N° 627 - Rapport de M. Alain Bocquet sur la proposition de résolution de M. Alain Bocquet et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur la situation de la sidérurgie française et européenne dans la crise économique et financière, et sur les conditions de sa sauvegarde et de son développement (99)




N
° 627

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 janvier 2013.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION tendant à la création d’une commission d’enquête sur la situation de la sidérurgie française et européenne dans la crise économique et financière, et sur les conditions de sa sauvegarde et de son développement (n° 99).

PAR M. Alain BOCQUET,

Député.

——

Voir le numéro : 99.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I.— LA RECEVABILITÉ JURIDIQUE DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION 7

II.— SITUATION DE LA SIDÉRURGIE EN FRANCE ET EN EUROPE 8

A.— SITUATION DE LA FILIÈRE SIDÉRURGIQUE EN FRANCE 8

1. La sidérurgie au cœur de l’appareil industriel français 8

2. Une filière qui sera sinistrée si l’on n’y prend pas garde 8

B.— LA SIDÉRURGIE EUROPÉENNE DANS UN CONTEXTE DE CRISE 9

1. Un contexte européen dégradé 9

2. Une concurrence mondiale exacerbée 10

C.— ARCELORMITTAL 11

II.— DES SOLUTIONS EXISTENT DONT AUCUNE NE DOIT ÊTRE NÉGLIGÉE 12

A.— METTRE L’INNOVATION AU POUVOIR 12

1. La crise ne concerne pas de la même façon les différents aciers 12

2. Le projet ULCOS demeure viable 12

B.— LE POLITIQUE NE DOIT PAS FUIR SES RESPONSABILITÉS 13

EXAMEN EN COMMISSION 17

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 25

AMENDEMENT EXAMINÉ PAR LA COMMISSION 27

MESDAMES, MESSIEURS,

Dans un contexte de désindustrialisation dont la France, comme d’autres pays, mesure les conséquences désastreuses, il n’est que temps de relever le défi et de travailler ensemble à la sauvegarde de notre outil industriel. La sidérurgie, par son histoire, sa place dans l’économie et les perspectives d’avenir qu’elle offre doit être le fer de lance de ce combat.

Aujourd’hui, la sidérurgie au sens strict emploie 45 000 personnes, les emplois induits, 30 000, soit 75 000 emplois salariés en France au total. La main-d’oeuvre salariée du secteur n’a cessé de décroître fortement entre les années 1970 et 2000 du fait des grandes restructurations menées à cette époque, à un rythme moins soutenu depuis une dizaine d’années.

Parallèlement, la part de la sidérurgie française dans la production mondiale est en recul constant. Elle a diminué très rapidement entre 1950 et 1980, pour se stabiliser autour de 10 à 12 % de la production totale européenne et ne compte plus aujourd’hui que pour 1 % dans la production mondiale d’acier. En vingt ans, elle est passée du 9e au 15e rang mondial.

Cependant, la filière sidérurgique représente une faible proportion de l’emploi industriel français. L’importance de la sidérurgie dans l’économie résulte moins de sa taille que de sa place dans la chaîne de production, parce qu’elle est le fournisseur direct ou indirect de l’industrie métallurgique, elle-même productrice de biens intermédiaires, des fabricants de biens d’équipement, de l’industrie du bâtiment et des travaux publics et de beaucoup de fabricants de biens de consommation.

L’industrie sidérurgique revêt un caractère éminemment cyclique, soit du fait de l’évolution de la demande sur les marchés, soit, parfois, de la baisse de la production d’acier programmée par les industriels eux-mêmes afin de faire monter les prix des produits.

Cependant, il est paradoxal de dire que la sidérurgie se trouve par moments en surcapacité de production alors que la demande ne laisse pas d’augmenter. 165 millions de tonnes d’aciers ont été produits en 2012 et la demande attendue pour 2014 est estimée à 180 millions de tonnes.

Las avatars récents d’ArcelorMittal illustrent à l’envi ce que peuvent être les dérives auxquelles conduit la seule recherche du profit le plus immédiat : fermeture de site, investissement dans les mines au détriment de l’outil de travail mais surtout, absence totale de perspectives réfléchies à terme.

Le politique et donc les élus que nous sommes doivent prendre leurs responsabilités et apporter des réponses concrètes et efficientes aux questions posées Et cette action sera d’autant plus forte qu’elle sera européenne ; il n’est que temps de se remémorer la Communauté européenne du charbon et de l’acier.

La commission d’enquête concernera aussi les filières de l’aluminium et du cuivre. Il est clair qu’il ne s’agit pas de remâcher le passé mais de travailler tous ensemble à ouvrir des perspectives à notre outil industriel.

I.— LA RECEVABILITÉ JURIDIQUE DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Ÿ Le chapitre IV du Règlement de l’Assemblée nationale (articles 137 à 144-2) fixe notamment les règles habituelles d’examen des propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête.

À ce titre, les propositions de résolution doivent :

– déterminer précisément les faits devant donner lieu à enquête ou les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion (article 137) ;

– ne pas avoir le même objet qu’une commission d’enquête – ou qu’une mission d’information bénéficiant des prérogatives d’une commission d’enquête – qui a rendu ses travaux dans les douze mois qui précèdent (article 138) ;

– ne pas porter sur des faits pour lesquels des poursuites judiciaires sont en cours (article 139).

