N° 491
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 décembre 2012.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE (N° 431) DE MME MARIETTA KARAMANLI ET M. CHARLES DE LA VERPILLIÈRE sur le régime d'asile européen commun,
PAR Mme Marietta KARAMANLI,
Députée.
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A. LA PREMIÈRE PHASE DE LA CONSTRUCTION D’UN RÉGIME D’ASILE EUROPÉEN COMMUN : UN BILAN EN DEMI-TEINTE 7
B. LA SECONDE PHASE DU RÉGIME D’ASILE EUROPÉEN COMMUN TRADUIT UN NIVEAU D’AMBITION PLUS ÉLEVÉ 10
1. Les textes déjà adoptés 11
a) La « directive qualification » 11
b) Un bureau d’appui européen en matière d’asile 12
c) Un programme européen commun de réinstallation 13
d) L’extension du champ de la « directive résidents de longue durée » aux bénéficiaires d’une protection internationale 13
2. Les textes en cours de discussion au sein des institutions de l’Union européenne 14
a) La révision du règlement « Dublin II » 14
b) La refonte du règlement Eurodac 16
c) La refonte de la « directive accueil » 19
II. LA DIRECTIVE « PROCÉDURES » : RENFORCER LES GARANTIES DES DEMANDEURS D’ASILE EN PRÉSERVANT L’EFFICACITÉ DE LA PROCÉDURE 21
A. UN CONTEXTE FRANÇAIS FORTEMENT CONTRAINT 21
1. La France est le premier pays d’accueil des demandeurs d’asile en Europe 21
2. Un vigoureux et ambitieux effort de réduction des délais 22
B. LA RECHERCHE D’UN ÉQUILIBRE ENTRE LES GARANTIES ACCORDÉES AUX DEMANDEURS ET L’EFFICACITÉ DES PROCÉDURES 23
1. Les nouvelles modalités de l’entretien individuel 24
a) La systématisation de l’entretien 24
b) La possibilité de s’entretenir avec une personne du même sexe 24
c) L’assistance par un conseil lors de l’entretien 25
d) L’enregistrement des entretiens et l’établissement d’un rapport 26
2. L’information aux frontières et dans les centres de rétention 27
3. L’encadrement des délais d’examen 27
4. La prise en compte des besoins particuliers des personnes vulnérables 28
5. Le caractère suspensif du recours 29
6. La liste des pays d’origine sûrs 31
EXAMEN EN COMMISSION 35
PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION SUR LE RÉGIME D’ASILE EUROPÉEN COMMUN 37
TABLEAU COMPARATIF 39
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 43
« On ne doit pas refuser une demeure fixe à des étrangers qui, chassés de leur patrie, cherchent une retraite, pourvu qu’ils se soumettent au gouvernement établi, et qu’ils observent toutes les prescriptions nécessaires pour prévenir les séditions. […]. C’est le propre des Barbares de repousser les étrangers », écrit Grotius en 1625 dans Du droit de la guerre et de la paix (livre II, chapitre II, XVI).
D’origine religieuse – chez les Grecs, l’asylie était la contrepartie de l’asile que la terre avait jadis offert aux Dieux – et progressivement laïcisé (l’asile chrétien, codifié lors du concile d’Orléans en 511, est partiellement aboli par l’ordonnance de Villers-Cotterêts de François Ier en 1539), le droit d’asile s’est longtemps inscrit dans un cadre national. Il est profondément ancré dans l’histoire et des valeurs de notre République. Dès la période révolutionnaire, l’article 120 de la Constitution du 24 juin 1793 affirme ainsi que le peuple français « donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté. Il le refuse aux tyrans ». À la Libération, le préambule de la Constitution de 1946 fait écho à cette proclamation, en inscrivant parmi les principes particulièrement nécessaires à notre temps que « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ».
L’asile s’est ensuite inscrit dans un cadre international, avec la création du Haut-Commissariat des réfugiés russes de la Société des nations, en 1921, confié au diplomate norvégien Fridjof Nansen. L’Organisation internationale des réfugiés (OIR) est créée par les Nations unies en 1947, avec un mandat limité aux réfugiés européens. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) lui succède le 14 décembre 1950, tandis que l’instrument juridique de référence en matière d’asile, la Convention de Genève, est adoptée le 28 juillet 1951.
Désormais, le droit d’asile également dans un cadre européen. La coopération dans ce domaine est longtemps restée intergouvernementale. Un chapitre de la convention d’application de l’accord de Schengen du 19 juin 1990 a ainsi été consacré à l’asile, tandis que la convention de Dublin du 16 juin 1990 (entrée en vigueur en 1997) a posé les critères de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile. Le traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997 a marqué un « saut qualitatif », en communautarisant la politique d’asile (c’est-à-dire en la transférant du troisième pilier de l’Union européenne, intergouvernemental, vers le premier pilier, communautaire).
Sur ce fondement, plusieurs textes importants ont été adoptés. Des normes minimales ont été définies pour l’accueil des demandeurs d’asile et pour l’octroi d’une protection temporaire, et une définition commune des réfugiés et de la protection subsidiaire a été élaborée. Un Fonds européen pour les réfugiés a été créé.
Cette « première phase » de la construction d’un régime d’asile européen commun n’a cependant apporté qu’une harmonisation limitée, et les divergences entre les législations et les pratiques des États membres restent importantes. C’est pour ces raisons que le Conseil européen a fixé pour objectif aux institutions de l’Union européenne de « refondre » l’ensemble des instruments juridiques – directives ou règlements – existants au cours d’une « seconde phase », dont l’objectif est la réalisation d’un régime d’asile européen commun avant la fin de l’année 2012. Cette échéance ne sera vraisemblablement pas respectée, car l’une des directives les plus importantes, la refonte de la directive 2005/85/CE relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres (dite « directive procédure »), ne sera pas achevée avant la fin de cette année.
La proposition de résolution européenne soumise à la commission des Lois par votre rapporteure et M. Charles de la Verpillière au nom de la commission des Affaires européennes permet à l’Assemblée nationale de prendre position sur les principaux enjeux soulevés par ce texte, avec pour objectif de parvenir à un équilibre satisfaisant entre le renforcement des garanties accordées aux demandeurs et l’efficacité de la procédure (II). Elle fournit également l’opportunité à votre commission des Lois de dresser un premier bilan des textes adoptés ou en voie de l’être prochainement dans le cadre de la construction d’un régime d’asile européen commun (I). En cela, elle constitue un nouveau témoignage de la volonté de notre Commission de se pencher le plus en amont possible sur les textes européens qui auront nécessairement une répercussion directe sur notre législation, dans des domaines cruciaux.
I. VERS UN RÉGIME D’ASILE EUROPÉEN COMMUN
L’Union européenne s’est fixé l’objectif, depuis le Conseil européen de Tampere (Finlande) des 15 et 16 octobre 1999, de mettre en place un régime d’asile européen commun (RAEC) fondé sur l’application de la Convention de Genève de 1951. Le Conseil européen a confirmé cet objectif dans les programmes de La Haye (2005-2009) et de Stockholm (2010-2014) ainsi que dans le Pacte européen pour l’asile et l’immigration adopté en octobre 2008. Il a été prévu de mettre en place ce régime d’asile européen commun en deux phases :
– une première phrase consistant en l’adoption notamment de normes minimales en matière de procédure de traitement des demandes d’asile, de conditions d’accueil des demandeurs et de définition et de contenu du statut de réfugié ;
– une seconde phase devant déboucher, au plus tard à la fin 2012, sur une procédure d’asile commune et un statut uniforme, valable dans toute l’Union.
A. LA PREMIÈRE PHASE DE LA CONSTRUCTION D’UN RÉGIME D’ASILE EUROPÉEN COMMUN : UN BILAN EN DEMI-TEINTE
Le bilan de la première phrase d’établissement d’un régime d’asile européen commun est quantitativement impressionnant : un ensemble normatif constitué de quatre directives, deux règlements et une décision a été adopté. Il couvre les principaux aspects du droit d’asile et de la protection subsidiaire, qu’il s’agisse, par exemple, de la définition de ce qu’est un réfugié, des conditions d’accueil des demandeurs ou de la procédure d’octroi du statut de réfugié. D’un point de vue qualitatif, le bilan est cependant mitigé, car la portée normative et harmonisatrice de ces textes est limitée.
La première phase de la construction d’un régime d’asile européen commun a conduit à l’adoption de plusieurs textes importants :
– le règlement n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système « Eurodac » pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace de la convention de Dublin (devenue le « règlement Dublin II », voir ci-après) ;
– la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l’octroi d'une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil (dite « directive protection temporaire ») ;
– la directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres (dite « directive accueil ») ;
– le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers (dit « règlement Dublin II ») a remplacé la Convention de Dublin de 1990 qui avait le même objet ;
– la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relative au contenu de ces statuts (dite « directive qualification ») ;
– la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres (dite « directive procédure ») ;
– un Fonds européen pour les réfugiés a été créé par la décision 2000/596/CE du 28 septembre 2000, et régulièrement prorogé depuis. Il soutient, par le cofinancement, les actions menées par les États membres pour accueillir des réfugiés et des personnes déplacées. Il est doté de 614 millions d’euros sur la période 2008-2013.
Les textes adoptés ont entraîné d’importantes modifications en droit français, mais l’harmonisation des systèmes nationaux d’asile est cependant restée limitée.
Avec la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d’asile, des changements profonds de nos règles relatives à l’asile ont été opérés, de manière anticipée par rapport aux directives européennes mais en tenant compte de leurs orientations (qui avaient déjà fait l’objet d’un accord politique au sein du Conseil de l’Union européenne),
La « directive qualification » a ainsi conduit à introduire, par anticipation, en droit français la notion d’asile interne. L’asile interne, qui figure aujourd’hui à l’article L. 713-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), signifie que peut être rejetée la demande d’asile d’une personne qui aurait accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d’origine, si cette personne n’a aucune raison de craindre d’y être persécutée ou d’y être exposée à une atteinte grave et s’il est raisonnable d’estimer qu’elle peut rester dans cette partie du pays.
