N° 826
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 mars 2013.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI (N° 44), ADOPTÉE PAR LE SÉNAT, rétablissant une circonscription unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen,
PAR M. Alain TOURRET,
Député.
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Voir les numéros :
Sénat : 422 rect. (2008-2009), 533 et T.A. 132 (2009-2010).
INTRODUCTION 5
I.– LA GRANDE MAJORITÉ DES ÉTATS MEMBRES ÉLISENT LEURS REPRÉSENTANTS AU PARLEMENT EUROPÉEN DANS LE CADRE D’UNE CIRCONSCRIPTION NATIONALE UNIQUE 7
A. LE DROIT EUROPÉEN LAISSE LES ÉTATS LIBRES DE DÉTERMINER LEURS CIRCONSCRIPTIONS ÉLECTORALES 7
B. EN DEHORS DE LA FRANCE, SEULS CINQ ÉTATS SUR VINGT-SEPT ÉLISENT LEURS DÉPUTÉS EUROPÉENS DANS PLUSIEURS CIRCONSCRIPTIONS 8
II.– L’« EURO-RÉGIONALISATION » VOULUE EN 2003 S’EST SOLDÉE PAR UN ÉCHEC 11
A. LA DIFFICILE GENÈSE DE LA RÉFORME DE 2003 11
B. LA RÉFORME DE 2003 N’A PAS AMÉLIORÉ LA PARTICIPATION ÉLECTORALE 12
C. LA RÉFORME DE 2003 N’A PERMIS AUCUN RÉEL ANCRAGE TERRITORIAL DES DÉPUTÉS EUROPÉENS 14
III.– LA PROPOSITION DE LOI VISE À RÉTABLIR UNE CIRCONSCRIPTION NATIONALE UNIQUE 16
A. UNE CIRCONSCRIPTION UNIQUE SERAIT PLUS RESPECTUEUSE DU PLURALISME POLITIQUE ET DE LA PARITÉ HOMMES-FEMMES 17
B. LE RÉTABLISSEMENT D’UNE CIRCONSCRIPTION UNIQUE NE SE HEURTE À AUCUNE OBJECTION CONVAINCANTE 21
Article 1er(art. 3 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen) : Suppression de la référence à plusieurs circonscriptions 35
Article 2 (art. 4 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen) : Rétablissement d’une circonscription électorale unique 35
Article 3 (art. 3-1 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen) : Coordination 36
TABLEAU COMPARATIF 39
ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 41
AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 43
PARTIS POLITIQUES CONSULTÉS PAR LE RAPPORTEUR 45
Le 23 juin 2010, le Sénat a adopté la proposition de loi n° 422 (2008-2009) rétablissant une circonscription unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen, présentée par M. Yvon Collin et plusieurs de ses collègues du groupe Rassemblement démocratique et social européen (RDSE).
Ce texte a naturellement été adopté avec les voix du groupe RDSE, mais également avec celles du groupe socialiste, du groupe communiste, républicain et citoyen (CRC) et certaines voix centristes, contre l’avis du groupe UMP et du Gouvernement, alors représenté par M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’Intérieur et aux collectivités territoriales.
Depuis la première élection du Parlement européen au suffrage universel direct, en 1979, les représentants français ont été élus à la représentation proportionnelle, appliquée au plan national : l’article 4 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen disposait initialement que « le territoire de la République [formait] une circonscription unique ».
Sous l’impulsion du Gouvernement dirigé par M. Jean-Pierre Raffarin, cette règle simple a été modifiée par la loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 relative à l’élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu’à l’aide publique aux partis politiques. Cette loi a découpé le territoire national en huit circonscriptions ad hoc, regroupant plusieurs régions.
Cette « euro-régionalisation » du scrutin était censée combattre l’abstention et rapprocher les électeurs de leurs représentants au Parlement européen. L’expérience des élections européennes de juin 2004 et de juin 2009, organisées dans ce nouveau cadre interrégional, montre que ces deux objectifs n’ont en rien été atteints. C’est d’autant plus regrettable que, parallèlement, les pouvoirs du Parlement européen n’ont cessé de se renforcer, qu’il s’agisse de ses compétences législatives, budgétaires ou de contrôle (1).
À l’inverse, la division du territoire nationale en huit circonscriptions a renforcé les grands partis et pénalisé les autres formations politiques, portant ainsi atteinte à l’exigence de pluralisme.
En vue des prochaines élections européennes de mai 2014 (2), la présente proposition de loi – qui prend place au sein de multiples initiatives parlementaires allant dans le même sens (3) – vise à revenir sur la loi de 2003 et, en conséquence, à rétablir une circonscription unique formée par l’ensemble du territoire français.
Les enjeux européens ne sont pas des questions périphériques dont on pourrait atténuer les résonances par l’artifice des techniques électorales. Le débat européen est un débat national : l’exigence démocratique suppose qu’il soit organisé et assumé comme tel.
I.– LA GRANDE MAJORITÉ DES ÉTATS MEMBRES ÉLISENT LEURS REPRÉSENTANTS AU PARLEMENT EUROPÉEN DANS LE CADRE D’UNE CIRCONSCRIPTION NATIONALE UNIQUE
Les institutions européennes ne sont jamais parvenues à définir la « procédure uniforme » d’élection des membres du Parlement européen, que le traité de Rome avait fixé comme perspective (4). L’article 7 de l’Acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct du 20 septembre 1976 prévoyait certes que serait élaboré « un projet de procédure électorale uniforme » et que, d’ici à son entrée en vigueur, « la procédure électorale [serait] régie, dans chaque État membre, par les dispositions nationales » (5).
Mais faute pour cette procédure uniforme d’avoir pu aboutir, le traité d’Amsterdam de 1997 privilégia finalement la définition de « principes communs » aux différents États membres. L’article 223 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) stipule désormais que « le Parlement européen élabore un projet en vue d’établir les dispositions nécessaires pour permettre l’élection de ses membres au suffrage universel direct selon une procédure uniforme dans tous les États membres ou conformément à des principes communs à tous les États membres ».
C’est dans ce cadre que l’Acte de 1976 précité a été modifié par la décision n° 2002/772/CE du Conseil du 25 juin et du 23 septembre 2002. Les principes communs retenus concernent essentiellement la mise en place d’un scrutin proportionnel, les dates de l’élection, la nature du mandat, les incompatibilités et immunités parlementaires et la possibilité d’un seuil pour l’attribution des sièges, qui ne peut excéder 5 % des suffrages exprimés.
En revanche, lors de cette modification, en 2002, de l’Acte de 1976 précité, les États membres n’ont pas suivi l’avis du Parlement européen qui souhaitait que, dans les États de plus de 20 millions d’habitants (6) le découpage en circonscriptions soit obligatoire (7). Une simple faculté a été préférée : « En fonction de leurs spécificités nationales, les États membres peuvent constituer des circonscriptions pour l’élection au Parlement européen ou prévoir d’autres subdivisions électorales, sans porter globalement atteinte au caractère proportionnel du mode de scrutin » (8).
Le droit européen laisse donc une grande marge de manœuvre aux États dans l’organisation des élections au Parlement européen : caractère obligatoire ou non du vote, date précise de l’élection (9), organisation de la campagne, inéligibilités, listes ouvertes ou bloquées, possibilité ou non de vote préférentiel ou de panachage, etc.
Le découpage du territoire national en plusieurs circonscriptions ne découle donc d’aucune obligation européenne. La diversité des règles adoptées en pratique par les autres États membres le confirme amplement.
B. EN DEHORS DE LA FRANCE, SEULS CINQ ÉTATS SUR VINGT-SEPT ÉLISENT LEURS DÉPUTÉS EUROPÉENS DANS PLUSIEURS CIRCONSCRIPTIONS
Pour l’élection de leurs représentants au Parlement européen, sur les vingt-sept États membres de l’Union européenne (10) :
– vingt États disposent d’une circonscription unique, à l’instar de la France avant la réforme précitée de 2003 : l’Autriche, la Bulgarie, Chypre, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, la Grèce, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, le Portugal, la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie et la Suède. Ajoutons que la Croatie, qui rejoindra l’Union européenne le 1er juillet prochain, élira ses douze représentants au Parlement européen, le 14 avril 2013, dans le cadre d’une seule circonscription nationale ;
– un État, l’Allemagne, pratique un système mixte, dans lequel des listes peuvent être constituées soit au niveau fédéral, soit au niveau des Länder (11). Dans les deux cas, cependant, les sièges sont attribués après une totalisation des suffrages au niveau national. En outre, les partis peuvent procéder à des alliances entre listes présentées dans différents Länder, afin que leurs scores respectifs soient agrégés en vue de l’attribution de sièges – sous réserve que cette agrégation représente au moins 5 % des voix au plan national ;
– seuls six États disposent de plusieurs circonscriptions : la Belgique (quatre circonscriptions et trois collèges électoraux) (12), la France (huit circonscriptions), l’Irlande (quatre circonscriptions), l’Italie (cinq circonscriptions), la Pologne (treize circonscriptions) et le Royaume-Uni (douze circonscriptions, dont une spécifique à l’Irlande du Nord).
Même dans ces cinq autres États qui n’élisent pas leurs députés européens dans un cadre national unique, les circonscriptions infranationales n’ont pas nécessairement la même fonction qu’en France.
En Pologne, les circonscriptions s’apparentent en réalité à de simples sections électorales : les suffrages sont d’abord agrégés au niveau national, afin de répartir les sièges entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des voix, la distribution entre les différentes circonscriptions n’étant effectuée que dans un second temps.
De la même façon, en Italie, les voix sont totalisées au niveau national, puis converties en sièges entre les différentes listes comme si n’existait qu’une seule circonscription. Ce n’est qu’ensuite que les sièges sont attribués, pour chaque parti, aux cinq circonscriptions, à proportion des voix obtenues dans chacune d’entre elles. En outre, si, dans une circonscription, une liste a obtenu un nombre de suffrages insuffisant pour lui permettre de bénéficier d’un siège, ces suffrages peuvent être comptabilisés dans une autre circonscription – à condition de satisfaire au seuil de représentativité de 4 % au plan national (13).
Au total, seuls l’Irlande, le Royaume-uni et la Belgique disposent d’un système comparable à celui introduit en France en 2003, dans lequel les sièges sont attribués dans des circonscriptions autonomes les unes des autres, sans agrégation des suffrages au plan national.
