurs, ce qui est dommage. Certes, lors de l’examen en Commission élargie, le 29 octobre dernier, des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2013, la ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, Mme Valérie Fourneyron, a déclaré, en réponse à une question du député de la Mayenne Yannic Favennec sur l’intérêt d’une décoration spécifique destinée au bénévolat : « je m’attache (…) à valoriser les parcours des bénévoles en utilisant le contingent de croix de Légion d’honneur et de l’Ordre national du Mérite. Faut-il créer une autre distinction ? J’étudierai cette possibilité après avoir examiné si l’attribution de ce contingent a méconnu les mérites de ces personnes ». Elle s’est toutefois empressée d’ajouter, en guise de fin de non-recevoir : « Je n’en suis pas certaine ».

On le voit donc assez nettement, si la représentation nationale ne s’empare pas résolument du sujet, les réticences gouvernementales à la création d’une médaille spécifique aux bénévoles garderont de beaux jours devant elles.

2. … le temps est venu pour la représentation nationale de se prononcer

La question soulevée par la proposition de loi visant à créer une médaille d’honneur des bénévoles n’est ni polémique, ni politiquement clivante. Bon nombre de parlementaires, siégeant sur tous les bancs de l’Assemblée nationale, ont le sens de l’engagement au service des autres ; d’ailleurs, la plupart sont ou ont été bénévoles et membres d’associations.

Le constat de la nécessité d’une meilleure reconnaissance des apports du bénévolat est lui-même largement partagé. Le rapporteur pour avis, au nom de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, sur les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » du projet de loi de finances pour 2013, M. Malek Boutih, n’a-t-il pas récemment écrit dans son rapport : « Force est (…) de constater le manque criant d’un instrument de reconnaissance officielle, par la République, de l’engagement bénévole dans le monde associatif, en tant que tel. Il est impératif de combler cette lacune – même si les bénévoles ne s’investissent pas pour rechercher de quelconques honneurs –, en instaurant (…) une médaille du mérite associatif pour celles et ceux qui se sont distingués par leur engagement désintéressé un certain nombre d’années » (18) ?

Certes, le support législatif n’est peut-être pas le plus approprié pour avancer sur cette question. Ce n’est pas un hasard si la plupart des médailles officielles de la République reposent sur un fondement règlementaire. Pour autant, il serait inexact de dénier au Parlement toute capacité d’initiative en la matière, surtout pour remédier à un attentisme persistant de l’Exécutif.

En premier lieu, par le passé, certaines médailles officielles ont été créées par le législateur, à l’instar de la médaille d’honneur des eaux et forêts, par la loi du 21 janvier 1910, de la médaille d’honneur des sociétés musicales et chorales, par la loi du 24 juillet 1924, ou de la médaille d’honneur des sapeurs-pompiers par la loi du 22 décembre 1937.

En deuxième lieu, bien que l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 énumère limitativement les différents aspects relevant du domaine de la loi, les empiétements du Parlement sur le domaine règlementaire sont légions : à titre d’illustration, on soulignera par exemple que l’article 118 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives a fixé, dans la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, un seuil en deçà duquel les marchés publics et accords-cadres peuvent être passés sans mise en concurrence ni publicité préalables, alors même que jusqu’alors les seuils applicables figuraient dans le code des marchés publics, de nature exclusivement règlementaire. De fait, la jurisprudence du Conseil constitutionnel, issue de sa décision n° 82-143 DC du 30 juillet 1982, autorise ces situations en écartant, à l’encontre de dispositions règlementaires contenues dans une loi, tout motif d’inconstitutionnalité exclusivement fondé sur la violation des articles 34 et 37 de la Constitution (19).

Enfin, en dernier lieu, le Parlement a vu son rôle profondément évoluer avec la révision constitutionnelle adoptée par le Congrès le 21 juillet 2008. La reconnaissance d’une place plus importante à ses initiatives – que ce soit par la création de semaines dévolues à l’examen de propositions de loi et de journées consacrées plus particulièrement à l’ordre du jour fixé par l’opposition ou les groupes minoritaires, ou par l’extension de ses pouvoirs de contrôle, notamment s’agissant des commissions d’enquête – traduit le souhait du pouvoir constituant de donner un poids plus concret et plus réel aux propositions des parlementaires, en phase avec les réalités de terrain.

En tout état de cause, l’adoption de la proposition de loi visant à créer une médaille d’honneur du bénévolat constituerait un signal important adressé par la représentation nationale à l’Exécutif. Le Parlement est en droit de manifester sa volonté que les choses changent sur ce point. La discussion de ce texte lui en offre une opportunité concrète.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède à l’examen de la proposition de loi de M. Jean-Charles Taugourdeau visant à créer une médaille d’honneur du bénévolat au cours de sa séance du 28 novembre 2012.

I. – DISCUSSION GÉNÉRALE

M. le président Patrick Bloche. Nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de notre collègue Jean-Charles Taugourdeau visant à créer une médaille d’honneur du bénévolat, laquelle est inscrite à l’ordre du jour réservé au groupe UMP le jeudi 6 décembre prochain.

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur. Le sujet qui nous réunit aujourd’hui est de ceux qui transcendent les clivages politiques. Chacune et chacun d’entre nous a très certainement vécu une expérience personnelle d’engagement bénévole dans le monde associatif ou dans un autre cadre. Pour certains, le bénévolat est même une porte d’entrée dans la vie publique. Nous sommes donc tous bien placés pour connaître l’utilité, l’intérêt et la nécessité du bénévolat.

Il n’y a d’ailleurs pas une seule manifestation, dans nos circonscriptions, où nous nous rendons sans avoir l’occasion de remercier ou de féliciter des bénévoles.

Il n’existe pas de définition légale ou conventionnelle du bénévolat. Selon l’appréciation qu’en a donnée le Conseil économique et social dans son avis du 24 février 1993, « le bénévole est celui qui s’engage librement pour mener à bien une action non salariée, non soumise à l’obligation de la loi, en dehors de son temps professionnel et familial ».

Sur la base des dernières données disponibles, on dénombre actuellement quelque 16 millions de bénévoles en France. Depuis 1999, le volume d’heures consacrées à des activités non rétribuées a augmenté chaque année de 5 %. Selon l’INSEE, le bénévolat représenterait ainsi plus de 1,3 milliard d’heures d’intervention par an. La valorisation de ces heures effectuées atteint la fourchette de 12 à 17 milliards d’euros, soit 1 % du produit intérieur brut.

Les secteurs d’activité bénéficiant le plus du concours des bénévoles sont très majoritairement orientés vers le sport (23 %), la culture (15 %), les loisirs (15 %) et l’action sociale, la santé et l’humanitaire (10 %). Cette répartition n’a rien de surprenant dans la mesure où elle correspond assez fidèlement au profil des associations les plus nombreuses en France. Le bénévolat y pèse quelque 935 000 emplois équivalents temps plein.

La France se situe dans la moyenne européenne, avec 37 % de bénévoles parmi les plus de quinze ans – ce qui la place au dixième rang sur vingt-sept – et 26 % de bénévoles au sein de la population adulte. Ce résultat est certes satisfaisant, mais appelle de la part des pouvoirs publics une certaine vigilance, car le dynamisme du bénévolat est par nature fragile.

En effet, les jeunes générations semblent moins enclines que par le passé au bénévolat – seuls 29 % des jeunes de quinze à vingt-quatre ans s’engageant à des titres plus ou moins directement bénévoles –, alors que cette proportion atteint 45 % chez les plus de cinquante ans, et 51 % chez les retraités, selon l’enquête France Bénévolat-IFOP de 2010. Ainsi, le renouvellement des bénévoles actifs constitue un réel défi.

En outre, les caractéristiques intrinsèques du bénévolat rendent la « fidélisation » des bénévoles assez difficile. L’extrême liberté laissée à l’engagement peut conduire les intéressés à abandonner sans préavis. Il existe d’ailleurs un certain niveau de rotation des bénévoles, de l’ordre de 20 %, dont les causes, multiples, ont souvent trait au manque de temps laissé par la vie professionnelle et familiale.

Ce constat rend d’autant plus remarquables les engagements bénévoles qui s’inscrivent dans une durée assez longue. La volonté de les reconnaître plus solennellement, comme le prévoit le texte que j’ai déposé le 26 septembre dernier sur le Bureau de notre Assemblée et dont nous débattons ce matin, prend ainsi tout son sens.

Chacun d’entre nous en conviendra : le bénévolat est insuffisamment reconnu dans notre pays. Il est vrai que, parmi les motivations des bénévoles, ne figure pas la recherche d’honneurs ou de gratifications. Il n’en demeure pas moins que leur apport au vivre-ensemble est essentiel et que, faute d’être mis en exergue, il pourrait finir par se tarir.

