N° 588
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 janvier 2013
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion de la République de Croatie à l'Union européenne
PAR M. Philip CORDERY
Député
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ET
ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Voir les numéros :
Sénat : 225 (2012-2013), 236, 237 et T.A. 71 (2012-2013).
Assemblée nationale : 582.
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 5
I. LA CROATIE : PREMIER ETAT A CONCRETISER LA VOCATION EUROPÉENNE DES BALKANS OCCIDENTAUX 7
A. De l’association à l’adhésion : l’achèvement d’un processus initié en 1999 7
1. Le processus de stabilisation et d’association 7
2. Le déroulement des négociations d’adhésion 11
2.1. Quatre critères et plusieurs étapes 11
2.2. La question de la coopération avec le TPIY en toile de fond 12
2.3. Des négociations sous le signe d’une conditionnalité rigoureuse 14
3. Six longues années de négociations jusqu’à la signature du traité d’adhésion 16
B. Une adhésion à la légitimité incontestable 18
1. Un Etat quasiment prêt et soumis à un mécanisme de suivi renforcé 19
1.1. Le mécanisme de suivi renforcé et ses résultats concluants 19
1.2. Les 10 actions clés recommandées par la Commission européenne 21
1.3. Des marges de progression résiduelles : l’exemple de la gestion des fonds européens 27
2. Une intégration régionale contrastée mais globalement positive 28
3. Un Etat arrimé à l’Union et prêt à l’intégrer 31
3.1. Un niveau de préparation économique satisfaisant 31
3.2. Un Etat impliqué dans les grands dossiers européens 34
3.3. Des relations bilatérales excellentes 36
II. LES MODALITÉS DE L’ADHÉSION 41
A. L’impact sur l’Union européenne de l’entrée de la Croatie 42
B. Les autres dispositions du traité d’adhésion 50
1. Un principe cardinal : la reprise de l’acquis communautaire 50
1.1. L’application du droit 50
1.2. Deux cas particuliers : Schengen et l’Union économique et monétaire 51
2. Les dispositions permanentes 52
2.1. L’adaptation institutionnelle 53
2.2. Les adaptations des actes pris par les institutions européennes dans quatre domaines 53
3. L’organisation d’une transition 55
3.1. Les périodes transitoires imposées par l’Union européenne 56
3.2. Les périodes transitoires accordées à la demande de la Croatie 58
3.3. La mise en œuvre des périodes transitoires 61
4. Les clauses de sauvegarde 64
C. La procédure de ratification 65
CONCLUSION 71
EXAMEN EN COMMISSION 73
ANNEXE 83
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ANNEXE – TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 85
INTRODUCTION
L’article 49 du traité sur l’Union européenne énonce :
« Tout État européen qui respecte les principes énoncés à l’article 6, paragraphe 1, peut demander à devenir membre de l’Union. Il adresse sa demande au Conseil, lequel se prononce à l’unanimité après avoir consulté la Commission et après avis conforme du Parlement européen qui se prononce à la majorité absolue des membres qui le composent.
Les conditions de l’admission et les adaptations que cette admission entraîne en ce qui concerne les traités sur lesquels est fondée l’Union, font l’objet d’un accord entre les États membres et l’État demandeur. Ledit accord est soumis à la ratification par tous les États contractants, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. »
L’Union européenne a déjà connu cinq élargissements. Elle a accueilli le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark en 1973, puis la Grèce en 1981, l’Espagne et le Portugal en 1986, l’Autriche, la Finlande et la Suède en 1995. Surtout, elle a connu sa plus large ouverture en 2004 avec l’entrée de dix nouveaux Etats membres : l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la République de Chypre, la République tchèque, la Slovaquie et la Slovénie, rejoints en 2007 par la Bulgarie et la Roumanie. Avec l’adhésion de la Croatie, c’est la sixième vague d’élargissement de l’Union européenne qui s’amorce ; celle qui arrimera les Balkans occidentaux à la construction européenne.
La perspective d’adhésion des Balkans occidentaux a été affirmée dès le début des années 2000 et fait l’objet d’un consensus au sein des Etats membres de l’Union européenne, indépendamment de la question religieuse. Nul ne peut contester la vocation de ces pays à intégrer l’ensemble européen et à participer à la poursuite du grand projet que constitue l’Union européenne, sous réserve bien entendu qu’ils répondent aux conditions politiques, juridiques et administratives posées. Les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne réunis à Bruxelles le 11 décembre dernier ont rappelé l’« engagement sans équivoque » à l’égard de la perspective européenne des Balkans occidentaux qui « demeure essentielle pour la stabilité, la réconciliation et l’avenir de la région ».
Il faut se réjouir de ce que la crise que nous traversons n’ait pas provoqué de repli qui aurait maintenu les Etats des Balkans aux marches de l’Europe voire les aurait éloignés. Au contraire, en s’interrogeant sur l’amélioration du fonctionnement de l’Union, notamment l’articulation entre la poursuite de l’intégration pour certains et le maintien d’une Union la plus large possible, les évolutions en cours renouvellent le consensus sur l’élargissement facteur de paix et l’Union destinée commune. Cela revêt d’autant plus d’importance qu’il s’agit désormais d’intégrer des Etats meurtris par des guerres qui furent sans nul doute le grand désastre européen des années 1990, et l’attribution du prix Nobel de la paix à l’Union européenne en 2012 doit nous rappeler à notre engagement politique de consolider la paix sur notre continent en conservant l’ouverture qui caractérise le projet européen.
En revanche, forte de l’expérience retirée des précédents élargissements et consciente des difficultés qu’elle affronte, l’Union européenne a renforcé la qualité et la rigueur du processus de négociation et de suivi. A cet égard, l’intégration Etat par Etat s’avère plus efficace qu’une méthode d’intégration « en bloc », qui favorise le primat de l’objectif politique. Le respect des fortes exigences fixées constitue un gage de crédibilité de l’adhésion de la Croatie et plus largement de l’élargissement aux Balkans.
I. LA CROATIE : PREMIER ETAT A CONCRETISER LA VOCATION EUROPÉENNE DES BALKANS OCCIDENTAUX
« L’UE poursuit sa politique d’élargissement depuis plus de quarante ans. Les adhésions successives ont vu croître progressivement le nombre d’États membres qui est passé de six à l’origine à 27. La Croatie devrait devenir le 28e État membre le 1er juillet 2013. Au travers de sa politique d’élargissement, l’UE répond depuis sa création à l’aspiration légitime des peuples de notre continent à s’unir dans le cadre d’un projet européen commun. Cette politique a rassemblé les nations et les cultures, elle a enrichi l’UE grâce à sa diversité et lui a insufflé du dynamisme. Plus des trois quarts des États membres de l’UE sont d’anciens candidats à l’«élargissement». ». Ainsi commence la Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 10 octobre 2012 sur la Stratégie d’élargissement et les principaux défis 2012-2013 (COM(2012)600 final). On ne saurait mieux dire.
Car l’entrée de la Croatie dans l’Union européenne ne peut être appréhendée de façon isolée : elle s’inscrit à la fois dans la continuité des élargissements précédents et inaugure l’extension de l’Union sur ses marches balkaniques. La réussite de l’adhésion croate revêt donc historiquement une importance particulière et les conditions dans lesquelles se sont déroulées les négociations – rigueur du processus (critères, méthodes et suivi) et crise de la zone euro – confèrent une exemplarité à cette adhésion qui peut servir de modèle aux adhésions futures. L’Union européenne ne continue-t-elle pas à améliorer son processus de négociations parallèlement aux progrès qu’elle enregistre dans son propre fonctionnement ? Les deux mouvements sont indissociables et la réussite de l’adhésion de la Croatie réconcilie, dans le souci de la qualité, l’élargissement et l’approfondissement.
A. DE L’ASSOCIATION À L’ADHÉSION : L’ACHÈVEMENT D’UN PROCESSUS INITIÉ EN 1999
1. Le processus de stabilisation et d’association
C’est en juin 1999 que l’Union européenne a lancé le processus de stabilisation et d’association, cadre d’une politique ambitieuse et à long terme vis-à-vis des pays des Balkans occidentaux. La « vocation européenne » de ces pays, c’est-à-dire le principe de leur adhésion à l’Union européenne, a été reconnu au Conseil européen de Zagreb en 2000, sous présidence française de l’Union européenne, et a été régulièrement réaffirmée depuis.
Votre Rapporteur rappelle que cette politique à l’égard des Balkans occidentaux se fonde sur les éléments suivants :
− l’idée qu’une perspective européenne crédible, une fois les conditions remplies, est le meilleur levier pour inciter ces pays à réaliser les réformes nécessaires ;
− la nécessité que les États des Balkans occidentaux établissent entre eux des relations normales, afin de contribuer à la stabilité politique et économique de la région ;
− le désir d’adopter une approche fondée sur des éléments communs − conditions politiques et économiques définies précisément dans l’accord −, tout en permettant à chaque pays de progresser à son rythme et selon ses mérites propres dans la voie de son rapprochement avec l’Union européenne.
Dire que le processus de stabilisation et d’association représente un engagement à long terme de l’Union européenne vis-à-vis de cette région, c’est souligner qu’il implique tant des efforts politiques que des ressources financières et humaines. Il constitue un cadre général, qui s’appuie sur trois éléments que l’on retrouve dans tous les accords de stabilisation et d’association :
− un nouveau type de relation contractuelle, les ASA étant vraiment la pierre angulaire du processus et une étape fondamentale dans sa réalisation. La conclusion de tels accords, fortement inspirés des accords européens auparavant signés avec les pays d’Europe centrale et orientale, marque l’engagement des parties à parvenir, au terme d’une période de transition, à une pleine association avec l’Union européenne, l’accent étant mis sur le respect des principes démocratiques essentiels et sur la reprise des éléments fondamentaux de l’acquis communautaire ;
− un programme unique d’assistance à la région des Balkans, le programme d’assistance communautaire pour la reconstruction, le développement et la stabilisation dans les Balkans (CARDS), doté d’un montant de référence financière indicatif de 4,65 milliards d’euros pour la période 2000-2006, remplacé par l’Instrument d’aide de pré-adhésion (IAP) depuis le 1er janvier 2007 ;
− des préférences commerciales asymétriques exceptionnelles, destinées à favoriser l’accès au marché communautaire des produits industriels et agricoles des Balkans, de façon à contribuer au redémarrage de leurs économies par une stimulation de leurs exportations.
Les dispositions de nature commerciale sont mises en application avant l’entrée en vigueur de l’accord par un accord intérimaire.
Entre 2001 et 2006, la Croatie a pu bénéficier de 490 millions d’euros d’aide sous la forme de plusieurs programmes :
− CARDS (« assistance communautaire pour la reconstruction, le développement et la stabilité dans les Balkans », destiné à fournir une assistance aux pays d’Europe du Sud-Est en vue de leur participation au processus de stabilisation et d’association avec l’UE) ;
− PHARE (« Pologne, Hongrie Aide à la Reconstruction Economique », destiné au renforcement institutionnel et à la reprise de l’acquis) ;
− ISPA (« Instrument structurel de préadhésion », destiné au cofinancement d’infrastructures de transports et d’environnement, sur le modèle du Fonds de cohésion) ;
− SAPARD (« programme spécial d’aide à l’agriculture et au développement rural », sur le modèle du FEADER).
A partir de 2007, ces différents programmes ont été remplacés par un unique Instrument d’aide à la préadhésion (IPA) doté de 11,7 milliards d’euros pour la période 2007-2013 et au titre duquel la Croatie a reçu plus de 150 millions d’euros par an.
Au total, sur la période 2001-2013, la Croatie devrait ainsi avoir bénéficié de 1,56 milliard d’euros d’aide de préadhésion, soit environ 363 euros par habitants (à titre de comparaison, sur la période 1990-2006, la Bulgarie aura reçu 3,53 milliards et la Roumanie 6,8 milliards euros, soit environ 479 et 309 euros par habitant).
Le processus de stabilisation et d’association a pour objet de préparer l’adhésion des pays des Balkans occidentaux. Chaque semestre, la Commission européenne se prononce sur les progrès réalisés par chacun des pays candidats ou potentiellement candidats vers une intégration dans l’Union européenne. C’est ainsi que la Commission a publié en octobre dernier son traditionnel « paquet élargissement ». Le Conseil et le Conseil européen restent décisionnaires.
Le Conseil « Affaires générales » du 11 décembre dernier s’est prononcé sur l’élargissement et sur les propositions de la Commission en adoptant une attitude positive mais plus prudente. Il a reconfirmé son engagement sans équivoque à l’égard de la perspective européenne des Balkans occidentaux et les États membres ont souligné que c’est en faisant « de solides progrès » en matière de réformes économiques et politiques et en remplissant les conditions et les exigences nécessaires que les autres candidats potentiels des Balkans occidentaux obtiendraient le statut de pays candidat, « en fonction de leurs mérites respectifs ». En particulier, malgré les recommandations de la Commission en ce sens, il n’a pas souhaité ouvrir dans l’immédiat les négociations d’adhésion avec la Serbie et la Macédoine, non plus qu’il n’a octroyé à l’Albanie le statut de candidat. Les appréciations très contrastées qui résultent de ce rapport accréditent l’approche retenue de négociations pays par pays et non plus en « bloc ».
Le Monténégro a déposé sa candidature à l’adhésion en décembre 2008. Il a obtenu le statut de candidat à l’adhésion en décembre 2010 et le Conseil européen du 29 juin 2012 a décidé de l’ouverture effective des négociations d’adhésion (ouverture officialisée lors d’une Conférence intergouvernementale qui s’est tenue le même jour. Le processus de négociation n’en est pour l’heure qu’à ses débuts et un seul chapitre a été ouvert, et immédiatement refermé : le chapitre 25, « science et recherche ». Lors du Conseil Affaires générales du 11 décembre dernier, les 27 États membres ont considéré que le Monténégro devait « poursuivre sur la lancée des progrès réalisés », en vue de la conférence d’adhésion du 18 décembre qui a vu l’ouverture et la fermeture dudit chapitre.
Deux pays ont obtenu le statut de candidat à l’adhésion et attendent l’ouverture des négociations d’adhésion. Il s’agit de l’ancienne République de Macédoine (ARYM), qui a déposé sa candidature à l’UE en mars 2004 et obtenu le statut de candidat à l’adhésion en décembre 2005, et de la Serbie qui a déposé sa candidature à l’UE en décembre 2009 et obtenu le statut de candidat à l’adhésion le 1er mars 2012. Le Conseil européen n’a pas encore pris de décision en faveur de l’ouverture des négociations.
Concernant l’ARYM, tout en partageant l’évaluation de la Commission sur le fait que les critères politiques sont « suffisamment respectés » et en prenant note de la recommandation favorable de la Commission pour l’ouverture des négociations, le Conseil, lors de sa réunion du 11 décembre 2012, a indiqué attendre le rapport que la Commission présentera au printemps 2013 pour consentir à une éventuelle ouverture des négociations d’adhésion. Plusieurs réformes sont attendues en matière d’État de droit, selon les conclusions diffusées à l’issue de la réunion des 27 ministres. La question du nom n’est toutefois toujours pas réglée.
Concernant la Serbie, dans les conclusions du Conseil du 11 décembre, les 27 États membres ont estimé que la Serbie continuait de « remplir suffisamment les critères et conditions politiques » du processus de stabilisation et d’association. Le Conseil attend néanmoins le rapport que la Commission présentera au printemps 2013 sur les progrès réalisés par Belgrade avant de consentir le cas échéant à l’ouverture des négociations d’adhésion. Si l’évaluation est positive, le Conseil européen invitera la Commission à soumettre une proposition de cadre de négociations et à poursuivre le processus d’analyse de l’acquis communautaire. La normalisation des relations avec le Kosovo reste la priorité principale pour que le Conseil émette une évaluation positive.
Trois pays sont des candidats potentiels. Deux ont été désignés comme tels par le Conseil européen en juin 2003 : l’Albanie et la Bosnie-Herzégovine ; le Kosovo les a rejoints en 2008. L’Albanie a déposé sa candidature à l’adhésion en avril 2009. Elle espère obtenir le statut de candidat. La Bosnie-Herzégovine n’a pas déposé sa candidature à l’adhésion, non plus que le Kosovo, pour des raisons évidentes.
Les conclusions du Conseil du 11 décembre sur l’Albanie, si elles saluent les progrès généraux réalisés par ce pays en vue de satisfaire aux douze priorités énoncées par la Commission dans son avis de 2010, n’accordent toutefois pas à ce pays le statut de candidat. Une éventuelle évolution reste subordonnée au fait que la Commission établisse que les progrès nécessaires ont été réalisés en matière de réformes judiciaires et administratives et des règles de procédures du parlement. « L’organisation réussie des élections législatives en 2013 sera un test crucial du bon fonctionnement des institutions démocratiques du pays », notent les conclusions diffusées à l’issue de la réunion des ministres.
Concernant la Bosnie-Herzégovine, la situation est plus inquiétante. L’accord de gouvernement a été très long à se dessiner Tout en réitérant le soutien des 27 états membres de l’Union européenne aux « perspectives européennes » de ce pays, le Conseil du 11 décembre s’est dit déçu que les progrès relatifs à l’agenda européen aient stagné ; il a déploré aussi le recours aux discours qui divisent. En juin, la Commission et Sarajevo avaient marqué leur accord sur une feuille de route fixant un calendrier pour l’évolution du processus d’adhésion. Ce calendrier n’a pas été respecté et le Conseil s’est dit « inquiet de l’absence de mise en œuvre des accords politiques». Le Conseil a réaffirmé que la Bosnie-Herzégovine devait en priorité mettre sa Constitution en conformité avec la Convention européenne des droits de l’homme à la suite de l’arrêt Sejdić/Finci (1).
Concernant le Kosovo enfin, les 27 ministres, dans leur réunion du 11 décembre dernier, ont pris note de l’étude de faisabilité d’un accord de stabilisation et d’association (ASA) présentée par la Commission. Mais pour que le Conseil donne son feu vert aux lignes directrices relatives à la négociation de cet accord, il a estimé que Pristina devait accélérer le rythme des réformes dans les domaines suivants : administration publique, État de droit, réforme judiciaire et lutte contre le crime organisé. Le Kosovo doit aussi poursuivre l’application « de bonne foi » de tous les accords conclus dans le cadre du dialogue avec Belgrade. La Commission européenne doit présenter un rapport sur tout ce qui précède au printemps 2013 ; « Si l’évaluation est positive, le Conseil adoptera les directives de négociation ».
La procédure d’adhésion à l’Union européenne comprend plusieurs étapes. La première est le dépôt de la candidature. Elle est adressée au Conseil, mais celui-ci attend l’avis de la Commission avant toute décision. Le Parlement européen et les Parlements nationaux sont informés de la demande d’adhésion. Une fois connu l’avis de la Commission, le Conseil peut décider à l’unanimité de reconnaître au pays demandeur le statut de « pays candidat » ou bien refuser la candidature (le seul cas étant à ce jour la candidature du Maroc en 1987).
Le traité sur l’Union européenne pose une double condition pour qu’un pays obtienne le statut de « pays candidat » : être un pays européen et un Etat démocratique. Le statut de pays candidat ne préjuge en rien de l’admission de ce pays dans l’Union européenne
La reconnaissance du statut de « pays candidat » n’entraîne pas automatiquement l’ouverture immédiate de négociations d’adhésion. Pour certains pays, qui ont besoin de temps pour se rapprocher des standards européens, une stratégie de préadhésion est mise en œuvre. Elle a pour objectif de familiariser le candidat avec les procédures et les politiques de l’Union Européenne en lui offrant la possibilité de participer à des programmes communautaires et en lui accordant une aide financière. Ce soutien est destiné à aider ces pays à entreprendre les réformes politiques, économiques et institutionnelles nécessaires pour respecter les normes européennes.
Les négociations d’adhésion sont menées entre le pays demandeur et l’Union européenne, c’est-à-dire les Etats membres et la Commission européenne. Elles se déroulent par chapitres et portent sur la reprise de l’« acquis communautaire » et la reconnaissance éventuelle de périodes transitoires. Aucun chapitre ne peut être ouvert ou clos sans l’accord de tous les Etats membres.
Lorsque les négociations ont abouti à un accord, celui-ci est repris dans un traité d’adhésion, qui doit être approuvé par le Parlement européen, statuant à la majorité des membres qui le composent, puis par le Conseil statuant à l’unanimité. Enfin, le traité d’adhésion doit être ratifié par tous les Etats membres « conformément à leurs règles constitutionnelles respectives », ce qui signifie en pratique qu’il doit être approuvé, dans chaque pays membre, par voie parlementaire ou par voie référendaire.
La pleine coopération de la Croatie avec le TPIY était une condition préalable pour le lancement de négociations d’adhésion de la Croatie à l’Union européenne. Depuis l’alternance démocratique de janvier 2000, suite au décès du président Tudjman, la Croatie a poursuivi une politique de coopération avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et reconnu sa compétence pour les « crimes de guerre commis pendant et après les opérations Éclair et Tempête » (qui organisèrent la reconquête par les Croates en 1995 des territoires occupés par les forces et milices paramilitaires serbes : Slavonie occidentale, dans l’Est du pays, et "République serbe de Krajina", le long de la frontière avec la Bosnie-Herzégovine).
Le premier geste significatif du gouvernement Račan fut le transfert à La Haye de Mladen Naletilić « Tuta », chef de milice accusé de crimes de guerre en Bosnie et détenu à Zagreb (mars 2000). Cette décision fut d’autant plus difficile à prendre qu’elle intervenait au moment du verdict contre le général Blaskić (45 ans de prison), qui avait suscité des manifestations de protestation et mis en difficulté le premier ministre au Parlement. Les autorités croates autorisèrent ensuite des fouilles et exhumations sur des sites liés à des présomptions de crimes contre les Serbes. Puis le général Norac fut arrêté en février 2001 et son procès pour crimes contre des prisonniers serbes ouvert à Zagreb, le TPIY acceptant de laisser la justice croate traiter elle-même certains dossiers criminels.
La fuite du général Ante Gotovina, inculpé en juillet 2001 de crimes de guerre liés à l’opération Tempête, dont il était le commandant en chef, a empêché l’ouverture des négociations d’adhésion à l’UE jusqu’à son arrestation en Espagne fin 2005 et son transfert à La Haye. Par la suite, le manque de coopération de la Croatie avec le TPIY sur ce dossier, et notamment la non-transmission au Procureur Brammertz de documents militaires censés étayer sa thèse d’un bombardement indiscriminé de la ville de Knin et d’une politique croate délibérée de chasser les populations civiles serbes lors de l’opération « Tempête » a longtemps (entre 2009 et 2010) empêché l’ouverture du chapitre de négociation numéro 23 (pouvoir judiciaire et droits fondamentaux).
Le procès du général Gotovina et de ses deux co-accusés, les généraux Markač et Čermak, est revenu sur le devant de la scène en avril 2011, lors du verdict en première instance. Les peines prononcées à l’encontre de deux d’entre eux (24 ans de prison pour Gotovina, 18 ans pour Markač, Cermak étant lui acquitté) ont été jugées très sévères. Mais c’est surtout le fait que les juges du TPIY aient repris à leur compte l’accusation du Procureur selon laquelle les deux généraux avaient conçu et participé à une « entreprise criminelle conjointe » visant à chasser délibérément les populations serbes, et le fait que l’ex-président Tudjman, fondateur du parti HDZ, soit nommément cité comme « membre clé » de cette entreprise, qui a choqué. Les réactions sont restées cependant limitées sauf dans les régions directement concernées.
Le Président Josipović, lui-même, qui avait pourtant été un des premiers et des plus actifs en Croatie à militer pour la coopération avec le tribunal dès la période Tudjman et s’est efforcé de traiter les problèmes de mémoire depuis son accession à la Présidence (reconnaissance de la responsabilité croate dans les drames de Bosnie, hommage à toutes les victimes, celles du régime oustachi comme celles des « partisans » communistes de Tito), a vivement réagi à l’époque. Il s’est déclaré choqué par « la condamnation des généraux Gotovina et Markač avec les peines prononcées et les motifs invoqués, notamment la thèse de l’existence d’une entreprise criminelle commune ». Il a affirmé que « ce jugement ne remettait pas en cause la légitimité et la légalité de la guerre patriotique » et s’est dit « persuadé qu’il n’y avait pas eu d’entreprise criminelle commune en Croatie. (...) la guerre patriotique a été une guerre juste de défense (...) de notre liberté et de notre démocratie contre l’agression et la politique criminelle de Milosevic ». Même si, a-t-il à nouveau reconnu, « des crimes ont été commis par toutes les parties pendant la guerre patriotique », soulignant que « la justice croate s’en occupe et condamne aujourd’hui tous les crimes », et concluant que « respecter les aspects juridiques du travail du tribunal ne signifie pas accepter les aspects politiques et historiques du jugement ».
L’acquittement final prononcé en appel par le Tribunal à l’égard des deux généraux le 16 novembre dernier a entrainé de nombreuses scènes de joie en Croatie et devrait, en tout état de cause, favoriser la coopération de la Croatie avec le TPIY. Cette décision suscite en revanche des interrogations dans d’autres pays.
