N° 1042
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 mai 2013.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche,
PAR M. Vincent FELTESSE,
Député.
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Voir les numéros :
Assemblée nationale : 835, 969 et 983.
LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION 11
INTRODUCTION 15
I.- VALORISER LA LICENCE ET LE DOCTORAT 19
A. LA DÉMOCRATISATION INACHEVÉE DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR APPELLE UNE RÉFORME DES ENSEIGNEMENTS ET DE LA PÉDAGOGIE 19
1. UN SYSTÈME GRIPPÉ 19
2. DES BLOCAGES PERSISTANTS 22
B. RÉAFFIRMER UN OBJECTIF AMBITIEUX DE RÉUSSITE DES ÉTUDIANTS 23
C. FAIRE DU DOCTORAT UNE VOIE D'EXCELLENCE 25
II.- RÉPONDRE, AVEC LES CHERCHEURS EUX-MÊMES, AUX GRANDS ENJEUX SOCIÉTAUX DE LA RECHERCHE 29
A. LA NÉCESSITÉ D'UNE STRATÉGIE NATIONALE DE LA RECHERCHE 29
B. UN MEILLEUR TRANSFERT DES RÉSULTATS DE LA RECHERCHE REPOSANT SUR UNE VALORISATION SIMPLIFIÉE 30
C. UNE ÉVALUATION ASSOCIANT L'ENSEMBLE DES ACTEURS DE LA RECHERCHE 31
III.- DÉMOCRATISER LA GOUVERNANCE DES UNIVERSITÉS ET DÉPASSER LES FRACTURES HISTORIQUES DE NOTRE SYSTÈME D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE RECHERCHE 33
A. DÉFENDRE L'AUTONOMIE 33
B. REVOIR LA LOI « LRU » 36
1. UN « GOUVERNEMENT » DE L'UNIVERSITÉ TROP CENTRALISÉ 36
2. DES MODIFICATIONS CIBLÉES POUR RENFORCER LA COLLÉGIALITÉ ET INSTAURER LA PARITÉ 36
C. METTRE EN PLACE DES OUTILS DE COOPÉRATION STRUCTURANTS ENTRE LES UNIVERSITÉS, LES ÉCOLES ET LES ORGANISMES DE RECHERCHE 38
1. UN PAYSAGE « BALKANISÉ » 38
2. DES DISPOSITIFS ADAPTÉS POUR SORTIR DE LA LOGIQUE DE CONCURRENCE ET FAVORISER LES CONVERGENCES 39
IV.- RELEVER LES NOUVEAUX DÉFIS 43
A. LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE 43
B. LA CONCURRENCE INTERNATIONALE DES SYSTÈMES D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR 45
C. L'UNIVERSITÉ, LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET LES RÉGIONS 46
TRAVAUX DE LA COMMISSION 47
I.- AUDITION DE LA MINISTRE 47
II.- DISCUSSION GÉNÉRALE 73
III.- EXAMEN DES ARTICLES 93
TITRE IER MISSIONS DU SERVICE PUBLIC DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE 93
CHAPITRE IERLES MISSIONS DU SERVICE PUBLIC DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR 93
ARTICLE 1ER : DISPOSITION DE COORDINATION 93
ARTICLE 1ER BIS (NOUVEAU) : ÉGALITÉ DU SERVICE PUBLIC SUR L'ENSEMBLE DU TERRITOIRE 93
APRÈS L'ARTICLE 1ER 94
AVANT L'ARTICLE 2 95
ARTICLE 2 : EXTENSION DES EXCEPTIONS AU PRINCIPE DE L'ENSEIGNEMENT EN LANGUE FRANÇAISE 96
ARTICLE 2 BIS (NOUVEAU : RAPPORT AU PARLEMENT SUR L'IMPACT DES MODIFICATIONS APPORTÉES AU PRINCIPE DE L'ENSEIGNEMENT EN FRANÇAIS 116
APRÈS L'ARTICLE 2 118
ARTICLE 3 : INSTAURATION D'UNE STRATÉGIE NATIONALE DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET D'UNE COORDINATION MINISTÉRIELLE DU SERVICE PUBLIC DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR 120
ARTICLE 4 : ACTUALISATION DE LA RÉDACTION DES DISPOSITIONS RELATIVES AUX OBJECTIFS DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR 134
ARTICLE 5 : CONSÉCRATION DE LA MISSION DE TRANSFERT DES RÉSULTATS DE LA RECHERCHE DU SERVICE PUBLIC DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR 143
APRÈS L'ARTICLE 5 148
ARTICLE 6 : MISE À DISPOSITION DE SES USAGERS PAR LE SERVICE PUBLIC DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DE SERVICES ET RESSOURCES PÉDAGOGIQUES NUMÉRIQUES 148
ARTICLE 7 : MISSION DE TRANSFERT DES RÉSULTATS DE LA RECHERCHE VERS LES SECTEURS SOCIO-ÉCONOMIQUES ET D'APPUI AUX POLITIQUES PUBLIQUES 150
APRÈS L'ARTICLE 7 154
ARTICLE 8 : ENCOURAGEMENT AU DÉVELOPPEMENT DE PARCOURS COMPRENANT DES PÉRIODES D'ÉTUDES ET D'ACTIVITÉS À L'ÉTRANGER 154
APRÈS L'ARTICLE 8 157
CHAPITRE II LA POLITIQUE DE LA RECHERCHE ET DU DÉVELOPPEMENT TECHNOLOGIQUE 161
ARTICLE 9 : DISPOSITION DE COORDINATION 161
APRÈS L'ARTICLE 9 161
ARTICLE 10 : OBJECTIF COMPLÉMENTAIRE DE LA POLITIQUE NATIONALE DE LA RECHERCHE 162
ARTICLE 10 BIS (NOUVEAU) : INNOVATION ET SERVICE À LA SOCIÉTÉ 165
ARTICLE 11 : STRATÉGIE NATIONALE DE LA RECHERCHE 166
ARTICLE 12 : OBJECTIF COMPLÉMENTAIRE DE LA POLITIQUE PUBLIQUE DE LA RECHERCHE 184
APRÈS L'ARTICLE 12 188
ARTICLE 12 BIS (NOUVEAU) : OBJECTIF COMPLÉMENTAIRE DES MISSIONS DU SERVICE PUBLIC DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR 189
ARTICLE 12 TER (NOUVEAU) : ARTICULATION DES STRATÉGIES NATIONALES ET DES SCHÉMAS RÉGIONAUX DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE 189
APRÈS L'ARTICLE 12 190
TITRE II LE CONSEIL NATIONAL DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE 195
AVANT L'ARTICLE 13 195
ARTICLE 13 : RÉFORME DU CONSEIL NATIONAL DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE 195
TITRE III LES FORMATIONS DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR 203
ARTICLE 14 A (NOUVEAU) : STATISTIQUES SUR LES RÉSULTATS DES FORMATIONS D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DISPENSÉES DANS LES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT SCOLAIRE 204
AVANT L'ARTICLE 14 205
ARTICLE 14 : DISPOSITION DE COORDINATION 206
AVANT L'ARTICLE 15 207
ARTICLE 15 : ORGANISATION DES ENSEIGNEMENTS EN ALTERNANCE 208
APRÈS L'ARTICLE 15 215
ARTICLE 16 : OBLIGATION DE RENDRE DISPONIBLES CERTAINS ENSEIGNEMENTS SOUS FORME NUMÉRIQUE 216
ARTICLE 16 BIS (NOUVEAU) : MISE À DISPOSITION DES STATISTIQUES PRODUITES PAR LES ÉTABLISSEMENTS DISPENSANT DES FORMATIONS SANCTIONNÉES PAR UN DIPLÔME D'ÉTUDES SUPÉRIEURES 222
ARTICLE 17 : FINALITÉS DU PREMIER CYCLE DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR 223
APRÈS L'ARTICLE 17 229
ARTICLE 18 : ORIENTATION DES BACHELIERS TECHNOLOGIQUES ET PROFESSIONNELS ; RAPPROCHEMENT ENTRE LYCÉES ET ÉTABLISSEMENTS PUBLICS À CARACTÈRE SCIENTIFIQUE, CULTUREL ET PROFESSIONNEL CONCERNANT LES FORMATIONS D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR 230
ARTICLE 19 : DISPOSITION DE COORDINATION 244
ARTICLE 19 BIS (NOUVEAU) : POURSUITE D'INSERTION PROFESSIONNELLE DES DOCTORANTS. 245
APRÈS L'ARTICLE 19 247
ARTICLE 20 : ACCRÉDITATION DES ÉTABLISSEMENTS 247
APRÈS L'ARTICLE 20 251
AVANT L'ARTICLE 21 251
ARTICLE 21 : DISPOSITIONS DE COORDINATION 253
APRÈS L'ARTICLE 21 254
ARTICLE 22 : EXPÉRIMENTATION DE NOUVELLES MODALITÉS D'ACCÈS AUX ÉTUDES MÉDICALES 254
ARTICLE 22 BIS (NOUVEAU) : EXPÉRIMENTATION D'UNE PREMIÈRE ANNÉE COMMUNE AUX FORMATIONS PARAMÉDICALES 261
APRÈS L'ARTICLE 22 262
TITRE IVLES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR 263
CHAPITRE IERLES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR 263
ARTICLE 23 : AJOUT DES COMMUNAUTÉS D'UNIVERSITÉS ET ÉTABLISSEMENTS À LA CATÉGORIE DES EPSCP 263
ARTICLE 23 BIS (NOUVEAU) : LIMITE D'ÂGE DES DIRIGEANTS D'EPSCP 265
SECTION 1 LA GOUVERNANCE DE L'UNIVERSITÉ 265
ARTICLE 24 : ADMINISTRATION DE L'UNIVERSITÉ 265
ARTICLE 25 : LE PRÉSIDENT DE L'UNIVERSITÉ 268
ARTICLE 26 : COMPOSITION ET POUVOIRS DU CONSEIL D'ADMINISTRATION 276
ARTICLE 27 : CRÉATION ET COMPOSITION DU CONSEIL ACADÉMIQUE 291
ARTICLE 28 : COMPÉTENCES DU CONSEIL ACADÉMIQUE 297
APRÈS L'ARTICLE 28 311
ARTICLE 29 : COORDINATION 311
ARTICLE 30 : LIBERTÉ DE CRÉER DES COMPOSANTES 313
APRÈS L'ARTICLE 30 323
ARTICLE 31 : DISPOSITIONS DE COORDINATION 323
ARTICLE 32 : DISPOSITIONS DE COORDINATION 324
APRÈS L'ARTICLE 32 325
SECTION 2 LES AUTRES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS À CARACTÈRE SCIENTIFIQUE, CULTUREL ET PROFESSIONNEL ET LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS ADMINISTRATIFS D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR 325
ARTICLE 33 : MAINTIEN DE LA STRUCTURE ACTUELLE DES INSTITUTS ET ÉCOLES NE FAISANT PAS PARTIE DES UNIVERSITÉS ET POSSIBILITÉ DE SE DOTER D'UN CONSEIL ACADÉMIQUE 326
ARTICLE 34 : DISPOSITIONS DE COORDINATION 328
ARTICLE 35 : DÉFINITION, FONCTIONNEMENT DES GRANDS ÉTABLISSEMENTS ET PROCÉDURES DE RECRUTEMENT POUR LA NOMINATION DE LEURS DIRIGEANTS 330
ARTICLE 36 : MAINTIEN DE LA COMPÉTENCE DU CONSEIL D'ADMINISTRATION POUR L'EXERCICE DU POUVOIR DISCIPLINAIRE DANS LES ÉTABLISSEMENTS DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR AGRICOLE ET VÉTÉRINAIRE PUBLIC 338
SECTION 3 DISPOSITIONS COMMUNES RELATIVES À LA COMPOSITION DES CONSEILS 340
ARTICLE 37 : MODE D'ÉLECTION DES MEMBRES DES CONSEILS 340
ARTICLE 37 BIS (NOUVEAU) : DÉCRET RELATIF À LA PARITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES DANS LA DÉSIGNATION DES PERSONNALITÉS EXTÉRIEURES 355
CHAPITRE II COOPÉRATION ET REGROUPEMENTS DES ÉTABLISSEMENTS 357
ARTICLE 38 : COOPÉRATION DE SITE ENTRE DIFFÉRENTS ÉTABLISSEMENTS 357
APRÈS L'ARTICLE 38 392
ARTICLE 39 : COORDINATION 393
ARTICLE 40 : SUPPRESSION DES PRES ET DES DÉNOMINATIONS « RTRA » ET « CTRS » 393
ARTICLE 41 COORDINATION 397
CHAPITRE III LES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR PRIVÉS 398
ARTICLE 42 : SANCTIONS PÉNALES EN CAS DE DÉLIVRANCE DE « MASTER » EN L'ABSENCE D'AUTORISATION DE DÉLIVRER DES DIPLÔMES CONFÉRANT LE GRADE DE MASTER 398
APRÈS L'ARTICLE 42 400
TITRE V LES PERSONNELS DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE 400
ARTICLE 43 400
APRÈS L'ARTICLE 43 400
ARTICLE 43 BIS (NOUVEAU) : MOBILITÉ DES PERSONNELS ENSEIGNANTS DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR 401
APRÈS L'ARTICLE 43 402
ARTICLE 44 : TRANSFERT AUX CONSEILS ACADÉMIQUES DES COMPÉTENCES EN MATIÈRE DE RECRUTEMENT DES ENSEIGNANTS-CHERCHEURS 403
ARTICLE 45 : DISPOSITIONS DE COORDINATION 408
ARTICLE 46 : ASSIMILATION DES CHERCHEURS AUX ENSEIGNANTS-CHERCHEURS DANS LES INSTANCES DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES DES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR 409
ARTICLE 47 : PRISE EN COMPTE DU DOCTORAT POUR LE RECRUTEMENT DES FONCTIONNAIRES DE CATÉGORIE A 413
ARTICLE 47 BIS (NOUVEAU) : PARTICIPATION DES POST-DOCTORANTS RECRUTÉS PAR L'UNIVERSITÉ AUX ÉLECTIONS DES CONSEILS 417
ARTICLE 47 TER (NOUVEAU) : VALORISATION DE L'EXPÉRIENCE ACQUISE PAR LES CHERCHEURS DANS LE CADRE DE LA PARTICIPATION À LA CRÉATION D'ENTREPRISE 418
ARTICLE 47 QUATER (NOUVEAU) : RECONNAISSANCE DU DOCTORAT DANS LE SECTEUR PRIVÉ 419
APRÈS L'ARTICLE 47 419
TITRE VI DISPOSITIONS RELATIVES À LA RECHERCHE 420
CHAPITRE IER L'ORGANISATION GÉNÉRALE DE LA RECHERCHE 420
ARTICLE 48 : DISPOSITION DE COORDINATION 420
ARTICLE 49 : CRÉATION DU HAUT CONSEIL DE L'ÉVALUATION DE LA RECHERCHE ET DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR 421
ARTICLE 50 : COMPOSITION ET FONCTIONNEMENT DU HAUT CONSEIL DE L'ÉVALUATION DE LA RECHERCHE ET DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR 426
ARTICLE 51 : DISPOSITIONS DE COORDINATION 429
ARTICLE 52 : DISPOSITIONS DE COORDINATION 430
ARTICLE 53 : CRÉATION DU CONSEIL STRATÉGIQUE DE LA RECHERCHE 431
ARTICLE 54 : PROCÉDURE DE NOMINATION DES DIRIGEANTS DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS À CARACTÈRE SCIENTIFIQUE ET TECHNOLOGIQUE (EPST) ET DE L'AGENCE NATIONALE DE LA RECHERCHE (ANR) 438
APRÈS L'ARTICLE 54 441
CHAPITRE II L'EXERCICE DES ACTIVITÉS DE TRANSFERT POUR LA CRÉATION DE VALEUR ÉCONOMIQUE 442
ARTICLE 55 : VALORISATION ET TRANSFERT RENFORCÉS DE LA RECHERCHE MENÉE SUR FONDS PUBLICS 442
ARTICLE 55 BIS (NOUVEAU) : FONCTIONNEMENT EN RÉSEAU DES CENTRES TECHNIQUES INDUSTRIELS 445
ARTICLE 55 TER (NOUVEAU) : MANDATAIRE UNIQUE EN CAS DE COPROPRIÉTÉ DE BREVETS 445
TITRE VII DISPOSITIONS DIVERSES, TRANSITOIRES ET FINALES 446
CHAPITRE IER DISPOSITIONS DIVERSES 446
ARTICLE 56 : EXTENSION DU BÉNÉFICE DE LA DÉROGATION AU SECRET PROFESSIONNEL EN MATIÈRE D'ACCÈS AUX DONNÉES FISCALES EN FAVEUR DES CHERCHEURS 446
ARTICLE 57 : RÔLE DU RÉSEAU DES œUVRES UNIVERSITAIRES 449
APRÈS L'ARTICLE 57 450
ARTICLE 57 BIS (NOUVEAU) : STATUT DE L'ACADÉMIE NATIONALE DE MÉDECINE 451
CHAPITRE II DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES 452
ARTICLE 58 : DISPOSITIONS TRANSITOIRES PERMETTANT AUX UNIVERSITÉS D'INSTALLER LEURS NOUVELLES INSTANCES 452
ARTICLE 59 : DISPOSITIONS TRANSITOIRES APPLICABLES AUX ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE COOPÉRATION SCIENTIFIQUE EXISTANTS EN VUE DE LEUR TRANSFORMATION EN COMMUNAUTÉS SCIENTIFIQUES 454
ARTICLE 60 : DÉLAI D'ADOPTION DES DÉCRETS RELATIFS AUX RATTACHEMENTS D'ÉTABLISSEMENTS EXISTANTS 455
ARTICLE 61 : DATE DE TRANSFERT DES BIENS, DROITS ET OBLIGATIONS DE L'AGENCE D'ÉVALUATION DE LA RECHERCHE ET DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR AU HAUT CONSEIL DE L'ÉVALUATION DE LA RECHERCHE ET DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR 456
ARTICLE 62 : DÉLAI DE MISE EN œUVRE DU RAPPROCHEMENT DES LYCÉES DISPOSANT DE FORMATIONS D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR 456
ARTICLE 63 : DISPOSITIONS CONCERNANT LA PREMIÈRE ACCRÉDITATION D'UN ÉTABLISSEMENT PUBLIC D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR LORSQUE LA DURÉE DU CONTRAT LE LIANT À L'ÉTAT RESTANT À COURIR EST INFÉRIEURE À UN AN 457
ARTICLE 64 : ENTRÉE EN VIGUEUR DES NOUVELLES PROCÉDURES DE RECRUTEMENT ET D'AFFECTATION DES PERSONNELS ENSEIGNANTS-CHERCHEURS 458
ARTICLE 65 : MODIFICATION DES CODES DE LA RECHERCHE ET DE L'ÉDUCATION ET MODALITÉS D'EXTENSION ET D'ADAPTATION DE LA LOI À L'OUTRE-MER 459
ARTICLE 66 : APPLICATION AUX ÎLES WALLIS ET FUTUNA, À LA POLYNÉSIE FRANÇAISE ET À LA NOUVELLE-CALÉDONIE DE CERTAINES DISPOSITIONS DE LA LOI 462
ARTICLE 67 : MODALITÉS D'EXTENSION ET D'ADAPTATION À LA NOUVELLE-CALÉDONIE, À LA POLYNÉSIE FRANÇAISE ET AUX ÎLES WALLIS ET FUTUNA DE CERTAINES DISPOSITIONS DE LA LOI 464
ARTICLE 68 : MODALITÉS D'APPLICATION À MAYOTTE 465
ARTICLE 69 : ADAPTATION DU TITRE IV À LA GUADELOUPE, À LA GUYANE ET À LA MARTINIQUE 465
ARTICLE 70 (NOUVEAU) : RATIFICATION DE L'ORDONNANCE N° 2008-1305 DU 11 DÉCEMBRE 2008 466
TABLEAU COMPARATIF 469
AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 559
ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 713
Réunir dans un même texte législatif l'enseignement supérieur et la recherche est, en France, une démarche inédite, mais conforme aux nécessités de réorganisation et de remise en marche d'un système largement déstabilisé par dix années de réformes désordonnées et contradictoires. Englobant des politiques qui, par le passé, ont toujours été dissociées, le présent projet de loi apportera une contribution décisive, de moyen et de long terme, au redressement national fondé sur la connaissance, centré sur l'université et s'appuyant sur les grands organismes publics de recherche.
Cette séparation des domaines de l'enseignement supérieur et de la recherche a également caractérisé la politique de l'Union européenne, et peut contribuer à en expliquer les insuffisances comme les résultats perfectibles. D'un côté était mis en œuvre le processus de Bologne. Introduit en 1999 comme une initiative intergouvernementale non communautaire qui associait, en 2012, 47 pays, ce processus est à l'origine de la convergence des divers systèmes d'enseignement supérieur vers un cadre unifié, sur la base de trois cycles sanctionnés par des diplômes : licence - maîtrise - doctorat (LMD). De l'autre, les Conseils européens de Lisbonne de mars 2000, puis de Barcelone de mars 2002 se fixaient pour objectif de faire de l'Europe, en dix ans, « l'économie de connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde », et de porter la dépense intérieure de recherche et développement (R&D) à 3 % du PIB en 2010.
La double construction d'un espace européen de la recherche, d'une part, et de l'enseignement supérieur, d'autre part, sur des périmètres et avec des configurations politiques différents n'a pas toujours semblé répondre aux attentes de ses promoteurs et les objectifs fixés au début du nouveau millénaire n'ont pas été atteints.
Cette même voie d'élaboration successive fut choisie par la précédente majorité, sous les présidences de M. Jacques Chirac puis de M. Nicolas Sarkozy. La loi de programme pour la recherche n° 2006-450 du 18 avril 2006 (le Pacte pour la recherche, dont elle est la traduction législative) a ainsi été suivie de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (dite loi « LRU »), sans que l'unité ni la cohérence de l'ensemble n'aient été très perceptibles, expliquant pour une part le foisonnement désordonné des nouveaux outils de financements et des nouvelles structures.
Se fondant quant à lui sur des bases communes à l'enseignement supérieur et à la recherche, le projet de loi propose une réorientation de ces politiques publiques. Il en prépare le cadre nouveau en co-construction avec l'ensemble des acteurs concernés.
Il remet ainsi au centre du débat public une stratégie nationale de l'enseignement supérieur et une stratégie nationale de la recherche, portées par le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et élaborées par des conseils aux compétences élargies ou créés à cette fin.
Cette stratégie dispose d'un cadre budgétaire renforcé, dès la loi de finances pour 2013, structuré par le programme des investissements d'avenir et le caractère interministériel que lui confère son rattachement au Premier ministre. Elle sera articulée au cadre régional et à ses schémas prenant en compte la décentralisation tout en garantissant l'égalité des droits des étudiants, des enseignants et des chercheurs sur tout le territoire.
La stratégie pourra enfin s'appuyer sur une évaluation recentrée sur des établissements autonomes, et sur un rôle renforcé du Parlement et de son Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Ce dialogue retrouvé se fonde sur une méthode : la concertation avec l'ensemble des acteurs de cette aventure collective. L'organisation des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche pilotée par un comité indépendant présidé par la professeure Françoise Barré-Sinoussi, le rapport au Président de la République présentant les conclusions de leurs travaux, élaboré par M. Vincent Berger, et le rapport au Premier ministre de notre collègue, M. Jean-Yves Le Déaut, qui en propose une transcription législative et réglementaire sont à l'origine même du texte qui nous est proposé.
Il convient en effet, comme l'établissait ce dernier rapport, d'accompagner la lecture de chacune des mesures législatives du projet de son support réglementaire. Le rapporteur s'est attaché, chaque fois que c'était nécessaire, à éclairer la disposition présentée par les projets du gouvernement dans le domaine qui est le sien, en complément des informations fournies par l'exposé des motifs et l'étude d'impact, joints au projet de loi.
Enfin, on observera que le projet de loi ne traite pas des conditions de vie des étudiants. De toute évidence, celles-ci se dégradent, « l'émancipation » liée aux études pouvant être synonyme de précarité. L'enquête triennale de l'Observatoire de la vie étudiante (OVE) signale, à cet égard, l'augmentation préoccupante de tensions budgétaires affectant une minorité croissante de jeunes, notamment la catégorie la plus indépendante économiquement. Au sein même de cette catégorie, une frange d'étudiants est même très probablement en situation d'extrême précarité. À cela s'ajoute le fait que le travail étudiant, lorsqu'il est subi et exercé durablement au cours de l'année universitaire, est devenu un facteur d'échec. Or, 40 % des étudiants interrogés par l'OVE déclarent que le revenu qu'ils en tirent leur est indispensable pour vivre (1).
Une remise à plat du système d'aides aux étudiants est donc nécessaire. Aux Assises, le débat sur notre système d'enseignement supérieur a longuement porté sur l'ensemble de ces dispositifs - demi-part fiscale, allocation logement, bourses et autres aides sociales -, ainsi que sur l'allocation d'études et de formation que le Président de la République s'est engagé à mettre en œuvre. À cet effet, une mission interministérielle a été chargée, en février dernier, d'analyser les scénarii d'évolution des aides accordées dans le sens d'une telle allocation, qui serait attribuée sous condition de ressources. Ainsi, le moment approche où il nous faudra arbitrer entre des aides aux familles qui soutiennent financièrement leurs enfants et des aides directement ciblées sur les étudiants.
En tout état de cause, ce facteur déterminant de la réussite des étudiants, qui est au cœur de la politique du gouvernement et de sa majorité, trouvera d'autant mieux sa place dans notre dispositif d'enseignement supérieur que le présent projet de loi en aura permis les réorientations nécessaires et attendues.
A. LA DÉMOCRATISATION INACHEVÉE DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR APPELLE UNE RÉFORME DES ENSEIGNEMENTS ET DE LA PÉDAGOGIE
Comme le rappelle le rapport des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche, « le nombre d'étudiants a été multiplié par huit en cinquante ans, pour atteindre près de deux millions et demi aujourd'hui. La France désire poursuivre encore cette démocratisation de l'enseignement supérieur, parce que c'est le sens de l'histoire du pays des Lumières que de parier sur l'émancipation des individus par le savoir, parce que c'est son intérêt de faire progresser la compétitivité globale de son économie - et cela passe par un enseignement supérieur de haut niveau, parce que c'est l'aspiration de notre société de nourrir et renouveler sans cesse le lien social par la connaissance, la culture, l'humanisme, l'université » (2).
Or cette grande ambition est aujourd'hui contrariée.
43 % seulement des 25-34 ans accèdent à un diplôme de l'enseignement supérieur et 28 % si l'on considère le niveau Bac + 3. L'objectif, affiché dès 2005, de 50 % d'une classe d'âge diplômée de l'enseignement supérieur n'est toujours pas atteint.
Certes, on constate que 19 % des jeunes ayant étudié dans l'enseignement supérieur en sortent sans avoir obtenu de diplôme, soit un taux inférieur de dix points à la moyenne des pays de l'OCDE, qui s'établit à environ 30 %.
Mais les disparités sont importantes selon la filière de formation dans laquelle le jeune s'est initialement engagé et le type de baccalauréat qu'il détient.
Plus de neuf étudiants sur dix admis dans les filières les plus sélectives sont sortis avec un diplôme. C'est le cas de la quasi-totalité de ceux qui ont pris la voie d'une classe préparatoire aux grandes écoles, et huit sur dix ont obtenu un diplôme de niveau bac + 5.
La réussite est très grande également parmi ceux qui ont intégré un Institut universitaire de technologie (IUT) : neuf sur dix sont sortis diplômés, y compris parmi les bacheliers technologiques. À l'inverse, en sections de techniciens supérieurs (STS), la réussite se tasse, en particulier parmi les bacheliers technologiques et malgré l'amélioration des résultats obtenus par les bacheliers professionnels : 29 % de ceux qui s'étaient inscrits en STS ont interrompu leurs études sans avoir obtenu de diplôme, dont 10 % des bacheliers généraux, 26 % des bacheliers technologiques et 52 % des bacheliers professionnels.
Bilan du parcours des bacheliers selon les principales orientations après le bac (en %) | ||||||
Sorties sans diplôme |
Diplômés de l'enseignement supérieur |
% diplômés panel 1989 | ||||
|
Diplôme bac+2 |
Diplôme bac+3/4 |
Diplôme bac+5 |
Ensemble | ||
Licence |
20 |
9 |
40 |
31 |
80 |
78 |
- dont bacheliers généraux |
14 |
8 |
43 |
35 |
86 |
85 |
- dont bacheliers technologiques |
47 |
17 |
26 |
10 |
53 |
41 |
PCEM/PCEP* |
9 |
5 |
30 |
56 |
91 |
92 |
CPGE |
2 |
1 |
15 |
82 |
98 |
96 |
IUT |
7 |
26 |
29 |
38 |
93 |
92 |
- dont bacheliers généraux |
5 |
19 |
31 |
45 |
95 |
94 |
- dont bacheliers technologiques |
11 |
42 |
23 |
24 |
89 |
87 |
STS |
29 |
49 |
15 |
7 |
71 |
75 |
- dont bacheliers généraux |
10 |
48 |
25 |
17 |
90 |
85 |
- dont bacheliers technologiques |
26 |
52 |
16 |
6 |
74 |
76 |
- dont bacheliers professionnels |
52 |
43 |
3 |
2 |
48 |
44 |
Ensemble de ceux qui ont poursuivi dans le supérieur |
19 |
22 |
29 |
30 |
81 |
81 |
Rappel panel 1989 |
19 |
30 |
51* |
81 |
| |
* Le suivi des bacheliers du panel 1989 ne permet pas de mesurer l'obtention d'un diplôme bac+5. | ||||||
Champ : ensemble des élèves des panels 89 et 95 qui ont poursuivi des études supérieures après leur baccalauréat (ou l'année suivante). | ||||||
Source : Résultats, diplômes, insertion, Repères et références statistiques 2012, Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche |
En outre, le parcours des étudiants en premier cycle reste particulièrement chaotique.
D'après la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l'enseignement supérieur de la recherche (3), 28 % des étudiants inscrits en L1 en 2006-2007 ont obtenu leur licence trois ans plus tard, en 2009. 11,5 % des inscrits ont eu besoin d'une année supplémentaire. Au total, 39,5 % seulement des étudiants inscrits en L1 ont obtenu leur licence en trois ou quatre ans.
Les étudiants ne sont pas égaux devant la réussite en licence : les titulaires d'un bac professionnel ont un taux de réussite à la licence en trois ans de 2,2 % et de 4,1 % en trois ou quatre ans, alors que plus du tiers des bacheliers généraux ont obtenu le diplôme trois ans après leur première inscription, près de la moitié l'ayant obtenu en trois ou quatre ans. Moins de 10 % des bacheliers technologiques y parviennent en trois ans.
Obtenir son baccalauréat en retard est également très discriminant, puisque 37,4 % de ceux qui sont bacheliers « à l'heure » ou en avance sont diplômés en trois ans, contre 17,7 % en cas de retard d'un an et 8,8 % en cas de retard supérieur à un an.
D'après le rapport de M. Gérard Aschieri au nom de la section de la culture et de l'éducation du Conseil économique, social et environnemental, Réussir la démocratisation de l'enseignement supérieur, l'enjeu du premier cycle (4), 52 % des inscrits en première année de L1 passent en deuxième année, 23 % refont une première année, 19 % changent de filière et 6 % arrêtent leurs études.
Faut-il qualifier ces parcours d'échec ? Le rapport note ainsi que « les non-passages en deuxième année se traduisent majoritairement par des redoublements ou des réorientations et beaucoup moins souvent par des abandons d'études. […] ».
Le rapport juge donc qu'« il est donc difficile de les classer tous dans la catégorie des échecs. En fait, tout se passe comme si la première année de l'enseignement supérieur était pour une partie des jeunes bacheliers, un moment de construction de leur projet personnel avec tout ce que cela implique de tâtonnements, de recherches, d'essais, et il n'est pas évident que ce soit pour ceux qui se réorientent, du temps perdu. D'ailleurs, les sociologues Romuald Bodin et Mathias Millet, maîtres de conférences à l'université de Poitiers, contestent la notion d'échec pour la majorité de ces cas et soutiennent que c'est une des fonctions de l'université que de permettre ces réajustements, à la fois parce qu'elle accueille la majorité des étudiants et qu'elle occupe selon eux une place médiane dans la hiérarchie des formations supérieures ».
Le rapporteur estime tout de même qu'on ne peut qualifier cette situation d'optimale : la grande précarité de la situation des étudiants ne peut conduire à regarder comme satisfaisant le fait que 40 % d'entre eux s'égarent dans des parcours erratiques et à rallonges. Ces parcours se paient au prix fort en termes de restrictions diverses, de renoncements aux soins, ou bien encore de travail contraint.
Par ailleurs, il convient de ne pas oublier que si toutes les réorientations ne sont pas nécessairement synonymes d'échec, elles sont bien souvent vécues comme telles par les étudiants. Au demeurant, et comme le rappelle le rapport précité du CESE, « ces ajustements se font toujours de haut en bas, c'est-à-dire d'une filière plus prestigieuse vers une autre qui l'est moins. »
Ces « ratés » du premier cycle universitaires traduisent également le caractère très discriminant socialement des études supérieures: on note un écart de 11,7 points entre le taux de réussite des étudiants issus de familles socialement très favorisées et celui des enfants de familles défavorisées.
Or le risque de chômage est d'autant plus élevé que le niveau d'études atteint est peu élevé : comme le rappelle la DEPP, lorsqu'ils ont quitté leur formation initiale depuis un à quatre ans, 9 % des diplômés de l'enseignement supérieur sont au chômage en 2011, contre 22 % de ceux ayant pour plus haut diplôme un CAP, un BEP ou un baccalauréat et 46 % des personnes possédant le brevet des collèges ou ne possédant aucun diplôme.
Les Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche ont permis de mettre en évidence les blocages que les différentes politiques mises en œuvre ne sont pas parvenues à lever et qui entravent la réussite des étudiants. Ce diagnostic fonde les mesures du présent projet de loi.
Le premier constat est celui d'une insuffisante synergie entre lycée et université : le changement reste brutal pour les nouveaux étudiants, habitués à travailler en classe de manière très encadrée et qui ne sont pas préparés aux méthodes de l'enseignement supérieur.
Comme le note le rapport des Assises, « le secondaire et le supérieur sont deux mondes qui ne se connaissent pas assez. Les possibilités offertes aux bacheliers pour leur avenir manquent encore de lisibilité. L'information ou l'orientation sont insuffisantes. Les enseignants du supérieur ne connaissent pas toujours parfaitement les acquis de leurs nouveaux étudiants, les enseignants du secondaire ne savent pas forcément très bien décrire à leurs élèves les différentes filières supérieures. Une grande partie de l'échec en licence trouve sa source dans cette rupture entre le lycée et le supérieur. […] Beaucoup de contributions aux Assises ont ainsi exprimé le besoin de lien entre le lycée et le supérieur, lien parfois mis en valeur à travers l'expression "-3/+3", qui fait référence à la continuité qu'il doit y avoir entre les 3 années qui précèdent le baccalauréat et celles qui lui succèdent. » (5).
Le deuxième constat est celui de la nécessité d'une réforme de la licence, dans le sens d'une spécialisation moins précoce afin de contribuer à rendre moins brutale la transition entre enseignement secondaire et enseignement supérieur. Cet élargissement du socle disciplinaire en première année de licence doit également permettre de « fluidifier » les parcours au sein de l'enseignement supérieur, et de faciliter les réorientations. Il est en effet indispensable de décloisonner les différents compartiments de l'enseignement supérieur, et de faciliter les échanges, notamment entre université et classes préparatoires aux grandes écoles.
Par ailleurs, les Assises appellent à une clarification du maquis des licences et des masters : le catalogue des formations compte pas moins de 1 400 intitulés de licences générales, 2 200 intitulés de licences professionnelles, 1 800 mentions de masters et 5 900 spécialités à l'université, sans compter les masters des autres établissements qui amènent l'offre à 10 000 masters. L'offre de formation est devenue totalement illisible, que ce soit pour les employeurs ou les étudiants et leur famille.
Enfin, deux cas particuliers méritent d'être traités : celui des étudiants en première année commune d'études de santé (PACES), qui connaissent des taux d'échec absolument considérable, et ceux des bacheliers technologiques et professionnels, particulièrement pénalisés en licence, alors même que des filières spécifiques ont été conçues pour eux.
L'objectif affiché par le projet de loi est d'atteindre enfin le taux de 50 % d'une classe d'âge diplômée de l'enseignement supérieur. Il s'agit de mettre en œuvre l'engagement souscrit par la France lors du Conseil européen de Lisbonne des 23 et 24 mars 2000.
Plusieurs leviers seront actionnés afin d'atteindre cet objectif : tout d'abord, le levier budgétaire. Ainsi, 1 000 emplois dédiés à la réussite en licence ont été créés cette année dans les universités. 5 000 créations de d'emplois sont prévues pour la durée du quinquennat. Les crédits en faveur de la vie étudiante connaissent en 2013 une hausse de 7,4 %.
La création de 40 000 logements étudiants au cours du quinquennat doit permettre d'améliorer les conditions de vie des étudiants, de même que la création de centres de santé sur les campus et l'amélioration des aides sociales, qui dont actuellement l'objet d'une évaluation.
En outre, conformément aux engagements du Président de la République, une mission interministérielle a été chargée en février dernier d'analyser les scénarii d'évolution des aides accordées aux étudiants dans le sens d'une allocation d'études et de formation attribuée sous condition de ressources. Seront notamment étudiées les possibilités de redéploiement au sein des enveloppes consacrées aux aides fiscales et aux bourses. Cette réforme devra notamment établir comment garantir la progressivité des aides et réduire les effets de seuils, prendre en compte les ressources réelles des étudiants, agir en faveur de la réussite en remédiant au phénomène de « surtravail » qui touche aujourd'hui près de 12 % des étudiants, assurer l'efficacité des aides en termes de justice sociale et d'égalité d'accès aux études supérieures.
Par ailleurs, le projet de loi comporte plusieurs mesures ambitieuses, qui seront complétées par des mesures réglementaires.
Il permet d'améliorer l'orientation et la poursuite d'étude des lycéens en créant un continuum de la seconde à la licence grâce à l'inscription dans la loi du principe de continuité entre le second cycle de l'enseignement du second degré et le premier cycle de l'enseignement supérieur.
Il prévoit également que les lycées disposant d'au moins une classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE) ou d'une ou plusieurs STS devront signer une convention avec un établissement universitaire de leur choix. Cette convention décrira les modalités d'un rapprochement et d'un partenariat dans les domaines pédagogiques et de la recherche : l'ambition est d'aller au-delà de simples équivalences afin de faciliter les réorientations des étudiants de classe préparatoire et de les familiariser avec la recherche.
Ces mesures s'accompagneront d'une réforme de l'orientation, avec la mise en place d'un service territorialisé d'orientation : à la suite du séminaire gouvernemental sur la compétitivité, le Premier ministre a en effet annoncé que serait amorcée, dès 2013, la mise en place d'un nouveau service public de l'orientation, du secondaire au supérieur, fondé sur une approche « Métiers - Qualifications ». Ce service se substituera au service public d'orientation mis en place à la suite de la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et la formation professionnelle tout au long de la vie. Ce service public de l'orientation relèvera de compétences partagées entre l'État et les conseils régionaux. L'État reste chargé de l'information et de l'orientation des élèves et des étudiants dans les établissements scolaires et les établissements d'enseignement supérieur. La région assurera un service public régional d'orientation en coordonnant et en animant tous les services et dispositifs qui concourent à l'information et à l'orientation des différents publics sur son territoire. Ce service public territorialisé de l'orientation développera une information sur les filières, les métiers et les qualifications en relation avec les évolutions nationales et locales, au plus près des besoins économiques et sociaux des territoires.
Le projet de loi affirme également le principe d'une spécialisation progressive des études en premier cycle, afin de ménager aux étudiants des choix d'orientation plus ouverts en premier cycle. Cette mesure s'inscrit dans le cadre d'une réforme globale du cycle licence qui fera l'objet de mesures d'ordre réglementaire.
La lisibilité du panorama des diplômes sera améliorée en favorisant les innovations pédagogiques au sein des établissements. À une procédure d'habilitation des diplômes, extrêmement lourde et tatillonne, se substituera une procédure d'accréditation des établissements, reposant sur un cadre national des diplômes allégé et simplifié.
Les titulaires d'un bac professionnel seront prioritairement orientés vers les sections de technicien supérieur, et les titulaires d'un baccalauréat technologique vers les IUT. Une proportion minimale d'effectifs de ces bacheliers sera instaurée dans ces formations. Le projet de loi a pour objet de contenir l'importante proportion de bacheliers professionnels et technologiques qui s'orientent par défaut vers l'université, faute d'être accueillis dans les filières STS et IUT pourtant initialement conçues pour eux.
Des dérogations encadrées aux règles d'admission en PACES seront expérimentées : il s'agit de réduire le gâchis qu'occasionne le taux d'échec considérable des étudiants à l'issue de cette première année. Le projet de loi prévoit ainsi qu'une orientation des étudiants de première année pourra être mise en œuvre par les universités, à l'issue d'épreuves portant sur les enseignements dispensés en début d'année. En outre, une admission en deuxième ou troisième année, après un premier cycle universitaire adapté ayant conduit à l'obtention d'un diplôme de licence, pourra être organisée.
En outre, le projet de loi organise les conditions de mise en œuvre d'un certain nombre d'innovations pédagogiques.
Ainsi, l'alternance est reconnue comme une modalité de formation supérieure à part entière. Ce faisant, le projet de loi participe à l'objectif de doublement de l'alternance confirmé par le Président de la République dans son discours de Grenoble de janvier 2013. L'alternance est une voie privilégiée pour permettre aux jeunes de tous milieux sociaux de se former et de trouver un emploi durable. Elle permet la poursuite d'études à des publics qui ne l'auraient pas envisagée autrement, en permettant notamment l'accès à une rémunération.
« L'aspect le plus choquant de la recherche en France […] est le statut déplorable du chercheur, un point rarement mentionné. Dans un pays qui se veut cultivé, le chercheur - et spécialement le scientifique - est dans le meilleur des cas un sujet d'incompréhension. » Le rapporteur partage pleinement ce constat, dressé par l'Académie des sciences dans un rapport du 25 septembre 2012 sur les structures de la recherche publique en France. Or, il estime que cette situation s'explique en grande partie par le manque de reconnaissance du doctorat et de la fonction de chercheur en général.
Dans notre pays, la formation à la recherche attire peu. C'est l'une des conséquences du fossé entre universités et grandes écoles qui divise notre système d'enseignement supérieur. Aussi le nombre de diplômés de niveau master en grande école à vouloir effectuer un doctorat est-t-il largement inférieur la moyenne européenne. Plus globalement, au cours des dix dernières années, le nombre de doctorats délivrés en France chaque année a stagné à environ 10 000, contre 25 000 en Allemagne.
Si le doctorat attire peu, c'est aussi parce qu'il n'est pas suffisamment valorisé. Le crédit d'impôt recherche a beau comporter une incitation pour les entreprises à embaucher des docteurs, ce diplôme demeure encore trop peu intégré dans les conventions collectives, contrairement à ce qui est observé dans d'autres pays. Alors que le titre de doctorat est extrêmement prestigieux en Allemagne, où, exemple symbolique, le responsable de l'équipe de course automobile du groupe Audi est un « Herr Doktor », de même que le PhD, son équivalent anglo-saxon, le doctorat n'est pas vraiment reconnu dans l'industrie française.
Il en résulte à la fois une profonde méconnaissance de l'importance d'une expérience approfondie de la recherche pour le développement d'une culture de l'innovation et de la recherche privée, qui fait défaut à notre économie, et un manque de débouchés pour les jeunes docteurs.
Au surplus, à la différence des principaux pays de l'OCDE, la France se caractérise par une très faible proportion de titulaires du doctorat au sein de la fonction publique. En dehors des secteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche, seuls environ 300 titulaires d'un doctorat accèdent chaque année à des emplois de la fonction publique sur les 13 000 docteurs diplômés et moins de 2 % des cadres de la fonction publique sont titulaires du doctorat contre 35 % aux États-Unis ou en Allemagne.
La formation des docteurs, marquée par une très grande spécialisation, ne les prépare pas à des concours sur épreuves pluridisciplinaires. C'est ce qui explique que le taux de réussite des docteurs aux concours d'enseignants du second degré soit deux fois inférieur à celui des autres candidats. Ce handicap les oblige à étudier un an ou deux ans à l'issue de leur doctorat pour préparer les concours, ce qui peut être financièrement inaccessible. En outre, psychologiquement, ce retour à une situation d'étudiant est souvent perçu comme un déclassement pour des chercheurs qui ont été en pointe dans leur discipline pendant plusieurs années Ainsi sont-ils très peu à tenter l'aventure, d'autant plus que la voie interne leur est très difficile d'accès car il faut être employé dans le secteur public au moment des concours (deuxième concours) ou justifier de nombreuses années d'activités professionnelles (troisième voie).
Or, la fonction publique doit faire face à de nombreux défis tels que sa modernisation, le renouvellement de ses effectifs et la redéfinition de ses finalités, qui supposent la mobilisation de nouvelles compétences dont le vivier des docteurs dispose en abondance.
Pour remédier à l'insuffisante valorisation du doctorat dans le secteur privé, comme l'indique le rapport de M. Jean-Yves le Déaut, « Refonder l'université, dynamiser la recherche », « il convient tout d'abord de reconnaître le doctorat dans les conventions collectives pour lesquelles une procédure de déclenchement des négociations a été inscrite à l'article L. 411-4 du code de la recherche, mais n'a jamais été utilisée. Cette situation est inacceptable car un arrêté interministériel devrait permettre d'expérimenter après négociation avec les organisations représentatives le dispositif prévu par la loi. » (6)
En ce qui concerne la valorisation du doctorat au sein de la fonction publique, le présent projet de loi prévoit la possibilité de créer dans les statuts particuliers de certains corps de fonctionnaires d'État de catégorie A « un concours externe réservé sur titres ou sur titres et épreuves » pour les titulaires d'un diplôme de doctorat.
Le rapporteur se félicite de cette initiative et souhaite que la possibilité d'organiser des concours réservés soit ouverte dans les trois fonctions publiques.
Il peut paraître étrange qu'il soit nécessaire de souligner l'importance d'un pilotage national de la recherche, en cohérence avec les instruments remarquables que sont les établissements de recherche dont est doté notre pays. Leur riche histoire traduit les différentes périodes de l'impulsion publique de la recherche scientifique et montre qu'elle a été continue jusqu'au début des années 2000. Or, non seulement les lois intervenues depuis dix ans, mais aussi l'ensemble des mesures réglementaires, budgétaires, organisationnelles en ont rendu le cadre même particulièrement confus.
Moins que l'évolution des dotations budgétaires ou les inflexions données à telle orientation ou à telle structure, pourtant discutables, il a manqué une élaboration stratégique construite et suivie. La stratégie nationale de recherche et d'innovation (SNRI) définie en 2008 et mise en place en 2009 s'est trouvée juxtaposée à d'autres initiatives qui la rendaient inopérante. Elle-même se fondait sur des orientations trop générales pour être déterminantes. Il lui revient cependant le mérite d'avoir ainsi traduit le besoin de remédier aux incertitudes multiples des chercheurs et des enseignants, face à ce que les auditions du rapporteur ont fait apparaître comme une suite ininterrompue de réformes, telle que peu de milieux professionnels ont eu à en connaître dans une période aussi courte.
Dès lors, comme l'a indiqué la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Mme Geneviève Fioraso, lors de la présentation du projet de loi en conseil des ministres le 20 mars dernier : « En matière de recherche, il fallait d'abord rétablir un État stratège, qui se donne les moyens de définir les grandes priorités nationales d'ici à 2020. »
La stratégie nationale s'appuiera sur un Conseil stratégique de la recherche reprenant le double rôle du Haut conseil de la science et de la technologie (HCST) et du Conseil supérieur de la recherche et de la technologie (CSRT) et dont la composition sera suffisamment large pour être représentative, la tutelle du Premier ministre lui donnant une assise interministérielle appuyée sur un pilotage confié au ministre chargé de la recherche.
Cette organisation permettra de réinsérer pleinement le programme des investissements d'avenir dans une stratégie nationale de la recherche et de l'enseignement supérieur, elle-même harmonisée avec celle qui est engagée par l'Union européenne, dans son programme Horizon 2020.
Dans ces conditions, l'Agence nationale de la recherche (ANR) pourra se recentrer sur son rôle de fonds incitatif, destiné à porter les grandes orientations de la stratégie nationale de recherche en sciences et en technologies, et non sur celui de seul financeur d'un système de recherche aux moyens propres raréfiés qu'elle tendait à devenir. La loi de finances pour 2013 traduit, d'ores et déjà, ce début de rééquilibrage et cette volonté de renforcer, dans un contexte budgétaire difficile, les crédits récurrents des laboratoires, très nécessaires, est-il besoin de le rappeler, au maintien de leur capacité à répondre aux appels à projets de l'Agence.
Une nouvelle orientation budgétaire se dessine ainsi et si le projet de loi ne propose pas de programmation, il serait sans doute pertinent que les travaux d'orientation et d'évaluation et les rapports des nouvelles instances d'élaboration stratégiques mises en place puissent faire l'objet d'une synthèse sous la forme d'un livre blanc interministériel sur la recherche et l'enseignement supérieur. Celui-ci permettrait de présenter, parallèlement, une programmation des moyens et d'assurer une transparence tendant à assurer la sincérité budgétaire souhaitée par beaucoup, comme le relevait M. Jean-Yves Le Déaut dans son rapport. Il devrait également présenter un bilan et des perspectives en matière d'emploi scientifique, et sur la résorption de la précarité.
Il convient de distinguer les dispositions législatives existantes - la valorisation des résultats est l'un des objectifs des politiques publiques menées en matière de recherche - de la réalité telle qu'elle est perçue par les entreprises comme par les chercheurs. Il est donc apparu nécessaire de préciser cette notion qui peut comprendre, très légitimement, la diffusion de la culture scientifique et de nombreuses activités contribuant à accroître les connaissances de nos concitoyens.
La mise en valeur des résultats de la recherche et des connaissances devrait mieux correspondre aux dénominations actuelles des pratiques des établissements de recherche et d'enseignement supérieur, soulignées lors des auditions du rapporteur, comme aux définitions et recommandations retenues pour les politiques et les programmes européens de recherche et de développement technologique (PCRD). Il est donc proposé que la notion de transfert soit explicitement introduite dans les orientations comme dans les dispositifs pratiques.
Ce transfert des résultats de la recherche en direction des secteurs socio-économiques s'accompagne du renforcement et de la simplification du dispositif de dépôt de brevet pour les inventions issues de recherches menées sur fonds publics. Cette mesure vise, outre la meilleure prise en compte des applications des travaux des chercheurs, à soutenir les PME qui les exploiteront sur le territoire de l'Union européenne, les règles actuelles, introduites par la loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006 n'ayant pas, à cet égard, été très satisfaisantes.
L'élargissement du crédit d'impôt recherche (CIR) par la loi de finances pour 2013, à certaines dépenses d'innovation en faveur des petites et moyennes entreprises, mettant ainsi en place un crédit d'impôt innovation, participait déjà de ce renforcement du continuum recherche-innovation, par la valorisation et le transfert des résultats de la recherche.
Il conviendrait également, comme le propose M. Jean-Yves Le Déaut, que la mise en place des sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT) soit systématisée. Ces dernières assurent en effet le relais entre les laboratoires de recherche et les entreprises et financent les phases de maturation des projets et de preuve de concept. Ces guichets uniques de valorisation renforcent l'efficacité du dispositif d'innovation et la compétitivité de l'industrie. En permettant la mise en place d'un seul mandataire pour l'exploitation des brevets, les SATT pourraient constituer le cadre naturel et simple du transfert en direction du monde socio-économique.
Les auditions du rapporteur ont fait apparaître un paradoxe : si l'évaluation est en général bien acceptée par les chercheurs mais aussi par le monde universitaire, sa forme actuelle est assez largement critiquée. L'AERES ne fait certes pas consensus, mais pour des raisons très diverses. Il peut sembler injuste qu'un organisme ayant réellement évolué depuis sa création et ayant su ancrer la culture de l'évaluation, dans l'enseignement supérieur en particulier, qui n'y était pas très porté, n'ait pas mieux trouvé sa place dans le paysage de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Il est donc probable que le défaut était dans le dispositif législatif initial lui-même : il convient dès lors de revenir aux fondamentaux. L'objectif d'une évaluation pertinente ne doit pas être de délivrer sanctions ou satisfécits, mais d'accompagner les entités évaluées, si une telle initiative s'avère nécessaire.
Le projet de loi propose de créer une nouvelle autorité administrative indépendante, le Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur dont l'intervention sera hiérarchisée. Si son intervention peut être directe, son rôle sera prioritairement d'accréditer des dispositifs d'évaluation proposés par les établissements et conformes aux standards internationaux.
Il est en effet souhaitable que les acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche se saisissent eux-mêmes d'une méthodologie de l'évaluation. La confiance dans les vertus de l'autonomie, renforcée mais sécurisée par des financements équilibrés, ne devrait-elle pas permettre, à terme, de laisser le libre choix de l'évaluateur à l'évalué, comme cela se pratique déjà dans certaines universités européennes. Lors de leur audition, les représentantes de l'European University Association ont, à cet égard, présenté des expérimentations particulièrement éclairantes d'établissements faisant appel à des agences d'évaluation qu'ils choisissent librement, et donc non pas d'auto-évaluations, mais d'évaluations en autonomie.
III.- DÉMOCRATISER LA GOUVERNANCE DES UNIVERSITÉS
ET DÉPASSER LES FRACTURES HISTORIQUES DE NOTRE SYSTÈME D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE RECHERCHE
Sur le plan des structures, le présent projet de loi a pour ambition de rendre la gouvernance des universités plus démocratique, tout en développant la coopération, sur un même territoire, des établissements et des équipes. De cette manière, les fractures historiques de notre système d'enseignement supérieur et de recherche pourront être résorbées.
Au préalable, il convient de souligner que le présent projet de loi s'inscrit dans une continuité, celle de l'autonomie universitaire, initiée par la loi « Faure » du 12 novembre 1968 et confortée par la loi « Savary » du 26 janvier 1984.
Son approche de l'autonomie doit être distinguée de l'acception technique - administrative et financière - qu'en a donnée la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (dite loi « LRU »), par laquelle ces établissements ont accédé à des responsabilités et compétences élargies (RCE), qui les dotent, notamment, d'un budget « global », incluant la masse salariale des personnels rémunérés par l'État. En y ajoutant une vingtaine d'établissements publics administratifs, d'écoles ou d'instituts, comme le CNAM ou les écoles normales supérieures, le nombre total d'établissements « RCE » est passé à 96.
Or, de l'avis général, cette réforme n'a pas été suffisamment accompagnée par le précédent gouvernement.
Dans son dernier rapport, qui s'inscrit dans le droit fil de ses précédents travaux, le comité de suivi de la loi « LRU », une instance de contrôle et de réflexion non partisane, a observé, à cet égard, qu'un « certain recul permet de mesurer les fortes tensions "après-RCE" qui s'installent dans les universités avec un relief particulier pour les petits établissements isolés pour lesquels elles signifient un frein à toute possibilité de réelle stratégie de développement et à s'engager dans une politique de site ambitieuse ».
Le comité ajoute que « l'absence d'une réflexion, dès 2009, sur l'identification, l'analyse et l'anticipation des risques est une fragilité des conditions dans lesquelles s'est opéré le transfert (des compétences) qui n'est pas sans conséquence » (7).
Cette année encore, malgré les mesures d'accompagnement prises par l'actuel gouvernement, la situation de certaines universités reste difficile. Le dernier état de bord (6 février 2013) faisait en effet état de :
- treize établissements déficitaires en 2011 (comptes financiers 2011 définitifs) ;
- sept établissements en double déficit 2010 et 2011.
Les dernières données 2012, qui doivent être prises avec beaucoup de précautions, car les commissaires aux comptes n'ont pas tous fini leur travail, laissent prévoir trente universités déficitaires en 2012
Par ailleurs, la portée réelle de la loi « LRU » doit être mise en perspective par rapport aux « standards » européens. Or, force est de constater, à cet égard, aux côtés de l'European University Association (EUA), que nos universités se situent dans le dernier tiers du classement établi par cet organisme (8). Ces éléments de comparaison sont repris dans le tableau ci-contre.
On ne peut qu'être frappé par la contradiction qui existe entre les hymnes à l'autonomie professés par certains et la relative modestie des résultats obtenus en la matière par notre pays.
En réalité, la contradiction n'est qu'apparente et peut être facilement expliquée, à condition toutefois qu'on veuille bien tenir un discours de vérité, loin des incantations, sur ce qu'on pourrait appeler l'autonomie « à la française ».
L'abandon de notre modèle au profit de celui des grands établissements anglo-saxons serait en effet totalement irréaliste, car il conduirait à sacrifier des éléments constitutifs de notre culture, ce qui serait socialement inacceptable. Par conséquent, comme l'a rappelé avec justesse le comité de suivi de la loi « LRU », s'il nous faut accomplir des évolutions profondes, celles-ci devront tout à la fois « concilier le "modèle international d'universités autonomes" et les fondements du système français d'enseignement supérieur et de recherche qui repose sur une mission service public national et une diversité d'établissements » (9).
Au fond, l'autonomie bien comprise, c'est, comme l'a souligné la secrétaire générale de l'European University Association, Mme Lesley Wilson, celle qui est contrôlée par l'État stratège et qui appuie le service public, en permettant aux établissements de répondre à la diversité des demandes sociales.
Rang |
Autonomie organisationnelle (procédure de désignation et de renvoi du président, choix des personnalités extérieures, organisation des composantes et capacité à créer des entités juridiques) |
Autonomie financière (durée du financement public, capacité à reporter les bénéfices et à emprunter, propriété immobilière, frais d'admission pour les étudiants ressortissants nationaux, européens ou non) |
Gestion des ressources humaines (choix des procédures de recrutement, de rémunération, de promotion, et de licenciement) |
Autonomie pédagogique (choix du nombre d'étudiants, sélection à l'entrée de la licence ou du master, langue des cours, définition du contenu des formations, recours à des mécanismes d'assurance qualité) | ||||
1er |
Royaume-Uni |
100 % |
Luxembourg |
91 % |
Estonie |
100 % |
Irlande |
100 % |
2e |
Danemark |
94 % |
Estonie |
90 % |
Royaume-Uni |
96 % |
Norvège |
97 % |
3e |
Finlande |
93 % |
Royaume-Uni |
89 % |
République tchèque, |
95 % |
Royaume-Uni |
94 % |
4e |
Estonie |
87 % |
Lettonie |
80 % |
Estonie |
92 % | ||
5e |
Rhénanie-Palatinat |
84 % |
Pays-Bas |
77 % |
Finlande |
90 % | ||
6e |
Irlande |
81 % |
Hongrie |
71 % |
Finlande |
92 % |
Islande |
89 % |
15e |
Brandebourg |
60 % |
Finlande |
56 % |
Islande |
68 % |
Pologne |
63 % |
France |
16e |
59 % |
22e |
45 % |
27e |
43 % |
28e |
37 % |
27e |
Turquie |
33 % |
Hesse |
35 % |
France |
43 % |
Grèce |
40 % |
28e (dernier) |
Luxembourg |
31 % |
Chypre |
23 % |
Grèce |
41 % |
France |
37 % |
Source : « Universities Autonomy in Europe, The Scorecard », European Association University, 2011.
Les Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche ont été, pour les acteurs de la communauté universitaire, l'occasion d'exprimer le souhait que les dysfonctionnements de la loi du 10 août 2007 puissent être corrigés. Ce constat a été repris en ces termes par M. Jean-Yves Le Déaut, dans le rapport qu'il a remis au premier ministre : « Tous les acteurs s'accordent pour considérer que les modalités de gouvernance prévues pour les universités par la loi LRU de 2007 ne sont pas adaptées. Elles sont critiquées pour leur caractère insuffisamment démocratique et collégial, mais aussi pour leur manque d'efficacité » (10). C'est la raison pour laquelle le présent projet de loi propose d'instituer, en la matière, de nouveaux équilibres.
Ainsi que le souligne le rapporteur général des Assises, M. Vincent Berger, la loi « LRU » a conduit à une « concentration des pouvoirs sur le seul conseil d'administration » de l'université (11).
Outre qu'elle est insatisfaisante sur le plan pratique, cette construction « centralisatrice » a rompu avec une tradition universitaire bien établie, celle de la collégialité, qui est consubstantielle à la vie académique. En effet, elle n'est pas parvenue à faire du conseil d'administration le véritable « stratège » du projet d'établissement, tout en marginalisant les enceintes d'expression des enseignants-chercheurs et des étudiants.
À titre d'illustration, sur le premier point, on relèvera que le conseil « décisionnel » de l'université est affaibli par l'exclusion de fait des personnalités extérieures de son vote le plus important - l'élection du président. Ainsi, cet organe essentiel, qui doit administrer par ses délibérations l'université, s'avère, paradoxalement, trop faible et trop fort.
Tirant les leçons de ces difficultés, le présent projet de loi permettra à la gouvernance des universités de progresser vers davantage de démocratie, de collégialité et d'efficacité.
- Les personnalités extérieures participeront à l'élection du président de l'université, leur désignation intervenant avant la première réunion du conseil d'administration convoquée à cet effet.
- Disposant de nombreuses compétences délibératives, un conseil académique, comprenant de quarante à quatre-vingt membres et composé à partir de la réunion de deux commissions - la commission de la formation et de la vie étudiante et la commission de la recherche - remplacera le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire aux pouvoirs simplement consultatifs.
Le « couple » conseil d'administration-conseil d'académique proposé par le projet de loi ne fait que reprendre ce que l'économiste, professeur à Harvard, Philippe Aghion, a appelé les règles de « bonne gouvernance » des grandes universités internationales. On retrouve en effet dans ces établissements quelques constantes, en particulier « la place qui est faite aux deux légitimités qui forment la gouvernance d'un établissement d'enseignement supérieur » :
* d'une part, la « légitimité exécutive et administrative », incarnée par un conseil d'administration (Board of Trustees, Conseil de surveillance, Board of Governors, etc.), composé de personnalités souvent externes à l'université, qui désigne un président responsable devant lui ;
* d'autre part, la « légitimité académique », incarnée par une instance représentant la collégialité de la communauté universitaire (Sénat académique, Academic Board, etc.), force de proposition en matière scientifique et pédagogique, et un « exécutif académique » (Provost, Chancelier, etc.), qui s'appuie sur des doyens exécutifs par grand domaine ou composante scientifique.
Le tableau ci-dessous, qui reprend plusieurs exemples étrangers, permet d'illustrer cette double légitimité.
Les organes de gouvernance des universités (formes les plus courantes)
Conseils |
Organes exécutifs / administratifs |
Organes académiques |
Allemagne |
● Conseil d'administration |
● Akademischer Senat |
Espagne |
● Conseil de direction |
● Conseil d'université |
Pays-Bas |
● Conseil de surveillance |
● Conseil exécutif (administratif et académique) |
Royaume-Uni |
● Council (universités pré-92) ● Board of Governors (universités post-92) |
● Senate (universités pré-92) ● Academic Board (universités post-92) |
Suisse (Genève) |
● Conseil d'orientation stratégique |
● Assemblée de l'université |
États-Unis |
● Board of Trustees (de 20 à 40 membres) |
● Academic Senate / Faculty Senate (1 000 - 4 000 membres) |
Source : « L'excellence universitaire : le sens des expériences internationales », rapport d'étape de M. Philippe Aghion à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, 26 janvier 2010.
- Par ailleurs, pour la première fois, une obligation de parité entre les femmes et les hommes pour la composition de liste de candidats sera introduite.
- Une procédure de dissolution du conseil d'administration, corrélée au « renvoi » du président de l'université, sera instaurée. Elle reposera en effet sur la démission concomitante de deux-tiers des membres de cet organe, qui mettra fin aux fonctions du président.
- Enfin, la prime majoritaire introduite par la loi « LRU » pour l'élection des représentants des enseignants-chercheurs sera à la fois réduite, afin d'éviter les situations de blocage auxquelles elle peut mener, et étendue à d'autres catégories d'élus, afin d'accroître la représentation de tous les personnels.
C. METTRE EN PLACE DES OUTILS DE COOPÉRATION STRUCTURANTS ENTRE LES UNIVERSITÉS, LES ÉCOLES ET LES ORGANISMES DE RECHERCHE
La dynamique qui conduit à la constitution d'« ensembles » regroupant des établissements et des organismes de recherche est enclenchée depuis quelques années. Elle doit être saluée, car elle donne, aux étudiants comme à nos partenaires, plus de visibilité à l'université et à la recherche françaises : pour reprendre les termes du rapport de M. Jean-Yves Le Déaut, cette évolution est, en réalité, indispensable pour répondre à la « fragmentation excessive du paysage universitaire français et au besoin de coopération entre ses différents acteurs ».
Cet observateur avisé ajoute, toutefois, qu'il n'existe pas, aujourd'hui, de « cadre juridique qui soit adapté à une logique de regroupements » (12). C'est là un obstacle de taille que le présent projet de loi entend lever en favorisant la coopération de site.
Notre système d'enseignement supérieur et de recherche est marqué par deux grandes ruptures :
- la fracture universités/grandes écoles, héritée de notre histoire et de l'opposition, qui trouve son origine dans les débats du XVIIIe siècle, entre les arts « libéraux », cultivés par les universités de l'Ancien régime, et les arts « mécaniques », dont le développement a accompagné la révolution industrielle. La royauté, puis la Révolution française et l'Empire, en ont pris acte en créant des écoles spécialisées, formant le noyau de ce qu'on appellera plus tard les « grandes écoles » (1747 : École nationale des ponts et chaussées ; 1783 : École des mines ; 1794 : École polytechnique), pour assurer la formation des cadres supérieurs de l'État, de l'industrie, de l'agriculture et, plus tard, des services ;
- la dualité d'organisation de la recherche publique, conduite pour partie dans les universités et pour une autre dans des organismes de recherche, les unités « mixtes » tendant, de surcroît, à se généraliser. Le président de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES), M. Didier Houssin, a précisé, à cet égard, que la France compte environ 3 200 unités de recherche, dont 55 % d'unités mixtes, plus du tiers d'entre elles ayant deux autorités de tutelle…
L'exigence d'une coopération accrue entre les acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche a donc « traversé » les Assises selon le rapporteur général de leur comité de pilotage, M. Vincent Berger.
Cette demande est ancienne puisque, comme l'a rappelé ce dernier, en 2004, déjà, les États Généraux de la recherche préconisaient d'améliorer les coopérations, de « contribuer au développement régional dans un cadre national cohérent » et « d'assurer la dimension territoriale de la recherche par la création de pôles de recherche et d'enseignement supérieur » (13).
Cette revendication est née du constat de relative impuissance suscité par un système s'apparentant, selon l'expression apparue lors des Assises, à un « mikado institutionnel ». Comme le rappelle M. Vincent Berger, ces termes sont en effet beaucoup plus appropriés que celui du « millefeuille », car ils désignent un ensemble « de petits objets rigides, empêtrés les uns dans les autres, le mouvement de chacun dépendant de la position de tous les autres ».
Sur le plan organisationnel, le présent projet de loi met fin à la logique de concurrence induite par la loi « LRU » et les investissements d'avenir. Au sens propre, celle-ci sera inversée : la recherche de la qualité ne passera plus par la concurrence des établissements et des équipes mais par la co-construction de l'offre de formation et de la politique de recherche par l'ensemble des partenaires.
● La coordination territoriale et la contractualisation
Le projet de loi propose d'encadrer l'organisation des établissements sur les territoires, en précisant leurs modalités de regroupement et de coopération.
Cette coordination territoriale, qui pourra être académique ou inter-académique, portera sur l'offre de formation et la stratégie de recherche et de transfert des établissements publics d'enseignement supérieur relevant du ministère de l'enseignement supérieur et des organismes de recherche partenaires, « dans le cadre d'un projet partagé ».
La coordination territoriale sera organisée par un seul établissement d'enseignement supérieur désigné par l'État pour un territoire donné.
Le « projet partagé » donnera lieu, en outre, à la conclusion d'un seul contrat pluriannuel d'établissement entre le ministère de l'enseignement supérieur et la structure qui porte le regroupement. Les établissements relevant d'autres tutelles et les ministères en question pourront cependant y participer. Ce contrat pourra, de surcroît, associer les collectivités territoriales, les organismes de recherche et les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS).
Enfin, l'État pourra attribuer, pour l'ensemble des établissements regroupés, des moyens en crédits ou emplois aux établissements chargés de la coordination territoriale, qui les répartiront entre ses membres ou établissements rattachés.
Le principe d'organisation territoriale précédemment évoqué sera mis en œuvre selon trois modalités inspirées des préconisations du rapport de M. Jean-Yves Le Déaut :
- la création d'un nouvel établissement d'enseignement supérieur par la fusion d'établissements, le dispositif proposé reprenant celui qui a présidé à la naissance de l'université de Strasbourg et celle d'Aix-Marseille ;
- le regroupement d'établissements, qui peut prendre deux formes.
Ÿ La première est la participation à une « communauté d'universités et établissements ».
Se substituant à l'établissement public de coopération scientifique (EPCS) prévu par la loi du 18 avril 2006 d'orientation pour la recherche, cette communauté sera un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel qui assurera la coordination des politiques de ses membres, ses statuts devant inclure les compétences que ceux-ci lui transféreront.
Au regard des nombreuses « constellations » de notre dispositif de recherche et d'enseignement supérieur, la mise en place des communautés doit être saluée et mise en perspective avec une tendance européenne qui, selon la secrétaire générale de l'European University Association, Mme Lesley Wilson, conduit à la constitution d'« universités différenciées », dont les structures sont variées car adaptées aux demandes sociales.
Ÿ La seconde forme est le rattachement d'établissements ou d'organismes à un établissement d'enseignement supérieur existant, autre qu'une communauté.
Les évolutions proposées conduiront à se poser la question du maintien du « découplage » actuel entre la dotation aux établissements et le contrat qui lie ces derniers à l'État. Demain, à moyen terme du moins, l'allocation pourrait être liée à la contractualisation, ce qui permettrait de mettre un terme à la dissociation entre les crédits et le contrat.
Dans l'idéal, le franchissement de cette étape nécessitant du temps et de la pédagogie, ces moyens pourraient être répartis entre deux parts, une part « contrat de site » et une part « établissement ».
Parallèlement, le regroupement des structures aujourd'hui trop éparpillées impliquera, à court terme, d'associer ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche à la tutelle de l'ensemble des établissements ne relevant pas de son département.
● Les assurances qui doivent encore être obtenues
Aux yeux du rapporteur, les communautés, à la condition que les acteurs concernés s'approprient vraiment ce nouvel outil, permettront de faire converger les universités, les grandes écoles et les organismes de recherche, au service de la mobilisation nationale pour les savoirs, l'emploi et la compétitivité.
Pour réussir ce pari, toutefois, des assurances devront être données, tant par le débat parlementaire que par les mesures d'accompagnement de la réforme portée par le présent projet de loi. D'une part, les communautés ne devront pas se transformer en « machin », générateur de réunions, mais devenir des catalyseurs d'énergie pour la France de demain. D'autre part, ces nouveaux ensembles devront sécuriser les structures « faibles » (à effectifs réduits ou éloignées des centres régionaux), la rationalisation de l'offre de formation ne pouvant se faire que progressivement.
C'est en respectant cette double condition que les communautés pourront impulser, demain, une dynamique d'excellence pour tous les étudiants et tous les établissements.
Par ailleurs, l'exercice de l'autonomie, au niveau des établissements eux-mêmes, puis des communautés, impliquera de renforcer le niveau d'encadrement des universités, « grandes » ou « petites », car elles sont condamnées, depuis la loi « LRU », à devenir de véritables structures « managériales ». Un décret du 23 février 2010 a certes institué l'emploi de secrétaire général d'établissement public d'enseignement supérieur. Cependant, il faudrait aller plus loin et prévoir une organisation plus étoffée, reposant sur des cadres d'emplois définis en fonction de la taille des établissements, sur le modèle de la fonction publique territoriale (où les grades varient en fonction du nombre d'habitants) : c'est à tous les niveaux que l'université doit être gérée correctement.
Le numérique induit des bouleversements dont nous ne pouvons encore appréhender toute la portée. Il redéfinit de façon radicale les modes d'accès au savoir et à la culture : à des relations verticales entre leurs détenteurs et leurs destinataires se substituent des relations horizontales où chacun devient potentiellement émetteur et récepteur de données. La démocratisation de l'accès à la connaissance, à l'information et à la culture qui en résulte est comparable, voire supérieure, par son ampleur, aux ruptures qui ont marqué diverses périodes historiques : la Renaissance avec le développement de l'imprimerie ou les Lumières et le XIXe siècle avec le développement de la presse écrite.
