Nos 1108 et 1109
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 juin 2013.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI ORGANIQUE (N° 1004) ET LE PROJET DE LOI (N °1005), relatif à la transparence de la vie publique,
PAR M. Jean-Jacques URVOAS,
Député.
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LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION DES LOIS 9
INTRODUCTION 12
I. – LES RÈGLES EXISTANTES FAVORISANT LA TRANSPARENCE DE LA VIE PUBLIQUE 17
A. DES RÈGLES ANCIENNES SUR LES DÉCLARATIONS DE PATRIMOINE ET LES INCOMPATIBILITÉS 17
1. Le contrôle de l’évolution du patrimoine : une législation progressivement renforcée depuis 1988 17
2. Les incompatibilités : une sédimentation de règles et d’exceptions d’interprétation stricte 18
a. L’interdiction de principe d’exercice de fonctions publiques non électives 19
b. La prohibition de l’exercice des fonctions de direction au sein de certaines entreprises exerçant des activités sensibles 20
c. L’encadrement des professions d’avocat et de conseil 20
B. DES TENDANCES PLUS RÉCENTES EN MATIÈRE DE CONFLITS D’INTÉRÊTS ET DE DÉONTOLOGIE 21
1. La prévention des conflits d’intérêts 21
a. Les travaux de la commission « Sauvé » 21
b. Les travaux de la commission « Jospin » 22
c. Les mesures prises au sein des assemblées parlementaires 23
d. De multiples autres initiatives 26
2. Les règles encadrant le pantouflage des agents publics 28
a. La sanction pénale de la prise illégale d’intérêts à l’issue de l’exercice de fonctions publiques 28
b. Le développement récent d’un volet préventif 30
II. – LES RÉFORMES D’AMPLEUR PROPOSÉES DANS LE PROJET DE LOI ORGANIQUE ET LE PROJET DE LOI 32
A. LA CRÉATION D’UNE HAUTE AUTORITÉ DE LA TRANSPARENCE DE LA VIE PUBLIQUE 34
1. Le remplacement d’une commission administrative par une autorité administrative indépendante 34
2. Une composition reposant sur les hautes juridictions françaises 34
3. Des garanties destinées à assurer l’indépendance des membres de la Haute autorité 35
4. Des missions élargies 36
B. LE RENFORCEMENT DU CONTRÔLE DE L’ÉVOLUTION DU PATRIMOINE DES RESPONSABLES PUBLICS 36
C. LE LANCEMENT D’UNE POLITIQUE AMBITIEUSE DE LUTTE CONTRE LES CONFLITS D’INTÉRÊTS 39
1. Définir le conflit d’intérêts 40
2. Contrarier la survenance de conflits d’intérêts 42
3. Révéler les situations de conflit d’intérêts 43
D. LE RENFORCEMENT DES SANCTIONS APPLICABLES AUX ÉLUS 45
1. Inclure les responsables exécutifs gouvernementaux et locaux dans le champ de la répression du « délit de pantouflage » 45
2. Renforcer les peines réprimant le délit de prise illégale d’intérêts 46
3. Prévoir une peine complémentaire d’inéligibilité à durée indéterminée pour les élus et responsables publics coupables de délits contre la probité publique ou de fraude fiscale 46
III. – DES TEXTES PROFONDÉMENT REMANIÉS PAR VOTRE COMMISSION DES LOIS 47
A. DE TRÈS NOMBREUSES MODIFICATIONS APPORTÉES AUX OBLIGATIONS DÉCLARATIVES 47
1. Le contenu et la publicité des déclarations de patrimoine 47
2. Le contenu et la publicité des déclarations d’intérêts 48
3. L’extension des assujettis aux obligations de déclaration 52
4. Les délais et les modalités de dépôt des déclarations 53
5. Les peines d’inéligibilité applicables en cas d’omission de dépôt des déclarations 53
6. Le renforcement des contrôles de la Haute autorité sur les déclarations 54
a. Le renforcement des prérogatives de la Haute autorité en matière fiscale 54
b. Le renforcement du pouvoir d’injonction de la Haute autorité 55
B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES AUX MESURES DE PRÉVENTION DES CONFLITS D’INTÉRÊTS 55
C. LA CONSOLIDATION DU STATUT DE LA HAUTE AUTORITÉ 56
D. LA MODÉRATION DES MESURES AGGRAVANT LES SANCTIONS PÉNALES 57
E. LE RENFORCEMENT DU RÉGIMES DES INCOMPATIBILITÉS AVEC LE MANDAT PARLEMENTAIRE 57
F. L’APPLICATION AUX AUTRES AUTORITÉS CONSTITUTIONNELLES DES PRINCIPES MIS EN œUVRE PAR LE PROJET DE LOI ORGANIQUE 59
G. L’INTRODUCTION DE DISPOSITIONS RÉFORMANT LE FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES 59
AUDITION DE M. ALAIN VIDALIES, MINISTRE DÉLÉGUÉ CHARGÉ DES RELATIONS AVEC LE PARLEMENT ET DISCUSSION GÉNÉRALE 61
EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI ORGANIQUE 85
Article 1er(art. L.O. 135-1, L.O. 135-2, L.O. 135-3, L.O. 135-4 à L.O. 135-6 [nouveaux], L.O. 136-2 du code électoral) : Déclaration de situation patrimoniale et déclaration d’intérêts et d’activités des députés et sénateurs 85
Après l’article 1er 144
Article 2 (art. L.O. 145, L.O. 146, L.O. 146-1, L.O. 149, L.O. 151-2 et L.O. 151-3 du code électoral) : Incompatibilité du mandat parlementaire avec l’exercice de fonctions de conseil et de fonctions au sein d’entreprises travaillant essentiellement pour des personnes publiques – suppression des dispositions relatives à la déclaration d’activités extraparlementaires 145
Article 2 bis (nouveau) (art. L.O. 153 du code électoral) : Interdiction du cumul des indemnités de ministre et de parlementaire 166
Article 2 ter (nouveau) (art. L.O. 489, L.O. 516 et L.O. 544 du code électoral) : Suppression de la peine automatique d’inéligibilité d’un an applicable aux conseillers territoriaux de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon n’ayant pas déposé la déclaration de situation patrimoniale prévue par la loi du 11 mars 1988 168
Article 2 quater (nouveau) (art. 4 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958) : Incompatibilité de l’exercice de la profession d’avocat avec la fonction de membre du Conseil constitutionnel 169
Article 3 (art. 1er, 4 à 6 de l’ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution) : Indemnités des anciens ministres 174
Article 4 (tableau annexé à la loi n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution) : Avis du Parlement sur l’exercice par le président de la République de son pouvoir de nomination du président de la Haute autorité de la transparence de la vie publique 178
Article 4 bis (nouveau) (art. 4 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du président de la République au suffrage universel) : Actualisation des dispositions relatives aux déclarations de situation patrimoniale des candidats à l’élection présidentielle et du président de la République 179
Article 5 : Applicabilité des dispositions de la présente loi organique dans les territoires régis par le principe de spécialité législative 180
Après l’article 5 181
Article 6 (nouveau) (art. 64, 114, 161 et 195 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) : Coordination avec la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie 182
Article 7 (nouveau) (art. 109 et 160 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française) : Coordination avec la loi organique relative à la Polynésie française 183
Article 8 (nouveau) : Application des dispositions relatives à l’administration fiscale en Nouvelle-Calédonie et dans les collectivités d’outre-mer 184
EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI 187
Chapitre Ier – La prévention des conflits d’intérêts et la transparence dans la vie publique 187
Section 1 – Obligations d’abstention 193
Article 2 : Définition du conflit d’intérêts et obligations d’abstention 193
Article 2 bis (nouveau) (art. 4 quater [nouveau] de l’ord. n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires : Définition par les bureaux des assemblées parlementaires de lignes directrices portant sur la prévention des conflits d’intérêts 202
Section 2 – Obligations de déclaration 204
Article 3 : Obligation de déclaration de situation patrimoniale et de déclaration d’intérêts des ministres 204
Article 4 (art. 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal) : Publicité de la déclaration de situation patrimoniale et de la déclaration d’intérêts des ministres 215
Article 5 : Accès de la Haute autorité de la transparence de la vie publique aux informations de nature fiscale 220
Article 6 : Contrôle de la variation des situations patrimoniales 222
Article 7 : Mandat de gestion sans droit de regard de certains instruments financiers 224
Article 8 : Vérification de la situation fiscale des ministres 225
Article 9 : Injonction de la Haute autorité de la transparence de la vie publique en cas de conflit d’intérêts 228
Article 10 : Obligation de déclaration de situation patrimoniale et de déclaration d’intérêts des parlementaires européens, des élus locaux, des membres des cabinets ministériels, des collaborateurs du président de la République et des présidents des assemblées parlementaires, des membres des autorités indépendantes, des titulaires d’emplois à la décision du Gouvernement et des dirigeants d’organismes publics 229
Article 11 : Publicité de la déclaration de situation patrimoniale et de la déclaration d’intérêts des parlementaires européens, des élus locaux, des membres des cabinets ministériels, des collaborateurs du président de la République et des présidents des assemblées parlementaires, des membres des autorités indépendantes, des titulaires d’emplois à la décision du Gouvernement et des dirigeants d’organismes publics 243
Après l’article 11 246
Article 11 bis (nouveau) (art. 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique) : Modalités de répartition du financement public des partis politiques 247
Article 11 ter (nouveau) (art. 11-4 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique) : Réforme des dons et cotisations aux partis politiques 248
Section 3 – La Haute autorité de la transparence de la vie publique 251
Article 12 : Composition et organisation de la Haute autorité de la transparence de la vie publique 251
Article 13 : Missions et saisine de la Haute autorité de la transparence de la vie publique 259
Article 14 : Communication par la Haute autorité des cas de manquements constatés aux prescriptions prévues par le présent projet de loi 266
Article 15 : Contrôle des activités lucratives privées susceptibles d’être exercées par les anciens membres du Gouvernement ou par les anciens titulaires d’une fonction exécutive locale 270
Après l’article 15 275
Section 4 – Position des fonctionnaires investis d’un mandat parlementaire 276
Intitulé de la section 4 Position des fonctionnaires exerçant un mandat parlementaire 276
Article 16 (art. 46 et 51 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relative à la fonction publique de l’État, art. 65 et 72 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et art. 53 et 62 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière) : Mise en disponibilité des fonctionnaires exerçant un mandat parlementaire 276
Après l’article 16 284
Section 5 – Protection des lanceurs d’alerte 284
Chapitre II – Dispositions pénales 290
Article 18 : Infractions pénales liées aux déclarations de situation patrimoniale, aux déclarations d’intérêts et au pouvoir d’injonction de la Haute autorité de la transparence de la vie publique 290
Après l’article 18 294
Article 19 (art. 131-26-1 [nouveau] et 432-17 du code pénal, art. L. 17 du code électoral et art. 1741, 1774 et 1837 du code général des impôts) : Création d’une peine complémentaire d’inéligibilité d’une durée maximale de dix ans ou définitive 294
Article 19 bis (nouveau) (art. 432-12 du code pénal) : Définition de l’intérêt pouvant ouvrir la sanction de la prise illégale d’intérêts 303
Article 20 (art. 432-13 du code pénal) : Aggravation des peines et extension aux anciens ministres et responsables exécutifs locaux des dispositions réprimant la prise illégale d’intérêts d’un agent public rejoignant une entreprise dont il a précédemment assuré la surveillance 305
Après l’article 20 308
Chapitre III – Dispositions finales 311
Article 21 (tableau annexé à la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution) : Détermination des commissions permanentes compétentes pour rendre l’avis du Parlement sur l’exercice par le président de la République de son pouvoir de nomination du président de la Haute autorité de la transparence de la vie publique 311
Article 22 (art. 1er à 5-1 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique) : Abrogation des dispositions législatives relatives à la déclaration de patrimoine des membres du Gouvernement et des titulaires de certaines fonctions électives et à la commission pour la transparence financière de la vie politique 312
Article 22 bis (nouveau) (art. L. 139 B du livre des procédures fiscales) : Coordination avec le livre des procédures fiscales 316
Article 23 : Entrée en vigueur de la loi 316
Article 24 (art. L. 388 du code électoral) : Applicabilité des dispositions de la présente loi dans les territoires régis par le principe de spécialité législative 317
TABLEAU COMPARATIF - PROJET DE LOI ORGANIQUE 320
TABLEAU COMPARATIF - PROJET DE LOI 341
ANNEXE AUX TABLEAUX COMPARATIFS 388
AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION - PROJET DE LOI ORGANIQUE 415
AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION - PROJET DE LOI 432
PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 469
LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES
PAR LA COMMISSION DES LOIS
I. Les déclarations de patrimoine et les déclarations d’intérêts
Alors que les textes initiaux renvoyaient sur ce point à un décret en Conseil d’État, la commission des Lois a, sur proposition du rapporteur, défini le contenu des déclarations de patrimoine et le contenu des déclarations d’intérêts de l’ensemble des acteurs publics entrant dans le champ d’application de la réforme.
La période sur laquelle doit porter la déclaration d’intérêts a été portée de trois à cinq ans, sur proposition du rapporteur.
À l’initiative du rapporteur, la commission des Lois a modifié le régime de publicité des déclarations de patrimoine des membres du Parlement et des présidents d’exécutifs locaux : plutôt qu’une publication de ces déclarations – solution maintenue pour les membres du Gouvernement –, la Commission a opté pour un droit de consultation en préfecture ouvert à tout citoyen inscrit sur les listes électorales. Les informations recueillies ne pourront être ni publiées ni divulguées, sous peine d’une sanction d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Le citoyen pourra adresser toute observation écrite à la Haute autorité de la transparence de la vie publique.
Sur proposition du rapporteur, le champ des personnes assujetties à l’obligation de déclarer leur patrimoine et leurs intérêts a été élargi :
– aux maires de communes et aux présidents d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre de plus de 20 000 habitants, au lieu de 30 000 habitants dans le texte proposé ;
– aux présidents des syndicats intercommunaux dont les recettes figurant au dernier budget sont supérieures à 5 millions d’euros ;
– aux collaborateurs du Président de l’Assemblée nationale et du Président du Sénat.
À l’initiative du rapporteur, la commission des Lois a renforcé le contrôle de la Haute autorité de la transparence de la vie publique sur les déclarations de patrimoine et d’intérêts :
– les déclarations de patrimoine des parlementaires seront systématiquement contrôlées lors de leur dépôt, au terme d’une procédure faisant intervenir la Haute autorité et l’administration fiscale (procédure initialement prévue uniquement pour les membres du Gouvernement) ;
– le pouvoir d’injonction de la Haute autorité en cas de déclaration tardive ou incomplète a été élargi à l’ensemble des acteurs publics concernés par la réforme, alors qu’il n’était prévu, dans le texte initial, qu’à l’égard des ministres et des parlementaires ;
– les prérogatives de la Haute autorité en matière fiscale ont été renforcées : fixation de délais de réponse de l’administration fiscale ; extension de la possibilité de demander à l’administration fiscale d’exercer son droit de communication ; introduction de la possibilité de demander à l’administration fiscale de mettre en œuvre les procédures d’assistance administrative internationale, etc.
Sur proposition du rapporteur, les délais et modalités de déclaration ont été modifiés sur plusieurs points :
– les déclarations de patrimoine initiales devraient être remises dans les deux mois suivant l’entrée en fonctions pour l’ensemble des assujettis (au lieu de huit jours pour les ministres et d’un mois pour les parlementaires) ;
– pour l’ensemble des déclarants, les déclarations de patrimoine de fin de mandat ou de fonctions seraient accompagnées d’une récapitulation de l’ensemble des revenus perçus au cours du mandat ou de l’exercice des fonctions ;
– en cas de changement substantiel intervenant dans le patrimoine ou les intérêts détenus, il devrait en être fait déclaration auprès de la Haute autorité dans le délai maximal d’un mois ;
– chaque déclaration pourrait être accompagnée d’observations de la personne intéressée ;
– l’établissement depuis moins de six mois d’une déclaration dispenserait de devoir en déposer une nouvelle, conformément au droit aujourd’hui en vigueur ;
– pour les parlementaires et les élus locaux, le délai de remise des déclarations de patrimoine de fin de mandat serait avancé à sept mois au plus tôt et six mois au plus tard avant la date normale d’expiration du mandat, afin de permettre d’en tenir compte lors des élections suivantes.
II. La prévention des conflits d’intérêts
Sur proposition du rapporteur et de M. Lionel Tardy, la commission des Lois a élargi la définition du conflit d’intérêts aux situations de nature à « paraître compromettre » l’exercice indépendant, impartial et objectif des fonctions.
À l’initiative du rapporteur, la commission des Lois a prévu que le Bureau de chaque assemblée définirait des « lignes directrices » portant sur la prévention des conflits d’intérêts susceptibles de concerner les parlementaires.
III. Le renforcement du statut d’indépendance de la Haute autorité
À l’initiative du rapporteur, la commission des Lois a modifié la composition de la Haute autorité, en remplaçant six membres suppléants élus par les hautes juridictions par quatre membres nommés par les présidents des assemblées et confirmés par les commissions parlementaires.
Elle l’a également doté de l’autonomie financière et de la possibilité de fixer son organisation interne et ses procédures par un règlement général.
IV. La redéfinition de la peine complémentaire d’inéligibilité renforcée
Prenant en compte les possibilités de réhabilitation judiciaire et légale, permettant à une personne condamnée à une peine d’interdiction définitive d’en être relevée au bout de plusieurs années, la commission des Lois a adopté un amendement du rapporteur supprimant la peine d’inéligibilité pouvant être prononcée à titre définitif.
En outre, à l’initiative du rapporteur, elle a retiré du champ d’application de la peine complémentaire d’inéligibilité de dix ans les personnes occupant un emploi faisant l’objet d’une nomination en conseil des ministres et les directeurs de cabinets ministériels ; en effet, cette peine est apparue inadaptée à des personnes n’étant pas des élus et pouvant cependant être condamnées pour les mêmes faits d’une peine complémentaire d’inéligibilité de cinq ans.
V. Le renforcement des incompatibilités parlementaires
À l’initiative du rapporteur, la commission des Lois a prévu l’interdiction d’exercice par les parlementaires de toute fonction juridictionnelle, à l’exception de celles prévues par la Constitution, à savoir les fonctions de membres de la Haute cour ou de la Cour de justice de la République.
À l’initiative de M. Lionel Tardy, elle a prévu que les parlementaires exerçant des fonctions au sein d’autorités administratives indépendantes ne pourraient plus en assurer la présidence.
À l’initiative de son rapporteur, elle a interdit aux parlementaires d’exercer des fonction de direction dans toute entreprise proposant des produits, services et travaux destinés spécifiquement au secteur public ou devant faire l’objet d’une autorisation discrétionnaire de la part d’une autorité publique, ainsi que dans les sociétés-mères de ces entreprises.
VI. Le financement des partis politiques
À l’initiative de M. François de Rugy, la commission des Lois a réformé le financement des partis politiques, en réaction notamment à la multiplication des
« micro-partis » :
– elle a modifié les règles de répartition du financement public alloué chaque année aux partis politiques ;
– elle a renforcé le plafonnement des dons et cotisations aux partis politiques.
L’Assemblée nationale est aujourd’hui saisie d’un projet de loi organique et d’un projet de loi relatifs à la transparence pour donner corps à un engagement pris lors de la campagne par le candidat François Hollande : construire une République exemplaire sans que l’intégrité des élus puisse faire l’objet de soupçons.
L’exemplarité des élus est une exigence de la République depuis son origine. La démocratie représentative ne peut se comprendre et être acceptée si ceux qui détiennent un mandat du peuple l’exercent à leur profit et non pour le bien des citoyens qui leur ont accordé leur confiance. Mais au-delà de la juste sanction qui doit être infligée à tout élu qui ne respecterait pas les lois et tenterait de tirer bénéfice de ses fonctions, il est également nécessaire de préserver ce lien de confiance entre le peuple et ses représentants. Cette confiance est toujours difficile à gagner et surtout à préserver et plus encore quand la société est en proie à une crise économique et sociale comme celle que nous connaissons depuis plus de cinq ans. Il importe que les Français soient convaincus de l’engagement des élus à leur service. Cet engagement est réel, quotidien, souvent difficile ; les élus de République mais aussi toutes les personnes qui sont en charge des intérêts publics ont à cœur de servir leurs concitoyens ; c’est leur mission, leur raison d’être, leur honneur. Mais il faut que les citoyens en soient conscients et convaincus. Il faut donc trouver les moyens de balayer les suspicions injustes, de réprimer les agissements inacceptables et de renouer avec une conception exemplaire de la politique et de l’action publique.
Notre histoire montre malheureusement – sans d’ailleurs qu’il s’agisse d’une spécificité française (1) – que presque toujours c’est à l’issue d’ « affaires » ou de « scandales » que des progrès de la législation ont été enregistrés (2). Sans qu’il soit utile d’y revenir, on sait l’émotion légitime qu’a suscitée dans notre pays la démission d’un membre du Gouvernement, M. Jérome Cahuzac, après que la presse et la justice ont pu mener leur action en toute indépendance et sans aucune entrave de la part du pouvoir. Au-delà même du contexte particulier qui les aura vues naître, la future loi organique et la future loi relatives à la transparence de la vie publique s’inscrivent dans une volonté fermement établie de mener à bien des réformes depuis trop longtemps différées.
Tel est le cas du contrôle de l’évolution du patrimoine des ministres, des élus et, plus largement, des principaux responsables publics. Ce contrôle s’avère aujourd’hui, sinon formel, du moins trop limité – les récentes lois du 14 avril 2011 n’ayant représenté que des avancées encore trop timides (3).
Tel est le cas également de la prévention des conflits d’intérêts, chantier sans cesse remis à plus tard en dépit des rapports dits « Sauvé » en 2011 (4), puis « Jospin » en 2012 (5). Sous la précédente législature, le projet de loi relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, déposé par M. François Sauvadet, ministre de la Fonction publique, ne fut pas même discuté à l’Assemblée nationale (6), tandis que les propositions de loi présentées par notre collègue, M. François de Rugy, furent purement et simplement rejetées par la majorité de l’époque (7).
Lors du conseil des ministres du 13 mars 2013, le Gouvernement de M. Jean-Marc Ayrault a indiqué vouloir « donner un nouvel élan à la vie démocratique » en renforçant le cadre applicable à la lutte contre les conflits d’intérêts. Il annonçait ainsi qu’ « un projet de loi relatif à la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique [serait] présenté au conseil des ministres avant l’été » et qu’il préciserait les obligations de probité et d’impartialité qui s’imposent à tous les responsables publics et définirait la notion de conflit d’intérêts.
Ce texte devait avoir pour vocation de consacrer l’obligation faite à toute personne chargée d’une mission de service public ou dépositaire de l’autorité publique de ne pas se placer dans une situation de conflit d’intérêts ou de la résoudre immédiatement si elle survient. Il devait mettre en place des dispositifs de prévention applicables aux principaux responsables publics : membres du Gouvernement, collaborateurs des cabinets ministériels, membres des autorités administratives indépendantes, etc.
Le Gouvernement annonçait même la création d’une « Haute Autorité de déontologie de la vie publique » reprenant les compétences actuelles de la Commission pour la transparence financière de la vie politique et destinée à la coordination et au contrôle des mécanismes qui seraient mis en place à l’égard des principaux responsables de notre vie publique.
Les deux projets de loi soumis à l’examen de votre commission des Lois sont placés, comme leurs devanciers en 1988, sous les auspices du principe de « transparence ». L’on ne peut bien sûr qu’approuver sans réserve une telle orientation s’il s’agit de lutter contre l’opacité, vue comme le corollaire de la dissimulation, porte ouverte à la transgression de la loi. Prenons garde cependant, comme nous y invitait le regretté Guy Carcassonne, aux dangers auxquels pourrait exposer une vision absolutiste de l’exigence de transparence, qui peut parfois représenter « un choix de paresse, contraire aux principes élémentaires de la liberté : plutôt que d’établir la preuve d’une infraction ou d’un dysfonctionnement, s’ils se produisent, l’on en renverse le fardeau en imposant, par la transparence et dans l’espoir naïf que cette exigence préviendra tout manquement, de rendre des comptes a priori » (8).
C’est dans cette optique – celle consistant à faire primer l’efficacité des contrôles sur les vertus illusoires d’une transparence sans borne – qu’ont travaillé votre rapporteur et votre commission des Lois.
Il n’est, en effet, pas sans intérêt de rappeler l’ambition qui porte ces textes. C’est de leur objectif ultime que dépend leur sens. C’est cette perspective qui en détermine les orientations.
Ainsi, cet horizon est-il celui de l’exemplarité ou de la transparence de la vie publique ? Pour votre rapporteur, seul doit compter la nécessité de garantir l’effectivité d’un contrôle optimal, qu’aucun intérêt particulier ou aucune raison prétendument supérieure ne saurait venir entraver.
Ce n’est qu’ainsi que les sources du mal finiront par se tarir, et que seront jugulées les conditions de survenue de ces désastreuses « affaires » qui ébranlent si dangereusement le contrat de confiance fondant le lien entre des citoyens et leurs représentants.
Cela n’est pas en soi contradictoire avec la volonté de transparence. Cette notion est d’ailleurs dans l’air du temps. Il y a vingt ans encore, on exigeait d’un élu, d’un haut fonctionnaire, qu’il soit honnête, juste, responsable – aujourd’hui il se doit d’être transparent. De nos jours, plus personne n’attend plus des comptes de l’État, des collectivités, des grandes entreprises publiques qu’ils soient seulement sincères, mais qu’ils soient, de même, transparents.
La transparence est partout dans nos villes, où le verre règne sans partage : gratte-ciels aux façades translucides, vitrines illuminées, rues éclairées jusqu’au petit matin, fenêtres dont les rideaux disparaissent, comme quelque symbole honteux d’un conservatisme éculé, caméras de vidéosurveillance, etc.
La transparence est partout au travail, dans ces bureaux que l’on dit « paysagers » ou que la pression sociale conduit à toujours laisser ouverts, comme si la porte témoignait de l’inadaptation à la vie communautaire de celui qui oserait en faire usage.
La transparence est partout dans les médias, sur Internet, où le dévoilement de soi est la vertu suprême, où la divulgation des secrets d’autrui apparaît comme relevant d’une nécessité morale impérieuse.
La transparence est partout jusque dans nos livres, où le terme, rien qu’en France, est utilisé huit fois plus fréquemment dans les années 2000 qu’il ne l’était en 1975.
Peu de mots ont, comme celui-ci, enregistré une évolution aussi radicale. Heurs et malheurs de l’individu qualifié de transparent qui, voici peu encore, désignait un être creux et sans intérêt alors qu’il en est aujourd’hui venu à incarner la respectabilité dans toute sa quintessence.
Guy Carcassonne, à qui votre rapporteur veut ainsi rendre un hommage vibrant et ému, a écrit de magnifiques pages sur le sujet soulignant que « nous n’avons renoncé à un secret maniaque que pour glisser dans une névrose de transparence » (9). La discrétion est devenue suspecte, notait-il avec son acuité coutumière, la pudeur maladive, l’opacité illégitime, le secret monstrueux.
Au demeurant, l’État, les collectivités, les administrations sont désormais priés de se soumettre aux mêmes règles que celles qui s’appliquent à l’individu.
Plus de 80 pays dans le monde ont adopté à ce jour des lois sur la transparence. Autant dire que nous touchons là à une aspiration universelle, que l’on croirait portée par la conviction qu’exprimait en son temps le juriste américain Louis Brandeis, membre de la Cour suprême de 1916 à 1939 : « La lumière du soleil est le meilleur des désinfectants ». Belle formule assurément, quoique sa justesse mériterait sans nul doute d’être vérifiée.
Que l’on ne se méprenne pour autant pas, votre rapporteur ne se veut pas l’apôtre de l’opacité. Notre monde n’a que trop souffert du règne sans partage du secret, commode prétexte au service des détenteurs du pouvoir pour justifier ce qui ne saurait l’être.
Il est une multitude de domaines dans lesquels la transparence a eu un effet indubitablement bénéfique ; il en est sans nul doute tout autant où, au nom de l’intérêt général, elle gagnerait encore à s’imposer. Cependant, si l’on considère, comme votre rapporteur, qu’il est certaines informations dont l’essence même implique qu’elles ne soient pas divulguées, il s’ensuit fort logiquement que son champ d’application doit être balisé.
Ainsi la transparence peut constituer une solution adaptée en certaines circonstances et pas en d’autres. C’est une réponse ciblée, non un remède universel.
I. LES RÈGLES EXISTANTES FAVORISANT LA TRANSPARENCE DE LA VIE PUBLIQUE
L’objectif de transparence de la vie publique est loin d’être ignoré par le droit existant. Certaines règles sont anciennes, comme celles organisant le contrôle de l’évolution du patrimoine des responsables publics ou celles édictant des incompatibilités avec le mandat parlementaire. D’autres règles, touchant à la prévention des conflits d’intérêts et à des questions d’ordre déontologique, sont plus récentes.
En 1988, l’instauration d’une obligation de déclaration de patrimoine
– officiellement dénommée « déclaration de situation patrimoniale » – incombant aux principaux responsables publics avait pour objet de mettre ces derniers à l’abri des suspicions. Il s’agissait en particulier de pouvoir apprécier l’évolution du patrimoine au cours de l’exercice d’un mandat ou d’une fonction et, le cas échéant, de détecter des enrichissements anormaux. La transparence était déjà invoquée comme un principe cardinal, ainsi qu’en atteste l’intitulé des deux lois du 11 mars 1988, toutes deux relatives à la « transparence financière de la vie politique » (10).
Ces deux lois ont posé les bases du système de contrôle aujourd’hui en vigueur, en créant un organe de contrôle ad hoc : la Commission pour la transparence financière de la vie politique (11). Celle-ci n’était initialement compétente qu’à l’égard des membres du Gouvernement et des élus locaux, les déclarations de patrimoine des députés et sénateurs étant déposées auprès du Bureau de leur assemblée (12). C’est à ce dernier qu’il appartenait de contrôler la variation des patrimoines en cours de mandat, le président de chaque assemblée en rendant compte par la voie de rapports publiés au Journal officiel.
Au fil des années, le champ des personnes assujetties à l’obligation de déclaration de patrimoine a été plusieurs fois élargi. En 1995, en particulier, il a été étendu aux dirigeants des principales entreprises publiques et de leurs filiales. La même année, la compétence des bureaux des assemblées a été abandonnée, au profit de celle de la Commission pour la transparence financière de la vie politique, devenant alors le seul organe de contrôle (13).
Plus récemment, les pouvoirs de la Commission ont été renforcés par deux lois du 14 avril 2011 (14) :
– la Commission a désormais la possibilité de demander à l’intéressé les déclarations faites au titre de l’impôt sur le revenu (IR) ou au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). À défaut de communication dans un délai de deux mois de ces documents, la Commission peut saisir l’administration fiscale ;
– alors qu’aucune sanction pénale n’existait auparavant, les personnes assujetties qui omettent sciemment de déclarer une part substantielle de leur patrimoine ou en fournissent une évaluation mensongère qui porte atteinte à la sincérité de la déclaration et à la possibilité pour la Commission d’exercer sa mission sont passibles d’une peine de 30 000 euros et, à titre complémentaire, d’une interdiction des droits civiques ou d’exercer une fonction publique ;
– l’absence de dépôt de déclaration en fin de mandat est punie d’une amende de 15 000 euros.
Opérées à l’issue de débats parlementaires loin d’avoir été consensuels, ces différentes modifications visent à rendre plus effectif le contrôle de la Commission qui, à plusieurs reprises, avait pointé les insuffisances de la législation et les limites de ses prérogatives (15).
Le régime des incompatibilités parlementaires a constitué la première réponse apportée par le droit parlementaire à la prévention des situations de conflits d’intérêts. En établissant des interdictions d’exercer certaines activités ou d’occuper certaines fonctions, les incompatibilités rendent impossible tout conflit d’intérêts dans de nombreux domaines. Elles garantissent ainsi l’indépendance du parlementaire à l’égard tant du Gouvernement que des intérêts privés et constituent donc des mesures particulièrement efficaces de protection de l’intérêt général qui doit guider la délibération parlementaire.
Cette protection est d’autant plus efficace que la sanction des incompatibilités est lourde : tout parlementaire se trouvant en situation d’incompatibilité et n’ayant pas renoncé aux fonctions incompatibles avec son mandat dans un délai de trente jours doit être déclaré démissionnaire d’office par le Conseil constitutionnel (16).
Dans les faits, les incompatibilités prévues désormais par le chapitre IV du titre II du livre Ier du code électoral, apparaissent cependant comme le résultat d’une sédimentation progressive de règles prises le plus souvent à la suite d’incidents ou de scandales mettant en lumière des situations de conflits d’intérêts.
L’interdiction d’exercice d’une fonction publique non élective vise ainsi à garantir l’indépendance du parlementaire face au pouvoir exécutif : par deux décrets du 7 novembre 1789 et du 10 janvier 1790, l’Assemblée constituante interdit à ses membres d’accepter des pouvoirs publics « aucune place, même celle de ministre, aucun don, pension, traitement ou emploi, même en donnant leur démission ».