A l’initiative de la France, une réflexion sur la stratégie d’élargissement a été initiée au niveau européen en 2006, notamment dans le contexte du lancement des négociations avec la Turquie et des résultats négatifs des référendums français et néerlandais sur le traité constitutionnel. Cette réflexion s’est concentrée, d’une part, sur les modalités de conduite du processus d’élargissement envers les pays candidats, et, d’autre part, sur la question de la capacité de l’Union européenne à absorber de nouveaux États membres. A la suite de cette réflexion, le Conseil européen a adopté une stratégie fondée sur « un consensus renouvelé sur l’élargissement » et les modalités régissant le processus d’adhésion ont été renforcées.
Depuis le Conseil européen de Copenhague, en décembre 1993, renforcés par la stratégie renouvelée sur l’élargissement de 2006, quatre critères doivent être réunis pour qu’un pays puisse adhérer à l’Union européenne :
− critère politique : institutions stables garantissant la démocratie, l’Etat de droit, le respect des minorités et leur protection ;
− critère économique : économie de marché viable et capable de faire face aux forces du marché et à la pression concurrentielle à l’intérieur de l’Union ;
− acquis communautaire : aptitude à assumer les obligations découlant de l’adhésion, et notamment à souscrire aux objectifs de l’Union politique, économique et monétaire. A noter que la reprise de l’acquis s’entend non seulement du point de vue juridique (transposition de la législation communautaire dans la législation nationale) mais emporte également sa mise en pratique effective.
Le quatrième et dernier critère n’est pas lié au pays candidat, mais à l’Union européenne elle-même : il s’agit de la prise en compte de la « capacité d’absorption » de l’Union européenne, c’est-à-dire la capacité de l’Union européenne d’assimiler de nouveaux Etats membres tout en maintenant l’élan de l’intégration européenne.
Le Conseil européen a rappelé en 2006 que : « Le rythme du processus d’adhésion dépend des résultats des réformes menées dans le pays participant aux négociations, chaque pays étant jugé selon ses propres mérites. L’Union s’abstiendra de fixer d’éventuelles dates limites pour l’adhésion tant que les négociations ne seront pas sur le point d’aboutir ». S’agissant de la capacité d’absorption en particulier, le Conseil européen a invité la Commission à évaluer les incidences de futures adhésions sur les principaux domaines d’action de l’Union et a souligné que « la réussite de l’intégration européenne exige que les institutions de l’Union Européenne fonctionnent efficacement et que les politiques de l’Union Européenne soient développées encore et financées de manière durable ».
Avec la Croatie, l’Union européenne a su tirer la leçon du précédent élargissement, particulièrement des difficultés d’adaptation rencontrées avec la Roumanie et la Bulgarie. Il convient de rappeler qu’un mécanisme de coopération et de vérification (MCV) a été institué par deux décisions de la Commission de décembre 2006, sans limites de délai, au moment de l’adhésion de ces deux pays à l’Union européenne. Il fixe pour chaque pays plusieurs objectifs de référence dans quatre domaines : réforme judiciaire, intégrité, lutte contre la corruption à haut niveau, prévention et lutte contre la corruption dans le secteur public. Ces décisions prévoient notamment l’établissement de rapports réguliers (semestriels) par la Commission et la poursuite du mécanisme tant que les objectifs du MCV n’auront pas été remplis et les quatre objectifs de référence atteints.
Les derniers rapports de la Commission, rendus en juillet 2012, dressent le bilan global des mesures mises en place par ces pays depuis l’institution du mécanisme en 2007 et insistent sur l’influence positive qu’a eue la mise en place de ce mécanisme pour la Bulgarie comme pour la Roumanie. Les conclusions du Conseil du 24 septembre dernier confirment cette analyse et soulignent la réalité des progrès obtenus depuis cinq ans. L’appréciation de l’efficacité est donc globalement positive. Il convient cependant de la nuancer par deux éléments :
− il s’agit d’un mécanisme mis en place pour corriger des lacunes qui auraient du être comblées au cours des négociations d’adhésion ;
− le MCV n’a encore été levé pour aucun des deux pays, signe que, s’il permet de suivre précisément les évolutions en Bulgarie et en Roumanie, il ne les a pour l’heure pas aidés à corriger leurs lacunes.
Aussi d’importants efforts ont-ils été réalisés pour ne pas avoir à recourir à ce type de mécanisme pour la Croatie et plus généralement pour assurer une préparation optimale.
D’une part, le processus de négociation pour la Croatie fut ainsi plus exigeant que celui appliqué lors des élargissements de 2004 et 2007, avec :
− l’augmentation du nombre de chapitres de l’acquis communautaire de 31 à 35 chapitres, dont le nouveau chapitre 23 « pouvoirs judiciaires et droits fondamentaux », spécifiquement créé afin de renforcer l’état de préparation du pays candidat dans le domaine de l’Etat de droit) ;
− le renforcement du nombre de critères d’ouverture et de clôture, qui insistent davantage sur la mise en œuvre concrète de l’acquis dans le pays.
Ainsi 127 critères d’ouverture et de fermeture des chapitres de négociation ont été minutieusement définis et leur mise en œuvre a été soumise à un mécanisme de suivi très strict. Il ne faut pas oublier non plus que, par rapport aux élargissements précédents, les négociations ont été menées avec 27 États membres (et non avec 15) et que l’acquis communautaire a augmenté en volume, chaque chapitre contenant dorénavant un volume plus large de l’acquis à transposer et à mettre en œuvre.
D’autre part, l’Union européenne a fait preuve d’une grande fermeté sur certains dossiers. S’agissant de sécurité en matière de transports (notamment maritime), elle a refusé toute dérogation : la Croatie devra appliquer l’ensemble des normes européennes dans ces domaines dès le jour de son adhésion. De même ; s’agissant de la sécurité alimentaire, l’ensemble des établissements de transformation de produits animaux qui ne répondront pas aux normes européennes, devront cesser leur activité dès le premier jour de l’adhésion, à moins qu’ils ne bénéficient d’une période transitoire pour procéder aux travaux nécessaires. Dans ce dernier cas, les produits issus de ces établissements feront l’objet d’un étiquetage spécial et ne pourront être vendus que sur le marché local. L’UE a été également ferme pour que la Croatie applique dès le premier jour de leur adhésion l’intégralité de l’acquis en ce qui concerne la lutte contre les maladies animales et la qualité des contrôles vétérinaires aux frontières. Pour finir, la Croatie a dû procéder à des investissements importants pour assurer un haut niveau de sécurité sur les futures frontières extérieures de l’UE. Les contrôles aux frontières intérieures de l’UE entre le nouvel Etat et les Etats membres de l’espace Schengen seront cependant maintenus et la Croatie ne pourra adhérer à cet espace, qu’après que les Etats qui en sont membres auront donné leur accord.
Enfin, un mécanisme spécifique de suivi post clôture des négociations mais pré adhésion a été introduit (cf. infra). Ce mécanisme, qui porte une attention toute particulière aux questions de justice et de droits fondamentaux sans pour autant s’y limiter, permettra à la Commission d’évaluer, chapitre par chapitre, le respect par la Croatie des engagements pris au cours des négociations d’adhésion. Ces évaluations seront régulièrement portées à la connaissance du Conseil, sous la forme de tableaux et de rapports synthétiques, lui permettant de prendre « toutes les mesures nécessaires » en cas de manquement constaté.
3. Six longues années de négociations jusqu’à la signature du traité d’adhésion
La conférence intergouvernementale d’ouverture des négociations s’est tenue le 3 octobre 2005. Le futur Etat membre, par la voix de son ministre des Affaires étrangères et de l’intégration européenne a solennellement pris l’engagement de reprendre dans sa législation et d’appliquer dès l’adhésion l’ensemble de l’acquis communautaire couvert par les 35 chapitres de la négociation, sous réserve des dispositions temporaires agréées.
Ces négociations, les plus sévères jamais conduites, dureront six ans. Cette durée, très longue, s’explique par la qualité du processus mais aussi par les blocages provoqués par la Slovénie. Or, comme indiqué précédemment, un chapitre ne peut être ni ouvert ni clos sans l’unanimité des Etats membres. La Présidence française de l’Union européenne s’est heurtée à cette difficulté.
La Slovénie n’a pas facilité la conclusion des négociations avec la Croatie, loin s’en faut. Alors même que ce pays est entré dans l’Union européenne sans que les Etats membres de l’Union à l’époque n’aient posé comme préalable la résolution de ses différends en cours, notamment sur les frontières maritimes, la Slovénie a posé cette condition et hypothéqué le processus d’adhésion. Cependant, des solutions ont été trouvées pour lever les blocages et parvenir à clore les 35 chapitres.
C’est tout d’abord un différend frontalier qui a paralysé les négociations. La Croatie et la Slovénie ont un différend transfrontalier sur la baie de Piran, revendiquée par les deux pays. En 2008, celui-ci a été à l’origine du blocage slovène des négociations d’adhésion de la Croatie à l’Union européenne.
La conclusion d’un accord, le 4 novembre 2009, a permis la reprise des négociations d’adhésion après un an de blocage de la part de la Slovénie. Sur proposition de la France, ce différend sera réglé au sein d’un tribunal spécial international, composé d’un Slovène et d’un Croate, et présidé par un juge français, de manière totalement indépendante du processus d’adhésion de la Croatie à l’UE.
C’est ensuite un différend bancaire bilatéral né suite à l’effondrement de l’ex-Yougoslavie qui a posé problème. Avant l’éclatement de la Yougoslavie, la Ljubljanska Banka (« banque de Ljubljana ») avait des activités et des clients dans tout le pays, en particulier en Croatie. Après les indépendances, les clients croates ont réclamé la restitution de leurs avoirs. Or les Slovènes ont considéré que les actifs et passifs de la Ljubljanska Banka, y compris privés, devaient être répartis entre les nouvelles républiques dans le cadre du processus de succession de l’ex-Yougoslavie. En l’absence d’accord, les autorités de Zagreb ont indemnisé les déposants croates à hauteur des deux tiers du montant total de leurs avoirs, à travers deux banques, la Zagrebacka Banka et la Privredna Banka, qui ont lancé des actions en justice contre la Ljubljanska Banka pour recouvrer les fonds correspondants. Dans l’attente de ce recouvrement, la banque centrale de Croatie oppose un refus persistant à la demande de la « Nouvelle Ljubjanska Banka » (NLB) de développer son activité en Croatie.
La Slovénie a bloqué, fin 2010, la clôture du chapitre 4 (relatif à libre circulation des capitaux) en raison de ce différend. Croates et Slovènes se sont alors mis d’accord pour reprendre les discussions dans le cadre de l’accord sur la succession de l’ex-Yougoslavie (annexe C) et solliciter la Banque des Règlements Internationaux à cet effet. Or, la BRI a rapidement fait savoir qu’elle ne souhaitait plus s’occuper de cette affaire, sur laquelle elle avait travaillé en 2001-2002 sans résultat. Les Slovènes ont néanmoins levé leur veto à la clôture du chapitre 4. Le différend n’est pas clos et menace l’adhésion effective de la Croatie au 1er juillet 2013 (cf infra).
De l’ouverture des négociations en octobre 2005 à leur clôture en juin 2011, treize conférences bilatérales de négociations ont ainsi eu lieu au niveau des Ambassadeurs, Représentants permanents des Etats membres auprès de l’UE, et des négociateurs en chef du pays candidat (« CIG-suppléants ») et treize au niveau des Ministres des Affaires étrangères (« CIG-ministérielles »).
Sur la base de la proposition franco-allemande visant à introduire un mécanisme de monitoring entre la clôture des négociations et la date d’adhésion effective, la Commission a recommandé la clôture des négociations le 10 juin 2011.
Le 24 juin 2011, le Conseil européen, s’appuyant sur cette recommandation positive de la Commission, a appelé à une conclusion rapide des négociations avec la Croatie.
C’est la Conférence intergouvernementale du 30 juin 2011 qui a procédé officiellement à la clôture d’un processus qui aura duré près de six ans. La date-cible d’adhésion, fixée au 1er juillet 2013, a été décidée lors de cette même Conférence intergouvernementale et a ensuite été inscrite dans le traité.
Conformément à l’article 49 du traité sur l’Union européenne, la Commission a ensuite rendu son avis favorable le 12 octobre 2011, suivie le 1er décembre 2011 par l’avis conforme du Parlement européen, puis par la décision du Conseil Affaires générales du 5 décembre 2011 donnant formellement son accord à l’admission de la Croatie au sein de l’UE.
La cérémonie de signature du traité d’adhésion a eu lieu le 9 décembre 2011 à Bruxelles, avant l’ouverture du Conseil européen.
B. UNE ADHÉSION À LA LÉGITIMITÉ INCONTESTABLE
Politiquement, la vocation européenne des Balkans occidentaux ne fait aucun doute. Pour autant, comme indiqué précédemment, le souhait fut de conférer à l’adhésion de la Croatie toute la légitimité qu’elle méritait en parvenant à une préparation satisfaisante, c’est-à-dire une intégration de l’acquis communautaire presque complète.
À quelques mois de la date prévisionnelle d’adhésion, la Croatie est un Etat solidement ancré en Europe, prêt et désireux de participer aux politiques et actions conduites au sein de l’Union et dont le degré de préparation technique est remarquable. En accueillant de cette façon un Etat qui a connu la guerre il y a peu, l’Union a fait de l’adhésion de la Croatie une adhésion exemplaire.
Mais ce sont d’abord les efforts fournis par l’Etat croate et par les Croates qui ont permis que cela soit possible. Cela montre la voie aux voisins balkanique encore fragiles. L’exemple de la Croatie démontre en effet que la nouvelle méthodologie introduite dans le processus d’élargissement en 2006 et développée depuis, concernant à la fois la conduite des négociations d’adhésion et les mécanismes de suivi conçus pour la période de pré-adhésion, tient ses promesses.
1. Un Etat quasiment prêt et soumis à un mécanisme de suivi renforcé
L’instauration d’un mécanisme de suivi renforcé visant à s’assurer des progrès effectifs de la Croatie entre la date de fin des négociations et la date effective d’adhésion fait suite à une initiative conjointe franco-allemande. Cette initiative visait à permettre une clôture rapide des négociations tout en s’assurant que la Croatie poursuivrait bien ses réformes jusqu’au jour de l’adhésion, notamment en matière de justice, de droits fondamentaux et de restructuration des chantiers navals, questions sensibles n’ayant fait l’objet de réformes de fond qu’à la toute fin des négociations et pour lesquelles les effets des réformes devaient être mesurées sur la durée. L’important pour la France et l’Allemagne était de ne pas répéter les erreurs qui avaient été commises avec la Bulgarie et la Roumanie, obligeant l’UE à mettre en place un Mécanisme de coopération et de vérification.
Ce mécanisme, qui permet aux Etats membres d’être régulièrement informé de l’avancée des réformes en Croatie, porte essentiellement sur les questions de justice, de droits fondamentaux, ainsi que sur la restructuration des chantiers navals pour lesquels Zagreb a pris des engagements qui figurent en annexe au traité d’adhésion. Il prévoit la possibilité pour le Conseil de prendre toutes les mesures appropriées si ces progrès se révélaient insuffisants. Le suivi est concentré particulièrement sur les domaines de la justice et des droits fondamentaux (Chapitre 23), de la justice, de la liberté et de la sécurité (Chapitre 24) et de la politique de concurrence (Chapitre 8). La Commission européenne publie tous les six mois des rapports de suivi sur les progrès réalisés dans l’accomplissement des obligations de préadhésion.
Ce mécanisme donne à la Commission une double mission d’évaluation semestrielle de l’avancée de la Croatie dans le respect de ses engagements sur ces trois chapitres et de suivi continu des engagements pris par la Croatie sur l’ensemble des chapitres, qui s’est traduit notamment par un rapport de suivi global à l’automne 2012 et la poursuite de la publication semestrielle de tableaux de suivi détaillés sur l’ensemble des chapitres clos. Les missions d’évaluation par les pairs et autres outils disponibles sont restées pleinement mobilisées à cet effet.
Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, peut prendre « toutes les mesures appropriées » si des sujets de préoccupation sont mis en évidence par le suivi de la Commission (qui a également à sa disposition la possibilité d’envoyer des lettres d’alerte précoce aux autorités croates).
Les engagements pris par la Croatie sont précisés dans trois annexes :
− l’annexe VII porte sur les engagements spécifiques pris par la Croatie au cours des négociations d’adhésion en matière de « justice et droits fondamentaux ». La liste des engagements reprend le libellé des dix critères fixés pour la clôture du chapitre 23 ;
− les annexes VIII et IX portent sur les engagements pris par la Croatie en ce qui concerne, respectivement, la restructuration du secteur de la construction navale et de la sidérurgie. La Croatie ayant choisi de restructurer les chantiers navals listés dans l’annexe par privatisation, les plans de restructuration agréés avec la Commission dans le cadre des négociations devront être intégrés dans les contrats de privatisation. Si ces contrats ne sont pas signés ou si les conditions fixées ne sont pas respectées, la Commission ordonnera à la Croatie de restituer les aides d’Etat versées aux chantiers depuis le 1er mars 2006.
Des modalités spécifiques pour l’adhésion de la Croatie à l’espace Schengen ont également été agréées dans le cadre de ce mécanisme de suivi renforcé, à l’article 4 de l’acte d’adhésion (cf infra).
Le mécanisme de monitoring est aujourd’hui jugé positivement par tous les acteurs, qu’il s’agisse de la Commission, des Etats membres ou de la Croatie. La publication régulière de tableaux de suivi permet de bénéficier d’une information précise et actualisée, qui est par la suite synthétisée par la Commission dans la cadre des rapports semestriels de suivi qu’elle remet au Conseil.
Dans son dernier rapport remis le 10 octobre 2012, la Commission a souligné le fait que l’alignement croate était désormais quasi-complet, tout en identifiant les domaines dans lesquels des efforts restaient nécessaires d’ici au 1er juillet 2013. En conséquence, elle a établi une liste de 10 actions sur lesquelles la Croatie devait concentrer ses efforts afin de répondre aux lacunes identifiées.
La Commission européenne a appelé à mener des efforts ultimes en vue de parachever la réforme judiciaire et de poursuivre la mise en œuvre des mesures axées sur l’amélioration de son efficacité, l’achèvement du processus de restructuration du secteur de la construction navale. Elle a également préconisé que soient menées les actions nécessaires à une gestion efficace des frontières extérieures de la République de Croatie après l’adhésion à l’UE. Qui plus est, ces actions serviront également de préparatifs à sa future adhésion à l’Espace Schengen. Le rapport de suivi que la Commission remettra au printemps prochain, et qui sera théoriquement le dernier avant l’adhésion, se concentrera essentiellement sur les 10 actions identifiées.
Parallèlement à la remise de son rapport de monitoring, le 10 octobre dernier, la Commission s’est livrée à un rapide panorama de l’état d’avancée de la Croatie en matière de reprise de l’acquis communautaire. Tout en marquant sa satisfaction quant aux progrès réalisés depuis l’automne 2011, elle a estimé qu’il y avait des niveaux d’alignement encore relativement hétérogène en fonction des questions. Quatre groupes peuvent ainsi être distingués :
− les domaines prioritaires : il s’agit de l’équivalent des chapitres de négociation 8 (concurrence), 23 (pouvoir judiciaire et droits fondamentaux) et 24 (justice, liberté, sécurité). Ces sont dans ces domaines que les efforts les plus importants restent à fournir. Aussi la Commission a-t-elle choisi de concentrer sa liste des « 10 actions clés » sur ces trois chapitres ;
− les domaines nécessitant un accroissement des efforts : il s’agit de l’équivalent des chapitres 11 (agriculture), 12 (sécurité sanitaire des aliments, politique vétérinaire et phytosanitaire), 13 (pêche), 22 (politique régionale et coordination des instruments structurels) et 27 (environnement) ;
− les domaines nécessitant une poursuite des efforts : il s’agit de l’équivalent des chapitres 18 (statistiques), 19 (politique sociale et emploi), 20 (politique industrielle), 29 (union douanière), 30 (relations extérieures), 32 (contrôle financier) et 33 (budget) ;
− tous les autres domaines, pour lesquels la Commission considère que l’alignement de la Croatie est complet.
Dans ses conclusions publiées à l’issue de sa réunion « Affaires générales » du 11 décembre dernier consacrées à l’élargissement, les 27 États membres se félicitent d’accueillir bientôt la Croatie au sein de l’Union Européenne. Ils notent avec satisfaction que la Croatie a continué de progresser dans l’adoption et la mise en œuvre de la législation de l’Union Européenne, qu’elle met actuellement la dernière main à l’alignement de sa législation sur l’acquis et qu’elle a obtenu des résultats notables dans un certain nombre de domaines. Les états membres rappellent qu’« Il est essentiel que la Croatie concentre ses efforts sur les dix questions clés mises en exergue par la Commission, dans les domaines suivants: politique de concurrence; appareil judiciaire et droits fondamentaux; justice, liberté et sécurité » et appelle logiquement les autorités croates à poursuivre leurs efforts dans la perspective du dernier rapport de la Commission attendu au printemps.
● Dans le cadre des négociations d’adhésion, la Croatie s’est engagée à privatiser ou à liquider quatre de ses six chantiers navals (ces chantiers représentent 11 % des exportations croates mais aussi 10 000 emplois directs et 30 000 emplois indirects). Les chantiers en question sont : 3.Maj, Brodosplit (auquel est annexé un chantier voisin de plus petite taille, BSO), Kraljevica et Brodotrogir. En mars 2012, l’offre pour le chantier naval Brodosplit a été acceptée et la Croatie a indiqué récemment que le contrat de privatisation serait bientôt signé. Les offres pour les chantiers navals Kraljevica et Brodotrogir ont, par contre, été rejetées par le gouvernement. En ce qui concerne le chantier naval 3.Maj, l’investisseur potentiel a retiré son offre. Le gouvernement a donc décidé de lancer la procédure de faillite pour Krajlevica et de rechercher de nouvelles solutions en termes de privatisation et de restructuration pour 3.Maj ainsi que Brodotrogir. La Croatie doit donc encore procéder à la signature du contrat de privatisation de Brodosplit à la suite de la décision positive rendue par la Commission en août 2012 et trouver une solution pour 3.Maj ainsi que Brodotrogir, afin de satisfaire, avant son adhésion, aux exigences de l’annexe du traité relative à la restructuration des chantiers navals.
● La Commission évalue positivement les efforts des autorités croates en matière de réforme judiciaire. Selon elle, la mise en œuvre de cette réforme, sur la base de la stratégie et du plan d’action adoptés par le gouvernement croate s’est globalement poursuivie, selon le calendrier fixé, et a entraîné des ajustements législatifs dans un certain nombre de domaines. Des groupes de travail ont ainsi été créés afin d’améliorer la législation spécifique et de renforcer de la coordination des instruments juridiques. La planification des ressources humaines doit encore être améliorée, notamment pour répondre aux besoins à long terme de l’appareil judiciaire. Le budget disponible pour le système judiciaire s’est stabilisé à environ 337 millions d’euros, soit 0,7 % du PIB. Un conseil chargé du suivi de la mise en œuvre de la stratégie de réforme du système judiciaire a par ailleurs été créé en février 2012, l’accent étant en particulier mis sur l’efficacité des procédures en justice. Enfin, des modifications de la loi sur le Conseil supérieur des juges ont été adoptées en octobre 2011 afin d’étendre encore les possibilités de transfert du personnel judiciaire en fonction des besoins.
● La Commission estime que les efforts initiés en matière d’impartialité de la justice depuis 2010 se poursuivent en Croatie et que, depuis leur réforme, le Conseil supérieur des juges (CSJ) et le Conseil supérieur des procureurs (CSP) continuent d’agir de manière indépendante. Les critères de nomination des juges sont considérés comme « transparents et objectifs ». Il convient notamment de noter une amélioration de la transparence des concours de recrutement, la mise en place du nouveau système de déclarations de patrimoine des juges et un renforcement de la formation à la législation européenne. Le manque de moyen continue cependant à pénaliser l’action du CSJ et du CSP.
● Selon l’analyse de la Commission, un cadre juridique et institutionnel adéquat est désormais en place en matière de lutte contre la corruption et la criminalité organisée en Croatie et obtient des résultats tangibles. Les organes chargés de faire appliquer la loi sont considérés comme « actifs », notamment dans les affaires de haut niveau. Parmi les développements récents, il convient notamment de noter la condamnation d’un ancien directeur d’une entreprise publique, d’un maire et d’un juge de tribunal de comté pour abus de fonction, ainsi qu’un acte d’accusation pour corruption à l’encontre d’un parti politique. Si les organes chargés de faire appliquer la loi continuent de se concentrer sur les affaires de haut niveau plus complexes, le nombre total d’affaires traitées diminue.
En matière de lutte anticorruption, des mesures ont été prises afin de renforcer le cadre institutionnel : nomination par le Parlement des membres du Conseil national chargé de superviser la mise en œuvre de la stratégie de lutte anticorruption, établissement d’un Comité spécial du gouvernement chargé de contrôler la mise en œuvre des mesures anti-corruption et mesures d’application de la loi sur la police. Les autorités poursuivent résolument la lutte contre la corruption (168 inculpations, 182 jugements, 164 condamnations), y compris au plus haut niveau (comme en atteste la condamnation de l’ex Premier Ministre Sanader le 20 novembre 2012 à 10 ans de prison, trois autres affaires le concernant restant en cours d’instruction). Comme l’a souligné l’Ambassadeur de Croatie lors d’une rencontre avec votre Rapporteur, plus personne n’est intouchable et le principe de tolérance zéro s’applique. Les médias exercent leur vigilance.