Ces principes se conjuguent avec les objectifs que doivent poursuivre les commissions d’enquête en vertu de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

Elles sont formées pour recueillir des éléments d’information sur :

– des faits déterminés ;

– ou la gestion des services publics ou des entreprises nationales.

Ÿ La présente proposition de résolution satisfait aux exigences des dispositions du Règlement de l’Assemblée nationale :

– L’article 137 de ce Règlement dispose que les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête doivent déterminer avec précision les faits qui donnent lieu à enquête. En l’occurrence, les faits sont amplement avérés puisqu’il s’agit d’enquêter sur la situation et les perspectives de l’un des piliers de l’industrie française et européenne, la sidérurgie, ainsi que du sort de milliers de travailleurs ;

– par ailleurs, et conformément aux dispositions de l’article 138 du même Règlement, aucune commission d’enquête ou mission effectuée dans les conditions prévues par l’article 145-1 n’a effectué sur le même sujet depuis douze mois ;

– enfin, la dernière condition de recevabilité d’une proposition de résolution concerne le respect du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs législatif et judiciaire, lequel interdit aux assemblées parlementaires d’enquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. Cette condition est satisfaite puisqu’aucune procédure en cours n’entre dans le champ d’étude proposé, ainsi que l’a indiqué par courrier, le 15 novembre dernier, Mme le Garde des sceaux, ministre de la justice, au Président de l’Assemblée nationale.

II.— SITUATION DE LA SIDÉRURGIE EN FRANCE ET EN EUROPE

La sidérurgie au sens strict emploie 45 000 personnes, les emplois induits, 30 000, soit 75 000 emplois salariés en France, dont la moitié au sein du groupe ArcelorMittal.

Si la filière ne représente que 2 % de l'emploi industriel, le rapport fait par M. Pascal Faure (1), montre que son importance "dans l'économie résulte moins de sa taille que de sa place dans la chaîne de production, comme fournisseur direct ou indirect de l'industrie métallurgique (...), des fabricants de biens d'équipement, de l'industrie du bâtiment (...) et de beaucoup de fabricants de biens de consommation".

Il s’agit d’une industrie stratégique pour le pays dont dépendent bien des branches d’activité situées en aval. Ainsi dans le secteur de l’automobile, pour lequel l’amélioration de la qualité des aciers automobiles est un élément déterminant dans les performances de consommation des véhicules. Sur le site de Saint-Chely d’Apcher en Lozère, 90 millions d’euros sont investis afin de développer de nouveaux types d’acier destinés aux véhicules électriques. Le groupe indien Tata Steel a investi dans la vallée de la Fensch, en Moselle, pour produire ses rails de TGV et de tramway de 108 mètres, alors qu’il licenciait en Grande-Bretagne.

Les chiffres de l’emploi et de la production de la filière sont en diminution depuis les grandes restructurations qui ont été conduites dans les années 1970. Parallèlement, la part de la sidérurgie française dans la production mondiale est en recul constant. Elle a diminué très rapidement entre 1950 et 1980, pour se stabiliser autour de 10 à 12 % de la production totale européenne et ne compte plus aujourd’hui que pour 1 % dans la production mondiale d’acier. En vingt ans, elle est passée du 9e au 15e rang mondial.

Production d’acier brut en Europe en 2011 par rapport à 1975

Espagne

139 %

Italie

131 %

Allemagne

110 %

Benelux

84 %

France

73 %

Royaume-Uni

47 %

Source : Ministère du redressement productif

Cette évolution désastreuse est due au mouvement de désindustrialisation que connaît la France depuis quelques décennies. La vitalité de la filière sidérurgique dépend de celle des secteurs qu’elle alimente en aciers.

De manière globale, la consommation française d’acier, comme européenne, est essentiellement dirigée vers le secteur de la construction, ainsi que vers l’automobile, comme le montre le tableau suivant :

Parts de marché de la consommation européenne d'acier

 

% de la consommation totale

Construction

27

Automobile

16

Mécanique

14

Tubes

12

Produits métalliques (dont emballage)

12

Construction métallique

11

Électroménager

4

Divers

3

Naval

1

Source : rapport précité de M. Pascal Faure

Sur le plan européen, cette perte de parts de marché, qui correspond à un déclin de la production de 27 % par rapport à son niveau de 1975 (cf. tableau ci-dessous), s’est faite au profit de l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie dont la production a augmenté simultanément. L’évolution de la production d’acier reflète dans une certaine mesure les évolutions économiques nationales sur la même période.

Production d'acier européenne (UE, 27 membres), en millions de tonnes.

Source : rapport précité de M. Pascal Faure

L’industrie sidérurgique revêt un caractère éminemment cyclique, soit du fait de l’évolution de la demande sur les marchés, soit, parfois, de la baisse de la production d’acier programmée par les industriels eux-mêmes afin de faire monter les prix des produits. En tout état de cause, la sidérurgie est confrontée à des difficultés tant structurelles que conjoncturelles comme l’a montré la crise de 2008. Cependant, il est paradoxal de dire que la sidérurgie se trouve par moments en surcapacité de production alors que la demande ne laisse pas d’augmenter. 165 millions de tonnes d’aciers ont été produits en 2012 et la demande attendue pour 2014 est estimée à 180 millions de tonnes. Par ailleurs, et comme le montre le tableau figurant à la page précédente, les débouchés de l’acier sont nombreux et pérennes. La situation de la sidérurgie a été dégradée par la hausse du prix du minerai de fer et du charbon à coke. Le cours du charbon a été multiplié par quatre entre 2000 et 2012, et celui de minerai de fer par huit, si bien que la part des matières premières dans le coût de l’acier est passée de 40 à 70 % entre 2003 et 2011.