Cette même « directive qualification » a entraîné la fin, par la voie législative, à la jurisprudence dite de l’auteur des persécutions. Selon cette jurisprudence, les craintes de persécutions n’étaient susceptibles de relever de la Convention de Genève que si elles étaient le fait d’autorités étatiques ou qu’elles étaient encouragées ou volontairement tolérées par ces mêmes autorités étatiques si l’auteur des persécutions était d’une autre nature (personnes privées, organisations mafieuses, etc.). L’introduction de la notion d’incapacité des autorités de l’État ou d’organisations internationales ou régionales à assurer une protection dans notre droit a mis fin à cette jurisprudence. Seul importe désormais le refus ou l’incapacité d’offrir une protection, les persécutions pouvant être aussi bien le fait des autorités de l’État ou d’acteurs non étatiques.
La « directive qualification » a, par ailleurs, conduit à la disparition de l’asile territorial (1), à laquelle la protection subsidiaire s’est substituée. Cette dernière, définie à l’article L. 712-1 du CESEDA, est accordée à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié et qui établit qu’elle est exposée dans son pays à l’une des menaces graves suivantes : a) la peine de mort b) la torture ou des traitements inhumains ou dégradants c) s’agissant d’un civil, une menace grave, directe et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence généralisée résultant d’une situation de conflit armé interne ou international.
La notion de pays d’origine sûr, introduite en droit français par la même loi du 10 décembre 2003, est reprise de la « directive procédure ». Un pays d’origine est défini comme sûr dès lors qu’il veille au respect des principes de liberté, de la démocratie et de l’État de droit, ainsi que des droits de l’homme et des libertés fondamentales. En l’absence d’adoption d’une liste européenne de ces pays, c’est le conseil d’administration de l’OFPRA qui fixe cette liste. La liste actuelle comporte dix-huit pays (Arménie, Bangladesh, Bénin, Bosnie-Herzégovine, Cap-Vert, Croatie, Ghana, Inde, Macédoine (ARYM), Mali (pour les hommes uniquement), Maurice, Moldavie, Mongolie, Monténégro, Sénégal, Serbie, Tanzanie et Ukraine). Elle a été rectifiée à plusieurs reprises à la suite d’annulations partielles par le Conseil d’État. Les ressortissants de ces pays peuvent demander, et même obtenir, l’asile, mais leurs demandes sont examinées de façon prioritaire (délai de 15 jours, réduit à 96 heures s’ils sont en rétention) et ils ne sont pas admis au séjour au titre de l’asile durant le traitement de leurs demandes.
Enfin, la convocation des primo-demandeurs à un entretien par l’OFPRA a été rendue quasi systématique, conformément à l’article 12 de la « directive procédure ». Il ne peut y être dérogé que si l’OFPRA s’apprête à prendre une décision positive, si le demandeur a la nationalité d’un pays où les risques de persécution n’existent plus, si les éléments fournis à l’appui de sa demande sont manifestement infondés ou si des raisons médicales interdisent de procéder à l’entretien (art. L. 723-3 du CESEDA).
En dépit des changements significatifs évoqués précédemment, l’harmonisation apportée par ces textes, adoptés à l’unanimité, reste limitée : ils sont issus de compromis a minima et reflètent souvent le « plus petit dénominateur commun ». Diverses techniques législatives ont été employées pour limiter la portée contraignante des directives adoptées : renvoi au droit national, édiction d’une simple faculté pour les États membres (« les États membres peuvent […] »), multiplication des exceptions, octroi de dérogations (« opt out »), etc.
Ce faible degré d’harmonisation n’a pas permis de mettre fin aux disparités des systèmes nationaux d’asile des États membres. Ces disparités, conjuguées à d’autres facteurs économiques et linguistiques notamment, contribuent à maintenir un fort différentiel d’attractivité entre les États membres. C’est pour ces raisons qu’il est nécessaire de refondre les textes adoptés au cours de cette première phase, dans une perspective plus ambitieuse.
La seconde phase de la construction d’un régime d’asile européen commun a débuté avec l’adoption de la « directive procédure » en 2005, qui était le dernier texte établissant des normes minimales en matière d’asile prévu par le traité d’Amsterdam (2).
Cette nouvelle phase s’appuie sur des bases juridiques plus solides, le traité de Lisbonne ayant substitué à l’objectif d’adoption de « normes minimales » celui d’établir « un système européen commun d’asile » comportant « un statut uniforme » et des « procédures communes ». Ces textes sont, en outre, désormais adoptés selon la procédure législative ordinaire, c’est-à-dire à la majorité qualifiée au sein du Conseil de l’Union européenne et en codécision avec le Parlement européen, qui n’était auparavant que consulté. Ce nouveau cadre institutionnel a évidemment un impact sur le contenu des textes adoptés.
La Commission européenne a ainsi présenté, en décembre 2008, un premier « paquet législatif », composé des propositions de refonte des règlements Eurodac et « Dublin II » et de la « directive accueil », suivi, en octobre 2009, d’un second paquet composé des propositions de refonte des directives « procédures » et « qualification ». Elle a également déposé des propositions relatives à un programme européen commun de réinstallation, au Fonds « Asile et migration » et à l’extension du champ de la directive 2003/109/CE relative aux résidents de longue durée aux bénéficiaires d’une protection internationale.
Plusieurs des textes présentés par la Commission européenne ont déjà été adoptés.
La « directive qualification » a été refondue, après deux ans de négociations, par la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 (3). Elle devra être transposée avant le 21 décembre 2013.
Cette nouvelle directive tend à rapprocher les droits des réfugiés et des bénéficiaires de la protection subsidiaire, regroupés sous l’appellation commune de « bénéficiaires de protection internationale » et à améliorer leur accès aux mesures et aux dispositifs favorisant l’intégration (formation, santé, emploi, logement). Cette harmonisation des droits accordés aux bénéficiaires de la protection subsidiaire sur ceux des réfugiés aura un impact limité sur notre droit, car tel était déjà le cas, pour l’essentiel, en France. La durée du titre de séjour accordé aux personnes bénéficiant d’une protection subsidiaire sera cependant allongée à deux ans, lors de son renouvellement, alors que le bénéfice de cette protection est actuellement accordé pour une période d’un an renouvelable (art. L. 712-3 du CESEDA).
En matière de reconnaissance du statut, la directive précise la définition du motif de persécution constituée par « l’appartenance à un certain groupe social ». Les questions liées au genre du demandeur – notamment l’identité de genre et l’orientation sexuelle – devront notamment être dûment prises en considération, ce qui assurera une meilleure protection aux victimes de mutilations génitales, de stérilisations forcées ou d’avortements forcés.
La directive encadre également plus fortement le recours à la notion d’asile interne, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH, 11 janvier 2007, Salah Sheek c. Pays-Bas, requête n° 1948/04, point 141). Son article 8 exige notamment que le demandeur puisse accéder « en toute sécurité et en toute légalité » vers la partie du pays concerné et s’y établir, pour que l’on puisse considérer que l’asile interne est possible. L’article L. 713-3 du CESEDA devra être adapté en conséquence. Elle exige aussi que la protection offerte par les autorités de l’État ou des organisations internationales et régionales doit être « effective et non temporaire », ce que ne précise pas la rédaction actuelle de l’article L. 713-2 du même code.
Enfin, la directive propose une définition élargie des membres de la famille, en l’étendant au parent ou adulte responsable d’un mineur non marié. Cette extension devra être opérée, en droit interne, pour les bénéficiaires de la protection subsidiaire.
Un bureau d’appui européen en matière d’asile a été créé par le règlement (UE) n° 439/2010 du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010. Ce bureau prend la forme institutionnelle d’une agence de régulation, dénuée de toute compétence décisionnelle en matière d’asile. Opérationnel depuis le 19 juin 2011, son rôle est de renforcer la coopération pratique des États membres en matière d’asile, de soutenir ceux d’entre eux dont les régimes d’asile sont soumis à des pressions particulières et de contribuer à la mise en œuvre du régime d’asile européen commun par la collecte et l’échange d’informations. Il siège à La Valette (Malte).
Les actions que le bureau peut mener incluent notamment :
– des échanges d’informations, notamment sur les pays d’origine, et de bonnes pratiques ;
– le développement d’actions de formation en matière d’asile ;
– la coordination des actions liées à la mise en œuvre des transferts intracommunautaires ;
– la coordination des actions d’appui en faveur des États membres soumis à des pressions particulières ;
– l’organisation de l’assistance opérationnelle et technique aux États membres demandeurs qui sont soumis à des pressions particulières avec notamment l’envoi d’équipes d’experts appelées « équipes d’appui asile ». Un « réseau d’intervention asile » est, à ce titre, constitué par le bureau ;
– la coordination de toute action liée à la mise en œuvre des instruments relatifs à la dimension externe du régime d’asile européen commun.
Le bureau est doté d’une structure légère, composée d’un conseil d’administration et d’un directeur exécutif. Il associe le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) des Nations unies et les organisations non gouvernementales à ses travaux via un forum consultatif. Son budget est de 10 millions d’euros en 2012 et de 12 millions pour 2013.
Les premiers travaux du bureau ont porté sur :
– un plan de soutien à la Grèce en matière d’asile, qui a sollicité son aide en février 2011 et avec laquelle un accord a été signé le 1er avril 2011. Une défaillance systémique de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs d’asile dans ce pays, qui constitue le principal point d’entrée dans l’Union des migrants illégaux, a en effet été relevée par la Cour européenne des droits de l’homme et par la Cour de justice de l’Union européenne (voir ci-après) ;
– la constitution d’équipes d’intervention commune (400 experts fournis par 23 États membres) ;
– des premiers travaux en matière de formation commune, avec l’élaboration du curriculum européen en matière d’asile (EAC) ;
– la collecte et la diffusion d’informations sur les pays d’origine, avec la rédaction d’un premier rapport sur l’Afghanistan. Un rapport sur les Balkans devrait être rédigé en 2013.
Un programme européen commun de réinstallation a été adopté par la décision n° 281/2012/UE du Parlement européen et du Conseil du 29 mars 2012. Ce programme permet de réinstaller dans l’Union européenne des personnes ayant déjà reçu le statut de réfugié dans un autre pays (par exemple, des réfugiés libyens en Tunisie), grâce à un soutien financier européen (6 000 euros par personne pour les États membres qui appliquent la réinstallation pour la première fois, 5 000 euros la deuxième et 4 000 euros par la suite).
Rappelons que, depuis 2008, la France mène un programme de réinstallation avec le HCR, qui prévoit l’examen annuel de 100 dossiers de réinstallation soumis par ce dernier, concernant des personnes placées sous son mandat se trouvant dans des pays tiers d’accueil. En 2010, 148 personnes ont été acceptées et 142 en 2011.
d) L’extension du champ de la « directive résidents de longue durée » aux bénéficiaires d’une protection internationale
La directive 2011/51/UE du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/109/CE du Conseil relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée a été adoptée le 11 mai 2011. Elle étend le champ de la directive 2003/109/CE aux bénéficiaires d’une protection internationale. Cette directive devra être transposée avant le 20 mai 2013.
