N° 839 - Avis de M. Jean-Michel Clément sur le projet de loi , après engagement de la procédure accélérée, relatif à la sécurisation de l'emploi (n°774)



N° 839

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 mars 2013.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR L’ARTICLE 5 DU PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, relatif à la sécurisation de l’emploi (N° 774),

PAR M. Jean-Michel CLÉMENT,

Député

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LES PRINCIPALES MODIFICATIONS AU PROJET DE LOI PROPOSÉES PAR LA COMMISSION 5

INTRODUCTION 7

I.– UNE MESURE ATTENDUE ET NÉCESSAIRE POUR LE PAYS ET SA COMPÉTITIVITÉ 8

A. UNE MESURE RÉPONDANT À UN BESOIN IDENTIFIÉ 8

B. UNE MESURE SOURCE DE PROGRÈS SOCIAL ET DE COMPÉTITIVITÉ DES ENTREPRISES 9

II.– UN DISPOSITIF ISSU D’UN ACCORD ENTRE PARTENAIRES SOCIAUX NÉCESSITANT UNE TRANSPOSITION LÉGISLATIVE 11

A. L’ABOUTISSEMENT D’UNE DÉMARCHE DE NATURE À REVALORISER LES APPORTS DU DIALOGUE SOCIAL 11

B. UN TEXTE APPELANT L’INTERVENTION DU PARLEMENT 12

DISCUSSION GÉNÉRALE 15

EXAMEN DE L’ARTICLE 19

Chapitre Ier – Créer de nouveaux droits pour les salariés 19

Section 2 – De nouveaux droits collectifs en faveur de la participation des salariés 19

Article 5 (art. L. 225-27-1 [nouveau], L. 225-28-1 [nouveau], L. 225-29, L. 225-30 , L 225-31, L. 225-32, L. 225- 33, L. 225-34, L. 225-34-1, L. 225-79-2 [nouveau], L. 226-4-2 [nouveau], L. 226-4-3 [nouveau], L. 226-4-4 [nouveau] du code de commerce, art. L. 2323-65 du code du travail) : Participation de représentants des salariés avec voix délibérative aux conseils d’administration ou de surveillance des grandes entreprises 19

I.– UN PROJET DE NATURE À RENFORCER LA PARTICIPATION DES SALARIÉS À LA GOUVERNANCE DES GRANDES ENTREPRISES 21

A. UNE CONSÉCRATION ET UN ACCROISSEMENT DE LA PLACE DES ADMINISTRATEURS REPRÉSENTANT LES SALARIÉS 21

1. Une obligation légale complétant des dispositifs épars assurant une présence minimale des administrateurs salariés 21

a) Une place des administrateurs salariés jusqu’à aujourd’hui tributaire de l’histoire et de la culture des entreprises 21

b) Une mesure proportionnée en faveur de la généralisation de la présence des administrateurs représentant les salariés 24

2. Un levier pour le développement de la participation des salariés à la gouvernance des grandes entreprises 28

B. UN STATUT D’ADMINISTRATEUR DE PLEIN EXERCICE AU SEIN DES CONSEILS D’ADMINISTRATION ET DE SURVEILLANCE 33

1. Des règles protectrices permettant l’exercice des fonctions d’administrateur 33

a) Un même mandat 34

b) Une protection adaptée à raison du maintien d’un contrat de travail 36

2. Une voix juridiquement égale dans la prise de décision des conseils d’administration ou de surveillance 38

3. Des obligations similaires dans l’exercice du mandat 39

4. Le besoin de formation et d’un temps nécessaire à l’exercice du mandat d’administrateur 40

II.– UN DISPOSITIF DEVANT TIRER TOUTES LES CONSÉQUENCES D’UNE REPRÉSENTATION DES SALARIÉS RENOUVELÉE 41

A. DES PROCÉDURES DE DÉSIGNATION À ADAPTER AU FONCTIONNEMENT ET AU DROIT APPLICABLE AUX ENTREPRISES 41

1. De nouvelles procédures de choix des administrateurs représentant les salariés dans la gouvernance des entreprises 42

a) L’élection directe par les salariés 42

b) La désignation par les organisations syndicales représentatives ou des instances représentatives du personnel 45

2. Des procédures devant assurer la continuité de la participation des administrateurs représentant les salariés 47

B. UN CALENDRIER À PRÉCISER AFIN QUE LES ENTREPRISES SE CONFORMENT PLUS FACILEMENT À CE NOUVEAU DROIT 49

1. Une date butoir mouvante concernant la modification des statuts nécessaire à la désignation des administrateurs salariés 50

2. Une date d’entrée en vigueur de la loi sans rapport direct avec les obligations faites aux entreprises 51

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 57

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 61

LES PRINCIPALES MODIFICATIONS AU PROJET DE LOI PROPOSÉES PAR LA COMMISSION

Saisie pour avis de l’article 5 du projet de loi, la commission des Lois a proposé, en adoptant plusieurs amendements du rapporteur pour avis, les principales modifications suivantes :

–  clarifier les conditions suivant lesquelles le présent projet de loi ne s’applique pas aux sociétés anonymes dont les conseils d’administration ou de surveillance comprennent déjà un nombre d’administrateurs élus par les salariés égal à celui prévu par le présent texte, en application de l’article 5 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 (pour les entreprises du secteur public) ou de l’article 8-1 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 (pour les entreprises privatisées) ;

–  affirmer le droit pour les administrateurs représentant les salariés de disposer du temps nécessaire à l’exercice de leur mandat en s’inspirant des règles fixées par le code du travail en ce qui concerne les heures de délégation accordées aux salariés membres des instances représentatives du personnel ;

–  préciser le champ des incompatibilités entre, d’une part, un mandat d’administrateur élu ou désigné par les salariés et, d’autre part, un mandat de membre d’organes de concertation avec les salariés assimilables, dans les sociétés européennes, aux institutions représentatives du personnel ;

–  consacrer le droit pour les administrateurs élus ou désignés par les salariés de bénéficier d’un temps de formation nécessaire à l’acquisition des connaissances requises pour l’exercice de leurs fonctions ;

–  prévoir les conditions nécessaires à la continuité de la participation des administrateurs représentant les salariés dans les conseils d’administration et de surveillance, en prévoyant les délais dans lesquels les dispositions relatives à leur remplacement doivent être mises en œuvre.

Mesdames, Messieurs,

Dans la perspective de l’examen prochain de ce texte par l’Assemblée nationale, la commission des Lois s’est saisie pour avis de l’article 5 du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi.

Dans sa conception même, ce texte vise à inscrire dans le marbre de la loi l’accord national interprofessionnel (ANI) conclu, le 11 janvier 2013, entre des organisations représentatives des employeurs (le MEDEF, la CGPME) et des salariés (CFDT, CFTC et CFE-CGC). Ayant pour finalité la transposition de l’article 13 de l’ANI, l’article 5 du projet de loi consacre, quant à lui, un principe dont sont convenues les organisations signataires : celui de la participation des salariés aux conseils d’administration ou de surveillance des grandes entreprises par l’intermédiaire d’administrateurs qu’ils auront à élire ou désigner.

Ce faisant, l’article 5 du projet relève du champ de compétences la commission des Lois au moins à deux titres.

D’une part, il modifie et complète des dispositions du code de commerce. D’autre part et surtout, l’article traite d’un sujet décisif auquel la commission des Lois a déjà consacré certains de ses travaux : il s’agit de la participation des salariés à la gouvernance des grandes entreprises.

C’est d’ailleurs dans cette optique que la Commission a nommé votre rapporteur pour avis et que celui-ci a noué contact avec la plupart des parties prenantes à la négociation qui a abouti à la conclusion de l’ANI du 11 janvier 2013 : les représentants signataires de cet accord mais également des syndicats qui, à l’instar de la CGT et de Force ouvrière, ont exprimé leur opposition à cet accord (1).

De ces échanges, on peut tirer la conclusion qu’en dehors d’oppositions de principe à ce qui pourrait s’apparenter à un premier pas vers une cogestion, il existe un assez large consensus sur l’intérêt de cette mesure.  

À bien des égards, l’article 5 se présente en effet comme une mesure attendue et nécessaire, fruit d’un processus original de création des normes auquel le législateur doit apporter la dernière touche dans le respect du dialogue social.

De fait, l’article 5 du projet de loi se présente comme une disposition fondée sur un diagnostic aujourd’hui assez largement partagé quant à l’intérêt décisif d’une association plus étroite des salariés au processus décisionnel des grandes entreprises. Il procède ainsi d’une convergence de vues sur la nécessité d’une mesure qui constitue un progrès social et contribue à la compétitivité des entreprises.

Par-delà les modalités de sa mise en œuvre, on constatera que la généralisation de la participation aux conseils d’administration ou de surveillance d’administrateurs représentant les salariés ne suscite plus aujourd’hui de réelle opposition.

Tel est d’abord le sentiment général qui se dégage des auditions conduites par votre rapporteur pour avis.

Même si certaines d’entre elles ont exprimé le regret que les signataires de l’ANI n’aient pu aller plus loin pour ce qui est du nombre des administrateurs représentant les salariés ou des seuils d’effectifs retenus, la quasi-totalité des organisations entendues considèrent que l’article 5 du projet de loi marque une avancée. Ainsi, les interrogations que la plupart d’entre elles formulent portent sur les modalités concrètes d’application de ce texte : d’une part, sur la cohérence de son dispositif avec les articles du code de commerce ou les dispositions spécifiques applicables au secteur public ainsi qu’à des entreprises autrefois nationalisées ; d’autre part, sur le positionnement des administrateurs vis-à-vis des salariés et des instances représentatives du personnel ; enfin, sur les modalités exactes d’entrée en vigueur de l’article 5 du projet de loi, eu égard notamment au rythme du fonctionnement des entreprises.

Il faut dire que dans le débat public, le thème de la participation des salariés dans les grandes entreprises suscite depuis déjà plusieurs années un certain nombre de préconisations qui, à défaut de fixer un même objectif chiffré, reposent sur des présupposés assez similaires. On citera dans la période la plus récente :

–  le rapport de M. Louis Gallois sur la compétitivité de l’industrie française (2) dont la proposition n° 2 porte sur l’ouverture des conseils d’administration ou de surveillance des entreprises de plus de cinq mille salariés à au moins quatre représentants des salariés (sans dépasser le tiers des membres des conseils concernés), avec voix délibérative ;

–  le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi rendu public le 6 novembre 2012, dont la décision n° 13 vise à « associer toutes les composantes de l’entreprise à sa stratégie en introduisant au moins deux représentants des salariés au sein du conseil d’administration ou de surveillance comme membres délibérants dans les grandes entreprises, selon des modalités à négocier par les partenaires sociaux […] » (3);

–  le rapport de la mission d’information sur la transparence de la gouvernance des grandes entreprises créée à l’Assemblée nationale qui, dans sa proposition n° 10, préconise « d’instaurer, par la loi, une représentation obligatoire des salariés non-actionnaires, avec voix délibérative, au sein des conseils d’administration et de surveillance des entreprises de plus de 5000 salariés, y compris dans les comités spécialisés de ces conseils » et « dans l’immédiat, [de] fixer à eux le nombre de représentants des salariés non-actionnaires. » (4)

La participation plus systématique des administrateurs représentant les salariés aux instances de gouvernance des grandes entreprises peut se justifier autant par une certaine idée de l’entreprise que par des considérations touchant à l’efficacité économique et au partage des enjeux de la mondialisation.

Comme l’investissement des actionnaires de long terme, le travail des salariés représente un engagement durable au service de l’entreprise par lequel ils se posent en artisans de sa prospérité et de sa pérennité. Dans cette conception faisant de l’entreprise une véritable communauté d’intérêts rassemblée autour de la création de richesses, on pourrait même considérer, par exemple à l’instar de Mme Colette Neuville, présidente de l’Association de défense des actionnaires minoritaires entendue par la mission d’information sur la transparence de la gouvernance des grandes entreprises (5), que les salariés prennent autant de risques que les actionnaires, et qu’à ce titre, ils méritent d’obtenir une plus grande place au sein des organes dirigeants de leur entreprise. On remarquera que la Commission européenne ne développe pas une approche si foncièrement différente lorsque, dans son livre vert consacré au cadre de la gouvernance d’entreprise dans l’Union européenne, elle affirme que « l’intérêt du personnel dans la viabilité à long terme de son entreprise est un élément que le cadre en matière de gouvernance d’entreprise devrait prendre en compte » (6)

En tant que parties prenantes, les salariés peuvent apporter en effet leur pierre à la stratégie de l’entreprise, dans le cadre d’un échange source d’amélioration du fonctionnement, de l’organisation de l’entreprise et d’un positionnement de ses acteurs plus conforme à leurs intérêts de long terme.

Aux termes des analyses recueillies par la mission d’information sur la transparence de la gouvernance des grandes entreprises, auprès des représentants des employeurs, des salariés ou des personnes, l’expérience tend à démontrer que l’association des représentants des salariés aux conseils d’administration est susceptible d’enrichir le débat au sein de ces instances de décision. Il importe en effet que le conseil d’administration s’entoure de tous les avis possibles, dont ceux des salariés ; il faut que les dirigeants d’entreprise aient notamment une idée des conséquences sociales des mesures qu’ils présentent au conseil d’administration. La présence d’administrateurs représentant les salariés doit ainsi permettre d’examiner la stratégie des entreprises avec une pluralité de points de vue mais également de porter à la connaissance des dirigeants des problèmes existant sur le terrain et l’état du climat social, problèmes qui peuvent altérer l’efficacité productive. On pourrait même faire le pari que les représentants des salariés soutiennent, au sein de ces instances, des stratégies de nature à mieux garantir la pérennité de l’entreprise dans laquelle ils travaillent.

Dans cette optique, l’article 5 du projet de loi peut permettre de donner aux salariés la capacité d’appréhender la stratégie de leurs entreprises dans toute sa complexité, de mieux comprendre les implications et les contraintes du secteur d’activité dans lesquelles elles opèrent ainsi que les adaptations auxquelles peuvent parfois contraindre les mutations technologiques et l’approfondissement de la concurrence internationale.

Sur ce point, on peut volontiers partager l’opinion émise par M. Jean-Louis Beffa, président d’honneur de Saint-Gobain, devant la mission d’information sur la transparence de la gouvernance des grandes entreprises (7) : une meilleure représentation des salariés au sein des organes dirigeants constitue une mesure qui permettrait de les rendre plus familiers à certaines réalités de la mondialisation.

II.– UN DISPOSITIF ISSU D’UN ACCORD ENTRE PARTENAIRES SOCIAUX NÉCESSITANT UNE TRANSPOSITION LÉGISLATIVE

La possibilité d’un changement culturel que certains entrevoient dans la participation des administrateurs représentant les salariés est un pari sur l’avenir. Mais ce pari semble aujourd’hui d’autant plus raisonnable que le dispositif transposé par l’article 5 résulte lui-même d’un processus valorisant la démocratie sociale que la démocratie doit conforter.