Production d’acier par pays, en millions de tonnes

Source : rapport précité de M. Pascal Faure

Selon M. Pascal Faure : « La production mondiale d’acier s’établit à 1 526 millions de tonnes en 2011, soit une hausse de 6,8 % par rapport à 2010. Ce décrochage entre la production mondiale et la production européenne est quasiment uniquement dû au développement fulgurant de la sidérurgie chinoise. Cette croissance de la production chinoise a tiré fortement les prix des matières premières à la hausse (fer, charbon). La demande chinoise est restée majoritairement tournée vers la consommation intérieure nécessaire aux infrastructures et à la construction, posant la question du devenir de cette production une fois le « rattrapage » en termes d’infrastructure effectué ».

En 2002, la fusion d’USINOR, ARBED et ACERALIA crée le groupe ARCELOR. Puis en 2006, à la suite de l’OPA du groupe MITTAL, ArcelorMittal est créé.

En réponse à la hausse des prix du charbon et des minerais de fer, le groupe investit une part importante des liquidités dégagées par la sidérurgie dans l'acquisition de mines au Canada et au Liberia. Le groupe, présent dans soixante pays, espère ainsi gonfler ses marges mais, ce faisant, il s'endette, car il finance nombre de ses acquisitions par LBO (2). Quand survient la crise de 2008 qui touche de plein fouet l'automobile et la construction, la demande s’effondre, et ses recettes avec.

Pour faire face, ArcelorMittal vend des milliards de dollars d’actifs, et annonce une baisse des dividendes pour 2013 ; d’un autre côté, il fait tourner à plein ses usines qu’il considère comme les plus compétitives. Les autres sont mises en en sommeil. En France, Gandrange puis Florange font les frais de cette stratégie globale.

L’activité s’est déplacée vers l’Asie, particulièrement vers la Chine. À l’inverse, la production européenne a chuté de 25 % depuis 2008. Aussi, au troisième trimestre 2012, l’entreprise enregistre une perte nette de 709 millions de dollars, contre un bénéfice de 659 millions un an plus tôt. Son endettement atteint 23,2 milliards de dollars à la fin du mois de septembre.

Les usines du Vieux continent, spécialisées dans les aciers plats au carbone, payent le prix fort de cet environnement dégradé. Seuls quatorze des vingt-cinq hauts-fourneaux européens d’ArcelorMittal sont encore aujourd’hui en fonctionnement. Souvent présenté comme le joyau de l’empire du groupe, le site de Dunkerque n’a pas été épargné. L’un de ses quatre hauts-fourneaux, mis à l’arrêt en août pour maintenance, n’a même pas été rallumé fin novembre, comme il était initialement prévu. Le groupe a cependant annoncé la remise en service de l’un de ceux-ci vers le 20 janvier prochain… Particulièrement pour reprendre la fabrication des produits anciennement fabriqués à Florange.

II.— DES SOLUTIONS EXISTENT DONT AUCUNE NE DOIT ÊTRE NÉGLIGÉE

Les difficultés rencontrées par les acteurs de la sidérurgie sont particulièrement fortes pour les aciers issus de la filière chaude de la chaîne de production, qui sont essentiellement des aciers dits de commodité. Ce sont des produits semi-finis dont la qualité est uniforme quel que soit le lieu de production ou le savoir-faire de la main-d’œuvre. En revanche, la perte de compétitivité est moins marquée pour les aciers issus de la filière froide, qui constituent des aciers dits de spécialité. Situés en aval de la filière sidérurgique, ces aciers disposent d’un grand nombre de débouchés industriels et sont soumis à une concurrence sur les prix moins forte que les aciers de commodité.

Une fois encore, c’est dans l’innovation que résident des perspectives d’avenir. Ainsi, dans l’acier froid, l’automobile peut payer très cher des aciers résistants et très précis, légers, disposant d’une bonne formabilité, résistants à la corrosion, à un faible coût de fabrication. Il y a donc des perspectives d’exportation vers les pays émergents où la demande en aciers dotés de revêtements particuliers est encore faible, et qui ne disposent pas de laboratoires de R&D à la mesure de ceux qui existent en Europe.

La France doit donc impérativement investir et renforcer sa filière froide afin de demeurer compétitive sur ce segment, préserver les savoir-faire et maintenir l’emploi.

ULCOS, pour « Ultra-Low Carbon Dioxide Steelmaking » (soit « processus sidérurgiques à très basses émissions de CO2 »), est un projet européen de captage et de stockage du dioxyde de carbone (Carbon capture and storage, CCS). Cette technologie doit permettre de réduire d’au moins 50 % les émissions de CO2 lors de la fabrication de l’acier, une activité industrielle très émettrice de ce gaz à effet de serre.