Les refontes du règlement Dublin II, de la « directive procédure », de la « directive accueil » et du règlement Eurodac sont encore en cours d’élaboration. Les difficultés rencontrées sur ces quatre textes ont conduit la Commission européenne à présenter de nouvelles propositions révisées, en 2011 et en 2012. Le nouveau règlement Dublin et la nouvelle directive accueil devraient cependant être adoptés prochainement : le Parlement européen et le Conseil sont parvenus à un accord et ces deux textes sont en phase de révision par les juristes linguistes, avant leur publication au Journal officiel de l’Union européenne.
La proposition de révision du règlement Dublin II, qui fixe les critères déterminant quel État membre est responsable de l’examen d’une demande de protection internationale afin d’éviter les demandes d’asile multiples, a été présentée par la Commission européenne le 8 décembre 2008. Le comité des représentants permanents (Coreper) du Conseil et le Parlement européen sont parvenus à un accord sur ce texte en novembre 2012. Le Conseil « Justice et affaires intérieures » des 6 et 7 décembre 2012 a confirmé cet accord, qui doit encore être confirmé lors d’une session plénière du Parlement européen. Le texte est donc dans sa phase finale.
Au cours des négociations, la principale difficulté a porté sur la proposition de la Commission d’insérer un mécanisme de suspension temporaire des transferts lorsqu’un État membre est confronté à une situation d’urgence particulière. De nombreux États membres, dont la France, s’y sont opposés. La Commission a présenté en janvier 2011 une nouvelle proposition, dans laquelle il a été décidé d’inclure plutôt un mécanisme de gestion des crises dans le domaine de l’asile.
Le nouveau règlement (4) comprend donc un mécanisme d’alerte rapide, de préparation et de gestion des crises (article 31). Ce mécanisme permettra à la Commission européenne, en collaboration avec le bureau d’appui européen, d’adresser à un État membre confronté à une pression particulière sur son régime d’asile ou dont le régime d’asile est défaillant, des recommandations et de l’inviter à mettre en place un plan d’action préventif. Un mécanisme de suivi de ce plan par la Commission et le Conseil est prévu. Si le plan d’action préventif se révèle insuffisant, un plan d’action de gestion de crise devra être présenté, dans un délai de trois mois.
Une clause de sauvegarde (article 3, paragraphe 2) a aussi été incluse. Cette clause prévoit qu’aucun transfert ne doit être opéré vers un État membre connaissant « des défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs d’asile, qui font peser un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ». Cette disposition s’inspire de l’arrêt de grande chambre rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le 21 décembre 2011, dans lequel la Cour a jugé, au sujet de demandeurs d’asile devant être transférés, en application du règlement Dublin II, vers la Grèce, qu’un demandeur d’asile ne peut pas être transféré vers un État membre où il risque d’être soumis à des traitements inhumains (5). Un an auparavant, dans une situation analogue, à savoir le transfert, en juin 2009, d’un demandeur d’asile vers la Grèce, État membre responsable au sens du règlement Dublin II, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que la Belgique avait violé l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, d’une part, en exposant le requérant aux risques résultant des défaillances de la procédure d’asile en Grèce dès lors que les autorités belges savaient ou devaient savoir qu’il n’avait aucune garantie de voir sa demande d’asile examinée sérieusement par les autorités grecques et, d’autre part, en exposant le requérant en pleine connaissance de cause à des conditions de détention et d’existence constitutives de traitements dégradants (6). Elle a relevé qu’il existait une défaillance systémique de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs d’asile en Grèce.
Par ailleurs, l’unité familiale est mieux prise en compte par le nouveau règlement, s’agissant en particulier des mineurs isolés. L’État membre responsable de l’examen de la demande d’asile présentée par un mineur est ainsi celui où se trouve un membre de sa famille ou un de ses frères et sœurs, pour autant que ce soit dans l’intérêt supérieur du mineur (article 8). La notion de proches parents a été ajoutée et inclut la tante ou l’oncle adulte du demandeur ou un de ses grands-parents (article 2, g bis).
Un droit à l’information est reconnu aux demandeurs (article 4). Ces informations figureront dans une brochure commune remise aux demandeurs. Un entretien individuel devra en principe être organisé avec le demandeur, afin de faciliter la détermination de l’État membre responsable et de s’assurer qu’il a compris correctement les informations transmises (article 5). Un rapport succinct devra être rédigé à l’issue de cet entretien et mis à la disposition du demandeur ou de son conseiller.
Un nouveau régime de délais de réponse a été introduit, afin d’assurer la célérité du traitement d’une demande d’asile. Une demande de prise en charge ne doit pas être introduite plus de trois mois après l’introduction d’une demande d’asile, ou de deux mois en cas de résultat positif dans la base de données Eurodac, à compter de la réception de ce résultat positif (article 21). Ce délai est réduit à un mois si le demandeur a été placé en rétention (article 27). Le délai de réponse à une demande de prise en charge est, en principe, de deux mois, sauf si une réponse urgente a été demandée, auquel cas le délai ne peut dépasser un mois (article 22).
Un droit de recours contre la décision de transfert est reconnu aux demandeurs (article 26). Le demandeur doit disposer d’un délai raisonnable pour exercer ce droit. Les États membres doivent veiller à ce que le demandeur ait accès à une assistance juridique, mais peuvent exclure l’assistance juridique gratuite si le recours n’a aucune chance sérieuse d’aboutir. Le caractère suspensif ou non du recours a donné lieu à des discussions difficiles, aux termes desquelles un compromis complexe a été trouvé. Ainsi, la législation nationale doit prévoir :
– soit que le recours est suspensif ;
– soit que le recours entraîne la suspension automatique du transfert durant un délai raisonnable pendant lequel la juridiction saisie décide s’il y a lieu d’accorder un effet suspensif au recours ;
– soit que l’intéressé a la possibilité de demander à une juridiction de suspendre l’exécution de la décision de transfert en attendant l’issue de son recours. Le transfert doit être suspendu jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande de suspension.
Une personne ne peut être placée en rétention au seul motif qu’elle fait l’objet de la procédure prévue par le règlement Dublin (article 27). Elle peut cependant être placée en rétention s’il existe un risque non négligeable de fuite, dans la mesure où la rétention est proportionnée et où il n’existe pas d’autres mesures alternatives moins coercitives. La durée de rétention doit être aussi brève que possible, et ne peut excéder en tout état de cause un délai de six semaines après l’acception implicite ou explicite de l’État membre responsable du traitement de la demande.
Le système Eurodac est une base de données informatisée, utilisée depuis 2003, afin de permettre la comparaison des empreintes digitales des demandes d’asile. Son but est de permettre une application efficace du règlement « Dublin II ». Concrètement, lorsqu’une personne dépose une demande d’asile en France, à la préfecture ou dans une zone d’attente, ses empreintes digitales sont relevées par le biais d’une borne Eurodac. Elles sont ensuite comparées avec celles déjà contenues dans le fichier, afin de s’assurer qu’un autre État membre n’est pas responsable du traitement de la demande en vertu du règlement « Dublin II », ce qui est le cas, par exemple, si le demandeur est titulaire d’un titre de séjour délivré par un autre État membre. Dans cette hypothèse, le demandeur est placé « en procédure Dublin », l’instruction est suspendue, et une demande de prise en charge est adressée à l’État concerné.
Outre les empreintes de toute personne de plus de 14 ans ayant déposé une demande d’asile (« catégorie 1 »), Eurodac comporte également les empreintes de deux autres catégories de personnes : celles qui ont été appréhendées lors du franchissement irrégulier de la frontière extérieure d’un État membre (« catégorie 2 ») et celles en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre, lorsque les autorités compétentes estiment nécessaire de vérifier l’existence d’une éventuelle demande d’asile antérieure (« catégorie 3 »). Au total, au 31 décembre 2011, la base comportait, en « stock », les empreintes digitales de près de 2 millions de personnes. En 2011, les empreintes de plus de 410 000 personnes lui ont été transmises, dont celles de 275 857 demandeurs d’asile. Près d’un quart d’entre elles (22,4 %) correspondaient à des demandes d’asile multiples, c’est-à-dire une deuxième demande ou plus.
La première proposition de règlement visant à refondre le règlement Eurodac a été présentée par la Commission européenne en 2008. Les négociations n’ont progressé que très lentement, et la Commission a dû modifier sa proposition à trois reprises, en 2009, 2010 puis 2012. Les négociations entre le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen devraient s’engager en janvier 2013.
La proposition de refonte comporte de nombreuses améliorations techniques : inclusion des demandeurs de protection subsidiaire, délai maximal de 72 heures pour la transmission des empreintes à l’unité centrale, et gestion opérationnelle par la nouvelle agence européenne pour la gestion des systèmes d’information dont le fonctionnement débutera le 1er décembre 2012, par exemple.
Les principales difficultés soulevées concernent l’accès des services répressifs nationaux et d’Europol à Eurodac.
• L’accès des services répressifs nationaux à Eurodac
Il est proposé de permettre aux « services compétents pour la prévention, la détection et l’enquête en matière d’infractions terroristes et d’autres infractions pénales graves » d’avoir accès à la base de données Eurodac. Ces services pourraient ainsi comparer une empreinte digitale, retrouvée sur le lieu d’un attentat par exemple, avec celles contenues dans la base. Cet accès est encadré par plusieurs conditions :
– la comparaison avec les bases nationales d’empreintes digitales (en France, le fichier automatisé des empreintes digitales – FAED) de l’État concerné et avec celles des autres États membres n’a pas permis d’identifier la personne recherchée ;
– la comparaison est nécessaire dans une affaire déterminée, les comparaisons systématiques étant proscrites ;
– il doit y avoir des motifs raisonnables de penser que la comparaison avec Eurodac contribuera à la prévention, à la détection et aux enquêtes en matière d’infractions terroristes ou d’infractions pénales graves ;
– une « autorité vérificatrice » nationale s’assurera, sauf en cas d’urgence exceptionnels, que la demande d’accès remplit les conditions posées. C’est par elle que ces demandes seront transmises par le point d’accès national au système central Eurodac.
