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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 mai 2013.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)
SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE (no 906)
DE M. BRUNO LE ROUX ET MME CATHERINE QUÉRÉ ET PLUSIEURS AUTRES MEMBRES DU GROUPE SOCIALISTE, RADICAL, CITOYEN ET DIVERS GAUCHE ET APPARENTÉS,
sur la réforme des droits de plantation de vigne,
ET PRÉSENTÉ
PAR Mme Catherine QUÉRÉ,
Députée
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La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; Mmes Annick GIRARDIN, Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; MM. Christophe CARESCHE, Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, M. André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Jean-Jacques BRIDEY, Mme Nathalie CHABANNE, M. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, M. Yves DANIEL, MM. Charles de LA VERPILLIÈRE, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Marc LAFFINEUR, Mme Axelle LEMAIRE, MM. Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Arnaud LEROY, Michel LIEBGOTT, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Mme Catherine QUÉRÉ, M. Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY, Mme Paola ZANETTI.
SOMMAIRE
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Pages
A. L’ÉLOIGNEMENT DES RISQUES DE SUPPRESSION D’UN DISPOSITIF ÉPROUVÉ D’ENCADREMENT DES CAPACITÉS DE PRODUCTION 7
B. UNE FORTE MOBILISATION EUROPÉENNE 8
II. LES PROPOSITIONS DU GROUPE DE HAUT NIVEAU : UNE BASE DE DISCUSSION CONVENABLE MAIS PERFECTIBLE 9
A. LE GROUPE DE HAUT NIVEAU SE PRONONCE EN FAVEUR DU MAINTIEN D’UN ENCADREMENT COMMUNAUTAIRE DES PLANTATIONS DE VIGNE 9
B. LE CONSEIL EUROPÉEN A FAIT DES PROPOSITIONS DANS LE CADRE DE LA RÉFORME DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE 10
C. LA PRÉSENTE PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE VISE À LEVER DES INCERTITUDES ET À APPORTER DES AMÉLIORATIONS AU DISPOSITIF PROPOSÉ 12
1. La transition entre les deux régimes 12
2. Un point central : la durée du dispositif 12
3. La fixation des taux et plafonds européens et nationaux 13
Mesdames, Messieurs,
Produit hautement symbolique en termes de qualité et d’image de la culture européenne, le vin tient une place particulière dans l’Union européenne. Economiquement, les exportations vinicoles sont cruciales. Pour cette raison notamment, la qualité des vins européens doit faire l’objet d’une attention particulière dans un secteur où la concurrence internationale est de plus en plus âpre avec les vins du nouveau monde. Cette qualité pourra être maintenue à travers la reconnaissance du système d’indications géographiques dans les négociations commerciales de l’Union européenne. Ce sera un des enjeux majeurs des négociations sur le projet d’accord de libre-échange entre les États-Unis et l’Union européenne. Mais la qualité des vins passe avant tout par le maintien d’un dispositif cohérent de régulation de l’offre.
Depuis l’adoption de la réforme vitivinicole de 2008, planait la menace de la disparition, en 2015, des droits de plantation, système en place depuis 1976 qui avait fait la preuve de son entière efficacité. Les pays producteurs, appuyés par l’ensemble de la profession, ont dés 2008, engagé un combat contre la banalisation de la production de vin. Le Parlement européen, qui avait d’ailleurs marqué en 2008 son opposition à la disparition des droits de plantation, a appuyé la démarche des États membres. Lors de l’examen de la proposition de règlement portant organisation commune des marchés (OCM) des produits agricoles en 2009, la Commission de l’agriculture et du développement rural avait demandé que soit rétabli l’encadrement des droits de plantation jusqu’à la campagne de commercialisation 2029-2030.
La mise en place en janvier 2012 d’un groupe de haut niveau sur le vin composé d’experts, de membres du Parlement européen et de représentants d’organisations professionnelles, a constitué une première étape. Dans un premier temps, ses propositions furent décevantes. N’était ainsi envisagé qu’un encadrement partiel des plantations pour les seuls vins sous signe de qualité, ce qui ne résolvait en rien les problèmes dans la mesure où auraient pu être produits, dans les mêmes zones, des vins sans signe de qualité et des vins sous appellation.