Le CO2 serait capté lors de la production d’acier par les hauts-fourneaux de Florange – plusieurs techniques de captage sont possibles avant, pendant ou après la combustion –, puis transporté et stocké dans des aquifères salins à 100 km environ au sud de Verdun. De la sorte, la « filière chaude » du site regagnerait en compétitivité grâce à d'importantes économies réalisées sur le coût des quotas d’émissions de CO2 que doivent verser les industries. Et si cette technologie se révèle concluante, le dispositif de captage et stockage de CO2 pourrait « en principe être déployé dans des sites de production d'ici quinze à vingt ans », selon le site Internet du projet.

Le projet est soutenu financièrement ou techniquement par un consortium de 48 entreprises et organisations issues de 15 quinze pays européens, dont les principaux sidérurgistes comme ArcelorMittal, propriétaire de Florange, et son concurrent allemand ThyssenKrupp, ou encore EDF et Air liquide.

Pour être mené à bien, ULCOS nécessite plus de 600 millions d’euros, apportés en partie par les industriels partenaires. L’État français s’est engagé à hauteur de 150 millions d’euros et pourrait augmenter sa participation. Mais un complément de financement européen est indispensable pour boucler le financement.

La Commission européenne a lancé en 2009 le programme NER 300 (New Entrants Reserve) pour financer des projets innovants dans les domaines du CCS et des énergies renouvelables. Ce dispositif prévoit d’apporter près de 50 % du coût prévu des projets retenus grâce à la vente sur le marché du carbone de 300 millions de quotas d'émissions de CO2. Dans le cas d’ULCOS, ce financement se chiffrerait à 240 millions d'euros.

Le 4 janvier dernier, dans un blog du quotidien La Tribune, M. Christian Stoffaës, membre du Cercle des Ingénieurs Economistes, se livre à un utile rappel des circonstances de la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier. Il considère notamment que « L’origine de la construction européenne se confond avec l’histoire du cartel de l’acier. Entre la guerre économique et la paix par le libre-échange, la sidérurgie constitue le premier terrain d’expérience de coopération économique dans une Europe déchirée par le protectionnisme. »

Il poursuit en indiquant que « Pour chaque site menacé, la question est la même. Faut-il abandonner, ou investir pour rénover ? La décision est en partie arbitraire. Le rapport demandé par le ministre du Redressement productif au Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies établit que le site de Florange est viable - un des meilleurs laminoirs d'Europe, alimenté par un haut fourneau qui, lui, est effectivement en balance avec le plan de charge d'autres sites.

Qui décide ? La cartellisation a fait place à la concentration. Deux entreprises dominent aujourd'hui le marché européen. Les décisions se prennent à Londres et à Essen : on peut imaginer qu'ils ne sont pas sans se concerter entre eux... On rappellera utilement que la prise de contrôle d'Arcelor en 2006 fut le résultat d'une alliance entre Mittal et Thyssen Krupp. Dans la course à la globalisation, le groupe franco-luxembourgeois ravit alors au groupe allemand le contrôle du sidérurgiste canadien Dofasco. En rétorsion Mittal lance l'offre d'achat sur Arcelor, puis, peu après, signant l'acte de complicité, rétrocède Dofasco à Thyssen Krupp (dont on note au passage que l'aventure américaine vient de se terminer par de lourdes pertes). Sans que personne ou presque s'en émeuve, ce sont ainsi un siècle et demi d'investissements et de subventions, de travail de centaines de milliers d'ouvriers et d'ingénieurs qui se retrouvent d'un coup dilués dans l'espace financier global. Jeu normal dans la logique des marchés financiers, certes : mais ce coup d'éclat de la City et ses conséquences- Gandrange, Florange, etc- incarne jusqu'à la caricature la victoire de l'économie financière sur l'économie réelle ».

Et de poursuivre en estimant que, face à des entreprises hyperconcentrées, les États sont en droit de demander des comptes. Dans la mesure où, dans ce contexte, la sidérurgie doit être comprise à l’échelon européen (fondement du traité CECA), il faut recourir à une régulation européenne du marché. L’article 58 du traité répond à cet objectif (cité ici dans sa version de 1957) :

« Article 58.

1. En cas de réduction de la demande, si la Haute Autorité estime que la Communauté se trouve en présence d'une période de crise manifeste et que les moyens d'action prévus à l'article 57 ne permettent pas d'y faire face, elle doit, après consultation du Comité consultatif et sur avis conforme du Conseil, instaurer un régime de quotas de production accompagné, en tant que de besoin, des mesures prévues à l'article 74.

À défaut d'initiative de la Haute Autorité, l'un des États membres peut saisir le Conseil, qui, statuant à l'unanimité, peut prescrire à la Haute Autorité l'instauration d'un régime de quotas.

2. La Haute Autorité, sur la base d'études faites en liaison avec les entreprises et les associations d'entreprises, établit les quotas sur une base équitable, compte tenu des principes définis aux articles 2, 3 et 4. Elle peut, notamment, régler le taux de marche des entreprises par des prélèvements appropriés sur les tonnages dépassant un niveau de référence défini par une décision générale.

Les sommes ainsi obtenues sont affectées au soutien des entreprises dont le rythme de production est ralenti au-dessous de la mesure envisagée, en vue, notamment, d'assurer autant que possible le maintien de l'emploi dans ces entreprises.