La société engendrée par ce nouveau saut technologique est abondamment étudiée par les philosophes et les sociologues, du fait des changements de conception du monde, voire des modes de pensée, qu'elle induit et de la « décentralisation des savoirs » qu'elle implique.
Que ce soit pour sélectionner l'information (à travers les bases de données numérisées ou les moteurs de recherche), acquérir les connaissances (avec les cours magistraux, les bibliothèques en ligne ou les outils d'individualisation de la pédagogie) ou pour les formaliser (au travers des logiciels de traitement de texte ou de présentation), l'apport des technologies numériques à la construction du savoir au cours des processus d'apprentissage est aujourd'hui considérable.
Or, nos modèles pédagogiques ont été conçus à une époque où l'accès au savoir se faisait quasi-exclusivement en classe à travers les professeurs et dans les bibliothèques. Alors que le numérique doit engendrer de nouvelles pratiques pédagogiques, son apport se limite encore souvent, dans les établissements d'enseignement supérieur français, à la présence de salles informatiques ou du wifi dans les amphithéâtres ou encore à des cours d'initiation aux nouvelles technologies de l'information. Par ailleurs il est trop souvent cantonné à la problématique des formations continue et à distance.
Comme l'indique le rapport précité de M. Jean-Yves le Déaut, « À l'échelle internationale, avec les MOOCs (Massive Open Online Courses), les nouvelles technologies de l'information ont fait une entrée remarquée dans le monde de l'enseignement supérieur. La prise en compte des NTIC va révolutionner l'enseignement supérieur, un pays qui ne prendrait pas cette orientation se verrait déclassé et, comme le dit Vincent Berger, on assisterait à un détournement, de l'intérieur, des cerveaux de notre enseignement supérieur, à un affaiblissement de notre culture et de notre rayonnement. » (14)
Conscient de l'enjeu, le gouvernement propose d'introduire plusieurs mesures destinées à accélérer et accompagner la révolution numérique dans l'enseignement supérieur. Ainsi les articles 6 et 16 du projet de loi font-ils de la mise à disposition de ressources et services pédagogiques numériques une des missions fondamentales du service public de l'enseignement supérieur. Ces contenus pourront être utilisés aussi bien en complément des cours pour les formations diplômantes classiques, que dans le cadre de formations à distance. Si la formation initiale doit rester le socle de l'université, les systèmes en alternance et en apprentissage pourront notamment être développés grâce aux nouvelles technologies numériques.
De ce fait, le numérique constitue un élément essentiel de la rénovation des formations et de la réussite des étudiants : le projet de loi donne donc un cadre juridique à son développement. Afin de prévenir les risques de fracture numérique, un accompagnement des étudiants, des doctorants et des personnels sera mis en place dans les établissements pour l'utilisation de ces outils, l'accès aux ressources numériques et la compréhension des enjeux associés.
Ce sont les contrats pluriannuels signés entre le ministère et les établissements qui fixeront les modalités du développement de ce programme ainsi que les formations qui seront mises à disposition des étudiants au travers d'outils numériques.
Le rapporteur déposera un amendement visant à faire de la mise à disposition de ressources et de services pédagogiques en ligne par le service public de l'enseignement supérieur un instrument en faveur de la promotion de la francophonie. Il s'agit en effet d'une opportunité majeure, dans un contexte marqué notamment par le développement récent de plateformes de distribution de cours universitaires à l'échelle mondiale.
En outre, pour assurer l'impulsion, la coordination territoriale et le pilotage nécessaires à la mise en place d'une politique numérique ambitieuse, l'article 38 prévoit l'élection d'un vice-président chargé des questions et ressources numériques dans les futures communautés d'universités et d'établissements.
Enfin, ajoutons que beaucoup de questions sont posées et que des travaux de recherche sont à mener pour mieux appréhender les effets de ces nouvelles modalités d'apprentissage, d'information et de travail sur le fonctionnement même de l'intelligence et sur les procédures cognitives (mode de perception et de représentation, raisonnement, mémoire…).
Notre pays doit se mobiliser pour l'accueil, l'accompagnement et la formation en France des étudiants étrangers qui deviendront ensuite autant d'ambassadeurs de notre pays, de ses valeurs et de sa langue.
La France demeure bien placée en termes d'attractivité puisque nous accueillons aujourd'hui 284 000 étudiants étrangers, qui représentent 12 % de nos effectifs, pourcentage qui s'élève à plus de 40 % au niveau du doctorat. Cette performance nous place au troisième ou quatrième rang mondial selon les années. Cependant, nous devons aujourd'hui veiller à conserver cet atout, et à améliorer encore nos positions, en particulier vis-à-vis des pays émergents.
L'abrogation de la désastreuse « circulaire Guéant », qui restreignait les possibilités d'accès des étudiants diplômés étrangers à une première expérience professionnelle en France à l'issue de leurs études, a corrigé le signal très négatif que notre pays avait envoyé à tous les étudiants étrangers désireux de venir y étudier. Pour autant, leurs conditions d'accès, puis d'accueil et de séjour sur notre territoire demeurent souvent problématiques, aussi bien que celles des chercheurs étrangers.
C'est pourquoi le gouvernement a annoncé une réforme des procédures d'octroi de visas et des formalités administratives en cours de séjour, tant pour les étudiants que pour les chercheurs. Il propose notamment d'accorder aux étudiants étrangers des visas de la durée de leurs études plus une année, de délivrer un visa permanent aux doctorants afin qu'ils puissent mener leurs recherches en toute tranquillité, et d'ouvrir un guichet unique sur la plupart des campus, comprenant des représentants des préfectures, du Crous, des caisses d'allocations familiales, voire des banques.
L'accueil en France d'étudiants étrangers pose aussi la difficile question de la langue d'enseignement. Alors que tous nos partenaires européens ont adopté une approche pragmatique et offensive permettant la mise en place de cursus en anglais dans un objectif d'attractivité, les établissements français se heurtent au principe de l'enseignement intégralement en français posé par la loi dite « Toubon » du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française.
Or il s'avère que ces dispositions sont trop rigides, largement inappliquées et partant, contre-productives. Lorsqu'elles ne sont pas contournées par les établissements, elles peuvent en détourner certains étudiants étrangers alors même qu'une offre de cursus en anglais, assortie de l'obligation d'apprendre le français au cours de leur séjour et d'une offre attractive de formation en français langue étrangère, renforcerait au contraire la position de notre langue.
C'est pourquoi le rapporteur se félicite que l'article 2 du présent projet de loi propose d'ajouter une nouvelle exception au principe de l'enseignement en français pour des cursus principalement destinés à des étudiants étrangers. L'objectif du gouvernement est que ces formations incluent obligatoirement un enseignement spécifique de français langue étrangère qui serait pris en compte pour l'attribution du diplôme final. Le rapporteur estime que cette condition, qui ne figure pas dans le projet de loi, gagnerait à être inscrite dans le texte.
En améliorant l'efficacité de notre système d'enseignement supérieure et notre politique de recherche, c'est l'ensemble du projet de loi qui devrait servir l'objectif d'attractivité, en particulier la création de grandes universités qui permettront au système de gagner en lisibilité et seront en mesure de proposer des formations plus riches et des recherches plus ambitieuses.
Au cours de ses auditions, l'attention du rapporteur a été attirée sur deux défis « structurels » que l'université devra relever demain :
- celui de la formation professionnelle. Cette politique essentielle, qui est une grande politique publique, participant à l'objectif de formation tout au long de la vie, est financée par l'État, les régions, les entreprises et les partenaires sociaux et engage, chaque année, plus de 30 milliards d'euros. L'université n'en est qu'un prestataire et non un acteur de premier plan alors même qu'elle devrait s'en emparer pour être le vecteur naturel d'ascension sociale du jeune et de l'adulte, qu'il soit étudiant, salarié, en recherche d'emploi ou voie de reconversion. Cette évolution ne pourra avoir lieu sans repenser l'architecture des opérateurs de la formation, mais elle devra s'imposera, d'autant que l'objectif, pour tout salarié, d'une progression d'au moins un niveau de qualification au cours de sa vie active a été reconnu par le législateur en 2009 ;
- celui des territoires. L'université doit impérativement s'inscrire dans une logique d'excellence et d'égalité territoriales, dont le point d'appui doit être la région. Cet échelon est en effet le plus pertinent pour mettre en cohérence les actions menées en matière d'enseignement supérieur, de recherche et d'innovation. Pour autant, cet ancrage ne doit pas « régionaliser » l'université - qui est un service public - mais conforter « l'université en région », placée en responsabilité face aux politiques de formation et de recherche des territoires. Les « universités fédérales » de demain pourront ainsi s'adosser à de véritables écosystèmes pour rayonner, au plan local, national ou international.
Lors de sa séance du mardi 26 mars 2013, la Commission des affaires culturelles et de l'éducation procède à l'audition de Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche.
M. le président Patrick Bloche. Nous accueillons aujourd'hui Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, pour présenter le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche, adopté mercredi 20 mars en conseil des ministres. Nous avions souhaité, madame la ministre, vous auditionner dès le 20 mars, mais le dépôt d'une motion de censure et son examen ont différé votre audition d'une semaine.
Bien que la conférence des présidents n'ait pas encore fixé l'ordre du jour du mois de mai, le projet de loi pourrait être débattu en séance publique dès la semaine du 13 mai. La Commission des affaires culturelles et de l'éducation pourrait ainsi se saisir du texte le mardi 23 et le mercredi 24 avril. La Commission des affaires économiques et la Commission des affaires sociales vont par ailleurs se saisir pour avis du projet de loi, et une autre Commission pourrait faire de même. Nous avons, pour notre part, désigné M. Vincent Feltesse comme rapporteur du texte.
Le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche a fait l'objet d'une véritable concertation avant son adoption en conseil des ministres. Ainsi, des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche ont mobilisé de nombreux acteurs de ce domaine et produit des conclusions qui ont été fort utiles lors de la rédaction du projet de loi.
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Une réforme s'imposait. Pour la première fois, elle devait intégrer l'enseignement supérieur et la recherche, qui, bien qu'indissociables, ont toujours été traités séparément. Pendant des mois, les Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche ont rassemblé 20 000 acteurs dans des séminaires thématiques et suscité plus de 3 000 contributions, mobilisant une belle base démocratique. Le débat a permis de retrouver une confiance ébranlée durant le quinquennat précédent et de partager un bilan.
On observe ainsi que la réussite en licence a reculé de cinq points, malgré un plan licence de 730 millions d'euros - somme qui a en réalité plutôt servi de rustine pour colmater les déficits des universités. Le pourcentage de jeunes accédant à un diplôme de l'enseignement supérieur est à peine supérieur à 40 % en comptant les étudiants de bac + 2 et bac + 3, et atteint à peine 30 % si on se limite aux bac + 3, conformément aux critères européens, alors que l'objectif fixé à Lisbonne est de 50 %. Notre pays a donc un grand retard par rapport à l'Allemagne ou au Danemark, où ce pourcentage se situe entre 44 % et 46 %, sans parler des pays émergents tels que la Corée du Sud, où 70 % des jeunes sont diplômés au moins à bac + 3. Le monde bouge autour de nous, alors que nous sommes plutôt en régression.
De même, l'ascenseur social a reculé : 23 % de nos concitoyens disposent de revenus modestes mais leurs enfants ne représentent que 13 % des inscrits en première année de licence, 9 % des inscrits en master et 5 % au niveau du doctorat. Loin de s'améliorer, ce bilan ne fait que s'aggraver.
Notre système d'enseignement supérieur et de recherche s'est aussi considérablement complexifié. Ainsi, alors que, du temps de Jack Lang, le système français s'était harmonisé avec le système européen de Bologne, les intitulés de licence et de master se sont multipliés sans réelle régulation de la part de l'État, bien peu stratège en la matière. On compte ainsi 7 700 intitulés de masters dans les différentes universités et 5 800 spécialités. Si l'on ajoute à ces chiffres les habilitations accordées par le ministère au niveau des écoles, on parvient à 10 000 intitulés de masters. Comment, alors que les experts eux-mêmes ont du mal à se retrouver dans un tel maquis, les familles ne disposant pas du niveau d'expertise ou de décryptage requis, les jeunes, les employeurs et les étudiants étrangers tentés par notre système de formation pourraient-ils le faire ?
La frénésie d'appels d'offres pour la recherche, y compris fondamentale - et alors même que celle-ci, par essence, ne connaît pas les domaines d'application de ses explorations et ne peut donc pas préjuger de ses « délivrables » -, a encore amplifié la complexité des différentes strates, en créant de nouvelles personnes morales et juridiques. Le système est ainsi devenu consommateur d'une bureaucratie qui n'est pas la principale valeur ajoutée des chercheurs et qui est peu lisible à l'extérieur, avec une telle dilution de la stratégie de recherche qu'on ne sait plus qui en est chargé.
Cette stratégie de recherche confuse s'accompagne d'un affaiblissement de la présence de la France en Europe, notre taux de retour dans les projets européens ayant baissé de cinq points. Cela ne tient pas au niveau de la recherche française, dont le taux de succès est supérieur à la moyenne européenne et même à celui de nos voisins allemands, mais nos chercheurs sont allés moins volontiers à la rencontre de l'Europe. La France a ainsi reculé en termes non seulement de financement, mais aussi d'influence, et se trouve moins présente dans les partenariats européens qui donnent à la recherche européenne une véritable visibilité et un rayonnement international.
Sur la base des préconisations de M. Vincent Berger, rapporteur général du comité de pilotage des Assises présidé par le professeur Françoise Barré-Sinoussi, prix Nobel de médecine en 2008, et du rapport que M. Jean-Yves Le Déaut a remis au Premier ministre en janvier de cette année, nous avons proposé un projet de loi d'orientation - et non de programmation -, destiné à indiquer simplement le cadre permettant de pallier tous les dysfonctionnements repérés. Les moyens sont identifiés par ailleurs : les 5 000 postes qui seront créés au cours du quinquennat sont intégrés dans le projet de loi pour la refondation de l'école de la République, et, pour les années 2013, 2014 et 2015, ont été intégrés dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, votée le 20 décembre dernier.
Nous disposons également d'un plan de résorption de la précarité des personnels techniques, des techniciens, des ingénieurs et du personnel administratif, souvent de catégorie C, dont on entend moins parler, mais qui est peut-être le plus important. Dans les universités, il prévoit 2 100 titularisations par an pendant quatre ans : nous allons ainsi résorber la précarité pour 8 400 personnels, majoritairement de catégorie C.
Cette loi se développe selon deux grands axes : d'une part, elle fait de la réussite et de l'insertion du plus grand nombre d'étudiants une priorité politique ; d'autre part, elle veut rétablir la confiance dans l'université et la recherche françaises, et leur capacité à se projeter dans l'avenir à un bon niveau international - c'est-à-dire qu'elle entend rétablir les conditions du redressement et du rayonnement de la recherche française, en engageant, plus que par le passé, le dialogue avec la société.
Pour ce qui est du premier axe, il faut élever le niveau de qualification de toute une classe d'âge. Nous nous sommes fixé l'objectif de faire passer de 43 % à 50 % d'une classe d'âge le pourcentage de diplômés de l'enseignement supérieur. À cette fin, et pour la première fois, la loi prévoit d'agir sur l'orientation, en donnant priorité aux titulaires des baccalauréats professionnels dans les filières des sections de technicien supérieur (STS) pour obtenir un brevet de technicien supérieur (BTS) et aux titulaires de baccalauréats technologiques dans les instituts universitaires de technologie (IUT) afin d'obtenir des diplômes universitaires de technologie (DUT), avec des passerelles permettant à ceux qui le souhaitent de se diriger vers les universités ou les écoles.
À la demande du Conseil d'État, nous allons prévoir des quotas tenant compte de la diversité des disciplines et des territoires. Nous demanderons aux recteurs de fixer ces quotas dans les académies en tenant compte des spécificités du terrain et des disciplines, et en dialogue avec les établissements. Alors que, dans un IUT, la réussite d'un titulaire de baccalauréat technologique ne présente que cinq points d'écart avec celle du titulaire d'un baccalauréat général, le bachelier technologique se dirige souvent, par défaut, vers l'université, où ce ratio est de 1 à 3,5. Les faits sont têtus et les chiffres sont formels.
Quant aux titulaires de baccalauréats professionnels qui, n'ayant pas été acceptés en STS ou en IUT, se retrouvent par défaut à l'université, le risque d'échec y est pour eux neuf fois plus élevé que pour les titulaires du baccalauréat général : seuls 4,5 % d'entre eux parviennent à la licence, et très rarement en trois ans. Ces jeunes étant souvent issus des milieux les plus défavorisés, un effort prioritaire d'orientation était nécessaire en leur faveur afin qu'ils se dirigent vers des filières plus adaptées, qui, du reste, leur étaient destinées à l'origine.
J'insiste sur ces points, car on entend citer de nombreux chiffres différents. Ceux que j'avance sont les statistiques officielles.
Nous avons également voulu améliorer l'orientation professionnelle, inscrite dans les missions des établissements d'enseignement supérieur par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) de 2007, mais pas appliquée.
L'insertion des jeunes suppose d'abord d'ouvrir les universités sur leurs écosystèmes - ceux des collectivités territoriales et de l'économie sociale et solidaire, mais aussi celui des entreprises. Nous nous sommes fixé pour objectif le doublement de l'alternance, aujourd'hui beaucoup trop faible avec un taux de 8 % dans l'enseignement supérieur et de 4 % dans les universités. J'ai constaté sur place que les universités qui n'ont pas de passé académique pratiquent bien plus l'alternance que les autres, s'ouvrant bien davantage sur leur écosystème. Le taux d'alternance atteint ainsi 27 % à l'université de Marne-la-Vallée et 18 % à l'université de Cergy. Or tous les chiffres démontrent que l'alternance favorise l'insertion professionnelle des jeunes. Elle permet aussi à des jeunes dont les parents n'ont pas, malgré les bourses, les moyens de subvenir à leurs études, de poursuivre des études avec un contrat de travail, et à des jeunes qui ont été en échec scolaire et qu'une formation plus conceptuelle rebute, de revenir à une formation plus théorique en reprenant confiance dans le milieu professionnel.
Nous avons aussi voulu donner, assez radicalement, une lisibilité à l'offre de formations : les 5 800 spécialités des masters, source d'obscurité, sont supprimées et nous allons engager avec les établissements une formule d'accréditation et définir une nomenclature très simplifiée et très lisible dans laquelle les établissements inscriront leurs formations. Certains établissements, comme l'université de Dijon, que j'ai visitée la semaine dernière, l'ont déjà fait. Je vous invite à consulter le site de cette université, qui offre une entrée très lisible par formation et par grands domaines. L'université a élaboré elle-même des outils informatiques très conviviaux, qui sont à la disposition des jeunes et de leur famille dans des médiathèques et favorisent grandement l'orientation.
Dans le système actuel de l'admission post-bac (APB), certes meilleur que le précédent, une orientation en trois clics ne permet pas à un jeune ne bénéficiant pas d'un réseau de relations et d'expertises de s'orienter, a fortiori dans une offre de formation aussi complexe. Cette démarche s'inscrit dans le cadre du projet du bac - 3 au bac + 3 mis en œuvre avec le ministre de l'éducation nationale, M. Vincent Peillon. J'observe d'ailleurs qu'une telle collaboration est une innovation, car les relations entre le ministère de l'enseignement supérieur et le ministère de l'éducation nationale n'étaient jusqu'à présent, pour rester polie, pas très collaboratives.
Le système APB doit être anticipé au cours des trois années du lycée, avec des présentations des métiers et une présentation des établissements d'enseignement supérieur par les enseignants, qui indiqueront ce qu'ils attendent des lycéens. De fait, l'enquête que nous avons réalisée a révélé que, s'ils ne disposent pas d'un réseau relationnel, les lycéens se posent des questions élémentaires, ignorant s'ils auront un ou plusieurs professeurs, combien d'heures de cours ils devront suivre ou comment ils seront évalués. Ces questions sont anxiogènes et obèrent leurs chances de réussite. Elles peuvent aussi dissuader certains élèves inscrits en baccalauréat professionnel ou technologique de poursuivre des études au-delà du baccalauréat, ce qui limite leurs chances d'insertion et de réorientation professionnelles, cette dernière étant indispensable dans un monde où les parcours professionnels ne sont plus aussi linéaires qu'auparavant.
Une innovation pédagogique est également prévue avec le numérique. Certains cours en amphi peuvent être facilement remplacés par des cours en ligne qui peuvent donner lieu à des échanges de plus petit format avec des enseignants et à un accompagnement plus personnalisé des étudiants. Ce système, applicable notamment au droit et à la médecine- laquelle le pratique déjà -, contribue à la réussite des étudiants.
Tous les enseignants recevront une formation dans les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE) dont la création a fait l'objet de longs débats parlementaires. Ces écoles accueilleront aussi les enseignants-chercheurs, car il n'y a pas de raison que ceux-ci ne soient pas formés à l'enseignement. La transmission est un métier. Certains d'entre vous savent que, la première fois qu'on se retrouve devant des étudiants dans un amphithéâtre sans avoir reçu de formation à l'enseignement et à la transmission, il faut de solides qualités intrinsèques pour ne pas avoir le trac. L'enseignant sait qu'il est jugé à la première prestation, et un public d'étudiants a un bon jugement.
Il importe donc de former tous les enseignants, y compris ceux du supérieur. Ces écoles disposeront de centres de ressources numériques permettant aux enseignants à qui le numérique fait peur d'échanger avec des étudiants « digital natives », qui sont nés avec le numérique et en ont une approche plus intuitive. Il importe en effet de mettre tout le monde en situation de réussite.
La loi prévoit également un décloisonnement des filières, avec une spécialisation plus progressive dans le premier cycle, qui permet une réorientation sans redoublement. Cette mesure est favorable à la démocratisation de l'enseignement supérieur et à l'acquisition d'un socle qui permettra des réorientations et des adaptations ultérieures face aux mutations de la vie professionnelle.
La recherche publique ne peut être le seul débouché des docteurs. Nous avons du mal à faire accepter, à l'instar des « ingénieurs docteurs » nombreux en Allemagne, le titre de docteur dans les conventions collectives des entreprises. Nous avons engagé et poursuivrons un dialogue à cette fin avec les syndicats, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) et le Mouvement des entreprises de France (MEDEF), et la loi comporte également une mesure précisant notre volonté d'intégrer les docteurs d'une façon transversale dans la haute fonction publique. Cette mesure apportera en outre de la diversification dans les différents secteurs de la haute fonction publique. La diversification culturelle, source de créativité, est toujours une bonne chose, et tout particulièrement dans une période où la créativité est nécessaire pour répondre à des enjeux complexes.
J'en viens aux mesures relatives à la recherche.
Il importe tout d'abord de retrouver une stratégie et de savoir clairement qui la définit : l'État, avec ses organismes de recherche et appuyé sur un Conseil stratégique de la recherche qui, conformément au conseil d'Hubert Curien pour qui la création d'une nouvelle strate administrative doit s'accompagner de la suppression d'au moins deux autres, se substituera à deux conseils. Le Conseil stratégique de la recherche contribuera à mettre en place un véritable agenda de la recherche, qui s'harmonisera avec le grand programme européen « Horizon 2020 », comme c'est déjà le cas au Royaume-Uni et en Allemagne. Comme l'Europe, nous avons choisi d'axer ces priorités autour de huit grands enjeux sociétaux, plus lisibles pour nos concitoyens. De fait, à l'exception de certaines applications médicales ou particulièrement médiatisées - et parfois controversées -, la multiplication des logos et la complexité des intitulés empêchent les citoyens de s'approprier les enjeux de la recherche.
Afin de préserver en amont la recherche fondamentale, nous avons demandé à l'Agence nationale de la recherche (ANR) d'établir des contrats de moyen et long terme qui remplaceront les contrats annuels.
Il nous faut également pousser, en aval, la recherche technologique. La France peut s'enorgueillir de posséder une recherche fondamentale de très bon niveau, une formidable école de mathématiques récompensée par de nombreux prix Henri-Poincaré et médailles Fields, une école de physique et de chimie non moins remarquable et des lauréats du prix Nobel de médecine, mais la recherche technologique y est trop faible par rapport à des pays équivalents.
La politique de transfert est également trop timide. Tout ce qui s'invente dans nos laboratoires n'est pas suffisamment valorisé. Les inventions ne se transforment pas assez en innovation, donc en création d'emplois dans des filières nouvelles ou traditionnelles. Le projet de loi prévoit donc un effort en ce sens, consacrant notamment tout un chapitre au transfert, conçu comme une mission de service public pour les chercheurs dans les laboratoires qui s'y prêtent - c'est-à-dire bien évidemment pas dans les laboratoires de recherche fondamentale, celle-ci ne pouvant préjuger de ses applications.
Dans cette stratégie, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), émanation de la représentation nationale, se verra confier un rôle d'expertise, et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) exercera une mission transversale.
Afin de définir un agenda de la recherche, notre ministère s'appuiera sur les alliances thématiques dont la création a été une bonne initiative prise pendant le quinquennat précédent et qui regroupent de multiples organismes autour de l'énergie, de l'environnement, de la santé, des sciences et technologies de l'information et de la communication et des sciences humaines et sociales. Nous recourrons également, je le répète, à l'expertise d'un nouveau conseil, ainsi qu'au regard critique et aux contributions de l'OPECST. Nous disposerons ainsi d'une stratégie lisible, tant sur le plan national qu'à l'international, pour nos voisins européens.
La nouvelle gouvernance que nous mettons en place est destinée à assurer une meilleure lisibilité des universités et du regroupement des écoles et des universités. Il n'est pas question de bouleverser du jour au lendemain notre système dual, unique au monde, mais - pour reprendre les termes du Président de la République - de les rapprocher sans les confondre.
Nous le ferons au moyen de conventions entre les classes préparatoires aux grandes écoles et les universités, et de regroupements au sein des académies ou interacadémiques, voire transfrontaliers, entre les établissements universitaires dépendant du ministère et les écoles et autres établissements. Il est prévu d'identifier une trentaine de regroupements, qui contractualiseront avec le ministère et dont nous pourrons suivre les actions en matière de réussite étudiante, d'ouverture sur les écosystèmes et de rapprochement entre écoles et universités.
La loi vise également à assurer l'ouverture à l'international. Notre pays accueille aujourd'hui environ 12 % d'étudiants étrangers. Ceux issus des pays émergents sont trop peu nombreux, car toutes les formations proposées sont en français. Pour amener des étudiants étrangers à pratiquer notre langue, il faut d'abord les attirer dans notre pays. Nous ne pouvons nous satisfaire de voir que la majorité des étudiants coréens ou indiens et, plus généralement, des étudiants asiatiques ou venant des pays émergents vont étudier dans les universités anglo-saxonnes.
Nous souhaitons donc proposer davantage de formations en anglais, par dérogation à la « loi Toubon », mais instaurer parallèlement des cours d'initiation au français. Nous ferons ainsi venir à la culture de notre pays davantage d'étudiants issus des pays émergents, ce qui est bon non seulement pour le rayonnement de notre culture, mais aussi pour l'emploi.
De fait, pour réindustrialiser notre pays et pour faire monter en gamme nos produits et les exporter, il nous faut nouer des liens avec ces pays qui se développent. Ce qui est bon pour l'emploi dans notre pays est bon pour la solidarité nationale. Tous ceux qui connaissent le monde universitaire, le contexte international et les pratiques économiques confirmeront que les échanges et la mobilité des étudiants et des chercheurs sont la meilleure entrée vers les pays émergents.
Nous voulons également favoriser la mobilité de nos étudiants, qui est un plus dans leur curriculum vitæ. J'ai exprimé ma ferme volonté de multiplier les programmes Erasmus et je me bats, avec quelques-uns de mes homologues, pour y parvenir à l'échelle européenne. Ces programmes doivent bénéficier aux jeunes inscrits dans les filières professionnelles et technologiques, qui sont souvent issus des milieux les plus modestes et qui, n'ayant pas voyagé avec leur famille et ne possédant pas les codes sociaux des voyages, ont le plus d'appréhension à partir. Nous voulons donc instaurer un système préférentiel afin de donner à ces jeunes les moyens financiers de ces expériences Erasmus et les chances de progression de carrière qu'elles leur offrent.
Enfin, et bien que ce point ne figure pas dans le projet de loi, nous entendons faciliter les conditions d'attribution de visas pour les étudiants et chercheurs venant de l'étranger. On a parfois honte de l'accueil réservé aux jeunes chercheurs qui ont choisi de venir dans notre pays enrichir nos laboratoires de leur savoir et de leur expertise - je pense par exemple à une jeune mathématicienne coréenne très courtisée par les États-Unis qui, ayant déjà soutenu sa thèse, n'a plus de statut d'étudiante et pas encore de statut professionnel, et qui doit passer tous les trois mois une journée, voire une nuit, à la préfecture pour prolonger son visa.
Afin de développer le rayonnement et l'attractivité de notre pays, des propositions seront formulées avec le ministre de l'intérieur, M. Manuel Valls, pour faciliter la délivrance de visas à l'intention des chercheurs publics et privés et des étudiants étrangers désireux de venir dans notre pays. Certains, qui ont été admis dans nos écoles, sont parfois dans l'impossibilité d'y suivre leurs études, parce qu'ils ont obtenu leur visa trop tard.
M. Vincent Feltesse, rapporteur. J'indique à mes collègues que les dates des auditions ont été fixées et vous seront transmises demain. On les trouvera, entre autres informations, dans « mon journal de rapporteur », que j'ai créé sur la plateforme de blog Tumblr.
Le projet de loi intervient après la vaste concertation à laquelle vous avez procédé, madame la ministre, et dont le succès n'était pas acquis d'avance. Il met en œuvre votre volonté de simplifier et de rendre plus lisible notre système et les appels d'offres, et de continuer à réformer sans tout bouleverser, compte tenu des signes d'épuisement manifestés par la communauté universitaire. Nous vous interrogerons nécessairement sur les aspects budgétaires liés à l'autonomie des universités - nous avons tous à l'esprit le pourcentage d'universités en déficit ces deux dernières années.
Le projet de loi s'articule autour de trois axes : la vie étudiante, la recherche et la gouvernance.
En ce qui concerne la vie étudiante, je souhaiterais que vous nous présentiez plus précisément l'article 22 relatif aux études de médecine, la spécialisation croissante au fil de l'avancement de la licence et les évolutions que vous proposez en matière d'accréditations.
Dans le domaine de la recherche, pouvez-vous préciser les mesures prévues en matière d'évaluation de la recherche, notamment pour ce qui est de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES), que vous n'avez pas citée ?
En matière de gouvernance, nous sommes très favorables à l'orientation générale consistant à regrouper et à coordonner les différents acteurs. Comment concevez-vous cependant les articulations entre les pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) actuels, les communautés d'université et d'établissement et les conventions de site ? De fait, de nombreux débats ont eu lieu sur la composition des conseils d'administration, les présidents, l'autonomie et les deux conseils.
Mme Sandrine Doucet. Merci, madame la ministre, pour cet exposé très complet, qui traduit l'ambition de rendre à l'enseignement supérieur et à la recherche la place qui leur est due en Europe et dans le monde, tout en répondant aux attentes de la jeunesse à l'égard de l'efficacité des études. Il faut rappeler que 24 % des jeunes Français sont demandeurs d'emploi à leur sortie des études alors que jamais, en France comme en Europe, les parents n'ont dépensé autant d'argent dans les études de leurs enfants.
Il s'agit aussi de s'inscrire dans une ambition internationale, d'abord européenne, et, à cette fin, de doter les structures, les écoles, les enseignants et les chercheurs des moyens décidés au mois de décembre et d'une nouvelle gouvernance.
Vous avez indiqué votre volonté de faire d'APB un projet d'orientation plutôt que le moment d'angoisse que vivent actuellement les parents au mois de mars. Comment envisager concrètement, à la rentrée prochaine, l'adéquation entre les nouveaux baccalauréats professionnels et technologiques issus de la réforme des lycées et le monde des BTS et des IUT ?
Pouvez-vous préciser vos projets en faveur de la mobilité européenne des jeunes inscrits dans l'enseignement professionnel et technologique ?
Vous avez émis le souhait que le nouveau classement européen des universités U-Multirank, lancé au mois de février et testé dans un premier temps dans l'enseignement mécanique, électrotechnique et économique, prenne également en compte les sciences humaines, parfois évacuées du dossier de la professionnalisation dans un souci d'efficacité. Je rappelle que l'École polytechnique ne figure dans aucun classement. Comment la nouvelle gouvernance des universités permettra-t-elle de nous classer ?
Au nom du groupe SRC, je vous remercie pour ce projet de loi qui n'oublie ni les jeunes ni la dimension internationale de l'université.
M. Patrick Hetzel. Madame la ministre, on constate, hélas, un décalage entre certaines de vos déclarations et le contenu réel du texte. Celui-ci est avant tout inspiré par le souci de défaire ce qui a été fait au cours des cinq dernières années en matière d'enseignement supérieur et de recherche. Pourtant, la politique menée en la matière de 2007 à 2012 a représenté un élan considérable, salué par de nombreux observateurs. En refusant de poursuivre cette dynamique, non seulement vous portez un coup d'arrêt à l'enseignement supérieur et à la recherche de notre pays, mais vous retournez plusieurs décennies en arrière, avant même la loi Savary de 1984.
À l'évidence, votre texte n'est pas à la hauteur des enjeux, mais en décalage complet avec ce qui se passe dans l'enseignement supérieur en Europe et partout dans le monde. Votre orientation reste très hexagonale, accordant une part très importante aux organisations syndicales là où il faudrait s'ouvrir sur le monde et sur l'ensemble de l'environnement de nos universités. Vous ne faites rien pour que les orientations du texte permettent de créer des champions français de la formation et de la recherche, comme le préconisait le rapport Juppé-Rocard, qui avait fait consensus - c'est du reste dans cette perspective qu'a travaillé la précédente législature. Avec ce texte, il est clair que vous allez mettre en péril les initiatives d'excellence développées par le gouvernement précédent. On ne peut que le regretter.
Vous déclarez que vous allez placer la formation des étudiants au cœur de votre réflexion et de votre travail. Vous prétendez apporter des améliorations et assurer une meilleure réussite des étudiants. Nous en doutons. Rien dans votre texte ne va dans ce sens. Où sont, à tout le moins, les mesures de fond qui le permettraient réellement ? Il faudrait soutenir le développement de filières d'excellence dans le premier cycle universitaire et les légaliser. Cela contribuerait à valoriser l'université et à la rendre plus attractive pour les lycéens. Rien de tout cela ne figure dans le texte.
L'insertion professionnelle, que vous avez mentionnée, a été instaurée par la loi LRU comme l'une des missions de notre université. Là aussi, vous êtes très en retrait. En 1960, on comptait 300 000 jeunes dans l'enseignement supérieur. Ils sont aujourd'hui plus de 2,4 millions. L'insertion professionnelle est donc une question importante pour nos jeunes, pour nos familles, pour nos entreprises et pour la compétitivité de ces dernières.
Vous entendez mettre en place, en matière de gouvernance des universités, une organisation bicéphale qui contribuera de toute évidence à une dilution des pouvoirs. Avec votre texte, le conseil d'administration de l'université, s'il voit le nombre de ses membres augmenter considérablement, sera privé d'une partie de ses prérogatives au profit d'un conseil académique - d'ailleurs pléthorique - dont le président n'est pas celui de l'université : vous organisez délibérément un face-à-face entre deux instances, et même entre deux présidents. Il en résultera inévitablement et inexorablement des situations de blocage et de conflit dommageables à la bonne gestion des universités. C'est là encore un important retour en arrière, dépassant même les dispositions de la loi Savary de 1984, qui avait su éviter cette dérive malgré la polysynodie instaurée par le développement des conseils des études et de la vie universitaire (CEVU) et des conseils scientifiques.
Avec tout cela, vous aller tuer l'autonomie qui était en marche.
Nous nous demandons aussi pourquoi votre projet de loi fait remonter au niveau de la loi des dispositions qui n'ont aucunement à en relever. Ainsi, un arrêté permet déjà aux bacheliers professionnels d'accéder à des BTS. De même, depuis 2007, un décret invite les classes préparatoires aux grandes écoles à signer des conventions de coopération avec les universités. Autre exemple : l'« arrêté licence » de 2011 précise que les licences générales opèrent une spécialisation progressive. Pourquoi inscrire tous ces points au niveau législatif ?
Par ailleurs, la suppression pure et simple de l'AERES est elle aussi un retour en arrière sans précédent, qui nous place en rupture totale avec ce qui se pratique ailleurs en Europe. La création de l'AERES avait été saluée par l'ensemble de nos partenaires européens. La discussion avec vos homologues étrangers s'annonce âpre dans les mois à venir.
Vous refusez de reconnaître que vos prédécesseurs ont mené une action positive et engagé un processus de modernisation sans précédent. En quelques années, les universités françaises étaient redevenues plus attractives pour nos étudiants, pour nos entreprises et pour les universités étrangères avec lesquelles elles avaient l'habitude de coopérer. En vous inscrivant en rupture avec les orientations de ces dernières années, vous prenez la lourde responsabilité de faire prendre beaucoup de retard à nos universités, alors qu'il fallait au contraire entretenir une dynamique certes perfectible, mais positive.
C'est dommage pour nos étudiants et pour la communauté universitaire, qui commence à être très critique, y compris la conférence des présidents d'université, qui s'est élevée contre ce texte. C'est surtout dommage pour le pays tout entier.
Nous émettons donc un avis très critique sur ce projet de loi.
Mme Isabelle Attard. Ce projet de loi comporte quelques avancées et, une fois de plus, le groupe écologiste propose de l'améliorer. Ainsi, nous saluons l'inscription dans la loi de la formation tout au long de la vie comme première mission du service public de l'enseignement supérieur. L'accès prioritaire des bacheliers professionnels et technologiques aux STS et IUT est également une très bonne nouvelle. Nous serons attentifs à la réalité de la mise en œuvre des intentions qui sont affichées.
Nous regrettons que rien ne soit fait pour améliorer réellement la transition entre le lycée et le supérieur, pour une réelle réforme pédagogique des enseignements, ni pour rapprocher effectivement les classes préparatoires aux grandes écoles et les universités. Il ne suffit pas de demander aux lycées de passer des conventions avec les universités : nous demandons une revalorisation réelle de la licence afin de la rendre attractive pour les meilleurs étudiants et une révision de la sélection dans les grandes écoles pour supprimer les concours et les remplacer par des sélections plus équitables, qui rendraient inutiles les classes préparatoires.
Vouloir faciliter la mise à disposition des supports de cours sur les réseaux de télécommunication est une excellente chose, mais ces pratiques ne se développeront que si elles sont solidement protégées par la loi. Accepterez-vous, madame la ministre, de travailler avec nous sur l'exception pédagogique, afin de simplifier le travail des enseignants de l'enseignement supérieur ?
Nous saluons évidemment la fin de l'AERES, organisme dont l'inefficacité n'avait d'égale que l'ampleur des critiques qu'il suscitait, mais son remplacement par le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur nous inquiète, notamment parce que la logique de nomination opaque de ses membres par décret reste identique à ce qui se pratiquait déjà.
Pourquoi en rester là ? Pourquoi ne pas supprimer les initiatives d'excellence (IDEX) et, plus largement, les investissements d'avenir ou les grands établissements à statut dérogatoire ? Pourquoi ne pas réformer l'ANR, dont la responsabilité dans la précarisation des chercheurs n'est plus à démontrer depuis que la Cour des comptes s'en est chargée, dans son rapport sur l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) ? En contraignant les chercheurs à consacrer une part importante de leur temps à chercher des financements, l'ANR les a transformés en laborieux « administrateurs quémandeurs » - il n'y a pas d'autre mot. Au lieu de payer des cerveaux à développer la connaissance de l'humanité, nous les employons à remplir des dossiers complexes qui sont mécaniquement condamnés à n'aboutir à rien, puisque la demande dépassera toujours amplement les financements disponibles.
La précarité des chercheurs est une réalité. Nous ne comptons plus les exemples d'enchaînements de contrats courts qui aboutissent systématiquement à un départ du chercheur atteint par la limite des six ans qui impose un recrutement en CDI. Nos laboratoires excluent tous les jours, pour des raisons purement administratives, des chercheurs qui sont au pic de leur carrière.
Il est temps de revoir en profondeur la gouvernance de la recherche en France, en y associant autant que possible les citoyens. Nous souhaitons notamment institutionnaliser les recherches participatives, citoyennes et coopératives et les accompagner par des partenariats entre les établissements d'enseignement supérieur et de recherche et les associations de la société civile concernées par les interactions sciences-société. En outre, les décisions stratégiques ne doivent plus être prises sans y impliquer la société civile, notamment les associations concernées par toutes les thématiques de la recherche, appliquée et fondamentale.
Enfin, votre projet met en avant le rayonnement international et l'attractivité du territoire. L'assouplissement de l'obligation de l'emploi du français dans les formations est donc une excellente chose. Cependant, si nous voulons attirer étudiants et chercheurs, il faut rendre les formations plus lisibles, améliorer les bourses pour les étrangers, rendre au Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS) la gestion de l'accueil des étudiants étrangers et de leurs bourses en les retirant à Campus France, qui n'a pas démontré son efficacité en la matière, et enfin améliorer les conditions d'études et de recherche en France.
Tant que la précarité sera si forte, les salaires - surtout en début de carrière - si faibles et les conditions de travail si mauvaises, la France ne pourra pas devenir un pays vraiment attractif à l'échelle internationale.
Enfin, j'aimerais savoir, madame la ministre, pourquoi un si grand nombre des préconisations des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche ne figurent pas dans le texte.
Où est l'amélioration des conditions d'études ? Le nombre d'étudiants salariés ne cesse de croître et fait chuter dramatiquement les taux de réussite.
Où est passée la lutte contre la précarité dans la recherche, qui touche environ 50 000 personnes ? Il est malheureusement à craindre que les 8 400 embauches que vous avez évoquées concernent majoritairement les catégories C.
Que sont devenues l'amélioration du statut des enseignants-chercheurs et la revalorisation de leur carrière ?
Qu'est devenue la réflexion sur le recrutement et la gestion des carrières, notamment la lutte contre les recrutements locaux ?
Où est passée la démocratisation des institutions d'envergure ? Pourquoi la réduction du nombre de fondations de coopération scientifique a-t-elle disparu ?
Les idées et ambitions que vous avez formulées lors de votre première audition par notre Commission nous avaient redonné confiance. Nous gardons l'espoir que, sur toutes ces questions, nos propositions seront acceptées.
Je tiens enfin à féliciter M. Feltesse pour son initiative : tenir le journal public de son activité de rapporteur de la loi est une excellente idée. Tout effort qui permettra aux citoyens de mieux comprendre le fonctionnement de l'Assemblée nationale mérite d'être salué.
Mme Marie-George Buffet. Comme pour le projet de loi sur la refondation de l'école, le processus de concertation lancé par les Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche a suscité de très fortes attentes. Le besoin de rupture était important et légitime, après des années qui ont profondément déstabilisé l'enseignement supérieur français du fait de deux lois : la LRU de 2007 et le Pacte pour la recherche de 2006, qui ont contribué à la restructuration de l'enseignement supérieur et de la recherche autour d'une dizaine de pôles, fondés sur l'idée de compétitivité économique et créant un système à deux vitesses.
Les attentes étaient nombreuses face à l'ambition nouvelle que vous donniez à l'enseignement supérieur et à la recherche. Aujourd'hui, à la lecture de ce projet de loi, la communauté scientifique et universitaire a de nombreuses questions sur les insuffisances de la rupture et sur la suite qui sera donnée à ses souhaits.
Entre la loi relative à la refondation de l'école, prioritairement consacrée à l'enseignement primaire, et votre projet de loi qui remet au premier plan les BTS et les DUT, quelles modifications faut-il apporter au lycée professionnel et technologique pour assurer un plus grand développement de ces études jusqu'au plus haut niveau ?
Faute de lieux qui les accueillent, de nombreux étudiants n'ont pas accès à l'apprentissage en alternance. Comment lever les obstacles au développement de l'alternance ?
Quelle est votre opinion sur le prérecrutement des étudiants qui se destinent à l'enseignement ?
Les conditions d'études sont très importantes pour permettre aux étudiants, en particulier à ceux qui sont issus des catégories sociales les plus défavorisées, d'atteindre le plus haut niveau, d'où l'importance des œuvres universitaires - CNOUS et centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) - et du développement d'un logement étudiant à des prix abordables. Quelle est votre opinion sur une allocation d'autonomie permettant à chaque jeune de poursuivre ses études au plus haut niveau ?
La recherche demande des moyens et du temps. Comment préserver la recherche fondamentale en nous dotant de tous les atouts nécessaires pour l'innovation de demain ?
Les structures du Pacte pour la recherche, ainsi que l'ANR, sont maintenues, et la logique du financement par projet n'est pas remise en cause. Quant à l'AERES, elle est remplacée par le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, structure quasi équivalente dans sa composition et ses missions. Le crédit d'impôt recherche n'est pas remis en cause. Les responsabilités et compétences élargies des universités sont maintenues, et donc aussi leur autonomie financière et en matière de gestion de la masse salariale, alors même que les universités sont, de ce fait, en déficit et ont dû supprimer des emplois. Enfin, les instances de pilotage des universités ne sont pas réellement modifiées.
Je souhaiterais que vous nous éclairiez sur tous ces points, afin que nous puissions voir comment contribuer à améliorer le projet de loi.
M. Jean-Yves Le Déaut. Comment comptez-vous établir, entre les différentes filières, les passerelles destinées à fluidifier les parcours et à combattre le gâchis que constitue le taux d'échec considérable des étudiants en premier cycle ? Comment assurer la diversité des recrutements ? Comment vaincre les résistances qui font obstacle à la reconnaissance de la valeur du doctorat aussi bien dans le secteur public que dans le privé ?
Quel rôle peut jouer le financement sur projet dans le domaine de la recherche ? Comment vont s'articuler la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche et la loi sur la décentralisation, et quel est le rôle de l'État dans ce domaine ? Êtes-vous favorable à l'institution de crédits-temps en faveur des enseignants du supérieur ?
Je suis surpris de la sévérité de certains collègues envers vos propositions de rénovation de la gouvernance universitaire. Une telle dichotomie est pourtant la règle dans les universités américaines. Le but est de recentrer le conseil d'administration sur sa fonction stratégique en déléguant à un conseil académique, qui se substituera au conseil scientifique et au conseil des études et de la vie universitaire, le soin de traiter les problèmes de gestion courante.
M. Benoist Apparu. Je partage certaines de vos analyses, madame la ministre, notamment quant à la nécessité de réduire la spécialisation en licence ou encore d'instaurer des quotas dans les BTS et les IUT en faveur des diplômés de baccalauréats technologiques et professionnels. Je pourrais approuver également vos analyses sur la réunification de l'enseignement supérieur si elles ne présentaient pas l'inconvénient de laisser de côté la question des STS.
Je regrette cependant que vous ne soyez pas capable d'assumer la possibilité d'un enseignement supérieur français à deux vitesses, où une dizaine d'établissements de recherche de niveau international coexisteraient avec des établissements d'enseignement supérieur dont la vocation première serait d'assurer l'insertion professionnelle de leurs étudiants.
Je m'interroge par ailleurs sur la pertinence de vos propositions de réforme de la gouvernance des universités. Elles me laissent le sentiment que vous revenez sur une avancée fondamentale de la loi LRU, en déplaçant le centre de gravité du pouvoir de la structure universitaire vers les composantes. Par ailleurs, la dualité de la gouvernance évoquée à l'instant par M. Patrick Hetzel risque de favoriser la dilution du pouvoir au sein des universités. Je m'interroge sur le mode de scrutin et, surtout, sur la désignation de personnalités qualifiées.
Votre projet de communautés d'universités me laisse deux regrets. Il me semble que leur création n'est obligatoire que pour les établissements dépendant de votre ministère. Nombreuses sont les grandes écoles qui échappent de ce fait au dispositif, ce qui contredit la volonté que vous affichez de rapprocher grandes écoles et universités. En outre, vous ne dites rien des CROUS : ceux-ci s'intégreront-ils aux communautés d'universités ?
Mme Julie Sommaruga. Ce projet de loi, madame la ministre, traduit votre volonté de faire de la réussite des étudiants une de vos priorités et propose de réelles avancées en ce sens : orienter prioritairement les titulaires d'un baccalauréat professionnel vers les STS et ceux d'un baccalauréat technologique vers les IUT, faire de l'étudiant l'acteur de sa formation, doubler le nombre d'étudiants en alternance, faire entrer l'université dans l'ère du numérique, valoriser le doctorat comme moyen d'accès à la haute fonction publique. Autre avancée, une définition d'un agenda stratégique de la recherche, en harmonie avec le programme européen, nous est enfin proposée. Je voudrais également saluer votre volonté d'ouvrir les universités sur le monde socio-économique.
On ne pourra pas faire l'impasse sur la question des moyens, même s'il s'agit d'une loi d'orientation, et non pas de programmation. Nous devons par ailleurs remédier à la désaffection dont souffrent les études scientifiques dans notre pays. J'aimerais également que vous nous précisiez comment vous comptez améliorer l'accueil des étudiants étrangers, notamment les étudiants africains, qui ont du mal à obtenir un visa.
La nécessité d'une évaluation extérieure, impartiale et globale de l'activité des universités n'est pas contestable. Quant à votre volonté d'installer l'alternance dans l'enseignement supérieur, elle pose la question du lieu nécessaire à la réussite de ce projet.
M. Paul Salen. La lecture de votre projet de loi suscite chez moi des inquiétudes, notamment quatre articles. En étendant les exceptions au principe qui fait du français la langue de l'enseignement, l'article 2 ne risque-t-il pas de marginaliser la place de la langue française dans l'enseignement supérieur ? Quid du rôle de la francophonie ?
Vous affichez votre volonté, exprimée par l'article 15, d'introduire l'alternance comme une modalité à part entière de la formation dans l'enseignement supérieur : pourquoi avoir alors abrogé la « loi Cherpion » sur l'apprentissage ?
L'article 17 propose d'inscrire dans la loi le principe de continuité entre le second cycle de l'enseignement du second degré et l'enseignement supérieur. Si vous ne pouvez pas nous dire quelles formes prendra exactement cette continuité et comment vous comptez l'inscrire dans les faits, cet article risque bien de n'être qu'une pure et simple déclaration d'intention.
Quant à l'article 18 qui, pour favoriser l'accès des bacheliers professionnels aux STS, et des bacheliers technologiques aux IUT, autorisera le recteur d'académie à prévoir un pourcentage minimal de ces catégories de bacheliers dans ces filières de formation, je suis moins optimiste que mon collègue Apparu : je ne suis pas persuadé qu'une telle politique des quotas garantira la qualité des recrutements.
Mme Martine Faure. Le niveau des moyens consacrés à la vie étudiante a singulièrement baissé au cours des dernières années : qu'en est-il aujourd'hui ? Comment peut-on aider les universités à sortir des difficultés financières où la loi LRU les a plongées ? Comment aider les futures écoles supérieures du professorat et de l'éducation à jouer pleinement leur rôle au sein des universités ?
M. Daniel Fasquelle. Si nous pouvons partager certains de vos constats, madame la ministre, vous faites fausse route en nous proposant un tel projet de loi. Ce n'est pas en réduisant le nombre de diplômes et de spécialités qu'on améliorera l'insertion professionnelle des étudiants, au contraire : ce qu'il faut aux universités, c'est plus de liberté, d'autonomie, de souplesse, afin que les diplômes universitaires correspondent aux besoins du terrain, notamment des entreprises. S'il y a tant de diplômes, c'est parce qu'il faut s'adapter à la diversité de la société et du monde économique.
De même, ce n'est pas en démolissant la licence et en diluant les formations que vous lutterez contre l'échec en premier cycle, ni même en proposant une énième réforme de l'orientation, dont on sait qu'elle n'aboutira à rien. Comment voulez-vous former de vrais professionnels si les étudiants ne reçoivent pas dès la première année un enseignement de base dans de véritables disciplines ?
Vous prétendez vouloir renforcer l'attractivité de notre pays, mais vous mettez en cause les filières d'excellence. Quant à votre proposition d'autoriser des cours en langue anglaise, son adoption constituerait un recul inouï de notre souveraineté et de notre culture. Dans quel pays apprendra-t-on encore notre langue si même la France ne peut plus en imposer l'usage dans ses universités ?
Quant à votre proposition de réforme de la gouvernance des universités, elle ne fera que la compliquer encore.
Mme Colette Langlade. Enfin un projet de loi qui lève les inquiétudes que la politique menée ces dernières années avait fait naître chez les étudiants, leurs familles et les enseignants !
Le code de l'éducation n'affirme pas explicitement la nécessité d'une continuité entre le lycée et l'enseignement supérieur. Pourtant, le taux d'échec considérable en premier cycle universitaire et l'accroissement du nombre des bacheliers technologiques et professionnels dans les formations supérieures obligent à repenser les liens entre l'enseignement secondaire et le supérieur, et je pense, madame la ministre, que vous y avez déjà réfléchi.
Mme Dominique Nachury. Comment créer les communautés d'universités prévues par le projet de loi sans revenir à la tutelle de l'État ? Vous ne nous dites pas dans quel cadre et sous quel contrôle seront définis les quotas destinés à sanctuariser les BTS et les DUT au bénéfice des bacheliers professionnels et technologiques. Qui coordonnera l'action des deux organes de la nouvelle gouvernance des universités, le conseil d'administration et le conseil académique, et quels seront leurs rapports hiérarchiques ? En un mot, qui sera le patron ?
M. Hervé Féron. On ne peut que se réjouir de la volonté de l'État d'améliorer l'intégration des titulaires de doctorat dans le monde professionnel, à travers la création de concours qui leur seront réservés. Parallèlement, le ministère a engagé avec le secteur privé une réflexion afin d'aboutir aux mêmes objectifs. Pouvez-vous nous préciser l'état d'avancement de ces travaux et les mesures envisagées par le gouvernement ?
La cooptation des enseignants-chercheurs est régulièrement mise en cause en ce qu'elle favorise les candidats locaux au détriment des candidats extérieurs. Si la désignation par les pairs est indispensable pour garantir l'indépendance des enseignants-chercheurs, quelle régulation permettrait de rendre ces recrutements plus justes ?
M. Jean-Pierre Giran. La structure du conseil académique qui sera compétente pour le recrutement des enseignants intégrera-t-elle les étudiants ? Je n'y suis pas favorable pour ma part, car on ne peut pas être juge et partie. Il faudra veiller par ailleurs à ce que le nombre des personnalités extérieures appelées à participer à la désignation du président de l'université ne soit pas trop élevé afin que ce choix continue à obéir à des critères académiques.
Quant à l'obligation de parité entre les femmes et les hommes pour la composition des listes de candidats aux conseils, je la juge parfaitement déplacée, ces listes devant être composées en fonction des compétences scientifiques et administratives des candidats.
J'observe que rien n'est proposé pour renforcer l'attractivité du métier d'universitaire, en dépit des difficultés de recrutement au concours d'agrégation de droit ou d'économie, par exemple.
En matière de formation des maîtres de conférences et des professeurs d'université, je crois davantage à la méthode traditionnelle d'apprentissage « sur le tas » qu'aux vertus d'écoles supérieures du professorat, qui ne formeront que des clones. Ce qui fait la force des universités, c'est la diversité et la personnalité des universitaires.
Mme Sophie Dessus. Ce texte traduit votre volonté de faire de l'avenir professionnel des jeunes l'objectif essentiel de l'université et de rapprocher enfin enseignement supérieur et recherche.
Je voudrais insister particulièrement sur la nécessité d'ouvrir l'enseignement supérieur sur les régions et leur écosystème à travers l'alternance et la transmission de savoir-faire traditionnels qui demandent à la fois une grande habileté manuelle, la maîtrise de compétences techniques et scientifiques et, dans le cadre des métiers d'art comme en Limousin, une parfaite connaissance de l'histoire de l'art. Il faut que cette alternance permette d'aider les jeunes à réinventer ces métiers, et à créer ainsi des entreprises et des emplois.
M. Pascal Deguilhem. L'importance du taux d'échec en licence et l'errance qui marque le parcours universitaire de nombreux étudiants ont un coût considérable pour l'université et pour l'étudiant lui-même. La politique menée par l'ancienne majorité s'étant révélée absolument impuissante à régler ce problème, il est essentiel de le mettre, comme vous le faites, au centre de nos préoccupations.
Je n'aurai qu'une question : ne faudrait-il pas sécuriser les IUT au sein même des universités ?
Mme Valérie Corre. Les questions de vie étudiante feront-elles l'objet d'un projet de loi spécifique ? Quel est l'agenda de votre projet de réforme s'agissant de cette thématique ? Comment s'articulera-t-il avec l'action de la mission sur la vie étudiante dont vous avez annoncé la mise en place ?
M. Michel Ménard. Quand on sait que neuf titulaires de baccalauréat professionnel sur dix sortent de l'université sans diplôme, on mesure à quel point l'objectif essentiel d'élever le niveau de qualification d'une classe d'âge suppose une réforme de l'orientation. Donner la priorité aux bacheliers professionnels et aux bacheliers technologiques à l'entrée des STS et des IUT, c'est leur donner une chance supplémentaire d'obtenir un diplôme de l'enseignement supérieur.
Ne faudrait-il pas établir une passerelle entre la terminale et la première année d'université de façon à réduire le taux d'échec en licence ?
Dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, comment comptez-vous permettre aux universités d'équilibrer leur budget de façon pérenne ?
M. Pierre Léautey. Je voudrais saluer tout particulièrement votre volonté de réduire le taux d'échec dans le premier cycle universitaire, notamment en donnant la priorité aux bacheliers professionnels et technologiques dans l'accès aux STS et aux IUT. Cette mesure a également le mérite de rendre ces établissements à leur vocation initiale. À cela s'ajoutent les 1 000 emplois dédiés à la réussite en licence, le plan numérique et l'encadrement personnalisé.
Il est indiqué, dans l'exposé des motifs, que la réforme globale de la licence sera complétée par des mesures extra-législatives visant notamment à améliorer le dispositif d'admission post-baccalauréat. Pouvez-vous nous en exposer les grandes lignes ?
La création de Campus France a rendu plus difficiles l'accueil et la formation des étudiants étrangers. En effet, cet établissement public à vocation commerciale pratique des tarifs très élevés pour des services qui ne sont pas à la hauteur de ce que souhaitent les étudiants, notamment en matière d'hébergement, de couverture sociale ou de gestion des bourses. Envisagez-vous de prendre des mesures pour faciliter l'accueil des étudiants étrangers et promouvoir ainsi l'enseignement supérieur français dans le monde ?
M. Marcel Rogemont. Quelles initiatives comptez-vous prendre pour améliorer l'intégration des IUT au sein de l'université ?
Passer de 43 % à 50 % d'une classe d'âge diplômée de l'enseignement supérieur suppose d'améliorer les conditions de l'accueil des étudiants, notamment en premier cycle. Quelles mesures comptez-vous prendre dans ce dessein ?
M. Jean-Pierre Le Roch. Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie (CSRT) appelle de ses vœux une simplification des structures et des procédures afin de faciliter les interactions avec les acteurs économiques, particulièrement les PME. Par ailleurs, le CSRT souligne la nécessité d'ouvrir des perspectives permettant de renforcer l'engagement des entreprises dans la recherche, en particulier dans le cadre de partenariats collectifs. Comment comptez-vous prendre en compte la dimension bilatérale et partenariale du transfert propre aux relations entre l'entreprise et l'université ?
Quelle évolution du statut des enseignants-chercheurs permettrait de reconnaître et de valoriser leurs collaborations avec le monde de l'entreprise ?
M. Yves Daniel. Je suis convaincu que l'alternance facilite l'insertion professionnelle, voire l'insertion dans la société. Au-delà de ses bénéfices pour la formation supérieure et la recherche, elle peut constituer une alternative pour des jeunes en échec scolaire. J'aimerais avoir votre assurance, madame la ministre, que votre proposition d'accroître la part de l'alternance dans l'offre de formation ne sera pas que la solution de la dernière chance, mais constituera une véritable possibilité de choix pour les étudiants. L'article 15 suffira-t-il à donner toute sa place à l'alternance ?
Mme Françoise Dumas. La formation et la recherche doivent rester le levier de l'innovation, de la création de richesse et d'emplois. La volonté affichée du gouvernement est d'agir pour la réussite de tous les étudiants. Votre stratégie globale vise en premier lieu à réduire de manière significative le taux d'échec en premier cycle, grâce notamment à une orientation personnalisée dès le lycée et jusqu'à l'université. Le système actuel reproduisant les inégalités sociales, il était temps de démocratiser réellement l'accès à l'enseignement supérieur.
On doit plus que jamais organiser l'ancrage territorial, les synergies entre l'université, les laboratoires de recherche, les entreprises innovantes, en lien avec les chambres consulaires et les pôles de compétitivité.
Mme Maud Olivier. Lors de l'examen de la loi pour la refondation de l'école, nous avons demandé que la culture scientifique et technique soit un élément de la formation des enseignants. La culture scientifique et technique relevant de plusieurs ministères, la création d'une délégation interministérielle est-elle envisageable pour assurer sa diffusion et sa promotion dans notre pays ?
Mme Sylvie Tolmont. Pourriez-vous nous exposer sommairement les contours du service public territorialisé d'information dont vous comptez proposer la création ? Comment s'articulerait-il avec les structures existantes, telles que les services universitaires d'information, d'orientation et d'insertion professionnelle ou les centres d'information et d'orientation ?
Mme la ministre. Je voudrais d'abord vous remercier de la richesse de vos contributions, qui laisse augurer des débats très riches dans l'hémicycle sur des sujets qui intéressent tous les Français.
C'est la première fois que le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche a exprimé un avis aussi favorable à un projet de réforme de l'enseignement supérieur. Certes, des oppositions s'y sont exprimées, mais tout changement suscite des oppositions. En tout état de cause, ce projet a rallié plus de voix que les deux projets qui lui avaient été soumis durant le quinquennat précédent, puisque vingt membres du Conseil se sont prononcés en sa faveur - et vingt en sa défaveur, étant précisé que les représentants des étudiants, qui y étaient favorables, n'ont pas pu voter puisque leur élection n'avait pas été validée.
Les oppositions au projet ont souvent été justifiées par la question des moyens. C'est que la situation où vous avez laissé les universités était bien loin de correspondre au tableau idyllique que vous nous avez dépeint, monsieur Hetzel, sans même parler des 400 millions d'euros d'impasse budgétaire que j'ai eu la surprise de découvrir à mon arrivée à ce ministère. La réalité, c'est qu'elle n'a pas cessé de se dégrader depuis leur passage aux responsabilités et aux compétences élargies.
Certes, l'autonomie des universités, à laquelle nous sommes favorables, ne date pas du quinquennat précédent, puisque c'est Edgar Faure qui l'a mise en place il y a cinquante ans et Alain Savary qui l'a confortée. Mais la loi LRU n'a fait que transférer la masse salariale aux universités sans anticiper sur son évolution, et c'est l'un des problèmes les plus graves parmi ceux dont souffrent aujourd'hui les universités.
En dépit d'un contexte budgétaire difficile, notre ministère, qui fait partie des trois ministères considérés comme prioritaires, a obtenu que les moyens alloués aux universités augmentent de 2 % en 2013 et qu'elles bénéficient de la création de 1 000 postes supplémentaires par an. Mais ces apports supplémentaires risquent d'être absorbés en tout ou partie par les déficits dus à votre manque d'anticipation. Ainsi, vous n'avez anticipé ni l'augmentation du compte d'affectation spéciale Pensions ni le glissement vieillesse technicité. Si cela avait été le cas, les dotations supplémentaires auraient pu être en totalité consacrées à la réussite en licence, au lieu d'être utilisées pour colmater des brèches que vous avez vous-même ouvertes. Les 730 millions d'euros du Plan pour la réussite en licence, que vous aviez mis en place, avaient déjà connu ce sort, et c'est la raison pour laquelle ce plan n'a pas eu les résultats escomptés, bien au contraire.
En outre, vous avez multiplié par dix le budget des universités sans former les personnels. C'est la raison pour laquelle un quart des universités ont aujourd'hui une trésorerie à zéro, voire négative, et des fonds de roulement bien en dessous du seuil prudentiel. Hormis 10 % d'entre elles, les universités n'ont pas de comptabilité analytique. Elles ont de ce fait beaucoup de mal à anticiper les difficultés et à gérer leur budget.
Nous avons lancé des inspections et établi des diagnostics, et nous sommes en train d'établir des plans de redressement, même si on ne peut pas parler, comme certains le font, de dépôt de bilan des universités.
La question des aides aux étudiants n'est pas traitée dans la loi, puisqu'il s'agit d'une loi d'orientation, et non de programmation. Nous avons déjà lancé un plan en faveur du logement étudiant. Je vous rappelle que, sur les 40 000 logements dont la construction avait été programmée par le plan Anciaux de 2004, seuls 21 000 ont été réalisés ; seule la moitié des 53 000 logements dont ce plan avait prévu la réhabilitation a été effectivement rénovée.
La feuille de route que le Président de la République m'a fixée prévoit la construction de 40 000 logements étudiants au cours de ce mandat. Pour atteindre cet objectif, je compte notamment accélérer par tous les moyens, sans me limiter aux partenariats public-privé, la programmation de 13 000 logements prévus par le plan Campus, dont aucun n'a été construit à ce jour. Par ailleurs, nous avons identifié, pour les deux prochaines années, 19 000 logements étudiants. Pour la construction des 21 000 logements manquants, nous comptons travailler avec les collectivités locales, que vous aviez exclues de vos dispositifs, peut-être par idéologie. Il est pourtant évident que, sans elles, il n'est pas d'aménagement possible, comme l'a prouvé l'échec du Plan Campus.
Le budget de la vie étudiante, considérée comme la première des priorités, augmentera de 7 % en 2013.
Au titre de notre cotutelle sur Campus France, nous avons, avec le ministère des affaires étrangères, lancé une inspection commune afin que soit dressé un bilan de la première année de cet établissement avant de prendre des décisions. Je peux néanmoins d'ores et déjà vous dire que nous n'envisageons pas a priori de le supprimer, et que nous recherchons plutôt les moyens d'améliorer sa gestion et ses résultats.
Vous avez exprimé la crainte que cette loi fasse baisser le niveau, monsieur Hetzel, mais la France ne peut plus se payer le luxe de mettre une dizaine de sites en concurrence frontale, comme vous l'avez fait. Ne serions-nous pas mieux avisés de nous inscrire dans une perspective européenne qui nous permettrait de gagner en visibilité à l'international, et de privilégier ce qui a toujours fait la force de l'université et de la recherche française et européenne : la coopération plutôt que la compétition ? La coopération tire tout le monde vers le haut.
La pluridisciplinarité est désormais le standard mondial de l'excellence universitaire : des établissements comme le Massachusetts Institute of Technology sont pluridisciplinaires. Dans ces grandes universités, vous pouvez préparer en même temps une licence d'arts plastiques et une licence de mathématiques. C'est exactement ce type de culture que nous voulons promouvoir. La spécialisation progressive permettra les réorientations en licence sans redoublement. Cette disposition sera introduite dans APB qui, aujourd'hui, ne permet pas la réorientation en premier cycle. Ce dispositif, commun à mon ministère et à celui de M. Vincent Peillon, s'inscrira dans un continuum entre le lycée et l'université.
Une formation universitaire de qualité n'est pas antinomique avec une spécialisation progressive et avec des passerelles entre les filières, bien au contraire. Aujourd'hui, les recherches les plus avancées privilégient l'interdisciplinarité, qui suppose à la fois maîtrise d'une discipline et décloisonnement entre les disciplines. C'est exactement ce que ce projet de loi propose, et c'est ce qui se pratique dans la plupart des formations d'excellence.
Je refuse d'opposer excellence et démocratisation. Je pense même qu'une telle opposition a quelque chose d'infamant, comme si l'excellence était réservée aux happy few. Cet « entre-nous », bien à l'abri du monde, que l'enseignement en français devrait préserver, c'est le contraire du progrès. Celui-ci suppose au contraire l'ouverture de l'enseignement supérieur français aux étrangers. Un pays ne peut pas se passer de passerelles vers le reste du monde sans nuire à son développement et à sa recherche.
On peut aider les jeunes à trouver une formation en alternance, et ce sera le rôle des établissements.
Par ailleurs, les enseignants trouveront un intérêt à être formés à la transmission des enseignements, ce qui est tout différent de la maîtrise disciplinaire. La transmission, cela s'apprend. Même si certains, relativement rares, ont un don naturel pour l'exercer, c'est un métier, qui, comme tout métier, suppose l'apprentissage de compétences, de techniques et de savoir-faire. Cela ne signifie pas standardisation de la formation. Nous sommes fiers, au contraire, de la richesse de notre université et du modèle français, que nous comptons rénover.
L'intervention sur la parité était en elle-même un éloge de la parité, je n'y reviendrai donc pas, sinon pour préciser que ce sera la première fois que la composition des listes de candidats aux conseils d'université obéira au principe « un homme, une femme ». C'est une avancée essentielle puisque l'existence d'un plafond de verre limitant les carrières des femmes universitaires a été démontrée. Notre pari est que le caractère paritaire des instances dirigeantes contribuera à améliorer les carrières féminines. Il s'agit aussi, par la force de l'exemplarité, d'attirer un plus grand nombre de jeunes filles vers les carrières scientifiques. En effet, alors que le taux de réussite des filles au baccalauréat scientifique est meilleur que celui des garçons, celles-ci s'orientent moins vers les carrières scientifiques par manque de confiance en soi.
De ce point de vue, l'évolution de la proportion de femmes parmi les présidents d'université n'a rien de rassurant, puisque leur part a chuté de 18 % à 8 %. Cela est dû en grande partie à l'arrivée à la tête des universités d'une génération où les professeurs des universités-praticiens hospitaliers sont majoritairement des hommes.
C'est pourquoi j'ai, avec Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre du droit des femmes, signé la charte pour la parité dans l'enseignement supérieur et voulu inscrire ce principe de parité dans la loi.
Ce seront bien les titulaires d'un baccalauréat technologique qui seront en priorité orientés vers les IUT. Aujourd'hui, la différence de réussite aux diplômes universitaires de technologie entre les titulaires d'un baccalauréat technologique et ceux d'un baccalauréat général est de cinq points. Cette mesure ne va donc bouleverser radicalement ni le niveau ni la pédagogie. Elle ne provoquera pas non plus un afflux massif de titulaires d'un baccalauréat technologique, puisque les filières technologiques des lycées peinent à recruter des élèves. Il faut réorienter les jeunes vers ces filières, qui sont souvent très proches du milieu économique et offrent des débouchés.
Le nombre des titulaires de baccalauréats professionnels, en revanche, est en constante augmentation, mais seuls 50 % d'entre eux poursuivent leurs études. Ils sont majoritairement issus de milieux modestes. C'est pourquoi nous voulons leur permettre d'accéder aux STS, qui avaient à l'origine vocation à les accueillir.
Nous comptons par ailleurs favoriser l'innovation pédagogique par le biais des contrats que nous passons avec les universités. La réduction du nombre de contrats du fait des regroupements d'établissements nous permettra de leur donner un contenu qualitatif. L'innovation pédagogique englobera notamment une formation à l'entreprenariat, qui manque aujourd'hui. Celle-ci permettra de développer le travail en équipe, que la pédagogie traditionnelle néglige, favorisera l'insertion professionnelle et l'efficacité professionnelle des étudiants.
Le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur ne sera pas une version « Canada Dry » de l'AERES. Celle-ci ne pouvait pas disposer en son sein d'experts suffisamment pointus pour évaluer toutes les disciplines, si bien que nombre de ses évaluations étaient contestables, comme j'ai pu le constater moi-même dans le domaine des sciences humaines et sociales. Elle reconnaissait d'ailleurs elle-même son incapacité à évaluer les projets interdisciplinaires. Il est vrai que, ces derniers mois, peut-être sous l'effet de l'annonce de la suppression de l'agence, les responsables de l'agence ont fait des efforts pour améliorer significativement son fonctionnement, ce qui prouve qu'ils étaient conscients de ses faiblesses.
Nous avons décidé de changer radicalement de méthode. Le futur Haut Conseil sera composé d'experts choisis par les établissements, et ce sont ces derniers qui seront chargés de mettre en place eux-mêmes les comités d'évaluation. Sans revenir à l'ancienne évaluation entre pairs, dont vous avez, avec raison, souligné le caractère souvent consanguin, on responsabilisera les établissements par un système d'accréditation. Le ministère veillera à ce que les évaluations des établissements accrédités soient incontestables au regard des standards internationaux.