Aucune des différentes catégories de médailles officielles civiles ne permet de reconnaître l’engagement bénévole. Certes, des bénévoles figurent régulièrement dans les promotions des ordres nationaux de la Légion d’honneur ou du Mérite, notamment sur proposition du ministre chargé de la vie associative, mais ce sont le plus souvent des responsables associatifs, plutôt que des anonymes plus proches des réalités concrètes, même si une instruction du Premier ministre datant du 24 septembre 2008 a quelque peu infléchi, à la demande du Président de la République d’alors, les choix ministériels afin de favoriser une meilleure représentativité des promotions à ces deux ordres.

Quant à la médaille d’honneur de la jeunesse et des sports, elle permet de reconnaître davantage les bénévoles associatifs. Néanmoins, elle s’adresse essentiellement à celles et ceux qui agissent dans le cadre d’associations sportives ou d’éducation populaire, et non à l’ensemble des bénévoles.

Restent les récompenses décernées par des entités de droit privé, fondations et associations notamment. Parmi ces médailles non officielles figurent les Palmes du bénévolat, créées en décembre 2000 par la Fondation du bénévolat, présidée par M. Bernard Marie et reconnue d’utilité publique par décret du 5 mai 1995. Quelque 350 distinctions sont ainsi attribuées chaque année, sur proposition des maires ou de responsables associatifs, à des bénévoles particulièrement méritants, justifiant d’un certain nombre d’années passées au service des autres. Il n’en reste pas moins que ces Palmes du bénévolat ne constituent pas une récompense officielle.

La proposition de loi que j’ai l’honneur de rapporter devant vous vise à remédier à ce qui me semble constituer une carence et, pour tout dire, une injustice flagrante pour la très grande majorité des bénévoles qui donnent de leur énergie et de leur temps à la collectivité. Elle instaure, en son article 1er, une médaille d’honneur spécifique, comme il en existe actuellement une trentaine.

Depuis les années 1980, de nombreux parlementaires se sont interrogés, soit par voie de questions écrites, soit par le dépôt de propositions de loi, sur l’opportunité d’instituer une telle distinction. Il a toujours été répondu que le monde bénévole n’attendait pas un tel geste. Nul ne peut nier cependant qu’une récompense symbolique et officielle de l’engagement bénévole aurait valeur d’exemplarité et de reconnaissance collective à l’égard de ceux qui contribuent, au quotidien, à la vie associative, sociale, publique et même économique de notre pays. Je pense particulièrement aux sans-grades, à ceux qui œuvrent dans l’ombre, comme les personnes qui font depuis vingt ou trente ans le ménage dans les salles des Restos du Cœur, qui méritent toute notre reconnaissance et à qui l’on ne peut décerner une manifestation de cette reconnaissance.

Le dispositif retenu s’inspire du cadre existant pour les autres médailles civiles officielles, notamment de l’une des plus décernées, la médaille d’honneur du travail. La médaille d’honneur du bénévolat viserait ainsi à récompenser tout à la fois l’ancienneté des services honorables effectués à titre bénévole et la qualité exceptionnelle des initiatives prises à titre bénévole. Elle serait décernée, sans considération de nationalité, sous la forme de quatre échelons qui récompenseraient des durées passées au service des autres oscillant de vingt à trente-cinq ans. Sur ce dernier point, toutefois, il me semble qu’un raccourcissement s’impose pour mieux tenir compte de la spécificité du bénévolat, le parallèle avec la médaille d’honneur du travail étant sans doute inadapté. Je présenterai donc un amendement en ce sens.

L’autorité compétente pour attribuer la médaille d’honneur du bénévolat serait le ministre chargé de la vie associative, qui désignerait par arrêté deux promotions, à l’occasion des 1er janvier et 14 juillet de chaque année. Les préfets joueraient, eux aussi, un rôle décisionnel, sur délégation ministérielle.

Je n’ignore pas que le support législatif pour instituer cette nouvelle médaille d’honneur peut donner lieu à débat, car la plupart des médailles officielles actuelles reposent sur un fondement réglementaire. J’estime néanmoins que l’on ne peut dénier au Parlement toute capacité d’initiative en la matière. Certaines médailles officielles ont d’ailleurs été créées par le législateur, à l’instar de la médaille d’honneur des eaux et forêts, par la loi du 21 janvier 1910, de la médaille d’honneur des sociétés musicales et chorales, par la loi du 24 juillet 1924, ou encore de la médaille d’honneur des sapeurs-pompiers par la loi du 22 décembre 1937.

En outre, bien que l’article 34 de la Constitution énumère limitativement les différents aspects relevant du domaine de la loi, les empiétements du Parlement sur le domaine réglementaire ne sont pas rares. La jurisprudence du Conseil constitutionnel, issue de sa décision du 30 juillet 1982 sur la loi sur les prix et les revenus, autorise d’ailleurs ces situations en écartant, pour toute disposition réglementaire contenue dans une loi, tout motif d’inconstitutionnalité exclusivement fondé sur la violation des articles 34 et 37 de la Constitution.

Enfin, le Parlement a vu son rôle profondément évoluer à la suite de la révision constitutionnelle adoptée par le Congrès le 21 juillet 2008. Grâce à une meilleure répartition de l’ordre du jour ou à l’extension de nos pouvoirs de contrôle, une place plus importante a été accordée à nos initiatives, ce qui traduit le souhait du pouvoir constituant de donner davantage de poids aux propositions des parlementaires, en phase avec les réalités de terrain.

En tout état de cause, en adoptant cette proposition de loi, la Commission des affaires culturelles et de l’éducation adresserait un signal important à l’exécutif, appelé, à son tour, à prendre des initiatives fortes. Le Parlement est en droit de manifester sa volonté de changement. La discussion de ce texte nous en offre l’occasion.

J’ai cru comprendre que certains députés de la majorité siégeant dans cette Commission partagent l’objectif poursuivi par ma proposition de loi. Je suis persuadé qu’un consensus peut se dégager aujourd’hui sur la nécessité d’avancer, quitte à revoir notre position en cas d’engagement gouvernemental en séance. Cette éventualité m’apparaît hautement souhaitable, afin de montrer la considération que la représentation nationale accorde à des femmes et à des hommes qui sont des modèles d’altruisme et de générosité.

M. Pierre Léautey. Nous partageons avec nos collègues de l’opposition le souci de défendre et de promouvoir l’engagement bénévole et le monde associatif, qui apportent une importante contribution à la vie démocratique, à la construction du lien social et à la création de richesses, qui permettent notamment de conserver hors du champ du secteur marchand nombre d’activités dans les domaines du sport, de la culture, des solidarités ou des loisirs. Aujourd’hui, au même titre que tous les acteurs de la société, les associations connaissent une conjoncture difficile. Il convient donc de soutenir le développement de la vie associative, comme le fait le Gouvernement, au travers du financement de têtes de réseaux, de la formation des bénévoles, ou encore des projets associatifs, par le biais de la création d’emplois associatifs qualifiés.

Mais il faut aussi aller plus loin. Si nous sommes tous d’accord pour honorer les bénévoles, il apparaît que la création d’une médaille d’honneur du bénévolat est finalement une fausse bonne idée. Il est vrai que la symbolique est importante, voire nécessaire, dans la reconnaissance de l’engagement bénévole, mais il existe déjà un grand nombre de décorations civiles et cette initiative reste trop limitée et insuffisante au regard de la reconnaissance et des moyens qui doivent être accordés aux bénévoles pour leur permettre d’accomplir dans de bonnes conditions leur engagement associatif.

En outre, nous nous demandons pourquoi l’opposition propose aujourd’hui un tel texte, après avoir fait si peu de cas du monde associatif pendant dix ans. Sans doute répondra-t-on qu’une promotion du bénévolat associatif dans la Légion d’honneur et dans l’ordre national du Mérite a été créée en 2008 sur décision du Président de la République. Mais, là encore, nous sommes dans le symbolique. La réalité de votre bilan, c’est une baisse de 36 % des crédits alloués aux réseaux associatifs dans le domaine de la jeunesse et de l’éducation populaire entre 2008 et 2012. Et c’est plus globalement un certain mépris à l’égard des corps intermédiaires, en particulier des associations, bien mal traitées ces dix dernières années.

Est-il donc vraiment opportun de créer cette médaille d’honneur du bénévolat ? N’y a-t-il pas de meilleures réponses à apporter aux très fortes attentes des bénévoles et du monde associatif ? Certes, une forme de reconnaissance du bénévolat est indispensable, mais, pour les associations et leurs membres, elle ne passe pas uniquement par une distinction honorifique. Le bénévolat, c’est avant tout une action, souvent à plusieurs, avec la volonté de porter collectivement un projet. La reconnaissance de l’engagement bénévole se joue d’abord au sein de l’association.

