N° 731 - Rapport de M. Claude de Ganay sur la proposition de loi de M. Claude de Ganay et plusieurs de ses collègues visant à prévenir et lutter contre la violence en milieu scolaire (332)



N° 731

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 février 2013.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION DE LOI visant à prévenir et lutter contre la violence en milieu scolaire,

PAR M. Claude de GANAY,

Député.

——

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 332.

INTRODUCTION 5

I. – LA VIOLENCE SCOLAIRE : UN PHÉNOMÈNE INQUIÉTANT QUI SE DÉVELOPPE 7

A. UN FLÉAU EN EXPANSION : UNE SITUATION INACCEPTABLE 7

1. Des violences en hausse 7

2. La prépondérance des atteintes aux personnes par rapport aux atteintes aux biens ou à la sécurité 8

B. UNE MENACE CONTRE LES ÉLÈVES ET LES PERSONNELS : L’ÉCOLE N’EST PLUS UN SANCTUAIRE 10

1. Une épée de Damoclès qui pèse sur les élèves 11

a) Une réalité significative 11

b) Des conséquences notables sur le comportement des victimes 12

2. Des personnels non épargnés 12

II. – LA LUTTE CONTRE LA VIOLENCE SCOLAIRE : UN IMPÉRATIF QUI DOIT REPOSER SUR L’ACCOMPAGNEMENT ET LA RESPONSABILISATION DES PARENTS 15

A. LES RÉPONSES INSUFFISANTES DU GOUVERNEMENT ACTUEL 15

1. Alors que l’Exécutif précédent avait une véritable stratégie,… 15

a) La mise en place d’instruments pertinents de mesure des violences et du climat dans les écoles 16

b) La sécurisation des établissements scolaires 16

c) La responsabilisation des acteurs et l’amélioration des sanctions disciplinaires 17

d) La conduite d’actions ciblées sur les élèves les plus violents et dans les établissements les plus exposés aux incidents graves 17

2. … le Gouvernement en fonction se borne à juxtaposer des mesures de portées diverses 19

a) La création des assistants de prévention et de sécurité : des emplois précaires supplémentaires au positionnement mal défini 19

b) L’installation de la délégation ministérielle chargée de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire : un observatoire supplémentaire plus qu’un plan d’action 20

c) La perspective de l’enseignement de la morale laïque : est-ce du ressort de l’école de la République ? 21

B. LES MESURES DE LA PRÉSENTE PROPOSITION DE LOI : DES SOLUTIONS PRAGMATIQUES ET ÉQUILIBRÉES 22

1. Le contrat de responsabilité parentale : un instrument pertinent pour restaurer l’autorité des parents sur leurs enfants violents 22

2. La perspective d’une suspension des allocations familiales : un puissant levier de responsabilisation des familles 23

a) Un dispositif qui a fait ses preuves contre l’absentéisme scolaire 24

b) Un procédé tout aussi pertinent pour remédier aux comportements violents 25

TRAVAUX DE LA COMMISSION 27

I. – DISCUSSION GÉNÉRALE 27

II. – EXAMEN DES ARTICLES 43

Article 1er : Instauration d’un mécanisme d’avertissement préalable des parents d’enfants commettant des violences à l’école et, en cas de récidive de ces derniers, de suspension des allocations familiales 43

Après l’article 1er 47

Article 2 : Extension du contrat de responsabilité parentale aux parents ou représentants légaux d’enfants ayant commis des violences à l’école 47

Article 3 : Suspension par le directeur de l’organisme débiteur des prestations sociales du versement des allocations familiales dues au titre d’un enfant responsable de violences scolaires, à la demande de l’autorité de l’État compétente 49

Article 4 : Prise en compte de la part des allocations familiales suspendues pour déterminer le montant des ressources servant au calcul du revenu de solidarité active 50

Titre 51

TABLEAU COMPARATIF 53

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 59

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 61

INTRODUCTION

« L’éducation est le seul vaccin contre la violence ». Cette conviction, affirmée haut et fort par le cinéaste et producteur américain contemporain Edward James Olmos, que beaucoup d’élus et citoyens partagent, rend d’autant plus paradoxale la présence toujours plus prégnante et inquiétante de la violence à l’école. Et pourtant, force est malheureusement de constater qu’en dépit des efforts déployés par les pouvoirs publics et les personnels enseignants, le phénomène s’installe et s’amplifie.

Pour preuve, la dernière note d’information annuelle du ministère de l’éducation nationale qui rend compte de l’évolution des chiffres de la violence dans les établissements scolaires publics du second degré (1) a fait état d’une augmentation des faits enregistrés au cours de la dernière année scolaire : en 2011-2012, 13,6 incidents pour 1 000 élèves ont été déclarés en moyenne, contre 12,6 pour l’année 2010-2011. Cette hausse a touché beaucoup plus les collèges et les lycées professionnels que les autres établissements.

Un tel problème est incontestablement l’affaire de tous. Il doit donc être combattu par l’ensemble des parties prenantes, ce qui veut dire également par les parents des élèves qui commettent des violences à l’école. Telle est en tout cas la conviction défendue par l’UMP.

La proposition de loi visant à prévenir et lutter contre la violence en milieu scolaire, déposée le 24 octobre 2012 sur le Bureau de l’Assemblée nationale, s’inscrit dans la logique de cette conception des obligations familiales.

Le texte inscrit à l’ordre du jour de la séance du 21 février 2013, réservée au groupe UMP, procède d’une volonté de responsabilisation des parents des élèves impliqués dans des faits répréhensibles au sein des établissements scolaires. Il institue à cet effet un mécanisme de suspension des allocations familiales destiné, non pas – comme cela est trop souvent et hâtivement affirmé par la majorité parlementaire et le pouvoir exécutif actuels – à sanctionner les familles les plus démunies, mais à leur faire prendre conscience de leur rôle dans l’acculturation par leurs enfants des valeurs républicaines et des règles élémentaires de la vie en collectivité.

Sur ce plan, il existe une réelle divergence de fond entre l’opposition et la majorité de gauche, la seconde s’étant empressée d’abroger depuis son retour aux affaires publiques un dispositif similaire applicable contre l’absentéisme, inspiré par notre collègue Éric Ciotti, alors même qu’il commençait à produire des effets intéressants (2). Cependant, à y regarder de plus près, quels sont les remèdes avancés par le Président Hollande et son Gouvernement pour enrayer un fléau qui concerne de très nombreuses familles françaises et également les personnels de l’éducation nationale ?

Exceptée la création à la rentrée passée de 500 postes d’assistants de prévention et de sécurité – soit, comme toujours avec la gauche, des emplois publics supplémentaires –, M. Vincent Peillon s’est contenté de mettre sur pied une mission ministérielle de prévention et de lutte contre les violences scolaires, qui aura plus un rôle d’observatoire qu’une vocation véritablement opérationnelle, et de prôner l’enseignement de la morale laïque à l’école.

Sans mettre en doute la volonté du ministre de l’éducation nationale de voir baisser la violence à l’école, il est permis de s’interroger sur l’efficacité et l’amplitude des actions qu’il a engagées sur le sujet. À vrai dire, on peut craindre que les tendances observées sur la durée ne connaissent pas, du seul fait de telles initiatives, un infléchissement suffisant.

De ce point de vue, la présente proposition de loi présente le mérite de compléter le panel des moyens à la disposition des pouvoirs publics pour lutter contre les violences dont sont victimes les élèves et les personnels à l’école. Au regard de l’importance des enjeux, il serait à tout le moins judicieux que les députés de la majorité ne s’y opposent pas par idéologie. En tout état de cause, ils seront comptables des résultats à venir en la matière.

I. – LA VIOLENCE SCOLAIRE :
UN PHÉNOMÈNE INQUIÉTANT QUI SE DÉVELOPPE

La violence à l’école n’est pas une nouveauté. Depuis le début des années 2000, les pouvoirs publics s’attachent néanmoins à mieux l’appréhender et à la mesurer par le biais des enquêtes administratives Signa (de 2001 à l’été 2007), puis du système d’information et de vigilance sur la sécurité scolaire – SIVIS (à partir de la rentrée 2007).

Le sentiment diffus des parents d’élèves et des personnels de l’éducation nationale selon lequel le phénomène s’aggrave chaque année se trouve malheureusement corroboré par les statistiques. La dizaine d’agressions d’enseignants fortement médiatisées à la dernière rentrée (à Marseille, Bordeaux, Poitiers, Amiens, Paris et Arras, notamment) est là pour le confirmer.

A. UN FLÉAU EN EXPANSION : UNE SITUATION INACCEPTABLE

Les dispositifs Signa et SIVIS ne reposant pas sur les mêmes fondements de recueil de données, il n’existe pas de continuum des observations effectuées en la matière entre 2004 et aujourd’hui. Il reste que l’enquête SIVIS, qui répertorie les actes de violences les plus graves au sein d’un échantillon représentatif d’établissements publics du 2nd degré et de circonscriptions du 1er degré, donne un aperçu assez fidèle des évolutions constatées ces cinq dernières années.

En l’espèce, les faits sont têtus. Les incidents graves déclarés dans le 2nd degré ont très sensiblement augmenté depuis 2010-2011 : après être passés, en moyenne, de 11,6 pour 1 000 élèves en 2007-2008, à 11,2 pour 1 000 en 2009-2010 (- 3,5 %), ils ont cru jusqu’à 13,6 pour 1 000 en 2011-2012 (+ 17,2 %).

1. Des violences en hausse

Au cours de l’année scolaire 2011-2012, les établissements publics du 2nd degré, où sont scolarisés environ 4,2 millions d’élèves, ont déclaré dans l’ensemble un nombre d’incidents graves en augmentation de 8 % par rapport à l’année précédente. Certes, cette appréciation doit être nuancée du fait de certains ajustements méthodologiques apportés au SIVIS ; en l’occurrence, l’année scolaire 2011-2012 a été marquée par le repérage de nouveaux types d’incidents (prise en compte des situations de harcèlement, notamment) et par un élargissement de l’échantillon de mesure. Il n’empêche, cependant, que sur la durée, c’est-à-dire de 2007 à 2012, les mesures effectuées par le biais du SIVIS traduisent une tendance très nette à l’augmentation des faits de violence dans presque toutes les catégories d’établissements depuis 2010.

Évolution du nombre moyen d’incidents graves pour 1 000 élèves,
déclarés dans le 2nd degré de 2007 à 2012

 

2007-2008

2008-2009

2009-2010

2010-2011

2011-2012

Évolution 2012/2007

Ensemble des établissements

11,6

10,5

11,2

12,6

13,6

+ 17,2 %

Collèges

13,1

12,0

12,2

14,1

15,0

+ 14,5 %

Lycées professionnels

15,1

13,1

17,2

17,4

19,6

+ 29,8 %

Lycées d’enseignement général et technologique

4,0

3,6

4,3

4,6

5,5

+ 37,5 %

Source : enquêtes SIVIS.

Le niveau d’exposition à la violence apparaît très disparate selon les types d’établissements considérés. À cet égard, les lycées professionnels semblent particulièrement touchés, avec un nombre de faits supérieur de 6 points à la moyenne et une progression très importante des incidents répertoriés depuis 2009 (en hausse de 49,6 %). Les collèges sont également assez affectés par le phénomène – les faits recensés étant là aussi plus nombreux que la moyenne –, sans que pour autant l’on constate une évolution dans des proportions importantes. Seuls les lycées d’enseignement général et technologique se trouvent relativement épargnés ; néanmoins, ce constat est en trompe-l’œil dans la mesure où ils ont connu, entre 2009 et 2012, une progression des incidents graves de l’ordre de 52,7 %.

Tous ces chiffres sont révélateurs de la diffusion grandissante de la violence à l’école. De façon globale, seuls 17 % des établissements n’ont déclaré aucun fait de violence grave sur l’année scolaire 2011-2012, alors que près de 50 % en ont répertorié au moins quatre. Il n’en demeure pas moins que la réalité du phénomène varie fortement en fonction de la localisation des établissements car :

– un quart d’entre eux concentre quelque 73 % des signalements au cours d’un trimestre (82 % en 2010-2011) et un-dixième près de 44 % des incidents ;

– a contrario, 41 % n’ont recensé aucun incident grave au cours d’un trimestre en 2011-2012, soit une proportion comparable à celle constatée en 2007-2008 (38 %).

2. La prépondérance des atteintes aux personnes par rapport aux atteintes aux biens ou à la sécurité

Les faits de violence à l’école se caractérisent essentiellement par des atteintes aux personnes. Celles-ci représentent 81 % des incidents graves recensés. Parmi elles, le SIVIS identifie deux catégories d’agressions particulièrement répandues et inquiétantes : les agressions verbales (40,4 % des incidents déclarés en 2011-2012), en hausse de 7,7 % depuis 2007, et les agressions physiques (33,4 % en 2011-2012), en augmentation de 9,9 % depuis 2010. Les autres manifestations de la violence physique à l’école, tel le racket ou les violences sexuelles, apparaissent heureusement plus marginales et contenues.

Les atteintes aux biens (10 % des faits, en 2011-2012) semblent en retrait, tout comme celles à la sécurité (9,3 % des incidents). Les premières sont essentiellement constituées par les vols, qui ont notablement diminué depuis 2007 (- 23,5 %), ainsi que par les dommages aux locaux, eux aussi en baisse très sensible (- 40 %). Les secondes regroupent divers comportements à risques ou illégaux qui n’impliquent aucune victime ; il est toutefois probable que, pour ce qui concerne les faits de consommation de stupéfiants (2 % des faits en 2011-2012), les statistiques – qui ne reposent, rappelons-le, que sur les signalements de faits connus et recensés par les chefs d’établissements – soient en deçà de la réalité.

Évolution des incidents graves selon leur nature
(en % du nombre d’incidents déclarés)

Types d’incidents

2007-2008

2008-2009

2009-2010

2010-2011

2011-2012

Atteintes aux personnes

80,9 %

80,6 %

76,2 %

78,6 %

80,7 %

Violence verbale

37,5 %

35,3 %

37,9 %

40,2 %

40,4 %

Violence physique

36,4 %

38,8 %

30,4 %

31,2 %

33,4 %

Atteinte à la vie privée

2,1 %

1,6 %

2,3 %

1,6 %

1,8 %

Violence sexuelle

1,9 %

1,6 %

1,8 %

2,0 %

1,8 %

Racket

1,7 %

2,3 %

2,6 %

2,5 %

2,3 %

Happy Slapping (1)

0,9 %

0,7 %

0,8 %

0,5 %

0,4 %

Bizutage

0,4 %

0,4 %

0,4 %

0,5 %

0,6 %

Atteintes aux biens

15,4 %

13,0 %

14,1 %

11,7 %

10,0 %

Vol

6,8 %

5,7 %

6,5 %

5,3 %

5,2 %

Dommages aux locaux ou matériels

6,5 %

5,2 %

6,4 %

5,2 %

3,9 %

Dommages aux biens personnels

2,1 %

2,1 %

1,2 %

1,2 %

0,9 %

Atteintes à la sécurité

3,8 %

6,3 %

9,7 %

9,7 %

9,3 %

Consommation de stupéfiants

1,9 %

1,9 %

2,4 %

1,5 %

2,0 %

Trafic de stupéfiants

0,5 %

1,2 %

1,0 %

0,6 %

0,7 %

Port d’arme autre qu’à feu (2)

1,2 %

2,2 %

3,3 %

2,1 %

2,2 %

Port d’arme à feu, sans violence (2)

0,1 %

0,3 %

0,1 %

0,1 %

0,1 %

Intrusion (2)

2,1 %

2,0 %

1,5 %

Consommation d’alcool (2)

     

2,6 %

2,3 %

Suicide et tentative de suicide (2)

     

0,8 %

0,4 %

Autres types de faits (2)

0,8 %

0,8 %

   

(1) Acte qui consiste à filmer l’agression physique d’une personne à l’aide d’un téléphone portable.

(2) La modalité « Autres types de faits » a été introduite à la rentrée 2008 et supprimée en 2010. Le module comptabilisant les armes a été remanié en septembre 2009. Depuis le mois de décembre suivant, sont également prises en compte les intrusions. Enfin, la consommation d’alcool, les suicides et tentatives de suicides sont repérés depuis la rentrée 2010.

Source : enquêtes SIVIS.

Tant la nature que l’évolution des incidents, là aussi, varient selon les types d’établissements. Ainsi, la part des violences verbales apparaît sensiblement inférieure dans les lycées d’enseignement général et technologique que dans les autres catégories (34 % contre 42 % dans les collèges et 39 % dans les lycées professionnels). Pour ce qui concerne les violences physiques, elles frappent surtout les collèges (35 % des faits recensés, contre 30 % dans les lycées d’enseignement général et technologique et 28 % dans les lycées professionnels). Les dégradations de biens et les atteintes à la sécurité, quant à elles, sévissent plus particulièrement dans les lycées (28 % en lycée professionnel et 29 % en lycée d’enseignement général et technologique, contre 16 % en collège).

Évolution de la répartition des actes graves selon leur nature
et le type d’établissements, de 2007 à 2012

Champ : ensemble des établissements du second degré (France métropolitaine et outre-mer).

Source : Enquête Sivis.

En définitive, l’examen attentif des indicateurs relatifs à la violence scolaire n’incite pas à l’optimisme. Tous signalent la forte prévalence, au sein de l’institution scolaire, d’un phénomène qui représente une véritable menace pour l’école et ceux qui la composent.