Je terminerai par une note européenne, qui devrait nous rassembler. La France est à l'origine du lancement par Mme Androulla Vassiliou, commissaire européenne chargée de l'éducation, d'un classement européen des universités, destiné à contrer le classement de Shanghaï, invention d'une poignée de personnes douées pour le marketing et construit sur un modèle anglo-saxon - ce qui explique que des universités européennes aussi réputées que Bologne ou Heidelberg, pour ne pas citer d'établissements français, n'y figurent pas. Le classement U-Multirank s'inscrit dans une stratégie d'ensemble qui vise à permettre à nos universités de gagner en visibilité, en force et en rayonnement, tant au niveau national qu'aux plans européen et international.
La Commission des affaires culturelles et de l'éducation débute l'examen du projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche lors de sa première séance du mardi 14 mai 2013.
M. le président Patrick Bloche. Ce projet de loi, présenté par Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, a été adopté en Conseil des ministres au mois de mars et doit être examiné en séance publique du mercredi 22 mai au vendredi 24, voire si nécessaire le lundi 27, le vote solennel étant prévu le mardi 28 mai. La Conférence des présidents a fixé la durée maximale de l'examen du texte à trente heures dans le cadre du « temps législatif programmé ».
Deux Commissions, celle des affaires économiques et celle des affaires sociales, ainsi que la Délégation aux droits des femmes, se sont saisies de ce projet pour avis.
Nous nous en tiendrons cet après-midi à la discussion générale, puis nous entamerons ce soir l'examen des articles, en présence de la ministre : 760 amendements ont été déposés, et nos travaux doivent en principe durer deux jours. Si cela s'avérait nécessaire, nous pourrions néanmoins être conduits à les poursuivre jeudi.
M. Patrick Hetzel. Nous avons en effet un grand nombre d'amendements à examiner. Mais le droit d'amendement doit être respecté. Aussi déplorons-nous que la méthode choisie pour l'examen de ce projet de loi nous prive de la possibilité de travailler demain matin mercredi - ce qui nous permettrait de disposer de quelques heures de plus. Vous avez souhaité la présence de Mme la ministre. Qu'il nous soit cependant permis de regretter que l'agenda du gouvernement prévale sur le travail parlementaire. Après tout, la ministre aurait pu être présente demain matin.
Nous déplorons de même, tout en reconnaissant le travail accompli par le rapporteur, que son rapport nous soit parvenu aussi tardivement. Nous l'avons reçu il y a quelques heures : cela ne nous a pas permis de travailler autant que nous l'aurions voulu.
Bref, les conditions optimales d'un bon travail parlementaire ne nous semblent pas réunies, d'autant que la procédure accélérée ne se justifiait pas et que la Conférence des présidents a décidé d'appliquer le temps programmé. Manifestement, on fait peu de cas du travail parlementaire.
M. le président Patrick Bloche. Rendons à César ce qui est à César : c'est Mme la ministre qui a souhaité assister aux travaux de notre Commission. Or, elle participe demain matin au Conseil des ministres. Et il y aurait quelque incohérence à ce qu'elle ne soit présente que pour l'examen de certains articles.
La suspension des travaux parlementaires durant les deux dernières semaines concourt sans doute à expliquer les conditions d'examen que vous déplorez. En ce qui concerne le dépôt du rapport, je tiens néanmoins à rappeler que les commentaires des articles sont disponibles pour les membres de la Commission depuis le 24 avril. Si j'en juge par le nombre d'amendements qui ont été déposés, en majorité par les députés de l'opposition, le travail préalable n'a pas été affecté.
M. Rudy Salles. Le dépôt tardif du rapport nous contraint en effet à travailler dans des conditions assez difficiles. Pour ma part, je me réjouis que Mme Geneviève Fioraso assiste à nos travaux. Nous avions déploré que le ministre de l'éducation nationale ne le fasse pas pour la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République ; vous nous aviez alors assuré que c'était dans le souci de respecter l'indépendance du Parlement, monsieur le président. Je ne sais ce qu'il faut en conclure.
M. le président Patrick Bloche. Tout simplement qu'en tant que président de commission, je tiens compte du souhait du ministre concerné. Le ministre de l'éducation nationale avait souhaité que notre Commission travaille de manière indépendante, et décidé de ne pas être présent lors de l'examen des articles. Mme Geneviève Fioraso a fait un choix différent. Les deux options ont leurs avantages et leurs inconvénients. La présence de la ministre permettra que l'essentiel du débat ait lieu en commission, puisque nous connaîtrons dès ce stade son opinion sur les amendements.
M. Vincent Feltesse, rapporteur. Permettez-moi d'abord de remercier le secrétariat de la Commission, qui a beaucoup travaillé, et mes collègues parlementaires, qui se sont emparés du texte si j'en juge par le nombre d'amendements déposés.
Vous avez reçu il y a quelques semaines le commentaire des articles, et mon rapport il y a quelques heures. Je me bornerai donc ici à mettre le projet en perspective.
Nous connaissions les lois fondatrices sur l'éducation et l'enseignement supérieur que sont les lois « Faure », « Savary » et « Jospin » ; nous connaissions les lois sur la recherche. Mais c'est la première fois qu'un projet de loi est consacré à la fois à l'enseignement supérieur et à la recherche. Cela n'est pas anodin, puisque cette loi est aussi une loi de convergence : convergence entre l'enseignement supérieur et la recherche, convergence entre les universités et les grandes écoles, convergence, enfin, à l'échelle des territoires.
Nous pouvons relever des tendances assez structurantes dans les politiques à l'œuvre depuis quelques années en matière d'enseignement supérieur et de recherche, mais aussi des points qui appellent notre vigilance : la lourdeur, l'uniformisation et la prime au plus fort que peut susciter cette convergence. Le nombre d'amendements relatifs aux instituts universitaires de technologie (IUT) ou aux disciplines montre d'ailleurs bien que si nous sommes d'accord sur cette philosophie, la vigilance est de mise.
Quitte à surprendre, je dirai aussi que ce projet de loi assume une part de continuité. L'autonomie figurait déjà dans la loi « Faure » de 1968 et dans la loi de 1984. Le terme est certes un peu galvaudé ; l'université française demeure assez peu autonome en comparaison de ses homologues européennes, mais nous maintenons cette position. Le texte s'inscrit également dans une logique de rapprochement des établissements, qui est une nouveauté dans la politique universitaire depuis quelques années. La tendance avait en effet longtemps été à la séparation des établissements - Bordelais, j'ai vu mon université coupée en deux au milieu des années 1990, avant d'être réunifiée quelques années plus tard.
Par ailleurs, le projet aborde la question de la massification - ce que M. Benoist Apparu avait déjà fait dans son rapport de 2007 sur le projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités (« loi LRU »). En cinquante ans, les effectifs étudiants ont été multipliés par huit, alors que la population française augmentait de 40 %. Nous franchirons vraisemblablement la barre des 3 millions d'étudiants dans les années qui viennent.
Le texte traite également de la modernisation de notre enseignement supérieur à travers le numérique et l'ouverture à l'international, ainsi que de sa responsabilité en termes d'insertion professionnelle et d'emploi. Qu'est-ce que l'excellence à la française en matière de formation et de recherche ? Derrière cette question se profile celle de l'évaluation.
En tant que rapporteur, j'assume tout à fait cette continuité du texte sur un certain nombre de politiques fondamentales de notre pays - qu'il s'agit d'améliorer.
Le projet n'en comporte pas moins des inflexions significatives. Je pense d'abord au nécessaire retour à une stratégie nationale de la recherche. En dépit de la définition d'une Stratégie nationale de la recherche et de l'innovation (SNRI), la multiplication des appels à projets ces dernières années a brouillé la stratégie et débouché sur une sorte de darwinisme de la recherche dont les bénéfices ne sont pas toujours avérés.
De même, l'articulation entre l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur - de bac - 3 à bac + 3 -, dans le fil du projet de loi de refondation de l'école de la République du ministre de l'éducation nationale, M. Vincent Peillon, constitue une évolution majeure.
Je vois une autre grande inflexion dans la gouvernance plus démocratique des conseils d'administration. Nous revoyons celle-ci, sans pour autant revenir à la situation antérieure à la « loi LRU ». Nous aurons à n'en pas douter des débats approfondis sur cette question.
Enfin, le texte s'inscrit dans une nécessaire logique de simplification des structures et des procédures. Même ici, où nous sommes nombreux à bien connaître ces sujets, je doute que chacun ait une vision claire de la stratégie nationale de notre pays en matière de recherche et d'innovation.
Nous assumons dans ce projet des valeurs de gauche et des valeurs républicaines - lesquelles peuvent être consensuelles. Il marque en effet une volonté de rapprochement entre l'université et les grandes écoles, au-delà de ce qu'ont déjà permis les pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES). Nous essayons d'aller plus loin sur la notion de convention. Le texte entend également favoriser l'accueil des étrangers et l'égalité entre les hommes et les femmes, point qui suscitera débat si j'en juge par les amendements déposés par le groupe UMP.
Le projet doit s'articuler avec la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, notamment pour ce qui concerne les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE). Il doit aussi déboucher sur la mise en place d'une stratégie nationale de la recherche. Reste à traiter la question fondamentale du financement de l'enseignement supérieur et de la recherche dans les années qui viennent. Je déposerai à cet effet un amendement sur la rédaction d'un Livre blanc de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ce débat est de ceux qui ont déjà eu lieu en 2007.
Si le texte traite de la réussite des étudiants, il n'aborde pas la question de leurs conditions de vie. Ce sujet ne doit pas être oublié.
Le projet ne va pas non plus assez loin sur l'articulation entre la formation professionnelle et les universités. Je rappelle que le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche s'élève à 27 milliards d'euros, et celui de la formation professionnelle à 28 milliards, dont seulement 1 % à 2 % bénéficient chaque année au système universitaire, IUT compris.
Trois grands axes sous-tendent le projet de loi. Il donne tout d'abord la priorité à la réussite étudiante. J'ai évoqué l'articulation entre l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur, mais je pense aussi aux débouchés offerts aux baccalauréats professionnels et technologiques, qui représentent environ 50 % des bacheliers, à la valorisation de l'alternance, aux langues étrangères ou au numérique. Une expérimentation très intéressante est proposée à l'article 22 pour les études médicales - la Commission des affaires sociales a adopté cet article à l'unanimité. Je pense enfin à la valorisation du doctorat, avec les amendements qui vous proposeront d'aller un peu plus loin en la matière, ou à la mobilité internationale.
Second axe, le retour à une véritable stratégie de la recherche à l'échelle nationale. Plus que jamais, nous avons le devoir de réintroduire du temps long, de fixer un cap et d'assurer une certaine stabilité.
Troisième axe, la gouvernance - même si c'est un terme que je ne prise guère. Elle concerne bien sûr le fonctionnement interne des universités, avec le conseil d'administration, les pouvoirs du président et, désormais, le conseil académique, qui remplace à la fois le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire. Mais il s'agit surtout d'aller vers une nouvelle étape de la convergence - à savoir, après les PRES, les communautés d'universités et établissements, la fusion et le rattachement.
Ces quelques points méritaient d'être remis en perspective par rapport à des enjeux qui sont fondamentaux pour notre pays : l'excellence à la française, l'insertion professionnelle, la compétitivité et la réalité territoriale de notre République.
M. Christophe Borgel, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques. La Commission des affaires économiques a examiné pour avis les articles 48 à 55 du titre VI, qui portent sur trois points : le Conseil stratégique de la recherche, l'évaluation et la nouvelle instance qui en sera chargée, et enfin les activités de transfert.
Je partage, pour l'essentiel, l'appréciation que vient de porter votre rapporteur. La Commission des affaires économiques souhaite mettre l'accent sur la question du transfert et l'articulation entre la recherche et le développement économique. Cela ne signifie pas que le projet doive se résumer au seul développement économique, mais que celui-ci est un élément essentiel, et qu'il faut être capable de construire une stratégie qui permette de dépasser l'incantation : il ne suffit pas de répéter que l'innovation et l'articulation entre recherche et développement économique sont les moteurs de la compétitivité, il faut en faire une réalité.
Notre Commission des affaires économiques a adopté un amendement qui propose de modifier le nom de l'instance d'évaluation, en substituant celui de Haute autorité à celui de Haut conseil. C'est cependant moins l'intitulé de l'instance que la prise en compte des missions et de l'expérience de l'évaluation dans les dernières années qui nous tient à cœur. Nous n'en ferons donc pas un point de blocage.
La deuxième évolution que nous proposons concerne le Conseil stratégique de la recherche et la stratégie nationale de la recherche : nous préférerions parler de « Conseil stratégique de la recherche et de l'innovation » et de « stratégie nationale de la recherche et de l'innovation ». Il est malaisé de concevoir une stratégie nationale de recherche qui ne prendrait pas en compte l'innovation.
Enfin, nous souhaitons que soit reconnu, dans la carrière des chercheurs, le temps qu'ils consacrent aux activités de transfert, et notamment les périodes au cours desquelles ils quittent leur laboratoire pour participer directement à la valorisation économique d'un certain nombre de leurs découvertes. Cela nous paraît essentiel pour favoriser le lien entre le monde de la recherche et celui de l'entreprise.
M. Jean-Yves Le Déaut, premier vice-président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Ce projet de loi nous convient globalement. Par rapport à la « loi LRU », il a l'avantage de traiter de bien d'autres sujets que de la gouvernance universitaire, tels que la réussite des étudiants ou la stratégie nationale de recherche. Il traduit la priorité que nous accordons à l'enseignement supérieur et à la recherche, qui a trop souvent été, une fois les élections passées, l'oubliée des législatures précédentes. L'affirmation par la loi d'une stratégie de recherche permettra une vision à long terme de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation - comme cela se fait pour la Défense.
Ce texte et les amendements que nous proposerons permettront par ailleurs de mettre fin à certaines anomalies persistantes dans notre pays : je pense notamment à l'absence de reconnaissance du doctorat tant dans le secteur privé que public et à l'éclatement de notre système d'enseignement supérieur : 72 universités publiques, 12 privées, 21 organismes de recherche et… 1 509 écoles d'art, d'architecture, de commerce, etc. Le fait que l'architecture ne s'apprenne pas à l'université me semble particulièrement aberrant.
Il nous faudra enfin avancer sur les questions de tutelle de l'enseignement supérieur si nous voulons remédier à cet éclatement et à l'atomisation qui caractérisent l'enseignement supérieur français.
M. Sébastien Denaja, rapporteur au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Alors que l'enseignement supérieur et la recherche prétendent servir l'intelligence et le progrès et travailler à l'édification d'une société plus égalitaire, ces univers restent marqués par de graves inégalités de fait. Les femmes en particulier y sont en butte à des difficultés directement liées à leur genre, à rebours de l'idéal républicain d'égalité. Elles sont largement sous-représentées dans les instances de direction et dans la hiérarchie administrative, et la valeur de leurs travaux de recherche est souvent minorée par des instances d'évaluation où elles sont très peu présentes. Les chiffres sont éloquents : les femmes représentent près de 60 % des diplômés de l'enseignement supérieur, mais 50 % des doctorants, 40 % des maîtres de conférence, 22 % des professeurs d'université et moins de 14 % des présidents d'université.
La Délégation aux droits des femmes a par ailleurs porté une attention particulière à la question du harcèlement sexuel dans l'enseignement supérieur, phénomène qui est loin d'être marginal.
Les amendements que nous proposerons au nom de la Délégation viseront à renforcer la présence des femmes dans les instances de gouvernance des établissements d'enseignement et des organismes de recherche en favorisant la parité dans tous les organismes décisionnels et en systématisant les plans d'actions en faveur de l'égalité, à rendre plus égalitaire le déroulement des carrières, à accroître la place des femmes dans les filières scientifiques et à engager une action résolue contre le harcèlement sexuel.
M. le président Patrick Bloche. Le rapporteur pour avis de la Commission des affaires sociales sera présent au moment de l'examen de l'article 22.
Mme Sandrine Doucet. Ce projet de loi traduit les engagements que nous avons pris envers la jeunesse et l'enseignement supérieur. Ce que nous devons à la jeunesse étudiante, c'est une cohérence dans ses études, une professionnalisation progressive, une garantie de réussite et une ouverture sur l'Europe, voire le monde. Ce que nous devons à l'enseignement supérieur et à la recherche, c'est une meilleure lisibilité à l'intérieur et une meilleure visibilité à l'extérieur, notamment en développant l'accueil d'étudiants et de chercheurs étrangers. Tel est l'objectif de l'article 2, qui vise à autoriser l'enseignement en langue étrangère.
Ce texte prouve qu'en la matière l'ambition est socialiste et partagée avec l'ensemble de la gauche. Notre priorité, c'est la réussite des étudiants, notamment par une meilleure articulation entre le lycée et l'enseignement supérieur, qui devrait mettre fin à l'égarement des bacheliers professionnels et techniques dans l'enseignement général. Faisons confiance aux sections de techniciens supérieurs (STS) et aux IUT.
Ce texte veut également favoriser une meilleure articulation entre les classes préparatoires aux grandes écoles et l'université via des conventions garantissant des parcours plus cohérents. Enfin, l'objectif de doublement du nombre des formations en alternance traduit notre volonté d'améliorer l'employabilité des diplômés.
L'ambition portée par le projet de loi dépasse l'objectif de 50 % d'une classe d'âge diplômés de l'enseignement supérieur ou la reconnaissance du doctorat comme voie d'accès à la haute fonction publique : il consacre le retour d'un État stratège en matière d'orientation et de programmation de la recherche, notamment à travers l'institution d'un Conseil stratégique de la recherche auprès du Premier ministre. Il vise aussi à donner toute leur place aux acteurs locaux de l'enseignement supérieur et de la recherche, à travers notamment la création des communautés d'universités et l'institution de coopérations fédérant tous les acteurs de l'enseignement supérieur. Il privilégie ainsi la convergence quand la « loi LRU » avait fait le choix de la concurrence.
La création d'un conseil académique doté de compétences propres en matière de recherche permettra de démocratiser la gouvernance de l'université et de recentrer le rôle du conseil d'administration sur le pilotage stratégique. Avec ce texte, nous passons de la simple gouvernance à la construction d'un système démocratique, pour la réussite de chacun et l'ambition de tous.
Aux yeux du groupe SRC, cette loi ambitieuse inscrira notre université et notre recherche dans leur siècle en leur assurant un rayonnement international, sans oublier la réussite de chaque étudiant dans tous les territoires.
M. Patrick Hetzel. En dépit de votre travail, que je salue, monsieur le rapporteur, ce texte continue à susciter des interrogations au sein du groupe UMP.
D'abord on ne peut pas minimiser, comme vous le faites, le risque de dyarchie lié à l'institution à l'université d'un conseil académique qui entrera inévitablement en conflit avec le conseil d'administration. Vous prétendez ainsi corriger ce que vous appelez les « dysfonctionnements » de la « loi LRU ». Il est vrai que celle-ci favorisait une certaine concentration du pouvoir au bénéfice des présidents d'université, mais il s'agissait de permettre aux établissements d'enseignement supérieur de développer une véritable vision stratégique. Dans votre propre famille politique, certains pointent ce risque de dilution du pouvoir universitaire - j'ai eu l'agréable surprise de constater que M. François Patriat, président du conseil régional de Bourgogne, partageait notre analyse.
Nous ne pouvons que soutenir l'ambition que vous affichez d'assurer la réussite des étudiants, mais comment pourrions-nous ne pas douter, alors que rien dans ce texte ne va dans ce sens ? Il ne comporte ainsi aucune mesure en faveur du développement de filières d'excellence dans les premiers cycles universitaires, alors qu'une telle disposition contribuerait à rendre l'université plus attractive.
La question de l'insertion professionnelle est l'angle mort de votre rapport. Il est quand même surprenant que le rapporteur d'un texte relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche n'auditionne aucun représentant du MEDEF…
M. le rapporteur. J'ai demandé à entendre le point de vue du MEDEF, mais personne n'est venu.
M. Patrick Hetzel. Vous n'allez pas me faire croire que personne, ni du MEDEF, ni de la CGPME, ni parmi les représentants des grands secteurs d'activité n'a répondu favorablement à votre invitation.
Croire que les communautés d'universités et établissements permettront d'accroître la coopération entre les universités, les écoles et les organismes de recherche traduit une vision extrêmement technocratique des choses. Au lieu de donner un nouveau souffle au système, elles favoriseront son uniformisation en anéantissant toute initiative indépendante. Au moins la constitution des PRES était-elle laissée au libre choix des établissements, ce qui garantissait une vision stratégique commune. Ce ne sera pas le cas avec ces structures imposées d'en haut, qui ne faciliteront que le travail de l'administration centrale, et non pas le fonctionnement de nos établissements d'enseignement supérieur. Alors que la politique menée ces cinq dernières années visait à mettre à la disposition des acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche des outils juridiques adaptés à leur projet stratégique, vous voulez, vous, les soumettre à un seul et même cadre juridique. Avec ce système, l'université de Lorraine n'aurait pu voir le jour, monsieur Le Déaut.
Ce texte trahit en outre une vision excessivement régionaliste de l'enseignement supérieur et de la recherche, là où il faudrait définir une ambition nationale, voire internationale.
M. Rudy Salles. Cette loi, promise pendant la campagne par celui qui allait devenir le Président de la République, devait être l'expression d'une nouvelle ambition pour l'université et un événement majeur du quinquennat. Le moins qu'on puisse dire c'est que ce ne sera pas le cas.
La loi que nous examinons a pour objets la stratégie, l'organisation et les structures de l'enseignement supérieur et de la recherche publique. Ce que nous reprochons d'abord à ce texte, c'est de réduire l'autonomie des universités comme peau de chagrin, notamment en accumulant les contraintes institutionnelles et administratives et en faisant disparaître des spécialités qui contribuent pourtant à l'attractivité des universités.
S'agissant de la gouvernance des universités, pourtant au cœur du projet de loi, la déception est cruelle. Le fonctionnement du conseil académique, principale nouveauté du texte et dont on pouvait espérer qu'il joue le rôle d'un « sénat académique » comme dans les universités américaines, nous apparaît problématique : il sera en concurrence avec le conseil d'administration, les deux conseils étant composés majoritairement d'élus, et la représentation étudiante y sera pléthorique en formation plénière.
Autre point majeur du projet de loi, les possibilités de regroupements, dont les modalités sont décrites dans les articles 38 à 41, ont pour ambition affichée de simplifier et d'assouplir les dispositifs. Les pôles de recherche et d'enseignement supérieur, les PRES, et les réseaux thématiques de recherche avancée, les RTRA, sont supprimés au bénéfice de la « communauté d'universités », structure s'appliquant à tout regroupement qui n'est pas une fusion. Mais l'avantage de la simplification administrative est annulé par une approche administrative et étatique, qui impose un modèle unique quels que soient les territoires, les situations et les projets.
On peut même parler de « soviétisation » quand le projet précise que « la politique territoriale de coordination est organisée par un seul établissement pour un territoire donné » et que « sur la base du projet commun, un seul contrat est conclu entre le ministre chargé de l'enseignement supérieur et les établissements regroupés ». Que se passera-t-il si les stipulations du projet commun sont refusées par les établissements regroupés ?
On parle de « coordination », alors que la communauté sera un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel ; tout comme une université. On créera donc, en réalité, de « super-universités » dotées d'organes décisionnels qui se superposeront à ceux des universités membres. Si ce n'est pas une « usine à gaz »… En effet une communauté sera, comme une université, dotée d'un conseil d'administration et d'un conseil académique.
La composition du conseil d'administration constitue cependant une différence capitale : outre des représentants des établissements et des organismes de recherche, il comprendra 30 % de personnalités qualifiées et 40 % de représentants élus des enseignants et des chercheurs, des autres personnels et des étudiants. Les élus ne seront donc pas majoritaires au conseil d'administration de la communauté, alors qu'ils le sont nettement dans les conseils d'administration des universités membres. Faire coexister sans blocage deux niveaux d'administration construits sur des principes si différents relève du pari.
Si ce dispositif était adopté, la France disposerait d'un système unique au monde où la stratégie des universités relèverait de « super-universités » régionales, mastodontes sous la tutelle de l'État. Le gigantisme de ces « préfectures universitaires », gouvernées par un empilement de conseils, ne pourra que favoriser les clivages.
L'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES) est remplacée par le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, qui ne fera en principe que valider les procédures d'évaluation. Le projet de loi précise cependant que le Haut Conseil pourra si besoin effectuer lui-même les évaluations.
On aboutit au paradoxe que, s'agissant de la stratégie, les universités perdent leur autonomie au profit d'une superstructure régionale, tandis que l'évaluation sera décentralisée ! C'est exactement le contraire en Grande-Bretagne, où les départements universitaires de recherche sont évalués au niveau national, alors que les universités sont autonomes. Nous considérons que c'est une grave erreur d'abolir tout dispositif national d'évaluation de la recherche.
La disparition des spécialités de masters contribuera également à la perte d'autonomie des universités, à l'anonymat des diplômes et au nivellement par le bas. À terme, elle risque de favoriser le développement d'un enseignement supérieur privé à vocation étroitement professionnelle.
Alors qu'il aurait fallu poursuivre la démarche entamée par la « loi LRU », celle d'une autonomie plus claire, au bénéfice d'enseignements de qualité, la France engage son enseignement supérieur à contre-courant de toutes les grandes organisations universitaires du monde.
M. Thierry Braillard. Le bilan de la « loi LRU » et du « plan Campus » lors du précédent quinquennat est bien maigre : trop peu de sujets traités, une gouvernance trop centralisée, une mise en œuvre qui a laissé les universités dans une situation financière dramatique.
Nous pensons en revanche que ce projet de loi est un bon texte, en ce qu'il lie l'enseignement supérieur et la recherche et qu'il pose les bases d'une autonomie réelle des universités dans le cadre d'une régulation nationale. Plus globalement, il s'agit de construire un nouveau modèle français, alliant solidarité et compétitivité. C'est là un objectif dans lequel les députés du groupe RRDP se retrouvent totalement.
Le projet simplifie d'abord l'administration de l'université en créant un conseil académique à partir de la fusion de deux conseils, alors que la « loi LRU » avait abouti à une concentration excessive du pouvoir au bénéfice du conseil d'administration.
Le groupe RRDP estime également que le dessein du texte est clair : accorder toute la confiance nécessaire aux universitaires dans la conduite de leurs formations et la gestion de leurs établissements - et leur donner confiance en eux-mêmes.
Il convient toutefois d'encadrer l'exercice de l'autonomie, via le regroupement des institutions du supérieur dans des communautés d'universités et établissements. Coordonner la recherche et l'enseignement sur un territoire donné, éventuellement interacadémique, permettra de diminuer le millefeuille administratif. Il faut réunir les moyens pour agir avec plus d'efficacité.
Au plus haut niveau, l'AERES est remaniée en une autorité administrative indépendante, le Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, qui pourra dialoguer avec le Conseil stratégique de la recherche.
Ce projet vise également à améliorer concrètement les conditions de la réussite des étudiants, le régime de la valorisation de la recherche, à faciliter les découvertes et leur transfert, ainsi qu'à réformer le cycle de la licence en inscrivant dans la loi le principe de continuité entre le secondaire et le supérieur.
Enfin, comme l'a rappelé M. Jean-Yves Le Déaut, le projet de loi reconnaît formellement le doctorat, qui couronne la formation universitaire. C'est grâce à celui-ci que naissent les découvertes, qu'apparaissent de nouveaux savoirs, que sont publiés des formules et des ouvrages neufs, que les universitaires, tout simplement, existent. Le doctorat est au fondement de l'enseignement supérieur et de la recherche, dont l'économie et la jeunesse ont tant besoin.
Mme Marie-George Buffet. Alors que le projet de loi a été précédé d'une consultation des différents acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche, chacun peut vérifier grâce aux auditions, que les organisations syndicales n'ont pas retrouvé leurs propositions dans le texte. Du reste, le 22 mai prochain, les syndicats de l'enseignement supérieur et de la recherche organiseront une manifestation en vue d'améliorer le projet de loi.
Monsieur le rapporteur, vous avez employé le mot « continuité » en évoquant l'autonomie : je n'aurais pas été si loin. Plus prudente, j'ai évoqué un « décollage insuffisant » de la « loi LRU », avec laquelle, malheureusement, ce projet de loi ne permet pas de rompre.
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, a invoqué à plusieurs reprises la réussite des étudiants. Il est vrai que le texte permet des avancées en direction des bacheliers des filières professionnelles ou technologiques ou sur la question de la licence, même si la réforme de celle-ci est renvoyée à la voie réglementaire. Il renforce également les droits syndicaux des étudiants, ce qui est une bonne chose car les étudiants doivent être considérés comme des acteurs à part entière de l'université.
En revanche, le texte est vide en ce qui concerne les conditions de vie des étudiants. Or, toutes les études et le rapport lui-même montrent combien la réussite des étudiants est liée à la correction des inégalités sociales. Le taux d'échec des étudiants salariés est très important. L'arrêt des études avant l'obtention d'un diplôme est souvent lié aux conditions de vie des étudiants. La question de l'allocation d'autonomie n'est pas abordée tandis que le rôle et les missions des œuvres universitaires sont sous-estimés. Je présenterai au nom du groupe GDR plusieurs amendements sur le sujet.
S'agissant de l'accréditation des établissements publics et privés et de l'habilitation des diplômes, il convient encore de préciser le texte, notamment en ce qui concerne le cadre national des diplômes.
Par ailleurs, le projet de loi maintient, avec l'Agence nationale de la recherche, la logique de financement par projet, ainsi que les fondations de coopération scientifique. Et si l'AERES est supprimée, c'est pour être remplacée par une structure équivalente en termes de composition et de mission - le Haut Conseil d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur.
La création du Conseil stratégique de la recherche fournira assurément un cadre national à la recherche. Toutefois, quel en sera l'objectif ? Nous sommes en droit de nous interroger. En effet, alors que vous reconnaissez vous-même, monsieur le rapporteur, que la recherche a besoin de temps long, le fait que de très nombreux articles du texte lient la recherche aux questions de compétitivité, d'innovation et de développement économique, tout en mettant de côté les sciences humaines, ne peut qu'inquiéter la communauté des chercheurs.
Il convient de noter enfin que le texte renforce l'autonomie en obligeant les universités à se regrouper au sein de territoires - c'est une préoccupation que nous partageons.
Si l'adoption d'amendements doit permettre d'améliorer le projet de loi, il convient absolument de maintenir, voire d'améliorer la parité au sein des postes à responsabilité et des instances démocratiques des universités.
M. Yves Durand. Au cours de la discussion de la « loi LRU », Mme Valérie Pécresse, alors ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, avait insisté sur la nécessité de réformer la licence en vue de mettre un terme à l'échec massif en troisième année des étudiants issus des filières technologiques et professionnelles. Elle avait promis qu'elle procéderait à la réforme de la licence après celle de la gouvernance des universités : nous attendons toujours.
Si le présent projet de loi est un texte de progrès, c'est qu'il vise la réussite de tous en licence, tout d'abord en inscrivant, à l'article 17, le principe de continuité entre le second cycle du second degré - les trois années de lycée - et le cycle de la licence, et, en favorisant, ensuite, à l'article 18, l'accès des bacheliers professionnels aux sections de techniciens supérieurs, et celui des bacheliers technologiques aux instituts universitaires de technologie, toutes filières qui ont été créées à leur intention.
Cette politique est donc en rupture totale avec celle de la précédente majorité. L'ambition de ce texte est la même que celle qui a présidé à la loi sur la refondation de l'école, qui vise à assurer la continuité entre l'école élémentaire et le collège. C'est en effet sur le principe de continuité que repose la réussite éducative.
Nous défendrons donc cette loi de progrès.
M. Benoist Apparu. Alors qu'une des ambitions de la « loi LRU » était de créer un véritable pouvoir universitaire, je crains que ce texte ne revienne en arrière. À mes yeux, la concentration du pouvoir instaurée en 2007 n'était pas trop forte.
Je suis également très circonspect, s'agissant des communautés d'universités, d'autant que les PRES représentaient une forte avancée. Peut-être aurait-il fallu les évaluer et éventuellement les réformer avant de changer un outil qui a porté des fruits.
Enfin, je suis, comme M. Yves Durand, favorable aux articles 17 et 18 du projet de loi : il convient en effet, grâce à une orientation digne de ce nom, de cesser d'envoyer des bacheliers technologiques et professionnels hors des filières qui leur sont dédiées - STS ou IUT.
M. Pierre Léautey. Le texte réalise de nombreuses avancées, qu'il s'agisse de la réussite des étudiants ou de la gouvernance des universités et de la recherche.
L'objectif d'atteindre 50 % d'une classe d'âge diplômée de l'enseignement supérieur est en parfaite cohérence avec les dispositions budgétaires qui ont déjà été prises, grâce, notamment, aux 1 000 postes supplémentaires consacrés, dès 2013, à la licence, et au projet de création de logements étudiants.
La signature de conventions entre les lycées disposant de classes préparatoires et des établissements universitaires évitera à des élèves ayant fréquenté deux ou trois ans ces classes de se retrouver dans une impasse.
Par ailleurs, la mise en place d'un service régional d'orientation permettra d'être plus près des réalités territoriales et d'anticiper les besoins.
La simplification des procédures d'accréditation des établissements en vue de les rendre plus efficaces était également nécessaire.
Enfin, il est bon de prévoir des quotas de bacheliers professionnels ou technologiques dans les filières qui leur étaient initialement dédiées - STS ou IUT.
Toutes ces dispositions favoriseront la réussite des étudiants et faciliteront leur insertion professionnelle.
M. Daniel Fasquelle. Je partage les réserves de nombreux présidents d'universités, étudiants et syndicats d'enseignants à l'égard de ce texte qui me paraît bavard, voire dangereux.
Le projet se paie de grands mots quand plusieurs articles se résument à un catalogue de bonnes intentions, sans portée législative. Il ne traite pas en revanche des conditions de vie des étudiants, alors que la précédente majorité avait attribué aux étudiants un mois de bourse supplémentaire. Quant au programme de construction de logements, il est très insuffisant. Or, l'urgence est là. Le texte ne s'attaque pas non plus de manière concrète à l'échec des étudiants au cours des trois premières années, l'article 17 demeurant bien flou. Si le projet de loi vise à désarticuler les premiers cycles des universités et à baisser le niveau de la licence pour faire reculer l'échec universitaire, il fait fausse route. Il conviendrait plutôt de réformer le système du tutorat ou la semestrialisation.
Le texte passe donc à côté des vrais sujets. Mais il est en outre dangereux, en ce qu'il instaure une centralisation excessive. Le président de l'UNEF a déclaré que « l'instauration d'un cadrage national des diplômes va mettre fin à la liberté d'initiative des universités ». Pensez-vous que cela soit judicieux, alors même que les universités ont besoin d'une plus grande liberté pour adapter leurs formations ou leurs programmes de recherche aux attentes à la fois des étudiants et des acteurs locaux ? Les universitaires sont mieux à même que Paris de décider de l'orientation à donner à leurs formations ou à leurs recherches.
Par ailleurs, en matière de gouvernance, le texte, en prévoyant les communautés d'universités et établissements, crée une vraie « usine à gaz ».
Enfin, renoncer à enseigner dans notre langue au sein de notre université, comme le prévoit l'article 2, représente un très grave abandon de souveraineté intellectuelle et culturelle. Demain, des masters et des laboratoires de recherche ne travailleront plus qu'en anglais. Or, si nous travaillons dans une autre langue que le français dans des disciplines techniques d'innovation, nous ne disposerons bientôt plus des mots nous permettant d'exprimer l'avenir. Les langues commencent de disparaître quand elles ne sont plus capables de formuler le langage technique et qu'elles ne sont plus pratiquées par les élites. La France doit défendre la langue française. Quel message envoyez-vous aux pays francophones et aux étudiants qui apprennent le français de par le monde, si vous autorisez les universités françaises à ne plus enseigner en français ? La Commission des affaires culturelles se doit de défendre la langue et la culture françaises.
M. Pascal Deguilhem. Un peu d'histoire, monsieur Fasquelle. Le dixième mois de bourse n'était pas financé !
Quant à la réussite des étudiants en licence, parlons-en. Entre 2007 et 2012, les taux de réussite ont baissé de quatre points. Il convient donc de prévoir de nouveaux dispositifs.
Le système universitaire doit également être plus lisible. Il est trop complexe, qu'il s'agisse des diplômes ou des procédures d'élaboration des programmes de recherche - les chercheurs passent leur temps à remplir des dossiers pour obtenir de maigres crédits, ce qui ne peut qu'affaiblir leur stratégie de recherche.
Certaines dispositions du texte peuvent susciter le débat au sein même de la majorité. C'est pourquoi il convient de l'améliorer sans en altérer la philosophie, s'agissant notamment de l'orientation des bacheliers technologiques ou professionnels afin de favoriser leur réussite en licence.
Le projet de loi n'est pas aussi ambitieux que nous l'aurions souhaité : il ne traite pas, notamment, de la question des moyens. Aussi la réalisation, évoquée par le rapporteur, d'un Livre blanc sur le sujet me paraît-elle une excellente suggestion.
M. Guénhaël Huet. Chacun reconnaît l'importance des défis qui se posent à l'université et à la recherche françaises. C'est pour les relever que la précédente majorité avait adopté, en 2007, la « loi LRU ». Personne ne peut contester la réussite d'une loi d'autonomie qui, après un démarrage assez lent, a été librement adoptée par la totalité des universités françaises, permettant ainsi la création de grands pôles universitaires.
D'ailleurs, la loi a largement bénéficié aux étudiants ; la dépense moyenne annuelle par étudiant passant de 7 000 euros en 2007 à 10 000 euros en 2012.
Le texte qui nous est présenté ne répond pas aux défis du moment, et mérite quatre critiques principales.
Il est, premièrement, fondé sur une philosophie égalitariste, alors que notre université a besoin de diversité. Les universités doivent pouvoir s'exprimer en dehors d'un cadre centralisé et égalitariste.
Deuxièmement, la gouvernance, en devenant très lourde, portera en germe de nombreux conflits entre les différentes instances créées par la loi.
Troisièmement, la marginalisation de la langue française dans l'université est un comble. S'il y a bien une institution au sein de laquelle la langue française doit être défendue et promue, c'est l'université.
Quatrième et dernier point : le texte ignore les réalités économiques. Comment en serait-il autrement puisque les organisations syndicales patronales ont été écartées des travaux préparatoires ? Le rapporteur ne peut raisonnablement soutenir qu'aucune de ces organisations n'a répondu présent : la ficelle apparaît trop grosse.
Ce projet de loi ne saurait donc recueillir notre assentiment.
M. le rapporteur. Même si la procédure accélérée a été engagée sur ce projet de loi qui, par ailleurs, est un bon texte, il nous est toujours possible de l'améliorer par voie d'amendements. Je déposerai à cette fin, en tant que rapporteur, plusieurs amendements et le gouvernement fera de même à la suite des discussions qui ont eu lieu.
J'ai regardé comment la question de l'enseignement et de la recherche avait été traitée durant les quinze dernières années par les majorités successives. Afin de savoir ce que deviennent les lois, une fois adoptées, j'ai relu en particulier les débats parlementaires sur la « loi LRU », ce qui m'a permis de connaître les positions de la ministre de l'époque et du rapporteur du texte, ainsi que les promesses faites par le gouvernement. De nombreux rapports pour avis ont été rendus et je tiens également à rappeler la qualité de l'expertise de M. Jean-Yves Le Déaut. Nous sommes tous d'accord, au sein de la Commission des affaires culturelles et de l'éducation : l'enseignement supérieur et la recherche constituent un enjeu crucial pour le pays - ce n'est pas nécessairement l'avis des autres commissions ou de tous les gouvernements qui se succèdent, indépendamment de leur étiquette.
Il s'agit, à mes yeux, de préparer l'avenir en fonction de trois problématiques. La première concerne les moyens de l'enseignement supérieur et de la recherche dans une stratégie, à laquelle j'adhère, de maîtrise de la dépense publique ; la deuxième, les conditions de vie des étudiants, et la troisième, la précarité.
Si nous pouvions, par-delà nos sensibilités politiques, converger sur la définition et l'élaboration d'une stratégie de défense à long terme de l'enseignement supérieur et de la recherche, nous serions plus forts pour empêcher que cette question cruciale ne soit traitée que tous les cinq ans, lors des campagnes présidentielles.
S'agissant de l'analyse de la situation actuelle, je vous invite, mes chers collègues, à prendre du recul et à tenir compte des réalités : taux effectif de réussite en licence par rapport aux objectifs fixés ; rapport de la Cour des comptes sur les PRES sept ans après leur création ; nombre d'universités dont le budget est déficitaire sur un an ou sur deux ans ; nombre d'étudiants en situation précaire ; taux d'insertion professionnelle - des dizaines de milliers d'étudiants quittent chaque année l'enseignement supérieur sans aucun diplôme.
Soyons lucides : si les universités fonctionnaient parfaitement, si les étudiants réussissaient de manière exemplaire, si les PRES étaient partout un succès et si nous n'avions pas le sentiment que l'ensemble des acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche sont aujourd'hui épuisés, à force de bricoler avec des bouts de ficelles, de répondre à des appels à projets et de régler des questions institutionnelles, le présent projet de loi ne serait pas nécessaire.
Mais le constat sur la précarité et l'illisibilité du système d'enseignement supérieur français a été largement partagé par l'ensemble des participants - venus très nombreux - aux Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche.
D'autre part, le vote du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) en faveur du présent projet de loi - alors qu'il en a rejeté d'autres par le passé - et la position de la Conférence des présidents d'universités (CPU) devraient nous inciter à modérer nos jugements.
Ce texte n'est pas d'inspiration technocratique. Je n'ai d'ailleurs rien, pour ma part, d'un technocrate : j'ai été pendant quelques années un praticien de l'enseignement supérieur et de la recherche, et suis désormais le responsable d'une agglomération assez importante, confronté aux réalités du terrain et aux réformes successives du système universitaire.
Madame Buffet, je n'ai pas parlé de continuité avec la « loi LRU » : j'ai indiqué que l'autonomie des établissements était une préoccupation constante depuis la « loi Faure » - votée en novembre 1968 par l'ensemble des forces politiques à l'exception des députés communistes, qui se sont abstenus.
En ce qui concerne la gouvernance des universités et les risques de conflits, voire de paralysie, que vous relevez, chers collègues de l'opposition, je vous invite à relire le rapport remis par M. Philippe Aghion à la ministre Valérie Pécresse en 2010 : la dyarchie qui existe au sein des universités françaises se retrouve presque partout dans le monde. En outre, vous évoquez un déséquilibre entre les prérogatives du conseil académique et celles du conseil d'administration, alors que tel n'est pas le cas. Enfin, vous nous reprochez de remettre en cause l'autonomie des universités, mais vous avez vous-mêmes une attitude contradictoire : plusieurs d'entre vous ont déposé un amendement tendant à créer une instance supplémentaire, le conseil d'orientation stratégique, alors que le présent projet de loi permet déjà au conseil d'administration de mettre en place un tel organe.
Nous avons examiné de près la composition et le fonctionnement des conseils d'administration avant la « loi LRU », depuis cette loi et tels qu'ils sont prévus par le présent projet de loi. Celui-ci favorise un fonctionnement plus démocratique des conseils universitaires et en améliore la représentativité, sans remettre en cause - ce point fait d'ailleurs débat au sein de la gauche - le pouvoir du président, nécessaire pour que l'université puisse déployer une stratégie.
S'agissant de la réussite des étudiants, vous trouvez le projet « bavard ». Or, il apporte des améliorations non négligeables au code de l'éducation. Surtout, avec le principe de continuité entre le second cycle de l'enseignement secondaire et le cycle de licence, l'instauration de quotas en faveur des bacheliers professionnels et technologiques pour l'accès aux STS et aux IUT, et les dispositions relatives à l'international, il crée les conditions nécessaires à la réussite des étudiants. De plus, je présenterai des amendements visant à préserver les stages. Je vous invite à nouveau, chers collègues, à tenir compte des taux d'échec et de décrochage des étudiants.
Vous estimez, monsieur Hetzel, que la question de l'insertion professionnelle constitue l'« angle mort » de mon rapport. Cependant, j'assume les propos que j'ai tenus à ce sujet. Le gouvernement présentera un amendement - qui suscite d'ailleurs des débats entre nous - tendant à ajouter au sein du conseil d'administration, parmi les personnalités extérieures, un troisième représentant du monde économique et social. La « loi LRU » n'était pas allée aussi loin.
Mes propos concernant le MEDEF ne sont en rien une provocation. Cependant, j'ai été surpris de ne pas pouvoir entendre leur avis. L'université doit être ouverte sur le monde de l'entreprise et les territoires. Je regrette également que les syndicats de salariés - si ce n'est les syndicats internes au système universitaire - ne se soient pas davantage exprimés, alors qu'ils ont des positions à faire valoir, notamment sur les liens qu'il convient de créer entre la formation professionnelle et l'enseignement supérieur.
Vous nous reprochez de créer une nouvelle « usine à gaz » avec les communautés d'universités et établissements. Pourtant, le projet de loi ne crée aucune superstructure supplémentaire. Il prévoit plusieurs dispositifs de regroupement des établissements, souples et fonctionnant de manière démocratique - la ministre y reviendra certainement en détail. D'autre part, il est urgent d'agir : compte tenu des enjeux, nous ne pouvons pas nous permettre de mettre quinze ans à réaliser une fusion d'universités, comme cela a été le cas dans le Sud-Est.
S'agissant des points soulevés par Mme Marie-George Buffet, notamment en ce qui concerne les conditions de vie des étudiants, nous pouvons poser des jalons pour l'avenir. C'est pourquoi je propose la rédaction d'un Livre blanc sur l'enseignement supérieur et la recherche, qui abordera tant la stratégie que les moyens et la programmation. Il n'y a pas raison que notre politique de défense fasse seule l'objet d'un Livre blanc !
Nous débattrons également de la substitution de l'accréditation des établissements à l'habilitation des diplômes, ainsi que de l'instauration d'un cadre national des diplômes. Le projet permet, là aussi, de parvenir à un point d'équilibre.
Enfin, nous aurons un débat approfondi sur la langue des enseignements. L'article 2 prévoit des exceptions à la « loi Toubon » de 1994, mais il ne s'agit nullement de bannir l'usage du français à l'université ! Ces nouvelles dispositions visent non seulement à permettre aux étudiants étrangers d'étudier en anglais dans notre pays, mais aussi à corriger une injustice : dans les grandes écoles, les étudiants ont accès à de nombreux cours dispensés en langue étrangère, alors que tel n'est pas le cas à l'université. Les universités françaises ont en outre vocation à accueillir des étudiants étrangers. Certains de nos collègues socialistes ont d'ailleurs déposé des amendements à ce sujet, notamment sur la question des visas.
M. Patrick Hetzel. Je viens d'avoir un échange avec le directeur des affaires publiques du MEDEF : non seulement le MEDEF n'a pas été invité à s'exprimer, mais lorsqu'il a demandé à être auditionné, il lui a été répondu que les délais étaient trop courts.
Quant aux organisations syndicales, vous avez raison, monsieur le rapporteur : il est important de les écouter. Lorsque j'ai présidé la Commission du débat national « université-emploi » en 2006, les propositions constructives sont venues non pas des organisations syndicales internes au système universitaire, mais des confédérations nationales. L'enseignement supérieur et la recherche doivent s'ouvrir sur leur environnement.
Pour ce qui est des moyens, nous en avons beaucoup débattu au cours des cinq dernières années. L'opposition d'alors estimait qu'il fallait considérer les crédits hors compte d'affectation spéciale « pensions ». Je vous invite à le faire, chers collègues : vous vous rendrez alors compte que les moyens consacrés par le gouvernement à l'enseignement supérieur et à la recherche ont baissé en 2013 par rapport à 2012.
S'agissant des conseils académiques prévus par le présent projet de loi, ne travestissez pas la réalité : ils n'ont rien à voir avec les sénats académiques qui existent à l'étranger et ont des compétences bien spécifiques. En outre, dans la plupart des universités étrangères, les compétences du sénat académique, du conseil d'administration et du conseil de surveillance ne se chevauchent pas. Enfin, les conseils de surveillance comprennent en général dix à douze membres, dont la majorité sont extérieurs à l'université. Si le texte prévoyait un tel schéma, j'y serais tout à fait favorable. Mais il constitue au contraire un recul en la matière.
Vous invoquez l'urgence, monsieur le rapporteur. Selon nous, il convient non pas d'aller plus lentement, mais d'agir en concertation avec les acteurs du monde universitaire. Je reprends à mon compte le terme de M. Rudy Salles : le dispositif des communautés d'universités et établissements est une « usine à gaz ». La coexistence de deux niveaux d'établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) va créer des situations ingérables. Tel n'était pas le cas des PRES, qui avaient vocation à préparer les fusions d'universités.
M. Jean-Yves Le Déaut. Je ne souhaite pas polémiquer avec M. Patrick Hetzel sur le terme d'« usine à gaz », mais je le répète : le système universitaire français actuel est incompréhensible, vu de l'extérieur, avec ses universités, ses écoles en tous genres. Les communautés d'universités visent précisément à permettre aux établissements de se regrouper sur une base volontaire et de travailler ensemble, en choisissant les compétences qu'ils souhaitent transférer au niveau supérieur. Les écoles d'ingénieurs pourront ainsi garder leur « marque ». Le fonctionnement des PRES n'était pas satisfaisant : les différentes composantes n'étaient ni représentées, ni consultées. Le présent projet de loi comble cette lacune.
Selon M. Patrick Hetzel, l'université de Lorraine n'aurait pas pu voir le jour dans le cadre du présent texte. Mais, pour la créer, il a fallu prendre un décret en Conseil d'État : est-ce normal dans un système universitaire réputé autonome ? Grâce à la loi que nous allons adopter, les fusions pourront être plus rapides. En réalité, nous remplaçons l'usine à gaz qui existe actuellement par un système beaucoup plus souple.
M. Benoist Apparu. Vous estimez, monsieur Le Déaut, que le système français est illisible en raison de la séparation entre grandes écoles, grands établissements et universités, et que les communautés d'universités et établissements vont remédier à cette situation. Est-ce à dire que la distinction entre universités et grandes écoles va disparaître ?
M. le rapporteur. J'ai des valeurs de gauche sur lesquelles je ne transigerai pas, mais j'assume une part de continuité et suis assez ouvert, je le répète, sur les questions que vous avez soulevées. Nous devons tous faire un bilan lucide. Vous ne pouvez pas prétendre, chers collègues de l'opposition, que tout irait à merveille, que le rythme des évolutions serait satisfaisant, que les conditions d'un fonctionnement démocratique seraient réunies, et que nous viendrions casser cette dynamique !
M. Patrick Hetzel. Nous disons simplement qu'il n'est pas sûr que les choses fonctionneront mieux avec le présent projet de loi !
M. le rapporteur. Cette appréciation diffère quelque peu de celle que vous avez formulée lors de votre précédente intervention.
M. le président Patrick Bloche. Nous en avons terminé avec cette discussion générale et nous entamerons l'examen des articles lors de notre prochaine séance.
La Commission des affaires culturelles et de l'éducation examine les articles du projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche lors de ses séances des mardi 14 et mercredi 15 mai 2013.
TITRE IER
MISSIONS DU SERVICE PUBLIC
DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE
Chapitre Ier
Les missions du service public de l'enseignement supérieur
Article 1er
Disposition de coordination
L'article premier propose de modifier le livre Ier du code de l'éducation, conformément aux dispositions qui suivent. La Commission a adopté un amendement de suppression de cette disposition superflue.
*
La Commission examine l'amendement AC 682 du rapporteur.
M. Vincent Feltesse, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l'article 1er qui ne contient qu'une disposition de coordination superfétatoire.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 1er est supprimé.
Article 1er bis (nouveau)
Égalité du service public sur l'ensemble du territoire
La Commission a adopté par amendement cet article qui consacre le rôle de l'État comme garant de l'égalité du service public de l'enseignement supérieur sur l'ensemble du territoire national. Il s'agit, par cette précision, de confirmer que les regroupements d'établissements et les contrats de site, bien qu'ils impliquent les collectivités territoriales, en particulier les régions, en vue d'assurer notamment la meilleure articulation possible entre les activités d'enseignement supérieur et le contexte socio-économique local, ne remettent nullement en cause le rôle primordial et unificateur de l'État dans la gestion du service public de l'enseignement supérieur.
*
La Commission examine, en discussion commune, les amendements AC 22 de Mme Catherine Troallic et AC 376 de M. Jean-Yves Le Déaut portant articles additionnels après l'article 1er.
Mme Catherine Troallic. Il s'agit de rappeler le principe d'égalité du service public de l'enseignement supérieur dans l'ensemble du pays, l'offre de formation ne pouvant favoriser certains territoires au détriment d'autres. Les regroupements entre établissements et l'entrée en jeu des collectivités territoriales ne doivent pas conduire à une aggravation des inégalités régionales. Il est donc indispensable que l'État puisse corriger les disparités et qu'il permette aux étudiants - quel que soit leur lieu de résidence - d'accéder à l'enseignement supérieur dans les mêmes conditions de réussite.
M. Jean-Yves Le Déaut. Je me rallie volontiers à l'amendement déposé par Mme Catherine Troallic.
Le projet de loi est ambitieux en matière de regroupement d'établissements et de création de communautés d'universités, si bien qu'a émergé une peur de voir l'enseignement supérieur se régionaliser, les diplômes nationaux disparaître et les inégalités entre universités s'accroître. Cette crainte s'est notamment exprimée lors des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il est donc utile de réaffirmer que l'État assume le rôle de garant de l'égalité du service public de l'enseignement supérieur.
L'amendement AC 376 est retiré.
M. le rapporteur. De nombreux élus s'inquiètent des disparités territoriales. La Constitution et le code de l'éducation apportent déjà des garanties en matière d'égalité, mais le législateur doit également contribuer à apaiser ces angoisses.
Je suis donc favorable à l'esprit de l'amendement de Mme Catherine Troallic.
La Commission adopte l'amendement AC 22.
La Commission est saisie de l'amendement AC 116 de Mme Marie-George Buffet.
Mme Marie-George Buffet. Cet amendement vise à ce que le gouvernement remette au Parlement, dans un délai de trois mois suivant la promulgation de la loi, un rapport étudiant les modalités de création et de mise en œuvre d'un Observatoire des inégalités sociales dans le service public de l'enseignement supérieur.
Madame la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, vous avez assigné à ce projet de loi l'objectif de permettre la réussite des étudiants, mais, comme nous l'avons souligné au cours de la discussion générale, celle-ci dépend de la lutte contre les inégalités sociales, facteur d'échec qu'atteste le parcours de nombreux étudiants salariés.
Cet observatoire constituerait un outil fiable permettant d'analyser les processus de ségrégation sociale et de réfléchir aux moyens d'y remédier.
M. le rapporteur. Il existe déjà un observatoire - l'Observatoire national de la vie étudiante (OVE) -, prévu par l'article L. 811-3 du code de l'éducation.
Madame Buffet, je souhaite que vous retiriez votre amendement. En vue de la séance publique, vous pourriez alors en déposer un autre visant à compléter l'article L. 811-3 afin que l'OVE soit chargé de remettre au Parlement un rapport annuel assorti de propositions.
Mme Marie-George Buffet. J'accepte de retirer mon amendement dans l'attente de l'examen du nouvel amendement.
L'amendement AC 116 est retiré.
La Commission étudie l'amendement AC 496 de Mme Isabelle Attard portant article additionnel avant l'article 2.
Mme Isabelle Attard. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche doit au minimum disposer de la cotutelle sur tous les établissements d'enseignement supérieur français, afin de garantir la cohérence de la politique de la recherche sur l'ensemble du territoire.
M. le rapporteur. Je me suis félicité, lors de la discussion générale, que tous les groupes politiques de la Commission aient présenté le même amendement et j'ai moi-même déposé un amendement sur ce sujet de la cotutelle du ministère sur tous les établissements d'enseignement supérieur. J'aimerais que ce soit l'amendement du rapporteur qui soit adopté à l'unanimité de la Commission, car nous ferons l'objet de nombreuses pressions sur cette question.
M. le président Patrick Bloche. L'amendement AC 683 dont parle le rapporteur sera examiné à l'article 3. Madame Attard, acceptez-vous de retirer le vôtre ?
Mme Isabelle Attard. Oui.
L'amendement AC 496 est retiré.
Article 2
Extension des exceptions au principe de l'enseignement en langue française
Le présent article vise à compléter le II de l'article L. 121-3 du code de l'éducation afin d'élargir les exceptions au principe de l'enseignement en langue française. L'objectif est essentiellement de régulariser les situations dans lesquelles le contournement de ce principe est rendu inéluctable tant pour des raisons pédagogiques que pour des motifs liés à l'internationalisation des systèmes d'enseignement supérieur.
1. Un cadre juridique inadapté
La loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, dite « loi Toubon », affirme dans son article 11 (dispositions codifiées à l'article L. 121-3 du code de l'éducation) le caractère obligatoire de l'enseignement en français et de son emploi pour les examens et concours ainsi que les thèses et mémoires dans les établissements publics et privés.
Elle a toutefois prévu des dérogations pour l'enseignement des langues et cultures régionales ou étrangères ou lorsque les enseignants sont des professeurs associés ou invités étrangers.
Cependant, cette loi est largement ignorée ou contournée dans les faits, et ce pour des raisons qui s'imposent au fonctionnement même des universités et des grandes écoles d'aujourd'hui.
Ainsi, Campus France a pu recenser près de 700 programmes d'enseignement supérieur dispensés en anglais dans notre pays.
Nombre de formations supérieures enseignées en anglais répertoriées par Campus France
Nombre de formations supérieures | |||
100 % anglais |
mixtes |
Total | |
Gestion et management |
350 |
52 |
402 |
Tourisme, hôtellerie et restauration |
17 |
6 |
23 |
Environnement et sciences de la terre |
107 |
46 |
153 |
Agriculture et agroalimentaire |
15 |
4 |
19 |
Mathématiques |
17 |
15 |
32 |
Sciences de l'ingénieur |
165 |
59 |
224 |
Droit et économie |
80 |
21 |
101 |
Sciences humaines, langues et lettres |
58 |
22 |
80 |
Architecture, arts, design et mode |
45 |
14 |
59 |
Total |
626 |
159 |
785 |
Source : CampusFrance.
En effet, dans une partie importante des disciplines, outre l'obligation de publier en anglais (mais en général hors de France), il est le plus souvent impossible d'organiser en France un séminaire, un colloque ou un congrès entièrement en français ; dans le meilleur des cas, les congrès et colloques sont plurilingues (français, allemand, anglais, italien, et/ou espagnol) et dans le cas le plus fréquent et le plus dommageable pour le français, ils se déroulent entièrement en anglais.
En outre, les thèses en cotutelle, qui se sont largement développées depuis l'époque déjà ancienne de la « loi Toubon », se déroulent nécessairement en deux langues, les travaux écrits étant également en deux langues (le texte complet dans l'une des deux, le résumé dans l'autre). S'y ajoutent les thèses sans cotutelles qui, en raison de la composition du jury, se déroulent en plusieurs langues.
Par ailleurs, des enseignements de master, dans quelques disciplines (notamment la gestion et l'économie) sont déjà donnés (illégalement) en anglais. Sciences Po Paris en a fait même un argument de « marque ». Et enfin, il suffit de rendre visite à un laboratoire de recherche d'aujourd'hui : on y entend presque toujours plusieurs langues de travail, notamment pour les directions des travaux des étudiants de master et de doctorat.
Ainsi un grand nombre de situations ou d'objectifs pédagogiques conduit-il aujourd'hui à utiliser les langues étrangères dans l'illégalité. Une régularisation est d'autant plus indispensable que le caractère illégal est très dissuasif, et peut conduire à appauvrir l'offre de formation à l'international.
Aucun pays comparable à la France ne subit la contrainte d'une loi équivalente à la « loi Toubon ». Le développement de l'offre d'enseignement en anglais dans un objectif d'attractivité est, selon l'European University Association, auditionnée par le rapporteur le 4 avril 2013, une « tendance lourde en Europe ». Par ailleurs, certains pays nordiques dispensent couramment les enseignements, en particulier en master et doctorat, entièrement en anglais, et y compris, bien entendu, pour leurs ressortissants nationaux.
Dans un contexte de concurrence internationale de plus en plus exacerbée entre établissements d'enseignement supérieur, des aménagements apparaissent nécessaires pour attirer les étudiants étrangers et européens au sein des établissements français. En effet, si la France attire environ 280 000 étudiants étrangers chaque année, elle n'est plus leur troisième destination de prédilection derrière les États-Unis et le Royaume-Uni, l'Australie lui ayant ravi cette place en 2009. Les étudiants internationaux privilégient donc les pays anglophones et 40 % de ceux qui ont choisi la France disent avoir hésité avec une autre destination.
En outre, de plus en plus d'établissements français (universités, IUT, grandes écoles) proposent des cursus intégrés (formations bi, voire tri-nationales), permettant aux étudiants de réaliser une partie de leurs études à l'étranger. Ces programmes novateurs permettent aux principaux intéressés de bénéficier d'approches pédagogiques et méthodologiques différentes et complémentaires. À la clé, les étudiants décrochent un double, voire un triple diplôme, ce qui facilite par la suite leur employabilité. Mais pour être pleinement efficace et utile, le dispositif doit naturellement fonctionner dans les deux sens, ce qui suppose que la France veille à conserver des universités et des établissements d'enseignement supérieurs attractifs. La mesure proposée à cet article est justement de nature à répondre à cet objectif.
2. L'autorisation de dispenser, en langues étrangères, une partie des enseignements dans le cadre d'accords avec des universités étrangères ou de programmes financés par l'Union européenne
Le texte propose d'introduire de nouvelles exceptions au principe de l'enseignement en français :
- tout d'abord, le français ne sera plus nécessairement la langue d'enseignement lorsque les cours seront dispensés dans le cadre d'un accord avec une université étrangère prévu à l'article L. 123-7 du code de l'éducation ;
- de même, le français ne sera plus obligatoire pour des cours suivis dans le cadre de programmes européens.
Les établissements seront donc autorisés à mettre en place des enseignements en langue étrangère pour des cursus principalement destinés à des étudiants étrangers. Les textes d'application encadreront cette exception afin de remplir les objectifs assignés.
Le présent article ajoute une autre condition cumulative : ces exceptions au principe de l'enseignement en français ne s'appliqueront qu'à « certains enseignements » dont la nature le justifie.
Selon les informations transmises par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, « il peut notamment s'agir de disciplines dont les textes de référence sont en langue étrangère. À titre d'exemple, on ne peut faire de l'économie sans se référer à des textes en anglais et on ne peut faire de la philosophie sans se référer notamment à des textes allemands. »
Les enseignements dont la nature justifie qu'ils puissent être dispensés en langue étrangère sont également, selon les précisions transmises par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, ceux qui font appel à des « études de cas » ou des « situations réelles », proches des situations professionnelles auxquels se préparent les étudiants. Ainsi, dans la plupart des agences de marketing ou de communication de dimension internationale, l'anglais ou l'espagnol sont-elles des langues de travail courantes. Les étudiants doivent apprendre à « travailler dans ces langues », ce qui dépasse la simple maîtrise de la langue étrangère.
Il n'est cependant pas possible de faire un inventaire exhaustif des situations pédagogiques où il est impossible de s'en tenir au français. L'utilisation massive du numérique pourrait d'ailleurs en augmenter le nombre, car les établissements d'enseignement supérieur s'adresseront alors à des étudiants étrangers dont il sera très difficile de contrôler le niveau de maîtrise du français, et qui n'auront pas l'occasion de s'imprégner de la langue par « immersion ». C'est pourquoi cette extension doit être très précisément encadrée.
Les enseignements concernés devront être dispensés « pour la mise en œuvre d'un accord avec une institution étrangère ou internationale tel que prévue à l'article L. 123-7 ou dans le cadre d'un programme européen. »
Selon les précisions transmises par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, « lorsqu'un accord prévoit des échanges d'étudiants, avec notamment des validations réciproques d'unités d'enseignement entre deux universités, en vue de l'obtention des diplômes dans l'université d'origine, les enseignements en question sont dispensés pour la mise en œuvre de l'accord. Le cas le plus connu est celui des « masters erasmus-mundus », qui sont délivrés en commun par un consortium d'universités, chaque étudiant devant suivre une partie de son enseignement dans chacune des universités concernées. »
« Un autre cas est celui des masters d'ingénierie internationaux que les écoles d'ingénieurs proposent exclusivement à des étudiants étrangers, en parallèle du diplôme d'ingénieur, et dont les enseignements, de ce fait, sont donnés en anglais ou dans une autre langue que maîtrisent les étudiants en question. »
Chaque université française a signé au moins une centaine d'accords interuniversitaires mais dans les faits, pour chacune d'elle, seule une petite dizaine d'accords impliquant des enseignements fonctionne en moyenne et à un moment donné.
Quant aux programmes européens visés, ils « sont soit ceux qui impliquent des diplômes conjoints ou partagés (tels que les masters erasmus-mundus), soit ceux qui relèvent plus généralement des programmes de mobilité européenne. »
En réponse aux questions du rapporteur, le ministère de l'enseignement et de la culture indique que les enseignements concernés par le présent article sont « tous ceux qui sont parfois dispensés en langue étrangère, de manière illégale et plutôt rare, et qui pourront l'être désormais de manière légale, et plus fréquemment. Il est probable, par exemple, que l'économie, la gestion, l'électronique et la médecine soient plus fréquemment enseignées en anglais. Mais, de fait, il s'agit plutôt d'une mesure de régularisation, appliquée à une situation actuellement confuse et illégale. La régularisation provoquera sans doute l'extension de cette situation devenue légale, beaucoup plus qu'elle de suscitera des pratiques entièrement nouvelles. »
Les modalités concrètes d'application de ce dispositif seront précisées par le cadre national associé à l'accréditation et le contrat pluriannuel d'établissement qui fixe les conditions concrètes de préparation des diplômes.
3. Les modifications apportées par la Commission
La Commission a adopté plusieurs amendements permettant d'améliorer l'équilibre du dispositif proposé :
- un amendement introduisant une nouvelle exception destinée à « faciliter le développement de cursus et de diplômes transfrontaliers multilingues » ;
- un amendement tendant à préciser que les formations concernées ne peuvent être que partiellement proposées en langue étrangère ;
- et un amendement prévoyant que les étudiants étrangers auxquels sont dispensés ces enseignements bénéficient d'un apprentissage de la langue française et que leur niveau de maîtrise de la langue française est pris en compte pour l'obtention du diplôme.
La « loi Toubon » apparaît aujourd'hui, en raison de son caractère trop strict, contre-productive à plusieurs égards. Elle est contre-productive lorsqu'elle dissuade des étudiants étrangers ne maîtrisant pas notre langue de venir étudier dans notre pays, les privant ainsi de la possibilité de s'imprégner de notre culture et de notre langue. Elle l'est aussi parce qu'elle est inéluctablement ignorée ou contournée dans les faits et ce, sans aucune contrepartie en matière d'apprentissage du français en langue étrangère pour les étudiants étrangers.
Loin de contrevenir aux objectifs de la francophonie, le dispositif proposé par l'article 2, complété par plusieurs amendements indispensables, procède d'une démarche pragmatique au service de l'attractivité de l'enseignement supérieur français mais aussi de la francophonie.
*
La Commission examine les amendements identiques AC 485 de M. Daniel Fasquelle, AC 652 de M. Pouria Amirshahi et AC 117 de Mme Marie-George Buffet, visant à supprimer l'article 2.
M. Daniel Fasquelle. L'article 2 du projet de loi suscite à juste titre un vif émoi chez tous ceux qui sont attachés à la francophonie et à la langue française.
Son adoption ferait craindre une perte, à terme, de la maîtrise technique et scientifique dans plusieurs disciplines de la recherche : dans quelques années, certaines équipes enseigneront et travailleront en langue anglaise dans nos universités, ce qui menacera notre capacité de concevoir l'innovation dans notre propre langue puisque l'on pensera les nouveaux termes techniques dans une autre langue que le français. Michel Serres a bien expliqué que ce type d'évolution déstabilise les langues et menace leur pérennité.
En outre, cet article porte atteinte à la francophonie. Qui apprendra encore le français dans le monde si dans nos propres universités l'enseignement n'est plus dispensé dans cette langue ? De nombreux étudiants étrangers apprennent le français grâce à l'aide d'enseignants avec lesquels ils partagent l'amour de notre langue et de notre pays ; cette réforme leur adresserait un mauvais signal.
Enfin, il y a lieu de redouter une baisse de la qualité de l'enseignement et de la recherche, car nous ne pourrons jamais être aussi précis dans une autre langue que dans la nôtre. D'ailleurs, l'excellence a décliné dans de nombreuses universités scandinaves et néerlandaises où des mesures comparables ont été mises en œuvre. Telles sont les raisons pour lesquelles je souhaite la suppression de l'article 2.
M. Pouria Amirshahi. Madame la ministre, je voudrais vous remercier pour le travail et la concertation nationale qui ont été menés à l'occasion de la préparation de ce projet de loi, parce que la communauté universitaire et éducative attendait depuis longtemps un nouvel élan qui assigne une nouvelle ambition à l'enseignement supérieur et à la recherche. Percutés par la mondialisation, nous avons besoin de réaffirmer la modernité de notre pays à travers ses outils de formation et de recherche.
Il est néanmoins dommageable que ce dessein ait été occulté par l'article 2 qui étend le champ des exceptions à l'obligation de dispenser les cours en français autorisées par la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française - dite « loi Toubon ». Cet article ne rassure ni ceux qui veulent accroître l'attractivité de nos universités, ni ceux qui souhaitent renforcer la francophonie : il souffre au minimum d'une mauvaise rédaction, d'où ma volonté de le supprimer s'il devait rester en l'état. Nous devons donner à notre stratégie en matière de francophonie - tant à l'étranger qu'en France - la lisibilité qui lui manque depuis bien longtemps. Le monde entier - notamment francophone - observe avec intérêt les décisions que nous prenons sur la place de notre langue et sur celle des langues étrangères comme véhicules du savoir dans l'enseignement supérieur. La question est en effet non pas celle de l'enseignement de l'anglais, mais celle de l'enseignement en anglais. La possibilité de dispenser tout ou partie de notre enseignement scientifique en langue étrangère - principalement en anglais - sème le doute dans de nombreuses sociétés connaissant de fortes évolutions et de vifs débats identitaires et donc linguistiques - je pense notamment aux pays du Maghreb et à l'Afrique subsaharienne - : quelle est l'utilité de mener un combat linguistique pour le français si la France elle-même l'abandonne ?
Il ne s'agit pas de faire ici de faux procès et je n'accuserai personne d'être opposé à la francophonie ou au rayonnement du français - patrimoine qui appartient d'ailleurs non plus à la France, mais au monde, puisque de nombreux peuples parlent cette langue sur les cinq continents.
Si le principe posé par l'article 2 du projet était maintenu, il y aurait lieu d'encadrer strictement l'extension des exceptions prévues par la « loi Toubon », ne serait-ce que sur le plan pédagogique : quels sont en effet les professeurs susceptibles de transmettre en langue étrangère ? Combien d'étudiants venant de Chine, d'Inde, du Brésil et de l'ensemble des pays émergents non francophones viendront étudier l'anglais en France ? On peut penser qu'ils préféreront se rendre dans un pays anglophone. Il convient de ne pas présenter ce débat sous la forme d'une opposition entre anciens et modernes, mais de se demander s'il est possible de rendre la France attractive aux yeux de la jeunesse des pays émergents. La réponse à cette question est positive, car déjà 100 000 Chinois et des dizaines de milliers de Brésiliens apprennent le français. Même si la pratique de la langue française est défavorisée dans certaines filières scientifiques, nous pouvons renforcer l'attrait international de notre pays en valorisant notre langue tout en structurant plus efficacement l'enseignement des autres langues et en débattant de la nature des travaux universitaires et de recherche qui peuvent être conduits dans une langue étrangère. Ces discussions m'apparaissent bien plus utiles que des crispations reposant sur des affects liés à la nature politique de la langue française.
Mme Marie-George Buffet. Monsieur Pouria Amirshahi a bien exprimé ma pensée.
Contrairement à une idée reçue, la France est, avec l'Allemagne, l'un des pays non anglophones qui accueille le plus d'étudiants étrangers. Ces étudiants viennent en France pour apprendre notre langue, parce qu'ils sont attirés par la qualité de nos universités, de notre recherche et par le rayonnement de la culture française.
Nous avons également développé une diplomatie culturelle et d'influence grâce à des dispositifs comme les Espaces Campus France, présents dans 110 pays, qui disposent certes de moins de moyens que les systèmes allemand et britannique, mais qui ont fait la preuve de leur efficacité. Nous pourrions recevoir davantage d'étudiants étrangers si nous renforcions nos coopérations universitaires et scientifiques avec les pays en développement. Rien ne justifie donc que l'on autorise de nouvelles exceptions à la « loi Toubon ».
Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé au cours de la discussion générale que les étudiants des universités maîtrisaient moins les langues étrangères que les élèves des grandes écoles. Cette situation découle moins de la place plus faible de l'enseignement en anglais à l'université que de l'apprentissage des langues vivantes tout au long du cursus scolaire dans l'éducation nationale : c'est sur cette question qu'il serait opportun de se pencher.
M. le rapporteur. Avis défavorable à ces trois amendements. Je suis peut-être naïf, mais j'ai davantage confiance que vous dans la force de la langue française et dans le développement de la francophonie.
Monsieur Fasquelle, une des particularités de l'université française réside dans ses missions de recherche, incarnées par les enseignants-chercheurs qui publient des travaux, parfois en langue étrangère. Voilà pour les disciplines scientifiques.
Quant aux sciences humaines et sociales, l'Alliance Athéna est favorable à l'article 2 dans lequel elle ne perçoit aucune menace.
Monsieur Amirshahi, je suis sensible au nombre d'étudiants chinois qui apprennent le français. Le Président de la République - en visite en Chine le mois dernier avec Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche - a signé des accords de coopération, notamment entre grandes écoles. Mais certains étudiants européens aimeraient suivre une partie de leurs études en France et renoncent à ce projet parce qu'ils ne parlent pas notre langue.
D'autres amendements - proposés par M. le président Patrick Bloche, le gouvernement et moi-même - apporteront des garanties : ainsi, la conduite d'une évaluation du dispositif deux ans après le début de sa mise en œuvre permettra, grâce à des données tangibles, de dépasser le stade de la discussion passionnelle - comme M. Pouria Amirshahi en a exprimé le souhait - et d'étudier le développement de la francophonie induit par l'accueil de nouveaux étudiants.
Madame Buffet, nous avons envoyé des signes importants en termes d'accueil des étudiants étrangers, mais c'était nécessaire, car notre pays est passé du troisième au cinquième rang mondial en la matière. Nous devons afficher davantage de confiance dans notre langue et dans l'attractivité de notre enseignement supérieur.
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je partage les arguments que le rapporteur vient de développer.
Le projet de loi contient 69 articles et repose sur deux grandes priorités : favoriser la réussite pour tous les étudiants quels que soient leur baccalauréat et leur origine sociale, et répondre aux enjeux sociétaux de la recherche. Je regrette donc que la discussion se focalise sur l'article 2 et prenne une tournure passionnelle liée à la question de la langue. Ce débat a certes le mérite d'attirer l'attention sur l'enseignement supérieur et la recherche, mais il ne doit pas occulter le reste du texte.
Aujourd'hui, 790 formations sont dispensées partiellement ou exclusivement en langue étrangère - très majoritairement en anglais - dans les écoles et dans les universités françaises ; 600 d'entre elles le sont dans des écoles - dont 400 dans des écoles privées. Elles existent depuis au moins quinze ans et beaucoup de ceux qui se sont offusqués de cet article 2 ont d'ailleurs enseigné à l'étranger en langue anglaise. En outre, personne ne s'est opposé au développement de ces enseignements dans les grandes écoles ou dans les écoles de commerce. Pourquoi cela serait-il refusé aux étudiants des universités, qui proviennent souvent de milieux plus modestes, qui ont donc moins voyagé et qui n'ont donc pas eu les mêmes chances de pratiquer une langue étrangère ? Cette différence constitue un handicap pour leur CV et ce sujet mérite réflexion.
S'agissant ensuite de la francophonie, j'ai, comme le rapporteur, confiance dans la force du français. Partout dans le monde, j'ai constaté l'appétence pour la France, sa culture, sa tradition d'accueil et ses formations de qualité. Pourtant, les étudiants des pays émergents comme le Brésil ou l'Inde - où l'on compte 60 millions d'informaticiens et où l'on veut doubler le nombre d'étudiants - sont principalement accueillis dans les universités anglo-saxonnes. Beaucoup voudraient venir en France, mais se heurtent à l'obstacle de la langue. Ils sont prêts à apprendre le français, encore faut-il leur proposer d'abord des enseignements dans un anglais de spécialité.
J'y insiste, il s'agit là non pas d'un anglais de culture, d'un anglais hégémonique, mais d'une langue de spécialité qui concerne certaines disciplines scientifiques et technologiques - celles-là même où nous manquons de vocations et où les contacts noués entre étudiants peuvent tout à la fois améliorer le curriculum vitae de nos propres étudiants et faire naître des partenariats dont bénéficiera ensuite la balance de notre commerce extérieur. Contrairement à ce qui a été dit, nous améliorerons ainsi le rayonnement de notre culture et de notre université car ces jeunes, aujourd'hui, ne viennent pas en France. La disposition n'aura aucun impact négatif sur la francophonie.
Du reste, les enseignants qui maîtrisent cet anglais de spécialité ne sont pas si nombreux. Les moyens supplémentaires alloués tout au long du quinquennat permettront de recruter des professeurs étrangers pour dispenser un enseignement de qualité dans ces domaines.
L'action en faveur de la francophonie est d'un autre ordre. Nous devons aller davantage vers les pays du Maghreb et de l'Afrique subsaharienne - où les Chinois, soit dit en passant, sont très présents - pour nouer des partenariats qui ne soient pas seulement d'accueil. Aujourd'hui, 55 % des 290 000 étudiants que nous recevons viennent de ces zones. Leur nombre ne diminue pas. Mais ces pays francophones ont aussi besoin que l'on implante des formations chez eux. Nous avons signé des accords en ce sens avec le Maroc, qui peut jouer, comme le Sénégal, un rôle de sas par rapport à toute l'Afrique subsaharienne.
Cette action en direction des étudiants francophones est un des objectifs du quinquennat. Je rappelle que la francophonie représente actuellement 250 millions de personnes et concernera en 2050, selon les projections, 950 millions d'habitants sur une population globale de 9 milliards. Un chiffre sans commune mesure avec la population et la puissance économique de la France !
Bref, il ne faut pas considérer l'article 2 comme une menace pour la francophonie. Nous devrions être plus conscients et plus fiers de notre culture. Ce qu'il faut améliorer, c'est notre attractivité à l'égard des étudiants des pays émergents. Alors qu'elle était à la traîne, l'Allemagne a consenti cet effort et nous a désormais dépassés.
Il nous faut également améliorer les conditions d'accueil. La « circulaire Guéant » relative à l'accès à l'emploi des étudiants étrangers portait atteinte à l'image de notre pays. Son abrogation aura été un acte de salubrité publique, mais cela reste insuffisant. Par exemple, les étudiants étrangers doivent être accueillis dans des logements dignes. M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur, vous présentera également un projet de loi instaurant des visas pluriannuels au bénéfice des chercheurs et des étudiants étrangers, de manière à leur éviter des démarches pénibles et répétées pour obtenir des préfectures le renouvellement de leur titre de séjour.
Cela étant, je peux comprendre les préoccupations qui se sont exprimées. C'est pourquoi je suis ouverte à la discussion d'amendements de précision.
M. Daniel Fasquelle. Ces réponses ne m'ont pas du tout convaincu.
Pour avoir monté, comme enseignant-chercheur en droit comparé, des partenariats universitaires en Europe et aux États-Unis, je crois que vous n'avez pas idée de ce que vous faites. À l'université de Prague, à celle de Pécs en Hongrie, à celle du Kent à Canterburry, par exemple, des étudiants apprennent le français dans l'intention de poursuivre leurs études en France. Quelle sera leur motivation à continuer à apprendre notre langue si ce n'est plus la condition pour venir étudier dans notre pays ? Or si l'enseignement du français dans ces universités étrangères se tarit, il en ira de même dans le secondaire : toute la filière se trouvera déstabilisée.
Madame la ministre, je vous invite à aller discuter avec les universitaires étrangers qui se battent pour défendre la langue française et son enseignement afin de former des étudiants capables de poursuivre leurs études en France. Vous ne vous rendez pas compte du mal que vous allez faire !
Il est un peu facile d'imputer nos arguments à la passion et à l'irrationnel qui entourent la langue française. J'en parle avec passion, certes, mais aussi avec raison ! Contrairement à ce que vous dites, l'anglais technique est bien un problème. Dans certains domaines, on ne travaillera et on ne publiera qu'en anglais.
M. Jean-Yves Le Déaut. C'est déjà le cas.
M. Daniel Fasquelle. Non, pas dans toutes les disciplines - loin de là -, et nous n'avons pas à encourager ce mouvement qui, à terme, nous fera perdre notre capacité à former des élites et à penser l'avenir de notre langue.
C'est également une erreur de se référer aux grandes écoles. Ce n'est pas parce que celles-ci ont certains travers que les universités doivent les reproduire ! De toute façon, vous entretenez une confusion permanente entre la nécessité d'apprendre l'anglais à nos étudiants et la création de cursus en langue anglaise pour attirer les étudiants étrangers en France. Je suis très favorable au renforcement de l'apprentissage de l'anglais dans les universités, mais tel n'est pas le sujet de l'article 2.
M. Rudy Salles. Le rapporteur et la ministre font preuve de beaucoup d'angélisme. J'aimerais être aussi convaincu qu'eux de la force du français dans le monde. Malheureusement, la réalité est tout autre. Le français recule partout. Même dans les organisations internationales où il est langue officielle - Nations unies, Conseil de l'Europe… -, on ne trouve plus les documents en français.
La situation est très grave. Nice accueille cette année les jeux de la francophonie, qui comportent un volet sportif et un volet culturel, mais, dans la plupart des cinquante ou soixante pays membres de la francophonie qui y seront représentés, plus personne ne parle le français.
Dans ce contexte, l'article 2 est totalement inopportun. Je suis donc pour sa suppression.
Mme Isabelle Attard. Non seulement nous sommes favorables à l'article 2, mais nous souhaitons aller plus loin. Il existe par exemple un projet pour permettre à 100 000 étudiants brésiliens de venir étudier dans notre pays. Ces étudiants, qui ne maîtrisent pas forcément notre langue, ont néanmoins envie de venir en France pour apprendre notre culture. Il leur faut pouvoir suivre des cours en anglais de manière à obtenir leurs diplômes ou à travailler à une thèse. Au bout de trois ans, ils auront appris le français et seront nos ambassadeurs.
Plus généralement, il me semble vain de se lancer dans la recherche dans notre pays - au moins au niveau de la thèse - si l'on ne maîtrise pas un tant soit peu l'anglais.
M. Jean-Yves Le Déaut. Je partage le point de vue du gouvernement.
M. Cédric Villani, médaille Fields, me confiait récemment ce qui lui était arrivé à Pavie. Invité à un colloque dans cette ville où il ne serait pas allé si les travaux n'avaient pas eu lieu en anglais, il a trouvé le pays tellement beau qu'il a, depuis, appris l'italien et s'est imprégné de la culture italienne.
Il y a trente ans, les publications scientifiques étaient déjà en anglais. Aujourd'hui, elles sont régies par un « facteur d'impact » qui donne à cette langue un rôle prépondérant. La meilleure manière d'attirer les étudiants étrangers est donc d'apprendre l'anglais à nos propres étudiants et de proposer, non pas la totalité, mais quelques-uns des enseignements en anglais. Car c'est bien l'apprentissage de l'anglais qui pose depuis longtemps un problème en France.
De plus, l'accueil des étudiants étrangers est en baisse : nous sommes tombés au quatrième ou cinquième rang mondial.
Enfin, le système n'est pas sans hypocrisie. À Sciences po, par exemple, des enseignements se font en anglais. Cela signifie-t-il que nos élites auraient le droit de parler anglais, mais pas les étudiants des universités ?
La « loi Toubon » prévoit déjà deux exceptions : les conventions internationales et l'apprentissage des langues étrangères et régionales. Dans une région transfrontalière comme la mienne, où nous avons mis en place un diplôme commun avec l'université de Sarrebruck, il est heureux que l'on puisse enseigner en anglais, en allemand et en français !
Bref, une évolution mesurée, améliorée par l'amendement du président Bloche, va dans le bon sens.
M. Thierry Braillard. Le groupe RRDP soutient la ministre et le rapporteur sur cet article. Le rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques, Christophe Borgel, a souligné avec force que « le transfert est la clé pour transformer les résultats de la recherche française en réelles retombées économiques ».
Sans avoir les compétences de M. Daniel Fasquelle, j'ai assuré quelques cours à Sciences po Lyon. Des cours y sont dispensés en anglais lors de la quatrième année. Parallèlement, l'université propose un master de sciences politiques et de droit sans aucun cours en anglais. Donner un nouveau souffle à l'université par rapport aux grandes écoles et permettre aux étudiants qui en sortent d'accéder à des emplois de qualité, ce n'est pas, que je sache, mettre à mal la francophonie !
À mon sens, vous commettez une double confusion. Tout d'abord, cet article vise non pas les étudiants étrangers accueillis en France, mais les étudiants français qui doivent parfaire leurs connaissances dans un langage technique anglais. Ensuite, il est clairement indiqué dans l'article que les matières concernées seront précisées.
M. Pouria Amirshahi. Je suis tout prêt, madame la ministre, à travailler à des amendements de précision susceptibles de « muscler » le dispositif. Cela dit, hormis le mien, ces amendements ne me convainquent pas. L'article 2, je l'ai dit, ne me convient pas. Mais si d'aventure il était adopté, je m'efforcerai que l'on évite ce que je crains.
Vous avez raison de distinguer la question de l'enseignement des langues en France et celle de l'attractivité de notre enseignement supérieur pour les étudiants étrangers.
Il est exact que la France n'est pas bonne en matière d'apprentissage des langues et que nous devons offrir à notre jeunesse, de l'école primaire à l'enseignement supérieur, la possibilité d'apprendre les grandes langues du monde : l'anglais, bien sûr, mais aussi l'arabe, le chinois et l'espagnol. Ce point fait consensus depuis très longtemps. Or les ministres de l'éducation nationale se succèdent et nous en sommes toujours au même point !
Pour éviter la discrimination entre grandes écoles et universités dont parlait le rapporteur, il faut travailler en amont à ce que les futurs étudiants des universités maîtrisent bien les langues. Aujourd'hui, la plupart des étudiants qui suivent les filières bilingues des grandes écoles sont déjà bilingues à l'entrée. Contrairement aux étudiants qui n'ont pas bénéficié des enseignements nécessaires, ils ne connaissent pas l'insécurité linguistique.
Faire venir des enseignants qui exerceront en anglais représente un coût. Cet argent ne serait-il pas mieux employé à envoyer nos étudiants en immersion à l'étranger avec de vraies bourses, dans le cadre du programme européen Erasmus ? L'immersion, on le sait, est le meilleur moyen d'apprendre une langue.
Par ailleurs, je suis moi aussi convaincu de la nécessité d'attirer les étudiants des pays émergents non francophones. Mais, je le maintiens, nous progressons dans ce domaine. Et c'est parce que j'ai confiance dans notre langue et dans notre capacité à la faire rayonner que je considère cet article 2 comme un signe de fébrilité. Nous devons être des avocats plus enthousiastes de notre propre langue !
Enfin, il me semble que les perspectives d'évolution de la francophonie telles qu'avancées par la ministre sont erronées. Il n'est nullement garanti qu'il y ait, en 2050, 900 millions de francophones dans le monde. Aujourd'hui déjà, nous comptabilisons 11 millions de francophones au Mali alors qu'en réalité il n'y en a que 1 million. Le Niger comprend de même 1 million de francophones là où nous en comptons 15 millions. Ce n'est certes pas un recul, mais c'est le fruit d'une longue histoire. Si nous voulons nous donner les moyens de faire cet espace francophone de 900 millions de personnes, il faut reformuler notre ambition. Là n'est pas l'objet du projet de loi, j'en conviens, mais puisque le débat est posé en ces termes, je me devais de rétablir la vérité. L'expansion que vous évoquez est possible, mais il est aussi possible que tout s'effondre en deux générations.
M. Guénhaël Huet. Si vous ne vouliez pas, madame la ministre, que nous donnions trop d'importance à cet article 2, il ne fallait pas l'intégrer au projet de loi !
Dans notre vie quotidienne, la langue française fait déjà l'objet d'attaques récurrentes, au point que se réalise la formule de Marcuse selon qui, pour changer une société, il faut changer sa langue. Mais assimiler l'université, qui est le lieu de la culture française, à la sphère de la vie quotidienne est à mes yeux totalement abusif. De même, le rapporteur fait preuve d'un angélisme confondant lorsqu'il affirme qu'une telle disposition ne compromettra pas l'usage de la langue française.
Contrairement à la pratique de la majorité depuis qu'elle est au pouvoir, le droit ne consiste pas simplement à consacrer des évolutions : sa fonction est de poser des normes et de donner des points de repère. Ce n'est pas parce qu'une évolution se fait jour qu'il faut la traduire par un texte législatif. Or c'est ce que vous faites avec cet article 2. Dans cette conception très particulière du droit, on n'aura bientôt plus besoin de législateurs pour écrire la règle de droit : il suffira de laisser la société évoluer à son rythme et à sa guise !
Nous sommes certainement un des seuls parlements au monde à abandonner ainsi la défense de son identité et de sa langue. Est-ce là l'exception culturelle française ? Sommes-nous à ce point meilleurs que les autres et sûrs de l'influence de la France que nous puissions écrire dans notre droit la possibilité d'enseigner dans une autre langue que la langue française ?
M. Jean-Yves Le Déaut. C'est déjà le cas !
M. Guénhaël Huet. Votre réaction est très révélatrice, mon cher collègue : « Puisque c'est déjà le cas, continuons ! » Je considère pour ma part qu'il faut poser la norme, revenir à des points de repère et défendre la langue française.
Mme Sophie Dessus. Les points de vue ne sont peut-être pas si éloignés. D'un côté, nul ne conteste que nous avons besoin de l'anglais ; de l'autre, nous souhaitons tous défendre notre langue. Il devrait être possible de se mettre d'accord lors de l'examen des amendements de précision annoncés par la ministre. En l'état, le texte est assez bref. Peut-être pourrait-on préciser le pourcentage de cours dispensés obligatoirement en français dans le temps des études, de même que celui des épreuves et examens, de façon à nous assurer du respect de la langue française.
M. Benoist Apparu. Je suis favorable à l'article 2 pour trois raisons.
Premièrement, la francophonie ne se limite pas à la langue : c'est aussi un ensemble de valeurs et une culture partagée. Notre capacité d'exporter le cinéma français en langue anglaise, par exemple, est un enjeu majeur de la diffusion de la culture française, donc du développement de la francophonie.
Deuxièmement, notre attractivité vis-à-vis des étudiants originaires des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) est essentielle pour l'avenir de la France. Or, ne nous leurrons pas : pour faire venir des étudiants de ces pays, il faut leur proposer des enseignements en anglais. Car, outre ces enseignements en langue anglaise, les étudiants s'imprégneront de la culture française, apprendront éventuellement notre langue et, à leur retour, seront les ambassadeurs de notre culture et de nos produits, donc de la francophonie.
Troisièmement, le texte n'envisage nullement la généralisation de la langue anglaise à l'université ; il ne prévoit que des exceptions répondant à des cas très particuliers. En outre, seule une partie de l'enseignement pourra se faire en langue anglaise, et non pas l'ensemble d'une formation.
Bref, l'article 2 me semble apporter suffisamment de garanties.
Mme Marie-George Buffet. Vous nous objectez qu'il y aurait une discrimination entre les étudiants des grandes écoles - qui suivent des enseignements en langue étrangère, principalement en anglais - et ceux des universités - étudiants de seconde zone en quelque sorte, ne bénéficiant pas des mêmes avantages. Or ce n'est pas à l'université que se crée cette inégalité dans l'apprentissage des langues vivantes dans leur ensemble - et pas seulement de l'anglais - ; c'est tout au long du cursus scolaire, élémentaire et secondaire. C'est donc à l'école, et non à l'université, qu'il convient de revaloriser la pratique des langues vivantes, moyen d'ouverture extraordinaire pour l'individu comme pour la collectivité.
Et si l'objectif poursuivi consiste à nous permettre d'accueillir des étudiants venus de Chine, de Russie, d'Inde ou d'ailleurs et ayant besoin de faire leurs études en anglais parce qu'ils ne maîtrisent pas la langue française, alors il ne faut pas parler d'exception, car comme ces étudiants seront obligés de poursuivre un cursus complet, de véritables filières d'enseignement en anglais seront mises en place.
Enfin, nous pourrions promouvoir chez nous l'apprentissage des langues parlées dans ces pays émergents plutôt que de nous limiter à l'anglais.
Mme Annie Genevard. Certains d'entre nous semblent avoir oublié le débat que nous avons eu sur l'enseignement des langues dans le cadre du projet de loi sur la refondation de l'école, puisqu'ils s'expriment aujourd'hui en faveur de l'anglais à l'université après avoir mis en avant la nécessité de protéger la langue française à l'école face à une langue considérée comme dominante. D'aucuns avaient même exprimé alors des revendications en faveur de l'apprentissage des langues régionales et frontalières. Il est amusant d'entendre que nous devrions nous protéger de la toute-puissance impérialiste de l'anglais dans l'enseignement secondaire, mais qu'une fois franchie la barrière du baccalauréat, il nous faudrait au contraire promouvoir l'usage de cette langue.
M. Patrick Hetzel. M'appuyant sur mon expérience d'universitaire, j'estime que nous devons ici adopter une approche pragmatique, tant les objectifs et les enjeux diffèrent selon les disciplines concernées : il semble par exemple normal que l'enseignement du droit français soit transmis dans notre langue. En revanche, nous ne parviendrons pas à attirer les meilleurs doctorants en physique nucléaire ou en physique des matériaux si nous leur imposons systématiquement la maîtrise du français. C'est précisément pour cette raison que l'article 2, loin de tendre à la généralisation, ne fait qu'ouvrir une possibilité. Faisons confiance aux universitaires qui sont les mieux placés pour savoir jusqu'où aller en la matière.
Je m'exprimerai également en tant qu'élu alsacien : car si notre débat est centré sur l'anglais, ce texte nous permettra en fait de renforcer notre coopération transfrontalière. Et non seulement il ne met pas en péril la francophonie, mais il nous permettra bien au contraire de la défendre et de la promouvoir en sensibilisant les étudiants étrangers à la culture française.
Enfin, je regrette que l'un de nos amendements à l'article 2 ait été déclaré irrecevable car il nous aurait permis de parvenir à un équilibre : il prévoyait en effet que les établissements organisent, à destination des étudiants étrangers suivant des cours en anglais, un parcours de formation leur permettant d'acquérir la maîtrise du français.
M. le président Patrick Bloche. C'est parce qu'une telle rédaction est irrecevable que j'ai proposé un amendement alternatif AC 12 - recevable cette fois - allant dans le même sens. Nous l'examinerons un peu plus tard.
Mme Sophie Dion. Au regard des publications scientifiques, on comprend aisément que l'anglais est devenu la langue de référence dans des matières telles que la médecine ou la physique. Or on ne va tout de même pas refaire l'histoire ! En revanche, il serait souhaitable que les étrangers qui viennent étudier en France en anglais se voient soumis à l'obligation de parler notre langue ainsi qu'à un contrôle de connaissance de celle-ci. C'est pourquoi je regrette que l'amendement que j'avais déposé - qui introduisait une condition de réciprocité dans le texte - soit tombé sous le coup de l'article 40 de la Constitution. Et j'espère que celui du président de la Commission nous permettra de parvenir à un consensus.
M. le rapporteur. Je suis défavorable à ces trois amendements de suppression, d'autant plus que d'autres amendements déposés par le gouvernement, le président de la Commission et d'autres collègues nous permettront de borner un article dont la portée est de toute manière déjà limitée dans les faits.
Mme la ministre. Lorsque j'évoquais tout à l'heure la passion et l'irrationalité, je faisais référence au fait que les débats médiatiques se soient focalisés sur cet article - alors qu'à la suite des Assises de l'enseignement supérieur et la recherche et du rapport de M. Jean-Yves Le Déaut, nous avons consacré beaucoup de temps à l'ensemble du projet de loi.
Je me réjouis que nous parvenions à une quasi-convergence des points de vue sur cet article et j'ai confiance en la sagacité du président de la Commission.
La Commission rejette les amendements AC 485, AC 652 et AC 117.
Puis elle en vient à l'amendement AC 377 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. Je retire cet amendement.
L'amendement AC 377 est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement AC 184 de M. Rudy Salles.
M. Rudy Salles. Cet amendement précise que dans les universités françaises, le développement des formations prodiguées en langues étrangères est concomitant et proportionné à celui du français à l'étranger, dans le cadre de coopérations internationales ou de programmes européens.
M. le rapporteur. Avis défavorable : ce dispositif est compliqué à mettre en application. Quant à l'objectif visé, il devrait être satisfait par l'amendement AC 12 du président de la Commission, que nous allons examiner.
Mme la ministre. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AC 651 de M. Pouria Amirshahi et AC 329 de M. Thierry Braillard.
M. Pouria Amirshahi. Adopté en l'état, je crains que l'article 2 ne nuise à l'espace linguistique français, non seulement à l'étranger mais aussi en France. C'est pourquoi il importe d'expliciter beaucoup plus précisément le champ de la nouvelle exception qu'il prévoit à la « loi Toubon ».
Si l'on considère qu'il convient de permettre l'apprentissage dans des langues étrangères - principalement en anglais -, il importe alors de préciser que cet article ne s'applique que lorsqu'il existe un « lien manifeste » entre le contenu de l'enseignement délivré et la langue dans laquelle il est transmis. On peut en effet concevoir que la philosophie allemande soit enseignée en allemand. Sans engager de dépenses supplémentaires, mon amendement circonscrirait le dispositif dans un périmètre rationnel, sécurisant et garantissant la pédagogie tout en limitant fortement les risques de dérive dont l'article 2 est porteur.
M. Thierry Braillard. Dans un souci de consensus, je retire l'amendement AC 329.
L'amendement AC 329 est retiré.
M. le rapporteur. Je partage les arguments défendus par M. Pouria Amirshahi et trouve effectivement que le terme de « nature » est trop large. J'ai l'intention de proposer moi-même par amendement de retenir la notion d'« intérêt pédagogique » : je lui suggère de retirer le sien, sans quoi j'y serai défavorable.
M. Pouria Amirshahi. La notion de « lien manifeste » - qui pourrait d'ailleurs viser des filières scientifiques - me paraît tout de même plus précise, tout en laissant une certaine marge de liberté pédagogique. Je maintiens donc mon amendement.
La Commission rejette l'amendement AC 651.
Puis elle examine l'amendement AC 618 de Mme Sandrine Doucet.
Mme Sandrine Doucet. Cet amendement précise que des exceptions peuvent également être justifiées pour faciliter le développement de cursus et de diplômes transfrontaliers multilingues. Une telle mention renforcera la portée de l'article 2 tant les territoires transfrontaliers sont des zones d'échanges privilégiées pour les étudiants. Je me réjouis d'ailleurs que ce sujet ait déjà fait l'objet d'arguments étayés de la part de mes collègues de la majorité et de l'opposition - s'agissant notamment de l'Allemagne.
M. le rapporteur. Avis favorable, étant entendu que nous retiendrons la conjonction « et », le « ou » étant supprimé.
Mme la ministre. Avis favorable.
La Commission adopte l'amendement.
Elle en vient ensuite à l'amendement AC 100 de M. Guénhaël Huet.
M. Guénhaël Huet. Je retire cet amendement.
L'amendement AC 100 est retiré.
La Commission examine l'amendement AC 185 de M. Rudy Salles.
M. Rudy Salles. Cet amendement vise à encadrer le dispositif afin que l'exception ne devienne pas la règle et que le français demeure la langue d'enseignement.
M. le rapporteur. Avis favorable.
Mme la ministre. Même avis que le rapporteur.
La Commission adopte l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC 12 de M. Patrick Bloche.
M. le Président Patrick Bloche. Cet amendement vise à compléter l'article 2 afin de prendre en compte les préoccupations exprimées au cours de ce débat et de trouver un point d'équilibre entre nous, qui partageons un même amour de la langue et de la culture françaises.
En effet, nous nous accordons tous sur le fait que l'on ne saurait réduire la place du français à une bataille entre celui-ci et l'anglais ni concevoir notre langue comme une citadelle assiégée. Internet a d'ailleurs contribué à façonner une réalité qui n'est pas celle de la confrontation entre ces deux langues mais bien celle du plurilinguisme - au sein duquel la langue française doit trouver toute sa place. C'est pourquoi notre ambition commune doit viser à un partage du français avec un nombre croissant d'individus dans le monde.
Et si j'évoque le « partage », c'est parce que l'espace francophone est fondé sur une dimension non seulement linguistique - que l'on retrouve dans les espaces anglophone, hispanophone et lusophone -, mais également politique - et c'est là son originalité -, grâce à des institutions auxquelles certains d'entre nous participent activement. La cinquantaine de pays appartenant à cet espace - quel qu'y soit le degré de locution de notre langue - doit donc adopter une démarche très volontariste en la matière.
C'est pourquoi mon amendement tend à combiner le renforcement de l'attractivité de notre système d'enseignement supérieur prévu par le projet de loi et l'exigence que les étudiants qui ne maîtrisent pas notre langue au moment où ils s'inscrivent dans un cursus universitaire en France se voient offrir la possibilité de l'acquérir et deviennent ainsi des francophiles, voire des francophones une fois de retour dans leur pays d'origine. L'amendement vise à préciser que ces étudiants recevront une initiation à la langue française et que leur niveau de maîtrise de la langue sera pris en compte pour l'obtention du diplôme.
Si cet amendement peut être recevable au regard de l'article 40 de la Constitution, c'est parce qu'il se borne à prévoir une « initiation à la langue française ». Il reviendra donc au gouvernement de le compléter, s'il le souhaite, afin d'en renforcer l'effectivité, par exemple en substituant à la notion d'« initiation » celle d' « apprentissage » ou de « formation ».
M. le rapporteur. Je suis tout à fait favorable à cet amendement qui illustre à quel point nous tenons compte des inquiétudes exprimées et souhaitons préciser le texte afin de tendre vers le consensus sur cet article.
Mme la ministre. Je me réjouis de cette convergence que je ne manquerai pas de parfaire en séance publique.
M. le président Patrick Bloche. Je vous remercie de votre engagement.
Mme Dominique Nachury. En quoi l'amendement que nous avions déposé créerait-il une charge supplémentaire et en quoi l' « initiation » n'en créerait-elle pas ?
M. le président Patrick Bloche. Le terme « initiation » a été utilisé par Mme la ministre lors de sa présentation du projet de loi le 26 mars dernier devant notre Commission. J'ai donc volontairement repris ce terme pour rester conforme à l'intention exprimée par le gouvernement et ainsi éviter de passer sous les « fourches Caudines » de l'article 40.
M. Daniel Fasquelle. Comment le « niveau de maîtrise de la langue française » des étudiants étrangers sera-t-il pris en compte pour l'obtention du diplôme ?
En outre, pourquoi ne pas proposer à ces derniers une initiation à notre langue dès qu'ils arrivent en France afin qu'ils puissent ensuite suivre les cours en français ? Cela éviterait une capitulation que je persiste à regretter.
M. Guénhaël Huet. Je suis sensible à l'objectif de votre amendement et à votre argumentation, monsieur le président, mais, avec M. Patrick Hetzel et Mme Virginie Duby-Muller, nous avions déposé un amendement quasiment identique auquel l'article 40 de la Constitution fut opposé. Vous ne m'empêcherez donc pas de penser que nous sommes face à une décision intuitu personae.
M. le président Patrick Bloche. Je m'en voudrais de semer le trouble au sein du groupe UMP, mais je vous invite à faire part de ce jugement à celui qui applique l'article 40 à l'Assemblée nationale, à savoir le président de la Commission des finances qui n'est autre que M. Gilles Carrez ! C'est lui qui m'a adressé la liste des 42 amendements sur lesquels il a émis un avis d'irrecevabilité.
M. Pouria Amirshahi. Pourquoi l'amendement ne précise-t-il pas les conditions de l'initiation à la langue française ? Ne peut-on en donner les orientations et indiquer que cet enseignement serait au moins équivalent à celui qui sera donné en langue étrangère ?
De plus, l'amendement ne pourrait-il pas préciser que la prise en compte du niveau de maîtrise de notre langue pourra faire l'objet d'une certification ?
Mme Annie Genevard. Je m'étonne, madame la ministre, que vous soyez surprise de la controverse suscitée par l'article 2 alors que celui-ci concerne notre langue même.
En outre, l'amendement AC 12 ne comporte pas deux éléments qui figuraient dans celui de M. Hetzel : l'intérêt pédagogique et le cas de figure où les enseignements sont destinés à un public international.
Enfin, cet amendement prévoit une sorte de compensation à l'enseignement en langue étrangère, mais cela ne suffit pas. L'enseignement en langue anglaise doit être encadré plus précisément. De ce point de vue-là, les deux amendements ne sont pas équivalents.
M. Jean-Yves Le Déaut. On ne peut parler, monsieur Huet, de décision intuitu personae puisque j'avais moi-même déposé un amendement mentionnant la « formation », auquel l'irrecevabilité a été opposée.
Je vous rappelle, madame Genevard, que nous venons d'adopter l'amendement AC 185 de M. Rudy Salles disposant que « les formations ne peuvent être que partiellement proposées en langue étrangères ».
La rédaction proposée par M. Patrick Bloche est, quant à elle, subtile et nous permet de voter une disposition importante. Je note toutefois que le terme de « formation » serait juridiquement préférable à celui d'« initiation ». Si Mme la ministre pouvait l'avaliser dès aujourd'hui, nous nous épargnerions sans doute des discussions en séance publique en nous rapprochant de l'équilibre souhaitable.
M. le président Patrick Bloche. M. Jean-Yves Le Déaut a eu raison de rappeler que nous avons voté l'amendement de M. Rudy Salles.
S'agissant des diplômes et des certifications, monsieur Amirshahi, je vous rappelle que nous écrivons la loi, dont les conséquences éventuelles relèvent en grande partie des décrets d'application.
J'ajoute que, là encore, la frontière est ténue dès lors que nous ne pouvons pas créer de charges supplémentaires.
Mme la ministre. Je vous propose de sous-amender cet amendement en remplaçant « initiation » par « apprentissage », mot qui me semble plus juste que le terme « formation ».
Comme l'a dit le président, les décrets d'application préciseront un certain nombre de points qu'il n'est pas possible de mentionner dans la loi.
Enfin, en vertu du principe d'autonomie, il convient de laisser une certaine latitude aux établissements.
M. le rapporteur. Avis favorable à cet amendement et au sous-amendement oral du gouvernement.
J'ai moi-même été confronté aux rigueurs de l'article 40 de la Constitution lorsque j'ai réfléchi aux modalités d'élection des présidents des intercommunalités et que l'on m'a opposé le coût d'impression des bulletins de vote ! Quoi qu'il en soit, si vous avez des doutes, il faut interroger le président Carrez.
Je me félicite de la qualité de nos débats. Des inquiétudes ont été levées ; nous avons précisé l'esprit de l'article 2 et réaffirmé notre volonté d'accueillir les étudiants tout en défendant la langue française.
M. le président Patrick Bloche. Le sous-amendement oral du gouvernement vise donc à remplacer les mots : « reçoivent une initiation à » par les mots : « bénéficient d'un apprentissage de ».
La Commission adopte à l'unanimité le sous-amendement oral du gouvernement.
M. le président Patrick Bloche. L'amendement AC 12 ainsi sous-amendé tend donc à compléter l'alinéa 2 de l'article 2 par les phrases suivantes : « Les étudiants étrangers auxquels sont dispensés ces enseignements bénéficient d'un apprentissage de la langue française. Leur niveau de maîtrise de la langue française est pris en compte pour l'obtention du diplôme. »
La Commission adopte à l'unanimité l'amendement AC 12 sous-amendé.
Elle adopte ensuite l'article 2 modifié.
Article 2 bis (nouveau)
Rapport au Parlement sur l'impact des modifications apportées au principe de l'enseignement en français
La Commission a adopté cet article qui prévoit que le gouvernement remette au Parlement, dans un délai de deux ans, un rapport évaluant l'impact de l'article 2 sur l'emploi du français dans les établissements publics et privés d'enseignement et sur l'évolution de l'offre d'enseignement du français langue étrangère à destination des étudiants étrangers.
L'objectif de l'article 2 n'est pas tant d'accroître le nombre d'enseignements dispensés dans une langue autre que le français que de régulariser les nombreuses situations dans lesquelles l'obligation d'enseignement en français est contournée. Comme il a été indiqué précédemment, Campus France a ainsi recensé près de 700 programmes d'enseignement supérieur dispensés en anglais dans notre pays en toute illégalité et en fait un argument d'attractivité en direction des étudiants étrangers.
L'article 2 du présent projet de loi a suscité dans notre pays une polémique qui a le défaut de porter sur les principes sans tenir compte de cette réalité, faute d'état de lieux de l'application de la « loi Toubon ».
C'est pourquoi il paraît souhaitable de disposer dans les deux ans suivant la promulgation du présent projet de loi, d'un bilan de l'application de l'article 2, permettant d'évaluer l'évolution réelle de l'usage du français dans les établissements d'enseignement supérieur français et l'évolution de l'offre de cours de français langue étrangère à destination des étudiants étrangers.
La Commission examine l'amendement AC 769 du rapporteur portant article additionnel après l'article 2.
M. le rapporteur. Par cet amendement, je propose que, dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, le gouvernement remette au Parlement un rapport évaluant l'impact de l'article 2. Nous disposerons ainsi d'un bilan précis de cette disposition et nous procéderons alors à d'éventuelles évolutions.
Mme la ministre. Sagesse, mais le délai de deux ans me semble un peu court.
M. le rapporteur. Compte tenu du caractère sensible et hautement symbolique de cette disposition, il me semble de bonne politique d'en proposer un bilan au bout de deux ans.
M. Thierry Braillard. Je rappelle la « jurisprudence Yves Durand » en vigueur dans notre Commission : il n'est pas nécessaire d'inscrire un rapport dans la loi pour en faire un. Nous devons tendre à une sorte de parallélisme des formes et il serait paradoxal de n'avoir pas voulu inscrire la remise de rapports dans la loi sur la refondation de l'école et d'en prévoir dans ce texte.
M. le président Patrick Bloche. Votre observation est pertinente, M. Yves Durand, rapporteur du projet de loi portant refondation de l'école de la République, ayant très opportunément proposé la création d'un comité de suivi de la loi. Il n'en demeure pas moins que le contrôle de la bonne application des lois relève des compétences de notre Commission et que, grâce au pluralisme de sa composition, celle-ci constitue sans doute le meilleur des comités de suivi !
M. le rapporteur. J'ai moi-même souscrit à la « jurisprudence Durand », mais je considère que la langue française mérite peut-être une exception.
M. le président Patrick Bloche. Une exception linguistique, donc, après l'exception culturelle !
Mme Annie Genevard. Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, le caractère hautement symbolique de cette disposition pour expliquer la « clause de revoyure ». D'une manière générale, je suis assez sceptique sur l'efficacité de cette dernière. En effet, dans le meilleur des cas, les dispositifs concernés sont revisités, et c'est tout. Si « clause de revoyure » il y a, c'est qu'une question a été âprement discutée et que nous n'avons pas du tout envie d'y revenir. Je parie que, si nous réexaminons ce problème dans deux ans, nous ne rouvrirons pas le débat pour autant.
M. Benoist Apparu. La présidence de la Commission pourrait-elle faire le bilan du nombre de rapports qui ont été commandés depuis une dizaine d'années et de ceux qui ont été effectivement remis à l'Assemblée nationale ?
M. le président Patrick Bloche. Je me suis souvent posé cette question. En tout cas, bien qu'assidu aux travaux de cette Commission depuis des années, j'ai rarement été invité à prendre connaissance de ces rapports dont le mérite est souvent de permettre de satisfaire un collègue qui a bien voulu retirer un amendement !
M. le rapporteur. J'entends l'ensemble de ces arguments mais, en l'occurrence, ce rapport témoigne de notre bonne volonté. Ensuite, à nous et, en particulier, à ceux qui craignent les conséquences de l'article 2, de s'en saisir !
La Commission adopte l'amendement.
La Commission examine l'amendement AC 277 de Mme Sophie Dion.
Mme Sophie Dion. Cet amendement vise à faire respecter un engagement du Président de la République : la sensibilisation des jeunes à l'esprit d'entreprise aussi bien à l'école primaire qu'au collège, au lycée ou à l'université. À cette fin, il convient plus particulièrement d'établir des passerelles entre universités et entreprises. Je doute d'autant moins de l'adoption à l'unanimité d'une telle mesure que notre industrie traverse de grandes difficultés. Il s'agit d'une priorité nationale.
M. le rapporteur. Le groupe UMP serait donc prêt à voter chaque mesure correspondant à un engagement du Président de la République !
Plus sérieusement, je souscris à l'esprit de cet amendement, mais Mme la ministre s'apprête à en déposer un qui va dans le même sens. Je vous prie donc de bien vouloir le retirer, sinon je formulerai un avis défavorable.
Mme la ministre. J'ai en effet prévu de présenter, en séance publique, un amendement relatif à la formation à l'entreprenariat qui sera l'occasion de discuter de cette question.
Mme Sophie Dion. S'il est à peu près identique…
Mme la ministre. Ce ne sera pas le cas.
D'une part, en tant que ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, je ne peux pas m'engager sur l'enseignement scolaire, lequel relève des compétences de M. le ministre de l'éducation nationale. D'autre part, la formation à l'entreprenariat ne correspond pas exactement au développement de l'esprit d'entreprise.
Mme Sophie Dion. Je suis très sensible aux observations de Mme la ministre, mais je n'ai pas bien saisi la nuance entre la formation à l'entreprenariat et le développement de la culture d'entreprise. De surcroît, le dispositif proposé risque d'être fort coûteux.
M. le président Patrick Bloche. Votre amendement, madame Dion, n'entraîne pas de charges supplémentaires pour l'État mais, en effet, il n'en est pas de même du dispositif qui sera proposé par le gouvernement lequel, il est vrai, n'est pas soumis à l'article 40 !
Je rappelle que nous avons débattu de l'esprit d'entreprise et de l'esprit d'initiative lors de l'examen du projet de loi sur la refondation de l'école.
Mme Sophie Dion. Je maintiens mon amendement dès lors que deux lectures de ce dispositif demeurent possibles.
Mme Sandrine Doucet. Le Président de la République s'est engagé non pas à favoriser le développement de l'esprit d'entreprise de façon transversale dans l'éducation nationale - ce qui serait fort imprécis -, mais à faire en sorte que les jeunes acquièrent des notions d'entreprenariat. C'est précisément ce à quoi tendra l'amendement qui sera proposé par Mme la ministre, l'entreprise devant faire l'objet d'un enseignement complet, cohérent et réfléchi.
Mme Annie Genevard. On aurait tort de croire qu'il s'agit là d'arguties. La formation à l'entreprenariat et le développement de l'esprit d'entreprise, cela n'est pas exactement la même chose ! La première n'a de sens que si elle éveille le second. Il serait bon que l'amendement gouvernemental, d'une manière ou d'une autre, évoque l'esprit d'entreprise, c'est-à-dire le goût de l'entreprise dont on manque aujourd'hui cruellement. Cela correspondrait, me semble-t-il, à la volonté présidentielle.
Mme Sophie Dion. Il convient en effet d'insuffler l'esprit d'entreprise et cela me paraît conforme à l'engagement du Président de la République, d'autant plus que nous savons tous combien notre industrie est en perte de vitesse. Nos étudiants doivent savoir ce que sont les entreprises, qui créent de la richesse, donc de l'emploi.
La Commission rejette l'amendement.
Article 3
Instauration d'une stratégie nationale de l'enseignement supérieur et d'une
coordination ministérielle du service public de l'enseignement supérieur
Le présent article tend à prévoir l'élaboration d'une stratégie nationale de l'enseignement supérieur et à confier au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche la coordination des formations post-bac.
Le rapporteur proposera d'aller plus loin, en associant le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche à la tutelle de l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur, lorsque cette dernière est exercée par d'autres ministères, de manière à mieux garantir sa capacité à jouer un rôle de coordinateur.
1. La situation actuelle
Au cours de la concertation préalable à l'élaboration du présent projet de loi, il a été fait grief au ministère chargé de l'enseignement supérieur de s'être dessaisi de son rôle de pilotage stratégique de la politique conduite en la matière.
En effet, aujourd'hui, de nombreuses formations ne relèvent pas de son autorité : 213 écoles de commerce, 22 écoles d'architecture, 235 écoles supérieures artistiques et culturelles, 414 écoles paramédicales hors université, 41 écoles des métiers de l'action sociale auxquelles s'ajoutent 51 autres écoles relevant d'autres ministères.
Il s'agit de formations qui relèvent notamment :
- du ministère de l'agriculture (écoles d'agriculture) ;
- du ministère de la culture et de la communication (écoles d'architecture, écoles d'art, école nationale du patrimoine) ;
- du ministère de l'industrie et du commerce (écoles d'ingénieurs ou de commerce consulaires) ;
- du ministère de la défense (Polytechnique) ;
- mais aussi des ministères des affaires sociales, de la santé, de l'équipement, de la mer, etc.
Pour mémoire, le ministère chargé de l'enseignement supérieur exerce sa tutelle sur les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP : universités et instituts nationaux polytechniques ; instituts extérieurs aux écoles ou universités tels que les instituts nationaux des sciences appliquées ou les universités de technologie ; écoles normales supérieures ; écoles françaises à l'étranger ; grands établissements comme le collège de France ou le conservatoire des arts et métiers), ainsi que sur certains établissements publics administratifs (écoles nationales supérieures d'ingénieurs ; instituts d'études politiques, notamment).
L'absence de stratégie nationale est à l'origine de nombreux défauts de l'enseignement supérieur français : dispersion maximale des objectifs des formations, incohérence des voies d'insertion, concurrence et étanchéité entre les systèmes, impossibilité de contrôler nationalement et encore plus de piloter l'adéquation entre les niveaux de qualification, les domaines de formation, et les besoins actuels et à venir du pays. N'avoir ni stratégie ni coordination, dans un domaine qui produit et valorise un bien public, c'est croire à la vertu de la « main invisible » du libéralisme au sein même du service public !
Deux exemples permettent d'illustrer ce défaut de coordination.
Il aura fallu dix ans pour qu'un accord soit envisageable entre le ministère de la santé et celui de l'enseignement supérieur afin que les formations de santé adoptent le système « LMD », et ce pour arriver à un résultat qui est encore incomplet, alors même que ce système était mis en œuvre partout en France et que les élèves infirmiers, orthophonistes, kinésithérapeutes, etc., ainsi que les professionnels installés, le demandaient instamment.
On peut également rappeler que le ministère de l'enseignement supérieur forme des entraîneurs sportifs, en délivrant des licences STAPS, ce que le ministère de la jeunesse et des sports fait également, en délivrant des brevets (de niveau inférieur à la licence, plus proches du bac). Toutefois, pour exercer dans des institutions contrôlées par le ministère de la jeunesse et des sports, les titulaires de la licence STAPS doivent repasser le brevet Jeunesse et Sports ! Une convention est en cours de discussion en 2013. Ce problème existe depuis la création des STAPS, il y a presque vingt ans…
2. Les modifications proposées par le projet de loi
Il est proposé que le gouvernement se dote d'une stratégie nationale d'enseignement supérieur pour l'ensemble des établissements et des départements ministériels concernés. Cette stratégie nationale sera établie sous la responsabilité du Premier ministre, qui en confiera la coordination au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.
C'est l'objet des compléments apportés à l'article L. 123-1 du code de l'éducation, qui se borne actuellement à prévoir que « le service public de l'enseignement supérieur comprend l'ensemble des formations postsecondaires relevant des différents départements ministériels. »
Tant le rapport des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche (15) que celui de M. Jean-Yves Le Déaut au Premier ministre (1) avaient souligné la nécessité de mettre en place un « agenda stratégique » en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Le texte précise que les priorités de la stratégie nationale de l'enseignement supérieur « seront arrêtées après concertation avec les partenaires sociaux et économiques, la communauté scientifique et d'enseignement supérieur, les ministères concernés et les collectivités territoriales. »
Là encore, le gouvernement a respecté les préconisations qui lui ont été formulées en amont par les principaux intéressés. Le rapport des Assises indiquait que « les choix qui seront exprimés dans cet agenda stratégique sont des choix politiques avant tout. Les Alliances, espaces naturels du partage de stratégies, ont naturellement vocation à contribuer à la construction de cet agenda. D'autres partenaires, tels que le CNU ou le CNRS, tels que les entreprises les associations (…) devraient prendre part à la discussion » (1). M. Jean-Yves Le Déaut, quant à lui, insistait sur la nécessité d'y associer la communauté scientifique et ses représentants, les Alliances pour ce qui relève des priorités thématiques, les partenaires sociaux et économiques et la société civile. Toutes ces parties prenantes auront effectivement voix au chapitre.
Ce nouvel instrument, élaboré par l'État en concertation avec les principaux intéressés, doit apporter la cohérence d'ensemble et la visibilité à moyen terme qui font actuellement défaut.
Le ministre chargé de l'enseignement supérieur se voit officiellement investi d'un rôle de coordination du service public de l'enseignement supérieur (1° du présent article), ce qui renforce son assise institutionnelle.
Selon les informations transmises par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, cette stratégie portera principalement sur les cinq axes de convergence de l'ensemble des établissements et départements ministériels :
- convergence sur les objectifs politiques chiffrés que le Premier ministre et la représentation nationale fixent à l'ensemble de l'enseignement supérieur, en fonction des besoins avérés de la société et de l'économie du pays (pourcentage de diplômés, répartition par niveau du LMD, y compris à bac + 2, nombre d'ingénieurs, évolution des compétences requises, disciplines à préserver au plan national, etc.) ;
- convergence en termes de compatibilité institutionnelle et statutaire entre les différents types d'établissements appelés à coopérer sur chaque site territorial : les transformations en cours, celles qui sont induites par la loi elle-même, notamment en matière de regroupement, doivent être accompagnées, observées, évaluées, éventuellement corrigées, tout au long d'une période qui peut atteindre ou même dépasser une décennie. On peut rappeler par exemple que nombre d'institutions d'enseignement supérieur appelées à coopérer avec les universités ne connaissent pas le statut d'enseignant-chercheur, et tiennent encore pour négligeable le lien entre formation et recherche ;
- convergence en matière de compatibilité des systèmes de diplômes, équivalences et grades, y compris les équivalences inter-filières et interministérielles nécessaires pour faciliter l'insertion professionnelle ;
- convergence et soutenabilité de l'autonomie, puisque l'on sait notamment que la mise en œuvre du modèle de répartition des moyens aux établissements (Sympa), et le transfert de masse salariale se sont déroulés dans des conditions telles que désormais il faudra plusieurs années pour qu'un retour général à l'équilibre, et à un traitement équitable entre les sites et les établissements, soit possible ;
- enfin, convergence des politiques internationales, entre les politiques de coopération scientifique et d'internationalisation des formations du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et les politiques d'influence du ministère des affaires étrangères.
Le contenu des cinq axes de convergence, ainsi que l'échéancier de la progression sur chacun d'eux, sera établi en concertation avec les organisations représentatives, les sociétés savantes, ainsi que les représentants du monde socio-économique et des partenaires internationaux de notre enseignement supérieur. Ce processus sera conduit par la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP).
L'existence d'une seule stratégie nationale de l'enseignement supérieur est indispensable pour un État stratège qui veut maîtriser la réalisation de ses priorités et l'atteinte de ses objectifs. Mais une stratégie reposant en outre sur cinq axes de convergence offre deux garanties supplémentaires :
- la garantie d'interopérabilité et de compatibilité entre les établissements au niveau territorial : la convergence nationale est la condition pour que les établissements de diverses natures et de diverses tutelles puissent coopérer sur les sites et que cette coopération ne soit pas de pure forme ;
- la garantie d'une continuité des parcours de réussite des étudiants : la convergence nationale est la condition pour que, une fois entré dans une filière, chaque étudiant puisse évoluer aussi bien verticalement (à l'intérieur du cursus d'origine) que latéralement (en changeant de cursus). Les exemples ne manquent pas, de frontières quasiment infranchissables, entre les filières artistiques et les filières académiques, entre la filière des STAPS et les diplômes d'État de la Jeunesse et des Sports, etc.
La stratégie nationale sera mise en œuvre à travers :
- les contrats d'établissements pour les établissements relevant du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ;
- les contrats de site pour la réunion des établissements précédents avec les établissements relevant des autres ministères.
Comme le précise le troisième alinéa du 2° du présent article, tous les deux ans, le gouvernement présentera un rapport au Parlement, concernant la mise en œuvre et les résultats de cette stratégie, en rapport avec les grands objectifs fixés par le Premier ministre et la représentation nationale, sur les cinq axes de la convergence et plus particulièrement la situation financière et de gestion des établissements autonomes.
Le format et le cahier des charges du rapport biennal devant le Parlement seront fixés par le Premier ministre, après concertation entre les différents départements ministériels.
Selon les informations transmises par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, « il faut au moins deux ou trois ans pour constater les effets d'une stratégie ou d'une inflexion apportée à une stratégie. La durée aurait pu être la même que celle des lois de programmation budgétaire (triennale), mais le rapport doit tout particulièrement rendre compte de la situation financière des universités bénéficiant des responsabilités et compétences élargies, et on sait que ces situations peuvent se dégrader rapidement, y compris en moins de deux ans. »
3. Les modifications apportées par la Commission
a) L'instauration d'une cotutelle du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche sur tous les établissements qui ne relèvent pas de sa compétence
L'objectif du présent article est de créer une stratégie nationale de l'enseignement supérieur aujourd'hui inexistante en raison d'un pilotage éclaté des établissements concernés. Dans la rédaction proposée par le gouvernement il se contentait néanmoins de confier au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche un rôle de coordination.
Or, pour être opérationnelle, cette coordination doit pouvoir s'appuyer sur une participation effective de ce ministère au pilotage stratégique des établissements, à travers l'instauration d'une cotutelle, à l'instar de ce qui existe déjà pour les établissements d'enseignement supérieur agronomique.
De nombreux observateurs se sont d'ailleurs prononcés en faveur d'une extension de la tutelle du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche sur l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur sous statut public.
Dans son rapport pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l'éducation sur les crédits de l'enseignement supérieur dans le projet de loi de finances pour 2011 (Assemblée nationale, XIIIe législature, n° 2859, tome IX), M. Olivier Jardé, faisait le constat suivant : « La convergence universités/grandes écoles implique d'accroître la mobilité des enseignants entre ces deux types d'établissements. Elle impose également aux grandes écoles d'entrer de plain-pied dans la logique du « 3, 5 et 8 », c'est-à-dire d'organiser des formations structurées autour du bac + 3 (licence), du bac + 5 (master) et du bac + 8 (doctorat). Bien qu'indispensables, ces évolutions se heurtent à un obstacle de taille, la tutelle que des ministères autres que celui de l'enseignement supérieur (défense, industrie, agriculture…) exercent sur de nombreuses écoles sous statut public. Ce facteur de blocage doit disparaître, en confiant la tutelle de ces écoles au ministère qui est le mieux placé pour appuyer la promotion d'une politique de formation et de recherche cohérente, une position notamment défendue devant le rapporteur pour avis par l'ancien polytechnicien qu'est Michel Pébereau. »
C'est pourquoi la Commission a adopté, à l'unanimité, le principe d'une cotutelle du ministère de l'enseignement supérieur sur tous les établissements ne relevant pas de son autorité directe.
Rappelons qu'en cas de cotutelle, en principe, les deux ministères de tutelle ont le même pouvoir, notamment sur les nominations de dirigeants, l'approbation des actes, la signature des contrats d'objectifs ou encore les textes d'organisation. En réalité, il y a toujours une tutelle principale, qui est celle qui attribue les crédits. Ainsi, les crédits des organismes de recherche, qui sont presque tous en cotutelle, sont-ils inscrits sur des programmes relevant du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui assure la tutelle principale. Il en va de même pour le Museum d'histoire naturelle, qui est sous cotutelle du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et du ministère de l'environnement mais dont 90 % des crédits dépendent du budget du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Les ministères actuellement chargés de la tutelle des établissements d'enseignement supérieur ne relevant pas du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche continueront d'assurer la tutelle principale. Cependant, outre la présence dans les conseils d'administration de ces établissements de représentants du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, la cotutelle permettra notamment une co-accréditation des formations par les deux ministères.
b) Les autres modifications apportées par la Commission
La Commission a par ailleurs adopté plusieurs amendements relatifs à la stratégie nationale de l'enseignement supérieur précisant :
- que cette stratégie est élaborée et révisée tous les cinq ans ;
- que les priorités en sont arrêtées après une concertation qui concerne aussi les partenaires culturels ;
- que la concertation sur les priorités est suivie d'un débat au Parlement ;
- que le ministre chargé de l'enseignement supérieur veille à la mise en œuvre de la stratégie nationale de l'enseignement supérieur et qu'il est associé aux accréditations et habilitations des formations des établissements participant au service public de l'enseignement supérieur ;
- et que les principes de répartition des moyens entre les acteurs de l'enseignement supérieur sont fixés par la stratégie nationale.
Enfin, s'agissant du rapport biennal sur l'application de cette stratégie, la Commission a adopté trois amendements précisant respectivement :
- qu'il inclut une analyse des modes de financement ;
- qu'il peut également formuler des recommandations en vue de la révision périodique de la stratégie ;
- et qu'il évalue l'impact du transfert de la gestion de la masse salariale sur la situation financière des établissements concernés. Sur ce point il convient de rappeler que le transfert de la gestion de la masse salariale aux universités ayant accédé aux responsabilités et compétences élargies à la suite de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (« loi LRU ») a entraîné pour ces établissements des problèmes aigus, qui n'ont pas été anticipés au moment de l'adoption de la loi. C'est pourquoi, cette année encore, la situation de certains d'entre eux reste très difficile. Le chantier ouvert en avril 2013 par la ministre sur la « refonte » du système d'allocation des moyens doit se conclure par l'adoption de modalités d'attribution plus équitables et adaptées aux besoins des établissements, tenant notamment compte de l'impact du glissement vieillesse-technicité propre à chaque établissement.
*
La Commission est saisie des amendements AC 287 de M. Patrick Hetzel, AC 683 du rapporteur et AC 379 de M. Jean-Yves Le Déaut, pouvant faire l'objet d'une discussion commune.
M. Patrick Hetzel. Madame la ministre, l'amendement AC 287 tend à renforcer les dispositions de l'article 3 en confiant à votre ministère non seulement un rôle de coordination, mais véritablement une cotutelle des établissements d'enseignement supérieur publics relevant d'autres ministères. Cette démarche est cohérente avec le fait que l'article 3 lui confie déjà la responsabilité de la stratégie en matière d'enseignement supérieur.
M. le rapporteur. Je me réjouis de constater que tous les groupes politiques soutiennent l'idée d'une cotutelle qui doit permettre une cohérence au-delà du périmètre des différents ministères. Bien que le projet de loi représente déjà une réelle avancée pour mettre fin à l'éparpillement dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche, il nous faut aller plus loin dans le sens d'une stratégie globale. Je propose donc, pour que nous adoptions un geste commun, le retrait des deux autres amendements au profit de mon amendement AC 683. Du reste, l'adoption de celui-ci donnera certainement lieu à des affrontements avec d'autres commissions ou certains départements ministériels…
M. Jean-Yves Le Déaut. Madame la ministre, nous souhaitons ouvrir plus largement la porte que vous avez entrouverte. Le fait que chaque ministère ait, au fil de l'histoire, créé des écoles est une exception française. Ces écoles ont du reste bien fonctionné : on ne saurait nier, par exemple, que l'École des mines forme des ingénieurs de qualité - lesquels se préoccupent d'ailleurs de l'amendement dont nous débattons, qui m'a valu de recevoir quelques coups de téléphone.
Il ne doit cependant pas y avoir en France plusieurs enseignements supérieurs. Il n'y a qu'un seul ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui doit pouvoir assurer une coordination et une cotutelle. Cette dernière garantit la cohérence de notre enseignement supérieur et doit permettre d'éviter que des décisions divergentes s'annulent mutuellement, comme on l'a vu par exemple lors de la création de l'établissement public du plateau de Saclay.
Je me rallie à l'amendement du rapporteur, car il va plus loin que le mien - que je retire donc. Bien que nous sachions que l'instauration de cette cotutelle a été refusée lors d'une réunion interministérielle, il faut faire bouger l'enseignement supérieur.
L'amendement AC 379 est retiré.
M. le rapporteur. Monsieur Hetzel, acceptez-vous de retirer votre amendement au profit du mien, qui va un peu plus loin ?
M. Patrick Hetzel. J'y suis disposé, mais l'amendement AC 683 présente un problème rédactionnel, car il ajoute la notion de « cotutelle » à celle de « coordination », au lieu de l'y substituer. Ce problème de forme soulève un problème de fond.
M. le rapporteur. En fait, mon amendement offre ainsi une double garantie : il assoit la coordination et lui ajoute la cotutelle.
M. Patrick Hetzel. Nous ne sommes pas en désaccord sur le fond, mais il faut nous mettre d'accord sur la rédaction.
M. le président Patrick Bloche. L'ajout proposé par l'amendement AC 683 du rapporteur produit un ensemble cohérent.
M. Patrick Hetzel. Je retire donc mon amendement AC 287.
L'amendement AC 287 est retiré.
Mme la ministre. Tout en prenant acte de l'« ouverture » proposée par ces amendements convergents, je m'en tiendrai à l'« entrouverture » que représente le texte du gouvernement. Le rôle reconnu au ministre chargé de l'enseignement supérieur, qui doit définir une stratégie nationale coordonnée, constitue une avancée qu'aucun gouvernement n'avait jusqu'ici réalisée. Avis défavorable, donc.
La Commission adopte l'amendement AC 683 à l'unanimité.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC 158 de M. Serge Bardy.
Mme Nathalie Chabanne. Cet amendement de précision tend à faire coïncider le délai de mise en œuvre des mesures prévues par la stratégie nationale de l'enseignement supérieur avec la périodicité du contrat quinquennal conclu entre l'État et les universités.
M. le rapporteur. Avis favorable.
Mme la ministre. Même avis.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AC 497 de Mme Isabelle Attard.
Mme Isabelle Attard. Cet amendement tend à associer de nouveaux intervenants, notamment des représentants de la société civile, à la définition de la stratégie nationale de l'enseignement supérieur. Il prévoit également que le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) émette un avis sur cette stratégie.
M. le rapporteur. Cet amendement est déjà satisfait : je demande donc son retrait.
Mme la ministre. L'article 13 du projet de loi prévoit déjà, en effet, la consultation du CNESER sur les stratégies.
Mme Isabelle Attard. Mais l'intervention de membres de la société civile n'y figure pas.
Mme la ministre. Ils sont représentés au sein du CNESER où ils sont désignés comme les « représentants des grands intérêts nationaux ».
M. le rapporteur. Peut-être pourrait-on trouver un terme plus conforme à l'esprit de l'amendement. Je demande cependant le retrait de celui-ci.
Mme Isabelle Attard. Je suis d'accord pour que la formulation soit retravaillée et retire donc l'amendement.
L'amendement AC 497 est retiré.
La Commission examine ensuite l'amendement AC 330 de M. Thierry Braillard.
M. Thierry Braillard. Cet amendement tend à insérer le mot : « culturels » après les mots : « en concertation avec les partenaires ».
M. le rapporteur. Avis favorable.
Mme la ministre. Même avis.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement AC 186 de M. Rudy Salles.
M. Rudy Salles. Cet amendement tend à ce que le CNESER soit consulté dans le cadre de l'élaboration de la stratégie nationale de l'enseignement supérieur.
M. le rapporteur. Cet amendement est satisfait par l'article 13. Il conviendrait donc de le retirer.
Mme la ministre. Il est en effet satisfait.
M. Rudy Salles. Je le retire donc.
L'amendement AC 186 est retiré.
La Commission examine alors l'amendement AC 381 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. Cet amendement a pour objet d'associer le Parlement, par des débats réguliers, à la définition des grandes priorités stratégiques dans le domaine de l'enseignement supérieur. De fait, à l'exception du domaine de la défense, rares sont les domaines où il l'est.
M. le rapporteur. Avis très favorable. Au-delà des travaux de qualité que mène l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), le Parlement doit pouvoir débattre de la stratégie en matière d'enseignement supérieur et de recherche.
Mme la ministre. Même avis.
La Commission adopte l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC 159 de M. Serge Bardy.
Mme Nathalie Chabanne. Je retire cet amendement.
L'amendement AC 159 est retiré.
La Commission examine l'amendement AC 380 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. Cet amendement tend à permettre au ministre chargé de l'enseignement supérieur de suivre les accréditations et habilitations des formations des établissements relevant d'autres ministères.
M. le rapporteur. Avis favorable.
Mme la ministre. Même avis.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AC 288 de M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel. La cotutelle de l'ensemble des formations du supérieur par le ministère de l'enseignement supérieur, qui faisait l'objet de l'amendement que nous avons adopté tout à l'heure, doit permettre un meilleur pilotage des établissements. Cet amendement tend donc à assurer la représentation du ministre chargé de l'enseignement supérieur dans les conseils d'administration des établissements publics d'enseignement supérieur ne relevant pas de son ministère.
M. le rapporteur. Il me semble que c'est une conséquence de la cotutelle.
M. Patrick Hetzel. La cotutelle n'implique pas la présence automatique d'un représentant du ministre au sein des conseils d'administration de ces établissements. L'amendement tend à étendre cette présence.
M. le rapporteur. Avis favorable.
Mme la ministre. Cet amendement est déjà satisfait. Tous les statuts des établissements d'enseignement supérieur prévoient en effet la présence du ministère de l'enseignement supérieur. C'est du reste le cas pour les plus importants de ces établissements.
M. Patrick Hetzel. Ce n'est pas le cas pour certains établissements relevant d'autres ministères.
M. le président Patrick Bloche. Nous ne pouvons passer ici en revue toutes les écoles. Je propose donc qu'il soit procédé aux vérifications nécessaires et que, dans l'intervalle, l'amendement soit retiré. Vous pourrez, monsieur Hetzel, le déposer à nouveau en vue de la séance publique.
Il serait cohérent avec la logique de la cotutelle que le ministère soit représenté dans les conseils d'administration de tous les établissements d'enseignement supérieur. Il va donc de soi que, si ce n'était pas le cas, votre amendement recevrait un avis favorable.
M. Patrick Hetzel. Je retire donc mon amendement, mais vérifierai bien évidemment ce qu'il en est.
L'amendement AC 288 est retiré.
La Commission est alors saisie de l'amendement AC 331 de M. Thierry Braillard.
M. Thierry Braillard. L'amendement est défendu.
M. le rapporteur. Avis favorable.
Mme la ministre. Même avis.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AC 332 de M. Thierry Braillard.
M. Thierry Braillard. Cet amendement est également défendu.
M. le rapporteur. Avis favorable.
Mme la ministre. Avis également favorable.
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine alors l'amendement AC 622 de M. Sébastien Denaja.
M. Sébastien Denaja. Dans le droit-fil du rapport que j'ai rédigé au nom de la Délégation aux droits des femmes et que j'ai présenté lors de notre précédente séance, cet amendement rappelle que des données sexuées sont nécessaires pour apprécier l'efficience des efforts réalisés pour réduire la sous-représentation des femmes que provoque dans certaines disciplines la vivacité de certains stéréotypes.
M. le rapporteur. Bien que le cabinet de la ministre ne soit pas entièrement convaincu par les arguments de la Délégation, je soutiens pleinement, quant à moi, cet amendement.
Mme la ministre. La réticence de mon cabinet, qui est bien évidemment sensible au genre et à la parité, s'explique par le fait que la mesure proposée relève davantage du domaine réglementaire que du domaine législatif. Compte tenu du problème du déséquilibre entre les genres et de la dégradation de la parité dans certaines disciplines et au sein des différents conseils de l'enseignement supérieur, j'émets néanmoins un avis favorable à cet amendement.
Mme Annie Genevard. Indépendamment de l'objet de cet amendement, auquel je souscris, sa formulation est très maladroite - éléments « sexués » ! … - et devrait être améliorée.
Mme Maud Olivier. On pourrait employer l'adjectif « genrés » ?
Mme Annie Genevard. Certes non, car on voit bien quelles en sont les connotations !
M. Patrick Hetzel. Pour revenir sur l'échange que nous venons d'avoir à propos de mon amendement AC 288, je tiens à préciser sans attendre que le conseil d'administration de certaines écoles relevant du ministère de la culture ne comporte pas de représentant du ministère chargé de l'enseignement supérieur.
M. le président Patrick Bloche. Il conviendra donc de déposer à nouveau votre amendement en vue de la séance publique.
M. Sébastien Denaja. Il est vrai que l'amendement AC 622 tend à méconnaître les règles de séparation définies par les articles 34 et 37 de la Constitution. Mais ce ne serait pas la première fois que nous prendrions des dispositions d'ordre réglementaire.
Je propose d'adopter cet amendement, quitte à en proposer un nouveau, purement rédactionnel, pour la séance publique, de façon à parvenir à un texte plus conforme aux usages de la langue française.
M. le président Patrick Bloche. Dans ce cas, je vous suggère plutôt de le retirer dans l'immédiat et d'en proposer une version rectifiée ultérieurement. Il serait dommage que l'Assemblée soit saisie, en séance plénière, d'un texte que nous jugeons d'ores et déjà insatisfaisant.
M. Sébastien Denaja. Je me range à vos arguments, monsieur le président, et retire l'amendement.
L'amendement AC 622 est retiré.
La Commission examine ensuite l'amendement AC 684 du rapporteur.
M. le rapporteur. Il est proposé que le rapport biennal évalue l'impact du transfert de la gestion de la masse salariale sur la situation financière des établissements concernés. Sur cette question sensible du budget des universités, il importe de donner certains signaux.
Mme la ministre. Favorable.
M. Thierry Braillard. Il convient d'éviter de multiplier les rapports : le projet de loi en prévoit déjà deux, dont l'un voit son contenu progressivement s'alourdir. Espérons au moins que ceux-là verront vraiment le jour.
M. le président Patrick Bloche. Le rapport biennal était déjà prévu dans le texte du gouvernement. En outre, il ne faut pas confondre les rapports demandés au gouvernement pour l'information du Parlement et les rapports d'application de la loi.
M. Jean-Yves Le Déaut. Depuis que la loi relative aux libertés et aux responsabilités des universités dite « loi LRU » a transféré aux établissements des charges et des moyens pour y faire face, certaines universités connaissent des difficultés financières. Il importe de vérifier s'il existe un lien entre ces deux faits en évaluant l'impact éventuel de la gestion de la masse salariale sur le bilan financier des établissements. Cette connaissance est importante si nous voulons éviter que les universités ne subissent le sort de certaines collectivités territoriales, qui se sont vu transférer des charges sans nécessairement obtenir les crédits correspondants. Je suis donc très favorable à cet amendement.
La Commission adopte l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC 160 de M. Serge Bardy.
Mme Nathalie Chabanne. Il convient de préciser que le rapport peut également formuler certaines recommandations en vue de la révision périodique de la stratégie nationale de l'enseignement supérieur. Pour éclairer leurs choix futurs, les deux partenaires que sont le ministère et le Parlement doivent pouvoir disposer de pistes de réflexions sur les ajustements qui pourraient éventuellement être effectués en vue de rendre cette stratégie optimale.
M. le rapporteur. Favorable, sous réserve de viser « des » recommandations au lieu de « certaines » recommandations.
Mme la ministre. Même avis.
La Commission adopte l'amendement ainsi rectifié.
Puis elle en vient à l'amendement AC 13 de Mme Martine Lignières-Cassou.
Mme Nathalie Chabanne. Nous proposons qu'un rapport annuel présente au Parlement la répartition des dotations de fonctionnement versées par l'État à chaque établissement. L'application de la « loi LRU », qui a confié aux universités la gestion de la totalité de leur masse salariale, et du nouveau modèle d'allocation des moyens dit « SYMPA » - Système de répartition des moyens à la performance et à l'activité - a en effet conduit à des déséquilibres entre les différents établissements. Or le ministère a reconduit les dotations d'une année sur l'autre, sans tenir compte des résultats obtenus. Si les universités les moins performantes n'ont pas perdu de dotation, les plus performantes, elles, n'ont pas bénéficié de moyens complémentaires à la hauteur de leurs résultats. Il paraît donc important que le Parlement ait connaissance de la façon dont les moyens de fonctionnement sont répartis.
M. le rapporteur. Avis défavorable. L'amendement AC 684, que nous venons d'adopter, va déjà dans ce sens. Il n'est pas nécessaire de prévoir un rapport annuel sur un sujet abordé par le rapport biennal.