La France est, par ailleurs, le seul des vingt-sept États membres de l’Union européenne dans lequel le seuil minimal de 5 % des suffrages exprimés ouvrant droit à l’attribution d’un siège s’apprécie, non au niveau national, mais au sein de chaque circonscription. On verra cependant qu’en pratique la division en circonscriptions interrégionales élève sensiblement le seuil effectivement nécessaire pour permettre l’attribution de sièges (14).
MODALITÉS D’ORGANISATION DES ÉLECTIONS EUROPÉENNES DANS LES 27 ÉTATS MEMBRES
État |
Circonscriptions |
Mode de scrutin |
Allemagne |
Circonscription unique, avec listes nationales ou listes dans les Länder |
Représentation proportionnelle (seuil 5 %) |
Autriche |
Circonscription nationale |
Représentation proportionnelle (vote préférentiel ; seuil 4 %) |
Belgique |
4 circonscriptions et 3 collèges linguistiques |
Représentation proportionnelle (vote préférentiel) |
Bulgarie |
Circonscription nationale |
Représentation proportionnelle (vote préférentiel) |
Chypre |
Circonscription nationale |
Représentation proportionnelle |
Danemark |
Circonscription nationale (hors Groenland et îles Féroé) |
Représentation proportionnelle (vote préférentiel) |
Espagne |
Circonscription nationale |
Représentation proportionnelle |
Estonie |
Circonscription nationale |
Représentation proportionnelle (vote préférentiel) |
Finlande |
Circonscription nationale |
Représentation proportionnelle (vote préférentiel) |
France |
8 circonscriptions |
Représentation proportionnelle (seuil 5 %) |
Grèce |
Circonscription nationale |
Représentation proportionnelle |
Hongrie |
Circonscription nationale |
Représentation proportionnelle (seuil 5 %) |
Irlande |
4 circonscriptions |
Représentation proportionnelle (vote unique transférable) |
Italie |
5 circonscriptions |
Représentation proportionnelle (vote préférentiel ; seuil 4 %) |
Lettonie |
Circonscription nationale |
Représentation proportionnelle (vote préférentiel ; seuil 5 %) |
Lituanie |
Circonscription nationale |
Représentation proportionnelle (vote préférentiel ; seuil 5 %) |
Luxembourg |
Circonscription nationale |
Représentation proportionnelle (listes ouvertes ; possible panachage) |
Malte |
Circonscription nationale |
Représentation proportionnelle (vote unique transférable) |
Pays-Bas |
Circonscription nationale |
Représentation proportionnelle (vote préférentiel) |
Pologne |
13 circonscriptions |
Représentation proportionnelle (vote préférentiel ; seuil 5 %) |
Portugal |
Circonscription nationale |
Représentation proportionnelle |
République tchèque |
Circonscription nationale |
Représentation proportionnelle (vote préférentiel ; seuil 5 %) |
Roumanie |
Circonscription nationale |
Représentation proportionnelle (seuil 5 %) |
Royaume-Uni |
12 circonscriptions |
Représentation proportionnelle (vote unique transférable en Irlande du Nord) |
Slovaquie |
Circonscription nationale |
Représentation proportionnelle (vote préférentiel ; seuil 5 %) |
Slovénie |
Circonscription nationale |
Représentation proportionnelle (vote préférentiel) |
Suède |
Circonscription nationale |
Représentation proportionnelle (vote préférentiel ; seuil 4 %) |
N.B. : Sauf mention contraire, les listes sont bloquées ; à l’inverse, le vote préférentiel permet de modifier l’ordre des candidats sur les listes. Le vote unique transférable consiste à élire des candidats se présentant individuellement, en permettant aux électeurs de les classer par ordre de préférence.
Sources : Parlement européen, Direction générale des politiques internes, The European Elections, National Provisions and Civic Participation, Étude, mars 2009 ; ministère français des Affaires étrangères.
II.– L’« EURO-RÉGIONALISATION » VOULUE EN 2003 S’EST SOLDÉE PAR UN ÉCHEC
Née dans la douleur, la réforme initiée par le Gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin en 2003 avait officiellement deux objectifs : remédier à l’abstention croissante observée depuis les élections européennes de 1979 et rapprocher les députés européen de leurs électeurs (15). Après deux scrutins organisés sous l’empire de ces nouvelles règles – en 2004 et 2009 –, il est manifeste qu’aucun de ces deux objectifs n’a été atteint.
L’ « euro-régionalisation » du mode de scrutin applicable aux élections européennes décidée en 2003 faisait suite à une longue série d’atermoiements. En 1993, M. Édouard Balladur, alors Premier ministre, avait évoqué cette réforme dans sa déclaration de politique générale prononcée à l’Assemblée nationale. L’hostilité de l’UDF le conduisit néanmoins à abandonner ce projet. Son successeur, M. Alain Juppé, chargea M. Michel Barnier, ministre délégué aux Affaires européennes, d’une mission de réflexion sur cette question – mission qui recommanda de créer huit grandes circonscriptions territoriales.
Cette proposition, qui rejoignait un projet du parti socialiste, fut reprise par le Gouvernement de M. Lionel Jospin, avec l’approbation du président de la République, M. Jacques Chirac. Un projet de loi fut présenté en conseil des ministres le 10 juin 1998, puis adopté par notre commission des Lois – sans la voix du signataire de ces lignes (16) –, avant d’être retiré de l’ordre du jour de la session extraordinaire de juillet, du fait des divisions au sein de la majorité parlementaire sur ce texte, auquel s’opposaient le parti communiste, le parti radical de gauche et les Verts. Ce projet de loi n’était d’ailleurs que timidement soutenu par le ministre de l’Intérieur de l’époque, M. Jean-Pierre Chevènement, ce que ce dernier a confirmé au Sénat lors de l’examen, le 23 juin 2010, de la présente proposition de loi : « [J’ai présenté ce projet de loi] au nom du gouvernement de l’époque, qui obéissait aux suggestions de la direction d’alors du parti socialiste, mais finalement, devant les réticences des Verts et du parti communiste, le Premier ministre a eu la sagesse, avec mon soutien, de retirer le projet » (17).
C’est donc le Gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin qui reprit à son compte l’idée de territorialisation du scrutin européen (18). Le 11 février 2003, M. Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, déclarait ainsi à l’Assemblée nationale : « la création de huit grandes régions (...) permettra d’avoir un député européen mieux connu, mieux identifié (...) mieux responsabilisé et, disons-le clairement, plus accessible et donc plus facilement interpellé par les électeurs (...) pour lesquels l’Europe demeure, hélas trop souvent, un objectif très éloigné ».
Le projet de loi, qui réformait également le mode de scrutin aux élections régionales, fut combattu à l’Assemblée nationale par la totalité des groupes parlementaires, à l’exception évidemment de l’UMP. Le Premier ministre dut se résoudre à recourir à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution pour le faire adopter. Le 13 février 2003, l’opposition déposa une motion de censure, signée notamment par MM. Jean-Marc Ayrault, François Hollande et Bruno Le Roux, qui ne fut pas adoptée, dénonçant « une loi inique qui impose la prépondérance du bipartisme et nie par là même la diversité politique de notre pays ».
Alors que le territoire de la République formait auparavant une circonscription électorale unique, la loi du 11 avril 2003 précitée a créé huit circonscriptions interrégionales (19). Leur composition est fixée dans un tableau annexé à l’article 4 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen.
LES CIRCONSCRIPTIONS POUR LES ÉLECTIONS AU PARLEMENT EUROPÉEN
Circonscriptions |
Composition des circonscriptions |
Nombre de représentants en 2004 |
Nombre de représentants en 2009 |
Nord-Ouest |
Basse-Normandie ; Haute-Normandie ; Nord-Pas-de-Calais ; Picardie |
12 |
10 |
Ouest |
Bretagne ; Pays de la Loire ; Poitou-Charentes |
10 |
9 |
Est |
Alsace ; Bourgogne ; Champagne-Ardenne ; Franche-Comté ; Lorraine |
10 |
9 |
Sud-Ouest |
Aquitaine ; Languedoc-Roussillon ; Midi-Pyrénées |
10 |
10 |
Sud-Est |
Corse ; Provence-Alpes-Côte d’Azur ; Rhône-Alpes |
13 |
13 |
Massif central - Centre |
Auvergne ; Centre ; Limousin |
6 |
5 |
Île-de-France (a) |
Île-de-France et Français établis hors de France |
14 |
13 |
Outre-mer |
Saint-Pierre-et-Miquelon ; Guadeloupe ; Martinique ; Guyane ; La Réunion ; Mayotte ; Nouvelle-calédonie ; Polynésie française ; Wallis-et-Futuna |
3 |
3 |
Total |
78 |
72 |
(a) L’ajout des Français établis hors de France résulte de l’article 6 de la loi n° 2011-575 du 26 mai 2011 relative à l’élection des représentants au Parlement européen (voir infra).
Source : Tableau annexé à l’article 4 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 (résultant de l’article 15 et de l’annexe II de la loi n° 2003-327 du 11 avril 2003) ; décret n° 2004-396 du 6 mai 2004 ; décret n° 2009-317 du 20 mars 2009.
Le nombre de sièges par circonscription est fixé par décret, avant chaque élection, proportionnellement à la population de chaque circonscription, avec application de la règle du plus fort reste.
À l’issue du scrutin, les sièges sont répartis, dans chacune des circonscriptions, entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés, à la représentation proportionnelle, suivant la règle de la plus forte moyenne. Les sièges sont attribués aux candidats d’après l’ordre de présentation sur les listes – qui, depuis 2000, doivent être composées alternativement d’un candidat de chaque sexe (20).
La circonscription outre-mer présente la particularité, depuis 2007, d’être divisée en trois sections qui bénéficie chacune d’au moins un siège (21). Ce mécanisme vise à éviter que les territoires les plus peuplés ne monopolisent les sièges obtenus au Parlement européen (22).
La création de ces huit circonscriptions interrégionales était censée, en rapprochant les électeurs de leurs représentants, remédier à l’abstention, traditionnellement plus forte à ces élections qu’aux autres scrutins. En 2003, le rapporteur de notre commission des Lois écrivait en ce sens, à propos des facteurs de l’abstention : « c’est peut-être moins [le Parlement européen] qui est en cause que le mode de désignation de la représentation française, qui présente (...) des inconvénients majeurs » (23).