Ce principe est désormais inscrit à l’article L.O. 142 du code électoral, qui maintient les deux exceptions datant de la monarchie de Juillet : seuls les professeurs titulaires de chaires à la date de leur élection et des fonctions de ministre des cultes dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin soumis au régime concordataire peuvent cumuler un emploi public avec leur mandat parlementaire.
Par ailleurs, aux termes de l’article L.O. 145 du code électoral, le mandat parlementaire est incompatible avec les fonctions de président, membre du conseil d’administration, directeur général, directeur général adjoint et conseil permanent dans les entreprises nationales et établissements publics nationaux. Cependant, cette incompatibilité ne s’applique pas aux parlementaires désignés en cette qualité comme membres de conseils d’administration d’entreprises nationales ou d’établissements publics nationaux, en application des textes organisant ces entreprises ou établissements. La loi organique n° 88-37 du 13 janvier 1988 a étendu cette dérogation aux parlementaires désignés dans ces organismes en raison de la détention d’un mandat électoral local.
b. La prohibition de l’exercice des fonctions de direction au sein de certaines entreprises exerçant des activités sensibles
Les incompatibilités intéressant des fonctions privées ont été progressivement mises en place avec le développement des activités de la puissance publique dans le champ économique.
L’article L.O. 146 du code électoral interdit ainsi aux parlementaires d’exercer des fonctions de direction, y compris de fait, dans des entreprises ou sociétés qui ont un lien de dépendance financière avec l’État ou une personne publique, font appel public à l’épargne ou exercent une activité de promotion immobilière, ainsi que dans les sociétés dont plus de la moitié du capital est constituée par des participations des sociétés ou entreprises précédentes.
Cette prohibition de la direction des sociétés financières faisant appel à l’épargne ou des sociétés de promotion immobilière a été introduite par la loi organique n° 72-64 du 24 janvier 1972 en réaction à l’affaire dite « de la Garantie foncière » (17).
Les activités d’avocat et de conseil (18) sont également visées par des incompatibilités, qui permettent d’éviter tout conflit d’intérêts entre l’intérêt général et les intérêts des clients de ces activités.
Depuis 1995 (19), il est interdit de commencer à exercer une activité de conseil que l’on n’exerçait pas avant le début de son mandat, sauf s’il s’agit d’une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé (article L.O. 146-1). Visant en principe les experts-comptables aussi bien que les notaires, par exemple, l’exception concerne quasi-exclusivement, en pratique, la profession d’avocat, du fait des modalités d’accès à la profession pour les parlementaires. Le décret n° 2012-441 du 3 avril 2012 relatif aux conditions particulières d’accès à la profession d’avocat avait dispensé de la formation théorique et pratique et du certificat d’aptitude à la profession d’avocat « les personnes justifiant de huit ans au moins d’exercice de responsabilités publiques les faisant directement participer à l’élaboration de la loi », disposition abrogée par un décret n° 2013-319 du 15 avril 2013. Cependant, les articles 97 et 98 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat prévoient plusieurs dérogations, permettant l’accès à cette profession dans le cadre de la valorisation des acquis de l’expérience, dont peuvent bénéficier les parlementaires.
En outre, sont prohibées les fonctions de conseil au profit des entreprises nationales et établissements publics nationaux (article L.O. 145) ainsi que l’acceptation, en cours de mandat, d’une fonction de conseil au profit des entreprises ayant des relations spécifiques avec les personnes publiques, un objet financier ou une activité de promotion immobilière (article L.O. 149).
En outre, l’exercice de la fonction d’avocat par les parlementaires est soumis à plusieurs limitations.
À la suite de scandales survenus sous la IIIe République, la volonté d’éviter que les parlementaires exerçant la profession d’avocat ne défendent les privilèges de leur ordre et surtout ne soient tentés d’user de l’influence que leur confère leur mandat, a entraîné l’élaboration d’une législation leur interdisant certains actes, soit en raison de la qualité des parties, soit en raison de la nature des affaires.
L’article L.O. 149 du code électoral leur interdit de plaider directement ou indirectement (par le biais d’un associé ou d’un collaborateur) contre l’État, les sociétés nationales, les collectivités ou établissements publics, sauf devant la Haute Cour ou la Cour de justice de la République.
Il leur est également interdit de plaider dans des affaires « à l’occasion desquelles des poursuites pénales sont engagées devant les juridictions répressives pour crime ou délit contre la Nation, l’État et la paix publique ou en matière de presse ou d’atteinte au crédit ou à l’épargne ».
Ces dernières années, la prévention des conflits d’intérêts a fait l’objet de nombreux travaux de réflexion, mais aussi de plusieurs avancées concrètes.
En janvier 2011, la commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, présidée par M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État, a formulé des recommandations en vue de prévenir ou de résoudre les situations de conflits d’intérêts dans lesquelles peuvent se trouver les membres du Gouvernement et les agents publics (20).
Dans son rapport, intitulé Pour une nouvelle déontologie de la vie publique, la commission constatait que la culture administrative française n’avait pas fait toute sa place à la question de la prévention des conflits d’intérêts et proposait, en conséquence, d’agir autour des six axes suivants :
– inscrire dans la loi la définition des conflits d’intérêts, les valeurs et principes fondamentaux s’imposant aux acteurs et les principales règles de prévention de ces conflits ;
– mettre en place des dispositifs de prévention au plus près du « terrain », sous forme de codes de conduite et de chartes de déontologie, d’un « réseau de déontologues » placés auprès des différentes institutions concernées ou encore de mécanismes d’alerte dans les services publics, permettant à un agent de signaler un risque sérieux d’infraction pénale dans l’exercices des fonctions ;
– généraliser l’obligation de déclarations d’intérêts et renforcer les incompatibilités ;
– créer une « Autorité de déontologie de la vie publique », composée de hauts magistrats, chargée de veiller au respect des règles de prévention des conflits d’intérêts ;
– réformer les règles pénales, en vue notamment de mieux assurer le respect des règles d’emploi après la cessation des fonctions (« pantouflage ») ;
– promouvoir l’édiction de règles ou de « bonnes pratiques » en matière de déontologie (cadeaux et invitations, lobbying, parrainage du public par le privé, etc.).
En novembre 2012, la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique présidée par M. Lionel Jospin suggéra la mise en place d’ « une stratégie globale de prévention des conflits d’intérêts », en direction des membres du Gouvernement, des collaborateurs du président de la République, des membres des cabinets ministériels, des titulaires de certains emplois supérieurs de l’État, des autorités administratives indépendantes et des parlementaires.
Reprenant en partie les suggestions du rapport « Sauvé », le rapport, intitulé Pour un renouveau démocratique, propose notamment :
– d’élargir les incompatibilités applicables aux membres du Gouvernement, de les inclure dans le champ du délit de prise illégale d’intérêts à l’issue de leurs fonctions et de les soumettre à un contrôle en cas de départ vers le secteur privé et vers certains organismes publics ;
– de renforcer l’efficacité du contrôle qu’exerce actuellement la Commission de déontologie de la fonction publique sur les départs vers le secteur privé des titulaires de certains emplois supérieurs de l’État ;
– d’harmoniser et de renforcer les obligations légales – déclarations d’intérêts et d’activités, règles de déport, incompatibilités – applicables au sein des autorités administratives indépendantes ;
– d’étendre l’actuelle incompatibilité du mandat parlementaire avec les fonctions de direction de certaines entreprises privées aux fonctions exercées dans les sociétés mères contrôlant ces entreprises ;
– de prohiber l’accès à la profession d’avocat en cours de mandat ;
– de mettre en place une Autorité de déontologie de la vie publique, chargée d’une mission de conseil et de contrôle, reprenant les missions aujourd’hui dévolues à la Commission pour la transparence financière de la vie politique (recueil et contrôle des déclarations de patrimoine) et à la Commission de déontologie de la fonction publique (contrôle des départs vers le secteur privé) ;
– d’instaurer une obligation légale de déclaration d’intérêts et d’activités pesant sur les différents responsables publics, déclarations ayant vocation à être rendues publiques lorsqu’elles émanent des membres du Gouvernement et du Parlement ;
– de créer un « dispositif ouvert d’"alerte éthique" », permettant à toute personne qui identifierait un conflit d’intérêts avéré ou potentiel de s’adresser aux déontologues existants et, en l’absence de réponse de ceux-ci, de saisir l’Autorité de déontologie.
● La mission de la commission « Sauvé » ne s’étendant pas aux membres du Parlement – pas plus qu’aux autres élus –, le Bureau de l’Assemblée nationale a décidé, à la fin de l’année 2010, sur proposition de son Président, M. Bernard Accoyer, de confier une réflexion sur la prévention des conflits d’intérêts à un groupe de travail composé de membres du Bureau, du président de la commission des Lois, M. Jean-Luc Warsmann, et de deux représentants par groupe politique.
Les deux rapporteurs de ce groupe de travail étaient M. Jean-Pierre Balligand et Mme Arlette Grosskost. Leurs propositions aboutirent à une décision du Bureau du 6 avril 2011, prise à l’unanimité, qui institua un code de déontologie, un déontologue et des obligations déclaratives nouvelles (21).
Le code de déontologie des députés, qui s’inspire de nombreux exemples étrangers (États-Unis, Canada, Grande-Bretagne, Espagne…) définit une série de principes devant guider le comportement des membres de l’Assemblée nationale : respect de l’intérêt général, indépendance, objectivité, responsabilité, probité et exemplarité.
Le respect de ces principes est garanti par la mise en place d’un déontologue, non membre du Parlement, doté d’un statut visant à garantir son indépendance :
– il est désigné par les trois cinquièmes des membres du Bureau, sur proposition du Président, avec l’accord d’au moins un président d’un groupe d’opposition, ces conditions de nomination renforcées avec un rôle essentiel dévolu à l’opposition étant tout à fait inédite en matière parlementaire ;
– son mandat n’est pas renouvelable ;
– il ne peut être démis de ses fonctions qu’en cas d’incapacité ou de manquement à ses obligations, dans les mêmes conditions que sa nomination.
Le premier déontologue de l’Assemblée nationale fut M. Jean Gicquel, nommé par le Bureau le 15 juin 2011. Pour la XIVe législature, lui a succédé Mme Noëlle Lenoir, par décision du Bureau du 10 octobre 2012.
En outre, la décision du Bureau du 6 avril 2011 précitée rend obligatoire le dépôt par les députés d’une déclaration d’intérêts. Cette obligation s’ajoute à la traditionnelle déclaration d’activités professionnelles ou d’intérêt général, prévue à l’article L.O. 151-2 du code électoral, qui permet le contrôle par le Bureau des activités susceptibles d’être incompatibles avec le mandat parlementaire.
La déclaration d’intérêts doit porter sur les « intérêts personnels » des députés, « ainsi que ceux de leurs ascendants ou descendants directs, de leur conjoint, de leur concubin ou partenaire de pacte civil de solidarité, de nature à les placer en situation de conflit d’intérêts entendue comme une situation d’interférence entre les devoirs du député et un intérêt privé qui, par sa nature et son intensité, peut raisonnablement être regardé comme pouvant influencer ou paraître influencer l’exercice de ses fonctions parlementaires. Il appartient aux députés d’apprécier la nécessité de déclarer tout intérêt d’une personne dont ils sont proches et qui serait de nature à les placer dans une telle situation (...). Les députés doivent déclarer, dans les mêmes conditions et sans délai, toute modification substantielle de leur situation ou celle de l’un de leurs ascendants ou descendants directs, de leur conjoint, de leur concubin ou partenaire de pacte civil de solidarité ».
La déclaration d’intérêts est remise au déontologue et demeure confidentielle – sauf en cas de manquement.
Les députés doivent par ailleurs déclarer au déontologue de l’Assemblée nationale tout don ou avantage d’une valeur supérieure à 150 euros dont ils ont bénéficié, ainsi que tout voyage accompli à l’invitation, totale ou partielle, d’une personne morale ou physique.
Pour garantir le respect de l’ensemble de ces obligations, entrées en vigueur à compter de la présente législature, l’article 5 de la décision du Bureau précitée instaure une procédure en manquement : en cas d’absence de dépôt d’une déclaration d’intérêts, de déclaration fausse ou incomplète ou en cas de méconnaissance de l’un des principes énoncés dans le code de déontologie, le déontologue en informe le député et le Président de l’Assemblée nationale et formule « toutes préconisations nécessaires pour lui permettre de se conformer à ses devoirs ». Si le député concerné n’y donne pas suite, le déontologue saisit le Président de l’Assemblée nationale, qui en réfère au Bureau, lequel doit statuer dans les deux mois. À l’issue d’une procédure contradictoire, « si le Bureau conclut à l’existence d’un manquement, il rend publiques ses conclusions. Il en informe le député qui doit prendre toutes dispositions pour se conformer à ses devoirs ».
Par ailleurs, le déontologue peut être saisi par tout député qui souhaite, pour son cas personnel, le consulter sur des questions déontologiques. Auditionnée par votre rapporteur le 28 mai 2013, Mme Noëlle Lenoir a indiqué avoir été saisie, depuis sa nomination, par environ 80 députés dans ce cadre. Ces demandes de consultation, ainsi que les avis rendus par le déontologue, sont confidentiels : seuls les députés concernés peuvent les rendre publics.
● Parallèlement aux initiatives prises à l’Assemblée nationale, le Sénat s’est également doté de règles déontologiques propres.
Le 25 novembre 2009, son Bureau a décidé la création d’un comité de déontologie parlementaire, comprenant un sénateur de chaque groupe politique. Saisi par le Président du Sénat ou par le Bureau, ce comité rend des avis sur des situations particulières ou sur des problématiques plus générales relatives à l’éthique parlementaire.
En mai 2011, un rapport d’information du groupe de travail sur les conflits d’intérêts, conduit par M. Jean-Jacques Hyest, alors Président de la commission de Lois, a formulé une série de recommandations en la matière – non limitées d’ailleurs à la seule sphère parlementaire (22).
Le 14 décembre 2011, le Bureau du Sénat a instauré des déclarations d’intérêts, fusionnées avec les déclarations d’activités déjà existantes (23). À la différence de l’Assemblée nationale, le principe de la publicité – partielle – de ces déclarations a été retenu, sous forme de publication sur le site internet du Sénat. Les sénateurs ont, en outre, la faculté de saisir la délégation du Bureau chargée des conditions d’exercice du mandat du sénateur d’une demande d’avis confidentiel sur les activités qu’ils envisageraient d’entreprendre ou les intérêts qu’ils souhaiteraient acquérir durant leur mandat (24).
● Le Parlement européen a, quant à lui, récemment rénové ses dispositions internes relatives à la déontologie – à l’instar d’ailleurs de la Commission européenne.
À la suite d’affaires de corruption révélées en 2011 par le Sunday Times, le Parlement européen s’est doté d’un code de conduite, entré en vigueur le 1er janvier 2012. Celui-ci définit les conflits d’intérêts et les attitudes à tenir en de telles situations. Il pose l’obligation de procéder à des « déclarations d’intérêts financiers », rendues publiques sur le site internet du Parlement européen. Des sanctions, notamment disciplinaires, sont prévues en cas de méconnaissance de ce code, au terme d’une procédure faisant intervenir un « comité consultatif sur la conduite des députés », composé de députés européens.
● Il résulte de l’ensemble des initiatives qui précèdent que les assemblées parlementaires se sont appuyées sur la création d’organes internes chargés de faire face aux conflits d’intérêts et de garantir le respect des règles déontologiques. Ce choix est la conséquence du principe d’autonomie des assemblées parlementaires, corollaire de la séparation des pouvoirs.
On verra que le projet de loi organique et le projet de loi relatifs à la transparence de la vie publique ne remettent que partiellement en cause ce choix d’un contrôle interne : si la future Haute autorité de la transparence de la vie publique sera compétente pour contrôler le respect – et, le cas échéant, sanctionner la méconnaissance – des obligations déclaratives incombant aux parlementaires, c’est à chaque assemblée qu’il reviendra, au moyen de ses propres procédures, de tirer les conséquences des éventuels manquements déontologiques ou disciplinaires de ses membres.
Votre rapporteur est attaché à ce que cet équilibre soit préservé.
Sous la législature précédente, un projet de loi relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique avait été déposé à l’Assemblée nationale, en juillet 2011, par M. François Sauvadet, ministre de la Fonction publique. Ce texte – dont le présent projet de loi s’inspire sur certains aspects – avait pour objet de mettre en œuvre les recommandations de la commission « Sauvé » en matière d’obligations de déport et de déclarations d’intérêts et tendait à créer une « Autorité de la déontologie de la vie publique ». Il ne proposait en revanche aucune définition de la notion de conflit d’intérêts, ne comportait que peu de sanctions en cas de manquement aux obligations qu’il créait et, de surcroît, ne s’appliquait ni aux parlementaires ni aux élus locaux.
Un projet de loi organique relatif au statut de la magistrature, présenté par M. Michel Mercier, garde des Sceaux, complétait ce dispositif, prévoyant en particulier l’obligation pour les magistrats exerçant les plus hautes responsabilités dans la hiérarchie judiciaire de déposer une déclaration d’intérêts.
Toutefois, aucun de ces deux textes n’a été inscrit à l’ordre du jour.
L’actuel Gouvernement, dirigé par M. Jean-Marc Ayrault, s’est, quant à lui, doté, dès sa formation, d’une « charte de déontologie ». Adoptée en conseil des ministres le 17 mai 2012, celle-ci décline une série d’obligations incombant aux ministres : solidarité, collégialité, transparence, impartialité, intégrité, exemplarité. En application de cette charte, des déclarations d’intérêts des ministres ont été publiées sur le site internet du Gouvernement en juin 2012.
Par ailleurs, d’autres mesures de prévention des conflits d’intérêts ou de renforcement des obligations déontologiques ont été prises dans des secteurs et domaines particuliers.
Sans qu’il soit possible de prétendre à l’exhaustivité, peuvent être citées, à titre d’exemple, les mesures prises dans le domaine de la santé publique à la suite de l’affaire dite du « Mediator » (25). En application de la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, le code de la santé publique comporte désormais un ensemble de dispositions regroupées dans un titre dénommé « Règles déontologique et expertise sanitaire ».
Des initiatives ont également vu le jour dans le domaine juridictionnel :
– les magistrats judiciaires disposent, depuis 2010, d’un « recueil des obligations déontologiques des magistrats », élaboré par le Conseil supérieur de la magistrature en application de la loi organique n° 2007-287 du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats (26) ;
– les juridictions administratives se sont dotées, depuis 2011, d’une « charte de déontologie des membres de la juridiction administrative » et, depuis 2012, d’un « collège de déontologie » (27). Afin de prévenir les situations de conflit d’intérêts, un dispositif d’ « entretien déontologique » a été mis en place ;
– les magistrats financiers disposent, depuis 2006, d’une « charte de déontologie des juridictions financières ».
Plusieurs autorités administratives indépendantes, en particulier celles intervenant dans le domaine économique, font également l’objet de dispositions visant à prévenir les conflits d’intérêts, principalement sous la forme d’obligations d’information ou de déport (28).
Pour les agents publics, le « pantouflage », terme familier désignant le passage d’une fonction publique à une activité privée, fait l’objet de règles et de sanctions pénales relativement lourdes, quoique peu mises en application. Depuis vingt ans, ce volet pénal a été complété par des dispositions préventives, prévoyant un contrôle par une commission administrative.
a. La sanction pénale de la prise illégale d’intérêts à l’issue de l’exercice de fonctions publiques
L’exercice d’activités privées rémunérées par des fonctionnaires ayant temporairement interrompu leur carrière ou définitivement cessé toute activité publique est encadré par des dispositions législatives, tant pénales que statutaires.
Issu de la loi du 6 octobre 1919 qui a inséré un article 175-1 dans l’ancien code pénal, l’article 432-13 du code pénal prévoit, dans ses deux premiers alinéas, qu’« est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait, par une personne ayant été chargée, en tant que fonctionnaire ou agent d’une administration publique, dans le cadre de ses fonctions qu’elle a effectivement exercées, soit d’assurer la surveillance ou le contrôle d’une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles décisions, de prendre ou recevoir une participation par travail, conseil ou capitaux dans l’une de ces entreprises avant l’expiration d’un délai de trois ans suivant la cessation de ces fonctions.
« Est punie des mêmes peines toute participation par travail, conseil ou capitaux dans une entreprise privée qui possède au moins 30 % de capital commun ou a conclu un contrat comportant une exclusivité de droit ou de fait avec l’une des entreprises mentionnées au premier alinéa ».
La loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique a ramené le délai pendant lequel l’ancien agent public peut être poursuivi de cinq à trois ans.
Ce « délit de pantouflage » a des équivalents dans de nombreux États de l’OCDE. Il interdit à toute personne ayant été chargée, en tant que fonctionnaire public, à raison même de sa fonction, d’assurer la surveillance ou le contrôle d’une entreprise privée – ou d’une entreprise publique exerçant dans le secteur concurrentiel – d’occuper un emploi dans cette entreprise, d’y exercer une activité de conseil ou de formation ou d’y prendre des participations. Il vise à la fois à éviter que l’agent, n’avantage une entreprise dans laquelle il peut espérer être recruté à brève échéance, et à prévenir le risque qu’il ne fasse bénéficier une telle entreprise d’avantages indus liés à son ancienne fonction, tels qu’informations et contacts reçus dans le cadre de ces fonctions.
Lorsque l’emploi exercé en violation de l’article 432-13 du code pénal est pourvu par un acte administratif, notamment dans les cas de nomination à la tête d’une entreprise publique, cet acte est entaché d’illégalité et peut être annulé par le juge administratif (29).
Cependant, le champ d’application personnel de cette infraction est plus restreint que celui de l’article 432-12 du code pénal, qui réprime la prise illégale d’intérêts dans le cadre de l’exercice de fonctions publiques. Sont ainsi visés l’ensemble des agents publics, ainsi que les « agents des établissements publics, des entreprises publiques, des sociétés d’économie mixte dans lesquelles l’État ou les collectivités publiques détiennent directement ou indirectement plus de 50 % du capital et des exploitants publics ». Cependant, les membres du Gouvernement et les élus paraissent exclus de ces dispositions, comme l’a relevé le Conseil d’État dans ses formations consultatives (30) : l’article 432-13 couvre en effet les « fonctionnaires et agents d’une administration publique », et non l’ensemble des personnes chargées d’une mission de service public, comme le prévoit l’article 432-12.
Néanmoins, l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 prévoit une disposition interdisant aux membres du Gouvernement une forme de pantouflage ; il leur interdit, dans les six mois qui suivent la cessation de leurs fonctions, les fonctions de direction d’entreprise incompatibles avec un mandat parlementaire en application des articles L.O. 145 et L.O. 146 du code électoral, dans une entreprise nationale ou un établissement public national et dans certaines sociétés privées, notamment celles qui jouissent, sous forme de garanties d’intérêts ou de subventions, d’avantages assurés par l’État ou par une collectivité publique, ou celles qui ont un objet exclusivement financier et font publiquement appel à l’épargne, à moins qu’il ne s’agisse de fonctions déjà exercées antérieurement à l’entrée au Gouvernement.
Constatant les limites de ces dispositions purement punitives, la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques a introduit un dispositif de prévention des situations de conflit d’intérêts des agents publics rejoignant le secteur privé.
L’article 87 de la loi précitée a ainsi créé trois commissions de déontologie, une commission pour chacune des trois fonctions publiques, en charge de contrôler les départs de fonctionnaires et d’autres agents publics, dans le privé.
La loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique a modifié ce dispositif, en poursuivant plusieurs idées différentes :
– favoriser la sortie des fonctionnaires vers le secteur privé, y compris à titre transitoire, en cumulant l’exercice de fonction publique avec des activités privées, dans la perspective de création d’entreprises ;
– rendre facultative la saisine de la commission, en ne conservant un avis obligatoire que dans les cas risquant de conduire à des prises illégales d’intérêts ;
– fusionner en une seule commission, mais avec des collèges partiellement différents, les trois commissions de déontologie créées en 1993,
La commission de déontologie, compétente pour l’ensemble des agents publics fonctionnaires ou contractuels, est ainsi chargée de rendre un avis sur les déclarations des agents qui quittent le secteur public, de manière temporaire ou définitive, pour exercer une activité privée lucrative (31), ainsi que sur les cas de cumul pour création ou reprise d’entreprise par des fonctionnaires ou agents publics, ou de poursuite d’activité comme dirigeant d’entreprise, pour une personne entrant dans la fonction publique. Comme pour le volet pénal, le contrôle peut être effectué durant les trois années suivant la fin de l’exercice des fonctions publiques.
La saisine de la commission n’est désormais plus obligatoire, lorsque l’agent rejoint le secteur privé, dans le cas de personnes qui n’ont manifestement pas été chargées dans leurs fonctions publiques, soit d’assurer le contrôle ou la surveillance d’une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de formuler un avis sur ces contrats, soit de proposer des décisions relatives à des opérations réalisées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur ces décisions – ces éléments étant ceux pouvant être constitutifs d’une prise illégale d’intérêts au sens de l’article 432-13 du code pénal.
En outre, la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique a permis à la commission de se saisir elle-même d’un cas d’espèce, lorsque l’agent ne l’aurait pas saisie.
Elle a rendu obligatoire la saisine de la commission pour les membres des cabinets ministériels ainsi que pour les collaborateurs du Président de la République. Enfin, elle a prévu une obligation d’information de la commission de déontologie, pour les collaborateurs de cabinet des autorités territoriales qui désirent exercer, après leur départ de la collectivité, une activité privée lucrative.
En 2011, la commission de déontologie de la fonction publique a été saisie de 3 314 dossiers, dont plus des deux tiers correspondent à des demandes de cumul d’activités (32). Les avis d’incompatibilité représentent entre 0,4 et 2,1 % des avis ; cependant, les avis de compatibilité assortis de réserves peuvent représenter jusqu’à 44 % des réponses.
S’agissant des sanctions prévues en cas de violation de ces dispositions, le IV de l’article 87 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 a prévu qu’« en cas de méconnaissance des dispositions du présent article, le fonctionnaire retraité peut faire l’objet de retenues sur pension et, éventuellement, être déchu de ses droits à pension après avis du conseil de discipline du corps auquel il appartenait ».
Les rapports annuels de la commission de déontologie de la fonction publique ne mentionnent aucun cas d’application de ce mécanisme de sanction. La commission ne dispose pas de pouvoir de sanction, n’étant pas une autorité administrative indépendante, et la procédure applicable devant elle n’est pas contradictoire. En outre, la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites a abrogé l’article L. 59 du code des pensions civiles et militaires de retraite qui précisait les cas de suspension des pensions de retraite pour motif disciplinaire dans la fonction publique d’État. Les dispositions similaires pour la fonction publique territoriale, prévues à l’article 57 du décret n° 65-773 du 9 septembre 1965, ont été abrogées par le décret n°2003-1306 du 26 décembre 2003.
Ce dispositif fait l’objet de critiques croisées. Selon la Commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique (33), « D’aucuns lui reprochent un certain laxisme qui viderait de sa portée le contrôle déontologique préalable prévu par la loi du 29 janvier 1993, notamment par une "jurisprudence" regardée comme trop indulgente à l’égard des membres des cabinets ministériels et par un recours trop fréquent aux « avis favorables sous réserves », dont la commission n’a pas les moyens d’assurer le respect. D’autres considèrent au contraire que la commission fait preuve d’une rigidité et d’un formalisme excessifs, en particulier en ce qui concerne les départs dans le secteur privé d’agents exerçant leur activité dans des administrations déconcentrées ou locales, pour lesquels les risques de conflits d’intérêts seraient moins aigus. Est également critiqué le caractère objectif du contrôle de la commission, dans le droit fil de la définition du délit de l’article 432-13 du code pénal, qui conduit à des avis d’incompatibilité lorsque l’agent public a été en situation d’exercer une surveillance ou un contrôle, sans jamais l’avoir concrètement exercé. »
En outre, l’activité de la commission n’épuise pas le besoin de déontologie dans la fonction publique.
Ainsi, comme le remarque M. Jacques Arrighi de Casanova (34), les questions liées au cumul entre fonction publique et activité privée font apparaître de nouveaux problèmes : « Il se trouve que les cumuls d’activités pour création d’entreprise, qui ont été permis en 2007, sont venus s’ajouter à quelque chose qui a toujours été possible depuis le décret-loi de 1936, qui est de cumuler à titre accessoire une activité de fonctionnaire publique avec une activité d’enseignement par exemple, ce qui est clair, une activité d’expertise et de conseils, ce qui est souvent un peu plus difficile à déterminer en termes de périmètre… que fait-on pour savoir si la commission est compétente, car elle ne l’est que pour les créations d’entreprises, les vraies, mais elle ne l’est pas lorsque l’administration doit autoriser, comme elle pouvait le faire avant 2007, l’exercice d’une activité accessoire. Les choses sont venues se brouiller encore plus avec la création du statut d’auto-entrepreneur. »
La déontologie de la fonction publique ne se limite donc pas au seul contrôle du « pantouflage » vers des fonctions privées.
II. LES RÉFORMES D’AMPLEUR PROPOSÉES DANS LE PROJET DE LOI ORGANIQUE ET LE PROJET DE LOI
Dans une lettre adressée le 3 juin 2013 à votre rapporteur analysant le projet de loi organique et le projet de loi relatifs à la transparence de la vie publique, Mme Noëlle Lenoir, déontologue de l’Assemblée nationale, écrit que si la démarche française est loin d’être isolée au regard des initiatives déjà lancées par de nombreux autres États, « avec ces textes, la France est en passe de se doter du dispositif qui sera sans doute le plus ambitieux ».
Ce dispositif est la traduction des différents engagements que M. François Hollande avait pris pendant la campagne présidentielle, en réponse à un questionnaire proposé par l’association Transparency International :
– prévenir les conflits d’intérêts dans la vie politique en rendant publiques des déclarations d’intérêts précises ;
– instaurer l’obligation de s’abstenir de participer à une décision publique en cas d’intérêts personnels liés à la question abordée ;
– renforcer et appliquer les règles d’inéligibilité des élus condamnés pour corruption en portant à dix ans le plafond de la peine complémentaire d’inéligibilité ;
– encadrer le lobbying à tous les niveaux de la décision publique et faciliter la participation des citoyens et de la société civile
– donner la possibilité aux citoyens de saisir ou d’alerter une Autorité de déontologie de la vie publique pour toutes les questions relatives à la déontologie des ministres, des hauts fonctionnaires et des élus (35).
Après les révélations intervenues dans l’affaire « Cahuzac », le président de la République a, le 3 avril 2013, annoncé plusieurs décisions, parmi lesquelles sa volonté de « lutter de manière impitoyable contre les conflits entre les intérêts publics et les intérêts privés et [d’] assurer la publication ainsi que le contrôle sur les patrimoines des ministres et de tous les parlementaires ». Lors de sa conférence de presse du 16 mai dernier, le chef de l’État a précisé : « il ne s’agit pas de faire de l’exhibition ; je suis conscient que les parlementaires veulent avoir une protection de leur vie privée. Je suis pour la transparence des déclarations d’intérêts et des patrimoines ».
Le présent projet de loi organique et le présent projet de loi, tels que modifiés et enrichis par votre commission des Lois (36), permettent de concrétiser ces différents engagements.
Ces deux textes, qui entreraient en vigueur dès la publication du décret du président de la République nommant le président de la nouvelle Haute autorité de la transparence de la vie publique, visent à rendre plus effectif le contrôle de l’évolution du patrimoine des responsables publics, à donner le signal du lancement d’une politique ambitieuse de lutte contre les conflits d’intérêts et à renforcer les sanctions pénales applicables aux élus.
Avant d’en décrire plus avant le contenu, votre rapporteur souligne que ces deux projets de loi ne prétendent pas épuiser, à eux seuls, le sujet de la prévention des conflits d’intérêts et du renforcement des règles déontologiques. Si, comme on le verra, ces textes couvrent un nombre très substantiel d’acteurs publics, leur champ d’application ne s’étend ni aux magistrats, ni – s’agissant de la gestion des conflits d’intérêts – à la plupart des fonctionnaires et autres agents publics. C’est pourquoi la présente réforme devrait être complétée par le dépôt, cet été, d’un projet de loi organique relatif à la magistrature et d’un projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.
Afin de recueillir et d’examiner les déclarations de patrimoines des membres du Gouvernement et des titulaires de certaines fonctions exécutives locales, l’article 3 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique a institué une commission administrative, dénommée par la loi n° 95-126 du 8 février 1995 « Commission pour la transparence financière de la vie politique » (CTFVP).
Le présent projet de loi supprime l’existence de la Commission (article 22 du projet de loi) et la remplace par une Haute autorité de la transparence de la de la vie publique, qu’il prévoit explicitement de doter du statut d’autorité administrative indépendante (article 12 du projet de loi).
Afin de mettre en place un organe de régulation en lieu et place d’une commission administrative, la composition de la Haute autorité de la transparence de la vie publique (HATVP) sera modifiée par rapport à la CTFVP.
Le président de la Haute autorité sera nommé par décret (article 12 du projet de loi). Cette nomination devant être soumise aux commissions parlementaires chargées des lois constitutionnelles (article 4 du projet de loi organique et article 21 du projet de loi), qui pourront s’y opposer en réunissant une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, selon les conditions prévues par le dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution (37).
Le dispositif prévoyant que sont membres de droit de la CTFVP le vice-président du Conseil d’État, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes n’est pas repris pour la composition de la Haute autorité.