De fait, l’article 5 du projet de loi résulte en grande partie des stipulations dont sont convenues les signataires de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013. Le projet de loi reprend en effet les termes de l’ANI sur ses points essentiels :

–  les critères d’effectif qui déterminent le périmètre des entreprises qui doivent assurer la représentation des salariés au sein de leur conseil d’administration ou de surveillance ;

–  le nombre d’administrateurs représentant les salariés devant obtenir un siège avec voix délibérative suivant l’effectif de ces instances ; l’échéance à laquelle ces administrateurs représentant les salariés devront faire partie des conseils ;

–  l’octroi d’un statut de plein exercice avec les administrateurs désignés par les assemblées générales ;

–  l’application de mêmes incompatibilités entre le mandat d’administrateur et celui de membre du comité d’entreprise, du comité d’hygiène et de sécurité des conditions de travail, de délégué du personnel ou de délégué syndical.

Ainsi, l’article 5 conforte une démarche qui tend à laisser aux partenaires sociaux un temps suffisant pour se saisir pleinement des problèmes touchant au fonctionnement des entreprises, aux relations du travail et à déterminer, par la négociation collective, des solutions appropriées. Il marque l’aboutissement de l’un des chantiers qui avait fait l’objet de la grande conférence sociale des 9 et 10 juillet 2012.

Rappelons que cette conférence, qui reposait sur l’organisation de sept tables rondes thématiques, présidées chacune par un ou une ministre et une personnalité compétente dans le domaine (8) avait abouti par l’établissement d’un agenda, de méthodes et d’un calendrier de négociations dont les conclusions appartenaient aux partenaires sociaux.

En reprenant les stipulations de l’ANI, le Gouvernement ménage un nouvel équilibre entre la démocratie sociale et la démocratie politique dans lequel le Parlement doit jouer pleinement son rôle.

Cette intervention apparaît d’autant plus nécessaire qu’un accord national interprofessionnel a d’abord pour vocation de fixer des principes et des objectifs généraux. Il convient ici de souligner – ainsi que l’ont fait les personnes entendues par votre rapporteur pour avis (9) – que cet accord procède fondamentalement d’un compromis. Il s’avère par ailleurs qu’un certain nombre de modalités de son application n’ont pas été déterminées.

Dès lors, il importe que le Parlement tire toutes les conséquences de l’ANI afin que la volonté de ses signataires se traduise dans les faits par la prise de dispositions en droit positif. En application de l’article 34 de la Constitution, la détermination des principaux fondamentaux du droit du travail relève en effet de la compétence du législateur.

C’est dans cette optique qu’à l’initiative de votre rapporteur pour avis, dans le souci d’un équilibre entre le respect de la démocratie sociale et les exigences d’une loi intelligible de tous, que la commission des Lois a adopté vingt et un amendements à l’article 5 du projet de loi.

Ces modifications visent pour l’essentiel à améliorer la rédaction du dispositif de l’article, notamment sur les renvois que celui-ci opère au sein des nouveaux articles du code de commerce qu’il crée. De même, les amendements adoptés par la commission des Lois assurent une meilleure coordination avec les dispositions actuelles du code de commerce en faisant en sorte que les mêmes règles s’appliquent autant que nécessaire aux administrateurs élus ou désignés par les salariés.

De manière plus substantielle, ces amendements tendent à consacrer ou préciser :

–  les conditions selon lesquelles le présent projet de loi ne s’applique pas aux sociétés anonymes dont les conseils d’administration ou de surveillance comprennent déjà un nombre d’administrateurs élus par les salariés égal à celui prévu par le présent texte, en application de l’article 5 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 (pour les entreprises du secteur public) ou de l’article 8-1 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 (pour les entreprises privatisées) ;

–  le droit pour les administrateurs représentant les salariés de disposer du temps nécessaire à l’exercice de leur mandat en s’inspirant des règles fixées par le code du travail en ce qui concerne les heures de délégation accordées aux salariés membres des instances représentatives du personnel ;

–  le champ des incompatibilités entre, d’une part, un mandat d’administrateur élu ou désigné par les salariés et, d’autre part, un mandat de membre d’organes de concertation avec les salariés assimilables, dans les sociétés européennes, aux institutions représentatives du personnel ;

–  le droit pour les administrateurs élus ou désignés par les salariés de bénéficier d’un temps de formation nécessaire à l’acquisition des connaissances requises pour l’exercice de leurs fonctions ;

–  la continuité de la participation des administrateurs représentant les salariés dans les conseils d’administration et de surveillance, en prévoyant les délais dans lesquels les dispositions relatives à leur remplacement doivent être mises en œuvre.

DISCUSSION GÉNÉRALE

Au cours de sa séance du 26 mars 2013, la Commission des Lois a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-Michel Clément, l’article 5 du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi (n° 774).

Après l’exposé du rapporteur, une discussion générale s’est engagée.

M. Marc Dolez. Lors de la séance publique, notre groupe aura l’occasion d’exposer toutes les raisons de fond pour lesquelles il est défavorable à l’ensemble du projet de loi. Pour l’heure, je m’en tiendrai à l’article 5. En premier lieu, sa portée, dans sa rédaction actuelle, est extrêmement limitée, puisqu’en visant les entreprises de plus de 5 000 salariés, il ne concernera guère plus de 200 sociétés. En deuxième lieu, le délai de vingt-six mois qu’il laisse pour mettre en place la représentation des salariés est très long. On peut s’interroger sur l’importance de ce délai, les administrateurs salariés, qui seront minoritaires au sein du conseil d’administration ou de surveillance, n’y auront que très peu de poids. Enfin, puisque leur fonction sera incompatible avec celle de membre du comité d’entreprise, d’un CHSCT ou de délégué du personnel, les administrateurs n’auront aucun lien direct avec ces institutions représentatives du personnel. Cela ne me semble pas aller dans le bon sens.

Cela étant, malgré notre opposition au texte, nous proposerons quelques amendements pour essayer d’en étendre la portée au cours de la discussion en séance.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. La mission d’information sur la transparence de la gouvernance des grandes entreprises avait recommandé que les administrateurs salariés bénéficient d’une formation afin de leur permettre de mieux appréhender les informations auxquelles ils auront accès et de participer aux discussions. Le texte reprend-il cette proposition, monsieur le rapporteur ?

M. Jacques Bompard. À titre personnel, je ne suis pas opposé à ce que les salariés participent à l’administration des entreprises. La difficulté est ailleurs. Je crois qu’il y a un problème de vision et un problème d’esprit, à un moment où les entreprises disparaissent dans notre pays. Dans une telle conjoncture, les grands principes semblent dépassés et l’heure n’est plus à la méfiance à l’égard du monde économique. Les entreprises ont besoin de liberté, et non de subir de nouveaux excès réglementaires, car nous continuons à dériver vers de nouveaux excès qui sont autant de freins à l’entreprise à l’emploi. On trouve un exemple emblématique dans le statut exorbitant de la fonction publique, qui conduit à ce que, dans les collectivités locales gérées par la droite comme par la gauche, des secteurs entiers de l’activité passent au privé ; ce n’est bon ni pour l’emploi ni pour les collectivités elles-mêmes. Le statut de la fonction publique n’a pourtant pas été conçu pour un tel résultat ! Je vous invite donc, au nom du bon sens et de la prudence, à limiter les réglementations trop pesantes autant que possible.

M. Olivier Dussopt. Je conviens, monsieur Dolez, que l’article 5 n’est pas la partie du projet qui a la plus grande portée mais, à la représentation syndicale dans les comités d’entreprise et autres instances représentatives, il ajoutera, dans les plus grandes entreprises, la présence d’un administrateur qui, s’il ne pourra peut-être pas peser sur les décisions, pourra du moins obtenir plus d’informations. À travers les amendements du rapporteur, il faut souligner la méthode. L’ANI a été signée par de nombreuses organisations syndicales. Sa transcription par le Gouvernement a comblé certaines lacunes. Le rapporteur pour avis propose de l’améliorer, notamment en donnant du temps aux administrateurs salariés pour exercer leur mandat. J’espère qu’à son tour, la commission des Affaires sociales aura à cœur d’enrichir encore ce texte.

Mme Françoise Guégot. Je ne peux que me féliciter de cette transcription de l’ANI. Reste deux questions qui alimentent le débat sur le texte. Il est bon que le texte tende à favoriser une diminution du nombre de contrats à durée déterminée, mais ne conviendrait-il pas d’appliquer avec souplesse la taxation proposée, notamment pour les entreprises de moins de 10 salariés, dans la mesure où ce type de contrat reste un élément d’ajustement précieux pour les PME et pour les TPE, surtout dans le contexte actuel ? D’autre part, pouvez-vous nous éclairer sur les modalités de financement du compte personnel de formation, notamment sur les termes de la concertation entre l’État et les régions, qui restent bien vagues ?

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je souscris en tout point à l’intervention de M. Dussopt.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Le Mouvement républicain et citoyen approuvera le projet de loi, même s’il le juge perfectible. Nous voterons certains amendements. Nous en avons déposé nous-mêmes, notamment pour abaisser, au moins à terme, le seuil de représentation des salariés dans les organes de direction des entreprises. Les dispositions du texte, très neuves dans notre pays, trouveront un prolongement avec l’inscription du dialogue social dans la Constitution, et elles accompagnent heureusement l’institution du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Elles font donc faire un progrès notable à ce que nous appelons « l’alliance des productifs » : l’alliance des travailleurs et des entreprises, sans laquelle notre pays ne pourra se redresser. Nous voyons donc dans l’ANI une étape importante sur ce chemin du redressement.

Mme Laurence Dumont. Comme M. Dolez, je regrette la portée limitée de cet article mais je relève que, s’il concerne seulement 200 entreprises, celles-ci rassemblent le quart des salariés du secteur privé, ce qui est loin d’être négligeable. Quoi qu’il en soit, cette disposition donne aux salariés un nouveau droit, ce qui est toujours bon à prendre !

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Elle ouvre un chemin : c’est en effet la première fois qu’on donne aux salariés un accès aux conseils d’administration.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Comme dit l’adage, là où il y a une volonté, il y a un chemin.

M. le rapporteur pour avis. Je concède que la portée de l’article 5 est limitée, mais aussi bien le rapport « Gallois » que les auditions de la mission d’information sur la transparence de la gouvernance des grandes entreprises ont mis en lumière la nécessité d’associer les salariés aux organes de gouvernance de ces dernières. Si je souhaite un processus plus ambitieux, je me réjouis du moins que la porte soit ouverte et que le dialogue social fasse ainsi son entrée dans les décisions des entreprises.

Le dispositif proposé est indéniablement constructif. Si le délai de vingt-six mois peut sembler long, il est nécessaire pour former les salariés à ces nouvelles fonctions et les organisations syndicales avaient demandé à disposer de temps à cet effet. Cela étant, toutes, y compris celles qui n’ont pas signé l’ANI, entendent bien se saisir de ce nouveau droit et présenter des candidats. Quant au MEDEF, il a exprimé le vœu que cette représentation se mette en place dès que possible. J’y vois autant de signes démontrant l’intérêt de cet article !

Il importe, en effet, que les administrateurs salariés acquièrent les connaissances et les compétences nécessaires pour comprendre la stratégie des groupes. Un amendement vise à leur assurer une formation adaptée à leurs besoins. C’est un élément essentiel pour que l’article 5 ne repose pas sur un leurre.

Monsieur Dolez, les administrateurs salariés ne seront pas membres des institutions représentatives du personnel, car les deux fonctions ne peuvent être confondues : s’ils doivent exercer leur mandat en lien avec le reste du personnel et donner à celui-ci l’information qui lui revient, il leur faut aussi respecter l’obligation de discrétion et de confidentialité incombant à tout administrateur. Les représentants des syndicats ont d’ailleurs souhaité que ce soient pleinement des administrateurs, et non des représentants du personnel supplémentaires.

Monsieur Bompard, je suis surpris de votre charge contre l’excès de réglementation. L’ANI découle d’une négociation et l’entrée de salariés dans les conseils d’administration des grandes entreprises n’est pas une révolution. C’est une mesure qui me semble saine pour l’économie tout entière, et à laquelle nous aurions dû procéder depuis longtemps. Pour le reste, je vous laisse la responsabilité de votre propos sur la fonction publique.

Madame Guégot, je n’ai pas de réponse à vos questions, car elles ne portent pas sur les dispositions dont nous sommes saisis.

En conclusion, je ne peux que souligner à nouveau l’importance de cet article 5 qui, en créant dans le code de commerce un nouveau mode de désignation des administrateurs salariés en plus des dispositifs de la loi du 26 juillet 1983 et de celle du 6 août 1986, contribue à changer l’administration de nos entreprises.

La Commission en vient à l’examen des amendements.

EXAMEN DE L’ARTICLE

Chapitre Ier

Créer de nouveaux droits pour les salariés

Section 2

De nouveaux droits collectifs en faveur de la participation des salariés

Article 5

(art. L. 225-27-1 [nouveau], L. 225-28-1 [nouveau], L. 225-29, L. 225-30 , L. 225-31, L. 225-32, L. 225- 33, L. 225-34, L. 225-34-1 [nouveau], L. 225-79-2 [nouveau], L. 226-4-2 [nouveau], L. 226-4-3 [nouveau], L. 226-4-4 [nouveau] du code de commerce, art. L. 2323-65 du code du travail)


Participation de représentants des salariés avec voix délibérative aux conseils d’administration ou de surveillance des grandes entreprises

Le présent article vise, en droit positif, à donner consistance à un principe dont sont convenues les organisations signataires de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels des salariés (ANI) : consacrer la participation des salariés « dans l’organe de gouvernance de tête qui définit la stratégie de l’entreprise».

Article 13 de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 Représentation des salariés dans l’organe de gouvernance de tête qui définit la stratégie de l’entreprise (conseil d’administration ou conseil de surveillance)

Afin de favoriser la prise en compte du point de vue des salariés sur la stratégie de l’entreprise, leur participation avec voix délibérative à l’organe de l’entreprise qui définit cette stratégie doit être assurée (avec les mêmes règles de confidentialité que celles appliquées aux autres participants) dans les entreprises dont les effectifs totaux, appréciés à l’échelle mondiale, sont au moins égaux à 10 000 salariés ou à 5 000 appréciés à l’échelle de la France.

Les entreprises qui n’auraient pas déjà des salariés administrateurs disposeront de 26 mois pour mettre en place une telle représentation dont les modalités devront être au préalable approuvées par l’Assemblée Générale.

Le nombre de représentants des salariés sera égal à deux dans les entreprises dont le nombre d’administrateurs est supérieur à douze et à un dans les autres cas.

Les salariés administrateurs auront le même statut que les autres administrateurs. Leur fonction sera incompatible avec celle de membre du CE, du CHSCT, de délégué du personnel ou de délégué syndical.

En l’occurrence, l’article 5 complète ou modifie plusieurs articles du code de commerce afin que des administrateurs élus ou désignés par les salariés siègent, avec voix délibérative, au sein des conseils d’administration ou les conseils de surveillance de l’ensemble des grandes entreprises qui ont leur siège social en France.

Formulées en des termes identiques mais adaptées aux spécificités de chacune des sociétés, les dispositions du projet de loi, sur ce point, s’ordonnent ainsi conformément à la structuration du code de commerce et portent sur les trois grandes formes de société commerciale en droit français :

–  les sociétés anonymes possédant une direction générale et un conseil d’administration (objet des modifications apportées par le I de l’article 5 du présent texte à la sous-section 1 de la section 2 du chapitre V du titre II du livre II du code de commerce) ;

–  les sociétés anonymes chapeautées par un directoire et un conseil de surveillance (traitées au II de l’article 5 qui modifie la sous-section 2 de la section 2 du chapitre V du titre II du livre II du même code) ;

–  les sociétés en commandite par actions (objet des modifications apportées au III de l’article 5 relatif aux dispositions du chapitre VI du titre II du livre II du même code).