3. Le régime des quotas prend fin sur proposition adressée au Conseil par la Haute Autorité, après consultation du Comité consultatif, ou par le gouvernement d'un des États membres, sauf décision contraire du Conseil, à l'unanimité si la proposition émane de la Haute Autorité et à la majorité simple si elle émane d'un gouvernement.  La fin du régime des quotas fait l'objet d'une publication par les soins de la Haute Autorité.

4. La Haute Autorité peut prononcer, à l'encontre des entreprises qui violeraient les décisions prises par elle en application du présent article, des amendes dont le montant est égal au maximum à la valeur des productions irrégulières ».

M. Christian Stoffaës commente : « L'alternative à la concurrence sauvage et à l'élimination forcée des canards boiteux est la coopération : entente sur les prix de vente et les parts de marché, quotas de production par produits et par usines, réduction ordonnée et négociée des surcapacités. Ces « cartels de crise » peuvent être organisés par la profession avec une intervention plus ou moins contraignante des États, ces derniers ne pouvant être indifférents aux conséquences stratégiques, sociales, régionales, et ne serait-ce que parce que les ententes sont normalement prohibées ».

Ainsi, le politique a le devoir de reprendre ses droits pour la défense de l’intérêt général. Aux crises cycliques de la sidérurgie européenne, la réponse se doit d’être européenne, quitte à recourir, à l’échelon national, à des nationalisations, fussent-elles partielles ou temporaires.

Dans la perspective, non pas de remâcher le passé mais de chercher, sur tous les bancs de notre assemblée, des solutions pour sauver cet irremplaçable outil industriel que constitue la sidérurgie française comme européenne, je vous demande, mes chers collègues, de donner une issue favorable à l’adoption de la présente résolution tendant à la création d’une commission d’enquête.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 16 janvier 2013, la commission des affaires économiques a examiné la proposition de résolution de M. Alain Bocquet et plusieurs de ses collègues tendant à la création d’une commission d'enquête sur la situation de la sidérurgie française et européenne dans la crise économique et financière, et sur les conditions de sa sauvegarde et de son développement.

M. François Brottes, président. Mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui afin de nous prononcer sur la proposition de résolution de M. Alain Bocquet et plusieurs de nos collègues, tendant à la création d’une commission d’enquête sur la situation de la sidérurgie française et européenne dans la crise économique et financière, et sur les conditions de sa sauvegarde et de son développement. Il s’agit d’un sujet important, tant sur le plan économique, historique, qu’emblématique. Sans plus attendre, je passe la parole à Alain Bocquet.

M. Alain Bocquet. Cette proposition de commission d'enquête sur la situation et l'avenir des sidérurgies française et européenne trouve évidemment, une légitimité supplémentaire dans le conflit économique et social en cours à Florange et en Lorraine.

Cette actualité difficile, porteuse d’exigences fortes du monde du travail, renforce l'urgence d’une démarche qui sur le fond, s'inscrit dans le cours de la réflexion nationale qui en 20 ans, a conduit du concept destructeur de « l'entreprise sans usine » à la création d'un ministère du Redressement productif !

Il s'agit à présent de passer aux actes ! Cela au moment où cette même démarche s'affirme à l'échelon européen avec la volonté exprimée par la Commission européenne de porter la part de l'industrie dans le PIB de l'Union, de 15,6 % à 20 % d’ici 2020. Il n’y a donc pas de temps à perdre.

La sidérurgie est au cœur de ces enjeux; au croisement des besoins des industries automobile et ferroviaire ; des industries de l'électroménager et alimentaire ; de la construction navale et du transport maritime ou fluvial à l’heure du canal Seine Nord Europe ; des industries de l'énergie (du nucléaire aux éoliennes) ; des industries du bâtiment, de l'emballage, de l'outillage...

Face aux défis de la mondialisation et dans ce contexte de crise, elle est une part de l’indépendance de notre pays.

Bref, et comme le souligne le mouvement syndical : « la sidérurgie est l'amont de nombreux secteurs d'activité en France. Le maintien et le développement d'une capacité adaptée aux besoins et d'une haute qualité de production sont cruciaux ». Cette sidérurgie-là, c'est l'avenir et c’est un outil déterminant pour concrétiser l'objectif de sortir de la crise par le haut.

C'est aussi une exigence en termes d'emploi car la sidérurgie représente plus de 45 000 emplois directs ; 30 000 de plus avec la sous-traitance et les services associés. Dans l'Est et dans le Sud-Est de notre pays, l'impact de sa liquidation serait considérable, sans parler du Nord Pas de Calais qui en 2010, regroupait avec Dunkerque, Maubeuge et Valenciennes trois des cinq sites français d'emplois sidérurgiques les plus importants.

Le recours à la flexibilité, aux dispositifs d'aide de l'État (chômage partiel), le non-remplacement de départs en retraite, les plans de « départ volontaire » pèsent sur l'emploi et se traduisent par des pertes de compétences et de savoir-faire précieux alors que d'ici 2015, 25 % des salariés de la sidérurgie partiront en retraite. Cela représente quelque 11 000 emplois.

On évoque des problèmes de surcapacité de production mais rien n'est moins figé quand on voit que la sidérurgie est l'interface d'activités industrielles majeures et très diversifiées ; et quand on prend en compte le fait qu'il s'agit d'une industrie cyclique, les phases de haute production succédant aux phases de baisse.