Cependant, le nombre et le processus de désignation des autres membres sont repris du statut de la Commission, tel que modifié par la loi n° 96-5 du 4 janvier 1996. Ainsi, six membres titulaires et six membres suppléants continueront à être élus au sein des hautes juridictions :
– deux conseillers d’État, et leurs suppléants, en activité ou honoraires, élus par l’assemblée générale du Conseil d’État ;
– deux présidents de chambre ou conseillers à la Cour de cassation, et leurs suppléants, en activité ou honoraires, élus par l’ensemble des magistrats du siège hors hiérarchie de la Cour ;
– deux présidents de chambre ou conseillers-maîtres à la Cour des comptes, et leurs suppléants, en activité ou honoraires, élus par la chambre du Conseil.
Alors que la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 ne précisait pas la durée des mandats des membres élus de la CTFVP – fixée par le décret n° 96-763 du 1er septembre 1996 à quatre ans, renouvelable une fois – l’article 12 du projet de loi prévoit un mandat de six ans non renouvelable, pour le président comme pour les membres.
En outre, deux conditions nouvelles sont prévues :
– les modalités d’élection des membres devront garantir l’égale représentation des hommes et des femmes ;
– les membres élus seront renouvelés par moitié, soit tous les trois ans.
En outre, est prévu la désignation d’un secrétaire général, par arrêté du ¨Premier ministre sur proposition du président, de rapporteurs magistrats, en activité ou honoraires, membres de l’ordre judiciaire, de l’ordre administratif et des juridictions financières, ainsi que la possibilité de mise à disposition de fonctionnaires (article 12 du projet de loi).
Afin d’assurer l’impartialité de la Haute autorité, l’article 12 du projet de loi prévoit quatre règles déontologiques applicables à ses membres.
Il prévoit que les membres ne pourront exercer un des mandats ou une des fonctions dont les titulaires sont soumis à son contrôle.
Ils seront tenus d’informer le président de la Haute autorité des intérêts, fonctions et mandats qui seraient ou deviendraient les leurs au sein d’une personne morale ; ces informations, y compris celles qui concerneront le président, seront à la disposition de tous les membres de la HATVP. En tant que membre d’une autorité administrative indépendante, le président et les membres de la HATVP entreront dans le champ de l’article 10 du présent projet de loi et seront ainsi soumis à l’obligation de déposer une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêts, qui devra être examinée et publiée.
En outre, les membres seront dans l’obligation de se déporter en cas de contrôle concernant une personne ou le membre d’un organisme vis-à-vis duquel ils détiendraient un intérêt direct ou indirect.
Enfin, ils seront soumis au secret professionnel.
Les missions confiées à la Haute autorité sont prévues par l’article 13 du projet de loi.
Elle reprend deux missions auparavant exercées par la Commission pour la transparence financière de la vie politique :
– comme dépositaire des déclarations de situation patrimoniale dues par les personnes assujetties, lors de leur entrée en fonction, lors de la modification substantielle de leur situation en la matière et lors de la cessation de leurs fonctions, auxquelles s’ajouteront les déclarations d’intérêts ;
– comme contrôleur de ces déclarations, en en appréciant l’exhaustivité, l’exactitude et la sincérité, après avoir obtenu, le cas échéant, des explications complémentaires.
À ces tâches s’ajoutera celle de responsable de la publication des éléments constitutifs des déclarations dans les conditions fixées par l’article 1er du projet de loi organique et l’article 11 du projet de loi du présent chapitre.
En outre, deux nouvelles tâches de conseil sont confiées à la Haute autorité :
– une mission de conseil confidentiel, en particulier sur des questions de déontologie posées par les personnes assujetties aux obligations de déclaration ;
– une mission de recommandation et de définition de lignes directrices publiques en matière de déontologie.
Les deux textes ici examinés reprennent l’architecture du dispositif existant de contrôle de l’évolution du patrimoine, en lui apportant de nombreuses améliorations.
D’abord, son champ sera élargi à de nouveaux assujettis. En plus des parlementaires nationaux et européens, des membres du Gouvernement, des présidents des principaux exécutifs locaux (38), des délégataires de fonctions exécutives locales (39) et des dirigeants des entreprises publiques et autres organismes publics (40), l’article 10 du projet de loi soumet à l’obligation de déclarer leur patrimoine environ 1 600 personnes supplémentaires :
– les membres des cabinets ministériels ;
– les collaborateurs du président de la République ;
– les membres des autorités administratives indépendantes (AAI) et des autorités publiques indépendantes (API) ;
– les titulaires d’un emploi à la décision du Gouvernement nommés en conseil des ministres, c’est-à-dire, pour l’essentiel, les préfets, les recteurs, les ambassadeurs et les directeurs d’administration centrale.
Au total, plus de 7 000 personnes entreront donc dans le champ de compétence de la Haute autorité de la transparence de la vie publique.
Ensuite, les exigences quant au contenu des déclarations de patrimoine
– qui devront être exhaustives, exactes et sincères – seront renforcées.
La Haute autorité disposera de prérogatives importantes pour contrôler ces déclarations :
– elle pourra, plus largement, qu’aujourd’hui, solliciter l’administration fiscale pour obtenir des informations lui permettant de recouper les données figurant dans les déclarations de patrimoine : déclarations d’impôt sur le revenu (IR) et d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) de l’assujetti, mais aussi de son conjoint, de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou de son concubin ; documents obtenus par l’administration fiscale au moyen de son droit de communication (article 1er du projet de loi organique et article 5 du projet de loi). S’agissant des ministres, une procédure spécifique de contrôle sera, de surcroît, automatiquement déclenchée lors du dépôt de toute déclaration de patrimoine, l’administration fiscale étant tenue de communiquer de plein droit à la Haute autorité les éléments nécessaires à l’appréciation de la sincérité, de l’exhaustivité et de l’exactitude de la déclaration (article 4 du projet de loi). Cette procédure ne doit pas être confondue avec celle proposée à l’article 8 du projet de loi, instaurant un contrôle fiscal systématique de tout membre du Gouvernement nouvellement nommé ;
– elle pourra user d’un nouveau pouvoir d’injonction à l’égard des membres du Gouvernement et du Parlement, lui permettant d’obtenir la transmission d’une déclaration d’un assujetti ayant méconnu le délai légal (41), la communication d’éléments omis ou la fourniture d’une pièce nécessaire à l’exercice de sa mission de contrôle. Le fait de ne pas donner suite à une injonction de la Haute autorité exposerait le déclarant à une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende (article 1er du projet de loi organique et articles 3 et 18 du projet de loi) ;
– elle pourra bénéficier de l’effet dissuasif des lourdes sanctions pénales prévues en cas de déclaration mensongère ou incomplète (article 1er du projet de loi organique et article 18 du projet de loi). Le fait d’ « omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ou de ses intérêts ou de fournir une évaluation mensongère de son patrimoine » (42), délit dont la définition est plus large que l’infraction déjà existante, sera punissable d’une peine de trois ans d’emprisonnement (alors qu’aucune peine de ce type n’existe aujourd’hui) et de 45 000 euros d’amende (au lieu de 30 000 euros actuellement). Les peines complémentaires seront également alourdies : outre l’interdiction d’exercer une fonction publique pendant cinq ans, la privation du droit de vote et d’éligibilité pourrait être, en application de l’article 19 du projet de loi, prononcée pour plus de cinq ans : pendant dix ans, voire définitivement (43).
Les membres du Gouvernement pourront être encore plus sévèrement sanctionnés – cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende – s’ils fournissent une attestation sur l’honneur mensongère relative à l’exhaustivité, à l’exactitude et à la sincérité de leur déclaration (article 3 du projet de loi). En outre, un ministre ayant omis de déclarer tout ou partie de son patrimoine – ou de ses intérêts – sera privé, au moment de son départ du Gouvernement, de son droit à la poursuite, pendant six mois, de la perception de son indemnité (article 3 du projet de loi organique).
À ces sanctions, s’en ajoutent d’autres, déjà existantes, en cas d’absence de dépôt de déclaration de patrimoine :
– par un membre du Parlement. La sanction est l’inéligibilité, entraînant la démission d’office du mandat parlementaire, prononcée par le Conseil constitutionnel, saisi par le Bureau de l’assemblée (article L.O. 136-2 du code électoral) ;
– par l’ensemble des élus. Le remboursement forfaitaire par l’État des dépenses engagées lors d’une campagne électorale n’est pas versé au candidat (qu’il soit élu sortant ou nouvel élu) qui n’a pas déposé sa déclaration de situation patrimoniale (article L. 52-11-1 du même code) ;
– par un président ou un directeur général d’un des organismes publics précités. L’absence de déclaration entraîne la nullité de la nomination à la tête de l’organisme concerné.
Comme la Commission pour la transparence financière de la vie politique aujourd’hui, la Haute autorité de la transparence de la vie publique sera chargée d’apprécier la variation des situations patrimoniales de l’ensemble des déclarants. En cas d’évolution inexpliquée, elle pourra saisir le parquet et, sauf à l’égard des députés et sénateurs, rendre public un rapport spécial (article 1er du projet de loi organique et articles 6 et 14 du projet de loi).
Enfin, certaines déclarations de patrimoine seront rendues publiques. Seuls sont concernés par cette publicité les membres du Parlement, les membres du Gouvernement et les présidents des principaux exécutifs locaux (article 1er du projet de loi organique et articles 4 et 11 du projet de loi), les déclarations de patrimoine des autres assujettis demeurant confidentielles. Il s’agit, en quelque sorte, de consacrer la pratique suivie par le Gouvernement de M. Jean-Marc Ayrault qui, à compter du 15 avril 2013, a rendu publiques les déclarations de patrimoine de ses membres.
Selon le Gouvernement, suivant en cela le point de vue de plusieurs associations « citoyennes » – telles Transparency International, Anticor ou Regards citoyens –, cette plus grande transparence devrait contribuer à renforcer la sincérité des déclarations de patrimoine : le contrôle de la Haute autorité serait en quelque sorte complété par un contrôle externe, fruit de la vigilance des médias, des réseaux sociaux et, plus largement, des citoyens.
Certaines données nominatives ou par trop attentatoires à la vie privée
– par exemple la commune dans laquelle le déclarant possède un bien immobilier – ne pourront pas être rendues publiques (article 1er du projet de loi organique et article 4 du projet de loi). En revanche, les deux textes ne précisent pas les modalités de cette publicité, s’en remettant chacun, sur ce point comme sur le contenu des déclarations, à un futur décret en Conseil d’État.
Comme l’a souligné M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État, « la meilleure prévention des conflits d’intérêts doit s’inscrire dans le cadre plus général d’une nouvelle déontologie de la vie publique. Si cette déontologie doit prendre appui sur de nouvelles méthodes de travail, de nouveaux instruments et une nouvelle culture, elle ne peut se passer d’une base législative, limitée mais ambitieuse, pour bénéficier d’une assise solide » (44). Tel est l’ambition des dispositions aujourd’hui proposées.
Lutter contre les conflits d’intérêts nécessite, au préalable, de définir cette notion. La mise en place d’une stratégie de prévention des conflits d’intérêts revêt ensuite deux grandes dimensions.
Le conflit d’intérêts apparaît comme une notion courante, tout particulièrement dans les pays nordiques ou anglo-saxons, dans lesquels existent des mécanismes de prévention en la matière.
Le droit français, quant à lui, ne connaît – sauf rares exceptions précitées – que la dimension répressive de la question, sous la forme du délit de « prise illégale d’intérêts », défini à l’article 432-12 du code pénal comme « le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public (…) de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise (…) dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration (…) ».
Une meilleure prise en compte dans notre droit de la notion de conflit d’intérêts devrait satisfaire plusieurs objectifs. Il s’agit principalement :
– de préserver l’intérêt général, en évitant que la personne exerçant un mandat électif ou une fonction publique soit influencée par ses intérêts personnels lorsqu’elle doit procéder à des choix qui devraient être guidés par la satisfaction de l’intérêt public. De ce point de vue, la notion de conflit d’intérêts « met (...) à mal la conception traditionnelle de l’intérêt général, "concept transcendant" d’une telle force et d’une telle autorité qu’il n’est pas concevable qu’il soit en conflit avec un intérêt particulier, c’est-à-dire sur le même plan » (45) ;
– d’empêcher tout enrichissement personnel ou celui de proches, qui serait obtenu au moyen du mandat ou des fonctions exercées. Cette préoccupation recoupe donc en partie la problématique, déjà évoquée, du contrôle des évolutions du patrimoine des décideurs publics ;
– d’éviter toute suspicion aux yeux d’un observateur extérieur objectif, afin de maintenir la crédibilité des acteurs publics et de leurs décisions. La prévention des conflits d’intérêts comporte donc une dimension protectrice du détenteur d’un mandat ou d’une fonction publique.
D’une manière générale, une personne en situation de conflit d’intérêts n’a pas nécessairement un comportement légalement répréhensible : elle peut, dans l’exercice de ses fonctions publiques, s’être complètement abstraite de l’interférence de ses intérêts privés. Un élu ou un agent public peut donc être parfaitement impartial et honnête et, pour autant, se trouver objectivement dans une situation de conflit d’intérêts.
C’est cette ambivalence souvent mal comprise qui explique que, comme l’a souligné la commission « Sauvé », « notre pays méconnaît que les conflits d’intérêts constituent une réalité quotidienne diffuse à laquelle les acteurs publics sont souvent exposés sans même en avoir conscience et, a fortiori, sans intention répréhensible. Ils exposent donc à un risque sérieux, au premier chef, les principaux décideurs publics et, parmi eux, les membres du Gouvernement » (46).
Pour pallier ce risque, encore faut-il pouvoir objectiver la notion de conflit d’intérêts, dont les contours ne sont pas des plus nets.
De nombreuses définitions de la notion de conflits d’intérêts ont été proposées, tant au plan international – par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et le Conseil de l’Europe – qu’au niveau interne – par les commissions « Sauvé » et « Jospin ». Toutes sont assez proches : elles présupposent l’existence d’une concurrence ou, au moins, d’un entrelacement entre des intérêts de nature différente, qui peut conduire à dévier de l’exercice « normal » des fonctions.
La définition prévue à l’article 2 du projet de loi reprend la proposition de la commission « Jospin » : « constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à compromettre l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction » (47).
Cette définition de la notion de conflit d’intérêts serait applicable aux responsables publics couverts par le projet de loi, énumérés à l’article 1er, à savoir les membres du Gouvernement, les titulaires d’un mandat électif local et l’ensemble des personnes chargées d’une mission de service public (48). Le même article leur fait obligation d’exercer leurs fonctions avec « dignité, probité et impartialité » et de veiller à prévenir ou à faire cesser « immédiatement » les situations de conflit d’intérêts.
Les membres du Parlement, quant à eux, n’entrent pas dans le champ de cette disposition, en raison du principe d’autonomie des assemblées parlementaires. Chacune des deux chambres a, on l’a vu, d’ores et déjà pris des dispositions en la matière :
– à l’Assemblée nationale, l’article 5 de la décision du Bureau du 6 avril 2011 relative au respect du code de déontologie des députés définit le conflit d’intérêts comme « une situation d’interférence entre les devoirs du député et un intérêt privé qui, par sa nature et son intensité, peut raisonnablement être regardé comme pouvant influencer ou paraître influencer l’exercice de ses fonctions parlementaires » ;
– au Sénat, l’article XX bis de l’Instruction générale du Bureau dispose que les déclarations d’intérêts doivent mentionner « les intérêts privés qui pourraient indûment influer sur la façon dont ils s’acquittent des missions liées à leur mandat et les conduire à privilégier leur intérêt particulier face à l’intérêt général. Ne peuvent être regardés comme de nature à susciter des conflits d’intérêts les intérêts en cause dans les décisions de portée générale ainsi que les intérêts qui se rattachent à une vaste catégorie de personnes ».
Cette dernière mention, relative aux « décisions de portée générale », témoigne de la spécificité du mandat parlementaire, qui suppose de son titulaire la capacité, sinon le devoir, de se prononcer sur tout sujet – à la différence d’un fonctionnaire ou même d’un ministre, dont le champ d’intervention est nécessairement limité à un secteur d’attribution particulier. Cette « universalité » du mandat parlementaire a ainsi pour conséquence que, comme l’avait souligné le rapport d’information précité du groupe du travail du Sénat, « les conflits d’intérêts des parlementaires sont d’une nature différente de ceux des personnes qui ressortissent au pouvoir exécutif et qui ont (...) un champ de compétence restreint qui s’oppose à la compétence générale du législateur » (49).
● Contrarier la survenance des conflits d’intérêts est l’une des fonctions des incompatibilités, applicables tant aux élus qu’aux agents publics. Celles-ci seraient renforcées par la présente réforme. Pour les députés et les sénateurs, l’article 2 du projet de loi organique prévoit l’incompatibilité entre le mandat parlementaire et l’exercice d’une fonction de conseil, quelles qu’en soient les conditions de cet exercice. En outre, afin de « garantir l’indépendance des fonctionnaires » élus parlementaires, ceux-ci seraient à compter du 1er janvier 2014 mis d’office en position statutaire de disponibilité et non plus en position de détachement pendant la durée de leur mandat (article 16 du projet de loi).
● Éviter l’apparition d’un conflit d’intérêts est également l’un des objectifs poursuivis à l’article 2 du projet de loi, qui pose l’obligation pour toute personne concourant à l’exercice d’une mission de service public de ne pas se placer dans une situation de conflit d’intérêts ou de la résoudre sans délai, si elle survient.
Plusieurs obligations d’abstention, prenant par exemple la forme du déport ou de la décharge de fonctions, seraient ainsi mises en place, à l’égard des membres du Gouvernement, des membres des autorités administratives indépendantes, des titulaires de fonctions exécutives locales et des agents chargés d’une mission de service public. En, revanche, aucune disposition relative au déport des parlementaires n’est proposée : une telle mesure serait d’une constitutionnalité discutable, au regard notamment du droit de vote prévu à l’article 27 de la Constitution.
● Par ailleurs, l’article 7 du projet de loi tend à obliger les membres du Gouvernement et les membres des autorités – administratives ou publiques – indépendantes intervenant dans le domaine économique à confier à un tiers le soin de gérer, sans droit de regard de leur part, les instruments financiers qu’ils détiennent. Sera ainsi écartée toute suspicion quant au bénéfice que pourraient retirer certaines personnes de l’exercice de leurs fonctions ou des informations privilégiées auxquelles elles ont accès.
● Enfin, les articles 13 et 15 du projet de loi prévoient la mise en place d’un dispositif de contrôle par la Haute autorité des activités privées lucratives pouvant être exercées par les membres du Gouvernement et les responsables exécutifs locaux, parallèlement et jusqu’à trois ans après la cessation de leurs fonctions, afin d’examiner leur compatibilité au regard des principes de dignité, probité, impartialité et prévention des conflits d’intérêts. Un avis d’incompatibilité rendu par la Haute autorité obligerait les anciens responsables publics à renoncer ou à cesser l’exercice de cette activité.
La prévention des conflits d’intérêts passe par l’obligation faite à la personne concernée de révéler la situation de conflit, afin d’y faire face rapidement et d’en permettre la résolution.
Telle est la finalité de l’obligation, prévue à l’article 2 du projet de loi, faite à l’agent public d’avertir son supérieur hiérarchique lorsqu’il estime se trouver en situation de conflit d’intérêts.
C’est également tout l’enjeu attaché à la généralisation des déclarations d’intérêts, dont le dépôt deviendrait obligatoire pour l’ensemble des personnes par ailleurs soumises à l’obligation de dépôt d’une déclaration de patrimoine (article 1er du projet de loi organique et articles 3 et 10 du projet de loi), à savoir :
– les membres du Parlement. Pour ces derniers, la déclaration d’intérêts serait fusionnée avec la déclaration d’activités prévue à l’article L.O. 151-2 du code électoral ;
– les membres du Gouvernement ;
– les membres du Parlement européen ;
– les présidents des principaux exécutifs locaux ;
– certains élus locaux délégataires de fonctions exécutives ;
– les membres des cabinets ministériels ;
– les collaborateurs du président de la République ;
– les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ;
– les titulaires d’un emploi ou de fonctions à la décision du Gouvernement nommés en conseil des ministres (préfets, recteurs, ambassadeurs, directeurs d’administration centrale, etc.) ;
– les présidents et directeurs généraux d’une série d’entreprises publiques et d’organismes énumérés aux 1° à 5° du II de l’article 10.
Ces déclarations d’intérêts seraient remises à la Haute autorité de la transparence de la vie politique (50) et contrôlées par cette dernière dans les mêmes conditions que les déclarations de patrimoine : l’ensemble de ses prérogatives (pouvoir d’injonction, communication avec l’administration fiscale, etc.), ainsi que les sanctions pénales précitées seraient applicables en matière de déclarations d’intérêts.
De la même façon, l’absence d’établissement par un député ou un sénateur de sa déclaration d’intérêts et d’activités donnerait lieu à la saisine du Conseil constitutionnel par le Bureau de l’assemblée concernée, en vue de faire constater, le cas échéant, l’inéligibilité et la démission d’office du parlementaire concerné.
Le champ d’intervention de la Haute autorité serait donc notablement élargi par rapport à celui de la Commission pour la transparence financière de la vie publique, dont la mission n’a pas, aujourd’hui, « pour objet spécifique la prévention des conflits d’intérêts, mais la lutte contre l’enrichissement personnel indu et la corruption » (51).
La Haute autorité de la transparence ne sera d’ailleurs pas seulement la garante de l’exactitude du contenu des déclarations d’intérêts : elle aura également le pouvoir d’enjoindre aux assujettis de mettre fin à une situation de conflit d’intérêts – sous peine de sanctions pénales (articles 9 et 18 du projet de loi). Il faut souligner que, conformément à la ligne de partage déjà évoquée entre compétence de la Haute autorité et compétence des organes propres à chaque assemblée parlementaire, ce pouvoir d’enjoindre de mettre fin à une situation de conflit d’intérêts n’est pas applicable aux membres du Parlement : c’est à l’Assemblée nationale et au Sénat qu’il appartient de faire face à ce type de situations.
Sans qu’il y ait lieu de distinguer entre les différentes catégories d’assujettis, l’ensemble des déclarations d’intérêts seraient rendues publiques par la Haute autorité de la transparence de la vie publique (article 1er du projet de loi organique et articles 4 et 11 du projet de loi). L’objectif est d’améliorer l’information des électeurs sur les activités de leurs élus et de permettre aux citoyens d’apprécier, le cas échéant, si un parlementaire se trouve en situation de conflit d’intérêts. Comme pour les déclarations de patrimoine, certains éléments des déclarations d’intérêts demeureraient confidentiels, afin de protéger le droit au respect de la vie privée du déclarant et de ses proches.
En outre, le contrôle des déclarations et des conflits d’intérêts serait assuré par l’ouverture de la possibilité de saisine de la Haute autorité aux plus hautes personnalités constitutionnelles – Premier ministre, président de l’Assemblée nationale et président du Sénat – mais aussi aux associations de lutte contre la corruption agréées par le pouvoir exécutif (article 13 du projet de loi). Par leur intermédiaire, mais aussi en communiquant des faits à la Haute autorité qui peut s’autosaisir, les citoyens pourront contribuer au contrôle qu’elle exerce.
La répression des conflits d’intérêts passe également par un dispositif de protection contre des sanctions professionnelles de ceux qui les révèlent. L’article 17 du projet de loi prévoit ainsi que les personnes – quel que soit leur statut professionnel – qui auraient révélé une situation de conflits d’intérêts ne pourraient faire l’objet de brimades ou de sanctions dans le cadre de leurs relations professionnelles. Lorsqu’une mesure portant grief leur serait infligée, elle pourrait être déclarée nulle de plein droit par le juge, la charge de prouver que la mesure est étrangère à ces révélations portant sur leur auteur. Cependant, seules les dénonciations de bonne foi ouvriraient le bénéfice de cette protection, les déclarations de mauvaise foi tombant sous le coup des peines prévues en cas de dénonciation calomnieuse.
1. Inclure les responsables exécutifs gouvernementaux et locaux dans le champ de la répression du « délit de pantouflage »
Alors que le champ de l’article 432-12 du code pénal, interdisant la prise illégale d’intérêts par un agent public au cours de l’exercice de ses fonctions, est applicable à « une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou […] une personne investie d’un mandat électif public », l’article 432-13, réprimant le « délit de pantouflage » – correspondant au fait d’exercer une activité pour une entreprise privée dont il a été chargé, au cours des trois années qui précèdent le début de cette activité privée d’assurer la surveillance ou le contrôle de cette entreprise, de conclure des contrats de toute nature avec cette entreprise ou de formuler un avis sur de tels contrats, ou de proposer directement à l’autorité compétente des décisions relatives à des opérations réalisées par cette entreprise ou de formuler un avis sur de telles décisions – n’est actuellement applicable qu’aux seuls agents des administrations publiques, et non aux élus ou aux membres du Gouvernement.
Prenant en compte une proposition effectuée par la commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, présidée par M. Jean-Marc Sauvé (52) comme par la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique présidée par M. Lionel Jospin (53), l’article 20 du projet de loi étend son application aux responsables publics, qu’ils aient exercé des fonctions exécutives locales ou de membre du Gouvernement.
En outre, les peines punissant la prise illégale d’intérêts dans les trois années suivant l’exercice de fonctions publiques seraient augmentées de moitié pour être portée à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amendement (article 20 du projet de loi).
3. Prévoir une peine complémentaire d’inéligibilité à durée indéterminée pour les élus et responsables publics coupables de délits contre la probité publique ou de fraude fiscale
Alors la peine complémentaire de privation des droits civiques – comprenant la perte de l’éligibilité – prévue par l’article 131-26 du code pénal, est limitée à une durée de cinq ans à compter de l’exécution de la peine principale ou de la prescription de celle-ci en matière délictuelle, l’article 19 du projet de loi crée une peine complémentaire d’inéligibilité pouvant être prononcée pour une durée maximale de dix ans mais aussi à titre définitif.
Cette peine complémentaire d’inéligibilité renforcée pourrait être prononcée par le juge pénal à l’égard d’un membre du Gouvernement, d’un élu du suffrage universel, d’une personne nommé à un emploi en conseil des ministres ou d’un directeur de cabinet ministériel reconnu coupable d’atteinte à l’administration publique (détention arbitraire, viol du domicile, concussion, corruption passive, trafic d’influence, prise illégale d’intérêts, favoritisme en matière de marché public…), de fraude électorale ou de fraude fiscale.
III. DES TEXTES PROFONDÉMENT REMANIÉS PAR VOTRE COMMISSION DES LOIS
Plutôt que de s’en remettre au pouvoir réglementaire comme le proposait le texte initial, la commission des Lois a, à l’initiative de votre rapporteur, défini le contenu des déclarations de situation patrimoniale (article 1er du projet de loi organique et article 3 du projet de loi). Celui-ci serait identique pour l’ensemble des assujettis.
À l’instar du modèle déjà existant (54), les déclarations de patrimoine portraient sur les éléments suivants :
1° les immeubles bâtis et non bâtis ;
2° les valeurs mobilières ;
3° les assurances-vie ;
4° les comptes bancaires courants ou d’épargne, les livrets et les autres produits d’épargne ;
5° les biens mobiliers divers ;
6° les véhicules terrestres à moteur, bateaux et avions ;
7° les fonds de commerce ou clientèles et les charges et offices ;
8° les biens mobiliers, immobiliers et les comptes détenus à l’étranger ;
9° les autres biens ;
10° le passif.
En outre, la commission des Lois a prévu que l’ensemble des biens détenus en indivision par le déclarant devra figurer dans la déclaration de patrimoine – et non pas seulement les biens réputés indivis entre époux.
À l’initiative de votre rapporteur, la commission des Lois a modifié le régime de publicité des déclarations de patrimoine des membres du Parlement et des présidents d’exécutifs locaux. Elle s’est, en effet, préoccupée de concilier l’objectif de publicité poursuivi par les projets de loi et le droit au respect de la vie privée des déclarants et de leurs proches.
Plutôt qu’une publication de ces déclarations – solution en revanche maintenue pour les membres du Gouvernement –, votre Commission a opté pour un droit de consultation ouvert à tout citoyen inscrit sur les listes électorales (article 1er du projet de loi organique et article 11 du projet de loi). Cette consultation se déroulerait à la préfecture du département d’élection du député ou du président d’exécutif local. Les informations recueillies ne pourraient être ni publiées ni divulguées, sous peine d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros.
Il serait, en revanche, possible pour le citoyen d’adresser des observations à la Haute autorité de la transparence de la vie publique : l’absence de publication et de divulgation des déclarations n’empêcherait donc pas l’exercice d’une certaine forme de « contrôle citoyen ».
Afin que la déclaration de situation patrimoniale rende compte précisément du patrimoine réellement détenu par le déclarant, la commission des Lois a par ailleurs précisé que l’évaluation rendue publique de la valeur des biens détenus en communauté devrait correspondre à la moitié de leur valeur vénale, tandis que les biens indivis ne seraient valorisés qu’à la hauteur des droits détenus par le déclarant dans l’indivision (article 1er du projet de loi organique et article 4 du projet de loi).
Pour les seuls parlementaires, la Commission a, en outre, notablement renforcer l’intensité du contrôle exercé par la Haute autorité : leur serait applicable de plein droit la procédure systématique de contrôle, au dépôt, de la déclaration de patrimoine par la Haute autorité et l’administration fiscale –procédure initialement prévue pour les seuls membres du Gouvernement (I de l’article 4 du projet de loi).
Comme pour les déclarations de patrimoine, votre commission des Lois a, à l’initiative de votre rapporteur, défini le contenu des déclarations d’intérêts et, pour les députés et sénateurs, des déclarations d’intérêts et d’activités (article 1er du projet de loi organique et article 3 du projet de loi). Elle a également porté de trois à cinq ans la période rétrospective sur laquelle la déclaration devra porter.
Les déclarations d’intérêts et d’activités incombant aux parlementaires porteraient sur les éléments suivants :
1° les activités professionnelles exercées à la date de la déclaration donnant lieu à rémunération ;
2° les activités professionnelles exercées au cours des cinq dernières années ayant donné lieu à rémunération ;
3° les activités de consultant exercées à la date de la déclaration et au cours des cinq dernières années ;
4° les participations détenues à la date de la déclaration ou lors des cinq dernières années dans les organes dirigeants d’un organisme public ou privé ou d’une société ;
5° les participations financières directes, à la date de la déclaration, dans le capital d’une société ;
6° les activités professionnelles exercées à la date de la déclaration par le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin, les enfants et les parents ;
7° l’exercice de fonctions bénévoles susceptibles de faire naître des conflits d’intérêts ;
8° les autres liens susceptibles de faire naître des conflits d’intérêts ;
9° les autres fonctions et mandats électifs exercés à la date de la déclaration ;
10° les noms des collaborateurs parlementaires ;
11° les activités professionnelles ou d’intérêt général, même non rémunérées, que le parlementaire envisage de conserver durant l’exercice de son mandat.
La déclaration d’intérêts et d’activités devrait préciser le montant des rémunérations perçues par le parlementaire au titre des éléments mentionnés aux 1° à 5° et aux 8°, 9° et 11°.
LA SITUATION DES COLLABORATEURS PARLEMENTAIRES
La mention prévue au 10° a été l’occasion pour la commission des Lois d’ouvrir un débat – qui va au-delà de l’objet de la présente réforme – sur le statut des collaborateurs parlementaires. Si le texte adopté par votre Commission répond à la nécessité de rendre publique l’identité des collaborateurs travaillant auprès de chaque député ou sénateur, se pose plus globalement la question de leurs conditions d’emploi et de leur situation matérielle et juridique. Cette question a également été abordée, sous l’angle de la déontologie, par notre collègue, M. Christophe Sirugue, dans son rapport, remis en février 2013, sur le lobbying : « il peut [...] arriver qu’un collaborateur exerce, à côté de son contrat collaborateur, une fonction rémunérée par des représentants d’intérêts. De même, les collaborateurs, comme les fonctionnaires, sont parfois sollicités pour assister à des présentations par des lobbies, sans être suffisamment alertés de la teneur des intérêts qui y sont défendus. Sur toutes ces questions, le Bureau a suggéré de confier à Noëlle Lenoir, Déontologue de l’Assemblée nationale, une mission de réflexion sur la mise en place d’un code de déontologie » (55).
Il paraît donc inéluctable que puissent s’ouvrir rapidement des chantiers internes à l’Assemblée nationale. Ceux-ci devront naturellement s’inscrire dans le respect du principe de pluralité d’employeurs, rappelé par le tribunal d’instance du 7ème arrondissement de Paris en 2002 (56), puis par la chambre sociale de la Cour de cassation en 2004 (57). Ces décisions n’ont pas reconnu l’existence d’une unité économique et sociale entre les députés employeurs de collaborateurs. En effet, il n’existe ni communauté de travailleurs, ni unité de direction.