Mme la ministre. Même avis.
Mme Nathalie Chabanne. Je retire l'amendement.
L'amendement AC 13 est retiré.
La Commission adopte l'article 3 modifié.
Article 4
Actualisation de la rédaction des dispositions relatives aux objectifs de l'enseignement supérieur
1. Les dispositions du projet de loi, dans sa rédaction proposée par le gouvernement
La modification proposée par le 1° a pour objet d'actualiser la rédaction obsolète de l'article L. 123-2 du code de l'éducation relatif aux objectifs de l'enseignement supérieur. En effet, cet article consacre la contribution du service public de l'enseignement supérieur « à la croissance régionale et nationale dans le cadre de la planification, à l'essor économique. » Il est proposé de supprimer la référence datée à la planification, qui n'est plus pratiquée, et de substituer la notion de compétitivité à celle d'essor économique.
Le 2° tend à compléter l'article L. 123-2 afin de reconnaître que la qualité de nos universités est un levier d'attractivité du territoire national.
Cette modification est en phase à la fois avec la politique de compétitivité du gouvernement et avec les théories économiques sur la croissance qui font de l'enseignement supérieur et de la recherche des facteurs clés de croissance, de compétitivité et d'attractivité du territoire.
2. Les modifications apportées par la Commission
S'agissant de la définition des objectifs du service public de l'enseignement supérieur, la Commission a adopté plusieurs amendements précisant qu'il contribue :
- à la diffusion des connaissances dans leur diversité ;
- à la réalisation d'une politique de l'emploi prenant en compte les besoins économiques mais aussi sociaux, environnementaux et culturels ;
- à la lutte contre les discriminations, notion qui inclut la lutte contre les stéréotypes sexistes mais ne s'y résume pas ;
- à l'attractivité des territoires au niveau local, régional et national ;
- au développement et à la cohésion sociale du territoire, par la présence de ses établissements ;
- et à la réussite des étudiants.
*
La Commission examine l'amendement AC 382 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. L'article 4 modifie l'article L. 123-2 du code de l'éducation, qui définit le service public de l'enseignement supérieur. Or la rédaction actuelle ne fait pas mention de la réussite des étudiants, thème des Assises nationales de l'enseignement supérieur qui ont eu lieu récemment. Je souhaite donc que, parmi les politiques publiques auxquelles contribue le service public de l'enseignement supérieur, figure en première place la réussite de tous les étudiants et l'amélioration de leur qualité de vie en lien avec le réseau des œuvres universitaires et scolaires.
De même, un amendement à venir proposera de faire mention, dans le même article, de l'insertion professionnelle des étudiants.
M. le rapporteur. La contribution à la réussite des étudiants relève des objectifs de l'enseignement supérieur plutôt que de ses missions. C'est pourquoi je demande le retrait de l'amendement au profit des amendements AC 289 de Patrick Hetzel et AC 15 de Serge Bardy.
M. Jean-Yves Le Déaut. Je suis d'accord, à condition de mettre cette préoccupation au premier rang des objectifs de l'enseignement supérieur.
L'amendement AC 382 est retiré.
La Commission est ensuite saisie de l'amendement AC 498 de Mme Isabelle Attard.
Mme Isabelle Attard. Il est essentiel de rappeler que, dans le cadre du service public de l'enseignement supérieur, le développement de la recherche doit être un support non seulement aux formations et à l'élévation du niveau scientifique des individus, mais aussi, plus généralement, à la diffusion des connaissances dans leur diversité.
M. le rapporteur. Avis favorable.
Mme la ministre. Même avis.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AC 110 de M. Guénhaël Huet.
Mme Virginie Duby-Muller. En l'état, le projet de loi ne fait pas référence au sport. Or les établissements de l'enseignement supérieur ont des obligations en matière de formation sportive des étudiants. Ils doivent par ailleurs devenir une référence pour tous les problèmes du sport relevant de la culture ou de l'éthique. Pour cela, l'accès de tous les étudiants à une activité sportive doit être encouragé, tout comme la prise en compte de la pratique sportive dans la vie universitaire et l'incitation à l'organisation de compétitions interuniversitaires.
C'est pourquoi nous proposons d'inclure la formation aux activités sportives dans les missions de l'enseignement supérieur.
Mens sana in corpore sano : non seulement le sport agit favorablement sur les facultés cognitives et la mémoire, mais une étude de l'Observatoire de la vie étudiante montre que les étudiants sportifs réussissent mieux aux examens.
M. le rapporteur. Avis défavorable, non pour des raisons de fond, mais parce que l'article L. 123-6 du code de l'éducation précise d'ores et déjà que le service public de l'enseignement supérieur « assure le développement de l'activité physique et sportive et des formations qui s'y rapportent ».
Mme la ministre. Même avis : l'amendement est satisfait.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AC 499 de Mme Isabelle Attard.
Mme Barbara Pompili. L'alinéa 3 de l'article 4 nous paraît réducteur : au-delà de la croissance ou de la compétitivité, le service public de l'enseignement supérieur doit contribuer à la prise en compte des besoins économiques, sociaux, culturels et environnementaux de la société et de leur évolution prévisible.
M. le rapporteur. Je propose le retrait de l'amendement au profit de l'amendement similaire AC 14 de Mme Catherine Troallic - quitte à ce que vous le cosigniez.
Mme la ministre. Même avis.
Mme Barbara Pompili. Le texte de l'amendement de Mme Troallic nous convient également. Peu importe la signature, du moment que la disposition est insérée dans le texte.
L'amendement AC 499 est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement AC 187 de M. Rudy Salles.
M. Rudy Salles. Les missions et objectifs du service public de l'enseignement supérieurs ne peuvent être déconnectés des réalités historiques, sociologiques et économiques régionales. Elles doivent s'inscrire dans une démarche de progrès économique local et régional.
M. le rapporteur. Pour une raison de cohérence rédactionnelle, je suggère le retrait de l'amendement au profit des amendements AC 162 et AC 501 - qui précisent respectivement que le service public de l'enseignement supérieur participe au développement du territoire et qu'il contribue à l'attractivité du territoire au plan local, régional et national.
M. Rudy Salles. Je retire l'amendement.
L'amendement AC 187 est retiré.
La Commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements AC 660 de M. Jean-Yves Le Déaut, AC 14 de Mme Catherine Troallic et AC 188 de M. Rudy Salles.
M. Jean-Yves Le Déaut. L'amendement AC 660, de même que l'amendement AC 661 que nous allons bientôt examiner, visent à mettre en relief la contribution de l'enseignement supérieur à l'insertion professionnelle des jeunes.
Mme Catherine Troallic. Il serait réducteur de limiter aux seuls secteurs économiques le bénéfice des missions de l'enseignement supérieur et de la recherche. L'amendement AC 14 vise donc à prendre en compte plus largement les besoins : économiques, sociaux, environnementaux et culturels.
M. le président Patrick Bloche. L'amendement AC 188 est presque identique, si ce n'est qu'il omet le mot « culturels ». Cela ne vous ressemble pas, monsieur Salles.
M. Rudy Salles. En effet, et c'est pourquoi je le retire au profit de l'amendement AC 14.
L'amendement AC 188 est retiré.
M. le rapporteur. Avis favorable à l'amendement AC 14, et défavorable à l'amendement AC 660.
M. Jean-Yves Le Déaut. Je retire l'amendement AC 660.
L'amendement AC 660 est retiré.
Mme la ministre. Avis favorable à l'amendement AC 14.
La Commission adopte l'amendement AC 14.
Elle examine ensuite l'amendement AC 661 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. Cet amendement est défendu.
M. le rapporteur. Avis défavorable : l'article L. 123-3 du code de l'éducation fait déjà figurer l'orientation et l'insertion professionnelle parmi les missions du service public de l'enseignement supérieur.
Mme la ministre. Même avis.
M. Jean-Yves Le Déaut. Je retire l'amendement.
L'amendement AC 661 est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement AC 685 du rapporteur.
M. le rapporteur. Il paraît utile d'inscrire, parmi les missions du service public de l'enseignement et de la recherche, la lutte contre les discriminations, qui inclut la lutte contre les stéréotypes sexistes.
Mme la ministre. Avis favorable. La lutte contre toutes les formes de discrimination - et non pas seulement les discriminations sexistes - doit en effet faire partie des missions de l'université.
La Commission adopte l'amendement.
Elle en vient ensuite à l'amendement AC 111 de M. Guénhaël Huet.
Mme Virginie Duby-Muller. Dans le même esprit que précédemment, il s'agit de compléter l'article L. 123-2 du code de l'éducation pour préciser que le service public de l'enseignement supérieur contribue également à réduire les inégalités d'accès à la pratique du sport. Le sport, par son aspect éducatif, est en effet essentiel dans la formation d'un individu.
M. le rapporteur. Avis défavorable, car l'amendement est satisfait.
Mme la ministre. Même avis.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AC 161 de M. Serge Bardy.
M. Luc Belot. Des établissements persistent à exiger, de façon illégale, des droits d'inscription complémentaires pour permettre l'accès à certaines filières, parfois en licence, le plus souvent en master. Il convient d'affirmer à nouveau que le montant des droits d'inscription est en principe le même sur l'ensemble du territoire, de façon à garantir l'égalité d'accès au service public de l'enseignement supérieur.
M. le rapporteur. Avis défavorable, car l'amendement est satisfait par la réglementation en vigueur.
M. Luc Belot. Elle n'est pas appliquée !
Mme la ministre. Cet amendement est en effet satisfait. L'application de droits d'inscription égaux sur l'ensemble du territoire est déjà affirmée par notre droit.
Des droits d'inscription complémentaires ne peuvent être réclamés qu'en contrepartie de prestations complémentaires optionnelles. Lorsque des dysfonctionnements sont observés, il convient d'inciter les étudiants à se tourner vers la justice. J'ai en tête plusieurs exemples de recours ayant abouti en ce domaine. Donc, avis défavorable.
M. Luc Belot. Pour les étudiants qui ont des choix d'inscription à faire, notamment les plus modestes, il n'est pas possible d'attendre qu'une décision du tribunal administratif contraigne l'université à s'aligner sur les droits d'inscription fixés par l'arrêté ministériel. Je reste donc à la disposition de Mme la ministre pour poursuivre la discussion. En attendant, je retire l'amendement.
L'amendement AC 161 est retiré.
La Commission examine l'amendement AC 500 de Mme Isabelle Attard.
Mme Barbara Pompili. Cet amendement a trait à un sujet qui nous tient tous à cœur, celui du handicap. Il s'agit de compléter les missions du service public de l'enseignement supérieur pour préciser que celui-ci participe aussi à la construction d'une société inclusive. Cet amendement va dans le sens de la circulaire du 4 septembre 2012, qui prévoit que des dispositions spécifiques relatives aux personnes en situation de handicap doivent figurer dans chaque projet de loi, dont l'étude d'impact doit retracer une réflexion préalable relative au handicap. Or il n'est pas fait mention de l'intégration des personnes handicapées dans le texte.
M. le rapporteur. Je suis sensible à cette problématique, mais l'amendement AC 46 à l'article 28 - qui prévoit l'adoption d'un schéma directeur pluriannuel en matière de politique du handicap - me semble plus adapté pour y répondre.
Mme la ministre. Je partage l'avis du rapporteur. En outre, l'article L. 123-4-1 du code de l'éducation prévoit déjà que « les établissements d'enseignement supérieur inscrivent les étudiants handicapés ou présentant un trouble de santé invalidant, dans le cadre des dispositions réglementant leur accès au même titre que les autres étudiants, et assurent leur formation en mettant en œuvre les aménagements nécessaires à leur situation dans l'organisation, le déroulement et l'accompagnement de leurs études. »
Mme Barbara Pompili. L'article L. 123-4-1 ne fait que prévoir l'application du principe que nous souhaitons voir consacrer par la loi. L'article 4 traitant des objectifs du service public de l'enseignement supérieur, il y aurait là un symbole important. Compte tenu de la réponse du rapporteur et dans l'attente de l'examen de l'article 28, j'accepte néanmoins de retirer l'amendement - sans m'interdire de le redéposer en vue de la séance publique.
M. le rapporteur. Dans ce cas, il faudra préciser la notion de société inclusive, qui est un peu floue.
Mme Barbara Pompili. Nous l'avons pourtant inscrite dans la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.
M. le président Patrick Bloche. En effet, mais dans le rapport annexé.
Mme Barbara Pompili. Voulez-vous dire que celui-ci n'a pas valeur législative ?
M. le président Patrick Bloche. Non : qu'il n'a pas de valeur normative.
Mme Barbara Pompili. On peut donc considérer que la notion de société inclusive est reconnue.
M. le président Patrick Bloche. Certes, mais pas sur un plan normatif.
L'amendement AC 500 est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement AC 333 de M. Thierry Braillard.
M. Thierry Braillard. Cet amendement devrait faire l'unanimité, puisqu'il met en exergue l'importance des échanges des étudiants, des enseignants, des chercheurs et des savoirs dans l'Union européenne.
M. le rapporteur. Avis défavorable : cette disposition ne relève pas du domaine de la loi.
Mme la ministre. Même avis. L'esprit de l'amendement ne peut que recueillir notre assentiment, mais une telle disposition n'est pas du domaine de la loi, car elle précise des modalités - et non des objectifs.
L'amendement AC 333 est retiré.
La Commission examine l'amendement AC 501 de Mme Isabelle Attard.
Mme Isabelle Attard. L'enseignement supérieur ne peut être tourné vers la seule dimension nationale du territoire. Cet amendement vise donc à préciser que l'attractivité des territoires joue non seulement au niveau national, mais aussi au niveau local et au niveau régional.
M. le rapporteur. Avis favorable.
Mme la ministre. Même avis.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'amendement AC 17 de M. Yves Daniel tombe.
La Commission en vient à l'amendement AC 162 de Mme Bernadette Laclais.
Mme Bernadette Laclais. Cet amendement vise à compléter les missions du service public de l'enseignement supérieur pour préciser que celui-ci « participe, par la présence de ses établissements, à l'aménagement et à la cohésion sociale du territoire. » C'est particulièrement vrai pour les universités de taille moyenne implantées dans des villes moyennes, qui jouent notamment un rôle dans l'accueil des étudiants les moins favorisés.
M. le rapporteur. Avis favorable, sous réserve d'une rectification : le terme de développement me paraît préférable - car plus dynamique - à celui d'aménagement.
Mme Bernadette Laclais. Je ne m'opposerai pas à cette rectification, mais je souhaite vraiment que l'on entende que dans un certain nombre de territoires, il s'agit bien d'aménagement.
Mme la ministre. Dans la mesure où la notion d'aménagement du territoire figure déjà dans le code, le terme de développement permettrait d'éviter la redondance.
M. Yves Daniel. Je réagis avec retard, mais je ne comprends pas pourquoi mon amendement AC 17 est tombé.
M. le président Patrick Bloche. À cause de la nouvelle rédaction que nous avons retenue en adoptant l'amendement AC 501 : il eût fallu que vous sous-amendiez cet amendement lorsqu'il a été défendu. Mais vous avez encore la possibilité de déposer un amendement au texte de la Commission en vue de son examen en séance publique.
M. Yves Daniel. Je vous remercie de vos éclaircissements.
Sans vouloir froisser ses auteurs, vous me permettrez par ailleurs de souligner le caractère contradictoire de la rédaction de l'exposé sommaire de l'amendement AC 162 que je cite : « Le projet de loi définit les missions de service public de l'enseignement supérieur et de la recherche. Même s'il ne s'agit pas à proprement parler d'une mission du service public de l'enseignement supérieur, il semble pertinent d'indiquer que, de fait, le service public de l'enseignement supérieur, à travers ses établissements, participe à " l'aménagement et à la cohésion sociale du territoire" ».
M. le président Patrick Bloche. L'amendement AC 162 est donc rectifié par la substitution du terme développement à celui d'aménagement.
La Commission adopte l'amendement AC 162 ainsi rectifié.
Elle examine ensuite les amendements identiques AC 15 de M. Serge Bardy et AC 289 de M. Patrick Hetzel.
M. Luc Belot. Notre collègue Jean-Yves Le Déaut a insisté sur la nécessité d'inscrire la réussite des étudiants parmi les missions de service public de l'enseignement supérieur. J'ai bien compris qu'il aurait préféré qu'elle figure au premier alinéa. Pour notre part, nous proposons simplement d'ajouter un 6° à la liste - qui ne nous semble pas établir de hiérarchie entre les différentes missions.
M. Patrick Hetzel. Notre amendement est identique. La question de la réussite des étudiants nous préoccupe tous : elle est au cœur de notre système d'enseignement supérieur et de recherche. Il est donc important qu'elle figure explicitement parmi les objectifs qui lui sont assignés.
M. le rapporteur. Avis favorable.
Mme la ministre. Même avis.
M. Jean-Yves Le Déaut. Je me rallie à ces amendements - même si j'aurais préféré que la réussite des étudiants figure au premier rang des objectifs de notre système d'enseignement supérieur et de recherche. Je propose par ailleurs de les sous-amender pour ajouter le critère d'amélioration de la qualité de vie des étudiants.
M. le président Patrick Bloche. Vous ouvrez là un vaste débat, qu'il me semble préférable de renvoyer à une autre séance. Je vous propose de nous en tenir à la réussite des étudiants pour ce soir.
M. le rapporteur. Sage décision.
La Commission adopte les amendements à l'unanimité.
Puis elle est saisie de l'amendement AC 16 de M. Yves Daniel.
M. Yves Daniel. Cet amendement vise à préciser que le service public de l'enseignement supérieur contribue aussi « au développement et à l'animation des territoires, aux niveaux local, régional et national. »
M. le rapporteur. Il est satisfait par l'amendement AC 162, que nous venons d'adopter et qui dit peu ou prou la même chose.
M. Yves Daniel. L'amendement AC 162 vise la cohésion sociale sur le territoire. Le mien est plus précis, donc plus pertinent.
M. le président Patrick Bloche. Il me semble que les amendements AC 501 et AC 162 satisfont votre préoccupation.
L'amendement AC 16 est retiré.
La Commission examine, en présentation commune, les amendements AC 502, AC 503 et AC 504 de Mme Isabelle Attard.
Mme Isabelle Attard. Les amendements AC 502 et AC 503 visent respectivement à préciser que le service public de l'enseignement supérieur contribue « à la formation de citoyens actifs et responsables » et « au développement des capacités d'initiatives sociales, économiques et culturelles des étudiants. » Les étudiants doivent vivre leur passage dans l'enseignement supérieur non pas comme une étape où ils ne seraient que des récepteurs de connaissances, mais comme un moment où ils sont acteurs de leurs parcours et de leurs apprentissages.
Quant à l'amendement AC 504, il précise que le service public de l'enseignement supérieur contribue « au renforcement des interactions sciences-société. » Cette notion étant absente du texte, je vous proposerai de l'introduire dans plusieurs articles. La science ne peut plus ne pas être citoyenne.
M. le rapporteur. Je suis défavorable à l'amendement AC 502. L'article L. 612-1 du code de l'éducation prévoit en effet déjà que les différents cycles de l'enseignement supérieur font une part « au développement de la personnalité, du sens des responsabilités et de l'aptitude au travail individuel et en équipe. »
Mon avis sera le même pour l'amendement AC 503 : il n'est pas opportun de multiplier les missions de l'enseignement supérieur et de la recherche, d'autant que la terminologie retenue est assez vague.
En revanche, je suis favorable à l'amendement AC 504 - même si sa rédaction doit être revue. L'interaction entre sciences et société est un vrai sujet, que je vous propose de traiter plus loin dans le texte lorsque nous modifierons les dispositions de l'article L. 123-5 du code de l'éducation. Mieux vaudrait donc que vous retiriez votre amendement.
Mme Isabelle Attard. J'accepte, puisque nous défendrons d'autres amendements sur ce thème.
Les amendements AC 502, AC 503 et AC 504 sont retirés.
La Commission adopte l'article 4 modifié.
Article 5
Consécration de la mission de transfert des résultats de la recherche du service public de l'enseignement supérieur
1. Les dispositions du projet de loi, dans sa rédaction proposée par le gouvernement
Le présent article modifie l'article L. 123-3 du code de l'éducation, relatif aux missions de l'enseignement supérieur.
Le 1° substitue l'expression « formation tout au long de la vie » à l'expression « formation initiale et continue ». La notion de formation tout au long de la vie s'est imposée sur la traditionnelle distinction entre formation initiale et la formation continue, ce qui témoigne de la volonté d'appréhender la formation comme un processus continu.
Le 2° propose de consacrer le transfert des résultats de la recherche parmi les missions fondamentales du service public de l'enseignement supérieur, au même titre que la diffusion et la valorisation des résultats de la recherche scientifique. La mission de transfert est également consacrée et précisée par les articles 7, 10, 12 et 55 du présent projet de loi. Cette consécration est cohérente avec l'idée exprimée à l'article 4 selon laquelle le service public de l'enseignement supérieur contribue à la compétitivité. Les modalités du transfert sont par exemple les brevets, la création de startup ou les contrats avec les entreprises.
1. Les modifications apportées par la Commission
S'agissant de la définition des missions du service public de l'enseignement supérieur, la Commission a adopté plusieurs amendements précisant :
- que la notion de formation tout au long de la vie comprend bien la formation initiale et la formation continue ;
- que le transfert des résultats de la recherche n'a lieu que lorsqu'il est possible. Cette précision doit répondre aux inquiétudes que soulève la notion de transfert pour certaines disciplines peu ou pas concernées, comme les sciences humaines et sociales ou encore les mathématiques. La reconnaissance de la mission de transfert ne signifie évidemment pas qu'elle s'applique à tous les champs disciplinaires ni qu'elle soit possible dans tous les cas. Elle ne conduit pas à hiérarchiser les disciplines et ne remet aucunement en cause l'importance de tous les champs disciplinaires ;
- que la promotion sociale fait partie des missions de l'enseignement supérieur.
Enfin, la Commission a adopté un amendement substituant la notion de diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle à celle, obsolète, d'information scientifique et technique.
*
La Commission examine l'amendement AC 383 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. Je retire cet amendement dont l'adoption ferait tomber la totalité des amendements à l'article 5. En effet, ses principaux éléments se retrouvent dans certains des amendements suivants.
L'amendement AC 383 est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements AC 334 de M. Thierry Braillard, AC 122 de Mme Marie-George Buffet et AC 18 de Mme Nathalie Chabanne.
M. Thierry Braillard. Je retire l'amendement AC 334
L'amendement AC 334 est retiré.
Mme Marie-George Buffet. L'amendement AC 122 vise à souligner l'importance de la formation initiale en rappelant explicitement qu'elle fait partie des missions de l'enseignement supérieur.
M. Pascal Deguilhem. Je pense également qu'il faut maintenir dans la loi la distinction entre formation continue et formation initiale.
M. Vincent Feltesse, rapporteur. Je suis favorable à l'amendement AC 122.
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Même avis.
L'amendement AC 18 est retiré.
La Commission adopte l'amendement AC 122.
Elle est ensuite saisie de deux amendements identiques, AC 505 de Mme Isabelle Attard et AC 123 de Mme Marie-George Buffet.
Mme Isabelle Attard. Le transfert des résultats de la recherche vers l'industrie ne constitue pas du tout un des objectifs prioritaires de la recherche tels qu'ils avaient été définis par les Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Marie-George Buffet. Cette notion de transfert trahit une conception excessivement utilitaire de la recherche. C'est au contraire en respectant le temps long de la recherche qu'on rencontre l'innovation.
M. le rapporteur. Sans nier qu'il y a là un vrai sujet, je suis défavorable à la suppression de l'alinéa trois. Je vous rappelle que la loi sur l'innovation et la recherche de 1999, votée à l'unanimité sous le gouvernement Jospin, a déjà consacré le transfert comme mission de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme la ministre. Cette mission est même, à mes yeux, un vecteur de solidarité. En effet, la transformation de la recherche en innovation est créatrice d'emplois ; elle est susceptible de remédier à la désindustrialisation qui frappe l'Europe et à l'explosion du chômage qui en résulte. Le texte prévoit par ailleurs des garde-fous pour parer à tout risque de « marchandisation » de la recherche. Il s'agit de ne plus gaspiller l'innovation scientifique.
Mme Isabelle Attard. Je ne nie pas l'importance du transfert ; je dis simplement qu'il ne fait pas partie des missions prioritaires de la recherche, et encore moins de l'enseignement supérieur, à la différence de la diffusion et de la valorisation du savoir.
Mme Marie-George Buffet. Il n'est pas contestable que l'excellence scientifique et technologique des organismes de recherche contribue à la production et à la diffusion d'un savoir et d'un savoir-faire national, gage d'innovations futures et de création d'emplois qualifiés, mais on ne peut pas faire de ce qui est une conséquence de la recherche un de ses objectifs prioritaires.
La Commission rejette les amendements.
Elle examine ensuite l'amendement AC 19 de M. Pascal Deguilhem.
M. Pascal Deguilhem. Cet amendement tient compte des oppositions que suscite la promotion du transfert au rang d'objectif prioritaire de la recherche, en précisant que tout n'est pas transférable, notamment en sciences humaines et sociales.
M. le rapporteur. Je suis favorable à cet amendement. La question des sciences humaines et sociales est en effet fondamentale de ce point de vue.
Mme la ministre. Je suis favorable à cet amendement, même s'il faut se garder de toute catégorisation grossière : les sciences humaines et sociales peuvent parfaitement donner lieu à des transferts, alors que certaines recherches fondamentales ne pourront jamais se transformer en innovation.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'amendement AC 189 de M. Rudy Salles n'a plus d'objet.
La Commission est saisie de l'amendement AC 20 de Mme Nathalie Chabanne.
M. le rapporteur. Favorable
Mme la ministre. Même avis.
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AC 112 de M. Guénhaël Huet.
Mme Virginie Duby-Muller. Cet amendement est défendu.
M. le rapporteur. Défavorable.
Mme la ministre. Défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AC 21 de Mme Maud Olivier, faisant l'objet du sous-amendement AC 770 de M. Jean-Pierre Le Roch.
Mme Maud Olivier. Cet amendement vise à actualiser les termes relatifs à la culture scientifique et technique et à coordonner les codes de la recherche et de l'éducation.
M. Jean-Pierre Le Roch. Le sous-amendement vise à compléter cette formulation en y ajoutant le qualificatif « industriel ».
M. le rapporteur. Favorable au sous-amendement et à l'amendement.
Mme la ministre. Même avis.
La Commission adopte le sous-amendement.
Puis elle adopte l'amendement AC 21 sous-amendé.
La Commission est saisie de l'amendement AC 278 de Mme Sophie Dion.
M. Dominique Le Mener. Cet amendement est défendu.
M. le rapporteur. J'y suis défavorable, la ministre s'étant engagée hier à proposer des mesures plus ambitieuses pour promouvoir l'entreprenariat.
Mme la ministre. Même avis.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 5 modifié.
La Commission est saisie de l'amendement AC 113 de M. Guénhaël Huet, portant article additionnel après l'article 5.
Mme Virginie Duby-Muller. Cet amendement est défendu.
Suivant l'avis du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AC 190 de M. Rudy Salles.
M. Rudy Salles. Si la France affiche un taux élevé de diplômés du supérieur, elle se caractérise également par un taux d'échec très important dans le premier cycle universitaire, particulièrement pour les jeunes issus des filières professionnelles et technologiques. Cet amendement vise donc à assurer la mise en place de formations qualifiantes et professionnalisantes, au moins dans le premier cycle.
M. le rapporteur. Cet amendement vise notamment la continuité entre l'enseignement secondaire et le premier cycle du supérieur, qui est l'objet même de l'article 17 du projet de loi. Il est par ailleurs satisfait par la mission d'insertion reconnue par le code du service public de l'enseignement supérieur. C'est pourquoi je ne peux qu'être défavorable à votre amendement, monsieur Salles.
Mme la ministre. Défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AC 506 de Mme Isabelle Attard.
Mme Isabelle Attard. Cet amendement est défendu.
M. le rapporteur. J'y suis défavorable parce qu'il est déjà satisfait.
Mme la ministre. Même avis.
L'amendement AC 506 est retiré.
Article 6
Mise à disposition de ses usagers par le service public de l'enseignement supérieur de services et ressources pédagogiques numériques
1. Les dispositions du projet de loi, dans sa rédaction proposée par le gouvernement
À ce jour, le code de l'éducation ne comprend aucune disposition relative à la mise à disposition des usagers des services et ressources pédagogiques numériques.
Le présent article propose d'introduire un article L. 123-4-1 prévoyant la généralisation des pratiques actuellement mises en œuvre dans quelques établissements et par quelques enseignants afin de créer un véritable service public de l'enseignement supérieur numérique, à l'instar de ce que le projet de loi pour la refondation de l'école de la République tend à instituer pour l'enseignement scolaire.
En consacrant cet objectif parmi les missions fondamentales du service public de l'enseignement supérieur, il s'agit d'affirmer l'ambition de faire entrer le service public de l'enseignement supérieur de plain-pied dans la révolution numérique.
Ce dispositif est complété et précisé par le nouvel article L. 611-8 que l'article 16 du présent projet de loi tend à créer.
2. Les modifications apportées par la Commission
La Commission a adopté un amendement précisant que « Le développement de services et ressources pédagogiques numériques par le service public de l'enseignement supérieur contribue à la promotion de la francophonie. ».
L'objectif est de faire de la mise à disposition de ressources et de services pédagogiques en ligne par le service public de l'enseignement supérieur un instrument en faveur de la promotion de la francophonie. Il s'agit d'une opportunité majeure, dans un contexte marqué notamment par le développement récent de plateformes de distribution de cours universitaires à l'échelle mondiale.
*
La Commission est saisie de l'amendement AC 507 de Mme Isabelle Attard.
Mme Isabelle Attard. Cet article relatif à la mise à disposition de ressources numériques dans l'enseignement supérieur nous semble l'occasion idéale d'inciter fortement les universités à utiliser des logiciels libres.
M. le rapporteur. Bien que fervent défenseur des logiciels libres, je ne suis pas favorable à cette mesure, dont je doute qu'elle relève de la loi. Par ailleurs, l'université, et même l'administration, sont déjà imprégnées de la culture du logiciel libre.
Mme la ministre. Je suis tout aussi favorable à l'usage de tels logiciels, déjà extrêmement répandu dans les milieux de la recherche et de l'enseignement supérieur, mais je m'interroge sur la validité juridique d'une telle disposition. Dans cette incertitude, je m'en remets à la sagesse de la Commission.
Mme Isabelle Attard. Cet amendement ne vise qu'à inscrire dans la loi les recommandations de la circulaire du Premier ministre du 19 septembre 2012.
Mme Sandrine Doucet. S'agissant du service public de l'enseignement, je rappelle que la loi fixe les principes, et non pas les modalités techniques de mise en œuvre.
M. Rudy Salles. On n'a pas à inscrire dans la loi le contenu d'une circulaire, sous prétexte de considérations idéologiques.
M. Jean-Yves Le Déaut. C'est un sujet que nous devons encore travailler, notamment pour résoudre la question de l'accès à des standards ouverts de communication.
M. le président Patrick Bloche. Un temps de réflexion supplémentaire serait d'autant plus nécessaire que le tout récent rapport Lescure sur la politique culturelle à l'heure des contenus numériques contient des propositions très volontaristes sur ce sujet des logiciels libres.
L'amendement AC 507 est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement AC 686 du rapporteur.
M. le rapporteur. Il convient d'exploiter la mise en ligne des ressources et des services pédagogiques par le service public de l'enseignement supérieur pour assurer la promotion de la francophonie.
Mme la ministre. Favorable, la défense de la francophonie étant de fait une mission de l'université française.
La Commission adopte l'amendement.
Elle adopte ensuite l'article 6 modifié.
Article 7
Mission de transfert des résultats de la recherche vers les secteurs socio-économiques et d'appui aux politiques publiques
1. Les dispositions du projet de loi, dans sa rédaction proposée par le gouvernement
Le présent article tend à modifier l'article L. 123-5 du code de l'éducation relatif aux missions de l'enseignement supérieur en matière de valorisation de la recherche.
Le 1°, à l'instar de l'article 12 du présent projet de loi qui tend à modifier le code de la recherche, a pour objet de souligner l'importance de la diffusion des résultats de la recherche dans la société, qu'il s'agisse du transfert vers le « monde socio-économique » ou de l'expertise et de l'appui aux politiques publiques menées pour répondre aux grands défis sociétaux, notamment en matière de santé, d'énergie, de technologies, d'agriculture ou de transport.
La mission de transfert des résultats de la recherche est également consacrée et précisée par les articles 5, 10, 12 et 55 du présent projet de loi.
Par cohérence avec la consécration de sa mission de transfert et de contribution à la compétitivité, le 2° tend à compléter la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 123-5, qui précise que le service public de l'enseignement supérieur assure la liaison nécessaire entre les activités d'enseignement et de recherche, afin d'intégrer la notion d'innovation, sur laquelle débouche le processus de transfert.
Par cohérence avec les dispositions des articles 40 et 41 du présent projet de loi, qui proposent leur suppression, les 3° et 4° tendent à supprimer les références aux pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) et aux réseaux thématiques de recherche avancée (RTRA).
2. Les modifications apportées par la Commission
La Commission a adopté un amendement précisant que le service public de l'enseignement supérieur assure le développement continu de l'innovation et de l'expérimentation pédagogiques en son sein.
*
La Commission est saisie de l'amendement AC 191 de M. Rudy Salles.
M. Rudy Salles. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le rapporteur. Défavorable.
Mme la ministre. Défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AC 124 de Mme Marie-George Buffet.
Mme Marie-George Buffet. Je retire cet amendement au bénéfice de l'amendement AC 508 de Mme Isabelle Attard.
L'amendement AC 124 est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement AC 508 de Mme Isabelle Attard.
Mme Isabelle Attard. Cet amendement vise à limiter le transfert des résultats de la recherche.
M. le rapporteur. Défavorable, cet amendement étant satisfait par l'amendement AC 19 de M. Deguilhem précédemment adopté.
Mme la ministre. Il me semble en effet redondant avec l'amendement AC 19.
Mme Isabelle Attard. Je le retire, sous réserve que cette limitation figure également à l'article 7.
L'amendement AC 508 est retiré.
La Commission examine l'amendement AC 384 de M. Jean-Pierre Le Roch.
M. Jean-Pierre Le Roch. Cet amendement vise à actualiser la définition des missions de l'enseignement supérieur et de la recherche, notamment de son rôle auprès de l'ensemble de la société.
M. le rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement, qui sera satisfait par un amendement à venir de M. Jean-Yves Le Déaut sur la notion de « service à la société ».
L'amendement AC 384 est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement AC 509 de Mme Isabelle Attard.
Mme Isabelle Attard. L'article 7 me semble le bon endroit pour affirmer la nécessité de l'innovation et de l'expérimentation pédagogique dans l'enseignement supérieur.
M. le rapporteur. Je suis favorable à cet amendement, sous réserve de mettre au pluriel le qualificatif « pédagogique ».
Mme la ministre. En effet, si l'innovation n'est pas pédagogique, il ne peut s'agir que du transfert des résultats de la recherche, que vous refusez par ailleurs !
La Commission adopte l'amendement ainsi rectifié.
Puis la Commission examine l'amendement AC 624 de Mme Bernadette Laclais.
Mme Lucette Lousteau. Cet amendement vise à affirmer que le service public de l'enseignement supérieur participe à l'aménagement et à la cohésion sociale du territoire.
M. le rapporteur. Avis défavorable : cet amendement est déjà satisfait par l'adoption de l'amendement AC 162.
Mme Lucette Lousteau. Je retire l'amendement.
L'amendement AC 624 est retiré.
La Commission examine ensuite l'amendement AC 335 de M. Thierry Braillard.
M. le rapporteur. Cet amendement est satisfait par l'article 7 qui consacre, parmi les missions de l'enseignement supérieur, celle de répondre aux grands défis sociétaux.
M. Thierry Braillard. Je fais confiance au rapporteur : je retire l'amendement.
L'amendement AC 335 est retiré.
Puis la Commission examine l'amendement AC 385 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. Le présent texte vise à simplifier les structures universitaires, en supprimant notamment les réseaux thématiques de recherche avancée (RTRA) et les centres thématiques de recherche et de soins (CTRS). Or il importe de conserver les fonctions qui incombaient à ces structures. En effet la suppression à l'article 40 du projet de loi des articles relatifs aux RTRA et aux CTRS ne signifie pas que les fondations de coopérations scientifiques (FCS) ayant cet objet soient supprimées.
Cet amendement de précision vise donc à garantir que la possibilité de valoriser qui était offerte par la loi aux RTRA ne sera pas retirée mais offerte à toutes les FCS.
M. le rapporteur. Je déposerai un amendement à l'article 40 à ce sujet.
Mme la ministre. Je comprends parfaitement le souci de M. Jean-Yves Le Déaut mais cet amendement de précision ne me paraît pas nécessaire.
Il convient en outre de simplifier les structures et non de légitimer la multiplicité des FCS, alors que l'objectif est de parvenir à une FCS abritante.
M. Jean-Yves Le Déaut. Je retire l'amendement en vue de le redéposer afin de soulever le problème en séance publique.
L'amendement AC 385 est retiré.
Puis la Commission adopte l'amendement rédactionnel AC 687 du rapporteur.
Elle adopte ensuite l'article 7 modifié.
La Commission est saisie de l'amendement AC 479 de M. Sébastien Denaja, portant article additionnel après l'article 7.
Mme Maud Olivier. Cet amendement vise à inscrire dans le texte que le service public de l'enseignement supérieur « mène une action contre les stéréotypes sexués, tant dans les enseignements que dans les différents aspects de la vie de la communauté éducative ».
M. le rapporteur. Cet amendement est déjà satisfait par l'adoption d'un amendement que j'ai présenté à l'article 4 relatif à la lutte contre les discriminations.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
Mme Maud Olivier. Je retire l'amendement.
L'amendement AC 479 est retiré.
Article 8
Encouragement au développement de parcours comprenant des périodes d'études et d'activités à l'étranger
1. Les dispositions du projet de loi, dans sa rédaction proposée par le gouvernement
Le 1° du présent article tend à modifier l'article L. 123-7 du code de l'éducation qui précise les missions du service public de l'enseignement supérieur à l'international : accueil et formation d'étudiants étrangers, soutien au développement de centres de formation et de recherche à l'étranger, coopération.
Il est proposé d'actualiser ces dispositions en ajoutant une dimension aujourd'hui essentielle mais absente du code de l'éducation, qui est l'encouragement au développement de parcours comprenant des périodes d'études et d'activités à l'étranger. Cette modalité est notamment assurée dans le cadre de programmes européens, type Erasmus, d'accords internationaux tels que les programmes de l'université franco-allemande ou de cursus dans les formations d'ingénieurs et de management.
Le 2° est une disposition purement rédactionnelle.
2. Les modifications apportées par la Commission
La Commission a adopté un amendement tendant à préciser que le service public de l'enseignement supérieur « promeut aux échelles européenne et internationale un meilleur partage des savoirs et leur diffusion auprès des sociétés civiles et favorise également l'accueil des personnels de recherche étrangers pour la durée de leurs missions scientifiques. »
Elle a également adopté un amendement à préciser que le service public de l'enseignement supérieur assure l'accueil des étudiants étrangers, « en lien avec le réseau des œuvres universitaires et scolaires. »
*
La Commission est saisie de l'amendement AC 510 de Mme Isabelle Attard.
Mme Isabelle Attard. Cet amendement vise à préciser que le service public de l'enseignement supérieur « promeut aux échelles européennes et internationales un meilleur partage des savoirs et leur diffusion auprès des sociétés civiles. Il favorise le développement de parcours comprenant des périodes d'études et d'activités à l'étranger. Il favorise également l'accueil des personnels de recherche étrangers sur la durée de leurs missions scientifiques. »
M. le rapporteur. Avis favorable.
Mme la ministre. Même avis.
M. le président Patrick Bloche. Il serait préférable de remplacer les mots : « sur la durée » par les mots : « pour la durée ». Madame Attard, acceptez-vous cette rectification ?
Mme Isabelle Attard. Oui, monsieur le président.
La Commission adopte l'amendement AC 510 ainsi rectifié.
En conséquence l'amendement AC 386 de M. Jean-Yves Le Déaut tombe.
Puis la Commission examine l'amendement AC 101 de M. Guénhaël Huet.
M. Patrick Hetzel. Cet amendement vise à accorder une attention particulière aux chercheurs français qui ont été formés dans nos universités et qui ont souhaité, pour diverses raisons, s'expatrier afin de poursuivre leurs travaux. Il est capital pour nos universités de savoir où vont nos talents afin, notamment, de mieux préparer leur retour. Cet amendement vise à répondre à une demande de la communauté scientifique.
M. le rapporteur. Avis défavorable. Si je partage le souci de M. Hetzel, le Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur ne sera pas l'institution adéquate pour assurer ce suivi. Il convient toutefois d'apporter une réponse à cette vraie question.
Mme la ministre. Le problème est réel sans être d'ordre législatif. Assurer ce suivi entre dans les missions non pas du Haut conseil mais des organismes scientifiques. Il convient de trouver une solution.
M. Patrick Hetzel. Je pense que ce problème est bien d'ordre législatif. Il est possible en effet que le Haut conseil ne soit pas l'institution adéquate pour assurer un tel suivi. Cette mission pourrait être confiée aux Alliances françaises ou à l'Agence nationale de la recherche (ANR).
M. le rapporteur. Il convient de trouver la bonne institution pour assurer ce suivi, en vue de conforter le rayonnement international de la France.
M. Jean-Yves Le Déaut. Il conviendrait de traiter parallèlement la question du suivi des chercheurs étrangers qui sont venus travailler en France.
M. Patrick Hetzel. J'accepte de retirer l'amendement et de le retravailler en vue de la séance publique.
L'amendement AC 101 est retiré.
Puis la Commission examine l'amendement AC 102 de M. Guénhaël Huet.
Mme Virginie Duby-Muller. Cet amendement traite de la question, symétrique à celle évoquée par l'amendement précédent, du suivi des étudiants étrangers ayant fait une partie de leur cursus universitaire en France. Je le retire en vue de le retravailler.
L'amendement AC 102 est retiré.
La Commission examine ensuite quatre amendements, AC 23 de Mme Axelle Lemaire, AC 336 de M. Thierry Braillard, et les amendements identiques AC 511 de Mme Isabelle Attard et AC 126 de Mme Marie-George Buffet, pouvant être soumis à une discussion commune.
Mme Martine Faure. L'amendement AC 23 est défendu.
M. le rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement n'est pas d'ordre législatif.
M. Pascal Deguilhem. L'amendement est retiré.
L'amendement AC 23 est retiré.
M. Thierry Braillard. L'amendement AC 336, qui mentionne « le réseau des œuvres universitaires et scolaires », est défendu.
Mme Isabelle Attard. L'amendement AC 511 vise à préciser que l'accueil et la formation des étudiants étrangers doivent se faire en lien avec non pas « le réseau » mais « les centres régionaux » des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) : c'est plus précis.
Mme Marie-George Buffet. L'amendement AC 126 vise également à valoriser le rôle du centre national et des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires.
Que des étudiants puissent vivre et travailler ensemble en cité universitaire est une façon efficace de combattre les inégalités. Lorsque j'étais présidente de la Fédération des résidences universitaires de France, il était prévu au sein des cités universitaires des cours de rattrapage pour les étudiants salariés.
M. le président Patrick Bloche. J'indique que l'article L. 822-1 du code de l'éducation fait référence au « réseau » des œuvres universitaires et non aux CROUS en tant que tels.
M. le rapporteur. Je suis favorable à l'amendement AC 336 par cohérence avec le code de l'éducation qui mentionne effectivement « le réseau » des œuvres universitaires.
Mme la ministre. Le mot « réseau » est la bonne référence législative puisque c'est celui qui figure dans le code de l'éducation.
L'amendement AC 336 est adopté.
En conséquence, les amendements AC 511 et AC 126 tombent.
Puis la Commission adopte l'article 8 modifié.
La Commission est saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 8.
Elle examine tout d'abord l'amendement AC 24 de M. Hervé Féron.
M. Hervé Féron. Cet amendement vise notamment à prévoir dans le texte que la formation des maîtres de l'éducation nationale inclut la formation aux technologies de l'information et de la communication, en particulier au maniement technique de ces outils et à leurs usages pédagogiques.
M. le rapporteur. L'amendement est déjà satisfait par les dispositions adoptées dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école, qui est le bon véhicule législatif pour traiter de la formation des maîtres de l'éducation nationale
Avis défavorable.
Mme la ministre. Je m'en remets à la sagesse du rapporteur.
M. Hervé Féron. Ne conviendrait-il pas de préciser ces dispositions dans le cadre du présent texte ?
M. le rapporteur. Je vous invite à retirer votre amendement et à le redéposer en vue de la séance publique.
M. Hervé Féron. Je retire l'amendement.
L'amendement AC 24 est retiré.
Puis la Commission examine l'amendement AC 127 de Mme Marie-George Buffet.
Mme Marie-George Buffet. Je propose de préciser que l'État « doit assurer une qualité d'accueil et de vie » permettant aux étudiants « d'étudier dans des conditions matérielles propices à leur réussite universitaire » et s'appuie, pour ce faire, sur l'action des œuvres universitaires.
Madame la ministre, vous avez fait des annonces relatives à la réalisation de 40 000 chambres d'étudiants supplémentaires : or, un « surgel » budgétaire de 20 millions d'euros a été annoncé au cours du conseil d'administration du CNOUS du 24 avril. C'est pourquoi cet amendement vise à réaffirmer les missions de service public du réseau des œuvres universitaires au sein du service public de l'enseignement supérieur.
M. le rapporteur. Les dispositions prévues dans votre amendement ayant leur place à l'article L. 822-1 du code de l'éducation, je vous demande de le retirer en vue de le redéposer, une fois corrigé, à l'occasion de la séance publique.
Mme Marie-George Buffet. Je retire l'amendement.
M. Patrick Hetzel. La discussion de l'amendement met en avant le réseau des œuvres universitaires et scolaires, ce qui est tout à fait légitime. Il conviendrait toutefois de ne pas oublier l'existence sur tout le territoire d'autres structures agréées, comme l'Association fédérative générale des étudiants de Strasbourg, qui existe depuis 1923, c'est-à-dire avant la création du réseau des œuvres. Ne négligeons pas dans le texte la contribution singulière des structures agréées qui ont montré la voie aux œuvres.
L'amendement AC 127 est retiré.
La Commission examine ensuite l'amendement AC 513 de Mme Isabelle Attard.
Mme Barbara Pompili. Cet amendement vise à lutter contre le recours de plus en plus fréquent aux contrats courts et aux vacations par les établissements publics en renforçant le contrôle exercé sur la gestion des ressources humaines des établissements par les services compétents de l'État. C'est pourquoi il tend à inscrire cette mission dans celle, plus large, de contrôle administratif des services de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR).
M. le rapporteur. Cette mission entre déjà dans le champ de compétence de l'inspection générale. L'amendement est donc satisfait.
Mme la ministre. Je partage le souci de Mme Barbara Pompili. Toutefois, comme l'a rappelé le rapporteur, la mission visée par l'amendement entre déjà dans le champ de compétence de l'inspection générale.
Mme Barbara Pompili. Je retire l'amendement.
L'amendement AC 513 est retiré.
La Commission en vient à l'amendement AC 300 de M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel. Le contribuable français doit-il financer les études des étudiants étrangers ? En raison des difficultés budgétaires du pays, il convient de laisser aux établissements d'enseignement supérieur la possibilité de décider librement par délibération de leur conseil d'administration d'un tarif spécifique de droits d'inscription pour les étudiants étrangers hors Union européenne. Tel est l'objet de cet amendement.
Si la France souhaite développer une stratégie nationale spécifique de coopération avec certains pays, il suffira de prévoir un système de bourse pour compenser ces frais.
M. le rapporteur. Avis défavorable. Cette possibilité existe déjà. Par ailleurs, l'article 2 du projet de loi, que nous avons adopté, s'inscrit dans une logique d'accueil des étudiants étrangers.
Mme la ministre. M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur, et moi-même avons récemment abordé la question dans le cadre d'une réflexion générale sur l'amélioration des conditions d'accueil des étudiants étrangers.
Il faut savoir qu'un décret de 2002 permet déjà aux conseils d'administration des établissements de décider de droits d'inscription différents pour les étudiants étrangers hors Union européenne. Le décret ne fixe aucun montant maximal. De fait, très peu d'établissements recourent à ce décret qui, de toute façon, n'est susceptible de ne concerner que quelque 50 000 étudiants, une fois retirés les étudiants étrangers ayant passé leur baccalauréat en France, ceux de l'Union européenne et ceux des pays avec lesquels la France a passé des conventions bilatérales. De plus, il est très difficile de déterminer le montant des ressources des étudiants étrangers hors Union européenne.
C'est donc une disposition dont l'application est complexe et il n'est pas certain, d'ailleurs, que les universités y trouveraient des ressources supplémentaires.
M. Frédéric Reiss. J'ai cosigné cet amendement dont l'adoption - nous en avons conscience - bouleverserait la façon actuelle de procéder. Il conviendrait évidemment que cette mesure, qui ne peut que concerner les étudiants hors Union européenne, soit appliquée dans le cadre de l'autonomie des universités.
M. Patrick Hetzel. Il est important que ce débat ait lieu. Il s'agit, dans notre esprit, d'ouvrir le champ des possibles. Comme l'a indiqué M. Frédéric Reiss, les ressortissants de l'Union européenne ne seraient, évidemment, pas concernés. Je comprends vos arguments, madame la ministre. Cependant, vous avez une vision statique : vous ne raisonnez qu'à partir des données actuelles. Or nous élaborons la loi non seulement pour le présent, mais aussi pour l'avenir. Compte tenu de l'augmentation du nombre d'étudiants venant de pays hors Union européenne et de l'attractivité de notre enseignement supérieur, les 50 000 étudiants étrangers que vous évoquez seront peut-être, dans dix ou quinze ans, 100 000 ou 150 000. Leurs droits d'inscription représenteront alors une ressource significative pour les universités.
D'autre part, vous indiquez, madame la ministre, que les établissements d'enseignement supérieur peuvent déjà pratiquer des tarifs différents pour les étudiants étrangers. C'est en effet le cas, mais dans des conditions très précises : ces tarifs doivent correspondre à des services distincts de ceux offerts aux étudiants français. Dans les faits, les établissements ne sont donc pas en mesure d'y recourir. D'ailleurs, la direction des affaires juridiques du ministère de l'enseignement supérieur a répondu plusieurs fois à des établissements qu'ils ne pouvaient pas, en l'état actuel du droit, fixer librement des tarifs différents pour les étudiants étrangers et qu'une évolution législative était nécessaire à cette fin. Nous défendons donc avec beaucoup d'insistance et de conviction le présent amendement.
M. Jean-Yves Le Déaut. Je ne suis pas d'accord avec les arguments de M. Patrick Hetzel et soutiens ceux de Mme la ministre.
De plus, cette disposition, qui est certes une revendication ancienne du président de la Conférence des grandes écoles, nous ferait courir des risques. Aujourd'hui, 40 % des étrangers qui étudient en France viennent d'Afrique du Nord et d'Afrique noire et disposent, pour la plupart, de faibles ressources. Dès lors, si nous adoptons votre proposition, monsieur Hetzel, les établissements seront obligés de pratiquer des tarifs différenciés en fonction du pays d'origine des étudiants - ce qui va être très difficile à justifier sur le plan juridique - ou alors, comme vous l'avez suggéré, l'État devra, pour compenser, mettre en place un système de bourses. Cependant, les tarifs étant librement fixés par les établissements, l'État ne pourrait pas contrôler le budget qu'il devrait prévoir pour attirer les étudiants étrangers. Je crains qu'un dispositif aussi complexe, qui vise, selon les auteurs de l'amendement, quelques pays comme la Corée ou le Japon, n'aboutisse à une dégradation globale de notre attractivité et à la baisse du nombre d'étudiants étrangers en France.
M. le rapporteur. Je maintiens mon avis défavorable. Cependant, vous soulevez une question légitime, celle de l'accueil des étudiants étrangers, que nous avons évoquée hier en débattant de la langue des enseignements et que M. Jean-Yves Le Déaut abordera à nouveau à travers ses amendements sur les conditions de délivrance des visas. Sur les dix dernières années, l'augmentation du nombre d'étudiants en France doit beaucoup aux étudiants étrangers. Il convient d'engager ce débat, mais pas au détour d'un amendement.
M. Patrick Hetzel. Je maintiens mon amendement : la question des droits d'inscription pour les étudiants étrangers est au cœur des problématiques abordées par le présent projet de loi et je ne vois pas à quel moment ce débat pourrait avoir lieu, si nous ne l'avons pas aujourd'hui. À moins que nous ne l'engagions lors de l'examen du prochain projet de loi de finances ?
Quoi qu'il en soit, nos établissements d'enseignement supérieur ont besoin de moyens supplémentaires, qui ne pourront pas leur être fournis par le contribuable français. Dès lors, il nous faut trouver d'autres ressources. De plus, le dispositif que je propose pourrait, au contraire, contribuer à améliorer notre attractivité. En effet, dans certaines cultures, la modicité des droits d'inscriptions pratiqués par un pays étranger est considérée comme un indicateur de la faible qualité de son enseignement supérieur et de sa recherche.
La Commission rejette l'amendement.
Chapitre II
La politique de la recherche et du développement technologique
Article 9
Disposition de coordination
La Commission a supprimé cette disposition rédactionnelle superflue.
*
La Commission adopte l'amendement AC 688 du rapporteur, tendant à supprimer l'article.
En conséquence, l'article 9 est supprimé.
La Commission est saisie de l'amendement AC 128 de Mme Marie-George Buffet, portant article additionnel après l'article 9.
Mme Marie-George Buffet. Cet amendement propose que le gouvernement remette au Parlement un rapport sur la situation des personnels non titulaires dans la recherche publique. La précarité des personnels est un sujet très préoccupant. Vous avez fait, madame la ministre, plusieurs annonces sur cette question, en précisant qu'elle ne faisait pas l'objet du présent projet de loi. Mais il est difficile d'adopter un projet de loi sur l'enseignement supérieur et la recherche sans au moins l'évoquer.
Nous connaissons tous les taux d'emplois précaires qui existent au sein de la recherche publique, y compris dans des organismes prestigieux comme le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), où ils atteignent 30 à 40 %. Les causes en sont connues : précarité des financements, mais aussi faiblesse des créations d'emplois. Nous devons agir rapidement pour créer des emplois stables dans l'enseignement supérieur et la recherche, à la mesure de leur potentiel.
M. le rapporteur. La précarité est une préoccupation majeure de ces dernières années, sur laquelle les participants aux Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche sont revenus avec force. Cependant, la rédaction d'un rapport supplémentaire n'est sans doute pas le meilleur moyen de traiter la question, d'autant qu'un tel rapport est déjà prévu par l'article L. 411-2 du code de la recherche qui précise que « Le gouvernement présente chaque année dans le cadre de la mission Recherche et enseignement supérieur un état prévisionnel et indicatif, sur cinq ans, des recrutements de personnels, statutaires et non statutaires, dans la recherche publique. »
Mme la ministre. Cet amendement est satisfait ou, à tout le moins, devrait l'être, si le rapport prévu dans le code de la recherche avait été publié avec la constance requise, ce qui n'a pas été le cas ces dernières années. Nous nous engageons à le faire désormais paraître annuellement. Il fera un état des lieux de la situation des personnels et de leur statut, ainsi que des mesures prises pour résorber la précarité.
Mme Marie-George Buffet. Je retire mon amendement, mais me réserve la possibilité d'en déposer un autre sur le même sujet en vue de la séance publique.
L'amendement AC 128 est retiré.
Article 10
Objectif complémentaire de la politique nationale de la recherche
L'article L. 111-1 du code de la recherche définit la politique nationale de la recherche.
Sa rédaction actuelle est inchangée depuis la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982 d'orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France. Elle précise qu'elle vise, entre autres, à la valorisation des résultats de la recherche. La notion de valorisation reste ici assez générale. Contemporaine de la codification de cet article, la définition qu'en donnait le Comité national d'évaluation, en 2004, était la suivante : « Valoriser, c'est rendre utilisables ou commercialiser les résultats, les connaissances et les compétences de la recherche. » L'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES) qui a succédé au Comité en donne, dans ses critères pour identifier les enseignants chercheurs « produisant en recherche et valorisation », les exemples suivants : le dépôt de brevets, le développement ou la diffusion de logiciels, l'appartenance active à des laboratoires communs public-industriel ou la participation à la création d'entreprises.
Il était nécessaire que cette mise en valeur des résultats de la recherche et des connaissances soit précisée, pour mieux correspondre aux dénominations actuelles des pratiques des établissements de recherche et d'enseignement supérieur comme aux définitions et recommandations retenues pour les politiques et les programmes européens de recherche et de développement technologique (PCRD). C'est l'objet du complément introduit par l'article 10 du projet de loi à la notion de valorisation par l'ajout du transfert des résultats de la recherche et de la précision qu'ils s'effectuent en direction des secteurs socio-économiques.
Il convient de remarquer que, très logiquement, la loi de finances pour 2013, en élargissant le crédit d'impôt recherche (CIR) à certaines dépenses d'innovation en faveur des petites et moyennes entreprises, mettant ainsi en place un crédit d'impôt innovation, participait déjà pleinement de ce renforcement du continuum recherche - innovation, par la valorisation et le transfert des résultats de la recherche.
La Commission examine les amendements identiques AC 514 de Mme Isabelle Attard et AC 129 de Mme Marie-George Buffet, tendant à supprimer l'article.
Mme Isabelle Attard. Je demande la suppression de l'article 10, c'est-à-dire le maintien de la rédaction actuelle de l'article L. 111-1 du code de la recherche. Le transfert des résultats de la recherche scientifique à l'industrie n'est pas un objectif qui est ressorti des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche : cette notion n'apparaît que dans une seule des 135 propositions du rapport de synthèse. Nous suggérons qu'un véritable débat national ait lieu sur cette question. À en juger par le nombre de fois que le mot « transfert » apparaît dans le présent projet de loi, un tel débat est indispensable.
Mme Marie-George Buffet. Sur le fondement des arguments développés précédemment et de ceux présentés par Mme Attard, mon amendement est défendu.
M. le rapporteur. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment. Même s'il serait sans doute utile d'en débattre encore, la question du transfert a été abordée au cours des Assises.
Mme la ministre. La notion de transfert est apparue dans la loi sur l'innovation et la recherche de 1999. Les résultats de la recherche ne se transforment pas en innovations industrielles par magie ! Un dispositif, une formation, une ingénierie y sont nécessaires. Si l'innovation dans l'industrie et les créations d'emplois qui en découlent ne sont pas à la mesure de la recherche fondamentale et appliquée de grande qualité qui est menée dans notre pays, c'est que ces mécanismes de transmission fonctionnent de manière imparfaite. Cette faiblesse a été identifiée tant dans le rapport Gallois qu'au cours des Assises. Il est nécessaire d'y remédier au nom de la création d'emplois, qui est le premier impératif de solidarité.
Mme Isabelle Attard. J'insiste sur le fait que la résorption du chômage ne passe pas nécessairement par le transfert des résultats de la recherche à l'industrie. Nous sommes plusieurs à le penser et je ne me sens d'ailleurs pas liée par la loi de 1999. Nous devons avoir un débat sur l'utilité de ce transfert. Nous manquons de brevets et de docteurs, j'en conviens, mais les causes doivent sans doute en être cherchées ailleurs.
M. Christophe Borgel, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques. Il est au contraire essentiel de maintenir l'article 10. Si le présent projet de loi faisait du développement économique le seul objectif de la recherche, il conviendrait en effet de s'interroger, mais tel n'est pas le cas. Les mesures concernant la recherche prises par le gouvernement depuis le mois de juin ne vont pas non plus dans ce sens.
La notion de transfert implique qu'il doit y avoir un continuum, une meilleure articulation entre les résultats de la recherche et le développement économique. La France dispose d'une recherche fondamentale excellente et reconnue à l'échelle internationale, mais qui doit être complétée par davantage de recherche appliquée. On peut le contester et vouloir retirer la notion de transfert du projet de loi. Mais cela signifie que l'on préfère voir les découvertes des chercheurs français développées par l'industrie chinoise, brésilienne ou américaine - cela se produit en effet, le développement économique ne connaissant pas les frontières de nos débats nationaux ! - plutôt que par l'industrie française. Je préfère pour ma part qu'elles bénéficient à la croissance et à l'emploi dans notre pays.
Mme Isabelle Attard. L'inscription de la notion de transfert dans la loi n'évitera sans doute pas la fuite des cerveaux. En effet, nos chercheurs sont attirés par les conditions stables qui prévalent à l'étranger : financement pérenne des laboratoires ; liberté et temps qui leur sont donnés, même lorsque la possibilité d'appliquer leurs recherches dans l'industrie demeure incertaine.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle adopte l'amendement de précision AC 689 du rapporteur.
Elle en vient ensuite à l'amendement AC 387 de M. Jean-Pierre Le Roch.
M. Jean-Pierre Le Roch. Cet amendement vise à préciser que le transfert des résultats de la recherche intéresse non seulement le monde économique, mais l'ensemble de la société.
M. le rapporteur. Avis défavorable ou demande de retrait : la rédaction initiale me paraît équilibrée.
Mme la ministre. Je m'en remets à la sagesse de la Commission.
M. Jean-Yves Le Déaut. Je soutiens l'amendement de M. Jean-Pierre Le Roch. Le transfert des résultats de la recherche n'a pas pour objectif de verser des dividendes à de grandes entreprises - même si cela arrive -, mais de développer notre tissu industriel. C'est une des missions de l'enseignement supérieur. Il serait utile d'introduire la notion de « service à la société » dans la loi. Ce service inclut la diffusion, la valorisation et le transfert des résultats de la recherche, ainsi que l'expertise. Nous pourrions le préciser dans un amendement déposé au titre de l'article 88 du règlement.
M. le rapporteur. Compte tenu de ces éléments, je donne finalement un avis favorable.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AC 25 de Mme Maud Olivier, faisant l'objet d'un sous-amendement AC 772 de M. Jean-Pierre Le Roch.
Mme Maud Olivier. Mon amendement vise à remplacer les mots « diffusion de l'information scientifique » par l'expression « diffusion de la culture scientifique et technique ».
M. Jean-Pierre Le Roch. Mon sous-amendement vise à ajouter, en sus, l'adjectif « industrielle ».
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la Commission adopte successivement le sous-amendement AC 772 et l'amendement AC 25 ainsi sous-amendé.
Elle adopte ensuite l'article 10 modifié.
Article 10 bis (nouveau)
Innovation et service à la société
La Commission a adopté un amendement créant cet article afin de compléter l'article L. 111-5 du code de la recherche par un alinéa précisant que l'innovation, « service à la société », est favorisée par la promotion des activités de transfert.
L'article L. 111-5, dans sa rédaction actuelle, prévoit que l'éducation scolaire, l'enseignement supérieur, la formation continue et le secteur public de la radiodiffusion et de la télévision favorisent l'esprit d'innovation, au même titre que l'esprit de recherche et de créativité.
La notion de « service à la société » est couramment utilisée dans les universités belges francophones pour caractériser leurs activités partenariales et de transfert de technologies et de compétences. L'accent mis ici sur la promotion des activités de transfert en renforce le caractère déterminant pour répondre aux transitions industrielles en cours.
*
La Commission est saisie de l'amendement AC 26 de M. Jean-Pierre Le Roch, portant article additionnel après l'article 10.
M. Jean-Pierre Le Roch. De même que pour le transfert des résultats de la recherche, cet amendement vise à reconnaître l'innovation comme un « service à la société ».
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l'amendement.
Article 11
Stratégie nationale de la recherche
Cet article propose une nouvelle rédaction de l'article L. 111-6 du code de la recherche portant définition d'une stratégie nationale de la recherche.
Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 111-6 dispose simplement que les choix en matière de programmation et d'orientation des actions de recherche sont arrêtés après concertation avec la communauté scientifique et les partenaires socio-économiques.
1. Une réflexion partagée sur un système de la recherche complexe et foisonnant
Deux des trois thématiques des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche invitaient à réfléchir sur la stratégie de la recherche nationale (« Donner une nouvelle ambition pour la recherche ») et à définir une stratégie nationale lisible, harmonisée avec l'Europe et visible à l'international (« Contribuer à la définition du nouveau paysage de l'enseignement supérieur et de la recherche »).
Dans son rapport au Président de la République du 17 décembre 2012 sur les travaux des Assises, M. Vincent Berger soulignait à la fois que les Assises avaient dénoncé unanimement la complexité extrême du dispositif français de recherche au niveau des acteurs de terrain mais qu'un regard plus éloigné permettait de le synthétiser assez simplement : « Nous avons donc quatre catégories d'acteurs : tout d'abord un grand organisme « généraliste » pluridisciplinaire (le CNRS) ensuite des organismes « spécialistes » maîtrisant toute la chaîne de la recherche à l'innovation et au transfert de manière pointue dans leur domaine, les entreprises et leurs laboratoires et enfin des universités et quelques écoles au sein desquelles recherche et diffusion du savoir sont intimement liés. » (16)
Pour sa part, M. Jean-Yves Le Déaut, dans son rapport au Premier ministre du 14 janvier 2013 présentait ainsi sa proposition : « Refonder le pilotage stratégique de la recherche et de l'enseignement supérieur » :
« Au-delà des clarifications nécessaires sur les missions de l'État et sur celles du service public de l'enseignement supérieur et de la recherche, il est urgent de remédier au défaut de pilotage constaté au cours des dernières années, principalement dans le domaine de la recherche mais aussi dans celui de l'enseignement supérieur. Pendant les Assises, il a été souvent reproché au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche de s'être dessaisi de son rôle stratégique au profit de structures diverses - ANR, Alliances, ou même Commissariat général aux investissements - dont il n'a en outre pas su assurer la coordination.
« Le Gouvernement doit reprendre en main la programmation de la recherche, via la définition d'un véritable Agenda stratégique, coordonné au niveau interministériel, qui devrait concerner la recherche mais aussi les grandes orientations de l'enseignement supérieur. Le code de la recherche, dans son article L. 111-6, se borne à indiquer que "les choix en matière de programmation et d'orientation des actions de recherches sont arrêtés après une concertation étroite avec la communauté scientifique d'une part et les partenaires sociaux et économiques d'autre part". Afin d'éviter, pour l'avenir, la répétition des processus approximatifs et peu satisfaisants des années passées, il est important que ces dispositions soient précisées et complétées. » (17)
Le bilan tiré par le rapport sur les politiques nationales de recherche et de formations supérieures joint au projet de loi de finances pour 2013 (« jaune ») montre, quant à lui, une insertion plutôt médiocre de la recherche de notre pays dans les programmes de recherche européens.
Il y est en effet constaté que « L'étude de l'évolution des taux de participation aux projets des 6e et 7e programmes cadres pour la recherche et le développement technologique (PCRDT) montre un repli de l'implication des équipes françaises dans les dispositifs européens. Au terme de cinq années d'exécution du 7e PCRDT, ( sa durée globale portant sur la période 2007-2013) le montant des contributions revenant à des participants français s'élève à 11,8 % dans les propositions retenues, contre 13 % en moyenne pendant le 6e PCRDT (2002-2006).
« Certes, l'élargissement de l'Union européenne a eu pour effet une diminution générale de la part des contributions revenant à chacun des trois plus grands pays européens, mais la France subit la baisse la plus sensible. Elle reste néanmoins le troisième bénéficiaire du PCRDT, derrière l'Allemagne (16,4 %) et le Royaume-Uni (14,7 %). La persistance de taux de succès conséquents des propositions françaises (25,8 %) indique que le problème a pour principale origine une moindre mobilisation des équipes françaises vers le PCRDT.
« Les domaines aéronautique, spatial et nucléaire et, dans une moindre mesure, celui des transports terrestres et de l'intermodalité, sont les domaines d'excellence français en termes de participation et, plus encore, de coordination des projets. On relève également une assez bonne performance française dans le Conseil européen de la recherche, avec 12,6 % des financements, et le programme « infrastructures » (13,3 % des financements). »
Cette implication perfectible aurait sans doute supposé une meilleure présentation et une approche plus rationnelle des outils et des structures de la recherche française, tant publique que privée, qui se sont en effet multipliés, en particulier depuis l'adoption du Pacte pour la recherche (la loi de programme du 18 avril 2006), et davantage encore avec la mise en place du programme des investissements d'avenir (PIA). Cette situation avait d'ailleurs conduit l'ancien gouvernement à tenter de définir une cohérence à ce qui pouvait passer, aux yeux de nombreux observateurs, français ou étrangers dont les chercheurs eux-mêmes, comme manquant, pour le moins, de vision globale.
En septembre 2008, une communication sur la « Stratégie nationale de recherche et d'innovation (SNRI) », dont la France devait se doter pour faire face à la compétition scientifique et économique mondiale, à l'image des grands pays européens, était présentée en Conseil des ministres. Cette stratégie devait être une vision d'ensemble des défis à relever dans le domaine de la recherche et de l'innovation, pour établir les priorités, mettre en cohérence l'action de tous les acteurs et allouer au mieux les financements publics. Elle s'appuyait sur une analyse des démarches parallèles, entreprises dans d'autres pays, plaçant traditionnellement, comme la France, la recherche au cœur de leurs politiques publiques.
La stratégie nationale de l'innovation et de la recherche chez nos concurrents : Allemagne, Royaume-Uni, Finlande, Danemark, Japon L'élaboration des réformes en matière d'innovation et de recherche en Allemagne, au Royaume-Uni, en Finlande, au Danemark et au Japon, présente les quatre points communs suivants : - une méthode de travail ouverte et collaborative ; - les travaux ont duré de 6 mois à un an (à l'exception du Japon où la recherche du consensus a pris plus de cinq ans) ; - une collaboration interministérielle à l'élaboration de la stratégie ; - une stratégie qui répond à une commande du plus haut niveau de l'exécutif (chef d'État ou de Gouvernement). |
La SNRI, prévue pour la période 2009-2012, était fondée sur cinq principes directeurs et affirmait trois axes prioritaires de recherche.
Les cinq principes directeurs proposaient un cadre général très large reprenant en fait la définition même des activités de recherche telles qu'elles sont conçues en France depuis la loi fondatrice n° 82-610 du 15 juillet 1982 d'orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France : la promotion de la recherche fondamentale et d'une société innovante, la maîtrise des risques, le rôle majeur des sciences humaines et l'importance de l'interdisciplinarité.
De façon un peu paradoxale, cette approche extrêmement globalisante de la stratégie de la recherche aboutissait à une définition étroite et très datée des trois axes de développement prioritaire : la santé, le bien-être, l'alimentation et les biotechnologies ; l'urgence environnementale et les écotechnologies ; l'information, la communication et les nanotechnologies.
Force est de constater qu'en l'absence de véritable support pour la piloter, cette première stratégie nationale en était donc restée aux déclarations de principes d'un côté, et à des applications extrêmement diverses et peu cohérentes de l'autre. Cette approche était fort éloignée, malgré des intentions louables, de l'instauration d'un État stratège de la recherche et de l'enseignement supérieur et donnait en outre, puisqu'elle s'appuyait sur des outils de financements sur projets très puissants, une impression de dirigisme, très éloignée de la nécessaire liberté de recherche.
2. La mise en place d'un pilotage stratégique de la recherche : les modifications apportées par le projet de loi
Parallèlement à la stratégie nationale de l'enseignement supérieur définie à l'article 3, le projet de loi propose donc de mettre en place ce pilotage stratégique de la recherche en introduisant la définition d'une stratégie nationale de la recherche (SNR) dans l'article L. 111-6 du code de la recherche (article 11), en faisant entrer dans le champ de compétences du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) l'ensemble des activités de recherche (article 13) et en créant le Conseil stratégique de la recherche (article 53), chargé de proposer les grandes orientations de la stratégie nationale de la recherche.
Les modifications apportées par l'article 11 à l'article L. 116-6 du code de la recherche tendent à définir la stratégie nationale de la recherche :
Le premier alinéa précise qu'une stratégie nationale de la recherche, visant à répondre aux défis scientifiques, technologiques et sociétaux est élaborée et révisée périodiquement, le ministre chargé de la recherche en assurant la coordination.
Outre le Conseil stratégique de la recherche créé à l'article 53, l'élaboration de cette politique devrait s'appuyer sur des dispositions réglementaires mettant en place un comité de pilotage interministériel, animé par la direction générale pour la recherche et l'innovation et en assurant le soutien.