La réforme de 2003 a clairement échoué sur ce plan, ainsi que l’illustrent le tableau et le graphique ci-après. Lors des premières élections suivant la loi du 11 avril 2003, l’abstention a atteint 57,2 % des inscrits, à comparer à 53,2 % en 1999. Pire, l’abstention aux élections européennes de juin 2009 s’est élevée à 59,4 %, ce qui constitue, à ce jour, le record absolu de non-participation à une élection au suffrage universel en France (24).
Au total, en dehors de la décrue observée en 1994 (47,3 % d’abstention, après 51,3 % aux élections précédentes), l’abstention n’a cessé d’augmenter depuis les premières élections européennes de 1979.
ÉVOLUTION DE L’ABSTENTION AUX ÉLECTIONS EUROPÉENNES
TAUX D’ABSTENTION AUX ÉLECTIONS EUROPÉENNES
Année |
Taux d’abstention en France |
Taux d’abstention moyen dans l’Union européenne |
1979 |
39,3 % |
37,0 % |
1984 |
43,3 % |
39,0 % |
1989 |
51,3 % |
41,5 % |
1994 |
47,3 % |
43,2 % |
1999 |
53,2 % |
50,2 % |
2004 |
57,2 % |
54,3 % |
2009 |
59,4 % |
57,0 % |
Source : Parlement européen.
Si la présente proposition de loi ne prétend pas, à elle seule, remédier aux insuffisances de la participation électorale – dont certaines causes sont manifestement communes à l’ensemble des États membres –, l’argument tiré de la lutte contre l’abstention n’est plus au nombre de ceux pouvant justifier le maintien du découpage du territoire en circonscriptions interrégionales.
Le découpage de la France en huit circonscriptions avait pour ambition de combler « le fossé entre l’élu et l’électeur » (25).
Après les deux expériences de 2004 et 2009, on doit constater que la réforme n’a pas porté ses fruits, tant il paraît difficile d’affirmer que les députés européens, souvent mal connu de leurs électeurs, bénéficient d’un réel ancrage territorial.
Dès les premières élections tenues après l’adoption de la loi du 11 juin 2003 précitée, il est apparu que « le nouveau mode de scrutin régionalisé (...) n’a guère (...) permis l’expression de votes "euro-régionaux" vraiment spécifiques qui seraient contraires aux tendance nationales de 2004 et aux orientation traditionnelles des régions. Les variations de l’offre partisane paraissent parfois plus explicatives. Au total, la structure des résultats dans les sept euro-régions métropolitaines traduit bien une logique nationale » (26).
En dehors de l’Île-de-France, région constituant à elle seule une circonscription, les autres circonscriptions apparaissent « certes géographiques mais artificielles » (27). Comme l’a souligné notre collègue M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ce découpage « ne renvoie, généralement, pour les territoires ainsi réunis, à aucune cohérence d’ordre historique, économique, social ou culturel (...). Elles constituent le plus souvent des regroupements artificiels et hétérogènes de très vaste dimension. Comme le Nord-Ouest – qui va de Cherbourg à Dunkerque –, le Sud-Est – qui s’étend de Nantua à Bonifacio –, le Massif Central-Centre – allant de Chartres à Brive-la-Gaillarde –, ou l’Est – qui va de Charleville-Mézières à Mâcon » (28).
À la différence, par exemple, des circonscriptions belges, qui correspondent à des réalités linguistiques, historiques et culturelles, les « euro-régions » n’ont de véritable existence qu’une fois tous les cinq ans, quelques semaines avant le scrutin. On voit mal, dans ces conditions, en quoi consiste le fameux « lien de proximité » censé unir les citoyens à leurs représentants à Strasbourg.
Des spécialistes du Parlement européen ont, ainsi, pu écrire que si la territorialisation du scrutin « a donné de nouvelles ressources à des responsables politiques très implantés localement, la grande taille des circonscriptions, la complexité des enjeux européens et le manque d’intérêt des médias pour l’événement continuent de privilégier également les prétendants disposant d’un fort capital médiatique » (29). Les nouvelles modalités d’élection mises en place en 2003 n’ont, en particulier, pas mis fin à la pratique des « parachutages » de candidats.
Le prétendu « ancrage territorial » des députés européens est également démenti avec force lorsque l’on constate que certains députés européens élus dans une circonscription en 2004 ont été réélus dans une autre en 2009. Tel a été le cas, par exemple, de M. Henri Weber (Nord-Ouest puis Massif central-Centre), de M. Jean-Marie Cavada (Sud-Ouest puis Île-de-France) et de Mme Marine Le Pen (Île-de-France puis Nord-Ouest). Lors de l’examen de la présente proposition de loi au Sénat, le 23 juin 2010, M. Jean-Pierre Chevènement appelait à mettre fin « à la nomadisation des candidats sur toutes l’étendue du territoire national, qui est rendue nécessaire parce qu’il faut caser tel ou telle ».
En définitive, si la réforme de 2003 a bel et bien atteint son objectif, c’est celui, moins avouable, consistant à renforcer la représentation des grands partis, au détriment des autres forces politiques de notre pays.
III.– LA PROPOSITION DE LOI VISE À RÉTABLIR UNE CIRCONSCRIPTION NATIONALE UNIQUE
La présente proposition de loi vise à rétablir une circonscription nationale unique, en vue de l’élection, en mai 2014, des soixante-quatorze représentants de la France au Parlement européen.
LE NOMBRE ET LA RÉPARTITION DES SIÈGES AU PARLEMENT EUROPÉEN
Depuis sa première élection au suffrage universel direct en 1979, les effectifs du Parlement européen ont été progressivement ajustés, au fur et à mesure des élargissements successifs de l’Union européenne. C’est ainsi que la France a bénéficié, successivement, de 81 sièges sur un total de 434 (1979-1984), de 81 sièges sur 518 (1984-1994), de 87 sièges sur 626 (1994-1999), de 87 sièges sur 788 (1999-2004) et de 78 sièges sur 785 (2004-2009).
Actuellement, la France dispose de 74 représentants sur un total de 754 sièges : aux 72 députés européens élus en juin 2009 se sont ajoutés, le 6 décembre 2011, deux représentants supplémentaires (MM. Yves Cochet et Jean Roatta) élus par l’Assemblée nationale, en application de la loi n° 2011-575 du 26 mai 2011 relative à l’élection des représentants au Parlement européen. Cette procédure exceptionnelle, autorisée par un protocole européen du 23 juin 2010, visait à pourvoir les deux sièges supplémentaires revenant à la France à la suite de l’entrée en vigueur, le 1er décembre 2009, du traité de Lisbonne, alors que les élections européennes de juin 2009 s’étaient déroulées sous l’empire du traité de Nice.
Pour la prochaine législature (2014-2019), le nombre de représentants de chaque État membre n’est, à ce jour, pas définitivement fixé. Selon les plus récents travaux du Parlement européen (session plénière du 13 mars 2013), le nombre de sièges revenant à la France pourrait demeurer fixé à 74. Le Traité de Lisbonne détermine un nombre maximal de 751 députés (au lieu de 754 actuellement), qui doit être réparti entre 28 États membres (la Croatie, qui compte aujourd’hui 12 observateurs, rejoignant l’Union européenne à compter du 1er juillet 2013), chacun devant disposer d’au moins 6 députés et d’au plus 96 députés. L’article 14 du Traité sur l’Union européenne (TUE), dans sa rédaction issue du traité de Lisbonne, dispose que le nombre de députés européens « ne dépasse pas sept cent cinquante, plus le président. La représentation des citoyens est assurée de façon dégressivement proportionnelle, avec un seuil minimum de six membres par État membre. Aucun État membre ne se voit attribuer plus de quatre-vingt seize sièges. Le Conseil européen adopte à l’unanimité, sur initiative du Parlement européen et avec son approbation, une décision fixant la composition du Parlement européen, dans le respect des principes visés au premier alinéa ».
A. UNE CIRCONSCRIPTION UNIQUE SERAIT PLUS RESPECTUEUSE DU PLURALISME POLITIQUE ET DE LA PARITÉ HOMMES-FEMMES
Dès sa première application, lors des élections européennes de 2004, la réforme « présentée par le gouvernement Raffarin comme un texte "technique" a eu des effet sensibles sur le paysage politique puisqu’elle a contribué à resserrer la représentation au Parlement européen autour des principales forces politiques (PS, UMP, UDF) au détriment des "petites" forces politiques et des partis hors système, qui soit ont vu leur nombre d’eurodéputés diminuer (PC, Verts, Front national), soit ont été exclus de toute représentation (extrême gauche, RPF, CPNT) » (30).
Alors qu’aux élections de 1999, les trois grands partis (PS, RPR/UMP, UDF/Modem) avaient obtenu un peu moins de la moitié des sièges à pourvoir (43 sièges à eux trois, sur un total de 87), cette proportion a atteint plus des trois quarts des sièges aux élections de 2004 (59 sièges sur 78) et s’est maintenue à un niveau élevé – de 68 % – lors des dernières élections en 2009 (49 sièges sur 72).
De la même façon, alors qu’en 1999, les deux listes arrivées en tête avec 35 % des suffrages avaient bénéficié de 40 % des sièges (35 sièges), les deux partis arrivés en tête en 2004 et 2009, avec respectivement 45 % et 44 % des voix agrégées au plan national, ont obtenu, respectivement, près de 62 % et près de 60 % des sièges (48 sièges, puis 43 sièges).
Lors des deux élections européennes postérieures à la réforme de 2003, le parti vainqueur a obtenu un nombre de sièges sans précédent depuis 1979 (31 sièges pour le parti socialiste en 2004 ; 29 sièges pour l’UMP en 2009), en dépit même de la diminution du nombre de représentants français au Parlement européen. Comme l’a relevé le politologue Pierre Martin, « on peut ainsi considérer que l’un des objectifs majeurs de cette réforme [de 2003] est de faire payer par les petites formations la réduction du nombre de sièges de la France au Parlement européen (de 87 à 78 [puis à 72]) résultant de l’élargissement » de l’Union européenne (31).
En réduisant la magnitude – c’est-à-dire le nombre moyen de sièges par circonscription –, le découpage en « euro-régions » amplifie le résultat en sièges des listes dominantes en voix. Inversement, le score à réaliser pour obtenir un siège peut être, en pratique, sensiblement plus important que le seuil de représentativité de 5 % : dans une circonscription comme celle du Massif central-Centre, aucune liste ne réalisant un score inférieur à 10 % n’a, par exemple, pu obtenir de siège en 2009.