Cela explique que sur le plan matériel, la situation des collaborateurs est caractérisée par une grande diversité des missions, des rémunérations (de 9,43 euros par heure à 60 euros par heure) et des quotités horaires (de moins de 40 heures par mois au temps plein correspondant à 151,67 heures par mois) et par la liberté d’embauche dont jouit chaque député-employeur (66 collaborateurs sont aujourd’hui embauchés par plusieurs députés ou par un député et un groupe politique). Tous n’ont pas non plus la même perspective professionnelle. Alors qu’ils sont largement diplômés de l’enseignement supérieur, certains projettent une carrière entière à l’Assemblée nationale (en tant que collaborateur de député ou de groupe), d’autres ne conçoivent leur collaboration que comme une étape dans leur carrière, qui se poursuivra ensuite dans les secteurs public ou privé.
Il paraîtrait donc souhaitable à votre rapporteur que des initiatives soient conduites en la matière, comme par exemple la publication d’un bilan social annuel des collaborateurs, qui pourrait être établi par le service de la gestion financière et sociale qui gère l’écrasante majorité des contrats de travail et peut donc établir des statistiques globales et non nominatives.
De même, il faut rappeler que si les collaborateurs sont liés à leur député-employeur par un contrat de droit privé, le statut particulier de l’Assemblée nationale et les exigences de la séparation des pouvoirs font qu’ils ne bénéficient pas de toutes les protections normalement accordées aux salariés, dès lors que leur emploi dépend du rythme des élections législatives et des aléas de la vie parlementaire. De plus, l’Assemblée nationale étant une institution publique, la connaissance interne du droit privé – inspection du travail, médecine du travail, etc. – y est parfois insuffisante. Enfin, le dialogue social à l’Assemblée nationale dépend du bon vouloir de la présidence et du collège des questeurs ou de la sensibilité aux questions sociales de quelques députés.
Pourquoi dans ces conditions ne pas créer une « conférence sociale annuelle » entre représentants des députés-employeurs et représentants des collaborateurs-salariés sur un ordre du jour fixé par le Bureau de l’Assemblée ? Cela inciterait sans doute les « associations » et autres « amicales » de collaborateurs à se transformer en syndicats, soumis à des règles de représentativité, pour le plus grand profit de tous.
Pourquoi ne pas chercher ensuite à négocier, avec ces représentants, une convention collective qui complèterait et améliorerait les dispositions du code du travail, et organiserait des règles particulières à l’Assemblée nationale ? Cette convention collective pourrait être limitée aux collaborateurs de la seule Assemblée nationale ou étendue à ceux du Sénat, voire à tous les collaborateurs de responsables politiques.
Enfin, il ne paraît pas utopique de s’inspirer des dispositions de l’article L. 2312-5 du code du travail (58), selon lesquelles, lorsque de très petites entreprises regroupées sur un même site connaissent des problèmes communs, le directeur départemental peut imposer l’élection de délégués du personnel. N’y a-t-il pas là une piste à creuser ?
Pour l’ensemble des autres assujettis (non parlementaires), les déclarations d’intérêts comporteraient les mêmes rubriques, à l’exclusion des éléments mentionnées aux 10° et 11°.
Votre commission des Lois n’a, en revanche, pas modifié les modalités de publicité des déclarations d’intérêts : celles-ci seront publiées, sous le contrôle de la Haute autorité de la transparence de la vie publique, dans les limites fixées au II de l’article L.O. 135-2 du code électoral (article 1er du projet de loi organique) et au III de l’article 4 du projet de loi, qui excluent la publicité de certains éléments attentatoires aux droits des tiers.
Il appartiendra à un décret en Conseil d’État de préciser les modalités techniques de cette publicité, en particulier le site internet sur lequel les déclarations d’intérêts seront rendues publiques. Votre commission des Lois a prévu que le projet de décret – tout comme celui relatif aux déclarations de patrimoine – devrait être pris après consultation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).
Votre commission des Lois a élargi le champ des personnes assujetties à l’obligation de déclarer leur patrimoine et leurs intérêts :
– aux maires de communes et aux présidents d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre de plus de 20 000 habitants, au lieu de 30 000 habitants dans le texte proposé ;
– aux présidents des « autres groupements de communes » – c’est-à-dire aux syndicats intercommunaux – dont le montant des recettes ordinaires figurant au dernier compte administratif est supérieur à 5 millions d’euros ;
– aux collaborateurs du Président de l’Assemblée nationale et du président du Sénat. Votre rapporteur a retiré un amendement soumettant aux mêmes obligations les collaborateurs des députés, des sénateurs et des groupes parlementaires, jugeant préférable de prolonger la réflexion sur ce point.
À titre de récapitulation, le tableau ci-après présente l’ensemble des catégories d’assujettis aux différentes obligations déclaratives et précise si les déclarations sont rendues publiques.
CARACTÈRE PUBLIC OU NON PUBLIC DES DÉCLARATIONS DE PATRIMOINE ET D’INTÉRÊTS
Déclarants |
Déclaration de patrimoine |
Déclaration d’intérêts |
Président de la République (a) |
oui - publication par le Conseil constitutionnel |
absence de déclaration |
Membres du Gouvernement |
oui - publication par la Haute autorité |
oui - publication par la Haute autorité |
Membres du Parlement |
oui - consultation en préfecture |
oui - publication par la Haute autorité |
Membres du Parlement européen (b) |
non |
oui - publication par la Haute autorité |
Présidents d’exécutifs locaux (c) |
oui - consultation en préfecture |
oui - publication par la Haute autorité |
Délégataires de fonctions exécutives locales |
non |
oui - publication par la Haute autorité |
Membres des cabinets ministériels |
non |
oui - publication par la Haute autorité |
Collaborateurs du président de la République |
non |
oui - publication par la Haute autorité |
Emplois à la décision du Gouvernement pourvus en conseil des ministres |
non |
oui - publication par la Haute autorité |
Présidents et directeurs généraux d’organismes publics |
non |
oui - publication par la Haute autorité |
Collaborateurs du Président de l’Assemblée nationale et du Président du Sénat (d) |
non |
oui - publication par la Haute autorité |
(a) Situation non modifiée par la présente réforme.
(b) Hors obligations déclaratives prévues au sein du Parlement européen (déclarations d’intérêts financiers, rendues publiques).
(c) Élargis par la commission des Lois aux communes et EPCI à fiscalité propre de plus de 20 000 habitants et aux syndicats de communes dont les recettes figurant au dernier compte administratif excèdent 5 millions d’euros.
(d) Catégorie ajoutée par la commission des Lois.
Sur proposition de votre rapporteur, la commission des Lois a modifié plusieurs aspects des procédures de déclaration. Elle a, en particulier, cherché à harmoniser les dispositions relatives aux parlementaires, aux ministres et aux autres acteurs publics (article 1er du projet de loi organique ; articles 3, 4 et 10 du projet de loi).
C’est ainsi que :
– les déclarations de patrimoine initiales devraient être remises dans les deux mois suivant l’entrée en fonction pour l’ensemble des assujettis (au lieu de huit jours pour les ministres et d’un mois pour les parlementaires) ;
– pour l’ensemble des déclarants, les déclarations de patrimoine de fin de mandat ou de fonctions seraient accompagnées d’une récapitulation de l’ensemble des revenus perçus au cours du mandat ou de l’exercice des fonctions, afin de permettre à la Haute autorité de mieux mesurer les causes des évolutions patrimoniales ;
– en cas de changement substantiel intervenant dans le patrimoine ou les intérêts détenus, il devrait en être fait déclaration auprès de la Haute autorité dans le délai maximal d’un mois ;
– chaque déclaration pourrait être accompagnée d’observations de la personne intéressée, afin d’éclairer la Haute autorité et, le cas échéant, le public ;
– l’établissement depuis moins de six mois d’une déclaration dispenserait de devoir en déposer une nouvelle, conformément au droit aujourd’hui en vigueur. Il s’agit d’éviter la multiplication de déclarations redondantes, qui risquerait de paralyser l’activité de la Haute autorité. En revanche, un ministre changeant d’attributions au sein du Gouvernement serait tenu de déposer une nouvelle déclaration d’intérêts ;
– pour les parlementaires et les élus locaux, le délai de remise des déclarations de patrimoine de fin de mandat serait avancé à sept mois au plus tôt et six mois au plus tard avant la date normale d’expiration du mandat. Ce délai permettrait à la Haute autorité de disposer du temps nécessaire au contrôle des déclarations avant que celles-ci ne soient rendues publiques, ce qui permettrait ensuite aux électeurs, s’il y a lieu, d’en tirer toutes les conséquences lors du scrutin suivant.
L’article 5 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique avait introduit au sein du code électoral des dispositions prévoyant l’inéligibilité automatique, pour une durée d’un an, des élus locaux assujettis à l’obligation de dépôt des déclarations de situation patrimoniale, sans que les conditions de mise en œuvre de cette inéligibilité ne soient pas précisées. En prévoyant une peine d’inéligibilité automatique, sans qu’un juge la prononce en appréciant la proportionnalité à la faute commise, ces dispositions sont contestables au vu des principes de la nécessité et de l’individualisation des peines garantis par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Ces dispositions sont remplacées par une peine d’emprisonnement, une peine d’amende et une peine complémentaire d’inéligibilité renforcée, pouvant être prononcées par le juge pénal saisi de l’absence de dépôt d’une déclaration prévue par les présents projet de loi organique et projet de loi.
Aussi à l’initiative de votre rapporteur, la commission des Lois a supprimé toutes les dispositions prévoyant une inéligibilité automatique en cas d’absence de dépôt de la déclaration de situation patrimoniale prévue par la loi du 11 mars 1988 pour les élus des départements, des collectivités d’outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie (articles 2 ter, 6 et 7 du projet de loi organique et article 22 du projet de loi).
Les mêmes modifications ont été apportées à l’égard des parlementaires (article 1er du projet de loi organique) qu’à l’égard des autres responsables publics (article 5 du projet de loi) :
– l’administration fiscale devrait transmettre à la Haute autorité les copies des déclarations d’impôt demandées dans un délai maximal de soixante jours ;
– la possibilité donnée à la Haute autorité de demander l’exercice par l’administration fiscale de son droit de communication serait élargie à l’ensemble des entreprises et organismes sur lesquels ce droit peut s’exercer, et non pas aux seuls établissements financiers. L’administration fiscale disposerait d’un délai de soixante jours pour transmettre les informations demandées ;
– la Haute autorité pourrait demander à l’administration fiscale la mise en œuvre des procédures d’assistance administrative internationale ;
– les rapporteurs de la Haute autorité bénéficieraient de l’absence d’opposabilité du secret professionnel par les agents de l’administration fiscale.
Afin de sécuriser juridiquement l’exercice du pouvoir d’injonction de la Haute autorité, votre Commission a prévu que les injonctions prononcées à l’encontre d’une personne ayant déposé une déclaration incomplète ou n’ayant pas donné suite à une demande d’explication ne pourraient, en cas de non-respect, entraîner de sanction pénale qu’à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la notification de l’injonction (article 1er du projet de loi organique ; article 3 du projet de loi). Le texte initial présentait en effet l’inconvénient de ne pas préciser à partir de quand il pouvait être considéré que la personne concernée n’avait pas déféré à l’injonction.
Ce même pouvoir d’injonction en cas de déclaration tardive ou incomplète a, par ailleurs, été élargi à l’ensemble des responsables publics mentionnés à l’article 10 du projet de loi, alors qu’il n’était prévu, dans le texte initial, qu’à l’égard des ministres et des parlementaires
Sur proposition de votre rapporteur et de M. Lionel Tardy, votre commission des Lois a modifié la définition du conflit d’intérêts, afin d’y faire référence à la théorie des apparences et, notamment, à la notion d’impartialité objective. En application de l’article 2 du projet de loi, constituerait un conflit d’intérêts « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à compromettre ou paraître compromettre l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction ».
La Commission a, par ailleurs, supprimé la possibilité pour la Haute autorité de prononcer une injonction à l’encontre d’un député européen en situation de conflit d’intérêts (articles 9 et 10 du projet de loi). Les membres du Parlement européen seraient donc soumis, sur ce point, au même régime que les députés et sénateurs.
À l’initiative de votre rapporteur, la commission des Lois a prévu que la Haute autorité serait chargée d’élaborer des règles encadrant les relations avec les représentants d’intérêts à destination de l’ensemble des institutions soumises à son contrôle, charge à elles de les mettre en œuvre en les adaptant à leurs contraintes particulières (article 13 du projet de loi).
De la même manière, elle a introduit un nouvel article 2 bis dans le projet de loi, prévoyant que le Bureau de chaque assemblée définit des lignes directrices portant sur la prévention des conflits d’intérêts susceptibles de concerner les parlementaires. Les parlementaires gagneraient, en effet, à disposer d’une forme de « code de conduite » complétant le code de déontologie – qui fixe les principes – et énumérant les différentes attitudes à tenir concrètement en cas de conflit d’intérêts : révélation publique d’un lien particulier avant un débat, abstention de participation à un débat ou à un vote, refus d’une fonction de rapporteur d’un texte etc.
La Commission a également entrepris, à l’initiative de votre rapporteur, de renforcer le régime d’autorisation des activités privées exercées dans les trois années suivant la cessation de fonctions ministérielles ou exécutives locales (article 15 du projet de loi) :
– en permettant à la Haute autorité de se saisir de l’exercice non autorisé d’une activité privée dès qu’elle en a connaissance ;
– en rendant nul de plein droit tout acte ou contrat conclu en vue d’exercer une activité non compatible avec les fonctions précédemment exercées ;
– en prévoyant que les avis d’incompatibilité rendus à la suite de la découverte fortuite d’une activité exercée sans demande préalable de compatibilité par la personne concernée seraient rendus publics au moyen d’un rapport spécial publié au Journal officiel et communiqués avec les pièces au parquet, afin qu’il examine si ces faits ne sont pas constitutifs d’une prise illégale d’intérêts.
À l’initiative de votre rapporteur, la Commission a également renforcé la protection des lanceurs d’alerte en incluant la rupture du contrat de travail parmi les actes faisant grief et en prévoyant que cette protection leur serait acquise lorsqu’ils révéleraient des faits constitutifs d’un conflit d’intérêts au déontologue de leur organisation ou à une association agréée de lutte contre la corruption (article 17 du projet de loi).
La commission des Lois a affermi le statut de la Haute autorité de la transparence de vie publique par plusieurs dispositions.
À l’initiative de votre rapporteur, elle a modifié sa composition, en y intégrant quatre personnalités qualifiées nommées par les présidents des deux assemblées après avis des commissions des Lois, en supprimant les membres suppléants et en organisant le renouvellement de leurs mandats afin d’assurer une composition paritaire (article 12 du projet de loi).
De la même manière, en adoptant deux amendements de votre rapporteur, elle a prévu de doter la Haute autorité de l’autonomie financière et de la possibilité d’adopter son organisation interne et ses procédures par un règlement général (article 12 du projet de loi).
À l’initiative de votre rapporteur, elle a prévu qu’elle serait elle-même chargée d’agréer, sur la base de critères objectifs, les associations de lutte contre la corruption pouvant la saisir (article 13 du projet de loi).
À l’initiative de votre rapporteur, elle a confié les archives de la commission pour la transparence financière de la vie politique à la Haute autorité, afin qu’elle puisse s’y référer dans l’exercice de ses missions (article 22 du projet de loi).
À l’initiative de M. François de Rugy et de votre rapporteur, elle a prévu que la Haute autorité continuerait l’instruction des déclarations non classées par la commission, en appliquant les règles légales en vigueur lors de son dépôt (article 22 du projet de loi).
La commission des Lois a atténué le durcissement de certaines sanctions pénales, qui pourraient apparaître comme excessives au regard du principe constitutionnel de nécessité des délits et des peines.
À l’initiative de votre rapporteur, elle a supprimé la peine d’inéligibilité pouvant être prononcée à titre définitif, dont la sévérité pouvait faire être considérée comme contraire à la Constitution, tout en maintenant la possibilité pour le juge de prononcer une peine complémentaire d’inéligibilité d’une durée maximale de dix années (article 19 du projet de loi).
De la même manière, elle a supprimé la possibilité de la prononcer à l’encontre des personnes occupant un emploi nommé en conseil des ministres et des directeurs de cabinets ministériels – qui n’ont pas vocation à se présenter devant le suffrage universel et donc à être puni de la perte de ce droit civique (59) – pour la réserver aux seuls élus du suffrage universel et membres du Gouvernement (article 19 du projet de loi).
À l’initiative de M. de Rugy, reprenant une proposition faite par la commission Sauvé et par la commission Jospin, la commission des Lois a précisé la définition de l’intérêt dont la retenue par un agent public pouvait le faire sanctionner pénalement de prise illégale d’intérêt comme n’étant pas un « intérêt quelconque » mais uniquement les intérêts « de nature à compromettre son indépendance, son impartialité ou son objectivité » (article 19 du projet de loi).
La commission des Lois a adopté plusieurs dispositions introduisant de nouvelles incompatibilités, durcissant et précisant les conditions d’application des incompatibilités introduites par le présent article.
À l’initiative de votre rapporteur, elle a complété l’article L.O. 140 du code électoral, qui rappelle l’incompatibilité du mandat parlementaire avec les fonctions relevant du statut de la magistrature (60), en prohibant l’exercice de toute fonction juridictionnelle, à l’exception de celles prévues par la Constitution – au sein de la Haute cour et de la Cour de justice de la République (article 2 du projet de loi organique). Dans le même esprit, cet amendement rend incompatibles avec le mandat parlementaire les fonctions d’arbitrage et de médiation, régies par les livres IV et V du code de procédure civile ou par d’autres règlements d’arbitrage équivalents au niveau international.
À l’initiative de M. Lionel Tardy, elle a prévu que les parlementaires exerçant des fonctions au sein d’autorités administratives indépendantes ne pourraient plus en assurer la présidence (article 2 du projet de loi organique).
À l’initiative de son rapporteur, afin de prendre en compte tous les statuts des différentes fonctions publiques, et d’affirmer que cette mesure est liée à l’incompatibilité entre emploi public et mandat parlementaire, la commission des Lois a transféré de l’article 16 du projet de loi ordinaire à l’article 2 de la loi organique le principe obligeant le fonctionnaire accédant à un mandat parlementaire à se faire mettre d’office en position statutaire de disponibilité ou, lorsque le statut dont il relève ne prévoit pas cette faculté, dans une position équivalente au sein de laquelle il ne pourra acquérir ni droits à l’avancement ni droit à pension.
À l’occasion de son examen, la commission des Lois a substantiellement renforcé la définition des entreprises ayant des liens particuliers avec la puissance publique au sein desquelles les parlementaires ne peuvent exercer de fonction de direction (article 2 du projet de loi organique).
À l’initiative de M. Lionel Tardy, elle a substitué à la mention des sociétés faisant appel à l’épargne publique en ayant « exclusivement » un objet financier celle des mêmes sociétés ayant un objet « principalement » financier.
À l’initiative de votre rapporteur, a été défini comme ne pouvant être dirigée par un parlementaire les entreprises proposant des produits, services et travaux « destinés spécifiquement » au secteur public ou « devant faire l’objet d’une autorisation discrétionnaire de la part » d’une autorité publique pour exercer ses activités.
En outre, a été prévu la prohibition de l’exercice de fonction de direction au sein des sociétés-mères des sociétés et organismes définis par l’article L.O. 146, c’est-à-dire les sociétés exerçant un « contrôle effectif » sur ces sociétés.
F. L’APPLICATION AUX AUTRES AUTORITÉS CONSTITUTIONNELLES DES PRINCIPES MIS EN œUVRE PAR LE PROJET DE LOI ORGANIQUE
À l’initiative de votre rapporteur, la commission des Lois a étendu aux membres du Gouvernement et aux membres du Conseil constitutionnel, ainsi qu’aux représentants français au Conseil constitutionnel, certains principes rendus applicables aux seuls parlementaires par le projet de loi organique :
– les membres du Gouvernement appartenant à la fonction publique seraient dorénavant mis d’office en position de disponibilité (article 3 du projet de loi organique), ne pourraient cumuler leurs indemnités avec des indemnités parlementaires pendant la période d’un mois qui suit leur nomination au Gouvernement au cours de laquelle ils demeurent membres de l’assemblée où ils siègent (articles 2 bis et 3 du projet de loi organique) ; en outre, le régime d’incompatibilité d’exercer certaines fonctions dans les six mois suivant la cessation de leurs fonctions serait supprimé au profit du régime d’autorisation des activités (article 3 du projet de loi organique et article 15 du projet de loi) ;
– les membres du Conseil constitutionnel ne pourraient exercer en même temps la profession d’avocat (article 2 quater du projet de loi organique) ;
– les fonctionnaires exerçant un mandat de parlementaire européen seraient mis d’office en position de disponibilité pendant la durée de leur mandat (article 16 du projet de loi).
Votre commission des Lois a adopté une série d’amendements présentés par M. François de Rugy, tendant à modifier les règles de financement des partis politiques, fixées dans la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 précitée.
C’est ainsi que le nouvel article 11 bis du projet de loi tend à modifier les modalités de répartition du financement public des partis politiques, dans le but de mettre fin à des pratiques discutables constatées ces dernières années. Ainsi, il ne serait plus possible, pour un parlementaire élu dans une circonscription en métropole ou à l’étranger, de se rattacher, pour la répartition de la seconde fraction de l’aide publique, à un parti ayant présenté des candidats uniquement dans des circonscriptions situées outre-mer.
En outre, le rattachement annuel de chaque parlementaire aux partis éligibles à la seconde fraction serait désormais rendu public, ce qui consacrerait la pratique suivie depuis novembre 2012 à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Par ailleurs, le nouvel article 11 ter modifierait le régime des dons et cotisations aux partis politiques, sur trois points :
– le plafond annuel des dons aux partis politiques par les personnes physiques, fixé à 7 500 euros, s’appliquerait par donateur, et non plus par parti politique. Une même personne ne pourrait donc pas donner, chaque année, plus de 7 500 euros, quel que soit le nombre de partis bénéficiaires ;
– les cotisations versées aux partis politiques par leurs adhérents seraient désormais prises en compte dans le calcul destiné à vérifier le respect du plafond de 7 500 euros précité, à l’exception des cotisations versées par les élus (sans toutefois que ces dernières puissent excéder le quart de leurs indemnités) ;
– les associations de financement et les mandataires financiers devraient communiquer chaque année à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques la liste des personnes ayant consenti des dons d’au moins 3 000 euros à un parti politique.
L’exposé sommaire des amendements adoptés par votre Commission résumait ainsi la démarche engagée : « plusieurs affaires récentes ont mis en lumière le problème posé par les micro-partis, qui permettent parfois de véritable détournement des règles de financement des partis politiques. Il semble nécessaire qu’un projet de loi relatif à la transparence de la vie publique intègre les modifications nécessaires pour mettre fin aux différents abus, tout en préservant le pluralisme politique indispensable ».
AUDITION DE M. ALAIN VIDALIES, MINISTRE DÉLÉGUÉ CHARGÉ DES RELATIONS AVEC LE PARLEMENT ET DISCUSSION GÉNÉRALE
Lors de sa séance du mardi 4 juin 2013, la Commission procède à l’audition de M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, sur le projet de loi organique relatif à la transparence de la vie publique (n° 1004) et le projet de loi relatif à la transparence de la vie publique (n° 1005) puis procède à l’examen de ces deux projets de loi (M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur).
M. Dominique Raimbourg, président. Je suis heureux d’accueillir M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, dans le cadre de l’examen du projet de loi organique et du projet de loi relatifs à la transparence.
M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je suis heureux de répondre à l’invitation de votre Commission, où les échanges, je le sais d’expérience, sont toujours intéressants et de grande qualité.
Les deux projets de loi que je vous présente visent à mettre en œuvre un principe politique que nous connaissons tous, celui de la confiance que doivent avoir les citoyens en ceux qui gouvernent, jugent ou administrent. Cette confiance, au fondement même de la République et de la démocratie, ne saurait prospérer que si l’intégrité et l’impartialité des responsables publics ne peuvent être mises en doute. Or la défiance manifeste de nombre de nos concitoyens à l’endroit de certains de leurs représentants trouve notamment sa source dans des comportements et des pratiques de certains agents publics, comportements et pratiques qui ne correspondent pas aux valeurs affichées de primauté de l’intérêt général, de neutralité et d’impartialité. Même si les cas avérés d’infractions pénales sont peu nombreux – il faut toujours le souligner –, ils entretiennent la suspicion dans l’opinion publique. Le souverain, c’est-à-dire le peuple, ne peut en effet accepter de déléguer ses pouvoirs à des gouvernants que s’il a l’assurance que ces derniers servent exclusivement l’intérêt général, et non leurs intérêts propres.
Il convient d’observer que le législateur, sous toutes les majorités, est presque toujours intervenu à la suite d’affaires ou de révélations. Depuis 1988, une douzaine de lois ou de décrets ont ainsi été adoptés sur le sujet dont nous parlons. Sans remonter aux précédentes Républiques ou à des temps plus anciens encore, on peut rappeler l’affaire de la Garantie foncière dans les années soixante-dix ou, dans les années quatre-vingt, les affaires Noir, Botton et Urba. Plus récemment, les révélations sur de possibles liens entre un ministre du Budget et une grande fortune française ont été à l’origine d’un rapport remis au Président Nicolas Sarkozy, le rapport de la commission Sauvé pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique. Nombre des recommandations de ce rapport comme du rapport de la commission Jospin sont d’ailleurs reprises dans les deux présents textes.
Restaurer le lien de confiance, que les événements récents impliquant un ancien ministre du Budget ont altéré, telle fut la volonté du président de la République lorsqu’il a demandé au Gouvernement de préparer plusieurs projets de loi – quatre au total. Le Premier ministre, de son côté, a rappelé devant votre assemblée, lors des questions au Gouvernement du 10 avril dernier, que ces textes « ont pour objectif de redonner à nos concitoyens confiance dans les institutions de la République et dans les représentants du peuple, quel que soit le niveau des responsabilités qu’ils exercent ».
Je tiens cependant à souligner que ces projets de lois ne sont pas des textes de circonstance, même si certaines circonstances ont bien entendu accru la nécessité d’un dispositif nouveau, plus efficace pour traiter les situations de conflit d’intérêts et compréhensible par nos concitoyens : lorsqu’elles se sont présentées, je travaillais déjà depuis plusieurs semaines sur la base des recommandations de la commission Jospin et, surtout, des engagements clairs, pris par le président de la République pendant sa campagne, en faveur d’une République exemplaire. Ces engagements, toujours consultables en ligne, attestent de notre volonté ancienne d’agir pour prévenir les conflits d’intérêts dans la vie publique, pour renforcer les règles d’inéligibilité des élus condamnés pour corruption – engagement n° 49 du projet de M. François Hollande –, pour encadrer le lobbying, pour organiser un contrôle citoyen en matière de déontologie de la vie publique ou pour permettre aux associations anti-corruption de mettre en œuvre l’action publique – mesure qui sera proposée dans un autre texte.
Les deux projets de loi traduisent notre ambition de doter la France de moyens effectifs de prévention, de contrôle et de sanction des obligations de probité et d’intégrité qui s’imposent à tous ceux qui exercent des responsabilités publiques, à savoir non seulement les élus, mais aussi, par exemple, les membres des cabinets ministériels ou des autorités administratives indépendantes.
Cette transparence, qui n’est qu’une forme continuée de la souveraineté populaire et du respect dû à nos concitoyens, est une exigence républicaine et non une concession à la mode ou aux nouvelles technologies. De façon synthétique, les présents textes tendent à améliorer quatre éléments de notre législation en la matière : la prévention des conflits d’intérêts ; l’amélioration de leur détection et de leur contrôle ; le renforcement des mesures tendant à la transparence financière ; le renforcement, enfin, des dispositifs répressifs.
L’article 2 du projet de loi ordinaire définit, pour la première fois dans un texte de cette portée, la notion de conflit d’intérêts et donne des outils pour prévenir ce genre de situation, avec pour objectif de placer notre pays au rang des démocraties les plus avancées en la matière. Si l’article 1er du projet de loi reprend des obligations déjà consacrées par la jurisprudence, celui-ci entend traduire dans notre législation les principes fondamentaux de dignité, de probité et d’impartialité qui doivent guider l’action des acteurs publics. Il impose également à ces derniers de prévenir les situations de conflit d’intérêts et, si elles surviennent, d’y mettre fin, le meilleur contrôle étant l’autocontrôle, le pas de côté par rapport à son propre exercice professionnel, au service de l’intérêt général. Il s’agit là d’un point central, qui aurait même pu figurer dans l’intitulé de ce texte ; j’imagine que nous aurons des échanges sur ce thème, auquel sont consacrés plusieurs amendements.
La question des conflits d’intérêts est centrale dans l’ensemble des sociétés démocratiques avancées ; elle se résume à l’adage très ancien selon lequel « nul ne peut servir deux maîtres à la fois » – surtout, pourrait-on ajouter, lorsque l’un de ces maîtres est l’intérêt général et l’autre, sinon l’argent, du moins l’intérêt particulier. Les pays anglo-saxons, on le sait, prêtent une attention toute particulière à cette question. Cela s’explique peut-être en partie par les liens entre éthique protestante et esprit du capitalisme : du fait de son importance dans ces sociétés, le fait économique est appréhendé ab initio, avant même que ne soient posées les problématiques de gouvernement de la vie publique. Profondément liée à la théorie des apparences, la notion de conflit d’intérêts peut heurter notre conception légaliste de la norme, qui implique une ligne de partage stricte et imperméable entre le domaine pénal – dans lequel la norme a vocation à prohiber les actions effectivement nuisibles à la société – et le domaine déontologique. La question des conflits d’intérêts, qui se situe dans cette zone grise, est pourtant ancienne, même dans notre pays de droit latin : l’ordonnance royale de Charles VI qui, en 1388, interdisait aux gouverneurs des provinces de passer contrat avec leurs administrés en porte témoignage, de même que la description des agissements des frères Rougon dans La Curée de Zola.
Toutefois, la complexité des sociétés contemporaines conduit à une multiplication des situations exposant aux conflits d’intérêts, notion dont chacun s’accorde par ailleurs à reconnaître la complexité, si bien qu’il est difficile d’en donner une définition satisfaisante. En la matière, le système français est actuellement caractérisé par un régime de faveur prohibée, avec l’incrimination de prise illégale d’intérêts, et de faveur ignorée, cette dernière expression désignant l’ensemble des comportements, positifs comme négatifs, situé dans les marges du droit pénal. Dans une société démocratique avancée, c’est cette marge de non-droit qu’il faut faire régresser, afin que certaines situations soient organisées par le droit au lieu d’être ignorées.
À l’article 2 du projet de loi ordinaire, le Gouvernement a fait le choix d’une définition simple et fonctionnelle, qui fut celle de la commission Jospin, même si nos débats permettront d’améliorer le dispositif envisagé. Trois stratégies de traitement préventif de ces conflits peuvent être identifiées, car une prévention adéquate est toujours préférable, on le sait, à une répression par définition tardive. La première de ces stratégies consiste à imposer la révélation de la situation de conflit d’intérêts aux personnes concernées, sur le modèle des déclarations d’intérêts : c’est l’objet des articles 3, 4, 9, 10 et 11. La deuxième est de recommander, voire d’imposer, une attitude prédéterminée à la personne qui se trouve en situation de conflit d’intérêts, comme y tendent les articles 2 et 7. La troisième, enfin, est d’empêcher que survienne une telle situation, par l’interdiction de réaliser certains actes, comme c’est le cas pour les libéralités concédées aux médecins par leurs malades : c’est le sens des dispositions pénales et des incompatibilités nouvelles que nous vous proposons.
Afin d’organiser la révélation de la situation de conflit d’intérêts, le Gouvernement propose que des déclarations publiques d’intérêts soient rendues obligatoires pour les personnes visées. Le projet de loi organique tend en outre à refondre les différentes obligations déclaratives incombant aux parlementaires. La déclaration de situation patrimoniale verrait son contrôle renforcé et sa publicité serait désormais assurée. Appelées à fusionner, la déclaration d’intérêts et la déclaration d’activités professionnelles ou d’intérêt général seraient également rendues publiques.
Les règles relatives au contenu de la déclaration de situation patrimoniale connaîtraient plusieurs modifications par rapport au droit actuel. En premier lieu, la déclaration serait effectuée « dans le mois » suivant l’entrée en fonction de chaque parlementaire, au lieu de deux mois depuis 1995 – et quinze jours de 1988 à 1995. Deuxièmement, elle serait personnellement adressée au président de la Haute autorité, et non plus simplement déposée auprès de l’actuelle Commission pour la transparence financière de la vie politique. Enfin, elle devrait être « exhaustive » – exigence qui n’est aujourd’hui qu’implicite.
Au-delà des obligations de déclaration d’intérêts rendues publiques par la Haute autorité, ce texte organise pour la première fois un système de déport imposant aux membres du Gouvernement, aux titulaires de fonctions exécutives locales et aux membres des autorités administratives indépendantes se trouvant dans une situation de conflit d’intérêts de s’abstenir de prendre part à l’affaire ou à la décision en cause. Serait ainsi généralisée une obligation déjà mise en œuvre dans nombre d’autorités indépendantes, et dont la portée et la nouveauté méritent d’être soulignées ; en somme, elle donne une traduction moderne au vieil adage selon lequel on ne peut être juge et partie. Les membres de la nouvelle Haute autorité, qualifiée d’autorité administrative indépendante par l’article 12 du projet de loi ordinaire, seront, le cas échéant, également concernés par cette obligation d’abstention.