Cet accès des services répressifs à Eurodac a fait l’objet de critiques, de la part d’associations de défense des droits des étrangers et des autorités de protection des données à caractère personnel, européenne (le contrôleur européen de la protection des données, CEPD) et nationales (Commission nationale de l’informatique et des libertés, CNIL). Ces critiques insistent sur le détournement de la finalité originelle d’Eurodac : cette base a été conçue pour gérer les demandes d’asile, et non pour lutter contre le terrorisme ou la criminalité. Un lien, non démontré, serait ainsi établi entre l’asile et la criminalité. Le CEPD estime qu’un tel accès devrait, si sa nécessité était avérée, être subordonné à une autorisation judiciaire. Le Sénat a également émis de fortes réserves sur ce point, dans une résolution adoptée le 31 juillet 2012, à l’initiative de M. Jean-Yves Leconte.
Rappelons, enfin, que le Conseil constitutionnel, dans une décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997 sur la loi portant diverses dispositions relatives à l’immigration avait censuré les possibilités d’accès d’agents expressément habilités des services du ministère de l’Intérieur et de la gendarmerie nationale au fichier informatisé des empreintes digitales des demandeurs d’asile géré par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) en vue de l’identification des étrangers en séjour irrégulier. Cette censure était fondée sur la confidentialité des éléments d’informations détenus par l’OFPRA sur les demandeurs d’asile, que le Conseil a considéré comme « une garantie essentielle du droit d’asile ».
• L’accès d’Europol à Eurodac
Il est envisagé, par ailleurs, d’autoriser l’Office européen de police (Europol) à accéder aussi aux données Eurodac. Cet accès suscite les mêmes critiques que celui des services répressifs des États membres, au regard du détournement de finalité d’Eurodac. S’y ajoutent d’autres réserves, liées à un encadrement plus faible des demandes formulées par Europol. Contrairement aux services des États membres, Europol pourrait en effet accéder aux données « pour une analyse de portée générale et de type stratégique ». Un accès « en masse », et non au cas par cas, serait possible. Il conviendrait d’aligner les conditions d’accès d’Europol à Eurodac sur les conditions d’accès des services des États membres.
La transmission des données Eurodac à des pays tiers est interdite, ce qui est un point essentiel pour les demandeurs d’asile.
La proposition de révision de la « directive accueil » a été présentée par la Commission européenne le 9 décembre 2008. Compte tenu des difficultés soulevées, la Commission a été amenée à présenter une proposition modifiée le 7 juin 2011. Le Conseil « Justice et affaires intérieures » a marqué son accord sur ce texte le 25 octobre 2012 et le Parlement européen devrait se prononcer en plénière d’ici la fin de l’année 2012. Le texte est actuellement révisé par les juristes-linguistes. Il devra être transposé deux ans après son adoption définitive.
Les principaux changements prévus sont les suivants :
● Le placement en rétention des demandeurs fait désormais l’objet de règles plus précises (articles 8 à 11). Il n’est possible que sur la base d’une appréciation au cas par cas, qui doit démontrer que d’autres mesures moins coercitives ne pourraient être effectivement appliquées. Un tel placement n’est possible que pour les motifs suivants :
– établir ou vérifier l’identité ou la nationalité du demandeur ;
– déterminer les éléments sur lesquels se fonde sa demande de protection internationale et qui n’auraient pu être obtenus sans son placement en rétention, en particulier lorsqu’il y a risque de fuite ;
– statuer, dans le cadre d’une procédure, sur son droit d’entrer sur le territoire ;
– lorsque le demandeur est placé en rétention en liaison avec une procédure de retour, pour préparer son éloignement ou poursuivre le processus d’éloignement, si l’État membre peut justifier sur la base de critères objectifs qu’il existe des motifs raisonnables de penser que le demandeur a introduit sa demande à seule fin de retarder ou d’empêcher l’exécution de la décision de retour ;
– lorsque la protection de la sécurité nationale ou de l’ordre public l’exige ;
– en application de l’article 27 du « règlement Dublin » (7).
Des garanties importantes sont offertes aux demandeurs d’asile placés en rétention. Celle-ci doit être la plus brève possible et l’administration doit faire preuve de diligence. Un contrôle juridictionnel de la légalité du placement en rétention doit avoir lieu le plus rapidement possible. Les demandeurs sont informés immédiatement par écrit des motifs de la rétention et des procédures de recours, ainsi que de la possibilité de demander une assistance et une représentation juridiques gratuites. En règle générale, ils doivent être placés en rétention dans des structures d’accueil particulières. Un régime spécifique est également prévu pour les personnes vulnérables et les personnes ayant des besoins particuliers, telles que les mineurs ou les personnes dont l’état de santé justifie une attention particulière.
● Le délai pour accorder l’accès au marché du travail, qui est actuellement de douze mois, est ramené à un maximum de neuf mois à compter du dépôt de la demande.
● Des règles plus claires et plus précises sont introduites en ce qui concerne les conditions dans lesquelles les demandeurs de protection internationale peuvent bénéficier de l’assistance et de la représentation juridiques gratuites dans le cadre de procédures de recours. Les États membres peuvent prévoir que l’assistance et la représentation juridiques gratuites ne sont pas accordées si le recours ne présente aucune probabilité réelle d’aboutir. Une telle analyse du bien-fondé d’un recours n’est toutefois pas possible dans le cas d’un recours contre une décision de placement en rétention.
● Un cadre réglementaire plus précis en ce qui concerne l’appréciation des besoins particuliers en matière d’accueil des personnes vulnérables telles que les mineurs et les victimes d’actes de torture. Cette appréciation ne doit pas nécessairement prendre la forme d’une « procédure administrative » et peut être intégrée aux procédures nationales en vigueur.
● Les demandeurs qui sont des mineurs ou des personnes majeures à charge bénéficieront de davantage de garanties d’être logés avec les membres de leur famille. En outre, les qualifications exigées des représentants qui assistent et représentent un mineur non accompagné sont rendues plus précises.
● Les dispositions en matière de soins de santé incluent explicitement le traitement essentiel des troubles mentaux graves et, si besoin est, des soins de santé mentale appropriés.
● Les États membres doivent faire en sorte que les personnes qui ont été victimes d’actes de torture, de viol ou d’autres violences graves, bénéficient du traitement nécessaire, en particulier d’un accès à des traitements ou à des soins médicaux et psychologiques adéquats. En outre, le personnel chargé de ces personnes doit avoir eu et continuer de recevoir une formation appropriée et être tenu par des règles de confidentialité.
Alors que le terme fixé par le Conseil européen – la fin de l’année 2012 – pour établir un régime d’asile européen commun approche, la quasi-totalité des textes constitutifs de ce régime ont été adoptés ou sont en voie de l’être. La refonte du texte présentant les enjeux les plus importants pour notre droit interne, la directive « procédure », n’est cependant pas encore achevée, de nombreux points restant en suspens. Tel est l’objet de la proposition de résolution européenne soumise à la commission des Lois par M. Charles de la Verpillière et votre rapporteure au nom de la commission des Affaires européennes.
II. LA DIRECTIVE « PROCÉDURES » : RENFORCER LES GARANTIES DES DEMANDEURS D’ASILE EN PRÉSERVANT L’EFFICACITÉ DE LA PROCÉDURE
La proposition de révision de la directive « procédure » a été présentée par la Commission européenne le 21 octobre 2009. Cette proposition vise à améliorer l’efficacité et la qualité des procédures d’asile et à harmoniser davantage les législations et les pratiques des États membres, tout en relevant le niveau global des garanties accordées aux demandeurs d’asile. Elle couvre les deux formes de protection internationale, le statut de réfugié et la protection subsidiaire. Les discussions entre le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne (le « trilogue ») se sont engagées au début du second semestre 2012. Une septième réunion est prévue le 17 décembre prochain.
Il convient, avant d’aborder les principaux enjeux soulevés par ce texte, de rappeler le contexte national fortement contraint dans lequel il s’inscrit, dont il ne saurait évidemment être fait abstraction.
La France doit faire face à une augmentation continue depuis 2008 de la demande d’asile qui lui est adressée. Cette hausse a entraîné un allongement des délais de traitement par l’OFPRA et par la Cour nationale du droit d’asile, que le Gouvernement souhaite réduire fortement. Cette réduction des délais devra cependant s’opérer à moyens relativement constant, compte tenu des contraintes budgétaires que connaît notre pays.
En valeur absolue, la France est, avec 52 147 premières demandes (mineurs accompagnants inclus, mais réexamens exclus) en 2011, le premier pays destinataire des demandeurs d’asile en Europe, suivi par l’Allemagne (45 741) puis la Suède (29 648), la Belgique (25 479) puis le Royaume-Uni (25 000). En 2011, les 27 États membres de l’Union européenne ont accordé leur protection à 84 100 demandeurs (contre 75 800 en 2010) (8).
Si l’on rapporte le nombre de demandes reçues en 2011, par pays, au nombre d’habitants, la France arrive en 7e position, derrière, respectivement, Malte, le Luxembourg, la Suède, la Belgique, Chypre et l’Autriche (9).
Six États membres (les quatre précités, plus la Belgique et le Royaume-Uni) reçoivent plus des trois quarts des demandes d’asile présentées sur le territoire européen.
Au niveau mondial, la France se situe au 2e rang des pays industrialisés, derrière les États-Unis. Quatre des cinq États industrialisés recevant le plus de demandes d’asile au niveau mondial – la France, l’Allemagne, l’Italie et la Suède – appartiennent à l’Union européenne. Toutes catégories de pays confondues, c’est l’Afrique du Sud qui arrive en tête parmi les pays destinataires des demandeurs d’asile, avec 107 000 nouvelles demandes en 2011, suivie par les États-Unis puis la France et l’Allemagne (10).
En 2011, la demande d’asile adressée à la France a connu une quatrième année de hausse consécutive, avec 57 337 demandes enregistrées (mineurs accompagnants et réexamens compris), soit une augmentation de 8,7 % de la demande globale par rapport à 2010. Ainsi, après une baisse observée de 2003 à 2007, la demande d’asile a augmenté de 61 % entre 2007 et 2011. Plus précisément, elle a augmenté de 20 % entre 2007 et 2008, de 12 % entre 2008 et 2009, de 11 % entre 2009 et 2010 et de 8,5 % entre 2010 et 2011.
Au cours des huit premiers mois de l’année 2012, la demande, qui avait pu sembler marquer un palier au premier semestre (- 4 % par rapport au premier semestre 2011), a continué à augmenter, à un rythme plus modéré : + 1 %. Il semble cependant vraisemblable de considérer que 2012 constituera la cinquième année de hausse consécutive de la demande d’asile.