Assez logiquement, le projet de loi ne comporte aucun changement pour les sociétés par actions simplifiées, les règles relatives à cette forme de société ne prévoyant pas en principe la constitution d’un conseil d’administration ou de surveillance dans de telles sociétés (10).

L’article 5 du projet de loi constitue une transposition de l’accord conclu entre les partenaires sociaux dans la mesure où il fixe des normes nouvelles conformes en tout point à la lettre même des stipulations de l’accord. Néanmoins, il s’avère que certaines de ses dispositions procèdent de la nécessité de préciser les conditions d’application de l’ANI, les signataires de celui-ci n’ayant pas fixé les modalités de sa mise en œuvre sur des aspects qui, au demeurant, appellent l’intervention du législateur.

Dans cette optique, le présent article s’analyse à la fois comme un projet de nature à renforcer la participation des salariés à la gouvernance des grandes entreprises et comme un dispositif perfectible au plan législatif car devant tirer toutes les conséquences d’une représentation des salariés renouvelée.

I.– UN PROJET DE NATURE À RENFORCER LA PARTICIPATION DES SALARIÉS À LA GOUVERNANCE DES GRANDES ENTREPRISES

Du point de vue de cet objectif, il apparaît que les dispositions de l’article 5 respectent tout à fait fidèlement les intentions des signataires de l’ANI du 11 janvier 2013, telles qu’elles ressortent des stipulations de l’accord. En effet, l’article 5 du projet de loi favorise, d’une part, une consécration et un accroissement de la place des administrateurs représentant les salariés. D’autre part, l’article 5 contribue à mettre les administrateurs élus ou désignés par les salariés sur un pied d’égalité juridique avec leurs homologues désignés par l’assemblée générale des actionnaires ou par les statuts des entreprises.

Le renforcement de la place des salariés dans la gouvernance des grandes entreprises tient notamment au caractère d’obligation légale que revêtirait désormais, au sein des conseils d’administration ou de surveillance, la présence d’administrateurs élus ou désignés par les salariés.

Ce faisant, le projet de loi franchit à l’évidence une nouvelle étape dans une évolution de plusieurs décennies au terme de laquelle la présence des administrateurs représentant les salariés demeure aléatoire, dépendante de circonstances historiques et des particularismes du statut de certaines entreprises. L’article 5 systématise la présence des administrateurs représentant les salariés en lui conférant le caractère d’une règle de principe souffrant peu de dérogations.

Ainsi que l’établit l’étude d’impact annexée au présent de loi (11), la présence des salariés doit beaucoup à la volonté du législateur ainsi, éventuellement, qu’à la culture et à l’histoire propres à chaque grande entreprise française.

Le premier motif pour lequel des représentants des salariés siègent dans des conseils d’administration tient, en premier lieu, à l’application résiduelle de textes législatifs ou réglementaires autrefois en vigueur pour le secteur public et aujourd’hui maintenus dans des entreprises depuis lors privatisées. Il en va ainsi à la Société générale (depuis 1987), chez Renault (depuis 1994), à France Télécom (2000) ou encore au Crédit agricole et chez EDF.

En effet, avant leur privatisation, les conseils d’administration de ces entreprises comprenaient des représentants des salariés ainsi que des personnalités qualifiées en application de dispositions telles que notamment celles de la loi relative à la démocratisation du secteur public de 1983 (12). Ce dernier texte prévoyait, en ses articles 5 et 6, qu’au sein des entreprises nationales, des sociétés nationales, des sociétés d’économie mixte ou dans des sociétés anonymes majoritairement détenues par l’État, les conseils d’administration ou de surveillance comprenaient, suivant la taille des entreprises, des représentants élus par les salariés. La présence aujourd’hui d’administrateurs salariés dans le cadre de ces instances s’explique ainsi, en partie, par le choix de la plupart des entreprises appartenant autrefois au secteur public de conserver cette représentation dans l’un de leurs organes dirigeants.

Mais, pour l’essentiel, on trouve des administrateurs représentant les salariés en application des dispositions des lois de privatisation votées en 1986 et 1993. Ainsi, la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations organise, pour les entreprises privatisées aux termes de l’article 8-1 de la loi n° 86-793 du 2 juillet 1986, un régime de représentation des salariés dans les instances dirigeantes, à raison de :

–  deux représentants des salariés et un membre représentant les salariés actionnaires dans les conseils de moins de quinze membres ;

–  trois membres représentant les salariés et un membre représentant les salariés et actionnaires à partir d’un conseil de quinze membres.

La loi n° 93-923 du 21 juillet 1993 de privatisation a, quant à elle, étendu aux filiales directes ou indirectes dont le siège social est situé sur le territoire français la possibilité pour les salariés d’élire des administrateurs dans les entreprises en même temps qu’elle conservait la représentation des salariés dans les entreprises sur le point d’être cédées au secteur privé.

Le deuxième motif de la présence des représentants de salariés dans les conseils des grandes entreprises tient à la place que le législateur a souhaité ménager aux salariés actionnaires dans la gouvernance des entreprises dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé.

En application des articles L. 225-23et L. 225-71 du code de commerce, dès lors que les actions détenues par le personnel de la société (ainsi que par le personnel de sociétés détenues à plus de 50 % par celle-ci) représentent plus de 3 % de son capital social, l’assemblée générale doit élire un ou deux administrateurs parmi les salariés actionnaires de la société. On notera cependant que la loi exclut logiquement la représentation individuelle des salariés. En outre, le septième alinéa de l’article L. 225-23 précité exonère de cette obligation les entreprises dont le conseil d’administration « comprend un ou plusieurs administrateurs nommés parmi les membres du conseil de surveillance des fonds communs de placement d’entreprise représentant les salariés, ou un ou plusieurs salariés élus en application » des statuts de l’entreprise (13).

Le troisième facteur de présence des administrateurs représentant les salariés réside dans les statuts même des entreprises. En effet, l’article L. 225-27 du code de commerce leur donne la possibilité de modifier leurs statuts afin de prévoir l’élection comme administrateurs de représentants des salariés. Leur effectif est, en l’espèce, d’au moins deux représentants dans la limite de cinq et du tiers du nombre des autres administrateurs.

En dernier lieu, on peut rappeler qu’en application de l’article L. 2323-62 du code du travail, les représentants du comité d’entreprise peuvent siéger dans les conseils d’administration avec voix consultative.

L’examen des statistiques disponibles montre cependant qu’aujourd’hui, les salariés administrateurs siègent en nombre insignifiant au sein des conseils d’administration des grandes entreprises françaises.

Ainsi, selon les données issues des études réalisées par le cabinet Ernst & Young sur la gouvernance des sociétés cotées (14), les représentants des salariés ne comptent en moyenne que pour 0,4 % des administrateurs siégeant dans les conseils d’administration. Au sein des entreprises du CAC 40, cette proportion atteint péniblement 0,9 %, ce pourcentage tombant à 0,4 % pour les entreprises du SBF 120 (15). Ainsi, on recense 41 administrateurs salariés au sein des entreprises du CAC 40 : 24 représentants des salariés, 17 représentants des actionnaires salariés. Les éléments fournis à la mission par les représentants d’Ethics & Boards offrent une autre illustration de cette réalité (16) : d’après cet observatoire, au 21 novembre 2012, 16 sociétés du CAC 40 (soit 40 % de cet indice boursier) comptaient des administrateurs représentant les salariés et/ou des représentants des salariés actionnaires.

À l’aune de la place des salariés administrateurs en Allemagne, lesquels représentent 7,1 % des administrateurs (17), on peut donc parler d’une présence très marginale des représentants des salariés au sein des organes dirigeants des grandes entreprises françaises.

L’article 5 impose aux entreprises une obligation légale d’organiser, au sein des conseils d’administration ou de surveillance, la participation des administrateurs représentant les salariés dès lors qu’elles remplissent plusieurs critères alternatifs. Pour ce faire, le projet de loi reprend exactement les conditions énoncées par le premier paragraphe de l’article 13 de l’ANI du 11 janvier 2013 et les inscrit dans le code du commerce par la création de trois nouveaux articles soumettant les trois grandes formes de sociétés commerciales aux mêmes obligations : l’article L. 225-27-1 pour les sociétés anonymes dotées d’un conseil d’administration et une direction générale (au I, alinéas 3 et 4, de l’article 5,) ; l’article L. 225-79-2 pour les sociétés anonymes à conseil de surveillance et directoire (au II, alinéas 46 et 47 du présent article) ; l’article L. 226-4-2 pour les sociétés en commandite par actions (au III, alinéas 64 et 65 du présent article).

Conformément à l’accord conclu entre les partenaires sociaux, la mise en œuvre de l’obligation consacrée par le projet de loi repose sur l’application de plusieurs critères.

• la localisation du siège social « sur le territoire français »

Tout d’abord, ainsi que l’établit l’étude d’impact (18), il convient ici de préciser que le champ d’application géographique de l’article 5 du projet de loi ne s’étend pas à l’ensemble du territoire de la République mais se borne à la métropole, aux régions et départements d’outre-mer ainsi qu’à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Mayotte. En l’espèce, l’article 5 a vocation à entrer en vigueur sur ces parties du territoire national à la publication de la loi dès lors que les collectivités précitées relèvent de l’article 73 de la Constitution et qu’en application du principe d’identité législative, les lois et règlements y sont applicables de plein droit. L’article 5 apparaît également d’application directe dans les Terres australes et antarctiques françaises, en application du 7° de l’article 1.1 de la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 (19),en ce que les modifications apportées par le présent projet de loi touchent à des règles de droit commercial. On notera par ailleurs que le texte s’applique à Saint-Pierre-et-Miquelon, collectivité qui relève de l’article 74 de la Constitution.

Tel ne peut être le cas pour Wallis-et-Futuna, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie à défaut de mentions expresses incluant ces territoires d’outre-mer dans le champ d’application du projet de loi et compte tenu du statut de ces territoires. En effet, en application de l’article 72-3 de la Constitution, les deux premières collectivités relèvent du régime de spécialité législative établi par l’article 74 de la loi fondamentale. Or, dans ce régime juridique, les lois et règlements n’entrent en vigueur sur un territoire qu’à la condition que le statut de celui-ci ne lui donne pas compétence pour fixer les normes en une matière donnée et, à défaut, que le texte comporte une mention expresse étendant son champ d’application au territoire concerné.

Dans le cas de la Polynésie française, l’article 90 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 accorde au conseil des ministres du territoire le pouvoir de fixer les règles applicables en matière de « prix, tarifs et commerce intérieur » (20). En revanche, aux termes de l’article 4 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 (21), les lois promulguées dans le territoire et déclarées expressément applicables aux territoires d’outre-mer ou au territoire de Wallis-et-Futuna entrent en vigueur sur ce territoire.

Pour sa part, la Nouvelle-Calédonie dispose de son propre statut, fondé par l’article 77 de la Constitution, et dans le cadre duquel les « règles concernant l’état civil et le droit commercial » ressortissent d’une compétence à transférer par l’État (22). Suivant les termes de la loi de pays n° 2012-2 du 20 janvier 2012 (23) adoptée par le Congrès du territoire, ce transfert prévu par la loi organique modifiée n° 99-209 du 19 mars 1999 doit être effectif à compter du 1er juillet 2013. Cela étant, jusqu’à cette date, le Gouvernement peut prendre par ordonnance des dispositions qui adaptent ou étendent les règles de droit commercial applicables sur le reste du territoire français.

On notera du reste que, dans l’étude d’impact annexé au présent projet de loi, le Gouvernement n’estime pas nécessairement inconcevable juridiquement la possibilité d’une application de l’article 5 à la Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna, moyennant quelques adaptations apportées au texte de l’article 5 et la consultation des assemblées locales de ces deux territoires. Ainsi que le montre l’étude d’impact, ne pas inclure ces territoires dans le champ d’application du projet de loi participe d’un choix délibéré qui peut se justifier par des considérations d’opportunité qui tiennent compte des conditions d’application dans ces territoires des lois en matière de droit commercial.

• Les effectifs des entreprises

Conformément à la seconde condition d’application prévue par l’ANI, assurer la représentation des salariés parmi les administrateurs des conseils d’administration ou de surveillance ne constitue une obligation que pour les entreprises qui remplissent un critère tenant à l’effectif de leurs personnels.

En l’occurrence, l’article 5 retient le seuil de « cinq mille salariés permanents dans la société et ses filiales directes ou indirectes situées sur le territoire français, ou au moins dix mille salariés permanents dans la société et ses filiales directes ou indirectes situées sur le territoire français et à l’étranger ».

Par le choix de ces seuils d’effectifs, il apparaît, en premier lieu, que l’article 5 inscrit dans la loi le critère précis énoncé par le premier paragraphe de l’ANI du 11 janvier 2013. De même, par l’utilisation de la notion de « filiales directes » et de « filiales indirectes », le projet de loi respecte parfaitement les intentions exprimées par les signataires en ce qu’en second lieu, il confère au nouveau dispositif de participation des salariés dans la gouvernance des grandes entreprises un champ d’application relativement large.

Telle que définie par les articles L. 233-1 à L. 233-5-1 du code de commerce, la notion de « filiale » donne en effet au projet de loi un caractère extensif dans la mesure où cette notion désigne une société dont une autre entreprise détient plus de la moitié du capital et/ou une majorité des droits de vote.

Le caractère « direct » ou « indirect » de la filiale contribue encore à l’élargissement du périmètre des entreprises soumises au projet de loi. En mentionnant les « filiales indirectes », l’article 5 y inclut également les entreprises se trouvant sous le contrôle de fait d’une autre société par le biais des participations que celle-ci peut détenir par l’intermédiaire d’une entreprise tierce dans lesquelles elle détient des droits de vote lui assurant un pouvoir de direction.

L’article 5 du projet de loi concerne non seulement les entreprises et leurs filiales établies en France mais également sur celles opérant à la fois sur le territoire national et l’étranger dès lors que leur siège social est établi en France. En cela, le projet de loi tient compte du principe de territorialité de la loi en ne visant que les entreprises soumises au droit français à raison de la localisation de leur siège social. Mais il appréhende l’entreprise non pas dans sa dimension d’unité de production isolée mais également dans le cadre plus large d’un groupe d’entreprises susceptibles de déployer ses activités en France comme en dehors des frontières.

C’est dans cette optique d’intégration que peut s’analyser en partie la manière dont l’article 5 répartit entre la « société mère » et ses filiales « directes ou indirectes » la charge de l’obligation d’organiser la participation aux conseils d’administration et de surveillance des administrateurs élus ou désignés par les salariés.