De même, la reconnaissance de l’action bénévole ne peut se traduire exclusivement par des critères d’ancienneté, comme le propose ce texte, car cela ne permet pas de valoriser l’engagement des jeunes, par exemple, qui sont le plus à même d’être stimulés par une reconnaissance de leur investissement personnel. L’obtention d’une distinction honorifique ne peut être mécaniquement liée au nombre d’années passées au sein d’une association. D’autres critères doivent être retenus, comme la qualité de l’investissement, sachant qu’un parcours associatif n’est jamais complètement linéaire et qu’il existe des temps d’investissement différents en fonction de l’âge et de la disponibilité.

De plus, il existe déjà diverses distinctions honorifiques pour les bénévoles, réparties en trois grandes familles ; les ordres nationaux, dont l’ordre national de la Légion d’honneur et l’ordre national du Mérite avec, pour le bénévolat, une promotion du bénévolat associatif ; les ordres ministériels ; les médailles d’honneur, au nombre de vingt-deux, qui s’attachent à un secteur d’activité particulier ou à une administration, trois d’entre elles valorisant des qualités personnelles pour acte de courage et de dévouement – médaille d’honneur du travail, médaille de la famille, médaille d’honneur de la santé et des affaires sociales.

La médaille de la jeunesse et des sports, instaurée par le décret du 14 octobre 1969, est destinée à récompenser les personnes qui se sont distinguées d’une manière particulièrement honorable au service de l’éducation physique et des sports, des mouvements de jeunesse et des activités socio-éducatives, des colonies de vacances et œuvres de plein air, et de toutes les activités se rattachant aux catégories définies ci-dessus. L’association française des médaillés de la jeunesse et des sports comprend aujourd’hui environ 17 000 licenciés, avec une faible proportion de femmes, au nombre de 2 900. La médaille comporte trois grades : bronze pour huit années de bénévolat, argent pour douze années, et or pour vingt années de bénévolat.

L’instruction est essentiellement déconcentrée : elle est assurée par les directions départementales de la jeunesse et des sports, sous l’autorité des préfets, qui disposent d’un contingent par promotion. Ils décident seuls pour le premier grade et transmettent les autres candidatures au ministère, avec un avis circonstancié.

Une circulaire annuelle aux préfets trace les orientations et priorités du ministère, après avis d’un comité consultatif national des médaillés. La récente circulaire du 12 août 2012 mentionne ainsi une règle de parité et ouvre déjà en partie le champ des activités, en indiquant : « Vos prochaines propositions devront comporter des candidatures relevant du domaine sportif, mais également tenir compte, tout particulièrement, de celles émanant du secteur de la jeunesse et des activités socio-éducatives. Ce rééquilibrage permettra ainsi de distinguer par cette décoration des dirigeants associatifs, des animateurs, des directeurs de centres de vacances et des responsables de chantiers de jeunes ».

Au-delà de l’opportunité même d’une médaille du bénévolat, la proposition de loi pose un problème d’ordre juridique puisque la création d’une nouvelle décoration nationale, aussi bien que l’élargissement du champ d’une décoration, relève par nature du domaine réglementaire, quel que soit le type de la décoration. Toute création prend ainsi la forme d’un décret simple : rien n’impose de le soumettre au Conseil d’État ou de l’adopter en conseil des ministres. En revanche, le grand chancelier de l’ordre national de la Légion d’honneur, garant de la cohérence du dispositif national des décorations civiles et militaires, doit être préalablement consulté en vertu de l’article R. 117 du code de la Légion d’honneur et de la médaille militaire.

Aussi le vecteur inhabituel d’une proposition de loi conduirait-il à court-circuiter la grande chancellerie et il ne fait guère de doute que son avis serait réservé, non seulement du fait de l’empiétement du Parlement sur les pouvoirs propres du Gouvernement, mais aussi vraisemblablement sur le fond.

Enfin, plus généralement, instaurer une simple médaille serait réducteur vis-à-vis de l’engagement bénévole, d’autant que le Gouvernement a donné un certain nombre de garanties quant au projet politique global qu’il souhaite conduire en la matière. En effet, la ministre s’est déjà engagée à plusieurs reprises à étendre le périmètre de la médaille de la jeunesse et des sports à l’ensemble des acteurs de la vie associative, mais elle souhaite inscrire cette mesure dans un projet gouvernemental de portée plus large et plus globale.

Dans les mois à venir, un congé d’engagement bénévole à destination des actifs pourrait être mis en place. Ce congé devrait contribuer à développer le bénévolat et donner les moyens à ceux qui souhaitent s’y investir, ou qui exercent déjà des responsabilités associatives, de le faire dans de bonnes conditions. L’idée serait un capital temps attaché à une personne qui pourrait ainsi utiliser un certain nombre de jours par an pour exercer des responsabilités associatives. La nature de ce congé serait analogue au congé de représentation.

De même, les outils déjà existants, en particulier la validation des acquis de l’expérience (VAE) dans le cadre du bénévolat, devraient être davantage promus et simplifiés, afin d’en garantir l’accès au plus grand nombre. Une réflexion sera également engagée sur les leviers et les freins à l’engagement.

En matière de vie associative, la politique du Gouvernement est construite sur le développement de relations fondées sur le partenariat et la concertation avec l’ensemble des composantes associatives.

Par ailleurs, d’autres chantiers très attendus par le secteur associatif sont en cours, comme celui sur la sécurisation des modalités de contractualisation entre la puissance publique et les associations. À cet égard, le ministère des sports et le ministère de l’économie sociale et solidaire viennent d’ouvrir un chantier visant à remettre à plat les modalités de contractualisation État-collectivités-associations.

Ce chantier, qui fera d’abord l’objet d’une concertation interministérielle approfondie, puis d’une concertation avec les collectivités territoriales et le secteur associatif, pourrait déboucher sur l’adoption de dispositions législatives dans le cadre du projet de loi sur l’économie sociale et solidaire.

Dans le courant de l’année 2013, le Gouvernement prendra également l’initiative d’une charte commune entre l’État, les associations et les collectivités, dans la continuité de la charte des engagements réciproques, signée entre l’État et le secteur associatif en 2001 sous le gouvernement de Lionel Jospin. Cette nouvelle charte fixera les conditions du partenariat entre l’État et le monde associatif : elle sera, en quelque sorte, la « boussole » de l’action gouvernementale dans sa relation avec le monde associatif. Il s’agit donc de la réactiver.

En résumé, cette proposition de loi apparaît inopportune pour deux raisons : d’une part, la création ou la modification d’une médaille relève du domaine réglementaire et non législatif ; d’autre part, Mme la ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative s’est d’ores et déjà engagée à étendre le périmètre de la médaille de la jeunesse et des sports à l’ensemble du secteur associatif. Ainsi, c’est bien un projet de portée plus large et plus globale qui répondra aux besoins des bénévoles et du monde associatif. Le Gouvernement travaille en ce sens.

Telles sont, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles le groupe SRC vous demande de voter contre cette proposition de loi.

Mme Dominique Nachury. Je serai, quant à moi, plus brève et positive que l’orateur précédent : 22 % des Français, soit 11 à 12 millions de nos concitoyens, sont engagés dans une association. Ils sont 28 % si l’on inclut ceux qui sont engagés dans une organisation, une école ou un syndicat. Mais selon l’enquête France Bénévolat de 2012, les Français seraient 36 % à donner de leur temps pour les autres, que ce soit au sein d’une association, d’une organisation ou de manière informelle dans leur immeuble, leur quartier ou leur village, ce qui représente 18 millions de personnes, soit un Français sur trois. Les jeunes ne sont pas en reste, puisqu’ils sont près de 33 % à donner de leur temps, malgré toutes les sollicitations de la vie sociale.

Alors que l’on peut déplorer la perte du lien social dans nos sociétés et que les études sur la solitude sont alarmantes, ces chiffres rassurants montrent la nécessité de protéger et d’encourager ceux qui sont prêts à s’engager, sans compter, pour les autres.

Plusieurs initiatives ont déjà été prises en faveur de la reconnaissance du bénévolat. Il s’agit des Palmes du bénévolat, de la Fondation du bénévolat ; du passeport du bénévolat, qui permet aux bénévoles de valoriser leur engagement dans leur vie professionnelle – plus de 100 000 passeports ont été diffusés depuis 2008 – ; de la promotion du bénévolat associatif, intégrée à la promotion de la Légion d’honneur et à celle de l’ordre national du Mérite, créée sous le précédent quinquennat et qui permet de reconnaître et de récompenser l’ensemble d’une carrière et l’engagement associatif d’une personne dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’action sociale et de l’action humanitaire.

Cependant, la solidarité et l’engagement sont, comme le travail, des valeurs universelles situées au cœur du pacte républicain. Elles justifient donc la reconnaissance de la nation et, par conséquent, l’existence d’une médaille d’honneur.

Certes, on pourrait reprocher à ce texte de comporter des dispositions d’ordre réglementaire. Mais ce que souhaite Jean-Charles Taugourdeau, c’est avant tout envoyer un signe fort. Espérons qu’il sera soutenu dans cette entreprise au service du bien commun. Voilà pourquoi le groupe UMP soutient cette proposition de loi.