Après trois ans de bataille, la Commission européenne a renoncé à supprimer les droits de plantation. Pour autant, les conclusions du groupe de haut niveau présentées le 14 décembre 2012, en large partie reprises par la Présidence irlandaise dans le cadre des discussions de la réforme sur la politique agricole commune après 2013, doivent être améliorées. Les points durs sont les plafonds accordés pour les nouvelles plantations, la date d’entrée en vigueur du régime et sa durée.
I. LE MAINTIEN NECESSAIRE D’UN ENCADREMENT DES PLANTATIONS DE VIGNE
A. L’éloignement des risques de suppression d’un dispositif éprouvé d’encadrement des capacités de production
L’interdiction des plantations nouvelles a été introduite dans le droit communautaire dès 1976 afin de faire face à des excédents structurels. Le système des droits de plantation a permis l’amélioration de la qualité du vignoble, tout en permettant son évolution et son adaptation à la demande. Le résultat positif sur le plan social, économique et environnemental du dispositif a été obtenu sans qu’un euro communautaire soit dépensé.
Ce dispositif, d’abord institué de façon temporaire, mais reconduit d’année en année jusqu’à ce qu’un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 13 décembre 1979 (Affaire Hauer) le juge « contraire au droit de propriété ». Dans un contexte général de dérégulation et de démantèlement des outils de marché agricoles, la réforme de 1999 (règlement (CE) no 1493/1999 du 17 mai 1999) avait posé le principe de leur disparition en 2010. La réforme de l’organisation de marché vitivinicole de 2008 annoncera leur suppression définitive au 31 décembre 2015 et en tout état de cause, au plus tard au 31 décembre 2018 pour les États qui le souhaitaient.
La Commission européenne estimait que les droits de plantation ne permettaient pas au vignoble européen de répondre aux perspectives d’évolution de la demande mondiale. Or les surfaces disponibles montrent que des marges de manœuvre existaient. Les investissements nécessaires ont pu être réalisés et la libre concurrence s’exercer. Par ailleurs, la maîtrise du potentiel de production n’a pas eu d’impact négatif sur les prix au détriment du consommateur. Et surtout le dispositif a permis une amélioration de la qualité.
Alors que l’Europe doit jouer la carte de la qualité, la libéralisation des droits de plantation comportait trois risques majeurs liés principalement aux déplacements des zones de production :
– un déséquilibre des marchés et de la filière, dans la mesure où la liberté de planter se serait traduit par une augmentation de la production due à l’extension de la zone viticole hors de bassins traditionnels. Ce déséquilibre était susceptible d’affecter tous les types de vins ;
– un détournement de notoriété, avec la possibilité pour les vins sans indication géographique d’être produit dans une zone géographique d’appellation ;
– un bouleversement de la structuration du vignoble et de l’équilibre des territoires de production, source de dommages majeurs sur l’aménagement du territoire, les paysages, l’activité économique et le maintien de la biodiversité.
La mobilisation autour de ces arguments pertinents s’est faite au sein des Parlements nationaux. Déjà en 2007, la Commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale avait mis en garde sur les conséquences de la disparition des instruments de régulation à l’occasion de la réforme de l’OCM vitivinicole2. Dans son rapport d’information sur la politique de qualité des produits agricoles, M. Philippe Armand Martin insistait en juin 2010 sur le lien entre régulation et maintien de la qualité des vins.3 Le 31 mai 2011, un rapport de la Commission des affaires européennes revenait sur l’enjeu crucial du maintien des droits de plantation pour la viticulture européenne4. Le Sénat s’est également beaucoup mobilisé. Le Gouvernement français pour sa part avait chargé Mme Catherine Vautrin d’une mission destinée à analyser les impacts potentiels de la réforme de 2008. Son rapport5 était sans appel sur les risques évoqués ci-dessus.