B. UNE MENACE CONTRE LES ÉLÈVES ET LES PERSONNELS : L’ÉCOLE N’EST PLUS UN SANCTUAIRE

Les victimes des violences scolaires se répartissent de manière assez égale entre élèves et personnels (enseignants, directeurs d’établissements, autres personnels). Si la nature des faits ne porte pas toujours à conséquence, du moins au plan physique, chaque incident n’en constitue pas moins une atteinte à l’un des acquis les plus précieux de la République : le droit d’apprendre et de s’épanouir à l’école. La pédagogie ne peut se révéler fertile et efficace que si les enfants et les personnels restent préservés de toutes formes d’agressions ou de pressions physiques ou verbales. Dès lors que l’école n’est plus un sanctuaire, elle se trouve en danger dans ses fondements.

1. Une épée de Damoclès qui pèse sur les élèves

Selon le SIVIS, la part des élèves victimes d’actes de violence à l’école se situait, en 2010-2011, à 38,1 % (contre 43,2 % en 2007-2008). Bien qu’en inflexion assez sensible, ce dont on ne peut que se réjouir, cette proportion demeure encore importante, pour ne pas dire trop élevée, tant le traumatisme parfois subi et ses conséquences sur le parcours des intéressés peuvent être grands.

a) Une réalité significative

L’évaluation statistique des violences subies à l’école par les élèves ne saurait se résumer aux chiffres publiés annuellement sur la base des actes de violence recensés dans les établissements publics de l’éducation nationale. Il est hautement probable que de nombreux cas échappent à ce recensement ; c’est la raison pour laquelle un croisement de ces indications avec les études de victimisation réalisées par ailleurs se révèle indispensable.

Au cours du printemps 2011, quelque 18 000 élèves de collèges publics ont notamment été invités à répondre à un questionnaire sur le climat scolaire et les atteintes dont ils ont pu être victimes au sein de leur établissement. Rendus publics (3), les résultats de cette étude sont particulièrement éclairants.

On y apprend, entre autres, qu’au cours de l’année scolaire 2010-2011, les collégiens du secteur public ont déclaré, en moyenne, avoir été victimes de plus de trois incidents ou actes de violences. Plus de la moitié de ces élèves (52 %) ont ainsi subi des insultes et le tiers des bousculades (36 %). Les vols constituent également un phénomène répandu puisque 46 % des collégiens interrogés en ont déclaré au moins un s’agissant de leurs fournitures et 21 % ont signalé des vols d’objets personnels.

Plus grave, la proportion des élèves indiquant avoir été victimes de violences physiques répétées plus de deux fois s’élève à 30 % du panel. De même, 4 % ont subi des menaces avec une arme et 2 % ont été blessés par arme. Sur ces derniers cas, on constate une différence assez marquée à raison du sexe des élèves, les garçons semblant plus exposés à ce type de violences et agressions que les filles, plus sujettes quant à elles aux faits de harcèlement et d’injures verbales.

Il va sans dire que ces constats ont de quoi inquiéter les parents, la communauté éducative et les pouvoirs publics. On ne peut d’autant moins se résoudre à de telles situations que l’équilibre et l’avenir de ces enfants se trouve parfois gravement affectés par ces agressions inacceptables.

b) Des conséquences notables sur le comportement des victimes

La relation entre la violence et les apprentissages a fait l’objet de nombreuses recherches. Plusieurs incidences importantes ont été mises à jour par les spécialistes de ces questions, ainsi que le rappelle une contribution sur cette thématique, rendue publique à l’occasion des états généraux de la sécurité à l’école au printemps 2010 (4).

En premier lieu, il s’avère que les enfants victimes de violences à l’école développent plus que d’autres une opinion négative à l’encontre des études et que, à ce titre, ils sont davantage sujets au décrochage scolaire. Ainsi, 20 % auraient tendance à s’absenter pour ne plus croiser leurs agresseurs et 29 % seraient moins attentifs en classe.

En deuxième lieu, les enfants qui subissent des violences scolaires éprouvent plus que d’autres des troubles de la santé, soit parce qu’ils somatisent les traumatismes psychologiques que les violences subies engendrent chez eux, soit du fait d’une culpabilisation les conduisant à diverses formes de dépression. Dans les cas les plus aigus, cela peut les conduire à des tentatives de suicide ou à des désordres alimentaires ou comportementaux.

Enfin, en troisième et dernier lieu, l’exposition à la violence scolaire peut engendrer des séquelles sur la socialisation des élèves qui en sont victimes. Ceux-ci deviennent parfois agressifs et agresseurs, ce qui engendre par la même occasion un cercle vicieux terrible.

Devant de telles conséquences, mieux lutter contre la violence scolaire et la prévenir est un impératif nécessaire à la préservation de l’équilibre et à la réussite des enfants scolarisés.

2. Des personnels non épargnés

Comme les élèves, les personnels des établissements scolaires – qui, à titre d’illustration, ne représentent pourtant que 5 % de la population des établissements du 1er degré – apparaissent particulièrement concernés par la violence à l’école. Depuis 2007, la proportion des victimes relevant de cette catégorie est en effet passée de 50 à 53 %.

La plupart des agressions à leur encontre relèvent de violences verbales proférées par des élèves ou leur famille. Les violences physiques, quant à elles, ne représentent que 14 % des actes recensés et les vols 3 %.

Répartition des violences subies par
les personnels des établissements

Champ : ensemble des établissements du second degré (France métropolitaine et outre-mer).

Source : Enquête Sivis.

À la différence des élèves, il n’existe pas d’enquête nationale de victimisation des personnels des établissements scolaires. Quelques études ont néanmoins été réalisées en ce sens, à l’initiative de collectivités territoriales et de certaines inspections d’académies. C’est le cas notamment de l’enquête de victimisation et sur le climat scolaire réalisée fin 2011 par l’observatoire international de la violence à l’école auprès des personnels de l’éducation nationale en Seine-Saint-Denis, un département particulièrement confronté à ces problématiques. Les résultats, là aussi, sont révélateurs.

Ainsi que le relève le rapport intermédiaire de cette enquête, 48 % des personnels consultés estiment la violence présente dans leur établissement, 13 % la jugeant même très fréquente (5). Les collèges semblent à cet égard constituer le principal foyer des problèmes, dans la mesure où 61,5 % des personnels considèrent que la violence s’y manifeste plutôt voire très souvent ; les lycées professionnels apparaissent également significativement touchés, puisque la proportion de personnels estimant que la violence s’y développe plutôt souvent, voire très souvent, est aussi majoritaire (50,4 %).

Perception de la prévalence de la violence scolaire par les personnels
des établissements de Seine-Saint-Denis

 

Très souvent

Souvent

Pas très souvent

Jamais

École maternelle

5,2 %

22,6 %

63,7 %

8,5 %

École primaire

9,0 %

29,4 %

60,5 %

1,1 %

Collège

20,5 %

44,6 %

34,8 %

0,1 %

Lycée d’enseignement général et technologique

4,9 %

22,2 %

67,0 %

5,8 %

Lycée professionnel

10,5 %

39,9 %

47,6 %

1,9 %

Total

13,0 %

35,2 %

49,4 %

2,4 %

Source : Enquête auprès des personnels de Seine-Saint-Denis, p. 14.

Il est intéressant de constater que, s’agissant de la nature des violences subies par les personnels, le constat de l’observatoire international de la violence à l’école en Seine-Saint-Denis correspond aux indications plus générales publiées par le SIVIS. L’observatoire souligne effet dans son rapport que « l’ordre des victimisations est à peu près celui qui était attendu : priorité aux violences verbales : injures (44,5 %) mais aussi menaces (18 %), vol (13 %) puis violences physiques banales (bousculades, 11,7 %) ou plus sérieuses (coups, 2,2 %). Les faits très graves sont très rares » (6).

La nature des violences subies à l’école par
les personnels des établissements de Seine-Saint-Denis

Nature des violences

Proportion de personnels victimes

Injures

44,5 %

Ostracisme

18,0 %

Menaces

16,3 %

Vol

13,0 %

Bousculades

11,7 %

Harcèlement

10,9 %

Vol d’argent

2,7 %

Coups

2,2 %

Cyber-violence

1,2 %

Harcèlement sexuel

1,0 %

Blessures avec armes

0,1 %

Pas plus que pour les élèves, ces atteintes aux personnels de l’enseignement ne sont admissibles. Elles nuisent considérablement à la vocation des intéressés et au climat général au sein des établissements scolaires. Elles doivent donc être combattues avec force, résolument, en utilisant tous les leviers susceptibles de s’avérer véritablement efficaces.

II. – LA LUTTE CONTRE LA VIOLENCE SCOLAIRE :
UN IMPÉRATIF QUI DOIT REPOSER SUR L’ACCOMPAGNEMENT
ET LA RESPONSABILISATION DES PARENTS

Selon le SIVIS, le profil des auteurs des violences à l’école n’a pas beaucoup évolué depuis 2007-2008 : 87 % des auteurs des incidents recensés sont des élèves et 13 % des personnes extérieures à l’établissement ; les personnels, pour leur part, ne sont qu’exceptionnellement impliqués (0,3 % des incidents). Par voie de conséquence, c’est bien le comportement de quelques élèves qui pose problème ; c’est sur ce paramètre qu’il importe donc d’agir pour remédier efficacement et significativement à la violence au sein de l’école.

Si dans certaines situations qui confinent à la délinquance, la solution passe par une réponse judiciaire, il n’en va pas toujours ainsi. Bien souvent, un accompagnement approprié des enfants à l’origine des incidents les plus graves, à la fois par l’institution scolaire mais aussi par des travailleurs sociaux et par l’entourage familial, peut s’avérer suffisant. Encore faut-il, s’agissant des parents, que ceux-ci aient conscience de leurs devoirs et la volonté de les assumer. L’objectif du mécanisme suggéré dans la proposition de loi soumise par le groupe UMP à l’examen de l’Assemblée nationale le 21 février prochain est justement de favoriser cette prise de conscience et cette implication.

A. LES RÉPONSES INSUFFISANTES DU GOUVERNEMENT ACTUEL

La recrudescence d’actes de violence à l’encontre des personnels et des élèves à l’occasion de la rentrée de l’année scolaire 2012-2013 a conduit le ministre de l’éducation nationale à formuler, le 12 novembre dernier, quelques annonces pour tenter d’enrayer un fléau qui nous concerne tous. Même si elles ne sont pas dénuées d’intérêt, on peut douter que les mesures présentées aient un effet suffisamment important pour renverser les tendances actuelles. Du moins, mériteraient-elles sans doute de se trouver amplifiées par d’autres dispositifs, agissant sur des leviers complémentaires.

1. Alors que l’Exécutif précédent avait une véritable stratégie,…

Beaucoup de gouvernements se sont heurtés au problème de la violence scolaire. Pour la plupart, les bilans sont nuancés et ils invitent nécessairement à l’humilité. Malgré tout, de 2009 à 2012, sous l’égide du Président Nicolas Sarkozy et en considération des résultats des états généraux de la sécurité à l’école, les 7 et 8 avril 2000, et des assises nationales sur le harcèlement à l’école, les 2 et 3 mai 2011, l’Exécutif a déployé une véritable stratégie globale, s’appuyant tout à la fois sur une meilleure connaissance du phénomène, la sécurisation des établissements, la responsabilisation des acteurs et des actions spécifiques pour les établissements les plus exposés et les élèves perturbateurs. Cette vision avait du sens et elle n’est d’ailleurs pas fondamentalement remise en cause aujourd’hui.

a) La mise en place d’instruments pertinents de mesure des violences et du climat dans les écoles

Pour lutter efficacement contre la violence scolaire, il faut en connaître relativement bien les manifestations et les contours. Cette préoccupation a animé le travail de MM. Xavier Darcos et Luc Chatel, prédécesseurs du ministre de l’éducation nationale en fonction.

Ainsi que cela a été précédemment souligné, le dispositif Signa, mis en place auprès de l’ensemble des chefs d’établissements à la rentrée 2001, présentait des imperfections qui ont été corrigées en 2007, à l’occasion du déploiement du système actuel, le SIVIS. Ce dernier a progressivement été amélioré et enrichi, notamment à la suite des états généraux de la violence à l’école des 7 et 8 avril 2010, afin de prendre en compte des faits insuffisamment appréhendés.

Parallèlement, une enquête de victimisation auprès de 18 000 élèves et d’enseignants répartis dans 300 collèges publics de France métropolitaine a été menée en mars et avril 2011, afin de mieux quantifier et caractériser les violences vécues à l’école. Les résultats ont été publiés l’an passé et constituent aujourd’hui, avec les éléments recueillis par le SIVIS, une base d’appréciation objective et pertinente pour les pouvoirs publics.

b) La sécurisation des établissements scolaires

À la suite des états généraux de la violence à l’école du printemps 2010, un plan de sécurisation des établissements scolaires avait été mis en place, reposant notamment sur l’élaboration de diagnostics de sécurité, l’installation d’équipes mobiles de sécurité (EMS) et de correspondants sécurité-école dans les académies et une formation des personnels d’encadrement aux problématiques de sécurité.

Comme en attestent les bilans établis à la fin du premier trimestre 2012, toutes ces mesures ont produit des résultats encourageants, à telle enseigne qu’elles n’ont pas été remises en cause depuis le changement de majorité. Il convient plus particulièrement d’indiquer à cet égard que :

– les diagnostics de sécurité ont été réalisés dans 99 % des établissements et donné lieu à plus de 14 700 préconisations (dont un tiers ont déjà été appliquées) ;

– les EMS sont opérationnelles dans toutes les académies, où elles ont réalisé près de 16 200 interventions de septembre 2011 à janvier 2012 (52 % au titre de la prévention, 16 % au titre de la sécurisation, 24 % au titre de l’accompagnement) ;

– quelque 3 898 correspondants sécurité-école ont été désignés pour intervenir dans les établissements ;

– plusieurs modules de formation ont été suivis par les personnels des EMS et des établissements de réinsertion scolaire, ainsi que les chefs d’établissements, proviseurs et inspecteurs d’académies.

c) La responsabilisation des acteurs et l’amélioration des sanctions disciplinaires

La recherche d’une responsabilisation des élèves qui adoptent des comportements inappropriés à l’école est absolument indispensable. C’est la raison pour laquelle un nouveau régime disciplinaire a été élaboré et est entré en vigueur le 1er septembre 2011, afin de favoriser les conditions d’apprentissage et le respect des personnels dans les établissements scolaires. Particulièrement équilibré dans ses objectifs, ce nouveau régime s’appuie :

– d’une part, sur la réaffirmation de l’impératif du respect des règles, notamment par l’automaticité de l’engagement de la procédure disciplinaire en cas de violences verbales de l’élève à l’encontre des personnels, d’actes de violence graves à l’encontre d’un autre élève ou d’un personnel, ou de violences physiques ;

– d’autre part, sur la limitation des exclusions temporaires et définitives, pour éviter le risque de déscolarisation et la création, en contrepartie, de nouvelles sanctions (mesures de responsabilisation et exclusion de la classe d’une durée inférieure à 8 jours).

Parallèlement, il a été préconisé que les règlements intérieurs des collèges intègrent une charte des règles de civilité. A également été instituée une commission éducative chargée d’examiner la situation des élèves ne se conformant pas aux règles de vie des établissements, d’identifier les réponses éducatives les plus adaptées à ces cas et d’assurer le suivi des mesures de prévention, d’accompagnement et de responsabilisation, ainsi que les mesures alternatives aux sanctions.

Il apparaît donc assez clairement que, contrairement aux caricatures qui en ont parfois été faites, la politique conduite sous le quinquennat précédent, si elle a renforcé le dispositif des sanctions applicables aux élèves violents – en l’adaptant plus qu’en le durcissant – a aussi mis en place des réponses éducatives et d’accompagnement personnalisé, dont on sait bien qu’elles sont tout autant indispensables.

d) La conduite d’actions ciblées sur les élèves les plus violents et dans les établissements les plus exposés aux incidents graves

Les chiffres montrent que la violence à l’école ne se manifeste pas de manière uniforme mais qu’elle touche différemment les établissements, selon leur nature et leur localisation. Dans ce contexte, certaines actions « sur-mesure » sont indispensables pour parvenir à des résultats probants.

C’est notamment ce constat qui a motivé l’instauration des établissements de réinsertion scolaire (ERS), dont les modalités de mise en œuvre, à la rentrée 2010, ont été définies par une circulaire du 29 juin précédent (7). Accueillant les élèves exclus de leur collège en raison de leur comportement en classe mais ne relevant pas d’une sanction pénale, ces établissements proposent, pour au moins un an, une scolarisation individualisée au sein d’un parcours de formation générale, technologique ou professionnelle et un hébergement en internat pour réinsérer les intéressés. L’objectif est tout à la fois la maîtrise du socle commun de connaissances et compétences, une plus grande sensibilisation au respect des règles de la vie sociale et scolaire, ainsi qu’un réinvestissement dans les apprentissages.

Lors de l’année scolaire 2010-2011, 11 ERS ont ouvert dans huit académies ; l’année suivante, 6 nouveaux ont vu le jour, portant à treize le nombre des académies concernées (8). Leur bilan apparaît très positif puisqu’en 2010-2011, 93 % des 152 élèves accueillis dans ces structures sont passés en classe supérieure : parmi eux, 35 sont revenus dans leur collège d’origine, 48 dans un collège de leur secteur d’origine et 59 en lycée ; en 2011-2012, 81,1 % des 208 élèves accueillis ont poursuivi leur scolarité : 136 ont réintégré un établissement public local d’enseignement et 33 ont rejoint un cursus de formation professionnelle.