En outre, malgré quelques aménagements prévus par le législateur de 2003 (32), les petits partis politiques sont nécessairement défavorisés dans une compétition électorale supposant la mobilisation d’importants moyens humains, financiers et matériels, dans des circonscriptions à la fois nombreuses et étendues. Saisi de cette atteinte au pluralisme politique par les parlementaires de l’opposition, mais aussi par le groupe minoritaire de la majorité (UDF), le Conseil constitutionnel avait, en 2003, jugé le moyen opérant, avant de l’écarter au motif qu’il ne pouvait substituer son appréciation à celle du législateur (33). Désormais, cette question se pose avec d’autant plus d’acuité que, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, l’article 4 de la Constitution dispose que « la loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation. ».
Autre effet néfaste, la division du territoire en plusieurs circonscriptions est moins favorable à la parité qu’une circonscription nationale. La territorialisation conduit, en effet, à multiplier le nombre de têtes de liste susceptibles d’être monopolisées par des hommes, ainsi que les cas de listes n’obtenant qu’un seul siège ou un nombre impair de sièges.
C’est ainsi qu’en 2004, la part des femmes élues au Parlement européen, certes supérieure à celle de 1999 (43,6 %, au lieu de 40,2 %), s’est avérée inférieure à la proportion des femmes qui, en mai 2004, achevaient leur mandat (45,3 %), en ayant été élues avant la loi de 2000 sur la parité (34). « Au total, la percée des femmes a été moins forte, en 2004, avec la loi de parité couplée avec le système interrégional qu’elle ne l’avait été en 1999, sans loi d’action positive mais avec une proportionnelle intégrale » (35).
En 2009, le pourcentage de femmes élues au Parlement européen a légèrement progressé, atteignant 45,8 %, mais n’en demeure pas moins relativement éloigné de la parité réelle. Le retour à une circonscription unique, désormais combinée à l’alternance des candidats de chaque sexe sur les listes, devrait permettre de se rapprocher, sinon d’atteindre, cet objectif.
ÉVOLUTION DE LA REPRÉSENTATION DES FEMMES AU PARLEMENT EUROPÉEN
1979 |
1984 |
1989 |
1994 |
1999 |
2004 |
2009 | |
Nombre de députés élus en France |
81 |
81 |
81 |
87 |
87 |
78 |
72 |
Nombre de femmes |
17 |
16 |
18 |
26 |
35 |
34 |
33 |
Pourcentage de femmes |
21,0 % |
19,8 % |
22,2 % |
29,9 % |
40,2 % |
43,6 % |
45,8 % |
N.B. : Depuis les élections de 2004, les listes doivent être composées alternativement d’un candidat de chaque sexe (article 9 de la loi du 7 juillet 1977 précitée, modifiée par la loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives).
Afin de fournir une indication des effets possibles de la présente proposition de loi, les deux tableaux ci-après présentent une projection en sièges des résultats des élections européennes de juin 2004 et de juin 2009, dans l’hypothèse où le territoire de la République n’aurait formé qu’une seule circonscription.
Les suffrages obtenus par les listes présentées dans les huit circonscriptions sont totalisés et convertis en sièges selon les règles prévues par la loi du 7 juillet 1977 : représentation proportionnelle à la plus forte moyenne ; seuil de représentativité de 5 % des suffrages exprimés.
SIMULATION DE RÉSULTATS DES ÉLECTIONS EUROPÉENNES DE JUIN 2004
DANS UNE SEULE CIRCONSCRIPTION NATIONALE
(représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, avec seuil de représentativité de 5 %)
Listes |
Nombre de voix |
En % des suffrages exprimés |
Sièges réellement obtenus |
Sièges dans une circonscription unique |
Différence |
Parti socialiste |
4 960 426 |
28,9 % |
31 |
26 |
– 5 |
Union pour un mouvement populaire |
2 856 218 |
16,6 % |
17 |
15 |
– 2 |
Union pour la démocratie française |
2 051 453 |
11,9 % |
11 |
10 |
– 1 |
Front national |
1 684 868 |
9,8 % |
7 |
9 |
+ 2 |
Verts |
1 271 134 |
7,4 % |
6 |
6 |
0 |
Divers droite (dont MPF et RPF) |
1 516 645 |
8,8 % |
3 |
8 |
+ 5 |
Parti communiste |
900 293 |
5,2 % |
2 |
4 |
+ 2 |
Divers gauche (a) |
231 047 |
1,3 % |
1 |
0 |
– 1 |
Listes diverses |
592 043 |
3,4 % |
– |
– |
|
Extrême gauche |
571 550 |
3,3 % |
– |
– |
|
Chasse, pêche, nature, tradition |
297 293 |
1,7 % |
– |
– |
|
Écologistes (autres que Verts) |
166 397 |
1,0 % |
– |
– |
|
Extrême droite |
53 605 |
0,3 % |
– |
– |
|
Listes régionalistes |
15 709 |
0,1 % |
– |
– |
|
Total |
17 168 681 |
100 % |
78 |
78 |
|
(a) Dont trois listes du Parti radical de gauche (Nord-Ouest, Ouest, Île-de-France), qui n’ont obtenu aucun siège.
SIMULATION DE RÉSULTATS DES ÉLECTIONS EUROPÉENNES DE JUIN 2009
DANS UNE SEULE CIRCONSCRIPTION NATIONALE
(représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, avec seuil de représentativité de 5 %)
Listes |
Nombre de voix |
En % des suffrages exprimés |
Sièges réellement obtenus |
Sièges dans une circonscription unique |
Différence |
Union pour un mouvement populaire |
4 799 908 |
27,9 % |
29 |
22 |
– 7 |
Parti socialiste |
2 838 160 |
16,5 % |
14 |
13 |
– 1 |
Europe écologie |
2 803 759 |
16,3 % |
14 |
13 |
– 1 |
Modem |
1 455 841 |
8,5 % |
6 |
6 |
0 |
Parti communiste et parti de gauche |
1 041 911 |
6,1 % |
4 |
4 |
0 |
Front national |
1 091 691 |
6,3 % |
3 |
5 |
+ 2 |
Divers droite (dont Libertas) |
1 160 636 |
6,7 % |
1 |
5 |
+ 4 |
Divers gauche (b) |
79 968 |
0,5 % |
1 |
0 |
– 1 |
Extrême gauche |
1 050 016 |
6,1 % |
– |
4 |
+ 4 |
Listes diverses |
766 894 |
4,5 % |
– |
– |
|
Extrême droite |
87 053 |
0,5 % |
– |
– |
|
Listes régionalistes |
42 777 |
0,3 % |
– |
– |
|
Total |
17 218 614 |
100 % |
72 |
72 |
(b) Dont aucune liste du Parti radical de gauche.
Ces calculs, purement indicatifs, sont évidemment à interpréter avec précaution, puisque comparer les résultats réels à des projections revient à considérer que les électeurs ne se déterminent qu’en fonction des étiquettes politiques, et non des personnalités qui se sont présentées dans les différentes circonscriptions interrégionales. En outre, si une circonscription nationale unique avait effectivement été en vigueur lors des élections considérées, d’autres listes et d’autres têtes de liste auraient probablement concouru. Les résultats auraient donc nécessairement été différents.
Sous ces réserves méthodologiques, ces simulations ont le mérite de confirmer le très net effet amplificateur de la victoire du parti dominant – et, plus généralement, du score des grands partis – produit par l’actuel découpage en huit circonscriptions. Corrélativement, ce découpage limite le nombre de sièges auxquels auraient pu prétendre les petits partis, voire les prive de toute représentation au Parlement européen, parfois même en les dissuadant de présenter des listes sur l’ensemble du territoire.
Les objectifs poursuivis lors de la création des circonscriptions interrégionales en 2003 n’ayant pas été atteints – faute de redressement de la participation électorale ou de réel ancrage territorial des eurodéputés –, seules des considérations purement politiques peuvent conduire à préférer le statu quo au rétablissement d’une seule circonscription nationale.
Pour les raisons exposées ci-avant, les grands partis ne sont naturellement guère enclins à approuver le retour à un système qui pourrait leur être moins favorable et qui serait, au contraire, plus respectueux du pluralisme politique. Pour le parti au pouvoir, les scrutins locaux et européens présentent souvent le risque de susciter un « vote sanction » des électeurs. De ce point de vue, le mode de scrutin mis en place en 2003, conçu pour « amortir les chocs » (36), peut être perçu comme de nature à conjurer ce risque.
Toutefois, outre que ce risque mérite d’être relativisé – le score obtenu par la liste conduite par M. François Hollande en 1999 n’a témoigné d’aucune « sanction » à l’encontre de la majorité au pouvoir (37) –, il reste que si les électeurs souhaitent manifester leur mécontentement à l’égard de la politique nationale, ce n’est pas une division en huit circonscriptions qui y fera barrage. En tout état de cause, le découpage territorial n’empêchera pas, le soir des élections, l’agrégation à un niveau national des résultats des différentes listes, ce qui ne manquera pas d’alimenter les commentaires portant moins sur les enjeux européens que sur la politique intérieure.
Les autres motifs invoqués pour contester l’intérêt du rétablissement d’une circonscription nationale ne sont pas davantage pertinents.
En premier lieu, une circonscription unique n’est pas un obstacle à la prise en compte de la diversité de notre territoire. La constitution de listes nationales peut parfaitement être effectuée en cherchant à représenter les différentes zones géographiques du pays, comme l’avaient montré, par exemple, les élections européennes de 1999 (38).
En deuxième lieu, une circonscription nationale n’a pas nécessairement pour corollaire l’ « émiettement », au sein du Parlement européen, des députés élus en France. Cet argument est notamment avancé par M. François-Noël Buffet, dans son rapport au nom de la commission des Lois du Sénat sur la présente proposition de loi (39).
RÉPARTITION DES EURODÉPUTÉS FRANÇAIS PAR GROUPE PARLEMENTAIRE
Législature |
Nombre de groupes comptant au moins un député élu en France |
Nombre total |
1979 |
5 |
8 |
1984 |
6 |
9 |
1989 |
9 |
11 |
1994 |
8 |
10 |
1999 |
8 |
9 |
2004 |
7 |
8 |
2009 |
7 |
8 |
N.B. : Les non-inscrits sont considérés comme un groupe ; les chiffres sont arrêtés à la date de la réunion constitutive du Parlement européen.