Mme Barbara Pompili. Je ne peux, pour ma part, cacher la consternation que m’inspire cette proposition de loi – et je pèse mes mots. Sous le précédent gouvernement, les subventions de l’État au monde associatif ont connu une baisse constante et drastique. Dans son rapport pour avis sur les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » pour 2013, notre collègue Malek Boutih a montré que ces diminutions ont été très préjudiciables au fonctionnement de certaines associations, au point de menacer la pérennité de certaines d’entre elles, comme le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP), le Planning familial, mais aussi nombre de petites structures. Ce sont les associations d’action sociale ou œuvrant dans le domaine de la santé et du médicosocial qui ont été les premières victimes des diminutions des concours de l’État.

Monsieur le rapporteur, vous indiquez vouloir reconnaître et récompenser les mérites des bénévoles. Nous pouvons tous ici remercier ces personnes qui s’engagent généreusement, sans compter leur temps, au service des autres. Mais pourquoi l’ancienne majorité s’est-elle systématiquement acharnée à diminuer leurs moyens ? N’y a-t-il pas là une contradiction entre les actions passées de l’UMP et vos grandes déclarations d’aujourd’hui ? Assistons-nous à un acte de communication, visant à redorer l’image bien ternie de l’UMP, ou à une nouvelle forme de clientélisme ?

Soyons sérieux ! Qu’attendent les associations et les bénévoles associatifs ? Ce qu’attendent les associations et les bénévoles, c’est la reconnaissance par les pouvoirs publics de leur travail au bénéfice de l’intérêt général. Ils attendent la co-construction de politiques publiques et l’octroi de moyens financiers avec un engagement dans la durée. Les associations espèrent un changement d’approche radical, car la politique menée par l’ancien président Sarkozy était destructrice du vivre-ensemble, destructrice des liens sociaux, destructrice du tiers secteur.

Aujourd’hui, la ministre Valérie Fourneyron prend le contre-pied de cette politique. Il ne s’agit pas d’agiter un hochet politique, comme vous le faites, servant à renforcer la loyauté d’individus au pouvoir en place. C’est un changement d’approche radical qui est proposé par la majorité, les associations étant à nouveau reconnues comme des acteurs incontournables des politiques publiques, ce dont je me félicite.

Des réflexions sont en cours, auquel le tissu associatif participe, afin de recréer le partenariat État-associations. La volonté de redynamiser la charte des engagements réciproques pour bâtir un nouveau cadre général de travail s’inscrivant dans la durée est un exemple. La création de médailles supplémentaires pour susciter des engagements et remercier les bénévoles n’est pas la solution : fort heureusement, il existe d’autres pistes que celle du bling-bling !

Tout d’abord, et c’est en ce sens que la majorité actuelle avance, il convient de traiter les associations comme de réels partenaires, mais aussi de s’engager – y compris financièrement – dans la durée. C’est par cette approche que les pouvoirs publics se montreront respectueux du travail accompli par les associations et leurs nombreux bénévoles.

Au-delà de ce cadre général, d’autres leviers existent pour susciter l’engagement des uns et des autres, comme le service civique pour les jeunes. Je pense également à la création du « congé engagement », sur lequel les réflexions devront se poursuivre. Enfin, le fonds pour le développement de la vie associative, qui permet notamment de financer les formations des bénévoles, devrait être revalorisé. À cet égard, il me semble plus opportun de trouver des financements pour renforcer la formation et l’accompagnement des bénévoles, que d’accorder des gratifications symboliques à quelques-uns, telles des médailles en chocolat !

C’est en considérant avec respect et constance le monde associatif que nous remercierons de la meilleure façon qui soit les milliers de bénévoles qui s’investissent et agissent pour la collectivité.

Vous l’aurez compris : le groupe des Écologistes ne soutient pas cette proposition de loi.

M. Rudy Salles. Je suis consterné par les interventions de mes collègues de la majorité. Ils se sont contentés de lire des papiers sans doute mûrement réfléchis par leurs groupes respectifs pour démolir une proposition de loi somme toute extrêmement généreuse. On se croyait revenu à 1981, lorsque l’on était passé « de l’ombre à la lumière », avec des bons, qui aimaient les associations, et des méchants, qui ne les aimaient pas. Soutenir qu’il y a eu dix ans de destruction des associations est ridicule ! Que des porte-parole de groupes s’expriment ainsi me fait honte pour notre Commission. Je vous invite, mes chers collègues, à vous familiariser avec le débat parlementaire, qui requiert un tout autre niveau !

Jean-Charles Taugourdeau a accompli un excellent travail. Nous connaissons tous la situation sur le terrain et je n’ai pas encore entendu d’association se réjouir de quelque changement que ce soit intervenu depuis le 6 mai !

Cette proposition de loi est utile car elle contribue à revaloriser le statut des bénévoles, de toutes ces personnes modestes qui font un travail remarquable. La majorité s’est montrée tellement injuste que je souhaite rendre hommage à ce texte.

M. Pierre Léautey. Vous ne nous avez pas écoutés !

M. Rudy Salles. Je sais bien que cela ne changera rien pour vous, tant votre position est idéologique. Vous ne cherchez pas le consensus, y compris sur des sujets qui, comme celui-ci, en valent la peine. Je siège dans cette Assemblée depuis assez longtemps pour savoir que c’est votre habitude et que vous utilisez certaines associations comme des courroies de transmission. Pour notre part, nous nous y refusons !

Bien entendu, le groupe UDI soutiendra cette proposition de loi.

Mme Marie-George Buffet. Nous reconnaissons tous le rôle des associations dans la vie démocratique de notre pays, dans le lien social, dans l’organisation des loisirs, dans l’accès à la culture et au sport, mais aussi pour répondre à des besoins urgents : des associations caritatives telles que les Restaurants du cœur, le Secours populaire, le Secours catholique, ont commencé il y a quelques jours à distribuer des repas aux familles les plus en difficulté. Il faut également mentionner l’aide aux devoirs, grâce à laquelle des enfants en échec retrouvent le chemin de la réussite.

On compte 14 à 16 millions de bénévoles ponctuels et 3 millions de personnes engagées pleinement. Cet engagement représente du temps pris sur la vie de famille, sur les soirées et sur les week-ends, au bénéfice de plus de 1 million d’associations. Il y a là, je crois, une spécificité française dont il faut se féliciter.

De plus, on sous-estime trop souvent le rôle économique du monde associatif, qui représente pourtant 820 000 emplois à plein temps et 1 point du produit intérieur brut.

Il est bon que cette proposition de loi permette à notre Commission de parler des bénévoles. Je ne saurais contester la nécessité de les honorer, ayant moi-même eu l’occasion de remettre à de nombreuses reprises la médaille de la jeunesse et des sports. Pour les hommes et les femmes qui se sont engagés dans une association ou un club pendant des années, c’est toujours un moment d’émotion. Il ne faut pas négliger cet aspect.

De reste, comme l’a rappelé M. Pierre Léautey, il existe déjà des Palmes du bénévolat délivrées par la Fondation du bénévolat, et la ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative compte étendre à l’ensemble des bénévoles associatifs la possibilité d’être honorés par la médaille de la jeunesse et des sports. Je m’en réjouis et j’espère que cela se fera rapidement.

Cela dit, les bénévoles aspirent à d’autres formes de reconnaissance. Ainsi, ne serait-il pas plus urgent d’élaborer un statut du bénévole ? Aucune majorité ne l’a fait. Nous devons y travailler ensemble en examinant les questions relatives aux congés, à la formation, mais aussi à la retraite. Sans les retraités, des pans entiers du monde associatif s’écrouleraient. Si j’ai défendu le droit à la retraite attaqué par la précédente majorité, c’est que je considère que ce temps est utile, notamment lorsqu’il est consacré au bénévolat.

Il faudrait ensuite attribuer des moyens. Le quotidien du bénévole, c’est souvent de chercher les bouts de ficelle permettant d’organiser une sortie pour les enfants, de payer le car, de louer un local, etc. Après des années de baisse, les crédits du ministère chargé de la vie associative sont gelés. J’espère que les années à venir verront une croissance des moyens alloués aux associations. Comme l’a souligné la ministre lors de son audition budgétaire, il conviendra également d’abandonner le système d’appels à projets, qui revient à soumettre les associations au bon vouloir des responsables ministériels. Ce n’est pas à eux de décider des priorités dans lesquelles doit s’inscrire le mouvement associatif pour obtenir des subventions. Il faut revenir à des subventions qui garantissent son fonctionnement et l’autonomie de ses choix.

Notre Commission s’honorerait en adoptant une démarche consensuelle pour répondre à ces besoins essentiels des bénévoles et en travaillant avec la ministre à l’élaboration d’une loi plus globale et d’un budget adapté.