L’Allemagne et la France ont été les deux premiers pays à demander à la Commission européenne le maintien des droits de plantation. En avril 2011, neuf États écrivaient à la Commission européenne en ce sens. Par la suite, la quasi-totalité des pays producteurs6 remettaient en cause la décision de 2008.
Cette pression politique a payé. Même si ces quatorze États ne représentaient pas la majorité qualifiée nécessaire à la modification de la décision, le commissaire à l’agriculture Dacian Cioloş, au demeurant plus ouvert sur la question que la précédente commissaire Mme Mariann Fischer Boel, a mis en place un groupe de haut niveau dont on aurait pu craindre qu’il soit destiné à « enterrer » le dossier. Après des premières conclusions décevantes, un important chemin a été parcouru et les propositions de décembre 2012 peuvent constituer une base de travail acceptable, qu’il faudra améliorer dans les modalités d’application des mesures d’encadrement.
II. LES PROPOSITIONS DU GROUPE DE HAUT NIVEAU : UNE BASE DE DISCUSSION CONVENABLE MAIS PERFECTIBLE
Le débat sur les droits de plantation est actuellement conduit dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune après 2013. Le Parlement européen qui est, depuis le Traité de Lisbonne, colégislateur en matière agricole, aura incontestablement un rôle à jouer dans l’avenir du dispositif. Le groupe de travail, commun à la Commission des affaires économiques et à la Commission des affaires européennes, a salué dans son rapport7 sur la politique agricole commune après 2013, le maintien d’un encadrement des plantations de vignes, sous la forme d’un régime d'autorisation des plantations nouvelles applicable à l'ensemble des plantations et demandait que ce dispositif soit maintenu jusqu’en 2030.
A. Le groupe de haut niveau se prononce en faveur du maintien d’un encadrement communautaire des plantations de vigne
Le nouveau dispositif de régulation proposé par le groupe de haut niveau s’appuie non pas sur le principe de l’interdiction mais sur celui de l’autorisation.
Ce dispositif s’appliquerait dans tous les États membres producteurs, à l’exception de ceux qui n’ont qu’une production résiduelle. Les États n’auraient pas le choix d’appliquer ou non le dispositif, qui resterait ainsi un dispositif européen.
Il couvrirait toutes les catégories de vins, les vins sous signe de qualité comme ceux sans indication géographique. C’est là une évolution importante dans la position de la Commission qui plaidait encore au mois de septembre 2012 pour une régulation du potentiel limitée aux seuls vins sous signe de qualité et d’origine. Une des inquiétudes majeures de la profession de voir les plantations libres se prévaloir des mêmes qualités que les vins sous appellation était alors levée.
Les autorisations seraient délivrées à titre gratuit et seraient incessibles. Leur durée serait de trois ans.
Les plantations nouvelles seraient limitées au niveau communautaire à l’aide d’un plafond. Cela éviterait que l’encadrement soit seulement prévu au niveau national, ce qui aurait pu créer les conditions d’une concurrence déloyale entre États membres. Ce mécanisme, appelé « clause de sauvegarde », serait mis en œuvre en amont de la plantation et non pas, comme le proposait initialement la Commission, en cas de crise ou de plantations massives.
La gestion du dispositif serait placée sous la responsabilité des États membres. Ils ne pourraient pas dépasser le plafond défini communautairement mais auraient la possibilité de fixer un pourcentage plus faible, sur la base de critères objectifs et non discriminatoires. Il leur reviendrait de gérer un système de délivrance des autorisations au niveau régional ou national, en prenant l’avis des organisations professionnelles reconnues ou représentatives.
Enfin, le nouveau dispositif aurait une durée de six ans, à compter du 1er janvier 2016.
B. Le Conseil européen a fait des propositions dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune
Une incertitude tenait à la procédure permettant de traduire les propositions du groupe de haut niveau en droit européen. Une initiative de la Commission européenne aurait pris du temps et n’aurait sans doute pas permis à la nouvelle réglementation de s’appliquer avant l’expiration prévue du régime. Le véhicule législatif de la réforme de la PAC après 2013 a été bienvenu. La Présidence irlandaise a opportunément inclus les conclusions du groupe de haut niveau dans le périmètre de la réforme.