Dans son analyse, la Commission note toutefois des efforts insuffisants en matière de lutte contre la corruption au niveau local, qui reste importante. Elle signale également le manque de contrôle dont font l’objet les décisions conduisant à classer « sans suite » une affaire, ainsi que le caractère hautement politisé des nominations dans la police.
En matière de prévention de la corruption, le nouveau projet de loi en matière de droit d’accès à l’information a été présenté par le gouvernement mi-novembre 2012 et adopté en première lecture par le Parlement. S’agissant de la Commission de prévention des conflits d’intérêt, la sélection de ses membres est en cours (liste de 123 candidats validée en septembre par le Parlement), la mise en place de cette commission est prévue pour fin 2012, ou au plus tard le 15 février 2012, conformément à la décision de la Cour constitutionnelle du 7 novembre dernier.
● Au cours de l’année 2012, la Croatie a continué à mettre en œuvre sa stratégie de lutte contre l’impunité afin traiter les affaires de crimes de guerre commis dans le pays. Plusieurs affaires prioritaires ont ainsi été relancées, avec de nouvelles arrestations, mises en examen et décisions de justice. Les autorités croates continuent à mettre en œuvre leur stratégie sur les crimes de guerre et ont établi en 2012 une nouvelle liste de priorités nationales et régionales (dont plusieurs cas concernant des crimes commis pendant ou après l’opération « Tempête »). En 2012, il y a eu 6 nouvelles inculpations, 16 jugements non définitifs (dont 11 par les tribunaux spécialisés), et 17 affaires sont en cours (dont plusieurs inculpations contre de hauts responsables de l’armée et de la police croates). L’usage des tribunaux spécialisés est systématisé. Bien que 87 nouvelles affaires aient été portées devant les quatre tribunaux mis en place pour traiter cette question spécifiques, la majorité des crimes ne l’ont toutefois pas encore été.
La Commission estime toutefois que des efforts supplémentaires doivent encore être fournis en Croatie pour lutter contre l’impunité, compte tenu notamment du fait que la majorité des affaires sont toujours en attente d’un jugement définitif ou n’ont pas encore fait l’objet d’enquêtes. La question de la protection et de la présence des témoins aux procès pour crimes de guerre, en particulier dans les affaires transférées aux chambres spécialisées, exige également une attention accrue.
● Les programmes d’aide au logement pour les réfugiés de retour ont continué à être mis en œuvre, à un rythme toutefois moins soutenu que lors des années précédentes. Il faut rappeler que la Croatie a incité au retour des réfugiés avec un objectif politique fort de réconciliation. Même le général Gotovina avait appelé les Serbes à revenir. Dans le cadre du plan de mars 2011 visant à traiter les quelque 2 350 demandes toujours en suspens, le nombre d’affaires réglées fin août 2012 s’élevait à 259, dont 139 concernaient des familles ayant obtenu les clés de leur logement. Fin août 2012, le nombre de demandes d’aide au logement approuvées dépassait de 1 305 le chiffre de référence fixé pour les programmes de logement. On compte aujourd’hui 106 procédures en appel toujours pendantes concernant la reconstruction de logements. Reste que la situation économique ne facilite pas toujours la réinstallation dans de bonnes conditions.
La Croatie participe également, avec les autres pays de la région, au processus de la déclaration de Sarajevo, où des avancées ont été enregistrées, en particulier dans le cadre du projet régional de logement. Par ailleurs, la mise en œuvre du nouveau système d’options d’achat à des conditions favorables offertes aux bénéficiaires des programmes de logement a été limitée et aucun progrès significatif n’a été enregistré en ce qui concerne les 15 affaires portant sur des investissements réalisés sans le consentement des propriétaires. La Commission estime donc que les conditions permettant un retour durable des réfugiés doivent encore être renforcées.
● La Croatie compte seize minorités, qui disposent de droits culturels, de certains droits linguistiques et d’une représentation. Conformément à la nouvelle loi constitutionnelle sur les droits des minorités nationales, huit parlementaires représentant les minorités nationales ont été élus en décembre 2011 dont trois par les minorités serbes. Certaines mesures ont par ailleurs été prises par le gouvernement en vue de mettre en œuvre le plan d’action adopté en mai 2011 pour favoriser l’emploi des minorités sur la période 2011-2014. 75 % des mesures du plan d’action 2011-2013 sur les minorités auraient été mises en œuvre. Le budget consacré aux minorités atteint 18,8 millions d’euros en 2011, en légère hausse par rapport à l’année précédente.
Le taux d’emploi des minorités dans l’administration publique et l’appareil judiciaire reste cependant inférieur aux exigences fixées dans la loi constitutionnelle (même si cela peut en partie s’expliquer par le niveau relativement faible des nouveaux recrutements en raison de la crise économique générale) et la Commission estime que des efforts supplémentaires doivent être déployés pour assurer la mise en œuvre du plan d’action.
Aux fins de répondre aux efforts supplémentaires demandés par la Commission européenne, le gouvernement croate a adopté, le 31 octobre 2012, un Plan d’action révisé destiné à satisfaire aux dernières exigences relatives aux négociations d’adhésion. Ce plan met l’accent sur les mesures prises en direction des dix actions spécifiques. L’ambassade de Croatie à Paris a transmis à votre Rapporteur un point de situation ci-dessous reproduit.
État d’avancement de la mise en œuvre des 10 actions spécifiques
1. EN COURS DE FINALISATION – Les projets de restructuration des chantiers navals ont été soumis à la Commission et les décisions sont attendues d’ici le 31 janvier 2013. Initialement, la signature du contrat de privatisation du chantier naval de Brodosplit était prévue pour la fin de novembre. Néanmoins, l’investisseur potentiel DIV ayant réclamé des modifications supplémentaires dans le contrat de privatisation, les consultations avec celui-ci ont été prolongées. Après que les modifications proposées eurent été examinées par le Gouvernement croate, le contrat de privatisation révisé (et par conséquent le Programme de restructuration) a été officiellement soumis à la Commission européenne le 5 décembre 2012. Les décisions indispensables à une solution viable pour les chantiers navals « 3. Maj » et « Brodotrogir » doivent prises d’ici le 31 janvier 2013.
S’agissant du premier chantier naval, « 3. Maj » à Rijeka, les deux phases de la privatisation des chantiers navals d’Uljanik, à Pula, ont été achevées le 29 novembre, soit dans les délais prévus. Par la suite, les chantiers navals d’Uljanik ont adressé le 4 décembre une lettre d’intention en vue de l’acquisition du chantier naval « 3. Maj » et mènent actuellement une enquête préalable sur celui-ci. Quant au second chantier naval, « Brodotrogir », des précisions supplémentaires sur le Programme de restructuration révisé ont, dans un premier temps, été soumis à la Commission européenne le 26 novembre, puis, dans un second temps, de nouvelles informations complémentaires sur le Programme de restructuration révisé ainsi que sur le projet de contrat de privatisation ont été adressées le 5 décembre aux services de la Commission.
2. EN COURS DE MISE EN ŒUVRE – Efficacité du système judiciaire : nouveau train de mesures législatives. Des mesures d’application immédiates et à court terme, élaborés en septembre 2012 en vue d’accroître encore l’efficacité du système judiciaire et d’accélérer la réduction de l’arriéré judiciaire, sont en train d’être mises en œuvre. En outre, des lois introduisant des réformes structurelles additionnelles doivent être parachevées d’ici le 31 janvier 2013.
Sont ainsi en préparation : des amendements au Code de procédure civile (adopté par le gouvernement le 29 novembre, actuellement en procédure parlementaire), des amendements au Code pénal (en deuxième lecture au Parlement), des amendements au Code de procédure pénale (adopté en première lecture au Parlement le 23 octobre), des amendements à la loi régissant le cadastre, des amendements à la loi sur l’organisation judiciaire (projet du gouvernement du 29 novembre, actuellement en procédure parlementaire), des amendements à la loi relative au Conseil supérieur de la magistrature (projet du gouvernement le 29 novembre, actuellement en procédure parlementaire), une nouvelle loi relative aux délits (projet du gouvernement du 6 décembre actuellement en procédure parlementaire).
3. OBLIGATION REMPLIE – Nouvelle législation en matière d’application des peines. De nouvelles mesures législatives en matière d’application des peines, destinées à assurer l’exécution des décisions de justice et de réduire l’arriéré des dossiers d’exécution, ont été adoptées. Il est prévu qu’une mission d’évaluation de la Commission européenne se rende en Croatie en janvier 2013 afin d’apprécier la mise en œuvre effective de ce nouveau cadre législatif.
4. EN VOIE DE FINALISATION – Prévention des conflits d’intérêts. Une Commission nationale chargée de la prévention des conflits d’intérêts doit être établie d’ici le 31 décembre 2012 (la Cour constitutionnelle a, dans sa décision du 7 novembre 2012, fixé la date limite au 15 février 2013).
5. OBLIGATION DE FACTO REMPLIE – Droit à l’information. Les amendements à la Loi sur le droit à l’accès à l’information doivent être adoptés d’ici le 31 janvier 2013 (le Gouvernement a adopté le projet de loi le 15 novembre 2012, après quoi le Parlement l’a adopté le 30 novembre en première lecture).
6. OBLIGATION REMPLIE – Effectivité de la loi sur la police nationale. Tous les règlements et procédures connexes destinés à assurer la mise en œuvre effective de la Loi portant organisation de la police nationale ont désormais été adoptés. Une mission d’évaluation (TAIEX) s’est rendue en Croatie du 12 au 16 décembre 2012 pour en apprécier la bonne application.
7. EN COURS DE MISE EN ŒUVRE – Nouveaux postes-frontière dans le corridor de Neum. Compte tenu de l’intensification des travaux, on prévoit que la construction des nouveaux postes-frontières dans le corridor de Neum sera achevée d’ici le 1er avril 2013.
8. EN VOIE DE FINALISATION – Effectifs requis pour la police des frontières. L’objectif de recrutement pour la police des frontières (406 agents) doit être atteint d’ici le 31 décembre 2012. Les officiers de police concernés ont déjà accompli leur formation auprès de la police des frontières et un accord sur leur déploiement a été trouvé entre le Ministère des Finances, le Ministère de la Fonction publique et le Ministère de l’Intérieur. À cet effet, un effectif de 200 officiers de police a d’ores et déjà été recruté au 3 décembre 2012, quant aux effectifs restants, ils le seront d’ici la fin de l’année 2012.
9. EN VOIE DE FINALISATION – La Stratégie en matière de flux migratoires. La stratégie en matière de flux migratoires doit être adoptée d’ici le 31 janvier 2013. Les observations de la Commission européenne sur le premier projet ont été reçues le 10 décembre 2012, de sorte que la version finale est actuellement en cours de préparation.
10. EN COURS DE MISE EN ŒUVRE – Traduction de l’acquis communautaire en croate. La capacité à traduire et à réviser l’acquis communautaire a été accrue, grâce notamment au recrutement de 14 juristes-linguistes supplémentaires, tandis qu’a été mise en place une nouvelle procédure, plus rapide, concernant les révisions d’experts (procédure de silence). En termes de statistiques, sur un total de 149 603 pages de l’acquis communautaire (dont le nombre est en constante augmentation du fait des constantes révisions de la liste des priorités de l’UE) au 12 décembre 2012 on comptait 79 560 pages révisées du Journal officiel de l’UE à avoir d’ores et déjà été soumises aux institutions européennes pour révision finale, 44 876 pages se trouvant à divers stades de révision et 25 100 pages en cours de traduction.
Satisfaction à ses dernières obligations. En outre, la Croatie investit des efforts supplémentaires afin de satisfaire à ses dernières obligations dans les délais impartis, notamment dans les domaines de l’agriculture et du développement rural, de la pêche, de la sécurité alimentaire, de la politique vétérinaire et phytosanitaire, de l’environnement ainsi que dans les préparatifs pour l’utilisation optimale des fonds de l’UE.
Source : Ambassade de Croatie à Paris
Les modalités de gestion des fonds européens diffèrent selon les Etats membres. Il existe cependant un certain nombre de critères communs qui doivent être remplis afin de permettre à un Etat de gérer ces fonds. Cette question a montré son acuité avec la crise, aussi bien en Grèce que dans les « nouveaux » Etats membres lorsqu’il s’est agi d’utiliser le budget européen comme levier de croissance en contrepoids des mesures d’austérité et d’assainissement des finances publiques. Ces critères à remplir pour une gestion optimale des fonds européens sont de différentes natures :
− critère législatif : un cadre législatif doit tout d’abord être mis en place afin de permettre une programmation pluriannuelle des fonds, que ce soit au niveau national et local. Ce cadre doit également définir les conditions d’un cofinancement au niveau national des aides versées par l’Union et garantir un contrôle financier efficace ;
− critère institutionnel : il est également indispensable que le nouvel Etat membre puisse s’appuyer sur un cadre institutionnel précis, qui désigne l’ensemble des structures impliquées dans cette gestion, que ce soit au niveau national ou local ;
− critère de programmation : les fonds européens étant soumis aux cadres financiers pluriannuels, les Etats membres sont également confrontés à la nécessité de définir des programmes stratégiques fixant le cadre (secteurs prioritaires, principes clés) dans lequel ces derniers seront gérés durant l’ensemble de la période concernée. Au sein de ce cadre stratégique doivent ensuite s’intégrer une série de projets annuels qui, eux-mêmes, s’appuient sur une série de projets ayant vocation à être financés par l’Union européenne. En l’absence de projets concrets, les fonds ne peuvent pas être absorbés ;
− critère de surveillance et d’évaluation : la bonne gestion des fonds européens doit être garantie par la mise en place, au niveau national, d’une institution chargée d’évaluer et de surveiller les conditions d’engagements des sommes versées par l’Union ;
− critère administratif : afin de garantir la capacité d’un nouvel Etat membre à bien gérer les fonds européens, il est indispensable d’effectuer les recrutements ainsi que les opérations de formation nécessaires. Bien que l’Instrument d’aide de préadhésion permette de préparer les futurs membres à cet enjeu, il s’agit généralement de la principale lacune identifiée dans ces pays au moment de leur adhésion.
Dans son dernier rapport de suivi consacré à la Croatie et publié le 10 octobre 2012, la Commission porte un jugement globalement positif de l’état de préparation de la Croatie à la gestion des fonds européens. Elle estime que les structures sont déjà largement en place (l’Instrument d’aide de préadhésion ayant permis de préparer le pays aux exigences de l’UE en la matière), mais que des efforts supplémentaires restent cependant nécessaires pour renforcer la capacité administrative de la Croatie en vue de la mise en œuvre future de la politique de cohésion. Elle souligne que des progrès en ce domaine seront essentiels pour permettre au nouvel Etat membre de la constituer un réservoir de projets matures et de haute qualité en vue d’une absorption rapide des fonds de la politique régionale qui seule, permettra de garantir durablement la position de bénéficiaire nette de la Croatie au sein de l’Union européenne.
2. Une intégration régionale contrastée mais globalement positive
En matière de coopération régionale, la situation est mitigée : bien que la Croatie ait maintenu le dialogue avec ses pays voisins afin de résoudre les problèmes bilatéraux en suspens, de nombreux irritants subsistent. Certains progrès sont cependant à signaler.
La Croatie s’est engagée, au cours des négociations, à entretenir de bonnes relations avec ses voisins balkaniques et à favoriser, à terme, leur adhésion à l’Union européenne. La déclaration du Parlement croate d’octobre 2011 relative à la promotion des valeurs européennes dans l’Europe du Sud-est a confirmé l’engagement de la Croatie à soutenir les autres pays de la région dans leur cheminement vers l’Union européenne. La Croatie a par ailleurs continué à coopérer dans les affaires de crimes de guerre aux niveaux bilatéral et régional. Enfin, elle contribue toujours activement au processus de la déclaration de Sarajevo afin de trouver des financements apportant une solution durable pour tous les réfugiés de la région déplacés suite aux conflits armés en ex-Yougoslavie dans les années 1990.
La Croatie continue de coopérer avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), bien qu’aucune avancée particulière n’ait pu être constatée en ce qui concerne les enquêtes de la Croatie visant à localiser ou retrouver les documents militaires manquants à la demande du bureau du procureur du TPIY. La décision, rendue par le Tribunal le 16 novembre 2012, de déclarer non coupables les généraux croates Markač et Gotovina a été très chaleureusement accueillie en Croatie mais pourrait contribuer à accroître les tensions dans la région, notamment en Serbie. Cette dernière a immédiatement dénoncé un verdict injuste et prévenu qu’il pourrait y avoir des conséquences néfastes sur le processus de réconciliation régionale (le TPIY n’aura au final condamné que des Serbes….).
Or, le processus de réconciliation entre la Croatie et la Serbie, sans être stoppé, a été ralenti au lendemain de l’élection du nouveau président serbe Nikolić. Depuis l’élection du président serbe Tomislav Nikolić en mai dernier, la normalisation de la relation avec le Serbie a marqué le pas : le président croate Josipović a jusqu’ici reporté toute rencontre avec son homologue serbe, alors que la bonne entente avec son prédécesseur avait permis des avancées symboliques importantes (deux visites du président Boris Tadic à Vukovar et à Zagreb à l’automne 2010, excuses officielles à Vukovar). Les déclarations de M. Nikolić quelques jours après sa prestation de serment niant le caractère génocidaire des massacres de Srebrenica et qualifiant de Vukovar de « ville serbe » ont ému et inquiété les voisins de la Serbie alors que la région s’est progressivement engagée dans un processus de réconciliation. Les hauts responsables des pays voisins ont d’ailleurs pour la plupart boudé la cérémonie d’intronisation du président Nikolić.
Il faut souligner dans ce contexte que les villages croates de Jeminovac et Šnjegavić ont organisé le 10 décembre dernier une cérémonie en mémoire des 42 victimes serbes tuées vingt ans plus tôt, en présence, pour la première fois, du Président croate Ivo Josipović, de Veljko Dzakula du Forum démocratique serbe, des représentants des partis politiques et organisations et des familles et amis des victimes.
La coopération bilatérale avec la Serbie fonctionne bien, y compris dans des domaines stratégiques (défense, justice) : dès son arrivée au gouvernement, Mme Pusic avait évoqué la possibilité d’un retrait simultané des plaintes respectives pour génocides déposées par la Croatie et la Serbie devant la CIJ, et le nouveau ministre serbe des affaires étrangères s’était ouvert à cette proposition. Le règlement de la question sensible des réfugiés (objet de la conférence des donateurs à Sarajevo le 24 avril) paraît en bonne voie. En outre, la Croatie s’est réjouie du statut de pays candidat octroyé à la Serbie et s’est engagée à ne pas bloquer en raison de problèmes bilatéraux les négociations en vue de son entrée dans l’UE. Les contacts à haut niveau ont d’ailleurs repris, les ministres serbe et croate des Affaires étrangères se sont rencontrés en marge de l’Assemblée générale des Nations unies en septembre. La Serbie souhaite par ailleurs améliorer ses relations avec sa voisine croate en raison du très important déficit commercial en faveur de Zagreb (les investissements croates en Serbie sont dix fois supérieurs aux investissements serbes en Croatie). Par ailleurs, l’acquittement des généraux croates par le TPIY n’a pas eu de retombées diplomatiques : les relations politiques entre les deux pays ne se sont pas interrompues (les Ministres des Affaires étrangères des deux pays se sont de nouveau rencontrés depuis la décision) et la Serbie a fait le choix de diriger sa colère vers les institutions internationales, en annonçant notamment qu’elle réduirait à la partie strictement technique sa collaboration à la justice internationale, plutôt que vers la Croatie.
Concernant le Kosovo, la Croatie a reconnu son indépendance dès mars 2008, conjointement avec la Hongrie et la Bulgarie. Sans trop médiatiser ces rencontres, le gouvernement croate reçoit régulièrement des représentants des autorités kosovares. Il soutient par ailleurs le dialogue entre Belgrade et Pristina : la poignée de main entre l’ancien président Tadić et le premier ministre kosovar Thaçi lors du sommet régional de Dubrovnik, en juillet dernier, a ainsi été présentée comme un succès diplomatique croate, tout en étant relativisée par la Serbie comme par le Kosovo.
La Bosnie-Herzégovine reste le principal sujet de préoccupation pour la Croatie dans la région. Les autorités croates s’inquiètent de ce qu’elles perçoivent comme la marginalisation (politique, économique et démographique) des Croates de Bosnie, vers qui est dirigée la quasi-totalité de l’Aide Publique au Développement croate. Craignant toujours d’être accusées d’ingérence dans les affaires bosniennes, elles s’en tiennent cependant à un discours prudent : soutien à l’Etat central et à l’intégrité territoriale du pays, défense de l’égalité des trois peuples constitutifs, appui aux aspirations européennes et otaniennes du pays. Elles appellent régulièrement à une intervention plus marquée de l’UE en Bosnie sans apporter pour autant de précisions quant aux initiatives concrètes à mettre en œuvre. Le renforcement du rôle du représentant de l’Union européenne est donc bien accueilli. Plus généralement, la Croatie a abandonné sa politique paternaliste à l’égard des Croates de Bosnie-Herzégovine il y a dix ans maintenant et n’a pas l’intention de revenir en arrière car c’est la seule attitude qui permettra, si elle est appliquée par tous les Etats de la région, de rendre cet Etat viable et d’éviter la création ou le maintien d’Etats dans l’Etat.
L’adhésion de la Croatie à l’UE aura des conséquences importantes dans les relations avec son voisin mais les Croates ne savent guère avec qui négocier au vu de la situation politique bosnienne :
− économiquement, la Croatie ne pourra plus profiter du CEFTA (Central european free trade agreement, accord de libre-échange d’Europe centrale) et exporter sans droits de douane vers la Bosnie. Elle souhaite que la Commission négocie des arrangements transitoires avec le CEFTA. Parallèlement, les produits bosniens non certifiés UE ne pourront plus entrer en territoire croate, les réformes sanitaires et phytosanitaires étant encore insuffisantes, ce qui risque de frapper durement l’économie bosnienne, au risque de tendre par ricochet les relations politiques ;
− géopolitiquement, la Bosnie bénéficie d’un accès à la mer hérité de l’empire ottoman, au niveau de la ville de Neum, qui coupe le territoire croate sur une dizaine de kilomètres et isole la partie sud de la Dalmatie (avec la ville de Dubrovnik). Un projet de pont avait été lancé pour relier le territoire croate au niveau de la péninsule de Pelješac en 2005. Arrêté en raison de son coût, il a été évoqué de nouveau par le gouvernement dans la perspective de l’entrée dans l’UE et de l’adhésion à Schengen, à condition qu’il soit financé par des fonds européens. Mme Pusić a approché la Commission en ce sens. Un projet de corridor routier en territoire bosnien, moins onéreux, est également à l’étude mais aucune discussion n’a encore été ouverte avec la Bosnie sur ces projets.
Un différend territorial existe par ailleurs entre les deux pays pour la possession de deux îlots et d’un bout de côte. Un accord signé entre les présidents Tudjman et Izetbegović en 1999 les attribuait à la Bosnie mais n’a jamais été ratifié. Le gouvernement croate envisage de le soumettre à ratification, afin de régler tous les problèmes de frontière, mais l’opposition s’y oppose et la ratification reste également nécessaire (et complexe) côté bosnien.
On ne peut exclure que l’entrée de la Croatie dans l’Union européenne n’entraîne une émigration accrue de la minorité croate de Bosnie-Herzégovine.
Avec les autres pays de la zone (Monténégro, ARYM, Albanie, Bulgarie), les relations sont bonnes et sans difficulté majeure. La Croatie soutient à ce titre fortement l’adhésion du Monténégro à l’UE (les négociations d’adhésion avec le Monténégro ont été ouvertes le 29 juin 2012).
L’adhésion à l’Union européenne apporte des changements importants et de véritables opportunités de développement. Comme à chaque élargissement, l’attractivité auprès des investisseurs devrait s’en trouver renforcée, mais l’économie sera confrontée à une intensification de la concurrence, à laquelle les entreprises devront se préparer. Cependant l’économie de la Croatie est étroitement liée à celle de l’Union européenne – les pays membres de l’UE représentent ses plus importants partenaires économiques et commerciaux (60% du commerce total) et au cours de la dernière décennie le PIB par habitant de la Croatie a atteint 61% de la moyenne de l’UE, surpassant ainsi plusieurs nouveaux États membres de l’UE.
On comprend donc pourquoi S.E Jérôme Pasquier, alors Ambassadeur de France en Croatie, dans une interview à la revue Etudes européennes du 12 décembre 2011, résumait la situation ainsi : « Cette adhésion offrira de nouvelles opportunités de développement à la Croatie. Pour l’instant, la Croatie subit les inconvénients de ne pas être dans l’Europe, sans bénéficier des avantages des pays hors Europe aux coûts de production très faibles : le coût de la vie, les salaires, les coûts de production en général atteignent en effet déjà des niveaux plus élevés que ceux pratiqués en Bulgarie et en Roumanie et sont équivalents à ceux de la Hongrie et de la Pologne. Globalement, l’économie croate est extrêmement dépendante de la zone euro avec laquelle elle réalise une large majorité de ses échanges commerciaux. Elle a donc tout intérêt à participer directement aux processus de décision car pour l’instant elle les subit. Une fois entrée, elle pourra y prendre pleinement part et défendre ses intérêts. »
Naturellement, l’économie croate a été sévèrement frappée par la crise économique. Après avoir affiché de bonnes performances économiques entre 2003 et 2006 (+5 % de croissance annuelle en moyenne), et alors qu’elle est l’économie la plus avancée de la zone balkanique, avec PIB par habitant de 10 200 euros, la Croatie a connu une tendance inverse à partir de 2008, avec une récession de -6 % en 2009 et -1,2 % en 2010 en glissement annuel. La croissance a été nulle en 2011 et la prévision pour 2012 est également à la stagnation, voire même à une nouvelle récession. Cette situation économique n’a d’ailleurs pas facilité la restructuration des chantiers navals croates, exigée pour l’adhésion.