Le deuxième alinéa reprend partiellement la rédaction actuelle de l'article, en précisant cependant que les priorités de la stratégie nationale de la recherche sont arrêtées non seulement après une concertation avec la communauté scientifique et les partenaires sociaux et économiques, mais également les collectivités territoriales, impliquées dans la déclinaison de la stratégie au plan territoriale et les ministères concernés, précisant le rôle de coordination du ministre chargé de la recherche.
Le premier agenda stratégique comprend huit défis sociétaux qui ont d'ores et déjà été retenus comme thèmes soumis à la concertation : la gestion sobre des ressources et l'adaptation au changement climatique ; une énergie propre, sûre et efficace ; la stimulation du renouveau industriel ; la santé et le bien-être ; la sécurité alimentaire et le défi démographique ; la mobilité et les systèmes urbains durables ; la société et l'économie numérique ; des sociétés innovantes, intégrantes et adaptatives. Les thèmes transversaux comprennent les technologies associées aux réponses à ces défis, une déclinaison spécifique aux sciences humaines et sociales étant parallèlement suggérée.
Ces premières propositions sont en cohérence et la reprise partielle de celles qui étaient portées par la contribution française sur les priorités scientifiques et technologiques au cadre commun de recherche et d'innovation de l'Union européenne « Horizon 2020 », mettant ainsi en harmonie l'agenda stratégique national avec la politique de l'Union.
L'alinéa prévoit en effet que le ministre chargé de la recherche devient également responsable de la cohérence de la stratégie nationale avec celle de l'Union européenne. Cet élément nouveau traduit la volonté forte de mieux insérer la recherche française dans le cadre européen auquel elle participe actuellement de façon très inégale, comme cela a été rappelé. Si la responsabilité des appels d'offres nationaux multipliés, tant de l'Agence nationale de la recherche (ANR) que du programme des investissements d'avenirs est claire dans ce sous-investissement, il est nécessaire de mieux s'adapter aux projets et aux modes de financement européens.
Le plan stratégique « Horizon 2020 », correspondant au 8e programme cadre pour la recherche et le développement technologique, porte sur la période 2014-2020. Malgré les incertitudes globales sur le budget européen, il semble que celui-ci pourra disposer de moyens nettement supérieurs au 7e PCRD (dont l'enveloppe globale était légèrement supérieure à 50 milliards d'euros), stabilisés autour de 70 milliards d'euros, inférieurs de 12 % à ceux initialement proposés par la Commission européenne. À cet égard, la croissance des budgets à la fin du 7e PCRD rend particulièrement sensible la poursuite des financements des projets dans la période transitoire.
Au-delà de cette question budgétaire, il convient de remarquer que le rôle du ministre chargé de la recherche dans l'accord entre stratégie nationale et européenne de la recherche est un point clé pour une participation optimale des acteurs de la recherche française au Conseil européen de la recherche (ERC / European Research Council), créé dans le cadre du programme « Idées » du 7e PCRD, dont il constituait une nouveauté majeure, disposant de 15 % de ses financements, en constante croissance et destiné à financer la recherche à la frontière de la connaissance, portée par des équipes individuelles (et non en consortiums transnationaux), évaluée sur la seule qualité du projet scientifique.
Il serait sans doute opportun de ne pas négliger, parallèlement, d'autres cadres européens, mais non communautaires, ou internationaux, agissant en collaboration et non en concurrence, autour de grands équipements, comme le CERN (Conseil européen pour la recherche nucléaire, aujourd'hui Organisation européenne pour la recherche nucléaire), ou de grands projets, comme ceux de l'Agence spatiale européenne (ESA / European Space Agency) ou ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor), même si la gouvernance en est parfois délicate.
Le troisième alinéa prévoit la remise d'un rapport au Parlement sur la stratégie nationale et ses résultats tous les deux ans. Cet exercice devrait pouvoir tendre à l'élaboration régulière d'un véritable Livre blanc de la recherche, matérialisant un exercice continu de réflexion et de programmation, pouvant intégrer le bilan et la programmation de l'emploi des personnels de la recherche dans les secteurs publics et privés comme l'insertion et la place de la recherche française dans un cadre européen et international.
Le quatrième alinéa prévoit que la contractualisation pluriannuelle conclue entre l'État et les organismes de recherche, les établissements d'enseignement supérieur, l'Agence nationale de la recherche et sa programmation spécifique comme les autres financements publics concourent à mettre en œuvre la stratégie nationale de la recherche. Ces deux points permettent d'une part d'intégrer de façon cohérente les multiples exercices de contractualisation en contrepartie de leur financement public au cadre national que fixe l'article, mais aussi d'y intégrer l'ensemble des financements publics.
Il importe en effet, alors que la créance annuelle du crédit d'impôt recherche (CIR) atteint 5 milliards d'euros et que son ouverture vers l'innovation devrait en renforcer l'impact, d'intégrer dans l'élaboration de la stratégie nationale l'ensemble des mesures de financement public. Cette précision, conforme à la LOLF, avait été intégrée au tableau de programmation des moyens consacrés par l'État à la recherche annexé à l'article 1er de la loi de programme du 18 avril 2006, sans comprendre, cependant, la contribution française aux programmes et actions communautaires en matière de recherche, de développement technologique et d'innovation. Il serait sans doute souhaitable que le ministre chargé de la recherche puisse non seulement coordonner mais aussi impulser, parallèlement, la politique budgétaire de l'ensemble des programmes, y compris ceux ne relevant pas directement de sa tutelle, de la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur » (MIRES) dont l'existence même traduit l'intégration des moyens financiers de la recherche et de l'enseignement supérieur.
Le rééquilibrage intervenu en loi de finances pour 2013 entre les moyens propres de l'ANR et les crédits récurrents des laboratoires devrait contribuer à recentrer, de fait, la programmation spécifique de cette dernière sur les grandes orientations de la stratégie nationale de la recherche, conformément, d'ailleurs, à l'article 2 du décret n° 2006-963 du 1er août 2006 portant organisation et fonctionnement de l'Agence nationale de la recherche. Celui-ci précisait en effet que : « Dans le cadre de la politique de recherche définie par le Gouvernement, l'Agence nationale de la recherche a pour mission de financer et de promouvoir le développement des recherches fondamentales, appliquées et finalisées, l'innovation et le transfert technologiques et le partenariat entre le secteur public et le secteur privé » et qu'elle « met en œuvre la programmation définie par sa tutelle après avis des ministères qui exercent la tutelle d'organismes de recherche ou d'établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche, en s'appuyant notamment sur les propositions de comités sectoriels créés à cet effet. »
Le dernier alinéa précise enfin qu'il incombera à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques de participer à l'évaluation de la mise en œuvre de la stratégie nationale de la recherche, replaçant ainsi celui-ci, comme le Parlement, au cœur du débat public sur cette question majeure. Associé aux représentants du monde socioéconomique, il devrait en particulier prendre place dans le comité de pilotage créé par voie réglementaire et être associé au Conseil stratégique de la recherche.
Cette architecture de la stratégie nationale de la recherche et de la place qui occupe le Parlement s'appuie sur les propositions M. Jean-Yves Le Déaut qui, dans son rapport au Premier ministre, soulignait que :
« S'agissant du processus d'élaboration de l'Agenda stratégique de la recherche et de l'enseignement supérieur, je propose, compte tenu de l'expérience acquise depuis 30 ans par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), de l'y associer en amont. Le schéma général pour l'élaboration et le suivi de l'Agenda sera le suivant :
« - l'OPECST initiera la préparation de l'Agenda stratégique en menant un travail prospectif avec tous les acteurs concernés : la communauté scientifique et ses représentants, les Alliances pour ce qui relève des priorités thématiques, les partenaires sociaux et économiques et la société civile ;
« - le nouveau Conseil stratégique de la recherche et de l'enseignement supérieur placé auprès du Premier ministre émettra un avis sur les propositions qui émaneront de ces travaux ;
« - sur la base de ces éléments, le Gouvernement arrêtera ses choix finaux ;
« - le Parlement aura ensuite la charge de contrôler l'exécution de l'Agenda stratégique via ses commissions permanentes (Commission des finances et Commission des affaires culturelles et de l'éducation), sur la base d'un rapport qui lui sera soumis chaque année par le Gouvernement. » (18)
*
La Commission adopte l'amendement de précision AC 690 du rapporteur.
Puis elle examine l'amendement AC 79 du rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques.
M. le rapporteur pour avis. La Commission des affaires économiques a adopté un amendement à l'article 53 visant à compléter la dénomination du « Conseil stratégique de la recherche » par les mots « et de l'innovation ». De manière cohérente, je propose d'ajouter « et d'innovation » à l'intitulé de la « stratégie nationale de recherche » prévue à l'article 11.
M. le rapporteur. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche n'est pas nécessairement favorable à cet amendement, pour des raisons liées aux périmètres des différents ministères, lesquels ne sont pas du ressort du Parlement. J'y suis, pour ma part, favorable, la loi devant s'inscrire dans le temps.
Mme la ministre. Mon ministère comprend une direction générale de la recherche et de l'innovation, mais l'innovation relève en effet d'un autre ministère, avec lequel nous travaillons néanmoins très bien. Dans ce contexte, cet amendement pourrait introduire une ambiguïté. Je propose de conserver l'intitulé « stratégie nationale de recherche », mais de préciser que cette stratégie inclut également les questions liées à l'innovation. Je déposerai un amendement en ce sens dans un instant.
M. le rapporteur pour avis. Je ne méconnais pas ce débat mais, à l'instar du rapporteur au fond, je m'intéresse davantage à la rédaction de la présente loi qu'aux périmètres ministériels. Il est essentiel d'articuler la recherche et l'innovation. Je n'ai pas de religion sur la dénomination des instances ou des documents, c'est respectivement leur mission et leur contenu qui comptent. J'aurais préféré connaître la rédaction de l'amendement du gouvernement avant de retirer, le cas échéant, le mien.
La Commission est saisie de l'amendement AC 776 du gouvernement.
Mme la ministre. Je propose de préciser que la stratégie nationale de recherche inclut la valorisation de la recherche par le transfert et l'innovation.
M. le rapporteur pour avis. L'amendement du gouvernement est clair quant au contenu de la stratégie nationale de recherche. Je retire donc mon amendement qui portait sur son intitulé.
M. Patrick Hetzel. Je comprends la gêne de Mme la ministre : elle raisonne en sa qualité de membre du gouvernement. Cependant, nous avons pour notre part le point de vue du législateur, et les périmètres ministériels sont susceptibles de changer. L'intitulé existant depuis plusieurs années est celui de « stratégie nationale de recherche et d'innovation ». Il aurait été plus clair de le conserver, si l'on souhaitait un pilotage cohérent des volets « recherche » et « innovation ».
M. le président Patrick Bloche. Je mettrai l'amendement AC 776 du gouvernement aux voix lorsque nous aurons examiné les amendements AC 163, AC 290 et AC 27.
L'amendement AC 79 est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement AC 163 de M. Serge Bardy.
M. Serge Bardy. De même qu'à l'article 3, cet amendement vise à prévoir une révision tous les cinq ans de la stratégie nationale de recherche.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AC 290 de M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel. La référence aux défis « sociétaux », à l'article 11, part d'une bonne intention. Cependant, nous risquons de créer une dichotomie entre les défis scientifiques et technologiques, d'un côté, et les enjeux sociétaux, de l'autre. Cela risque d'affaiblir les sciences humaines et sociales. Je propose donc la suppression du terme « sociétaux ».
M. le rapporteur. Avis défavorable. Il convient de maintenir l'adjectif « sociétaux ». Soit dit en passant, alors que la recherche française demeure performante dans de nombreux domaines, elle a connu certaines difficultés dans les sciences humaines et sociales.
Mme la ministre. Il y a là une confusion sémantique : l'adjectif « sociétal » ne renvoie pas à un champ disciplinaire précis, en particulier aux sciences humaines et sociales. Un défi sociétal est un défi qui se pose à la société, tel que la santé, l'accompagnement du vieillissement ou le maintien à domicile. Pour y répondre, il peut être nécessaire de recourir tant à la technologie et aux sciences « dures » qu'aux sciences humaines et sociales, toujours sollicitées car par nature transversales.
En outre, il est important de maintenir l'adjectif « sociétal » : cela signifie que la stratégie nationale de recherche concerne l'ensemble de la société et que les défis auxquels elle cherche à répondre - lutte contre le réchauffement climatique, efficacité énergétique, accompagnement du vieillissement - sont compréhensibles de tous.
M. Frédéric Reiss. L'insertion du mot « sociétaux » affaiblit le texte de l'alinéa 2 de l'article 11. De même, à l'article 10, alors que le projet de loi disposait initialement que les résultats de la recherche devaient être transférés vers les « secteurs socio-économiques » - expression qui avait le mérite de la clarté -, nous avons adopté un amendement qui prévoit que les fruits de la recherche doivent être placés « au service de la société ». Dans les deux cas, l'utilisation de termes plus larges rend le texte moins précis et moins centré sur l'essentiel.
M. Patrick Hetzel. Ce débat est important ; interrogez un sociologue et vous verrez que, de son point de vue, le terme « scientifique » contient la dimension sociétale de sa discipline et ce constat ne s'arrête pas à la sociologie. Si vous en doutez, je vous invite à relire Louis Pasteur qui considérait que le caractère sociétal était inclus dans l'adjectif « scientifique », car la science est par essence ouverte sur la société. On affaiblit le texte en ajoutant le terme « sociétaux » dans le projet de loi, ce dont un échange avec l'Académie des sciences pourrait vous convaincre.
Mme la ministre. J'ai présenté hier le projet de loi à l'ensemble des académies de l'Institut de France, qui ont fait part de leur intérêt pour la notion d'enjeu sociétal. L'une de leurs préoccupations réside en effet dans le rapprochement entre la science et la société, afin que l'on reconnaisse la contribution de la recherche dans la réflexion sur de nombreuses questions sociétales.
Notre dessein, monsieur Hetzel, est justement pasteurien puisque Louis Pasteur avait démontré aux hygiénistes que la santé relevait d'un enjeu sociétal. C'est pourquoi je tiens beaucoup à l'utilisation du terme « sociétal ».
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AC 27 de M. Ibrahim Aboubacar.
Mme Sandrine Doucet. L'amendement est défendu.
M. le rapporteur. Avis favorable.
Mme la ministre. Même avis.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement AC 776 du gouvernement précédemment défendu.
La Commission en vient à l'amendement AC 515 de Mme Isabelle Attard.
Mme Isabelle Attard. L'amendement est défendu.
M. le rapporteur. Avis défavorable, mais nous introduirons la notion de société civile dans le texte à l'occasion de son examen en séance publique.
Mme la ministre. Même avis.
Mme Isabelle Attard. Je retire l'amendement.
L'amendement AC 515 est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement AC 388 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. La stratégie nationale de recherche constitue un apport très positif que d'autres amendements conforteront. Je me félicite que le Parlement joue un rôle dans cette stratégie, d'autant que le travail entre le Parlement et le gouvernement souffre d'inconstance. L'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (OPECST) participe à l'élaboration des textes en amont, en plus de sa mission constitutionnelle de contrôle, et ce texte devrait le reconnaître.
Si le gouvernement s'engage à mieux associer le Parlement à l'élaboration de la stratégie nationale, je retirerai l'amendement AC 388, mais aussi les amendements AC 663 et AC 664 afin que nous élaborions ensemble un amendement pour la séance publique.
Mme la ministre. Il faut en effet nous donner le temps de la réflexion.
Le gouvernement déposera par ailleurs un amendement visant à affirmer l'importance de la recherche fondamentale et la nécessité de laisser ses acteurs travailler sereinement.
L'amendement AC 388, est retiré.
La Commission examine l'amendement AC 337 de M. Thierry Braillard.
M. Thierry Braillard. L'amendement est défendu.
M. le rapporteur. Avis défavorable. Dans ce texte, l'expression « communauté scientifique » inclut évidemment les enseignants chercheurs ; l'amendement se trouve donc sans objet et j'en souhaite le retrait.
Mme la ministre. Je m'en remets à la sagesse de la Commission.
M. Patrick Hetzel. Il s'agit d'un très bon amendement, car il convient de répondre favorablement à la volonté de la communauté universitaire d'être incluse dans la stratégie nationale de recherche.
Vous avez raison, monsieur le rapporteur, d'affirmer que les universitaires sont compris dans la communauté scientifique, mais la précision s'avère ici utile.
M. le rapporteur. Cette précision se révèle effectivement pertinente et j'émets donc un avis favorable à l'adoption de cet amendement.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AC 30 de M. Alain Rousset.
M. Stéphane Travert. Cet amendement vise à reconnaître le rôle spécifique des régions dans la stratégie nationale de recherche et de mieux les associer aux orientations définies par l'État.
M. le rapporteur. J'émets un avis favorable à cet amendement.
Les régions jouent un rôle important dans l'enseignement supérieur et, surtout, dans la recherche. Je déposerai donc à ce sujet un amendement, qui reprendra certaines dispositions des projets de loi de décentralisation présentés par Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, car elles me semblent équilibrées. En effet, je souhaite que l'action des régions soit reconnue, tout en rappelant que l'État possède une primauté dans ce domaine ; je ne m'inscris pas dans une logique de régionalisation, mais dans la volonté de reconnaître ce qui existe. C'est pour cela que je soutiens cet amendement et que je donnerai un avis défavorable à l'amendement de M. Jean-Yves Le Déaut - s'il était maintenu - visant à placer sur un pied d'égalité l'État, la région et l'établissement d'enseignement supérieur se liant par un contrat ; l'équilibre général du projet de loi présenté par Mme la ministre repose sur le retour d'un État stratège dans le secteur de la recherche, en contrepartie de l'autonomie des établissements.
Mme Marie-George Buffet. Je suis satisfaite d'entendre les propos de M. le rapporteur, car on ne peut pas se féliciter de voir ce projet de loi redonner à l'État des missions de coordination et de mise en cohérence de la politique de la recherche, tout en promouvant dans chaque article les régions et l'Union européenne. Veillons à ne pas restreindre le retour d'un État stratège dans le domaine de la recherche.
M. Patrick Hetzel. La formulation retenue par cet amendement se révèle ambiguë, car il faut veiller à ne pas favoriser la régionalisation de notre enseignement supérieur et de notre recherche. Cela ne signifie pas que les régions doivent être mises à l'écart ; celles-ci possèdent des compétences en matière de formation et d'économie, et un dialogue doit se nouer avec elles. Néanmoins, l'État doit pouvoir assumer sa fonction de garant et la rédaction de cet amendement, en mettant en avant un niveau particulier de collectivité territoriale, peut favoriser - même involontairement - le clientélisme. Afin de conjurer ce danger, je m'opposerai à l'adoption de cet amendement qui risque de déséquilibrer un édifice déjà fragile. D'ailleurs, les débats au sein des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche ont fait ressortir la nécessité de dresser des perspectives nationales, européennes et internationales. Ne tirons pas systématiquement les réflexions vers des préoccupations trop locales qui déconnecteraient notre enseignement supérieur et notre recherche d'enjeux qui se situent à une autre échelle.
M. Thierry Braillard. Si je voulais faire sourire M. le rapporteur, je lui dirais mon étonnement de voir un Girondin être si jacobin. Il faut trouver un équilibre, car nous ne pouvons pas minorer le rôle des régions, qui assument une part importante des investissements dans l'enseignement supérieur et qui ont pris ces dernières années des initiatives marquantes sans avoir contesté la fonction de stratège de l'État. Les régions sont donc un partenaire à part entière que l'on ne peut ni noyer au milieu des autres collectivités locales ni placer dans une position de second par rapport à l'État ; réduire la région à un payeur non habilité à prendre des décisions constituerait un inquiétant retour en arrière.
M. Jean-Yves Le Déaut. Un malentendu persiste sur ce sujet, car les participants aux Assises n'ont pas souhaité traiter de l' « Acte III » de la décentralisation, qui a néanmoins été abordé. Je partage l'avis de Mme Marie-George Buffet : rien ne serait pire qu'une régionalisation de l'enseignement supérieur, qui induirait des inégalités entre les établissements et entre les territoires. Les mesures adoptées par l'ancienne majorité dans le cadre des investissements d'avenir ont contribué à déséquilibrer le territoire national : certaines zones disposent de moins de chances de développement que d'autres, au nom de l'excellence promue par la compétition. Les universités souhaitent que l'enseignement supérieur et la recherche relèvent de la compétence de l'État, tout en voulant que leur territoire se développe. Les conseils régionaux promeuvent leur collectivité en finançant des investissements et des équipements, y compris dans l'enseignement supérieur. Il convient donc de mentionner les régions, même si on pourrait leur associer, sans les nommer, les autres collectivités territoriales.
Je suis en désaccord avec M. le rapporteur sur les contrats : certes, ceux-ci ne doivent pas être tripartites, car seul l'État est responsable, mais il faut organiser la discussion entre l'État et les universités sur l'autonomie, et entre l'État et les régions sur les contrats de projets État-région (CPER). Les universités devraient d'ailleurs être associées à l'élaboration des CPER. Même si le gouvernement ne peut être critiqué sur ce point, la région ne doit pas passer sous les « fourches Caudines » d'un État centralisateur. Je suis donc favorable à l'adoption de cet amendement.
M. Rudy Salles. Je soutiens la position défendue par M. Patrick Hetzel. Cet amendement est d'autant moins pertinent que la prochaine émergence des métropoles constituera une évolution importante ; il ne faut donc pas mettre en avant une collectivité territoriale particulière.
Mme Sandrine Doucet. Monsieur Hetzel, la situation fragile que vous avez évoquée, c'est celle que vous avez laissée ! Les régions ont consenti des investissements pour pallier le désengagement de l'État en matière de recherche. Reconnaître la place prise par les régions et promouvoir le rôle de stratège de l'État permettent de conjuguer les forces de ces acteurs : tel est, en tout cas, le message du groupe SRC et celui, me semble-t-il, de l'ensemble de la gauche.
M. Frédéric Reiss. Je voudrais remercier M. le rapporteur pour la position qu'il a exprimée sur le rôle des régions. Nul ne conteste le statut de chef de file de la région en matière d'enseignement supérieur, mais je tiens à préciser que l'égalitarisme ne sera pas synonyme d'excellence.
S'agissant des métropoles ou de l'euro-métropole strasbourgeoise, villes universitaires, nous ne connaissons pas l'articulation de leur action avec les régions, si bien qu'il apparaît dangereux de mettre autant en avant ces dernières dans le texte de la loi.
M. Patrick Hetzel. Madame Doucet, la Cour des comptes a écrit ceci : « l'enseignement supérieur et la recherche ont connu une augmentation des moyens sans précédent entre 2007 et 2012 ». Cette affirmation repose sur des faits incontestables et les nier revient à méconnaître la réalité ; en revanche, la répartition de ces crédits répond à des choix politiques qui peuvent faire l'objet d'un débat.
Le budget de l'enseignement supérieur pour 2013 contraste d'ailleurs avec les cinq années précédentes, car il affiche une baisse par rapport à l'année précédente, une fois neutralisées les dépenses liées au compte d'affectation spéciale (CAS) pensions : voilà le changement que l'on peut constater depuis l'élection de M. François Hollande !
Deuxième grief : l'ancienne majorité aurait introduit des déséquilibres. Or, si nous avons créé de nombreux outils - plan Campus, initiatives d'excellence, laboratoires d'excellence, etc. -, ce que vous nous reprochez parfois, ce n'était pas par lubie ou par désir de complexifier, mais pour stimuler l'excellence là où cela était possible. Les financements au titre des laboratoires d'excellence, par exemple, ont concerné l'ensemble du territoire national. En revanche, les initiatives d'excellence ont en effet conduit à des concentrations de moyens, non pour engendrer des déséquilibres ou des inégalités mais pour satisfaire des objectifs de base - le maintien d'un haut niveau d'enseignement supérieur et de recherche sur l'ensemble du territoire - tout en favorisant l'émergence de pôles d'excellence capables de rivaliser avec les meilleurs pôles au niveau mondial.
En revenant sur ces orientations, vous prenez une lourde responsabilité car la France risque de régresser dans la compétition internationale.
M. le rapporteur. Le Sénat s'apprête à examiner le projet de loi relatif à la modernisation de l'action publique territoriale et à l'affirmation des métropoles. Le sujet, on le sait, est complexe. Bien que je préside une future métropole qui met beaucoup d'argent, en particulier, dans le plan Campus, je considère que le rôle de chef de file des collectivités locales en matière d'enseignement supérieur et de recherche revient aux régions. Du reste, celles-ci assurent 80 à 85 % de la dépense totale des collectivités - environ 1,2 milliard d'euros par an - en matière de recherche et technologie.
En l'espèce, donc, je reconnais cette particularité aux régions, et ce d'autant plus volontiers que je m'efforce d'éviter le conflit entre régions et métropoles que l'on voit poindre çà et là - ce qui ne m'empêche pas d'avoir parfois des discussions très vives avec mon ami Alain Rousset !
Au niveau national, l'État se doit de reconnaître le rôle des régions. Je soutiendrai d'ailleurs, contre l'avis du gouvernement, des amendements visant à faire siéger au moins un président de région au sein du Conseil stratégique de la recherche.
Pour ce qui est des schémas régionaux de l'enseignement supérieur et de la recherche, les équilibres ménagés par le projet de loi de Mme Marylise Lebranchu devraient lever toute polémique sur une éventuelle régionalisation.
Cela dit, le rôle de l'État stratège est majeur. La contractualisation doit intervenir d'abord entre l'État et l'université, même s'il faut également un lieu où l'ensemble des partenaires puissent se parler. À cette fin, d'ailleurs, je proposerai un amendement tendant à créer l'équivalent d'un document unique de programmation associant l'État, les universités et les collectivités territoriales, sachant que, dans certains endroits, le financement assuré par les départements ou les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) atteint presque celui des régions. J'avais envisagé d'aller plus loin s'agissant des bâtiments universitaires, mais le sujet est difficile. Avec les amendements que je défendrai, je crois que nous parviendrons à un équilibre. Oui, monsieur Braillard, je suis bien un Girondin !
Mme la ministre. Sur la question des compétences respectives des différentes collectivités, qui donne lieu à des prises de position transpartisanes, je suis solidaire de Mme Marylise Lebranchu. Il ne fait pas de doute que le futur « Acte III » de la décentralisation aura un impact sur ce texte.
Votre apologie de la politique du précédent gouvernement est compréhensible, monsieur Hetzel. Mais, lorsque je suis arrivée à ce ministère, pas un seul permis de construire n'avait été déposé cinq ans après le lancement du plan Campus. Les quelques ébauches de réalisation avaient été financées par les régions, avec parfois la participation des EPCI ou des conseils généraux.
Il faut donc être pragmatique et reconnaître que les régions, dans tous les territoires, assurent un leadership en la matière. Ce projet de loi vise à articuler le dynamisme d'écosystèmes que j'avais prudemment qualifiés d'académiques, d'interacadémiques et de transfrontaliers - ceux-là même que le précédent gouvernement avait tenté de couler dans un moule unique tout en leur expliquant qu'ils étaient autonomes - et un État stratège qui ne doit pas, comme c'était le cas auparavant, déléguer sa compétence à une agence et réduire la stratégie nationale de recherche et d'innovation à un « copié-collé » de réflexions éparses. Le nouveau dispositif permettra un véritable travail en commun coordonné par l'État, en lien avec l'Office parlement parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, (OPECST).
Bref, il faut retrouver la force de l'État stratège et régulateur tout en reconnaissant l'apport des écosystèmes territoriaux et le rôle joué par la région. Le projet de loi vise à établir le point d'équilibre dont l'absence, précisément, avait conduit au blocage des dispositifs précédents.
Concernant l'amendement AC 30, il n'est peut-être pas nécessaire d'évoquer à cet endroit du texte le rôle de chefs de file des régions, dans la mesure où il en est fait mention plus loin. Mais je m'en remets à la sagesse de la Commission.
La Commission adopte l'amendement AC 30.
Elle examine ensuite l'amendement AC 193 de M. Rudy Salles.
M. Rudy Salles. L'amendement est défendu.
M. le rapporteur. L'article 13 prévoit déjà l'avis du Conseil national l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER). Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
La Commission rejette l'amendement.
L'amendement AC 663 de M. Jean-Yves Le Déaut a été retiré.
La Commission en vient aux amendements AC 291 de M. Patrick Hetzel et AC 681 du gouvernement, pouvant faire l'objet d'une discussion commune.
M. Patrick Hetzel. L'amendement AC 291 est défendu.
Mme la ministre. Compte tenu des compétences de l'OPECST, il lui revient d'élaborer le rapport biennal sur la stratégie nationale de recherche et les conditions de sa mise en œuvre. L'Office me semble quelque peu sous-utilisé dans le débat parlementaire, eu égard à l'expertise qu'il a accumulée et à la qualité unanimement reconnue de ses rapports.
M. le président Patrick Bloche. Les deux amendements ont le même objet. Accepteriez-vous, monsieur Hetzel, de retirer le vôtre au profit de celui du gouvernement ?
M. Patrick Hetzel. Oui.
L'amendement AC 291 est retiré.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l'amendement AC 681.
Puis, suivant l'avis favorable du rapporteur, elle adopte l'amendement AC 338 de M. Thierry Braillard.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC 623 de M. Sébastien Denaja.
M. Sébastien Denaja. L'amendement est défendu car je souhaite connaître l'avis du gouvernement sur son contenu relatif à la présentation sexuée des éléments du rapport. Si cet avis est favorable, je le retirerai pour en modifier la rédaction et le présenter à nouveau en vue de la séance publique.
Mme Maud Olivier. Si nous voulons progresser en matière d'égalité professionnelle des femmes et des hommes et de lutte contre les discriminations, nous devons disposer de données chiffrées selon les sexes. Si les expressions de « statistiques sexuées » ou de « statistiques de genre » ne conviennent pas, il faut en trouver d'autres.
M. le rapporteur. Sur le fond, je suis tout à fait favorable à l'amendement.
Mme la ministre. Je confirme l'avis favorable que j'ai exprimé hier.
L'amendement est retiré.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l'amendement AC 29 de Mme Maud Olivier.
L'amendement AC 664 de M. Jean-Yves Le Déaut a été retiré.
La Commission est saisie de l'amendement AC 130 de Mme Marie-George Buffet.
Mme Marie-George Buffet. Je souhaite avoir des explications sur la suppression, dans le projet de loi, du Conseil supérieur de la recherche et de la technologie (CSRT), qui assure la représentation de la société en matière de consultation sur la politique de recherche du gouvernement et qui a démontré sa capacité d'auto-saisine sur de nombreux dossiers.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
Mme la ministre. Cette suppression avait déjà été évoquée lors des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous avons décidé de simplifier le dispositif en transférant les compétences du CSRT au CNESER, où la représentation de l'ensemble des acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche sera également assurée. En devenant l'interlocuteur unique, le CNESER pourra développer une vision plus stratégique et plus politique.
Mme Marie-George Buffet. Je retire l'amendement.
L'amendement est retiré.
La Commission en vient à l'amendement AC 292 de M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel. Il s'agit d'un amendement relatif au rôle de l'OPECST, qui est cohérent avec l'amendement AC 681 du gouvernement, précédemment adopté.
M. le rapporteur. La rédaction proposée semble attribuer à l'OPECST un monopole en matière d'évaluation de la mise œuvre de la stratégie nationale de recherche, alors que ce rôle est également dévolu, entre autres, aux commissions parlementaires.
M. le président Patrick Bloche. Je ne pense pas que ce soit votre intention, monsieur Hetzel…
M. Patrick Hetzel. Non, mais la rédaction du projet de loi - « contribue à l'évaluation de » - me paraît un peu faible.
Mme la ministre. Dans votre proposition, on risque de comprendre que seul l'OPECST procède à cette évaluation. Ce n'est pas la volonté du gouvernement.
M. Jean-Yves Le Déaut. Le texte gouvernemental est respectueux des règles constitutionnelles, qui confient au Parlement dans son ensemble une mission d'évaluation et de contrôle. La rédaction « contribue à l'évaluation » permettra à l'Office de réaliser des contrôles communs, comme il l'a déjà fait par deux fois. J'ajoute qu'il conviendrait également de préciser le rôle de l'Office en amont.
M. Patrick Hetzel. J'accepte de retirer mon amendement, tout en soulignant que l'argument du risque de monopole que l'on m'oppose ici est celui que j'avais mis en avant sans être entendu s'agissant du rôle des régions…
L'amendement AC 292 est retiré.
Puis la Commission adopte l'article 11 modifié.
Article 12
Objectif complémentaire de la politique publique de la recherche
L'article L. 112-1 du code de la recherche définit les objectifs de la politique publique de la recherche.
Comme à l'article 10 du projet de loi, il est, dans le 1° de l'article 12, proposé de préciser que parmi ces objectifs, la valorisation des résultats de la recherche soit complétée par leur transfert, et vers les secteurs socio-économiques.
Les neuf sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT) actuelles (deux sont en cours de création, et cinq nouveaux projets en cours de finalisation), créées dans le cadre du programme des investissements d'avenir comme filiales d'universités et d'organismes de recherche sont d'ores et déjà une illustration de cet objectif. Elles ont en effet pour mission, à l'interface des laboratoires publics et des entreprises, de traduire les découvertes et les compétences de la recherche publique. Cette professionnalisation de la valorisation de la recherche publique devrait permettre d'en renforcer les capacités, en stimulant les transferts vers le monde socio-économique et en dynamisant la maturation économique des projets de recherche les plus prometteurs. L'accélération du transfert technologique vers les entreprises devrait également accroître le potentiel d'innovation et la compétitivité de notre industrie en favorisant la création d'entreprises innovantes et d'emplois hautement qualifiés.
Le 2° de l'article 12 propose que l'objectif pour la recherche publique, introduit par la loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006, de développer une capacité d'expertise, soit complété par l'appui aux politiques publiques en réponse aux grands défis sociétaux.
Le renforcement nécessaire du lien entre l'élaboration politique et le remarquable appareil de la recherche publique française, matérialisé par exemple, et depuis sa création, par les travaux de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, est ainsi précisé dans la loi.
*
La Commission adopte l'amendement de précision AC 691 du rapporteur.
Elle est ensuite saisie des amendements identiques AC 516 de Mme Isabelle Attard et AC 131 de Mme Marie-George Buffet.
Mme Isabelle Attard. J'ai déjà exposé les arguments en faveur de l'amendement AC 516.
Mme Marie-George Buffet. L'amendement AC 131 est également défendu.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements.
Elle en vient à l'amendement AC 389 de M. Jean-Pierre Le Roch.
M. Jean-Pierre Le Roch. Il s'agit du même élargissement, au service de la société, que celui proposé à l'article 10.
M. le rapporteur. Je ne suis pas certain que le sujet soit le même.
Mme la ministre. La logique est en effet différente. Parler d'un « transfert des résultats de la recherche au service de la société », comme le voudrait l'amendement, me paraît ici peu compréhensible.
M. Frédéric Reiss. Pour ma part, je crois que nous sommes exactement dans le même cas de figure qu'à l'article 10.
M. le président Patrick Bloche. Je suggère un retrait en attendant un réexamen pour la séance publique.
M. Jean-Pierre Le Roch. D'accord.
L'amendement AC 389 est retiré.
L'amendement AC 665, du même auteur, est également retiré.
La Commission est saisie de l'amendement AC 517 de Mme Isabelle Attard.
Mme Isabelle Attard. Cet amendement précise que le partage et la diffusion des connaissances scientifiques doivent se faire en priorité à l'aide de formats libres d'accès. En effet, lorsque l'on utilise des formats de fichier Microsoft par exemple, on contraint ceux qui souhaitent les lire à acheter le même logiciel - ce qui engendre une distorsion de concurrence et freine la diffusion des connaissances scientifiques.
M. le rapporteur. Comme précédemment, si je suis tout à fait d'accord sur le fond de l'amendement, sa rédaction pose néanmoins problème. C'est pourquoi je souhaiterais qu'il soit retiré afin de le retravailler d'ici à l'examen du texte en séance publique.
Mme la ministre. Même avis.
L'amendement AC 517 est retiré.
Puis la Commission en vient à l'amendement AC 666 de M. Jean Pierre Le Roch.
L'amendement est retiré.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette ensuite l'amendement AC 293 de M. Patrick Hetzel.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AC 692 du rapporteur.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, elle adopte l'amendement AC 31 de M. Ibrahim Aboubacar.
Elle examine ensuite l'amendement AC 518 de Mme Isabelle Attard.
Mme Isabelle Attard. Dans un but de transparence des recherches et de partage des connaissances, les données scientifiques doivent être accessibles à tous. Le système d'archives ouvertes « HAL » du CNRS en constitue d'ailleurs un très bon exemple. Malheureusement, les chercheurs et les laboratoires de notre pays sont trop peu incités à mettre leurs productions scientifiques en accès libre alors même que certains laboratoires étrangers n'évaluent la production des chercheurs que sur le fondement des données scientifiques qui sont réellement en accès libre - phénomène important qui va s'amplifier dans ces laboratoires étrangers.
M. le président Patrick Bloche. Bien qu'il ait été déposé après l'article 12, l'amendement AC 390 de M. Jean-Yves Le Déaut vise le même objectif. Je propose donc à son auteur de le présenter dès maintenant.
M. Jean-Yves Le Déaut. S'il concerne également l'accès libre aux publications scientifiques, l'amendement AC 390 a une portée beaucoup plus large que l'amendement AC 518. Un problème se pose en effet : lorsqu'un scientifique publie des données, la totalité de sa publication devient propriété des éditeurs.
S'étant saisie de la question, la Commission européenne a précisé dans une recommandation publiée le 17 juillet 2012 que les politiques de libre accès visent à fournir au lecteur un accès gratuit au stade le plus précoce de la diffusion-publication scientifique et à permettre l'utilisation et la réutilisation des résultats de recherche scientifique lorsque celle-ci est financée par des fonds publics. Mener une telle politique nous permettra d'améliorer notre capacité d'innovation, de diffuser, de certifier et de conserver les publications scientifiques et de lutter contre la fraude scientifique. Ces données devront être conservées dans des « open sources », bibliothèques nationales de dépôt légal responsables de cette conservation.
L'amendement que j'ai rédigé s'inspire des termes employés par la Commission européenne - qui nous demande d'ailleurs d'ici la fin 2013 de lui fournir les résultats de la politique que nous aurons menée en la matière. Si le gouvernement a bien sûr la possibilité de modifier le texte de mon amendement d'ici à la séance publique, le voter constituerait déjà un signe positif.
M. le rapporteur. Les amendements AC 518 et AC 390 ne portent pas tout à fait sur le même sujet. Si je suis favorable à l'amendement AC 518, je ne mesure pas suffisamment la portée de l'amendement AC 390 vis-à-vis des éditeurs et de certaines revues scientifiques et crains que si l'on ne préserve pas un minimum de délais avant publication, on ne fragilise encore davantage nos éditeurs scientifiques nationaux. C'est pourquoi je propose que cet amendement soit retiré et retravaillé d'ici à la séance publique.
Mme la ministre. Je suis favorable à l'amendement AC 518. Quant à l'amendement AC 390, il vise un sujet extrêmement sensible auquel réfléchissent de nombreux acteurs depuis un certain temps. Au niveau européen, cette réflexion n'a pas encore abouti tant les points de vue diffèrent selon les États membres. Nous souhaitons cependant adopter une position commune afin de renforcer la recherche et la diffusion des savoirs. C'est pourquoi une réunion de huit ministres européens de l'enseignement supérieur et de la recherche est prévue au début du mois de juin.
J'ajoute que le traitement de ce sujet complexe aura un impact sur les éditeurs, les finances des organismes publics, la confidentialité de certaines données et le pillage par d'autres pays plus performants que nous en matière de transferts et qui pourraient « siphonner » les résultats de notre recherche afin de les convertir plus rapidement en des applications utiles.
C'est pourquoi si cet amendement part d'une bonne intention, il convient d'en éviter les effets pervers. Je propose donc d'en rediscuter plus tard dans la mesure où certaines options n'ont pas encore été tranchées, malgré le dispositif HAL et les pratiques d'un certain nombre d'organismes de recherche. Et je suis d'accord pour retravailler le sujet avec vous, peut-être dans le cadre réglementaire plutôt que législatif, et une fois que notre réflexion européenne aura abouti.
Mme Sandrine Doucet. Je préfère l'amendement AC 390 à l'amendement AC 518 car seul le premier prévoit des garanties en termes de respect de la vie privée. Mme Isabelle Attard a évoqué la mise à disposition des archives : or les directeurs d'archives ont actuellement de nombreuses attentes vis-à-vis de la réunion de juin évoquée par la ministre. Et mettre à disposition en accès libre le résultat de recherches revient à ouvrir l'accès aux registres de naissance et à des courriers personnels - c'est-à-dire à mettre en cause le respect de la vie privée des individus.
M. Jean-Yves Le Déaut. Je précise tout d'abord que mon amendement prévoit des délais de publication, et ensuite, que je ne suis pas parti de rien pour le rédiger mais de la recommandation de la Commission européenne du 17 juillet 2012 qui prévoit d'en faire le bilan un an après. En outre, les éditeurs français que j'ai rencontrés ne semblent pas redouter la mise en accès libre des résultats de la recherche. Un grand nombre d'entre eux considère en effet qu'aujourd'hui, si nous prenons nos précautions, nous nous prémunirons contre l'accaparement des données scientifiques par quelques éditeurs.
C'est pourquoi je propose que l'on aille plus loin que de se contenter de commencer à s'intéresser au sujet, tant il inquiète la communauté scientifique. Je tiens d'ailleurs à votre disposition un courrier signé par de nombreux éditeurs français qui se trouvent confrontés à quelques multinationales de l'édition.
Enfin, si mon amendement est adopté, le gouvernement aura ensuite toute latitude pour le modifier.
Mme Isabelle Attard. Je souhaiterais lever un malentendu, compte tenu des propos tenus par Mme Sandrine Doucet. Lorsque j'ai évoqué les archives, je visais l'archivage des publications scientifiques du CNRS et en aucun cas des archives nationales. Mon amendement ne présente donc aucun risque d'atteinte au respect de la vie privée.
M. le rapporteur. Je confirme mon avis favorable à l'amendement AC 518 et ajoute à la précision d'Isabelle Attard que les données personnelles sont déjà protégées par la loi.
M. le président Patrick Bloche. Un débat sur la protection des données personnelles est d'ailleurs prévu à l'Assemblée nationale le 11 juin prochain.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l'amendement AC 518.
Elle adopte ensuite l'article 12 modifié.
La Commission en revient à l'amendement AC 390 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. le rapporteur. Je maintiens ma demande de retrait de cet amendement, sans quoi j'y serai défavorable, compte tenu de la réunion des ministres européens qui se tiendra en juin prochain.
Mme la ministre. J'émets le même avis d'autant plus que si nous parvenons à définir une position commune à l'occasion de cette rencontre, nous pourrons réintroduire la disposition au Sénat. Cela étant, ne nous berçons pas d'illusions : cela fait fort longtemps que nous discutons de ce sujet complexe - auquel il faut bien sûr s'intéresser compte tenu de son importance pour les scientifiques et les organismes de recherche. Mais pour l'instant, nous n'avons pas encore trouvé de solution commune aux différents pays d'Europe ni même aux différents organismes de recherche.
M. Jean-Yves Le Déaut. Je maintiens mon amendement, tant nous sommes interpellés sur cette question et dans la mesure où nous aurons peut-être achevé l'examen du projet de loi lorsque les ministres européens se prononceront.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement AC 390.
Article 12 bis (nouveau)
Objectif complémentaire des missions du service public de l'enseignement supérieur
La Commission a adopté par amendement cet article complétant les missions du service public de l'enseignement supérieur en matière de recherche fondamentale et appliquée et de technologie, telles qu'elles sont définies à l'article L. 112-3 du code de la recherche reproduisant l'article L. 123-5 du code de l'éducation afin d'ajouter, à la liaison nécessaire entre les activités d'enseignement et de recherche, celles d'innovation.
*
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l'amendement AC 32 de M. Jean-Pierre Le Roch portant article additionnel après l'article 12.
Article 12 ter (nouveau)
Articulation des stratégies nationales et des schémas régionaux de l'enseignement supérieur et de la recherche
La Commission a adopté un amendement créant cet article qui vise à articuler les différentes échelles de la stratégie nationale de la recherche et de l'enseignement supérieur avec les politiques et schémas régionaux, dans le cadre proposé par le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche. Il paraît en effet souhaitable que cet élément essentiel de la cohérence des politiques publiques de la recherche et de l'enseignement supérieur soit intégré dans le texte qui en fixe l'orientation.
L'article 12 ter insère donc dans le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche l'article 16 du projet de loi de mobilisation des régions pour la croissance et l'emploi et de promotion de l'égalité des territoires (déposé au Sénat) qui a pour objet, comme le précise l'exposé des motifs le concernant, de contribuer « à l'affirmation du rôle des régions en matière de formation supérieure en redéfinissant le périmètre et la portée du plan régional de développement des formations supérieures. » Ainsi sera constitué « le cadre de référence des différents schémas relevant de la région en matière de formation et d'innovation ».
L'article L. 214-2 du code de l'éducation est modifié dans ce double objectif et, également, précisé, afin que « la région coordonne les initiatives pour développer et diffuser la culture scientifique, technique et industrielle, notamment auprès des jeunes publics ».
Le lien entre stratégie nationale, carte des formations supérieures et de la recherche et schéma régional est ainsi institutionnalisé.
*
La Commission examine ensuite en discussion commune les amendements AC 694 du rapporteur, AC 391 de M. Jean-Yves Le Déaut et AC 512 de Mme Isabelle Attard, portant article additionnel après l'article 12.
M. Jean-Yves Le Déaut. Quelle est la différence entre ces amendements relatif au rôle de la région ?
M. le président Patrick Bloche. Votre amendement, monsieur Le Déaut, comporte deux paragraphes qui ne figurent pas dans celui du rapporteur : le premier de ces deux paragraphes prévoit que la région fixe en lien avec les universités et établissements les objectifs en matière de formation tout au long de la vie, de formation par alternance et apprentissage dans l'enseignement supérieur ainsi que les objectifs de validation des acquis de l'expérience. Le second précise qu'elle participe à la gouvernance des plateformes technologiques, des structures consacrées à la recherche technologique et au transfert de technologie.
Mme Isabelle Attard. Mon amendement met l'accent sur la carte des formations supérieures et de la recherche. Cependant, je trouve celui du rapporteur plus complet et retire donc le mien.
Les amendements AC 391 et AC 512 sont retirés.
Mme la ministre. Avis favorable à l'amendement AC 694.
La Commission adopte l'amendement AC 694.
La Commission est saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 12.
Elle examine l'amendement AC 693 du rapporteur.
M. le rapporteur. Lors des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche et dans nos discussions préalables à l'examen du projet de loi, la question des moyens financiers de l'enseignement supérieur a été posée. Certes, la ministre a déjà obtenu un certain nombre d'avancées en la matière et la loi pour la refondation de l'école prévoit des postes en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche. Mais nous avons également relevé l'existence de difficultés et constaté que les chercheurs avaient des attentes à cet égard. C'est pourquoi cette question nous paraît devoir être abordée.
Nous avons d'ores et déjà ouvert le débat lorsque nous avons évoqué le régime des étudiants étrangers ou la formation professionnelle. Mais l'on peut aussi s'interroger sur l'efficacité du crédit impôt recherche dont le coût s'élève à 6 milliards d'euros. Ne pourrait-on récupérer quelques dizaines ou centaines de millions au profit de l'enseignement supérieur et de la recherche ?
Mesure de précaution, cet amendement prévoit donc l'élaboration d'un Livre blanc de l'enseignement supérieur et de la recherche qui devra être présenté tous les cinq ans au Parlement. Je reprends volontairement la notion de « Livre blanc » car elle renvoie au Livre blanc de la défense, qui articule la stratégie et la question des moyens financiers - éléments fondamentaux dans le domaine qui nous occupe. Ce Livre blanc nous permettra de rouvrir régulièrement le débat stratégique sur les moyens financiers de l'enseignement supérieur et de la recherche et d'éviter ainsi que ces sujets passent dans la « lessiveuse » du projet de loi de finances.
Mme la ministre. Qu'entend-on ici par « Livre blanc » ? S'il s'agit d'un rapport, je rappelle que le projet de loi en prévoit déjà deux : l'un sera publié tous les deux ans, et l'autre, tous les cinq ans. En outre, par qui sera-t-il rédigé et nécessitera-t-il un an de travail comme le Livre blanc de la défense, qui a mobilisé un certain nombre de comités et nécessité le recours à des sociétés de conseil en méthodologie, avec les coûts que cela implique - sachant par ailleurs que l'un des objectifs du projet de loi consiste justement à « détechnocratiser » et à alléger la charge bureaucratique des organismes dont l'objet consiste à faire de la recherche et non à remplir des formulaires ou à faire des statistiques ? Vous ne pourrez rédiger seul ce Livre blanc : il vous faudra organiser des auditions et mobiliser les acteurs. Or nous nous sommes suffisamment plaints de la lourdeur des procédures lors du quinquennat précédent.
Et si ce Livre blanc définit des orientations stratégiques, y compris de nature financière, comment cela s'articulera-t-il avec le Conseil stratégique de la recherche que nous mettons en place ? Ces démarches ont des objets parallèles et l'on voit mal en quoi un tel Livre blanc renforcerait la démocratie et la cohérence de notre stratégie.
Enfin, les choix financiers sont décidés par le gouvernement dans le cadre d'une discussion budgétaire à laquelle je participe activement. Quand bien même chaque ministère rédigerait-il un Livre blanc afin de montrer l'importance de son portefeuille - qu'il s'agisse du social, des droits des femmes ou des transports -, l'arbitrage s'opérera toujours au niveau interministériel.
Ainsi, si l'intention poursuivie par cet amendement est bonne, sa mise en œuvre soulève de nombreuses questions. Avis défavorable.
M. Rudy Salles. Je suis d'accord avec Mme la ministre. Si le président de la Commission des finances l'avait entendue, il aurait immédiatement fait valoir l'article 40 de la Constitution.
Depuis hier, nous avons souvent évoqué la « jurisprudence Durand » alors qu'elle est battue en brèche d'heures en heures. Il faut faire preuve de sagesse et arrêter de demander la publication de rapports, sinon, il faudra déposer des amendements afin de construire des placards pour les entreposer sans qu'ils aient été lus !
Mme Marie-George Buffet. Le dispositif proposé par M. le rapporteur permet tout de même de nous interroger sur les moyens dévolus à l'enseignement supérieur et à la recherche. Il n'est pas possible, autrement, d'évoquer par exemple la mise en place d'un plan de résorption de la précarité.
J'entends les propos de Mme la ministre sur les arbitrages qui sont réalisés tous les ans mais nous avons été capables, dans la loi sur la refondation de l'école, de décider d'une programmation sur plusieurs années. Je ne sais pas si le Livre blanc sera efficace mais je regrette que nous n'en ayons pas fait de même en ce qui concerne l'enseignement supérieur. Le Président de la République veut faire de l'éducation une priorité ; or l'éducation ne s'arrête pas à la fin du second degré.
M. Jean-Yves Le Déaut. À la différence de M. Rudy Salles, je considère qu'un pays a besoin de savoir quelles sont ses priorités. La défense peut en être une, certes, mais l'enseignement supérieur et la recherche aussi, nous en sommes convaincus.
Le rapporteur, quant à lui, a de bonnes lectures.
En effet, dans le rapport que j'ai rendu au Premier ministre et à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, j'ai demandé l'établissement d'un cadre stratégique à moyen terme. Cette demande est satisfaite par la création du Conseil stratégique de la recherche.
J'ai également écrit qu'il convenait d'accompagner la nouvelle loi d'orientation d'un Livre blanc fixant les perspectives de développement de l'enseignement supérieur à cinq ans afin d'atteindre les objectifs qui sont les nôtres.
J'ai aussi mentionné la nécessité d'un effort soutenu chaque année.
Enfin, j'ai fait état du principe de sincérité budgétaire en matière de financement de l'enseignement supérieur et de la recherche afin que nous puissions disposer d'une vision consolidée de l'ensemble des financements publics et privés par sites, activités, filières et niveaux d'études.
L'idée de rédiger un Livre blanc est donc bonne, je l'ai défendue, mais le Conseil stratégique rend peut-être ce Livre blanc superfétatoire.
Quoi qu'il en soit, je demeure solidaire de M. le rapporteur.
M. Patrick Hetzel. Comment expliquer qu'un tel amendement ne soit pas passé sous le couperet de l'article 40 ?
M. le président Patrick Bloche. Peut-être parce qu'il n'est pas précisé qui doit présenter le Livre blanc…
M. Pascal Deguilhem. J'entends les propos de Mme la ministre mais je ne suis pas certain que M. le ministre de la défense soit mécontent de disposer d'un Livre blanc qui lui a permis de préserver certains domaines, bien qu'il en connaisse le coût et les limites.
Dans mon département, même si la situation n'est évidemment pas comparable, la politique des collèges est adossée à un Livre blanc, lequel constitue un outil de référence. Un document de ce type me semble donc utile.
M. le rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques. Je comprends M. le rapporteur mais, comme M. Jean-Yves Le Déaut l'a souligné, un tel Livre blanc pourrait faire double emploi avec le Conseil stratégique.
En outre, il pourrait dévaloriser le rôle du Parlement dans la discussion de la stratégie nationale de recherche. Sans doute, d'ailleurs, pourrait-on réfléchir à la place de notre institution dans une telle élaboration.
M. le rapporteur. Je voulais provoquer un débat et je me réjouis que cela soit le cas.
Ce projet de loi est bon mais nous devons poser la question des moyens même si je sais fort bien qu'il ne s'agit pas d'une loi de programmation. Nous nous demandons d'ailleurs significativement comment maintenir les capacités financières des universités ou comment améliorer la vie des étudiants. Le principe du Livre blanc vise à montrer que cette loi n'épuisera pas l'ensemble de ces questions. Nous avons besoin d'une politique au long cours, ce qui suppose de s'interroger sur les moyens dont nous disposerons dans le long terme et pas seulement à l'occasion des exercices budgétaires réguliers. Tel est le sens de cet amendement.
Il n'est pas question de créer un nouveau « bidule » et j'entends bien les propos de M. Rudy Salles mais, s'il en va autrement, les outils que nous mettons en place, dont le Conseil stratégique de la recherche, pâtiront d'une certaine faiblesse.
S'agissant des conditions de vie étudiante, par exemple, nous savons qu'il n'existe pas de marge budgétaire mais nous savons aussi qu'il est possible de discuter des ressources existantes, dont le coût de la demi-part fiscale. Ce débat doit avoir lieu, quelles qu'aient été les décisions prises. Je le répète : nous devons faire preuve de cohérence s'agissant des moyens nécessaires sur le long terme. Les ministères pour lesquels cette question est décisive ne sont d'ailleurs pas si nombreux que cela.
Tel qu'il est, cet amendement manque peut-être de clarté. Je le retire donc mais j'en déposerai un autre, plus précis.
Mme Isabelle Attard. J'ai hâte de connaître la nouvelle mouture de cet amendement.
Les 50 000 emplois précaires constituent le problème le plus important de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ce Livre blanc permettrait de vérifier si la redistribution des fonds, par l'ANR, aux fonds pérennes et aux appels à projets a porté ses fruits, si l'allocation d'études est réalisable, si elle a été correctement mise en place et si, enfin, les problèmes dont ont fait état les Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche ainsi que le rapport de M. Jean-Yves Le Déaut peuvent être résolus.
La publication de ce Livre blanc est plus qu'importante.
M. le président Patrick Bloche. Je sais combien M. le rapporteur est attaché à cette question sur laquelle nous aurons l'occasion de revenir en séance publique.
L'amendement AC 693 est retiré.
La Commission examine l'amendement AC 519 de Mme Isabelle Attard.
Mme Isabelle Attard. Notre groupe n'a pas pour habitude de demander la rédaction de nombreux rapports mais, en l'occurrence, nous voulons que six mois après la publication de cette loi, le gouvernement remette au Parlement un rapport sur le développement des recherches partenariales avec la société civile. En effet, il faut encourager les universités à s'ouvrir sur la société, les citoyens devant disposer des moyens pour s'impliquer dans les travaux de recherches et les débats publics.
Parallèlement aux « labels Carnot » attribués aux laboratoires publics engagés dans des partenariats avec des entreprises, nous souhaitons vivement qu'un nouveau label soutienne les laboratoires publics qui s'engageraient à organiser des coopérations actives avec le monde associatif.
M. le rapporteur. Avis défavorable à la multiplication des rapports même s'il s'agit, en l'occurrence, d'un sujet important.
En outre, la question de l'ouverture à la société civile, notamment au sein des conseils d'administration, sera examinée plus tard.
Mme la ministre. Même avis.
Mme Isabelle Attard. Je retire mon amendement.
L'amendement AC 519 est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement AC 520 de Mme Isabelle Attard.
Mme Isabelle Attard. Cet amendement va dans le même sens que le précédent et je le retire.
L'amendement AC 520 est retiré.
TITRE II
LE CONSEIL NATIONAL DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
ET DE LA RECHERCHE
La Commission examine l'amendement AC 132 de Mme Marie-George Buffet, portant article additionnel avant l'article 13.
Mme Marie-George Buffet. Nous voulons renforcer le rôle du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER).
M. le rapporteur. C'est ce que fait le projet de loi, mais le CNSER doit demeurer un organe consultatif et non délibératif. Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
La Commission rejette l'amendement.
Article 13
Réforme du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche
Le présent article tend à modifier l'article L. 232-1 du code de l'éducation en élargissant à la recherche dans son ensemble, au-delà de la seule recherche universitaire, les compétences du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER).
Cet élargissement doit contribuer à la simplification du paysage des organes consultatifs puisqu'il aura pour conséquence la suppression du Conseil supérieur de la recherche et de la technologie (CSRT), créé par décret. Cette unification se justifie par l'imbrication des activités de formation, de recherche et d'innovation.
Les différents alinéas de cet article tirent les conséquences de cet élargissement :
- sur les compétences du CNESER, qui sera désormais consulté sur les stratégies nationales de l'enseignement supérieur et de la recherche ;
- et sur sa composition, qui permettra la représentation des établissements publics de recherche et de leurs personnels.
● La situation actuelle
L'existence de deux instances consultatives, CNESER et CSRT, est le résultat de l'histoire et tient au fait que l'enseignement supérieur d'une part et la recherche d'autre part ont longtemps dépendu de deux ministères séparés. Cet état de fait a conduit le ministère de la recherche, nouvellement créé en 1982, à installer sa propre instance consultative, le CSRT.
Il en résulte que le champ de compétence du CNESER manque de cohérence et de lisibilité. En effet, s'il est compétent en matière d'enseignement supérieur et de recherche, sa compétence en matière de recherche est incomplète puisqu'elle ne recouvre que la recherche universitaire.
Rappelons que le CNESER donne un avis sur la politique d'enseignement supérieur et de recherche universitaire en particulier :
- la répartition des dotations d'équipement et de fonctionnement et des emplois entre les différents établissements ;
- l'habilitation des établissements publics d'enseignement supérieur à délivrer des diplômes nationaux ;
- la création des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) ou des écoles et instituts ;
- la carte des formations supérieures et de la recherche.
Il exerce également un pouvoir disciplinaire en appel des décisions des sections disciplinaires des universités.
Le CNESER est composé de 68 membres en plus du ministre de l'enseignement supérieur, qui le préside :
- 5 représentants des chefs d'établissements : 4 représentants de la Conférence des présidents d'université (CPU) et 1 représentant de la Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs (Cdefi) ;
- 22 représentants des enseignants-chercheurs ;
- 11 étudiants ;
- 1 représentant des personnels scientifiques et des bibliothèques ;
- 6 représentants des personnels BIATOSS (bibliothécaires, ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers, personnels sociaux et de santé) ;
- et 23 personnalités représentant les forces politiques, économiques, sociales et culturelles du pays, notamment un député, un sénateur, un membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et des représentants des organisations syndicales et patronales.
Tous les membres sont élus ou nommés pour quatre ans, à l'exception des étudiants qui sont élus pour deux ans.
En ce qui concerne le CSRT, il constitue l'instance de consultation du ministre chargé de la recherche pour tous les grands choix de la politique scientifique et technologique du gouvernement. Il contribue à assurer la concertation entre les acteurs de la recherche et la société. À cet effet, il participe à l'animation du dialogue et du partage de l'information scientifique et technique avec la communauté nationale.
Il est placé auprès du ministre chargé de la recherche et présidé par lui.
Il est consulté par le ministre chargé de la recherche sur :
- l'ensemble des crédits budgétaires de la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur, et notamment leur répartition entre programmes de recherche et de développement technologique présentés dans le cadre du projet de loi de finances de l'année ;
- les rapports annuels de performance et les projets annuels de performance des programmes relevant du ministre chargé de la recherche ;
- et le rapport sur la mise en œuvre de la loi de programme pour la recherche.
Il peut être consulté par le ministre chargé de la recherche sur :
- les projets de réformes concernant l'organisation de la recherche ;
- les statuts des établissements et organismes publics placés sous la tutelle du ministre chargé de la recherche et ceux des fondations de recherche ;
- les projets de réformes relatives à l'emploi scientifique ;
- la mise à jour annuelle de la programmation des grands équipements scientifiques ;
- et la stratégie d'utilisation des crédits d'intervention alloués par l'Agence nationale de la recherche (ANR) et sur toutes autres questions que le ministre chargé de la recherche juge utile de lui soumettre.
Le Conseil est composé de 44 membres, répartis en deux collèges de 22 membres, représentatifs d'une part des communautés scientifiques et techniques, et d'autre part des partenaires de la recherche, issus notamment des organisations de salariés et d'employeurs ou représentants du secteur industriel, des régions et des milieux associatifs.
Les conseillers sont nommés par le ministre chargé de la recherche. La moitié d'entre eux le sont sur proposition d'instances et d'institutions de la recherche ou de ses partenaires. Leur mandat, d'une durée de quatre ans, est renouvelable une fois.
Le vice-président est élu par le Conseil parmi les membres du collège des communautés scientifiques et techniques.
Consulté sur tous les grands choix de la politique scientifique et technologique du gouvernement, et notamment sur le projet annuel de budget de la recherche, le Conseil a été chargé, de surcroît, d'une mission de veille et d'organisation du dialogue entre les acteurs et partenaires de la recherche, et la société.
La composition du CSRT est donc assez proche de celle du CNESER (représentants des établissements et de leurs personnels et des secteurs socio-économiques), ce dernier comptant également des étudiants. Les attributions des deux conseils sont analogues (consultation sur les statuts d'établissements et les moyens) même si le CSRT dispose d'un pouvoir d'auto saisine que n'a pas le CNESER sur des sujets d'intérêt général. Le CNESER a en outre une vocation d'instance disciplinaire, pour les personnels et usagers de l'enseignement supérieur, qui n'a pas lieu d'être pour le secteur des organismes de recherche, dans la limite où les personnels appartiennent à des corps d'établissements.
Alors que l'enseignement supérieur et la recherche sont réunis dans un ministère unique et que les champs des activités de formation, de recherche et d'innovation se recouvrent toujours plus, l'existence de deux instances consultatives au sein du ministère ne se justifie plus.
● Les dispositions du projet de loi
Le présent article tend à élargir les compétences du CNESER à l'ensemble de la recherche.
Aux termes du premier alinéa de l'article L. 232-1, « le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche assure la représentation, d'une part, des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel et, d'autre part, des grands intérêts nationaux, notamment éducatifs, culturels, scientifiques, économiques et sociaux. » Le 1° du présent article tend à compléter cet alinéa afin de préciser que le CNESER assure également la représentation des établissements publics de recherche.
Il convient en conséquence de préciser les modalités de représentation de ces établissements au sein du CNESER dans le deuxième alinéa de l'article L. 232-1 du code de l'éducation, qui précise que « les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel sont représentés par les deux conférences composant la Conférence des chefs d'établissements de l'enseignement supérieur, qui désignent leurs représentants, et par des représentants élus des personnels et des étudiants, élus au scrutin secret par collèges distincts. » Quant aux représentants des grands intérêts nationaux, ils sont « nommés par le ministre chargé de l'enseignement supérieur ».
Le 2° du présent article tend donc à compléter cet alinéa afin de préciser que les établissements publics de recherche seront représentés par des dirigeants de ces établissements nommés par le ministre chargé de la recherche et des représentants élus des personnels.
Le 2° tend également à prévoir que les représentants des grands intérêts nationaux seront désormais nommés conjointement par le ministre chargé de l'enseignement supérieur et le ministre chargé de la recherche.
Le décret d'application de la loi précisera les modes de désignation. Selon les informations transmises par le ministère de l'enseignement et de la recherche, la représentation des organismes de recherche, comme celle actuelle des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP), sera double :
- d'une part, des représentants des personnels dont le mode d'élection, direct ou indirect, sera déterminé dans le décret ;
- d'autre part une représentation des établissements à travers leurs dirigeants. Comme il n'y a pas l'équivalent pour les organismes de recherche des conférences de chef d'établissements, c'est l'État qui les désignera, suivant des modalités fixées dans le décret.
Les 3° et 4° sont des mesures de coordination.
Le 3° tend à préciser, dans le troisième alinéa de l'article L. 232-1, que le conseil sera désormais présidé par le ministre chargé de l'enseignement supérieur « ou par le ministre chargé de la recherche, en fonction de l'ordre du jour ».
Le 4° modifie le quatrième alinéa de l'article L. 232-1, qui dispose que « le conseil donne son avis sur les questions relatives aux missions confiées aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel dans les cas prévus par le présent code. » Il convient de préciser que le conseil donne également son avis sur les questions relatives aux missions confiées aux établissements publics de recherche, dans les cas prévus par le code de la recherche.
La définition d'une stratégie nationale de l'enseignement supérieur (article 3 du présent projet de loi) et d'une stratégie nationale de recherche (article 53 du présent projet de loi) impliquant la consultation de l'ensemble des acteurs, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, dans son nouveau périmètre couvrant à la fois l'enseignement supérieur et la recherche, devra donc être consulté sur ces deux stratégies. C'est ce que tend à prévoir le 5° du présent article qui modifie à cet effet le septième alinéa de l'article L. 232-1 du code de l'éducation.
En application du huitième alinéa de l'article L. 232-1, le CNESER est obligatoirement consulté sur les orientations générales des contrats d'établissements pluriannuels prévus à l'article L. 711-1, lesquels définissent les activités de formation, de recherche et de documentation des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel. Par cohérence avec l'élargissement de son champ de compétences, le 6° du présent article propose de préciser que le CNESER sera obligatoirement consulté sur les orientations générales des contrats d'établissements pluriannuels prévus à l'article L. 311-2 du code de la recherche, contrats passés entre l'État et les établissements publics de recherche.
Le 7° du présent article tend à remplacer les termes « dotations d'équipement et de fonctionnement » par le mot « moyens » au neuvième alinéa de l'article L. 232-1. En effet, la distinction entre fonctionnement et équipement n'a pas de sens, s'agissant de dotations globales. La notion de « moyens » désigne à la fois les crédits de fonctionnement, d'équipement et les emplois.
Le 8° et le 9° sont des dispositions de cohérence. Le 8° tend à ajouter les établissements publics de recherche parmi les établissements dont le CNESER peut, en application du dixième alinéa de l'article L. 232-1, faire toute proposition de nature à améliorer le fonctionnement. Le 9° tend à préciser que le CNESER, qui peut être saisi de toute question à l'initiative du ministre chargé de l'enseignement supérieur, pourra l'être aussi à l'initiative du ministre chargé de la recherche.
Le 10° propose d'introduire la parité entre les hommes et les femmes dans la représentation des membres élus au CNESER.
Le présent article permettra donc d'améliorer les conditions du dialogue social avec une grande instance consultative sur le champ de l'enseignement supérieur et de la recherche, de simplifier le paysage des instances consultatives et de progresser dans la parité.
Comme l'indique l'étude d'impact, « sa mise en œuvre suppose d'abroger le décret relatif au Conseil supérieur de la recherche et de la technologie et de modifier sensiblement les articles réglementaires relatifs au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière consultative (articles D. 232-1 à 22 du code de l'éducation). »
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La Commission est saisie de l'amendement AC 164 de M. Serge Bardy.
M. Serge Bardy. Les étudiants devant être au centre du dispositif proposé par la loi, nous proposons de préciser que la réforme du CNESER ne doit pas diminuer leur représentation.
M. le rapporteur. Cet amendement d'appel, auquel je serai défavorable si vous ne le retirez pas, ne relève pas de la loi mais du décret.
Mme la ministre. La question des équilibres dans la composition du CNESER ne relève pas de la loi, en effet, mais du décret même si je comprends l'esprit de cet amendement.
M. Serge Bardy. Je le retire donc.
L'amendement AC 164 est retiré.
La Commission en vient à l'amendement AC 521 de Mme Isabelle Attard.
Mme Isabelle Attard. Il est défendu.
M. le rapporteur. Étant satisfait, je vous prie de le retirer.
Mme la ministre. Même avis.
Mme Isabelle Attard. Je le retire donc.
L'amendement AC 521 est retiré.
La Commission examine l'amendement AC 80 du rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques.
M. le rapporteur pour avis. Par cohérence avec la discussion que nous avons eue lors de l'examen de l'article 11, je le retire.
L'amendement AC 80 est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement AC 522 de Mme Isabelle Attard.
Mme Isabelle Attard. Il est défendu.
M. le rapporteur. Je vous prie de bien vouloir le retirer. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient aux amendements AC 394 de M. Jean-Yves Le Déaut et AC 133 de Mme Marie-George Buffet pouvant faire l'objet d'une discussion commune.
M. Jean-Yves Le Déaut. Je retire l'amendement AC 394.
L'amendement AC 394 est retiré.
Mme Marie-George Buffet. L'amendement AC 133 est cohérent avec celui que j'ai proposé concernant le CNESER.
M. le rapporteur. Avis défavorable, cet amendement étant satisfait.
Mme la ministre. Même avis.
Mme Marie-George Buffet. Je le retire.
L'amendement AC 133 est retiré.
La Commission examine l'amendement AC 294 de M. Patrick Hetzel.
Mme Sophie Dion. Il me semble préférable qu'une femme défende cet amendement.
La parité est certes une bonne chose mais il ne faut pas tomber dans certains excès. Nous proposons donc de supprimer toute référence au sexe dans la composition du CNESER.
De surcroît, l'instauration de la parité nous semble juridiquement fragile pour le collège étudiant puisqu'il s'agit en l'occurrence d'une élection au second degré et que le corps électoral relativement réduit de cette élection - environ 2 000 inscrits - complexifie l'application de cette disposition.
M. le rapporteur. Je suis toujours admiratif devant les arguments déployés pour assurer que la parité n'est pas possible.
Avis défavorable.
Mme la ministre. Même diagnostic, même avis.
Mme Marie-George Buffet. Cela m'étonne que, sur un tel sujet, l'opposition considère que c'est à une femme de s'exprimer alors qu'il concerne aussi bien les hommes que les femmes. Les arguments que vous utilisez laissent penser qu'il est douteux de pouvoir trouver les femmes compétentes pour occuper de tels postes. Vous nous les avez d'ailleurs déjà servis lorsque nous avons débattu de la parité en politique. Il faut avancer en tout domaine et la parité doit être effective partout.
Mme Sophie Dion. Parfois, il faut faire preuve d'un peu de hauteur : je plaisantais, tout le monde l'aura compris.
Les femmes, globalement, sont mieux à même de savoir ce qui leur convient et ce qu'elles souhaitent. Or je suis persuadée que l'excès de parité peut avoir des effets pervers. Souvenez-vous de Françoise Giroud : « Je croirai à l'égalité entre un homme et une femme le jour où je verrai une femme incompétente à un poste important. » Il est nécessaire de faire ses preuves, l'excès de parité et d'égalité étant parfois négatif.
Mme Martine Martinel. Je suis étonnée que l'on puisse évoquer un « excès de parité ». De surcroît, ayant travaillé à l'université, il me semble que l'on en est bien loin. Il est un peu troublant que des femmes tiennent ce genre de discours, quel que soit le groupe politique auquel elles appartiennent.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AC 393 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. Il est défendu.
M. le rapporteur. Étant satisfait, j'y suis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
M. Jean-Yves Le Déaut. Je le retire.
L'amendement AC 393 est retiré.
La Commission adopte l'article 13.
TITRE III
LES FORMATIONS DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
Les dispositions du titre III visent à réformer profondément l'orientation des étudiants, la pédagogie et la structure des formations de l'enseignement supérieur, afin de permettre la réussite de tous les étudiants.
Article 14 A (nouveau)
Statistiques sur les résultats des formations d'enseignement supérieur dispensées dans les établissements d'enseignement scolaire
La Commission a adopté par amendement cet article qui prévoit que les établissements scolaires disposant d'une formation d'enseignement supérieur, c'est-à-dire une classe préparatoire aux grandes écoles ou une section de techniciens supérieurs, rendent publiques des indicateurs de réussite aux examens et aux diplômes qu'ils délivrent, des indicateurs de poursuite d'études et d'insertion professionnelle. Cette information est délivrée aux élèves ou aux apprentis afin d'éclairer leur orientation.