Le même projet de loi institue également un mécanisme nouveau de mandat de gestion, sans droit de regard de la part des intéressés pendant toute la durée de leurs fonctions, pour les intérêts financiers détenus par les membres du Gouvernement et les membres des autorités administratives indépendantes intervenant dans le domaine économique. Quel meilleur instrument pour prévenir les délits d’initié que ces mandats de gestion ? L’objectif est d’éviter la suspicion que peut faire naître la détention d’instruments financiers par des personnes exerçant des compétences dans les secteurs économique et financier ou, plus simplement, en position de bénéficier d’informations privilégiées dans ces domaines ; c’était d’ailleurs l’une des recommandations des rapports Sauvé et Jospin.
Le projet de loi contient également une avancée essentielle pour la protection des lanceurs d’alerte, dont on a pu mesurer l’utilité, notamment, à l’occasion de scandales sanitaires. La notion de « lanceur d’alerte » est au demeurant relativement récente en France. Aussi l’article 17 organise-t-il l’interdiction ou la nullité de mesures de sanction prises à l’encontre d’agents ou de personnes qui, ayant connaissance de faits constitutifs d’une situation de conflit d’intérêts, les porteraient de bonne foi à la connaissance de leur employeur ou des autorités judiciaires ou administratives. Cette protection ne serait cependant accordée, je le répète, qu’aux personnes de bonne foi : une déclaration de mauvaise foi exposerait aux sanctions prévues en matière de dénonciation calomnieuse.
Afin d’assurer le contrôle de ces différentes obligations, le Gouvernement vous propose aussi de créer une Haute autorité de la transparence de la vie publique, qui, disposant de pouvoirs effectifs, remplacerait l’actuelle Commission pour la transparence financière de la vie politique. Les principaux responsables politiques et administratifs de notre pays devront transmettre à cet organisme une déclaration de patrimoine en début et en fin de mandat, ainsi qu’une déclaration d’intérêts. Les sanctions pénales en cas de non-respect de ces obligations seront renforcées.
À l’origine, la Commission pour la transparence financière de la vie politique ne comprenait que trois membres de droit : le vice-président du Conseil d’État, le Premier président de la Cour de cassation et le Premier président de la Cour des comptes. La loi du 4 janvier 1996 a élargi cette composition à six membres titulaires et six membres suppléants, désignés pour une période de quatre années et renouvelables une fois. Organe de régulation plutôt que commission administrative, la Haute autorité comportera un président ainsi que six membres et six suppléants élus ; le président sera nommé par décret après avis des commissions parlementaires chargées des lois constitutionnelles, selon les conditions fixées par le dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution. Les six membres titulaires et les six membres suppléants continueront d’être élus au sein des hautes juridictions.
Afin de garantir l’impartialité de la Haute autorité, quatre règles déontologiques seront applicables à ses membres : leur mandat sera incompatible avec tout mandat ou fonction dont les titulaires sont assujettis aux obligations déclaratives prévues par le projet de loi – en d’autres termes avec les fonctions de membre du Gouvernement, avec le mandat de représentant français au Parlement européen, avec des fonctions exécutives ou des fonctions de délégataire de signature de titulaires de fonctions exécutives des collectivités territoriales les plus importantes, avec les fonctions de membre de cabinet ministériel ou de collaborateur du président de la République.
Les membres de la Haute autorité ne pourront participer à ses délibérations ou vérifications lorsque celles-ci visent des « organismes ou personnes à l’égard desquels ils détiendraient ou auraient détenu, au cours des trois années précédentes, un intérêt direct ou indirect » ; son président et ses membres, concernés par l’article 10 du projet de loi ordinaire, seront à ce titre soumis à l’obligation de déclaration de situation patrimoniale et de déclaration d’intérêts, laquelle devra être examinée et publiée. Enfin, les membres de la Haute autorité seront tenus au respect du secret professionnel, secret protégé pénalement.
La Haute autorité aura un rôle élargi par rapport aux missions de l’actuelle Commission pour la transparence financière de la vie politique : elle sera dépositaire des déclarations de situation patrimoniale et contrôleur de ces déclarations, aura un rôle de conseil confidentiel – en particulier sur des questions de déontologie –, de recommandation et de définition de lignes directrices publiques en matière de déontologie et « pour l’application de la loi », et devra présenter un rapport public annuel ; elle donnera enfin son avis, non pas à titre consultatif mais obligatoire, sur la compatibilité d’une activité lucrative privée avec des fonctions gouvernementales ou exécutives locales.
On le voit, le projet du Gouvernement témoigne d’une réelle ambition pour cette Haute autorité, qui pourra être saisie par le Premier ministre, par le président de l’une des assemblées parlementaires ou par une association de lutte contre la corruption habilitée à se porter partie civile dans les affaires de manquement au devoir de probité. Elle pourra également se saisir d’office.
La Haute autorité contrôlera le respect de ces obligations et pourra demander des éléments complémentaires aux intéressés. L’article 14 organise ses prérogatives lorsqu’elle constate un manquement à une obligation légale : elle disposera des services fiscaux et se verra attribuer un pouvoir d’injonction – nous aurons à discuter des améliorations proposées sur ce point par votre rapporteur.
En outre, l’usage républicain de la vérification des situations fiscales des ministres sera désormais encadré par l’article 8 du projet de loi. Je veux insister sur les compétences nouvelles que nous vous proposons à ce sujet ; le Gouvernement restera néanmoins attentif à vos éventuels amendements. En tout état de cause, la Haute autorité pourra demander la transmission des déclarations fiscales souscrites par le conjoint séparé de biens, par le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou par le concubin de la personne concernée. À défaut d’avoir obtenu directement communication de ces déclarations, elle pourra en demander copie à l’administration fiscale, comme elle pourra demander à celle-ci d’exercer son droit de communication, conformément aux dispositions de l’article L. 81 du livre des procédures fiscales. Les agents de l’administration fiscale seront déliés du secret professionnel à l’égard des membres de la Haute autorité. Une sanction pénale d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende pourra être prononcée en cas de refus de communication des déclarations fiscales.
La construction d’une « culture déontologique », pour reprendre les termes du rapport Sauvé, est une tâche ardue, qui suppose des évolutions normatives que le projet de loi tend précisément à introduire. Toutefois, comme l’affirmait un rapport d’information sénatorial relatif aux conflits d’intérêts, « contre ceux qui n’ont pas de principes, il faut avoir des règles » : c’est le sens des mesures d’amélioration du dispositif répressif.
Le projet de loi tend ainsi à mettre en œuvre l’engagement n° 49 de François Hollande afin que l’ensemble des élus du suffrage universel, les membres du Gouvernement et leurs directeurs de cabinet ainsi que les titulaires des emplois nommés en Conseil des ministres puissent être condamnés à une peine complémentaire d’inéligibilité pouvant atteindre dix ans, voire être définitive, en répression des infractions portant atteinte à la moralité publique telles que la corruption, le trafic d’influence, la fraude électorale ou la fraude fiscale. Je crois que nos compatriotes sont très attachés à ce que nous puissions avancer sur ce point, dans le respect des normes constitutionnelles que notre proposition nous semble offrir.
Nous souhaitons également renforcer la répression du pantouflage. L’interdiction faite par le code pénal aux fonctionnaires de rejoindre, lorsqu’ils ont quitté leurs fonctions, une entreprise avec laquelle ils ont été en relation du fait de ces fonctions sera étendue aux membres du Gouvernement et aux titulaires de fonctions exécutives locales. Les peines encourues en cas de manquement à cette interdiction seront aggravées. De nouvelles infractions pénales sont ainsi prévues à l’article 18 du projet de loi. La première, spécifique aux membres du Gouvernement, serait la plus sévèrement réprimée ; d’autre part, aux termes de l’article 10, serait passible de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de ne pas déposer une déclaration de situation patrimoniale ou une déclaration d’intérêts, d’omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ou de ses intérêts, de fournir une évaluation mensongère de son patrimoine ou de ne pas déférer aux injonctions de la Haute autorité. Enfin, le fait de publier ou de divulguer, hors des cas prévus par la loi, « de quelque manière que ce soit, tout ou partie des déclarations ou des observations » effectuées en application de la future loi et de la future loi organique, serait punissable.
Dans le même objectif de transparence et de prévention des conflits d’intérêts, le Gouvernement propose de renforcer certaines dispositions relatives aux incompatibilités parlementaires en interdisant, par exemple, le cumul du mandat de parlementaire avec des fonctions au sein d’entreprises qui, pour une part importante de leur activité commerciale, dépendent de l’administration. Peut-on en effet, sans conflit d’intérêts ne serait-ce que potentiel, être marchand d’armes en activité et parlementaire ? J’ai bien noté que de nombreux amendements portaient sur l’article 2 du projet de loi organique, qui renforce les règles d’incompatibilités professionnelles applicables aux parlementaires en prohibant l’exercice de toute fonction de conseil. L’article L.O. 146-1 du code électoral interdit à tout parlementaire de commencer à exercer, après le début de son mandat, une fonction de conseil qu’il n’exerçait pas avant son élection. Introduite par la loi organique du 19 janvier 1995 relative à la déclaration de patrimoine et aux incompatibilités, cette mesure est issue des propositions du groupe de travail sur la clarification des rapports entre la politique et l’argent, présidé par Philippe Séguin, propositions destinées à encadrer plus strictement l’exercice d’activités susceptibles de créer entre les élus et le monde des affaires des liens discutables. La rédaction en vigueur précise cependant que cette interdiction ne s’applique pas aux membres des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, tels que les avocats, les experts-comptables ou les commissaires aux comptes. Ce point a pu susciter quelques interrogations ; mais nos échanges permettront, je l’espère, de définir un dispositif amélioré, protecteur et satisfaisant.
Afin d’assurer une égalité de traitement entre les parcours professionnels privés et publics, les fonctionnaires élus au Parlement seront désormais placés en position de disponibilité, et non plus de détachement, pendant la durée de leur mandat ; quant aux ministres, ils ne bénéficieront plus que d’un mois d’indemnité de fin de fonction.
Ces deux projets de loi s’attachent à fixer un cadre commun de la déontologie de la vie publique, sans régir dans le détail le comportement des responsables publics. Dans cette phase de l’examen parlementaire, le Gouvernement est animé par un esprit de concertation et de collaboration avec votre Commission, esprit grâce auquel, j’en suis sûr, nous lèverons les interrogations que la rédaction actuelle du projet de loi organique a pu susciter. Je suis tout à fait confiant sur le fait que nous aboutirons à des dispositions équilibrées et raisonnables ; René Dosière comme Jean-Jacques Urvoas ont déjà accompli un remarquable travail à cet égard.
Mesdames et messieurs les députés, il nous appartient, comme d’autres l’ont fait lors des principales affaires qui éclaboussèrent les trois dernières Républiques, de proposer des solutions progressistes dont nous pourrons être fiers : en ces domaines qui sont au cœur du pacte républicain, l’inaction n’est pas une option. J’ai bien conscience que cela suppose également une évolution des comportements, car seule une culture déontologique, en prévenant efficacement ces conflits, peut éviter que « les vertus se perdent dans l’intérêt comme les fleuves se perdent dans la mer », selon la formule de La Rochefoucauld.
M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Le sens de ces deux projets peut tenir en une proposition : ceux qui ont pour mission de représenter les citoyens ou de les servir dans des fonctions d’autorité doivent être exemplaires. Concrètement, cela revient à dire que nous avons voulu permettre de détecter les enrichissements illicites, d’entraver les dissimulations possibles et d’empêcher les conflits d’intérêts.
Ces questions sont aussi anciennes que la démocratie parlementaire et l’histoire en est navrante, la législation ne progressant que sous l’effet de scandales. Les premiers textes posant l’incompatibilité entre un mandat parlementaire et des fonctions dans des sociétés financières ont été votés, sous la IIIe République, à la suite de l’affaire des décorations qui avait éclaboussé Jules Grévy, puis du scandale de la Gazette du franc de Marthe Hanau en 1928. La Ve République a malheureusement connu elle aussi des scandales, comme celui de la Garantie foncière dans les années 1970, affligeante affaire d’escroquerie qui donna lieu à un renforcement des incompatibilités. Pierre Mazeaud, rapporteur du texte, déplorait alors que le mandat soit devenu un moyen d’accéder à certaines fonctions et la clé destinée à ouvrir les voies de la fortune.
Autres temps, autres mœurs, mais on n’a guère progressé pour ce qui est des rapports entre l’argent et la politique. En 2011, à la suite des difficultés que connaissait un des ministres de son gouvernement, François Fillon a déposé un texte sur le sujet après avoir confié une mission au vice-président du Conseil d’État. Cette année, après un mensonge retentissant, le Gouvernement vous a demandé d’accélérer la préparation d’un projet de loi prévu pour l’automne. On peut ainsi dire, pour paraphraser Camus, que, puisque les hommes n’ont pas de principes, il faut qu’ils aient des règles.
Le mal n’étant pas neuf, le Parlement sait comment le combattre : il n’y a pour cela que trois voies et, puisque le Gouvernement a choisi de les emprunter toutes, je poserai une question sur chacune, étant entendu qu’à mes yeux, la pertinence du dispositif doit être analysée davantage au regard de son efficacité présumée qu’à l’aune de possibles attentes de l’opinion. En effet, même si la transparence est aujourd’hui synonyme de toutes les vertus alors que, naguère, dire de quelqu’un qu’il était « transparent » revenait à le définir comme un être inconsistant et sans aucune personnalité, la question doit être abordée avec le recul qui sied à la majesté du législateur.
La première des trois voies que l’on peut emprunter est celle de l’incompatibilité. Elle consiste à contraindre le parlementaire à choisir entre son mandat et un intérêt particulier. Vous proposez de modifier à nouveau une réglementation qui n’a cessé d’être renforcée depuis 1958, la dernière fois en avril 2000, et envisagez d’interdire à des députés d’avoir une fonction de conseil, notamment « exercée de façon permanente en qualité de conseil auprès d’entreprises [nationales] ou d’établissements [publics nationaux] ». Cette ambition est certes compréhensible, voire louable, mais qu’entendez-vous par « conseil » ?
Le deuxième chemin pour inciter à la vertu est la transparence : tirant les leçons de la commission instituée en 1988, vous proposez la création d’une Haute autorité dont la composition n’est guère originale – on y retrouve des magistrats du Conseil d’État, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes. Cette structure doit-elle selon vous exercer ses fonctions à temps plein ? Sa composition n’est-elle pas trop monochrome ?
Le troisième chemin est celui de la neutralisation temporaire par le mécanisme du déport. Cette intéressante logique d’abstention volontaire, qui n’a encore que peu de place dans notre droit, est appliquée dans d’autres pays, comme l’Australie. Or, tandis que, dans ce dernier pays, le Premier ministre est tenu de démissionner en cas de manquement avéré à ses obligations, le déport que vous prévoyez ne s’accompagne pas de sanction explicite. Quelle efficacité peut-on dès lors en attendre ?
M. Guy Geoffroy. Monsieur le ministre délégué, je vous remercie de votre propos introductif, qui illustre bien la volonté du Gouvernement et donne également une bonne idée du spectre que vous avez voulu couvrir par ces deux projets.
Les questions du rapporteur, même si nous pouvons les faire nôtres, ne font pas apparaître le fossé important, qui est apparu clairement ces derniers jours et ce matin encore, entre la traduction que le Gouvernement a donnée de sa volonté de transparence et les souhaits de sa majorité. Il faudra bien pourtant évoquer la manière dont vous avez traité ce profond différend, sans faire comme s’il s’agissait d’une question évanescente ou qui ne se serait jamais posée. De fait, s’il ne s’agit pas pour nous de nous régaler par avance de ce qui peut vous diviser, ce différend, résolu ou non, démontre que le dispositif que vous proposez est un faux-semblant supplémentaire destiné à cacher la réalité de l’affaire Cahuzac.
À vous en croire, vous ne feriez qu’accélérer l’examen d’un texte prévu pour l’automne afin de ne pas laisser penser aux Français que vous n’écouteriez pas leurs légitimes aspirations, en foi de quoi vous vous livrez à un chassé-croisé en affirmant que ce projet n’a rien de conjoncturel. Nous sommes convaincus du contraire, et cela pour deux raisons. Fallait-il, tout d’abord, déclarer l’urgence pour ce texte, alors que l’affaire Cahuzac suit son cours et qu’une commission d’enquête travaille sur ce sujet au sein de notre assemblée ? Ensuite, ce texte n’est-il pas une manière de vous venger de ce que vous n’avez pu éviter ? Ainsi, n’ayant pas obtenu de votre ancien collègue qu’il renonce aux six mois d’indemnités qui lui étaient dus au terme de ses fonctions, vous punissez tous ses successeurs – dont vous faites d’ailleurs partie – en limitant à un mois le versement de ces indemnités. N’est-ce pas un nouvel indicateur, s’il en était besoin, du caractère purement conjoncturel de votre texte ? Vous prétendez ne pas légiférer sous le coup de la légitime émotion de nos concitoyens, mais c’est tout le contraire que nous constatons. Il serait plus simple de dire aux Français que ces deux lois relatives à la transparence de la vie publique ne sont autre chose que des « lois Cahuzac ».
L’objectif de ces lois était qu’une telle affaire ne se reproduise jamais. Or, si elles avaient été en vigueur début décembre, lorsque nous avons découvert cette affaire, et même bien avant, lorsque l’intéressé commençait, il y a une vingtaine d’années, à accumuler des sommes qu’il soustrayait au fisc et plaçait sur un compte hébergé dans un établissement étranger, auraient-elles empêché quoi que ce soit ? Il est clair que non. Transformer la Commission pour la transparence financière de la vie politique en Haute autorité n’aurait pas empêché M. Cahuzac, qui n’était alors aucunement élu, de faire ce qu’il a fait – pas plus, du reste, que le durcissement des sanctions. Les dispositions que vous prenez ne répondent à aucune des questions que l’on peut se poser.
Vous avez décidé de noyer l’affaire Cahuzac et la question de la responsabilité politique de ce ministre, de votre gouvernement et de votre majorité dans une loi qui pénalise la représentation nationale en indiquant au peuple français que les élus sont a priori suspects. J’en veux pour preuve l’article 1er de la loi ordinaire : « Les personnes titulaires de fonctions gouvernementales ou investies d’un mandat électif local, ainsi que celles chargées d’une mission de service public, exercent leurs fonctions avec dignité, probité et impartialité. » Pourquoi donc éprouvez-vous le besoin de le préciser comme si ce n’était pas déjà le cas chez les élus de la République ? Croyez bien que, dans ma circonscription, mes collègues élus municipaux ne sont pas très heureux d’apprendre que ce n’est que maintenant que l’on exigerait d’eux ces trois qualités.
J’en viens à quelques questions. Tout d’abord, pourquoi ce choix, contesté vigoureusement par votre majorité, de publier les déclarations de patrimoine au mépris d’une certaine confidentialité et du respect des proches des personnes visées, en particulier de leurs conjoints ? Pourquoi avoir ensuite accepté de reculer – au point qu’un amendement, exceptionnel quant à sa conception et à sa rédaction, vous fera revenir sur votre objectif de transparence ? Soit vous voulez la transparence, soit vous ne voulez pas ! Dire que les déclarations seront consultables en préfecture par un citoyen qui aura ensuite interdiction de les publier, sous peine de s’exposer à la batterie des dispositions pénales que vous instaurez, c’est se moquer ouvertement du monde. Vous aurez beau affirmer, dans votre volonté de régler les différends internes à la gauche, que cette mesure ne pose aucun problème, nul ne peut imaginer qu’il n’y aura pas de fuites, pas de tracts anonymes qui nous viseront tous, pas de diffusion d’informations sur des sites Internet qui pourront être hébergés n’importe où sur la planète.
La nature humaine étant ce qu’elle est, comme vous venez de le rappeler à grand renfort de citations, l’élu sera voué à la vindicte populaire, pour des raisons qui pourraient fort bien être tout à fait étrangères à ses fonctions : pourquoi n’allez-vous pas jusqu’au bout de votre réforme en lui permettant de connaître le nom des personnes qui auront demandé à consulter ses déclarations d’intérêts et de patrimoine ? Au moins jouerait-il alors à armes égales avec ceux qui seraient si désireux de connaître ce que le Gouvernement voulait révéler à la terre entière et que la majorité ne veut faire connaître qu’à un petit nombre.
En deuxième lieu, le texte initial dispose que le rapport annuel de la Haute autorité ne pourra en aucun cas comporter d’informations nominatives. Or, la solution consistait précisément à ce que la Haute autorité procède comme la Cour des comptes, qui fournit dans son rapport annuel des informations nominatives sur les collectivités ou sur les acteurs publics qui, selon elle, n’ont pas bien assumé leurs responsabilités et devraient faire mieux ou différemment. Voulons-nous que les Français se repaissent de savoir que le conjoint de tel ou tel dispose d’une fortune personnelle, ce conjoint devenant alors un boulet pour l’élu ? Personne ne demande cela : ce que nous voulons tous, c’est que soit lavée la suspicion, c’est qu’on ne puisse plus penser qu’un acteur de la République est, du fait de son élection, susceptible de profiter de son ou ses mandats pour s’enrichir.
Pour atteindre cet objectif, il conviendrait qu’après avoir tout fait pour obtenir des intéressés les éléments justifiant l’enrichissement dont ils se seraient éventuellement rendus coupables, la Haute autorité, dont vous accroîtriez à cet effet les pouvoirs, signale – cette fois à la terre entière – que ces acteurs publics n’ont pas fourni les informations permettant de lever et de laver le soupçon. C’est ce qu’attendent les Français, et que vous ne faites pas.
Observateurs à la fois amusés et sidérés de cette pantomime à laquelle se livrent le Gouvernement et sa majorité, nous espérons que, dans les heures, les jours et les semaines qui viennent, l’avenir de ce texte nous permettra de conclure tous ensemble que, s’il faut lutter pour la transparence, il ne faut probablement pas le faire en accélérant l’adoption du dispositif élaboré sous le coup de l’émotion qu’a suscitée l’affaire Cahuzac.
M. René Dosière. Je suis un peu surpris par l’analyse réductrice, polémique et partisane de M. Geoffroy. Le sujet mérite mieux que la caricature qu’il vient de donner. Et si sa conclusion laisse entendre qu’après examen, il atténuera peut-être son jugement, je n’y crois guère.
L’enjeu est pourtant important. Sans doute les circonstances ont-elles conduit à accélérer l’examen de ce texte, mais je puis témoigner qu’il était prévu et que, bien avant ces événements, le ministre m’avait consulté sur ce que pourrait en être le contenu. Au demeurant, c’est presque toujours après des faits plus ou moins scandaleux que la législation visant à moraliser la vie politique a été améliorée – et la ve République n’a pas fait exception.
Depuis 1988, l’hypocrisie est totale : alors que les premiers textes, certes corrigés en 1995, visaient à éviter l’enrichissement illicite de la part des élus et des fonctionnaires, la commission chargée de s’en assurer ne dispose d’aucun renseignement sur les revenus des élus. Il a fallu attendre la loi de 2011 pour qu’elle puisse, dans les cas les plus douteux – une quinzaine en vingt-cinq ans ! – demander la déclaration de revenus et celle relative à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Quelles que soient la qualité et la capacité de travail de ses membres, on ne voit pas comment elle aurait pu s’acquitter convenablement de sa tâche. Cela est si vrai que, depuis une dizaine d’années, elle demande le renforcement de ses moyens, qui ne lui a jamais été accordé.
Nous sortons aujourd’hui de cette hypocrisie et créons les conditions permettant un contrôle effectif des évolutions de patrimoine : les déclarations de revenus et, le cas échéant, d’ISF seront jointes à la déclaration de patrimoine, et la Haute autorité aura les moyens, en cas de doute, de faire procéder à des vérifications en faisant appel aux services fiscaux. Dans les cas les plus difficiles, elle pourra indiquer publiquement, dans le Journal officiel, que tel élu ou tel responsable n’a pas été en mesure de justifier l’évolution de son patrimoine.
Le deuxième élément important à mettre à l’actif de ces projets a trait aux déclarations d’intérêts. La commission Sauvé a été créée lorsqu’on s’est avisé que le fait qu’un ministre du Budget soit en même temps trésorier d’un parti politique pouvait créer des « interférences », ce qui posait le problème général des conflits d’intérêts. Qu’avez-vous fait du remarquable rapport Sauvé ? Vous l’avez mis au placard – le Gouvernement a bien élaboré un texte de loi, mais en se gardant de le présenter à l’Assemblée ! Les présents projets tirent aujourd’hui les conséquences de ce rapport, ainsi que celles du rapport Jospin, venu le compléter dans l’intervalle, en en reprenant certaines propositions.
Nous compléterons ainsi des lois qui, si elles ont été prises surtout à l’initiative de la gauche – je dis « surtout » car Philippe Séguin, par exemple, a pesé de toute son autorité pour tenter de faire progresser la législation en 1995 –, l’ont souvent été dans un certain consensus entre les forces politiques, justifié dans la mesure où ces sujets concernant l’ensemble de la vie politique ne peuvent être traités de façon superficielle. On peut certes regretter que la procédure quelque peu accélérée nous laisse pour étudier ces projets moins de temps que nous n’en avons eu pour les textes précédents, mais nous avons néanmoins la possibilité d’avancer sur ces questions.
Effet de la séparation des pouvoirs, les parlementaires ne sont pas traités de la même manière que les autres élus concernés par les conflits d’intérêts. Il conviendra donc que la présidence et le bureau de l’Assemblée nationale se saisissent du sujet pour proposer des initiatives susceptibles de faire progresser les règles en la matière.
D’autre part, conformément à l’article 13 de la Constitution, la nomination du président de la Haute autorité par l’exécutif ne pourrait être rejetée que par un vote défavorable des trois cinquièmes des deux commissions compétentes – hypothèse bien improbable dans notre système majoritaire. Accepteriez-vous, monsieur le ministre délégué, de « renverser » cette exigence en disposant que cette nomination doit être validée par un vote à la majorité des trois cinquièmes ?
M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président de séance, je vous prie de bien vouloir transmettre au président de notre Commission une observation statistique que je souhaite en outre voir figurer au compte rendu de notre réunion : on a tellement reproché à l’Assemblée précédente de légiférer rapidement qu’il ne me semble pas inutile de relever que de très nombreux textes ont déjà été examinés selon la procédure d’urgence depuis le début de la présente législature.
J’en reviens au texte que nous examinons. Lors de la présentation par M. Lionel Jospin de son rapport devant notre Commission, l’automne dernier, j’ai déclaré que j’étais par principe réfractaire à toute mesure ayant pour objet ou pour effet de restreindre la liberté d’expression et de travail des parlementaires, car la valeur la plus fondamentale qui nous rassemble ici est sans doute la liberté qui nous est offerte d’amender, d’écrire et de voter la loi comme nous le souhaitons, sans entrave d’aucune sorte. Nous devons y veiller.
D’autre part, je ne comprendrais pas que, dans quelque texte que ce soit, la protection de la vie privée ne soit pas parfaitement garantie par la loi, y compris lorsque cette vie privée est celle de parlementaires. Or, monsieur le ministre délégué, les dispositions que vous nous soumettez comportent des risques très importants de publicité non consentie de la vie privée, au détriment des personnes directement concernées, mais aussi de leur famille. Je n’en ai en effet trouvé aucune qui protège de l’indiscrétion le patrimoine de la famille, notamment lorsque les parlementaires sont mariés sous le régime de la communauté. J’entends bien ce qu’on nous dit : que ne sera rendue publique qu’une moitié du patrimoine déclaré. Le recto de la feuille seulement, peut-être ? On voit bien l’absurdité d’une telle proposition ! Mais, quoi qu’il en soit, le dispositif que vous prévoyez présente un danger : il concernera des personnes qui n’exercent aucun mandat – et ne sont d’ailleurs pas nécessairement ravies que leur conjoint en exerce un –, alors qu’il n’y a aucune raison que leur patrimoine soit publié, sous quelque forme que ce soit.
S’agissant, troisièmement, de la transparence, monsieur le rapporteur, les démocraties diffèrent en ceci des régimes autoritaires qu’elles acceptent la préservation d’une part de secret dans la vie de toutes les personnes, même publiques. Or tous les éléments relatifs à l’utilisation du patrimoine relèvent, à l’évidence, de cette part de secret. Je le rappelle : la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen garantit la protection de la propriété, laquelle n’a de sens que si elle permet aux individus ou aux familles d’exercer leur liberté. Rendre publique sans aucune retenue la manière dont tout un chacun dispose de son patrimoine constitue une forme de transparence haïssable. C’est en réalité un moyen utilisé par l’État pour entrer par effraction dans la vie privée des individus et des familles. C’est inacceptable. Notre Commission devrait être particulièrement vigilante sur ce point.
Quatrièmement, une loi doit viser plusieurs effets : elle se doit d’être pédagogique, de contribuer à la cohésion sociale, de combattre certains comportements par les sanctions dont elle est assortie et, enfin, d’être efficace. De ces quatre objectifs, les textes que vous proposez n’atteignent que le premier : compte tenu du battage médiatique sur ce thème, tout le monde aura bien compris que ce n’est vraiment pas bien, lorsqu’on est parlementaire, de s’enrichir indûment ou de s’arroger arbitrairement des droits !
En revanche, ces textes manquent, monsieur le ministre délégué, les autres objectifs. En matière de cohésion sociale, quel en sera l’effet, si ce n’est – comme je l’ai dit dans une tribune il y a quelques semaines – de jeter les élus en pâture à l’opinion publique ? Nous avons bien vu ce qu’a donné la publication du patrimoine des membres du Gouvernement dans la presse. A-t-elle fait cesser la suspicion ? A-t-elle été prise au sérieux ? A-t-elle échappé aux commentaires moqueurs ? A-t-elle rendu la sincérité des membres du Gouvernement plus crédible ? Non, elle n’a eu aucun des effets escomptés. Cette expérience devrait au moins vous inciter à revenir sur certaines des modalités que vous prévoyez pour la publication du patrimoine des parlementaires. Sinon, il se passera exactement la même chose. M. Geoffroy l’a dit : nous avons tous à cœur de nous défaire de la suspicion dont nous faisons tous l’objet – même lorsque l’on s’attache comme vous, monsieur Dosière, à combattre toutes sortes de dérives. Or la publication des patrimoines n’est pas la bonne méthode pour y parvenir si l’on en juge par les retombées de la publication du patrimoine des membres du Gouvernement.
Quant au renforcement des peines que vous prévoyez, il dissuadera certes de transgresser les règles de la morale publique. Mais il eût été nettement préférable de sanctionner plus sévèrement les coupables sans pour autant compliquer de manière insupportable la vie de tous ceux – l’immense majorité d’entre nous – qui se comportent normalement. Vous avez l’un et l’autre, monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur, paraphrasé Camus : « Puisque les hommes n’ont pas de principes, il faut qu’ils aient des règles. » Il conviendrait plutôt de faire en sorte que ceux qui n’ont ni principes ni règles subissent de lourdes punitions, à des fins pédagogiques pour tous les autres. Quant à l’efficacité de la loi, elle ne me paraît nullement garantie, la publication du patrimoine des ministres n’ayant rien donné.
Je terminerai par trois remarques. D’abord, vous faites – singulièrement M. Dosière – une confusion entre deux mesures très différentes : renforcer le contrôle des déclarations de patrimoine des élus, d’une part ; rendre publiques ces déclarations, d’autre part. Je ne suis pas opposé à la première, à condition, comme je l’ai dit lorsque nous avons auditionné M. Jospin, que ce contrôle soit confié à une autorité au-dessus de tout soupçon, à l’abri de toute forme d’influence politique. Je le répète : il ne sert à rien d’avoir un Parlement si sa liberté d’expression et son travail sont entravés.
La loi n’a jamais empêché personne d’être malhonnête, mais soit ! Renforçons les moyens de contrôle, faisons cette concession à l’opinion publique – nous ferions pourtant mieux de lui expliquer plus précisément en quoi consiste la vie d’un responsable politique, en particulier d’un parlementaire. Cependant, je ne comprends par pourquoi vous persistez à associer contrôle et publication du patrimoine des élus : si la première mesure peut apparaître légitime et compréhensible, la seconde présente les risques que j’ai exposés.
Ensuite, confier à des associations une partie de l’action publique en matière de moralisation de la vie publique est non seulement peu conforme à nos traditions juridiques, mais ouvre la voie à des dérives. Il serait détestable que le militantisme politique prenne le pas sur la lutte contre la corruption. Il convient de l’éviter à tout prix. C’est d’ailleurs ce que vous avez dit, monsieur le ministre délégué.
Enfin, je me pose la question de l’opportunité de ces projets. Même si le rapporteur les a replacés avec raison dans une perspective historique plus longue, on ne m’empêchera pas de constater qu’ils tombent à point nommé ! J’apprécie peu le stratagème qui consiste, pour faire oublier la faute d’un seul, à la faire porter par tous. Cette forme d’exercice collectif de la responsabilité pénale n’est ni conforme à nos traditions juridiques, ni acceptable sur un plan moral : elle est injuste à l’égard de tous ceux qui exercent une responsabilité politique, notamment des parlementaires.
Pour toutes ces raisons, malgré l’ouverture toute relative faite par M. Geoffroy à la fin de son intervention, je ne voterai pas en faveur de ces textes.