Le dynamisme de la demande d’asile constaté depuis 2008 a entraîné une forte dégradation du délai de traitement des demandes d’asile, qui était, en 2011, de 174 jours devant l’OFPRA et de 11 mois et 10 jours devant la CDNA, soit 17 mois environ, presque un an et demi. Cette situation est préjudiciable aux demandeurs, qui sont en droit d’attendre qu’il soit statué dans un délai raisonnable sur leur demande de protection internationale, sans avoir à rester si longtemps dans l’incertitude.
Le président de la République a pris l’engagement ambitieux, lors de la campagne présidentielle, de réduire à six mois le délai de traitement des demandes d’asile, recours inclus. Le ministre de l’Intérieur s’est fixé, à ce stade, l’objectif de réduire ce délai à huit ou neuf mois.
Les délais de jugement de la CNDA ont déjà été considérablement réduits au cours des trois dernières années : le délai prévisible de jugement est ainsi passé de 15 mois et 9 jours en 2009 à 14 mois et 20 jours en 2010, pour atteindre 9 mois et 5 jours en 2011, soit une baisse de près de six mois. Il devrait atteindre huit mois en 2012. Ces résultats ont pu être atteints grâce à des recrutements importants, qui ont permis un quasi-doublement du nombre de rapporteurs.
L’OFPRA a également bénéficié d’un effort tout particulier de la part des pouvoirs publics au cours des années récentes, afin de lui permettre de faire face à l’augmentation du nombre de demandeurs d’asile. Le nombre d’agents affectés à l’instruction des demandes est ainsi passé de 106 équivalents temps plein en 2007 à 162 en 2012. La loi de finances pour 2013 poursuit cet effort, avec le recrutement de dix officiers de protection supplémentaires.
Dans un contexte de diminution de la dépense publique, la légère augmentation (+ 0,67 %) de la subvention accordée à l’OFPRA traduit un effort significatif. Elle ne permettra cependant pas à ce dernier de faire face aux charges nouvelles qui seront les siennes en 2013, résultant, d’une part, de la revalorisation du régime indemnitaire de ses agents et, d’autre part, de la conclusion d’un nouveau marché d’interprétariat, marqué par une augmentation du coût des prestations. L’Office devra ainsi faire appel à son fonds de roulement en 2013, pour un montant de 1,7 million d’euros.
Le contexte de la négociation de la directive procédures est, on le voit, particulièrement difficile : la demande d’asile reste à un niveau élevé et un objectif ambitieux de réduction des délais de traitement a été fixé, tandis que les moyens alloués restent constants. Toute charge nouvelle doit donc être abordée avec prudence, car elle risque d’entraîner une dégradation des délais de traitement, en l’absence d’une revalorisation des moyens.
B. LA RECHERCHE D’UN ÉQUILIBRE ENTRE LES GARANTIES ACCORDÉES AUX DEMANDEURS ET L’EFFICACITÉ DES PROCÉDURES
La refonte de la directive procédures est bienvenue, à condition que le texte issu de cette révision présente un équilibre satisfaisant entre le renforcement des garanties accordées aux demandeurs et la préservation de l’efficacité des procédures d’octroi et de retrait du statut conféré par la protection internationale. La proposition de résolution européenne soumise à votre commission des Lois par la commission des Affaires européennes souligne les principaux enjeux soulevés par ce texte et met en évidence les difficultés rencontrées à atteindre cet équilibre sur certains points précis. Ces difficultés concernent tout particulièrement :
– les nouvelles modalités de l’entretien individuel (point 4 de la proposition de résolution) ;
– la mise à disposition d’information sur la possibilité de demander une protection internationale dans les centres de rétention et les points de passage frontalier (point 5) ;
– l’impact de ces nouvelles garanties sur l’objectif de maîtrise des délais (points 6 et 7) ;
– l’identification des demandeurs ayant besoin de garanties procédurales particulières (point 8) ;
– le caractère suspensif des recours juridictionnels en matière de protection internationale (point 9) ;
– les listes de pays d’origine sûrs (point 10).
La proposition de résolution européenne aborde par ailleurs la question de l’enveloppe budgétaire allouée à la protection internationale dans le cadre du Fonds européen « Asile et migration » (point 11).
La proposition de directive apporte plusieurs modifications importantes à la procédure en ce qui concerne l’entretien individuel du demandeur avec un agent de l’organisme chargé d’accorder la protection internationale. Cet entretien constitue une étape cruciale de l’instruction d’une demande d’asile.
La proposition de directive limite, en premier lieu, les dérogations pouvant être apportées à la règle de l’entretien personnel, afin de rendre cet entretien quasi systématique. Il ne sera ainsi plus possible de déroger à cette règle lorsque la demande apparaît manifestement infondée (article 14). En France, ce motif fait partie des exceptions à la convocation systématique à un entretien personnel prévue par l’article L. 723-3 du CESEDA.
En pratique, le taux de convocation à un entretien par l’OFPRA est déjà très élevé : 95,2 % en 2011. La convocation est quasi systématique pour les premières demandes. Elle est rare pour les demandes de réexamen (8 %, uniquement en cas de nouveaux éléments pertinents). Le taux de convocation est moins élevé s’agissant des premières demandes examinées selon la procédure prioritaire (83 %).
Signalons que dans un arrêt récent rendu à la suite d’une demande de décision préjudicielle par la High Court d’Irlande, la Cour de justice de l’Union européenne a souligné l’importance de cet entretien individuel. Ainsi, elle a jugé que, lorsqu’un étranger sollicite le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire après que le statut de réfugié lui a été refusé, un État membre ne saurait considérer qu’il n’est pas nécessaire de procéder à une nouvelle audition de l’intéressé, au motif qu’il a déjà été entendu lors de l’examen de sa demande d’asile (11).
La proposition de la Commission européenne prévoit, en deuxième lieu, que l’entretien doit être mené, dans la mesure du possible, par un agent instructeur du même sexe si le demandeur en fait la demande (article 15). Toujours dans la mesure du possible, les États membres font également en sorte que le demandeur soit assisté par un interprète du même sexe s’il en fait la demande.
La France s’est opposée à la formulation proposée, dont la généralité était susceptible d’autoriser des demandes contraires à la conception française de l’égalité (par exemple, un homme qui ne souhaiterait pas être entendu par une femme, pour des raisons indépendantes du fond de sa demande). La France aurait souhaité que la demande d’un entretien avec un agent et un interprète du même sexe ne soit acceptée que si elle avait un lien avec le fond de la demande de protection internationale. Le Conseil est parvenu à une rédaction de compromis excluant qu’il soit fait droit aux demandes de s’entretenir avec une personne du même sexe et que l’interprète soit du même sexe si ces demandes sont fondées sur des motifs discriminatoires. Le Parlement européen a exprimé ces doutes sur cette formulation.
Votre rapporteure estime qu’il est important, dans certaines situations, que le demandeur puisse s’entretenir, s’il le souhaite, avec une personne du même sexe, en particulier lorsque la demande de protection internationale est en lien avec des violences sexuelles, des mutilations génitales, des stérilisations forcées ou des avortements forcés. Toutefois, il ne saurait être fait droit à une demande de s’entretenir avec une personne de même sexe lorsque cette requête est sans lien avec la demande de protection internationale et qu’elle se fonde sur des motifs discriminatoires (que l’on songe, par exemple, à un homme qui n’accepterait pas que son entretien ait lieu avec une femme, pour ce seul motif). La proposition de résolution européenne apporte son soutien à la position du Gouvernement français sur ce sujet, en son point 4, deuxième alinéa.
Par ailleurs, il doit être tenu compte des possibilités concrètes d’accéder à ces demandes. Dans certaines langues rares, par exemple, les interprètes disponibles à une date donnée ne sont pas nombreux : introduire une contrainte supplémentaire liée au sexe de l’interprète peut conduire à retarder l’entretien, ce qui est préjudiciable à la célérité du traitement de la demande, voire entraîner des0 situations inextricables, si les deux sexes ne sont pas représentés parmi les interprètes auxquels il peut être fait appel pour cette langue. C’est pourquoi il est essentiel que le membre de phrase « dans la mesure du possible » soit maintenu dans le texte de la directive qui sera adopté.
La proposition de directive prévoit que les États membres doivent autoriser le demandeur à se présenter à l’entretien personnel accompagné d’un conseil juridique ou d’un autre conseiller reconnu ou autorisé en tant que tel en vertu du droit national (article 23). Les demandeurs peuvent avoir recours à ce conseil à leurs frais. Une assistance judiciaire gratuite n’est en effet obligatoire que dans le cadre des recours juridictionnels (en France, devant la Cour nationale du droit d’asile).
La garantie supplémentaire constituée par la présence d’un conseil lors de l’entretien, qui existe déjà dans de nombreux États membres, ne peut qu’être approuvée. Elle aura cependant un impact important pour l’activité de l’OFPRA, car elle changera la nature de l’entretien, dont elle accroîtra vraisemblablement la durée.
La commission des Lois a apporté son soutien à ce que la présence d’un conseil soit favorisée (point 4, quatrième alinéa, de la proposition de résolution). Par rapport à la proposition de résolution présentée par la commission des affaires européennes, elle a substitué le terme « conseil » à celui d’« avocat », qui était trop restrictif par rapport aux possibilités offertes par la proposition de directive.
La proposition de directive prévoit que l’entretien doit donner lieu à l’établissement d’un rapport détaillé, et qu’il peut faire l’objet d’un enregistrement audio ou audiovisuel. Le demandeur doit pouvoir faire des commentaires ou apporter des précisions sur le contenu du rapport. Ce rapport doit, en outre, être soumis à l’approbation du demandeur, sauf en cas d’enregistrement de l’entretien, si cet enregistrement est admissible à titre de preuve en cas de recours juridictionnelle. En cas de refus d’approbation, les motifs du refus sont consignés dans son dossier.
Le cumul de ces garanties (établissement d’un rapport, enregistrement, possibilité de faire des commentaires, approbation du rapport) semble redondant et risque, selon l’OFPRA notamment, de conduire à un alourdissement excessif de la procédure. C’est pourquoi il est proposé, au point 4, cinquième alinéa, de la proposition de résolution européenne que l’enregistrement et la possibilité de faire des commentaires sur le rapport soient rendus alternatifs. En cas d’enregistrement, la possibilité de formuler des commentaires est en effet superfétatoire, car l’enregistrement sera versé au dossier et pourra être utilisé comme élément de preuve en cas de recours.