Les sidérurgies française et européenne sont aujourd'hui exportatrices nettes mais déjà, la part de la production européenne dans la production mondiale a diminué. Elle était par exemple passée de 15,3 % pour les dix premiers mois de 2008, à 11,4 % pour les dix premiers mois de 2012.

Alors que les capacités de production ont été réduites de près de 40 millions de tonnes en 2008, fermetures de sites, mises en sommeil d'installations et de lignes, délocalisations de productions, sous-investissements dans la maintenance d'équipements et dans la recherche-développement ne peuvent aboutir qu'à une catastrophe et faire de l'Europe une importatrice nette d'acier.

ArcelorMittal consacre à la recherche l'équivalent de 0,4 % de son chiffre d'affaires alors qu'il y faudrait 2 %, cinq fois plus ! Il y a besoin de créer les conditions du maintien des outils existants, et d'être à l'offensive pour l'innovation et la production des aciers de demain. Le renouvellement des procédés de fabrication et des produits, l'amélioration des performances environnementales, je pense par exemple au projet ULCOS, aux aciéries électriques, représentent autant de questions qui appellent des décisions fortes.

Or ces questions sont rendues plus préoccupantes encore par les stratégies suivies en France par les groupes décideurs, au premier rang desquels la famille Mittal à la tête d'ArcelorMittal depuis 2006.

La priorité donnée à l'investissement dans les mines au détriment de l'outil de production, le maintien d'une politique très forte de distribution de dividendes jusqu'en 2012 (l'équivalent de 300 millions de dollars par trimestre), le choix de liquider des sites en Europe (Espagne, Luxembourg, Belgique, France) et de concentrer la production sur une poignée d'usines dites plus performantes, l'hémorragie des emplois passés de 320 000 salariés dans le monde en 2006 à 250 000 aujourd'hui ; et de 32 000 en France en 2003 à moins de 20 000 en 2012... tous ces choix ont directement conduit ArcelorMittal dans le mur.

S'il y a une priorité, c'est d'interroger pour proposer de les réformer, les orientations qui ont mis les sidérurgies française et européenne au bord du gouffre !

Au bord du gouffre alors qu'elles sont parmi les plus efficientes du monde et que la demande mondiale d'acier est croissante ; tandis que la demande européenne le redeviendra dès 2014 puisqu'elle se situerait autour de 180 millions de tonnes (contre environ 165 en 2012), et se rapprochera des moyennes constatées entre 2004 et 2008 à 187 millions de tonnes.

Pour toutes ces raisons et compte tenu des enjeux auxquels nos économies sont confrontées, je vous demande de bien vouloir adopter la proposition de création de cette commission d'enquête parlementaire.

M. Germinal Peiro. Permettez-moi de réduire le temps de mon intervention afin de permettre à mes collègues Jean Grellier et Christophe Léonard de s’exprimer également. Au cours des dix dernières années, la France a perdu 750 000 emplois industriels. Cette véritable hémorragie n’a pas été compensée par la création, à un niveau équivalent, d’emplois dans les services. Notre pays a aujourd’hui besoin de relancer sa production industrielle et de développer des emplois industriels ; ce thème est au cœur du projet économique que François Hollande a défendu pendant la campagne présidentielle. Cette priorité est à l’origine de la création d’un ministère du redressement productif, dont la principale mission est de relocaliser les activités industrielles sur notre territoire et soutenir les activités existantes. La production d’acier est fondamentale car elle intervient en amont du développement de très nombreuses activités industrielles. Les difficultés que rencontre notre sidérurgie représentent un défi national, mais aussi européen, dans la mesure où la demande d’acier sur le continent est appelée à augmenter dans un avenir proche. Tous ces éléments militent en faveur de l’adoption de la proposition de résolution qui nous est soumise, visant à instituer une commission d’enquête sur la situation de la sidérurgie française et européenne.

M. Éric Straumann. La position des députés du groupe UMP est de porter un regard attentif à la création d’une commission d’enquête aux travaux de laquelle ils prendront toute leur part. Il est en effet indispensable d’avoir une vision d’ensemble et à long terme sur la situation de la sidérurgie en France, mais aussi en Europe puisque - faut-il le rappeler ? - la sidérurgie a été au cœur de la naissance du projet européen. Il est également indispensable de faire la lumière sur le dossier de Florange car de nombreuses questions restent aujourd’hui sans réponse : Y-a-t-il eu un repreneur sérieux ? Pourquoi ce repreneur a-t-il été écarté ? Pourquoi M. Arnaud Montebourg a-t-il brandi la menace d’une nationalisation ? Quel est l’état du projet Ulcos ? Quel est l’impact des annonces du Premier ministre pour l’ensemble de la filière ? S’agissait-il d’éviter tout plan social à Florange ou d’autres emplois ont-ils été sacrifiés ? Enfin, à quoi seront destinés les 180 m€ qu’Arcelor-Mittal s’est engagé à investir sur le site ? Pour autant, il nous est difficile de voter en faveur de cette proposition de résolution dont l’exposé des motifs témoigne d’une démarche anti-patronale et d’un parti pris auxquels le groupe U.M.P. ne peut souscrire. Nous souhaitons, en effet, que la commission d’enquête puisse examiner la situation de la sidérurgie de la manière la plus objective possible ; c’est pourquoi, nous allons nous abstenir de manière constructive.