M. Jacques Bompard. Les résultats en matière de moralisation de la vie publique ne sont pas satisfaisants en dépit des douze lois et des décrets qui ont déjà été adoptés sur le sujet. Nous souffrons d’une inflation législative, et un texte supplémentaire n’apportera rien. De plus, pour être respectée, une loi doit être compréhensible.
D’autre part, le désamour des Français à l’égard du monde politique ne tient pas tant aux turpitudes de quelques-uns qu’à la ferme conviction qu’ont nos concitoyens que les élus dans leur ensemble ne font pas leur travail. Ils leur reprochent de ne pas tenir leurs engagements, de ne pas mener le pays dans la bonne direction, de laisser l’économie aller à vau-l’eau, sans parler de la sécurité ; ils n’ont plus confiance en l’avenir. Tout cela nuit bien davantage à la manière dont ils nous perçoivent que quelques affaires somme toute assez marginales.
Je ne suis pas hostile à ce qu’un texte renforce les règles relatives au patrimoine des élus. Ceux-ci doivent bien sûr observer la loi, mais ils ne sont pas moins respectables que le citoyen lambda. D’ailleurs, si certains d’entre nous réussissent honnêtement, cela devrait être porté plutôt à leur crédit qu’à leur débit.
M. Philippe Houillon. Je salue votre talent, monsieur le ministre délégué : vous êtes parvenu à ne jamais citer le nom de Jérôme Cahuzac au cours de votre exposé et à nous expliquer que les textes que vous proposez n’ont qu’un rapport lointain avec l’affaire du même nom.
Ces textes sont une mauvaise manière faite aux élus. L’affaire Cahuzac a considérablement embarrassé la majorité, comme d’autres affaires ont pu le faire sous de précédents gouvernements, y compris de droite. N’ayant pas de réponse à apporter, vous utilisez la loi comme un tract. Or vous faites ainsi rejaillir la faute sur l’ensemble des élus et, compte tenu de la légitime médiatisation des textes que vous proposez, vous ancrez encore un peu plus dans l’esprit de nos concitoyens la conviction que les hommes politiques sont « tous pourris ». De plus, M. Geoffroy l’a très bien dit : ces textes n’auraient en rien empêché l’affaire Cahuzac s’ils avaient été en vigueur au moment des faits. Quant à la déclaration de principe selon laquelle les élus exercent leurs fonctions avec impartialité, elle est désormais sans conséquence, toute la promotion Voltaire étant maintenant casée !
Nous ne refusons pas d’aller plus loin dans la définition des règles qui s’imposent aux élus, mais nous regrettons que vous ayez pris la lourde responsabilité, pour faire face à un événement conjoncturel et donner un os à ronger à l’opinion, d’impliquer l’ensemble des élus et de laisser planer la suspicion sur eux.
Vous allez d’ailleurs aboutir à un résultat exactement inverse à celui recherché. En effet, vous allez vous arrêter au milieu du gué : alors que le Gouvernement a parlé de « transparence totale », la majorité va revenir sur la publication du patrimoine des élus. Que l’opinion publique va-t-elle en retenir ? Que les parlementaires s’opposent à la transparence ! Tel est en effet le message simple que vont véhiculer les médias. En définitive, vous n’aurez fait que jeter un peu plus l’opprobre sur les élus. Ce n’est ni conforme à l’intérêt général, ni dans l’intérêt de notre démocratie.
D’autre part, je m’interroge, à l’instar du rapporteur, sur un point plus particulier : à quoi renvoient les fonctions de conseil que vous prévoyez de rendre incompatibles avec le mandat de député ? Cette disposition vise non seulement la profession d’avocat – que nos collègues écologistes veulent interdire aux élus d’exercer –, mais aussi – vous l’avez dit, monsieur le ministre délégué – celles d’expert-comptable, d’huissier de justice, de notaire. À la limite, toutes les professions, dès lors que ceux qui les exercent formulent des conseils, sont concernées !
S’agissant des avocats investis d’un mandat de député, il leur est actuellement interdit, aux termes de l’article L.O. 149 du code électoral, de consulter ou de plaider pour le compte d’une entreprise publique ou d’une entreprise privée rémunérée, financée ou subventionnée par une personne publique, s’ils n’en étaient pas déjà le conseil avant leur élection. Le projet de loi organique prévoit de supprimer les mots « ou de consulter ». Est-ce à dire que l’on distinguerait la plaidoirie et la fonction de conseil ? Cela n’aurait guère de sens dans le cas des avocats. Il convient de clarifier les choses sur ce point.
Enfin, un amendement de M. Dosière vise même à interdire à un parlementaire de commencer à exercer une activité professionnelle qui n’était pas la sienne avant le début de son mandat. Un jeune député n’aurait donc pas le droit d’entreprendre quoi que ce soit ! Surtout, je nourris une inquiétude plus générale : l’effet conjugué de cette mesure, de la limitation du cumul des mandats – à laquelle on peut éventuellement être favorable – et de l’instauration d’une dose de proportionnelle nous conduira tout droit à une République de fonctionnaires ou d’apparatchiks ! Ce n’est, là encore, ni conforme à l’intérêt général, ni dans l’intérêt de notre démocratie. Je peux comprendre qu’il soit nécessaire pour le Gouvernement et la majorité, dont la cote de confiance n’est pas au plus haut, de réagir rapidement après le séisme qu’a constitué l’affaire Cahuzac, mais il eût été sage de réfléchir davantage et de penser aux conséquences à long terme.
Mme Axelle Lemaire. Un de nos collègues de l’opposition a prononcé le mot « punition ». Or il est question non pas de punition, mais de bonne gouvernance et d’exigence démocratique ! L’indulgence n’est certes pas de mise ici, mais il y a surtout urgence, tant la méfiance de l’opinion publique est grande à l’égard des responsables politiques. Or la restauration de la confiance publique n’est pas chose qui se décrète : ce doit être l’objet d’une reconquête patiente, pas après pas, et cette loi y contribue.
Je me réjouis que le Gouvernement assume la difficile responsabilité de moderniser le système de contrôle et de sanctions qui s’applique aux responsables politiques. Notre pays s’aligne ainsi – enfin ! – sur les exigences de toute démocratie moderne, fondements de la lutte contre la corruption et de la confiance des citoyens. Le classement des pays nordiques – Danemark, Finlande, Suède – parmi les États les plus vertueux en la matière ne relève pas du hasard : ils sont aussi ceux qui ont introduit les règles de transparence de la vie publique les plus strictes.
Je m’étonne de la légèreté avec laquelle l’opposition aborde ce débat, alors même que la France est, elle, très mal placée : elle occupe le vingt-deuxième rang mondial et le neuvième rang européen dans le classement des États établi par l’ONG Transparency international en fonction de l’indice de perception de la corruption. Cela nuit non seulement à l’action publique, mais également à l’attractivité économique de notre pays. Le coût de la corruption est estimé à 130 milliards d’euros à l’échelle de l’Union européenne, soit 1 % de son PIB.
Toujours selon Transparency international, la principale source de corruption est à rechercher dans les partis politiques. Or, aujourd’hui, aucune disposition n’interdit le cumul des fonctions de membre du Gouvernement et de dirigeant ou mandataire financier d’un parti ou d’un groupement politique susceptible de recevoir des dons ou des cotisations ouvrant droit à déduction fiscale. Cette lacune de notre droit est devenue patente en 2010, lorsque l’opinion a découvert que le ministre du Budget de l’époque était également le trésorier du parti politique majoritaire. C’est pourquoi Jean-Marc Ayrault avait déposé, le 1er septembre 2010, une proposition de loi constitutionnelle visant à compléter l’article 23 de la Constitution par une phrase disposant qu’une loi organique viendrait préciser les fonctions dont l’exercice serait incompatible avec celle de membre du Gouvernement. Ne pourrions-nous pas saisir l’occasion de ce débat et de la réforme constitutionnelle pour modifier ledit article 23 et interdire ce cumul des fonctions de ministre et de mandataire financier d’un parti ?
M. Pascal Popelin. Nos collègues de l’opposition ont donc décidé de baptiser ces textes les « lois Cahuzac » ! En ce qui me concerne, j’appartiens à une génération qui en a assez que les fautes des responsables publics, élus ou non, soient exploitées par leurs adversaires pour discréditer toute une famille politique. Assez que ces amalgames, d’où qu’ils viennent, produisent un effet désastreux, souvent sous-estimé par leurs auteurs. Assez que les élus soient assimilés par l’opinion à une pseudo-caste, au mieux coupée de la réalité et incompétente, au pire totalement indigne et gangrenée par la corruption. Or les rapports entre l’opinion et les responsables publics – quelle que soit leur appartenance politique – en sont presque là, et personne ne peut prétendre que Jérôme Cahuzac en est, à lui seul, responsable.
Bien sûr, les électeurs ne perçoivent pas de la même manière les responsables publics dans leur globalité et les élus qu’ils connaissent et voient agir dans leur environnement immédiat. Mais, à ce régime, je ne suis pas certain que cette distinction perdure encore bien longtemps. Pourtant, nous partageons tous, dans notre immense majorité, des principes. Quant aux règles qui régissent la morale publique, elles sont aujourd’hui caractérisées par la confidentialité, l’extrême faiblesse des moyens de contrôle, la très grande modestie des sanctions. L’opposition plaide, à peu de choses près, pour que nous en restions là. Pourtant, les textes qui nous sont proposés prévoient tout autre chose : un contrôle étroit et sérieux pratiqué par une Haute autorité qui disposera de véritables moyens d’investigation ; des sanctions renforcées qui deviennent, à juste titre, très sévères ; un droit de regard des citoyens, que je ne confonds d’ailleurs nullement avec le voyeurisme, ce qui m’amènera à soutenir les sages propositions d’amélioration du texte formulées par notre rapporteur.
Nous gagnerions à nous rassembler tous, chers collègues, autour de tels enjeux. Si ces textes ne suffiront pas à régler tous les problèmes de fonctionnement de notre démocratie, ils lèveront, j’en suis convaincu, une part de l’insupportable suspicion pesant sans discernement sur les élus, qui sacrifient beaucoup au service de la collectivité.
M. Guillaume Larrivé. Comme la plupart de nos collègues, je suis frappé par le sentiment de défiance de nos concitoyens à l’égard de ceux qui exercent des responsabilités publiques ou qui, comme nous, participent à la délibération et au vote des lois. Cette défiance s’accroît, comme en attestent les taux d’abstention élevés et le nombre de suffrages qui se portent sur les partis protestataires. Elle s’explique par deux séries de raisons : des manquements individuels très choquants dont l’affaire Cahuzac est le dernier exemple et, surtout, les faibles résultats des politiques publiques. Celles-ci sont globalement perçues comme inopérantes sur tous les sujets – chômage, déficits publics, baisse du pouvoir d’achat – qui affectent la vie quotidienne et les perspectives de nos compatriotes. Et ce, non seulement depuis un an, mais plus largement depuis une trentaine d’années.
Les textes qui nous sont proposés apportent-ils un début de réponse à ces deux séries de problèmes ? Je ne le crois pas. Au contraire, la préparation d’une « loi des suspects » ne fera que répandre un parfum de robespierrisme dans notre pays. C’est très regrettable. Le président de la République va entretenir le sentiment de défiance qu’il prétend combattre. En réalité, il est en train de jouer une partie de l’opinion contre les élus – y compris de sa propre majorité –, contre la démocratie représentative, contre l’État. C’est une faute contre la République et contre nos institutions.
Le président de la commission des Lois va s’efforcer, en sa qualité de rapporteur des deux textes, de minimiser leur impact désastreux. La majorité est, elle, embarrassée. Pour ma part, je voterai contre ces lois de régression : la « loi des suspects », la fausse vertu, cela finit généralement très mal ! La Terreur a été suivie par un épisode guère plus glorieux : Thermidor. Nous ferions mieux de nous concentrer sur les questions de fond, conformément aux attentes de nos concitoyens. Cette dérive populiste au sommet de l’État est déplorable et, pour tout dire, assez inattendue de la part de ceux qui nous ont donné des leçons pendant tant d’années.
M. Gérald Darmanin. Il est assez difficile de définir les conflits d’intérêts, mais M. le ministre ne nous en a-t-il pas fourni un cas lorsque, d’un air d’ailleurs assez amusé, il nous a indiqué qu’aux termes de l’article 12 du projet de loi ordinaire, les parlementaires valideront eux-mêmes la nomination de la personne qui devra les contrôler ?
Madame Lemaire, avant de considérer M. Ayrault et le groupe socialiste comme des parangons de vertu après la « confusion des genres » de l’affaire Woerth, vous devriez bien vérifier sur le site de l’Assemblée si M. Cahuzac n’était pas signataire de leur proposition de loi. Il ne faut manifestement pas prendre pour argent comptant ce qu’ont dit ou cosigné les membres de votre groupe lorsqu’ils étaient dans l’opposition !
D’autre part, ce n’est pas nous mais le président de la République qui, en grande pompe, a associé ces projets à l’affaire Cahuzac. Dès lors, il aurait été sans doute préférable d’attendre que la commission d’enquête, qui siège en ce moment même, ait achevé ses travaux pour en tirer les conséquences.
J’en vois deux possibles. On pourrait tout d’abord rendre contraignant l’article 40 du code de procédure pénale, puisque nous avons constaté qu’il n’a pas obligé M. Gonelle ou d’autres à saisir le procureur de la République : cela aurait peut-être suffi à accroître la moralisation de notre vie politique en évitant tout un tintouin. On pourrait ensuite faire en sorte que le ministre du Budget ne vérifie plus la situation fiscale de l’ensemble des membres du Gouvernement… dont la sienne. Vous auriez en tout cas dû proposer des dispositions beaucoup plus concrètes et efficaces au lieu de nous contraindre à examiner longuement un texte qui ne réglera aucun problème.
Enfin, madame Lemaire, c’est vous qui établissez un lien entre l’affaire Cahuzac et la corruption. Jusqu’à présent, nul n’a prouvé que M. Cahuzac était corrompu : il est seulement soupçonné de fraude fiscale.
M. Dominique Raimbourg, président. M. Lionel Tardy sera le dernier orateur. Si d’autres collègues souhaitent s’exprimer, ils pourront le faire dans le cadre de la discussion des amendements, ce qui évitera une discussion générale interminable.
M. Lionel Tardy. En commission des Affaires économiques, les représentants des groupes disposent de cinq minutes et les autres orateurs de deux minutes seulement. Les mêmes dispositions nous auraient fait gagner du temps...
M. Dominique Raimbourg, président. Nous aurons cette discussion à une autre occasion. Nous avons jusqu’ici considéré, à la satisfaction de tous, que la parole devait être libre au sein de notre Commission.
M. le ministre délégué. Je remercie l’ensemble des orateurs qui, chacun avec leur tempérament, ont exprimé leurs convictions.
M. le rapporteur a soulevé des questions très pertinentes : comment définir les activités de conseil et quelles conséquences en tirer quant aux interdictions professionnelles ? Les juridictions ordinales chargées du contrôle des conflits d’intérêts n’ont à ma connaissance jamais assuré une prévention efficace de ceux-ci. Nous savons tous, par exemple, que la situation d’un ancien président de groupe politique devenu avocat a été évoquée par la formation permanente du conseil de l’Ordre du barreau de Paris sans qu’aucune recommandation particulière ait été formulée.
En droit positif, M. Houillon l’a rappelé, les activités des avocats parlementaires ne sont limitées que par les dispositions de l’article L.O. 149 leur interdisant de plaider dans un certain nombre d’affaires dont vous connaissez le détail. Le rapport des sénateurs Jean-Jacques Hyest et Alain Anziani de 2011, comme le rapport Jospin de 2012, ont souligné l’inadaptation de ce régime d’encadrement des activités de conseil. La loi, en effet, ne définit nullement celles-ci et deux décisions seulement du Conseil constitutionnel évoquent la question. Cette absence de définition pouvant susciter des interrogations sans fin, de même d’ailleurs – et cela vaut mutatis mutandis pour d’autres secteurs comme la médecine – que la distinction entre l’activité de conseil et la plaidoirie, le projet de loi rend en pratique incompatible la profession d’avocat avec l’exercice d’un mandat parlementaire. Cependant, d’accord en cela avec le rapporteur, le Gouvernement ne souhaite pas stigmatiser telle ou telle profession. Il reprendra donc à son compte certains amendements interdisant aux parlementaires de commencer ou de maintenir une activité de conseil. Nous mesurons tous en effet les inconvénients qu’il y aurait à reporter le traitement de cette question jusqu’à ce que survienne une nouvelle difficulté.
La composition de la Haute autorité, monsieur le rapporteur, n’aura en effet rien d’original mais tel n’était pas l’objectif ! Reprendre une composition semblable à celle de nombreuses autres autorités indépendantes comprenant des membres du Conseil d’État, de la Cour de cassation et de la Cour des Comptes constitue une garantie.
La question du déport est très importante. Ce texte rappelle et ajoute à la loi un certain nombre de principes, mais d’autres projets seront débattus qui traiteront spécifiquement de cette question pour les fonctionnaires et les magistrats.
L’obligation de déport doit-elle être considérée comme un principe déontologique – une sorte de « principe de précaution » réaffirmé par la loi – ou son non-respect doit-il entraîner des sanctions pénales ? Il faut avoir conscience que nous sommes ici dans ce que j’ai appelé une « zone grise », qu’on ne peut résorber que par un effort de déontologie, d’autant que des milliers de personnes sont concernées. En l’occurrence, la création d’une sanction ressemblerait fort aux réponses qui ont déjà été classiquement opposées alors que nous avons tout intérêt à faire le pari de la déontologie et de la prévention. Cela étant, il ne faut pas que cette nouvelle ambition collective qu’est l’inscription dans la loi de l’obligation de déport soit considérée comme secondaire au motif qu’elle serait trop peu normative.
Je vous rappelle, monsieur Geoffroy, qu’après le rapport Sauvé, un projet de loi avait été déposé par M. François Sauvadet, ministre de la Fonction publique, qui n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour. Pour être approuvés par l’opposition, aurait-il donc fallu faire comme elle en déposant un texte sans en débattre ? Nous avons au contraire considéré que l’inaction n’était pas une réponse. D’autre part, vous vous êtes étonné des dispositions de l’article 1er, mais elles sont identiques à celles que M. Sauvadet avait préconisées dans son propre projet de loi ! Votre critique est donc sans fondement.
J’ai dit que cette loi n’était pas de circonstance, mais qu’elle avait été modifiée. Telle est bien la réalité des choses, en effet. Le 13 mars, alors que personne n’avait connaissance de l’affaire Cahuzac, le Premier ministre a fait une communication en conseil des ministres à propos des conflits d’intérêts et m’a donné pour mission de recevoir un certain nombre d’experts. C’est ce qui a été fait, ce travail étant ensuite revu à la lumière des événements. Voilà la vérité dont attestent d’ailleurs les comptes rendus du conseil des ministres.
Le texte que nous proposons aurait-il empêché ce que nous savons ? C’est une question légitime. On pouvait certes considérer qu’il n’y avait rien d’autre à faire que laisser la justice agir. Nous estimons, quant à nous, qu’il fallait ces projets, et qu’ils contiennent des éléments qui auraient permis de mieux protéger les intérêts de la République. M. Cahuzac n’a-t-il pas travaillé dans un cabinet ministériel ? Il n’était alors pas obligé de déclarer son patrimoine ou d’éventuels conflits d’intérêts. S’il en avait été autrement, peut-être aurions-nous pu disposer d’indices. La publication des déclarations d’intérêts et de patrimoine n’aurait-elle pas permis aussi de révéler des manquements ?
Enfin, malgré l’absence de publication systématique du patrimoine – conclusion à laquelle nous parviendrons peut-être à l’issue de nos débats –, la loi permettra aux personnes qui auront consulté cette déclaration d’alerter la Haute autorité. Si ce droit nouveau avait existé à l’époque, peut-être se serait-il trouvé des gens, parmi ceux qui auraient consulté celle de M. Cahuzac, pour alerter sur quelque dérive.
Cela étant, il n’est pas question pour nous de réécrire l’histoire. Mais je n’accepte pas l’idée selon laquelle ce texte ne changerait rien et vous ne pouvez pas nier l’apport constitué par ces trois nouveaux éléments.
Il aurait mieux valu, dites-vous, ne publier que les noms des personnes qui seraient en infraction. Mais c’est ce que prévoit le projet de loi ordinaire, dont l’article 14 donne à la Haute autorité le pouvoir de publier au Journal officiel un rapport spécial visant nommément une personne qui aurait manqué à ses obligations.
Monsieur Dosière, je suis évidemment d’accord avec votre propos. Ces projets répondent à une demande, restée sans suite, de la Commission pour la transparence financière de la vie politique suggérant dans son rapport annuel une modification de la loi. Mais, en ce qui concerne les parlementaires, il est exact que la séparation des pouvoirs nous interdisait de prendre des initiatives. De même, le « renversement », que vous appelez de vos vœux, d’une majorité négative des commissions en une majorité positive se heurte – et je suis sûr que vous en avez conscience – à l’obstacle de l’article 13 de la Constitution.
Monsieur Poisson, vous vous déclarez hostile par principe à certains aspects de la loi, mais il est un constat dont nul ne peut faire abstraction : nous ne sommes pas maîtres de l’image que nous avons dans l’opinion publique. Je répète donc qu’en la matière, le pire serait l’inaction.
Le code de procédure pénale prévoit vingt et un cas dans lesquels des associations agréées ont la possibilité de mettre en œuvre l’action publique. La petite extension à laquelle nous procédons n’a donc rien d’original.
J’ai répondu partiellement à M. Houillon, mais nous aurons l’occasion de débattre à nouveau de la nature des activités de conseil.
Vous partez, monsieur Larrivé, du postulat que des manquements sont inévitables, qu’ils ne sont affaire que d’individus, qu’il faut se doter d’un arsenal pénal pour confondre ces fraudeurs et que la faute d’une personne ne doit pas conduire à jeter l’opprobre sur les autres. Mais que faites-vous depuis plusieurs semaines, sinon essayer de reporter la faute d’un seul sur l’ensemble des membres du Gouvernement à coups de questions d’actualité ? À quoi sert, dès lors, la commission d’enquête ? Si c’est la faute d’un homme, ce n’est pas celle de tous ! Peut-être avons-nous agi comme vous par le passé, mais il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un problème appelant une réponse politique précise, et c’est ce à quoi nous nous sommes employés.
Présidence de M. Jean-Yves Le Bouillonnec, vice-président de la Commission.
La Commission en vient à l’examen des articles du projet de loi organique.
EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI ORGANIQUE
Article 1er
(art. L.O. 135-1, L.O. 135-2, L.O. 135-3, L.O. 135-4 à L.O. 135-6 [nouveaux], L.O. 136-2 du code électoral)
Déclaration de situation patrimoniale et déclaration d’intérêts et d’activités des députés et sénateurs
Cet article tend à refondre les différentes obligations déclaratives incombant aux parlementaires. La déclaration de situation patrimoniale verrait son contrôle renforcé et sa publicité serait désormais assurée. Appelées à fusionner, la déclaration d’intérêts et la déclaration d’activités professionnelles ou d’intérêt général seraient également rendues publiques.
Les modifications du code électoral proposées concernent les députés, mais sont également applicables aux sénateurs (61). Parce qu’elles ont une conséquence directe sur l’éligibilité des parlementaires, ces dispositions sont de rang organique, le premier alinéa de l’article 25 de la Constitution disposant qu’ « une loi organique fixe la durée des pouvoirs de chaque assemblée, le nombre de ses membres, leur indemnité, les conditions d’éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités » (62).
En application du VI , le présent article entrerait en vigueur à compter de la date de publication au Journal officiel du décret nommant le président de la Haute autorité de la transparence de la vie publique – décret prévu à l’article 12 du projet de loi. Les mêmes règles d’entrée en vigueur sont prévues à l’article 23 du projet de loi, s’agissant des déclarations de situation patrimoniale et des déclarations d’intérêts des membres du Gouvernement et des autres assujettis mentionnés à l’article 10.
Article L.O. 135-1 du code électoral
Contenu de la déclaration de situation patrimoniale et de la déclaration d’intérêts et d’activités des députés et sénateurs
Le I du présent article tend à modifier l’article L.O. 135-1 du code électoral, aujourd’hui relatif aux déclarations de situation patrimoniale établies par les députés et sénateurs. En outre, y seraient désormais prévues les nouvelles « déclarations d’intérêts et d’activités » des parlementaires.
C’est la loi organique n° 88-226 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique qui a imposé aux membres du Parlement la présentation d’une déclaration de situation patrimoniale (63).
Cette déclaration doit être déposée lors de l’entrée en fonction, puis à l’issue du mandat, afin de pouvoir apprécier la variation du patrimoine au cours du mandat et, ce faisant, détecter un éventuel enrichissement anormal. Initialement confié au Bureau de chaque assemblée, ce contrôle a été transféré, en 1995 (64), à la Commission pour la transparence financière de la vie politique, créée dès 1988. Ce contrôle incomberait désormais à la nouvelle Haute autorité de la transparence de la vie publique, dont la création est proposée à l’article 12 du projet de loi.
Les règles relatives au contenu de la déclaration de situation patrimoniale connaîtraient plusieurs modifications par rapport au droit actuel (1° du I du présent article) :
– la déclaration serait effectuée « dans le mois » suivant l’entrée en fonction de chaque parlementaire, au lieu de deux mois depuis 1995 (et de quinze jours de 1988 à 1995). À l’initiative de son rapporteur, votre commission des Lois a maintenu le délai existant de deux mois, afin de l’harmoniser avec le délai applicable – et inchangé par le projet de loi – à tous les assujettis autres que les membres du Gouvernement ;
– la déclaration serait « personnellement » adressée au « président » de la Haute autorité, et non plus simplement déposée auprès de l’actuelle Commission ;
– la déclaration devrait être « exhaustive », exigence qui n’est aujourd’hui qu’implicite.
Pour le reste, les dispositions actuelles seraient reprises : la déclaration doit être « exacte, sincère et certifiée sur l’honneur » ; elle concerne la totalité des biens propres du parlementaire, mais aussi, le cas échéant, ceux de la communauté ou les biens réputés indivis en application de l’article 1538 du code civil (65) ; les biens sont évalués à la date du fait générateur de la déclaration comme en matière de droits de mutation à titre gratuit.
Sur proposition de son rapporteur, la commission des Lois a élargi le champ des biens détenus en indivision qui devront être déclarés. En effet, en ne mentionnant que l’indivision entre époux, le projet de loi organique maintient une différence de situation entre les déclarants, selon qu’ils sont mariés ou non : ainsi, les biens détenus en indivision avec le partenaire de pacte civil de solidarité ou avec le concubin ne seraient pas concernés, faute pour le présent article de mentionner, en plus de l’article 1538 du code civil, l’article 515-5 – pour les personnes « pacsées » – et les articles 815 et suivants du même code – s’agissant des concubins. Compte tenu de la rédaction adoptée par votre Commission, c’est donc l’ensemble des biens détenus en indivision par le parlementaire – y compris avec des tiers autres que le conjoint, le partenaire de pacte civil de solidarité ou le concubin – qui devront figurer dans sa déclaration de patrimoine.
On relèvera que l’ensemble des dispositions qui précèdent aura un impact sur les déclarations de situation patrimoniale incombant aux candidats à l’élection à la présidence de la République, dont le contenu est défini par renvoi à l’article L.O. 135-1 du code électoral (66). C’est ce que prévoit expressément l’article 4 bis du présent projet de loi organique, introduit par votre Commission, sur proposition de son rapporteur.
Comme aujourd’hui, une nouvelle déclaration de patrimoine devrait être effectuée à l’issue du mandat parlementaire (2° du I du présent article), afin de permettre une comparaison avec la première et, ainsi, de mesurer l’évolution au cours du mandat (67). Cette déclaration devrait être adressée à la Haute autorité deux mois au plus tôt et un mois au plus tard avant le terme normal du mandat ou, en cas de dissolution de l’Assemblée nationale ou de cessation anticipée du mandat pour une autre cause que le décès, dans les deux mois qui suivent la fin des fonctions. Serait maintenue la faculté pour le parlementaire de joindre d’éventuelles observations de nature à éclairer la Haute autorité sur l’évolution de son patrimoine.
À l’initiative de son rapporteur, la commission des Lois a avancé dans le temps le délai limite de dépôt des déclarations de patrimoine de fin de mandat : au lieu d’un délai de deux mois au plus tôt et un mois au plus tard avant l’expiration du mandat de député (soit entre la mi-avril et la mi-mai pour une législature se terminant à la mi-juin), les déclarations devraient être remises sept mois au plus tôt et six mois au plus tard avant cette date (soit, en l’occurrence, entre la mi-novembre et la mi-décembre). L’objectif est de donner à la Haute autorité le temps nécessaire au contrôle des déclarations avant que celles-ci ne soient rendues publiques et, ainsi, de pouvoir en tirer, s’il y a lieu, toutes les conséquences avant l’élection suivante :
– soit au plan juridique, au cas où serait constaté un délit susceptible d’entraîner une inéligibilité ;
– soit au plan politique, les électeurs pouvant ainsi se déterminer en pleine connaissance de cause ; le parlementaire de bonne foi qui ferait l’objet d’attaques portant sur son patrimoine ou sur l’évolution de celui-ci pendant la campagne électoral pourrait ainsi faire état de la position de la Haute autorité reconnaissant la parfaite régularité de sa situation.
En revanche, le 3° du I du présent article tend à supprimer la dispense de déclaration de patrimoine, aujourd’hui prévue au quatrième alinéa de l’article L.O. 135-1 du code électoral, lorsque le parlementaire a déjà présenté une telle déclaration depuis moins de six mois :
– soit en tant que parlementaire. En pratique, seuls les nouveaux élus sont aujourd’hui tenus de déposer une déclaration de situation patrimoniale lors de leur entrée en fonction, les parlementaires réélus ayant déjà fourni, quelques semaines plus tôt, une déclaration de patrimoine à l’issue de leur précédent mandat ;
– soit en tant qu’assujetti à obligation de déclaration en application de l’article 1er (membres du Gouvernement) ou de l’article 2 (membres du Parlement européen, présidents d’un exécutif local, délégataires d’une fonction exécutive locale, dirigeants de certains organismes publics) de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique.
En conséquence de cette suppression, tous les députés et tous les sénateurs seraient désormais systématiquement tenus de déposer une nouvelle déclaration de situation patrimoniale, tant au début qu’à la fin de leur mandat.
Votre commission des Lois a, au contraire, préféré maintenir cette règle dispensant le parlementaire de procéder à une nouvelle déclaration de patrimoine lorsqu’il en a déjà remis une depuis moins de six mois. En effet, il paraît difficile, d’un côté, d’étendre sensiblement le nombre d’assujettis à l’obligation de déclaration (68) et, de l’autre, de supprimer une disposition destinée à éviter à la Haute autorité de recevoir un nombre excessif de déclarations, au risque de nuire à l’efficacité de son contrôle.
Deux séries d’informations distinctes devraient figurer dans la nouvelle déclaration d’intérêts et d’activités (1° du I du présent article).
Celle-ci apparaît, en effet, comme le produit de la fusion de deux déclarations déjà existantes :
– la déclaration d’activités professionnelles et d’intérêt général, aujourd’hui prévue dans le code électoral pour permettre le contrôle du respect des incompatibilités applicables aux membres du Parlement. Cette déclaration, dont le régime a, depuis, été précisé et renforcé, trouve son origine dans une loi organique de 1972 (69), adoptée peu de temps après l’affaire dite de la « garantie foncière ». Dans son texte actuel, le premier alinéa de l’article L.O. 151-2 du code électoral dispose ainsi que, dans le mois suivant son entrée en fonction, « tout député dépose sur le bureau de l’Assemblée nationale une déclaration certifiée sur l’honneur exacte et sincère comportant la liste des activités professionnelles ou d’intérêt général, même non rémunérées, qu’il envisage de conserver ou attestant qu’il n’en exerce aucune » (70) ;
– la déclaration d’intérêts, apparue beaucoup plus récemment, en dehors de tout fondement législatif. À l’Assemblée nationale, le principe de l’établissement d’une déclaration d’intérêts a été posé à l’article 4 de la décision du Bureau du 6 avril 2011 relative au respect du code déontologie des députés (71). Ces dispositions ont été mises en œuvre, pour la première fois, sous l’actuelle législature : les députés élus en juin 2012 ont remis, au plus tard en novembre de la même année, leur déclaration d’intérêts à la déontologue de l’Assemblée nationale, Mme Noëlle Lenoir (72). Au Sénat, la mise en place de déclarations d’intérêts a été décidée par le Bureau le 14 décembre 2011 (73). Celles-ci ont été regroupées dans un document unique avec la déclaration d’activités précitée.
Dans sa nouvelle rédaction, l’article L.O. 135-1 du code électoral disposerait que, dans le mois suivant son entrée en fonction, tout parlementaire devrait présenter « une déclaration exposant les intérêts détenus à la date de son élection et dans les trois années précédant cette date, ainsi que la liste des activités professionnelles ou d’intérêt général, même non rémunérées, qu’il envisage de conserver. Toutefois cette déclaration ne fait pas mention des activités visées à l’article L.O. 148 ».