D’un côté, les alinéas 4 (applicable aux sociétés anonymes avec conseil d’administration), 47 (relatif aux sociétés anonymes dotées d’un conseil de surveillance), et 65 (pour les sociétés en commandite par actions) de l’article exonèrent une entreprise des prescriptions du projet de loi « dès lors qu’elle est la filiale directe ou indirecte d’une société elle-même soumise à cette obligation ». À partir du moment où la « société mère » se voit appliquer l’article 5, ses filiales en sont dispensées. De l’autre, ces alinéas assujettissent les filiales qui remplissent les conditions énoncées par le projet de loi dès lors que la société mère « n’est pas soumise à l’obligation » prévue par l’article 5. Ce faisant, le dispositif porté par le présent texte tient compte du fait que les filiales disposent d’une personnalité morale et qu’ainsi, elles se doivent de respecter un certain nombre d’obligations à la charge des sociétés commerciales. Il s’inscrit également dans la logique développée par les signataires de l’ANI du 11 janvier 2013 : mettre l’accent sur la participation des administrateurs élus ou désignés par les salariés « dans l’organe de gouvernance de tête qui définit la stratégie de l’entreprise », ce qui, compte tenu du pouvoir de contrôle qu’elle exerce, implique une obligation pesant davantage sur le conseil d’administration ou de surveillance d’une « société mère » que sur celui de ses filiales. Par ailleurs, il apparaît de nature à réduire le nombre de cas dans lesquels l’insuffisance des effectifs de la « société mère » exclurait l’application du projet de loi à l’ensemble d’un groupe. Ainsi, le texte contribue à régler le problème potentiellement inhérent à la structuration de certains groupes de sociétés dirigés par des holdings comptant très peu de salariés et comprenant de nombreuses filiales disposant de personnels bien plus nombreux.

L’obligation de mise en place d’un comité d’entreprise

L’article 5 conditionne, de manière formelle, la mise en œuvre de la prescription qu’il édicte à un troisième critère, de caractère cumulatif et relatif aux obligations de l’entreprise en matière d’institutions représentatives du personnel (IRP) : les entreprises concernées sont celles qui ont l’« obligation pour les entreprises de mettre en place un comité d’entreprise en application de l’article L. 2322-1 du code du travail ». Ce critère se présente avant tout comme une précision du champ d’application du présent dispositif de nature à assurer la cohérence des textes relatifs à la participation des salariés et de leurs représentants à la gouvernance des grandes entreprises, lesquels ne relèvent pas tous du code de commerce. En l’occurrence, l’article 5 prend en considération le seuil de cinquante salariés fixé par l’article L. 2322-1 code pour déterminer les entreprises tenues d’assurer la création en leur sein d’un comité d’entreprise.

Ainsi, l’article 5 du projet de loi s’intègre parfaitement dans l’économie des principes établis du droit commercial français, les notions qui servent à définir son champ d’application géographique et le périmètre des entreprises concernées constituant une reprise des notions déjà employées par la loi fondatrice du 24 juillet 1966 (24) sur les sociétés commerciales (telle que modifiée par la loi précitée n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation (25).

Posant des critères alternatifs qui définissent un champ d’application relativement large d’un point de vue géographique et eu égard au périmètre des entreprises concernées (26), l’article 5 apporte de surcroît un levier pour le développement de la participation des salariés à la gouvernance des grandes entreprises sur le plan de leurs effectifs.

D’une part, l’article 5 du présent texte comporte une garantie pour atteindre cet objectif largement partagé en ce qu’il inscrit dans la loi l’obligation d’assurer la présence d’un effectif minimal d’administrateurs élus ou désignés par les salariés au sein des conseils d’administration ou de surveillance.

Le projet de loi prévoit que le nombre de sièges attribués aux représentants des salariés varie en fonction du nombre de membres des conseils d’administration ou des conseils de surveillance, à raison de : deux administrateurs représentant les salariés dans les sociétés dont le nombre d’administrateurs désignés par l’assemblée générale des actionnaires ou désignés par les statuts est supérieur à douze ; un administrateur représentant les salariés quand l’effectif des administrateurs précités est égal ou inférieur à douze. Cette prescription vaut tant pour les sociétés anonymes dotées d’un conseil d’administration et d’une direction générale (II de l’article L. 225- 27-1 du code de commerce crée par le projet de loi), les sociétés anonymes à conseil de surveillance et directoire (II de l’article L. 225-79-2 inséré dans le même code par le projet de loi) que pour les sociétés en commandite par actions (II de l’article L. 226-4-2 du même code inséré par le projet de loi).

Cette intervention du législateur dans la composition des conseils d’administration ou de surveillance ne contrevient a priori pas aux principes et aux exigences à valeur constitutionnelle.

Il convient de rappeler que l’article 34 de la Constitution habilite le Parlement à déterminer les principes fondamentaux du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales ainsi que les principes fondamentaux du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale. Du reste, l’alinéa 8 du préambule de la Constitution du 26 octobre 1946, se range parmi les normes du bloc de constitutionnalité. Néanmoins cette compétence du législateur ne s’exerce que sous réserve de ne pas porter atteinte au droit de propriété consacré par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (…).» (27).

On notera du reste que dans son dispositif, l’article 5 édicte des règles touchant à la composition des conseils d’administration ou de surveillance et à la participation des salariés à ces instances qui reprennent de nombreuses dispositions contenues dans d’autres textes n’ayant à ce jour encouru aucune déclaration de non-conformité à la Constitution. Il convient d’évoquer ici : la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, modifiées notamment par l’ordonnance n° 86-1135 du 21 octobre 1986 (28) et la loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation ; la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public (article 5) ; la loi précitée n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations (article 8-1).

D’autre part, l’article 5 favorise la participation des salariés à la gouvernance des grandes entreprises dans la mesure même où il laisse subsister d’autres dispositifs existants aujourd’hui et permettant d’élire ou de désigner des administrateurs appelés à siéger au sein des conseils d’administration ou de surveillance.

En premier lieu, le projet de loi ne substitue pas la procédure d’élection ou de désignation des administrateurs représentant les salariés qu’il institue à celles déjà prévues par le code de commerce. Par le membre de phrase commençant par « outre » et achevant le 1° du I des articles L. 225-27-1, L. 225-79-2 et L. 226-4-2 ainsi créés dans le code de commerce, l’article 5 marque nettement que cette procédure d’élection ou de désignation des administrateurs représentant les salariés instituée par la loi revêt un caractère complémentaire. Elle n’exclut pas le maintien des procédures de désignation des administrateurs qui ressortissent de la compétence de l’assemblée générale des actionnaires ou de la lettre des statuts des entreprises, en application des articles existants du code de commerce : l’article L. 225-18 (pour les sociétés anonymes à conseil d’administration et à direction générale), l’article L. 225-75 (pour les sociétés anonymes à conseil de surveillance et directoire) et l’article L. 226-4 (pour les sociétés en commandite d’actions).

En deuxième lieu, l’article 5 permet parfaitement aux administrateurs élus ou désignés suivant les procédures qu’il institue de se joindre aux autres administrateurs représentant les salariés en ce qu’il écarte l’application des règles du code de commerce qui plafonnent l’effectif des membres des conseils d’administration ou de surveillance.

Tel est l’objet du second alinéa du II de l’article L. 225-27-1 (pour les sociétés anonymes à conseil d’administration et à direction générale), du II de l’article L. 225-79-2 (pour les sociétés anonymes à conseil de surveillance et directoire) et du II de l’article L. 226-4-2 (pour les sociétés en commandite d’actions). Pour la mise en œuvre de l’obligation prévue par le présent projet de loi, le présent texte affranchit ainsi les sociétés anonymes des prescriptions des articles L. 225-17 (applicable aux sociétés anonymes à conseil d’administration et direction générale) et L. 225-69 (applicable aux sociétés anonymes à conseil de surveillance et directoire) (29) suivant lesquelles l’effectif des conseils d’administration ou de surveillance ne saurait dépasser dix-huit membres. De même, le présent article crée une dérogation, pour les sociétés en commandite par actions, au plafond fixé par les articles L. 225-17et L. 225-69 du code de commerce. Ainsi, l’effectif maximal des membres des conseils d’administration ou de surveillance ne peut constituer un obstacle à l’élection ou à la désignation des administrateurs représentant les salariés. En écartant cette règle de droit commun, le présent projet de loi tire, dans le silence des stipulations de l’ANI du 11 janvier 2013, la conséquence logique du nécessaire maintien des autres procédures de désignation des administrateurs et évite de créer une situation de concurrence de fait dans laquelle les entreprises se verraient contraintes d’évincer certains administrateurs afin de respecter l’obligation relative à la participation des administrateurs représentant les salariés.

De même, l’article 5 n’inclut pas les administrateurs élus ou désignés par les salariés, en application des procédures qu’il institue, dans l’effectif des membres des conseils d’administration ou de surveillance pris en considération pour l’application de la loi favorisant une égale représentation des sexes dans ces enceintes.

Rappelons que la loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 fixe aux entreprises privées (cotées ou répondant à certains critères tenant aux effectifs employés, au montant du chiffre d’affaire réalisé ou du bilan), comme aux entreprises publiques, une obligation : faire en sorte que les femmes représentent au moins 40 % des membres de leurs conseils à l’issue des assemblées générales de 2017 (30).

En écartant expressément la prise en compte des administrateurs représentant les salariés  pour l’application du « premier alinéa de l’article L. 225-18-1 », « du premier alinéa de l’article L. 225-69-1 » et « du premier alinéa de l’article L. 226-4-1 » du code de commerce, articles nouveaux qui ne sont pas encore en vigueur, l’article 5 du projet de loi fait en sorte que les sociétés calculent le nombre de sièges d’administrateurs devant revenir à une femme sans prendre en compte les nouveaux administrateurs élus ou désignés par les salariés. Dès lors, le projet de loi tend à concilier deux objectifs : la nécessaire promotion de la parité et l’organisation de la participation des salariés dans les conseils d’administration ou de surveillance. Tel est l’objet de la fin des alinéas 6 (pour les sociétés anonymes à conseil d’administration et direction générale), 49 (pour les sociétés anonymes à conseil de surveillance et directoire) et 67 (pour les sociétés en commandite par actions) de l’article 5 du projet de loi.

En dernier lieu, suivant une même logique, l’article 5 prévoit une dérogation pour les entreprises dont les conseils d’administration ou de surveillance comprennent déjà un nombre d’administrateurs élus par les personnels égal à celui que le projet de loi prévoit, en application de dispositifs déjà applicables dans les secteurs publics et privés.

Le texte ménage ainsi les mesures éventuellement plus favorables que les entreprises ont pu prendre en faveur de la participation des salariés à la gouvernance des grandes entreprises tout en veillant à ce que l’obligation de représentation des administrateurs élus ou désignés par les salariés qu’il institue s’applique a minima, à titre subsidiaire. À cet effet, il impose que le nombre des administrateurs élus ou désignés par les salariés et siégeant au sein des conseils d’administration ou de surveillance en application des statuts des entreprises ou de dispositions législatives soit égal aux prescriptions du projet de loi : deux administrateurs représentant les salariés dans les sociétés dont le nombre d’administrateurs désignés par l’assemblée générale des actionnaires ou désignés par les statuts est supérieur à douze ; un administrateur représentant les salariés quand l’effectif des administrateurs précités est égal ou inférieur à douze.

La dérogation prévue par l’article 5 vaut pour les sociétés anonymes à direction générale et à conseil d’administration (visées par le VI de l’article L. 225-27-1 [nouveau]) et pour les sociétés anonymes à directoire et à conseil de surveillance (objet du VI de l’article L. 225-79-2 [nouveau]).

Sous la réserve tenant à l’effectif des administrateurs représentant les salariés, cette dérogation bénéficie en l’espèce aux entreprises du secteur privé dans deux hypothèses : lorsqu’en application de l’article L. 225-27 du code de commerce, les entreprises prévoient dans leurs statuts la possibilité d’une élection par le personnel de représentants des salariés au sein des conseils d’administration ; dans le cas des entreprises privatisées qui, en application de l’article 8-1 de la loi précitée n° 86-912 du 6 août 1986, conservent une représentation des salariés parmi les administrateurs siégeant au sein des conseils d’administration ou de surveillance. Entrent également à la même condition dans le champ de la dérogation prévue par l’article 5 du présent projet de loi, par application de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public : les établissements publics industriels et commerciaux et les établissements publics de l’État mentionnés par la loi ; les entreprises nationales, les sociétés nationales ; les sociétés d’économie mixte ainsi que les sociétés anonymes majoritairement détenues par l’État et qui relèvent de la loi précitée du 26 juillet 1983.

Par l’adoption d’un amendement présenté par votre rapporteur, la commission des Lois a souhaité lever toute ambiguïté sur la portée de cette dérogation. Aux termes de cet amendement, les sociétés relevant de l’article L. 225-27 du code de commerce, des lois précitées du 26 juillet 1983 et du 6 août 1986 ne sont pas soumises aux dispositions du projet de loi dès lors que leur conseil d’administration ou de surveillance comprend des administrateurs représentant les salariés en nombre égal ou supérieur à celui que prévoit le présent texte.

L’absence de toute mention concernant les sociétés à commandite par actions (à l’article L. 226-4-2) apparaît assez cohérente eu égard aux particularismes de leur organisation juridique. En effet l’article L. 226-4 du code du commerce renvoie par principe au statut de ces sociétés la définition des règles relatives à la désignation et à la durée du mandat des administrateurs qui peut être distincte de celles applicables aux sociétés anonymes.

En revanche, le renvoi à l’article L. 225-27 existant du code de commerce (par le VI de l’article L. 225-79-2) afin de définir le champ des sociétés anonymes à directoire qui, en raison du nombre d’administrateurs représentant les salariés et siégeant dans leurs conseils de surveillance, ne sont pas assujetties à l’obligation énoncée par l’article 5 du projet de loi, se révèle difficilement justifiable. En l’espèce, cet article ne vaut que pour les sociétés anonymes à direction générale et conseil d’administration tandis que le code de commerce comporte une disposition spécifiquement applicable aux sociétés avec directoire, en l’occurrence l’article L. 225-79.

En outre, de manière plus générale, il conviendrait de préciser la référence textuelle aux alinéas des articles créés dans le code de commerce par le présent texte et prescrivant l’effectif minimal des administrateurs élus ou désignés pas les salariés devant siéger dans les conseils d’administration ou de surveillance. D’un point de vue légistique, les mentions actuelles « au 1er alinéa » et « au 3e alinéa » qui figurent au VI de l’article L. 225-27-2 [nouveau] et au VI de l’article L. 225-79-2 [nouveau] ne renvoient pas aux dispositions pertinentes créées dans le code de commerce, à savoir : le 1er alinéa du I et au 1er alinéa du II de l’article L. 225-27-1 [nouveau)]; le 1er alinéa du I et au 1er alinéa du II de l’article L. 225-79-2 [nouveau].

C’est pourquoi la commission des Lois, à l’initiative de son rapporteur pour avis, a adopté des amendements de précision afin de mentionner les dispositions pertinentes des articles nouveaux insérés dans le code de commerce.

On notera par ailleurs que l’article 5 impose l’application des procédures d’élection ou de désignation qu’il institue par la loi dès lors que le nombre des administrateurs représentants les salariés désignés en application des statuts ou d’autres dispositions législatives « n’est pas égal » au nombre d’administrateurs qui doivent, en application du présent projet de loi, siéger dans les conseils d’administration ou de surveillance. Cette règle vaut pour les sociétés anonymes à conseil d’administration et direction générale (VI de l’article L. 225-27-1 [nouveau] du code de commerce) et pour les sociétés anonymes à conseil de surveillance et directoire (VI de l’article L. 225-79-2 [nouveau] du même code).