Le Conseil européen, dans son orientation générale sur la réforme de la politique agricole commune du 19 mars 2013, fait les propositions suivantes :
• Les plantations de vignes seraient possibles seulement sur autorisation gratuite et incessible dont la validité serait de trois ans. Le nouveau dispositif de régulation acte la fin du régime des droits de plantation qui reposera donc sur le principe de l’autorisation et plus l’interdiction de planter. Ce dispositif est acceptable dans la mesure où il couvre l’ensemble des plantations toutes catégories de vins confondues et que les autorisations seront limitées par un plafond ;
• Ce plafond communautaire annuel d’augmentation serait de 1 % du vignoble, les États membres pouvant décider d’un pourcentage inférieur.
La plupart des pays producteurs comme la France, l’Espagne, l’Allemagne ou l’Italie défendait un plafond à hauteur de 0,5 %, alors que d’autres pays producteurs soutenaient qu’un plafond d’1 % était trop faible. Il a par ailleurs été suggéré de proposer un système à deux vitesses avec un pourcentage moins élevé pour les grands pays producteurs. Mais cette solution, outre qu’elle aurait pu créer des distorsions de concurrence. En outre, il est difficile de définir le bon niveau de plafond de superficie au-delà duquel le pourcentage d’augmentation serait plus faible. En effet, les États membres qui plaidaient pour un pourcentage inférieur à 1 % ont des superficies allant de 102 670 hectares (Allemagne) à 968 297 hectares (Espagne). Ceux qui soutenaient qu’un plafond à hauteur d’1 % était trop faible ont des superficies qui s’élèvent jusqu’à 181 769 hectares (Roumanie) ;
• Les États membres auraient la possibilité de définir un pourcentage inférieur (qui ne pourra pas être nul) ; au pourcentage fixé au niveau européen et de le limiter au niveau régional. Ce dispositif laisserait ainsi la faculté aux États membres de fixer un pourcentage adapté selon les régions, certaines pouvant ainsi bénéficier d’un plafond supérieur à celui arrêté au niveau national, d’autres en dessous ;
• Les États membres auraient la responsabilité de la gestion du dispositif, les limitations devant être justifiées pour les raisons suivantes : risques de déséquilibre économique, détournement de notoriété, remise en cause de la qualité des produits. Par rapport à l’ancien dispositif des droits de plantations qui permettait aux États membres de prendre en considération les seuls critères économiques pour limiter les plantations, le nouveau dispositif permettrait de prendre aussi en compte des critères qualitatifs et de préservation de la notoriété pour encadrer les nouvelles plantations. Ceci constituerait une avancée majeure ;
• S’agissant de la procédure, si les demandes ne dépassent pas la limite fixée au niveau national, elles devraient toutes être acceptées (après application des critères de recevabilité précédents). En revanche, si les demandes sont faites au-delà de la limite prévue par l’État membre, seraient appliqués des critères de priorité (producteurs implantant de la vigne pour la première fois, zones où le vignoble contribue à la préservation de l’environnement, zones destinées à être plantées suite à une expropriation, équilibre économique, préservation de la notoriété, amélioration de la qualité ) ;
• Les États membres auraient la possibilité de prendre en compte les recommandations des organisations professionnelles (organisations interprofessionnelles, groupements demandeurs, organisations de producteurs ou tout autre type d’organisation professionnelle reconnues sur la base de la législation nationale) ;
• Une autorisation automatique serait accordée aux producteurs qui arrachent, ces autorisations n’étant pas comprises dans le pourcentage de nouvelles plantations défini au niveau national. La possibilité de replanter serait donnée par anticipation et l’autorisation utilisée sur la même exploitation. Cette mesure risque de poser un problème. En effet, l’attribution automatique d’une autorisation pour ceux qui arrachent ne poserait de problème que lorsque le producteur replante le même type de vin sur la même parcelle. Il serait donc souhaitable de prévoir que les États membres peuvent décider d’encadrer la replantation et de la soumettre à autorisation à partir du moment où le producteur replante un autre type de vin ou sur une parcelle différente de celle qu’il a arrachée. Il est à noter que la Commission avait proposé elle-même cette possibilité dans les travaux du groupe de haut niveau ;
• L’entrée en application du nouveau système serait fixée au 1er janvier 2019 pour une durée de six ans soit jusqu’à fin 2024 avec une révision à mi terme et propositions éventuelles de modifications ;
• Selon la règle de minimis, les États membres qui n’appliquaient pas le système de plantation en 2007 ainsi que les États membres qui ont moins de 10 000 ha de vignes ne seraient pas obligés d’appliquer le nouveau système ;
• Les droits de plantation qui étaient valables jusqu’au 31 décembre 2018 et qui n’ont pas été utilisés peuvent être convertis en autorisation à la demande du producteur.