Certes, sous la Ve législature (1999-2004), plus d’un représentant français sur deux appartenait à l’un des quatre groupes les plus petits du Parlement européen ou bien siégeait parmi les non-inscrits, alors qu’à l’issue des élections de 2004, plus des trois quarts des députés élus en France siégeaient désormais dans les trois plus grands groupes (PPE-DE, PSE et ADLE) (40). Toutefois, l’émiettement de la représentation française était moindre sous les deux premières législatures (élections de 1979 et de 1984), en dépit même de la circonscription unique (voir le tableau ci-avant) (41). En outre, la part des députés élus en France siégeant dans les trois plus grands groupes du Parlement européen a diminué en 2009, passant de plus de 75 % à 68 %. Enfin, cet argument relatif à l’éparpillement des députés au sein du Parlement européen, qui limiterait l’influence française au sein des institutions européennes, n’est rien d’autre que la face « positive » du constat précédemment dressé selon lequel la réforme de 2003 a profité aux plus grands partis politiques : dès lors que les partis dominants en voix bénéficient d’une amplification de leur résultat en sièges, il est logique que leurs élus siègent dans les plus grands groupes du Parlement européen.
En dernier lieu, la présente proposition de loi ne revient pas sur l’amélioration apportée par le législateur en 2011 au bénéfice de nos concitoyens résidant à l’étranger. Alors que la réforme de 2003 avait privé ces derniers de la possibilité de voter aux élections européennes auprès de leur consulat (42), la loi n° 2011-575 du 26 mai 2011 relative à l’élection des représentants au Parlement européen a rétabli ce droit, à l’article 23 de la loi du 7 juillet 1977 précitée, en rattachant les Français établis hors de France à la circonscription d’Île-de-France. Tout en revenant à une seule circonscription nationale, la présente proposition de loi maintient ce droit : les Français de l’étranger pourront, comme avant la loi du 11 juin 2003, voter aux élections européennes dans les centres de vote ouverts par les consulats.
Au total, le rétablissement d’une circonscription nationale unique serait d’autant plus pertinent que la Commission européenne vient, le 12 mars 2013, d’appeler les partis politiques à désigner, lors des prochaines élections européennes de 2014, le candidat qu’ils soutiendront pour l’élection, par le Parlement européen, du poste de président de la Commission européenne. Pour votre rapporteur, de telles orientations plaident pour que la France se livre en 2014 à une grande campagne nationale sur l’avenir de l’Europe, plutôt que pour huit campagnes « euro-régionales » peu compréhensibles pour nos concitoyens.
La Commission examine la proposition de loi, adoptée par le Sénat, rétablissant une circonscription unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen (n° 44).
Après l’exposé du rapporteur, une discussion a lieu.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Nul ne s’étonnera que je sois d’accord avec l’excellent rapport d’Alain Tourret.
Rappelons d’abord que cette proposition de loi a été adoptée par la Haute assemblée le 23 juin 2010 dans un climat consensuel, recueillant les suffrages de plusieurs formations politiques à une époque où la majorité sénatoriale n’était pas celle que nous connaissons aujourd’hui.
Permettez-moi aussi de relever un paradoxe : le Parlement européen a de plus en plus de pouvoir et de moins en moins d’électeurs. La baisse constante du taux de participation est un problème préoccupant pour la démocratie et nous ne pouvons l’ignorer. Lors de la dernière élection, l’abstention s’est élevée à 59,35 %. Certes, les élections européennes ont toujours été marquées par une forte abstention, mais ce phénomène n’a cessé de progresser, accentué encore par la réforme de 2003. Le taux d’abstention à la première élection européenne, en 1979, était 39,30 %. Il a donc augmenté de vingt points en trente ans !
Bref, la loi présentée par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin n’a pas produit les effets escomptés. Il faut être pragmatique et tirer les leçons de l’expérience. Nous ne sommes habités par aucune visée idéologique particulière. Nous constatons simplement que le cadre de ce scrutin est jugé complexe et peu compréhensible par les électeurs, et qu’il contribue à progression de l’abstention.
D’autre part, comme l’a noté Alain Tourret, les circonscriptions sont beaucoup trop vastes pour permettre un rapprochement entre les élus et les électeurs. Celle du grand Sud-Est s’étend de Bourg-en-Bresse à Bonifacio, celle du Nord-Ouest de Cherbourg à Dunkerque. C’est dire combien leur tracé est artificiel. À l’exception de l’Île-de-France, elles sont hétéroclites, n’existent que le temps de l’élection européenne et ne correspondent à aucune réalité humaine, historique, géographique ou économique.
De plus, la division de l’élection en huit « petites élections » fait que les listes ne sont plus conduites par les dirigeants nationaux des partis politiques, ce qui mobilisait davantage l’opinion, mais par des personnes – estimables, certes – placées à un niveau hiérarchique inférieur.
Le dispositif engendre un risque de « localisme » alors que c’est un grand projet qui est l’enjeu essentiel de l’élection européenne : quelle Europe voulons-nous et quel rôle la France doit-elle y jouer ? Il ne faut pas que des questions d’intérêt local interfèrent avec cette question principale.
Enfin, ce mode d’élection est un frein évident au pluralisme : il avantage les grands partis, qui ont les moyens humains et financiers de mener huit campagnes dans autant de circonscriptions, alors qu’il est plus facile aux partis de dimensions plus modestes de mener une campagne nationale dans une circonscription unique.
Pour toutes ces raisons qui tiennent à l’intérêt général, et compte tenu du vote positif du Sénat, le groupe RRDP appelle à adopter ce texte.
M. Marc Dolez. Le rapporteur a brillamment exposé les raisons qui justifient le rétablissement de la circonscription unique pour l’élection européenne.
L’actuel mode de scrutin, instauré par la loi de 2003, n’a pas atteint les objectifs qui lui étaient assignés. Il n’a permis ni de diminuer l’abstention – les chiffres sont éloquents – ni de rapprocher les électeurs et les élus. La grande circonscription du Nord-Ouest, par exemple, va de la Belgique au mont Saint-Michel. Je confirme que les électeurs ne connaissent en aucune manière leurs élus au Parlement européen.
Le rétablissement de la circonscription unique est donc une exigence démocratique. Aujourd’hui plus encore qu’hier, l’élection européenne doit donner lieu à un vrai débat national sur l’évolution de la construction européenne et sur la réorientation que, pour notre part, nous appelons de nos vœux.
En outre, la circonscription unique assure le respect du pluralisme, là où le découpage en huit circonscriptions avantage les grandes formations politiques et ne permet pas une véritable représentation proportionnelle. Elle garantit aussi le respect de la parité.
Pour toutes ces raisons, le groupe GDR votera cette proposition de loi.
M. Gilles Bourdouleix. Je précise que je m’exprime à titre personnel et non au nom de mon groupe.
En dépit du caractère quelque peu désagréable de cette proposition de loi qui vient s’ajouter à différents textes tendant à « tripatouiller » les modes de scrutin, je suis favorable à son adoption. La régionalisation du scrutin européen n’a pas eu les effets recherchés. L’abstention a augmenté de façon considérable depuis que nous avons adopté ce système, qui n’a pas non plus donné aux députés européens la visibilité annoncée.
De plus, les circonscriptions ainsi découpées ne correspondent pas à grand-chose. On aurait pu au moins s’appuyer sur les régions existantes, en prévoyant un plus grand nombre d’élus pour les plus peuplées. En l’occurrence, on a choisi le pire scrutin pour défendre l’idée européenne et pour mener une campagne lisible.
C’est pourquoi je voterai ce texte.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Les députés du Mouvement républicain et citoyen le voteront aussi, d’autant que j’ai défendu ici même une proposition de loi à peu près identique.
Il s’agit d’abord d’une exigence démocratique. Certes, nous ne partageons ni les prémisses ni les conclusions de M. Roger-Gérard Schwartzenberg quant aux raisons du peu d’intérêt que le peuple français porte à l’Europe telle qu’elle va. Sur ce point, nous partageons plutôt l’avis de M. Marc Dolez. Il n’en reste pas moins que ces circonscriptions au découpage parfois absurde et très éloignées des électeurs ne sont pas de nature à porter un enjeu européen.
Il s’agit aussi de permettre à des partis peu représentés à l’Assemblée nationale d’être plus présents et de s’exprimer davantage. Je précise néanmoins que le MRC est attaché au scrutin uninominal majoritaire pour les élections législatives. Par sens de l’intérêt général, il n’a jamais milité que pour l’instauration d’une petite dose de proportionnelle, de manière à ne pas déstabiliser les institutions et le mode de gouvernement de la Ve République. Mais, s’agissant des élections au Parlement européen, pour lesquelles l’enjeu n’est pas national – et n’est, d’ailleurs, pas considérable –, la circonscription unique permettra d’améliorer l’expression sur les questions européennes.
Mme Marie-Jo Zimmermann. Cette proposition de loi montre surtout que l’on ne se pose pas la question de l’Europe. Si les gens ne vont pas voter à l’élection européenne, ce n’est pas parce qu’ils ne connaissent pas les candidats : c’est parce que nous, les politiques, nous n’avons jamais fait de pédagogie sur ce sujet. Croyons-nous vraiment à l’Europe ?
Et n’allons pas imaginer que les députés européens seront mieux connus s’ils sont élus dans une circonscription unique ! Soyons clairs : on y retrouvera beaucoup de gens qui n’ont pas pu se faire élire ou réélire à la députation nationale.
Gardons-nous donc de poser la question du mode de scrutin quand il conviendrait de poser des questions majeures, d’autant que, dans les prochaines années, les députés européens joueront un rôle éminent. C’est à l’évidence le mode actuel qui défend le mieux la proximité.
Enfin, mieux vaudrait éviter de mettre la parité en avant chaque fois que l’on évoque un mode de scrutin. Je défends la parité de longue date et je sais que les femmes qui sont en place au Parlement européen sont également en capacité de s’y maintenir sans avoir besoin de cet argument. Il est logique qu’il y ait plus de femmes élues dans les scrutins de liste. En dépit de l’argument classique sur la plus forte proportion d’hommes en tête de liste, 47 % des élus français au Parlement européen sont des femmes, contre 37 ou 38 % pour l’ensemble des eurodéputés. La parité ne doit pas être utilisée comme un gadget pour faire passer tel ou tel mode de scrutin !
Aucun de vos arguments en faveur de ce texte ne me convainc donc, monsieur le rapporteur, qu’il s’agisse de la proximité, des progrès d’une conscience européenne ou de la parité.