Ce faisant, l’article tend insensiblement à rendre plus systématique le recours aux procédures d’élection par les salariés ou de désignation par les organisations syndicales ou par les instances représentatives du personnel telles que le comité d’entreprise, procédures prévues par le présent projet de loi. En effet, l’expression « n’est pas égal » peut s’entendre comme « est inférieure » ou « est supérieure ». Or, des dispositifs tels que celui de l’article L. 225-27 du code de commerce ou de l’article 8-1 de la loi précitée n° 86-912 du 6 août 1986 ouvrent la possibilité d’un nombre d’administrateurs représentant les salariés supérieurs aux prescriptions du présent projet de loi. Dès lors, si l’on ne tranche pas cette interprétation, l’application littérale de cette disposition peut impliquer le recours aux procédures d’élection ou de désignation prévue par le présent texte alors que les procédures prévues par les statuts des entreprises ou par des dispositions législatives particulières permettaient une représentation égale sinon plus importante des administrateurs représentant les salariés.

C’est pourquoi la commission des Lois a adopté un amendement présenté par votre rapporteur pour avis. Cet amendement vise à établir, que le recours aux procédures d’élection ou de désignation des administrateurs prévues par l’article 5 ne s’impose, que dans la mesure où le dispositif du projet de loi favorise la participation d’un nombre plus important d’administrateurs représentant les salariés, que dans les dispositifs actuellement en vigueur.

Il s’agit là d’un autre objectif affirmé par les stipulations de l’ANI du 11 janvier 2013 et que le projet de loi vise à transcrire en droit positif. À cet égard, le dispositif législatif présenté au Parlement comporte un certain nombre de dispositions qui tendent à assurer aux administrateurs élus ou désignés par les salariés :

–  une protection adaptée permettant l’exercice des fonctions ;

–  une voix juridiquement égale dans le processus de prise de décision des conseils d’administration ou de surveillance.

En effet, l’article 5 tend, par assimilation, à assurer un certain nombre de garanties concernant des conditions d’exercice de leur mandat. Ces garanties portent sur la durée du mandat ainsi que sur la protection spécifique du contrat de travail.

Conformément aux stipulations de l’ANI du 11 janvier 2013, le projet de loi soumet les administrateurs élus ou désignés par les salariés à des règles identiques à celles ayant cours soit pour leurs homologues mandataires sociaux, soit pour les autres administrateurs représentant les salariés en application du statut des entreprises et d’autres dispositions législatives.

De même que les administrateurs désignés par l’assemblée générale des actionnaires ou par les statuts, les administrateurs élus ou désignés par les salariés en application des procédures instituées par le présent article ont un mandat renouvelable de six ans. Ce faisant, l’article 5 place les administrateurs représentant les salariés dans la même situation que les administrateurs siégeant dans les conseils d’administration ou de surveillance par désignation de l’assemblée générale des actionnaires ou en application des statuts.

À cette fin, l’article 5 étend le champ des règles existantes relatives au mandat applicables dans les sociétés anonymes avec conseil d’administration aux administrateurs élus ou désignés par les salariés en insérant, à chacun des deux alinéas de l’article L. 225-29 du code de commerce qui prévoit ces règles, deux renvois à l’article L. 225-27-1 qui décrit les modalités d’élection ou de désignation prévues par le présent texte. Cette double insertion implique d’une part que le mandat de cette nouvelle catégorie d’administrateur ne peut excéder six ans et qu’il peut être frappé de nullité si les procédures d’élection ou de désignation par les salariés instituées par le présent projet de loi n’ont pas été suivies.

Il s’avère en revanche que l’article L. 225-79-2 [nouveau] introduit dans le code de commerce par l’article 5 ne comporte aucune disposition similaire pour ce qui est des sociétés anonymes à directoire et conseil de surveillance. Or, à défaut d’une mention expresse à l’article L. 225-75 du code de commerce (relatif aux modalités actuelles de désignation d’administrateurs représentant les salariés, ainsi qu’à la durée des mandats d’administrateurs) ou d’une nouvelle disposition créée par le projet de loi, l’application des règles relatives au mandat ne va pas de soi.

S’agissant des sociétés en commandite par actions, l’article L. 226-4-4 [nouveau] que le projet de loi crée dans le code de commerce renvoie implicitement aux règles applicables aux sociétés anonymes avec direction générale et conseil d’administration. En effet, il range « les conditions relatives […] à la durée d’exercice et aux conditions d’exercice du mandat » parmi les modalités d’organisation de la participation des administrateurs élus ou désignés par les salariés qui relèvent des « articles L. 225-28 à L. 225-34 » du code de commerce. Ainsi par construction, puisque le projet de loi modifie l’article L. 225-29 de ce code afin que les règles communes relatives aux mandats s’appliquent, on peut estimer que le projet de loi règle le cas des sociétés en commandite par action. Cela étant, un souci de bonne légistique pourrait conduire à s’interroger sur l’opportunité de traiter, par un unique article, des questions aussi diverses que les conditions d’exercice du mandat d’administrateur, les conditions relatives à l’éligibilité, à l’électorat, aux modalités du scrutin ou encore aux contestations des procédures de désignation ou d’élection des administrateurs représentant les salariés.

De même que dans le cas des autres administrateurs représentant les salariés, le présent article établit une incompatibilité du mandat de ces administrateurs avec tout mandat de délégué syndical, de membre du comité d'entreprise, de délégué du personnel ou de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société.

Ainsi, pour ce qui est des sociétés anonymes avec direction générale et conseil d’administration, le 4° du I de l’article 5 du projet de loi inclut les administrateurs devant être élus ou désignés par les salariés de ces sociétés en application de son propre dispositif dans le champ de l’article L. 225-30 qui prévoit cette incompatibilité. À cet effet, il insère à deux reprises la mention de L. 225-27-1, ce qui inclut les administrateurs élus ou désignés suivant les modalités auxquelles cet article renvoie parmi les administrateurs soumis à ces incompatibilités. Par ailleurs, cette modification de l’article L. 225-30 précité rend applicable à cette nouvelle catégorie l’obligation de se démettre sous huit jours des mandats détenus dans les instances représentatives au moment de l’élection ou de la désignation en tant qu’administrateurs représentant les salariés. En cas contraire, en application de l’article L. 225-30, ces administrateurs perdraient leur mandat car réputés démissionnaires.

Néanmoins, il s’avère qu’en matière d’incompatibilités, l’article 5 du projet de loi ne tient pas compte de l’existence de nouvelles instances représentatives du personnel (IRP) dont les membres remplissent les fonctions voisines de celles assumées dans l’exercice d’un mandat de membre de comité d’entreprise, de comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, etc. Il conviendrait donc d’actualiser le champ des incompatibilités applicables à un mandat d’administrateur élu ou désigné par les salariés en y incluant le mandat de membre d’un comité d’entreprise européen (article L. 2343-5 du code du travail), de l’organe de représentation des salariés pour les sociétés européennes (au sens de l’article L. 2351-1 du code du travail), d’un comité de société européenne (article L. 2353-7 du code du travail).

Aussi, à l’initiative de votre rapporteur pour avis, la commission des Lois a adopté un amendement qui actualise le champ des incompatibilités entre, d’une part, un mandat d’administrateur élu ou désigné par les salariés et, d’autre part, un mandat de membre d’organes de concertation avec les salariés assimilables, dans les sociétés européennes, aux institutions représentatives du personnel.

Sous cette réserve, le projet de loi transcrit scrupuleusement l’article 13 de l’ANI du 11 janvier 2013 dont le dernier paragraphe affirme que la fonction des administrateurs élus ou désignés par les salariés « sera incompatible avec celle de membre du CE, du CHSCT, de délégué d’une personne ou de délégué syndical ». Au-delà, l’article 5 du projet de loi favorise l’indépendance des administrateurs dans l’exercice de leur mandat en reprenant des dispositions classiques du droit des sociétés. On notera en l’occurrence que des incompatibilités similaires figurent dans le dispositif de l’ordonnance précitée n° 86-1135 du 21 octobre 1986, lequel a modifié la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 et constitue le lointain fondement de l’article L. 225-30 de l’actuel code de commerce qui en reprend le libellé (31). Ces dispositions apparaissent de nature à permettre que des considérations développées dans l’exercice du mandat de membre d’une instance représentative du personnel (IRP) n’interfèrent pas dans l’exercice des fonctions d’administrateur. À l’inverse, elles garantissent tout autant l’indépendance du fonctionnement des IRP.

Cela étant, il apparaît que le projet de loi ne comporte pas nécessairement des dispositions étendant de manière similaire et appropriée les incompatibilités prévues par l’article L. 225-30 aux autres formes de société commerciale.

Sur ce point, l’article L. 225-79-2 [nouveau] ne modifie en rien le code de commerce en y introduisant une mention expresse qui renvoie aux sociétés anonymes avec conseil de surveillance et directoire.

Un même constat peut être dressé concernant les sociétés à commandite par actions. En effet, quoiqu’il renvoie aux règles applicables aux sociétés anonymes (art. L. 225-28 à L. 225-34 du code de commerce) en ce qui concerne les litiges susceptibles de naître de l’élection ou la désignation des administrateurs représentant les salariés, l’article L. 226-4-4 [nouveau] ne traite en rien expressément du problème des incompatibilités. Il évoque seulement les conditions d’exercice du mandat.

Pour ce qui est des sociétés anonymes à conseil d’administration et direction générale, l’article 5 pose le principe du maintien aux administrateurs salariés du bénéfice de leur contrat de travail après leur élection ou leur désignation. De surcroît, il exclut la possibilité d’une réduction de la rémunération perçue en exécution de ce contrat pour cause d’exercice du mandat d’administrateur. Pour ce faire, il ajoute une mention relative aux administrateurs élus ou désignés par les salariés à la mention des « administrateurs élus » qui figure à l’article L. 225-31.

D’autre part, l’article 5 établit un lien nécessaire, entre la rupture du contrat de travail et la poursuite du mandat d’administrateur élu ou désigné par les salariés. À cet effet, suivant un procédé commun, il étend le champ d’application du premier alinéa de l’article L. 225-32, qui rend impossible la poursuite d’un mandat d’administrateur en l’absence d’un contrat de travail, en y insérant la mention de l’article L. 225-27-1 créé par le présent projet de loi.

En outre, par une insertion de même nature au second alinéa de l’article L. 225-32, le texte fait bénéficier la nouvelle catégorie d’administrateurs salariés d’une protection gage de leur indépendance : celle que constitue, pour l’ensemble des administrateurs élus par les salariés, l’impossibilité d’une révocation prononcée en dehors de toute « faute commise dans l’exercice du mandat » et sans « décision du président du tribunal de grande instance, rendue en forme de référé, à la demande de la majorité des membres du conseil d’administration ».

De même, l’article 5 assure ses administrateurs représentant les salariés dans les conseils d’administration qu’il institue d’une protection contre d’éventuelles pressions liées à leur contrat de travail en ce qu’il réserve, « hormis le cas d’une résiliation à l’initiative » de l’intéressé, le prononcé de la rupture de ce contrat au « bureau de jugement du conseil des prud'hommes statuant en la forme des référés ». En effet, par le 7° du I de l’article 5, le projet de loi vise à modifier l’article L. 225-33 du code de commerce qui consacre cette compétence afin d’y insérer un renvoi aux dispositions relatives à la nouvelle catégorie d’administrateurs élus ou désignés par les salariés qu’il promeut.

Somme toute, l’article 5 du projet de loi étend aux nouveaux administrateurs élus ou désignés par les salariés des règles aujourd’hui applicables aux administrateurs élus par les salariés à divers titres en application : du statut des entreprises, dans le cadre fixé par loi précitée du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales (telle que modifiée par la loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation) ; de la loi précitée n° 83-675 du 26 juillet 1983 pour le secteur public.

Au plan des principes, il tire ainsi les conséquences de l’obligation de droit commun faite aux administrateurs représentant les salariés – et que le présent texte reprend à son compte en déterminant les conditions d’éligibilité – de disposer d’un contrat de travail avec la société ou ses filiales directes ou indirectes. Cette obligation résulte pour l’essentiel des textes applicables aux entreprises appartenant ou ayant appartenu au secteur public mais également des modifications apportées à la loi fondatrice du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales (notamment par l’ordonnance précitée du 21 octobre 1986 et par la loi n° 93-923 du 19 juillet 1993). Il s’agit de permettre aux administrateurs représentant les salariés de conserver un lien assez étroit avec leur entreprise par le biais d’un contrat de travail sans que celui-ci offre un moyen de pression susceptible de ne pas permettre à leurs titulaires d’exercer leur mandat en toute indépendance vis-à-vis de la direction de leur entreprise.

De fait, le lien découlant du contrat de travail contribue à placer les administrateurs représentant les salariés dans une situation différente des autres administrateurs siégeant au sein des conseils d’administration ou de surveillance en qualité de mandataires sociaux. Ceux-ci tirent leur indépendance de l’absence d’un lien de subordination établi par un contrat de travail, le mandat qui les habilite à prendre part à la gestion de l’entreprise pour le compte d’un mandant présentant en revanche un caractère révocable.

En revanche, il s’avère du point de vue de la consécration de ces protections dans la loi que le dispositif de l’article 5 ne couvre pas nécessairement de manière satisfaisante toutes les entreprises susceptibles d’entrer dans son champ d’application.

Il en va ainsi dans le cas des sociétés anonymes dotées d’un conseil de surveillance et d’un directoire. De fait, le II de l’article 5 du projet de loi ne comporte aucune disposition insérant un nouvel article ou complétant ceux traitant de ces questions dans le code de commerce. Or, l’application de ces règles protectrices demeure incertaine en l’absence de toute mention expresse relative à la nouvelle catégorie d’administrateurs représentant les salariés, par exemple à l’article L. 225-80 du code de commerce qui renvoie au cadre applicable aux sociétés anonymes à conseil d’administration et direction générale la détermination des règles relatives à « l’éligibilité, à l’électorat, à la composition des collèges, aux modalités du scrutin, aux contestations, à la durée et aux conditions d’exercice du mandat, à la révocation, à la protection du contrat de travail et au remplacement des membres du conseil de surveillance élus par les salariés ».

Par comparaison, l’article L. 226-4-4 inséré dans le code de commerce par le 3° du III de l’article 5 du projet de loi établit plus nettement ces règles protectrices dans la mesure où il cite expressément « les conditions relatives […] à la révocation, à la protection du contrat de travail […]» parmi les modalités d’organisation de la participation des administrateurs qui représentent les salariés identiques à celles qui prévalent pour les sociétés anonymes à conseil d’administration régies par les articles L. 225-28 à L. 225-34 du code de commerce. Toutefois, on pourrait considérer que telles dispositions pourraient mériter des articles spécifiques afin d’en préciser éventuellement l’application en tenant compte des spécificités de cette forme de société commerciale.

Certes, le projet de loi n’énonce dans aucune de ces dispositions le principe exprès dont sont convenus les signataires de l’ANI du 11 janvier 2013 : la participation des administrateurs élus ou désignés par les salariés avec voix délibérative.

Toutefois, il convient de souligner que l’intégration même de cette catégorie nouvelle d’administrateurs représentant le personnel aux conseils d’administration ou de surveillance des entreprises permet parfaitement d’atteindre cet objectif, compte tenu de l’économie même du droit commercial français.

En effet, hormis les articles définissant le rôle du président du conseil d’administration ou de surveillance, le code de commerce ne comporte pour l’essentiel aucune définition précise des missions et compétences propres aux administrateurs. En revanche, le code énumère les compétences et les pouvoirs appartenant aux conseils que constituent les administrateurs qui y siègent.