C. La présente proposition de résolution européenne vise à lever des incertitudes et à apporter des améliorations au dispositif proposé
Il n’apparaît pas logique que l’ancien système puisse être applicable jusqu’à la fin 2018 si les États membres en avaient fait le choix alors que le nouveau système entre en application dès le 1er janvier 2016. Une date de mise en œuvre harmonisée serait plus facilement gérable. Au demeurant, se pose la question des droits qui ont été accordés à des bénéficiaires sous l’ancien dispositif, suite aux différentes campagnes d’arrachage. Pour la France, ceux-ci peuvent être estimés à environ 7 à 8 % de la surface plantée, soit 50 000 hectares. Ce chiffre de 8 % est celui de la moyenne européenne. L’équité plaide pour que les bénéficiaires de ces droits puissent les faire valoir avant l’entrée en vigueur du nouveau régime qui pourrait donc être fixé au 1er janvier 2019 dans l’ensemble de l’Union européen.
Pour des raisons juridiques, afin de ne pas être considéré comme portant atteinte au droit de propriété, le dispositif ne peut pas être pérenne. En conséquence, le groupe de haut niveau propose que le dispositif ait une durée d’application de six ans. La date de début proposée étant le 1er janvier 2016, il prendrait fin à la fin 2021 selon le groupe de haut niveau ou fin 2024 selon le Conseil européen. Cette perspective est insuffisante. Pour une culture comme la vigne qui se développe dans le temps long, les viticulteurs ont besoin d’une visibilité adaptée. La proposition de résolution propose un alignement sur la position du Parlement européen, c'est-à-dire une durée du régime au moins jusqu’en 2030.
Le groupe de haut niveau propose une augmentation automatique du plafond annuel de plantations nouvelles. La Commission européenne serait favorable à un taux de 2 %, tandis que la Présidence irlandaise a proposé un taux de 1 %.
Il s’agit de définir un régime en fonction d’objectifs d’équilibre économique d’un secteur fragile ainsi que de préservation de la qualité et de la notoriété des produits. Or une augmentation des surfaces viticoles de 2 % préconisée par la Commission représente un danger de fort déséquilibre de marché qui pourrait entraîner un effondrement des prix. Ainsi, au cours des années 2000, les vins de Bordeaux et le cognac ont subi une crise grave en raison d’une trop forte augmentation des surfaces. La question de la détermination du taux maximal de plantations nouvelles est donc très sensible et il s’agit d’éviter les dérapages de la sorte.
Fixer un plafond à un niveau trop élevé ne permettrait pas de préserver l’équilibre de la filière. En France, les plantations nouvelles sont estimées entre 1 900 et 2 300 hectares, soit un taux d’augmentation de 0,2 %. Si le taux de 2 % proposé par la Commission était appliqué à l’échelle européenne, 400 000 hectares pourraient être nouvellement plantés- la surface totale du vignoble européen total étant estimée à 3,3 millions d’hectares. C’est pourquoi la présente proposition de résolution européenne propose que le taux communautaire soit déterminé en fonction de critères économiques objectifs et que l’équilibre du marché demeure une des priorités du nouveau dispositif d’encadrement des plantations. La recherche de cet équilibre est un des critères de détermination du taux. Les professionnels seraient, pour leur part, favorables à une valeur de 0,5 %.