Parallèlement, des mesures ont été prises en faveur des établissements les plus exposés à la violence, à travers la mise sur pied du programme « écoles, collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite » (ECLAIR). À la rentrée 2012, quelque 339 établissements et 2 180 écoles étaient ainsi concernés. En leur sein, des actions pédagogiques et éducatives innovantes ont été menées afin de faciliter le développement d’un climat relationnel favorable entre élèves, personnels et parents, ainsi qu’une meilleure responsabilisation des jeunes scolarisés. S’il est encore trop tôt pour dresser un bilan de ce dispositif, force est de souligner qu’il est perçu favorablement par les principaux intéressés et qu’il ouvre des perspectives encourageantes.

Au total, ainsi que l’énumération de toutes ces initiatives prises sous le quinquennat précédent le montre, l’UMP, lorsqu’elle se trouvait aux responsabilités, a soutenu une politique cohérente, juste et pertinente face à la violence scolaire. Elle entend poursuivre dans cette voie en proposant des mesures à ses yeux justifiées et efficaces, surtout que les orientations retenues par le Gouvernement actuel ne semblent pas suffisamment convaincantes.

2. … le Gouvernement en fonction se borne à juxtaposer des mesures de portées diverses

À ce jour, la position du Gouvernement à l’encontre de la violence scolaire se résume à la mise en place de 500 assistants de prévention et de sécurité (APS) à la rentrée dernière, dans le prolongement des engagements pris par le Président de la République à l’occasion de son élection, et à certaines annonces consistant en la mise en place d’une délégation ministérielle sur le sujet et en l’instauration d’un enseignement de la morale laïque. En un sens, c’est bien peu au regard de l’ampleur du défi posé à l’école de la République.

Pour preuve, d’ailleurs, de cette indigence, on se référera au contenu du rapport annexé au projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, dont l’Assemblée nationale doit bientôt débattre et qui est sensé expliciter la teneur de la politique gouvernementale en la matière (9). Sur la cinquantaine de pages de ce document, seuls quelques développements de nature philosophique concernent la supposée ambition de l’Exécutif d’« offrir un cadre protecteur et citoyen aux élèves ». Même le nombre de postes d’APS sur la durée du quinquennat n’est pas précisé ; c’est tout dire.

a) La création des assistants de prévention et de sécurité : des emplois précaires supplémentaires au positionnement mal défini

Les APS, déployés uniquement dans les établissements les plus exposés aux phénomènes d’incivilité et de violence, ont été promis par François Hollande en janvier 2012, à Pierrefitte, en Seine-Saint-Denis. À la rentrée 2012-2013, quelque 500 postes ont été ouverts, dans des conditions et selon des modalités précisées par circulaire parue au Bulletin officiel le 6 septembre 2012 (10).

Ce recours à des personnels supplémentaires n’est pas sans rappeler les solutions retenues, avec les résultats que l’on sait, par les plans Lang de 1992 (300 postes administratifs et 2 000 professeurs appelés du contingent) et Allègre de 1997 (4 728 aides-éducateurs, 100 conseillers principaux d’éducation, 100 médecins scolaires et 485 infirmières et assistantes sociales) et de 2000 (2 005 aides-éducateurs, 1 028 aides au cadre de vie, 100 conseillers principaux d’éducation, 400 surveillants et 107 assistants de services sociaux). Les chiffres sont néanmoins sans commune mesure.

Ayant vocation à participer à l’action éducative quelque 1 607 heures par an sur trente-neuf à quarante-cinq semaines, en complémentarité avec les autres effectifs de l’éducation nationale, ces personnels ont été pensés comme un relais, sous l’autorité du chef d’établissement, des équipes mobiles de sécurité fort heureusement maintenues.

Recrutés au niveau bac + 2, ils ont bénéficié d’une formation d’une durée de 35 heures au cours des huit premières semaines suivant leur prise de fonctions (25 heures consacrées à leurs missions spécifiques de sécurité et de prévention des violences scolaires et 10 heures réservées à la connaissance du fonctionnement des établissements), complétée le cas échéant par une formation continue et pouvant faire l’objet d’une validation des acquis de l’expérience (VAE).

Assimilés à des assistants d’éducation, ces nouveaux personnels relèvent de contrats à durée déterminée d’un an, renouvelables, avec des salaires mensuels de 1 440 euros bruts. Quelque 12,8 millions d’euros ont été budgétés à cet effet dans la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.

Dans l’absolu, la dévolution de moyens humains supplémentaires à la prévention et à la lutte contre la violence scolaire peut paraître intéressante dès lors qu’elle s’inscrit dans une véritable stratégie d’ensemble. Mais tel ne semble pas être le cas des APS, dont le statut précaire et les missions relativement floues, suscitent des interrogations. Il n’est d’ailleurs qu’à voir les réticences de certaines organisations représentatives des personnels de l’éducation nationale et le refus de quelques établissements de recruter de tels effectifs pour s’en convaincre.

Il existe donc de réels doutes quant à l’efficacité des APS vis-à-vis du développement de la violence à l’école, même si naturellement l’on ne peut que souhaiter – dans l’intérêt des élèves comme des personnels – que les faits y apportent un démenti.

b) L’installation de la délégation ministérielle chargée de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire : un observatoire supplémentaire plus qu’un plan d’action

À l’automne dernier, le ministre de l’éducation nationale a annoncé la création d’une délégation ministérielle chargé de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire, dont il a confié la présidence à un spécialiste reconnu de ces questions, le professeur Éric Debarbieux, auditionné à ce titre par la Commission des affaires culturelles et de l’éducation le 10 octobre 2012. Constituée de dix membres permanents et d’un comité scientifique d’une trentaine de membres, cette instance s’est vue confier comme missions :

– l’aide au repérage et à l’observation des phénomènes de violence en milieu scolaire ;

– l’information par la réalisation de synthèses des connaissances scientifiques ;

– le conseil aux pouvoirs publics, en matière de réponses préventives, pédagogiques ou réglementaires ;

– la formation initiale et continue de personnels impliqués dans la prévention et la lutte contre les violences scolaires ;

– enfin, la coordination des actions des EMS et de suivi des APS.

Une fois encore, le principe de cette délégation ministérielle n’appelle pas d’objection particulière, d’autant que ses membres sont indéniablement des personnalités compétentes. Force est néanmoins de constater qu’une telle structure s’apparente davantage à un énième observatoire qu’à une instance véritablement opérationnelle, agissant de manière concrète et quotidienne contre les violences qui se développent à l’école. Là aussi, certains responsables syndicaux, notamment ceux des organisations représentatives des chefs d’établissements (11), ont publiquement émis des réserves sur les résultats à attendre de cette délégation, ce qui est en soi révélateur.

c) La perspective de l’enseignement de la morale laïque : est-ce du ressort de l’école de la République ?

Pour lutter contre la prolifération des violences, des incivilités et de l’irrespect à l’école, le ministre de l’éducation nationale a souhaité l’instauration de cours de « morale laïque » au nom du « redressement intellectuel et moral » de la France. Sous l’aspect d’intentions louables, cette proposition reste intellectuellement et scolairement contestable ; d’ailleurs, ce n’est sans doute pas un hasard si, sur le plan sémantique, elle a connu une certaine inflexion, le rapport annexé au projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République évoquant désormais l’instauration d’un « enseignement moral et civique ».

Les termes choisis posent nécessairement question. En effet, il existe déjà des enseignements d’instruction civique à l’école primaire, de même que des cours d’éducation civique au collège et d’éducation civique, juridique et sociale au lycée. Pourquoi y adjoindre, de surcroît, des considérations morales dont l’État s’est le plus souvent tenu à l’écart jusqu’à présent ?

En outre, une telle initiative porte en elle le germe d’une certaine confusion des genres, en ce qu’elle confère aux enseignants un rôle qui, pour beaucoup, incombe aux parents, quand bien même ceux-ci ne l’assument plus toujours. Si la mission d’un maître d’école ou d’un professeur est d’enseigner, de transmettre des connaissances à ses élèves, il ne lui revient pas d’indiquer à chacun ce qu’il doit faire ou non.

Enfin, il n’est pas sûr que les élèves eux-mêmes soient très réceptifs à l’idée de recevoir, de la part de leurs enseignants, des cours explicitement destinés à les sensibiliser à l’importance de certaines valeurs, aussi fondamentales soient-elles. De ce point de vue, la situation actuelle, qui permet aux enseignants d’aborder plusieurs enjeux ou thèmes liés à la vie en collectivité, via l’éducation civique, est sans doute préférable.

Autrement dit, à l’instar des autres dispositifs mis en place ces derniers mois, il ne faut pas attendre de miracle de l’enseignement moral et civique. Tout au plus, par sa combinaison avec les instruments déjà existants – dont l’institution remonte à avant 2012 –, permettra-t-il de stabiliser, voire d’améliorer légèrement la situation.

B. LES MESURES DE LA PRÉSENTE PROPOSITION DE LOI : DES SOLUTIONS PRAGMATIQUES ET ÉQUILIBRÉES

La proposition de loi visant à prévenir et lutter contre la violence en milieu scolaire, déposée le 24 octobre 2012 sur le Bureau de l’Assemblée nationale, n’entend pas résoudre à elle seule un fléau aussi profond, massif et complexe. Elle ambitionne toutefois d’apporter une pierre utile à l’édifice, en privilégiant une implication plus étroite des parents, acteurs trop souvent négligés et pourtant essentiels. Le mécanisme est proche de celui institué par le législateur par l’adoption de la loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire (dite loi « Ciotti »), dont on ne peut que regretter que la majorité parlementaire actuelle l’ait abrogé en ce début d’année 2013 pour des raisons essentiellement politiques.

1. Le contrat de responsabilité parentale : un instrument pertinent pour restaurer l’autorité des parents sur leurs enfants violents

Prestation d’aide sociale à l’enfance introduite par la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances dans le code l’action sociale et des familles (article L. 222-4-1) avant d’être abrogée par la loi n° 2013-108 du 31 janvier 2013 précédemment mentionnée, le contrat de responsabilité parentale pouvait être proposé aux parents ou au tuteur légal d’un enfant par le président du conseil général, de sa propre initiative ou sur saisine de certaines autorités (inspecteur d’académie, chef d’établissement scolaire, préfet, maire ou caisse d’allocations familiales), dans plusieurs cas :

– absentéisme scolaire ;

– trouble porté au fonctionnement d’un établissement scolaire ;

– toute autre difficulté liée à une carence de l’autorité parentale ;

– mise en place d’une mesure restreignant la liberté d’aller et venir des mineurs de moins de 13 ans, sur le fondement de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI 2).

Le législateur avait également prévu qu’il soit proposé aux parents d’un mineur poursuivi ou condamné pour une infraction signalée par le procureur de la République au président du conseil général.

Lorsque le président du conseil général envisageait de recourir à un contrat de responsabilité parentale, il notifiait une proposition en ce sens, au cours d’un entretien ou par voie postale, aux parents ou au représentant légal de l’enfant. Ceux-ci disposaient alors d’un délai de quinze jours pour se prononcer.

Le contrat de responsabilité parentale comportait le plus souvent un rappel des obligations des titulaires de l’autorité parentale – ce qui permettait ainsi de les responsabiliser – ainsi que des engagements réciproques pris par les parents et la collectivité territoriale : les premiers acceptaient d’user de leur autorité pour remédier aux troubles comportementaux de leurs enfants, tandis que la seconde fournissait une aide et un accompagnement social à cet effet. Le non-respect des clauses du contrat ouvrait droit à l’application de sanctions graduées : une suspension du versement des allocations familiales (automatique en cas d’absentéisme), un versement de ces mêmes allocations à un tuteur (sur décision de justice) ou des poursuites pénales, le cas échéant.

Ses caractéristiques intrinsèques faisaient de ce dispositif un instrument pertinent de responsabilisation et d’accompagnement des titulaires de l’autorité parentale sur des enfants en déshérence, en ce qu’il formalisait le rôle qui était attendu d’eux et leur apportait, en contrepartie, un soutien matériel et administratif utile. Las, la majorité des deux assemblées parlementaires a considéré que le nombre relativement réduit de contrats signés (une quarantaine entre 2006 et 2010, puis moins de 200 chaque année suivante) était le signe d’un désintérêt des différentes parties prenantes.

De fait, plus que le contrat de responsabilité parentale et l’idée d’une assistance aux familles éprouvant des difficultés à l’égard de certains de leurs enfants, ce sont les sanctions auxquelles les signataires s’exposaient qui heurtaient vraisemblablement les parlementaires de gauche. Quelle curieuse conception de l’accompagnement des parents, qui ne comporterait finalement que des droits et non des devoirs ! En l’occurrence, les sanctions prévues dans les cas de non-respect du contrat de responsabilité parentale étaient moins destinées à trouver à s’appliquer qu’à inciter les signataires à se conformer à la parole donnée. Il est dommage, que pour une appréciation aussi partiale, un dispositif intéressant ait été supprimé au lieu d’être tout simplement perfectionné.

En tout état de cause, la présente proposition de loi s’appuie sur le contrat de responsabilité parentale tel qu’il existait au moment de sa date de dépôt et la logique appelle un rétablissement au sein du code de l’action sociale et des familles du dispositif qui a été supprimé par la majorité actuelle.

2. La perspective d’une suspension des allocations familiales : un puissant levier de responsabilisation des familles

La responsabilisation implique nécessairement la possibilité d’une sanction. Jusqu’alors, l’éventualité d’une suppression des allocations familiales n’a été envisagée que dans le cadre d’un absentéisme scolaire caractérisé, sur le fondement de l’article 5 de l’ordonnance n° 59-45 du 6 janvier 1959 portant prolongation de la scolarité obligatoire, jusqu’en 2004, puis sur le fondement des articles L. 131-8 du code de l’éducation et L. 222-4-1 du code de l’action sociale et des familles, de 2010 à ce début d’année 2013. Sans donner lieu à un grand nombre d’interruptions des versements aux allocataires concernés, cette démarche avait produit de réels résultats en infléchissant sensiblement les comportements et l’implication des familles. C’est ce schéma qu’il est proposé de reproduire ici, en le transposant aux cas de violences réitérées faites aux personnes ou aux biens de l’éducation nationale par des élèves.

a) Un dispositif qui a fait ses preuves contre l’absentéisme scolaire

Contrairement à ce qu’une lecture biaisée voudrait faire croire, le bilan du dispositif adopté par le Parlement en 2010 n’était pas négatif, bien au contraire. En effet, entre février et juillet 2011, 51 126 premiers signalements ont été reçus par l’autorité académique, 32 939 avertissements ont été adressés aux familles, 12 701 élèves ont fait l’objet d’un deuxième signalement et seulement 277 demandes de suspension ont été adressées aux caisses d’allocations familiales. De même, au titre de l’année scolaire 2011-2012, 79 149 signalements ont été reçus par les inspecteurs d’académie, 75 % de ces signalements donnant lieu à un avertissement puis à quelque 21 964 deuxièmes signalements suivis, pour 1 418 d’entre eux, d’une demande de suspension adressée à la caisse d’allocation familiales.

La majorité actuelle voulait voir dans le faible nombre de suspensions d’allocations décidées (0,5 % des signalements sur le premier semestre 2011, 1,8 % en 2011-2012) l’absence supposée de portée du dispositif. C’était là faire une erreur d’analyse majeure, dans la mesure où tel qu’il avait été conçu, le mécanisme de sanctions administratives devait s’interpréter comme un procédé plus dissuasif que punitif. Or, à la lecture de ce critère, il a pleinement rempli ses objectifs puisque sur plus de 51 100 signalements au cours du premier semestre 2011 et près de 80 000 lors de l’année scolaire suivante, respectivement 50 850 et 77 731 ont conduit au retour des élèves concernés à l’école.

Qui plus est, en supprimant une suspension d’allocations familiales réversible et non définitive, la gauche n’a finalement laissé comme sanctions applicables que des règles beaucoup plus dures (amende de 750 euros de l’article R. 624-7 du code pénal pour le fait de ne pas imposer à un enfant l’obligation d’assiduité scolaire ; peines de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende prévues à l’article 227-17 du même code à l’encontre des dépositaires de l’autorité parentale qui se soustraient à leurs obligations au point de menacer la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de leur enfant mineur), même si ces sanctions-ci ne peuvent être prononcées que sous l’égide du juge.

Alors certes, l’éventualité d’une suspension des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire n’était, par définition, susceptible de concerner que les familles les plus nombreuses et aux ressources limitées. La triste réalité de l’absentéisme scolaire – forte prévalence dans les zones urbaines sensibles et au sein des familles les moins stables ou structurées – incline cependant à penser que, justement, ce levier était sans doute plus efficace que d’autres sur le public concerné.

b) Un procédé tout aussi pertinent pour remédier aux comportements violents

La transposition aux familles d’élèves s’adonnant de manière régulière à des comportements violents ou à des dégradations à l’école du processus d’accompagnement et de sanction administrative graduée, pouvant déboucher sur une suspension des allocations familiales, initialement prévu contre l’absentéisme scolaire est incontestablement une mesure susceptible d’avoir des résultats tangibles. En effet, l’absentéisme et la violence scolaires présentent des similitudes en ce qu’ils frappent plus particulièrement les mêmes catégories d’établissements (lycées professionnels, notamment), ainsi que les mêmes territoires (urbains et périurbains, essentiellement).

Naturellement, il serait pour le moins hasardeux de conclure que les élèves violents sont également ceux dont les absences se répètent le plus. Il n’en demeure pas moins que l’absentéisme comme la violence à l’école sont l’expression et la traduction d’un mal-être préoccupant de certains enfants vis-à-vis de l’institution scolaire.

