N° 983
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 23 avril 2013.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche,
PAR M. Olivier VÉRAN,
Député.
——
Voir le numéro :
Assemblée nationale : 835.
INTRODUCTION 5
A. LA MISE EN PLACE DE LA PREMIÈRE ANNÉE D’ÉTUDES COMMUNE AUX ÉTUDES DE SANTÉ N’A PAS REMPLI TOUTES SES PROMESSES 7
1. La création d’une première année commune aux études de santé visait à mettre fin au « gâchis humain » 7
2. Le bilan de la première année commune aux études de santé révèle des dysfonctionnements auxquels il faut remédier 9
B. L’ARTICLE 22 DU PROJET DE LOI PROPOSE DES SOLUTIONS NOVATRICES AFIN DE METTRE FIN À LA SÉLECTION PAR L’ÉCHEC ET DIVERSIFIER LE RECRUTEMENT DES FUTURS PROFESSIONNELS 11
1. Faire cesser l’orientation par l’échec des étudiants 11
2. Former des professionnels qui répondent aux futurs défis de notre système de santé 12
3. L’expérimentation proposée renforce la réorientation des étudiants en difficulté et la diversification du recrutement 13
Article 22 (art. L. 631-1-1 [nouveau] du code de l’éducation) Expérimentations relatives aux études de santé 23
La Commission des affaires sociales s’est saisie pour avis de l’article 22 du projet de loi relatif à la recherche et à l’enseignement supérieur. Son enjeu est essentiel car il traite du recrutement et de la formation de nos futurs professionnels de santé. Il s’agit de permettre aux universités d’expérimenter, pour une durée maximale de six ans, de nouveaux modes de réorientation des étudiants en difficulté et d’intégration des étudiants en provenance d’autres cursus dans les études de santé via des passerelles précoces.
La loi du 7 juillet 2009 a instauré la première année commune aux études de santé (PACES).
Cette loi est née d’un constat unanime : l’organisation de ces études engendre, pour les étudiants, trop d’échecs et de frustration, de stress et de temps perdu. Il s’agissait d’ouvrir aux étudiants un nombre élargi de débouchés et une orientation adaptée afin de réduire le taux d’échec en première année ; décloisonner les études de santé et forger une culture scientifique commune aux professions médicales et pharmaceutiques ; diversifier le recrutement des futurs professionnels de santé.
Or, les premiers bilans disponibles montrent que la mise en place de la PACES n’a pas permis de rendre cette année d’études réellement formatrice et de remédier au taux d’échec massif aux épreuves de sélection organisées à son issue.
Le principal objectif de la PACES, qui est de remédier au gâchis humain, n’est pas atteint. Les taux de réussite demeurent très faibles et les réorientations tardives et peu efficaces.
C’est pour remédier à cette situation, et dans l’objectif plus général d’améliorer la réussite de tous les étudiants dans le supérieur, que le premier volet de l’article 22 prévoit la possibilité d’une orientation des étudiants de première année à l’issue d’une période de huit semaines, sur la base d’épreuves portant sur le programme des premiers mois. Seuls les étudiants considérés comme n’étant pas susceptibles d’être classés en rang utile à l’issue de la première année pourront être réorientés vers une autre filière. L’université aura dans ce cas l’obligation d’assurer leur inscription dans une formation qui les accueille dès l’année universitaire en cours.
Le deuxième apport de l’article 22 est l’ouverture de passerelles permettant d’intégrer des études de santé sans être passé par la PACES. Il faut en effet adapter la formation de nos futurs professionnels de santé aux besoins de la population, à la nécessité de bâtir une culture commune favorisant le travail en équipe et la prise en charge globale des patients, et de diversifier le profil des futurs professionnels de santé.
Si la loi de 2009 a élargi les passerelles entrantes, cette option n’est accessible qu’aux étudiants titulaires d’un master, ce qui est un facteur discriminant pour les personnes issues de catégories modestes. C’est pourquoi le projet de loi propose d’ouvrir la possibilité à des étudiants titulaires d’une licence d’intégrer la deuxième ou troisième année des études médicales, odontologiques, pharmaceutiques ou maïeutiques. Ces étudiants, recrutés sur dossier et entretien, pourront avoir à se remettre à niveau dans certaines matières, car il n’est pas question de renoncer à l’excellence du niveau d’études. Cette voie d’entrée aurait vocation à compléter et non à remplacer la voie de droit commun qu’est la PACES.
Il s’agit, d’abord et avant tout, d’éviter que cette année ne soit vécue, au pire comme un traumatisme, au mieux comme une perte de temps, par une majorité d’étudiants ; ensuite, de faire en sorte que des étudiants ayant fait la preuve de leur niveau et de leur motivation puissent intégrer les études de santé en deuxième ou troisième année.
A. LA MISE EN PLACE DE LA PREMIÈRE ANNÉE D’ÉTUDES COMMUNE AUX ÉTUDES DE SANTÉ N’A PAS REMPLI TOUTES SES PROMESSES
1. La création d’une première année commune aux études de santé visait à mettre fin au « gâchis humain »
La première année commune aux études de santé (PACES) a été instaurée par la loi du 7 juillet 2009 (1).
Déjà, l’arrêté du 18 mars 1992 relatif à l’organisation du premier cycle et de la première année du deuxième cycle des études médicales prévoyait que « la première année est commune aux études médicales, odontologiques et de sage-femme ». Ce rapprochement ne concernait pas à l’époque la première année du premier cycle des études pharmaceutiques.
Un tel rapprochement avait été préconisé par plusieurs rapports.
En 2003, le rapport de M. Domitien Debouzie (2) proposait d’instituer une première année d’études commune à diverses formations de santé pour réduire le taux d’échec et le nombre de redoublements en première année des études de médecine et de pharmacie.
Cette idée a été reprise en 2006 par la commission sur l’intégration des professions médicales et pharmaceutiques au cursus Licence-Master-Doctorat (LMD). Constatant que l’existence d’une sélection par concours rendait difficile l’application aux études médicales et pharmaceutiques du schéma LMD, M. Christian Thuillez a proposé de faire évoluer ces formations « dans un sens conforme à l’esprit du schéma LMD » afin notamment de « favoriser les réorientations des étudiants au sein des professions de santé mais également entre les différentes filières de l’université » (3).
Le rapport remis le 21 février 2008 par M. Jean-François Bach, secrétaire perpétuel de l’Académie nationale des sciences, à la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche allait dans le même sens (4).
Ce rapport a constaté que l’organisation de la première année d’études de santé « engendre trop d’échecs et de frustration, de temps perdu pour de très nombreux étudiants. Un constat d’échec d’autant plus regrettable que le niveau des bacheliers accédant à ces filières est souvent excellent comme l’atteste la proportion élevée des étudiants ayant obtenu une mention Bien ou Très Bien au baccalauréat. » Il a notamment préconisé l’organisation de quatre concours distincts, d’une meilleure information des premiers inscrits, d’une réorientation en cours et en fin d’année.
S’inspirant de ces divers travaux et s’inscrivant plus généralement dans la mise en œuvre du plan « Réussir en licence », la loi de 2009 répondait à plusieurs objectifs : ouvrir aux étudiants un nombre élargi de débouchés, et une orientation adaptée, afin de réduire le taux d’échec en première année ; décloisonner les études de santé et forger une culture scientifique commune aux professions médicales et pharmaceutiques ; diversifier le recrutement des futurs professionnels de santé.
L’article L. 631-1 du code de l’éducation, tel qu’issu de la loi de 2009, dispose que la première année des études de santé est commune aux études médicales, odontologiques, pharmaceutiques et de sage-femme.
Il confie aux ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé le soin de déterminer le nombre des étudiants admis dans chacune des filières à l’issue de la première année des études de santé, communément appelé « numerus clausus ». Il précise que ce nombre tient compte des besoins de la population ; de la nécessité de remédier aux inégalités géographiques ; des capacités de formation des établissements concernés. Quatre concours distincts, correspondant aux quatre spécialités, ont été mis en place, afin d’éviter les « choix par défaut » en fin d’année et toute hiérarchisation entre les métiers de la santé.
En outre, le même article fixe le principe d’une réorientation des étudiants dès la fin du premier semestre de la première année des études de santé ou au terme de cette dernière, assortie d’une limitation du nombre de redoublements.