Malgré la disponibilité retrouvée de liquidités, dès 2010, la sélectivité de l’offre bancaire a augmenté, du fait d’un taux de prêts non performants en hausse (12,5 % en 2011) et du taux d’endettement élevé des ménages et des entreprises non financières en 2008-2009. La demande a stagné également du fait des incertitudes de revenus ou de patrimoine liées à la récession, à la bulle immobilière et au chômage (13,5 % en 2011; 15 % en 2012). Un processus de désendettement est en cours : depuis 2009, l’endettement des ménages reste stable à 40 % du PIB, et 80 % pour les entreprises non financières.
Depuis 2009-2010, la Croatie est donc en stagnation ou récession (- 2% prévus en 2012) : l’endettement souverain est passé de 29,3 % fin 2008 à 48,5 % au printemps 2012, le déficit budgétaire s’est creusé (il devrait atteindre 4 % pour l’année) et la dette extérieure totale s’élève à 103,4 % du PIB (18 % au titre de l’Etat contre 11,5 % avant la crise). Une bonne partie de la dette extérieure correspond à des créances de banques européennes sur leurs filiales, ou à l’endettement de grands groupes solvables comme Agrokor ou HEP. La notation des agences (BBB- de moyenne et perspective négative) et les écarts de taux sur l’emprunt souverain se sont ressentis de ces modestes performances et de la stagnation économique. (+ 553 points par rapport aux obligations d’Etat U.S., sur 1,5 milliards de dollars américains levés à 5 ans en avril 2012, contre + 350 points de base sur 10 ans un an auparavant). Le spread des Credit Default Swaps souverains à 5 ans est monté à 400 et 600 points. Il est actuellement stabilisé autour de 350 bps. Le taux d’inflation moyen (octobre 2011- septembre 2012) est de 2,9 %. Au cours des deux dernières années, sur une période allant de début juillet 2010 à juin 2012, le taux de change de la kuna en euro a évolué au sein d’une fourchette étroite se situant entre -3,3 % et +2,2 %.
La Croatie est aujourd’hui à la recherche d’un nouveau modèle de croissance, fondé sur ses avantages comparatifs, une reprise de l’investissement, en forte baisse depuis 2009, la modernisation de la sphère publique et la perspective de l’adhésion à l’Union en juillet 2013. L’élection d’une coalition de centre gauche fin 2011 a offert une nouvelle perspective. Toutefois, malgré quelques succès initiaux dans le redressement des comptes publics, en partie liés à l’adoption antérieure d’une règle de responsabilité budgétaire (chaque budget doit être voté avec diminution d’1% des dépenses en valeur nominale par rapport au précédent, jusqu’à l’équilibre du déficit primaire), l’élaboration d’une formule de retour à la croissance reste complexe, et intimement liée à la reprise de l’investissement, au moment où les banques européennes ont décidé d’adosser les nouveaux crédits sur les seuls dépôts locaux et les contributions des institutions financières internationales.
Le gouvernement croate est fermement décidé à améliorer sa compétitivité économique, à promouvoir une croissance durable et une économie basée sur l’innovation et les hautes technologies. Il met tout en œuvre afin d’améliorer le climat des affaires et attirer les investissements étrangers directs. À cet égard, une Agence pour l’investissement et la compétitivité a été créée en avril 2012, tandis qu’une nouvelle loi destinée à stimuler les investissements et à améliorer l’environnement des entreprises est entrée en vigueur en octobre 2012. La stratégie de développement économique croate pour la période 2014-2020 est en cours de préparation et devrait être prête d’ici la fin juin 2013. Le Gouvernement croate a également accepté l’initiative de la Commission européenne d’intensifier leur dialogue économique avec pour objectif l’amélioration de la compétitivité de l’économie croate. La Croatie est également engagée dans le développement de la coopération économique à travers le monde. Le niveau de développement économique en Croatie est confirmé par des organismes internationaux compétents tels que la Banque mondiale qui définit la Croatie comme une « économie à haut-revenu ».
En revanche, le taux d’activité en Croatie est de l’ordre de 47 %, taux faible qui est révélateur d’une forte composante informelle, plus ou moins liée à des modes traditionnels de fonctionnement économique, à des solidarités familiales, locales, ou régionales (pour comparaison en Italie ce taux est à 55 %, soit déjà un niveau sensiblement plus bas qu’en Allemagne ou en France). La Banque centrale de Croatie intègre dans ses calculs de PIB un facteur correctif lié à l’informel de l’ordre de 15 %.
Le gouvernement actuel, comme le précédent, est actif dans la lutte contre cette économie informelle. Plusieurs mesures ont été prises :
− le numéro fiscal personnel, OIB (osobni identifikacijski broj), a été introduit en 2009. Il est attribué par les services des impôts à chaque personne physique et morale sur le territoire croate. Au travers de l’informatisation et de la mise en réseau des services publics, il devrait permettre un meilleur suivi des biens de chacun, des revenus et des flux de trésorerie. A ce jour, le système n’a toutefois pas encore donné de résultats, notamment en raison de la mise en réseau encore trop faible des services publics ;
− la nouvelle loi sur les faillites, en projet, doit mettre un terme à des situations où des sociétés en cessation de paiement continuaient malgré tout à fonctionner grâce au travail « au noir » ;
− la nouvelle loi sur la fiscalisation des transactions en espèces a été adoptée le 4 décembre dernier. À compter du 1er janvier 2013, chaque entrepreneur (qu’il soit artisan ou une entreprise) devra mettre en place un système informatique (caisse) connecté directement aux services des impôts. Chaque entrée en caisse sera sujette à une certification de la part des impôts et ce n’est qu’après certification que le ticket de caisse pourra être émis. L’économie grise est, selon le Ministère des finances, la plus marquée dans l’hôtellerie et la restauration. Alors que jusqu’à présent les transactions en espèces ne pesaient que 15% dans le total des transactions déclarées en Croatie, le ministre des Finances Linic entend par cette mesure mettre la main sur environ 600 millions HRK par an. Cette mesure ne concerne que les transactions en espèces ;
− la baisse de la TVA sur le tourisme, avec un taux passant de 25 % à 10 % au 1er janvier 2013, doit permettre de lutter contre la non-déclaration des revenus du tourisme (le secteur touristique représente entre 16 et 18 % du PIB croate).
Il faut souligner enfin qu’il existe des convergences entre nos deux pays en ce qui concerne l’Europe sociale. A cet égard, votre Rapporteur souhaite insister sur la nécessité de répondre aux craintes de délocalisation en démontrant que l’élargissement ne les favorise pas, bien au contraire puisqu’il réduit à long terme les écarts de niveaux de vie. Même à court terme, en termes d’emploi, les effets des écarts de niveau de salaires entre l’Union européenne et le nouvel Etat membre doivent être relativisés. Si les niveaux de salaires y sont effectivement inférieurs, il s’agit essentiellement d’un reflet des écarts de productivité du travail, ce qui ne manquera pas de préserver les avantages comparatifs des Etats membres actuels. Par ailleurs, les Etats membres pourront maintenir leurs mesures nationales d’accès au marché du travail pendant une période transitoire pouvant aller jusqu’à sept ans après l’adhésion (cf infra).
La Croatie est un pays qui voit dans l’Union européenne la possibilité de consolider la paix, la liberté et la prospérité sur le continent. Contrairement à certains « anciens » Etats membres, elle est donc prête à envisager des transferts de souveraineté supplémentaires et voit d’un bon œil les efforts déployés ces derniers mois pour renforcer l’Union européenne, y compris au travers d’une intégration plus poussée de l’UEM. A cet égard, on soulignera que la Croatie a fait part de sa volonté de participer à l’exercice du semestre européen 2013 avant même sa pleine adhésion, confirmant ainsi ses engagements de coordonner sa politique économique avec les politiques européennes en la matière. La Croatie se prépare déjà pour faire son entrée dans la zone euro, escomptant être prête dans cinq à six ans.
Concernant la politique étrangère européenne, la Croatie s’est déjà fortement investie. Compte tenu de sa situation géopolitique ainsi que de sa volonté de prendre activement part aux efforts internationaux en faveur de la stabilité et de la paix, la Croatie entend contribuer au renforcement du poids de l’UE dans le monde. En plus de sa connaissance spécifique de la région, la Croatie a également acquis une grande expérience des situations post-conflit et de renforcement des institutions, susceptible d’apporter une valeur ajoutée aux futures activités d’élaboration des politiques européennes, ainsi qu’aux actions communes de l’UE dans le monde.
La Croatie travaille activement mené au sein de nombreuses organisations et participe à des initiatives, qu’elles soient internationales, régionales ou subrégionales, ayant vocation à favoriser différentes formes de coopération. En avril 2009, la Croatie a adhéré à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, après avoir rempli toutes les conditions d’adhésion requises. Assumant ses responsabilités au sein de l’OTAN, la Croatie participe activement aux efforts de l’Alliance dans les missions exigeantes déployées en Afghanistan et au Kosovo. La Croatie a également acquis une expérience précieuse comme membre non-permanent du Conseil de sécurité des Nations unies (2008-2009), et tout particulièrement durant sa présidence du Comité contre le terrorisme de l’ONU au cours de laquelle elle s’attacha à apporter sa contribution à l’éradication de ce fléau. S’efforçant d’agir en membre responsable de la communauté internationale, la Croatie participe activement à travers le monde à plus d’une douzaine de missions de maintien de la paix, que ce soit sous l’égide des Nations unies, de l’OTAN ou de l’UE.
Sans être en initiative sur le sujet, la Croatie a, dès le Sommet de Paris en juillet 2008, manifesté un intérêt marqué pour l’Union pour la Méditerranée et sera très probablement intéressée par nos idées sur une relance de l’UPM après les bouleversements démocratiques survenus ces derniers mois.
Le Septième sommet annuel « Croatia Summit », qui s’est tenu à Dubrovnik les 6 et 7 juillet 2012 sous le patronage du président Josipović, devait par ailleurs mettre l’accent sur la réutilisation de l’expérience croate d’adhésion à l’UE comme expérience de « state-building », pouvant en particulier être exportée dans la région méditerranéenne. Mais la participation des premiers ministres et ministres des affaires étrangères d’Afrique du Nord a été limitée en raison de la réunion concomitante des Amis du peuple syrien à Paris.
Enfin, concernant la Syrie, la Croatie soutient les initiatives de la communauté internationale visant à mettre fin aux violences. Le gouvernement a appliqué l’ensemble des sanctions renforcées adoptées par l’Union Européenne et demandé par conséquent à la société d’hydrocarbures INA de suspendre ses activités en Syrie, malgré le coût pour l’entreprise (pertes estimées à 50-70 millions de dollars par mois) et l’impact sur le budget croate. Deux officiers croates ont également participé à la mission des observateurs des Nations-Unies en Syrie (un plafond de 10 personnels avait été fixé, ce qui laisse la place à d’éventuels renforts). À noter enfin que la Croatie a décidé, comme la France, d’aider les « zones libérées » en Syrie (celles qui ne sont plus sous contrôle du gouvernement), une somme de 250 000 euros a ainsi été mise à disposition de l’opposition syrienne pour ce faire.
Il est intéressant de souligner que le traité relatif à l’adhésion de la Croatie répond à la vision exigeante qu’a développée la France de la construction d’une Europe politique. Le nouvel adhérent n’a demandé aucune clause d’exemption vis-à-vis de ces politiques et, dans le cadre des négociations sur les chapitre « Relations extérieures » et « PESD », ils s’est engagé à reprendre l’intégralité de l’acquis, c’est à dire à respecter et à mettre en œuvre tous les actes juridiques de la PESC en vigueur, en particulier le code de conduite d’exportation d’armements, et à s’aligner sur les stratégies et actions communes de la PESC (notamment de sanctions à l’égard de certains pays tiers).
La France a reconnu la Croatie le 15 janvier 1992 et établi des relations diplomatiques avec Zagreb en avril 1992. Nos relations bilatérales, développées à partir de la transition démocratique qui a suivi la mort du Président Tudjman en décembre 1999, sont excellentes. Si les relations économiques demeurent modestes, elles sont en développement et, surtout, les relations politiques sont intenses, les rapprochements et les initiatives se multiplient et le soutien apporté par la France à l’adhésion de la Croatie, dans une approche rigoureuse qui crédibilise l’élargissement, n’y est sans doute pas étranger. La relation franco-croate est en phase de consolidation et les rapports sont très chaleureux.
Nos échanges commerciaux avec la Croatie sont relativement limités : en 2010, la France n’était ainsi, avec 2,7 % des parts de marché, que le dixième fournisseur, derrière l’Italie, l’Allemagne, la Russie, la Chine, la Slovénie, l’Autriche, la Bosnie-Herzégovine, la Hongrie, et le treizième client de la Croatie. L’effritement est, en partie, la conséquence d’un effet d’éviction du fait de la hausse des importations énergétiques russes (+170 % entre 2004 et 2011) et de l’essor des exportations chinoises (+150 % entre 2004 et 2011). Mais il est, aussi, la conséquence d’une dynamique de nos exportations assez faible depuis 2004.
Les chiffres sont cependant en très forte amélioration depuis le début de l’année 2011, augmentation dont une des causes principales est très certainement le fort soutien qu’a apporté la France à la candidature croate, en permettant notamment une clôture des négociations sous présidence hongroise de l’Union européenne. Ainsi, malgré la conjoncture économique difficile, les exportations françaises à destination de la Croatie ont enregistré une croissance de 23,6 %, les exportations croates à destination de la France augmentant dans le même temps de 154 % (suite notamment à l’achat d’un navire produit par la Croatie pour 150 millions d’euros).
La structure sectorielle de nos ventes se répartit entre le matériel de transport (automobiles et bateaux de plaisance pour 23 % du total), les équipements mécanique, électrique, électronique et informatique (15 %), les produits chimiques et cosmétiques (14,6 %), les produits des industries agroalimentaires (8,1 %), les produits pharmaceutiques (6,8 %) et le textile-prêt à porter (5,6 %). En 2011, l’augmentation des exportations s’explique essentiellement par la hausse des ventes de véhicules automobiles, premier poste d’exportation (+23,3 % par rapport à 2010) sur un marché automobile croate qui a progressé légèrement l’an passé après deux années très dures (-14,1 % en 2010 après –56 % en 2009).
Si la France reste encore loin de la place qu’occupent l’Italie, l’Allemagne ou l’Autriche (qui représente 25 % du stock total d’investissements directs étrangers (IDE) en Croatie), sa position est donc en nette amélioration : elle atteint 7 à 8 % des IDE et devrait encore se renforcer avec l’adhésion grâce notamment à l’obtention d’importants contrats de partenariat public-privé. Ce sont en tout près de 800 millions d’euros d’investissements français qui devraient être effectués en 2012-2013, à la veille de l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne.
Des entreprises françaises ont ainsi remporté les appels d’offre émis par la Croatie pour la construction des autoroutes d’Istrie ou pour l’extension et la concession de l’aéroport international de Zagreb qui, de manière symbolique, a été le premier IDE réalisé en Croatie après la signature du traité d’adhésion (la concession de l’aéroport de Zagreb a été accordée à Bouygues-ADP, avec à la clé 250 à 300 millions d’euros et une concession de 30 ans). Les entreprises françaises sont également bien placées pour remporter d’importants contrats en matière d’énergie, de transport ou d’agro-alimentaire. Bouygues, Alstom, Atos, Lactalis, Société Générale, BNP-Paribas, St Jean Industries, et bientôt Aéroports de Paris (ADP) font partie des principaux investisseurs et les entreprises françaises emploient plus de 8000 personnes en Croatie. La dynamique d’adhésion a ainsi un impact largement favorable auprès des entreprises françaises.
Il convient cependant de noter que l’adhésion pourrait avoir un impact négatif sur certaines filiales de ces entreprises, puisque la Croatie sortira du CEFTA (Central European Free Trade Agreement) au 1er juillet 2013, et que ses exportations vers la Serbie ou la Bosnie-Herzégovine seront en conséquence soumises à des droits de douane. Certaines entreprises envisagent donc de modifier leur implantation pour tenir compte de ces nouveaux coûts.
La nouvelle dynamique d’investissements, construite autour du projet emblématique de concession aéroportuaire, a été renforcée par la création d’un Club d’Affaires Franco-Croate qui rassemble les investisseurs majeurs et près de 65 filiales françaises. Ce Club fonctionne très bien et travaille en liaison avec les équipes de M. Čačić, qui a présidé personnellement à son lancement. Votre Rapporteur souhaite exprimer dans ce contexte une inquiétude s’agissant du possible retrait d’Ubifrance à Zagreb.
Sur le plan politique, des visites de haut niveau se sont multipliées. M. Leonetti, alors ministre en charge des affaires européennes, s’est rendu à Zagreb et à Vukovar le 6 octobre 2011. Il a salué la conclusion des négociations d’adhésion de la Croatie à l’UE, et a invité celle-ci à poursuivre ses efforts en vue de son adhésion prévue le 1er juillet 2013. Mme Pusic s’est rendue à Paris le 14 mars 2012 pour présenter les orientations de la politique étrangère du nouveau gouvernement croate, qui a décidé de recentrer son activité sur l’Europe, les Balkans occidentaux et la rive sud de la Méditerranée. Elle s’est à nouveau rendue à Paris le 17 septembre 2012 et a proposé de participer à des actions communes d’aide sur le terrain en Syrie. Les Croates ont octroyé un budget de 600 000 euros à ces actions. Le Président de la République croate Ivo Josipovic est venu à Paris les 8 à 10 octobre derniers à l’invitation du Président Hollande.
Votre Rapporteur se doit de souligner que les échanges interparlementaires sont actifs, à travers les groupes d’amitié, avec notamment quatre missions en 2011. Une délégation conjointe des Commissions des affaires européennes de l’Assemblée nationale française et du Bundestag s’est rendue en Croatie les 17 et 18 janvier 2011. Elle a eu un fort retentissement médiatique et un impact symbolique indéniable.
Un partenariat stratégique a été signé entre la France et la Croatie, en juillet 2010. Il a pour but de renforcer la coopération entre nos deux pays dans tous les aspects de la relation bilatérale : politique, économique, culturel, défense, coopération décentralisée, coopération administrative....
Il permet ainsi d’abord à la France d’aider la Croatie à mieux se préparer à son adhésion prochaine à l’UE. La France a pu jouer et continue à jouer un rôle important dans la restructuration des institutions croates en vue de l’adhésion. Elle a ainsi participé à plusieurs jumelages, dans le cadre de l’Instrument d’aide de préadhésion, pour exporter son savoir-faire dans des domaines sensibles tels que la formation à la lutte contre la corruption. Les jumelages sont un outil essentiel de l’assistance européenne et soutiennent le renforcement institutionnel des administrations bénéficiaires dans tous les domaines de l’acquis communautaire. La France a notamment remporté en 2011 deux jumelages très importants, l’un dans le domaine de la gestion de l’eau et l’autre au bénéfice du Ministère de l’Administration en tant que future autorité de gestion du programme de renforcement des capacités administratives qui sera financé par le Fonds Social Européen.
La France a été plusieurs fois consultée par la Croatie pour la réorganisation de son administration, centrale et déconcentrée. Elle a assuré des missions ponctuelles d’experts de haut niveau dans les domaines de l’agriculture et de la justice (2), mis à disposition du ministère croate de l’agriculture d’un assistant technique de 2003 à 2012 et accueilli une diplomate croate au sein du ministère des Affaires étrangères et européennes. Une convention cadre de coopération a aussi été signée entre l’ENA et le ministère des affaires étrangères croate le 18 mai 2010 en faveur de la préparation des fonctionnaires croates aux concours des institutions européennes conduite par des experts de l’ENA. Elle s’inscrit dans le soutien apporté à la préparation des fonctionnaires croates à l’adhésion, à la création d’une école d’administration croate et à l’intégration dans les groupes de travail de l’Union Européenne.
Mais le partenariat stratégique est également un outil politique essentiel nous permettant de renforcer nos liens culturels et économique. Ce partenariat stratégique s’accompagne d’un plan d’action d’une durée de trois ans, dont la France et la Croatie sont en train de réévaluer le contenu en le recentrant sur quelques domaines spécifiques, à savoir la coopération administrative, les visites politiques de haut niveau, la poursuite de l’excellente coopération culturelle et coopération économique.
Dans le cadre de ce partenariat stratégique qui fixe les grandes lignes de l’approfondissement de la relation bilatérale franco-croate, le plan d’action prévoit un certain nombre de réalisations concrètes sensé contribuer au rapprochement des deux pays dans de nombreux domaines : les contrats économiques importants signés récemment en sont ainsi l’une de ses conséquences, tout comme le rapprochement politique et culturel observé ces derniers mois, avec notamment la visite officielle du Président Josipović et l’organisation de la saison culturelle croate en France « Croatie, la voici », avec près de 45 lieux concernés et plus de 60 manifestations.
Les saisons culturelles sont toujours de grands évènements et celle-ci est venue couronner avec succès le développement des relations bilatérales. Elle a été officiellement ouverte par les Présidents Hollande et Josipovic le 9 octobre 2012 au musée de Cluny et durera jusqu’en janvier 2013. Elle constitue l’occasion pour les Croates de faire connaître leur pays aux Français et aux touristes qui visitent la France et le choix croate de la France pour organiser cette saison culturelle témoigne des liens très forts qui unissent désormais les deux pays. L’échange d’expériences et la richesse de la programmation, avec des moments forts comme l’exposition du sculpteur Mestrović au musée Rodin et l’exposition « Trésors de l’art médiéval croate » au musée Cluny, ont été très appréciés. Naturellement, les échanges culturels se poursuivront et s’intensifieront au-delà de cette période privilégiée. Il faut noter que des projets culturels français se sont déjà déroulés en Croatie en 2012 et que d’autres sont prévues en 2013, notamment une exposition Picasso avec le musée Picasso.
La Croatie est un Etat observateur au sein de l’Organisation internationale de la francophonie depuis 2004. En Croatie, 6,2 % de la population serait ainsi francophone et ce chiffre a vocation à augmenter, notamment au sein des sphères dirigeantes : Zagreb ayant, en 2009, choisi la France comme partenaire privilégié pour la mise en œuvre des réformes du système éducatif dans la perspective de l’adhésion à l’UE, le nombre d’étudiants apprenant le Français devrait connaître une importante progression dans les années à venir. De même, la Croatie s’est engagée, depuis 2006, dans une politique de formation au Français pour près de 1500 fonctionnaires. L’école française de Zagreb met en œuvre avec l’école allemande un projet commun « Eurocampus » pour lequel un arrangement de reconnaissance a été signé avec le ministre croate de l’éducation en mai 2007.
La culture française, sous toutes ses formes, est très présente en Croatie. L’institut français de Zagreb (créé en 1922), en partenariat avec les structures locales (acteurs culturels institutionnels ou associatifs, entreprises) travaille notamment sur un projet dans le domaine des arts visuels (exposition d’art contemporain à Zagreb à partir des collections des FRAC).
Par ailleurs, la France est le cinquième partenaire scientifique européen de la Croatie. Avec l’institut « Rudjer Boskovic », se renforcent les contacts entre chercheurs. Les échanges dans le domaine de l’énergie nucléaire entre le CEA, l’université et la faculté d’électrotechnique de Zagreb, se sont traduits par l’accueil en France d’un doctorant croate. La coopération universitaire en matière de recherche se concentre sur les secteurs du droit/affaires européennes, des sciences de la vie/biotechnologie, de la santé publique et des sciences humaines.
54 accords ou traités ont été conclus avec la Croatie depuis la Convention franco-Yougoslave de commerce et de navigation du 30 janvier 1929. Parmi ces accords en vigueur, près de la moitié sont des accords franco-yougoslaves repris par la Croatie dans ses relations avec la France suite à un échange de lettres en date du 9 et du 12 octobre 1995, portant sur la succession des accords. Plus d’une douzaine d’entre eux concernent des questions de sécurité sociale (Convention « mère » franco-yougoslave de sécurité sociale du 5 janvier 1950 et amendements ou arrangements pris en application). Deux accords bilatéraux, l’un relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure, l’autre relatif à l’assistance et à la coopération en matière de sécurité civile, ont été signés à Paris le 10 octobre 2007. Le dernier accord bilatéral en date porte sur la protection mutuelle des informations classifiées. Il a été signé le 25 janvier 2011 et est entré en vigueur le 1er octobre de la même année.
L’adhésion de la Croatie à l’Union européenne devrait, de facto, vider de leur substance les accords bilatéraux franco-croates antérieurs au 1er juillet 2013. La Cour de justice de l’Union européenne considère en effet que les dispositions résultants d’accords bilatéraux conclus entre un Etat membre et un Etat tiers ne peuvent continuer à s’appliquer, après l’adhésion de ce dernier, si elles se révèlent contraires au droit de l’Union (voir notamment l’arrêt « Exportur » du 10 novembre 1992). Cette position s’appuie sur l’article 30, paragraphe 3, de la Convention de Vienne sur le droit des traités en vertu duquel, lorsque toutes les parties à un traité antérieur sont également parties à un traité postérieur, sans que le traité antérieur ait pris fin ou que son application ait été suspendue en vertu de l’article 59, le traité antérieur ne s’applique que dans la mesure où ses dispositions sont compatibles avec celles du traité postérieur.