M. Pascal Popelin. Notre collègue Alain Tourret s’est montré comme en toutes circonstances un excellent avocat, retrouvant à l’occasion les accents d’un ancien Premier ministre dans son discours devant l’assemblée générale des Nations unies, avant de terminer par des intonations « vaticanes », mais chaque mode de scrutin comporte son lot d’avantages et d’inconvénients et il serait bien illusoire de penser qu’il en existerait un, idéal, qui répondrait à toutes les exigences que nous voudrions lui assigner en fonction de nos inclinations personnelles ou de nos appartenances politiques. En tout état de cause, notre modèle démocratique s’est construit sur la multiplicité de ces modes de scrutin, la République française n’ayant jamais souhaité faire prévaloir un modèle unique.
Je suis également convaincu qu’il ne faut toucher aux modes de scrutin que lorsque cela est absolument nécessaire, a fortiori quand nos concitoyens nous attendent sur d’autres fronts. C’est la raison pour laquelle les soixante propositions de François Hollande, lorsqu’il était candidat à l’élection présidentielle, ne prévoyaient en la matière que des modifications ponctuelles, commandées par des impératifs de modernisation de la démocratie. Nous nous sommes ainsi engagés durant la campagne électorale à supprimer le conseiller territorial parce que nous considérions que la création de ce nouvel élu présentait peu d’avantages au regard de ses inconvénients. Nous proposons aujourd’hui un nouveau mode de scrutin pour les élections départementales afin de mettre en œuvre le principe constitutionnel de parité dans les dernières assemblées élues où la représentation des femmes n’avait pas progressé. Toujours conformément aux engagements de notre candidat pour la durée de ce quinquennat, nous serons sans doute conduits aussi à proposer des ajustements du mode de désignation des parlementaires, tant pour améliorer le respect du principe constitutionnel de l’égalité du suffrage au Sénat que pour rechercher une meilleure représentation de la diversité de l’opinion à l’Assemblée nationale.
En revanche, si imparfait soit-il, nous n’avons pas souhaité rouvrir le chantier du mode de scrutin régional, mis en place par une autre majorité que la nôtre en 2003. De la même manière, et pour les mêmes raisons, sans pour autant le parer de vertus que j’aurais bien du mal à lui trouver, il ne nous semble pas prioritaire, ni donc opportun, de modifier aujourd’hui le mode de désignation de nos représentants au Parlement européen.
Je réitère donc à nos amis du groupe RRDP l’invitation qui leur a été faite de ne pas maintenir l’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour. Dans l’hypothèse où cette demande ne serait pas entendue, les membres du groupe SRC seraient contraints de ne pas voter en faveur de ce texte en séance, après en avoir fait de même ici.
M. Dominique Bussereau. Le Parlement européen n’intéresse personne. Pour que les médias en parlent, il faut qu’ait lieu un accrochage spectaculaire – si Daniel Cohn-Bendit est impliqué, c’est encore mieux – ou qu’on y traite d’un problème de vie quotidienne qui mobilise l’opinion publique.
À l’instar des conseillers régionaux, les parlementaires européens restent donc pour leurs propres électeurs d’illustres inconnus. Toutes les élections au scrutin proportionnel, qui dilue la représentation des territoires et des citoyens ainsi que la responsabilité des élus, ont cet effet.
Les circonscriptions découpées en 2003 sont sans doute un peu « baroques » ; elles présentent tout de même l’avantage de rapprocher quelque peu les parlementaires européens de leurs électeurs. Je constate ainsi que dans la grande circonscription Ouest qui réunit sans cohérence particulière les régions Poitou-Charentes, Pays-de-Loire et Bretagne, les élus européens de tous bords font leur travail sur le terrain : ils rencontrent la population, publient des lettres d’information, s’expriment dans les universités ou les chambres de commerce. Ils font tout leur possible pour incarner un territoire et pour donner un visage à l’Europe. La situation n’est certes pas parfaite, mais elle s’est améliorée par rapport à l’époque de la circonscription nationale unique.
D’autre part, l’élection sur des listes nationales favoriserait arithmétiquement la progression des extrêmes, Front national et extrême gauche. Pour ma part, j’estime que ce n’est pas souhaitable.
Pour ces deux raisons, je suis hostile à la proposition de loi et donc favorable au maintien du mode de scrutin actuel, quelles que soient ses imperfections.
M. Jacques Bompard. Aujourd’hui, si les citoyens ne se sentent plus représentés par leurs élus et tendent de plus en plus nombreux à s’abstenir, c’est entre autres raisons parce que les partis politiques confisquent la démocratie. Élire nos représentants au Parlement européen dans le cadre d’une circonscription nationale ne ferait qu’aggraver le problème en renforçant la dictature du centralisme parisien. Réfléchissons plutôt à la façon de rétablir la démocratie et d’améliorer la communication entre les citoyens et leurs représentants !
Pour renforcer la représentativité des élus, nous devrions revenir au scrutin majoritaire à deux tours qui les ancre dans un territoire et les rend responsables devant les citoyens, contrairement au scrutin proportionnel dont le développement constitue une dérive antidémocratique – je suis d’ailleurs étonné que l’on veuille le mettre à toutes les sauces.
Le rappel constant à la parité me surprend aussi. Je ne serais pas choqué que les femmes deviennent majoritaires parmi les élus si elles montrent l’intérêt qu’elles portent à la politique et les compétences qui sont les leurs mais, en la matière, il me paraît totalement aberrant d’en revenir en permanence à une classification des sexes – en même temps d’ailleurs que l’on développe la théorie du genre.
M. Matthias Fekl. Depuis 1979, nous assistons à deux phénomènes contradictoires : d’une part, une montée en puissance continue du Parlement européen comme lieu de pouvoir et comme contre-pouvoir et, d’autre part, une désaffection croissante des populations que traduit la progression de l’abstention à chaque élection européenne. De toute évidence, quelque chose ne fonctionne pas.
Le mode de scrutin est-il en cause ? Si celui qui est aujourd’hui en vigueur n’est pas idéal – il a échoué à rapprocher les élus de leurs électeurs –, celui qui était pratiqué avant 2003 ne l’était pas plus. J’estime donc qu’il ne faut pas « renationaliser » le mode de scrutin mais plutôt l’« européaniser ». En la matière, il revient aux partis politiques de mettre en avant de véritables candidats européens lors des scrutins concernés, et de traiter de thèmes européens. J’ajoute que l’élection européenne doit avoir un impact sur la configuration de la Commission européenne et sur les décisions prises à Bruxelles.
La présente proposition de loi ne relevant pas les défis que je viens d’évoquer, et ne remédiant pas non plus aux insuffisances du mode de scrutin en vigueur, mieux vaut selon moi s’en tenir à celui-ci.
M. Sergio Coronado. Les écologistes ont toujours préféré la circonscription nationale unique aux huit circonscriptions issues de la réforme de 2003 – même si leur idéal reste la circonscription européenne transnationale qu’ils ont essayé de préfigurer en confiant par deux fois à Daniel Cohn-Bendit la conduite de leur liste.
Je rappelle que le Gouvernement avait dû faire usage de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution pour faire adopter la réforme de 2003 : le soutien de la majorité d’alors à cette loi était moins ferme que celui de l’opposition d’aujourd’hui ! Quant aux écologistes, avec l’ensemble de la gauche, ils avaient défendu le maintien de la circonscription nationale. De la même façon, en juin 2010, au Sénat, ils ont voté avec la gauche en faveur de la proposition de loi qui nous est soumise. Je m’étonne que les arguments qui avaient conduit le groupe socialiste, alors dans l’opposition, à condamner le mode de scrutin en vigueur soient aujourd’hui écartés d’un revers de main. Les éléments qui avaient motivé sa position auraient donc disparu comme par enchantement ?
Lors des débats au Sénat, le 23 juin 2010, M. Bernard Frimat, porte-parole du groupe socialiste, concluait ainsi son intervention dans la discussion générale, en s’en prenant aux règles en vigueur : « Aucun argument décisif ne plaide donc en faveur de ce mode de scrutin, et nous devons tout de même prendre en compte l’échec qu’il a rencontré en matière de lutte contre l’abstention et de rapprochement entre les députés et leurs électeurs. » Il ajoutait : « Au Parlement européen, un député français ne représente pas sa région, mais la nation. »
D’autre part, n’oublions pas que la réforme de 2003 avait supprimé le vote des Français de l’étranger dans les consulats pour l’élection du Parlement européen !
Guidés par la cohérence et non par l’opportunité, les écologistes soutiennent la proposition de loi de leurs collègues radicaux. Nous sommes sans doute la seule force politique qui ne considère pas que l’élection au Parlement européen doive servir à reclasser les recalés du suffrage universel : nous présentons « les meilleurs d’entre nous ». Les partis qui affirment que l’Europe constitue un enjeu majeur feraient bien de suivre cet exemple.
M. Patrick Devedjian. Que reproche-t-on au mode de scrutin en vigueur ? En premier lieu, d’assurer aux grands partis le plus grand nombre d’élus. Il est vrai qu’il n’est pas facile, en démocratie, de faire valoir son point de vue quand on est minoritaire, mais l’argument manque vraiment de consistance ! En deuxième lieu, de ne pas favoriser la parité. Mais il n’empêche pas qu’elle s’applique !
Il est en revanche plus juste de constater que les huit circonscriptions ne correspondent à aucune réalité politique ou humaine, qu’elles ont un caractère artificiel. Toutefois, si cette formule présente bien des inconvénients, le dispositif que l’on nous propose de mettre en place les aggraverait.
En effet, le scrutin proportionnel au niveau national entraînerait un émiettement de la représentation française au Parlement européen, au détriment de la cohérence de l’action. Ne pratiquons pas l’angélisme : les sensibilités nationales jouent au Parlement européen où chaque nation a sa sensibilité et sa vision de l’Europe ! Il faut donc maintenir une certaine cohésion de nos élus.
Ce mode de scrutin éloignerait davantage les députés européens du terrain et de leurs électeurs. Les investitures se gagneraient encore plus dans les antichambres, et les députés hors-sol prospéreraient.
De ce fait, l’éloignement des territoires serait accentué car Paris et l’Île-de-France seraient surreprésentés. Tous les états-majors se trouvant dans la capitale, ceux qui en sont le plus proches auraient le loisir d’y faire leur cour en vue d’augmenter leurs chances d’être bien placés sur la liste nationale.