Il convient de souligner que, selon les informations transmises à votre rapporteure par l’OFPRA, la présence d’un conseil à l’entretien et l’établissement d’un rapport soumis à la signature du demandeur devraient faire baisser le nombre d’entretiens par jour par agent de 1,3 à 1, ce qui entraînerait une diminution du nombre de décisions par agent instructeur à 1,5 décision par jour par agent. Le besoin d’agents supplémentaires pour traiter 60 000 dossiers par an serait de 24 officiers de protection supplémentaires.
L’enregistrement des entretiens devrait par ailleurs nécessiter des investissements en matériels d’acquisition du son, de numérisation, de stockage et de transmission qui représenteront environ 10 à 20 % du budget informatique actuel de l’OFPRA. Les tâches techniques supplémentaires requises des officiers de protection instructeurs (mise en route, vérification du système, transfert, etc.) pourraient représenter dix minutes par vacation, soit environ 10 000 heures agents annuel pour 60 000 entretien, soit l’équivalent de six officiers de protection à temps plein.
La proposition de directive prévoit que les États membres devront faire en sorte que des informations sur la possibilité de demander une protection internationale soient disponibles dans les centres de rétention et aux points de passage frontaliers, y compris les zones de transit, aux frontières extérieures (article 8, paragraphe 1).
Le Gouvernement français craint, à juste titre, que cette information, si elle était fournie systématiquement, ne conduise à une hausse mécanique des demandes infondées ou abusives. Le Conseil a adopté une rédaction plus prudente, imposant aux États membres de fournir l’information visée, non pas systématiquement, mais en réponse aux demandes d’information formulées par les personnes concernées. Le Parlement européen ne partageant pas cette orientation, la présidence chypriote a proposé une formulation de compromis, qui limiterait l’obligation d’information aux cas où il existe « des indications que la personne concernée pourrait souhaiter déposer une demande de protection internationale ». Cette rédaction semble difficilement applicable en pratique, dans la mesure où elle repose sur de simples indices et un souhait. La version qui avait obtenu l’agrément du Conseil semble plus réaliste.
C’est pour ces raisons que le point 5 de la proposition de résolution recommande que l’instauration d’un droit à l’information sur le droit d’asile, à la frontière et dans les centres de rétention, soit organisée de façon à ne pas entraîner une augmentation du nombre des demandes infondées qui serait préjudiciable demandes juridiquement fondées.
L’article 31 de la proposition de directive prévoit que la procédure d’examen des demandes en premier ressort (c’est-à-dire, en France, par l’OFPRA) devrait être opérée dans un délai maximal de six mois à compter de l’introduction de la demande. Le délai moyen devant l’OFPRA était de 179 jours au premier semestre 2012, donc légèrement inférieur. La proposition de directive permet de prolonger ce délai de six mois lorsque :
– des questions factuelles et juridiques complexes entrent en jeu ;
– un grand nombre de ressortissants de pays tiers ou de personnes apatrides demandent simultanément une protection internationale, ce qui rend impossible, en pratique, de conclure la procédure dans le délai de six mois ;
– le retard peut être clairement imputé au non-respect, par le demandeur, des obligations qui lui incombent.
Le texte initial présenté par la Commission européenne prévoyait que cette prorogation pouvait être de six mois. La version agréée par le Conseil prévoit un délai de douze mois. Le Parlement européen s’oppose à une prolongation aussi longue. La présidence chypriote a proposé, à titre de compromis, une prolongation de neuf mois.
La conclusion de la procédure peut par ailleurs être différée en raison d’une « situation incertaine, dont on compte qu’elle sera temporaire, dans le pays d’origine ». Le Parlement européen souhaiterait encadrer davantage cette possibilité, qui apparaît vague.
La proposition de résolution européenne, en ses points 6 et 7, approuve le principe d’une limitation de principe de la durée de la procédure en premier ressort à six mois, en soulignant qu’il convient de ne pas sombrer dans un formalisme procédural excessif si l’on souhaite atteindre cet objectif.
L’article 2, d) de la proposition de directive, dans la version présentée par la Commission européenne et agréée par le Parlement européen, définit les demandeurs ayant besoin de garanties procédurales particulières comme « un demandeur qui, du fait de son âge, de son orientation ou de son identité sexuelles, d’un handicap, d’une affection physique grave, d’une maladie mentale, de troubles post-traumatiques ou de conséquences de tortures, de viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, a besoin de garanties particulières pour pouvoir bénéficier des droits et remplir les obligations prévues par la présente directive ». La version ayant fait l’objet d’un accord au Conseil définit ces personnes, de manière plus ramassée, comme les demandeurs dont la capacité à bénéficier des droits et à remplir les obligations prévues par la directive est limitée en raison de circonstances individuelles. Un compromis n’a pas encore été trouvé entre le Parlement européen et le Conseil sur ce point.
L’article 24 de la proposition de directive impose aux États membres de veiller à ce que les demandeurs nécessitant des garanties procédurales spéciales soient identifiés en temps utile. À cette fin, les États membres peuvent utiliser le mécanisme prévu à l’article 22 de la nouvelle directive sur les conditions d’accueil. Dans la version initiale de la Commission et celle du Parlement européen, ils devront veiller à ce que l’article 24 s’applique également s’il apparaît, à un stade ultérieur de la procédure, qu’un demandeur nécessite des garanties procédurales spéciales. Concrètement, il appartiendra aux États membres de prendre les mesures appropriées pour s’assurer que les demandeurs nécessitant des garanties procédurales spéciales se voient accorder un délai et un soutien suffisants pour présenter les éléments de leur demande de manière aussi complète que possible et sur la base de tous les éléments de preuve disponibles.
La Commission européenne a suggéré, dans sa proposition initiale, que les procédures accélérées ou à la frontière ne puissent être appliquées aux demandeurs ayant subi des tortures, des viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle. Le Conseil souhaite supprimer cette disposition.
La prise en compte des besoins spécifiques des demandeurs ayant besoin de garanties procédurales particulières constitue une avancée bienvenue. Il convient cependant de veiller à ce qu’elle ne conduise pas à un alourdissement excessif de la procédure et, en particulier, à ce que l’identification de ces demandeurs ne nécessite pas un entretien individuel supplémentaire. Les garanties figurant dans la nouvelle directive doivent être d’un niveau élevé, tout en restant applicables concrètement par l’ensemble des États membres.
L’article 46 de la proposition de directive est relatif au droit à un recours effectif. Un recours effectif doit être ouvert contre :
– la décision statuant sur la demande de protection internationale ;
– la décision refusant de rouvrir l’examen d’une demande clôturée ;
– la décision de retirer le statut conféré par la protection internationale.
Le recours doit, en principe, être suspensif. Toutefois, en cas de demande manifestement infondée, un dispositif spécifique est prévu, sorte de référé permettant à un juge de se prononcer sur le droit au maintien pendant la procédure d’appel, lorsque la décision de refus d’asile a pour objet de mettre fin au droit de séjour de l’étranger.
Selon le Gouvernement français, le droit français est déjà conforme à ces dispositions, en dépit de l’absence de caractère suspensif des recours en matière de procédure prioritaire. Selon lui, premièrement, tout étranger placé en procédure prioritaire peut contester devant le juge administratif cette décision et obtenir son admission au séjour jusqu’à l’issue de la procédure devant la CNDA. Deuxièmement, la décision de refus d’asile de l’OFPRA ou de la CNDA n’a pas par elle-même pour objet de mettre fin au séjour de l’étranger. C’est l’obligation de quitter le territoire (OQTF) qui le fera, le cas échéant, et celle-ci constitue une mesure administrative distincte, relevant du préfet et pouvant faire l’objet d’un recours pleinement suspensif devant le juge administratif.
Signalons par ailleurs que, selon le Gouvernement français, l’arrêt I.M. c. France de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) du 2 février 2012 (requête n° 9152/09) n’impose pas davantage de conférer un caractère systématiquement suspensif au recours devant la CNDA dans le cadre des procédures prioritaires. Dans cet arrêt, la Cour de Strasbourg a jugé qu’il y avait eu violation de l’article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, garantissant le droit à un recours effectif, combiné à l’article 3 de la même convention, prohibant les traitements inhumains ou dégradants, car l’examen de la première demande d’asile du requérant selon la procédure prioritaire ne lui avait pas offert un recours effectif.
Les faits de l’espèce concernaient un demandeur d’asile soudanais qui n’ayant pu formuler sa demande avant son placement en rétention, avait vu sa demande examinée selon la procédure prioritaire. Celle-ci avait fait l’objet d’un rejet de la part de l’OFPRA, avant que la CNDA ne lui reconnaisse le statut de réfugié plusieurs mois plus tard. Dans l’intervalle, seule l’application de l’article 39 du règlement de la CEDH a permis de suspendre son éloignement, auquel plus rien ne s’opposait. La Cour constate que si les recours exercés par le requérant étaient théoriquement disponibles, leur accessibilité en pratique a été limitée par le classement automatique de sa demande en procédure prioritaire, la brièveté des délais de recours et les difficultés matérielles et procédurales d’apporter des preuves alors qu’il était privé de liberté et qu’il s’agissait d’une première demande d’asile. L’effectivité ainsi réduite des recours exercés par le requérant n’a pu être compensée en appel. La Cour relève en particulier à cet égard l’absence de caractère suspensif du recours formé devant la CNDA en cas de procédure prioritaire.
Le Gouvernement estime que l’arrêt n’impose pas de conférer un caractère suspensif au recours devant la CNDA. Il s’apprête cependant à prendre un décret apportant des modifications du droit français pour se conformer à l’arrêt. Ce projet de décret prévoit que le juge de l’OQTF se prononce au cours de la même instance sur la légalité de l’OQTF et sur le droit du demandeur d’asile à être admis au séjour, en tenant compte des motifs et des circonstances de la demande d’asile. Simultanément, le projet de décret prévoit une possibilité d’allongement de la durée d’examen de la durée d’examen par l’OFPRA dans cette hypothèse.
Le point 9 de la proposition de résolution européenne soutient le principe d’un recours suspensif, lorsque la décision de refus de la protection internationale a pour effet de mettre fin au séjour du demandeur. La rédaction de la proposition de résolution a été amendée par la commission des Lois sur ce point, dans un souci de clarification : la version présentée par la commission des Affaires européennes prévoyait que le recours suspensif devait être « limité au cas où l’intervention d’une mesure d’éloignement du territoire prise à la suite du refus d’accorder une protection internationale au demandeur d’asile l’empêcherait de faire valoir ses droits ».