En outre, même dans l’hypothèse où des dispositions des traités bilatéraux sont équivalentes à des dispositions du droit de l’Union, la Cour de justice n’en considère pas moins que ces dernières dispositions s’appliquent en lieu et place des précédentes. En effet, quand il existe une disposition de droit de l’Union, la Cour ne saurait admettre que deux Etats membres appliquent entre eux une disposition conventionnelle, qui ne relève pas de l’ordre juridique de l’Union et qui échappe donc à sa compétence.
II. LES MODALITÉS DE L’ADHÉSION
Le texte du traité d’adhésion stricto sensu est extrêmement bref et ne comporte que des dispositions d’ordre très général. Il se compose de quatre articles.
L’article premier du traité d’adhésion dispose que la Croatie devient membre de l’Union européenne et par conséquent, partie aux trois traités qui la constituent (traité sur l’Union européenne, traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique). Il précise que les conditions de l’adhésion et les adaptations que celle-ci nécessitent, figurent dans un « acte » annexé dont les dispositions « font partie intégrante » du traité d’adhésion.
L’article 3 prévoit les conditions de ratification et d’entrée en vigueur à compter de 1er juillet 2013. Ce même article prévoit que la Croatie est réputée avoir ratifié ou approuvé toute modification des traités ouverte à la ratification ou à l’approbation des États membres au moment de la ratification du traité d’adhésion par la Croatie, ainsi que tout acte des institutions déjà adopté à cette date, même s’il n’est pas encore entré en vigueur.
Un acte « relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République de Croatie et aux adaptations du Traité sur l’Union européenne, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et du Traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique » est annexé au traité.
Cet acte est accompagné de neuf annexes ainsi que d’un protocole « relatif à certaines dispositions concernant une éventuelle cession unique à la République de Croatie d’unités de quantité attribuée délivrées au titre du protocole de Kyoto à la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques ainsi que la compensation y afférente ».
S’y ajoute l’acte final, récapitulant la liste des textes arrêtés : le traité d’adhésion, l’acte relatif aux conditions et aux modalités d’adhésion de la Croatie ainsi que ses neuf annexes, le protocole relatif à la cession de quotas d’émission à la Croatie dans le cadre du protocole de Kyoto et la version croate des trois traités fondateurs de l’Union européenne et des traités qui les ont modifiés et complétés (c’est-à-dire les traités d’adhésion des 21 Etats membres ayant rejoint la Communauté puis l’Union européenne depuis le traité de Rome).
Enfin, quatre déclarations sont annexées à l’acte final, ainsi qu’un modèle d’échange de lettres entre l’UE et la Croatie concernant la procédure d’information et de consultation pour l’adoption par l’UE de certaines décisions ou autres mesures pendant la période intérimaire, courant entre la signature du traité et l’adhésion. On retiendra en particulier la déclaration commune des Etats membres actuels (déclaration A) sur « l’application de la totalité des dispositions de l’acquis de Schengen ». Cette déclaration rappelle que les procédures adoptées pour l’application pleine et entière des dispositions de l’acquis de Schengen en Croatie (cf. supra, procédures spécifiques comprenant la présentation d’un rapport de la Commission sur le respect par la Croatie des engagements pris dans le cadre des négociations d’adhésion pertinents pour Schengen) ne préjugent en rien de la décision que pourra prendre le Conseil à l’égard de la Bulgarie et de la Roumanie. Elle conclut que les dispositions intégrées à cet effet dans le présent traité « ne créent d’obligations juridiques dans aucun autre contexte que celui du traité d’adhésion de la Croatie. »
A. L’IMPACT SUR L’UNION EUROPÉENNE DE L’ENTRÉE DE LA CROATIE
Avec l’adhésion de la Croatie, l’Union européenne gagnera plus de 55 000 km² et près de 4,3 millions d’habitants. À 28, l’Union s’étendra sur plus de 4,4 millions de km² et comptera plus de 505 millions d’habitants, représentant un PIB de plus de 17 850 milliards de dollars. Mais bien entendu, l’impact de l’adhésion de la Croatie ne se limite pas à ces données physiques. Pour notre Union européenne, l’arrivée d’un nouvel Etat a d’abord des conséquences institutionnelles et budgétaires, elle produit ensuite des effets économiques, pour les Etats membres actuels comme pour le futur adhérent, elle génère enfin des implications politiques, notamment dans la perspective d’une évolution de l’architecture européenne vers plus de différenciation.
1. Les questions institutionnelles
L’adhésion de la Croatie aura un certain nombre de conséquences sur la composition des institutions et organes de l’Union européenne et les procédures de décision, prévues aux articles 9 à 14 et 19à 26 de l’Acte.
En tant que nouvel Etat membre, elle se verra attribuer 12 députés européens qui siègent au Parlement européen depuis le 1er avril 2012 en tant qu’observateurs et dont le mandat prendra fin à la fin de la législature actuelle (dont la date n’est pas encore fixée mais qui devrait intervenir en mai 2014). Comme le prévoit l’article 19 de l’acte d’adhésion, ces députés croates seront élus au suffrage universel direct, les élections devant avoir lieu avant la date d’adhésion. Il est par ailleurs prévu que si la date d’adhésion se situe à moins de six mois des prochaines élections au Parlement européen, le Parlement croate peut, dans l’attente de la fin de la législature présente, désigner en son sein ses douze représentants.
Il convient de rappeler à cet égard qu’un protocole a été signé augmentant provisoirement le nombre de députés européen à 754 pour l’actuelle législature, afin de tenir compte de l’entrée en vigueur tardive du traité de Lisbonne (postérieure aux élections européennes). Le communiqué à l’issue de la 12ème conférence d’adhésion avec la Croatie du 5 novembre 2010 prévoit que dans le cas de figure où la Croatie devient membre avant la fin de la législature 2009-2014, le protocole sur les dispositions transitoires annexé aux traités devrait être modifié pour lui allouer douze sièges en sus. Le nombre de sièges dont bénéficient les autres Etats membres pour la législature 2009-2014 ne serait donc pas modifié. L’adhésion de la Croatie fera donc temporairement passer le nombre total de députés européens à 766.
Pour les élections de 2014, l’allocation se ferait dans les conditions prévues par 3 de l’article 2 dudit protocole, c’est-à-dire avec un plafond de 750 députés plus le Président (contre 736 sous l’empire du traité de Nice). À cet effet, le Parlement européen devra, avant les prochaines élections, soumettre au Conseil européen une proposition fixant la nouvelle répartition du nombre de représentants pour chaque pays. Cette décision devra être adoptée par le Conseil européen à l’unanimité et recevoir l’approbation du Parlement européen. Dans l’attente d’une telle décision, il n’est pas possible de préjuger du nombre de sièges qui seront alloués à la Croatie (ou à n’importe quel autre Etat membre) après 2014.
Conformément aux dispositions de l’article 19 de l’acte d’adhésion de la Croatie à l’Union européenne, les 12 observateurs croates ont fait leur entrée au Parlement européen le 1er avril 2012. Ils deviendront membres de plein droit à compter du 1er juillet 2013 (sous réserve de l’entrée en vigueur du traité d’adhésion). Parmi ces observateurs désignés par le Parlement croate (3), 7 sont affiliés au Groupe de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen, 3 au Parti populaire européen et 1 à l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe. Un seul reste pour l’heure non affilié.
Au sein du Parlement européen, ces observateurs bénéficient de la quasi-totalité des prérogatives d’un parlementaire : ils peuvent prendre part aux réunions des commissions et des groupes politiques et prendre la parole. Ils n’ont en revanche pas le droit de voter ou de se présenter aux élections à des postes au sein du Parlement. Ils ne reçoivent aucun salaire ni aucune allocation administrative du Parlement européen, à l’exception d’une indemnité de présence journalière et du remboursement de leurs frais de déplacement.
La Croatie bénéficiera également, à compter de son adhésion, d’un commissaire européen : bien que la décision ne soit pas encore officiellement prise, l’adhésion de la Croatie devrait obliger le Président de la Commission à diviser le portefeuille d’un des commissaires actuels afin d’en doter le futur commissaire croate, dont le mandat se terminera au 31 octobre 2014. Le Commissaire, de nationalité croate, sera proposé par son Etat d’origine et sera nommé par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée et d’un commun accord avec le président de la Commission après consultation du Parlement européen. Le mandat de ce nouveau membre expirera en même temps que celui des autres membres, soit le 31 octobre 2014.
Pour la Commission entrant en fonction le 1er novembre 2014, l’article 17-5 du traité sur l’Union européenne tel que modifié par le traité de Lisbonne prévoit qu’elle sera composée d’un nombre de commissaires égal au deux tiers du nombre d’Etat membres, soit 18. Le traité prévoit cependant que le Conseil européen, statuant à l’unanimité, peut prendre une décision visant à modifier ce nombre. Suite au premier refus irlandais de ratifier le traité de Lisbonne, le Conseil européen s’est donc engagé, dans ses conclusions de juin 2009, à prendre une décision pour la Commission puisse continuer de comprendre un commissaire par Etat membre. Il est donc probable que la prochaine Commission soit composée de 28 membres.
La Croatie bénéficiera enfin, à compter de son adhésion, de :
− 1 membre à la Cour de justice, au Tribunal de l’Union européenne et à la Cour des comptes de l’Union européenne, qui disposeront chacun de 28 membres ;
− 1 représentant au Comité scientifique et technique Euratom qui, en conséquence, passera de 41 à 42 membres ;
− 9 membres au Comité économique et social ainsi qu’au Comité des régions de l’UE, ce qui portera temporairement le nombre total de membres de ces comités à353. Le mandat des membres expirera le 1er mars 2015 pour le Comité des régions et le 1er octobre 2015 pour le Comité économique et social. D’ici là, le Conseil devra prendre une décision relative à leur composition afin de maintenir le nombre total de membres dans les limites fixées par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, soit 350. Il est également prévu que le Conseil puisse prendre la décision visant à restreindre le nombre de membre des deux comités avant la fin des mandats actuels ;
− et le gouverneur de sa banque centrale siègera au Conseil général de la Banque centrale européenne.
À la suite de l’adhésion, les institutions européennes devront également procéder au recrutement de fonctionnaires d’origine croate, par le biais des concours ou sous la forme d’experts nationaux détachés.
L’acte d’adhésion prévoit les modalités de la participation de la Croatie à la Banque européenne d’investissement, en modifiant à la marge le protocole n° 5 annexé aux traités. L’acte d’adhésion fixe la part de capital souscrite par la Croatie et adapte le format du conseil d’administration de la banque : ce dernier sera, à compter du 1er juillet 2013, composé de vingt-neuf administrateurs et de dix-neuf administrateurs suppléants. Chaque Etat membre ainsi que la Commission désignera un administrateur. Les dix-neuf suppléants seront nommés par des groupes d’Etats membres dont le format est défini dans le protocole et adapté par l’acte d’adhésion.
Par ailleurs, toujours sur le plan institutionnel, l’entrée d’un nouvel Etat modifie le calcul des règles de majorité au sein du Conseil. En ce qui concerne le vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil et du Conseil européen, l’acte d’adhésion reprend, en les adaptant, les dispositions agréées dans le protocole sur les dispositions transitoires annexé aux traités UE, FUE et CEEA.
Pour mémoire, pour adopter une décision à la majorité qualifiée, deux conditions doivent être remplies : un nombre minimal de voix, un nombre minimal d’Etats (la majorité des Etats membres lorsque la décision doit être prise sur proposition de la Commission ou des deux tiers dans les autres cas). En outre, un Etat peut demander à ce qu’il soit vérifié que la majorité qualifiée représente au moins 62% de la population totale de l’UE (clause démographique). Si cette condition n’est pas remplie, la décision ne sera pas adoptée. L’article 20 de l’acte d’adhésion prévoit que la Croatie se verra attribuer 7 voix. Il fixe le seuil de majorité qualifiée à 260 voix sur 352, si bien que la minorité de blocage sera de 93 voix (soit trois Etats membres disposant de 29 voix associés à n’importe quel autre Etat, sauf Malte, la Lettonie, la Slovénie, l’Estonie, Chypre et le Luxembourg).
Le traité de Lisbonne prévoit, de manière progressive, d’abandonner ce système de pondération des votes au Conseil et au Conseil européen pour le remplacer par un système dit de « double majorité ». Selon les termes de cette nouvelle, il faudra, pour adopter une décision à la majorité qualifiée, réunir 55% du nombre des Etats membres (72 % lorsque la Conseil ne statue pas sur proposition de la Commission) représentant 65 % de la population de l’Union. (4)
La Croatie siège, depuis la signature de son traité d’adhésion, en tant qu’observateur actif au Conseil et au Conseil européen (hormis pour les travaux relatifs à l’élargissement). Elle peut donc participer au débat, sans toutefois prendre part au vote.
En ce qui concerne la Présidence du Conseil de l’UE et du Conseil européen, le Conseil « Affaires générales » de janvier 2007 a adopté une décision fixant l’ordre des présidences entre les vingt-sept Etats membres actuels de l’UE jusqu’au 30 juin 2020. Cette décision n’incluant pas la Croatie dans la rotation, elle devra donc être revue après l’adhésion effective de cette dernière.
Les éléments financiers concernant l’impact financier de l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne ont été agrées lors de la CIG du 30 juin 2011, dans le cadre de la clôture du chapitre 33 des négociations d’adhésion, « dispositions budgétaires et financières », et endossé par le Conseil ECOFIN du 12 juillet 2011. La Commission avait en fait présenté une proposition d’enveloppe financière pour l’adhésion de la Croatie transmise aux Etats membres le 29 octobre 2009 et endossée par le Conseil Affaires générales du 7 décembre 2009. Mais, basée sur l’hypothèse d’une adhésion au 1er janvier 2012, elle a dû être révisée lorsqu’il est apparu que la Croatie ne pourrait intégrer l’Union européenne avant le 1er juillet 2013.
Les articles 27 à 35 de l’acte d’adhésion prévoient les crédits qui seront alloués à la Croatie pour le deuxième semestre 2013 conformément à l’accord du 30 juin 2011.
Seuls les montants relatifs au développement rural, aux actions structurelles, à la facilité transitoire, à la facilité de trésorerie et à la facilité Schengen, qui sont des montants fixes, sont repris dans le traité d’adhésion (articles 30 à 35 l’acte d’adhésion). En revanche, les montants relatifs aux dépenses liées au marché, aux paiements directs agricoles, aux autres politiques internes et à l’administration, qui sont des montants indicatifs calculés par la Commission et repris à ce titre dans les conclusions du Conseil « Ecofin » du 12 juillet 2011, ne figurent pas dans le traité d’adhésion. Dans une déclaration annexée à ces conclusions, le Conseil a par ailleurs rappelé que l’enveloppe financière de 687,5 millions d’euros allouée à la Croatie devrait s’inscrire dans l’effort commun de discipline budgétaire et ne devrait par conséquent pas entraîner de révision à la hausse du plafond d’engagement que les perspectives financières 2007-2013 avaient fixé pour l’année 2013, soit 127,448 milliards d’euros (prix de 2004).
L’Union européenne a, malgré la crise économique, consenti des efforts importants, notamment en matière de fixation des taux d’avance, afin que l’enveloppe financière destinée à la Croatie pour les six premiers mois suivant son adhésion puisse permettre à cette dernière de bénéficier d’une position nette assez largement favorable. Il a été décidé de fixer un taux d’avance de 30 % pour les fonds structurels et de 40 % pour le Fonds de cohésion. Au total, la Croatie bénéficiera, au titre de la politique régionale, d’une avance de 149,8 millions d’euros, montant qui devra être payé en une fois. Le taux d’avance est de 25 % pour la pêche, soit 2,17 millions d’euros, montant devant être payé en une fois sur les 8,7 millions d’euros en crédits d’engagement.
Du fait du délai extrêmement court de programmation qui résulte de l’adhésion de la Croatie en milieu d’année, l’article 35 de l’acte d’adhésion ne prévoit pas que la Croatie puisse bénéficier du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) au titre de l’année 2013. De manière compensatoire, elle se verra allouer, pour la seconde moitié de l’année en question, un montant de 27,7 millions d’euros au titre du volet « développement rural » de l’Instrument d’aide de préadhésion. En outre, la Croatie pourra bénéficier, à compter de 2014, de 100 % des fonds au titre du FEADER, et non de 80 % comme cela aurait dû être le cas en vertu du principe de versement progressif des aides structurelles.
La Croatie se verra attribuer la somme de 449,4 millions d’euros en crédits d’engagements au titre des aides structurelles de la politique régionale pour la seconde moitié de l’année 2013 (soit 84,25 % de l’enveloppe totale allouée à la cohésion et comprenant la partie « orientation » du développement rural ainsi que le Fonds européen pour la pêche). L’acte d’adhésion prévoit par ailleurs qu’afin de tenir compte des importants besoins de la Croatie en matière d’infrastructures environnementales et de transports, un tiers de ce montant sera réservé au Fonds de cohésion.
Comme ce fut le cas pour les élargissements de 2004 et de 2007, la Croatie bénéficiera, lors des six premiers mois suivant l’adhésion, d’une « facilité transitoire » d’un montant total de 29 millions d’euros, pour renforcer et développer ses capacités administratives et judiciaires afin de mieux mettre en œuvre et garantir le droit de l’Union européenne (domaines qui ne sont pas couverts par les fonds structurels ni par les fonds de développement rural). L’aide, au titre de cette facilité transitoire, pourra notamment être fournie par le biais de l’Instrument d’aide de préadhésion.
Enfin, en toute fin de négociations, l’UE a, comme elle l’avait fait pour les douze Etats du « cinquième élargissement », accordé à la Croatie une facilité de trésorerie et une facilité « Schengen », dotées de 223,6 millions d’euros pour 2013-2014, versée en deux fois, au 1er juillet 2013 et le jour ouvrable suivant le 1er janvier 2014.
Les articles 27 à 35 de l’acte d’adhésion organisent aussi, dès l’adhésion, l’application du système des ressources propres de l’Union européenne à la Croatie, celle-ci devant d’emblée acquitter sa quote-part normale au budget communautaire, sa participation au capital de la Banque européenne d’investissement et au fonds de recherche du charbon et de l’acier et, enfin, l’extinction de l’éligibilité de la Croatie à l’Instrument d’aide de préadhésion (IAP) relayé par des facilités transitoires dans plusieurs domaines.
D’après les chiffres fournis par la Commission européenne, la contribution croate au budget de l’UE devrait être de 267 millions d’euros pour le deuxième semestre 2013. La direction du budget, comme le Treasury britannique, estiment pour leur part cette contribution à 247 millions d’euros pour 6 mois (réévaluation prenant en compte un niveau de crédits de paiement votés pour 2013 en dessous et non au niveau des plafonds).
Le tableau ci-dessous permet de mesurer l’impact financier de l’adhésion de la Croatie pour 2013.
PLAFONDS DE CRÉDITS LIÉS À L’ÉLARGISSEMENT
À LA CROATIE
(en millions d’euros, prix courants)
2013 (engagement) |
Estimation de la part du budget total alloué à la Croatie |
2013 (paiement) | |
1. Croissance durable |
496,8 |
1,47 |
167,4 |
1a – Compétitivité pour la croissance et l’emploi |
47,4 |
0,64 |
17,6 |
1b – Cohésion pour la croissance et l’emploi |
449,4 |
1,7 |
149,8 |
2. Conservation et gestion des ressources naturelles |
20,4 |
0,07 |
12,1 |
Dépenses de marché |
9 |
0,04 |
9 |
Fonds européen pour la pêche |
8,7 |
2,6 |
2,175 |
Autres soutiens dans le cadre de la PCP, programme Life + |
2,7 |
0,9 | |
3. Citoyenneté, liberté, sécurité et justice |
73,3 |
6,98 |
42,2 |
3a – Liberté, sécurité et justice |
2,1 |
0,3 |
1,1 |
Facilité Schengen |
40 |
40 | |
3b - Citoyenneté |
2,2 |
0,63 |
1,1 |
Facilité transitoire |
29 |
0 | |
4. l’UE en tant que partenaire mondial |
77,6 (fonds IPA) | ||
5. Administration |
22 |
0,53 |
22 |
6. Compensations (Facilité de trésorerie) |
75 |
75 | |
Total des crédits d’engagements |
687,5 |
0,93 |
|
Sommes effectivement perçues par la Croatie |
396,3 |
Pour les années suivantes, il est difficile de chiffrer l’impact à ce stade car le prochain cadre financier pluriannuel de l’UE est en cours de négociation. On peut cependant d’ores et déjà estimer que le coût pour le budget de l’Union pourrait être 3 à 4 fois supérieur au coût 2013 en 2014 et 2015 étant donné que la Croatie est en période montée en charge (« phasing-in »).
Ainsi, pour ce qui est des fonds structurels et fonds de cohésion comme en ce qui concerne la politique agricole commune, la Croatie touchera seulement 30 % de son enveloppe en 2013. Comme les douze nouveaux Etats membres issus de la cinquième vague d’élargissement, la Croatie se verra appliquer un versement progressif sur dix ans (jusqu’en 2022) des aides directes au titre de la Politique agricole commune.
De même, pour tenir compte de sa capacité d’absorption limitée, la Croatie ne fera qu’une entrée progressive dans la politique régionale la Croatie ne bénéficiera pleinement des aides de la politique régionale que deux ans après l’adhésion (60 % sur la période 1er juillet 2013 – 30 juin 2014 et 80 % sur celle 1er juillet 2014 – 30 juin 2015), avec un niveau maximal de transferts vers la Croatie est plafonné, conformément à l’acquis actuel, à 3,52 % du PIB pour une année.
Comme elle l’avait fait lors du cinquième élargissement, l’UE a également accordé à la Croatie la possibilité d’adjoindre, jusqu’en 2016 (inclus), un complément aux aides directes agricoles qui seront versées progressivement de 2013 à 2022. L’objectif de cette aide complémentaire est de permettre à la Croatie de se rapprocher, au plus vite, du niveau de soutien en vigueur dans l’UE-15. Enfin, la Croatie s’est vue attribuer une réserve spéciale pour attribuer des aides directes en vue du déminage des terres destinées à être réutilisées à des fins agricoles. Cette réserve rentrera progressivement en vigueur (sur le modèle général suivi par les paiements directs) afin d’atteindre le montant de 9,6 millions d’euros lors de sa dernière année de fonctionnement, en 2022.
Comme cela avait été accordé aux nouveaux membres issus du cinquième élargissement, la Croatie bénéficiera également, à compter de son adhésion, de plusieurs mesures temporaires de soutien au développement rural. Elle bénéficiera notamment, pour la période 2014-2020, du maintien du programme Leader en Croatie à un niveau représentant au moins la moitié du pourcentage du budget applicable en la matière dans les autres Etats membres ainsi que, durant les quatre années suivant l’adhésion, un taux de cofinancement des mesures visant à moderniser les exploitations agricoles croates pouvant aller jusqu’à 75 % et le versement d’aides visant à favoriser la création de groupements de producteurs en Croatie et d’une prime annuelle aux exploitations de semi-subsistance pour les exploitations ayant déposé un plan de développement.
Afin de traduire le principe de phasing-in qui régit l’accès aux fonds structurels et de cohésion, l’acte d’adhésion prévoit cependant que, dans la mesure où l’acquis en vigueur à ce moment le permet, il devra être procédé à une augmentation des financements en faveur de la Croatie pour 2014 et 2015 visant à garantir des niveaux représentant respectivement 2,33 et 3 fois le niveau de 2013.
Il est intéressant, sur le plan budgétaire, de souligner les positions de la Croatie quant au rôle du budget européen. La Croatie partage les positions du groupe des « amis de la cohésion » concernant le cadre financier pluriannuel 2014-2020 et considère les fonds de cohésion comme un instrument important de la croissance (pour mémoire, elle devrait bénéficier de 13,7 milliards d’euros de fonds structurels de l’UE sur la période 2014-2020). Le gouvernement a convenu avec Eurostat que la Croatie serait divisée en deux régions statistiques (continentale et adriatique) à compter du 1er janvier 2013 (au lieu de trois actuellement) afin d’optimiser la capacité du pays à utiliser les fonds européens. Les deux régions seront éligibles à l’objectif 1 (convergence) des fonds de cohésion.
En tant que pays futur bénéficiaire des aides européennes, la Croatie est, sans surprise, une fervente supportrice de la politique de cohésion de l’Union européenne. Pour autant, la qualité de notre relation bilatérale et notre proximité de vues sur de nombreux dossiers (politique de sécurité et de défense, politique agricole commune...) devrait nous permettre de compter la Croatie parmi nos soutiens.
B. LES AUTRES DISPOSITIONS DU TRAITÉ D’ADHÉSION
1. Un principe cardinal : la reprise de l’acquis communautaire
Comme pour les précédents élargissements, toute la négociation menée avec la Croatie s’est fondée sur un principe simple : ce pays devait non seulement reprendre l’acquis communautaire mais également en assurer l’application effective dès le premier jour de son adhésion. Une réserve cependant est prévue : les mesures de transition consignées dans la quatrième partie du protocole et de l’acte d’adhésion.