M. Thierry Braillard. Le groupe RRDP ne soutient pas cette proposition de loi.

Le jeune parlementaire que je suis – n’en déplaise à M. Rudy Salles – ressent la nécessité absolue, au vu du bilan des dernières années, de passer d’un climat de défiance des associations vis-à-vis des pouvoirs publics à un climat de confiance. Ce n’est pas en créant une médaille que l’on franchira ce pas, mais, comme l’ont dit d’autres orateurs, en travaillant à un statut du bénévole, en améliorant la valorisation des acquis de l’expérience, en développant le service civique – engagement que nous avons pris dans le projet de loi de finances pour 2013 –, en offrant aux bénévoles, comme le font de nombreuses collectivités locales, des formations sur les risques juridiques et financiers de leur activité.

Bref, cette médaille nous apparaît plutôt comme un gadget.

Outre le fait que la disposition est d’ordre réglementaire, comme le souligne M. Pierre Léautey, le texte proposé soulève deux problèmes.

Premièrement, en indiquant que les activités récompensées peuvent être effectuées « au sein d’une association ou non », il met en cause la définition spécifique du bénévole. Comment le rapporteur définirait-il un bénévole hors du cadre associatif ?

Deuxièmement, il n’apporte aucune précision quant aux actions bénévoles au service d’une collectivité, au service d’autrui ou dans le cadre d’un service public. Un approfondissement serait souhaitable.

Enfin, seuls le ministre chargé de la vie associative et les représentants de l’État ayant reçu sa délégation pourraient décerner la médaille. Cela me semble contradictoire avec l’idée que le bénévolat récompensé peut avoir été exercé en dehors d’une association : il conviendrait plutôt d’établir une transversalité entre plusieurs ministères.

Compte tenu du défaut d’opportunité du texte, de son caractère juridiquement inadapté, des approximations de sa rédaction et de l’existence de dispositifs pour récompenser les bénévoles, nous ne le voterons pas.

Mme Brigitte Bourguignon. Personne ici ne doute de la valeur du bénévole. Chacun souhaite lui apporter une reconnaissance à sa juste valeur, même si c’est d’une manière différente.

Si l’intention de cette proposition de loi est louable, le texte n’en relève pas moins du symbole et apparaît trop restrictif.

Je suis peut-être une parlementaire inexpérimentée, monsieur Salles, mais je m’investis dans la vie associative depuis longtemps. Bénévole aux côtés de bénévoles, je peux vous affirmer que ces personnes ne cherchent pas une médaille mais une véritable reconnaissance du combat qu’ils mènent au jour le jour, du travail qu’ils accomplissent et de la cause qu’ils servent.

Les bénévoles rendent une mission de service public dans des domaines variés. À côté du sport, il faut mentionner l’économie sociale et solidaire, l’agriculture, la culture. La meilleure des reconnaissances est l’octroi des décorations existantes dans chacun de ces domaines.

La reconnaissance passe aussi par un travail plus large et plus respectueux sur le statut du bénévole, incluant la validation des acquis professionnels, voire, un jour, le bénéfice de points de retraite.

Je regrette que le dispositif exclue de fait les jeunes, puisqu’une médaille ne peut être accordée qu’à partir de vingt années d’activité. C’est d’autant plus dommage que l’on a beaucoup de mal, aujourd'hui, à recruter de jeunes bénévoles. Nous devrions faire davantage pour reconnaître et valoriser leur action. Le travail engagé par le ministère va dans le bon sens.

Puisque nous sommes tous d’accord sur la valeur du bénévole, nous devrions œuvrer ensemble à un dispositif beaucoup plus large plutôt que de nous lancer des noms d’oiseaux !

M. Dominique Le Mèner. Chacun est d’accord pour reconnaître le rôle irremplaçable des bénévoles dans notre société et nous sommes tous très attachés à ce modèle de vivre-ensemble.

Le propos du texte n’est pas de créer un nouveau « hochet de la vanité », comme disait Napoléon. La démarche se fonde sur la réalité des petites associations – et non celles qui ont une multitude de membres et emploient de nombreux salariés –, ces clubs sportifs ou autres qui font vivre les communes et qui, à travers cette distinction symbolique et spécifique, seraient heureux de bénéficier de la reconnaissance de la Nation.

Je félicite Jean-Charles Taugourdeau pour sa proposition. Néanmoins, étant moi-même l’auteur d’une proposition de loi tendant à créer un statut de l’élu associatif, déposée durant une précédente législature, je rejoins les propos de Mme Marie-George Buffet. Il est certes important de s’occuper du bénévolat, mais, aujourd’hui, la principale difficulté des associations est d’arriver à maintenir et à renouveler leurs cadres dirigeants. Le statut d’élu associatif me semble répondre à la volonté de reconnaissance de ceux qui s’engagent au-delà du rôle de simple bénévole. De nombreux bénévoles sont devenus des « consommateurs » qui passent d’une association à une autre et qui, en dépit de leur engagement, n’attendent pas cette reconnaissance.

Il faut donc distinguer, à mon sens, les personnes qui s’engagent dans le fonctionnement de l’association en participant à son bureau – ma proposition de loi, du reste, prévoyait que des points de retraite leur soient accordés – et les personnes simplement bénévoles.

Comme le dit Mme Buffet, les associations fonctionnent souvent avec des bouts de ficelle. C’est ce qui en fait la richesse et la solidarité. Il faut se demander à cet égard si la subvention doit être la règle. La déduction fiscale au titre des dons aux associations s’élève à 1,4 milliard d’euros par an et n’a pas connu de diminution. Ce dispositif, qui n’est pas un subventionnement, permet lui aussi à la Nation de montrer son attachement à la vie associative.

Le débat mérite donc d’être prolongé, non qu’il ne faille pas distinguer le bénévolat en créant une médaille d’honneur mais parce que le travail en profondeur sur le statut de l’élu associatif doit se poursuivre.

Mme Isabelle Attard. Nous sommes nombreux dans cette salle à avoir œuvré au sein d’associations en tant que bénévoles, voire en tant que responsables, et nous savons parfaitement quels sont les besoins réels : besoin de reconnaissance, de constance dans le soutien – pour ne pas avoir à se demander en permanence comment on pourra fonctionner l’année suivante –, de locaux, de terrains ou de véhicules. Ce n’est pas une médaille qui pourra pallier ces manques !

Par ailleurs, le texte prévoit de récompenser des activités bénévoles de très longue durée. Cet objectif me gêne profondément, car on sait bien que l’engagement n’est pas linéaire : on peut, par exemple, s’être engagé comme scout pendant quelques années dans sa jeunesse, arrêter pour faire ses études et élever ses enfants, adhérer plus tard à d’autres associations, et c’est tant mieux ! La variété des engagements, c’est la richesse de l’existence.

De même, un responsable d’association doit pouvoir passer le flambeau. Rester quarante ans dans la même structure n’est pas forcément bénéfique.

M. Paul Salen. Je pensais que notre Commission voterait ce texte à l’unanimité et sans restriction. Les bénévoles constituent un tissu indispensable pour notre société. Quand 36 % des personnes de plus de quinze ans sont engagées dans une action bénévole, il est normal que la Nation marque sa reconnaissance.

Le porte-parole du groupe SRC estime que ce n’est pas une bonne idée. J’espère que cet avis ne tient pas seulement au fait qu’elle émane d’un groupe de l’opposition !

L’ancienne majorité, a-t-il été dit également, n’aurait pas envoyé de signes de reconnaissance au monde associatif. Mais hier matin, lors de la séance de questions orales sans débat, c’est la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion qui m’a répondu alors que ma question avait trait à la vie sportive et associative !

M. Jean-Pierre Allossery. Cela n’a rien à voir !

M. Paul Salen. Le texte a le mérite de créer une médaille spécifique. Pour ma part, je remets aux bénévoles des médailles de l’Assemblée nationale. Loin de considérer que ce sont des hochets, ils apprécient ces marques de reconnaissance. Et la proposition de loi de M. Jean-Charles Taugourdeau envoie un signe fort dans leur direction.

M. Michel Ménard. Il y a au moins un consensus pour saluer l’action irremplaçable des bénévoles. Mais la démarche de la proposition de loi, qui ne vise qu’à l’attribution d’une médaille, est très réductrice. J’y retrouve ce à quoi le précédent Président de la République nous avait habitués : faire une loi pour communiquer plutôt que pour améliorer la vie de nos concitoyens. J’estime que les bénévoles méritent beaucoup mieux.

Non qu’il ne faille pas les honorer : beaucoup apprécient l’attribution d’une médaille. Mais il n’y a pas lieu de faire une loi supplémentaire, d’autant que la ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative a lancé un travail bien plus large sur l’engagement associatif.

On entend souvent dire qu’il y a trop de lois en France et qu’il conviendrait d’en supprimer une ancienne lorsque l’on en vote une nouvelle. Ce n’est pas vraiment la perspective de ce texte !