Fort heureusement, tous les enfants qui n’aiment pas particulièrement les études ne le manifestent pas par un comportement agressif ou déviant. Dans de très nombreux cas, y compris dans des établissements et des territoires sensibles, les parents s’efforcent d’inculquer à leurs enfants des valeurs de respect à l’égard des personnels de l’enseignement et des autres élèves. Parfois, cependant, pour des raisons multiples ayant trait aux accidents de la vie, à des difficultés personnelles ou professionnelles, l’autorité parentale s’étiole peu à peu et un cercle vicieux s’engage.

Dans ces cas-là, un déclic s’avère nécessaire. Telle est justement l’ambition de la présente proposition de loi qui insiste, comme la loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire avant elle, sur les avertissements préalables et le dialogue avec le président du conseil général afin de trouver les réponses pratiques les plus adaptées aux différentes situations avant d’envisager l’application de sanctions présentant une portée financière par nature temporaire et réversible.

Le maître-mot du dispositif soumis à l’examen de l’Assemblée nationale est la responsabilisation des parents et non leur sanction. Si elle ne peut résoudre à elle seule toutes les difficultés, l’implication des dépositaires de l’autorité parentale est absolument indispensable à la réussite des efforts des autres parties prenantes ; tout ce qui la favorise, à l’instar des mesures de ce texte, doit donc être envisagé avec pragmatisme et non avec idéologie.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède à l’examen de la proposition de loi de M. Claude de Ganay visant à prévenir et lutter contre la violence en milieu scolaire au cours de sa séance du 13 février 2013.

I. – DISCUSSION GÉNÉRALE

M. le président Patrick Bloche. Nous examinons la proposition de loi de M. Claude de Ganay visant à prévenir et lutter contre la violence en milieu scolaire, qui est inscrite à l’ordre du jour de notre Assemblée le jeudi 21 février, dans le cadre de la journée réservée au groupe UMP.

M. Claude de Ganay, rapporteur. La violence scolaire préoccupe au plus haut point l’ensemble de la représentation nationale, comme en atteste l’audition du délégué ministériel chargé de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire, M. Éric Debarbieux, à laquelle a procédé la Commission le 10 octobre 2012. Je forme donc le vœu que nos échanges soient constructifs, dans l’intérêt de la communauté éducative et des élèves victimes d’atteintes aux personnes ou aux biens.

Le phénomène de la violence scolaire est prégnant dans les établissements français. Les derniers chiffres collectés par le système d’information et de vigilance sur la sécurité à l’école (SIVIS) montrent que ce fléau tend à croître : au cours de l’année 2011-2012, 13,6 incidents graves pour 1 000 élèves ont été déclarés dans chaque établissement du second degré, contre 12,6 l’année précédente.

Les statistiques doivent bien sûr être interprétées avec prudence, car le SIVIS est régulièrement ajusté pour tenir compte au mieux des manifestations de la violence à l’école. Sur la durée, il fournit néanmoins une tendance assez nette qui ne peut que nous inquiéter.

Lorsqu’on entre dans le détail des données rendues publiques par le ministère de l’éducation nationale, on constate que le niveau d’exposition à la violence est très disparate selon les types d’établissements. Les lycées professionnels sont particulièrement touchés, avec un nombre de faits supérieur de 6 points à la moyenne et une progression de 49,6 % des incidents répertoriés depuis 2009. Avec une moyenne de 15 incidents pour 1 000 élèves, les collèges sont aussi très concernés. Seuls les lycées d’enseignement général et technologique apparaissent relativement épargnés, mais ce constat est en trompe-l’œil, dans la mesure où les incidents graves y ont augmenté de 52,7 % depuis 2009.

À cette disparité selon la nature des établissements s’ajoute une disparité territoriale assez importante. Un quart des établissements du second degré ont déclaré 73 % des incidents recensés ; un dixième en ont relevé 44 %. Certains établissements concentrent donc l’essentiel des difficultés.

La plupart des incidents officiellement répertoriés sont des atteintes aux personnes. Parmi elles, le SIVIS identifie deux catégories particulièrement répandues et inquiétantes : les agressions verbales, qui ont représenté 40,4 % des incidents en 2011-2012, et les agressions physiques, qui en ont représenté 33,4 %. Viennent ensuite les atteintes aux biens, pour 10 %, et celles à la sécurité, pour 9,3 %, cette dernière catégorie intégrant les problèmes relatifs aux stupéfiants et à la circulation d’armes.

Heureusement, les violences scolaires demeurent donc relativement limitées à des actes d’incivilité et de brutalité relative. Il n’empêche qu’en visant plus particulièrement les personnels, qui représentent 53 % des victimes, et les élèves, 38 % des victimes quant à eux, elles affectent notablement le déroulement des apprentissages et l’épanouissement des esprits.

Deux enquêtes de victimisation sont à cet égard fort instructives.

La première a été conduite auprès de 18 000 collégiens, à la suite des états généraux de la sécurité à l’école du printemps 2010 et des assises nationales sur le harcèlement à l’école des 2 et 3 mai 2011. On y apprend que chaque collégien déclare être victime, en moyenne, de trois incidents ou actes de violence chaque année, 30 % soulignant être victimes de violences physiques répétées. Nous devons être attentifs à ces résultats au vu des conséquences potentielles de ces agressions sur les jeunes. Je me bornerai ici à rappeler le consensus des experts sur le fait que les victimes de violences scolaires sont plus sujettes que d’autres au décrochage – 20 % d’entre elles s’absentent des cours et 29 % sont moins attentives en classe – et qu’elles sont affectées de troubles de la santé tels que somatisation et dépression, voire que cela rejaillit sur leur comportement en classe – je pense notamment au développement de l’agressivité.

La seconde enquête concerne les personnels, qui font paradoxalement l’objet d’une attention moindre dans les dispositifs statistiques officiels. Je me réfère à une enquête publiée l’an passé par M. Éric Debarbieux sur les personnels enseignants de Seine-Saint-Denis. On y constate que les enseignants des collèges et lycées professionnels sont confrontés à une violence qui se manifeste d’abord par des injures et des menaces. En résulte un sentiment d’insécurité qui pèse sur l’exercice d’une mission pourtant essentielle à la vie en collectivité.

Conscients de la gravité de la situation, les pouvoirs publics, quels qu’ils soient, n’ont de cesse de promouvoir des dispositifs de prévention et de lutte contre ces violences inacceptables.

Il ne me semble pas inutile de rappeler, voire de réhabiliter les mesures prises sous le quinquennat précédent à la suite des états généraux de la sécurité à l’école et des assises nationales sur le harcèlement à l’école. Contrairement à certaines affirmations sans doute hâtives, cette politique ne saurait être résumée à « plus de sanctions ». Elle reposait sur des ressorts bien plus subtils et pertinents, tels que : la modernisation des instruments de mesure de la violence à l’école, afin de parfaire notre connaissance des problèmes ; la sécurisation des établissements sur la base d’états des lieux précis, avec 14 700 préconisations formulées, dont un tiers ont été mises en œuvre, et l’institution d’équipes mobiles de sécurité que nul ne remet aujourd’hui en cause ; la responsabilisation des acteurs et l’amélioration des sanctions disciplinaires, plus systématiques, mais moins axées autour de l’exclusion, pour éviter la déscolarisation ; enfin la conduite d’actions ciblées, d’une part, sur les élèves les plus violents, notamment grâce à un suivi et à un accompagnement personnalisés au sein des établissements de réinsertion scolaire, et, d’autre part, sur les établissements les plus exposés aux incidents graves, à travers le programme Écoles, collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite (ÉCLAIR).

Je constate avec satisfaction que beaucoup de ces initiatives ne sont pas remises en cause. Le Gouvernement a annoncé à l’automne la mise en place de dispositifs complémentaires : recrutement de 500 assistants de prévention et de sécurité (APS) à la rentrée 2012, installation de la délégation ministérielle confiée à M. Éric Debarbieux et instauration d’un enseignement moral et civique. Les intentions sont louables, mais j’ai quelques doutes sur l’efficacité de ces mesures. Au mieux, il s’agit d’initiatives aux effets de long terme ; au pire, il est à craindre qu’aucun infléchissement notable n’affecte la courbe des faits de violence enregistrés à l’école.

La proposition de loi que je défends aujourd’hui n’est pas une panacée. Par son caractère concret et opérationnel, elle tranche néanmoins avec les annonces du Gouvernement et de la majorité. Elle vise tout simplement à transposer aux atteintes aux personnes commises dans l’école et aux atteintes aux biens de l’école le mécanisme institué au sujet des élèves absentéistes par la loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010, dite « loi Ciotti ». Il s’agit de mettre en place des dispositions juridiques permettant d’associer plus étroitement les parents d’enfants violents à la résolution des problèmes.

Sans doute, les caricatures ne manqueront pas, qui ne retiendront de ce texte que la possibilité de suspendre les allocations familiales perçues par les parents d’enfants violents à l’école. Cette analyse restrictive, comme l’était d’ailleurs celle de la « loi Ciotti », n’aurait cependant pas cours si nos débats étaient dénués de toute considération idéologique. Le mécanisme proposé s’appuie en effet sur un accompagnement administratif et social des parents, formalisé à travers le contrat de responsabilité parentale. D’autre part, la suspension des allocations familiales – qui n’intervient qu’au terme d’une phase d’avertissements successifs et de violences réitérées – n’est pas définitive, mais temporaire.

Je n’ignore pas que notre Assemblée a adopté, le 17 janvier, une loi abrogeant les dispositions de la « loi Ciotti », voyant dans le faible nombre de suspensions décidées – 0,5 % des signalements au premier semestre 2011 et 1,8 % en 2011-2012 – un signe de l’absence de portée du dispositif. C’est là une erreur d’analyse, dans la mesure où ces règles avaient une visée dissuasive et non punitive : elles ont d’ailleurs rempli leur objectif en ramenant à l’école des milliers d’élèves avertis pour un absentéisme anormal.

En outre, même si l’absentéisme et la violence à l’école renvoient à des causes et à des situations différentes, ils touchent principalement les mêmes catégories d’élèves, qui éprouvent un réel mal-être au sein de l’école. Les aider à retrouver les repères de la vie en collectivité et les bases du respect d’autrui requiert la mobilisation de tous, à commencer par leurs parents. Or un mécanisme d’avertissement crédible, assorti de sanctions incitatives, apparaît parfois nécessaire à la responsabilisation des dépositaires de l’autorité parentale.

Ce texte m’apparaît donc pragmatique, approprié et susceptible de produire des résultats tangibles. Regrettant l’abrogation des dispositions de la « loi Ciotti », qui me semblaient complémentaires à celles que je défends, j’ai déposé quelques amendements visant à les rétablir. Dans certains cas, ce rétablissement s’avère d’ailleurs nécessaire pour conférer une portée effective au texte.

J’invite nos collègues de la majorité à méditer le fameux adage : « Errare humanum est, perseverare diabolicum ». Puisse-t-il les inspirer au moment du vote !

M. Émeric Bréhier. Je remercie le rapporteur de nous donner l’occasion de débattre à nouveau de la violence scolaire. Le dernier débat sur le sujet dans notre Commission remonte au 19 décembre, soit à six semaines : il était donc grand temps d’y revenir !

J’observe par ailleurs – c’est sans doute un hasard du calendrier – que cette proposition de loi a été déposée sur le Bureau de l’Assemblée le 24 octobre 2012, soit à la veille de l’adoption de la loi portant abrogation d’un certain nombre des dispositions de la « loi Ciotti » par le Sénat.

L’opposition aurait pu profiter des auditions conduites par M. Yves Durand, rapporteur du projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, pour exposer, par exemple, ses conceptions sur le lien entre le premier cycle et le second cycle ou sa vision de l’école maternelle. Mais sa réflexion ne fait de place qu’à la violence scolaire, liée, comme chacun sait, à l’absentéisme – puisqu’il n’y a d’absents que des personnes violentes, et que ne deviennent violentes que des personnes absentes…

Ce sont donc deux visions qui s’affrontent. Entre 2003 et 2012, les effectifs des personnels non enseignants ont été divisés par cinq. Comment s’étonner, dès lors, que le nombre des faits de violence dans les établissements scolaires ait sensiblement augmenté ? Et comment expliquer que celui des phénomènes de violence ait crû de 11 % entre 2011 et 2012, alors que la « loi Ciotti » était encore en vigueur ?

Notre collègue Patrick Hetzel nous rappelait, le 19 décembre, lors de notre débat sur l’abrogation de la « loi Ciotti », qu’il ne faut pas préjuger de l’efficacité d’un dispositif avant d’avoir eu le temps de l’évaluer. Laissons donc aux APS et aux recrutements de personnels éducatifs et non éducatifs dans les établissements le temps de produire tous leurs effets.

Vous l’aurez compris, le groupe SRC persévérera dans sa position : il votera contre cette proposition de loi et défendra des amendements visant à en supprimer les articles.

M. Frédéric Reiss. Permettez-moi d’abord de rendre hommage au travail de M. Claude de Ganay. Notre Commission est régulièrement appelée à travailler sur le sujet difficile de la violence scolaire. Nous allons bientôt examiner le projet de loi pour la refondation de l’école, et sans doute aurons-nous l’occasion d’en reparler. En tout cas, nul ne conteste plus qu’un climat serein soit une condition indispensable à la réussite des élèves.

C’est à juste titre que le rapport Debarbieux et le travail conduit en 2011 ont été évoqués : nous refusons tous l’oppression quotidienne et souhaitons prévenir le harcèlement à l’école. Or nous constatons que des violences répétées
– verbales, physiques ou psychologiques – sont perpétrées par des élèves à l’encontre de victimes qui sont souvent leurs pairs, mais peuvent aussi être des adultes. Nous avons tous en mémoire des témoignages d’enseignants qui se disent insultés, agressés, voire menacés, par des adolescents ayant perdu tout repère. Phénomène aggravant, ces enseignants ne se sentent ni compris ni soutenus par leur hiérarchie. Bref, ils ont beau aimer leur métier, son exercice devient périlleux.

Le rapporteur a salué le travail accompli par M. Luc Chatel en sa qualité de ministre de l’éducation nationale, qui a organisé les états généraux de la sécurité à l’école en 2010 et les assises nationales sur le harcèlement à l’école en 2011. Pour rétablir la sérénité dans les établissements scolaires, des plans de sécurisation des établissements scolaires ont été mis en œuvre, avec la désignation de correspondants pour la sécurité à l’école. Nous voulons que nos enfants puissent étudier dans les meilleures conditions.

Il faut noter qu’un phénomène nouveau a fait irruption dans les établissements : le cyber-harcèlement. Nous craignons que les 500 APS annoncés par le Gouvernement ne suffisent pas à y faire face.

La majorité n’a pu se défendre d’un mouvement d’humeur à l’évocation du dispositif « Ciotti », aujourd’hui abrogé. Mais nous souhaitons une responsabilisation des parents, et la lutte contre l’absentéisme est un premier pas dans la lutte contre la violence scolaire. À cet égard, les deux dispositifs sont complémentaires.

J’observe toutefois que la démarche ne peut être la même dans les collèges et les lycées et dans les écoles. Dans les collèges, le principal ou le proviseur a la capacité de réagir ; dans les écoles, le directeur est obligé de passer par sa hiérarchie, donc par l’inspecteur, qui peut adresser des avertissements à la famille. L’intérêt du dispositif que nous avions mis en place résidait dans la réponse graduée, qui allait du signalement à la sanction : 80 000 signalements avaient ainsi été enregistrés, 60 000 avertissements, 22 000 seconds avertissements, 1 400 demandes de suspension d’allocations familiales, dont plus de 600 devenues effectives, sachant que les allocations pouvaient être rétablies si un changement de comportement était constaté. Ce dispositif avait donc sa raison d’être ; les sanctions prévues se voulaient plus dissuasives que punitives. C’est aussi l’esprit de cette proposition de loi que le groupe UMP soutiendra.

Mme Barbara Pompili. Notre débat n’est pas sans rappeler celui sur la proposition de loi dite « Cartron », dont l’adoption – avec le soutien des écologistes – a permis de mettre fin à une injustice instituée par l’ancien gouvernement, stigmatisant des populations déjà en difficulté. Je veux parler de la « loi Ciotti », qui permettait de suspendre les allocations familiales aux parents des enfants en situation de décrochage scolaire : pour lutter contre l’absentéisme scolaire, elle proposait donc une approche punitive pénalisant un peu plus ces familles, sans pour autant s’attaquer aux racines du problème.

Injuste socialement, la « loi Ciotti » s’est aussi révélée inefficace.

Malgré l’épreuve des faits et les nombreuses analyses démontrant l’injustice et l’inefficacité de cette approche punitive, c’est bien le retour de cette logique qui nous est aujourd’hui proposée. Les écologistes s’opposeront donc à cette proposition de loi.

La logique doit être inversée : il ne s’agit pas de sanctionner, mais d’accompagner les élèves et les familles. Ce texte est donc une mauvaise solution à un vrai problème.

Il ne s’agit pas de nier le problème de la violence scolaire, mais d’y apporter les réponses adéquates. Au cours de l’année 2011-2012, les établissements du second degré ont connu en moyenne 13,6 incidents pour 1 000 élèves. Il y a là un enjeu pour les élèves, mais aussi pour les adultes.

Le Gouvernement a démontré sa volonté d’agir en créant 500 postes d’assistants de prévention et de sécurité, ainsi qu’une délégation ministérielle chargée de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire. Nous attendons beaucoup des travaux de cette délégation, qui devra notamment s’intéresser à la formation dans les écoles supérieures du professorat et de l’éducation. Nous souhaitons que, dans ce cadre, des formations à la résolution des conflits soient organisées à l’intention des enseignants, des conseillers principaux d’éducation et des élèves, voire des familles. Les initiatives de médiation doivent par ailleurs être renforcées.