L’engagement pris par la Croatie lors de Conférence intergouvernementale d’ouverture des négociations, qui s’est tenue le 3 octobre 2005, est inscrit à l’article 2 du protocole et de l’acte d’adhésion qui prévoit ainsi que « dès la date d’adhésion, les dispositions des traités originaires et les actes adoptés, avant l’adhésion, par les institutions lient la Croatie et sont applicables dans cet État dans les conditions prévues par lesdits traités et par le présent acte.»
Les articles 2 à 6 du protocole et de l’acte d’adhésion précisent de la sorte que la Croatie accepte, dès son adhésion, le traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA), le traité sur l’Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
L’acquis communautaire ne se limite évidemment pas aux traités institutionnels. Y figurent également l’ensemble du droit dérivé c’est-à-dire les actes pris par les institutions communautaires pour l’exécution des traités, mais aussi les accords conclus entre les Etats membres réunis au sein du Conseil, les déclarations, résolutions et autres prises de position du Conseil européen ou du Conseil des ministres, ainsi que celles relatives à l’Union qui sont adoptées d’un commun accord par les Etats membres. S’ajoutent à cette liste les conventions ou les autres instruments relevant du domaine de la justice et des affaires intérieures (JAI) et, enfin, les accords conclus ou appliqués provisoirement par l’Union, ou par l’Union conjointement avec les Etats membres, avec les Etats tiers, les organisations internationales ou les ressortissants d’Etats tiers. Parmi les accords conclus avec les pays tiers, on trouve l’accord de partenariat entre les membres du groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) et la Communauté européenne et ses Etats membres, signé à Cotonou le 23 juin 2000. En outre, les deux pays adhérents s’engagent à devenir parties à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE).
L’entrée dans l’Union aura également des conséquences sur les accords internationaux signés par la Croatie avec des pays tiers. Dès l’adhésion, les conventions conclues dans le domaine de la pêche seront gérées par la Communauté européenne. De plus, devant se conformer à la politique commerciale commune, la Croatie devra se retirer de tout accord de libre-échange conclu avec un pays tiers, y compris l’accord de libre-échange de l’Europe centrale.
Les articles 4 et 5 du protocole et de l’acte d’adhésion portent sur l’acquis de Schengen et l’Union économique et monétaire. Ils rappellent que le nouvel adhérent ne sera d’emblée ni membre de l’espace Schengen, qui rassemble vingt-deux Etats de l’Union - n’en font pas partie le Royaume-Uni, l’Irlande, Chypre, la Roumanie et la Bulgarie - et associe la Norvège, l’Islande, la Suisse et le Liechtenstein, ni de la zone euro qui regroupe dix-sept Etats membres - la Bulgarie, le Danemark, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni et la Suède n’y participant pas.
Concernant l’espace Schengen, il faut observer que certaines dispositions de l’acquis de Schengen seront tout de même appliquées à la Croatie. Elles figurent à l’annexe II mentionnée à l’article 4 du protocole et de l’acte d’adhésion. En revanche, toutes les dispositions non énumérées à cette annexe II, jugées indissociables de la participation à l’espace Schengen comme notamment le système d’information Schengen (SIS), ne s’appliqueront en Croatie que lorsque les Etats membres de l’espace Schengen le décideront, à l’unanimité.
La conséquence concrète de l’absence de participation à l’espace Schengen est le maintien des contrôles aux frontières extérieures de cet espace. Pour pouvoir y pénétrer, les personnes en provenance du territoire croate continueront à être soumises à des contrôles.
Pour devenir membre de l’espace Schengen, la Croatie devra, à terme, avoir fait la preuve qu’elle assure efficacement depuis son adhésion le contrôle de la frontière extérieure de l’Union et qu’elle est apte à la collecte et au partage de données sensibles au sein du SIS. La décision de l’accueillir au sein de ce groupe sera prise à l’unanimité de ses membres.
En outre, une disposition spécifique à la Croatie a été introduite à l’article 4. Elle prévoit que la décision du Conseil sera prise compte tenu d’un rapport de la Commission confirmant que la Croatie continue de remplir les engagements pertinents pour l’acquis de Schengen qu’elle a pris au cours des négociations relatives à son adhésion. Cette disposition permettra d’assurer le suivi, dans la durée, du respect des engagements croates, y compris sur des questions relatives à l’Etat de droit qui ne font pas partie aujourd’hui de l’évaluation Schengen. Cette disposition est à mettre en lien avec l’article 36 du traité qui instaure un dispositif de suivi renforcé des engagements pris par la Croatie (cf. supra).
Concernant la participation à l’Union économique et monétaire, l’article 5 du protocole et de l’acte d’adhésion stipule que « la Croatie participe à l’Union économique et monétaire à compter de la date d’adhésion en tant qu’Etat membre faisant l’objet d’une dérogation au sens de l’article 139 du TFUE ». Lors de son entrevue avec le Rapporteur en préparation de ce rapport, l’Ambassadeur de Croatie en France, Son Excellence Mirko Galić, a insisté sur le fait que son pays n’aurait certes pas l’euro le 1er juillet 2013 mais serait bien membre de l’UEM.
Dès son adhésion, la Croatie sera pleinement intégrées au sein du processus de coordination des politiques économiques et de surveillance multilatérale. Ses politiques économiques deviendront une « question d’intérêt commun » et seront, dès lors, coordonnées au sein du Conseil, au moyen des grandes orientations de politique économique (GOPE) et de la mise en œuvre du pacte de stabilité et de croissance.
Son adhésion à la zone euro suivra le même processus que celui applicable aux autres nouveaux membres. Le Conseil décidera si ce pays remplit les conditions requises pour ce faire, sur le fondement des quatre critères permettant d’analyser si un degré élevé de convergence durable a été réalisé : un degré élevé de stabilité des prix, le caractère « soutenable » de la situation des finances publiques, le respect des marges normales de fluctuation prévues par le mécanisme de change européen pendant deux ans au moins sans dévaluation de la monnaie par rapport à l’euro, ainsi que le caractère durable de la convergence atteinte par l’Etat en question et de sa participation au mécanisme de change européen; tel qu’il est reflété dans les niveaux des taux d’intérêt à long terme. Le TFUE souligne, en outre, à son article 140, l’importance de prendre en compte, dans l’examen des pays concernés, l’intégration des marchés, la situation et l’évolution des balances des paiements courants et l’évolution des coûts salariaux unitaires et d’autres indices de prix.
Il est clair qu’à court terme, la Croatie n’a pas vocation à intégrer l’espace Schengen ou l’Union économique et monétaire. Elle n’y est pas prête. Cependant, ce sont des échéances que les autorités croates préparent déjà.
2. Les dispositions permanentes
Le traité relatif à l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne contient des dispositions permanentes qui se distinguent des dispositions transitoires (cf infra). Elles portent sur les adaptations des traités actuels, adaptations indispensables pour tenir compte de l’entrée d’un nouvel Etat membre.
Le traité détermine évidemment les conditions dans lesquelles la Croatie sera représentée au sein des institutions de l’Union. Juridiquement, il prévoit des modifications du traité établissant une Constitution pour l’Europe et des traités sur l’Union et la Communauté européennes. Il s’agit de tenir compte du passage de l’Union de vingt-sept à vingt-huit Etats membres.
Nous ne reviendrons pas sur ces stipulations que nous avons abordées précédemment dans la partie consacrée à l’impact institutionnel de l’élargissement.
L’adaptation des institutions est nécessaire. Il importe également d’adapter certains actes dans des domaines particuliers de l’activité européenne. C’est l’objet des articles 15 à 17 du traité relatif à l’adhésion, qui renvoient aux annexes III et IV. L’annexe III procède aux adaptations rendues nécessaires par l’élargissement dans huit domaines spécifiques : libre prestation de services, droit de la propriété intellectuelle, services financiers, agriculture, pêche, fiscalité, politique régionale et coordination des instruments structurels et environnement. L’annexe IV procède à des adaptations en application de positions fermes ou de mesures imposées à la Croatie sur cinq chapitres de négociation : « droit de la propriété intellectuelle », « politique de la concurrence », « agriculture », « pêche » et « union douanière ».
● Les adaptations en matière agricole :
L’annexe IV définit les quotas de production et l’ensemble des soutiens financiers résultant de l’application des règles de la politique agricole commune (PAC), notamment le principe de versement progressif des aides directes agricoles.
Des adaptations sont également prévues concernant les conditions dans lesquelles les stocks agricoles de la Croatie provenant de la politique de soutien au marché seront repris par l’Union, à un prix déterminé selon les règles d’intervention du Fonds européen de garantie agricole (FEOGA).
Il est également précisé la façon dont seront examinées les aides agricoles au regard du droit européen de la concurrence.
L’article 17 de l’acte prévoit, pour sa part, qu’avant l’adhésion, le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, pourra procéder aux adaptations des dispositions du traité relatives à la PAC, qui peuvent s’avérer indispensables. Ces adaptations nécessaires porteront essentiellement sur la réglementation régissant l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre.
● Les adaptations en matière de pêche :
L’annexe III précitée comporte des adaptations tirant les conséquences du différend frontalier entre la Slovénie et la Croatie dans la zone côtière. Il définit des possibilités de pêche pour les deux pays, qui s’appliqueront lorsque la sentence arbitrale découlant de l’arbitrage frontalier sera pleinement mise en œuvre, ainsi qu’un régime de soutien financier spécifique pour les pêcheurs slovènes par le FEP jusqu’à ce que ce régime d’accès réciproque aux bandes côtières slovènes et croates soit en vigueur. L’annexe transcrit certaines dispositions d’un accord bilatéral croato-slovène sur le trafic frontalier, qui a connu des difficultés d’application en raison du différend frontalier entre les deux pays. Sont prévues également un taux de cofinancement supérieur par le FEP pour quatre îles croates périphériques.
Il est également précisé dans l’annexe IV la façon dont seront examinées les aides en matière de pêche au regard du droit européen de la concurrence.
● Les adaptations en matière de concurrence, d’union douanière et de droit de la propriété intellectuelle :
Sur le chapitre « concurrence », ces dispositions techniques portent sur les aides d’Etat accordées en Croatie : celles mises à exécution avant le 1er mars 2002 et toujours applicables après cette date, seront considérées lors de l’adhésion comme des « aides existantes ».
Sur le chapitre « droit de la propriété intellectuelle », les adaptations portent sur l’imposition d’un mécanisme particulier de protection des brevets pharmaceutiques, calqué sur celui agréé pour les dix Etats membres d’Europe centrale et orientale ayant intégré l’Union européenne en 2005 et 2007 et qui avait fait l’objet de négociations intenses, notamment avec la Pologne, la République tchèque et la Hongrie. La nécessité de cette disposition vient de ce que la Croatie, comme précédents candidats à l’adhésion issus d’Europe centrale, dispose d’une législation récente sur les brevets pharmaceutiques et qu’elle n’appliquera le certificat complémentaire de protection (CCP) prévu par l’acquis qu’à compter de l’adhésion.
Dès lors, pour éviter tout risque de distorsion de concurrence et assurer la propriété intellectuelle et industrielle de façon uniforme dans l’Union élargie, un « mécanisme spécifique » s’appliquera aux brevets ou CCP délivrés pour un médicament déposé dans un État membre à une date à laquelle une telle protection ne pouvait pas être obtenue en Croatie pour ce produit.
Ainsi, un importateur souhaitant commercialiser un médicament couvert par le « mécanisme spécifique » dans un Etat membre où le produit jouit d’un brevet ou d’un CCP devra démontrer, dans sa demande d’importation adressée aux autorités compétentes, qu’une notification préalable d’un mois a été donnée au titulaire ou ayant-droit d’une telle protection. Ce dernier se voit en effet conférer un droit d’opposition à l’importation et à la commercialisation dans l’Etat ou les Etats où le produit jouit de la protection d’un brevet ou d’un CCP, y compris si ce produit a été commercialisé pour la première fois en Croatie par le titulaire ou avec son accord.
Ce régime sera applicable à tout médicament ou produit phytopharmaceutique protégé, à la date de l’adhésion de la Croatie, par un brevet de base en vigueur et pour lequel la première autorisation de mise sur le marché a été obtenue après le 1er janvier 2003. Ces dispositions assureront ainsi la protection des droits de propriété intellectuelle et industrielle relatifs aux médicaments dans l’Union élargie.
Sur le chapitre « union douanière », les adaptations fixent les dispositions relatives aux règles d’origine et conférant l’origine communautaire aux marchandises.
3. L’organisation d’une transition
C’est l’article 17, renvoyant à l’annexe V, qui énumèrent chapitre par chapitre les mesures transitoires imposées par l’Union européenne ou accordées à la demande de la Croatie. Des périodes transitoires avaient également été accordées aux Etats de la cinquième vague d’élargissement. Les 10 Etats ayant adhéré en 2004 ne sont plus aujourd’hui sous le coup des périodes transitoires qui leur avaient été accordées au moment des négociations. Seules la Bulgarie et la Roumanie sont encore aujourd’hui concernées, l’exemple le plus symbolique étant la restriction qui est imposée aux salariés de ces deux pays pour l’accès au marché du travail de 9 Etats membres de l’UE (l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la France, la Grande-Bretagne, l’Irlande, le Luxembourg, Malte et les Pays-Bas), jusqu’au 31 décembre 2013.
Par ailleurs, certaines périodes dérogatoires octroyées à la Bulgarie et à la Roumanie lors des négociations d’adhésion n’ont pas encore expiré. On peut notamment noter :
− des limitations de format de véhicules pour emprunter certaines portions des réseaux routiers non encore modernisées (jusqu’au 31/12/2013 pour les deux pays).
− un alignement progressif sur le taux d’imposition communautaire applicable aux paiements d’intérêts ou de redevances effectués en faveur d’une société associée d’un autre État membre (jusqu’au 31/12/2014, uniquement pour la Bulgarie) ;
− des droits spécifiques de replantation de vigne (jusqu’au 31/12/2014, uniquement en Roumanie) ;
− des règles spécifiques pour la valorisation des déchets transférés vers la Roumanie (jusqu’au 31/12/2015) ;
− un alignement progressif sur les objectifs communautaire de traitement des déchets par incinération (jusqu’au 31/12/2014 pour la Bulgarie et au 31/12/2013 pour la Roumanie) ;
− un alignement progressif sur les objectifs communautaires de traitement des déchets par recyclage (jusqu’au 31/12/2014 pour la Bulgarie et au 31/12/2013 pour la Roumanie) ;
− un alignement progressif sur les objectifs communautaires de traitement des déchets plastiques (jusqu’au 31/12/2013, pour la Bulgarie uniquement) ;
− un alignement progressif sur les objectifs communautaires de traitement des déchets en verre (jusqu’au 31/12/2013, pour la Roumanie uniquement) ;
− un délai pour mettre les décharges publiques en conformité avec les normes communautaires (jusqu’au 31/12/2014 pour la Bulgarie et au 16 juillet 2017 pour la Roumanie) ;
− un délai pour l’application de la directive 91/271/CEE relative au traitement des eaux résiduaires urbaines (jusqu’au 31/12/2014 pour la Bulgarie et au 31/12/2018 pour la Roumanie) ;
− un délai pour l’application des valeurs limites d’émission de dioxyde de souffre et de poussières dans certaines installations (jusqu’au 31/12/2014 pour la Bulgarie et au 31/12/2013 pour la Roumanie) ;
− un délai pour l’application des valeurs limites d’émission d’azote dans certaines installations (jusqu’au 31/12/2017 maximum, uniquement pour la Roumanie).
Deux périodes transitoires ont été imposées à la Croatie :
– la première porte sur le chapitre « libre circulation des personnes » et plus précisément sur la libre circulation des travailleurs, avec un dispositif identique à celui qui avait été mis en place pour les dix nouveaux Etats membres d’Europe centrale et orientale à la demande notamment de l’Allemagne (Chypre et Malte ayant été exclues de ce dispositif) ;
– la seconde, dans le chapitre « transports », sur le cabotage routier, avec un dispositif identique à celui qui avait été retenu pour les mêmes Etats d’Europe centrale et orientale, à l’exception de la Slovénie.
Comme le souligne l’étude d’impact, ces décisions ont été prises, pour la première fois, sur la base d’études d’impact de la Commission, conformément au principe fixé dans le cadre du consensus renouvelé sur l’élargissement.
La phase de transition concernant la circulation des travailleurs salariés se décompose en trois périodes de deux, trois puis deux ans. Deux ans après l’adhésion, soit en principe au 1er juillet 2015, les vingt-sept Etats membres pourront décider, soit d’ouvrir leur marché du travail aux salariés croates, soit de prolonger la période transitoire pour trois années supplémentaires. Cette décision de prolongation fera l’objet d’une notification à la Commission.
Cinq ans après l’adhésion – normalement le 1er juillet 2018 – la libre circulation des travailleurs salariés croates dans l’Union s’appliquera de droit, sauf dans les Etats membres qui feraient état de « perturbations graves » de leur marché du travail et qui pourraient alors, à titre de clause de sauvegarde, prolonger encore de deux ans la période transitoire.
La liberté d’établissement sera, en revanche, applicable, dès l’adhésion, dans toute l’Union européenne aux travailleurs non salariés croates qui exercent des professions commerciales, industrielles, artisanales ou libérales. Ils se verront appliquer les mêmes conditions que les nationaux. En outre, les entreprises établies sur le territoire des deux nouveaux membres bénéficieront, dès l’adhésion, sous réserves de certaines restrictions obtenues par l’Allemagne et l’Autriche, de la liberté d’effectuer des prestations de services dans l’Union avec leurs salariés qui seront soumis à la législation du pays dans lequel se déroule la prestation de services (directive 96/71/CE relative au détachement de travailleurs).
En raison de la situation de son marché de l’emploi, le gouvernement français avait décidé d’appliquer la période transitoire à l’égard des travailleurs salariés des Etats du précédent élargissement. A ce jour, la France n’a pas fait connaître sa position concernant les travailleurs croates. Elle devra prendre une décision d’ici à la date d’adhésion au regard de la situation de son marché de l’emploi, d’une part, et des facteurs propres à la Croatie d’autre part. Il faut souligner à cet égard que la Croatie est un pays bien moins peuplé que la Bulgarie et la Roumanie (4,3 millions d’habitants contre environ 29,3 millions) et aussi plus développé.
Concrètement, la décision de mettre en œuvre ces mesures de protection du marché national de l’emploi résulte d’une concertation entre plusieurs ministères (ministères de l’intérieur, de l’emploi, des affaires étrangères et de l’économie notamment), qui n’a pas encore eu lieu aujourd’hui. Votre rapporteur n peut donc supposer quelles orientations seront prises au moment de l’adhésion de la Croatie, que ce soit pour la mise en place de mesures transitoires à l’égard des travailleurs croates, ou pour l’élaboration éventuelle d’une liste des métiers pour lesquels la situation du marché de l’emploi en France ne serait pas opposable à un ressortissant croate. Pour mémoire, la liste des métiers accessibles aux travailleurs bulgares et roumains a été élargie en octobre 2012 et comporte actuellement 291 métiers, contre 150 auparavant.
Concernant le cabotage routier, les écarts de coûts salariaux entre les nouveaux Etats et les nouveaux entrants sont tels que l’Union européenne a prévu une période transitoire pour tous les nouveaux Etats à l’exception de la Slovénie. La Croatie ne fait pas exception à la règle. Cette période transitoire pourra aller jusqu’à quatre ans (contre cinq ans pour la Roumanie et la Bulgarie) avant que les opérateurs de transports routiers croates ne puissent effectuer des prestations de cabotage – c’est-à-dire un service de transport routier au sein d’un Etat membre sans franchissement de frontière – dans l’un des Etats membres de l’Union. En revanche, l’accès au marché communautaire du transport international routier (TIR) sera libéralisé dès l’adhésion pour la partie de la flotte croate qui, respectant l’acquis, opère déjà dans ce secteur.
Outre une durée globale plus réduite (quatre ans contre cinq), la période transitoire diffère de celle qui avait été imposée à la Bulgarie et à la Roumanie par le fait que l’exclusion des opérateurs de transports routiers croates s’appliquera pour une première période de deux ans après l’adhésion (contre trois précédemment) et les opérateurs établis dans les autres Etats membres seront exclus des transports nationaux de marchandises en Croatie. L’acquis s’appliquera à la fin de la deuxième année, sauf si les Etats membres actuels ou la Croatie notifient à la Commission leur intention de prolonger cette période transitoire, ce qu’ils pourront faire pour deux années supplémentaires. La France n’aura donc pas à se prononcer dans l’immédiat sur son intention d’exclure les entreprises croates du cabotage routier sur son territoire national, le principe de l’exclusion s’appliquant de droit et dans tous les Etats membres jusqu’au 01/07/2015. A l’issue de cette période, les Etats qui le souhaiteront pourront, sur une base réciproque, continuer à appliquer cette exclusion vis-à-vis des entreprises croates jusqu’au 01/07/2017. La France fera connaître sa position le moment venu.
Quand bien même toutes les restrictions auraient été levées, un Etat membre pourrait, à tout moment durant cette période de quatre ans à compter l’adhésion, si des perturbations graves devaient survenir sur le marché du cabotage routier, demander une suspension partielle ou totale des activités dans ce domaine par la Croatie.
La période transitoire fonctionnera sur une base réciproque, la Croatie pouvant également l’imposer aux Etats membres.
C’est sous présidence française, en 2000, que l’Union a fixé les conditions encadrant l’octroi des périodes transitoires aux pays candidats d’Europe centrale et du sud de la Méditerranée. Elles sont strictes car les nouveaux membres ne doivent pas pouvoir échapper, sans raison forte, à leurs obligations communautaires.
Ainsi, de telles périodes ne doivent pas porter atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur ; elles doivent être limitées dans le temps, dans leur objet et dans leur portée ; enfin elles doivent être assorties d’un calendrier d’alignement sur l’acquis comprenant des étapes intermédiaires et incluant un plan de financement crédible et soutenable.
La Bulgarie et la Roumanie ont obtenu des périodes transitoires pour faire face à des difficultés d’alignement sur l’acquis dans sept chapitres. Ces difficultés avaient trait le plus souvent à la faiblesse de leurs capacités administratives, à la lourdeur des investissements à consentir ou aux conséquences politiques, économiques et sociales qu’un alignement brutal sur l’acquis pourrait entraîner. La Croatie a demandé et obtenu des périodes transitoires dans les huit chapitres suivants pour les mêmes raisons : « libre circulation des capitaux », « libre-circulation des marchandises », « agriculture », « sécurité sanitaire des aliments, politique vétérinaire et phytosanitaire », « transport », « fiscalité », « sécurité, liberté, justice » et « environnement ». Sans présenter en détail le contenu de ces mesures transitoires, qui consistent pour certaines à maintenir des produits sur le marché avec un étiquetage spécifique, certaines appellent un commentaire particulier.
C’est le cas s’agissant des acquisitions de biens immobiliers. En matière de libre circulation des capitaux, la Croatie, comme la Bulgarie et la Roumanie et certains Etats adhérents en 2004, a demandé le maintien de restrictions aux acquisitions de résidences secondaires, de terres agricoles et de forêts par les ressortissants communautaires non-résidents. Cette demande se justifie par la faiblesse des prix du marché mais aussi par la crainte du rachat de biens et du retour de populations qui ont dû quitter le pays à la fin de la Seconde guerre mondiale.
Les périodes de transition ainsi accordées par l’Union européenne ont été liées, en contrepartie, à la période transitoire de sept ans relative la libre circulation des travailleurs. La Croatie a ainsi obtenu de maintenir pendant une période de cinq ans à compter de la date d’adhésion des restrictions aux achats de terres pour une résidence secondaire et jusqu’à sept ans en ce qui concerne l’acquisition de terres agricoles, de forêts et de terres sylvicoles. Les ressortissants des Etats membres et de l’Espace économique européen qui résident légalement en Croatie ne sont pas concernés par ces dispositions, de même que les agriculteurs indépendants ressortissants d’un autre Etat membre qui « souhaitent s’établir et résider légalement » en Croatie. A l’expiration de la période transitoire, s’il existe un risque avéré de déséquilibre de son marché foncier agricole, la Croatie pourra demander à la Commission une prorogation de trois ans, le cas échéant uniquement sur certaines zones sensibles. Ces mesures transitoires feront l’objet d’un réexamen par l’Union au cours de la troisième année suivant la date d’adhésion, et ce, sur la base d’un rapport de la Commission.
En matière agricole, la Croatie a obtenu plusieurs périodes transitoires, notamment dans deux domaines sensibles. D’une part, elle disposera d’un délai d’un an pour mettre en place les dispositions du règlement (CE) n° 510/2006 relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires. D’autre part, un contingent tarifaire transitoire lui est accordé pour lui permettre d’importer du sucre de canne brut à des fins de raffinage tant que le contingent de sucre général de l’UE n’aura pas été renégocié à la hausse avec les pays exportateurs pour tenir compte de l’adhésion de la Croatie. Un quota spécifique lui permettra d’importer chaque année 40 000 tonnes de sucre brut au prix de 98 euros par tonne. Il faut souligner à quel point l’augmentation des droits de douane et le démantèlement des accords préférentiels bilatéraux que la Croatie avait conclus risque d’assécher l’approvisionnement des raffineries croates sur un marché contingenté concurrentiel, alors même que l’activité de raffinage du sucre revêt un poids économique important.