Enfin, il est prévu que les candidats, « justifiant notamment de certains titres ou diplômes », peuvent être admis en deuxième ou en troisième année des études médicales, odontologiques, pharmaceutiques ou de sage-femme. Les étudiants engagés dans une filière d’études de santé peuvent également se réorienter vers une autre filière de santé à l’issue de leur troisième année. Cette procédure, dite de « droit au remords », leur permet d’être admis directement en deuxième année dans une nouvelle filière. La sélection de ces étudiants s’effectue sur dossier et sur entretien, dans le cadre de numerus clausus spécifiques fixés par arrêté.
La première année commune aux études de santé (PACES) n’a été mise en œuvre qu’à la rentrée de l’année universitaire 2010-2011, dans 40 centres universitaires. Il est cependant d’ores et déjà possible d’en tirer un premier bilan, qui révèle que les difficultés liées à l’organisation et au déroulement de ces études perdurent.
2. Le bilan de la première année commune aux études de santé révèle des dysfonctionnements auxquels il faut remédier
Selon l’étude d’impact, « la mise en place de la PACES n’a pas permis de rendre cette année d’études réellement formatrice et de remédier au taux d’échec massif des épreuves de sélection organisées à la fin de cette année d’études. »
En premier lieu, le principal objectif de la PACES, qui était de remédier au gâchis humain, n’est pas atteint.
Nombreux sont ceux qui craignaient une augmentation importante du nombre d’étudiants en première année d’études de santé. En réalité, on a constaté une diminution de l’ordre de 4 % du nombre des inscrits. En 2010-2011, on comptait 54 986 inscrits, dont 63,9 % de bacheliers de l’année et 36,1 % de redoublants et en 2011-2012, 53 404 inscrits.
Cependant, les taux de réussite demeurent faibles, du fait de la très forte sélectivité de la première année. En 2011-2012, le numerus clausus était fixé à 12 812 places (soit 24 % des inscrits en PACES), se décomposant de la façon suivante : 7 500 places en médecine, 1 200 en odontologie, 3 095 en pharmacie et 1 017 en maïeutique. 15 % des primants et 39 % des doublants ont réussi à intégrer une filière en 2010-2011, selon la Commission pédagogique nationale des études de santé. En médecine, le taux de réussite national a légèrement augmenté, passant de 15 % à 19,4 %. Avec respectivement 9,17 % et 9,52 % de taux de réussite, les filières odontologie et sage-femme apparaissent comme plus sélectives. La filière pharmacie présente le meilleur pourcentage de reçus (27,4 %).
La PACES n’a pas non plus permis de remettre en cause la hiérarchie entre les diverses spécialités.
Plus de la moitié des candidats ne passe qu’un concours, d’après le bilan dressé en novembre 2011 par la Conférence des présidents d’université (dont 72 % d’inscrits au concours de médecine). 25,7 % ont tenté deux concours en 2010-2011, 7,5 % trois concours, 4,4 % quatre concours. Pour sa part, l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France indiquait dans une lettre adressée à la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche de mars 2011 que la PACES « n’a fait que renforcer le manque d’attractivité des études de pharmacie. Le nombre d’étudiants inscrits en PACES présentant le concours de pharmacie est en nette diminution. »
Dans une lettre du 17 février 2012 adressée aux recteurs d’Académie et aux présidents des universités, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche notait que « trop d’étudiants, qui n’ont pas les aptitudes nécessaires pour suivre des cursus de santé, s’inscrivent encore dans cette année d’étude ». Il faut y voir l’effet des faiblesses de l’orientation active, qui a tardé à se mettre en place et n’est effective que dans 65 % des centres organisant la PACES.
Quant aux réorientations en fin de premier semestre, en 2010-2011, seulement 20 facultés les ont mises en place, 22 pour ce qui est de la réorientation en fin d’année. Seuls 945 étudiants ont été réorientés à l’issue du premier semestre, 5 000 en fin d’année. Mais les doyens des facultés de sciences ne peuvent pas toujours accueillir tous les recalés. De plus, le système actuel de réorientation, basé sur les enseignements du premier semestre, pêche par la lourdeur des programmes à assimiler dans un volume horaire réduit. S’y ajoute, fait souligné par les représentants des étudiants, la réduction des enseignements dirigés (alors que l’explosion des effectifs redoutée n’a pas eu lieu), ou encore l’éloignement des étudiants des services de vie étudiante du fait de la délocalisation des sites.
Par ailleurs, la PACES a-t-elle facilité les ponts entre les différentes formations ? Les passerelles vers d’autres cursus ont été développées de manière hétérogène par les universités. En ce qui concerne les passerelles d’intégration en études de santé, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche dresse le bilan présenté ci-dessous. On peut souligner le fait que tous les postes offerts ne sont pas aujourd’hui pourvus. Le profil des étudiants intégrant par cette voie les études de santé est peu documenté. Cependant, il faut noter que ces personnes sont titulaires d’un niveau master, et que les titulaires d’une licence n’ont aujourd’hui pas accès à ce dispositif, ce qui entre en contradiction avec la volonté de diversifier le profil des étudiants en santé.
Accès en deuxième année des études médicales, odontologiques, pharmaceutiques ou de sage-femme
Nombre de places fixées par arrêté du 9 mars 2012 pour chacune des filières |
Nombre de candidatures examinées par les jurys |
Nombre de candidats retenus |
Médecine : 215 |
372 |
163 |
Odontologie : 18 |
94 |
16 |
Pharmacie : 37 |
48 |
22 |
Sage-femme : 12 |
48 |
10 |
Accès en deuxième année des études médicales odontologiques, pharmaceutiques ou de sage-femme des étudiants qui souhaitent exercer
leur droit au remords (5)
Nombre de places fixées par arrêté du 9 mars 2012 pour chacune des filières |
Nombre de candidatures Examinées par les jurys |
Nombre de candidats retenus |
Médecine : 40 |
1 |
1 |
Odontologie : 12 |
25 |
11 |
Sage-femme : 7 |
5 |
2 |
Accès en troisième année des études médicales odontologiques, pharmaceutiques ou de sage-femme
Nombre de places fixées par arrêté du 9 mars 2012 pour chacune des filières |
Nombre de candidatures Examinées par les jurys |
Nombre de candidats retenus |
Médecine : 165 |
472 |
156 |
Odontologie : 12 |
74 |
10 |
Pharmacie : 21 |
45 |
21 |
Sage-femme : 7 |
33 |
7 |
Comme le souligne le récent rapport au Premier ministre de M. Jean-Yves Le Déaut (6), le système actuel cumule plusieurs défauts. D’une part, le concours de fin de première année, dont le principe n’a pas à ce jour été remis en cause, induit toujours une sélection très forte et génère encore pour la majorité des étudiants une perte de temps, qui est particulièrement problématique pour ceux qui ne sont pas classés en rang utile à l’issue des épreuves terminales et qui obtiennent une moyenne inférieure à 10/20. D’autre part, la PACES n’a pas remis en cause la hiérarchie entre les différentes disciplines, voire même ont pu nuire à l’attractivité de certaines spécialités, comme les études pharmaceutiques. Enfin, les passerelles « entrantes » et « sortantes » sont aujourd’hui insuffisamment développées. Il convient donc d’apporter des solutions innovantes pour améliorer le dispositif actuel.
B. L’ARTICLE 22 DU PROJET DE LOI PROPOSE DES SOLUTIONS NOVATRICES AFIN DE METTRE FIN À LA SÉLECTION PAR L’ÉCHEC ET DIVERSIFIER LE RECRUTEMENT DES FUTURS PROFESSIONNELS
1. Faire cesser l’orientation par l’échec des étudiants
Comme le souligne le rapport précité de M. Jean-Yves Le Déaut, pendant des dizaines d’années, l’accès à l’enseignement supérieur a été considéré comme un passeport pour la réussite. Ce système s’est grippé avec la massification de l’accès à l’enseignement supérieur (2 400 000 étudiants en 2012). 530 000 bacheliers ont été diplômés en 2010, dont 280 000 de l’enseignement général, 133 000 de l’enseignement technologique et 117 000 de l’enseignement professionnel. Seuls 70 % d’entre eux poursuivent des études supérieures car un grand nombre des bacheliers professionnels entrent sur le marché du travail et trouvent un emploi ou restent malheureusement au chômage. 50 % de ces étudiants choisissent des filières sélectives et 35 % entrent à l’Université. Dans le système français rien n’est rattrapable. Les systèmes sont fermés, la sélection est organisée sauf à l’Université, mais rien n’est fait pour ceux qui échouent, soit parce qu’ils se sont fourvoyés, soit parce qu’ils n’étaient pas matures.