Je tiens à insister sur un autre aspect : le lien entre violence scolaire et pratiques pédagogiques. Le système de notation doit être revu : souvent vécue comme stigmatisante, la notation peut susciter incompréhension et sentiment d’injustice, et conduire au décrochage scolaire, alors qu’il faut au contraire accompagner les élèves en difficulté pour leur redonner le goût d’apprendre.

De même, il convient de repenser l’idée de la punition. Sans nier la nécessité d’une sanction dans certains cas, force est de constater que, plus celle-ci est sévère et perçue comme injuste, plus les comportements seront agressifs. Le retour à l’autorité comme remède à la violence scolaire va donc à l’encontre de la réalité et de l’expérience.

Nous attendons beaucoup de la refondation de l’école sur ces sujets : une autre approche contribuera à apaiser certains climats tendus et permettra à chacun de trouver sa place au sein du système scolaire.

S’il est important de renforcer la présence humaine et sa qualité, il est aussi démontré que la stabilité des équipes pédagogiques contribue à un climat apaisé, notamment dans les quartiers sensibles où l’investissement des équipes pédagogiques dans la durée est nécessaire.

L’amélioration de la vie d’équipe, l’instauration d’une gouvernance démocratique ou le développement de projets collectifs et participatifs sont aussi des facteurs qui contribuent à résoudre le problème de la violence scolaire.

Une plus grande implication de tous les acteurs de l’éducation, dont les parents d’élèves, est nécessaire. Les élèves eux-mêmes doivent devenir acteurs de leur parcours scolaire.

On observe par ailleurs une corrélation entre la violence et le contexte scolaire dans lequel évolue l’élève. La composition des classes, par exemple, influe grandement sur le climat social de l’établissement : il est préférable d’éviter les classes de même niveau, stigmatisantes pour les plus faibles.

S’il convient de faire évoluer les habitudes et de bousculer la pédagogie, la question des inégalités territoriales est également posée. En effet, ce sont souvent sur les mêmes territoires que les difficultés – absentéisme, échec scolaire, décrochage, violence – se concentrent.

La philosophie générale de l’éducation prioritaire doit certes être améliorée, mais les inégalités socio-territoriales restent une réalité. La politique de la ville a ici un rôle important à jouer.

Une approche globale est nécessaire, car la violence ne concerne pas que l’école : elle est présente dans l’ensemble de notre société. C’est pourquoi il est nécessaire de retisser du lien social tant à l’intérieur qu’à proximité des établissements.

Enfin, nous plaidons pour une meilleure coordination entre l’ensemble des structures qui interviennent auprès des familles et sur les territoires en difficulté.

La violence en milieu scolaire a des causes multiples. Elle appelle donc une réponse globale, à la fois éducative et sociale, qui dépasse de loin la simple suppression des allocations familiales.

M. Rudy Salles. Nous avons tous eu de mauvaises notes un jour ou l’autre. Nous n’en sommes pas traumatisés pour autant, chère collègue ! Il me semble que vous êtes un peu dans l’excès ; or tout ce qui est excessif est dérisoire.

La violence à l’école est un obstacle à la liberté d’accès à l’instruction et à l’exercice du métier d’enseignant. Au-delà de l’enseignement, c’est bien sûr la question de l’éducation qui est posée, qui renvoie plus largement à la responsabilité des parents. Nous partageons tous l’inquiétude des parents, des élèves et des enseignants face à ce phénomène.

Alors que ce sujet n’est pas spécifiquement abordé dans le projet de loi de refondation de l’école, et quelques semaines après l’abrogation de la « loi Ciotti » visant à lutter contre l’absentéisme scolaire, ce texte revient sur une préoccupation fondamentale, qui pourrait faire l’objet d’un débat constructif. Il ne s’agit donc pas de stigmatiser qui que ce soit ou d’attiser des peurs, mais de trouver ensemble, sereinement, des solutions concrètes à un fait réel.

L’enquête annuelle SIVIS, publiée sur le site du ministère de l’éducation nationale, a récemment conclu à une hausse des violences à l’école. En 2011-2012, les établissements publics du second degré ont déclaré en moyenne 13,6 incidents graves pour 1 000 élèves, contre 12,6 l’année d’avant.

Comme les années précédentes, les lycées professionnels affichent le plus fort taux d’incidents – 19,6 pour 1 000 élèves – avec les collèges – 15 pour 1 000. C’est d’ailleurs dans ces établissements que les cas de professeurs agressés sont les plus fréquents. À 81 %, ces agressions se caractérisent par des atteintes aux personnes.

Mais la violence scolaire n’épargne pas l’école primaire. C’est l’une des conclusions de l’enquête publiée le 20 septembre, sous le titre « L’école entre bonheur et ras-le-bol », qui a été conduite auprès de 12 000 personnels du premier degré par MM. Éric Debarbieux et Georges Fotinos. Certes, près de 92 % des personnels interrogés jugent positivement le climat scolaire. Reste que 8 % d’entre eux se déclarent victimes de « violence répétée » de la part de ces élèves, et que 12,9 % ont été insultés. 37 % des professeurs de primaire avouent avoir eu au cours de l’année des problèmes fréquents avec des enfants « gravement perturbés ».

Il existe aujourd’hui plusieurs dispositifs de sécurisation des établissements scolaires. Par ailleurs, les états généraux de la sécurité à l’école, réunis en Sorbonne en avril 2010, ont identifié cinq orientations. Le Gouvernement a lui-même clairement montré que ce sujet était une de ses préoccupations, en créant 500 postes d’APS dans les établissements dits sensibles dès la rentrée 2012, ainsi qu’une délégation ministérielle qu’il a confiée à M. Éric Debarbieux.

Il s’agit donc d’identifier les complémentarités qui peuvent exister entre les dispositifs actuels et ce texte, qui instaure un système gradué visant à responsabiliser les parents dans le cadre d’un contrat de responsabilité parentale élargi.

D’une part, l’école doit être sanctuarisée et maintenue à l’écart de la violence que l’on trouve à l’extérieur. La communauté éducative ne réclame pas d’effectifs de police dans les établissements, mais simplement quelques moyens juridiques permettant de faire pression sur les enfants, voire sur leurs parents, afin de parvenir à une responsabilisation collective. Il devient urgent de donner aux enseignants et aux personnels d’encadrement les moyens de faire respecter les règles du vivre ensemble à l’école. Le dogme « il est interdit d’interdire », un temps très en vogue, a fait des ravages en sapant l’autorité des maîtres et des personnels d’encadrement. Il faut leur redonner le pouvoir de faire respecter l’école – et de se faire respecter – au lieu de devoir baisser les yeux comme si rien ne se passait.

D’autre part, ce mécanisme d’avertissement préalable des parents d’enfants commettant des violences à l’école en cas de récidive me paraît obligatoire pour solliciter leur vigilance. Il ne sera mis en œuvre que dans des cas sérieux, et l’avertissement sera gradué en fonction de la gravité des violences.

Après avoir abrogé la « loi Ciotti » par idéologie, il semble nécessaire d’en revenir à la suspension des allocations familiales tant décriée par la majorité. Celle-ci veut voir dans le faible nombre de cas répertoriés dans l’application de cette loi une preuve de son inefficacité. Faut-il rappeler que son application a été récente et de courte durée ? De surcroît, nous en attendions un effet préventif plus que répressif, et celui-ci commençait à se manifester.

La position du groupe UDI est donc conforme à celle qu’il avait adoptée pour la « loi Ciotti ». L’éducation des enfants est l’affaire de tous, et les parents ne peuvent être exonérés de leurs responsabilités, parce qu’elles sont la condition fondamentale de l’équilibre des enfants. Aussi émettrons-nous un avis favorable à ce texte, en espérant que le dispositif proposé trouve sa place dans le cadre qui s’élabore actuellement.

M. Thierry Braillard. Le groupe RRDP votera contre cette proposition de loi. Nous l’avons constaté une fois de plus avec la communication que vous nous avez présentée ce matin, monsieur le président : si nous pouvons nous accorder sur certains sujets, il est aussi des sujets clivants, pour lesquels droite et gauche n’ont pas la même approche. La violence en milieu scolaire en est un. Les uns donnent la priorité à la prévention, les autres préfèrent la répression : il y a là une différence importante.

Le Gouvernement n’est pas resté inactif, puisque le ministre de l’éducation nationale, M. Vincent Peillon a installé en novembre 2012 la délégation ministérielle chargée de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire, confiée à M. Éric Debarbieux. Les constats et les solutions que celui-ci entendait proposer à court et à long terme avaient d’ailleurs fait l’objet d’une certaine unanimité lors de son audition par notre Commission.

Le Gouvernement a également créé 500 postes d’APS, après des années de suppressions de postes dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP).

Enfin, je voudrais rappeler que le code du travail interdit les sanctions pécuniaires. Pour contourner ce principe juridique, vous expliquez que la mesure que vous proposez n’est pas punitive. Mais le texte est clair : après un avertissement, la sanction tombe et les allocations sont suspendues. Comme je l’avais dit lors de la discussion de l’abrogation de la « loi Ciotti », il s’agit donc bien de prendre de l’argent à ceux qui n’en ont pas.

Mme Marie-George Buffet. Cette proposition de loi obéit à la même logique que la « loi Ciotti », que nous avons abrogée il y a quelques semaines. Nous en sommes tous d’accord, la violence à l’école est inacceptable, un climat serein doit régner dans les établissements pour que les élèves y poursuivent leurs études dans de meilleures conditions, les enseignants et l’équipe éducative doivent être respectés. C’est la question des moyens à mettre en œuvre qui nous divise. Il convient d’abord de réfléchir sur les causes de la violence à l’école, qui n’est que le reflet de celle qui existe dans notre société. Ces causes peuvent être psychiques, auquel cas l’enfant ou le jeune demande un accompagnement psychologique ; elles peuvent être liées à une violence intrafamiliale, qui fait que le seul modèle de l’enfant est celui des rapports de force et de la violence physique, ou à un mal-être lié à une impression d’échec, parfois encore à un sentiment d’impunité qui pousse l’enfant à monter chaque fois d’un degré dans la violence.

C’est à toutes ces causes que nous devons nous attaquer. La réponse réside à la fois dans la présence d’adultes qualifiés – hormis les enseignants – dans les établissements scolaires, et dans le projet de l’équipe éducative. J’ai moi-même constaté que le renouvellement de l’équipe éducative pouvait s’avérer bénéfique pour le comportement des élèves et la réussite scolaire. Il y a donc un travail de prévention à mener. Le Gouvernement s’y est attelé.

Bien sûr, les familles – toutes les familles – sont responsables de l’éducation de leurs enfants. Mais elles ont parfois besoin d’être aidées – et non sanctionnées – pour y faire face. Ce n’est pas l’esprit de ce texte. Le groupe GDR votera donc contre.

M. Jean-Pierre Le Roch. Cette proposition de loi n’est qu’une version réchauffée de la « loi Ciotti » que nous avons abrogée il y a moins d’un mois. L’exposé des motifs insiste sur les taux de plus en plus élevés d’actes de violence dans leurs diverses formes. Si nous rejoignons le rapporteur sur ce constat, nous désapprouvons l’analyse qu’il en fait et sur les solutions qu’il préconise. Les chiffres l’attestent, la suppression des allocations familiales est aussi injuste qu’inefficace.

Entre 2003 et 2012, le nombre des personnels d’éducation non enseignants a été divisé par cinq, alors que la présence d’adultes dans les établissements scolaires est un gage de sécurité et y garantit un climat favorable.

À une réponse sécuritaire, où la politique familiale devient un levier de sanctions, nous opposons des solutions concrètes, qui s’inscrivent dans l’ambition d’une école du futur. Dès la dernière rentrée, nous avons mis en place une délégation ministérielle à la lutte contre les violences en milieu scolaire, confiée à M. Éric Debarbieux, et recruté 2 000 assistants d’éducation et 500 APS dans les collèges et les lycées les plus exposés aux phénomènes de violence. Sortir de la posture idéologique est un prérequis, comme l’est le renforcement de la présence des adultes. La lutte contre les violences scolaires est une priorité, mais doit s’inscrire dans un projet global pour l’école de demain.

M. Guénhaël Huet. Les chiffres cités par le rapporteur montrent que la violence scolaire est une réalité incontestable – et incontestée, si j’en crois les précédentes interventions. Elle touche autant les élèves que les enseignants. Je m’attacherai ici aux élèves, pour constater que, comme chaque fois que sévit la violence, les plus faibles sont les premières victimes.

Le principe de réalité devrait nous conduire sinon à l’unanimité, au moins à une unité de vues sur des mesures concrètes pour lutter contre la violence scolaire. Je regrette qu’une partie de la Commission se réfugie dans l’idéologie et se contente de répéter les éternels refrains sur les effectifs des enseignants et des personnels scolaires, comme s’il suffisait de multiplier ceux-ci pour mettre fin à la violence scolaire. Le mal est bien plus profond.

Je suis d’ailleurs consterné de voir la gauche céder à ce qu’il faut bien appeler une dérive idéologique en délaissant le terrain de la défense des plus faibles, comme elle le fait sur ce sujet. J’observe qu’il n’y a pas si longtemps, elle faisait prévaloir la solidarité sur l’individualisme. C’est désormais l’inverse : on laisse s’épanouir toutes les initiatives individualistes au nom de la liberté individuelle. Ce n’est pas notre conception de la société ; s’agissant de la violence scolaire, elle est plutôt défendue par la proposition de loi de M. Claude de Ganay, que nous soutiendrons.

M. Marcel Rogemont. Si je comprends bien, une loi qui est sortie par la porte nous revient par la fenêtre ! J’aimerais cependant poser une question au rapporteur. Vous nous avez rappelé que les problèmes de violence se concentrent à la fois dans certaines zones géographiques et dans certains établissements. Pourquoi donc nous proposez-vous des mesures à caractère général, fondées sur des statistiques à caractère tout aussi général, alors que le constat que vous dressez appelle au contraire des mesures particulières ? Je suis dubitatif sur les conclusions de votre rapport. Je crains qu’il n’ait davantage vocation à remplir une fonction tribunitienne qu’à régler véritablement les problèmes. Pour ma part, je lui préfère les mesures annoncées par le ministre de l’éducation nationale.

M. Michel Herbillon. Je regrette que Mme Barbara Pompili soit partie après son intervention. Comme nombre de collègues sans doute, je suis de ceux qui ont été stigmatisés et traumatisés par les notes qu’ils ont reçues lorsqu’ils étaient à l’école. Nous avons vécu cette expérience dans une immense douleur ; nous tâchons aujourd’hui de nous reconstruire…

Qu’avons-nous entendu, dans l’intervention de notre collègue, si ce n’est de la phraséologie et de l’idéologie ? Elle n’a pas avancé l’ombre d’une proposition ! Certes, les causes de la violence sont multiples, mais, pour toute réponse, elle ne propose que des discours mâtinés d’idéologie. Si les notes sont « stigmatisantes », c’est le professeur qui les attribue qui devient l’auteur de la violence. À ce compte-là, toute observation faite à un élève est traumatisante. Notre débat mérite mieux que cette culture de l’excuse. À trop vouloir expliquer l’inexplicable, on finit par excuser l’inexcusable et par justifier l’injustifiable. Le discours que nous avons entendu est précisément celui qui décourage les éducateurs, les professeurs, les adultes, les élus, et finalement les citoyens que nous représentons.

M. le président Patrick Bloche. Je sais que vous êtes un esprit juste, monsieur Herbillon. Je comprends votre déception que Mme Barbara Pompili ne soit plus là pour vous entendre ; je laisserai à Mme Isabelle Attard le soin de vous répondre sur le fond. Permettez-moi simplement de rappeler que nous avons la chance d’avoir deux présidents de groupe dans notre Commission, dont Mme Barbara Pompili qui est particulièrement assidue à nos travaux.

Mme Colette Langlade. Monsieur le rapporteur, les termes que vous employez dans le projet de rapport – « vaccin », « fléau » – me semblent bien mal choisis pour parler de l’humain qui nous intéresse, l’élève. On comprend que vous regrettez les années où vous étiez au pouvoir : vous parlez encore de « sécurisation des établissements », de « responsabilisation des acteurs », d’« actions ciblées sur les élèves les plus violents et dans les établissements les plus exposés aux incidents graves ».

Je suis tout aussi choquée par la violence de vos propos à l’encontre des lycées professionnels. Ce que vous ne dites pas, c’est pourquoi il y a autant de violence scolaire dans ces établissements-là. Les explications tiennent à des problèmes d’orientation, à la rupture avec l’univers du collège, à des difficultés d’insertion professionnelle. C’est à se demander si vous êtes déjà entré dans un lycée professionnel…

Le projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République répond déjà à certaines des questions que nous nous posons. L’article 28 propose ainsi de faire acquérir – plutôt que d’inculquer – aux élèves le respect de la personne, de ses origines et de ses différences, ainsi que l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce peut être un moyen pédagogique pour mieux accompagner le jeune dans son environnement. Je vous invite aussi à lire l’article 46. Dans votre rapport, vous dites que, pour lutter contre la violence scolaire, le président du conseil général doit aider et accompagner socialement le jeune. L’article 46, lui, prévoit l’organisation d’activités périscolaires, qui pourront être menées au niveau local, dans le cadre d’un projet éducatif territorial associant les administrations, les collectivités, les associations et impliquant notamment les élus et les parents du jeune. Si je vous rejoins sur la nécessité d’inciter les parents à mieux accompagner les jeunes, cet accompagnement doit aussi être mis en œuvre dans des projets et des formations éducatives.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Je désapprouve la méthode qui consiste à remettre sur la table un texte discuté il y a de cela quelques semaines. Cela fait perdre du temps au Parlement, et c’est un peu se moquer de la représentation nationale. En revanche, je rejoins la philosophie du texte.