En matière de politique vétérinaire, On peut signaler certaines demandes liées à la frontière avec la Bosnie Herzégovine. En premier lieu, une période transitoire a été octroyée pour exempter de contrôles vétérinaires les produits croates qui transitent par le corridor de Neum, appartenant à la Bosnie Herzégovine et qui sépare deux parties du territoire croate, pour être réintroduits en Croatie. En second lieu, dans le cadre du chapitre « sécurité, liberté, justice », la Croatie a demandé et obtenu une période transitoire pour maintenir des points de passage commun à sa frontière avec la Bosnie-Herzégovine. Cette dérogation a été accordée dans la mesure où l’acquis (en l’espèce, le code des frontières Schengen) ne contient à ce jour aucune disposition régulant les postes frontières communs. En conséquence, la Croatie a obtenu la permission de maintenir ses propres règles jusqu’à ce qu’elle intègre l’espace Schengen ou que l’acquis soit modifié pour inclure des dispositions relatives à la gestion des postes frontaliers communs.
En matière de transports, l’UE a accordé deux périodes transitoires à la Croatie. La première lui permet de continuer à appliquer, jusqu’au 31 décembre 2016, les contrats de service public passés dans ce domaine avant la date d’adhésion. La seconde, courant jusqu’au 31 décembre 2014, lui permet, pour les liaisons maritimes internes, d’exclure tous les navires de moins de 650 tonnes ne battant pas pavillon croate. En réponse, s’ils estiment que leur marché interne des transports risque d’être gravement perturbé par l’adhésion de la Croatie, les Etats membres peuvent demander à la Commission d’adopter des mesures de sauvegarde envers les navires croates bénéficiant de la dérogation présentée supra.
Concernant les droits d’accises sur les cigarettes, période transitoire classique, l’Union a laissé jusqu’au 31 décembre 2017 à la Croatie pour augmenter progressivement leurs droits d’accises sur les cigarettes, avec un niveau minimal de 77 euros pour 1 000 cigarettes dès le 1er janvier 2014, selon les dispositions de la directive 92/79/CEE. Toujours en matière de fiscalité, la Croatie a par obtenu deux autres périodes transitoires : la première lui permettant d’exonérer de TVA la livraison des terrains à bâtir jusqu’au 31 décembre 2014 et la seconde lui permettant d’accorder la même exonération aux activités de transport international de voyageurs aussi longtemps qu’un autre Etat membre continuera à appliquer cette dérogation.
Concernant le chapitre « environnement », l’Union européenne a appliqué les mêmes principes que ceux utilisés pour les douze « nouveaux Etats membres » en accordant à la Croatie plusieurs périodes transitoires, en raison du coût très élevé d’alignement sur l’acquis. La dérogation transitoire la plus longue a été accordée sur l’application de la directive 91/271/CEE relative au traitement des eaux résiduaires urbaines en raison de la lourdeur des investissements à réaliser (échéance en 2023).
La Croatie a enfin obtenu une période transitoire particulière de quatre ans à la Croatie pour se conformer à la directive 2001/83/CE relative aux médicaments à usage humain, pour le maintien sur le marché des médicaments figurant un appendice à l’annexe V du traité dont la mise sur le marché avait été autorisée.
Les articles 40 à 44 de l’Acte d’adhésion organisent la mise en œuvre des périodes transitoires accordées à l’annexe V précitée et la prise éventuelle de mesures transitoires supplémentaires pour faciliter le passage du régime en vigueur en Croatie avant l’adhésion à celui appliqué dès son entrée dans l’Union. Ainsi, la mise en œuvre des dispositions de l’acquis faisant l’objet de périodes transitoires en Croatie ne pourra pas entraîner de contrôles aux frontières entre Etats membres pendant cette durée. S’agissant des règles de la PAC et de l’acquis vétérinaire et phytosanitaire, les dispositions transitoires seront ajustées à la réalité des progrès accomplis : de nouvelles périodes transitoires limitées pourront être fixées ou au contraire les restrictions pourront être levées. Concernant l’entrée et la sortie des marchandises transitant par le corridor de Neum, le Conseil pourra décider de lever les procédures transitoires. Enfin, le personnel statutaire communautaire affecté en Croatie avant le 1er juillet 2013 pourra être maintenu, pour une période courant jusqu’à 18 mois après l’adhésion de cette dernière.
LES MESURES TRANSITOIRES POUR CHAQUE TYPE D’AIDES
OU DE SECTEURS
Chapitre de négociation |
Objet de la dérogation |
Date de fin de la dérogation |
Libre circulation des travailleurs |
Possibilité pour les EM de fermer l’accès de leur marché du travail aux salariés croates |
Selon les situations : - 01/07/2015 - 01/07/2018 - 01/07/2020 |
Politique des transports |
Possibilité pour les EM d’interdire aux opérateurs routiers croates de pratiquer le cabotage sur leur territoire (et réciproquement) |
Selon les situations : - 01/07/2015 - 01/07/2017 |
Possibilité pour la Croatie de continuer à appliquer les contrats de service public passés avant l’adhésion |
- 31/12/2016 | |
Possibilité pour la Croatie d’exclure tous les navires de moins de 650 tonnes ne battant pas pavillon croate du marché des liaisons maritimes intérieures (possibilité réciproque) |
- 31/12/2014 | |
Libre circulation des marchandises |
Délai accordé à la Croatie pour se conformer à la directive 2001/83/CE relative aux médicaments à usage humain |
- 01/07/2017 |
Libre circulation des capitaux |
Possibilité pour la Croatie de maintenir de maintenir des restrictions aux acquisitions de terres agricoles par les ressortissants communautaires non-résidents |
- 01/07/2020 - Prorogeable jusqu’au 01/07/2023 |
Agriculture |
Octroi à la Croatie de la possibilité d’écouler certains produits commercialisés selon les règles nationales croates |
Jusqu’à écoulement des stocks existant à la date d’adhésion. |
Octroi à la Croatie d’un délai pour mettre en place les dispositions du règlement (CE) n° 510/2006 relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires |
- 01/07/2013 | |
Octroi à la Croatie de plusieurs dérogations pour la mise en conformité avec les dispositions du règlement (CE) n° 73/2009, obligeant les bénéficiaires d’aides directes dans le cadre de la PAC à respecter certaines exigences en matière de gestion |
Selon les situations, entre 2014 et 2018 | |
Octroi à la Croatie d’un quota spécifique lui permettant d’importer chaque année 40 000 tonnes de sucre brut au prix de 98 euros par tonne |
Jusqu’à ce que le contingent de sucre général de l’UE ait été renégocié à la hausse avec les pays exportateurs pour tenir compte de l’adhésion de la Croatie | |
Sécurité sanitaire des aliments, politique vétérinaire et phytosanitaire |
Possibilité pour la Croatie de continuer à commercialiser, sur son marché national et moyennant un étiquetage spécial, des produits ne respectant pas toutes les normes européennes |
- 31/12/2015 |
Possibilité pour la Croatie d’exempter de contrôles vétérinaires les produits croates transitant par le corridor de Neum pour être réintroduits sur le territoire croate |
Dérogation permanente sous réserve du respect d’un certain nombre de règles | |
Octroi à la Croatie d’un délai pour la mise aux normes des cages des poules pondeuses |
- 01/07/2014 | |
Fiscalité |
Octroi à la Croatie d’un délai pour aligner progressivement les droits d’accises sur les cigarettes sur le niveau fixé par la directive 92/79/CEE. |
- 31/12/2017 |
Possibilité pour la Croatie d’exonérer de TVA la livraison des terrains à bâtir |
- 31/12/2014 | |
Justice, liberté, sécurité |
Possibilité pour la Croatie de maintenir des points de passage commun à sa frontière avec la Bosnie-Herzégovine |
Jusqu’à ce qu’elle intègre l’espace Schengen ou que l’acquis soir modifié pour inclure des dispositions relatives à la gestion des postes frontaliers communs |
Environnement |
Octroi à la Croatie d’un délai pour l’application de la directive 91/271/CEE relative au traitement des eaux résiduaires urbaines |
Du 31 décembre 2018 au 31 décembre 2023 suivant la taille de l’agglomération |
Octroi à la Croatie d’un délai pour atteindre les objectifs de réduction des déchets municipaux biodégradables |
Réduction progressive jusqu’au 31 décembre 2020 | |
Octroi à la Croatie d’un délai pour mettre aux normes ses décharges publiques |
- 31/12/2017 | |
Octroi à la Croatie de plusieurs périodes transitoires pour appliquer l’ensemble de la réglementation de l’Union européenne en matière de prévention et de réduction intégrées de la pollution |
- Délais variables s’étendant jusqu’au 01/01/2018 maximum | |
Octroi à la Croatie d’un délai pour mettre en œuvre l’intégralité des règles de l’Union concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des produits chimiques |
- 01/01/2014 |
Source : Ministère des Affaires étrangères et européennes
En sus du mécanisme de suivi renforcé (cf supra), des clauses de sauvegardes sont prévues aux articles 37 à 39 de l’acte d’adhésion. Ces clauses reposent sur une idée simple. Si le candidat ne répond pas à certaines obligations, l’Union se laisse le droit de suspendre son entrée pour quelques domaines très précis. La Commission a proposé en fin de négociations d’insérer dans le traité d’adhésion de la Croatie trois clauses de sauvegarde, les mêmes que pour la Bulgarie et la Roumanie :
– une clause de sauvegarde économique générale : pendant une période maximale de trois ans à compter de la date d’adhésion « en cas de difficultés graves et susceptibles de persister dans un secteur de l’activité économique ou de difficultés pouvant se traduire par l’altération grave d’une situation économique régionale », cette clause permet à la Croatie d’adopter des mesures de sauvegarde permettant de rééquilibrer la situation et d’adapter le secteur intéressé à l’économie du marché intérieur. Dans les mêmes conditions, l’un des Etats membres actuels peut être autorisé à adopter de telles mesures de sauvegarde ;
– une clause portant sur la protection du marché intérieur, qui recouvre la totalité de l’acquis relevant du marché intérieur et notamment, au-delà des quatre libertés, la sécurité alimentaire : cette clause permet ainsi la prise de mesures appropriées, notamment en cas de crise sanitaire ou alimentaire ou de manquement grave aux obligations découlant de l’acquis. Ces mesures pourraient être la fermeture temporaire ou définitive d’établissements de transformation de produits animaux ou de postes d’inspection vétérinaire ou phytosanitaire frontaliers non conformes, la suspension de la libre circulation de produits animaux, le contrôle à destination... ;
– et une clause spécifique à l’espace de sécurité, de liberté et de justice. Si elle était invoquée, cette clause permettrait temporairement la suspension de la reconnaissance mutuelle des décisions de justice en matière civile et en matière pénale en cas de manquements graves au regard de normes essentielles relevant des libertés publiques, du fonctionnement judiciaire, de la liberté d’entreprise, de la lutte contre la corruption. C’est la France qui avait souhaité à l’époque que la portée de la clause de sauvegarde de l’article 39 soit étendue à la coopération judiciaire en matière civile.
En revanche, contrairement à ce qui avait été mis en place pour la Bulgarie et la Roumanie, le traité n’a pas prévu de dispositif permettant explicitement de repousser l’adhésion d’une année en cas de préparation insuffisante de la Croatie (report d’un an possible pour la Bulgarie et la Roumanie). Le Conseil conserve cependant la possibilité de prendre toutes les mesures appropriées, ce qui peut théoriquement inclure la décision de reporter l’adhésion.
Les clauses de sauvegarde permettent, dès le premier jour de l’adhésion et jusqu’à trois ans après cette date, de prendre des mesures pour remédier aux perturbations ou aux manquements graves qui pourraient être constatés dans trois domaines particuliers. Les mesures adoptées sur la base de ces clauses de sauvegarde invoquées avant la fin de la période de trois ans, pourront, si nécessaire, être appliquées au-delà de cette période. On doit enfin observer que les deux clauses de sauvegarde relatives à la protection du marché intérieur et dans le domaine de la Justice et des Affaires intérieures pourront être invoquées avant même l’adhésion, pour produire leurs effets dès le premier jour de celle-ci.
C’est la Commission européenne qui détermine dans tous les cas la nature des mesures de sauvegarde, leur proportionnalité, ainsi que leurs conditions et modalités d’application et d’abrogation. La clause générale de sauvegarde économique n’est invocable que par les Etats membres actuels ou la Croatie, tandis que la mise en jeu de la clause de protection du marché intérieur ou de la clause de sauvegarde relative au chapitre « Justice et Affaires intérieures » pourra être demandée par un actuel Etat membre ou la Commission elle-même.
C. LA PROCÉDURE DE RATIFICATION
L’article 49 du traité sur l’Union européenne rappelle que « les conditions de l’admission et les adaptations que cette admission entraîne en ce qui concerne les traités sur lesquels est fondée l’Union, font l’objet d’un accord entre les Etats membres et l’Etat demandeur. Ledit accord est soumis à la ratification par tous les Etats contractants, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. »
Conformément aux dispositions de son article 3, alinéa 3, le traité d’adhésion de la Croatie entrera en vigueur à compter du 1er juillet 2013, sous réserve que tous les Etats membres aient, à cette date, déposé leurs instruments de ratification. Dans le cas contraire, l’adhésion de la Croatie sera automatiquement reportée jusqu’à ce que tous les Etats membres aient bien procédé à la ratification. Une exception est prévue pour le dispositif de suivi renforcé de l’article 36 qui est entré en vigueur dès la signature du traité (cf supra).
Tous les Etats membres ont choisi de ratifier le traité d’adhésion de la Croatie par voie parlementaire. A ce jour, vingt Etats membre ont procédé à cette ratification et treize ont déposé les instruments de ratification. Exception faite de la Slovénie, tous les autres États membres ont entamé la procédure de ratification et ils se trouvent actuellement à différents stades de ce processus. Tous les États membres ont exprimé à plusieurs reprises leur engagement à la mise en œuvre de toutes les mesures nécessaires dans les délais, afin de permettre au Traité d’adhésion de Croatie à entrer en vigueur le 1er juillet 2013, comme prévu.
La Croatie a procédé à la ratification de son traité d’adhésion à l’UE par voie référendaire le 22 janvier dernier. Les électeurs croates se sont prononcés pour l’adhésion à 66,27 %, avec un faible taux de participation de 43,54 %. Ces chiffres ont été jugés un peu décevants compte tenu du fort soutien de la population à l’adhésion (plus de 80 %) pendant le processus de négociation. Jacques Rupnik, dans un entretien accordé au journal La Croix le 20 janvier 2012, voit dans ce recul les conséquences des difficultés rencontrées par la Grèce : « la Grèce a porté un coup fatal à l’élargissement dans les Balkans car elle a longtemps été présentée comme un modèle. Aujourd’hui c’est un repoussoir. Les pays de l’ex-Yougoslavie vont dorénavant devoir prouver qu’ils ne sont pas la Grèce. L’heure n’est plus à l’euro-rêverie mais à l’euro-réalisme. » La crise économique et la rudesse des négociations sont aussi en cause.
Mais qu’un scrutin donne une majorité des deux-tiers en faveur de l’adhésion reste, compte tenu des circonstances, tout à fait remarquable. Les Croates se sont prononcés en faveur d’une perte d’une partie de leur souveraineté quelques jours après le vingtième anniversaire de leur indépendance et cinq jours à peine après que l’OSCE a mis fin à la mission qu’elle avait entamée en Croatie en 1996. IL faut dire que l’opposition et la société civile ont été très largement associées à l’ensemble des négociations : un comité national de suivi des négociations, présidé par une personnalité issue de l’opposition et composé notamment de représentants du patronat, des syndicats, des universités, devait donner son accord formel et unanime sur toutes les positions croates dans les négociations, solidifiant un consensus profond sur l’adhésion, ses buts et ses modalités, qui offre de belles perspectives à la Croatie au sein de l’Union européenne pour les années à venir.
Etat |
Date de ratification |
Date de dépôt des instruments de ratification |
ALLEMAGNE |
||
AUTRICHE |
09/07/2012 |
08/08/2012 |
BELGIQUE |
||
BULGARIE |
17/02/2012 |
19/04/2012 |
CHYPRE |
03/05/2012 |
11/06/2012 |
DANEMARK |
||
ESPAGNE |
24/10/2012 |
|
ESTONIE |
12/09/2012 |
24/10/2012 |
FINLANDE |
18/12/2012 |
|
FRANCE |
||
GRECE |
30/10/2012 |
|
HONGRIE |
13/02/2012 |
22/03/2012 |
IRLANDE |
27/06/2012 |
08/10/2012 |
ITALIE |
28/02/2012 |
10/04/2012 |
LETTONIE |
22/03/2012 |
06/06/2012 |
LITUANIE |
26/04/2012 |
20/06/2012 |
LUXEMBOURG |
09/10/2012 |
|
MALTE |
05/03/2012 |
02/04/2012 |
PAYS-BAS |
||
POLOGNE |
04/10/2012 |
|
PORTUGAL |
21/09/2012 |
|
REPUBLIQUE TCHEQUE |
26/06/2012 |
04/07/2012 |
ROUMANIE |
03/07/2012 |
02/08/2012 |
ROYAUME-UNI |
||
SLOVAQUIE |
01/02/2012 |
19/03/2012 |
SLOVENIE |
||
SUEDE |
07/11/2012 |
|
CROATIE |
09/03/2012 |
04/04/2012 |
En France, la procédure de ratification d’un traité d’adhésion à l’Union européenne est, depuis la réforme constitutionnelle du 1er mars 2005, régie par l’article 88-5 de la Constitution qui conditionne toute adhésion à un accord de la population par référendum ou, depuis la nouvelle réforme du 23 juillet 2008, au vote favorable du Parlement à la majorité des trois cinquièmes. Cependant, l’article 88-5 ne s’appliquant qu’aux adhésions faisant suite à une Conférence intergouvernementale convoquée à partir du 1er juillet 2004, il ne concerne pas l’adhésion de la Croatie qui fait suite à une CIG convoquée par le Conseil européen des 16 et 17 juin 2004. Conformément à la procédure en vigueur à l’époque, ce sont donc les deux assemblées qui devront autoriser la ratification du traité d’adhésion. Les prochaines adhésions se dérouleront en revanche sous le régime de l’article 88-5.
Le problème du différend bancaire bilatéral entre la Slovénie et la Croatie a cependant ressurgi ces derniers mois et menace le processus de ratification. Suite à un communiqué du conseil de ministres croates mentionnant en effet les poursuites en cours devant les tribunaux, la réaction des autorités slovènes a été immédiate et quelque peu disproportionnée. La ministre croate des Affaires étrangères, Mme Pusic, a eu des paroles apaisantes et un accord a été conclu avec son homologue slovène début juillet, désignant deux experts pour étudier la question (experts qui viennent d’être nommés et pourraient se rencontrer fin août).
Malgré tout, fin juillet, le ministre slovène des Affaires étrangères, M. Erjavec, a établi un lien explicite avec la ratification du traité d’adhésion de la Croatie à l’Union européenne et demandé le retrait des plaintes déposées par les deux banques croates. En clair, il s’agit d’une forme de « chantage » par lequel M. Erjavec enjoint les Croates à renoncer à leurs prétentions financières en contrepartie de la ratification par le parlement slovène (par une majorité des deux tiers) du traité d’adhésion.
En juillet, chacun des deux pays a nommé un expert. Ces derniers se sont rencontrés en septembre puis en octobre afin de trouver une solution de conciliation. La dernière proposition en date consiste à saisir la banque des règlements internationaux (BRI) à Bâle, afin que celle-ci statue sur le différend. De plus, les Slovènes demandent maintenant aux Croates de retirer leur procuration aux deux banques qui ont intenté l’action en justice avant tout règlement devant la BRI. Or, avant même d’être saisie, la BRI a fait savoir qu’elle ne s’estimait pas compétente pour régler ce différend.
Le 6 novembre 2012, la Cour européenne des Droits de l’Homme a statué que la Slovénie est responsable de la restitution des anciens dépôts en devises étrangères des épargnants des succursales de la Ljubljanska banka hors du territoire slovène. Le ministre slovène des Affaires étrangères a décidé de faire appel de la décision. Le verdict de première instance a été rendu dans le cas de trois citoyens bosniens, mais aura vocation, si l’appel interjeté par la Slovénie n’est pas concluant, à faire jurisprudence. Les deux pays devront alors, dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle son arrêt deviendra définitif prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre aux requérants et à toutes les personnes dans la même situation ayant déposé leurs économies dans les succursales nationales des banques slovènes et serbes de récupérer leurs économies. Selon des analystes, cette décision permettrait à la diplomatie croate de parvenir plus facilement à un accord avec la Slovénie et accélérerait la ratification du traité d’adhésion croate.
Le 12 décembre 2012, plusieurs journaux croates ont annoncé que les deux experts étaient finalement parvenus à une solution qui aurait vu la Slovénie s’engager à rembourser la somme de 278,7 millions d’euros à la Croatie, cette dernière s’engageant en échange à renoncer aux intérêts qu’elle réclame actuellement (estimés à hauteur de 421 millions d’euros). Cette annonce a cependant rapidement été démentie par le gouvernement slovène.
Votre rapporteur ne peut qu’appeler le Gouvernement à intensifier le dialogue avec le gouvernement slovène pour que, comme dans le cas du différend frontalier, cet irritant soit traité de façon bilatérale et indépendamment du processus de ratification du traité d’adhésion. Il conviendrait à cet égard que la Slovénie engage ce processus dans les meilleurs délais. Le nouveau président slovène Borut Pahor semble disposé à débloquer le dossier. Cependant, les réunions d’expert n’ont à ce jour pas permis d’enregistrer un progrès alors que l’éventualité d’élection législatives anticipées en Slovénie pourrait rendre impossible l’adoption du projet de loi de ratification dans les délais.
En intégrant le premier pays issu de l’éclatement de la Fédération yougoslave qui ait connu un conflit armé d’ampleur, l’Union européenne renouvelle le but qui est le sien de consolider la paix à l’échelle du continent et de réconcilier les peuples. Cet élargissement va dans le sens de l’histoire. La perspective européenne de tous les pays des Balkans a encore été réaffirmée récemment par le Conseil.
Après l’adhésion, le prochain objectif stratégique pour la Croatie sera l’adhésion à l’espace Schengen. Les Croates, qui visent la date de 2015, sont conscients des efforts à faire dans le domaine du contrôle des frontières. Le problème se posera dès l’adhésion pour le transit des marchandises, notamment les exportations de produits alimentaires de la Bosnie, pays avec lequel les discussions se poursuivent, particulièrement sur le nombre et la localisation des points de contrôle en matière phytosanitaire par exemple. À plus longue échéance, la Croatie vise l’adoption de l’euro, même si, comme dans tous les pays européen, l’enthousiasme populaire pour la monnaie unique s’est effrité.
En tout état de cause, pour la Croatie, le chemin ne s’arrête pas le jour de l’adhésion et c’est sans doute ce qui doit être souligné. Nous accueillons un Etat convaincu de la nécessité de faire progresser l’Union européenne, qui manifeste un intérêt prononcé pour développer des solutions nouvelles et construire des politiques communes. C’est évident en matière de voisinage, avec le soutien aux adhésions, de politique étrangère, avec les positions prises à l’égard des terrains de crise, comme la Syrie, mais c’est aussi en matière d’évolutions de l’Union européenne, avec une perception positive d’une évolution vers une architecture différenciée qui permettra plus d’Europe et mieux d’Europe.
La Croatie affiche un soutien sans faille aux pays de la région pour leur adhésion à l’Union européenne. En réussissant à intégrer l’Union après un processus de négociations particulièrement rigoureux, elle leur prouve que le chemin est possible, que le projet européen demeure inclusif et leur prouvera demain – votre rapporteur en est persuadé – que les bénéfices à en escompter sont au rendez-vous. Elle élargit aussi la façade méditerranéenne de l’Union ce qui, à l’heure des bouleversements dans le monde arabe, est loin d’être négligeable.
Par ailleurs, l’élargissement ne doit pas se confondre, comme on l’entend malheureusement trop souvent, avec une dissolution du projet politique au profit de la généralisation d’une économie libérale porteuse de moins-disant social et de délocalisations. L’ouverture n’est pas un renoncement. Bien au contraire, l’élargissement, c’est la poursuite du projet de solidarité entre les peuples européens, qui permettra de consolider l’espace social, d’harmoniser les politiques et les niveaux de vie et, si l’on parvient à sortir de cette période d’ajustements brutaux, de construire une Europe unie. L’approfondissement de l’Union européenne est un défi important que nous devrons relever et nous pouvons compter sur la Croatie pour avancer dans cette voie.
Compte tenu des éléments qui précèdent, votre Rapporteur vous propose d’adopter le projet de loi relatif à la ratification du traité d’adhésion de la Croatie à l’Union européenne.
La commission examine, sur le rapport de M. Philip Cordery, le projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion de la République de Croatie à l'Union européenne (n°°582).
Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.
Mme la présidente Elisabeth Guigou. Merci pour ce rapport extrêmement complet, qui à la fois présente une vision stratégique des enjeux et apporte des informations très précises. Il montre bien que, dans les négociations d’adhésion, depuis toujours, l’Union Européenne est extrêmement attentive et va dans les moindres détails. Mais évidemment, les évolutions récentes l’amènent à être également beaucoup plus exigeante sur des dossiers clés tels que la justice, les affaires intérieures, l’espace Schengen et l’union économique et monétaire.