Les études de santé n’obéissent que trop à cette logique. L’organisation de la première année des études de santé engendre une sélection par l’échec d’étudiants le plus souvent brillants et motivés. Elle induit un stress permanent qui ne peut qu’altérer les conditions d’apprentissage, par ailleurs rendues difficiles par l’encombrement excessif des amphithéâtres. Dans son rapport précité, M. Jean-François Bach montre combien cette organisation favorise le « bachotage » et le développement d’officines privées de préparation parallèle souvent coûteuses, regrettant que « cette année d’entrée dans l’université, qui devrait être un moment d’enthousiasme et d’épanouissement au sortir des études secondaires, [soit] vécue comme une épreuve redoutable ».
Un certain nombre d’acteurs de l’enseignement supérieur considère que la principale cause de ces dysfonctionnements tient à l’absence de sélection de ses étudiants. De fait, dans d’autres pays, les étudiants sont sélectionnés soit directement sur dossier à l’issue du baccalauréat (Allemagne), soit après un premier cycle universitaire (États-Unis).
Votre rapporteur estime que la sélection est une fausse réponse à un vrai problème. Seule l’information, l’accompagnement et la responsabilisation des étudiants est à même de garantir le succès de la majorité et une augmentation générale du niveau d’études.
2. Former des professionnels qui répondent aux futurs défis de notre système de santé
La formation des futurs professionnels de santé est un des cinq piliers de la stratégie nationale de santé, officiellement lancée par le Premier ministre le 8 février 2013 : « c’est dorénavant à partir du parcours de la personne, patient, personne âgée, personne handicapée, que doit s’organiser le système de santé, pour supprimer peu à peu les ruptures dans la prise en charge provoquées par les cloisonnements ». Pour cela, il est nécessaire de redéfinir le rôle respectif des professionnels de santé et de promouvoir le travail en équipe sur le territoire et autour de la personne.
Si toute la formation initiale des futurs professionnels de santé doit s’adapter à cette nouvelle donne, leur mode de recrutement aussi.
La mutualisation des enseignements et la construction d’une culture commune doivent tout d’abord intervenir au plus tôt dans les études de santé. À ce titre, votre rapporteur estime qu’il serait utile d’expérimenter l’intégration d’un plus grand nombre de spécialités à la première année des études de santé ou à leur regroupement sur le même modèle. Dans un premier temps, il serait possible d’envisager l’organisation d’une première année commune aux formations conduisant aux diplômes des métiers de la rééducation sur le même principe que ce qui a été mis en place pour les études médicales, odontologiques, pharmaceutiques et de maïeutique.
Par ailleurs, la diversification du profil des futurs professionnels de santé est aujourd’hui un impératif. Les épreuves de sélection font une place prépondérante aux matières scientifiques, parfois au détriment des disciplines plus susceptibles de sensibiliser l’étudiant à la dimension humaine des métiers de la santé. En témoigne la très faible proportion d’étudiants admis en deuxième année titulaires d’un baccalauréat non scientifique « de l’ordre de 1 % pour les médecins et odontologistes et de 5 % pour les pharmaciens » (7). Or les sciences humaines et sociales, ainsi que les questions de santé publique, paraissent tout aussi utiles à la formation de bons praticiens. La réforme des épreuves de sélection ainsi que le développement de passerelles plus ouvertes permettant à des étudiants de différents horizons d’intégrer des études de santé, doivent permettre de répondre aux futurs besoins de santé de la population.
3. L’expérimentation proposée renforce la réorientation des étudiants en difficulté et la diversification du recrutement
Comme le note le rapport final des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche remis par M. Vincent Berger en décembre 2012 (8), « si cette première année marque un progrès par rapport à l’organisation précédente, il reste encore beaucoup à faire pour endiguer le “gâchis humain”. Avec un chantier prioritaire : les réorientations en cours d’année. »
Il est donc proposé de permettre la mise en place, à titre expérimental, pour une durée de six ans, d’un dispositif d’orientation, en début d’année universitaire, des étudiants de la première année.
Cette réorientation précoce doit permettre de diminuer le flux d’étudiants, d’augmenter le taux d’encadrement des étudiants et donc d’améliorer la pédagogie. Elle permettra aussi de réorienter, dès le début de l’année universitaire, dans des conditions plus efficaces, les étudiants dont les résultats aux premières épreuves montrent qu’ils n’ont pratiquement aucune chance d’intégrer des études de santé. Cependant, le droit au redoublement est maintenu.
Par ailleurs, l’expérimentation d’un dispositif d’admission en deuxième ou troisième année des études de santé après un premier cycle universitaire adapté conduisant à un diplôme national de licence permettra d’élargir les passerelles déjà prévues et de diversifier le recrutement des étudiants.
La Commission a examiné, sur le rapport de M. Olivier Véran, l’article 22 du projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche (n° 835), lors de sa réunion du mardi 23 mai 2013.
M. Jean-Patrick Gille, président. La commission des affaires culturelles et de l’éducation, saisie au fond, examinera ce texte les 14 et 15 mai. La discussion en séance publique est prévue à partir du mercredi 22 mai.
Après l’exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.
M. Jean-Louis Touraine. Les jeunes qui s’engagent dans des études de santé devront faire preuve de compétence et d’éthique dans tous les aspects de l’exercice de leur métier, ce qui suppose que l’on dispense à tous les étudiants une formation à la médecine générale, une formation par la recherche et un enseignement des mécanismes sociaux, de la prévention et de l’éthique.
Le sentiment particulier qui anime les étudiants des disciplines médicales est trop souvent gâché dès la fin de la première année, et nombreux sont ceux qui se trouvent désorientés quant à leur avenir professionnel. Nous devons mettre fin à ce gâchis. Les échecs doivent faire place à des évolutions positives vers différentes professions de santé. C’est bien l’objet de ce texte : récompenser et non pas réprimer la bonne volonté de tous les jeunes qui souhaitent exercer ces métiers, quel que soit leur résultat au concours de fin de première année.
Dans un rapport de 2008, M. Jean-François Bach avait déjà mis en évidence les lacunes de notre système et formulé une série de propositions. Grâce à l’expérimentation sur six ans, nous pourrons observer comment le dispositif de réorientations et de passerelles permettra à chacun de connaître une évolution professionnelle opportune.
Cinq universités ont déjà mis en place des mécanismes de réorientation obligatoire en fin de premier semestre. L’étude des résultats montre qu’il conviendrait de réaliser cette réorientation plus précocement et, dans la majorité des cas, de ne pas en faire une obligation mais un choix. Dans le dispositif tel que le rapporteur propose de l’amender, elle sera effectuée dès les premiers mois d’études et ne sera contrainte que dans 15 % des cas. Ainsi, les étudiants pourront se préparer à des sélections qui seront beaucoup moins des « couperets » qu’auparavant et qui répondront à leur choix.
Ce progrès attendu depuis de nombreuses années permettra de sortir de l’immense gâchis humain que vous avez décrit, monsieur le rapporteur. Il permettra aussi de mettre un terme à tous les moyens détournés qui se sont développés ces dernières années pour revenir exercer en France après être passé par une faculté étrangère : si l’étudiant n’est pas prêt à s’engager dans ces études juste après le baccalauréat, il aura la possibilité, comme dans d’autres pays, de les rejoindre via une licence dans une autre matière. Un peu plus âgé, il aura alors les compétences et la maturité nécessaires pour se former au métier qu’il appelle de ses vœux.
De plus, les nouvelles modalités renforceront le contact humain avec les patients, qui est souvent un motif de l’engagement dans les études médicales. Ainsi, les étudiants sauront très vite s’ils ont toute la vocation nécessaire, tant en théorie qu’en pratique, pour exercer ce noble métier.
M. Jean-Pierre Door. Le constat du gâchis que constitue l’échec en fin de première année a été dressé il y a plusieurs années mais les solutions sont difficiles à trouver. Bien souvent, les jeunes qui se trouvent dans cette situation ne savent plus où se diriger.