Je m’étonne d’autre part de ce que nous venons d’entendre. Pour régler les problèmes, encore faut-il les poser. Comment lutter contre les violences en milieu scolaire s’il n’est pas possible d’évoquer les vrais chiffres de la violence dans les lycées professionnels ?

Il est important de redonner toute sa dimension à l’autorité parentale dans notre société qui n’a de cesse d’infantiliser les citoyens, notamment les parents. J’ai suivi avec attention le débat sur l’abrogation de la « loi Ciotti ». Les propos de la ministre nous expliquant, en substance, qu’il ne fallait ni pénaliser ni stigmatiser les pauvres qui ne savaient pas gérer leurs crises d’adolescence m’ont finalement paru assez méprisants. Il y a là une différence de fond entre la droite et la gauche, qui touche à l’idée même que l’on se fait de la scolarité. Plutôt que d’éducation nationale, nous devrions parler d’enseignement national – mais c’est là un autre débat.

Sans doute ce texte ne va-t-il pas assez loin. Le délai de retour à la normalité – pour pouvoir bénéficier à nouveau des aides – inclut en effet les vacances scolaires. En d’autres termes, un enfant violent avant les vacances d’été ne se verra infliger aucune sanction. De même, la période permettant de constater un retour à la normale se trouve réduite à deux semaines pour peu qu’elle inclue deux semaines de vacances. Enfin, les délais de la procédure sont beaucoup trop longs : pour être efficace, une sanction doit tomber rapidement. Si l’idée est bonne, le texte est donc imparfait.

M. Patrice Verchère. Je souhaite d’autant plus sensibiliser la représentation nationale à des violences souvent méconnues, mais bien réelles, que mes amendements sur la proposition de loi vont sans doute tomber. Je veux parler des jeux dangereux, qui peuvent être répertoriés en deux catégories, les jeux d’asphyxie et les jeux d’attaque.

Beaucoup de parents et d’enseignants ignorent ou sous-estiment l’existence de ces pratiques, et ne peuvent donc agir pour éviter les drames. La pratique des jeux dangereux dans les cours d’école est un véritable fléau, et beaucoup des jeunes qui s’y livrent ignorent que l’issue peut être fatale. D’une violence inouïe, ces jeux peuvent conduire à des séquelles psychologiques graves, à des séquelles physiques, à des lésions traumatiques irréversibles, et malheureusement à des décès – d’où l’intérêt de sensibiliser les parents à ce sujet et de les responsabiliser sur le comportement de leurs enfants.

Mme Sandrine Doucet. J’ai l’honneur d’avoir été, il y a quelques semaines, rapporteure de la proposition de loi « Cartron » tendant à abroger la « loi Ciotti ». Il me semble que vous commettez deux erreurs : la première est de court-circuiter toutes les solutions qui peuvent être proposées par l’école ; la seconde d’incriminer de nouveau la famille comme le lieu de la faute, de la cause et de la prescription. Il existe déjà dans le règlement intérieur des établissements des sanctions graduées contre la violence à l’école, qui peuvent aller jusqu’à la saisine du procureur de la République. Vous proposez de court-circuiter l’école en passant par le président du conseil général, alors que l’idée qui prévaut dans le projet de loi pour la refondation de l’école, que je vous invite à consulter, est de recentrer les solutions sur l’élève, l’école et la communauté éducative – et en aucun cas de sanctionner financièrement les familles. C’est du reste contraire à ce qui se fait en Europe, comme à ce que préconisent tous les rapports que nous avons cités à l’occasion de l’examen de la proposition de loi « Cartron ».

Mme Dominique Nachury. J’ai cru entendre que les racines du problème étaient connues. Sans doute en va-t-il comme de la nature : le système racinaire est très complexe.

On parle beaucoup de la présence d’adultes professionnels dans le milieu scolaire. C’est sans doute une condition nécessaire, mais elle n’est pas suffisante. A-t-on suffisamment conscience de la nécessité d’associer et d’informer les familles ? On les soutiendrait dans leur rôle éducatif en les associant davantage à la prise de conscience du problème et à un véritable état des lieux, ce qui suppose de faire la distinction entre autorité et pouvoir.

Mme Isabelle Attard. Permettez-moi de répondre à M. Michel Herbillon. Les écologistes ne font pas de fixation sur la notation. Simplement, ils préfèrent la prévention à la punition. Les problèmes surviennent lorsque les adultes ont tous déserté l’école. Je ne parle pas seulement du périmètre de l’établissement scolaire, mais de ses abords, dont personne n’assure la surveillance. Je le sais pour avoir moi-même été témoin de ce type de violences. C’est donc bien la présence d’adultes – formés ou non – qui permettra de lutter contre la violence, et non la seule sanction, comme le suggère ce texte.

Mme Martine Martinel. On ne peut laisser dire qu’il y aurait à gauche une idéologie laxiste et un abandon des valeurs républicaines, notamment en ce qui concerne l’école. Par ailleurs, même si les violences commises par les élèves sont une réalité, il ne faut pas oublier qu’il existe aussi des violences envers les élèves. Je pense à des pratiques qui n’ont plus cours aujourd’hui, telles que le port du bonnet d’âne, ou simplement au fait de répéter à un élève « tu es nul », ce qui est une violence verbale. Il est vrai que la notation elle-même peut, dans certains cas, susciter des questions.

M. Dominique Le Mèner. Sans refaire le débat que nous avons déjà eu à l’occasion de l’abrogation de la loi visant à lutter contre l’absentéisme scolaire, il est nécessaire de poser à un moment ou à un autre la question de l’utilité de la sanction. Si nos collègues de la majorité considèrent qu’il est stigmatisant d’être sanctionné pour des faits aussi graves que ceux dont nous parlons, je les invite à se référer à l’exemple de la sécurité routière. L’aggravation des sanctions a conduit à une baisse des comportements dangereux et du nombre de tués sur nos routes. Cette politique, qui a contraint certains de nos concitoyens à une révolution culturelle, a été sévère. De même, en matière de lutte contre les violences scolaires, nous devons mettre en place des dispositifs assez contraignants pour inciter à respecter la règle, et des sanctions assez rapides pour être efficaces. Tout cela relève de la responsabilité du législateur.

M. Hervé Féron. Les méthodes proposées par ce texte ne sont pas les bonnes. Il faut cesser de stigmatiser les parents, c’est-à-dire de s’ériger en juge. Ayons l’humilité de le reconnaître, il est difficile d’être un bon parent, et nul ne peut savoir s’il ne connaîtra pas demain de vraies difficultés avec son enfant ou son adolescent. Or c’est une vraie douleur que de ne plus savoir comment faire avec son enfant. N’ajoutons pas à la difficulté de ces parents : proposons d’autres dispositifs en amont. Faisons par exemple en sorte qu’ils puissent se confier à une personne de confiance de leur choix. Pour cela, faisons travailler en réseau, sur un territoire donné, le plus grand nombre possible de professionnels : enseignants, psychologues, médecins généralistes, orthophonistes, assistantes sociales. Ils pourront ainsi mobiliser les bonnes compétences au bon moment pour proposer un accompagnement adapté aux parents qui en exprimeraient le besoin.

M. le rapporteur. Je remercie l’ensemble de nos collègues qui sont intervenus sur cet important débat de société. Vous me permettrez de leur adresser une réponse globale. Cette proposition de loi ne saurait évidemment répondre, à elle seule, au problème de la violence en milieu scolaire. Je l’ai dit, elle ne constitue pas une panacée et devrait être complétée par plusieurs dispositifs, pédagogiques ou autres.

Je ne sais si le hasard du calendrier fait bien les choses, monsieur Bréhier, mais certains d’entre vous ont peut-être entendu ce matin aux informations qu’un collégien s’était suicidé à la suite de railleries perpétuelles liées à la couleur de ses cheveux – il était roux. Je ne veux pas utiliser ce fait divers dramatique ; permettez-moi simplement de rappeler que, en septembre dernier, j’ai rencontré les enseignants qui avaient été agressés à Bordeaux et à Poitiers, et qui m’ont dit attendre des pouvoirs publics des réponses concrètes, plus que la sympathie qui leur est généralement prodiguée en pareille circonstance. C’est ce qui m’a conduit à déposer cette proposition de loi.

Je ne fais pas la même lecture que vous de ce texte. Je n’y vois pas de sanction immédiate, mais d’abord un dispositif de prévention. L’une d’entre vous a d’ailleurs estimé que le délai ménagé pour prendre la décision d’une sanction était trop long.

Quant à la « loi Ciotti », j’estime qu’elle a fait ses preuves. Sur 80 000 signalements, 79 858 jeunes ont en effet retrouvé le chemin de l’école. Contrairement à ce que j’ai entendu, il ne s’agissait pas de sanction, mais bien de prévention, puisque la sanction n’intervenait qu’en dernier recours. Si elle n’a pas eu lieu d’être dans la plupart des cas, c’est bien que le dispositif était efficace.

Il est important de restaurer le contrat de responsabilité parentale afin de rétablir un lien entre les familles et les enseignants.

Je précise enfin que, en tant que maire, je rencontre régulièrement les enseignants et les directeurs d’école. Et je signale à Mme Colette Langlade que, étant également conseiller général, j’ai eu l’occasion de me rendre dans des collèges et des lycées professionnels à de multiples reprises.

II. – EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Instauration d’un mécanisme d’avertissement préalable des parents d’enfants commettant des violences à l’école et, en cas de récidive de ces derniers, de suspension des allocations familiales

Disposition principale de la proposition de loi, cet article 1er institue, sur le modèle du mécanisme d’avertissement préalable et de suspension des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire créé par la loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire, un système équivalent pour les actes de violences verbales et physiques à l’encontre des élèves, enseignants et personnels des établissements scolaires ainsi que pour les dégradations des biens de ces établissements. Ce nouveau dispositif est appelé à prendre place dans le titre VII du livre IV de la deuxième partie du code de l’éducation, sous la référence de l’article L. 472-1-1, au sein d’un titre III créé pour l’occasion.

Assez logiquement, le contenu de ce nouvel article L. 472-1-1 est le décalque, à l’exception des causes d’enclenchement de la procédure, de celui de l’article L. 131-8 du même code dans sa version antérieure à la promulgation de la loi n° 2013-108 du 31 janvier 2013.

1. Des hypothèses de mise en œuvre particulièrement graves : des causes sérieuses

Deux cas de figure sont plus particulièrement prévus comme faits générateurs du dispositif mis en place :

– en premier lieu, la commission par un enfant scolarisé d’outrages ou d’atteintes intentionnels et répétés sur un élève, un enseignant ou tout membre des personnels travaillant dans les établissements d’enseignement scolaire (1°). Ainsi que le montrent les données du SIVIS, il s’agit de comportements majoritaires (40,4 % des actes de violence recensés sur la dernière année scolaire correspondent ainsi à des violences verbales, le total des atteintes aux personnes s’élevant à 80,7 %) ;

– en deuxième lieu, la réalisation, de façon intentionnelle, d’actes répétés de vol, de destruction, de dégradation ou de détérioration d’un bien affecté à un établissement d’enseignement scolaire ou appartenant à un élève (2°). Ces cas, bien que moins nombreux et en légère diminution depuis 2007, n’en demeurent pas moins statistiquement significatifs (10 % des incidents enregistrés).

La rédaction retenue par le texte pour la qualification des actes donnant lieu à la mise en œuvre de la procédure d’avertissement puis, le cas échéant, de suspension des allocations familiales est délibérément précise et assortie de garde-fous. Tous les actes visés doivent effectivement avoir été commis de manière intentionnelle, ce qui sous-entend la préméditation et une forme de violence gratuite, et aussi de manière répétée, de manière à ce que les élèves concernés soient des enfants qui recourent à la violence à titre habituel et non à l’occasion d’un incident ou d’un différent, comme il en existe tant dans les établissements.

Le champ des victimes a également son importance. Les élèves figurent au premier plan (38,1 % des faits déclarés, selon l’enquête SIVIS 2010-2011, mais sans doute plus en réalité, au quotidien) car ils figurent parmi ceux qui souffrent le plus des violences à l’école ; les enseignants et les personnels se trouvent également pris en compte car ils subissent le plus grand nombre d’agressions (45,2 % des faits déclarés d’après l’enquête SIVIS 2010-2011).

Pour ce qui concerne les atteintes aux biens, enfin, les actes pris en considération sont multiples mais induisent tous un préjudice (perte du fait d’un vol ou d’une destruction, dommage du fait d’une dégradation ou détérioration).

Au total, il s’agit bel et bien de ne viser que des actes répréhensibles dans leurs conséquences et inacceptables car délibérés et réitérés.

2. Un dispositif d’avertissement préalable à toute sanction administrative : une procédure graduelle

Outre qu’elle ne vise pas n’importe quels faits, la procédure mise en place à l’article L. 472-1-1 du code de l’éducation s’articule autour d’un mécanisme d’application graduée, et donc incitatif. En l’espèce, il n’est pas suggéré au législateur de sanctionner sans préavis des parents négligents ou dépassés mais bien de les sensibiliser à la gravité des actes de leurs enfants et de les accompagner dans la reconquête de leur autorité sur ces derniers.

C’est ainsi que le constat de violences réitérées doit amener le directeur ou la directrice de l’établissement d’enseignement à saisir l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation (à savoir l’inspecteur d’académie, directeur académique des services de l’éducation nationale – DASEN) afin que celle-ci adresse un avertissement aux personnes responsables de l’enfant, afin de leur rappeler les sanctions administratives et pénales applicables et de les informer sur les dispositifs d’accompagnement parental auxquels elles peuvent avoir recours.

Corrélativement, l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation est appelée à saisir sans délai le président du conseil général du cas des enfants pour lesquels un avertissement est intervenu en vue de la mise en place d’un contrat de responsabilité parentale (12) ou de toute autre mesure d’accompagnement que le président du conseil général peut proposer aux familles. L’objectif poursuivi est la formalisation par écrit, entre les autorités départementales et les parents, d’un certain nombre d’engagements réciproques matérialisant l’aide de la collectivité à l’égard des familles concernées et l’attention nouvelle des parents vis-à-vis du bon comportement de leurs enfants au sein de l’institution scolaire.

Parallèlement, les maires de la commune de résidence des enfants concernés doivent être destinataires de la liste de ceux pour lesquels un avertissement a été notifié, ces informations ayant vocation à être enregistrées dans le traitement automatisé prévu à l’article L. 131-6 du code de l’éducation.

Ces modalités d’avertissement sont évidemment essentielles, le but étant d’inciter les parents ainsi avisés à réagir afin de peser plus directement sur le comportement de leurs enfants. Il n’est d’ailleurs pas étonnant, contrairement à ce qu’en ont dit ses détracteurs, que la loi du 28 septembre 2010 ait donné lieu à de nombreux avertissements et à assez peu de suspensions d’allocations familiales (32 939 avertissements contre 277 suspensions sur la période février-juillet 2011) : sa vocation première, à l’instar de celle du présent texte, était naturellement d’inciter au changement des comportements et non à sanctionner à tout crin des familles qui, le plus souvent, ont seulement besoin d’un déclic extérieur leur rappelant les exigences du vivre ensemble.

3. Une sanction de suspension des allocations familiales conçue sous une forme réversible : une démarche avant tout incitative

La phase procédurale pouvant déboucher sur la sanction administrative de suspension des allocations familiales ne s’ouvre que si, au cours d’une même année scolaire, les outrages ou atteintes intentionnels sur un élève, un enseignant ou tout membre des personnels, ainsi que les vols, destructions, dégradations ou détériorations de biens affectés à un établissement d’enseignement scolaire ou appartenant à un élève (1° et 2° précédemment mentionnés) se trouvent réitérés en dépit de l’avertissement initial par l’inspecteur d’académie. Dans ce cas, celui-ci met tout d’abord les personnes responsables de l’enfant en mesure de présenter leurs observations, de manière à recueillir les explications qu’ils ont à faire valoir.

Si celles-ci ne s’avèrent pas convaincantes, il saisit le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales qui suspend immédiatement le versement de la part des allocations familiales dues au titre de l’enfant en cause, calculées selon des modalités prévues au code de la sécurité sociale, selon des dispositions prévues par l’article 3 de la présente proposition de loi. Tant l’inspecteur d’académie que le président du conseil général se trouvent alors informés de la date de mise en œuvre de cette suspension, les personnes responsables de l’enfant se voyant quant à elles notifier la décision et les dispositifs d’accompagnement parental auxquels elles peuvent avoir recours.

Preuve supplémentaire, s’il en était besoin, que la sanction n’est pas l’objectif recherché à tout prix par ce dispositif, la suspension du versement des allocations familiales n’induit pas la perte des mensualités non versées. Le texte précise à cet effet que le rétablissement du versement a un effet rétroactif.

Ce retour à la normale est néanmoins subordonné au constat par l’inspecteur d’académie qu’aucun défaut de comportement n’a plus été constaté pour l’enfant en cause pendant une période de deux mois de scolarisation, éventuellement interrompue par des vacances scolaires, depuis le mois au titre duquel le versement des allocations familiales a été suspendu. Lorsque, en revanche, de nouveaux faits sont établis, l’inspecteur d’académie peut demander, après avoir une nouvelle fois donné la possibilité aux personnes responsables de l’enfant de présenter leurs observations, qu’aucun versement ne soit dû au titre du ou des mois au cours desquels ces nouveaux faits sont intervenus.