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La Commission examine les amendements AC 295 de M. Patrick Hetzel et AC 194 de M. Rudy Salles portant articles additionnels avant l'article 14 et pouvant faire l'objet d'une discussion commune.
M. Patrick Hetzel. Vous savez combien je m'intéresse à la question de l'insertion professionnelle des étudiants. Nous souhaitons donc systématiser l'évaluation de l'insertion professionnelle des diplômés pour toutes les formations de l'enseignement supérieur, l'objectif étant également de disposer de statistiques publiques à travers un accès facilité à ces dernières. Il est extrêmement important que les jeunes puissent disposer d'informations précises sur les taux d'insertion professionnelle lorsqu'ils veulent s'orienter.
M. Rudy Salles. Les débouchés des formations en termes d'emplois et de métiers constituent des critères importants pour les jeunes et leur famille lors du processus d'orientation. Toutes les informations permettant la meilleure orientation possible et, notamment, celles relatives aux statistiques de réussite dans les établissements d'enseignement scolaire, doivent être rendues publiques.
M. le rapporteur. J'adhère aux propos qui ont été tenus mais ces deux amendements mentionnent les « établissements d'enseignement scolaire ».
M. Patrick Hetzel. En effet, mais les brevets de techniciens supérieurs (BTS), par exemple, ne relèvent pas aujourd'hui de l'enseignement supérieur puisqu'ils participent des établissements publics locaux d'enseignement (EPLE), lesquels ont un statut d'établissement scolaire. C'est ainsi que des objectifs ont été fixés pour les établissements d'enseignement supérieur qui ne s'appliquent pas aux EPLE alors que les élèves techniciens supérieurs devraient s'y inscrire.
Mme la ministre. Je suis d'accord avec l'objectif que vous défendez mais la façon dont les amendements sont rédigés n'est pas acceptable puisqu'elle s'inscrit dans un cadre juridique dépendant de l'éducation nationale.
Je rappelle que nous voulons mettre en place le système d'orientation « bac - 3 bac + 3 » dès le lycée et que tous les dispositifs liés au « - 3 » doivent relever du ministère de l'éducation nationale et ceux du « + 3 » du mien.
Il devrait être toutefois possible d'inscrire dans la loi que les établissements scolaires, pour les formations post-bac ou supérieures de leurs élèves, rendent publiques les statistiques des indicateurs de réussite.
M. Patrick Hetzel. Soit.
La rédaction que nous avons proposée présentait toutefois des avantages, notamment pour les élèves en CAP et en bacs professionnels, mais l'avis de M. le ministre de l'éducation nationale aurait été en effet nécessaire.
Mme la ministre. Il est un peu dommageable de ne pas avoir fait état de cette disposition dans la loi de refondation de l'école.
M. le président Patrick Bloche. La seconde lecture de ce texte est prévue le 3 juin. Chaque chose en son temps !
M. le rapporteur. Je propose donc de sous-amender l'amendement AC 295 dont la première phase se lirait ainsi : « Les établissements d'enseignement scolaire disposant d'une formation d'enseignement supérieur rendent publiques des statistiques comportant des indicateurs de réussite aux examens et aux diplômes qu'ils délivrent pour ces formations, de poursuites d'études et d'insertion professionnelle. »
Mme la ministre. Avis favorable.
La Commission adopte le sous-amendement.
Elle adopte également l'amendement AC 295 ainsi sous-amendé.
En conséquence, l'amendement AC 194 est sans objet.
La Commission examine plusieurs amendements portant articles additionnels avant l'article 14.
Elle est saisie de l'amendement AC 296 de M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel. L'amendement tend à pérenniser le dispositif des « cordées de la réussite », qui produit des résultats intéressants.
Lancé en novembre 2008 à l'initiative du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et du secrétaire d'État en charge de la politique de la ville, ce dispositif a pour objectif de réaliser une plus grande équité sociale dans l'accès à l'enseignement supérieur en établissant un lien, essentiellement sous forme d'actions de tutorat, entre des jeunes qui se trouvent dans des établissements d'enseignement supérieur et d'autres qui sont encore au lycée ou au collège.
On compte actuellement plus de 300 de ces « cordées » sur l'ensemble du territoire national. Ce dispositif, coordonné par le Comité interministériel des villes, suscite un écho favorable de la part de ceux qui en bénéficient et de ceux qui y sont investis, lesquels s'en trouvent valorisés.
M. le rapporteur. Avis défavorable. La loi n'a pas à pérenniser un dispositif, aussi intéressant soit-il.
Mme la ministre. Je salue ce dispositif, qui est en effet très intéressant, comme j'ai pu le constater dans plusieurs établissements. Si intéressant soit-il, cependant, on ne peut l'inscrire dans une procédure législative.
M. le président Patrick Bloche. Monsieur Hetzel, retirez-vous votre amendement ?
M. Patrick Hetzel. Je le maintiens, car ce dispositif est particulièrement vertueux pour ce qui est d'ouvrir l'accès à l'enseignement supérieur et d'y assurer une équité sociale. Si le ministère juge qu'il y a lieu d'y ajouter d'autres dispositifs, il peut encore le faire avant l'examen du texte en séance publique.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AC 195 de M. Rudy Salles.
M. Rudy Salles. Cet amendement porte sur la mise en réseau d'établissements d'enseignement supérieur, de lycées et de collèges par des actions de tutorat et d'accompagnement pour les jeunes qui peuvent être entravés par leurs origines sociales ou territoriales, dans l'esprit des « cordées de la réussite ».
M. le rapporteur. Même avis défavorable que pour l'amendement précédent.
Mme la ministre. Même avis.
La Commission rejette l'amendement.
Article 14
Disposition de coordination
La Commission a adopté un amendement de suppression de cette disposition superflue.
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La Commission est saisie de l'amendement AC 695 du rapporteur, tendant à supprimer l'article 14.
M. le rapporteur. L'amendement supprime une disposition inutile.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 14 est supprimé.
La Commission examine l'amendement AC 297 de M. Patrick Hetzel, portant article additionnel avant l'article 15.
M. Patrick Hetzel. Cet amendement prévoit que les conseils de perfectionnement participent à la définition des programmes de l'enseignement supérieur. Ils ont pour objectif d'apprécier la pertinence du projet de formation au regard de l'évaluation des compétences et des métiers. Les conseils de perfectionnement comportent des responsables professionnels des secteurs d'activité visés par le diplôme concerné. Et les enseignants pourront s'appuyer sur cette expertise pour faire évoluer leur offre de formation. L'amendement vise donc à une meilleure adéquation entre les préoccupations de nos étudiants en termes d'insertion professionnelle et la construction de l'offre de formation.
M. le rapporteur. Avis défavorable, pour des raisons rédactionnelles : les seuls conseils de perfectionnement figurant dans des dispositions législatives codifiées sont ceux des centres de formation d'apprentis (CFA), tandis que ceux qu'évoque l'amendement relèvent du seul domaine réglementaire.
Je propose donc le retrait de cet amendement et le dépôt d'un nouvel amendement en vue de la séance publique.
M. le président Patrick Bloche. Nous aurons à nouveau cette discussion lors de l'examen de l'article 15, sur lequel M. Rudy Salles a déposé un amendement AC 196 ayant le même objet.
Mme la ministre. Je souscris à l'esprit de l'amendement, mais il faut trouver une autre dénomination afin d'éviter toute confusion. Avis défavorable.
M. le président Patrick Bloche. Monsieur Hetzel, retirez-vous votre amendement ?
M. Patrick Hetzel. Je le maintiens, car des conseils de perfectionnement existent déjà pour la plupart des formations. Peut-être serait-il cependant plus explicite de les désigner du nom de « conseils de perfectionnement de la formation ».
La Commission rejette l'amendement.
Article 15
Organisation des enseignements en alternance
Cet article vise à élargir le recours aux enseignements en alternance dans l'enseignement supérieur.
L'alternance est mal connue et souffre, en France, d'une réputation peu flatteuse. Fondée sur l'articulation de périodes d'acquisition de savoir-faire en entreprise et de périodes de formation théorique, elle repose sur deux types de contrats, le contrat d'apprentissage, qui relève de la formation initiale, et le contrat de professionnalisation qui s'inscrit dans le cadre de la formation professionnelle continue.
Le contrat d'apprentissage, qui relève des articles L. 6222-1 et suivants du code du travail, s'adresse aux jeunes de 16 à 25 ans. Des dérogations existent notamment pour les personnes reconnues comme travailleur handicapé et pour les créateurs ou repreneurs d'entreprises. L'employeur s'engage, outre le versement d'un salaire, à assurer à l'apprenti une formation professionnelle complète, dispensée pour partie en entreprise et pour partie en centre de formation d'apprentis (CFA) ou section d'apprentissage. Les contrats d'apprentissage ouvrent droit à une indemnité compensatrice forfaitaire versée par la région à l'employeur.
L'apprenti s'oblige, en retour, en vue de sa formation, à travailler pour cet employeur, pendant la durée du contrat, et à suivre cette formation. L'apprentissage a pour objet de donner à des jeunes travailleurs, ayant satisfait à l'obligation scolaire, une formation générale, théorique et pratique, en vue de l'obtention d'une qualification professionnelle sanctionnée par un diplôme ou un titre à finalité professionnelle enregistré au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP).
L'apprentissage est financé notamment par une taxe, dénommée taxe d'apprentissage, assise sur la masse salariale des entreprises et collectée par des organismes agréés.
Le taux de la taxe d'apprentissage est fixé à 0,5 % de la masse salariale (0,26 % pour les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin).
Une fraction de la taxe d'apprentissage, dénommée « quota », est réservée au développement de l'apprentissage. Le montant du quota de la taxe d'apprentissage est fixé à 55 % de la taxe due en 2013. Il comprend :
- une somme, égale à 22 % du montant de la taxe due, qui doit être versée au Trésor public par l'intermédiaire d'un organisme collecteur pour alimenter le compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » destiné au financement des CFA et des sections d'apprentissage ;
- des versements aux CFA ou aux sections d'apprentissage : les entreprises qui emploient des apprentis doivent verser pour chacun d'eux un montant correspondant au coût de la formation, tel qu'indiqué sur la liste publiée par le préfet de région ou, à défaut de publication des coûts, au moins 3 000 euros au CFA d'inscription de l'apprenti, dans la limite du quota disponible.
Après avoir satisfait à l'obligation du quota, les employeurs peuvent s'exonérer de la taxe d'apprentissage au titre du « hors quota », qui représente 45 % de la taxe due en 2013, par des versements aux organismes collecteurs. Les bénéficiaires de ces versements reçoivent des sommes calculées en fonction du niveau de la formation. Le code du travail distingue ainsi trois catégories A, B, C, selon un niveau de formation croissant (19) (la catégorie A étant associée aux niveaux IV et V, la B aux niveaux II et III et la C au niveau I). Les pourcentages affectés aux niveaux de formation sont les suivants : 40 % pour la catégorie A, 40 % pour la catégorie B et 20 % pour la catégorie C.
En outre, une contribution au développement de l'apprentissage, fixée à 0,18 % de la masse salariale des entreprises assujetties à la taxe d'apprentissage, doit être versée aux organismes collecteurs.
Enfin, une contribution supplémentaire à l'apprentissage a été instaurée par la loi n° 2011-900 de finances rectificatives pour 2011 pour les entreprises de 250 salariés et plus qui sont assujetties à la taxe d'apprentissage et dont l'effectif annuel moyen comporte moins de 4 % de salariés en contrat de professionnalisation ou d'apprentissage et de jeunes accomplissant un volontariat international en entreprises ou bénéficiant d'une convention industrielle de formation par la recherche.
Le contrat de professionnalisation, qui relève des articles L. 6325-1 et suivants du code du travail, s'adresse notamment aux jeunes âgés de 16 à 25 ans, aux demandeurs d'emploi âgés de 26 ans et plus, aux bénéficiaires du revenu de solidarité active, de l'allocation spécifique de solidarité, de l'allocation adulte handicapé ou d'un contrat unique d'insertion. L'employeur s'engage à assurer une formation au salarié lui permettant d'acquérir une qualification professionnelle et à lui fournir un emploi en relation avec cet objectif pendant la durée du contrat à durée déterminée ou de l'action de professionnalisation du contrat à durée indéterminée. Le salarié s'engage à travailler pour le compte de son employeur et à suivre la formation prévue au contrat.
Le contrat de professionnalisation est souvent conclu à durée déterminée mais peut également être signé pour une durée indéterminée. Le contrat d'apprentissage comporte toujours un terme. La durée varie en fonction du contrat choisi : de 6 mois à 4 ans pour un contrat d'apprentissage ; de 6 mois à 12 mois pour un contrat de professionnalisation, voire 24 mois si un accord de branche l'autorise.
Dans le cadre du contrat d'apprentissage, la durée de la formation représente au moins 400 heures en moyenne par année de formation. Dans le cadre du contrat de professionnalisation la formation représente entre 15 à 25 % de la durée du contrat sans pouvoir être inférieure à 150 heures (sa durée peut être différente selon l'accord de branche).
S'agissant de la rémunération, le code du travail dispose que dans le cas de l'apprenti, le salaire est déterminé en pourcentage du salaire minimum de croissance, selon un montant qui varie en fonction de l'âge du bénéficiaire et de sa progression dans le ou les cycles de formation faisant l'objet de l'apprentissage. Dans le cas des contrats de professionnalisation, le salarié âgé de moins de 26 ans perçoit une rémunération calculée en fonction du salaire minimum de croissance, dont le montant peut varier en fonction de l'âge du bénéficiaire et du niveau de sa formation. Le titulaire d'un contrat de professionnalisation âgé d'au moins 26 ans perçoit une rémunération qui ne peut être inférieure ni au salaire minimum de croissance ni à un pourcentage déterminé par décret de la rémunération minimale prévue par les dispositions de la convention ou de l'accord collectif de branche dont relève l'entreprise. Les titulaires d'un contrat d'apprentissage ou d'un contrat de professionnalisation, si ces derniers ont moins de 26 ans, « coûtent » donc plus cher à mesure que s'accroît le niveau de formation.
Rappelons que depuis la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, l'article L. 214-12 du code de l'éducation dispose que la région est responsable de la définition et de la mise en œuvre de la politique régionale d'apprentissage et de formation professionnelle des jeunes et des adultes à la recherche d'un emploi ou d'une nouvelle orientation professionnelle.
Lors de son discours de Grenoble, le 23 janvier dernier, le Président de la République a confirmé son intention de doubler, à l'horizon 2020, le nombre de formations en alternance, confirmant ainsi les orientations tracées en la matière par le rapport de M. Louis Gallois proposant un Pacte pour la compétitivité française, notamment sa proposition n° 15.
Indispensable au renforcement de la compétitivité, l'alternance permet également à des étudiants qui n'auraient pas pu poursuivre d'études, notamment des études supérieures, de le faire tout en percevant des revenus. En cela, elle constitue un levier de réduction des inégalités.
En outre, et comme le rappelle le rapport de M. Jean-Yves Le Déaut, Refonder l'université, dynamiser la recherche : mieux coopérer pour réussir, « l'insertion professionnelle des alternants et apprentis est sensiblement meilleure ; d'après le Céreq (20), un diplôme de licence professionnelle en apprentissage met deux mois en moins que la moyenne pour trouver son premier emploi et gagne 4,5 % de plus » (21).
Au surplus, le développement de l'alternance doit permettre, notamment grâce aux contrats de professionnalisation, de mettre fin à une conception très française des trajectoires individuelles, où se succèdent formation initiale puis insertion sur le marché du travail, sans possibilités d'aller-retour entre emploi et formation.
Comme le souligne le rapport de M. Gérard Aschieri, au nom du Conseil économique, social et environnemental, Réussir la démocratisation de l'enseignement supérieur, l'enjeu du premier cycle, « en France, le temps des études d'une part et les temps pleinement consacrés à d'autres activités, rémunérées ou non, d'autre part, sont bien plus cloisonnés qu'ils ne le sont dans les pays européens à niveau d'éducation comparable. La plupart des Français envisagent la scolarité comme "le" temps de la formation qui, idéalement, prépare à l'activité professionnelle et à la vie sociale adulte. Les faits sont évidemment un peu plus nuancés mais pour l'essentiel, cette représentation correspond néanmoins, à la réalité vécue par la plupart des Français, jeunes et moins jeunes ».
Ainsi, d'après les chiffres de la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (22), 5,5 % des adultes ont participé à un cours, séminaire, atelier ou à une formation en l'espace de quatre semaines, alors que ce chiffre atteint 7,8 % pour l'Allemagne, 15,9 % pour le Royaume-Uni, 25 % pour la Suède et 32,3 % pour le Danemark. La moyenne de l'OCDE s'élève à 8,9 %.
Contrairement à une idée largement répandue, l'alternance existe dans l'enseignement supérieur et à l'université.
Poursuivant la tendance observée depuis 1993, l'apprentissage continue de se développer dans l'enseignement supérieur. Le nombre d'apprentis dans l'enseignement supérieur a été multiplié par plus de cinq entre 1995 et 2010, passant de 20 050 à 111 405. Le niveau III représente 55,7 % des apprentis du supérieur, le niveau II, 17,2 %, et le niveau I, 27,1 %. Tous les niveaux enregistrent une évolution positive par rapport à 2009 : 4,3 % pour le niveau III, 10,4 % pour le niveau II et 15,2 % pour le niveau I.
En 2010, 337 100 stagiaires de la formation continue étaient accueillis par les universités, les trois Instituts nationaux polytechniques, les deux centres interuniversitaires de formation continue et les universités de technologie. Le nombre de contrats de professionnalisation a augmenté de 10 % par rapport à 2009.
L'alternance concerne 7 % des étudiants de l'enseignement supérieur, mais seulement 5 % des inscrits à l'université. Notons que la plupart des formations dispensées à l'université dans le cadre de contrats d'apprentissage le sont dans des unités de formation en apprentissage, par convention avec un CFA existant.
L'étude d'impact jointe au projet de loi indique en outre que toutes les universités ont passé des conventions avec des représentants du monde socio-économique : le développement de l'alternance constitue un thème récurrent de ces conventions. Ainsi, une charte université-entreprises a récemment été signée entre cinq présidents d'université (Université Paris-Est Créteil, Université de Strasbourg, pôle de recherche et d'enseignement supérieur de Toulouse, Aix-Marseille Université, Paris 13) et cinq présidents d'entreprises (Groupe la Poste, Groupe Safran, Essilor, Accenture France, Crédit Agricole) : parmi les engagements souscrits par les parties figurent le développement des formations en alternance à l'université et celui des contrats en alternance dans l'entreprise. L'Université Toulouse Le Mirail, en collaboration avec ses partenaires socio-économiques, s'associe également pour la première fois au « Printemps de l'apprentissage ». Cet événement a pour but de promouvoir l'alternance et de favoriser les échanges entre les publics et les entreprises sur les perspectives de carrière, l'offre de formation et les dispositifs. On peut également citer l'exemple de l'université de Montpellier 3, qui organise, en lien avec ses partenaires socio-économiques, le « Village de l'apprentissage ». Cet événement a pour but de mettre en lien les étudiants et les entreprises pour développer l'apprentissage.
L'article 15 du projet de loi se propose donc d'approfondir cette tendance et de modifier l'article L. 611-2 du code de l'éducation, qui pose le principe en vertu duquel « les enseignements supérieurs sont organisés en liaison avec les milieux professionnels ». Les modifications proposées ont pour objet d'affirmer la spécificité de l'alternance et d'en faire une modalité à part entière d'organisation des enseignements. Comme le rappelle l'étude d'impact, « l'alternance est mal connue des milieux universitaires. L'apprentissage a été bien approprié par les écoles de management et d'ingénieurs, et s'est développé dans les universités plus tardivement et de manière très hétérogène. Il s'agit de rappeler aux acteurs cette modalité de formation à part entière ».
Le 1° de l'article 15 modifie le 3° de l'article L. 611-2, qui précise que « des stages peuvent être aménagés dans les entreprises publiques ou privées ou l'administration ainsi que des enseignements par alternance ; dans ce cas, ces stages doivent faire l'objet d'un suivi pédagogique approprié. »
La modification proposée vise d'abord à supprimer la référence à l'alternance dans cette disposition, qui ne concernerait ainsi plus que les stages. L'alternance ferait l'objet d'un alinéa à part entière, afin de l'identifier comme une modalité en tant que telle de l'enseignement, rappelant ainsi qu'elle obéit à des objectifs et à des règles spécifiques et distinctes de celles qui s'appliquent aux stages.
La modification proposée vise également, tout en réaffirmant que les stages doivent faire l'objet d'un suivi pédagogique approprié, à préciser que ceux-ci doivent être en cohérence avec la formation suivie par l'étudiant. Cette précision ne figurait pas dans la loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels, dite « loi Cherpion », ni dans l'accord national interprofessionnel du 7 juin 2011 sur l'accès des jeunes aux formations en alternance et aux stages en entreprise. Elle en partage toutefois l'esprit, dans la mesure où elle vise à éviter que des stages puissent être détournés de leur objet et constituer en réalité des formes d'emploi « au rabais », qui précarisent les étudiants et exercent un effet d'éviction sur l'emploi salarié et les garanties collectives qui y sont attachées.
Le 2° de l'article 15 complète l'article codifié d'un 4°, qui dispose que les enseignements peuvent être organisés en alternance.
La Commission a modifié cet article afin de prévoir, à l'article L. 611-2 du code de l'éducation, que les stages et les enseignements en alternance peuvent se dérouler non seulement dans des entreprises, publiques ou privées, et des administrations, mais aussi dans des organismes de l'économie sociale et solidaire.
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La Commission examine l'amendement AC 196 de M. Rudy Salles.
M. Rudy Salles. Cet amendement prévoit que les conseils de perfectionnement des formations participent à la définition des programmes.
M. le président Patrick Bloche. Nous retrouvons le débat que nous avons eu cet après-midi au sujet d'un amendement de Patrick Hetzel.
M. Vincent Feltesse, rapporteur. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles exposées alors.
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Même avis.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC 279 de Mme Sophie Dion.
Mme Sophie Dion. Cet amendement permettrait aux étudiants de mieux connaître le monde de l'entreprise et de bénéficier d'une expérience professionnelle à la fin de leur cursus universitaire. Ces stages faciliteraient l'accès des jeunes diplômés au monde du travail.
M. le rapporteur. Je souscris à l'objectif, mais cette disposition relève du domaine réglementaire.
Mme la ministre. Même avis.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AC 523 de Mme Isabelle Attard.
Mme Isabelle Attard. Nous proposons que, outre les entreprises, publiques et privées, et les administrations, les associations à but non lucratif puissent aménager des stages à l'intention des étudiants. Nombreuses sont en effet les associations volontaires pour accueillir des stagiaires et nombreux les étudiants demandeurs de stages dans ces structures.
M. le rapporteur. Avis favorable.
Mme la ministre. Mieux vaudrait viser tout le secteur de l'économie sociale et solidaire, qui inclut aussi les organisations non gouvernementales (ONG). Je propose donc de remplacer dans l'amendement les mots « et dans les associations à but non lucratif » par les mots « et dans les organismes de l'économie sociale et solidaire ».
M. le rapporteur. Avis favorable à cette modification.
Mme Isabelle Attard. Je l'accepte également.
Mme Sophie Dion. J'observe que, lorsqu'il s'agit d'entreprises privées ou publiques, la disposition relève du décret - c'est ce que l'on m'a objecté -, mais qu'elle relève du domaine législatif lorsqu'il s'agit du secteur de l'économie sociale et solidaire !
M. le rapporteur. Il s'agit ici seulement de préciser où peuvent avoir lieu les stages. Dans votre amendement, il était question d'inscrire une obligation de stage dans la loi, ce qui ne saurait relever de la loi.
La Commission adopte l'amendement AC 523 ainsi rectifié.
Elle examine ensuite l'amendement AC 298 de M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel. L'amendement est défendu.
M. le rapporteur. Avis défavorable. Ce sont les enseignements qui peuvent être organisés en alternance, pas les diplômes.
Mme la ministre. Même avis.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AC 199 de M. Rudy Salles.
M. Rudy Salles. L'amendement propose de viser la formation « par » alternance afin de préciser que l'étudiant a deux lieux de formation : l'université pour la formation académique et l'entreprise pour la formation professionnelle.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AC 198 de M. Rudy Salles.
M. Rudy Salles. L'amendement fait de l'alternance, non plus une possibilité offerte aux étudiants, mais une partie intégrante de tout cursus d'enseignement supérieur.
M. le rapporteur. Ce n'est pas ce qu'il me semble dire. J'y suis défavorable dans sa rédaction actuelle.
Mme la ministre. Même avis.
L'amendement AC 198 est retiré.
La Commission adopte l'article 15 modifié.
La Commission est saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 15.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement AC 280 de Mme Sophie Dion.
Puis elle examine l'amendement AC 33 de M. Hervé Féron.
M. Hervé Féron. Cet amendement prévoit une formation courte à la recherche de stage dès la première année d'enseignement supérieur.
M. le rapporteur. Je vous invite à le retirer. Cela relève du décret.
L'amendement AC 33 est retiré.
La Commission en vient à l'amendement AC 775 du rapporteur.
M. le rapporteur. Je retire cet amendement, dont l'initiative revenait à M. Yves Daniel.
L'amendement AC 775 est retiré.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements identiques AC 264 de M. Benoist Apparu, AC 299 de M. Patrick Hetzel et AC 200 de M. Rudy Salles.
L'amendement AC 396 de M. Jean-Yves Le Déaut est retiré.
La Commission examine l'amendement AC 397 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. Cet amendement propose que les établissements d'enseignement supérieur accrédités à délivrer un diplôme national ou d'État puissent collecter la taxe d'apprentissage.
M. le rapporteur. Cet important sujet ne peut pas être traité au détour d'un amendement, mais dans le cadre d'une discussion plus vaste sur les modalités de financement de l'université.
M. Jean-Yves Le Déaut. Je retire l'amendement, mais il faudra bien un jour traiter ce sujet, dont j'entends dire depuis quinze ans qu'il est important, sans que jamais rien ne soit fait ! Plus de 30 milliards d'euros sont collectés chaque année au titre de la formation professionnelle - soit un montant supérieur au budget de l'enseignement supérieur -, dont les universités ne perçoivent qu'à peine 1 %. Une partie des 99 % restants va à des organismes de formation sérieux, mais une autre partie à des « marchands de soupe ». Il faut traiter la question avec le ministre chargé de la formation professionnelle.
L'amendement AC 397 est retiré.
Article 16
Obligation de rendre disponibles certains enseignements sous forme numérique
Tant les Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche que le rapport de M. Jean-Yves Le Déaut, précité, ont souligné à la fois la chance et l'enjeu que constitue le développement du numérique dans l'enseignement supérieur.
Complétant l'article 6, l'article 16 soumet les établissements d'enseignement supérieur à l'obligation de rendre disponibles les enseignements sous forme numérique, une formation à l'utilisation de ces ressources et aux enjeux du numérique étant dispensée dès l'entrée dans l'enseignement supérieur.
L'article 16 créé ainsi un nouvel article L. 611-8 dans le code de l'éducation, qui vient compléter le chapitre Ier consacré aux dispositions communes à l'organisation générale des enseignements supérieurs.
Le premier alinéa de l'article codifié concerne les établissements d'enseignement supérieur, c'est-à-dire ceux visés au livre VII de la troisième partie du code de l'éducation : établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP), établissements de formation des maîtres, établissements d'enseignement supérieur privés, établissements d'enseignement supérieur à caractère administratif placés sous tutelle du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et établissements d'enseignement supérieurs spécialisés. Notons qu'à l'issue de l'examen du présent projet de loi, les EPSCP devraient compter une catégorie nouvelle : les communautés d'universités et établissements.
L'usage de l'impératif « rendent disponibles » indique que le projet de loi leur assigne l'obligation de rendre disponibles les enseignements sous forme numérique. L'étude d'impact annexée au projet précise que par enseignements, il faut entendre les ressources de formation, comme les cours, les dispositifs d'auto-évaluation ou bien encore les exercices, mais aussi les possibilités nouvelles d'échanges et d'interactions entre enseignants et étudiants ou entre étudiants.
Cette obligation devra toutefois être mise en œuvre dans le respect de deux conditions : la première tient à la nature des enseignements. Tous ne se prêtent pas à une mise en ligne, comme les enseignements de danse, par exemple.
En outre, cette mise à disposition devra s'exercer dans des conditions respectueuses de la législation sur la propriété intellectuelle. Cette formule appelle plusieurs commentaires. Le premier concerne la rédaction volontairement très générale retenue par le projet de loi : il s'agit de ne pas être trop exhaustif pour garantir la stabilité des dispositions du code de l'éducation, quelles que soient les évolutions que pourrait connaître le droit de la propriété intellectuelle.
Le deuxième commentaire concerne les règles du droit d'auteur d'ores et déjà applicables aux enseignements. Notons tout d'abord que le droit d'auteur protège les créateurs d'œuvres originales : l'article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle mentionne expressément, parmi les œuvres protégées, « les conférences, allocutions, sermons, plaidoiries, et autres œuvres de même nature ».
Le Tribunal de grande instance de Paris a d'ailleurs eu l'occasion de préciser (23), au sujet des conférences de Jacques Lacan, que « le cours d'un professeur constitue une création de forme originale et une œuvre de l'esprit protégée, sur laquelle son auteur possède un droit exclusif, et l'article L. 112-2 citant les conférences a entendu protéger les œuvres orales, tel étant le cas des cours d'un docteur qui a, pendant vingt-cinq ans, professé la psychanalyse dans le cadre de l'école freudienne qu'il avait fondée ».
Le droit de la propriété intellectuelle confère à l'auteur d'une œuvre originale un certain nombre de prérogatives, en distinguant toutefois le cas des œuvres créées par des fonctionnaires : pour mettre en œuvre l'obligation de diffuser les enseignements sous formes numériques, les règles seront différentes selon que les établissements seront de droit privé ou, pour les établissements publics, selon que les professeurs seront fonctionnaires ou contractuels.
Le droit commun
Le droit moral
Il se compose de quatre attributs qui constituent autant de prérogatives accordées à l'auteur :
- le droit de divulgation : il confère à l'auteur seul, la liberté de décider du moment auquel il révélera son œuvre au public. Le choix des conditions matérielles de l'exploitation et du moment où celle-ci commencera appartient donc de plein droit à l'auteur ;
- le droit au respect du nom : l'auteur jouit du droit au respect de son nom et de sa qualité. À ce titre, il peut faire figurer l'un et l'autre sur son œuvre ou les documents qui en assurent la publicité. Ce droit d'attribution se double d'un droit d'opposition qui permet à l'auteur d'interdire à un tiers d'apposer son nom sur son œuvre ;
- le droit au respect de l'œuvre : l'auteur peut revendiquer l'intégrité de son œuvre, ce qui l'autorise à s'opposer à toute personne qui prétendrait y apporter des corrections ou modifications, qu'il s'agisse de tiers, d'utilisateurs de l'œuvre ou de cessionnaires des droits. Les cessionnaires des droits d'exploitation doivent veiller à ce que l'œuvre ne puisse être ni altérée ni déformée dans sa forme ou dans son esprit ;
- le droit de retrait et de repentir : la loi reconnaît à l'auteur le droit de faire valoir ses doutes ou ses scrupules quant à la divulgation de son œuvre au public. Il est ainsi permis à l'auteur de revenir sur son engagement et de mettre fin à un contrat de droits d'exploitation sur son œuvre, même régulièrement conclu, afin de récupérer celle-ci, soit pour la soustraire à l'exploitation (retrait), soit pour la modifier (repentir).
Après la mort de l'auteur, le droit moral devient un pouvoir dévolu aux héritiers, c'est-à-dire qu'il doit être exercé non dans l'intérêt de ces derniers, mais dans le souci de veiller au respect de la volonté du défunt.
Les droits patrimoniaux
L'article L. 123-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que « l'auteur jouit, sa vie durant, du droit exclusif d'exploiter son œuvre sous quelque forme que ce soit et d'en tirer un profit pécuniaire ». Toutefois, l'article L. 122-7 prévoit que « l'auteur est libre de mettre ses œuvres gratuitement à la disposition du public, sous réserve des droits des éventuels coauteurs et de ceux des tiers ainsi que dans le respect des conventions qu'il a conclues ».
L'article L. 122-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que « le droit d'exploitation appartenant à l'auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction ».
Le droit de reproduction attribue à l'auteur la faculté d'autoriser la diffusion de son œuvre fixée sur tout support matériel. Il se distingue du droit de représentation en ce que la diffusion au public est réalisée de manière indirecte. La numérisation constitue une forme de fixation de l'œuvre et est donc soumise au droit de reproduction.
Le droit de représentation, contrairement au droit de reproduction, ne suppose pas la fixation de l'œuvre sur un support matériel. Comme l'avait précisé la Cour de cassation dès 1930, il faut que l'œuvre « s'adresse directement au public appelé à en jouir dans le même temps où elle se produit ». Cette définition inclut la communication par le biais de supports tels que la télévision ou la diffusion par satellite.
Contrairement aux prérogatives ressortissant au droit moral, la propriété intellectuelle, dans son aspect patrimonial, n'est pas perpétuelle. La durée de protection d'une œuvre s'étend tout au long de la vie de l'auteur et dans les soixante-dix ans qui suivent sa mort. À l'expiration de la durée légale de protection, l'œuvre appartient au domaine public et son exploitation est libre et gratuite, sous réserve du respect du droit moral, droit perpétuel.
Le cas particulier des auteurs fonctionnaires
Le code de la propriété intellectuelle aménage des règles spécifiques aux œuvres créées par des auteurs fonctionnaires : en effet, ces œuvres ayant été conçues en exécution d'une obligation de service public, elles appartiennent en réalité à l'État :
- l'article L. 121-7-1 précise que le droit de divulgation de l'auteur s'exerce dans le respect des règles auxquelles il est soumis en qualité d'agent public et de celles qui régissent l'organisation, le fonctionnement et l'activité de la personne publique qui l'emploie. Il ne peut s'opposer à une modification de l'œuvre décidée dans l'intérêt du service, sauf si cette modification porte atteinte à son honneur ou à sa réputation ; il ne peut exercer son droit de repentir et son droit de retrait sauf accord de l'autorité hiérarchique ;
- l'article L. 131-3-1 dispose que le droit d'exploitation d'une œuvre est cédé, dès sa création, à l'État, pour autant que cela soit strictement nécessaire à l'accomplissement d'une mission de service public ; l'article L. 131-1-3 renvoie à un décret en Conseil d'État pour les modalités d'application de ces dispositions et notamment pour les conditions dans lesquelles un agent peut être intéressé aux produits d'exploitation de l'œuvre quand la personne publique en a retiré un avantage.
Le code de la propriété intellectuelle reconnaît toutefois une exception à cette exception, puisque l'article L. 111-1 précise que ces règles ne s'appliquent pas aux agents auteurs d'œuvres dont la divulgation n'est soumise, en vertu de leur statut ou des règles qui régissent leurs fonctions, à aucun contrôle préalable de l'autorité hiérarchique. Sont essentiellement visés les professeurs et les universitaires : ceux-ci peuvent ainsi faire publier des ouvrages reprenant leur cours par des personnes privées, dans le respect du droit commun de la propriété intellectuelle.
Pour autant, l'état du droit ne parait pas stabilisé, puisqu'une jurisprudence récente est venue préciser que « le cours polycopié réalisé par un professeur d'université reposant sur son cours oral dispensé dans le cadre de son activité d'enseignement doit être regardé comme faisant partie par nature du cours que celui-ci avait vocation d'assurer ; les droits d'auteur sur cet ouvrage étant alors transférés à l'université sans qu'un contrat spécifique soit nécessaire ».
Le deuxième alinéa de l'article codifié dispose qu'une formation, tant à l'utilisation des outils et des contenus numériques, qu'aux enjeux qui y sont associés, sera dispensée dès l'entrée dans l'enseignement supérieur.
Le troisième alinéa de l'article codifié dispose que les modalités de mise en œuvre des deux alinéas précédents seront fixées dans le contrat pluriannuel prévu à l'article L. 711-1 : cet article, qui ne concerne que les EPSCP, prévoit en effet que leurs activités de formation, de recherche et de documentation font l'objet de contrats pluriannuels d'établissement. L'étude d'impact annexée au projet de loi précise qu'en faisant relever l'application de ces dispositions de la politique contractuelle, c'est une montée en charge progressive de l'offre qui pourra être organisée, ainsi qu'une mutualisation entre les établissements.
Les établissements d'enseignement supérieur soumis aux obligations du présent article, mais ne relevant pas de la catégorie des EPSCP et de la politique contractuelle, comme les établissements d'enseignement supérieurs spécialisés ou les établissements publics administratifs relevant du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, par exemple, se trouveront dans plusieurs cas de figure : les modalités de mise en œuvre de l'obligation de mise à disposition des enseignements sous forme numérique pourront être définies dans des contrats pluriannuels qui, sans relever de la politique contractuelle prévue par l'article L. 711-1, n'en sont pas moins conclus entre l'État et les établissements placés sous sa tutelle ; elles pourront également être précisées dans les contrats pluriannuels prévus à l'article L. 711-1 si l'établissement, sans être un EPSCP, rejoint une communauté d'universités et établissements.
La Commission a adopté un amendement du rapporteur destiné à préciser que la mise à disposition des enseignements sous forme numérique ne peut se substituer aux enseignements « présentiels », sans justification pédagogique. Elle a également précisé que la formation aux enjeux associés à l'utilisation des outils et ressources numériques est adaptée au parcours suivi par l'étudiant et s'inscrit dans la continuité de la formation reçue dans l'enseignement du second degré.
*
La Commission adopte l'amendement rédactionnel AC 696 du rapporteur.
Puis, suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements AC 201 de M. Rudy Salles et AC 301 de M. Patrick Hetzel.
Elle en vient à l'amendement AC 253 de Mme Dominique Nachury.
Mme Dominique Nachury. Cet amendement précise que l'enseignement numérique n'est que complémentaire de ceux dispensés en présence des étudiants.
M. le rapporteur. Je vous suggère de le retirer au profit de mon amendement AC 771 à venir.
L'amendement AC 253 est retiré.
La Commission en vient à l'amendement AC 668 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. L'amendement est défendu.
M. le rapporteur. Avis défavorable. Il est satisfait.
Mme la ministre. Même avis.
L'amendement AC 668 est retiré.
La Commission examine l'amendement AC 771 du rapporteur.
M. le rapporteur. L'amendement précise que, sauf justification pédagogique, la mise à disposition d'enseignements sous forme numérique n'a pas vocation à se substituer aux enseignements en présence des étudiants.
Mme la ministre. Avis favorable.
La Commission adopte l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AC 667 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. L'amendement est défendu.
M. le rapporteur. Je vous invite à le retirer, car il est satisfait.
Mme la ministre. Même avis.
L'amendement AC 667 est retiré.
La Commission adopte l'amendement rédactionnel AC 697 du rapporteur.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, elle adopte l'amendement de précision AC 34 de M. Hervé Féron.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AC 669 de M. Jean-Yves Le Déaut et AC 35 de M. Yves Daniel.
M. Jean-Yves Le Déaut. L'amendement se justifie par son texte même.
M. Hervé Féron. Une formation à l'utilisation des outils et des ressources numériques doit être dispensée dès l'entrée dans le supérieur, en continuité avec les enseignements dispensés sur le sujet dans le premier et le second degré.
M. le rapporteur. Avis défavorable. Ces deux amendements sont satisfaits par celui de M. Féron, que nous avons adopté tout à l'heure et qui induit déjà une continuité pédagogique.
Mme la ministre. Je suis favorable à l'amendement AC 669, mais il me semble que les deux peuvent être regroupés.
M. le rapporteur. Cette argumentation m'a convaincu : je me range à cet avis.
M. Hervé Féron. Je retire l'amendement AC 35.
L'amendement AC 35 est retiré.
La Commission adopte l'amendement AC 669.
L'amendement AC 525 de Mme Isabelle Attard est retiré.
La Commission adopte l'amendement rédactionnel AC 698 du rapporteur.
Puis elle en vient aux amendements AC 528, AC 527, AC 529, AC 530, AC 531, AC 526 et AC 532 de Mme Isabelle Attard, pouvant faire l'objet d'une présentation commune.
Mme Isabelle Attard. Pour que les enseignants mettent en ligne leurs cours, utilisent vraiment les supports numériques et travaillent en cohérence avec ce qui est demandé dans ce projet de loi, il faut adapter le code de la propriété intellectuelle afin que l'exception pédagogique couvre les nouvelles pratiques d'enseignement à distance comme le e-learning, l'enseignement collaboratif ou, plus récemment, le MOOC (massive open online courses). Tel est l'objet de ces amendements qui traitent chacun d'un domaine particulier : partitions musicales, activités ludiques ou récréatives… Certains ont été adoptés lors de l'examen en deuxième lecture au Sénat du projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, mais je préfère les déposer de nouveau ici.
M. le rapporteur. Nous avions déjà débattu de ce sujet lors de l'examen du projet de loi de refondation de l'école de la République. Je vous renvoie à l'excellente réponse faite hier lors des questions au gouvernement par la ministre de la culture, interrogée sur le rapport Lescure relatif à la politique culturelle à l'ère des contenus numériques. Elle y rappelait que, tout comme l'arrivée du numérique avait rendu obsolètes les dispositifs mis en place dans les années 1980, il fallait aujourd'hui reprendre l'ensemble du chantier. Le gouvernement a fait le choix de traiter toutes les questions relatives au droit d'auteur, parmi lesquelles celle de l'exception pédagogique, dans une loi qui fera suite au rapport Lescure.
Mme la ministre. Même avis.
M. le président Patrick Bloche. Le rapport Lescure propose des ouvertures intéressantes en matière d'exception pédagogique, invoquant notamment l'exception de citation. Le sujet sera traité lorsque nous inscrirons dans la loi les propositions du rapport que le gouvernement aura retenues.
Mme Isabelle Attard. Je ne retirerai pas ces amendements, car j'ignore ce que deviendront les propositions de M. Pierre Lescure.
Pour illustrer mon propos, permettez-moi de citer le cas d'une thésarde qui a récemment créé un jeu de mémoire (« memory ») permettant d'améliorer le diagnostic précoce de l'épilepsie et qui est obligée d'expurger ses cartes de tous éléments subissant les contraintes du droit d'auteur. Son cas n'est pas isolé. Il faut trouver une solution.
La Commission rejette successivement les amendements AC 528, AC 527, AC 529, AC 530, AC 531, AC 526 et AC 532.
Elle adopte l'article 16 modifié.
Article 16 bis (nouveau)
Mise à disposition des statistiques produites par les établissements dispensant des formations sanctionnées par un diplôme d'études supérieures
L'article L. 612-1 du code de l'éducation dispose que les établissements dispensant des formations sanctionnées par un diplôme d'études supérieures rendent publiques des statistiques comportant des indicateurs de réussite aux examens et aux diplômes, de poursuite d'études et d'insertion professionnelle des étudiants. La Commission a adopté par amendement cet article prévoyant que ces statistiques sont mises à disposition des étudiants en amont de leur orientation dans une formation supérieure.
*
La Commission examine les amendements identiques AC 478 de M. Patrick Hetzel, AC 265 de M. Benoist Apparu et AC 202 de M. Rudy Salles, portant article additionnel après l'article 16.
M. Patrick Hetzel. La loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) fait obligation aux établissements d'enseignement supérieur de publier régulièrement des statistiques comportant des indicateurs de réussite, de poursuite d'études et d'insertion professionnelle de leurs étudiants et de leurs diplômés. Mon amendement vise à permettre une meilleure diffusion de ces documents qui sont de précieux indicateurs pour les étudiants et leurs familles.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la Commission adopte ces amendements.
Article 17
Finalités du premier cycle de l'enseignement supérieur
Cet article a pour objet de modifier la définition des finalités du premier cycle de l'enseignement supérieur : ces modifications visent à permettre une meilleure articulation entre l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur, et à affirmer le principe d'une spécialisation progressive des études.
Il participe de l'objectif d'amélioration de la réussite des étudiants : en effet, le constat de taux d'échec importants en licence souligne l'insuffisance des dispositifs mis en place jusqu'ici. L'article 17 modifie donc l'article L. 612-2 du code de l'éducation.
Le 1° de l'article 17 concerne la continuité entre enseignement secondaire et enseignement supérieur.
Les taux d'échec s'expliquent notamment, comme l'ont souligné les Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche, par une « faiblesse de la synergie entre le lycée et l'enseignement supérieur » : le rapport indique que « beaucoup de contributions aux Assises ont ainsi exprimé le besoin de lien entre le lycée et le supérieur, lien parfois mis en valeur par l'expression "-3/+3", qui fait référence à la continuité qu'il doit y avoir entre les trois années qui précèdent le baccalauréat et celles qui lui succèdent » (24).
De nombreux dispositifs existent d'ores et déjà afin de faciliter cette transition : orientation active, tutorat d'accueil, tutorat d'accompagnement, enseignants référents…
Le rapport du Comité de suivi de la licence et de la licence professionnelle pour 2010-2011 décrit également les efforts mis en œuvre par les universités pour améliorer l'accueil des nouveaux étudiants, sous forme de pré-rentrée ou de dispositif de repérage et d'accompagnement des étudiants les plus fragiles. Mais ces dispositifs montrent leurs limites.
Des politiques publiques inabouties
Le système universitaire ne parvient donc pas à tenir la promesse républicaine d'égalité des chances auprès des jeunes : pour surmonter ce constat d'échec, différentes mesures ont été mises en place afin d'améliorer la réussite des étudiants. Mais elles n'ont pas toujours été mises en œuvre de manière satisfaisante.
● L'orientation active
La première mesure vise à améliorer l'orientation des bacheliers : l'article 20 de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités a ainsi instauré le dispositif dit de « l'orientation active obligatoire ». Afin de mieux accompagner les lycéens dans leur orientation vers l'enseignement supérieur, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a mis en œuvre un dispositif qui s'articule autour de quatre séquences : l'information, le conseil, la préinscription et l'admission. Une cinquième séquence peut éventuellement y être ajoutée, la réorientation. Le principe retenu est que tout élève de classe terminale qui envisage de poursuivre des études doit pouvoir bénéficier d'une aide à l'orientation, sur le fondement de laquelle il pourra choisir sa voie en pleine connaissance de cause.
Initialement centré sur les formations de licence, le conseil d'orientation a été généralisé à la rentrée 2011 à l'ensemble des formations supérieures et, pour tous les élèves, dès la classe de première. Le pilotage de ce dispositif est assuré par le recteur d'académie, sur la base des recommandations de la commission académique des formations post-baccalauréat.
Sans toucher à leur liberté de s'inscrire dans la filière de leur choix, il s'agit d'aider les élèves à définir un projet personnel et professionnel et de leur permettre de s'engager sur un parcours de formation le mieux adapté à leur profil, gage de leurs chances de réussite.
La circulaire du 24 juin 2011 est venue préciser les conditions de mise en œuvre de ce conseil d'orientation anticipé dès la classe de première. Les recteurs ont été invités à faire remonter un schéma directeur des actions envisagées en coordonnant les initiatives déjà prises par les établissements d'enseignement supérieur de leur académie avec les dispositifs issus de la réforme du lycée : le parcours de découverte des métiers et des formations et les deux heures d'accompagnement personnalisé en classe de 1ère sont des temps où l'équipe éducative accompagne le lycéen dans l'élaboration de son projet personnel et professionnel. Les recteurs doivent impliquer dans cette phase de conseil les formations supérieures non universitaires, comme les classes préparatoires aux grandes écoles et les sections de technicien supérieur, et doivent concevoir des dispositifs spécifiques en direction des lycéens professionnels et en situation de handicap.
Néanmoins, peu de lycéens sollicitent auprès des formations supérieures un conseil personnalisé au regard de leur projet personnel et professionnel. C'est en particulier le cas des lycéens professionnels.
● La préinscription
Elle s'effectue dans le cadre d'un « dossier unique » à travers le portail « admission post-bac » (APB), généralisé depuis 2008. Il a vocation à constituer l'unique point d'entrée dans l'enseignement supérieur pour les bacheliers.
La procédure de préinscription est fondée sur le respect de plusieurs principes : une information identique pour tous, l'entière liberté du candidat dans l'expression de ses vœux, la confidentialité du classement des vœux, l'équité de traitement des vœux.
Le portail recense les vœux des lycéens en leur permettant de les classer, organise le traitement des vœux par les établissements d'accueil et valorise les places vacantes en les offrant à nouveau au fur et à mesure qu'elles sont libérées. Il facilite l'accès à une information validée par les établissements d'accueil et aide à l'orientation des élèves.
En effet, une fois les dossiers envoyés, les universités peuvent envoyer un avis aux intéressés, selon deux modalités différentes : soit ne reçoivent d'avis que les lycéens qui l'ont sollicité (procédure dite « d'orientation active sollicitée »), soit chaque dossier reçu fait l'objet d'un avis de l'établissement sollicité.
Or comme le note la Cour des comptes dans son Rapport public annuel 2012, « l'existence de l'outil "Admission post-bac" n'emporte pas en soi l'assurance que toutes les difficultés d'orientation trouvent une solution. Ainsi, du fait de l'insuffisante extension de "l'orientation active pour tous ", elle ne garantit pas que tous les élèves puissent bénéficier d'un conseil adapté à leur cas. En outre, la demande de conseil, lorsqu'elle est optionnelle, n'est guère sollicitée par les étudiants qui en ont le plus besoin, notamment les bacheliers technologiques et professionnels. Des progrès sont donc encore possibles pour optimiser les effets de l'application et réduire de la sorte les orientations inappropriées qui sont une cause importante d'échec en cursus de licence ».
● L'accompagnement des étudiants
Cet accompagnement repose d'abord sur la mise en place d'un tutorat au bénéfice des étudiants : le tutorat d'accompagnement ou de soutien des étudiants, instauré par l'arrêté du 26 mai 1992 relatif au diplôme d'études universitaires générales, à la licence et à la maîtrise, ne concernait initialement que les étudiants de première année de licence (L1). Il a été généralisé à l'ensemble des étudiants du cursus licence par l'arrêté du 23 avril 2002 relatif aux études universitaires conduisant au grade de licence. Il a bénéficié de moyens importants attribués dans le cadre des contrats d'établissements.
Le nouvel arrêté du 1er août 2011 relatif à la licence a renforcé l'obligation d'assurer la réussite de chaque étudiant par un suivi personnalisé effectué par un enseignant référent et par diverses actions d'accompagnement et de soutien notamment sous la forme d'un tutorat, d'autres dispositifs spécifiques pouvant être mis en place par les établissements pour les étudiants en difficulté.
De plus, un tutorat d'accueil, mis en place généralement lors des prérentrées organisées dans les universités, permet d'aider les nouveaux étudiants à se repérer dans leur nouvel environnement.
Ces dispositifs sont généralement assurés par des enseignants ou des étudiants avancés dans le cursus (étudiants de masters ou doctorants). L'aide apportée aux étudiants revêt généralement la forme d'une aide à la recherche documentaire, d'un soutien aux cours ou à la préparation des examens, de parrainage pour apporter une expérience et une aide méthodologique aux nouveaux étudiants
Mais ce tutorat n'est toutefois pas obligatoire : basé sur le volontariat, il ne bénéficie pas toujours aux étudiants qui en auraient le plus besoin. Sa mise en œuvre est insuffisamment ciblée et concerne souvent des étudiants moyens leur permettant ainsi d'améliorer leurs résultats.
De plus, comme le note la Cour des comptes dans le rapport précité, « l'efficacité [des enseignants référents] dépend de la taille du groupe encadré, comme de la disponibilité concrète et personnelle des enseignants ».
● Le plan « réussir en licence »
La mesure la plus symbolique destinée à promouvoir la réussite des étudiants a été le plan ministériel « Réussir en licence ». Lancé en 2007, ce plan pluriannuel poursuivait trois objectifs : diviser par deux, en cinq ans, le taux d'échec en première année, faire de la licence un diplôme d'insertion professionnelle aussi bien que de poursuite d'études, et porter, en 2012, à 50 % d'une classe d'âge le taux de diplômés de l'enseignement supérieur.
Il était assorti d'un budget de 730 millions d'euros, échelonné sur cinq ans, selon trois axes d'intervention : 565 millions d'euros devaient être consacrés à la rénovation de la licence générale, 55 millions au développement de l'information et de l'orientation active et 110 millions à l'implication des filières professionnelles courtes.
Ce premier volet a ensuite été complété en 2010 par un second ayant pour objet la généralisation d'actions lancées dans trois domaines : la rénovation de la formation et l'organisation de la licence, l'élaboration de référentiels permettant d'identifier les compétences acquises par le titulaire d'une licence, et le décloisonnement des filières post baccalauréat.
Dans son Rapport public annuel 2012, la Cour des comptes dresse un bilan sévère de la mise en œuvre de ce plan.
S'il a pu avoir quelques effets positifs, en permettant notamment la diminution des effectifs des travaux dirigés et des travaux pratiques, ainsi que la diminution de la part des enseignements magistraux dans les enseignements dispensés, en première année notamment, il n'a pas permis d'atteindre les objectifs ambitieux qui lui étaient assignés.
La Cour rappelle que l'allocation des crédits du plan a reposé sur des appels à projet : « réalisée dans des délais très courts, la procédure de décision s'est cantonnée à un examen rapide et sommaire des projets rendus dans l'urgence par les universités. […] La répartition des crédits a été peu discriminante. […] Une fois l'allocation acquise, les échéanciers annuels ont été libérés automatiquement sans qu'aucune exigence de compte rendu ou de mesure d'impact ne vienne en conditionner le versement ».
La Cour qualifie également de « prudente » la gestion de ces crédits par les universités : en dépit du caractère pluriannuel du plan, aucun échéancier de versement n'avait été annoncé. Dans la mesure où dans le même temps, les conditions d'allocation de la dotation générale de fonctionnement étaient modifiées, suscitant un surcroît d'incertitude, les universités ont fait un usage parcimonieux des crédits du plan. De plus, ajoute la Cour, « se prévalant de la globalisation croissante de leur dotation de fonctionnement, les universités ont eu tendance à considérer ces ressources supplémentaires comme "fondues dans la masse". Il en a résulté que les crédits ont été le plus souvent sous-consommés, les reliquats étant venus abonder le fonds de roulement général des universités. Il est avéré que certaines universités en ont profité pour réaliser des opérations d'investissement n'entrant pas strictement dans le cahier des charges du plan et n'ayant pas de rapport direct avec la réussite des étudiants ».
Et la Cour de conclure : « il n'est possible de se satisfaire ni des conditions hâtives dans les lesquelles les crédits correspondants ont été alloués, ni des modalités sommaires qui ont présidé au suivi de leur emploi, ni enfin, du défaut d'évaluation de leur impact ».
De fait, l'étude d'impact annexée au projet de loi montre que la part des inscrits en L1 accédant en L2 l'année suivante a diminué depuis 2007, passant de 46,6 % à 43 % !
C'est la raison pour laquelle le 1° de l'article 17 modifie l'article L. 612-2 du code de l'éducation : il affirme ainsi que le premier cycle de l'enseignement supérieur s'inscrit dans la continuité des enseignements dispensés dans le second cycle de l'enseignement secondaire. Il affirme également que les enseignements du second degré doivent préparer à la poursuite d'études dans l'enseignement supérieur.
Est donc affirmée la double responsabilité du lycée et de l'enseignement supérieur dans l'organisation de la nécessaire continuité du parcours des élèves/étudiants. Cette disposition doit être lue en parallèle de celles contenues dans le projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, en cours de discussion : l'article 37 du projet de loi redéfinit le baccalauréat et précise ainsi que l'examen devra sanctionner une « formation équilibrée qui permet de favoriser la poursuite d'études supérieures et l'insertion professionnelle ». Le rapport annexé au projet de loi précise également que « à partir de 2014, [au lycée] des évolutions substantielles seront menées. Elles porteront notamment sur des pratiques pédagogiques innovantes (travaux personnels encadrés en terminale, projets interdisciplinaires, amélioration de l'accompagnement personnalisé…), l'aide à l'orientation et l'articulation avec l'enseignement supérieur et sur des parcours plus diversifiés et des séries rééquilibrées ».
Rappelons par ailleurs que la rénovation des programmes de DUT, CPGE et BTS a d'ores et déjà été engagée afin d'accompagner la réforme du lycée. Ces nouveaux programmes seront mis en place à la rentrée 2013.
En outre, les ministères de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur travaillent étroitement afin que le continuum lycée-université prenne corps, notamment en renforçant les instances de pilotage par la rénovation des missions de la commission académique des formations postbac, présidée par le recteur d'académie et dont la composition sera élargie. Celle-ci aura à connaître de l'ensemble des dispositifs d'orientation, des projets d'évolution de la carte des formations et à émettre un avis sur ces derniers. Une circulaire cosignée des directeurs généraux de l'enseignement scolaire et de l'enseignement supérieur est en préparation et viendra éclairer les recteurs sur ce sujet.
Le 2° de l'article 17 aborde les questions de la diversification des méthodes pédagogiques et de l'organisation des enseignements.
Le rapport des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche souligne en effet que l'élargissement du socle disciplinaire en première année, par grands domaines, doit permettre de « passer progressivement de la classe de terminale à un cursus de plus en plus précis et approfondi au fil des années de licence. Les réorientations en cours de cursus par l'intermédiaire de passerelles seront également plus faciles à mettre en œuvre » (25).
La spécialisation progressive participe donc de l'objectif visant à faciliter la transition entre enseignement secondaire et enseignement supérieur, mais aussi de celui d'un décloisonnement des filières pour éviter des spécialisations précoces et des réorientations erratiques.
Le rapport de M. Jean-Yves Le Déaut souligne également que la pluridisciplinarité et l'individualisation des parcours doivent permettre à chacun de trouver sa place, notamment à l'université.
Certaines universités se sont d'ores et déjà engagées dans cette voie : ainsi, le rapport du Comité de suivi de la licence pour 2010-2011 montre que la notion de majeure/mineure est utilisée dans 51 % des universités dans les licences du domaine arts lettres-langues, dans 27 % des universités dans le domaine droit-économie-gestion et dans 67 % des universités du secteur STS/STAPS.
Le 2° de l'article 17 insère donc un alinéa nouveau dans l'article codifié, qui affirme que l'une des finalités du premier cycle est de permettre à chaque étudiant de constituer un projet personnel et professionnel, sur la base d'une spécialisation progressive des études. La notion de « projet personnel et professionnel » ne constitue pas une totale innovation juridique, puisqu'elle figure dans l'arrêté du 1er août 2011 relatif aux parcours en licence : l'article 7 de cet arrêté dispose notamment que « [les parcours en licence] sont conçus de manière à permettre aux étudiants d'élaborer progressivement leur projet personnel et professionnel en favorisant leur intégration, leur orientation et leur spécialisation au fur et à mesure de l'avancée dans le cursus ».
La Commission a précisé que le premier cycle a pour finalité d'accompagner tout étudiant dans la constitution d'un projet personnel et professionnel, à la fois grâce à une spécialisation progressive des études, mais aussi sur la base d'un enseignement pluridisciplinaire.
*
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette successivement les amendements AC 302 de M. Patrick Hetzel, AC 533 de Mme Isabelle Attard et AC 203 de M. Rudy Salles.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AC 699 du rapporteur.
Elle en vient à l'amendement AC 252 de Mme Dominique Nachury.
Mme Dominique Nachury. Cet amendement vise à insister sur la nécessité d'un enseignement pluridisciplinaire durant la première année des études supérieures.
M. le rapporteur. Je vous invite à le retirer au profit de l'amendement à venir AC 36 de M. Michel Pouzol, plus précis.
L'amendement AC 252 est retiré.
La Commission adopte l'amendement rédactionnel AC 700 du rapporteur.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la Commission adopte successivement l'amendement AC 37 de Mme Sylvie Tolmont et l'amendement de précision AC 36 de M. Michel Pouzol.
Elle en vient à l'amendement AC 534 de Mme Isabelle Attard.
Mme Isabelle Attard. L'amendement est défendu.
M. le rapporteur. Il est satisfait.
L'amendement AC 534 est retiré.
La Commission adopte l'amendement rédactionnel AC 701 du rapporteur.
Puis, suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements AC 535 et AC 536 de Mme Isabelle Attard.
L'amendement AC 399 de M. Jean-Yves Le Déaut est retiré.
La Commission adopte ensuite l'article 17 modifié.
La Commission est saisie de l'amendement AC 767 du rapporteur, portant article additionnel après l'article 17.
M. le rapporteur. Il s'agit d'une mesure symbolique. Aujourd'hui, les élèves de classes préparatoires bénéficient du principe de gratuité qui s'applique à l'enseignement du second degré. Or, compte tenu de leur origine sociale, il semblerait logique qu'ils se voient aussi réclamer des droits d'inscription, à l'instar des étudiants des universités. Bien entendu, les élèves boursiers pourraient bénéficier d'une dérogation.
Mme la ministre. Je suis d'autant plus réservée sur cet amendement que, selon ses termes, le produit des droits d'inscription reviendrait aux lycées. Or je suis la ministre de l'enseignement supérieur… Il faudrait, au minimum, que je puisse en discuter avec le ministre de l'éducation nationale.
M. le président Patrick Bloche. Seriez-vous disposé à retirer provisoirement l'amendement, monsieur le rapporteur ?
M. le rapporteur. Je serais plutôt enclin à le maintenir, quitte à le modifier ensuite, par exemple pour proposer que le produit des droits d'inscriptions bénéficie aux boursiers de l'enseignement supérieur.
Mme Sandrine Doucet. Le risque est que les établissements accueillant à la fois des classes préparatoires et des sections de techniciens supérieurs ferment les secondes au profit des premières, de façon à recueillir plus de droits d'inscription. Déjà, dans certaines zones sensibles, on observe une tendance à l'augmentation du nombre de classes préparatoires, qui servent de produits d'appel pour attirer des élèves. Or un tel résultat contrarierait notre volonté de démocratiser les BTS en les ouvrant plus largement aux titulaires de baccalauréat professionnel.
La Commission rejette l'amendement.
Article 18
Orientation des bacheliers technologiques et professionnels ; rapprochement entre lycées et établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel concernant les formations d'enseignement supérieur
Cet article poursuit deux objectifs : améliorer l'orientation des bacheliers, notamment des bacheliers technologiques et professionnels, et décloisonner l'enseignement supérieur en favorisant les rapprochements entre certaines formations post-bac.
Le 1° de cet article modifie l'article L. 612-3 du code de l'éducation afin de permettre une orientation prioritaire des bacheliers professionnels vers les sections de techniciens supérieurs (STS) et des bacheliers technologiques vers les Instituts universitaires de technologie (IUT).
L'article L. 336-1 du code dispose que les « formations technologiques du second degré [de l'enseignement secondaire] ont pour objet de dispenser une formation générale de haut niveau ; elles incluent l'acquisition de connaissances et de compétences techniques et professionnelles ». L'article L. 337-1 précise que les « formations professionnelles du second degré [de l'enseignement secondaire] associent à la formation générale un haut niveau de connaissances techniques spécialisées. » L'article D. 337-51 dispose que le bac professionnel atteste que ses titulaires sont aptes à exercer une activité professionnelle hautement qualifiée.
Les IUT sont régis par le décret n° 84-1004 du 12 novembre 1984 : ils constituent des composantes des universités, au sens de l'article L. 713-1 du code de l'éducation. Ils ont pour objet de dispenser en formation initiale et continue un enseignement supérieur destiné à préparer aux fonctions d'encadrement technique et professionnel dans certains secteurs de la production, de la recherche appliquée et des services.
L'admission est de droit pour les élèves qui obtiennent la même année une mention « bien » ou « très bien » au baccalauréat technologique dont le champ professionnel est en cohérence avec le département de l'institut universitaire de technologie demandé.
Le décret n° 95-665 du 9 mai 1995 portant règlement général du brevet de technicien supérieur dispose que le BTS, diplôme national de l'enseignement supérieur, « atteste que ses titulaires ont acquis une qualification professionnelle, sont aptes à tenir les emplois de technicien supérieur dans les professions industrielles et commerciales, dans les activités de service ou celles relevant des arts appliqués et capables de mobiliser leurs connaissances et leurs aptitudes pour se perfectionner et s'adapter au cours de leur vie professionnelle et pour valoriser et valider leurs acquis pour des poursuites ou des reprises d'études éventuelles ».
L'article 7 du décret précise les modalités d'admission en section de techniciens supérieurs : l'admission des bacheliers technologiques dans une section de technicien supérieur fait l'objet d'un examen prioritaire. Elle est de droit pour les élèves et les apprentis qui obtiennent la même année une mention « très bien » ou « bien » au baccalauréat professionnel ou technologique dont le champ professionnel correspondant à celui de la section de technicien supérieur demandée. L'admission des bacheliers généraux est prononcée sous réserve des dispositions précédentes.
Or, en dépit des dispositions précitées relatives aux admissions de droit pour les bacheliers technologiques en IUT et des bacheliers technologiques et professionnels en STS, ainsi que des dispositifs d'examen prioritaire des demandes d'admission en STS des bacheliers technologiques, plusieurs constats s'imposent :
- 85 % des bacheliers technologiques de 2008 et 47 % des bacheliers professionnels de 2008 se sont engagés dans des études supérieures ;
- parmi les bacheliers technologiques qui ont poursuivi leurs études, 10 % ont été accueillis en IUT, 46 % en STS et 13 % en filières universitaires généralistes ; parmi les bacheliers professionnels qui ont poursuivi leurs études, 39 % ont été accueillis en STS, 1 % en IUT et 5 % en filière universitaire généraliste (26) ;
- les taux d'échec de ces bacheliers à l'université sont particulièrement élevés : les titulaires d'un bac professionnel ont un taux de réussite à la licence en trois ans de 2,2 % et de 4,1 % en trois ou quatre ans, alors que plus du tiers des bacheliers généraux ont obtenu le diplôme trois ans après leur première inscription, près de la moitié l'ayant obtenu en trois ou quatre ans. Moins de 10 % des bacheliers technologiques y parviennent en trois ans ;
- à l'inverse, 42 % des bacheliers professionnels inscrits en STS ont obtenu leur BTS en deux ans ; 58 % des bacheliers technologiques inscrits en IUT ont obtenu leur DUT en deux ans.
Le rapport des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche souligne les taux d'échec important de ces bacheliers en licence générale : « Comment pourrait-il en être autrement ? Ces élèves qui n'étaient pour la plupart déjà pas les plus à l'aise dans les classes de troisième, ont pendant trois ans suivi beaucoup moins de cours généraux. Un élève de lycée professionnel a deux par semaine d'enseignement professionnel, auxquels il faut ajouter deux mois de formation en entreprise dans son année. Au total, il a ainsi eu moitié moins de cours généraux - français, maths - qu'un élève dans une filière générale. Le faible taux de succès en licence n'est donc pas surprenant ».
Or, « les filières qui ont été conçues pour [les bacheliers professionnels et les bacheliers technologiques] sont les STS et IUT. » Pourtant, « 20 000 premiers vœux de bacheliers technologiques en direction d'IUT n'obtiennent pas de réponse positive, tandis que 35 000 bacheliers généraux l'obtiennent… de même, 50 000 premiers vœux de bacheliers professionnels en direction des BTS ne sont pas satisfaits, alors que 22 000 bacheliers généraux reçoivent une réponse positive. Aujourd'hui, 67 % des étudiants entrant en IUT sont titulaires d'un bac général, et 82 % des étudiants sortant des IUT poursuivent en licence […]. Les IUT sont devenus des voies de contournement de la licence générale » (27).
Au total, 40 % des candidats en STS, titulaires d'un bac professionnel, obtiennent une réponse favorable, et 26 % des titulaires d'un bac technologique obtiennent une réponse favorable à une demande d'inscription en IUT. Les bacheliers technologiques représentent, en 2011-2012, 27,3 % des candidats admis en première année d'IUT. Les bacheliers professionnels représentent 21,7 % des étudiants entrants en première année de STS, contre 18,9 de bacheliers généraux et… 41,5 % de bacheliers technologiques ! L'orientation prioritaire des bacheliers technologiques en IUT pourrait donc également avoir pour conséquence de faciliter l'orientation prioritaire des bacheliers professionnels en BTS.
Le 1° de l'article 18 complète le troisième alinéa de l'article L. 612-3 du code de l'éducation, afin de prévoir une orientation prioritaire des bacheliers technologiques en IUT et des bacheliers professionnels en STS.
L'article codifié dispose en effet que si « les dispositions relatives à la répartition entre les établissements et les formations excluent toute sélection, [en revanche], une sélection peut être opérée, selon des modalités fixées par le ministre chargé de l'enseignement supérieur, pour l'accès aux sections de techniciens supérieurs, instituts, écoles et préparations à celles-ci […]. »
Le recteur d'académie, chancelier des universités, aura la possibilité de prévoir des pourcentages minimaux de bacheliers professionnels en STS et de bacheliers technologiques en IUT.
Académie par académie, ces pourcentages seront eux-mêmes variables selon la spécialité du diplôme préparé et selon les demandes enregistrées dans le cadre de la procédure de préinscription, c'est-à-dire dans le cadre de la procédure « APB ».
En outre, le recteur prévoira également des modalités spécifiques d'admission pour ces bacheliers, reposant sur des « critères appropriés de vérification de leurs aptitudes ». En d'autres termes, il pourra prévoir une voie d'admission particulière en faveur de ces bacheliers, reposant sur des critères particuliers. Comme le note l'étude d'impact annexée au projet de loi, la rédaction proposée permet de trouver un équilibre qui ne remet pas en cause le principe de sélection de ces filières, ni les principes d'égalité dans l'accès à l'enseignement supérieur.
En effet, comme le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de le rappeler au sujet de l'instauration de modalités particulières d'admission par le conseil de direction de l'Institut d'études politiques de Paris (28), aux termes du treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, « la Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction […] ».
Comme le note le commentaire de la décision, paru dans les Cahiers du Conseil constitutionnel, les dispositions déférées pouvaient être interprétées comme « habilitant le conseil de direction de l'IEP de Paris à adopter une politique d'admission discrétionnaire, tournant le dos, sous prétexte de diversification, à toute procédure de sélection. Or en matière d'éducation, le principe d'égalité s'impose de façon particulièrement forte […] Aucun arbitraire ne peut être toléré en la matière. Ce n'est pas ici le principe du "recrutement diversifié" qui est en cause, mais les modalités selon lesquelles, une fois admise une telle diversification, seront prises les décisions d'admission ».
Le Conseil avait alors émis une réserve d'interprétation, subordonnant la constitutionnalité des dispositions déférées à la condition que le conseil de direction fixe des modalités d'admission reposant « sur des critères objectifs ».
D'après les informations transmises au rapporteur par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, le risque d'inconstitutionnalité pesant sur la rédaction initiale de ces dispositions, telle qu'elle avait été transmise au CNESER, explique que celle-ci ait été abandonnée. Elle prévoyait que « les titulaires d'un baccalauréat professionnel bénéficient d'une priorité d'accès aux sections de techniciens supérieurs et les titulaires d'un baccalauréat technologique bénéficient d'une priorité d'accès aux instituts universitaires de technologie selon des modalités précisées par décret. »
Le ministère a résumé ainsi au rapporteur la position du Conseil d'État : celui-ci aurait considéré que la priorité d'accès qui figurait dans le projet initial était à la fois imprécise et susceptible d'inconstitutionnalité au regard du principe d'égalité, tout en souscrivant à l'objectif recherché. Le Conseil a introduit le concept de proportion minimale de bacheliers technologiques et professionnels sous réserve de vérification des capacités. Le texte retenu par le gouvernement suit les recommandations du Conseil d'État sur ce point, tout en précisant les modalités (recours au recteur, prise en compte de la spécialité et de la demande des bacheliers). Une circulaire a été envoyée aux recteurs en ce sens.
Datée du 16 avril 2013, cette circulaire précise que : « c'est bien l'articulation entre les différentes voies et séries du lycée présentes dans votre académie et l'offre de formation en STS et IUT qui devra être travaillée. Seul ce processus permettra de fixer un objectif ambitieux mais réaliste concernant le pourcentage minimal d'un type de bachelier à atteindre. La détermination de ce pourcentage devra prendre en compte la demande étudiante, telle qu'elle s'exprime à travers la procédure APB, la spécialité du diplôme. Elle devra aussi tenir compte des caractéristiques sur ces points des différents territoires de votre académie. Vous aurez à mener ce dossier en étroit partenariat notamment avec les directeurs et présidents d'IUT et avec les proviseurs en ce qui concerne les STS. Ce dispositif devra notamment être présenté devant la commission académique des formations post-bac ». Il doit entrer en vigueur à la rentrée 2014.