M. François Brottes, président. Permettez-moi de rappeler que le vote de notre commission porte sur l’article unique de la proposition de résolution, et non sur son exposé des motifs. Je vous indique par ailleurs que la mission de suivi et de contrôle de l’accord avec ArcelorMittal et des entreprises au capital desquelles l’État participe, se réunira le jeudi 24 janvier 2013, à 9 heures 15, dans cette même salle. Je rappelle que cette mission comprend des représentants de chaque groupe.

Mme Michèle Bonneton. Quelle est la contribution de la sidérurgie française à la reconversion écologique de l’industrie peut-on espérer ? Nous attendons une reterritorialisation des activités par un rapprochement des lieux de production et de consommation. En ce sens, l’audition de ce matin au sujet du groupe PSA ne nous a pas beaucoup rassurés. Il faut trouver d’autres débouchés à la sidérurgie française, pourvoyeuse d’emplois mais aussi fleuron historique d’un savoir-faire industriel national. Les réponses écologistes à la crise sont porteuses de débouchés pour la sidérurgie. Nous souhaiterions que cette commission d’enquête examine les possibilités d’avenir : construction massive de logements, développement des transports en commun – en particulier, débouchés dans le ferroviaire -, plan industriel de soutien aux énergies renouvelables. Cela ferait appel à une stratégie de spécialisation sur les aciers à fort contenu technologique et haute valeur ajoutée et permettrait de soutenir la transition énergétique et industrielle. Des débouchés sont également envisageables dans le transport fluvial et les chantiers navals. C’est pourquoi, nous espérons que la commission d’enquête verra le jour et permettra d’examiner les évolutions techniques et l’adaptation des sites de production pour développer de nouveaux débouchés à la sidérurgie et contribuer à la nécessaire transition écologique de l’économie.

Mme Jeanine Dubié. Les récents événements concernant le groupe Arcelor-Mittal et son site de Florange donnent une pertinence toute particulière à cette proposition, déposée en juillet dernier. Le groupe ArcelorMittal est né en 2006 du rachat d’Arcelor par l’entrepreneur indien Lakshmi Mittal, c’est le premier groupe sidérurgique mondial. Il a réalisé 73 milliards d’euros de chiffre d’affaires l’an dernier, il emploie quelques 260 000 salariés, dont 20 000 en France, mais n’oublions pas qu’il en employait 320 000 en 2006, ce qui est souligné dans la proposition de résolution de nos collègues GDR. Cette proposition met en lumière la financiarisation de cette industrie au détriment de l’emploi et le cynisme qui prévaut avec cette logique strictement financière. Le 1er octobre, le groupe a officialisé l’arrêt des deux hauts-fourneaux du site industriel de Florange (Moselle), donnant deux mois au gouvernement pour trouver un éventuel repreneur. Maintenus « sous chauffe » de façon à pouvoir éventuellement être redémarrés, ces deux fourneaux font partie de la filière dite « liquide » de Florange, qui concerne la production d’acier brut et qui emploie 630 salariés. Le 22 novembre, le ministre du redressement productif, M. Arnaud Montebourg a évoqué au Sénat « l’éventualité d’un contrôle public, même temporaire » du site, insistant sur le fait que l’entrepreneur n’avait « jamais tenu ses engagements à l’égard de l’État français », en s’appuyant sur le rapport rendu par Pascal Faure fin juillet, rapport qui confirme la rentabilité du site de Florange, et c’est bien là le cœur du sujet. Le 28 novembre, M. Montebourg affirmait dans notre hémicycle avoir trouvé un repreneur « disposé à investir 400 millions d’euros dans l’installation ». Mais, le 30 novembre, au lendemain d’une rencontre entre Lakshmi Mittal et François Hollande à l’Élysée, le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault a annoncé avoir « écarté l’hypothèse d’une nationalisation temporaire au vu des engagements obtenus d’ArcelorMittal ». Dans l’accord entre le gouvernement et le groupe sidérurgique ArcelorMittal garantit la réorganisation du travail sur le site de Florange « sur des bases exclusivement volontaires » et promet de réaliser « de manière inconditionnelle (…) un montant minimum d’investissements de 180 m€ » dans les cinq ans à venir. Mi-décembre, une note interne fournie par la CFDT montre que le site de Florange serait l'un « des plus rentables » du groupe sidérurgique. « Nous l'avons toujours su mais cette fois, nous en avons la preuve formelle, signée de la main de la direction : Florange est parfaitement rentable » a déclaré Jean-Marc Vécrin de la CFDT. Dans ces conditions, un outil comme une commission d’enquête parlementaire sur ce sujet nous paraît une bonne initiative. La confiance n’excluant pas le contrôle, les députés du groupe RRDP considèrent donc que la forte résonance dans l’opinion publique de ce sujet justifie la création de cette commission d'enquête pour bénéficier d’éléments d'information supplémentaires sur la situation de la sidérurgie et sur les conditions de sa sauvegarde et de son développement.