Le deuxième étage de détermination du taux de plantations nouvelles doit être déterminé au niveau national. Le taux communautaire est un maximum, chaque État ayant la faculté d’appliquer un taux plus bas en tenant compte de critères objectifs et non discriminatoires. Le fait que l’on tienne compte de l’état du marché viticole régional, national et européen entre dans la catégorie de ces critères objectifs et non discriminatoires, tout en respectant l’objectif premier de la régulation qui est de préserver l’équilibre économique du secteur. La participation des organisations professionnelles viticoles en serait ainsi garante.
Le dispositif proposé par le Conseil européen est une bonne base de discussion. Pour que l’avenir du vignoble européen soit encore mieux assuré, nous vous demandons de bien vouloir adopter la présente proposition de résolution, destinée à conjurer certains risques.
La Commission s’est réunie le 28 mai 2013, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.
L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.
« M. Philippe Armand Martin. Je veux d’abord me féliciter que la rapporteure nous propose une position très proche de celle retenue par le Parlement européen, auprès duquel je me suis rendu récemment pour débattre de cette question importante. En premier lieu, en effet, il est vrai que la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne ne nous permet pas d’exiger un encadrement pérenne, c’est-à-dire des droits à plantation figés à jamais qui remettraient en cause le droit de propriété. La proposition de résolution va donc aussi loin qu’il me semble juridiquement possible, en retenant l’horizon 2030. De même, en deuxième lieu, la date du 1er janvier 2019 pour la transition des droits à des autorisations me paraît pertinente, et rejoint les préoccupations exprimées par le Parlement de Strasbourg, afin de laisser le temps de gérer les droits qui ne sont pas encore utilisés. En dernier lieu, je pense que la position proposée sur l’évolution globale, entre les bornes de 0,5 et 2 % décrite dans la communication, est équilibrée, en laissant aux États membres, et surtout aux organisations professionnelles et aux régions qui le souhaitent, en fonction des spécificités locales, la possibilité d’aller en deçà d’une croissance de 1 %.
M. Gilles Savary. Je félicite la rapporteure pour la qualité de ses travaux, qui, sur ces sujets, appellent une forte vigilance de notre part. J’exprime toutefois deux regrets accessoires. D’abord, on pourrait utilement déplorer que l’Union européenne ne se soit jamais donné les moyens de contrôler l’application effective des droits de plantation, dont le respect est plus que contestable dans certains pays. Ensuite, il serait opportun de mentionner que l’on doit tenir compte non seulement des critères économiques, mais aussi des critères pédologiques. Aucun d’entre nous n’a par exemple envie que l’on se mette à faire du Bordeaux en Martinique !
Mme Cathérine Quéré, rapporteure. Je confirme en effet que le concept de pérennité des autorisations est incompatible avec la conception que la Cour de justice de l’Union européenne se fait du droit de propriété, puisque les droits de plantation, qui s’achètent par exemple devant notaire, sont aussi des titres de propriété. En revanche, je suis plus sceptique sur l’opportunité de dénoncer l’application défaillante du régime européen des droits dans certains pays, confrontés par ailleurs à une crise qui justifie qu’on ne les pointe pas du doigt en ces temps très durs. Notre volonté est de soutenir, par notre résolution, la position défendue par la France à Bruxelles. Veillons en conséquence à ne pas affaiblir notre capacité à fédérer une forte majorité autour de nous, en évitant de heurter tel ou tel de nos partenaires. Enfin, je partage tout à fait le souci de nous appuyer sur la notion fondamentale de terroir, d’autant plus décisive que la vigne, dont les racines sont celles qui s’intègrent le plus profondément dans les sols, est inextricablement liée aux terres qui l’ont portée depuis des siècles. Cela explique d’ailleurs mon hostilité personnelle aux vins de cépage, qui copient les vins du Nouveau monde et nient cette dimension historique des terroirs.