Enfin, je partage l’interrogation de M. Thierry Braillard : comment la ministre de la vie associative pourrait-elle récompenser un bénévole n’agissant pas dans le cadre d’une association ?

M. Guénhaël Huet. Sans se bercer d’illusions, on espère parfois que certaines propositions puissent échapper au manichéisme politique. Il serait bon que, sur des sujets qui ne sont pas polémiques, nous puissions nous retrouver. La majorité se targuait d’apporter « un souffle de modernité ». L’adoption d’une proposition de loi n’ayant d’autre but que de reconnaître le mérite des bénévoles de nos associations était une belle occasion de le prouver !

Comme Mme Marie-George Buffet, je crois qu’il faut élaborer un statut des bénévoles. Mais, quand certains prennent pour argument les moyens financiers accordés ces dernières années, je rappelle que le budget du sport et de la vie associative pour 2013 est en diminution de 5 % par rapport à 2012.

Mes chers collègues de la majorité, qui peut le plus peut le moins. Vous demandez un statut du bénévole : dont acte, travaillons-y ! Vous demandez davantage de moyens pour les associations : c’est vous qui avez désormais la main ! Acceptez seulement la mesure que nous proposons : elle est honorable et devrait nous réunir. Pour ma part, je la soutiendrai.

M. Hervé Féron. À ceux qui nous accusent de vouloir être polémiques, je répondrai que le sujet est très politique.

Parlons, si vous le voulez bien, d’éducation populaire. À l’origine, c’était par exemple un contremaître qui donnait chez lui, une fois par semaine, des cours du soir aux ouvriers qui le souhaitaient. Il leur permettait ainsi de progresser dans l’échelle sociale et dans leur vie quotidienne. La loi de 1901 a favorisé les initiatives de grands ministres. À l’époque de Léo Lagrange, les pionniers bénévoles de l’éducation populaire prennent la pelle et la pioche pour construire des colonies de vacances. Pour la première fois, des enfants peuvent passer des vacances à la montagne ou à la mer, parfois pour un bénéfice plus sanitaire que de loisirs. Léo Lagrange demande au ministre chargé des chemins de fer que ces enfants soient transportés gratuitement. C’est l’époque de l’imagination. Les moyens supplémentaires que l’on trouve pour le monde associatif constituent une énorme reconnaissance de l’action des bénévoles. La France était à reconstruire et à construire. Sans l’éducation populaire et les associations, c’était impossible.

Depuis, le monde associatif a toujours accompagné les avancées en matière de culture, de sport, de vacances, de logement, de santé et de solidarité en permettant l’accès à la citoyenneté active et à la formation permanente. Mais, en l’espace de dix ans, la droite a mis à mal les associations, non seulement par absence de reconnaissance, mais aussi, parfois, par défiance. Des lignes budgétaires et des postes FONJEP, financés par le fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire, ont été supprimés. Les gouvernements n’ont mené aucune politique en direction de la jeunesse.

Dès lors, une médaille d’honneur du bénévolat risque d’être reçue comme une provocation.

M. le rapporteur. J’aurai au moins appris une chose ce matin : provoquer un débat serait « réducteur » !

J’aurais souhaité que notre discussion conforte la situation du bénévole. Or la majorité, sans doute à dessein, confond deux choses : l’action et le dévouement du bénévole d’une part, la politique de l’État ou de tel ou tel gouvernement en matière de vie associative d’autre part.

Certaines actions sociétales sont uniquement tributaires des associations et des bénévoles, mais elles relèvent aussi de choix politiques. Je remarque à cet égard que le budget de l’action « Développement de la vie associative » pour 2013 est le même que celui de 2012.

Je remercie mes collègues de l’UDI et de l’UMP pour leur soutien. Je salue également l’intervention très constructive de Mme Marie-George Buffet. J’ajoute que si la ministre prend un décret pour inclure le bénévolat dans le périmètre de la médaille de la jeunesse et des sports, je ne pourrai personnellement que m’en réjouir.

Pour le reste, on a invoqué le « respect » tout en parlant de « médaille en chocolat ». Je ne trouve pas cela très respectueux à l’égard de ceux qui reçoivent une médaille ! La majorité adopte une position très politique sur un sujet qui devrait être très consensuel. Car, je le répète, ce texte n’est qu’un début pour arriver, un jour, à ce statut du bénévole dont on parle depuis des dizaines d’années.

Quant à l’idée d’attribuer des congés aux bénévoles pour qu’ils puissent exercer dans les associations, faut-il vous rappeler que les 35 heures nous ont fait passer de 5 à 10 semaines de congés payés ?

M. Jean-Pierre Allossery. Vous mélangez tout !

M. le rapporteur. Il n’empêche que l’on a donné ainsi du temps à des personnes qui souhaiteraient s’occuper de tel ou tel mandat associatif.

La majorité conteste aussi la durée de bénévolat à partir de laquelle la médaille peut être attribuée. L’amendement que je vous présenterai ramène cette durée à dix ans. Et, en tout état de cause, il ne s’agirait pas du temps passé dans une seule association.

Comme l’a dit M. Paul Salen, nous sommes parfois contraints, pour honorer les bénévoles, de remettre une médaille de l’Assemblée nationale. On pourrait reprocher aux députés de se mettre trop en valeur à cette occasion.

Du reste, mes chers collègues, l’engagement dans la vie associative dont vous faites tous état vous a permis de vous faire connaître. Vous avez pu y démontrer vos mérites et il y a lieu de penser que cela a contribué à votre élection à l’Assemblée nationale.

Bien entendu, l’attribution de la médaille ne serait pas automatique. Mais comment expliquer qu’un responsable d’association très connu se voie récompensé de la Légion d’honneur alors que rien n’est prévu pour les bénévoles ?

En mars 2012, lorsque j’ai déposé cette proposition de loi pour la première fois, j’avais déjà entendu dire que c’était un coup politique et médiatique pour redresser l’image médiatique de l’UMP. Je continue de revendiquer ce geste symbolique. Si les interventions de mes collègues peuvent inciter la ministre à étendre l’attribution de la médaille de la jeunesse et des sports aux bénévoles, je m’en réjouirai. Je tiens néanmoins à ce que l’on ne se limite pas aux associations. Le contremaître dont parlait M. Hervé Féron n’intervenait pas forcément dans le cadre d’une association. Et la médaille qui pourrait récompenser son action, ce n’est pas seulement lui qui en sera fier, ce sont aussi ses enfants et ses petits-enfants.

Il s’agit de délivrer un message : dans ce monde où chacun a tendance à se replier sur soi-même, donnez un peu de votre temps pour les autres !

II. – EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Institution de la médaille d’honneur du bénévolat

Nonobstant le cas des médailles sportives, qui distinguent les participants les plus performants à des compétitions en fonction de leurs résultats, une médaille est le plus souvent une décoration officielle obtenue à titre personnel (acte de sauvetage ou de bravoure, mérite particulier) ou collectif (ensemble des participants à une expédition militaire). Traditionnellement, il existe deux sortes de médailles officielles : les médailles militaires (médaille militaire, croix de guerre, croix de la valeur militaire, médaille de la gendarmerie nationale, croix du combattant, médaille de la défense nationale, pour ne prendre que quelques exemples) et les médailles civiles, catégorie que la médaille d’honneur du bénévolat a vocation à intégrer.

1. Une inspiration avouée : les médailles officielles civiles existantes

En France, une trentaine de médailles, instituées par décret, servent à marquer les parcours individuels exemplaires de nos concitoyens en diverses occasions : on mentionnera notamment, à cet égard, les médailles d’honneur du travail, de la police nationale et des sapeurs-pompiers, mais aussi celles des chemins de fer, des mines, du tourisme ou des travaux publics. Il existe même une médaille de la jeunesse et des sports, instituée par le décret n° 69-942 du 14 octobre 1969, dont les deux niveaux les plus élevés (or et argent, déterminés par l’ancienneté ou le caractère exceptionnel des services rendus) sont attribués par le ministre compétent à l’occasion de deux promotions annuelles, les 1er janvier et 14 juillet, les médailles de bronze étant décernées par les préfets. Cette médaille est destinée à récompenser les personnes qui se sont distinguées d’une manière particulièrement honorable au service de l’éducation physique et des sports, des mouvements de jeunesse et des activités socio-éducatives et des colonies de vacances, œuvres de plein air, activités de loisir social et d’éducation populaire ; de fait, elle ne recouvre que partiellement l’engagement bénévole.

Toutes ces marques officielles de reconnaissance reposent sur un ensemble de principes communs, consistant principalement à :

– des critères d’éligibilité assez exigeants (mérite dans le travail, sens de l’intérêt général, etc.) ;

– l’existence d’échelons différents pour chaque décoration (trois – à l’instar des médailles de la famille ou des sapeurs-pompiers, par exemple – à quatre – dans le cas de la médaille d’honneur du travail, notamment) ;

– un choix d’attribution incombant au Gouvernement (arrêté ministériel) et, sur délégation, aux préfets.