Les dispositions relatives aux activités professionnelles ou d’intérêt général sont reprises de l’actuel article L.O. 151-2 du code électoral. Il en va de même de l’exclusion – introduite par la loi organique du 14 avril 2011 précitée – des activités mentionnées à l’article L.O. 148 (74), qui permet aux parlementaires d’exercer certaines fonctions non rémunérées dans des « organismes d’intérêt régional ou local » ou dans des « sociétés d’économie mixte d’équipement régional ou local, ou des sociétés ayant un objet exclusivement social ».
En pratique, le fait de ne pas à avoir à mentionner les activités énumérées à l’article L.O. 148 est source d’incertitudes pour les parlementaires lorsqu’ils doivent établir leur déclaration d’activités. Cette disposition est, de surcroît, peu logique : il est préférable de déclarer l’ensemble des activités, sans exclusive, à charge ensuite pour le Bureau d’apprécier la compatibilité de chacune d’entre elles avec le mandat parlementaire. Pour ces raisons, sur proposition conjointe de votre rapporteur et de MM. François de Rugy et Lionel Tardy, la commission des Lois a supprimé cette disposition, ce qui contribuera à renforcer l’exhaustivité de la déclaration d’intérêts et d’activités.
S’agissant des intérêts, le contenu de la déclaration n’est pas précisé : tout au plus est-il prévu que seraient concernés les intérêts détenus à la date de l’élection et dans les trois années qui la précèdent. La même période de référence était proposée dans le rapport d’information de la commission des Lois du Sénat sur la prévention des conflits d’intérêts, adopté en mai 2011 (75). Une période de trois années est également retenue dans les déclarations d’intérêts financiers des parlementaires européens.
Toutefois, la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, présidée par M. Lionel Jospin, préconisait, quant à elle, de retenir une période de cinq années (76). C’est également le choix fait à l’Assemblée nationale dans les déclarations d’intérêts remplies par les députés de l’actuelle législature.
En conséquence, à l’initiative de son rapporteur, votre Commission a porté de trois à cinq ans la période rétrospective sur laquelle devra porter la déclaration d’intérêts des membres du Parlement.
À la différence de la déclaration de situation patrimoniale, la déclaration d’intérêts et d’activités devrait être remise tant à la Haute autorité de transparence de la vie publique (77) qu’au Bureau de chaque assemblée. C’est en effet à ce dernier – et à lui seul – qu’il reviendrait de prendre les mesures appropriées en cas de méconnaissance par un parlementaire des règles de fond relatives aux incompatibilités professionnelles et aux conflits d’intérêts. Par « règles de fond », on entend l’ensemble des règles autres que les obligations déclaratives prévues au présent article, dont la méconnaissance pourrait, quant à elle, donné lieu tant à une intervention de la Haute autorité – pouvant prendre la forme d’une injonction – qu’à une saisine du Bureau de l’assemblée concernée (voir ci-après, respectivement, les nouveaux articles L.O. 135-4 et L.O. 135-6 du code électoral).
Ainsi, les modalités de contrôle des incompatibilités professionnelles demeureraient inchangées. En application de l’article L.O. 151-2 du code électoral (78), c’est le Bureau de l’assemblée concernée qui examine aujourd’hui si les activités déclarées par les députés sont compatibles avec le mandat parlementaire. L’intervention du Bureau est préparée, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, par une délégation constituée en son sein et chargée d’instruire les dossiers (79). Le Bureau examine les déclarations présentées sur le rapport du président de cette délégation (80) ; il peut demander des compléments d’information. En cas de doute sur la compatibilité des fonctions ou activités exercées, le Bureau – tout comme le garde des Sceaux ou le parlementaire lui-même – saisit le Conseil constitutionnel. Si ce dernier conclut à une situation d’incompatibilité (81), le parlementaire concerné doit régulariser sa situation dans les trente jours, sous peine d’être déclaré démissionnaire d’office de son mandat par le Conseil constitutionnel (82).
Quant à la prévention et à la sanction d’éventuels conflits d’intérêts, elles demeureraient assurées, conformément au principe de séparation des pouvoirs, par les règles internes propres à chacune des deux assemblées. Sans préjuger des possibles évolutions de ces règles, rappelons que les dispositifs retenus aujourd’hui reposent sur l’intervention d’un déontologue à l’Assemblée nationale (83) et d’un comité de déontologie parlementaire au Sénat (84).
Le I du présent article soumet les déclarations de situation patrimoniale et les déclarations d’intérêts et d’activités à plusieurs dispositions communes.
a) Les modifications affectant en cours de mandat le patrimoine, les intérêts ou les activités du parlementaire
Aux termes du 1° du I du présent article (deuxième alinéa de l’article L.O. 135-1 du code électoral), toute modification substantielle affectant le patrimoine, les intérêts ou les activités devrait être signalée par le parlementaire concerné, dans les mêmes conditions que pour l’établissement de la déclaration initiale. Les modalités exactes de « mise à jour » des déclarations seraient précisées par voie réglementaire (voir ci-après).
Des dispositions comparables existent d’ores et déjà :
– les parlementaires communiquent à la Commission pour la transparence financière de la vie politique les modifications substantielles de leur patrimoine, « chaque fois qu’ils le jugent utile » (deuxième alinéa de l’article L.O. 135-1 du code électoral) ;
– les députés doivent déclarer sans délai toute modification substantielle de la situation décrite dans leur déclaration d’intérêts (article 4 de la décision du Bureau de l’Assemblée nationale du 6 avril 2011 précitée) ;
– tout parlementaire doit, en cours de mandat, déclarer tout élément de nature à modifier sa déclaration d’activités initiale (premier alinéa de l’article L.O. 151-2 du code électoral).
Sur proposition de son rapporteur, la commission des Lois a prévu que la déclaration modificative devrait être effectuée dans le délai maximal d’un mois suivant le changement substantiel intervenu dans le patrimoine ou les intérêts du parlementaire. En plus des sanctions pénales déjà prévues pour réprimer les déclarations incomplètes ou mensongères, la méconnaissance de ce délai pourrait entraîner la saisine du Bureau de l’assemblée concernée par la Haute autorité (article L.O. 135-6, tel qu’inséré par présent article).
Le futur I de l’article L.O. 135-2 du code électoral disposerait que les déclarations des députés, ainsi que leurs « observations » éventuelles, sont rendues publiques (voir ci-après). Or, dans le texte initial du présent projet de loi organique, les seules « observations » étaient :
– celles accompagnant une déclaration de patrimoine de fin de mandat (actuel article L.O. 135-1 du code électoral, non modifié sur ce point par le présent projet) ;
– celles émises à l’occasion du constat d’un manquement ou d’une évolution patrimoniale inexpliquée par la Haute autorité de la transparence de la vie publique (article L.O. 135-5 résultant du présent article).
À l’initiative de son rapporteur, votre Commission a élargi cette faculté, en permettant aux parlementaires de joindre les observations qu’ils jugent utiles à l’appui de toute déclaration de patrimoine et de toute déclaration d’intérêts et d’activités. Ces observations obéiraient au même régime de publicité que les déclarations elles-mêmes. En pratique, il suffirait que les modèles de déclaration comportent une rubrique « observations éventuelles ».
Le 6° du I du présent article prévoit qu’un décret en Conseil d’État fixerait le modèle, le contenu et les conditions de mise à jour et de conservation des déclarations de situation patrimoniale et des déclarations d’intérêts et d’activités (85).
Comme l’avait souligné le rapport « Sauvé » – quoique ne portant pas sur les membres du Parlement –, certaines des rubriques des deux déclarations pourront se recouper : « la déclaration d’intérêts est (...), selon les situations, plus ou moins large que la déclaration de patrimoine : elle comprend ainsi la mention d’éventuelles participations dans des sociétés du secteur d’intervention de l’agent, mais pas celle de sa résidence principale (contrairement à la déclaration de patrimoine) ; mais elle intègre aussi des éléments d’ordre professionnel (activités exercées pendant une période récente), ce que ne contient pas la déclaration de patrimoine. Les deux outils répondent donc à deux finalités distinctes » (86).
● À l’heure actuelle, le modèle de déclaration de situation patrimoniale
– commun à l’ensemble des déclarants – est défini par le décret n° 96-763 du 1er septembre 1996 relatif à la Commission pour la transparence financière de la vie politique. Il a été actualisé par le décret n° 2012-459 du 6 avril 2012 portant diverses dispositions relatives à la transparence financière de la vie politique, afin notamment d’y indiquer les nouveaux pouvoirs de la Commission résultant des lois du 14 avril 2011 et les sanctions encourues en cas de manquement aux obligations de déclaration (87).
Le modèle de déclaration de patrimoine comprend aujourd’hui douze rubriques, toutes comportant l’indication de la valeur financière à la date de déclaration :
– immeubles bâtis et non bâtis. Doivent être précisés l’adresse, la nature et la superficie du bien, l’origine de la propriété (acquisition, succession, donation, etc., ainsi que le nom du précédent propriétaire), le régime juridique du bien (propre, commun, indivis, etc.), sa date et son prix d’acquisition et le montant des travaux effectués depuis ;
– valeurs mobilières. Sont concernées à la fois les valeurs non cotées en bourse (pour lesquelles doivent être indiqués le nom de l’entreprise, le prix d’acquisition et le pourcentage de participation dans le capital social), les valeurs cotées en bourse et les placements divers (SICAV, fonds commun de placements, SCPI, PEA, etc.) (88) ;
– assurances-vie, avec mention de la nature et de la date de souscription de chaque contrat ;
– comptes bancaires courants ou d’épargne, livrets, livrets de développement durable (LDD), plans épargne logement (PEL), comptes épargne logement (CEL) ;
– meubles meublants ;
– collections, objets d’arts, bijoux, pierres précieuses, or (89) ;
– véhicules terrestres à moteur, bateaux, avions, etc. ;
– fonds de commerce ou clientèles, charges et offices (avec précision de l’actif, de l’endettement et du résultat fiscal) ;
– autres biens, tels que, par exemple, les comptes courants de société ;
– biens mobiliers, immobiliers et comptes détenus à l’étranger ;
– passif. Les caractéristiques de la dette doivent être précisées : organisme prêteur ou nom du créancier, nature et objet de la dette, montant et durée de l’emprunt, somme restant à rembourser, montant des mensualités ;
– événements majeurs ayant affecté la composition du patrimoine (90). Le modèle de déclaration précise que, quoique ces éléments ne soient juridiquement pas obligatoires, il est « souhaitable » que soient fournis des « justificatifs de l’évolution du patrimoine, notamment lorsque celle-ci est supérieure à l’épargne qui pourrait être dégagée sur la base des seules indemnités ou rémunérations liées aux mandats ou fonctions détenus, et des revenus perçus pendant la durée du mandat ou des fonctions ».
La déclaration de situation patrimoniale mentionne également plusieurs renseignements personnels : année de naissance, profession, régime matrimonial, enfants à charge, profession du conjoint et autres mandats ou fonctions.
La définition législative de la déclaration de patrimoine résultant du présent projet de loi organique n’étant guère différente de l’actuelle, il y a tout lieu de penser que le modèle de contenu fixé par décret en Conseil d’État n’évoluerait pas davantage. Un nouvel enjeu résidera plutôt, comme on le verra, dans l’étendue de la publicité donnée à ces différents éléments (article L.O. 135-2 du code électoral).
Toutefois, votre rapporteur est soucieux d’éviter tout risque d’incompétence négative du législateur et juge quelque peu paradoxale la démarche du Gouvernement consistant à prévoir une liste d’éléments ne pouvant être rendus publics, sans définir au préalable l’ensemble des éléments appelés à figurer dans les déclarations. C’est pourquoi, sur proposition de son rapporteur, la commission des Lois a énuméré explicitement les différentes rubriques que comporteront les déclarations de situation patrimoniale.
Les différentes rubriques retenues sont celles figurant aujourd’hui dans le modèle annexé au décret du 1er septembre 1996, la seule différence résidant dans le regroupement des rubriques « meubles meublants » et « collections, objets d’arts, bijoux, pierres précieuses, or » dans une seule même rubrique, dénommée « biens mobiliers divers ». La déclaration devra, en outre, distinguer si les biens mentionnés sont des biens propres, détenus en communauté avec le conjoint ou des biens indivis.
Le décret en Conseil d’État mentionné au dernier alinéa du I du présent article demeurerait utile pour préciser, pour chacune des rubriques, les éléments devant figurer dans la déclaration : caractéristiques des comptes, des biens, des dettes, etc. Votre Commission a, en outre, prévu que ce décret devrait être pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), précaution rendue nécessaire par l’importance du volume de données personnelles qui devront être collectées, traitées et, pour certaines d’entre elles, rendues publiques (91).
Par un autre amendement présenté par votre rapporteur, la commission des Lois a prévu que les déclarations de patrimoine de fin de mandat devraient comporter une récapitulation de l’ensemble des revenus perçus par le député – et, le cas échéant, par la communauté (92) – depuis le début du mandat parlementaire en cours. Cette disposition répond à une préoccupation exprimée par la Commission pour la transparence financière de la vie publique : le manque d’informations sur les revenus des déclarants rend difficile l’appréciation de l’évolution de leur situation patrimoniale – ceci en dépit même de la possibilité donnée à la Commission, depuis 2011, de demander les déclarations d’IR et d’ISF. Son quinzième rapport d’activité souligne en ce sens que « les élus et dirigeants d’organismes publics devraient être soumis à l’obligation de déclarer en fin de mandat, en plus de leur situation patrimoniale, les revenus annuels perçus pendant la durée de leur mandat. La commission peine aujourd’hui à mesurer le caractère anormal ou non d’un enrichissement faute de connaître ab initio les revenus du déclarant » (93).
● À la différence des actuelles déclarations de patrimoine, la définition, par la voie réglementaire, du contenu des déclarations d’intérêts et d’activités constituerait une réelle novation.
En matière d’activités professionnelles et d’intérêt général, sous réserve des précisions que pourrait éventuellement apporter le décret en Conseil d’État (94), le champ des activités concernées par la déclaration ne devrait guère poser de difficultés, compte tenu de l’expérience acquise par les assemblées en la matière.
Beaucoup plus délicate est la question du contenu exact des intérêts à déclarer, qui devrait, selon le texte proposé, être précisé par le même décret.
En premier lieu, la nature des intérêts visés devrait être clarifiée.
Même si sa mission ne portait pas sur les membres du Parlement, la Commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, présidée par M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État, a recommandé de s’en tenir aux seuls intérêts matériels, c’est-à-dire patrimoniaux et financiers (détention directe d’actions d’une société, par exemple), professionnels (contrats de travail en cours ou passés), commerciaux ou civils (généralement dans un cadre contractuel) (95), à l’exclusion des « intérêts moraux », de nature intellectuelle, philosophique, politique, syndicale, idéologique ou religieuse (96). Votre rapporteur partage sans réserve ce point de vue.
En deuxième lieu, se pose également la question de savoir si les intérêts à déclarer sont purement personnels ou bien si sont également concernés les intérêts détenus par personnes interposées – par la famille, les proches ou les collaborateurs du parlementaire.
Dans le texte proposé, le fait que des informations relatives à la famille du déclarant figurent au II du nouvel article L.O. 135-2 (II du présent article) parmi les éléments non susceptibles d’être rendus publics – en particulier les « noms des autres membres de sa famille » – suggère sans équivoque que les intérêts à déclarer devraient aller au-delà de la seule personne du parlementaire.
À l’heure actuelle, l’article 4 de la décision du Bureau de l’Assemblée nationale du 6 avril 2011 impose la déclaration des intérêts personnels des députés, « ainsi que ceux de leurs ascendants ou descendants directs, de leur conjoint, de leur concubin ou partenaire de pacte civil de solidarité de nature à les placer en situation de conflit d’intérêts (...). Il appartient aux députés d’apprécier la nécessité de déclarer tout intérêt d’une personne dont ils sont proches et qui serait de nature à les placer dans une telle situation » (97).
Au Sénat, les déclarants doivent faire figurer « les intérêts détenus par leur conjoint, leur partenaire de pacte civil de solidarité, leur concubin, leurs ascendants et leurs descendants » (98). Dans le même sens, le rapport d’information de la commission des Lois du Sénat sur la prévention des conflits d’intérêts recommandait, en mai 2011, d’inclure dans les déclarations d’intérêts :
« – les intérêts détenus par les membres du "noyau dur" de la famille (à savoir le conjoint, le partenaire de PACS ou le concubin, ainsi que les enfants à charge). La déclaration ferait alors état, de manière précise (mais toujours dans la limite des éléments dont le parlementaire a connaissance), des intérêts professionnels et financiers des personnes en cause ;
– les intérêts détenus par les ascendants et les descendants majeurs du parlementaire. En vue d’assurer le respect de la vie privée de ces personnes, il semble toutefois nécessaire de prévoir que la description de leurs intérêts ne devra pas être trop détaillée : le parlementaire se bornera donc à indiquer dans quel secteur d’activités ses parents et ses enfants travaillent, mais ne sera pas tenu de préciser quelle est l’entreprise qui les emploie ni de faire état de leurs intérêts financiers » (99).
Enfin, il reviendrait au décret en Conseil d’État de déterminer le degré de précision attendu dans la description des intérêts des membres du Parlement : type d’activités à déclarer (100), périmètre des intérêts financiers concernés, éventuels seuils en deçà desquels les intérêts n’auraient pas à être déclarés, etc.
À titre d’illustration, le modèle de déclaration d’intérêts aujourd’hui en vigueur à l’Assemblée nationale (101) comporte les rubriques suivantes :
– activités professionnelles exercées actuellement donnant lieu à rémunération ;
– activités professionnelles exercées au cours des cinq dernières années ayant donné lieu à rémunération ;
– activités de consultant exercées actuellement et au cours des cinq dernières années ;
– participation actuelle ou lors des cinq dernières années aux organes dirigeants d’un organisme public, privé ou d’une société ;
– participations financières directes et actuelles dans le capital d’une société. Seules les participations supérieures à 15 000 euros doivent être indiquées (102) ;
– autres liens susceptibles de faire naître des conflits d’intérêts ;
– intérêts des tiers liés au déclarant. Les intérêts en question sont limités à l’activité professionnelle des membres de la famille (conjoint, concubin ou partenaire d’un pacte civil de solidarité ; enfants ; parents).
À titre de comparaison, les « déclarations d’intérêts financiers » des membres du Parlement européen (103) précisent, sous forme de « fourchettes », les revenus tirés des activités professionnelles (antérieures au mandat (104) ou exercées pendant celui-ci) et les participations financières détenues. Sont également mentionnés les « soutiens financiers », en personnel ou en matériel, apportés par des tiers, avec indication de leur identité.
Enfin, le décret en Conseil d’État prévu au présent article devrait également fixer les modalités de conservation des déclarations de situation patrimoniale et des déclarations d’intérêts. Il conviendrait, en effet, de déterminer le devenir de ces déclarations une fois le mandat parlementaire terminé. Sans concerner les parlementaires, le rapport « Sauvé » recommandait de conserver les déclarations d’intérêts pendant une durée de dix ans à compter de la fin des fonctions de l’intéressé, avant de les détruire (105). En matière de santé publique, par exemple, les déclarations d’intérêts sont conservées pendant une durée de dix ans, à compter de leur dépôt ou de leur actualisation, par l’autorité ou l’organisme auquel elles sont remises (106).
À l’heure actuelle, les documents reçus ou produits par la Commission pour la transparence financière de la vie politique sont considérés comme des archives publiques au sens de l’article L. 211-4 du code du patrimoine, en tant que « documents qui procèdent de l’activité de l’État ». Leur période d’utilisation courante (107), pendant laquelle ils sont conservés dans les locaux de la Commission, court jusqu’à l’expiration du dernier mandat du déclarant. Au terme de cette période, la Commission considère (108), en application de l’article L. 212-3 du même code, que l’ensemble des déclarations et autres documents présentent un « intérêt historique » justifiant leur conservation et leur versement aux archives nationales (109). Au nom de la protection de la vie privée des intéressés, ces archives ne sont communicables qu’à l’expiration d’un délai de cinquante ans à compter de la date du document le plus récent inclus dans le dossier (110). Par dérogation, les dossiers ayant fait l’objet d’une transmission au parquet peuvent se voir appliquer le délai de communicabilité de soixante-quinze ans, régissant les « documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions » (111).
Pour les mêmes raisons que celles précédemment exposées à propos des déclarations de patrimoine, la commission des Lois a, sur proposition de son rapporteur, explicitement énuméré les différentes rubriques que comporteront les déclarations d’intérêts.
Les éléments suivants devraient donc être renseignés :
1° les activités professionnelles exercées à la date de la déclaration donnant lieu à rémunération ;
2° les activités professionnelles exercées au cours des cinq dernières années ayant donné lieu à rémunération ;
3° les activités de consultant exercées à la date de la déclaration et au cours des cinq dernières années ;
4° les participations détenues à la date de la déclaration ou lors des cinq dernières années aux organes dirigeants d’un organisme public ou privé ou d’une société ;
5° les participations financières directes, à la date de la déclaration, dans le capital d’une société ;
6° les activités professionnelles exercées à la date de la déclaration par le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin, les enfants et les parents ;
7° l’exercice de fonctions bénévoles susceptibles de faire naître des conflits d’intérêts ;
8° les autres liens susceptibles de faire naître des conflits d’intérêts ;
9° les autres fonctions et mandats électifs exercés à la date de la déclaration ;
10° les noms des collaborateurs parlementaires ;
11° les activités professionnelles ou d’intérêt général, même non rémunérées, que le député envisage de conserver durant l’exercice de son mandat.
Les éléments mentionnés aux 1° à 6° sont inspirés du modèle de déclaration d’intérêts utilisé à l’Assemblée nationale au début de la présente législature.
En mentionnant les fonctions bénévoles susceptibles de faire naître des conflits d’intérêts, le 7° vise, par exemple, les fonctions exercées auprès d’une entreprise ou d’un autre organisme (administrateur de société, conseil, etc.), voire d’un État étranger.
Le 8° mentionne, de façon volontairement ouverte, les « autres liens », tels que la situation des proches ou des personnes ou organisations avec lesquelles le député entretient ou a entretenu des relations d’affaires ou professionnelles significatives ou avec qui il est directement lié par des participations ou des obligations financières ou civiles.
Le 9° vise à améliorer l’information sur les autres mandats ou fonctions électives exercés par les députés. A l’heure actuelle, les données en la matière, qui figurent sur le site Internet de l’Assemblée nationale, sont peu fiables, car résultant essentiellement des fiches de renseignement remplies par les députés en début de mandat.
Le 10° porte sur l’identité des collaborateurs du député concerné, qu’ils exercent leurs fonctions à l’Assemblée nationale ou en circonscription. Initialement, l’amendement déposé par votre rapporteur mentionnait également les éventuelles autres activités professionnelles exercées par les collaborateurs parlementaires, mais il a paru difficile à la Commission de faire courir au député le risque d’une éventuelle sanction pénale pour déclaration mensongère, dans l’hypothèse où ce dernier n’aurait pas connaissance de certaines activités professionnelles de ses collaborateurs. Cette modification devrait conduire, plus largement, à poser la question du statut juridique et matériel des collaborateurs parlementaires (112).
Le 11° reprend le contenu des actuelles déclarations d’activités, prévues à l’article L.O. 151-2 du code électoral (fusionnées avec les déclarations d’intérêts par le présent article).
La déclaration devrait préciser le montant des rémunérations perçues par le député au titre des éléments mentionnés aux 1° à 5° et aux 8°, 9° et 11°.
À l’instar des déclarations de patrimoine, un décret en Conseil d’État pris après avis de la CNIL serait chargé de préciser, pour chacune des rubriques de la déclaration d’intérêts, les différents éléments à renseigner : caractéristiques des fonctions, adresse et raison sociale des organismes, etc.
Les sanctions pénales en cas de déclaration incomplète ou mensongère seraient substantiellement renforcées par le 4° du I du présent article (113).
En droit positif, des telles sanctions n’existent qu’en matière de déclarations de situation patrimoniale. Elles résultent de la loi organique du 14 avril 2011 précitée, qui a créé deux nouveaux délits.
● D’une part, le cinquième alinéa de l’article L.O. 135-1 du code électoral dispose actuellement que « le fait pour un député d’omettre sciemment de déclarer une part substantielle de son patrimoine ou d’en fournir une évaluation mensongère qui porte atteinte à la sincérité de sa déclaration et à la possibilité pour la Commission pour la transparence financière de la vie politique d’exercer sa mission est puni de 30 000 euros d’amende et, le cas échéant, de l’interdiction des droits civiques selon les modalités prévues à l’article 131-26 du code pénal, ainsi que de l’interdiction d’exercer une fonction publique selon les modalités prévues à l’article 131-27 du même code ».
Cette incrimination a été introduite à l’initiative de M. Charles de la Verpillière, alors rapporteur du projet de loi organique relatif à l’élection des députés, qui s’était inspiré des préconisations de la Commission pour la transparence financière de la vie politique. Depuis 2002, cette dernière regrettait l’absence de disposition dissuasive en cas de déclaration ou d’omission mensongères. Elle préconisait que le dépôt d’une déclaration patrimoine mensongère et la communication d’informations volontairement erronées soient constitutifs d’un délit pénal, punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Ces deux peines, assorties des interdictions précitées, avaient été adoptées par votre commission des Lois le 8 décembre 2010 (114). Toutefois, en séance publique, la peine d’emprisonnement a finalement été supprimée au terme d’un débat difficile, à l’initiative de MM. Christian Jacob et Charles de la Verpillière. Au total, le délit de déclaration mensongère a été « quelque peu édulcoré par rapport à ce qui avait été réclamé » (115) par la Commission pour la transparence financière de la vie politique.
Le présent article tend à introduire une peine d’emprisonnement et, plus largement, à modifier le délit de déclaration mensongère : l’article L.O. 135-1 du code électoral disposerait que « le fait pour un député d’omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ou de ses intérêts ou de fournir une évaluation mensongère de son patrimoine est puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Peuvent être prononcées, à titre complémentaire, l’interdiction des droits civiques selon les modalités prévues par les articles 131-26 et 131-26-1 du code pénal, ainsi que l’interdiction d’exercer une fonction publique selon les modalités prévues par l’article 131-27 du même code ».
Par rapport au droit existant, plusieurs différences avec le délit existant doivent être soulignées.
D’abord, serait désormais puni le fait pour un député d’omettre de déclarer une part substantielle de son patrimoine, peu importe que cette omission ait été faite « sciemment » (rédaction actuelle de l’article L.O. 135-1) ou non. En pratique, le changement ne devrait pas être très significatif, dès lors que la constitution d’un délit pénal suppose la caractérisation d’un élément intentionnel.
Ensuite, le champ du nouveau délit s’étendrait à l’omission de déclaration d’une partie des intérêts du parlementaire. Il s’agit donc de garantir la véracité tant des déclarations de patrimoine que des déclarations d’intérêts.
Tout en reprenant le cas d’une évaluation mensongère du patrimoine, la définition du nouveau délit ne ferait plus aucune référence aux conséquences des faits reprochés. À la différence du droit positif, peu importe que l’omission ou le mensonge ait porté atteinte à la sincérité de la déclaration et à la possibilité pour l’autorité de contrôle d’exercer sa mission. Le délit serait, en conséquence, plus facile à constituer qu’aujourd’hui.
Enfin, les peines réprimant le nouveau délit seraient notablement renforcées.
Les peines principales seraient de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, au lieu de 30 000 euros aujourd’hui et d’aucune peine d’emprisonnement. Si elles vont plus loin que ce préconisait la Commission pour la transparence financière de la vie politique (116), ces sanctions sont identiques à celles applicables aux faux en écriture, prévues à l’article 441-1 du code pénal (117). Elles correspondent également à ce que proposaient nos collègues du groupe socialiste, sous la précédente législature, lors des débats relatifs à la loi organique du 14 avril 2011 (118).
Les peines complémentaires seraient :
– comme aujourd’hui, l’interdiction d’exercer une fonction publique prévue à l’article 131-27 du code pénal. Cet article dispose que cette interdiction est « soit définitive, soit temporaire ; dans ce dernier cas, elle ne peut excéder une durée de cinq ans » ;
– comme aujourd’hui, l’interdiction des droits civiques prévue à l’article 131-26 du code pénal. Les 1° et 2° de ce dernier s’appliquent, respectivement, au droit de vote et au droit d’éligibilité. La privation de ces droits ne peut excéder cinq ans – s’agissant en l’occurrence d’un délit. Elle entraîne de plein droit l’interdiction d’exercer une fonction publique (119). Précisons que l’inéligibilité concerne alors l’ensemble des élections, pas seulement les élections législatives ou sénatoriales ;
– de façon nouvelle, l’interdiction des droits civiques prévue à l’article 131-26-1 du code pénal. Introduit à l’article 19 du projet de loi, ce nouvel article instituerait une peine d’inéligibilité plus sévère que celle de l’article 131-26 précitée, qui pourrait être soit définitive, soit, à défaut, de dix années au maximum.
L’existence de ce nouveau délit devrait contribuer à garantir l’exhaustivité, la sincérité et l’exactitude des déclarations de situation patrimoniale et des déclarations d’intérêts et d’activités.
Eu égard aux prérogatives la Haute autorité de la transparence de la vie publique, la répression de ce délit devra être articulée avec les nouveaux pouvoirs, eux-mêmes pénalement sanctionnés, qu’elle tiendrait désormais de l’article L.O. 135-4 du code électoral (120). Dans le texte proposé, la Haute autorité pourrait, en effet, tout à la fois :
– mettre en œuvre ses nouveaux pouvoirs d’injonction et de demande de communication, prévus à l’article L.O. 135-4
– et saisir le parquet, comme le prévoit l’article L.O. 135-5 (121) aux fins de réprimer le délit ici commenté, prévu à l’article L.O. 135-1.
En pratique, il est probable qu’elle n’en vienne à cette seconde extrémité
– saisir le parquet – que lorsque l’usage de ses propres pouvoirs d’injonction et de demande de communication n’aura pas suffi à obtenir les compléments ou éclaircissements supplémentaires.
● D’autre part, le sixième alinéa de l’article L.O. 135-1 du code électoral dispose aujourd’hui que tout manquement aux obligations relatives aux déclarations de patrimoine de fin de mandat est puni de 15 000 euros d’amende. Cette disposition a été introduite, en 2011, à l’initiative de la commission des Lois du Sénat, afin de renforcer la sanction, limitée à une inéligibilité d’une année (122), en cas d’absence de dépôt de toute déclaration de patrimoine à l’issue du mandat. La sanction de l’inéligibilité a, en effet, été jugée peu dissuasive à l’égard des parlementaires qui auraient décidé de ne pas se présenter aux prochaines élections.
Le présent article tend à supprimer cette disposition spécifique, au motif, selon le Gouvernement, qu’une absence de dépôt d’une déclaration de patrimoine en fin de mandat pourrait être sanctionnée par le délit de déclaration mensongère précité, ce dernier consistant – notamment – à « omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ». Ce raisonnement ne convainc guère, dans la mesure où la loi pénale est d’interprétation stricte et où, pour les autres assujettis, le II de l’article 18 du projet de loi réprime, en des termes distincts, le fait « de ne pas déposer » une déclaration et le fait d’ « omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ». En conséquence, sur proposition de votre rapporteur, la commission des Lois a maintenu la peine de 15 000 euros d’amende, prévue à l’actuel sixième alinéa de l’article L.O. 135-1 du code électoral, sanctionnant l’absence de dépôt d’une déclaration de patrimoine de « sortie » de mandat.
Article L.O. 135-2 du code électoral
Publicité de la déclaration de situation patrimoniale et de la déclaration d’intérêts et d’activités des députés et sénateurs
Le II du présent article tend à modifier l’article L.O. 135-2 du code électoral, qui prévoit aujourd’hui la confidentialité des déclarations de patrimoine établies par les membres du Parlement. C’est, au contraire, la publicité qui prévaudrait désormais, celle-ci s’étendant tant aux déclarations de situation patrimoniale qu’aux déclarations d’intérêts et d’activités.
Le I de l’article L.O. 135-2 modifié disposerait que les déclarations déposées par le député en application de l’article L.O. 135-1 précité, ainsi que les éventuelles observations qu’il a formulées « sont rendues publiques par la Haute autorité de la transparence de la vie publique ».
À titre d’exception, une série d’éléments seraient cependant exclus de toute publicité. Ceux-ci ne seraient donc connus que de la Haute autorité de la transparence de la vie publique (dont les membres seraient tenus au secret professionnel) (123), ainsi que, s’agissant des déclarations d’intérêts et d’activités, des bureaux des assemblées. Le fait de publier ou de divulguer ces éléments serait puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende (IV de l’article 18).
Aux termes du II de l’article L.O. 135-2, les éléments interdits de publicité seraient les suivants :
– les adresses personnelles de la personne soumise à déclaration, les noms du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin, les noms des autres membres de sa famille (124). L’objectif est évidemment de protéger la vie privée du parlementaire et de ses proches. A contrario, pourraient, le cas échéant, être rendus publics le régime matrimonial, la profession et les activités du conjoint ou le nombre d’enfants à charge ;
– en matière de biens immobiliers : les indications, autres que le nom du département, relatives à la localisation des biens ; les noms des personnes qui possédaient auparavant ces biens ; les noms des autres titulaires du droit de propriété en cas de démembrement de ce dernier (125). Ainsi, la commune dans laquelle se situe le bien immobilier ne pourrait être rendue publique, à rebours de la pratique suivie aujourd’hui, par exemple, dans les déclarations de patrimoine des présidents de la République. Rien n’empêcherait en revanche de rendre publique l’origine de la propriété – acquisition (à l’état neuf ou ancien), succession ou donation –, à condition de ne pas révéler l’identité du précédent propriétaire. La valeur des biens (prix d’acquisition et valeur vénale) pourrait également faire l’objet de la publicité ;
– en matière de biens mobiliers : les noms des personnes qui détenaient auparavant ces biens ;
– en matière d’instruments financiers : les adresses des établissements financiers et le numéro des comptes détenus. Il s’en déduit a contrario que seraient susceptibles d’être rendus publics les montants des différents avoirs financiers détenus.