Dès lors que dans le silence des textes, les administrateurs exercent en leur qualité de membres les pouvoirs de contrôle et décision des conseils d’administration ou de surveillance de manière collective – sous réserve de la recherche d’une responsabilité individuelle – et qu’en application du présent texte, les administrateurs élus ou désignés par les salariés siègent de plein droit au sein de ces instances, jouissent donc du droit de prendre part au processus de formation des décisions du conseil. Il en résulte qu’ils se voient nécessairement accorder la voix délibérative qui constitue l’un des attributs des membres de droit.

Sur la base de ces considérations, il n’apparaît pas indispensable que le projet de loi comporte une mention expresse afin d’accorder une voix délibérative à la nouvelle catégorie d’administrateurs représentant les salariés qu’il promeut et, ainsi, assurer une transposition fidèle de la volonté exprimée par les partenaires sociaux.

Suivant un même raisonnement, on peut estimer que le dispositif du projet de loi place les administrateurs élus ou désignés par les salariés devant les mêmes obligations que leurs homologues mandataires sociaux dans l’exercice de leurs mandats.

Dès lors que le présent texte les intègre à la composition des conseils d’administration ou de surveillance, sans autre distinction que la procédure leur accordant le statut de membres de droit de ces instances, le respect de ces principes destinés à protéger les fonctions d’administrateurs s’impose d’autant mieux que ces obligations sont mises à la charge, sans précision, de l’ensemble des « administrateurs » ou des « membres du conseil de surveillance ».

Compte tenu de ce libellé des articles du code de commerce applicables aux sociétés anonymes, on peut ainsi affirmer que les obligations encadrant l’exercice du mandat des administrateurs élus ou désignés par les salariés sont identiques à celles des autres administrateurs. Ces obligations tiennent notamment à :

– un devoir de discrétion « à l’égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par le président du conseil d’administration » (en application de l’article L. 225-37 pour les sociétés anonymes dotées d’un conseil d’administration et d’une direction générale) ;

– l’impossibilité de « recevoir de la société aucune rémunération, permanente ou non, autre que » notamment que des jetons de présence alloués par l’assemblée générale (32) ou des « rémunérations exceptionnelles pour les missions ou mandats confiés à des administrateurs » (33) en application de l’article L. 225-44 du code de commerce ».

En accordant ainsi un statut de plein exercice aux administrateurs élus ou désignés par les salariés en application de l’obligation légale qu’il institue, le projet de loi respecte scrupuleusement les intentions des partenaires sociaux.

Pour que les nouveaux administrateurs représentant les salariés puissent exercer efficacement leurs fonctions et disposer de toute la légitime requise pour intervenir dans les débats avec voix délibérative, on ne saurait à l’évidence occulter la question de la formation à l’exercice du mandat et celle du temps nécessaire à son exercice.

Ainsi que l’a démontré la mission d’information sur la transparence de la gouvernance des grandes entreprises (34), il convient de contribuer au développement d’une véritable culture de l’échange. Cet objectif suppose notamment d’étoffer la formation économique des salariés et, a fortiori, de ceux qui exercent les fonctions d’administrateurs représentant les salariés dans les conseils d’administration ou de surveillance.

Pour ce qui est du temps nécessaire à l’exercice du mandat, il ressort également des auditions de la mission d’information que prendre part aux instances de gouvernance des grandes entreprises suppose un délai, afin de préparer les décisions examinées par les conseils.

C’est en tenant compte de ces constats et de cette analyse que la commission des Lois a adopté deux amendements présentés par son rapporteur pour avis. Le premier a ainsi pour but de consacrer le droit des administrateurs élus ou désignés par les salariés à disposer du temps nécessaire à l’exercice de leur mandat. À cette fin, l’amendement étend à cette nouvelle catégorie d’administrateurs l’application de règles similaires à celles de l’article L. 2325-6 du code du travail, lequel prévoit que « l'employeur laisse le temps nécessaire à l'exercice de leurs fonctions, dans la limite d'une durée qui, sauf circonstances exceptionnelles, ne peut excéder vingt heures par mois ». Le second prévoit pour sa part que les administrateurs élus ou désignés par les salariés bénéficient, par principe, d’un temps de formation leur permettant de mieux exercer leur mandat. À cet effet, l’amendement introduit dans le code de commerce des règles voisines de celles de l’article L. 2325-44 du code du travail.

II.– UN DISPOSITIF DEVANT TIRER TOUTES LES CONSÉQUENCES D’UNE REPRÉSENTATION DES SALARIÉS RENOUVELÉE

Cette nécessité découle en partie de l’absence de stipulations dans l’ANI du 11 janvier 2013 en ce qui concerne certains aspects de sa mise en œuvre pratique. De fait, hormis le délai laissé aux entreprises afin d’organiser la participation des administrateurs salariés aux conseils d’administration ou de surveillance indiqué au deuxième paragraphe de l’article 13, l’accord ne précise pas les conditions de leur élection ou de leur désignation, pas plus qu’il ne se prononce sur les règles relatives à l’éligibilité, à la qualité d’électeur, au mode de scrutin dans le cas d’une élection ou des moyens de trancher un litige en la matière.

L’accord ne fixant en réalité que de grands principes et des objectifs, il apparaît donc indispensable que le législateur fixe des dispositions garantissant à la fois le respect de la volonté des signataires mais également une insertion pertinente des stipulations dans le cadre formé par les lois et règlements en vigueur. Sur ce plan, il apparaît que l’article 5 du projet de loi, loin de se borner à la seule transposition des intentions implicites des partenaires sociaux, s’efforce de tirer les conséquences de l’ANI suivant deux objectifs : en premier lieu, adapter les modalités de désignation ou d’élection des administrateurs représentant les salariés au droit applicable et au fonctionnement des entreprises ; en second lieu, établir un calendrier de mise en œuvre de nouvelles conditions de participation des salariés à la gouvernance des entreprises.

Ainsi, l’article 5 du projet de loi tend, d’une part, à renouveler les conditions d’élection ou de désignation des administrateurs représentant les salariés en ajoutant à l’élection de nouvelles procédures. D’autre part, il prévoit les modalités de remplacement des administrateurs ainsi élus ou désignés.

Ces deux mesures se traduisent, au plan législatif, par des dispositions nouvelles insérées dans le code de commerce par la création de nouveaux articles relatifs aux trois grandes formes de sociétés commerciales. Il s’agit pour les sociétés commerciales à conseil d’administration et direction générale : du III et du V de l’article L. 225-27-1 [nouveau], de l’article L. 225-28-1 [nouveau], de l’article L. 225-34-1 [nouveau] du code de commerce. Pour les sociétés anonymes à directoire et conseil de surveillance, il s’agit : du III de l’article L. 225-79-2 [nouveau] du code de commerce et du 2° du II de l’article 5 du présent projet de loi modifiant l’article L. 225-80 du même code. Pour les sociétés en commandite par actions, il s’agit : du III de l’article L. 226-4-2 [nouveau], des articles L. 226-4-3 et L. 226-4-4 du code de commerce.

Tout en renvoyant aux statuts des entreprises le choix de la procédure la plus adéquate, l’article 5 du projet de loi fixe quatre modalités entre lesquelles celles-ci, indépendamment de la forme de la société commerciale doivent nécessairement opter d’afin d’assurer la représentation des salariés dans les conseils d’administration et de surveillance.

Tel est l’objet des articles créés dans le code de commerce par le présent projet de loi pour chaque forme de société commerciale : les sociétés anonymes à conseil d’administration et direction générale (avec le III de l’article L. 225-27-1 [nouveau]) ; les sociétés anonymes à conseil de surveillance et directoire (avec le III de l’article L. 225-79-2 [nouveau]) ; les sociétés en commandite par actions (avec le III de l’article L. 226-4-2 [nouveau]).

Ce faisant, le législateur exerce pleinement sa compétence dans une matière : l’organisation des relations de travail, qui entre dans le champ de l’article 34 de la Constitution, suivant la jurisprudence précitée du Conseil constitutionnel (35). Il convient également ici de rappeler qu’au regard des normes du bloc de constitutionnalité, l’intervention du législateur trouve également un fondement dans la lettre de l’alinéa 8 du Préambule de la Constitution du 26 octobre 1946, lequel consacre le principe de la participation des travailleurs à la gestion des entreprises.

En établissant quatre procédures d’élection ou de désignation des administrateurs représentant les salariés, procédures entre lesquelles les sociétés doivent choisir dans leur statut, l’article 5 tend cependant à renouveler les modalités de leur représentation au sein des conseils d’administrations ou de surveillance. En effet, à la procédure de droit commun que représente l’élection directe par les salariés s’ajoute trois autres modalités plus indirectes de désignation des administrateurs.

Telle qu’organisée par les articles créés dans le code de commerce par le projet de loi, cette procédure de choix direct par les salariés des administrateurs qui les représentent au sein des conseils d’administration ou de surveillance apparaît comme relativement ordinaire.

En effet, l’article L. 225-28-1 [nouveau], applicable aux sociétés anonymes avec conseil d’administration mais également aux sociétés anonymes avec conseil de surveillance (par renvoi du 1° du III de l’article L. 225-79-2 [nouveau]) et aux sociétés en commandite par actions (par application de l’article L. 226-4-3 [nouveau]), reprend nombre de règles déjà applicables dans le cadre des dispositifs qui assurent la participation des salariés à la gouvernance de grandes entreprises du secteur public ou privé. Il s’agit notamment, pour les entreprises privées, des dispositions de l’article L. 225-28 du code du commerce, et, pour les entreprises publiques, des règles édictées par la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.

D’une part, l’article 5 du projet de loi définit le corps électoral des administrateurs ainsi élus comme étant formé « des salariés de la société et de ses filiales directes ou indirectes situées sur le territoire français ».

Ce faisant, le projet de loi fait siens les principes édictés dans la loi fondatrice du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales (telle que modifiée par l’ordonnance précitée du 21 octobre 1986 et par la loi n° 93-923 du 19 juillet 1993) ainsi que ceux applicables dans le secteur public. En effet, il accorde la qualité d’électeurs à l’ensemble des salariés indépendamment de la structuration d’une entreprise ou de son appartenance à un groupe en tenant compte des « filiales directes ou indirectes ». Le projet de loi retient par ailleurs le critère du « territoire français » comme critère de détermination du périmètre des entreprises concernées.

De surcroît, ainsi que le font les autres textes en vigueur en la matière, il consacre le caractère de condition sine qua non au lien nécessaire entre la qualité d’électeur et la détention d’un contrat de travail. Sur ce point, le projet de loi reprend d’ailleurs les conditions ayant cours dans l’ensemble des dispositifs et qui privilégie l’existence d’un lien stable et ancien entre l’entreprise et le salarié électeur. En l’occurrence, l’article 5 du projet de loi conditionne la reconnaissance de la qualité d’électeur des administrateurs représentant les salariés et le droit de participer à leur élection à la détention d’un « contrat de travail antérieur de trois mois à la date de l’élection ».

Par symétrie, le projet de loi détermine, d’autre part, les personnes éligibles eu égard à la détention d’un contrat de travail. Ne peuvent se présenter afin d’obtenir un mandat d’administrateur représentant les salariés que les personnes possédant « un contrat de travail avec la société ou ses filiales directes ou indirectes antérieur de deux années au moins à leur désignation et correspondant à un emploi effectif ». Logiquement, le projet de loi écarte cette condition d’ancienneté – moindre en termes de durée que celle des salariés – dans le cas de sociétés constituées depuis moins longtemps que l’ancienneté ainsi requise. Cette disposition apparaît en parfaite cohérence avec l’ensemble des articles du code de commerce déjà évoqués et destinés à la protection des administrateurs salariés. En effet, la possession d’un contrat de travail d’une certaine durée semble d’autant mieux les habiliter à prendre part aux décisions des conseils d’administration ou de surveillance qu’elle constitue un gage d’engagement assez durable dans l’entreprise et d’une meilleure connaissance de son fonctionnement. On notera à cet égard que l’ensemble des textes qui organisent la participation des administrateurs représentant les salariés à la gouvernance des entreprises ont recours à ce critère dans les mêmes termes.

En outre, à l’instar des dispositifs existants, l’article 5 prévoit une présentation des candidats par les organisations syndicales les plus représentatives au sens de l’article L. 2122-1 du code du travail, c’est-à-dire des organisations qui, remplissant un certain nombre de critères définis par le législateur, jouissent d’une présomption de représentativité et ont recueilli, dans une entreprise ou un établissement, au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants. Il s’agit là d’une solution assez commune qui peut s’analyser comme destinée à d’assurer la qualité des candidatures. On retrouve du reste cette forme de parrainage notamment dans les dispositions de l’article 17 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 sur la démocratisation du secteur public.

Enfin, le projet de loi reprend également des règles appliquées de longue date dans les secteurs publics et privés en ce qui concerne le mode de scrutin.

En premier lieu, il affirme le caractère secret du vote. En second lieu, il prévoit l’organisation de l’élection des administrateurs représentant les salariés suivant un mode de scrutin qui est soit un scrutin majoritaire à deux tours, soit un scrutin de liste à la représentation proportionnelle au plus fort reste et sans panachage. La mise en œuvre de l’un ou l’autre des modes de scrutins tient logiquement, pour des raisons relatives à la logique même de ces modalités de choix des candidats, au nombre des sièges en jeu : scrutin majoritaire pour un siège ; scrutin proportionnel pour un nombre de siège supérieur à deux mandats. De manière également très classique, l’article 5 prévoit des modalités de candidature et des règles de désignation du ou des vainqueur(s) du scrutin qui valent dans l’ensemble des dispositifs permettant l’élection d’administrateurs par les salariés. Dans le cadre du scrutin majoritaire, il s’agit : de l’obligation d’assortir chaque candidature du nom du remplaçant du candidat ; le principe de l’élection au 1er tour du candidat ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés et de la nécessité de recueillir au second tour une majorité relative. Dans le cadre du scrutin proportionnel, il s’agit de l’obligation pour chaque liste de comporter un nombre de candidats double de celui des sièges à pourvoir.

Par ailleurs, l’article 5 du projet de loi organise une procédure de résolution des litiges relatifs à la participation au scrutin des candidats et des électeurs, à l’organisation du processus électoral et à son résultat. Suivant des principes de droit commun, il confie au juge d’instance la compétence pour examiner et trancher en dernier ressort les contentieux ayant trait « à l’électorat, l’éligibilité et à la régularité des opérations électorales ». Il fait ainsi application expressément, par le renvoi à l’article L. 2324-23 du code du travail, des procédures prévues pour le règlement des contestations touchant à l’élection du comité d’entreprise.

L’article 5 institue, pour la désignation des administrateurs représentant les salariés dans les entreprises qui remplissent les conditions fixées par le projet de loi, trois procédures indirectes assez nouvelles dans la mesure où l’élection apparaît comme la règle et où ces procédures de désignation instituées par le projet font intervenir les organes des instances représentatives du personnel et les organisations syndicales les plus représentatives.

• La première modalité introduite dans le code de commerce par les articles créés par le présent projet de loi consiste en la désignation, selon le cas, par le comité de groupe, le comité central d’entreprise, ou le comité d’entreprise.

Ce faisant, le projet de loi confère un pouvoir nouveau aux instances représentatives du personnel tout en prenant en considération la structuration de l’activité des entreprises entre « sociétés mères » et filiales ainsi que leur possible appartenance à un groupe plus large.