À la suite du rapport de M. Jean-François Bach, la loi Domergue de 2009, dont j’étais le rapporteur, a mis en place la PACES. Ce texte instituait également un « droit au remords » visant à faire changer de filière, au bout de six mois, les étudiants dont il est manifeste qu’ils courent à l’échec – mais les réorientations, comme l’a indiqué le rapporteur, ont été peu nombreuses. Il créait enfin des passerelles permettant à des étudiants issus d’autres filières d’entrer dans le cycle en deuxième ou troisième année.
Le texte proposé aujourd’hui va dans le même sens, en prévoyant une expérimentation de six ans. Cela étant, la formation médicale des étudiants de troisième et de quatrième année est déjà importante. Les étudiants qui rejoindront le cursus à ce niveau pourront-ils acquérir des compétences équivalentes, ou ne sera-t-il pas trop tard ?
Mais nous n’avons aucune opposition de principe. Tous les ans, 80 % de jeunes restent sur le « carreau ». Il faut donc tenter tout ce qui peut l’être.
Je pense également que les propositions de Jean-Yves Le Déaut sont intéressantes. Un jour ou l’autre, nous devrons nous interroger sur les programmes de première année, à tel point dominés par les mathématiques que seuls les élèves doués dans cette matière peuvent intégrer la filière. La médecine n’est pas seulement affaire de mathématiques !
Du reste, ne conviendrait-il pas d’établir, même si le terme fait bondir la gauche, des critères de sélection en amont de la première année ?
Enfin, comme l’a noté Jean-Louis Touraine, beaucoup d’étudiants en échec partent faire leurs études dans des pays d’Europe de l’Est, puis reviennent avec un diplôme européen qui leur donne le droit de s’installer en France. Or, comme l’a indiqué le Conseil de l’Ordre des médecins, la différence de compétence présente un réel danger.
Pour l’UMP, il faut donner sa chance à ce dispositif. Mais, j’y insiste, il faudra revoir les programmes des premières années.
M. Arnaud Richard. Le constat n’est pas nouveau : le taux d’échec en premier cycle d’études de santé, notamment en première année, est beaucoup trop important. Le plan pluriannuel pour la réussite en licence, lancé pour diminuer ce taux, n’a pas produit les effets escomptés. La proportion des redoublements et, plus encore, des sorties vers d’autres filières de formation, reste très élevée malgré la modification législative de 2009 mettant en place une première année commune aux études de médecine, d’odontologie, de pharmacie et de maïeutique.
L’article 22 vise donc à rendre possible la mise en place, à titre expérimental et pour six ans, d’une réorientation des étudiants de la PACES à l’issue d’épreuves organisées en début d’année universitaire, ainsi que l’admission en deuxième ou troisième année des études médicales après un premier cycle universitaire adapté ayant conduit à un diplôme national de licence.
Nous souhaitons que l’examen partiel se tienne à la fin du premier trimestre, comme cela se pratique dans de nombreuses facultés.
Nous souhaitons également que soit précisée la période au terme de laquelle la proposition de réorientation sera présentée à l’étudiant. Le groupe UDI proposera un amendement en ce sens lors de l’examen en commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Nous souhaitons enfin que les nouvelles « communautés d’universités » prodiguent aux étudiants une information très en amont sur les différentes filières, afin de leur permettre une réorientation éclairée. C’est le sens d’un autre amendement que mon groupe soutiendra en commission des affaires culturelles et de l’éducation.
M. Élie Aboud. Nous ne pouvons qu’approuver le dispositif proposé.
À côté du drame que constitue le taux d’échec au cours des études, il existe un autre drame que nous ne devons pas oublier, celui du taux d’abandon des médecins formés qui quittent leur profession.
Ne se dirige-t-on pas progressivement, avec ce texte, vers ce que tous les présidents et doyens appellent de leurs vœux, à savoir une sélection à l’entrée de la faculté de médecine ?
S’agissant de la réorientation, il semble que l’on s’en tienne à une proportion de 15 %. Qu’adviendra-t-il des autres étudiants ?
Enfin, pensez-vous que les professionnels approuveront des passerelles permettant de rejoindre, moyennant une licence dans une autre filière, des études d’odontologie ou de pharmacie sans passer par le concours de fin de première année ? Ne doit-on pas craindre des pratiques de contournement qui dévaloriseraient ces métiers ?
M. Arnaud Robinet. En dépit des interrogations qu’il m’inspire, l’article 22 me paraît de nature à combattre le « gâchis humain » dont parlait le rapporteur. En tant qu’enseignant en faculté de médecine, je puis témoigner que nous avons en face de nous, en première année, des « bêtes à concours » qui ne feront pas forcément de bons médecins ou de bons professionnels de santé, tant ces métiers demandent des qualités humaines développées. Je suis donc favorable aux passerelles permettant à des étudiants titulaires d’une licence de se réorienter vers des études médicales.
Dans certaines facultés, la PACES permet également d’intégrer les écoles de kinésithérapie. Qu’en sera-t-il avec ce projet de loi ?
Il faut admettre que l’expérimentation proposée – une rentrée le 15 août pour un examen courant septembre – établit une forme de sélection à l’entrée des universités, ce à quoi je ne suis pas opposé. Nous devrions même examiner comment l’étendre, car le gâchis s’observe ailleurs que dans les études de médecine !
Enfin, avons-nous le recul nécessaire pour évaluer la PACES, dont la mise en place remonte à l’année 2010-2011 ? L’expérimentation a posé aux facultés de province des problèmes qu’elles n’ont pas encore surmontés.
M. Laurent Marcangeli. L’article 22 constitue une initiative louable dans la mesure où pas moins de 90 % des étudiants échouent à la fin de leur première année de médecine. L’Association nationale des étudiants en médecine de France et la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) regrettent cependant que la sélection, effectuée dès le début de cette première année d’études, se fonde sur des connaissances acquises au lycée, ce qui pourrait entraîner des discriminations, étant donné les disparités d’enseignement existant entre les différents établissements secondaires : qu’en pensez-vous ?
Mme Isabelle Le Callennec. L’échec de 81 % d’étudiants en fin de première année de médecine est un véritable gâchis humain. Nous partageons donc tous le souhait qu’une seconde chance leur soit accordée.
Monsieur le rapporteur, vous semblez ne concevoir la réorientation obligatoire ou volontaire des étudiants que dans le seul secteur de la santé, et uniquement à l’université. Or, un jeune peut très bien s’apercevoir qu’il n’est pas du tout fait pour cela. Cette seconde chance pourrait donc être orientée vers d’autres formations et d’autres métiers.
Et si la nécessaire adaptation des règles aux besoins de la population et la diversification des profils des étudiants supposent, comme l’indiquait notre collègue Jean-Pierre Door, que les programmes d’études soient révisés, sans doute conviendrait-il également de revoir leurs épreuves d’examen. Car ce taux d’échec s’explique aussi par le profil des étudiants. Et si seul 1 % de ceux qui échouent ne sont pas issus des filières scientifiques, ne faut-il pas cependant, pour être médecin, avoir un minimum de sens scientifique ?
Enfin, permettez-moi d’insister sur le déficit de médecins généralistes dont souffrent certaines régions, certains quartiers de grandes villes et les zones rurales. Afin de mener à son terme notre débat sur les études de médecine, il nous faut réfléchir à la manière d’inciter les étudiants en médecine à s’installer sur ces territoires.
M. Gérard Sebaoun. Bien que la première année de faculté de médecine se termine par un examen, sa sélectivité en fait en réalité un véritable concours d’un niveau équivalant à celui des grandes écoles, favorisant ainsi la sélection sociale.
Offrir la possibilité d’intégrer un cursus aussi long et exigeant que celui des études de médecine à de jeunes étudiants ayant emprunté par nécessité un parcours différent constitue de toute évidence un progrès vers plus d’égalité : cet article pourrait en effet modifier la donne sociale actuelle – parce que cette seconde voie sera exigeante –, permettant ainsi à certains de réaliser un rêve auparavant inaccessible.
M. Jean-Pierre Barbier. Nous saluons tous les motivations de ce texte tant il est vrai que les étudiants actuellement en PACES ressentent une véritable angoisse de l’échec.