J’ajoute que l’on a la mémoire à la fois sélective et courte quand on défend la circonscription unique au motif qu’elle permettrait aux chefs de parti d’incarner un débat qui deviendrait ainsi national. En effet, quand tel était le cas, avant 2003, ces derniers démissionnaient à peine élus, et les électeurs n’étaient pas dupes. Ce n’est donc pas ainsi qu’on les incitera à voter, d’autant que ce serait aussi faire fi des progrès souhaités en matière de non-cumul des mandats.
Le changement qui nous est proposé me semble donc inopportun. De plus, nous donnerions une mauvaise image de la politique si nous modifiions les modes de scrutin à chaque changement de majorité.
M. Guillaume Larrivé. En effet, dans une démocratie apaisée, chaque alternance ne doit pas donner lieu à des modifications des règles du jeu. Les majorités précédentes ont peut-être agi ainsi, mais il faut rompre avec des pratiques qui aggravent la défiance à l’égard d’une classe politique dont on a le sentiment qu’elle modifie les règles à sa convenance.
Le mode de scrutin actuel est conforme aux recommandations du Parlement européen qui préconise de créer des circonscriptions régionales dans les pays de plus de vingt millions d’habitants – elles ont été mises en place dans la plupart des États membres concernés.
La réforme de 2003 a tout de même rapproché les élus européens de leur circonscription. Bien sûr, les huit grandes régions ne permettent pas de créer un lien équivalent à celui qui se tisse entre électeurs et élus des circonscriptions législatives, mais, dans nos provinces, les députés européens sont présents auprès des collectivités locales, des maires, des parlementaires nationaux… Un retour à la circonscription nationale accroîtrait la distance entre les représentants au Parlement européen et les citoyens.
Je voterai donc contre ce texte tout en observant avec intérêt les palinodies internes à la majorité – le parti socialiste n’a pas la même position selon qu’il s’exprime au Sénat ou à l’Assemblée, et selon la date, avant ou après le mois de mai 2012.
Mme Axelle Lemaire. Comme M. Coronado, j’espère que nous pourrons un jour voter dans une circonscription européenne pour des listes transnationales. Aujourd’hui, nous sommes cependant très loin du compte. En l’état actuel, les circonscriptions régionales me semblent donc constituer un moindre mal.
À l’heure où l’on reproche aux États de défendre leurs intérêts nationaux et de faire primer la méthode intergouvernementale sur la logique communautaire des traités, la « renationalisation » des circonscriptions n’irait pas dans le sens de l’histoire. Elle se ferait au détriment d’une plus grande intégration européenne et de l’intérêt général européen dont le Parlement européen est le gardien.
Depuis 2011, les Français résidant hors de l’Union européenne sont désormais rattachés à la circonscription de l’Île-de-France et sont donc en mesure de participer aux élections européennes. Ceux qui résident dans l’Union peuvent non seulement voter, mais aussi se présenter dans le pays où ils habitent, conformément aux traités. La renationalisation serait dommageable à cet égard également.
La légitimité démocratique des institutions de l’Union européenne ne serait pas renforcée par l’adoption de la proposition de loi. Pour atteindre cet objectif, il faut plutôt convaincre les partis politiques d’assumer leurs responsabilités en ouvrant largement le débat sur les questions européennes et en cessant de considérer les élections au Parlement européen comme des enjeux de mi-mandat. Les élus doivent aussi cesser de considérer le siège de député européen comme un strapontin occupé dans l’attente d’une élection au parlement national. Quant aux médias, ils devraient s’intéresser bien plus qu’aujourd’hui à l’actualité parlementaire européenne : combien de fois celle-ci a-t-elle fait l’objet d’un traitement au journal télévisé de vingt heures ?
Enfin, si le président de la Commission européenne était issu de la majorité parlementaire européenne, le Parlement et la Commission auraient un visage. Une telle mesure constituerait une véritable avancée démocratique.
M. Pierre-Yves Le Borgn’. L’actuel mode de scrutin n’est pas la cause de l’abstention enregistrée lors des élections européennes depuis 1979. Il permet au contraire de rattacher l’action de l’élu à une circonscription régionale. Il faut rendre hommage aux députés européens élus depuis la réforme de 2003 : ils sont intervenus auprès des chambres de commerce et d’industrie, des associations, des universités, des entreprises, relayant ainsi l’action qu’ils mènent au Parlement européen, parfois en lien avec la Commission européenne. Dans ma vie professionnelle précédente, j’ai pu compter sur leur soutien.
Dans le cadre de la démocratie parlementaire européenne, qui ne pratique pas vraiment comme notre pays un système fondé sur l’existence d’une majorité et d’une opposition, il paraît difficilement envisageable de mettre en place un scrutin qui ne serait pas proportionnel. Même si celui-ci favorise des choix d’appareil ou des logiques partisanes, il permet aussi de faire une place à de jeunes talents et à la diversité dans nos pays.
Monsieur Coronado, il est vrai que, depuis 2003, les Français établis hors de l’Union européenne ne pouvaient plus voter dans les consulats pour les élections européennes, mais leur récent rattachement à la grande région d’Île-de-France leur a rendu une capacité d’expression et la possibilité d’être élus.
La proportionnelle n’est sans doute pas le meilleur moyen d’assurer un ancrage local mais, pour nous rapprocher de la pratique des vingt-six autres États membres, elle doit probablement être privilégiée, dans un cadre régional plutôt que national.
M. François Sauvadet. Pourquoi sommes-nous passés d’une liste nationale à des listes régionales en 2003 ? Parce que nous voulions rapprocher les députés européens des territoires pour rapprocher l’idée européenne de nos concitoyens. Même si la situation n’a pas été bouleversée, le député européen est désormais plus proche de sa circonscription.
En revanche, l’argument selon lequel les listes nationales favorisaient les extrêmes ne me semble pas très pertinent car ce n’est pas en changeant de thermomètre que l’on fera baisser la fièvre.
Même si cette solution n’est pas pleinement satisfaisante, la meilleure façon de rapprocher le député européen de son territoire d’élection consiste bien à le faire élire dans de grandes circonscriptions régionales, qui favorisent aussi le pluralisme.
Quoi qu’il en soit, j’ai apprécié qu’Alain Tourret propose ce débat à un moment crucial pour l’avenir de l’Europe et de la France.
M. le rapporteur. Sous la signature de l’actuel président de la République, du Premier ministre et du président du groupe socialiste de l’Assemblée, on peut lire dans la motion de censure déposée le 13 février 2003 que le texte réformant les modes de scrutin régional et européen constitue « une loi inique qui impose la prépondérance du bipartisme et nie par là même la diversité politique de notre pays ». Qu’est-ce qui a changé depuis cette date ? Quels arguments forts conduisent à modifier cette appréciation ? Je n’en ai pas entendu.
Abandonnons toute langue de bois et osons dire que les centristes ne veulent pas de François Bayrou et s’accordent pour éviter de lui donner une tribune, que la droite ne veut pas de Marine Le Pen et qu’elle craint qu’elle ne devance Jean-François Copé, et que la gauche a peur de Jean-Luc Mélenchon !
La réforme de 2003 visait à lutter contre l’abstention et à rapprocher les députés européens de leurs électeurs. Mais les faits sont têtus : l’abstention a progressé et on peut difficilement prétendre que cette évolution n’a aucun lien avec l’existence de huit circonscriptions qui ne correspondent à rien. Quant à la proximité entre les députés européens et leurs électeurs, un sondage montrerait qui, du député national et du député européen, est plus connu des électeurs. On constaterait que la création des huit régions n’a nullement favorisé le rapprochement entre l’élu européen et les habitants de sa circonscription.
Posons plutôt la question essentielle : est-il plus efficace de tenir un véritable débat européen dans huit circonscriptions ou dans une seule ? Pouvons-nous traiter de l’Europe, de ses institutions, de ses capacités de relance économique et du désamour dont elle souffre en organisant huit débats parcellaires ? La réponse est évidemment négative. Européen convaincu, membre du parti de Maurice Faure, signataire du traité de Rome, je ne crois qu’à un débat national pour défendre la politique européenne du président de la République et la vision que les radicaux de gauche ont de l’Europe. Ce débat, les grands partis le refusent ; je le regrette.
La Commission en vient à l’examen des articles.
Article 1er
(art. 3 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen)
Suppression de la référence à plusieurs circonscriptions
En conséquence du rétablissement d’une seule circonscription nationale pour les élections européennes, proposé à l’article 2 de la présente proposition de loi, le présent article tend à supprimer les références à une pluralité de circonscriptions figurant à l’article 3 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen.
Il s’agit de l’article définissant le mode de scrutin : celui-ci demeurerait inchangé (élection à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, avec seuil de représentativité de 5 % des suffrages exprimés), les calculs s’opérant désormais à un niveau national – et non plus dans le cadre des huit circonscriptions prévues à l’article 4 de la loi de 1977.
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La Commission rejette l’article 1er.
Article 2
(art. 4 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen)
Rétablissement d’une circonscription électorale unique
Cet article vise à supprimer les huit circonscriptions interrégionales créées en 2003 (43) pour l’élection des représentants de la France au Parlement européen.
La rédaction proposée pour l’article 4 de la loi du 7 juillet 1977 précitée reprend celle en vigueur avant 2003, en disposant que « Le territoire de la République forme une circonscription unique ».
Cette nouvelle rédaction de l’article 4 emporte abrogation du tableau annexé à la loi de 1977, qui fixe la composition des huit circonscriptions.
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La Commission rejette l’article 2.
Article 3
(art. 3-1 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen)
Coordination
En conséquence du rétablissement d’une seule circonscription nationale pour les élections européennes, proposé à l’article 2 de la présente proposition de loi, le présent article tend à abroger l’article 3-1 de la loi du 7 juillet 1977 précitée, relatif à la circonscription spécifique à l’outre-mer.
Toutefois, il est nécessaire de tirer les conséquences de la suppression des huit circonscriptions dans plusieurs autres articles de la loi de 1977. Il conviendrait ainsi de supprimer :
– toutes les références à une pluralité de circonscriptions (article 9, alinéas 1er et 4) ;
– les autres dispositions spécifiques à la circonscription outre-mer (article 9, alinéa 1er, article 19, alinéa 3, article 19-1, deux derniers alinéas, article 26, dernier alinéa) ;
– la référence à l’organisation d’élections partielles (article 24-1).