Je poserai deux questions. Concernant l’union économique et monétaire, vous avez souligné que l’on considérait que la Croatie en serait membre, comme tous les autres nouveaux adhérents d’ailleurs, puisqu’on ne leur laisse pas le choix, ce qui en soi se discute. Elle disposera d’une dérogation concernant l’adoption de l’euro. Qu’est-ce que cela veut dire concrètement : à quoi participera-t-elle et quel type de contrôle exercera-t-on sur sa politique économique avant qu’elle accède à l’ensemble des droits et devoirs qu’ouvre l’union économique et monétaire en voie de profonde transformation ?
Ma deuxième question porte sur le problème, que vous avez souligné, de l’accès à la mer dont dispose la Bosnie-Herzégovine au nord de Dubrovnik et qui coupe le territoire croate en deux. Lorsqu’il est venu à Paris, le Président croate a formulé le souhait que la France appuie la demande croate que soit dégagés des fonds européens afin de permettre à la Croatie de pouvoir relier les deux parties de son territoire par la construction d’un pont ou d’un tunnel. Le Président de la République a été positif dans sa réponse. Dispose-t-on d’éléments nouveaux à ce sujet ? Les modalités d’un tel financement sont-elles examinées au niveau de l’Union Européenne ?
M. Jean-Pierre Dufau. Je voudrais tout d’abord féliciter le rapporteur pour la qualité et la précision de son rapport, ainsi que pour son enthousiasme. Je voterais en faveur du projet de loi. Je formulerai néanmoins quelques remarques concernant la Croatie et son adhésion à l’Europe. On voit que cette marche d’intégration des états européens est inexorable, en particulier dans les Balkans et dans les pays de l’ex-Yougoslavie. Il faut le faire parce qu’il n’y a pas le choix et il faut donc reconnaître que l’on est en train d’abandonner les idées qui avaient émergé des fameux moratoires après les adhésions passées. Mais au-delà de cette course en avant, il faudrait que l’Europe elle-même en tire toutes les conséquences, sans quoi la démarche n’a pas de sens.
Je rappellerai tout de même que la Croatie, après la chute du mur de Berlin, est le premier État à avoir demandé son indépendance et à être reconnu, ce qui a entraîné un effet domino sur les pays de l’ex-Yougoslavie. En revanche, je n’aurais pas l’outrecuidance de rappeler ses alliances pendant la Seconde guerre mondiale ; il faut dépasser tout cela.
La Croatie est aujourd’hui l’un des pays les plus avancés de l’ancienne Yougoslavie et donc sur le plan des critères européens, on comprend effectivement l’avancée de ce dossier. Je rappelle toutefois que l’Europe avait donné le feu vert à la Grèce après une vérification de l’alignement. Je pense donc qu’il faut être à la fois ouvert et extrêmement prudent, en tout état de cause pas trop naïf.
Sur le domaine économique et monétaire, je partage les remarques qui ont été faites. J’y ajouterais tout le système bancaire, car l’évolution économique de la Croatie est tournée très fortement vers le tourisme, qui se substitue pour partie à certaines économies traditionnelles comme le chantier naval, et ce n’est pas toujours n’importe quelle forme de tourisme. Il faut être extrêmement vigilant sur les mouvements de capitaux, sur le blanchiment d’argent et sur ce que va devenir cette économie qui alimente quelque fois les films de James Bond.
D’autres remarques peuvent encore être formulées, notamment sur les circulations de produits douteux dans toute la région, y compris de personnes humaines, qui méritent que l’on s’y attache tout particulièrement et que l’on soit vigilant.
Je dis donc oui à la Croatie, mais l’on aura tout de même encore des problèmes avec le Kosovo et avec la Slovénie.
M. Axel Poniatowski. Mon intervention va un peu dans le même sens que celle de M. Dufau. Indéniablement, ce projet de loi est le plus important que nous ayons à examiner depuis le début de la session. Le groupe UMP votera pour, bien entendu, même si j’émets à titre personnel quelques réserves.
Comme le soulignait le Rapporteur, les négociations auront duré six ans, c’est-à-dire sensiblement plus que ce qui était prévu à l’origine. On voit bien que l’on peut émettre des réserves quant à savoir si la Croatie est tout à fait prête à adhérer, notamment sur les chapitres 23, 24 et 8, c’est-à-dire sur les droits fondamentaux, la justice et la politique de concurrence. Au vu d’ailleurs de la précipitation qu’il y avait eu pour l’approbation de l’adhésion pour la Roumanie et la Bulgarie, beaucoup d’entre nous ne sont pas totalement convaincus que la Croatie soit prête à adhérer aux règles de l’Union Européenne, notamment sur ces trois chapitres.
Je pense donc qu’il faut, pour les adhésions futures – vous parliez des trois pays qui ont le statut de candidat et pour lesquels les négociations ne tarderont pas à s’ouvrir, à savoir l’ancienne République yougoslave de Macédoine, le Monténégro et la Serbie – que nous soyons parmi ceux qui disent que nous prendrons le temps nécessaire à ce que ces pays soient réellement prêts à adhérer à l’Union Européenne. Le statut d’association s’appliquera le temps utile. Cela se justifie d’autant plus que la procédure de ratification qui sera applicable pour les prochaines adhésions sera différente, puisqu’elle nécessitera une approbation à la majorité des trois cinquièmes ou par référendum. Tout cela doit nous conduire à être encore plus rigoureux pour les prochaines adhésions.
Mme la présidente Elisabeth Guigou. C’est aussi mon avis : nous devrons être de plus en plus rigoureux
Mme Danielle Auroi. Je remercie le rapporteur pour la qualité de son exposé. Au-delà de ce qui vient d’être dit, il faut souligner le symbole que représente l’entrée dans l’Union européenne du premier Etat des Balkans occidentaux. Quand on pense au rôle qu’on eu les Balkans dans les guerres européennes, l’entrée de la Croatie est la preuve que l’Europe est encore un « espace de paix » et les écologistes s’en félicitent. Toutefois, cela ne dispense pas de faire attention.
La Croatie a une démarche plutôt exemplaire, y compris dans une logique d’approfondissement de l’acquis communautaire. Cela peut servir de modèle aux autres pays candidats des Balkans. Ce que l’Assemblée nationale et le Bundestag avaient fait avec la Croatie, ils s’apprêtent à le faire avec La Serbie au travers d’un déplacement à Belgrade en avril pour rappeler quels sont les devoirs des Etats qui entrent dans l’Union et pas seulement leurs droits.
Je souhaiterais évoquer enfin la question de la mobilité des travailleurs, croates mais pas seulement. Il faut rappeler que les droits qui s’appliquent sont ceux du pays d’accueil et non pas du pays d’origine, mais c’est aussi auprès des entreprises françaises qu’il faut tenir ce discours.
Mme la présidente Elisabeth Guigou. C’est la question de la directive sur les travailleurs détachés qui aurait besoin d’être améliorée encore. Heureusement, nous avons a progressé et on n’est plus sur la logique de la directive Bolkenstein qui consacrait la règle du pays d’origine, une monstruosité libérale. Malgré tout, seule la moitié du chemin est fait car si la rémunération est celle du pays d’accueil, il n’en est rien en ce qui concerne les cotisations sociales. Nous allons devoir travailler sérieusement sur ce sujet car s’il est un sujet pour l’Europe sociale, c’est celui de la lutte contre la concurrence par le dumping fiscal et social.
M. Jacques Myard. La Croatie sera le 28ème Etat à entrer dans l’Union européenne. Plus on est de fous plus on rit ! Je veux rappeler que la Croatie, grâce au soutien de certains milieux bavarois, a joué un rôle essentiel dans le démantèlent de l’ex-Yougoslavie. Son adhésion, qu’on le souhaite ou non, renforce le poids des milieux d’affaires allemands. Par ailleurs, je me souviens que lors du passage de 15 à 27 Etats membres, le président Giscard d’Estaing avait dit qu’il fallait faire différemment et que le quantitatif posait le problème du qualitatif. Le passage à 28 et demain à 29 ou 30 pose le problème de l’organisation de l’Europe, qu’il n’est pas possible de résoudre dans le cadre des traités actuels. Je salue l’entrée de la Croatie car sur le plan politique c’est inéluctable, dès lors que l’on décide de coopérer ensemble. Il n’en demeure pas moins que l’on est désormais au pied du mur… comme on le disait jadis à Berlin.
M. Jean-René Marsac. Nous sommes tous favorable à l’entrée de la Croatie dans l’Union européenne. Toutefois, le rapporteur a dit qu’il avait été fait le choix d’adhésions pays par pays et c’est un choix qu’il est difficile de comprendre. On parle peu de la Bosnie-Herzégovine parmi les futurs adhérents car elle n’est manifestement pas prête. On lui demande une réforme constitutionnelle qu’elle est incapable de mettre en œuvre. Son fonctionnement institutionnel a été imposé au moment du règlement du conflit. La République serbe de Bosnie veut son autonomie. Je crains une situation où tous les anciens belligérants adhéreraient à l’Union européenne à l’exception de la Bosnie. Il est regrettable de ne pas avoir choisi l’entrée de l’ensemble pays. La Bosnie est très liée à la Turquie. Je me suis rendu à plusieurs reprises à Srebrenica et les Turcs y sont très présents. Je n’imagine pas une extension de l’Union européenne dans cette région ne réglant pas le problème de la Bosnie.
Mme la présidente Elisabeth Guigou. Il ne faut pas, non plus, sous-estimer les questions religieuses. Je me souviens qu’à peine quinze jours après la signature du traité de Maastricht qui était censé instituer une politique étrangère et de sécurité commune, l’Allemagne avait reconnu unilatéralement la Croatie, sous la pression de la CSU et du Vatican mais aussi des 500.000 Croates catholiques réfugiés en Bavière. Le Chancelier Kohl avait d’ailleurs dit au président Mitterrand qu’il en était désolé. Il ne faut rien occulter mais il faut reconnaître que la perspective d’une adhésion à l’Union européenne a rendu ces questions moins aiguës qu’il y a 20 ans. Les rappels historiques ne doivent pas nous figer en arrière.
M. François Asensi. Je serai bref. Avec Alain Bocquet, nous nous abstiendrons.
M. Pierre Lellouche. L’entrée de la Croatie dans l’Union européenne est un moment émouvant. Toutefois, au moment où le Royaume-Uni s’apprête à en sortir, on voit que l’Europe s’enrichit… Mon expérience ministérielle avec la Roumanie et la Bulgarie m’a montré que ces pays ne sont pas prêts. Je crains que nous ratifiions sous la pression de la machine bruxelloise qui coche des cases sans tenir compte de la réalité.
Je suggère que notre Commission émette un vœu lors de la ratification car c’est le moment de soulever certaines questions institutionnelles. Lorsque la France a besoin de ses partenaires européens – je pense au Mali –, il n’y a personne ! Il faut profiter de l’occasion qui nous est offerte pour rappeler les choses. Il faut arrêter de se gargariser avec les mots. Nous connaissons les canaux technocratiques et il faut nous adresser à l’opinion publique. La France est en train de traiter un problème qui concerne la sécurité de l’ensemble de l’Europe et il n’y a personne. Nous devrions déposer une résolution. De même, on ne peut pas aller à Berlin la semaine prochaine sans signifier à notre partenaire allemand qu’il nous laisse seul.
En outre, je constate que l’ex-Yougoslavie va désormais avoir deux commissaires européens, soit un poids bien disproportionné par rapport à la France. Pour ceux qui connaissent ces pays, on marche sur la tête ! Tous ces processus sont dictés par des canaux technocratiques. En Roumanie et en Bulgarie, il n’y a pas encore d’Etat de droit. Je crois vraiment que notre Commission devrait faire un « rappel au règlement », à l’objectif de la construction européenne.
Mme la présidente Elisabeth Guigou. Je peux partager certaines des observations qui ont été faites. Un petit rappel historique est toutefois nécessaire : qui, de lui-même, avant même que ne commence la négociation du traité d’Amsterdam, a renoncé au deuxième commissaire français ? C’est Jacques Chirac. Cet abandon d’un atout décisif avant toute négociation n’a donc pas résulté d’un engrenage bureaucratique, mais d’une décision politique. Pour le reste, nous aurons demain un débat qui pourra servir à exprimer, notamment, les réserves que nous venons d’entendre.
M. Paul Giacobbi. Je ne vais pas m’étendre sur l’histoire et sur les solidarités bavaro-vaticano-croates qui ont été évoquées. Quand un bateau, comme c’est actuellement le cas de l’Union européenne, ne sait manifestement pas quelle route il doit suivre, est-ce le moment d’accueillir un nouveau passager ? L’UE ressemble de plus en plus à ce que les Chinois disaient du mariage : ceux qui sont dedans veulent en sortir et ceux qui sont dehors veulent y rentrer. C’est comme une forteresse assiégée…
L’entrée de la Croatie présentait-elle un caractère inéluctable ? Seulement dans la mesure où est inéluctable l’action de technocrates qui cochent des cases. Il semblerait que cette adhésion doive être suivie de celle de la Bosnie, de la Serbie, de la Macédoine, etc. Nous aurons ainsi toutes les anciennes colonies turques et il serait alors plus cohérent d’accueillir leur ancienne métropole. Bref, je partage le point de vue de Pierre Lellouche sur l’opportunité d’émettre une résolution.
M. Jean-Paul Bacquet. Je partage les observations qui ont été faites sur les conséquences désastreuses de la reconnaissance prématurée de l’indépendance de la Croatie. Pourquoi devons-nous intégrer les pays balkaniques dans l’Union européenne ? Le projet de rapport nous le rappelle : il y a une grande ambition européenne de stabilisation des Balkans. Je crains que cela ne reste un vœu pieu et j’observe d’ailleurs que le Conseil des affaires générales du 11 décembre dernier a adopté une position plutôt prudente sur les futurs élargissements. Toujours est-il qu’il y avait une ambition politique qui impliquait l’adhésion de l’ensemble des pays balkaniques afin de les stabiliser et qu’avec cette adhésion de la Croatie toute seule, nous n’avons pas le résultat d’un choix politique, mais d’une démarche technocratique. Cela ne règlera pas le problème politique et je ne me sens pas concerné ; je ne voterai donc pas ce projet de loi.
M. Thierry Mariani. Je voudrais tout de même observer que le processus d’adhésion de la Croatie a été plus sérieux que pour la Bulgarie et la Roumanie. Cela étant, le fait qu’après cette adhésion, un quart de l’ex-Yougoslavie aura deux fois plus de commissaires européens que la France me paraît montrer les limites de l’architecture européenne actuelle. Je pense donc que notre commission doit marquer par une résolution son inquiétude quant à un processus qui fragilise l’édifice européen.
M. François Loncle. Je ressens également un malaise, mais pas pour les mêmes raisons que certains des orateurs qui m’ont précédé. N’oublions pas que l’Union européenne a d’abord été conçue pour établir la paix en Europe et que cela a parfaitement fonctionné depuis soixante ans. L’aspiration des candidats à l’Europe, c’est également d’être désormais à l’abri des conflits. Il y a d’ailleurs une contradiction politique dans certains propos que j’ai entendus. Quand on prononce de tel réquisitoire, il faut être cohérent et voter contre le texte ! Je dois également ajouter que je n’ai pas entendu des propos aussi durs au moment de l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, alors même que le processus s’agissant de la Croatie a été beaucoup plus long, beaucoup plus sérieux et que les observateurs s’accordent pour estimer que ce dernier pays est aujourd’hui beaucoup mieux préparé que ne l’étaient la Bulgarie et la Roumanie et qu’ils ne le sont même à ce jour.
M. Michel Terrot. Je suis d’accord avec Pierre Lellouche sur la nécessité de marquer nos interrogations. Nous sommes en train de nous engager au Mali tous seuls et dans le même temps il faudrait contribuer toujours plus à l’Union européenne sans aucun retour dans le champ de la solidarité politique et militaire. Je ne sais pas si cela relève de la commission, du Parlement, du Gouvernement, et comment il faut faire, mais il est clair qu’un signal doit être donné sur le caractère inacceptable de cette situation.
Mme Estelle Grelier. Le rapport de Philip Cordery est très intéressant et détaillé, notamment sur les enjeux budgétaires. Ceux-ci sont importants, le plafond d’engagement des dépenses liées à l’adhésion de la Croatie étant estimé à 687 millions d’euros pour 2013. A quelques semaines du Conseil européen extraordinaire sur les perspectives budgétaires, il est important de rappeler qu’il est impossible de poursuivre l’élargissement de l’Union à budget constant tout en prétendant mener des politiques de plus en plus intégrées.
M. Serge Janquin. Je voudrais faire part de ma perplexité, voire de ma consternation. Philip Cordery a présenté un excellent rapport, puis, au fil des interventions, on a entendu des réserves de plus en plus fortes. La Croatie respecte les critères permettant d’adhérer à l’Union européenne ; ce n’est pas à l’occasion du débat sur son adhésion que nous pouvons faire part des réserves que nous inspire éventuellement l’évolution de la construction européenne, la Croatie n’ayant aucune responsabilité dans les problèmes de fonctionnement de l’Europe. Si nous voulons lancer une alerte sur ce point, ce ne peut donc être que dans le cas d’un débat spécifique.
M. François Rochebloine. Je voudrais également m’associer aux propos de François Loncle, qui a appelé à plus de sérénité dans le débat.
Mme la présidente Elisabeth Guigou. Je rappellerai d’abord un point de procédure. Les commissions n’adoptent pas de résolution politique, au sens de l’article 34-1 de la Constitution : une proposition de résolution peut-être déposée par un député et ensuite examinée en séance publique mais sans intervention d’une commission telle que la nôtre.
Je voudrais également rappeler que sous la précédente législature, la commission des affaires européennes avait adopté, en application de l’article 88-4 de la Constitution, une résolution européenne favorable à l’adhésion de la Croatie.
M. le rapporteur. En réponse à vos interventions, je voudrais d’abord revenir sur les évocations historiques qui ont été faites. Pour adhérer à l’Union européenne, un Etat doit respecter certains critères à une date donnée, mais n’a pas à présenter une histoire exemplaire. Sinon la communauté européenne n’aurait jamais été créée avec comme pays fondateur l’Allemagne… La Croatie est aujourd’hui un pays démocratique et peut parfaitement adhérer.
Deuxième point, il n’y a jamais eu un élargissement aussi bien préparé que l’a été celui-ci. Et il est faux de dire que tout cela a été une affaire de bureaucrates. Car la Commission a constamment rendu compte de son travail de surveillance au Conseil, c’est-à-dire aux gouvernements. Ce sont bien les gouvernements qui ont décidés. Dire le contraire, c’est méconnaître le processus décisionnel européen.
La Croatie participera au mécanisme de coordination et de surveillance, mais pas à l’euro. L’important est que l’euro soit accessible à tous ceux qui respectent les règles prévues : ce n’est pas un club fermé.
Des négociations sont en cours sur l’accès à la mer. Elles ont pris du retard, notamment car il n’y avait pas d’interlocuteur très clair en Bosnie-Herzégovine, mais la situation a évolué et l’on devrait maintenant se diriger plus rapidement vers un accord sur le financement d’un ouvrage.
Comme je le rappelle dans mon rapport, des mesures ont été prises et des vérifications ont été réalisées sur les questions de blanchiment d’argent et de corruption. Par ailleurs, ce sont des sujets sur lesquels la Commission aura encore à se prononcer d’ici au 1er juillet 2013.
Si les négociations ont pris du temps, c’est avant tout le signe que l’adhésion a été bien préparée, même s’il est vrai aussi qu’il y a eu du retard à cause de différends bilatéraux avec la Slovénie. Une même exigence vaudra pour le Monténégro ou d’autres pays.
Exception faite de la Slovénie, la Croatie est le premier des pays touchés par la dernière guerre importante que nous ayons connue en Europe à adhérer à l’Union européenne. Même si l’Europe ne se résume pas à la paix, c’est aussi un symbole.
La mobilité des travailleurs est un sujet sur lequel nous travaillons au sein de la Commission des affaires européennes et Mme la présidente a rappelé à juste titre que le respect des droits des travailleurs en droit européen est un sujet de préoccupation pour la nouvelle majorité – il s’agit d’en finir avec la course au moins-disant social et le « post-Bolkenstein ».
Je prends acte des propos de François Asensi.
L’approfondissement et la poursuite de l’intégration, évoqués par Jacques Myard, Pierre Lellouche et Thierry Mariani, sont de vraies questions dont nous avons eu l’occasion de débattre à propos du dernier traité européen et sur lesquelles nous continuons à travailler à la Commission des affaires européennes. La nouvelle majorité est déterminée à ce que nous avancions et, au demeurant, la Croatie peut être un allié – elle s’est déclarée prête à une intégration différenciée, comme la France.
Il faut être attentif à ne pas multiplier les petits Etats – d’où la position de la France sur le Kosovo –, mais il faut bien tenir compte de ceux qui existent. A nous de négocier une juste représentation au sein des instances européennes. La Croatie ne sera pas surreprésentée au Conseil ; quant à la Commission, Mme la présidente a déjà apporté une réponse.
Si une autre option a été choisie pour l’élargissement, c’est que la décision de prendre des pays par bloc ne s’est pas révélée satisfaisante. Tous les pays concernés n’étant pas au même niveau de préparation, une approche plus personnalisée était nécessaire pour ne pas bloquer les plus avancés d’entre eux. Dans le même temps, la vocation européenne de l’ensemble des Balkans a été rappelée et l’intégration de la Croatie démontre que si les efforts sont faits les pays seront accueillis.
La question de la religion ayant été évoquée, je tiens à dire qu’elle ne doit pas tenir lieu de critère pour l’adhésion à l’Union européenne, qui est un ensemble ouvert. La Bosnie et l’Albanie ont la même vocation que d’autres Etats à appartenir à l’Union pourvu que les critères soient remplis et que les pays soient prêts.
La question de la stabilisation est effectivement importante. Je rappellerai seulement que l’adhésion de la Croatie résulte d’un choix politique réalisé par le Conseil au début du processus et consistant à ouvrir l’élargissement aux Balkans.
Je ne peux que souscrire aux propos d’Estelle Grelier sur la nécessité d’élargir le budget de l’Union européenne. C’est un vrai débat, en cours dans d’autres instances.
M. Pierre Lellouche. L’histoire n’est pas un critère pour entrer dans l’UE. Mais puisqu’on a construit l’UE à cause de l’histoire, il n’est pas absurde de parler de l’histoire de la Croatie au moment où on ratifie son adhésion.
Par ailleurs, les Etats peuvent-ils s’opposer à la Commission ? Je l’ai fait quand j’étais au gouvernement. J’ai stoppé l’entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans Schengen. Mais c’est toujours difficile pour un Etat d’arrêter la machine infernale cotonneuse de la Commission ; les autres Etats ont tendance à faire porter la responsabilité sur celui qui dit la vérité.
Je voudrais dire, très amicalement, à notre Présidente, qu’elle a raison en ce qui concerne Jacques Chirac. Mais elle sait qu’à mesure des élargissements, chaque nouvel Etat membre veut son commissaire. Le système actuel, un Etat-un commissaire, est ingérable. Il y a vingt-huit commissaires alors qu’il en faudrait beaucoup moins pour que ça fonctionne. Il n’y a pas de collégialité ni d’homogénéité dans la Commission.
Je souhaiter évoquer un dernier point s’agissant de ma proposition de résolution. La solitude de la France au Mali pose problème pour tout le monde, et méritait à mon sens une résolution bipartisane, cosignée par la majorité et l’opposition. Je souhaite que cela soit un signal envoyé par la Commission, ce n’est pas un problème de droite face au gouvernement de gauche, c’est un problème de la France par rapport à ses partenaires.
Mme la présidente Elisabeth Guigou. Je souscris entièrement aux réponses de Philip Cordery aux diverses interventions. Ne mélangeons pas les sujets. Il ne s’agit pas de nier l’histoire, mais il ne faut pas rester bloqué dessus. Tout ce que j’ai vu de la Croatie dernièrement, lors de la visite du Président et de sa ministre des affaires étrangères, va dans le sens de ce que souhaite la France. Nous voulons une Europe qui soit consciente et fière d’elle-même. La Croatie m’a semblé être dans cette optique, donc je pense qu’elle sera, une fois entrée, un élément de consolidation et un allié pour nous à cet égard.
Que cette nouvelle adhésion pose des problèmes de gouvernance de l’UE, c’est évident. Mais ne faisons pas porter sur la Croatie la responsabilité de choses que nous ne savons pas faire parce que la volonté politique a souvent été défaillante dans le passé. A l’occasion de cette adhésion, posons-nous les questions pertinentes. Par exemple, il faut laisser l’UEM accessible aux nouveaux entrants. Mais cela ne veut pas dire qu’on doive la rendre obligatoire pour tous, or c’est le cas aujourd’hui ! Il faut vraiment y réfléchir car je pense que nous allons renforcer l’UEM, ce qui impliquera une intégration plus grande et des exigences plus fortes. Quant à ce qui se passe au Mali, la France est fondée à demander à ses partenaires européens certaines choses, dès lors qu’elle prend en charge, par son intervention militaire, une partie de la défense du territoire européen.
Mais encore une fois, ne mélangeons pas tout. Je vous invite donc à voter pour ce rapport.
Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 582).
TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Article unique
(Non modifié)
Est autorisée la ratification du traité relatif à l'adhésion de la République de Croatie à l'Union européenne (ensemble neuf annexes et un protocole), signé à Bruxelles le 9 décembre 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.
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NB : le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n 582).