À la faculté de Grenoble, les étudiants de première année étudient tout au long de l’année sur des DVD qu’ils regardent seuls devant des écrans : ils n’ont par conséquent aucun contact avec des enseignants. Comment leur valeur humaine peut-elle être évaluée dans ces conditions ?
Quant au projet de loi proprement dit, est-il véritablement possible de maintenir deux filières d’accès à la même formation – exception qui sera propre aux études de pharmacie, de médecine, et d’odotonlogie ? Au bout d’un certain temps, les étudiants ne privilégieront-ils pas l’une d’entre elles ? Et lorsque des étudiants intégreront un tel cursus en cours d’études, comment calculerons-nous le numerus clausus ? Ne pourrait-on adapter ce dernier au nombre de médecins, de dentistes et de pharmaciens que nous souhaitons dans notre pays – ce qui nous éviterait de devoir recourir à des praticiens étrangers ou à des moyens détournés ? Si le taux de réussite en première et en deuxième années de médecine s’améliorait, sans doute se poserait-on moins de questions.
M. Fernand Siré. En l’état actuel des choses, les étudiants qui réussissent en faculté de médecine sont issus de familles très favorisées et peuvent donc s’inscrire dans des écoles privées de bachotage de type « Ipesup », dont les frais de scolarité – de l’ordre de 1 000 à 1 500 euros par mois – sont inaccessibles aux étudiants d’origine sociale plus modeste, pourtant tout aussi intelligents que les premiers.
D’autre part, un certain nombre de futurs médecins se retrouvent évincés dès leur deuxième année d’études, parfois au quart de point près et avec une moyenne qui frôle celle de ceux qui sont admis, alors que dans le même temps, un tiers des médecins inclus dans le numerus clausus ne s’installent pas parce qu’ils ne souhaitent pas devenir praticiens. Ne pourrait-on faire auditionner ces étudiants évincés par une commission spéciale devant laquelle ils pourraient s’engager à devenir généralistes – puisque c’est ce type de médecins qui nous fait défaut ? Non seulement ces étudiants très motivés feraient de très bons médecins mais cela nous éviterait aussi d’éliminer des étudiants modestes parce que d’autres, plus aisés, ont été mieux préparés à cocher des cases sans réfléchir.
M. Christian Hutin. Rappelons-nous l’incurie dont ont souffert les études de médecine pendant de nombreuses années – et en particulier depuis l’instauration du numerus clausus. Un certain nombre d’étudiants, dont je fais partie, ont passé l’ensemble de leurs études sans jamais écrire le moindre mot, n’ayant qu’à cocher les cases de questionnaires à choix multiples (QCM). Sans doute nos professeurs ont-ils fait preuve de sclérose et de corporatisme en la matière. Certains examens mériteraient donc d’être réformés.
Ce qui nous est proposé aujourd’hui existait déjà auparavant sous le nom de « PCB » (Physique chimie biologie) : tout le monde avait alors un examen à passer à la suite de quoi les moins riches s’orientaient vers des filières d’enseignement tandis que les autres poursuivaient des études de médecine. Dans le cadre des réformes que nous proposons, il nous faut donc tenir compte du coût et de la longueur des études de médecine.
Enfin, le rapporteur serait-il en mesure de nous indiquer le nombre de médecins qui terminent leurs études sans jamais exercer – et qui ne sont d’ailleurs pas forcément toujours des femmes souhaitant élever leurs enfants ? Car lorsque l’on a suivi dix années d’études payées par l’État – y compris à la faculté libre de Lille qui reçoit des subventions –, on contracte une dette envers la société.
M. le rapporteur pour avis. Je constate avec bonheur que nous nous accordons tous pour lutter contre l’immense gâchis que représente aujourd’hui la sélection draconienne – et probablement injuste – de nos étudiants en première année d’études de santé. Je me réjouis également que personne ne s’oppose au principe de l’expérimentation retenu par le Gouvernement, ni à la volonté de réformer le programme de première année. Nous convenons tous que la sélection par QCM portant sur la pensée d’Aristote ne garantit pas la qualité d’un futur professionnel de santé.
Notre majorité est cependant en désaccord idéologique avec l’opposition sur la question de la sélection à l’entrée de l’université – point dont la loi ne traite pas et dont elle ne traitera pas – je vous le garantis. Nous ne prévoirons aucune sélection selon le niveau des résultats obtenus au cours des études secondaires ni selon l’origine ou le niveau sociaux. Le droit à une seconde chance sera également maintenu puisque le redoublement restera possible. Voilà trois principes auxquels nous nous engageons à ne pas déroger.
Par ailleurs, vous êtes nombreux à exprimer vos préoccupations quant à la démographie médicale et au numerus clausus. Nous nous accordons tous sur le fait que l’adaptation de l’offre de soins à la demande pose problème. C’est d’ailleurs pourquoi la stratégie nationale de santé comprend un volet consacré à la formation qui devrait permettre d’assurer une certaine régulation démographique et qui prévoit la refonte des trois cycles d’études de médecine et de santé. Il n’est donc pas opportun d’aborder la question démographique dans ce projet de loi.
Jean-Pierre Door a évoqué la possibilité d’intégrer un cursus d’études de santé en troisième ou en quatrième année de faculté : elle existe effectivement déjà actuellement, et ce, dès la deuxième ou troisième année d’études de médecine – point qui est maintenu par le projet de loi. Cela étant, elle n’est ouverte qu’aux titulaires d’un master, ce qui constitue un facteur de discrimination sociale. C’est pourquoi la loi permettra cette intégration à tous les titulaires d’une licence. La passerelle sera ainsi plus précoce.
Si Arnaud Richard rappelle à juste titre que la réorientation concerne déjà obligatoirement 15 % des étudiants, en pratique, les universités n’atteignent pas ce taux. Et ce que propose l’article 22 du projet de loi, c’est une réorientation à la fois plus précoce – au bout de huit semaines et non au terme d’un semestre complet – et qui reste facultative au-delà de ce taux de 15 %. Ainsi les universités auront-elles la possibilité de la proposer aux étudiants susceptibles de rencontrer des difficultés pour valider leur première année.
Je tiens à rassurer Élie Aboud quant à l’aspect vraisemblablement sélectif des passerelles qui permettront d’intégrer des études de santé lorsque l’on est titulaire d’une licence : car en tout état de cause, il n’y aura pas suffisamment de place pour accueillir tout le monde. Le système actuel est d’ailleurs déjà sélectif et sans doute les doyens appliquent-ils des critères de sélection draconiens à l’entrée par ces filières puisque seules 163 places sur les 215 disponibles sont attribuées aux titulaires d’un master souhaitant intégrer une faculté de médecine, alors qu’il y a trois fois plus de demandes.
Quant à la question posée par Arnaud Robinet concernant les kinésithérapeutes, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche a indiqué au Sénat il y a quinze jours que désormais, tous les étudiants en kinésithérapie – qu’ils soient formés en institut de formation ou par l’université – bénéficieront d’un agrément universitaire au bout de leur première année d’études, soit directement, soit par le biais d’une convention conclue avec ces instituts. J’ai par ailleurs déposé un amendement proposant la création d’une année commune aux études paramédicales pour des professions dont la liste sera définie par arrêté après concertation avec les organisations représentatives. Plusieurs expérimentations seront menées dans des universités régionales et non seulement dans les grosses universités des grandes métropoles.
Je confirme de nouveau à Laurent Marcangeli que nous ne prévoyons pas de sélection à l’entrée.
Isabelle Le Callennec a raison d’insister sur l’importance du droit à une seconde chance – qui ne sera pas remis en question par le projet de loi : le texte ne limitera pas la réorientation aux études de santé si bien qu’un étudiant en première année de médecine pourra entreprendre un cursus de sciences humaines. Les expérimentations seront définies par chaque université et proposées pour validation au ministère.
La médecine est-elle un art ou une science ? Nous nous posons cette question depuis de très nombreuses années tant il est vrai que les deux profils sont complémentaires.
Je rappelle que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 comprend des dispositions relatives à la démographie médicale qui concernent directement les étudiants – et notamment l’extension des contrats d’exercice de service public à destination des jeunes étudiants qui décideraient de s’engager en zone sous-dotée pendant tout ou partie de leur carrière médicale.