Tel apparaît être le sens, outre l’objectif d’un champ d’application large du projet de loi, de la distinction entre le comité de groupe, le comité central d’entreprise, ou le comité d’entreprise. Ainsi, le projet de loi vise chacune des instances représentatives du personnel pertinentes suivant la taille de la société et son organisation. L’atteste par exemple la mention de l’article L. 2331-1 du code du travail qui définit un comité de groupe comme étant « constitué au sein du groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. » Ainsi, le projet de loi appréhende la complexité inhérente aux modalités de contrôle des entreprises.

On peut, en outre, parler d’une extension des instances représentatives du personnel dans la mesure où les compétences dont disposent ces organismes en application du code du travail ne les amènent pas à interférer dans la composition des conseils d’administration ou de surveillance. Tout au plus doit-on relever que dans le cadre des procédures de consultations et de saisine qu’il entretient avec ces instances de gouvernance des entreprises, en application de l’article L. 2323-65 du code du travail, le comité d’entreprise bénéficie d’une représentation auprès d’elles « dans les sociétés anonymes dans lesquelles le conseil d'administration ou de surveillance comprend des administrateurs ou des membres élus par les salariés au titre des articles L. 225-27 et L. 225-79 du code de commerce », qui énoncent les modalités actuelles de désignation des administrateurs représentant les salariés. Dès lors, on peut accessoirement estimer judicieux que le IV de l’article 5 du projet de loi, en modifiant l’article L. 2323-65 précité de sorte d’inclure dans son champ d’application les administrateurs élus ou désignés suivant les procédures que le présent texte institue, contribue à étendre le périmètre des sociétés dans lesquelles le comité d’entreprise dispose d’une représentation auprès des conseils d’administration ou de surveillance.

Cela étant, d’un point de vue strictement légistique, il peut apparaître souhaitable de préciser le périmètre des sociétés au sein desquelles cette procédure de désignation trouverait à s’appliquer. De fait, les mots : « de la société mentionnée au premier alinéa » au 2° du III des articles L. 225-27-1 [nouveau], L. 225-79-2 [nouveau], L. 226-4-2 [nouveau] sont insuffisamment clairs pour renvoyer aux dispositions des articles créés par le projet de loi qui déterminent les entreprises relevant de son champ d’application. C’est la raison pour laquelle la commission des Lois a adopté un amendement présenté par son rapporteur pour avis à des fins de précision.

• La seconde procédure indirecte prévue par le présent texte est la désignation des administrateurs par les organisations syndicales ayant le plus grand nombre de suffrages au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel.

Cette procédure repose donc sur la notion de représentativité déjà évoquée et consacrée à l’article L. 2122-1 du code du travail. Elle a vocation à être mise en œuvre conformément aux critères qui définissent le périmètre des entreprises auxquels s’appliquent les obligations de l’article 5, à savoir les sociétés et leurs filiales directes ou indirectes sur le territoire français.

En revanche, le dispositif présente une originalité en ce que, suivant le nombre d’administrateurs à désigner, la procédure implique l’intervention : de l’organisation syndicale ayant obtenu le plus de suffrage au premier tour des élections précitées pour la désignation d’un administrateur représentant les salariés ; des deux organisations syndicales ayant obtenu le plus de suffrages au premier tour des élections précitées quand la procédure de désignation vise à pourvoir deux sièges d’administrateurs, chacun désignant l’un des deux administrateurs.

En complétant les dispositions prévoyant la présentation des candidatures par ce dispositif, le présent projet de loi tend donc à conforter la possibilité pour les organisations syndicales représentatives d’être actrices de la gouvernance de l’entreprise, en dehors des procédures de consultation et des compétences des institutions représentatives du personnel. Ainsi, le texte s’inscrit dans une démarche de rénovation du dialogue social et de responsabilisation de ses acteurs, perspective qui n’est pas sans rappeler celle qui a conduit au processus de négociations dont l’ANI du 11 janvier 2013 marque l’aboutissement.

• La dernière modalité de désignation organisée par l’article 5 du projet de loi constitue en réalité une procédure mixte de choix des administrateurs représentant les salariés qui ne présentent un caractère spécifique que dans la mesure où il permet de tenir compte de la situation spécifique des entreprises transnationales de l’Union européenne.

En l’occurrence, le texte dispose que, dans l’hypothèse où une société doit accorder deux sièges d’administrateur représentant les salariés au sein de son conseil d’administration ou de surveillance, la désignation de l’un des deux administrateurs appartient aux instances représentatives du personnel auxquelles s’assimilent en partie : le comité d’entreprise européen ; l’organe assurant la représentation des salariés des sociétés européennes (telles que définies par l’article L. 2351-1 du code de commerce) mentionné à l’article L. 2352-16 du code du travail ; le comité de la société européenne (mentionné à l’article L. 2353-1 du code du travail). Le choix de l’autre administrateur procède soit d’une élection directe par les salariés (suivant des modalités identiques à celles identifiées précédemment), soit d’une désignation par les instances représentatives du personnel précédemment énumérées ou encore par l’organisation syndicales ayant recueilli le plus de suffrage au premier tour des élections organisées dans une entreprise ou un établissement (en application de l’article L. 2122-1 du code du travail).

Par le biais des modalités distinctes de désignation de ce « binôme », le dispositif porté par le projet de loi apparaît de nature à renforcer la qualité de la gouvernance des grandes entreprises. En effet, en permettant la participation d’un administrateur désigné par le comité d’entreprise européen, on favorise l’appréhension par les conseils d’administration ou de surveillance des problèmes et des perspectives touchant au déploiement des activités d’un groupe ou d’une entreprise au sein de l’Union européenne, et pas seulement à l’échelle nationale ; on amène à élargir le champ de réflexion des membres des conseils en permettant la remontée d’information de l’ensemble des parties d’un groupe dont on consolide par ailleurs l’identité.

À cet effet, le projet de loi introduit dans le code de commerce des dispositions ayant pour objet de permettre le remplacement d’un administrateur élu ou désigné par les salariés qui, de manière définitive, ne se trouve plus en mesure d’exercer son mandat.

Telle est la finalité : de l’article L. 225-34-1 [nouveau] (pour les sociétés anonymes à conseil d’administration et direction générale) ; du 2° du II de l’article 5 du projet de loi qui complète l’article L. 225-80 du code de commerce (pour les sociétés anonymes à conseil de surveillance et directoire) ; du renvoi aux règles applicables en la matière aux sociétés anonymes que vise l’article L. 226-4-4 [nouveau] même si celui-ci se révèle inopérant compte tenu de la mention : « articles L. 225-28 à L. 225-34 » (pour les sociétés en commandite par actions), la mention correcte devant renvoyer à l’article L. 225-34-1 (disposition pertinente pour les sociétés anonymes).

D’une part, l’article 5 du projet de loi définit la notion de « vacance » d’un siège d’administrateur représentant les salariés. Cette notion inclut de manière assez classique le décès, la démission, la révocation, la rupture du contrat de travail. Cela étant, l’énumération des circonstances constitutives de cette situation ne revêt pas un caractère limitatif puisque l’article 5 indique « pour toute autre cause que ce soit ».

D’autre part, le projet de loi précise les modalités de remplacement des administrateurs dont le siège deviendrait vacant pour ces motifs. Par parallélisme des formes, il prévoit logiquement le recours aux procédures d’élection ou de désignation employées initialement pour le choix de l’administrateur laissant un siège vacant et s’appuie sur les règles encadrant la présentation des candidatures. Les procédures que le texte prévoit sont :

–  l’attribution du siège vacant au remplaçant d’un candidat élu dans le cadre d’un scrutin majoritaire à deux tours ;

–  le remplacement par le candidat figurant immédiatement après le candidat sur la liste en cas de scrutin de liste à la proportionnelle ;

–  le cas échéant, l’engagement d’une nouvelle procédure de désignation suivant les mêmes modalités que celles prévues aux 2° à 4° de l’article L. 225-27-1 inséré dans le code du commerce, autrement dit la désignation soit par les instances représentatives du personnel, soit par la première ou les deux premières organisation(s) syndicale(s) ayant recueilli le plus de suffrages à des élections organisées dans une entreprise ou un établissement ou encore par le comité européen, l’organe de représentation des salariés des sociétés européennes ou le comité de la société européenne.

Enfin, l’article 5 du projet de loi établit un principe de simultanéité de la fin des mandats des administrateurs élus ou désignés qui ont accompli la totalité de leur mandat et ceux qui sont appelés à remplacer un administrateur laissant un siège vacant. Dans ces conditions, le projet de loi tend à favoriser une certaine continuité de la participation des administrateurs salariés ainsi que la stabilité des conseils d’administration ou de surveillance en prévenant un décalage dans l’organisation des scrutins et des procédures de désignation. Il reprend ainsi une solution classique que l’on trouve par exemple dans le secteur public, en application de l’article 11 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983.

Toutefois, le dispositif porté par le présent projet de loi semble pouvoir être amélioré sur deux points.

Sur un plan strictement légistique tout d’abord, on notera que la création d’un article spécifique afin de préciser les modalités de remplacement d’un administrateur élu ou désigné par les salariés ne va pas de soi. S’agissant en tout cas des sociétés anonymes à conseil d’administration et à direction générale, on peut tout à fait concevoir de se contenter d’une modification du dispositif de l’article L. 225-34 qui traite déjà des conditions de remplacement d’un administrateur représentant les salariés. Par renvoi à cette disposition modifiée, on pourrait régler la situation des sociétés anonymes à conseil de surveillance et directoire en ajoutant simplement les mentions nécessaires à la prise en compte des procédures d’élection et de désignation créées par l’article 5.

À supposer que l’on opte pour le maintien d’une disposition ad hoc, il apparaît en tous cas souhaitable d’apporter deux correctifs à l’article L. 225-34-1 inséré par le projet de loi. Le premier porte sur la mention de l’article L. 225-79-2 au premier alinéa du I de cet article, laquelle semble avoir pour objectif de rendre applicables les règles de remplacement aux sociétés anonymes dotées d’un conseil de surveillance et d’un directoire. En effet, cette mention se révèle superflue dans la mesure où l’article L. 225-80 du même code, tel que modifié par le 2° du II de l’article 5 du projet de loi, règle la situation de ces sociétés et renvoie également aux modalités de remplacement d’un administrateur représentant les salariés prévues par l’article L. 225-34-1. Le deuxième correctif envisageable porte correctif porte sur la référence « aux septième, huitième ou neuvième alinéas de l’article L. 225-27-1 » énoncée au 2° de l’article L. 225-34-1. En effet, ce renvoi se révèle inopérant dès lors que les procédures de désignation qu’il vise devraient être indiquées par la référence aux 2° à 4° du III de l’article L. 225-27-1 inséré dans le code de commerce.

C’est afin d’améliorer le dispositif de l’article 5 sur tous ces points que la commission des Lois a adopté deux amendements présentés par son rapporteur pour avis.

Sur le fond, deux problèmes se posent du point de vue des délais de mise en œuvre des procédures de remplacement d’un administrateur élus ou désignés par les salariés qui laisserait son siège vacant. Ainsi, on ne trouve a priori aucune précision dans le projet de loi quant à la date à laquelle la vacance est constatée et à partir de laquelle les procédures de remplacement d’un administrateur devraient être engagées afin qu’un remplaçant soit élu ou désigné dans un délai déterminé.

Sur la base de ce constat, le rapporteur pour avis a estimé plus sage, de prévoir expressément dans la loi les conditions de mise en œuvre des procédures de remplacement des administrateurs représentant les salariés, même si cette question fait l’objet de précision dans les statuts de nombreuses sociétés. La commission des Lois a approuvé ce raisonnement en adoptant un amendement qu’il lui avait présenté.

L’article 5 de projet de loi comporte en l’occurrence deux dispositifs destinés à assurer son application effective dans des délais compatibles avec ceux énoncés par l’article 13 de l’ANI du 11 janvier 2013.

Le premier vise spécifiquement à régler le problème des entreprises qui n’auraient pas modifié leurs statuts de sorte de se conformer à l’obligation d’assurer la participation des administrateurs représentant les salariés dans les délais prescrits par la loi. Le second, plus classique, réside dans une disposition finale de l’article 5 indiquant la date de son entrée en vigueur.

L’article 5 du projet de loi établit ainsi un dispositif destiné à amener les entreprises à modifier leurs statuts afin d’organiser, suivant la procédure de leur choix, l’élection ou la désignation des administrateurs représentant les salariés et ayant vocation à siéger au sein de leur conseil d’administration ou de surveillance. Il inclut dans le champ d’application de cette procédure l’ensemble des sociétés commerciales assujetties aux obligations créées par le projet de loi par l’énoncé de règles identiques au IV des articles suivants insérés dans le code de commerce : l’article L. 225-27-1 [nouveau ] (pour les sociétés anonymes dotées d’un conseil d’administration et d’une direction générale) ; l’article L. 225-79-2 [nouveau] (qui traite des sociétés anonymes à conseil de surveillance et à directoire) ; l’article L. 226-4-2 [nouveau] (relatif aux sociétés en commandite par actions).

D’une part, pour les entreprises remplissant les conditions qu’il édicte, l’article 5 fixe un délai pour modifier leurs statuts afin de permettre la participation des administrateurs salariés aux conseils d’administration ou de surveillance : un délai de six mois à compter de la clôture du second des deux derniers exercices pris en considération pour apprécier si, compte tenu de l’effectif de son personne, une entreprise entre dans le champ d’application du projet de loi.

D’autre part, le présent texte prévoit qu’à l’expiration de ce délai, les entreprises ne s’étant pas mises en conformité avec l’obligation posée par la loi se voient dans l’obligation d’organiser l’élection des administrateurs représentant les salariés dans les conditions définies par l’article L. 225-28-1 (pour les sociétés anonymes) et L. 226-4-3 (pour les sociétés en commandite par actions) insérés dans le code de commerce. L’article 5 prévoit en conséquence l’organisation d’un scrutin dans un délai maximal de six mois à compter, suivant le cas, de deux événements :

–  du refus des modifications statutaires nécessaires par l’assemblée générale extraordinaire (dans le cas des sociétés anonymes) ou de la dernière assemblée générale des commanditaires ou des commandités ayant refusé les modifications statutaires (dans le cas des sociétés en commandite par actions) ;

–  de la tenue de l’assemblée générale statuant sur les comptes du second des deux exercices clos pris en considération pour déterminer si les entreprises sont assujetties à l’obligation consacrée par la loi.

Dans ces termes, le projet de loi propose un dispositif relativement incitatif dans la mesure où il conduit les entreprises à réaliser un arbitrage : soit modifier leurs statuts dans le délai imparti par les dispositions du code de commerce, soit perdre la possibilité a priori temporairement de choisir les procédures de désignation des administrateurs représentant les salariés qu’ouvre la loi. Du reste, il établit un dispositif cohérent avec le renvoi aux statuts pour déterminer les procédures d’élection ou désignation des salariés.

Cela étant, le dispositif comporte deux incertitudes du point de vue de sa mise en œuvre. La première tient à l’absence de disposition expresse en ce qui concerne la date d’achèvement du mandat des administrateurs ainsi élu par les salariés par rapport à la périodicité du renouvellement des conseils d’administrations ou de surveillance (par exemple dans le cas d’un renouvellement intégral de ces instances).