M. Jean Grellier. Je souhaite abonder dans le sens de l’intervention de M. Germinal Peiro sur l’intérêt de la mise en place d’une commission d’enquête dont je rappelle que le périmètre est assez large puisqu’il porte, comme indiqué dans le titre de la proposition de résolution, sur la situation de la sidérurgie française et européenne dans la crise économique et financière et sur les conditions de sa sauvegarde et de son développement. Comme j’ai eu l’occasion de l’évoquer fin octobre, lors de la présentation de mon rapport d’étape, nous partageons le diagnostic qui est fait sur l’ensemble de la filière sidérurgique et l’interdépendance avec le développement des autres activités industrielles. L’élargissement du périmètre de la commission d’enquête est donc justifié, même s’il importe de le maîtriser lors de la mise en place de cette commission afin de ne pas perdre de vue les objectifs premiers. Comme cela a été souligné, la dimension européenne est importante et plus largement, les implications de la mondialisation, en particulier dans l’approvisionnement en ressources, principalement localisées dans les pays émergents et dans l’affirmation de la puissance de grands groupes industriels. Si le terme peut paraître un peu fort, je crois toutefois qu’il en va de la souveraineté nationale de notre industrie. J’ai participé à la commission d’enquête sur l’industrie ferroviaire, présidée par M. Alain Bocquet et il y a là des interférences fortes puisque les équipements dépendent en grande partie de notre sidérurgie. Nous évoquions de même ce matin l’industrie automobile où les interdépendances sont également fortes. La relance industrielle de notre pays de la maîtrise de la production sidérurgique en France.

M. Christophe Léonard. Je tiens également à saluer l’initiative de cette commission d’enquête, et tout particulièrement son élargissement à la métallurgie des non-ferreux tel que le cuivre. Dans cette filière aujourd’hui déstabilisée, des interrogations similaires existent à la suite notamment de l’adoption d’incitations fiscales à l’utilisation de produits alternatifs, des manœuvres de spéculation sur la matière, de l’inversion de la filière aujourd’hui, en partie, contrôlée par les utilisateurs de déchets et du rôle des propriétaires. À cet égard, le groupe européen KME joue un rôle central dans plusieurs pays dont la France dans trois régions : Basse-Normandie, Ardennes et Alsace. Là encore, la question du risque d’indépendance industrielle nationale se pose puisque la filière cuivre est à l’origine de la fabrication de nombreux produits semi-finis dont dépendent de nombreuses entreprises de transformation. Des pistes existent en termes d’investissement pour les activités de fonderie et le transfert des savoir-faire. Il faut également explorer les conditions d’utilisation de l’énergie dans la filière et leur impact environnemental. D’autres pistes méritent d’être explorées en matière de fiscalité mais aussi dans le domaine des normes, en particulier la réglementation des marchés publics et de la construction afin d’inciter à davantage recourir au cuivre. Enfin, le cuivre présente la particularité d’être transformable à l’infini, ce qui renforce son intérêt en termes écologique et environnemental.

M. Alain Bocquet. Je me félicite de cet état d’esprit partagé sur cette proposition de résolution que je défends depuis sept ans et l’élargissement du périmètre ne me pose aucun problème. Je tiens à rassurer mes collègues de l’opposition sur un point : si chacun garde « sa teinture », un travail constructif sera conduit sur la question de l’avenir de la sidérurgie française, comme cela a été le cas, par exemple, lors des travaux de la commission d’enquête sur l’industrie ferroviaire, dont les conclusions ont été adoptées à l’unanimité. Il faut aujourd’hui préparer l’avenir de l’industrie française avec son socle qui est la sidérurgie. Nous sommes aujourd’hui à un tournant décisif pour la relance de notre industrie et la contribution de l’Assemblée nationale à ces questions peut aider à la réflexion générale, notamment de la profession et du mouvement social.

M. François Brottes, président. Le vote portera donc, après adoption de l’amendement CE 1 du rapporteur, sur la situation de la sidérurgie « et la métallurgie » françaises et européennes.

M. Alain Bocquet. Je suis tout-à-fait favorable à l’élargissement du périmètre de la commission d’enquête, qu’il faudra toutefois veiller, comme l’a suggéré notre collègue Jean Grellier, à le maîtriser lors du lancement des travaux de la commission. Mais il est indéniable que les dossiers de l’aluminium, du cuivre et de l’acier se recoupent à la fois au niveau des modes de fabrication et des compétences partagées.

L’amendement CE 1 est adopté.

Puis la Commission adopte la proposition de résolution ainsi modifiée, le groupe UMP s’abstenant.

◊ ◊

En conséquence, la commission des affaires économiques vous demande d’adopter la proposition de résolution dont le texte suit.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

Titre

Proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur la situation de la sidérurgie française et européenne dans la crise économique et financière, et sur les conditions de sa sauvegarde et de son développement

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement, est créée une commission d’enquête de trente membres chargée d’investiguer sur la situation de la sidérurgie et de la métallurgie françaises et européennes dans la crise économique et financière, et sur les conditions de leur sauvegarde et de leur développement.

AMENDEMENT EXAMINÉ PAR LA COMMISSION

Amendement CE 1 présenté par M. Alain Bocquet, rapporteur :

Article unique

Après le mot :

« sidérurgie »,

Rédiger ainsi la fin de cet article :

« et de la métallurgie françaises et européennes dans la crise économique et financière, et sur les conditions de leur sauvegarde et de leur développement ».

© Assemblée nationale

1 () La filière acier en France et l’avenir du site de Florange, Rapport remis au Ministre du Redressement productif par Monsieur Pascal Faure Vice-président du Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies.

2 () Leveraged buy-out, abrégé en LBO, terme anglais pour acquisition avec effet de levier.