Quant à l’enseignement sur DVD en PACES à la faculté de médecine de Grenoble, tant les étudiants que les enseignants se disent très satisfaits du dispositif – ce qui nous inciterait plutôt à l’étendre. Il a notamment permis de diversifier de façon très conséquente le profil de recrutement des étudiants : on recense désormais moins d’étudiants issus des grandes villes ou de milieux aisés ou encore de fils de médecin.
Face à l’essor des formations payantes, depuis plusieurs années, les universités proposent un tutorat public en première année, reposant largement sur une solidarité entre les étudiants ayant réussi le concours et leurs jeunes collègues. Ce tutorat est un succès comme en attestent tous les classements universitaires en première année de médecine, ainsi qu’en internat. Pour autant, il est vrai que les écoles privées existant en parallèle pour accompagner la formation à tous les concours – que ce soit en médecine ou pour l’intégration des grandes écoles – persistent, car aucun outil législatif ne les interdit.
Enfin, Christian Hutin a évoqué les médecins qui, parvenus au terme de leurs études, décident de ne pas exercer leur profession. Je ne dispose d’aucun chiffre précis sur ce point mais je sais en tout cas que le taux d’arrêt en cours d’études de médecine s’élève à 10 %.
Article 22
(art. L. 631-1-1 [nouveau] du code de l’éducation)
Expérimentations relatives aux études de santé
Le présent article vise à mettre en place une expérimentation d’une durée de six ans, visant, d’une part, à mieux réorienter les étudiants en difficulté au cours de la première année des études de santé, et d’autre part, à développer les passerelles permettant d’intégrer des études de santé après un autre cursus.
Pour cela, il introduit un nouvel article L. 631-1-1 dans le code de l’éducation, qui prévoit que par dérogation aux dispositions du I de l’article L. 631-1 du même code, des modalités particulières d’admission dans les études médicales, odontologiques, pharmaceutiques et de maïeutique peuvent être fixées par décret.
1. Réorienter au plus tôt les élèves les plus en difficulté et leur permettre d’intégrer un autre cursus en cours d’année
Le 1° du nouvel article met en place une nouvelle procédure de réorientation précoce pour les étudiants les plus en difficulté.
En l’état actuel du droit, l’article L. 631-1 du code de l’éducation, tel que modifié par la loi de 2009 confie aux ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé le soin de déterminer :
– le nombre des étudiants admis dans chacune des filières à l’issue de la première année des études de santé, communément appelé « numerus clausus ». Il est précisé que ce nombre tient compte des besoins de la population ; de la nécessité de remédier aux inégalités géographiques ; des capacités de formation des établissements concernés ;
– les modalités d’admission des étudiants à l’issue de la première année commune. Les articles 6 et 8 de l’arrêté du 28 octobre 2009 relatif à la première année commune aux études de santé précisent que les étudiants choisissent, au début du deuxième semestre, l’unité ou les unités d’enseignement spécifiques correspondant à la ou aux filières de leur choix. À l’issue des épreuves du deuxième semestre, quatre classements sont établis en prenant en compte les résultats obtenus à l’ensemble des unités d’enseignement communes et à l’unité d’enseignement spécifique. Cette solution est censée éviter une hiérarchisation trop marquée des filières – et donc des professions médicales et pharmaceutiques – en fonction du rang de classement des étudiants qui les choisissent ;
– les conditions dans lesquelles les étudiants peuvent être réorientés à l’issue du premier semestre de la première année, ou au terme de celle-ci, ainsi que les modalités de leur réinscription ultérieure éventuelle dans cette année d’études.
L’article 5 de l’arrêté de 2009 prévoit que les universités organisent, à l’issue du premier semestre, des épreuves portant sur l’enseignement reçu au cours de celui-ci. En fonction du classement tenu à l’issue de ces épreuves, les candidats peuvent être réorientés vers d’autres formations universitaires par décision du président de l’université. Le nombre de ces réorientations ne peut excéder 15 % du nombre d’inscrits.
À cette réorientation optionnelle en fin de premier semestre s’ajoute une réorientation systématique en fin d’année pour certains étudiants. L’article 9 de l’arrêté de 2009 prévoit ainsi que les candidats classés, à l’issue du deuxième semestre, au-delà d’un rang compris entre deux fois et demie et trois fois le nombre de places attribuées à l’établissement, pour l’ensemble des quatre filières peuvent être réorientés vers d’autres formations universitaires, par décision du président de l’université
Le rapport M. Jean-François Bach montrait que les étudiants les moins bien classés à l’issue de leur première année d’études médicales ont statistiquement très peu de chances de réussir le concours l’année suivante. Sur ce fondement, et afin d’éviter un redoublement inutile, l’article 11 de l’arrêté de 2009 prévoit que les étudiants réorientés à l’issue du premier ou du deuxième semestre, sont autorisés à se réinscrire ultérieurement en première année des études de santé, sous réserve d’avoir validé respectivement 90 ou 60 crédits dans une autre formation conduisant au grade de licence.
Ce n’est que depuis la rentrée universitaire 2012-2013 que les universités sont tenues de procéder à une réorientation des étudiants à l'issue du premier semestre de la première année des études de santé ou au terme de celle-ci. L’efficience de ce dispositif de réorientation ne peut donc pas encore être évaluée.
Cependant, lors de l’année universitaire 2010-2011, première année de mise en place de la première année commune aux études de santé (PACES), cinq universités avaient mis en place un dispositif de réorientation obligatoire en fin de premier semestre, concernant 639 candidats seulement ; une douzaine d’établissements l’avait proposé sur la base du volontariat (9). Dix-sept établissements avaient mis en place la réorientation obligatoire en fin de deuxième semestre, cinq l’avaient proposée sans l’imposer, pour un total de 5 000 étudiants concernés.
Or, la réorientation précoce est un des outils majeurs pour lutter contre le véritable « gâchis » humain provoqué à l’heure actuelle par la PACES.
Le nombre de places offertes pour l’ensemble des candidats inscrits en PACES lors de l’année universitaire 2010-2011 était de 12 664 (10). En conséquence, 42 322 étudiants sur les 54 986 inscrits en début d’année (primants et redoublants) n’ont pu intégrer une deuxième année toutes filières confondues à l’issue de l’année universitaire 2010-2011, soit près de 77 %.
Le nombre de places offertes pour l’ensemble des candidats inscrits en PACES lors de l’année universitaire 2011-2012 était de 12 812 (11). En conséquence, 40 592 étudiants sur les 53 404 inscrits en début d’année (primants et redoublants) n’ont pu être admis en deuxième année, soit près de 76 % des inscrits.
Sur l’ensemble des étudiants inscrits pour la première fois en PACES en 2010-2011, la répartition des étudiants au cours de l’année universitaire 2011-2012 est la suivante : 14,1 % sont admis à poursuivre des études en vue d’un diplôme d’État de sage-femme, de docteur en pharmacie, de docteur en chirurgie dentaire ou de docteur en médecine ; 52,3 % redoublent – or, on sait que 61 % des étudiants échouent à l’issue de deux présentations aux concours ; 12,2 % sont inscrits dans une première année de licence et 0,7 % en deuxième année ; 2,5 % sont inscrits dans une première année de cursus hors système licence-master-doctorat ; enfin, 18,2 % sortent de l’université.
Il ressort de ces chiffres que la PACES demeure l’un des cursus les plus sélectifs en France. Le taux d’échec est beaucoup trop lourd, et a pour conséquence une perte de temps considérable, voire un véritable « décrochage » pour certains étudiants.
Il est évident qu’avant toute réorientation en cours d’année, c’est l’information des bacheliers et leur orientation active au moment de l’inscription qui doit être privilégiée. À ce jour, seules 65 % des universités ont mis en place l’orientation active. Il faut accentuer les efforts accomplis afin que tous les étudiants qui sollicitent une inscription en PACES disposent des informations nécessaires pour évaluer l’adéquation de leurs aspirations personnelles et de leurs capacités avec ces études. Mais les universités manquent parfois de moyens pour organiser au mieux l’orientation active de tous les étudiants. De plus, celle-ci repose encore sur le volontariat de ces derniers et l’implication des associations d’étudiants.
Il est donc nécessaire, d’une part, de développer et d’anticiper la réorientation et l’accompagnement des étudiants dont le niveau à la sortie du baccalauréat ne leur permettra pas de réussir en première année. D’autre part, il convient de s’assurer de la réinscription en cours d’année des élèves réorientés.