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* *
La Commission est saisie de l’amendement CL 1 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement tire les conséquences du rétablissement d’une circonscription unique pour l’élection des représentants au Parlement européen en supprimant diverses dispositions qui font référence à la pluralité des circonscriptions.
La Commission rejette l’amendement CL 1.
Elle rejette ensuite l’article 3.
Après l’article 3 :
La Commission rejette l’amendement de conséquence CL 2 de M. Paul Molac.
Puis elle examine l’amendement CL 3 du même auteur.
M. Sergio Coronado. Cet amendement à visée quasi fédéraliste invite à suivre, pour les élections européennes de 2014, les recommandations de la Commission européenne. Celle-ci souhaite que les listes et les partis affichent clairement, dans leur déclaration de candidature comme sur leurs bulletins de vote, leur affiliation politique au niveau européen ainsi que le nom du candidat qu’ils soutiennent pour la présidence de la Commission. Le Parlement européen a formulé la même recommandation dans sa résolution du 22 novembre 2012.
J’espère que ceux qui ont usé d’arguments parfois étonnants pour défendre le maintien du mode de scrutin actuel seront assez cohérents pour soutenir cette proposition de clarification, défendue de longue date par le groupe écologiste.
M. le rapporteur. Avis défavorable. Il s’agit d’une simple recommandation, qui n’a pas à être inscrite dans la loi.
La Commission rejette l’amendement CL 3.
Elle rejette successivement les amendements CL 4 et CL 5, également de M. Paul Molac.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Le rejet de la totalité des articles vaut rejet de l’ensemble de la proposition de loi.
Cela étant, je félicite le rapporteur pour la qualité de son argumentation.
*
* *
En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande de rejeter la proposition de loi, adoptée par le Sénat, rétablissant une circonscription unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen (n° 44).
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Dispositions en vigueur ___ |
Texte adopté par le Sénat ___ |
Texte adopté par la Commission ___ |
Proposition de loi rétablissant une circonscription unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen |
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Loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen |
Article 1er |
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L’article 3 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen est ainsi modifié : |
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Art. 3. – L’élection a lieu, par circonscription, au scrutin de liste à la représentation proportionnelle, sans panachage ni vote préférentiel. |
1° Au premier alinéa, les mots : « , par circonscription, » sont supprimés ; |
|
Les sièges sont répartis, dans la circonscription, entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne. Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l’attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d’égalité de suffrages, le siège est attribué à la liste dont la moyenne d’âge est la plus élevée. |
2° À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « , dans la circonscription, » sont supprimés. |
|
Les sièges sont attribués aux candidats d’après l’ordre de présentation sur chaque liste. |
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Article 2 |
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L’article 4 de la même loi est ainsi rédigé : |
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Art. 4. – I. – La composition des circonscriptions est fixée par le tableau annexé à la présente loi. |
« Art. 4. - Le territoire de la République forme une circonscription unique. » |
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II. – Les sièges à pourvoir sont répartis entre les circonscriptions proportionnellement à leur population avec application de la règle du plus fort reste. |
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II bis. – Les populations comprises dans chaque circonscription s’entendent : |
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1° Pour les départements de métropole, pour la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion, ainsi que pour Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, de celles authentifiées par le dernier décret publié en application du VIII de l’article 156 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité ; |
||
2° Pour la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Mayotte et les îles Wallis et Futuna, de celles authentifiées par le dernier décret publié en application du II de l’article 157 de la même loi ; |
||
3° Pour les Français établis hors de France, de celles authentifiées par le dernier décret publié en application de l’article L. 330-l du code électoral. |
||
III. – Le nombre de sièges et le nombre de candidats par circonscription sont constatés par décret au plus tard à la date de convocation des électeurs. |
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Article 3 |
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Art. 3-1. – Cf. annexe |
L’article 3-1 de la même loi est abrogé. |
Loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen
Art. 3-1 – La circonscription outre-mer est constituée de trois sections. Chaque liste présentée dans cette circonscription comporte au moins un candidat par section. Le décret prévu au III de l’article 4 répartit les sièges de la circonscription outre-mer entre les trois sections.
Les sections sont délimitées comme suit :
1° Section Atlantique : Guadeloupe, Guyane, Martinique, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon ;
2° Section océan Indien : Mayotte, La Réunion ;
3° Section Pacifique : Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna.
Les sièges attribués dans la circonscription à chacune des listes en application de l’article 3 sont ensuite répartis entre sections, dans l’ordre décroissant des voix obtenues par chacune des listes. En cas d’égalité des suffrages, la liste dont la moyenne d’âge est la plus élevée est placée en tête dans l’ordre de répartition des sièges.
Les sièges attribués à la liste arrivée en tête dans la circonscription en application de l’article 3 sont répartis entre les sections qui la composent au prorata du pourcentage des suffrages exprimés obtenus par la liste dans chaque section. Cette attribution opérée, les sièges restant à attribuer sont répartis entre les sections selon la règle de la plus forte moyenne. Si plusieurs sections ont la même moyenne pour l’attribution du dernier siège, celui-ci revient à la section qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d’égalité de suffrages, le siège est attribué à la section dont le candidat susceptible d’être proclamé élu est le plus âgé.
Pour les listes suivantes, la répartition des sièges entre sections est faite de façon analogue, dans la limite du nombre de sièges par section. Lorsque les sièges d’une section sont intégralement pourvus, la répartition des sièges suivants est faite dans les sections disposant de sièges à pourvoir.
Les sièges sont attribués aux candidats dans l’ordre de présentation sur chaque section.
AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION
Amendement CL1 présenté par M. Alain Tourret, rapporteur :
Article 3
Rédiger ainsi cet article :
La même loi est ainsi modifiée :
1° L’article 3-1 est abrogé ;
2° L’article 9 est ainsi modifié :
a) Les deux premières phrases du premier alinéa sont remplacées par une phrase ainsi rédigée : « La déclaration de candidature résulte du dépôt au ministère de l’intérieur d’une liste comprenant autant de candidats qu’il y a de sièges à pourvoir. » ;
b) Les quatrième et sixième alinéas sont abrogés ;
3° L’article 19 est ainsi modifié :
a) Le troisième alinéa est abrogé ;
b) Après le mot : « de », la fin de la première phrase du quatrième alinéa est ainsi rédigée : « candidats. » ;
4° Le II de l’article 19-1, l’article 24-1, le dernier alinéa de l’article 26 et le tableau annexé sont abrogés.
Amendement CL2 présenté par MM. Molac et Coronado :
Après l’article 3, insérer l’article suivant :
L’article 9 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 est ainsi rédigé :
« La déclaration de candidature résulte du dépôt au ministère de l’intérieur d’une liste dont le nombre de candidats est égal au double du nombre de sièges à pourvoir. La liste est composée alternativement d’un candidat de chaque sexe.
« La déclaration de candidature est faite collectivement pour chaque liste par le candidat tête de liste ou par un mandataire désigné par lui.
« Elle comporte la signature de chaque candidat et indique expressément :
« 1° Le titre de la liste présentée ;
« 2° Les nom et prénoms du candidat tête de liste ;
« 3° Les nom, prénoms, sexe, date et lieu de naissance, nationalité, domicile et profession de chacun des candidats.
« Tout candidat n’ayant pas la nationalité française joint à la déclaration collective de candidature :
« 1° Une attestation des autorités compétentes de l’État dont il a la nationalité certifiant qu’il n’est pas déchu du droit d’éligibilité dans cet État ou qu’une telle déchéance n’est pas connue desdites autorités ;
« 2° Une déclaration individuelle écrite précisant :
« a) Sa nationalité et son adresse sur le territoire français ;
« b) Qu’il n’est pas simultanément candidat aux élections au Parlement européen dans un autre État de l’Union européenne ;
« c) Le cas échéant, la collectivité locale dans laquelle il est ou a été inscrit en dernier lieu sur liste électorale dans l’État dont il est ressortissant.
« Chaque État de l’Union européenne est informé de l’identité de ses ressortissants candidats en France. »
Amendement CL3 présenté par MM. Molac et Coronado :
Après l’article 3, insérer l’article suivant :
Après l’article 9 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977, il est inséré un article 9-1 ainsi rédigé :
« La déclaration de candidature de la liste et le bulletin de vote de chaque liste indiquent le candidat de la liste pour la présidence de la Commission européenne ainsi que l’affiliation éventuelle de la liste à un parti politique au niveau européen. »
Amendement CL4 présenté par MM. Molac et Coronado :
Après l’article 3, insérer l’article suivant :
L’article 19 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 est ainsi modifié :
I - L’alinéa 3 est supprimé.
II – A l’alinéa 4, les mots « dans au moins cinq circonscriptions » sont supprimés.
Amendement CL5 présenté par MM. Molac et Coronado :
Après l’article 3, insérer l’article suivant :
À l’alinéa 3 de l’article 19-1 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977, les mots : « , exposés par les candidats à l’intérieur de la circonscription outre-mer figurant au tableau annexé à la présente loi, » sont supprimés.
PARTIS POLITIQUES CONSULTÉS PAR LE RAPPORTEUR
Le 26 février 2013, votre rapporteur a adressé un questionnaire à vingt-quatre des principaux partis politiques de notre pays (44), afin de recueillir leurs observations sur le système actuel des huit circonscriptions interrégionales dans lesquelles sont élus les députés européens et sur l’idée d’un retour à une circonscription nationale unique, préconisé par la présente proposition de loi.
À ce jour, dix partis politiques ont répondu à ce questionnaire, ce dont votre rapporteur les remercie : Centre national des indépendants et paysans, Chasse, pêche, nature et traditions, Debout la République, Europe Écologie Les Verts, Front national, Lutte ouvrière, Mouvement démocrate, Nouveau parti anticapitaliste, Parti radical de gauche, République solidaire.
Tous pointent l’échec de la réforme de 2003 : la création des circonscriptions interrégionales n’a, selon ces partis politiques, ni favorisé une meilleure participation électorale, ni rapproché les citoyens de leurs élus au Parlement européen.
Tous sont favorables au retour à une seule circonscription nationale, dès les prochaines élections européennes de 2014, ainsi que le prévoit la présente proposition de loi.
Certains partis politiques (Lutte ouvrière, Nouveau parti anticapitaliste) formulent des recommandations complémentaires, comme la suppression de tout seuil de représentativité et l’élargissement des conditions de remboursement par l’État des dépenses de campagne. Tel n’est cependant pas l’objet de la présente proposition de loi.