La seconde réside dans la discordance au moins optique que recèle la coexistence, dans le même article, de plusieurs dates servant de point de départ au délai de six mois à l’expiration duquel doit être organisée une élection des administrateurs représentant les salariés. Si l’alinéa 1er du IV de chacun articles insérés dans le code de commerce précédemment évoqués fait courir ce délai à compter de la clôture du second des deux exercices pris en considération pour l’application de la loi, les 1° et 2° de ces mêmes dispositions prennent pour référence un acte et la date d’une réunion de l’assemblée générale extraordinaire (pour les sociétés anonymes) ou de l’assemblée des commanditaires ou des commandités. Dans ces conditions, il semble que la date à partir de laquelle l’entreprise contrevient à ses obligations pourrait ne pas être la même que celle à compter de laquelle court le délai maximal pour organiser une élection si les statuts n’ont pas été modifiés.

Afin d’apporter quelques précisions à ce dispositif, la commission des Lois a jugé nécessaire d’adopter cinq amendements qui visent à clarifier : le renvoi aux alinéas des articles nouveaux créés dans le code de commerce qui énoncent les obligations nécessitant des modifications statutaires ; la référence à l’exercice clos à partir duquel les sociétés doivent, dans un délai de six mois, intégrer des administrateurs représentant les salariés dans les conseils d’administration ou de surveillance, si elles n’ont pas procédé aux modifications statutaires leur permettant de se mettre en conformité avec la loi.

Le V de l’article 5 du projet de loi fixe la date d’entrée en vigueur de la loi s‘agissant de l’obligation d’assurer la participation des administrateurs représentant les salariés. Il prévoit en l’occurrence que « la désignation des administrateurs mentionnés à l’article L. 225-27-1 du code de commerce et des membres du conseil de surveillance mentionnés aux articles L. 225-79-2 et L. 226-4-2 doit intervenir au plus tard le premier jour du vingt-sixième mois suivant la publication de la présente loi. »

En fixant cette échéance, le texte respecte scrupuleusement les stipulations de l’ANI du 11 janvier 2013. De prime abord, il ménage un délai suffisant pour les entreprises se conforment à l’obligation consacrée par la loi en modifiant leurs statuts.

Néanmoins, il peut apparaître souhaitable de préciser les conditions d’entrée en vigueur de ce dispositif sur au moins deux points. Le premier porte sur l’énoncé des procédures que les entreprises devraient mettre en œuvre afin d’assurer la participation des administrateurs représentant les salariés aux conseils d’administration ou de surveillance. Le terme « désignation » revêt formellement un caractère restrictif alors que les administrateurs peuvent être également élus directement par les salariés, procédure à laquelle ne renvoie pas le terme « désignation » au sens des dispositions insérées dans le code de commerce par le présent texte. Le second point porte sur la coordination entre, d’une part, la date d’entrée en vigueur de la loi prévue par le V du présent article et, d’autre part, le point de départ des délais précédemment évoqués au-delà desquels, en l’absence de modification des statuts, les entreprises contreviennent à leurs obligations. La prise en compte du second des deux derniers exercices pris en considération pour apprécier l’application des critères de la loi et à partir duquel court le délai de six maximal pour organiser une élection des administrateurs n’apparaît pas en effet nécessairement compatible ave le respect de la date d’entrée en vigueur de la loi.

*

* *

La Commission examine d’abord l’amendement CL 1 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement de précision est, vous le verrez, le premier d’une série. Il vise à préciser les références au code de commerce, qui sont très complexes.

Mme Marie-Françoise Bechtel. J’ai regardé attentivement ces amendements : à vrai dire, ils ne changent rien. Mais ils ne posent pas de problème non plus.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Ce sont bien des amendements de précision. Ils ne visent pas à changer le texte.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Ils ne précisent pas vraiment le texte : ces rédactions sont absolument équivalentes à celles que propose le projet de loi, et pas nécessairement meilleures.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je ne suis pas certain que ce débat légistique, que nous aimerions avoir, soit de nature à passionner tous nos collègues.

M. le rapporteur pour avis. Nous avons assez légiféré afin de simplifier la loi et de la rendre plus intelligible pour savoir que beaucoup de textes avaient été mal écrits : essayons d’établir dès le départ le cadre le plus clair possible.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Je ne désapprouve pas vos amendements, monsieur le rapporteur pour avis, mais j’estime que leur rédaction est équivalente à la rédaction actuelle de l’article. Il faudra de toute façon que le législateur demeure attentif aux modifications qui pourraient être apportées à la liste des sociétés concernées.

La Commission adopte l’amendement CL 1.

Elle examine ensuite l’amendement CL 2 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à renvoyer précisément aux dispositions du code du commerce qui, d’une part, fixent le nombre d’administrateurs représentant les salariés devant siéger dans les conseils d’administration ou de surveillance en fonction de l’effectif de ces instances et, d’autre part, définissent les procédures applicables pour leur élection par les salariés ou pour leur désignation indirecte par le biais des organisations syndicales représentatives et des instances représentatives du personnel. En effet, en l’état, le projet de loi ne fait pas apparaître clairement l’objet des modifications statutaires dont la non-approbation par l’assemblée générale entraînerait l’organisation d’une élection de ces administrateurs.

Cette précision nous est donc apparue utile, madame Bechtel, mais peut-être est-ce parce que nous nous sommes penchés trop longuement sur ce texte !

La Commission adopte l’amendement CL 2.

Elle adopte ensuite, successivement, les amendements de précision CL 3 à CL 8, puis l’amendement de coordination CL 21, tous du rapporteur pour avis.

Elle examine ensuite l’amendement CL 9, du même auteur.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à actualiser le champ des incompatibilités entre, d’une part, un mandat d’administrateur élu ou désigné par les salariés et, d’autre part, un mandat de membre d’organes de concertation avec les salariés assimilables, dans les sociétés européennes, aux institutions représentatives du personnel.

La Commission adopte l’amendement CL 9.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CL 10 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Afin de consacrer le droit des administrateurs élus ou désignés par les salariés à disposer du temps nécessaire à l’exercice de leur mandat, cet amendement les fait bénéficier d’une règle similaire à celle que pose l’article L. 2325-6 du code du travail : l’employeur devra leur laisser « le temps nécessaire à l’exercice de leurs fonctions, dans la limite d’une durée fixée par décret et qui, sauf circonstances exceptionnelles, ne peut excéder vingt heures par mois ».

Un amendement sera présenté en commission des Affaires sociales à la même fin, à cette différence près que ses auteurs ont souhaité l’insérer dans le code du travail alors que celui-ci tend à modifier le code du commerce. Je n’ai pas la prétention de trancher ici entre les deux solutions : nous verrons ce que décidera la commission saisie au fond.

La Commission adopte l’amendement CL 10.

Elle examine ensuite l’amendement CL 11, également du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement tend à consacrer le droit des mêmes administrateurs à bénéficier d’un temps de formation : il en va de l’efficacité de leur présence et de leur action au service des salariés.

Sur ce point aussi, des amendements proches seront présentés en commission des Affaires sociales et le Gouvernement également est tout à fait conscient de l’importance de cette question. Toutefois, les arbitrages définitifs seront peut-être rendus un peu plus tard.

La Commission adopte l’amendement CL 11.

Elle adopte ensuite successivement l’amendement CL 12, tendant à rectifier une erreur matérielle, l’amendement de cohérence CL 13 et l’amendement de précision CL 14, tous du rapporteur pour avis.

Puis elle se saisit de l’amendement CL 15, du même auteur.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit encore ici d’un amendement de précision.

L’inscription de ces dispositions dans la loi est-elle suffisante, ou bien doivent-elles figurer aussi dans les statuts des entreprises ? Le Gouvernement s’interroge. En ce qui me concerne, je préfère, quand c’est possible, cette seconde solution : en pratique, on prend souvent la précaution de faire figurer les dispositifs législatifs dans le corps même des statuts, pour éviter des oublis. Il y a une nuance d’appréciation, mais l’important est bien que la loi s’applique. Je ne peux évidemment pas arbitrer ici.

La Commission adopte l’amendement CL 15.

Puis elle adopte successivement l’amendement de cohérence CL 16, les amendements de coordination CL 17 et CL 18 et les amendements de précision CL 20 et CL 19, tous du rapporteur pour avis.

Enfin, la commission des Lois émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 sous réserve des modifications apportées par les amendements qu’elle a adoptés.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement CL1 présenté par M. Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis :

Article 5

À la fin des alinéas 9, 52 et 70, remplacer les mots : « au premier alinéa » par les mots : « au I du présent article »

Amendement CL2 présenté par M. Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis :

Article 5

Aux alinéas 12, 55 et 73, remplacer les mots : « cinquième à neuvième alinéas » par les mots : « II et III du présent article »

Amendement CL3 présenté par M. Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis :

Article 5

À la fin des alinéas 12, 55 et 73, remplacer les mots : « du second exercice mentionné au premier alinéa » par les mots : « du second des deux exercices mentionnés au I du présent article »

Amendement CL4 présenté par M. Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis :

Article 5

À la fin des alinéas 12, 55 et 73, remplacer les mots : « au sixième alinéa » par les mots : « du 1° du III du présent article »

Amendement CL5 présenté par M. Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis  :

Article 5

Aux alinéas 15 et 58, remplacer les mots : « du second exercice clos mentionné au premier alinéa » par les mots : « du second des deux exercices mentionné au I du présent article »

Amendement CL6 présenté par M. Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis :

Article 5

Aux alinéas 15 et 58, remplacer les mots : « aux cinquième à neuvième alinéa » par les mots : « II et III du présent article »

Amendement CL7 présenté par M. Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis :

Article 5

Après les mots : « l’article 8-1 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 », rédiger ainsi la première phrase des alinéas 17 et 60 : « ne sont pas soumises à l’obligation prévue aux I, II et III du présent article dès lors que le nombre de ces administrateurs est au moins égal au nombre prévu au II du présent article. »

Amendement CL8 présenté par M. Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis :

Article 5

Au début de la seconde phrase des alinéas 17 et 60, remplacer les mots : « n’est pas égal au nombre prévu par le troisième alinéa », par les mots : « est inférieur au nombre prévu par le II du présent article »

Amendement CL21 présenté par M. Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis :

Article 5

Après l’alinéa 25, insérer l’alinéa suivant :

« 2° bis Au troisième alinéa de l’article L. 225-22 du code de commerce, après le mot : « élus », est inséré le mot : « ou désignés ».

Amendement CL9 présenté par M. Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis :

Article 5

Après l’alinéa 31, insérer l’alinéa suivant :

« a) bis Après la première phrase de l’article L. 225-30, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Le mandat d’administrateur élu ou désigné par les salariés est également incompatible avec tout mandat de membre d’un comité d’entreprise européen, s’il existe, ou pour les sociétés européennes au sens de l’article L. 2351-1 du code du travail, de membre de l’organe de représentation des salariés mentionné à l’article L. 2352-16 du code du travail ou de membre d’un comité de société européenne mentionné à l’article L. 2353-1 du code du travail. » ;

Amendement CL10 présenté par M. Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis :

Article 5

Après l’alinéa 32, insérer les alinéas suivants :

« 4° bis Après l’article L. 225-30, il est inséré un article L. 225-30-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 225-30-1. – L'employeur laisse aux administrateurs élus ou désignés par les salariés en application de l’article L. 225-27-1 le temps nécessaire à l'exercice de leurs fonctions, dans la limite d'une durée fixée par décret et qui, sauf circonstances exceptionnelles, ne peut excéder vingt heures par mois. »

Amendement CL11 présenté par M. Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis :

Article 5

Après l’alinéa 32, insérer les alinéas suivants :

« 4° bis Après l’article L. 225-30, il est inséré un article L. 225-30-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 225-30-2. – Les administrateurs élus ou désignés par les salariés pour la première fois bénéficient, dans les conditions et limites prévues à l'article L. 3142-13, d'un stage de formation économique d'une durée maximale de cinq jours dispensé soit par un organisme figurant sur une liste arrêtée par l'autorité administrative dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État, soit par un des organismes mentionnés à l'article L. 3142-7. Cette formation est renouvelée lorsqu'ils ont exercé leur mandat pendant quatre ans, consécutifs ou non.

Le temps consacré à cette formation est pris sur le temps de travail et est rémunéré comme tel. Il n'est pas déduit des heures consacrées à l’exercice du mandat d’administrateur en application de l’article. L. 225-30-1. Il est imputé sur la durée du congé de formation économique, sociale et syndicale prévu aux articles L. 3142-7 et suivants.

Le financement de la formation économique est pris en charge par la société. »

Amendement CL12 présenté par M. Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis :

Article 5

À l’alinéa 40, après les mots : « d’administrateur », insérer les mots : « élu »

Amendement CL13 présenté par M. Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis :

Article 5

À la fin de l’alinéa 40, remplacer les mots : « , selon le cas, à l’article L. 225-27-1 ou L. 225-79-2 », par les mots : « à l’article L. 225-27-1, »

Amendement CL14 présenté par M. Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis :

Article 5

À l’alinéa 42, remplacer les mots : « aux septième, huitième ou neuvième alinéas » par les mots : « aux 2° à 4°»

Amendement CL15 présenté par M. Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis :

Article 5

Après l’alinéa 42, insérer l’alinéa suivant :

« Les procédures prévues aux 1° et 2° du présent article sont engagées dès la constatation de la vacance d’un siège et dans des délais compatibles avec l’objectif d’assurer la continuité de la participation des administrateurs élus ou désignés au conseil d’administration. »

Amendement CL16 présenté par M. Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis :

Article 5

Supprimer l’alinéa 85.

Amendement CL17 présenté par M. Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis :

Article 5

À l’alinéa 87, après le mot : « contestations », insérer les mots : « de la régularité des opérations électorales »

Amendement CL18 présenté par M. Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis :

Article 5

À l’alinéa 87, remplacer la référence : « L. 225-34 » par la référence : « L. 225-34-1 »

Amendement CL20 présenté par M. Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis :

Article 5

Après l’alinéa 87, insérer les alinéas suivants :

« III bis. – L’article L. 2325-6 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 4° Aux administrateurs élus ou désignés par les salariés en application des articles L. 225-27-1, L. 225-79-2 et L. 226-4-2 du code de commerce. »

Amendement CL19 présenté par M. Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis :

Article 5

Rédiger ainsi le début de l’alinéa 91 :

« V. –  L’élection ou la désignation »

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

Mercredi 20 mars 2013

Table ronde réunissant les organisations patronales

• Mouvement des entreprises de France (MEDEF)

—  M. Benoît ROGER-VASSELIN, président de la commission des relations du travail et de l’emploi

—  Mme Joëllle SIMON, directrice des affaires juridiques

—  Mme Isabelle TREMEAU, directrice adjointe à la direction des affaires juridiques

—  Mme Ophélie DUJARRIC, chargée de mission senior à la direction des affaires publiques

• Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME)

—  M. Georges TISSIÉ, directeur des affaires sociales

Table ronde réunissant les organisations syndicales

• Confédération française de l'encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC)

—  Mme Marie-Françoise LEFLON, secrétaire nationale secteur emploi

—  Mme Laurence MATTHYS, responsable du pole emploi formation

• Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

—  M. Joseph THOUVENEL, vice président

• Confédération française démocratique du travail (CFDT)

—  M. Olivier BERDUCOU, secrétaire confédéral

Jeudi 21 mars 2013

• Force ouvrière (FO)

—  Mme Heïdi AKDOUCHE, conseillère juridique à la section conventions collectives

© Assemblée nationale