C’est dans ce sens que le présent projet de loi prévoit la possibilité d’une « orientation des étudiants de la première année commune des études de santé à l’issue d’épreuves portant sur les enseignements dispensés au début de cette première année. »
Si le principe même de la réorientation en cours d’année a été établi en 2009, il n’a bénéficié qu’à très peu d’étudiants, avec un maximum théorique de 15 % jamais atteint, qui n’ont pas pu systématiquement intégrer une autre filière en cours d’année. Plusieurs raisons expliquent cet état de fait : pour que les étudiants puissent se réinscrire au second semestre, ils doivent passer les premières épreuves à la mi-décembre, ce qui n’est pas le cas dans toutes les universités. La réorientation intervient trop tardivement pour être efficace. De plus, le contenu du programme du premier semestre est extrêmement lourd et le temps consacré aux révisions réduit, ce qui limite les possibilités de réussite des étudiants (12).
Il s’agit donc d’améliorer l’efficacité de ce dispositif en avançant le calendrier des épreuves donnant lieu à réorientation et en adaptant leur contenu.
Selon les informations communiquées à votre rapporteur par le Gouvernement, les épreuves de réorientations doivent avoir lieu en début d’année. Votre rapporteur estime que, tout en conservant le principe d’une évaluation précoce pour éviter les problèmes de calendrier actuels, l’évaluation ne doit pas intervenir trop tôt, afin de laisser un temps d’adaptation et de révision suffisant aux étudiants.
L’évaluation porterait sur les acquis nécessaires à la poursuite des études en PACES, portant sur les enseignements du premier semestre. Le contenu exact des épreuves serait déterminé par un groupe de travail réunissant les différents acteurs concernés, représentants des étudiants et des équipes universitaires. Votre rapporteur juge nécessaire d’alléger le programme du premier semestre afin d’éviter le bachotage.
Votre rapporteur tient enfin à ce que la possibilité soit offerte aux étudiants bénéficiant d’une réorientation précoce de se représenter en première année commune aux études de santé, à l’issue d’une année qui leur aura permis de renforcer leur niveau dans les matières fondamentales.
De plus, l’article 22 dispose que « l’université assure alors l’orientation de chaque étudiant n’ayant pas réussi ces épreuves en l’inscrivant dans une formation qui l’accueille dès l’année universitaire en cours. » La réorientation dépend de l’offre de formation de chaque établissement, mais elle doit être la plus ouverte possible, quitte à s’accompagner de modules de rattrapage intensifs. À titre d’exemple, et comme cela est proposé par certaines universités, les filières suivantes pourraient être proposées aux étudiants : biologie, physique-chimie, mathématiques, études de sciences et de technologie, droit, sciences politiques, langues, psychologie, sciences et techniques des activités physiques et sportives, instituts universitaires de technologie, lettres et sciences humaines.
Elle doit enfin être assortie d’un véritable accompagnement des étudiants, se concentrer sur les plus en difficulté, mais aussi les étudiants en difficulté en PACES mais faisant montre de compétences particulières pouvant justifier que l’université leur propose une réorientation dans une autre filière. C’est pourquoi votre rapporteur juge raisonnable que la proportion d’étudiants à laquelle la réorientation serait imposée n’excède pas 15 % des inscrits, mais que d’avantage d’étudiants puissent se voir proposer une réorientation, facultative celle-ci.
Un décret viendra préciser les conditions de mise en œuvre de cette expérimentation. Selon l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, il devra fixer :
– le contingent des étudiants autorisés à poursuivre en première année commune des études de santé à l’issue de l’orientation de début d’année ;
– le délai dans lequel seront organisées les épreuves d’orientation.
2. Diversifier le recrutement des futurs professionnels de santé et innover dans la procédure de sélection des étudiants
Le 2° du nouvel article L. 631-1-1 vise à diversifier le recrutement des futurs professionnels, en élargissant le champ des passerelles « entrantes » dans les études de santé.
En l’état actuel du droit, le II de l’article L. 631-1 du code de l’éducation rend possible l’admission directe en deuxième ou en troisième année des études de santé pour :
– les candidats déjà titulaires de certains titres ou diplômes.
– les étudiants qui, à l’issue de leur troisième année d’études dans une des quatre filières des études de santé, souhaitent se réorienter vers une autre filière. Il s’agit d’une forme de « droit au remords ».
L’objectif poursuivi est ici de diversifier le recrutement des professions médicales et pharmaceutiques en développant les « passerelles entrantes ». Parmi les diplômes requis, les arrêtés du 26 juillet 2010 (13) évoquent notamment les masters scientifiques ou littéraires, les diplômes des écoles de commerce qui confèrent le grade de master et les diplômes des instituts d’études politiques. Ces nouvelles voies s’ajoutent à la procédure d’admission directe en troisième année prévue par l’arrêté du 26 mars 1993 (14). Ces étudiants sont recrutés sur dossier et sur entretien, dans le cadre de numerus clausus spécifiques fixés par arrêté.
Le rapport précité des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche a examiné plusieurs options de réformes des études de santé. La première propose de favoriser l’intégration des étudiants titulaires d’une licence en deuxième ou troisième année d’études de santé. C’est cette option qui a été retenue par le projet de loi.
Le présent article ouvre ainsi le champ des passerelles « entrantes » en PACES, en prévoyant la possibilité d’une admission en deuxième ou troisième année des études médicales, odontologiques, pharmaceutiques ou de maïeutique après un premier cycle universitaire adapté ayant conduit à un diplôme national de licence. Le nombre des étudiants admis en deuxième année après la première année commune et le nombre des étudiants admis directement en deuxième ou troisième année sont fixés, pour chaque université concernée et pour chacune des filières, par arrêté conjoint des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé.
Cette mesure correspond au souhait de diversifier les profils des étudiants des formations concernées et d’offrir une nouvelle voie d’accès potentiellement attractive. Selon l’étude d’impact annexée au projet de loi, cette mesure vise également à favoriser l’accession de tous aux études de santé, dans la mesure où les catégories sociales moins favorisées sont moins susceptibles d’avoir poursuivi leurs études jusqu’à un niveau master.
Un décret devra déterminer la liste des licences ouvrant droit à cette admission parallèle. Votre rapporteur souhaite qu’elle soit la plus ouverte possible, notamment aux étudiants issus des filières dites de sciences humaines. Les modalités de sélection des étudiants doivent également être précisées par voie réglementaire. En toute hypothèse, le système des recrutements sur dossier et entretien devrait être maintenu.
Enfin, il est prévu qu’au cours de l’année précédant l’expiration du délai d’expérimentation mentionné au premier alinéa, le ministre chargé de l’enseignement supérieur et le ministre chargé de la santé présentent au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche un rapport d’évaluation des expérimentations menées au titre du présent article. Ce rapport, accompagné de l’avis du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, est adressé au Parlement.
Les universités qui feront le choix de l’expérimentation ne pourront mener de front les différentes possibilités offertes par le futur article L. 631-1-1 afin de rendre l’évaluation possible.
Pour l’élaboration de ce décret, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche souhaite la constitution d’un groupe de travail représentatif de l’ensemble des parties prenantes.
3. L’expérimentation de licences santé « généralistes »
La deuxième option de réforme envisagée par les Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche consiste en la création d’une licence santé « généraliste » avant des seconds cycles plus spécialisés. Le récent rapport au Premier ministre de M. Jean-Yves Le Déaut (15) propose ainsi la suppression du concours en fin de première année, la mise en place d’une spécialisation progressive dans le cadre d’une licence par grand domaine (médical, pharmaceutique, rééducation, soins infirmiers, maïeutique ...) qui permettra d’orienter, en fonction des résultats académiques, les étudiants sur plusieurs années. Les concours ouvrant aux formations diplômantes de niveau master et doctorat seront donc repoussés à la fin de la troisième année. L’orientation active progressive aboutira à l’amélioration du taux de réussite au concours et mettra fin au gâchis actuel qui est inacceptable. Elle doit aussi permettre aux étudiants de valoriser les connaissances acquises par des doubles compétences particulièrement prometteuses en termes de secteurs économiques et d’emplois
Dans ce sens, votre rapporteur propose d’ouvrir l’expérimentation prévue par l’article 22 aux licences à spécialisation progressive où l’entrée dans les études de santé s’effectue selon la filière à la fin d’une, deux ou trois années de cursus commun. Les Universités des Pays de la Loire ont mis au point un projet de ce type pour la rentrée universitaire 2014. Cette innovation a l’avantage de ne pas allonger la durée des études et de dissocier l’évaluation et la sélection des étudiants et de faire de la première année une véritable année de formation, tout en proposant des modes d’évaluation plus variés (oraux, travaux de groupes, épreuves privilégiant la réflexion de l’étudiant).