Les principales médailles officielles civiles en France,
hors ordres du mérite agricole (1883), du mérite maritime (1930),
des palmes académiques (1955) et des arts et des lettres (1957)

Intitulé de la décoration

Date de création

Médaille d’honneur pour acte de courage et de dévouement

1820

Médaille d’honneur des postes et télécommunications

1882

Médaille d’honneur des eaux et forêts

1883

Médaille d’honneur des affaires étrangères

1887

Médaille d’honneur des douanes

1894

Médaille d’honneur des contributions indirectes

1896

Médaille d’honneur des travaux publics

1897

Médaille d’honneur des sapeurs-pompiers

1900

Médaille d’honneur de la police nationale

1903

Médaille d’honneur des chemins de fer

1913

Médaille d’honneur de la famille

1920

Insigne des blessés civils

1920

Médaille d’honneur de l’aéronautique

1921

Médaille des victimes de l’invasion

1921

Médaille de la fidélité française

1922

Médaille d’honneur des sociétés musicales et chorales

1924

Médaille d’honneur de l’enseignement du 1er degré

1930

Médaille d’honneur départementale et communale

1945

Médaille d’honneur du travail

1948

Médaille des mines

1953

Médaille de la jeunesse et des sports

1969

Médaille d’honneur des personnels civils relevant du ministère de la défense

1976

Médaille d’honneur agricole

1984

Médaille du tourisme

1989

Médaille d’honneur de l’administration pénitentiaire

2003

Médaille de la protection judiciaire de la jeunesse

2007

Médaille de la sécurité intérieure

2012

Médaille d’honneur de la santé et des affaires sociales

2012

À bien y regarder, l’on comprend assez mal pourquoi le bénévolat ne figure pas dans cette liste, qui vise un certain nombre d’activités professionnelles ou sociales et de situations personnelles très spécifiques. Il s’agit là d’une distorsion regrettable au regard de l’apport constant des bénévoles à la République.

Le parti étant pris, par le biais de la présente proposition de loi, de remédier à ce qui apparaît comme une carence, le dispositif retenu s’inspire assez logiquement du cadre existant pour les autres médailles civiles officielles, et tout particulièrement celui de l’une des plus décernées, à savoir la médaille d’honneur du travail.

2. Le dispositif prévu pour la médaille d’honneur du bénévolat

Les dispositions inscrites à cet article 1er posent les bases juridiques de la médaille d’honneur du bénévolat. Elles en fixent tout à la fois la finalité, les conditions requises des impétrants, les variantes et les modalités d’attribution.

a) Des finalités claires : récompenser l’ancienneté et la qualité des services ou initiatives bénévoles

Le texte assigne deux buts à la médaille d’honneur du bénévolat. Celle-ci est en effet destinée à récompenser :

– soit, d’une part, l’ancienneté des services honorables effectués, à titre bénévole, au sein d’une association ou non ;

– soit, d’autre part, la qualité exceptionnelle des initiatives prises, à titre bénévole, au sein d’une association ou non.

Deux critères sont donc retenus : celui de la durée de l’engagement bénévole et celui de l’importance des actions menées ou des initiatives prises. L’objectif est de couvrir un éventail de profils à la fois suffisamment large, sur le plan du mérite, et justifié, quant à la reconnaissance ainsi accordée.

b) Des conditions souples : une action prioritairement accomplie sur le territoire de la République, mais pas seulement

À l’instar d’autres dispositifs de médailles en vigueur, tel celui de la médaille du travail, le texte ne cantonne pas la reconnaissance accordée à la possession de la nationalité française. Toute personne, quelle que soit sa nationalité, peut en effet obtenir cette médaille, pour peu qu’elle ait exercé une activité à titre bénévole sur le territoire de la République.

Le caractère prioritaire de l’action accomplie en France apparaît pleinement justifié s’agissant d’une reconnaissance officielle au titre de la Nation française. Néanmoins, à titre exceptionnel – sous réserve toutefois que soient remplies les conditions d’ancienneté requises –, la médaille d’honneur du bénévolat peut être décernée à toute personne résidant à l’étranger si son activité bénévole a particulièrement contribué au renom de la France.

Pour ce qui concerne les personnes résidant depuis moins de six mois dans un département, une collectivité ou un territoire d’outre-mer, la médaille d’honneur du bénévolat ne peut être attribuée qu’après avis du représentant de l’État dans le département, la collectivité d’outre-mer ou le territoire de la résidence antérieure. La justification de cette exigence réside dans la nécessité de procéder à certaines vérifications, non en la mise en place de contraintes.

Est également prévu le cas des bénéficiaires à titre posthume de la médaille. Dans leur cas, la demande doit être formulée dans les cinq ans suivant la date du décès, sous réserve que les intéressés aient exercé le nombre d’années d’activité bénévole requises.

Par parallélisme des formes, le texte pose aussi une règle de perte de plein droit de la médaille d’honneur. Cette dernière trouve à s’appliquer dans deux cas de figure :

– la déchéance de la nationalité française, hypothèse prévue par l’article 25 du code civil, par définition extrêmement grave et incompatible avec tout honorariat ;

– une condamnation à une peine afflictive ou infamante, qui rejoint dans ses conséquences le premier motif.

c) Des échelons liés à la durée de l’activité bénévole

La médaille d’honneur du bénévolat, comme la plupart des médailles officielles, n’est pas uniforme mais comprend plusieurs échelons, qui obéissent à une gradation de l’honorariat en fonction de la durée de l’engagement bénévole de la personne distinguée.

Ainsi, la médaille d’argent se trouve accordée après vingt années d’activité bénévole, tandis que la médaille de vermeil l’est après trente années d’activité bénévole, la médaille d’or après trente-cinq années d’activité bénévole et, enfin, la grande médaille d’or après quarante années d’activité bénévole.

Le texte dispose en outre que la grande médaille d’or pourra être accordée à titre posthume sans condition de durée d’activité bénévole aux personnes victimes d’un accident mortel dans l’exercice de cette activité. Il reste que cette éventualité demeurera soumise à l’appréciation des autorités compétentes pour procéder à cette attribution, notamment au regard du caractère exceptionnel de l’action ainsi accomplie (aide à des victimes d’une catastrophe naturelle et sauvetage de nombreuses vies, par exemple).

d) Des modalités d’attribution similaires aux autres catégories de médailles : une décision ministérielle pouvant être déléguée aux préfets

Fort logiquement, l’autorité compétente pour attribuer la médaille d’honneur du bénévolat est le ministre chargé de la vie associative. Formellement, il désignera par arrêté deux promotions, à l’occasion des 1er janvier et 14 juillet de chaque année.

Dans l’intervalle, la médaille ne pourra être accordée qu’à l’occasion de cérémonies ayant un caractère exceptionnel ou présidées par un membre du Gouvernement ou son représentant.

Par pragmatisme, les représentants de l’État dans les départements, les collectivités d’outre-mer, en Polynésie française et dans les Terres australes et antarctiques françaises pourront recevoir délégation du ministre chargé de la vie associative pour attribuer la médaille d’honneur du bénévolat dans leur département, collectivité ou territoire respectif.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement 1 AC du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à réécrire l’article 1er de manière à simplifier et à améliorer les différents échelons de la médaille d’honneur du bénévolat. Il abaisse à dix, quinze, vingt et vingt-cinq ans les durées d’activité bénévole ouvrant droit à l’attribution de cette distinction. Il précise que son octroi pour services exceptionnels rendus à titre bénévole ne dépend pas des conditions d’ancienneté requises dans le cadre commun. Il prévoit enfin que la médaille est attribuée dans la limite d’un contingent annuel fixé par le ministre chargé de la vie associative.

La Commission rejette l’amendement 1 AC.

Puis elle rejette l’article 1er.

Article 2

Gage financier

Le présent article gage les éventuelles charges pouvant résulter de l’institution de la médaille d’honneur du bénévolat pour l’État par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts. Il constitue en cela une disposition usuelle qui conditionne la recevabilité initiale de toute proposition de loi au moment de son dépôt, au regard des exigences de recevabilité financière prévues par l’article 40 de la Constitution du 4 octobre 1958.

Il est toutefois certain que l’article 1er n’entraîne que des charges de gestion pour les services centraux du ministère chargé de la vie associative et pour les services de l’État dans les départements, dès lors que l’octroi de la médaille d’honneur du bénévolat ne sera assorti d’aucune gratification financière particulière. De ce fait, l’utilité de ces dispositions de gage est sujette à caution et leur suppression apparaît envisageable.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement 2 AC du rapporteur, tendant à supprimer l’article 2.

M. le rapporteur. L’article de gage de la proposition de loi n’a pas lieu d’être car le dispositif, en l’absence de toute gratification des bénévoles médaillés, ne comporte que des charges de gestion pour l’administration.

La Commission adopte l’amendement 2 AC.