La Présidente Danielle Auroi. Je propose un amendement faisant référence explicitement aux terroirs.
Mme Brigitte Allain. Je veux renouveler l’expression des inquiétudes que j’avais soulignées au sein du groupe d’étude sur la viticulture, en particulier sur la question de la gouvernance.
Mme Cathérine Quéré, rapporteure. En suggérant de confier cette gestion de manière générale à « toute la filière viticole », la proposition de résolution vise précisément à laisser à chaque État, puis chaque région, la possibilité de s’organiser au mieux en ajustant l’évolution de ses autorisations au regard notamment de son expérience, de ses intérêts et de l’évolution des marchés. Dans ma région, par exemple, nous avons été victime d’une sur-plantation qui a longtemps pesé sur les prix du Cognac, entretenant une légitime méfiance à l’égard d’une autonomie trop large laissée aux organisations professionnelles. Mais comme chaque cas est particulier, il me semble plus judicieux de laisser une marge d’adaptation locale.
M. Philippe Armand Martin. Cette autonomie doit être rapprochée du souci de garantir une application un peu plus rigoureuse des droits de plantation, aucun pays n’étant d’ailleurs à l’abri de la critique en ce domaine.
M. Gilles Savary. Ces préoccupations convergent avec mon souci que notre résolution mentionne explicitement la nécessité de critère pédologique objectif, évitant que l’on plante n’importe quoi n’importe où, et donc que l’on laisse aux régions la surveillance de l’évolution de leurs appellations historiques.
Mme Cathérine Quéré, rapporteure. Je vous propose d’ajouter cette modification ainsi qu’une référence au terroir. Par ailleurs, nos calendriers sont très contraints dans la perspective du trilogue entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission le 7 juin prochain. C’est pourquoi nous transmettrons immédiatement notre proposition de résolution au ministre, la Commission des affaires économiques disposant bien sûr du délai réglementaire de quatre semaines pour s’exprimer, avant que la résolution ne devienne définitive dans les quinze jours suivants si aucune demande d’inscription à l’ordre du jour n’est formée.
La proposition de résolution est adoptée ainsi modifiée.
ANNEXE :
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
(adoptée par la Commission des affaires européennes)
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
SUR LA RÉFORME DES DROITS DE PLANTATION DE VIGNE
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88-4 de la Constitution,
Vu les conclusions du Conseil de l’Union Européenne des 18 et 19 mars 2013,
Souligne que le vin est d’abord l’expression d’un terroir ;
Se félicite des orientations en faveur du maintien d’un encadrement communautaire des plantations de vignes, sous la forme d’un régime d’autorisation des plantations nouvelles, applicable à l’ensemble des plantations de vigne et pour l’ensemble des catégories de vin ;
Estime que le nouveau régime d’encadrement des plantations de vignes doit constituer un instrument de régulation ayant comme principal objectif l’équilibre de l’offre et de la demande sur les marchés vitivinicoles ;
Souhaite que la durée de ce nouveau dispositif ne soit pas limitée à 6 ans, et demande à la Commission européenne, dans le cadre du bilan à mi-parcours, que ce dispositif soit envisagé de manière durable et au moins jusqu’en 2030 ;
Plaide pour une entrée en application du nouveau dispositif au 1er janvier 2019 pour permettre notamment aux titulaires de droits de plantations de pouvoir les exercer d’ici là ;
Insiste pour que l’équilibre du marché demeure une des priorités du nouveau régime d’encadrement des plantations, l’augmentation des surfaces ne doit pas être automatique et doit tenir compte de critères économiques objectifs ;
Demande que le taux d’augmentation des surfaces de plantation à l’échelle européenne soit fixé à un niveau qui préserve la viabilité économique de toute la filière viticole ;
Estime que le taux annuel final appliqué par chaque État membre doit tenir compte de l’état du marché viticole régional, national et européen ;
Souhaite que la gestion des autorisations soit conduite, en concertation, avec les organisations professionnelles viticoles.
© Assemblée nationale