Par ailleurs, le Parlement européen suggère de prévoir un délai minimum pour l’introduction d’un recours, qui serait de 45 jours pour les procédures ordinaires et de 30 jours pour les procédures accélérées.
• Le droit existant
La notion de pays d’origine sûr a été introduite en droit français par la loi du 10 décembre 2003, précitée, qui a anticipé l’adoption formelle de la directive procédure du 1er décembre 2005.
Aux termes de l’article L. 741-4 du CESEDA, un pays est considéré comme un pays d’origine sûr « s’il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l’État de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales ». Les demandeurs provenant d’un pays d’origine sûr voient leur demande examinée selon la procédure prioritaire, ce qui signifie qu’ils ne se voient pas délivrer une autorisation provisoire de séjour et que l’OFPRA est tenu de statuer sur leur demande dans un délai de quinze jours, ramené à 96 heures lorsque le demandeur est placé en rétention administrative. Les demandeurs placés en procédure prioritaire ne sont pas éligibles à un hébergement en centre d’accueil des demandeurs d’asile (CADA) ni à la couverture maladie universelle (CMU) et leur recours devant la CNDA n’est pas suspensif.
La définition des pays d’origine sûrs figurant dans la directive procédure est plus précise que celle retenue par la loi française. L’annexe II de cette directive prévoit que :
« Un pays est considéré comme un pays d’origine sûr lorsque, sur la base de la situation légale, de l’application du droit dans le cadre d’un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, d’une manière générale et uniformément, il n’y est jamais recouru à la persécution telle que définie à l’article 9 de la directive 2004/83/CE, ni à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et qu’il n’y a pas de menace en raison de violences indiscriminées dans des situations de conflit armé international ou interne.
Pour réaliser cette évaluation, il est tenu compte, entre autres, de la mesure dans laquelle le pays offre une protection contre la persécution et les mauvais traitements, grâce aux éléments suivants :
a) les dispositions législatives et réglementaires adoptées en la matière et la manière dont elles sont appliquées ;
b) la manière dont sont respectés les droits et libertés définis dans la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et/ou dans le pacte international relatif aux droits civils et politiques et/ou la convention contre la torture, en particulier les droits pour lesquels aucune dérogation ne peut être autorisée conformément à l’article 15, paragraphe 2, de ladite convention européenne ;
c) la manière dont est respecté le principe de non-refoulement au sens de la convention de Genève ;
d) le fait qu’il dispose d’un système de sanctions efficaces contre les violations de ces droits et libertés. »
L’article 29 de la directive procédure prévoyait l’adoption d’une liste commune minimale de pays d’origine sûrs. Sur recours du Parlement européen, la Cour de justice de l’Union européenne a cependant annulé les dispositions de la directive procédure relatives à l’adoption et à la modification de cette liste commune minimale de pays d’origine sûrs, ainsi que celles relatives à une liste de pays tiers sûrs (CJCE, 6 mai 2008, Parlement/Conseil, C-133/06). Elle a en effet jugé que ces listes ne pouvaient être adoptées, comme la directive le prévoyait, à la majorité qualifiée après une simple consultation du Parlement européen, et qu’elles devaient l’être selon la procédure de codécision avec le Parlement européen. Faute d’accord entre les États membres, aucune liste commune de pays d’origine sûrs n’avait été adoptée sur le fondement de cette disposition avant son annulation.
L’article 30 de la directive procédure – qui n’a pas été affecté par l’arrêt de la Cour – autorise les États membres à maintenir ou à adopter des dispositions législatives leur permettant de désigner comme pays d’origine sûrs, au niveau national, des pays tiers autres que ceux qui figurent sur la liste commune minimale. Par ailleurs, il les autorise à maintenir les dispositions législatives en vigueur au 1er décembre 2005 leur permettant de désigner, au niveau national, des pays d’origine sûrs. Les pratiques nationales sont très divergentes dans ce domaine, et il y a, en réalité, autant de listes nationales que d’États membres ayant recours à de telles listes.
En France, la liste des pays d’origine sûrs établie par le conseil d’administration de l’OFPRA a fait l’objet de fréquentes annulations partielles par le Conseil d’État. Ainsi, l’inscription de l’Albanie et du Niger a été annulée par un arrêt Association Forum Réfugiés du 13 février 2008. Celle de l’Arménie, de Madagascar et de la Turquie ainsi que du Mali en ce qui concerne les femmes (en raison de l’importance de l’excision dans ce pays) a été annulée par une deuxième décision du Conseil d’État du 23 juillet 2010. L’Albanie et le Kosovo ont dû être retirés de la liste à la suite d’un nouvel arrêt du 26 mars 2012, Action syndicale libre OFPRA. Un nouveau recours est actuellement pendant devant le Conseil d’État. Aujourd’hui, la liste comporte dix-huit pays (12) (auxquels s’ajoutent l’ensemble des États membres de l’Union européenne).
• Les modifications proposées
La Commission européenne propose, en premier lieu, de supprimer le principe de l’établissement d’une liste commune minimale de pays d’origine sûr. En deuxième lieu, la procédure d’élaboration des listes nationales de pays d’origine sûrs connaît quelques modifications : le bureau européen d’appui en matière d’asile est ajouté aux sources sur lesquels les États membres doivent se fonder (où figurent déjà les autres États membres, le HCR, le Conseil de l’Europe et les autres organisations internationales compétentes) et les États membres devront veiller à ce que la situation de ces pays fasse l’objet d’un réexamen régulier.
Le Parlement européen propose, pour sa part, de supprimer le recours aux listes nationales de pays d’origine sûrs.
Votre rapporteure est favorable aussi bien au maintien du principe de l’établissement d’une liste commune minimale de pays d’origine sûrs, qu’au maintien de la possibilité de listes nationales. Le concept de pays d’origine sûr est en effet utile, à condition d’être bien encadré. Votre rapporteure souscrit pleinement, à cet égard, aux propositions formulées par les sénateurs Christophe-André Frassa et Jean-Yves Leconte, dans un rapport d’information récent de la commission des Lois du Sénat (13). Ce rapport d’information recommande notamment :
– de reprendre, en droit français, la définition européenne du concept de pays d’origine sûr, qui est plus précise ;
– de rendre les modalités d’établissement de la liste plus transparentes ;
– de procéder à un réexamen régulier, tous les six mois par exemple, de la liste, afin de vérifier que les conditions posées sont toujours remplies ;
– de créer une procédure d’alerte, afin d’adapter rapidement la liste si un changement de circonstances devait se produire dans l’un des pays concernés.
Pour l’ensemble de ces raisons, le point 10 de la proposition de résolution européenne prend acte de l’absence d’accord au niveau européen sur l’établissement d’une liste commune minimale de pays d’origine sûrs, ce qui conduit au maintien de listes nationales, qui devront faire l’objet d’un réexamen régulier.
*
* *
La Commission a examiné la proposition de résolution au cours de sa réunion du mercredi 12 décembre 2012.
Après l’exposé de la rapporteure, une discussion générale a eu lieu.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je rappelle que ce texte a été adopté par la commission des Affaires européennes le 21 novembre dernier. Peut-être serait-il souhaitable à l’avenir, pour la clarté de nos travaux, que les rapporteurs ne soient d’ailleurs pas identiques dans les deux commissions : il peut paraître surprenant, en effet, que le rapporteur amende le texte qu’il a lui-même proposé trois semaines auparavant.
M. Jean-Michel Clément. Cette proposition est tout à fait pertinente. Aborde-t-elle la question des apatrides, qui sont 9 millions en Europe, ou un autre texte est-il prévu à cet effet ?
Mme la rapporteure. Je n’ai pas connaissance de projet de texte spécifique en la matière. Mais la commission des Affaires européennes prépare un rapport global sur l’immigration.
Par ailleurs, je voudrais préciser qu’aujourd’hui, la liste des pays d’origine sûrs est révisée par le conseil d’administration de l’OFPRA lorsqu’il le juge utile. Nous proposons un examen plus régulier, tous les six mois si possible.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Il faudrait aller plus loin : un pays peut ne plus être sûr du jour au lendemain. Il conviendrait d’avoir une plus grande réactivité, en fonction de critères préétablis.
Par ailleurs, si la demande d’entretien avec un agent du même sexe est justifiée pour des raisons médicales ou pour des personnes victimes d’un viol par exemple, il ne faudrait pas qu’elle donne lieu à des discriminations.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Le texte proposé par la rapporteure répond à cette préoccupation.
M. Guy Geoffroy. Ce texte gagnerait néanmoins à être précisé : qui décidera des critères objectifs sur lesquels reposera cette demande ?
Mme la rapporteure. La définition des critères, qui est importante, n’a pas sa place dans la proposition de directive : en France, elle relève de l’OFPRA. Nous devrons travailler avec lui pour que ceux-ci donnent lieu à des procédures efficaces et qu’un financement adéquat soit prévu à cet effet.
En faisant reposer la demande d’entretien avec un agent du même sexe sur des critères objectifs, le texte que je propose tend à tenir compte des besoins réels des demandeurs d’asile et à éviter les discriminations.