On le voit assez nettement, par conséquent : l’ensemble de la procédure laisse une large place à l’écoute des arguments des parents ; la sanction n’est pas une fin en soi et n’a pas vocation à priver des familles dans le besoin des allocations auxquelles elles sont éligibles. L’objectif est avant tout dissuasif ; dès lors qu’ils reçoivent un avertissement, les parents savent qu’une sanction de ce type est possible et ils réintègrent alors le cercle des intervenants dans la normalisation comportementale de leurs enfants. En soi, une telle évolution est toujours souhaitable car, si bien souvent, à eux-seuls, ces parents ne peuvent résoudre les problèmes de leurs enfants violents à l’école, sans eux rien n’est possible non plus pour les travailleurs sociaux, les pédopsychiatres et les enseignants.

*

La Commission est saisie de l’amendement AC 6 de M. Émeric Bréhier.

M. Émeric Bréhier. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er.

M. le rapporteur. Je suis bien sûr défavorable à cet amendement. Encore une fois, il ne s’agit pas de punir à tout prix des familles dans le besoin, mais plutôt d’inciter les parents d’enfants violents à s’investir plus directement dans l’éducation comportementale de ceux-ci. À en juger par le faible nombre de suspensions décidées dans le cadre de la « loi Ciotti », le procédé des avertissements préalables est efficace. Je regrette donc que le groupe SRC ne se montre pas plus constructif, en proposant plutôt des aménagements au texte.

M. Frédéric Reiss. Je voterai contre cet amendement de suppression. Ce texte se veut préventif. Il entend apporter des éléments de réponse à un problème, non pour stigmatiser, mais pour responsabiliser les élèves et leurs familles. Le dispositif graduel instauré par l’article 1er a donc toute sa raison d’être.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 1er est supprimé et les amendements AC 10, AC 11 et AC 12 de M. Patrice Verchère tombent.

Après l’article 1er

La Commission examine l’amendement AC 1 du rapporteur, portant article additionnel après l’article 1er.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à rétablir le dispositif institué par la « loi Ciotti » du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire, qui prévoyait un accompagnement plus étroit des parents d’enfants n’assistant pas aux cours dans le cadre du contrat de responsabilité parentale, et qui assortissait le non-respect de ce contrat d’une suspension des allocations familiales.

M. Émeric Bréhier. En conformité avec la position que nous avons exprimée lors de la discussion générale, nous invitons la Commission à rejeter cet amendement.

M. Frédéric Reiss. Pour notre part, nous le soutenons.

La Commission rejette l’amendement.

Article 2

Extension du contrat de responsabilité parentale aux parents ou représentants légaux d’enfants ayant commis des violences à l’école

Cet article 2 de la proposition de loi vise à procéder à deux coordinations au sein de l’ancien article L. 222-4-1 du code de l’action sociale et des familles, qui constituait jusqu’à sa récente abrogation, par la loi n° 2013-108 du 31 janvier 2013, le fondement légal du contrat de responsabilité parentale. Compte tenu de l’évolution du droit en vigueur et de la suppression du dispositif qu’il était question de compléter, par l’adjonction de références à l’éventualité d’une suspension d’allocations familiales pour cause d’inertie parentale devant des actes répétés de violences scolaires, le dispositif initial de cet article 2 ne peut naturellement être voté en l’état.

De fait, la récente suppression du contrat de responsabilité parentale apparaît difficilement justifiable, pour ne pas dire incompréhensible, sauf à considérer comme trop contraignant tout accompagnement administratif et social des parents démissionnaires de leurs responsabilités.

Créé par la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, le contrat de responsabilité parentale avait pour objectif, louable, d’apporter un soutien et un accompagnement aux parents en difficulté. Proposé par le président du conseil général, de sa propre initiative ou à l’initiative du maire, du chef d’établissement ou de l’inspecteur d’académie, en cas d’absentéisme scolaire, de trouble porté au fonctionnement d’un établissement scolaire (dégradation du bâtiment, violence répétées entre élèves ou envers un professeur, etc.), de mise en place d’une mesure restreignant la liberté d’aller et venir des mineurs de moins de 13 ans ou de toute difficulté liée à une carence de l’autorité parentale, ce contrat avait pour objet de rappeler aux parents leurs droits et devoirs et de leur offrir un accompagnement social, afin de les soutenir dans l’exercice de leurs responsabilités vis-à-vis de leurs enfants.

S’appuyant sur des objectifs et un programme précis, il était mis en œuvre, suivi et évalué par un travailleur social pour une durée de 6 mois, renouvelables une fois. Le suivi proposé aux parents pouvait s’appuyer sur les dispositifs de soutien à la parentalité et de réussite éducative (participer à des activités de veille éducative, rencontrer une assistante sociale ou un éducateur spécialisé, etc.), ou sur toute autre mesure d’aide sociale et de protection de l’enfance.

Lorsque les parents avaient refusé de signer un tel contrat ou n’en avaient pas respecté les termes, ils pouvaient s’exposer à :

– une sanction pénale ;

– une mise sous tutelle des allocations familiales servies au titre de l’enfant ;

– une suspension de tout ou partie des prestations familiales, les sommes concernées étant bloquées et restituées lorsque la situation se trouvait rétablie.

La loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire avait infléchi le dispositif pour que l’inspecteur d’académie soit tenu de saisir sans délai le président du conseil général de tous les avertissements qu’il avait adressé pour défaut d’assiduité. Cette saisine pouvait avoir pour visée la mise en place d’un contrat de responsabilité parentale ou de toute autre mesure d’accompagnement. Par coordination avec le nouveau mécanisme institué à l’article L. 131-8 du code de l’éducation, le texte avait supprimé la possibilité du président de conseil général de demander la suspension des allocations en cas d’absentéisme scolaire. De même, les parents et représentants légaux d’un mineur s’étaient vus confier la possibilité de solliciter la signature d’un tel contrat, alors que seul le président du conseil général lui-même, de son propre chef ou saisi par un tiers, pouvait auparavant le proposer.

La majorité parlementaire actuelle, pour expliquer sa décision d’abroger ce dispositif intéressant, a mis en avant le faible nombre de contrats ainsi conclus : 38 ont été signés entre 2006 et 2010, 194 en 2010 et 174 en 2011. Il est pour le moins dommage qu’une mesure procédant d’une démarche aussi innovante auprès de familles en déshérence ait ainsi été jugée principalement à travers le prisme des statistiques. Les mérites du contrat de responsabilité parentale allaient bien au-delà du nombre des familles concernées ; il permettait un accompagnement personnalisé, une responsabilisation susceptible de restaurer une autorité parentale affaiblie ou effacée. Aussi, ce sont des raisons vraisemblablement moins avouables, car sans doute d’affichage, qui ont motivé le choix des parlementaires de gauche du Sénat et de l’Assemblée nationale.

*

La Commission est saisie de l’amendement AC 7 de M. Émeric Bréhier.

M. Émeric Bréhier. Cet amendement vise à supprimer l’article 2.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. Frédéric Reiss. Comme à l’article 1er, nous voterons contre cet amendement de suppression.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 2 est supprimé et les amendements AC 2 du rapporteur et AC 13 et AC 14 de M. Patrice Verchère tombent.

Article 3

Suspension par le directeur de l’organisme débiteur des prestations sociales du versement des allocations familiales dues au titre d’un enfant responsable de violences scolaires, à la demande de l’autorité de l’État compétente

L’article 3 de la proposition de loi insère dans le code de la sécurité sociale un article L. 552-3-2, destiné à préciser les modalités de suspension des allocations familiales au titre d’un enfant à l’origine de violences à l’école. Le dispositif s’inspire de l’ancien article L. 552-3-1 du même code, créé par la loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire et abrogé par la loi n° 2013-108 du 31 janvier 2013.

Le texte prévoit que, dans le cas où, au cours d’une même année scolaire, un acte d’outrage ou d’atteinte intentionnel et répété sur un élève, un enseignant ou tout membre des personnels travaillant dans les établissements d’enseignement scolaire ou un acte intentionnel ou répété de vol, de destruction, de dégradation ou de détérioration d’un bien affecté à un établissement d’enseignement scolaire ou appartenant à un élève (cas mentionnés aux 1° et 2° de l’article L. 472-1-1 du code de l’éducation) est commis par un enfant scolarisé après que celui-ci ait déjà reçu un avertissement pour des faits similaires, le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales suspend sur demande de l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation (c’est-à dire de l’inspecteur d’académie – DASEN) le versement de la part des allocations familiales due au titre de l’enfant à l’origine des violences en cause. De telles dispositions sont de conséquence du dispositif introduit par l’article 1er au sein du code de l’éducation.

Le rétablissement des allocations familiales s’effectuera selon les modalités précisées à l’article L. 472-1-1 du code de l’éducation. En l’espèce, l’enfant en cause ne devra avoir fait l’objet d’aucun nouveau signalement de violences pendant une période de deux mois de scolarisation à compter du mois au titre duquel le versement des allocations familiales aura été suspendu. En outre, le rétablissement du versement des allocations familiales sera rétroactif, ce qui montre bien la visée pédagogique et incitative – et non punitive – du dispositif.

Les modalités de calcul de la part due au titre de l’enfant en cause, en ce qui les concerne, seront définies par décret en Conseil d’État. C’est là, la reprise du schéma retenu lors de l’adoption de la loi du 28 septembre 2010 pour la suspension des allocations familiales pour absentéisme scolaire.

*

La Commission examine l’amendement AC 8 de M. Émeric Bréhier.

M. Émeric Bréhier. Cet amendement vise à supprimer l’article 3.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. Frédéric Reiss. Nous voterons une fois de plus contre cet amendement de suppression.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 3 est supprimé et les amendements AC 3 du rapporteur et AC 15 de M. Patrice Verchère tombent.

Article 4

Prise en compte de la part des allocations familiales suspendues pour déterminer le montant des ressources servant au calcul du revenu de solidarité active

L’article 4 de la proposition de loi procède à deux coordinations au sein des dispositions du code de l’action sociale et des familles relatives aux conditions d’ouverture au droit à la prestation du revenu de solidarité active (RSA), afin de neutraliser l’effet de la suspension des allocations familiales au titre d’enfants ayant commis des violences scolaires sur la détermination du montant des ressources prises en compte pour le calcul de l’allocation du RSA.

Pour mémoire, le RSA garantit à ses bénéficiaires (quelque 2 millions en 2012), qu’ils soient ou non en capacité de travailler, un revenu minimum, avec en contrepartie une obligation de chercher un travail ou de définir et suivre un projet professionnel visant à améliorer leur situation financière. Non imposable, il est attribué sous deux formes : le RSA « socle » s’adresse aux exclus de tout emploi et le RSA « activité » bénéficie aux travailleurs percevant des revenus professionnels inférieurs à un minimum (environ 30 % des allocataires).

Le montant socle du RSA s’élève à 475 euros pour une personne seule, sans activité, sans revenus et sans logement (418 euros avec un logement). En sont déduits le forfait logement, les pensions alimentaires perçues, les allocations familiales, voire un pourcentage des montants déclarés de l’épargne.

C’est l’article L. 263-2 du code de l’action sociale et des familles qui énumère les différentes catégories de ressources prises en compte pour le calcul du RSA. À la suite de la promulgation de la loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire, un ultime alinéa prévoyait que la part des allocations familiales dont le versement fait l’objet d’une mesure de suspension ou de suppression en application de l’article L. 131-8 du code de l’éducation demeurait prise en compte pour le calcul du revenu de solidarité active ; compte tenu de l’inspiration du mécanisme institué à l’article L. 472-1-1 du code de l’éducation par l’article 1er de la proposition de loi, le 1° du présent article 4 envisageait par cohérence d’étendre la prise en compte des allocations suspendues aux cas de familles d’enfants ayant commis des violences scolaires. La loi n° 2013-108 du 31 janvier 2013 ayant abrogé l’alinéa de l’article L. 262-3 du code de l’éducation visé par le 1°, une nouvelle rédaction – reprenant à tout le moins le dispositif abrogé en procédant à une substitution de référence – s’impose pour parvenir à l’objectif recherché.

L’article L. 262-10 du code de l’action sociale et des familles, quant à lui, subordonne le droit à la part de RSA correspondant à la différence entre les ressources et le niveau garanti à tout foyer éligible à la condition que celui-ci fasse valoir ses droits aux prestations sociales, législatives, réglementaires et conventionnelles, aux pensions de vieillesse des régimes légalement obligatoires et à diverses créances ou pensions alimentaires. Le 2° du présent article 4 de la proposition de loi vise à y préciser, en outre, que la part des allocations familiales dont le versement fait l’objet d’une mesure de suspension ou de suppression en application de l’article L. 472-1-1 du code de l’éducation demeure prise en compte pour déterminer le montant des ressources servant au calcul de l’allocation du RSA. Contrairement aux précédentes, ces dernières dispositions n’ont pas été affectées par la promulgation de la loi n° 2013-108 du 31 janvier 2013 précitée.

*

La Commission examine l’amendement AC 9 de M. Émeric Bréhier.

M. Émeric Bréhier. Cet amendement vise à supprimer l’article 4.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. Frédéric Reiss. Nous voterons contre cet amendement.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 4 est supprimé et l’amendement AC 4 du rapporteur tombe.

Titre

La Commission est saisie de l’amendement AC 5 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit d’un amendement de conséquence.

M. Frédéric Reiss. Dans le droit fil de la discussion générale, nous soutiendrons cet amendement.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission ayant supprimé les articles 1er, 2, 3 et 4, l’ensemble de la proposition de loi est rejeté.

*

* *

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

TABLEAU COMPARATIF

___

Dispositions en vigueur

___

Texte de la proposition de loi

___

Texte de la Commission

___

 

Proposition de loi visant à prévenir et lutter contre la violence en milieu scolaire

Aucun texte adopté

Code de l’éducation

Article 1er

 
 

Le titre VII du livre IV de la deuxième partie du code de l’éducation est complété par un chapitre III ainsi rédigé :

 

Code de l’action sociale et des familles

Art. L. 222-4-1. - Abrogé par la loi n° 2013-108 du 31 janvier 2013 (cf. annexe au tableau comparatif)

Code de l’action sociale et des familles

Art. L. 262-3. – La fraction des revenus professionnels des membres du foyer et le montant forfaitaire mentionné au 2° de l’article L. 262-2 sont fixés par décret. Le montant est révisé une fois par an en fonction de l’évolution des prix à la consommation hors tabac.

L’ensemble des ressources du foyer, y compris celles qui sont mentionnées à l’article L. 132-1, est pris en compte pour le calcul du revenu de solidarité active, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d’État qui détermine notamment :

1° Les ressources ayant le caractère de revenus professionnels ou qui en tiennent lieu ;

2° Les modalités d’évaluation des ressources, y compris les avantages en nature. L’avantage en nature lié à la disposition d’un logement à titre gratuit est déterminé de manière forfaitaire ;

3° Les prestations et aides sociales qui sont évaluées de manière forfaitaire, notamment celles affectées au logement mentionnées aux articles L. 542-1 et L. 831-1 du code de la sécurité sociale ainsi qu'à l’article L. 351-1 du code de la construction et de l’habitation ;

4° Les prestations et aides sociales qui ne sont pas incluses dans le calcul des ressources à raison de leur finalité sociale particulière ;

5° La durée pendant laquelle les ressources tirées d’activités professionnelles ou de stages de formation perçues suivant la reprise d’activité ne sont pas prises en compte.

Dernier alinéa abrogé par la loi n° 2013-108 du 31 janvier 2013 (cf. annexe au tableau comparatif)

Art. L. 262-10. – Le droit à la part de revenu de solidarité active correspondant à la différence entre le montant forfaitaire mentionné au 2° de l'article L. 262-2 applicable au foyer et les ressources de celui-ci est subordonné à la condition que le foyer fasse valoir ses droits aux prestations sociales, législatives, réglementaires et conventionnelles, à l’exception des allocations mensuelles mentionnées à l’article L. 222-3 et, sauf pour les personnes reconnues inaptes au travail dont l’âge excède celui mentionné au premier alinéa de l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, des pensions de vieillesse des régimes légalement obligatoires.

En outre, il est subordonné à la condition que le foyer fasse valoir ses droits :

1° Aux créances d’aliments qui lui sont dues au titre des obligations instituées par les articles 203, 212, 214, 255, 342 et 371-2 du code civil ainsi qu’à la prestation compensatoire due au titre de l’article 270 du même code ;

2° Aux pensions alimentaires accordées par le tribunal au conjoint ayant obtenu le divorce, dont la requête initiale a été présentée avant l’entrée en vigueur de la loi n° 75-617 du 11 juillet 1975 portant réforme du divorce.

« CHAPITRE III

« Dispositions diverses »

« Art. L. 472-1-1. – Le directeur ou la directrice de l’établissement d’enseignement saisit l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation afin qu’elle adresse un avertissement aux personnes responsables de l’enfant, leur rappelant les sanctions administratives et pénales applicables et les informant sur les dispositifs d’accompagnement parental auxquels elles peuvent avoir recours :

« 1° Lorsque l’enfant commet des outrages ou atteintes intentionnels et répétés sur un élève, un enseignant ou tout membre des personnels travaillant dans les établissements d’enseignement scolaire ;

« 2° Lorsque l’enfant commet, de façon intentionnelle, des actes répétés de vol, de destruction, de dégradation ou de détérioration d’un bien affecté à son établissement d’enseignement scolaire ou appartenant à un élève.

« L’autorité de l’État compétente en matière d’éducation saisit sans délai le président du conseil général du cas des enfants pour lesquels un avertissement est intervenu en vue de la mise en place d’un contrat de responsabilité parentale ou de toute autre mesure d’accompagnement que le président du conseil général peut proposer aux familles en application de l’article L. 222-4-1 du code de l’action sociale et des familles.