En conséquence, l’article 2 est supprimé.

La Commission ayant rejeté l’article 1er et supprimé l’article 2, l’ensemble de la proposition de loi est rejeté.

*

* *

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

TABLEAU COMPARATIF

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Dispositions en vigueur

___

Texte de la proposition de loi

___

Texte de la

Commission

___

 

Proposition de loi visant à créer une médaille d’honneur du bénévolat

Aucun texte adopté

     
 

Article 1er

 
 

« La médaille du bénévolat est destinée à récompenser :

 
 

« 1° L’ancienneté des services honorables effectués, à titre bénévole, au sein d’une association ou non ;

 
 

« 2° La qualité exceptionnelle des initiatives prises, à titre bénévole, au

sein d’une association ou non.

 
 

« Peut obtenir la médaille d’honneur du bénévolat toute personne,

qu’elle soit ou non de nationalité française, ayant exercé une activité à titre bénévole sur le territoire de la République.

 
 

« À titre exceptionnel, et sous réserve que soient remplies les conditions d’ancienneté, la médaille d’honneur du bénévolat peut être décernée à toute personne, qu’elle soit ou non de nationalité française, résidant à l’étranger, si son activité bénévole a particulièrement contribué au bon renom de la France.

 
 

« La médaille d’honneur du bénévolat comprend quatre échelons :

 
 

« 1° La médaille d’argent, qui est accordée après vingt années d’activité bénévole ;

 
 

« 2° La médaille de vermeil, qui est accordée après trente années d’activité bénévole ;

 
 

« 3° La médaille d’or, qui est accordée après trente-cinq années d’activité bénévole ;

 
 

« 4° La grande médaille d’or, qui est accordée après quarante années d’activité bénévole.

 
 

« À condition que la demande ait été formulée dans les cinq ans suivant la date du décès, la médaille d’honneur du bénévolat peut être décernée, à titre posthume, aux personnes qui, au moment de leur décès, comptaient le nombre d’années d’activité associative bénévole requises en application de l’alinéa 2 du présent article. La grande médaille d’or peut être accordée, à titre posthume, sans condition de durée d’activité bénévole, aux personnes victimes d’un accident mortel dans l’exercice de cette activité.

« La médaille d’honneur du bénévolat se perd de plein droit :

 
 

« 1° Par déchéance de la nationalité française ;

 
 

« 2° Par toute condamnation à une peine afflictive ou infamante.

 
 

« La médaille d’honneur du bénévolat est décernée par arrêté du ministre chargé de la vie associative à l’occasion des 1er janvier et 14 juillet de chaque année. Dans l’intervalle de ces deux promotions, elle ne peut être accordée qu’à l’occasion de cérémonies ayant un caractère exceptionnel, ou présidées par un membre du Gouvernement ou son représentant.

« Les représentants de l’État dans les départements, les collectivités d’outre-mer, en Polynésie française et dans les Terres australes et antarctiques françaises peuvent recevoir délégation du ministre chargé de la vie associative pour attribuer la médaille d’honneur du bénévolat dans leur département, collectivité ou territoire respectif.

« La médaille d’honneur du bénévolat ne peut être attribuée aux personnes résidant depuis moins de six mois dans un département, une collectivité d’outre-mer ou un territoire qu’après avis du représentant de l’État dans le département, la collectivité d’outre-mer ou le territoire de la résidence antérieure. »

 
 

Article 2

 
 

Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.

 

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° 1 AC présenté par M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur

Article 1er

Rédiger ainsi cet article :

« I. – La médaille d’honneur du bénévolat est destinée à récompenser :

« 1° Soit l’ancienneté des services honorables effectués, à titre bénévole, au sein d’une association ou non ;

« 2° Soit la qualité exceptionnelle des initiatives prises, à titre bénévole, au sein d’une association ou non.

« Peut se voir décerner la médaille d’honneur du bénévolat toute personne, qu’elle soit ou non de nationalité française, ayant exercé une activité à titre bénévole sur le territoire de la République.

« À titre exceptionnel et sous réserve que soient remplies les conditions d’ancienneté, la médaille d’honneur du bénévolat peut être décernée à toute personne, qu’elle soit ou non de nationalité française, résidant à l’étranger, si son activité bénévole a particulièrement contribué au bon renom de la France.

« II. – La médaille d’honneur du bénévolat comporte quatre échelons :

« 1° La médaille de bronze, qui est décernée après dix années d’activité bénévole ;

« 2° La médaille d’argent, qui est décernée après quinze années d’activité bénévole ;

« 3° La médaille d’or, qui est décernée après vingt années d’activité bénévole ;

« 4° La grande médaille d’or, qui est décernée après vingt-cinq années d’activité bénévole.

« La médaille d’honneur du bénévolat peut être décernée sans condition d’ancienneté à l’un quelconque des quatre échelons pour des services exceptionnels rendus à titre bénévole, au sein d’une association ou non.

« À condition que la demande ait été formulée dans les cinq ans suivant la date du décès, la médaille d’honneur du bénévolat peut être décernée, à titre posthume, aux personnes qui, au moment de leur décès, remplissaient la condition de durée d’activité associative bénévole requise en application du 1° du I. La grande médaille d’or peut être décernée, à titre posthume, sans condition de durée d’activité bénévole, à toute personne victime d’un accident mortel dans l’exercice de cette activité.

« III. – La médaille d’honneur du bénévolat est conférée dans la limite d’un contingent annuel fixé par arrêté du ministre chargé de la vie associative.

« IV. – La médaille d’honneur du bénévolat est retirée de plein droit :

« 1° Par déchéance de la nationalité française ;

« 2° Par toute condamnation à une peine afflictive ou infamante.

« V. – La médaille d’honneur du bénévolat est décernée par arrêté du ministre chargé de la vie associative à l’occasion des 1er janvier et 14 juillet de chaque année. Dans l’intervalle de ces deux promotions, elle ne peut être décernée qu’à l’occasion de cérémonies ayant un caractère exceptionnel, ou présidées par un membre du Gouvernement ou son représentant.

« Les représentants de l’État dans les départements, les collectivités d’outre-mer, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises peuvent recevoir délégation du ministre chargé de la vie associative pour décerner la médaille d’honneur du bénévolat dans leur département, collectivité d’outre-mer ou territoire respectif.

« La médaille d’honneur du bénévolat ne peut être décernée aux personnes résidant depuis moins de six mois dans un département, une collectivité d’outre-mer ou un territoire qu’après avis du représentant de l’État dans le département, la collectivité d’outre-mer ou le territoire de leur résidence antérieure. »

Amendement n° 2 AC présenté par M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur

Article 2

Supprimer cet article.

© Assemblée nationale

1 () Rapport au Conseil économique et social sur l’essor et l’avenir du bénévolat, facteur d’amélioration de la qualité de la vie, par Marie-Thérèse Cheroutre, juin 1989, et avis dudit Conseil en date du 24 février 1993.

2 () Voir à ce sujet, l’avis n° 252 de M. Malek Boutih au nom de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative » du projet de loi de finances pour 2013, (tome X) p. 60 et 61.

3 () Cass. soc., 9 mai 2001, « Emmaüs ».

4 () « La vie associative en 2002, 12 millions de bénévoles », INSEE Première, n° 946, février 2004.

5 () « La situation du bénévolat en France en 2010 », France Bénévolat, IFOP et Crédit Mutuel, septembre 2010.

6 () « Bénévolat. Enquête sur la vie associative en France en 2010 : résultats préliminaires », Lionel Prouteau à partir de l’enquête BVA-DREES, chiffres-clés publiés par le ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, 2011.

7 () « Le travail bénévole : un essai de quantification et de valorisation », INSEE, économie et statistique n° 373, 2004.

8 () Direction générale éducation et culture de la Commission européenne : « Le volontariat dans l’Union européenne », enquête réalisée par GHK consulting, février 2010.

9 () « Développer, accompagner et valoriser le bénévolat », Centre d’analyse stratégique, note d’analyse n° 241, septembre 2011.

10 () Question n° 5641, publiée au journal officiel de la République française (JORF) le 14 juillet 1986.

11 () Question n° 820, publiée au JORF le 10 mai 1993.

12 () Question n° 43392, publiée au JORF le 20 mars 2000.

13 () Question n° 19394, publiée au JORF le 2 juin 2003.

14 () Questions n°s 40090, 48602 et 56755 publiées respectivement au JORF le 25 mai 2004, le 12 octobre 2004 et le 1er février 2005.

15 () Proposition de loi n° 3628, enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 30 janvier 2007 (XIIème législature).

16 () Proposition de loi n° 368, enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 7 novembre 2007 (XIIIème législature).

17 () Proposition de loi n° 4482, enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 20 mars 2012 (XIIIème législature).

18 () Op. cit., p. 61.

19 () Décision n° 82-143 DC du 30 juillet 1982 : « Loi sur les prix et les revenus », considérant n° 11.