Notons par ailleurs que les formations en IUT ont amorcé une évolution pédagogique, dans le cadre des modifications des programmes des diplômes universitaires de technologie attendues pour la rentrée 2013 : ces modifications doivent permettre d'accueillir de nouveaux publics et mettent l'accent sur l'accompagnement des bacheliers technologiques, tout en adaptant les contenus d'enseignement à la réforme du lycée. Les sections de techniciens supérieurs ont également mis en place des programmes d'accueil et de soutien à destination des bacheliers professionnels, notamment dans les disciplines scientifiques.
Le 2° de l'article 18 vise quant à lui à favoriser le rapprochement entre les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) et les STS des lycées et les EPSCP.
Le rapport de M. Jean-Yves Le Déaut précité soulignait la nécessité d'une meilleure articulation entre formations de l'enseignement supérieur. Le rapport des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche relevait également la dichotomie entre CPGE d'une part et universités, d'autre part, et l'insuffisante imbrication entre enseignement et recherche au sein des CPGE.
Le rapprochement conventionnel entre les CPGE et les universités était préconisé par chacun de ces rapports et l'étude d'impact rappelle que l'objectif poursuivi est celui d'une meilleure coordination entre les universités et l'ensemble des formations post-bac, afin de parvenir à une offre de formation plus cohérente au niveau d'un territoire, mais aussi de faciliter les réorientations. Tous les étudiants de CPGE n'intègrent pas une grande école : sur les 80 500 étudiants de CPGE, entre 7 000 et 8 000 intègrent une filière universitaire.
Plusieurs initiatives existent d'ores et déjà, comme par exemple dans l'académie de Versailles. Un vade-mecum a également été adressé aux recteurs d'académie en 2011, afin de leur rappeler les dispositifs partenariaux déjà prévus par les textes et de proposer un cadre pour le développement de CPGE en partenariat avec l'université.
En outre, même si le rapprochement entre STS et universités n'avait pas été envisagé dans un premier temps, l'étude d'impact souligne que « leurs relations se sont multipliées, prenant en compte la réorientation des étudiants de l'université mal orientés vers des STS ou favorisant la poursuite d'études des étudiants de STS, notamment à travers des licences professionnelles ». En effet, un tiers des diplômés de STS poursuivent leurs études, dont 60 % à l'université.
Le 2° de l'article 18 prévoit donc l'obligation pour chaque lycée disposant d'une formation d'enseignement supérieur, c'est-à-dire une CPGE ou une STS, de conclure une convention avec un ou plusieurs EPSCP. Cette catégorie juridique comprend les universités et leurs composantes, les instituts et écoles ne faisant pas partie des universités, les écoles normales supérieures, les grands établissements et les écoles françaises à l'étranger. À terme, elle inclura également les futures communautés d'universités et établissements, ce qui devrait permettre de maximiser les effets du conventionnement sur la mise en cohérence des formations au niveau territorial.
L'article précise que le lycée choisira librement l'EPSCP avec lequel conclure une convention, sous réserve que l'établissement se situe dans la même académie. Il convient en effet d'éviter le développement de filières verticales « hors sol », par exemple entre certaines CPGE et certaines grandes écoles, qui contourneraient à la fois l'objectif d'une amélioration de la synergie entre enseignement et recherche, notamment la recherche universitaire, mais aussi celui d'une meilleure cohérence territoriale de l'offre de formation.
Ces conventions devront prévoir des rapprochements dans les domaines pédagogiques. Elles permettront également de faciliter les parcours de formation des étudiants.
Enfin, l'article 62 fixe un délai de deux ans pour la mise en œuvre de ces obligations, l'étude d'impact précisant que les recteurs d'académie devront veiller au développement de ces coopérations.
La Commission a apporté plusieurs modifications à cet article.
S'agissant des pourcentages minimaux de bacheliers professionnels en section de techniciens supérieurs et de bacheliers technologiques en institut universitaire de technologie, la Commission a adopté un amendement du gouvernement précisant que ces pourcentages sont fixés par le recteur, en concertation avec les présidents d'université, les directeurs des IUT et les proviseurs de lycée ayant des STS.
S'agissant des conventions entre les lycées disposant de formation d'enseignement supérieur et les EPSCP, la Commission a indiqué que l'EPSCP doit justifier son refus de conclure une convention par un avis motivé. Elle a également précisé que la préinscription doit assurer aux élèves la connaissance de ces conventions. Enfin, à l'initiative du gouvernement, elle a précisé que cette obligation de conclure une convention avec un EPSCP ne concerne que les lycées publics.
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La Commission examine l'amendement AC 303 de M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel. L'article 18 prévoit l'application de quotas pour l'accès de bacheliers professionnels aux sections de techniciens supérieurs (STS) et de bacheliers technologiques aux instituts universitaires de technologie (IUT). Or une telle méthode ne respecte pas le principe républicain d'un accès selon le mérite aux filières de l'enseignement supérieur.
Pour que soient poursuivis les efforts qu'ont déjà consentis les IUT afin d'accueillir des bacheliers technologiques en plus grand nombre, il est préférable de discuter avec les établissements et de redéfinir les contrats d'objectifs et de moyens plutôt que d'imposer ex abrupto des pourcentages à respecter.
Par ailleurs, l'alinéa 3 de l'article 18 prévoit un rapprochement conventionnel des classes préparatoires aux grandes écoles avec des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP). Or, compte tenu de la diversité des classes préparatoires, il est très réducteur de vouloir imposer un rapprochement de manière systématique, d'autant que de nombreuses écoles de commerce ou d'écoles vétérinaires, par exemple, n'ont pas le statut d'EPSCP. Cela pose un problème de cohérence pédagogique.
Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer l'article 18.
M. le rapporteur. Avis défavorable. À mon sens, la disposition de l'alinéa 3 vise à des rapprochements horizontaux entre classes préparatoires et universités, qui sont des EPSCP, plutôt qu'avec des grandes écoles. Un des objectifs de la loi est en effet de favoriser une certaine convergence entre les deux filières d'enseignement supérieur - même si je mesure les difficultés de l'entreprise.
Mme la ministre. Il s'agit en effet de rapprocher, sans les confondre, les universités et les classes préparatoires aux grandes écoles. C'est un objectif politique que j'assume totalement. Or, si nous élargissions le champ des établissements concernés, les classes préparatoires risqueraient de ne pas se tourner spontanément vers les universités. Cependant, rien ne les empêche de conclure, en plus, une convention avec une grande école.
En tout état de cause, il est important de faire se rapprocher, sans pour autant les bousculer, deux filières qui peuvent apprendre beaucoup l'une de l'autre.
M. Patrick Hetzel. La rédaction actuelle de l'article pose d'autres problèmes. Ainsi, elle prévoit que le rapprochement s'effectue à l'intérieur de l'académie où se trouve l'établissement accueillant la classe préparatoire - un choix qui, en Île-de-France par exemple, pose des problèmes opérationnels. Je persiste donc à demander la suppression de l'article.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC 304 de M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel. Cet amendement de repli confie au recteur d'académie le soin de faciliter l'accès des bacheliers professionnels et technologiques aux STS et aux IUT, non par l'instauration d'un système de quotas, mais par la concertation.
M. le rapporteur. Avis défavorable : l'amendement remet en cause l'un des aspects les plus intéressants du projet de loi, consistant à améliorer les débouchés des bacheliers technologiques et professionnels. Sans contrainte, rien ne changera.
Mme la ministre. Même avis.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AC 467 de M. Patrick Hetzel et AC 538 de Mme Isabelle Attard.
M. Patrick Hetzel. Même si l'on ne peut que partager la volonté d'améliorer l'accueil en IUT des bacheliers technologiques, il faut éviter d'imposer des quotas identiques sans tenir compte ni des différences de spécialité ni du contexte local. Mieux vaut discuter avec les établissements des objectifs qu'ils doivent atteindre en ce domaine.
M. le rapporteur. C'est bien ce qui va se passer, puisque les quotas seront définis au niveau du rectorat. Avis défavorable.
Mme la ministre. Un amendement du gouvernement, AC 633, précisera les modalités de fixation des pourcentages et prévoit justement une concertation avec les dirigeants des établissements concernés.
Mme Isabelle Attard. L'amendement AC 538 propose un retour à la rédaction de l'avant-projet de loi, plus générale, et qui donnait aux titulaires d'un baccalauréat professionnel ou technologique l'assurance qu'ils seraient prioritaires dans les filières en question, au-delà d'une simple possibilité d'accès.
M. le rapporteur. Avis défavorable. C'est le Conseil d'État qui est à l'origine de la nouvelle rédaction.
Mme Isabelle Attard. Je retire l'amendement.
L'amendement AC 538 est retiré.
La Commission rejette l'amendement AC 467.
Elle examine ensuite l'amendement AC 537 de Mme Isabelle Attard.
Mme Isabelle Attard. Nous proposons de supprimer les concours d'entrée, qui poussent au bachotage et privilégient le passage par une classe préparatoire.
M. le rapporteur. Avis défavorable. Si je suis favorable à un rapprochement entre universités et classes préparatoires, et si j'estime que la perception de droits d'inscription dans les premières, mais non dans les secondes est un facteur d'inégalité sociale, je ne vois pas comment on pourrait supprimer le principe du concours.
Mme la ministre. Même avis.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement AC 204 de M. Rudy Salles.
M. Rudy Salles. L'article 18 est une belle déclaration de principes, mais qui renvoie pour l'essentiel à des décrets d'application. Il convient donc de le compléter. Ainsi, nous proposons qu'une formation aux enseignements supérieurs soit prodiguée dès la classe de seconde pour les futurs bacheliers en filière technologique ou professionnelle.
M. le rapporteur. Avis défavorable, car l'amendement est satisfait par le projet de loi portant refondation de l'école.
Mme la ministre. Même avis.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient ensuite à l'amendement AC 42 de M. François André.
M. Pascal Deguilhem. Même si les arguments de M. Patrick Hetzel sont tout à fait recevables, il reste que les IUT et STS ont des efforts à faire en termes d'accueil des bacheliers technologiques et professionnels. Il faut donc s'accorder sur les moyens d'améliorer la situation en ce domaine.
Dans l'immédiat, cet amendement, comme les suivants, est retiré au bénéfice de l'amendement AC 633 du gouvernement.
L'amendement AC 42 est retiré, de même que l'amendement AC 43 de M. Jean-Luc Bleunven et les amendements AC 654 et AC 41 de M. François André.
Puis la Commission examine l'amendement AC 168 de M. Serge Bardy.
Mme Catherine Troallic. Cet amendement aménage le dispositif proposé à l'alinéa 2. Il reconnaît la nécessaire diversité des publics accueillis, mais donne quelques indications quant à la méthode à suivre pour remplir cet objectif tout en respectant la liberté de sélection des candidats par les établissements. L'inscription dans le contrat d'objectifs et de moyens (COM) des possibilités d'aménagement du dispositif d'accès et des critères appropriés pourrait donner davantage d'acceptabilité au principe et une meilleure régulation in fine.
M. le président Patrick Bloche. Acceptez-vous de retirer l'amendement au profit de celui du gouvernement ?
Mme Catherine Troallic. Oui.
L'amendement AC 168 est retiré.
La Commission est ensuite saisie de l'amendement AC 633 du gouvernement.
Mme la ministre. Si, dans un premier temps, je n'avais pas prévu de quotas, c'est parce que j'avais conscience qu'ils devraient être très différents selon les territoires et les disciplines. Ainsi, alors que certains IUT de la région parisienne accueillent surtout des titulaires de baccalauréat scientifique avec mention « Bien », celui de Montluçon comprend 84 % de bacheliers technologiques et tente d'en recevoir encore davantage. Compte tenu de cette variété de situations, nous avons jugé nécessaire que les pourcentages soient fixés par les recteurs en concertation avec les présidents d'université, les directeurs des IUT et les proviseurs des lycées ayant des classes de techniciens supérieurs.
M. le rapporteur. Avis d'autant plus favorable que nous avons beaucoup dialogué avec le ministère sur cette question.
M. Pascal Deguilhem. Certains recteurs fixent déjà des pourcentages sans aucune concertation avec les présidents d'université ou les directeurs d'IUT. Le message devra donc être clair.
M. Patrick Hetzel. L'idée est de négocier l'application de quotas plutôt que de les imposer : je salue cette avancée. Mais la négociation aura-t-elle lieu à l'échelle nationale ou à celle de l'académie ? L'amendement ne le précise pas, ce qui risque de poser un problème d'interprétation de la loi.
M. Benoist Apparu. Je suis favorable au principe visé par l'article 18, ainsi qu'au principe des quotas, car je crains qu'il n'y ait pas d'autre solution pour aboutir au résultat recherché. Mais ne faudrait-il pas rectifier l'amendement en remplaçant le mot : « classes » par le mot : « sections » ?
Mme la ministre. Vous avez raison.
La Commission adopte l'amendement ainsi rectifié.
Puis elle examine l'amendement AC 206 de M. Rudy Salles.
M. Rudy Salles. Nous proposons une procédure de suivi des titulaires de baccalauréat professionnel ou technologique admis dans l'enseignement supérieur.
M. le rapporteur. Je crains qu'une telle disposition ne revienne à stigmatiser les bacheliers concernés. Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC 205 du même auteur.
M. Rudy Salles. Il participe du même esprit.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AC 305 de M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel. Nous proposons une vision plus extensive de la coopération entre établissements. Chaque lycée disposant d'au moins une formation d'enseignement supérieur devrait conclure une convention avec un ou plusieurs établissements d'enseignement supérieur délivrant au moins un diplôme conférant le grade de master, mais il pourrait aussi en conclure une avec un organisme de recherche.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, elle adopte ensuite l'amendement de précision AC 39 de Mme Sandrine Doucet.
Puis elle examine l'amendement AC 632 du gouvernement.
Mme la ministre. L'amendement précise que l'obligation pour les lycées disposant d'une classe préparatoire de conventionner avec les EPSCP ne s'impose qu'aux lycées publics. Cela étant, rien n'interdit les lycées privés de suivre le mouvement : nous ne pouvons que les y encourager.
M. le rapporteur. Avis favorable, bien que je constate que l'on ne favorise pas le rapprochement entre les lycées privés accueillant des classes préparatoires et les universités.
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine l'amendement AC 401 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. Cet amendement vise à autoriser le conventionnement des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) avec les établissements d'enseignement supérieur - et non plus les seuls EPSCP. Il n'y a aucune raison d'interdire aux classes préparatoires le conventionnement avec l'université de Lorraine, l'université de Paris-Dauphine ou Sciences Po Paris, qui sont de grands établissements même s'ils n'ont pas le statut d'EPSCP.
M. le rapporteur. L'objectif de ces conventions est de favoriser des rapprochements entre les CPGE et les universités. Je crains que, en ouvrant la possibilité de conventionner à d'autres établissements que les EPSCP, cet amendement ne nous ramène à celui inspiré par la Conférence des grandes écoles. Avis défavorable.
M. Jean-Yves Le Déaut. Les universités qui n'ont pas le statut d'EPSCP doivent tout de même pouvoir conclure des conventions.
Mme la ministre. Un grand établissement est un EPSCP : je vous renvoie à cet égard à l'article L. 717-1 du code de l'éducation.
M. Jean-Yves Le Déaut. Certains juristes soutiennent que ce n'est pas toujours le cas.
M. Patrick Hetzel. Les grands établissements ont en effet le statut d'EPSCP, mais sous une forme dérogatoire.
L'amendement de M. Jean-Yves Le Déaut a le mérite de montrer qu'il n'est pas nécessairement pertinent de se cantonner aux EPSCP. Certains établissements d'enseignement supérieur, telle l'École polytechnique, font aussi de la recherche. Or la rédaction actuelle de l'article 18 ne permet pas à une CPGE de signer une convention avec l'École polytechnique.
M. Jean-Yves Le Déaut. Je retire l'amendement. Je le redéposerai pour la séance publique.
L'amendement AC 401 est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement AC 170 de M. Serge Bardy.
Mme Bernadette Laclais. L'amendement est défendu.
M. le rapporteur. Avis défavorable : dans l'esprit de la loi, la cohérence est assurée au niveau de l'académie.
Mme la ministre. Même avis.
L'amendement AC 170 est retiré.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement AC 306 de M. Patrick Hetzel.
La Commission est saisie de l'amendement AC 400 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. Défendu.
M. le rapporteur. Défavorable, car nous avons trouvé un point d'équilibre.
Mme la ministre. Même avis.
L'amendement AC 400 est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements AC 40 de Mme Sandrine Doucet et AC 169 de M. Serge Bardy.
Mme Sandrine Doucet. L'amendement AC 40 prévoit que l'EPSCP doit justifier par un avis motivé son refus de conclure une convention. Je souhaite le rectifier pour n'en conserver que cette disposition - à savoir sa deuxième phrase.
Mme Bernadette Laclais. L'amendement AC 169 a le même objet. Je vais donc le retirer.
L'amendement AC 169 est retiré.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l'amendement AC 40 ainsi rectifié.
Elle examine ensuite l'amendement AC 38 de Mme Sandrine Doucet.
Mme Sandrine Doucet. Il s'agit de faciliter l'orientation des élèves.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l'amendement.
La Commission est saisie de l'amendement AC 539 de Mme Isabelle Attard.
Mme Isabelle Attard. Cet amendement pourra, je l'espère, alimenter la réflexion de Mme la ministre sur les financements à la charge du ministère de l'éducation nationale et de celui de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous proposons en effet d'aller un peu plus loin que la proposition n° 21 du rapport final des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche - qui consistait à rattacher chaque classe préparatoire à une université dans laquelle les étudiants de classe préparatoire seraient inscrits - en inscrivant le principe de cette double inscription dans le texte.
M. le rapporteur. Je rappelle que l'article 18 ne concerne pas que les classes préparatoires, mais aussi les STS. Je suis par ailleurs défavorable à cet amendement.
Mme la ministre. Même avis. La double inscription figurera dans la convention spécifique entre les classes préparatoires et les STS, d'une part, et les EPSCP, d'autre part.
L'amendement AC 539 est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement AC 308 de M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel. Dans son rapport de juin 2011, le sénateur Christian Demuynck a montré que le décrochage universitaire résultait soit d'un mauvais choix d'orientation, soit de difficultés d'apprentissage au cours de la licence. Cet amendement vise donc à permettre l'expérimentation de dispositifs de réorientation vers des formations mieux adaptées aux capacités d'apprentissage des jeunes concernés, dès le premier semestre. Il y a des garanties, puisque ces expérimentations ne peuvent être mises en place que par décret ministériel - c'est donc Mme la ministre qui en fixera les orientations générales. Puissent-elles permettre de réduire l'échec universitaire.
M. le rapporteur. J'interprète cet amendement comme une possibilité d'instaurer une sélection à l'entrée à l'université. Nous préférons nous inscrire dans la logique d'une spécialisation progressive en licence. Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis. Nous aurons l'occasion d'en débattre et de vous faire des propositions plus constructives pour assurer la réussite des étudiants.
M. Patrick Hetzel. Nous les attendons avec intérêt. Quelque chose me gêne cependant dans vos propos. L'amendement prévoit que les modalités de l'expérimentation seront fixées par décret. C'est vous qui parlez de sélection ! L'amendement permettrait de mettre en place un dispositif qui éviterait cet inconvénient tout en améliorant la réussite universitaire. Votre interprétation restrictive prouve que vous n'avez pas compris l'esprit qui m'anime et que vous ne souhaitez pas donner suite à ma proposition. Je maintiens l'amendement.
M. Benoist Apparu. Le dispositif proposé par cet amendement ressemble comme un frère à celui de l'article 22. Si je comprends bien, vous autorisez la sélection à l'entrée des études médicales au motif qu'il y a un concours à la fin de la première année. Assumez-le, et ne nous dites pas l'inverse lorsque nous faisons le même genre de propositions !
M. le rapporteur. J'avais pris la précaution de dire que j'interprétais cet amendement comme une possibilité d'instaurer une sélection à l'entrée à l'université. Quant à l'article 22, nous aurons l'occasion d'en discuter tout à l'heure.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AC 619 de M. Michel Pouzol.
M. Michel Pouzol. L'amendement est défendu.
M. le rapporteur. Dans la mesure où nous déplorons la multiplication des rapports, je ne peux que vous inviter à retirer cet amendement.
L'amendement AC 619 est retiré.
La Commission adopte l'article 18 modifié.
Article 19
Disposition de coordination
Les dispositions de l'article L. 612-4, incluses dans la section du code de l'éducation consacrée au premier cycle de l'enseignement supérieur, remontent à une loi n° 84-52 du 26 janvier 1984. Elles concernent les formations technologiques courtes, c'est-à-dire les STS et les IUT, et prévoient que les étudiants qui suivent ces enseignements « sont mis en mesure de poursuivre leurs études en deuxième cycle ».
En 1984, le diplôme d'études universitaires générales (DEUG) sanctionnait la réussite d'un premier cycle qui ne durait alors que deux ans. Les formations technologiques courtes étant d'une durée de deux ans, la coïncidence de cette durée avec celle du premier cycle, à cette époque, conduisait naturellement à envisager une poursuite d'étude en deuxième cycle de l'enseignement supérieur.
Or depuis la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, un diplôme de licence est désormais délivré à l'issue d'un premier cycle de trois ans. Les étudiants des BTS et IUT qui désirent poursuivre leurs études peuvent donc le faire en troisième année de licence, soit dans le cadre du premier cycle de l'enseignement supérieur.
Le 1° de l'article 19 vise donc à procéder à une modification de coordination de l'article codifié afin de prévoir que les étudiants des enseignements technologiques courts peuvent poursuivre leurs études en vue, notamment, de l'obtention d'un diplôme de fin de premier cycle. L'emploi de l'adverbe « notamment » permet de tenir compte du cas des étudiants qui poursuivent leurs études dans certaines écoles d'ingénieurs ou de commerce qui leur réservent des voies d'admission parallèle, ces écoles délivrant des diplômes de fin de second cycle.
La suppression, par le 2° de cet article, du second alinéa de l'article codifié, obéit à la même logique : il s'agit en effet d'une disposition obsolète à la fois d'un point de vue juridique, mais aussi d'un point de vue pratique, compte tenu des conditions réelles des poursuites d'études des étudiants concernés aujourd'hui.
La Commission a adopté un amendement qui précise, dans les dispositions codifiées, que les étudiants des enseignements technologiques courts peuvent s'orienter vers les cycles technologiques courts dans des conditions fixées par voie réglementaire, alors que les dispositions actuelles indiquent que ces étudiants « peuvent être orientés » vers ces cycles.
*
La Commission examine, en discussion commune, les amendements AC 256 de Mme Dominique Nachury et AC 207 de M. Rudy Salles.
Mme Dominique Nachury. L'article 19 prévoit que les étudiants des enseignements technologiques courts peuvent poursuivre leurs études en deuxième cycle. L'amendement AC 256 vise à substituer les mots « ont le droit de » au mot « peuvent ».
M. Rudy Salles. L'amendement AC 207 prévoit que ces étudiants « sont accompagnés pour » poursuivre leurs études en deuxième cycle. Le terme « pouvoir » est ambigu, donc susceptible de susciter des confusions.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette successivement les deux amendements.
La Commission est saisie de l'amendement AC 403 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. Cet amendement remplace les mots « peuvent être orientés » par les mots « peuvent s'orienter ». On passe du passif à l'actif !
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l'amendement.
Elle adopte ensuite l'article 19 ainsi modifié.
Article 19 bis (nouveau)
Poursuite d'insertion professionnelle des doctorants.
L'article L. 612-7 du code de l'éducation évoque le troisième cycle de l'enseignement supérieur, notamment ses étudiants et leur préparation à l'insertion professionnelle. La Commission a adopté par amendement cet article qui vise à substituer la notion de doctorant à celle d'étudiant et à évoquer la poursuite de l'insertion professionnelle plutôt que la préparation de celle-ci, afin de valoriser le fait que le doctorat constitue une expérience professionnelle de recherche.
*
La Commission examine, en discussion commune, les amendements AC 404 de M. Jean-Yves Le Déaut et AC 543 de Mme Isabelle Attard, portant article additionnel après l'article 19.
M. Jean-Yves Le Déaut. L'amendement AC 404 tend à privilégier, à l'article L. 612-7 du code de l'éducation, la préparation par les doctorants de leur poursuite de carrière.
Mme Isabelle Attard. Dans le même esprit, l'amendement AC 543 entend faire évoluer l'article concernant le troisième cycle pour créer un vrai statut du doctorant. Plus de la moitié des étudiants en thèse abandonnent aujourd'hui en cours de route. On parle de gâchis, de fuite des cerveaux et de manque de docteurs, mais il est temps de s'attaquer aux racines du problème : le manque de suivi et d'accompagnement des doctorants. Les différences de niveau entre écoles doctorales sont réelles ; les chartes de thèse ne sont pas identiques. La création d'un statut de docteur permettra d'assurer un suivi et d'éviter le gaspillage de l'argent public - car n'oublions pas que les thésards qui abandonnent ont bénéficié d'une allocation de recherche.
M. le rapporteur. Je suis favorable à ces amendements, mais il faut revoir leur rédaction. Je vous invite donc à les retirer et à les redéposer en vue de la séance publique.
Mme la ministre. Le terme « poursuite de carrière » est trop restrictif : il donne à penser que la seule carrière possible pour un doctorant est la recherche publique, alors que nous nous battons justement pour ouvrir d'autres débouchés.
M. le président Patrick Bloche. Je vous propose de viser plutôt la poursuite de leur insertion professionnelle.
M. le rapporteur. Avis favorable à l'amendement AC 404 ainsi rectifié.
Je confirme en revanche mon souhait de voir retirer l'amendement AC 543, dont la rédaction pourrait être revue avec les services de Mme la ministre. Vous pourriez ainsi le redéposer pour la séance publique, madame Attard.
L'amendement AC 543 est retiré.
La Commission adopte l'amendement AC 404 ainsi rectifié.
La Commission est saisie des amendements AC 406, AC 405, AC 407 et AC 408 de M. Jean-Yves Le Déaut, portant article additionnel après l'article 19 et pouvant faire l'objet d'une présentation commune.
M. Jean-Yves Le Déaut. Ces amendements portent sur les stages. Pour en avoir discuté avec le rapporteur, je sais que certains posent problème. Je souhaite simplement savoir quand nous traiterons de cette question.
Mme la ministre. Nous devrions le faire dans le cadre du projet de loi sur la formation professionnelle en préparation ou d'une proposition de loi. Mais certaines de vos propositions qui relèvent de la compétence de l'enseignement supérieur peuvent être intégrées à ce texte - sous réserve d'y retravailler.
Les amendements sont retirés.
Article 20
Accréditation des établissements
L'article 20 vise à modifier l'article L. 613-1 du code de l'éducation, qui fixe les règles générales de délivrance des diplômes. Cet article fixe le principe en vertu duquel l'État a le monopole de la collation des grades et des titres universitaires. Les diplômes nationaux conférant ces grades sont délivrés par des établissements habilités par l'État.
L'article 4 du décret n° 2002-481 du 8 avril 2002 relatif aux grades et titres universitaires et aux diplômes nationaux dispose que « les établissements qui jouissent de l'autonomie pédagogique et scientifique sont autorisés à délivrer, au nom de l'État, les diplômes nationaux par une décision d'habilitation prise dans les conditions fixées par la réglementation propre à chacun d'eux ».
Le ministre chargé de l'enseignement supérieur prend les décisions d'habilitation après avis du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER). En cas de renouvellement, ces décisions s'appuient sur les évaluations de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES).
L'habilitation porte donc sur chacune des formations conduisant à un diplôme national. Elle est mise en œuvre chaque année dans le cadre de la politique contractuelle. Elle fait appel à l'AERES, au CNESER, puis au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Cette procédure n'est pas satisfaisante. Elle reste en particulier trop centrée sur chaque formation, considérée isolément, ce qui complique la construction d'une véritable stratégie globale et partagée de l'offre de formation au niveau des établissements. Elle attache une grande importance aux contenus, mais fait abstraction de la capacité réelle des établissements, et notamment de la capacité financière, à assurer concrètement ces formations. Certains éléments pourraient relever de l'autonomie des équipes pédagogiques, comme par exemple le contenu précis des unités d'enseignement.
La lourdeur de la procédure peut être illustrée par l'exemple des exigences requises dans le cadre de l'habilitation des diplômes de licence : l'article 21 de l'arrêté du 1er août 2011 relatif à la licence dispose ainsi que « la demande d'habilitation à délivrer la licence présente l'ensemble des caractéristiques pédagogiques de l'offre de formation proposée, et notamment des parcours qui la constituent. Pour chacune des formations relevant des grands secteurs mentionnés à l'article L. 719-1 du code de l'éducation, elle précise en particulier les objectifs de formation et d'insertion professionnelle, l'organisation des parcours en crédits et l'articulation des unités d'enseignement entre elles, leurs contenus, leurs modalités pédagogiques, les volumes de formation correspondant aux enseignements et à l'encadrement pédagogique, les passerelles prévues et les modalités de validation des parcours. Elle comprend la fiche d'enregistrement du diplôme au répertoire national des certifications professionnelles. S'agissant des renouvellements d'habilitation, la demande présente en outre les résultats obtenus, les réalisations pédagogiques et les taux de réussite et d'insertion professionnelle observés. La demande d'habilitation définit également la composition et l'organisation des équipes de formation et leurs domaines de responsabilité qui comprennent, notamment, la définition des objectifs des parcours et des méthodes pédagogiques mises en œuvre, la coordination des enseignements et l'harmonisation des progressions pédagogiques, les démarches innovantes proposées s'agissant, en particulier, des pratiques pédagogiques différenciées ou individualisées, la présentation du dispositif d'évaluation des formations et des enseignements, les formes du travail pluridisciplinaire, la nature des travaux demandés aux étudiants. »
En outre, le catalogue des formations compte pas moins de 1 400 intitulés de licences générales, 2 200 intitulés de licences professionnelles, 1 800 mentions de masters et 5 900 spécialités à l'université, sans compter les masters des autres établissements qui amènent l'offre à 10 000 masters. L'offre de formation est devenue totalement illisible, que ce soit pour les employeurs ou les étudiants et leur famille. Tant le rapport des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche que M. Jean-Yves Le Déaut, dans son rapport précité, soulignent la nécessité d'améliorer la lisibilité des diplômes, en lien avec l'objectif de spécialisation progressive des études.
Le présent article vise à organiser le passage d'un système d'habilitation à un système d'accréditation, et le 1° procède à la substitution d'un terme à l'autre dans l'article codifié.
Le 2° du présent article ajoute quatre alinéas à l'article codifié, afin de définir cette accréditation.
Le deuxième alinéa du 2° de cet article précise que le contenu et les modalités de l'accréditation seront fixés par un arrêté du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, après avis du CNESER.
La deuxième phrase de cet alinéa précise que l'accréditation prend en compte la qualité pédagogique, ce qui, d'après l'étude d'impact, pourrait concerner la place du numérique dans le dispositif de formation, l'innovation pédagogique, la prise en compte de l'alternance, l'internationalisation des formations ou bien encore la politique de site.
Les objectifs d'insertion professionnelle et les liens entre les équipes pédagogiques et les représentants des professions concernées par la formation constitueront un autre critère d'appréciation. Cette précision doit être mise en relation avec l'article L. 611-2 du code de l'éducation, qui précise que les enseignements supérieurs sont organisés en liaison avec les milieux professionnels. Le fait que l'accréditation reposera notamment sur l'appréciation de la capacité de la formation à assurer l'insertion professionnelle des étudiants devrait contribuer à l'enrichissement du dialogue entre établissements et milieux professionnels.
L'arrêté dont il est question devra veiller à traduire l'objectif d'un allégement des procédures actuelles formation par formation, pour privilégier une approche plus globale par site attachant davantage d'importance à la cohérence globale de l'offre de formation. L'objectif est ainsi de veiller à éviter le développement de formations concurrentes au niveau d'un site pour favoriser une offre plus complémentaire. Le développement d'une vision plus stratégique permettra de prêter davantage d'attention à l'offre de formation dans les disciplines rares.
Il ne s'agira plus non plus d'évaluer a priori le contenu des formations, sauf peut-être pour certaines d'entre elles qui préparent l'accès à des professions réglementées, pour s'en remettre sur ce sujet à l'autonomie des équipes pédagogiques.
Il s'agira également de faire davantage de place à l'appréciation de la capacité concrète d'un établissement à mettre en œuvre une formation, qu'il s'agisse des moyens humains, financiers ou matériels dont il dispose.
Notons enfin que l'article 28 du présent projet de loi prévoit que le conseil académique, qui a vocation à regrouper le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie étudiante de chaque université, devra être consulté ou pourra émettre des vœux sur la demande d'accréditation.
Le troisième alinéa du 2° précise que comme pour l'habilitation, l'accréditation sera délivrée pour la durée du contrat pluriannuel conclu avec l'État.
Une évaluation nationale permettra un renouvellement de l'accréditation, sur décision du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, après avis du CNESER. La notion d'évaluation renvoie à l'article L. 114-3-1, dans sa rédaction issue de l'article 49 du présent projet de loi : cet article dispose notamment qu'un Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur sera chargé de l'évaluation des formations et diplômes des établissements d'enseignement supérieur. Il dispose en outre que « l'évaluation est préalable à l'accréditation ou à sa reconduction ».
L'étude d'impact souligne que l'accréditation doit permettre le principe d'une évaluation a posteriori, qui renforce l'autonomie et la capacité d'innovation pédagogique des établissements, dans le respect d'un cadre national. L'accréditation reposera non plus sur une analyse fine des contenus de formation mais sur des éléments d'opportunité, de contexte et d'organisation de l'offre. Une analyse plus fine interviendra a posteriori, sur le fondement de questions et d'indicateurs précis.
Un cadre national sera défini selon la même procédure, comme le prévoit le quatrième alinéa du 2° : ce cadre fixera la liste des mentions des diplômes nationaux, regroupés par grands domaines.
Les domaines sont des repères pour les axes majeurs de la politique de formation et de la compétence de chaque établissement. Leur nombre est nécessairement réduit, quelles que soient la nature et la taille de l'établissement. Ils sont précisés dans le cadre de son contrat quinquennal. Les domaines existants sont : Arts, Lettres, Langues ; Sciences Humaines et Sociales ; Droit, Économie, Gestion ; Sciences, Technologie, Santé.
La mention est le cœur de la spécification d'un diplôme. L'intitulé de mention peut être défini en regard d'une discipline universitaire (les mathématiques), d'un secteur d'activité (le transport) ou encore d'un métier (enseignant).
D'après l'étude d'impact annexée au projet de loi, l'objectif poursuivi est de supprimer, au niveau master, les spécialités et les différentes finalités, afin d'aboutir à une nomenclature plus lisible.
Enfin, le cinquième alinéa du 2° précise que l'arrêté d'accréditation emporte habilitation à délivrer des diplômes nationaux : ceux-ci figureront dans l'arrêté sous un intitulé reprenant ceux définis par le cadre national mentionné à l'alinéa précédent.
Notons que l'article 63 du projet de loi prévoit des dispositions transitoires destinées à faciliter la mise en œuvre du présent article.
La Commission a adopté un amendement tendant à préciser que l'accréditation prend en compte la carte territoriale des formations.
*
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement AC 540 de Mme Isabelle Attard.
Elle adopte ensuite l'amendement de précision AC 702 du rapporteur.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, elle adopte l'amendement AC 44 de Mme Nathalie Chabanne.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement AC 541 de Mme Isabelle Attard.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AC 703 du rapporteur.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements AC 309 de M. Patrick Hetzel, AC 542 de Mme Isabelle Attard et AC 251 de Mme Dominique Nachury.
Elle examine ensuite l'amendement AC 171 de M. Serge Bardy.
Mme Bernadette Laclais. L'amendement est défendu.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
Mme la ministre. Même avis.
L'amendement AC 171 est retiré.
La Commission adopte l'article 20 modifié.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements identiques AC 210 de M. Rudy Salles et AC 310 de M. Patrick Hetzel, portant article additionnel après l'article 20.
La Commission examine ensuite l'amendement AC 311 de M. Patrick Hetzel, portant article additionnel avant l'article 21.
M. Patrick Hetzel. Cet amendement vise à simplifier la personnalisation des cursus dans une logique de formation tout au long de la vie. Les personnes qui avaient arrêté leurs études et souhaiteraient les reprendre dans le cadre d'un dispositif de formation tout au long de la vie pourront le faire plus facilement avec un enseignement modulaire capitalisable.
M. le rapporteur. Avis défavorable. Je comprends la préoccupation qui est la vôtre, mais je ne suis pas certain que la notion d'« enseignement modulaire capitalisable » soit la formulation adéquate.
Mme la ministre. Même avis.
M. Patrick Hetzel. Il est important que l'université ne raisonne pas seulement en termes de formation initiale, mais aussi en termes de formation tout au long de la vie. Pour que celle-ci devienne une réalité, il faut faire évoluer un certain nombre de pratiques à l'intérieur de nos établissements d'enseignement supérieur et de recherche. Un dispositif d'enseignement modulaire capitalisable y contribuerait utilement. Je comprends donc mal votre position.
M. Benoist Apparu. Le rapporteur et la ministre nous ont indiqué tout à l'heure qu'ils souhaitaient un rapprochement des différentes formes d'enseignement supérieur. Notre pays a la particularité d'avoir un enseignement supérieur dual, avec d'un côté les universités et, de l'autre, les grandes écoles. Unifier la capacité d'obtenir un diplôme via l'enseignement modulaire capitalisable permet de rapprocher les grandes écoles, les STS, les IUT et les licences. Cela va dans le sens de ce que vous souhaitez, avec une efficacité sans doute supérieure à la fusion des établissements réclamée par certains.
Quant à l'expression d'« enseignement modulaire capitalisable », monsieur le rapporteur, nous sommes prêts à en discuter s'il pose problème.
Pour finir, j'aimerais connaître la position du gouvernement sur l'idée qui sous-tend cet amendement.
Mme la ministre. Je ne vois pas ce que votre proposition ajoute à la possibilité, déjà prévue dans le cadre du LMD, de capitaliser les unités d'enseignement via un système de crédits. Je crains au contraire qu'elle ne renforce le cloisonnement entre les filières, alors qu'il faut raisonner de façon globale, en termes de compétences acquises.
M. le rapporteur. J'aimerais que vous précisiez le sens de votre proposition, monsieur Hetzel, car j'ai le sentiment que nous partageons le même objectif.
M. Patrick Hetzel. Il s'agirait d'un système de capitalisation des formations tout au long de la vie, afin de garantir aux salariés qui voudraient reprendre des études que leur cursus antérieur sera pris en compte. Je vous propose, afin de fluidifier encore davantage le dispositif, de substituer au terme « universités » les mots « formations d'enseignement supérieur ».
Mme la ministre. C'est déjà la finalité des crédits de l'European Credits Transfer System (ECTS). Pourquoi mettre en place un nouveau dispositif, au lieu de mieux exploiter les outils dont nous disposons déjà ?
M. Benoist Apparu. L'ECTS ne s'applique pas aux établissements d'enseignement supérieur autres que les universités. La modification proposée par M. Patrick Hetzel permet d'étendre la capitalisation à toutes les formations de l'enseignement supérieur.
M. Patrick Hetzel. Autre problème, il n'existe pas de système d'accréditation des points ECTS, ce qui les prive d'une reconnaissance automatique de leur valeur. C'est à cette lacune que mon amendement entend remédier.
La Commission rejette l'amendement.
Article 21
Dispositions de coordination
Cet article procède aux diverses modifications de coordination rendues nécessaires par l'article précédent, en substituant le terme « accréditation » au terme « habilitation » dans diverses dispositions.
Le I modifie l'article L. 233-1 du code de l'éducation, qui concerne la Conférence des chefs d'établissements de l'enseignement supérieur.
Le II procède à la substitution susmentionnée dans l'article L. 612-7, relatif au troisième cycle de l'enseignement supérieur et aux formations doctorales.
Le III modifie l'article L. 614-3, qui concerne la carte des formations supérieures.
Le IV procède à la même coordination dans l'article L. 642-1, relatif à la formation des ingénieurs et des gestionnaires.
Enfin, le V modifie le code rural et de la pêche dont l'avant-dernier alinéa de l'article L. 812-1 dispose que « les établissements d'enseignement supérieur agricoles publics peuvent être habilités par le ministre chargé de l'enseignement supérieur, après avis conforme du ministre de l'agriculture, à délivrer, dans leurs domaines de compétences, seuls ou conjointement avec des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, des diplômes nationaux de troisième cycle. » Le V procède à la substitution du terme « accréditation » au terme « habilitation », et étend également le principe d'accréditation, au-delà des seuls diplômes de troisième cycle, aux diplômes nationaux de second cycle et de premier cycle, lorsque ces derniers ont un objectif d'insertion professionnelle.
*
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AC 704 et AC 705 du rapporteur.
Elle adopte ensuite l'article 21 modifié.
La Commission est saisie de l'amendement AC 409 de M. Jean-Yves Le Déaut portant article additionnel après l'article 21.
M. Jean-Yves Le Déaut. Cet amendement est défendu.
M. le rapporteur. Je vous demande de bien vouloir le retirer, la discussion de l'article 22 devant nous permettre de débattre spécifiquement des études de santé.
L'amendement est retiré.
Article 22
Expérimentation de nouvelles modalités d'accès aux études médicales
La première année commune des études de santé (PACES) a été mise en œuvre à la suite de la loi n° 2009-833 du 7 juillet 2009 portant création d'une première année commune aux études de santé et facilitant la réorientation des étudiants. Ce texte s'inscrivait dans le cadre du plan « Réussir en licence ».
Il procédait à une fusion entre la première année est commune aux études médicales, odontologiques et de sage-femme, et la première année commune aux études pharmacie, permettant ainsi aux étudiants d'avoir accès à quatre filières de formation au lieu de trois.
Ce rapprochement devait élargir les débouchés ouverts aux étudiants afin de réduire le taux d'échec et le nombre de redoublements en première année. Il avait vocation à donner aux futurs professionnels de santé un tronc commun de connaissances et une culture commune, afin de faciliter leur coopération dans leur vie professionnelle ultérieure.
Le principe du numerus clausus, fixé à l'article L. 631-1, a été maintenu : en 2011-2012, il était fixé à 12 812 places, soit 24 % des inscrits en PACES. Mais les enseignements qui composent cette année commune sont organisés de façon à ce que tous les étudiants aient la possibilité de se présenter à plusieurs concours : ils reposent sur un tronc commun et des unités d'enseignement spécifiques à chaque filière.
Cependant, comme le note le rapport des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche, « en PACES, le nombre d'étudiants attirés par la perspective d'un métier de médecin est tellement élevé par rapport au nécessaire numerus clausus que la proportion d'échec est considérable. Le grand nombre d'étudiants fait que les conditions d'accueil et d'études ne sont pas à la hauteur d'un service public de l'enseignement supérieur de qualité. La grande majorité des étudiants échoue, deux années de suite, ce qui les affecte souvent durablement et profondément. Ils reprennent alors des études dans des filières souvent fort différentes, avec le sentiment d'avoir perdu leur temps. […] Une sélection par l'argent est instaurée de facto à travers un circuit parallèle d'écoles privées. La notion même de service public est remise en cause » (29).
Ainsi que le relève le rapport de M. Jean-Yves Le Déaut, la sélection reste extrêmement forte et la PACES a « hiérarchisé à outrance » les différentes disciplines. De fait, rares sont les étudiants à se présenter aux quatre concours.
Le présent article propose d'instaurer une expérimentation de six ans portant sur les modalités d'admission en PACES.
Le premier alinéa de l'article précise à quelles dispositions il est dérogé, c'est-à-dire celles du I de l'article L. 631-1 : ce I précise notamment que des arrêtés des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé déterminent l'organisation de la PACES.
Ces arrêtés déterminent également :
- le nombre d'étudiants admis dans chacune des filières à l'issue de la première année ;
- les modalités d'admission de ces étudiants, à l'issue de la première année ;
- les conditions dans lesquelles les étudiants peuvent être réorientés à l'issue du premier semestre de la première année ou au terme de celle-ci.
Il pourra donc être dérogé à ces dispositions, pendant six ans, afin d'aménager des procédures d'admission particulières, dans deux hypothèses :
Le 1° de l'article précise ainsi qu'un décret pourra prévoir une orientation des étudiants de PACES à l'issue d'épreuves portant sur les enseignements dispensés au début de cette première année.
Comme indiqué supra, les possibilités de réorientation à la fin du premier semestre de la PACES existent déjà. Mais elles ne concernent que 15 % au plus des effectifs étudiants et interviennent trop tard pour que la réorientation puisse être réellement efficace.
L'emploi du terme « orientation » suggère donc qu'il s'agit au contraire de détecter de manière beaucoup plus précoce les étudiants qui n'ont manifestement aucune chance de réussite afin : il n'est plus question de les réorienter, ce qui suppose qu'ils se soient fourvoyés suffisamment longtemps sur une voie sans issue, mais de les conduire à envisager une autre orientation.
D'après les informations recueillies par le rapporteur, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche qu'un groupe de travail soit constitué en vue de l'élaboration du décret prévu au présent article. Les travaux de ce groupe pourraient définir les enseignements qui pourraient faire l'objet des épreuves d'évaluation, ainsi que la période à laquelle ces épreuves pourraient être organisées.
La deuxième phrase du 1° de l'article prévoit que l'université assure l'orientation des étudiants ayant échoué aux épreuves, en les inscrivant dans une formation qui les accueille immédiatement. Cette disposition appelle plusieurs commentaires.
L'emploi de l'indicatif « assure » suggère qu'il s'agit pour l'université d'une obligation : les étudiants ayant échoué aux épreuves pourront se tourner vers l'université qui sera dans l'obligation de leur trouver une autre formation. Cet indicatif suggère également que la nouvelle orientation sera obligatoire pour les étudiants en échec. L'étude d'impact évoque d'ailleurs « le contingent des étudiants autorisés à poursuivre en PACES à l'issue de l'orientation de début d'année ».
La qualification de cet échec devra également être précisée dans le décret. L'étude d'impact précise que « le nombre d'étudiants retenus pourra, par exemple, être égal à deux fois le numerus clausus ».
Le premier alinéa du 2° de l'article reprend la proposition émise tant par M. Jean-Yves Le Déaut que par le rapport des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche, de mise en place de passerelles vers les deuxième ou troisième années d'études médicales, odontologiques, pharmaceutiques ou maïeutiques.
Il sera possible de prévoir des modalités d'accès à ces formations après un premier cycle universitaire adapté ayant conduit à l'obtention d'un diplôme de licence. D'après les informations communiquées au rapporteur par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, le terme « adapté » suggère qu'il n'est pas envisagé que tout cursus conduisant au diplôme national de licence soit pris en compte pour ces modalités d'accès spécifiques : le groupe de travail qui sera constitué en vue de la préparation du décret définira les cursus ouvrant droit à ces passerelles en deuxième ou troisième année.
En outre, un arrêté des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé précisera comment ces passerelles seront mises en œuvre, dans le respect du numerus clausus : le nombre d'étudiants admis après une PACES et le nombre d'étudiants admis directement en deuxième ou troisième année seront fixés pour chaque université.
Le second alinéa du 2° prévoit les modalités d'évaluation de cette expérimentation : dans l'année qui précède l'expiration du délai de six ans, les ministres de la santé et de l'enseignement supérieur saisiront le CNESER d'un rapport d'évaluation. Ce rapport sera ensuite adressé au Parlement, assorti de l'avis émis par le Conseil.
Enfin, notons que l'étude d'impact précise qu'afin de faciliter cette évaluation, « les universités qui feront le choix de l'expérimentation ne pourront mener de front les différentes possibilités offertes par le futur article L. 631-1-1 ».
La Commission a adopté deux amendements présentés par la Commission des affaires sociales, saisie pour avis. Le premier amendement concerne la réorientation précoce des étudiants en PACES.
Il précise :
- que les épreuves au terme desquelles la réorientation aura lieu interviennent au plus tôt huit semaines après le début de l'année universitaire ;
- que seuls les étudiants considérés comme n'étant pas susceptibles d'être classés en rang utile à l'issue de ces épreuves feront l'objet d'une réorientation ;
- que cette réorientation pourra être systématique, pour un nombre d'étudiants n'excédant pas un pourcentage du nombre d'inscrits, pourcentage fixé par décret après avis des organisations représentatives concernées ;
- qu'une réorientation facultative pourra être proposée aux étudiants au-delà de ce pourcentage.
Le second amendement concerne les passerelles avec la deuxième ou la troisième année d'études de santé : l'expérimentation est étendue aux étudiants ayant suivi une à trois années d'un premier cycle universitaire conduisant à un diplôme national de licence.
*
La Commission est saisie de l'amendement AC 269 de M. Benoist Apparu, tendant à supprimer l'article 22.
M. Benoist Apparu. C'est un changement majeur que vous nous proposez à travers cet article, puisqu'il met en place une sélection à l'entrée de la première année des études de médecine alors que, jusqu'ici, la sélection avait lieu à la fin de la première année. Vous allez bien sûr nier que le dispositif prévu par l'article 22 soit une sélection, mais comment appeler autrement un examen intervenant à l'orée de la première année et dont la réussite conditionne la poursuite de la scolarité ? Or non seulement une telle sélection n'est pas souhaitable en soi, mais elle sera en outre impuissante à abaisser le taux d'échec considérable en première année de médecine. L'objectif est louable, et c'est d'ailleurs celui du dispositif de la première année commune aux études de santé (PACES), mis en place au cours de la législature précédente. Voilà qu'on propose un autre dispositif sans même avoir évalué le précédent.
Surtout, on ne voit pas comment vous allez parvenir à réorienter les étudiants qui auront échoué à l'examen. Ils auront donc perdu un an, voire deux ans d'études, et le problème du taux d'échec en première année ne sera toujours pas réglé.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel AC 706 du rapporteur.
La Commission est saisie de l'amendement AC 410 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. Je retire cet amendement au profit de l'amendement AC 9 du rapporteur pour avis de la Commission des affaires sociales.
Je voudrais par ailleurs indiquer à M. Benoist Apparu que l'article 22 met en place un dispositif d'orientation et non pas de sélection, notamment en établissant des passerelles entre les différentes formations de santé.
L'amendement AC 410 est retiré.
La Commission est saisie des amendements identiques AC 270 de M. Benoist Apparu et AC 544 de Mme Isabelle Attard.
M. Benoist Apparu. Si je vous comprends bien, monsieur Le Déaut, ce que vous appelez orientation quand c'est le gouvernement qui le décide, vous le qualifiez de sélection quand c'est M. Patrick Hetzel qui le propose !
Mme Isabelle Attard. Le dispositif d'orientation prévu au troisième alinéa de l'article risque en effet de se transformer en un système de sélection à l'entrée de l'université.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette ensuite l'amendement AC 249 de M. Bernard Debré.
Puis elle est saisie de l'amendement AC 9 du rapporteur pour avis de la Commission des affaires sociales.
M. Olivier Véran, rapporteur pour avis de la Commission des affaires sociales. Le propos du gouvernement, à travers cet article 22, n'a jamais été d'instaurer une sélection à l'entrée des études de médecine. Les trois amendements que j'aurai l'honneur de vous proposer pour améliorer sa rédaction ont d'ailleurs été votés à l'unanimité de la Commission des affaires sociales, ce qui montre que toutes les incompréhensions qui auraient pu exister sur ce point ont été levées.
Le but de cet article est de mettre un terme à ce que tout le monde considère comme un immense gâchis humain, et l'évaluation de la PACES par la Conférence des présidents d'université - car ce dispositif a bien été évalué, monsieur Apparu - a montré que ce dispositif n'a pas permis de le réduire. À ce propos, monsieur Apparu, ce dispositif a été évalué à l'inverse de ce que vous prétendez. L'article 22 établit des passerelles.
L'article vise à renforcer la réorientation active des étudiants les plus en difficulté, en leur proposant au cours de l'année universitaire d'intégrer une formation qui leur permettra de valider leur première année de licence.
Il propose également d'élargir les passerelles qui permettent d'intégrer les formations de santé en deuxième ou en troisième année.
Cet amendement vise à substituer le mot de « réorientation » au terme d'« orientation » afin de lever toutes les interrogations qui pourraient subsister et d'exclure de la façon la plus explicite toute forme de sélection à l'entrée dans le cursus universitaire. Il prévoit par ailleurs que cette réorientation interviendra au plus tôt à l'issue d'une période de huit semaines, au lieu des onze semaines dans le système actuel, afin de donner aux étudiants plus de chance de valider une année pleine.
La réorientation des étudiants les plus mal classés sera systématique, dans la limite de 15 % des candidats, taux déjà défini par voie réglementaire. Au-delà, l'amendement permet aux universités de proposer aux étudiants mal classés une réorientation facultative. Dans tous les cas de réorientation, l'université aura l'obligation d'assurer à l'étudiant sa réinscription dans une autre formation dès l'année universitaire en cours.
M. le rapporteur. Favorable.
Mme la ministre. Favorable, le rapporteur pour avis de la Commission des affaires sociales s'étant très clairement expliqué.
M. Benoist Apparu. J'aimerais que vous m'expliquiez comment, techniquement parlant, un étudiant ayant échoué à l'examen pourra être réorienté à la mi-novembre, alors que, selon le gouvernement, l'« orientation active » prévue par la loi LRU est un échec. J'aimerais également savoir si le gouvernement a l'intention de mettre en place le même dispositif dans toutes les filières d'enseignement supérieur qui connaissent des taux d'échec équivalents.
Quant à la substitution du terme de « réorientation » à celui d'« orientation », nul doute qu'il suffira à convaincre qu'il ne s'agit pas du tout d'une sélection !
M. le rapporteur pour avis de la Commission des affaires sociales. Novembre et septembre, ce n'est pas la même chose dans une année universitaire. En outre, les étudiants qui seront réorientés ne repartiront pas de zéro. Enfin, aucune autre filière universitaire ne connaît un taux d'échec de 85 % en première année.
M. Patrick Hetzel. Certaines filières connaissent des taux d'échec proches de 50 % : n'est-ce donc rien pour vous ?
M. Benoist Apparu. Vous n'avez pas répondu à une question qui était purement pratique : alors que le gouvernement lui-même affirme qu'on n'arrive déjà pas aujourd'hui à organiser l'orientation active prévue par la « loi LRU », comment pourrait-il parvenir à réorienter sans problème 85 % des étudiants de première année de médecine ?
M. le rapporteur pour avis de la Commission des affaires sociales. Je vous ai déjà expliqué que cette réorientation ne concernerait pas 85 %, mais 15 % des étudiants de première année.
M. Benoist Apparu. Cela signifie qu'on accepte un taux d'échec de 70 % en fin de première année. S'il ne permet pas une réorientation massive, votre système ne remédiera en rien au gâchis humain que vous dénoncez. Je ne comprends d'ailleurs pas que vous acceptiez les taux d'échec considérables affichés par d'autres filières.
M. le rapporteur pour avis de la Commission des affaires sociales. Pour 15 % des étudiants les plus en difficulté, la réorientation sera obligatoire, mais une réorientation facultative pourra être proposée aux autres. En tout état de cause, votre argumentation est incohérente : si la réorientation de 85 % des étudiants au mois de novembre n'est pas une sélection précoce, alors je ne comprends plus !
Notre but est de mettre sur pied, par la voie de l'expérimentation, un dispositif pragmatique de réorientation des étudiants, en leur donnant la possibilité de réintégrer un autre cursus au cours de leur première année.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, les amendements AC 545 de Mme Isabelle Attard, AC 211 et AC 212 de M. Rudy Salles, AC 255 de Mme Dominique Nachury et AC 346 de M. Thierry Braillard n'ont plus d'objet.
La Commission examine ensuite l'amendement AC 10 du rapporteur pour avis de la Commission des affaires sociales.
M. le rapporteur pour avis de la Commission des affaires sociales. Cet amendement vise à étendre le champ de l'expérimentation prévue à l'article 22 afin d'y intégrer les projets de licence « santé » à spécialisation progressive, où l'entrée dans les études de santé se ferait, selon la filière, à la fin d'une, de deux ou de trois années de cursus commun.
Cette disposition va dans le sens à la fois des propositions de M. Jean-Yves Le Déaut et de projets mis au point par plusieurs universités françaises pour la rentrée de 2014.
M. le rapporteur. Avis favorable.
Mme la ministre. Même avis.
M. Benoist Apparu. La réorientation n'étant obligatoire que pour 15 % des étudiants, et le taux d'échec en PACES s'élevant à 85 %, cela signifie que vous acceptez un taux d'échec de 70 % en fin de première année.
L'amendement est adopté.
Puis la Commission examine l'amendement AC 546 de Mme Isabelle Attard.
Mme Isabelle Attard. Je retire cet amendement en raison de l'adoption de l'amendement AC 10.
L'amendement AC 546 est retiré.
Puis la Commission adopte les amendements rédactionnels AC 707 et AC 708 du rapporteur.
Elle adopte ensuite l'article 22 modifié.
Article 22 bis (nouveau)
Expérimentation d'une première année commune aux formations paramédicales
La Commission a ajouté cet article en adoptant un amendement de la Commission des affaires sociales, saisie pour avis, qui prévoit une expérimentation, d'une durée de six ans, d'une première année d'étude commune à diverses formations paramédicales, formations dont la liste sera définie par arrêté du ministre de la santé et du ministre de l'enseignement supérieur. Cette expérimentation fera l'objet d'un rapport d'évaluation du gouvernement, qui sera soumis au CNESER pour avis, puis transmis au Parlement.
*
La Commission est saisie de l'amendement AC 11 du rapporteur pour avis de la Commission des affaires sociales, portant article additionnel après l'article 22.
M. le rapporteur pour avis de la Commission des affaires sociales. Cet amendement vise à permettre l'organisation d'une première année commune à certaines professions paramédicales sur le même modèle que la PACES.
La liste en serait fixée par arrêté après consultation des organisations étudiantes et professionnelles représentatives.
Un grand nombre de ces étudiants suivent d'ores et déjà une, voire deux années de préparation, souvent dans un institut privé très coûteux ou parfois, déjà, en PACES, comme 70 % des étudiants en kinésithérapie. La première année paramédicale permettrait d'institutionnaliser la sélection pour la rendre plus juste, de mutualiser des enseignements et d'assurer une préparation de qualité moins coûteuse que celle qui est dispensée dans un institut privé.
Une certaine homogénéité dans le parcours universitaire est nécessaire pour rendre possible la création d'une année commune d'enseignement. Cette homogénéité existe déjà dans les métiers de la rééducation. L'expérimentation pourra intégrer d'autres filières.
M. le rapporteur. Avis favorable.
Mme la ministre. Même avis.
L'amendement est adopté.
La Commission est saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 22.
Elle examine l'amendement AC 547 de Mme Isabelle Attard.
Mme Isabelle Attard. L'amendement est défendu.
M. le rapporteur. Avis défavorable au nom de la « jurisprudence Durand », afin d'éviter la multiplication des rapports.
Mme la ministre. Même avis.
La Commission rejette l'amendement.
Puis, suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement AC 548 de Mme Isabelle Attard.
Elle examine l'amendement AC 411 de M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. L'amendement est défendu.
M. le rapporteur. Je demande à M. Jean-Yves Le Déaut de bien vouloir le retirer.
Mme la ministre. Je m'associe à la demande du rapporteur.
M. Jean-Yves Le Déaut. Je retire l'amendement.
L'amendement AC 411 est retiré.
TITRE IV
LES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
Chapitre Ier
Les établissements publics d'enseignement supérieur
Article 23
Ajout des communautés d'universités et établissements
à la catégorie des EPSCP
Cet article a pour objet de modifier l'article L. 711-2 du code de l'éducation, qui définit la liste des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP), pour ajouter à cette catégorie les communautés d'universités et établissements prévues par l'article 38 du projet de loi.
Il s'agit, par conséquent, d'une disposition de coordination.
On rappellera que la catégorie des EPSCP comprend aujourd'hui six types d'établissements : les universités, auxquelles sont assimilés les instituts nationaux polytechniques (INP), les écoles et instituts extérieurs aux universités, les écoles normales supérieures (ENS), les écoles françaises à l'étranger et les grands établissements.
Selon le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, le nombre total d'EPSCP s'élevait, en mars 2013, à 119 - un chiffre attestant du « foisonnement » de notre paysage universitaire -, parmi lesquels :
- 75 universités ;
- 15 écoles ou instituts extérieurs à l'université (dont les quatre écoles centrales, les cinq instituts nationaux des sciences appliquées ou INSA et les trois universités de technologie : Compiègne, Belfort/Montbéliard et Troyes) ;
- 20 grands établissements relevant de la tutelle du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (par exemple : le Collège de France, le CNAM, l'École des chartes, l'Institut d'études politiques de Paris, le Muséum d'histoire naturelle et l'Université de Lorraine) ;
- 11 établissements relevant d'un autre ministère (par exemple : l'École nationale des Ponts et chaussées, l'Institut Mines Télécom, l'École nationale vétérinaire, agroalimentaire et de l'alimentation Nantes Atlantique et Montpellier Sup Agro) ;
- 5 écoles françaises à l'étranger (la Casa de Velázquez, l'École française d'Athènes, l'École française d'Extrême-Orient, l'École française de Rome et l'Institut français d'archéologie orientale du Caire) ;
- 3 ENS (Ulm, Cachan et Lyon) ;
- 24 établissements publics à caractère administratif (EPA) rattachés à un EPSCP (par exemple, l'Institut d'études politiques ou IEP de Bordeaux, rattaché à l'université de Bordeaux I) ;
- 24 pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) constitués sous la forme d'établissements publics de coopération scientifique (EPCS).
*
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements identiques AC 468 de M. Patrick Hetzel et AC 213 de M. Rudy Salles, visant à supprimer l'article 23.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AC 709 du rapporteur et AC 214 de M. Rudy Salles.
M. le rapporteur. Les mots « communautés d'universités et établissements » forment une expression quelque peu technocratique : il serait préférable parler d'« université fédérale ».
M. Rudy Salles. Nous sommes totalement opposés à la création des communautés d'universités et établissements. La référence à l'université fédérale est encore pire, puisque sa logique est celle de la fusion.
Mme la ministre. C'est le Conseil d'État qui a précisé les mots « communautés d'universités et établissements » afin de ne pas écarter les écoles de ces communautés. Toutefois, il convient de ne pas de se focaliser sur une question d'ordre terminologique : in fine, en effet, la communauté prendra le nom du lieu où elle se trouve - « université de Bordeaux », « université de Lyon », « université de Rennes ». L'appellation « communauté d'universités et établissements » n'est donc pas destinée à devenir usuelle.
Je suis défavorable à ces deux amendements.
M. le rapporteur. Je retire l'amendement AC 709.
Je tiens toutefois à informer Mme la ministre de l'apparition du sigle CUBA, pour « communauté des universités de Bordeaux-Aquitaine » : je ne suis donc pas certain qu'elle ait raison. Il aurait été préférable de mettre en avant le beau mot d'université.
L'amendement AC 709 est retiré.
La Commission rejette l'amendement AC 214.
Puis elle adopte l'article 23 sans modification.
Article 23 bis (nouveau)
Limite d'âge des dirigeants d'EPSCP
La Commission a adopté par amendement cet article prévoyant que la limite d'âge des présidents, des directeurs et des personnes qui exercent la fonction de chef d'établissement des EPSCP est fixée à soixante-huit ans. Ces derniers peuvent rester en fonction jusqu'au 31 août suivant la date à laquelle ils ont atteint cet âge.
Ainsi, la même règle s'appliquera à tous les chefs d'établissement, quel que soit leur titre, et permettra aux présidents d'université de bénéficier de la possibilité déjà offerte aux dirigeants de PRES.
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La Commission examine l'amendement AC 634 du gouvernement, portant article additionnel après l'article 23.
Mme la ministre. Cet amendement vise à étendre à tous les dirigeants d'EPSCP la possibilité de poursuivre leur mandat jusqu'à l'âge de soixante-huit ans.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l'amendement.
Section 1
La gouvernance de l'université
Article 24
Administration de l'université
Cet article a pour objet de modifier l'article L. 712-1 du code de l'éducation, qui définit les organes de gouvernance des universités, afin de tenir compte du remplacement du conseil scientifique (CS) et du conseil des études et de la vie universitaire (CEVU) par un conseil académique, institué par l'article 27 du projet de loi, organe à la fois délibérant et consultatif.
L'« architecture » de gouvernance prévue par l'article L. 712-1 du code en vigueur est la suivante : « le président de l'université par ses décisions, le conseil d'administration par ses délibérations, le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire par leurs avis assurent l'administration de l'université ».
Cette disposition, issue de la « loi LRU », a retiré au CS et au CEVU leur pouvoir de proposition et a cantonné, de ce fait, ces organes dans un rôle purement consultatif. Pourtant, les matières dont ils ont à connaître - en résumé, la formation, la pédagogie, la recherche et la vie étudiante - sont d'une importance décisive pour les acteurs de la communauté universitaire.
Le « déclassement » de ces conseils est d'autant plus regrettable que les acteurs clefs de cette communauté, à savoir les personnels et les usagers, y sont plus largement représentés qu'au sein du conseil d'administration.
L'articulation actuelle des organes centraux de l'université est donc préjudiciable à la démocratie interne de cet établissement. C'est la raison pour laquelle il est proposé de modifier l'article L. 712-1 dans un double but :
- remplacer la référence au CS et au CEVU par la mention du conseil académique créé par l'article 27 du projet de loi ;
- préciser que celui-ci concourt à « l'administration » de l'université non seulement par ses avis, mais aussi par ses délibérations, car l'article 28 du projet de loi prévoit de le doter de pouvoirs décisionnels.
Ainsi que cela a déjà été souligné par le rapporteur dans l'exposé général, ce nouveau schéma sera conforme aux règles de « bonne gouvernance » des grandes universités internationales.
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La Commission est saisie de deux amendements identiques, AC 469 de M. Patrick Hetzel et AC 215 de M. Rudy Salles visant à supprimer l'article 24.
M. Patrick Hetzel. Nous sommes opposés à la création des communautés d'universités et établissements, qui seront ingérables tout en répondant à une conception coercitive de l'enseignement supérieur, alors même que le comité de suivi de la « loi LRU » a constaté que de nombreux établissements ont fait preuve de créativité pour développer des projets.
Cette conception coercitive fait fi de l'existant en termes de coopération. Elle est de surcroît liée à une vision territoriale et régionale de l'enseignement supérieur et de la recherche qui ignore leur vocation nationale. Par ailleurs, quid des établissements présents sur plusieurs sites, comme l'École nationale supérieure des arts et métiers ? Allez-vous la dissocier en différentes communautés ? Ce serait ignorer l'originalité de ce type d'établissement.
Une telle disposition est aussi précipitée qu'incohérente, puisque des EPSCP pourront intégrer un autre EPSCP ! Cette logique d'emboîtement ne sera pas sans poser des problèmes d'ordre juridique et administratif, d'autant que les modalités de représentation dans les conseils d'administration de ces nouvelles communautés ne permettront pas la représentation systématique de tous les établissements. Comment, dans ces conditions, ces communautés pourront-elles être le lieu d'une quelconque cohérence stratégique ?
Certes, si le dispositif permet de simplifier le processus de contractualisation, puisque le ministère n'aura plus à signer que trente contrats, les établissements s'inquiètent d'ores et déjà de la répartition future des moyens au sein de ces communautés.
M. Rudy Salles. Le groupe UDI se rallie aux arguments de M. Patrick Hetzel.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements.
Puis elle examine l'amendement AC 312 de M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel. Il s'agit d'un amendement de repli. La rédaction de l'article répond à une vision très centralisatrice. Si le gouvernement persiste dans sa volonté de créer ces communautés d'universités et établissements, il convient de laisser davantage de souplesse au sein de chaque établissement en précisant que « les statuts de l'université prévoient la composition, le mode de désignation et les prérogatives » du conseil académique.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AC 216 de M. Rudy Salles.
M. Rudy Salles. Cet amendement, présenté dans le même esprit que le précédent, vise à garantir la liberté et la responsabilité des universités.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AC 313 de M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel. Cet amendement tend à généraliser les expériences de conseils d'orientation stratégique menées au sein de plusieurs universités - université Stendhal-Grenoble 3, université de Cergy, université de Nice Sophia Antipolis ou université de Strasbourg. Ces conseils répondent en effet à une bonne pratique, puisqu'ils ont pour fonction d'effectuer des propositions en amont des débats qui ont lieu au sein des conseils d'administration.
M. le rapporteur. Avis défavorable. Ces conseils d'orientation stratégique sont intéressants. Toutefois, alors que la logique du texte est celle de la simplification, ces deux niveaux de débats - conseil d'orientation stratégique et conseil académique - présenteraient un risque de dyarchie.
Enfin, respectons l'autonomie des universités : elles peuvent fort bien créer de tels conseils si elles le souhaitent.
Mme la ministre. Avis défavorable au nom de la liberté et de la responsabilité des établissements.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 24 sans modification.
Article 25
Le président de l'université
Le présent article a pour objet de modifier l'article L. 712-2 du code de l'éducation relatif à l'élection et aux pouvoirs du président de l'université. Ses compétences sont, pour l'essentiel, préservées mais, compte tenu du nouvel équilibre de gouvernance proposé par le projet de loi, il dialoguera avec un nouvel organe consultatif et délibérant, chargé d'incarner la communauté universitaire : le conseil académique. De cette manière, il sera mis fin à la « présidentialisation » ou à la « centralisation » qui est reprochée à la « loi LRU ». Par ailleurs, le président de l'université sera élu par l'ensemble des membres du conseil d'administration de l'établissement, y compris donc par les personnalités extérieures, ce qui accroîtra sa légitimité.
1. Un rôle de « pilote » de l'université préservé
Le projet de loi n'est en rien une loi de « revanche » et le présent article, comme l'article 26 sur le conseil d'administration, en sont la démonstration, car ils se proposent de corriger les défauts de la « loi LRU » pour assurer une gouvernance plus démocratique de l'université et conforme aux « standards » internationaux.
C'est la raison pour laquelle le président de l'université conserve les pouvoirs qui permettent de faire de ce dernier l'« exécutif » de l'université.
Le présent article laisse en effet intactes les dispositions selon lesquelles le président « assure la direction de l'université » et « à ce titre » préside le conseil d'administration, « prépare et exécute » ses délibérations, « met en œuvre » le contrat pluriannuel d'établissement liant celui-ci à l'État, ordonne les recettes et les dépenses de l'université et a « autorité sur l'ensemble des personnels ».
Le « droit de veto » en matière de personnels, qui se traduit par le fait qu'« aucune affectation ne peut être prononcée si le président émet un avis défavorable motivé » est également maintenu, mais il est « tempéré », comme on le verra plus loin, par de nouvelles exceptions.
On rappellera que ce pouvoir s'applique à tous les personnels, y compris aux enseignants-chercheurs, selon l'article L. 952-6-1 du code, et qu'il en résulte que le président de l'université peut s'opposer au recrutement, à la mutation ou au détachement des candidats dont les mérites ont été pourtant préalablement distingués par le comité de sélection de l'établissement. Le Conseil constitutionnel a estimé que ce pouvoir ne porte pas atteinte à l'indépendance des enseignants-chercheurs, laquelle résulte d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République, qui toutefois « s'oppose à ce que le président de l'université fonde son appréciation sur des motifs étrangers à l'administration de l'université et, en particulier, sur la qualification scientifique des candidats retenus à l'issue de la procédure de sélection » (30).
En outre, le « droit de veto », qui, pour certains, symbolise les défauts les plus criants de la « loi LRU », ne s'est pas traduit par des dérives autoritaires, puisque les présidents l'ont très peu utilisé, comme le montrent les statistiques communiquées au rapporteur. En effet, pour les personnels enseignants-chercheurs, sur la période 2007-2012, ce droit a concerné 10 postes soit 0,06 % des 17 636 postes publiés. En ce qui concerne les personnels non enseignants, depuis 2011, année à partir de laquelle le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche dispose de données, le droit de veto a été exercé sept fois (une fois sur un attaché, deux fois sur un technicien, deux fois sur un agent ingénieur, technicien de recherche et de formation de catégorie C, trois fois sur des magasiniers de bibliothèques).
De même, l'article L. 954-2 du code, qui rend le président de l'université responsable de l'attribution des primes aux personnels affectés à l'établissement selon des règles définies par le conseil d'administration, et l'article L. 954-3, qui donne à ce dernier le pouvoir de recruter, pour une durée déterminée ou indéterminée, des agents contractuels pour exercer des fonctions d'enseignement et de recherche ou pour occuper des fonctions techniques ou administratives correspondant à des emplois de catégorie A, ne sont pas modifiés.
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