« Elle communique au maire la liste des enfants domiciliés dans la commune pour lesquels un avertissement tel que défini au présent article a été notifié.

« Les informations communiquées au maire en application du présent article sont enregistrées dans le traitement prévu à l’article L. 131-6 du présent code.

« Dans le cas où, au cours d’une même année scolaire, un nouveau fait mentionné au 1° ou au 2° est réitéré après l’avertissement mentionné au premier alinéa par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, cette dernière, après avoir mis les personnes responsables de l’enfant en mesure de présenter leurs observations, saisit le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales qui suspend immédiatement le versement de la part des allocations familiales dues au titre de l’enfant en cause, calculées selon les modalités prévues à l’article L. 552-3-2 du code de la sécurité sociale. Le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales informe l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation ainsi que le président du conseil général de la date de mise en œuvre de cette suspension. Il informe les personnes responsables de l’enfant de cette décision et des dispositifs d’accompagnement parental auxquels elles peuvent avoir recours.

« Le versement des allocations familiales n’est rétabli que lorsque l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation a signalé au directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales qu’aucun défaut de comportement défini au 1° ou 2° n’a été constaté pour l’enfant en cause pendant une période de deux mois de scolarisation, éventuellement inter-rompu par des vacances scolaires, depuis le mois au titre duquel le versement des allocations familiales a été suspendu.

« Le rétablissement du versement des allocations familiales est rétroactif. Si, depuis les actes ayant donné lieu à la suspension, de nouveaux faits ont été constatés, à la demande de l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation et après que les personnes responsables de l’enfant ont été mises en mesure de présenter leurs observations, aucun versement n’est dû au titre du ou des mois au cours desquels ces nouveaux faits sont intervenus.

« La suspension des allocations familiales ne peut prendre effet qu’à une date permettant de vérifier sous deux mois la condition de l’abandon de la procédure prévue au premier alinéa. »

Article 2

L’article L. 222-4-1 du code de l’action sociale et des familles est ainsi

modifié :

1° Au premier alinéa, après les mots : « l’éducation, » sont insérés les

mots : « , ou quand ont été commis les actes mentionnés aux 1° et 2° de l’article L. 472-1-1 du même code » ;

2° Le septième alinéa est complété par les mots : « ou en cas de commission des actes mentionnés aux 1° et 2° de l’article L. 472-1-1 du même code. » ;

Article 3

Après l’article L. 552-3-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 552-3-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 552-3-2. – Dans le cas où, au cours d’une même année scolaire, un acte mentionné aux 1° et 2° de l’article L. 472-1-1 du code de l’éducation est commis après l’avertissement mentionné au premier alinéas du même article, le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales suspend sur demande de l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation le versement de la part des allocations familiales due au titre de l’enfant à l’origine des faits dans les conditions définies à l’article L. 472-1-1 précité. Le rétablissement des allocations familiales s’effectue selon les modalités précisées à ce même article. Les modalités de calcul de la part due au titre de l’enfant en cause sont définies par décret en Conseil d’État. »

Article 4

Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Au dernier alinéa de l’article L. 262-3, après la référence : « L. 131-8 » sont insérés les mots : « ou de l’article L. 472-1-1 » ;

2° L’article L. 262-10 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, la part des allocations familiales dont le versement fait l’objet d’une mesure de suspension ou de suppression en application de l’article L. 472-1-1 du code de l’éducation demeure prise en compte pour déterminer le montant des ressources servant au calcul de l’allocation. »

 

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF

DISPOSITIONS ABROGÉES

Les dispositions suivantes, dont le dispositif initial de la proposition de loi prévoit la modification, ont été abrogées par la loi n° 2013-108 du 31 janvier 2013 tendant à abroger la loi n° 2010-1127 du 28 octobre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire.

Code de l’action sociale et des familles

Art. L. 222-4-1. – Lorsque le président du conseil général est saisi par l'autorité de l’État compétente en matière d’éducation en cas d’absentéisme scolaire, tel que défini à l’article L. 131-8 du code de l’éducation, il peut proposer aux parents ou représentants légaux du mineur concerné la signature d’un contrat de responsabilité parentale.

En cas de trouble porté au fonctionnement d’un établissement scolaire, de prise en charge d’un mineur au titre de l’article 43 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure ou de toute autre difficulté liée à une carence de l’autorité parentale, le président du conseil général, de sa propre initiative ou sur saisine de l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, du chef d’établissement d’enseignement, du maire de la commune de résidence du mineur, du directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales ou du préfet, propose aux parents ou au représentant légal du mineur un contrat de responsabilité parentale ou prend toute autre mesure d’aide sociale à l’enfance adaptée à la situation. Un contrat de responsabilité parentale est également proposé aux parents d’un mineur ayant fait l'objet d’une mesure alternative aux poursuites ou d’une condamnation définitive pour une infraction signalée par le procureur de la République au président du conseil général en application du second alinéa de l’article L. 3221-9 du code général des collectivités territoriales et lorsque cette infraction révèle une carence de l’autorité parentale. Un contrat de responsabilité parentale peut également être signé à l’initiative des parents ou du représentant légal d’un mineur. Ce contrat rappelle les obligations des titulaires de l’autorité parentale et comporte toute mesure d’aide et d’action sociales de nature à remédier à la situation. Son contenu, sa durée et les modalités selon lesquelles il est procédé à la saisine du président du conseil général et à la conclusion du contrat sont fixés par décret en Conseil d’État. Ce décret fixe aussi les conditions dans lesquelles les autorités de saisine sont informées par le président du conseil général de la conclusion d’un contrat de responsabilité parentale et de sa mise en œuvre.

Lorsqu’il constate que les obligations incombant aux parents ou au représentant légal du mineur n'ont pas été respectées ou lorsque, sans motif légitime, le contrat n’a pu être signé de leur fait, le président du conseil général peut :

1° Demander au directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales la suspension du versement de tout ou partie des prestations afférentes à l’enfant, en application de l’article L. 552-3 du code de la sécurité sociale ;

2° Saisir le procureur de la République de faits susceptibles de constituer une infraction pénale ;

3° Saisir l’autorité judiciaire pour qu’il soit fait application, s’il y a lieu, des dispositions de l’article 375-9-1 du code civil.

La faculté prévue au 1° ne s’applique pas aux contrats de responsabilité parentale proposés ou conclus en cas d’absentéisme scolaire, tel que défini à l’article L. 131-8 du code de l’éducation.

Lorsque le contrat n’a pu être signé du fait des parents ou du représentant légal du mineur, le président du conseil général peut également leur adresser un rappel de leurs obligations en tant que titulaires de l’autorité parentale et prendre toute mesure d’aide et d’action sociales de nature à remédier à la situation.

Art L.262-3. dernier alinéa –La part des allocations familiales dont le versement fait l’objet d'une mesure de suspension ou de suppression en application de l’article L. 131-8 du code de l’éducation demeure prise en compte pour le calcul du revenu de solidarité active.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° AC 1 présenté par M. Claude de Ganay, rapporteur

Après l’article 1er

Insérer l’article suivant :

« Le code de l’éducation est ainsi modifié :

« 1° Au troisième alinéa de l’article L. 131-6, les mots : « par le directeur ou la directrice de l'établissement d'enseignement », sont remplacés par les mots : « en application de l'article L. 131-8 et par le directeur ou la directrice de l'établissement d'enseignement en application du même article ».

« 2° L’article L. 131-8 est ainsi modifié :

« a) Au troisième alinéa, après le mot : « sanctions », sont insérés les mots : « administratives et » ;

« b) Le sixième alinéa est remplacé par les alinéas suivants :

« L'autorité de l'État compétente en matière d'éducation saisit sans délai le président du conseil général du cas des enfants pour lesquels un avertissement est intervenu en vue de la mise en place d'un contrat de responsabilité parentale en application de l'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles.

« Elle communique au maire la liste des élèves domiciliés dans la commune pour lesquels un avertissement tel que défini au présent article a été notifié.

« Les informations communiquées au maire en application du présent article sont enregistrées dans le traitement prévu à l’article L. 131-6.

« Dans le cas où, au cours d'une même année scolaire, une nouvelle absence de l'enfant mineur d'au moins quatre demi-journées sur un mois est constatée en dépit de l'avertissement adressé par l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation, cette dernière, après avoir mis les personnes responsables de l'enfant en mesure de présenter leurs observations, et en l'absence de motif légitime ou d'excuses valables, saisit le directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales qui suspend immédiatement le versement de la part des allocations familiales dues au titre de l'enfant en cause, calculées selon les modalités prévues à l’article L. 552-3-1 du code de la sécurité sociale. Le directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales informe l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation ainsi que le président du conseil général de la date de mise en œuvre de cette suspension. Il informe les personnes responsables de l'enfant de cette décision.

« Le versement des allocations familiales n'est rétabli que lorsque l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation a signalé au directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales qu'aucun défaut d'assiduité sans motif légitime ni excuses valables n'a été constaté pour l'enfant en cause pendant une période d'un mois de scolarisation, éventuellement interrompu par des vacances scolaires, depuis le mois au titre duquel le versement des allocations familiales a été suspendu.

« Le rétablissement du versement des allocations familiales est rétroactif. Si, depuis l'absence ayant donné lieu à la suspension, une ou plusieurs nouvelles absences de quatre demi-journées par mois sans motif légitime ni excuses valables ont été constatées, à la demande de l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation et après que les personnes responsables de l'enfant ont été mises en mesure de présenter leurs observations, aucun versement n'est dû au titre du ou des mois au cours desquels ces nouvelles absences sans motif légitime ni excuses valables ont été constatées.

« La suspension des allocations familiales ne peut prendre effet qu'à une date permettant de vérifier sous deux mois la condition de reprise d'assiduité définie aux deux alinéas précédents. »

« 3° L’article L. 131-9 est complété par les mots : « , sauf dans le cas où elle a sollicité du président du conseil général la mise en œuvre d'un contrat de responsabilité parentale ». »

Amendement n° AC 2 présenté par M. Claude de Ganay, rapporteur

Article 2

Rédiger ainsi cet article :

« Après l’article L. 222-4 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 222-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 222-4-1. – Lorsque le président du conseil général est saisi par l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation en cas d'absentéisme scolaire, tel que défini à l’article L. 131-8 du code de l'éducation ou quand ont été commis les actes mentionnés aux 1° et 2° de l’article L. 472-1-1 du même code, il peut proposer aux parents ou représentants légaux du mineur concerné la signature d'un contrat de responsabilité parentale.

« En cas de trouble porté au fonctionnement d'un établissement scolaire, de prise en charge d'un mineur au titre de l’article 43 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure ou de toute autre difficulté liée à une carence de l'autorité parentale, le président du conseil général, de sa propre initiative ou sur saisine de l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation, du chef d'établissement d'enseignement, du maire de la commune de résidence du mineur, du directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales ou du préfet, propose aux parents ou au représentant légal du mineur un contrat de responsabilité parentale. Un contrat de responsabilité parentale est également proposé aux parents d'un mineur ayant fait l'objet d'une mesure alternative aux poursuites ou d'une condamnation définitive pour une infraction signalée par le procureur de la République au président du conseil général en application du second alinéa de l’article L. 3221-9 du code général des collectivités territoriales et lorsque cette infraction révèle une carence de l'autorité parentale. Un contrat de responsabilité parentale peut également être signé à l'initiative des parents ou du représentant légal d'un mineur. Ce contrat rappelle les obligations des titulaires de l'autorité parentale. Son contenu, sa durée et les modalités selon lesquelles il est procédé à la saisine du président du conseil général et à la conclusion du contrat sont fixés par décret en Conseil d'État. Ce décret fixe aussi les conditions dans lesquelles les autorités de saisine sont informées par le président du conseil général de la conclusion d'un contrat de responsabilité parentale et de sa mise en œuvre.

« Lorsqu'il constate que les obligations incombant aux parents ou au représentant légal du mineur n'ont pas été respectées ou lorsque, sans motif légitime, le contrat n'a pu être signé de leur fait, le président du conseil général peut :

« 1° Demander au directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales la suspension du versement de tout ou partie des prestations afférentes à l'enfant, en application de l’article L. 552-3 du code de la sécurité sociale ;

« 2° Saisir le procureur de la République de faits susceptibles de constituer une infraction pénale ;

« 3° Saisir l'autorité judiciaire pour qu'il soit fait application, s'il y a lieu, des dispositions de l’article 375-9-1 du code civil.

« La faculté prévue au 1° ne s'applique pas aux contrats de responsabilité parentale proposés ou conclus en cas d'absentéisme scolaire, tel que défini à l'article L. 131-8 du code de l'éducation ou en cas de commission des actes mentionnés aux 1° et 2° de l’article L. 472-1-1 du même code.

« Lorsque le contrat n'a pu être signé du fait des parents ou du représentant légal du mineur, le président du conseil général peut également leur adresser un rappel de leurs obligations en tant que titulaires de l'autorité parentale. »

Amendement n° AC 3 présenté par M. Claude de Ganay, rapporteur

Article 3

Substituer à l’alinéa 1, les alinéas suivants :

« Après l’article L. 552-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré trois articles L. 552-3, L. 552-3-1 et L. 552-3-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 552-3. – En application de l'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles, le directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales suspend, pour la durée et dans la proportion décidées par le président du conseil général, le versement de la part des allocations familiales et du complément familial dus à la famille au titre de l'enfant dont le comportement a conduit à proposer la conclusion d'un contrat de responsabilité parentale.

« La durée de la mesure de suspension est au plus égale à trois mois. Elle peut être renouvelée, par l'autorité l'ayant prononcée, dans la limite d'une durée maximale de suspension de douze mois.

« Lorsqu'au terme de la période de suspension prononcée par le président du conseil général, l'organisme débiteur des prestations familiales n'a pas été informé d'une décision de renouvellement, il rétablit le versement des prestations suspendues rétroactivement à la date de la suspension.

« Dès que le président du conseil général constate que les parents ou le représentant légal du mineur se conforment aux obligations qui leur étaient imposées en application du contrat de responsabilité parentale, il en informe l'organisme débiteur des prestations familiales, afin qu'il rétablisse le versement des prestations suspendues rétroactivement à leur date de suspension.

« Lorsqu'à l'issue de la période maximale de douze mois de suspension, les parents ou le représentant légal du mineur ne se conforment toujours pas à leurs obligations, les prestations sont rétablies sans effet rétroactif et le président du conseil général met en œuvre toute mesure nécessaire pour remédier à la situation.

« Art. L. 552-3-1. – En cas de manquement à l'obligation d'assiduité scolaire, le directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales suspend, sur demande de l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation, le versement de la part des allocations familiales due au titre de l'enfant en cause, selon les modalités prévues à l’article L. 131-8 du code de l'éducation. Le rétablissement des allocations familiales s'effectue selon les modalités prévues à ce même article. Les modalités de calcul de la part due au titre de l'enfant en cause sont définies par décret en Conseil d'État. »

Amendement n° AC 4 présenté par M. Claude de Ganay, rapporteur

Article 4

Substituer à l’alinéa 2, les alinéas suivants :

« 1° L’article L. 262-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La part des allocations familiales dont le versement fait l'objet d'une mesure de suspension ou de suppression en application de l’article L. 131-8 ou de l’article L. 472-1-1 du code de l'éducation demeure prise en compte pour le calcul du revenu de solidarité active. »

Amendement n° AC 5 présenté par M. Claude de Ganay, rapporteur

Titre

Après le mot : « violence », insérer les mots : « et l’absentéisme ».

Amendement n° AC 6 présenté par M. Émeric Bréhier et les députés du groupe SRC

Article 1er

Supprimer cet article.

Amendement n° AC 7 présenté par M. Émeric Bréhier et les députés du groupe SRC

Article 2

Supprimer cet article.

Amendement n° AC 8 présenté par M. Émeric Bréhier et les députés du groupe SRC

Article 3

Supprimer cet article.

Amendement n° AC 9 présenté par M. Émeric Bréhier et les députés du groupe SRC

Article 4

Supprimer cet article.

Amendement n° AC 10 présenté par M. Patrice Verchère et Mme Dominique Nachury

Article 1er

Après l’alinéa 6, insérer l’alinéa suivant :

« 3° Lorsque l’enfant pratique, ou contraint un autre enfant à pratiquer, des jeux dits « dangereux » tels que les « jeux » de non-oxygénation ou les « jeux » d’agression dans les établissements d’enseignement scolaire. »

Amendement n° AC 11 présenté par M. Patrice Verchère et Mme Dominique Nachury

Article 1er

À l’alinéa 10, substituer aux mots : « ou au 2° », les mots « au 2° ou au 3° ».

Amendement n° AC 12 présenté par M. Patrice Verchère et Mme Dominique Nachury

Article 1er

À l’alinéa 11, substituer aux mots : « ou au 2° », les mots « au 2° ou au 3° ».

Amendement n° AC 13 présenté par M. Patrice Verchère et Mme Dominique Nachury

Article 2

À l’alinéa 2, substituer aux mots : « aux 1° et 2° », les mots « aux 1°, 2° et 3° ».

Amendement n° AC 14 présenté par M. Patrice Verchère et Mme Dominique Nachury

Article 2

À l’alinéa 3, substituer aux mots : « aux 1° et 2° », les mots « aux 1°, 2° et 3° ».

Amendement n° AC 15 présenté par M. Patrice Verchère et Mme Dominique Nachury

Article 2

À l’alinéa 2, substituer aux mots : « aux 1° et 2° », les mots « aux 1°, 2° et 3° ».

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