La Commission adopte à l’unanimité l’amendement CL 1 de la rapporteure, proposant une nouvelle rédaction de l’article unique de la proposition de résolution, la Commission adoptant dès lors l’ensemble de la proposition de résolution ainsi rédigée, dont le texte figure ci-après.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION SUR LE RÉGIME D’ASILE EUROPÉEN COMMUN
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88-4 de la Constitution,
Vu l’article 3, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne,
Vu les articles 67, 78 et 80 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
Vu les conclusions du Conseil européen des 15 et 16 octobre 2008,
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil, du 15 novembre 2011, portant création du Fonds « Asile et migration » (COM [2011] 751 final),
Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil, du 1er juin 2011, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait du statut conféré par la protection internationale (Refonte) (COM [2011] 319 final/3),
1. Rappelle que l’Union européenne et les États membres doivent assurer un niveau élevé de protection aux demandeurs d’asile et considère qu’une plus grande harmonisation des procédures d’asile constitue un progrès indéniable répondant aux objectifs du programme de Stockholm qui vise à la mise en place d’un « espace commun de protection et de solidarité fondé sur une procédure d’asile commune et un statut uniforme pour les personnes bénéficiant d’une protection internationale », et permettra de garantir un niveau élevé de protection aux réfugiés ;
2. Rappelle également que le Conseil européen a adopté les 15 et 16 octobre 2008 un « Pacte européen sur l’immigration et l’asile » dans lequel il préconise d’instaurer une procédure d’asile unique comportant des garanties communes afin d’achever la mise en œuvre progressive d’un régime d’asile européen commun. Celui-ci offrira tant la garantie d’une meilleure protection des demandeurs d’asile qu’un moyen de lutter contre les risques liés aux dépôts de demandes d’asile orientés en fonction des disparités entre les législations et les pratiques nationales des États membres ;
3. Précise néanmoins qu’en ce qui concerne la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil, du 1er juin 2011, précitée (dite « directive procédures »), actuellement en cours de négociation, un équilibre doit être trouvé entre les garanties nouvelles accordées aux demandeurs d’asile et la préservation de l’efficacité des procédures ;
4. Demande, en ce qui concerne les nouvelles modalités de l’entretien individuel, que :
– la possibilité pour le demandeur d’asile de s’entretenir avec un agent instructeur du même sexe ainsi que d’être assisté par un interprète du même sexe, qui ne peut être de principe, ne soit envisagée que si elle repose sur des critères objectifs liés à la demande de protection internationale et non sur des motifs discriminatoires ;
– la présence d’un conseil à toutes les étapes de la procédure soit favorisée ;
– l’enregistrement de l’entretien individuel supplée la possibilité pour le demandeur d’asile de faire des commentaires sur le rapport ou sur la transcription qui a été faite de son entretien, dès lors que cet enregistrement peut être utilisé en cas de recours contre la décision ;
5. Se félicite de l’instauration d’un droit à l’information sur le droit d’asile, à la frontière et dans les centres de rétention, dont l’organisation devra assurer l’effectivité et prévenir une augmentation du nombre des demandes infondées, laquelle serait préjudiciable aux demandes juridiquement fondées ;
6. Demande également que soit respecté un équilibre entre l’approfondissement des garanties procédurales et l’exigence d’une maîtrise des délais, qui constitue une garantie pour le demandeur d’asile, afin de ne pas alourdir la procédure notamment pour les États membres dont le système d’asile est déjà soumis à de fortes contraintes ;
7. Soutient le principe d’une limitation de la durée d’examen de la procédure d’octroi du statut de réfugié à un délai n’excédant pas six mois, qui pourrait cependant être difficile à atteindre compte tenu de certaines des nouvelles garanties proposées par la proposition de « directive procédures » ;
8. Soutient la mise en place d’un système permettant d’identifier les personnes en situation de vulnérabilité afin d’offrir des garanties élevées à ces demandeurs ;
9. Soutient le principe d’un recours suspensif lorsque la décision de refus de la protection internationale a pour effet de mettre fin au séjour du demandeur ;
10. Prend acte de l’absence d’accord au niveau européen sur l’établissement d’une liste commune minimale de pays d’origine sûrs, ce qui conduit au maintien de listes nationales, qui devront faire l’objet d’un réexamen régulier ;
11. Souhaite que l’enveloppe budgétaire proposée par la Commission européenne pour les nouveaux instruments financiers sur la période 2014-2020 soit votée et prenne en compte les coûts induits par les nouvelles garanties prévues par la proposition de « directive procédures ».
___
Texte de la proposition de résolution ___ |
Conclusions de la Commission ___ |
Proposition de résolution européenne sur le régime d’asile européen commun |
Proposition de résolution européenne sur le régime d’asile européen commun |
L’Assemblée nationale, |
(Alinéa sans modification) |
Vu l’article 88-4 de la Constitution, |
(Alinéa sans modification) |
Vu l’article 3, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne, |
(Alinéa sans modification) |
Vu les articles 67, 78 et 80 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, |
(Alinéa sans modification) |
Vu les conclusions du Conseil européen des 15 et 16 octobre 2008, |
(Alinéa sans modification) |
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil, du 15 novembre 2011, portant création du Fonds « Asile et migration » (COM [2011] 751 final), |
(Alinéa sans modification) |
Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil, du 1er juin 2011, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait du statut conféré par la protection internationale (refonte) (COM [2011] 319 final/3), |
(Alinéa sans modification) |
1. Rappelle que l’Union européenne et les États membres doivent assurer un niveau élevé de protection aux demandeurs d’asile et considère qu’une plus grande harmonisation des procédures d’asile constitue un progrès indéniable répondant aux objectifs du programme de Stockholm qui vise à la mise en place d’un « espace commun de protection et de solidarité fondé sur une procédure d’asile commune et un statut uniforme pour les personnes bénéficiant d’une protection internationale », et permettra de garantir un niveau élevé dans la protection accordée aux réfugiés ; |
1. |
2. Rappelle également que le Conseil européen a adopté le 16 novembre 2008 un « Pacte européen sur l’immigration et l’asile » dans lequel il préconise d’instaurer une procédure d’asile unique comportant des garanties communes afin d’achever la mise en œuvre progressive d’un régime d’asile européen commun. Celui-ci offrira tant la garantie d’une meilleure protection des demandeurs d’asile qu’un moyen de lutter contre les risques liés aux dépôts de demandes d’asile orientés en fonction des différences entre les législations et les pratiques nationales des États membres ; |
2. … adopté les 15 et 16 octobre 2008 un « Pacte … |
3. Précise néanmoins qu’en ce qui concerne la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil, du 1er juin 2011, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait du statut conféré par la protection internationale (refonte) (COM [2011] 319 final/3) (dite « directive procédures »), actuellement en cours de négociation, un équilibre doit être trouvé entre les garanties nouvelles accordées aux demandeurs d’asile et le caractère soutenable des régimes d’asile des États membres, notamment s’agissant des pays pour lesquels la demande d’asile est particulièrement élevée ; |
3. |
4. Demande, en ce qui concerne la première phase d’instruction de la demande d’asile : |
4. … concerne les nouvelles modalités de l’entretien individuel, que : |
– que pour les États membres dans lesquels la demande d’asile est particulièrement forte, le coût induit par les nouvelles dispositions prévues par la proposition de « directive procédures » relatives à l’entretien individuel avec chaque demandeur d’asile soit évalué ; |
Alinéa supprimé |
– que la possibilité pour le demandeur d’asile de s’entretenir avec une personne du même sexe ainsi qu’avec un interprète du même sexe qui ne peut être de principe ne soit envisagée que si elle repose sur des critères objectifs liés au motif de la demande et non sur des motifs discriminatoires ; |
– la possibilité pour le demandeur d’asile de s’entretenir avec un agent instructeur du même sexe ainsi que d’être assisté par un interprète du même sexe, qui ne peut être de principe, ne soit envisagée que si elle repose sur des critères objectifs liés à la demande de protection internationale et non sur des … |
– que la possibilité qu’un avocat soit présent dès la première phase de la procédure d’instruction soit favorisée ; |
– la présence d’un conseil à toutes les étapes de la procédure soit favorisée ; |
– que l’enregistrement de l’entretien individuel supplée la possibilité pour le demandeur d’asile de faire des commentaires sur le rapport ou la transcription qui a été faite de son entretien dès lors qu’il pourra être utilisé en cas de recours contre la décision ; |
– l’enregistrement … |
5. Estime que l’instauration d’un droit à l’information sur le droit d’asile à la frontière et dans les centres de rétention doit être organisée de façon à ne pas entraîner une élévation mécanique du nombre des demandes infondées qui obèrerait la mise en œuvre des nouvelles garanties accordées aux demandes juridiquement fondées ; |
5. Se félicite de l’instauration d’un droit à l’information sur le droit d’asile, à la frontière et dans les centres de rétention, dont l’organisation devra assurer l’effectivité et prévenir une augmentation du nombre des demandes infondées, laquelle serait préjudiciable aux demandes … |
6. Demande également que soit respecté un équilibre entre l’approfondissement des garanties procédurales et l’exigence d’une maîtrise des délais, qui constitue également une garantie pour le demandeur d’asile, afin de ne pas alourdir la procédure notamment pour les États membres dont le système d’asile est déjà soumis à de fortes contraintes ; |
6. |
7. Souligne que le principe d’une limitation de la durée d’examen de la procédure d’octroi du statut de réfugié à un délai n’excédant pas six mois, qui doit être soutenu, pourrait être difficile à atteindre compte tenu de certaines des nouvelles garanties proposées par la proposition de « directive procédures » ; |
7. Soutient le principe … |
8. Soutient la mise en place d’un système permettant d’identifier les personnes en situation de vulnérabilité afin d’offrir des garanties élevées lors de l’entretien individuel, à condition que ce système d’identification puisse être appliqué concrètement par l’ensemble des États membres ; |
8. |
9. Soutient le principe d’un recours suspensif limité au cas où l’intervention d’une mesure d’éloignement du territoire prise à la suite du refus d’accorder une protection internationale au demandeur d’asile l’empêcherait de faire valoir ses droits ; |
9. Soutient le principe d’un recours suspensif lorsque la décision de refus de la protection internationale a pour effet de mettre fin au séjour du demandeur ; |
10. Soutient également le principe du maintien d’une liste nationale des pays d’origine sûrs tant que l’établissement d’une telle liste n’a pu faire l’objet d’un accord au niveau européen en raison de la persistance d’approches nationales divergentes ; |
10. Prend acte de l’absence d’accord au niveau européen sur l’établissement d’une liste commune minimale de pays d’origine sûrs, ce qui conduit au maintien de listes nationales, qui devront faire l’objet d’un réexamen régulier ; |
11. Souhaite que l’enveloppe budgétaire proposée par la Commission européenne pour les nouveaux instruments financiers sur la période 2014-2020 soit votée et prenne en compte les surcoûts induits par les nouvelles garanties prévues par la proposition de « directive procédures » pour les États membres faisant face à une forte pression sur leur régime d’asile, comme cela est précisé au point 4 de la présente résolution. |
11. (amendement CL1) |
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR
• France Terre d’Asile
– M. Pierre HENRY, directeur général
– M. Mathieu TARDIS, responsable du secrétariat général
• Ministère de l’Intérieur, secrétariat général à l’immigration et à l’intégration (SGII)
– M. Luc DEREPAS, secrétaire général
– Mme Frédérique DOUBLET, chef du département du droit d’asile et de la protection au service de l’asile
• Forum Réfugiés
– Mme Claire SALIGNAT, chargée plaidoyer Europe
• Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA)
– Mme Agnès FONTANA, secrétaire générale
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