Votre rapporteur propose également le regroupement, à titre expérimental, dans une première année commune de certaines filières paramédicales, sur le modèle de la PACES.
*
L’amendement AS 1 de Mme Valérie Boyer n’est pas défendu.
La Commission examine l’amendement AS 2 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise tout d’abord à substituer la notion de « réorientation » à celle d’« orientation », afin d’exclure la sélection à l’entrée dans le cursus universitaire. En outre, il précise que cette réorientation aura lieu au bout de huit semaines d’enseignement au minimum. Enfin, sans modifier le taux actuel d’épreuves intervenant au bout de 15 % d’étudiants devant systématiquement faire l’objet d’une réorientation s’ils sont mal classés à l’issue des épreuves intermédiaires, l’amendement offre la possibilité aux universités de proposer une réorientation aux étudiants mal engagés en PACES, au-delà de ce plafond de 15 %. L’amendement précise que lorsqu’un étudiant est réorienté, l’université doit lui assurer une réinscription à une formation dès l’année universitaire en cours. Excluant toute sélection, cet amendement vise donc à proposer des projets ambitieux de réorientation précoce aux étudiants.
M. Jean-Pierre Door. Cette réorientation en première année correspond-elle au droit au remords dont bénéficient les étudiants au bout de six mois, lorsqu’une évaluation mettait en évidence leurs difficultés ?
M. le rapporteur pour avis. Certes mais nous y apportons deux modifications puisque la réorientation se fera au bout de huit semaines et que l’université pourra la proposer à davantage d’étudiants qu’aux 15 % pour lesquels elle est obligatoire. Ces mesures permettront ainsi aux étudiants de valider plus rapidement une première année d’études.
M. Élie Aboud. Quant à cette réorientation facultative, sur quels critères l’université devra-t-elle fonder sa décision ? Les étudiants seront-ils classés ou cette réorientation se fera-t-elle selon des critères subjectifs ?
M. le rapporteur pour avis. Les étudiants seront classés en fonction des résultats qu’ils auront obtenus aux épreuves intermédiaires à l’issue des huit premières semaines d’enseignement. Et la réorientation, loin d’être proposée de manière subjective, le sera à ceux que l’université considérera comme insusceptibles d’être classés en rang utile à l’issue de leur première année.
M. Arnaud Robinet. Dans quelles disciplines évaluera-t-on les étudiants au bout de huit semaines ? Une évaluation dans un délai aussi bref ne revient-elle pas à une forme de sélection à l’entrée de l’université ?
M. le rapporteur pour avis. Un classement au mois de novembre, au bout de huit semaines d’enseignement, ne constitue pas une sélection à l’entrée de l’université ! Je rappelle qu’en l’état actuel du droit, un semestre peut compter onze semaines de cours. Une réorientation au bout d’onze semaines ne serait pas une sélection à l’entrée mais ce le serait au bout de huit semaines ? Je ne suis pas d’accord.
M. Arnaud Robinet. On m’a expliqué que la rentrée ayant lieu le 15 août, les étudiants pourraient être réorientés dès la mi-septembre !
M. le rapporteur pour avis. Vous vous référez là à un projet d’expérimentation qui n’a pas été retenu dans le cadre du projet de loi.
La Commission adopte l’amendement AS 2.
Elle examine ensuite l’amendement AS 3 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Cet amendement propose d’élargir le champ de l’expérimentation afin d’y intégrer les projets de licence de santé à spécialisation progressive. L’intégration pourrait être plus précoce, à la fin d’une, deux ou trois années du cursus, alors que le texte prévoyait pour ce faire l’obligation d’être titulaire d’une licence.
La Commission adopte l’amendement AS 3.
Elle émet ensuite un avis favorable sur l’article 22 modifié.
Article additionnel après l’article 22 :
La Commission examine l’amendement AS 4 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Cet amendement permet l’organisation d’une première année commune à certaines formations paramédicales sur le même modèle que ce qui a été mis en place pour les études médicales, odontologiques, pharmaceutiques et de maïeutique.
La Commission adopte l’amendement AS 4 portant article additionnel après l’article 22.
AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION
Amendement n° AS 1 présenté par Mme Valérie Boyer
Article 22
Supprimer cet article.
Amendement n° AS 2 présenté par M. Olivier Véran, rapporteur pour avis
Article 22
Rédiger ainsi l’alinéa 3 :
« 1° D’une réorientation des étudiants de la première année commune aux études de santé à l’issue d’épreuves organisées au plus tôt huit semaines après le début de celles-ci, portant sur les enseignements dispensés au cours de cette période. Seuls les étudiants considérés, sur la base de ces épreuves, comme n’étant pas susceptibles d’être classés en rang utile à l’issue de la première année peuvent être réorientés. La réorientation pourra être systématique, le nombre de ces réorientations ne pouvant alors excéder un pourcentage du nombre d’inscrits, déterminé par arrêté après consultation des organisations représentatives concernées. Une réorientation facultative pourra également être proposée aux étudiants au-delà de ce pourcentage. L’université assure dans tous les cas la réorientation de ces étudiants en les inscrivant dans une formation qui les accueille dès l’année universitaire en cours ; »
Amendement n° AS 3 présenté par M. Olivier Véran, rapporteur pour avis
Article 22
À la première phrase de l’alinéa 4, substituer aux mots : « un premier cycle universitaire adapté ayant conduit », les mots : « une à trois années d’un premier cycle universitaire adapté conduisant ».
Amendement n° AS 4 présenté par M. Olivier Véran, rapporteur pour avis
Après l’article 22
Insérer l’article suivant :
Après l’article L. 4381-4 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4381-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 4381-5. – À titre expérimental, pour une durée de six ans, des modalités particulières d’admission dans des formations paramédicales, dont la liste est définie par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et de l’enseignement supérieur, après consultation des représentants, étudiants et professionnels, des spécialités concernées, peuvent être fixées par décret sous la forme d’une première année commune à ces formations.
« Au cours de la cinquième année de l’expérimentation, les ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé présentent conjointement au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche un rapport d’évaluation des expérimentations menées au titre du présent article. Ce rapport, accompagné de l’avis du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, est adressé au Parlement. »
ANNEXE 1 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
(par ordre chronologique)
Table ronde réunissant les syndicats d’étudiants
– Le Mouvement des étudiants – M. Antoine Diers, président
– Fédération des associations générales étudiantes – M. Adrian Brun, premier vice-président en charge des affaires académiques, et M. Allan Rochette, doctorant, chargé de mission auprès du bureau national et vice-président de l’université d’Avignon et des Pays de Vaucluse
– Confédération étudiante – Mme Cindy Pétrieux, présidente, et M. Thibaut Sellier, trésorier
– Promotion et défense des étudiants – M. Steven Da Cruz, président, et Mme Lucie Guesne, secrétaire générale
Table ronde réunissant des associations d’étudiants
– Association nationale des étudiants en pharmacie de France – M. Maxime Villoria, vice-président
– Union nationale des étudiants en chirurgie dentaire – M. Gauthier Dot, président
– Association nationale des étudiants en médecine de France – M. Pierre Catoire, président
– Association nationale des étudiants sages-femmes – M. Brice Plouvier, chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche
– Fédération nationale des étudiants en kinésithérapie – M. Mathieu Noirot, président, et M. Guillaume Rall, vice-président enseignement supérieur de la FNEK
Table ronde réunissant des doyens d’université
– Conférence des Doyens de Facultés de Médecine – M. Dominique Perrotin, président
– Conférence des présidents d’Université – M. Jean-François Girard, président du PRES (pôle recherche enseignement supérieur) Sorbonne Paris Cité
– Faculté de médecine Pierre et Marie Curie – Professeur Bertrand Fontaine, président du conseil scientifique de la faculté de médecine Pierre et Marie Curie, et directeur de l’IHU de neurosciences
Ø Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) – M. Didier Houssin, président