On relèvera qu’aucune limite n’est posée à la publicité des activités, actuelles ou antérieures, des membres du Parlement.
Le III de l’article L.O. 135-2 renverrait à un décret en Conseil d’État le soin de préciser les modalités d’application de cet article, c’est-à-dire le support de publication – vraisemblablement le site internet de la Haute autorité – et l’étendue exacte de la publicité des déclarations de situation patrimoniale et des déclarations d’intérêts et d’activités. Le décret devrait également prévoir les modalités de protection de la vie privée des tiers, par exemple dans les cas où un parlementaire a déclaré des intérêts par personnes interposées. On pourrait également imaginer que le décret fixe un seuil en deçà duquel un intérêt financier pourra ne pas être rendu public (avoirs supérieurs à un certain montant ; participations représentant plus d’un certain pourcentage de capital).
Sur ces différents aspects, le droit positif offre peu de points de comparaison. Dans les déclarations publiques d’intérêts (DPI) établies dans le domaine de la santé publique (126), les seuls éléments demeurant confidentiels sont l’ensemble des montants financiers (rémunérations, participations, etc.) et la mention du lien de parenté lorsque des membres de la famille du déclarant détiennent certains intérêts (127). Toutefois, à la différence du présent article, aucune disposition législative ne vient explicitement limiter la publicité de ces déclarations d’intérêts – qui ont vocation à être consultées sur un site internet dédié (128), inexistant à ce jour.
En l’état actuel du droit, les déclarations de situation patrimoniale déposées auprès de la Commission pour la transparence financière de la vie politique sont confidentielles (129), qu’elles soient le fait des parlementaires, des membres du Gouvernement, des présidents d’exécutifs locaux, des délégataires de fonctions exécutives locales ou des dirigeants d’organismes publics.
L’article 3 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 dispose que les rapports de la Commission ne peuvent contenir « aucune indication nominale quant aux situations patrimoniales ». L’article 4 de la même loi punit d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de publier ou de divulguer tout ou partie des déclarations de patrimoine ou des observations des déclarants. Depuis la loi n° 2011-412 du 14 avril 2011, le même article dispose que dans le cas où la Commission a connaissance d’une violation du secret, son président est « tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République ».
La seule exception au principe de confidentialité des déclarations de patrimoine concerne aujourd’hui le président de la République, dont les déclarations, remises au Conseil constitutionnel avant l’entrée en fonction et à l’issue du mandat, sont publiées au Journal officiel (130).
Les déclarations d’activités des parlementaires, quant à elles, sont connues du seul Bureau de chaque assemblée. C’est d’ailleurs pourquoi il n’existe pas, en matière de contrôle des incompatibilités professionnelles, d’exemple de saisine du Conseil constitutionnel par le garde des Sceaux, comme le permet pourtant l’article L.O. 151-2 du code électoral. En 1998, examinant en première lecture le projet de loi organique sur le cumul des mandats électoraux et des fonctions électives, l’Assemblée nationale avait adopté un amendement de Mme Frédérique Bredin prévoyant la publication au Journal officiel des déclarations d’activités des parlementaires, mais cette disposition fut supprimée par le Sénat.
Plus récemment apparues, les déclarations d’intérêts ont, à ce jour, fait l’objet d’un traitement différent à l’Assemblée nationale et au Sénat.
L’Assemblée nationale a opté pour la confidentialité. Seul le déontologue de l’Assemblée nationale a connaissance des déclarations d’intérêts des députés. Il ne peut les communiquer qu’au Bureau, par l’intermédiaire du Président de l’Assemblée nationale, ceci dans la seule hypothèse où serait constaté un manquement au code de déontologie (131). En dehors de ce cas particulier, le déontologue est tenu au secret professionnel (132) : en cas de divulgation, il s’expose à des poursuites fondées sur l’article 226-13 du code pénal (133) et peut, éventuellement, être démis de ses fonctions par le Bureau (134).
Par une décision de son Bureau, prise le 14 décembre 2011, le Sénat a, au contraire, opté pour la publicité des déclarations d’intérêts – ainsi que pour celle des déclarations d’activités, les deux ayant été fusionnées. Dans une décision du 22 février 2012, le Bureau a précisé le champ couvert par les déclarations d’intérêts des sénateurs, qui concernent « les seuls intérêts susceptibles de les placer en situation de conflit d’intérêts ». En conséquence, les déclarations d’intérêts et d’activités sont publiées sur le site internet du Sénat depuis juillet 2012. Si la publicité des activités ne fait, semble-t-il, pas l’objet de restriction particulière, tel n’est pas le cas des intérêts : seules les informations relatives au sénateur sont publiées sur le site du Sénat, non celles concernant ses parents et ses proches.
Pour votre rapporteur, la question de la publicité devrait trouver une réponse différente selon le type de déclaration considérée.
La publicité des déclarations d’intérêts et d’activités, qui renseigne principalement sur ce que le parlementaire fait (en plus de son mandat) ou a fait (avant son élection), se justifie plus facilement que celle des déclarations de situation patrimoniale, centrées sur ce que le parlementaire possède.
La déclarations d’intérêts participe de l’information des électeurs sur les éléments qui peuvent – ou peuvent paraître – déterminer le sens d’une prise de position ou d’un vote au Parlement. C’est d’ailleurs pourquoi, tout en prônant la confidentialité des déclarations de patrimoine, la commission « Jospin » a recommandé de rendre publiques les déclarations d’intérêts des parlementaires (135). Le même raisonnement a conduit à ce que les déclarations d’intérêts financiers des membres du Parlement européen soient « publiées sur le site internet du Parlement sous une forme aisément accessible » (136).
L’utilité de la publicité des déclarations de patrimoine est moins évidente. Elle comporte même des risques. Guy Carcassonne estime ainsi que « publier les déclarations de patrimoine aura pour effet que l’on ne jugera plus les parlementaires sur ce qu’ils disent ou font, mais en fonction de ce qu’ils seraient réputés faire compte tenu de leur état de fortune » (137). Dominique Rousseau juge préférable de ne rendre publique la déclaration de patrimoine qu’à la fin du mandat parlementaire, en vue de réprimer un éventuel enrichissement personnel illégal : « le problème n’est pas la moralisation des hommes politiques. Ni même la transparence de la vie publique. Le problème est celui de l’impartialité. De l’exercice impartial des compétences confiées à tous ceux qui ont la charge de fonctions publiques. Or, aujourd’hui, tout est mélangé et à l’opacité entretenue succède un déballage sauvage (...) Il faut arrêter ce déballage et en revenir au droit. C’est-à-dire à des règles, à des procédures et à des institutions qui donnent les garanties d’un exercice impartial des charges publiques » (138).
Pour les deux types de déclaration se pose également la question du droit au respect de la vie privée des membres du Parlement et des tiers – famille, proches, etc. Le droit au respect de la vie privée est une exigence constitutionnelle résultant de l’article 2 de la Déclaration de 1789 (139), de laquelle le Conseil constitutionnel a notamment déduit que « la collecte, l’enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d’intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif » (140). Dans le même sens, le Conseil d’État a jugé que « l’ingérence dans l’exercice du droit de toute personne au respect de sa vie privée que constituent la collecte, la conservation et le traitement, par une autorité publique, d’informations personnelles nominatives ne peut être légalement autorisée que si elle répond à des finalités légitimes et si le choix, la collecte et le traitement des données sont effectués de manière adéquate et proportionnée au regard de ces objectifs » (141).
Le droit comparé, souvent mis en avant au service d’une plus grande « transparence », ne permet pas non de trancher la question avec certitude. L’étude d’impact du présent projet de loi organique contient certes un tableau, dont la source n’est pas précisée (142), relatif à vingt-deux États. Dans quatre d’entre eux
– Andorre, Monaco, Chypre et Danemark –, les parlementaires ne seraient tenus à l’établissement d’aucune déclaration de patrimoine et d’aucune déclaration d’intérêts. Sur les dix-huit autres États qui auraient prévu une telle obligation, seules la Belgique et la Slovénie se refuseraient à rendre publiques tant les déclarations de patrimoine que les déclarations d’intérêts.
Ces données doivent cependant être interprétées avec précaution :
– les règles juridiques ne suffisent pas à rendre compte de la spécificité de chaque État. Si aucune obligation juridique n’existe au Danemark, il semble qu’en pratique les situations patrimoniales soient très souvent rendues publiques, sur une base volontaire. En Norvège, la publicité des revenus et des patrimoines concerne l’ensemble des contribuables, et non les seuls parlementaires ;
– même dans les États qui la pratiquent, la publicité est rarement totale. Si la transparence en matière de déclarations de patrimoine semble particulièrement poussée dans certains pays, tels que le Royaume-Uni, la Suède, la Finlande ou l’Espagne, la publicité est, le plus souvent, partielle et encadrée. Ainsi, en Allemagne, les élus du Bundestag sont tenus de publier leurs intérêts financiers et leurs revenus annexes (« Nebeneinkünfte ») s’ils excèdent 1 000 euros par mois, mais pas leur patrimoine. Au Québec, les déclarations d’intérêts des députés remises au Commissaire à l’éthique et à la déontologie sont strictement confidentielles ; seule une synthèse est publiée chaque année sur le site internet du Commissaire. En Italie, les déclarations de patrimoine des parlementaires (qui comportent une copie de leurs déclarations de revenus) sont consultables sur place, à la Chambre des députés et au Sénat, par les citoyens inscrits sur les listes électorales (143) ;
– la publicité ne garantit, à elle seule, ni la sincérité des déclarations ni leur contrôle effectif, comme l’a montré, par exemple, le scandale des notes de frais révélé en 2009 en Grande-Bretagne ou l’absence de réelle vérification, jusqu’à récemment, des déclarations de patrimoine et de revenus en Grèce (144). Dans le même sens, à l’issue de plusieurs déplacements à l’étranger, la mission d’information du Sénat sur les conflits d’intérêts a estimé que « cette conception du contrôle des conflits d’intérêts (qui fait peser sur les citoyens la responsabilité d’assurer la probité des parlementaires et des responsables publics en général) semble, dans les faits, peu efficace (...). Vos co-rapporteurs ont constaté que le système de contrôle "par le peuple" instauré aux États-Unis et en Allemagne était largement défectueux (...) et que l’une de ses conséquences directes était la quasi-absence de sanctions disciplinaires prononcées à l’encontre des parlementaires "fautifs" par leur Assemblée. En d’autres termes, le contrôle des parlementaires par le peuple reste largement théorique et ce, même dans des pays qui ont une forte tradition de "surveillance" des élites par le peuple, comme les États-Unis, si bien que les systèmes de "contrôle populaire" sont en réalité des systèmes où il n’existe aucun organe de contrôle. Ce contrôle a également des effets pervers, comme le groupe de travail a pu l’observer en Allemagne : partant de l’idée que la seule sanction valable pour punir un manquement aux règles de déontologie commis par un parlementaire est celle des citoyens et que ceux-ci peuvent l’exprimer lors des prochaines élections, les parlementaires des pays qui pratiquent un contrôle "par le peuple" ont tendance à considérer que la réélection vaut absolution et que, en votant pour un élu ayant eu une conduite discutable sur le plan des conflits d’intérêts, le citoyen a notamment voulu montrer que l’élu en cause était honnête et attaché à la défense de l’intérêt général » (145).
Pour votre rapporteur, la priorité devrait donc consister à conférer à la future Haute autorité de la transparence de la vie publique les prérogatives et les moyens lui permettant d’exercer un contrôle effectif et rigoureux des déclarations de situation patrimoniale et des déclarations d’intérêts et d’activités.
Pour autant, la publicité peut également avoir des vertus, comme l’a, par exemple, montré la révélation du scandale des notes de frais en Grande-Bretagne en 2009. En conséquence, il revient au législateur organique de déterminer les conditions d’une publicité respectueuse de la vie privée des parlementaires et des droits des tiers. C’est d’ailleurs ce qu’a indiqué le chef de l’État lors de sa conférence de presse du 16 mai dernier : « Il ne s’agit pas de faire de l’exhibition ; je suis conscient que les parlementaires veulent avoir une protection de leur vie privée. Je suis pour la transparence des déclarations d’intérêts et des patrimoines ».
La solution proposée par votre rapporteur et adoptée par votre Commission répond aux préoccupations qui précèdent. Elle prévoit une publicité sans publication des déclarations de patrimoine des parlementaires (146).
À titre de comparaison, il faut rappeler que les directions départementales des finances publiques tiennent aujourd’hui, par commune, des listes nominatives des personnes soumises à l’impôt sur le revenu (147). Ces listes, qui peuvent être consultées par les autres contribuables, comportent le nom du contribuable concerné, la première lettre de son prénom, son adresse, le nombre de parts retenues pour le calcul du quotient familial, le revenu imposable et le montant de l’impôt mis à sa charge.
En application des alinéas 2 et suivants de l’article L.O. 135-2 du code électoral, les déclarations de situation patrimoniale seront rendues publiques sous la forme d’un droit de consultation en préfecture par tout citoyen inscrit sur les listes électorales. Le fait de publier ou de divulguer les informations ainsi recueillies sera puni des peines mentionnées à l’article 226-1 du code pénal, qui sanctionne d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende les atteintes à la vie privée.
Par rapport au texte initial du Gouvernement, l’exactitude, l’exhaustivité et la sincérité des déclarations de patrimoine seront renforcées. En effet, le texte adopté par votre Commission étend aux parlementaires la procédure systématique de contrôle, au dépôt, de la déclaration de patrimoine par la Haute autorité et l’administration fiscale – tant en début qu’en fin de mandat. Cette procédure n’est, dans le texte initial, prévue que pour les membres du Gouvernement (I de l’article 4 du projet de loi).
Concrètement, la Haute autorité transmettra les déclarations de patrimoine à l’administration fiscale, qui devra fournir dans les soixante jours tous les éléments permettant à la Haute autorité d’exercer son contrôle. Dans les six semaines (148) suivant la réponse de l’administration fiscale, la Haute autorité pourra, après avoir permis au député concerné de présenter ses observations, assortir les déclarations de patrimoine de toute appréciation qu’elle estime utile quant à leur exhaustivité, leur exactitude et leur sincérité. Ce sont ces déclarations, observations et, le cas échéant, appréciations qui pourront être consultées en préfecture par les électeurs.
La seule limite à cette publicité réside, sans changement par rapport au texte du Gouvernement, dans les éléments non susceptibles d’être rendus publics en application du II de l’article L.O. 135-2 du code électoral (essentiellement les noms des proches ou d’autres tiers). Votre Commission n’a apporté qu’une précision en la matière, en prévoyant que l’évaluation rendue publique :
– de la valeur des biens détenus en communauté correspond à la moitié de leur valeur vénale ;
– de la valeur des biens indivis correspond à la part des droits détenus par le déclarant dans l’indivision.
L’objectif est de ne rendre publique, non la totalité de la valeur financière des biens communs ou indivis, mais la seule valeur correspondant à la proportion effectivement détenue par le parlementaire. Autrement dit, l’ensemble des biens propres, communs et indivis lui appartenant devra figurer dans la déclaration de patrimoine, mais leur valeur financière communicable au public sera ramenée à sa réelle proportion.
Enfin, sur proposition de M. René Dosière, la commission des Lois a prévu que les citoyens qui consultent les déclarations de patrimoine peuvent adresser à la Haute autorité « toute observation écrite » relative à ces déclarations. En revanche, toute autre forme de divulgation les exposerait aux sanctions pénales précitées.
Votre commission des Lois n’a, en revanche, pas modifié les modalités de publicité des déclarations d’intérêts : celles-ci seront publiées, sous le contrôle de la Haute autorité de la transparence de la vie publique, dans les mêmes limites que celles prévues au II de l’article L.O. 135-2 du code électoral, qui exclut de la publicité certains éléments attentatoires aux droits des tiers. Il appartiendra au décret en Conseil d’État pris après avis de la CNIL prévu au III du même article de préciser les modalités techniques de cette publicité, en particulier le site internet sur lequel les déclarations d’intérêts seront rendues publiques.
Article L.O. 135-3 du code électoral
Communication des déclarations fiscales des députés et sénateurs
Le III du présent article tend à modifier l’article L.O. 135-3 du code électoral, relatif à la communication de certaines déclarations fiscales des membres du Parlement.
Introduit par la loi organique n° 2011-410 du 14 avril 2011 précitée, à l’initiative de votre commission des Lois, cet article permet actuellement à la Commission pour la transparence financière de la vie politique de demander à un parlementaire communication des déclarations qu’il a souscrites en application des articles 170 à 175 A du code général des impôts et, le cas échéant, en application de l’article 885 W du même code, c’est-à-dire, respectivement les déclarations d’impôt sur le revenu (IR) et les déclarations d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). En l’absence de communication dans les deux mois, la Commission peut directement s’adresser à l’administration fiscale pour obtenir copie de ces déclarations.
L’octroi de cette nouvelle prérogative (149) répondait à une demande récurrente de la Commission, qui regrettait de ne pouvoir porter une appréciation suffisamment fine sur la sincérité des déclarations de patrimoine, en particulier lorsqu’elle observait des variations inexpliquées en cours de mandat.
En conséquence – et faute d’avoir obtenu que les déclarations de patrimoine mentionnent les revenus annuels perçus pendant la durée du mandat (150) –, la Commission peut désormais s’appuyer sur les déclarations fiscales pour apprécier et contrôler l’évolution des situations patrimoniales. En pratique, depuis l’entrée en vigueur des lois du 14 avril 2011, la Commission a adressé plus de soixante demandes de déclarations fiscales à l’ensemble des assujettis. Dans environ une demi-douzaine de cas, elle a été contrainte, faute de réponse des intéressés, de solliciter la direction générale des finances publiques.
Le présent projet de loi organique renforcerait sensiblement les pouvoirs de l’autorité de contrôle, qui deviendrait désormais la Haute autorité de la transparence de la vie publique (1° du III du présent article).
En premier lieu, la possibilité d’obtenir transmission des déclarations d’IR et d’ISF serait étendue aux déclarations souscrites par le conjoint séparé de biens, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin du parlementaire concerné (2° et 3° du III du présent article). Comme pour les déclarations du parlementaire lui-même, la Haute autorité pourrait, à défaut d’avoir obtenu communication des déclarations demandées, s’adresser à l’administration fiscale afin d’en obtenir une copie.
Cet élargissement des pouvoirs de l’autorité de contrôle répond à l’une des préconisations de la Commission pour la transparence financière de la vie politique : dans son dernier rapport, la Commission estime qu’elle « devrait pouvoir étendre ses investigations au patrimoine des proches de l’assujetti (conjoint séparé de biens, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, enfants mineurs dont l’assujetti, son conjoint, son partenaire ou son concubin a l’administration légale des biens), afin d’empêcher les stratégies de contournement liées à un régime patrimonial particulier » (151). Le dispositif proposé au présent article va plus loin que celui qu’avait adopté votre commission des Lois lors de la discussion des lois du 14 avril 2011 (152) et qui avait été supprimé en séance, à l’initiative de M. Christian Jacob (153). Dans l’exposé des motifs de son amendement de suppression, ce dernier considérait que l’octroi de tels pouvoirs à la Commission pour la transparence financière de la vie politique était motivé par « la suspicion que, bénéficiant d’un enrichissement anormal du fait de ses fonctions, le député voudrait le dissimuler en en faisant bénéficier son entourage, et échapperait ainsi au contrôle de la Commission ».
Sur proposition de votre rapporteur, la commission des Lois a introduit un délai maximal de soixante jours au terme duquel l’administration fiscale doit fournir à la Haute autorité la copie des déclarations fiscales demandées – qu’il s’agisse de celles du parlementaire ou de celles de son conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité.
En deuxième lieu, la Haute autorité de la transparence de la vie publique pourrait recevoir des informations supplémentaires en demandant à l’administration fiscale d’exercer son droit de communication auprès d’établissements financiers (4° du III du présent article).
Prévu aux articles L. 81 et suivants du livre des procédures fiscales, le droit de communication permet à l’administration fiscale de prendre connaissance et, au besoin, copie de documents utiles à l’établissement de l’assiette d’un impôt ou à l’exercice d’un contrôle fiscal. Il peut s’agir de documents détenus par le contribuable concerné, mais aussi – et, en pratique, surtout – de documents détenus par des tiers : entreprises, banques (154), administrations, organismes divers (155). Dans la rédaction proposée, seuls les établissements financiers (banques, compagnies d’assurance, etc.) seraient concernés – y compris pour recueillir auprès d’eux des informations relatives aux transferts de fonds vers l’étranger (156). En revanche, la Haute autorité ne pourrait pas solliciter Tracfin, service régi par l’article 561-23 du code monétaire et financier (157) – celui-ci n’étant d’ores et déjà susceptible d’être saisi par les juridictions que dans des cas très limités (158).
Selon la jurisprudence, le droit de communication de l’administration fiscale peut être exercé sans formalités particulières à l’égard de la personne ou de l’organisme à qui la communication de documents est demandée, sans obligation d’informer le contribuable concerné. À la différence d’une procédure de vérification (159), il s’agit d’une simple opération de collecte de documents par les agents de l’administration fiscale, qui ne saurait donner lieu à un examen critique de leur contenu. Le refus de communication est passible d’une amende de 1 500 euros (160).
Le texte initialement proposé posait plusieurs difficultés :
– dans la première phrase, la référence à l’article L. 96-1 du livre des procédures fiscales était erronée, l’intention du Gouvernement étant manifestement de viser l’article L. 96 A, qui permet à l’administration fiscale d’obtenir communication par les banques d’informations sur des transferts de fonds à l’étranger ;
– cette même première phrase est inutile, son contenu étant entièrement couvert par la deuxième phrase (l’article L. 96 A étant inclus dans la section du livre des procédures fiscales qui y est mentionnée) ;
– sur le fond, le droit de communication ainsi visé apparaissait trop restreint, puisque seuls des « établissements financiers » (banques, compagnies d’assurances, etc.) pouvaient être sollicités.
En conséquence, à l’initiative de son rapporteur, votre Commission a élargi les pouvoirs de la Haute autorité de la transparence de la vie publique :
– en lui permettant de demander à l’administration fiscale d’exercer son droit de communication dans toute son étendue. Des informations pourraient ainsi être collectées, non seulement auprès des établissements financiers, mais aussi – notamment – auprès des administrations, des entreprises (employeurs, sociétés versant des revenus de capitaux mobiliers, agences immobilières, opérateurs de communication électronique, établissements de jeux etc.), de dépositaires de documents publics (notaires, huissiers de justice, etc.) ou encore d’autorités indépendantes (Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, Autorité de régulation des jeux en ligne) :
– en fixant à l’administration fiscale un délai maximal de réponse de soixante jours, à compter de la demande d’exercice par la Haute autorité du droit de communication.
Par ailleurs, dans le cadre de la mission de vérification et de contrôle revenant à la Haute autorité de la transparence de la vie publique, les agents de l’administration fiscale seraient déliés du secret professionnel à l’égard des membres de la Haute autorité. Une disposition similaire est actuellement prévue à l’égard des membres du Conseil constitutionnel et de ses rapporteurs adjoints, à l’occasion des enquêtes qu’ils effectuent pour contrôler les comptes de campagne des candidats à l’élection du président de la République (161). Suivant ce modèle, votre Commission a élargi aux rapporteurs de la Haute autorité le bénéfice de l’absence d’opposabilité du secret professionnel par les agents de l’administration fiscale.
En troisième lieu, une sanction pénale d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende serait désormais susceptible d’être prononcée à l’encontre d’un membre du Parlement refusant de communiquer les déclarations fiscales demandées par la Haute autorité. Le présent article ne le prévoit pas explicitement, mais, au cas par cas, le juge répressif pourrait considérer qu’il s’agit de données « utiles à l’exercice de [la] mission » de la Haute autorité au sens du nouvel article L.O. 135-4 du code électoral (voir ci-après). Là encore, cette modification va dans le sens – et même au-delà – des recommandations de la Commission pour la transparence financière de la vie politique : « une sanction de 15 000 euros d’amende devrait être prévue en cas de refus par l’intéressé de transmettre ses déclarations fiscales, afin de favoriser autant que possible la transmission spontanée des documents à la commission et de simplifier les procédures devant la commission » (162).
En quatrième et dernier lieu, sur proposition de votre rapporteur, la commission des Lois a ajouté que la Haute autorité peut, en vue de recueillir toute information utile à l’accomplissement de sa mission de contrôle, demander à l’administration fiscale de déclencher les procédures d’assistance administrative internationale (163).
Il s’agit de mettre en œuvre les mécanismes d’assistance réciproque entre États, qui permettent des échanges de renseignements avec les administrations fiscales d’autres pays. Ces procédures sont régies par les conventions bilatérales auxquelles la France est partie et, s’agissant des échanges avec les États de l’Union européenne, par les articles L. 283 A et suivants du livre des procédures fiscales.
Article L.O. 135-4 du code électoral
Pouvoir d’injonction et droit de communication de la Haute autorité de la transparence de la vie publique
Introduit par le IV du présent article, le nouvel article L.O. 135-4 (164) du code électoral conférerait un pouvoir d’injonction à la Haute autorité de la transparence de la vie publique.
Celui-ci pourrait être employé à l’encontre d’un parlementaire dont l’une des déclarations, de situation patrimoniale ou d’intérêts et d’activités, s’avérerait incomplète. Sauf à ce que le député omette de déclarer un élément notoire de son patrimoine ou de ses intérêts, la mise en œuvre de ces dispositions suppose que la Haute autorité dispose d’informations lui permettant de constater le caractère incomplet de la déclaration. Seraient concernées par ce pouvoir d’injonction l’ensemble des déclarations prévues à l’article L.O. 135-1 : déclarations initiales ; le cas échéant, déclarations modificatives en cours de mandat ; déclarations – de situation patrimoniale – de fin de mandat.
Une injonction pourrait également être prononcée à l’encontre d’un parlementaire qui n’aurait pas donné suite à une demande d’explications adressée par la Haute autorité de la transparence de la vie publique.
Dans les deux cas, le parlementaire devrait répondre « sans délai » à cette injonction, en complétant sa déclaration ou en fournissant les explications demandées. Dans le cas contraire, après que le parlementaire ait été « mis en mesure de produire ses observations » (deuxième alinéa de l’article L.O. 135-5) la Haute autorité saisirait le parquet. Le refus de donner suite à l’injonction serait passible d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Il s’agit de la même peine que celle applicable aux injonctions susceptibles d’être prononcées contre un membre du Gouvernement (165).
Comme on l’a vu ci-avant, la même sanction pénale serait prévue dans le cas où un parlementaire refuserait de communiquer à la Haute autorité « les informations et pièces utiles à l’exercice de sa mission ». Ce droit de communication ainsi conféré à la Haute autorité devrait lui permettre d’exercer un contrôle bien plus effectif que celui aujourd’hui réalisé par la Commission pour la transparence financière de la vie politique.
La délimitation des documents susceptibles d’être communiqués à la Haute autorité – parmi lesquels peuvent figurer les déclarations de revenus et d’impôt de solidarité sur la fortune (166) – n’est pas précisément fixée par le projet de loi organique. C’est donc le juge répressif qui, in fine, devrait décider si telle ou telle pièce ou information est bien utile à l’exercice de la mission de la Haute autorité, c’est-à-dire, en l’espèce, au contrôle des déclarations des membres du Parlement (167).
À l’instar de la méconnaissance d’une injonction, le refus de communiquer une information ou un document entraînerait, après le recueil des observations du parlementaire, la saisine du parquet par la Haute autorité de la transparence de la vie publique (deuxième alinéa de l’article L.O. 135-5).
À l’initiative de son rapporteur, votre Commission a complété le dispositif proposé au futur article L.O. 135-4 du code électoral sur un point : alors que le fait de ne pas donner suite aux injonctions de la Haute autorité est pénalement sanctionné, le texte initial du Gouvernement ne précise pas à partir de quand il pourra être considéré que le parlementaire n’a pas déféré à l’injonction. Afin de remédier à cette lacune, le texte adopté par la Commission fixe un délai d’un mois à compter de la notification de l’injonction. Cela a également pour conséquence que l’injonction devra prendre la forme d’une procédure écrite.
Article L.O. 135-5 du code électoral
Contrôle de la variation des situations patrimoniales
Introduit par le IV du présent article, le nouvel article L.O. 135-5 du code électoral (168) donnerait à la Haute autorité de la transparence de la vie publique la mission d’apprécier la variation des situations patrimoniales des membres du Parlement.
Dans l’hypothèse où la Haute autorité constaterait des évolutions patrimoniales inexpliquées, elle transmettrait le dossier au parquet. Là encore, le parlementaire concerné devrait, au préalable, avoir été mis en mesure de produire ses observations.
Les mêmes dispositions, prévues à l’article 3 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 précitée (169), s’appliquent aujourd’hui à la Commission pour la transparence financière de la vie politique. Cette dernière a toutefois, à plusieurs reprises, regretté l’absence de conséquence d’une saisine du parquet. Dans son dernier rapport, la Commission indique avoir procédé, depuis sa création en 1988, à douze transmissions au parquet – sans qu’il soit précisé si celles-ci concernaient un parlementaire ou un autre responsable public entrant dans son champ de compétence. La Commission déplore que la dernière transmission en date ait fait l’objet d’un classement sans suite : « il s’agit (...) du douzième classement sans suite qui est opposé à la commission : 100 % des saisines du parquet ont donné lieu à de tels classements. S’il est vrai qu’un enrichissement inexpliqué ne constitue pas par lui-même un délit, un tel résultat n’en est pas moins clairement décevant » (170). Le même constat peut être de nouveau dressé aujourd’hui, le nombre total de transmissions au parquet ayant, depuis, été porté à quatorze – dont six saisines du parquet concernant des parlementaires (quatre députés et deux sénateurs).
À l’issue de la présente réforme, les transmissions au parquet devraient être davantage étayées, la Haute autorité disposant de prérogatives renforcées pour contrôler les déclarations et pour obtenir communication de documents, notamment fiscaux. C’est d’ailleurs pourquoi le premier alinéa de l’article L.O. 135-5 préciserait que la variation de situations patrimoniales s’apprécie, non seulement au regard des déclarations de patrimoine, mais aussi des observations faites par les parlementaires, ainsi que « des autres éléments » dont la Haute autorité dispose.
Précisons que l’appréciation de l’évolution de la situation patrimoniale n’a pas vocation à être contrôlée seulement en fin de mandat parlementaire, mais aussi pendant ce dernier, au moyen des déclarations faisant état de modifications substantielles du patrimoine des membres du Parlement (prévues au deuxième alinéa de l’article L.O. 135-1).
On observera, enfin, qu’à l’inverse des dispositions prévues à l’article 14 pour les autres acteurs publics tenus à une déclaration de patrimoine, la Haute autorité ne disposerait pas du pouvoir de publier au Journal officiel un rapport spécial signalant des évolutions de patrimoine pour lesquelles elle ne disposerait pas d’explication.
Article L.O. 135-6 du code électoral
Saisine du Bureau de l’Assemblée nationale ou du Sénat en cas de manquement aux obligations déclaratives
Introduit par le IV du présent article, le nouvel article L.O. 135-6 du code électoral (171) disposerait que lorsqu’elle constate un « manquement aux obligations » prévues à l’article L.O. 135-1, relatif aux déclarations de situation patrimoniale et aux déclarations d’intérêts et d’activités, la Haute autorité de la transparence de la vie publique saisit le Bureau de l’Assemblée nationale – ou le Bureau du Sénat, l’ensemble des dispositions du présent article étant également applicables à ce dernier. Il s’agit plus que d’une simple information du Bureau de l’assemblée concernée, ce qui implique que ce dernier ait à agir une fois saisi par la Haute autorité.
Compte tenu de la nouvelle rédaction de l’article L.O. 135-1 du code électoral (résultant du I du présent article), les manquements en question concerneraient uniquement des obligations déclaratives. Plus précisément, il s’agirait de sanctionner la méconnaissance des obligations relatives :
– en début de mandat, au dépôt d’une déclaration de situation patrimoniale et d’une déclaration d’intérêts et d’activités ;
– en cours de mandat, au dépôt d’une déclaration de modification substantielle de la situation patrimoniale, des intérêts ou des activités ;
– en fin de mandat, au dépôt d’une déclaration de situation patrimoniale.
La notion de « manquement aux obligations » prévues à l’article L.O. 135-1 mérite néanmoins d’être précisée :
– il ne s’agit manifestement pas de sanctionner une absence de déclaration, ce cas étant couvert par l’article L.O. 136-2, modifié par le V du présent article (voir ci-après), au terme d’une procédure qui peut aboutir à l’inéligibilité et à la démission d’office du parlementaire concerné ;
– il s’agit plus vraisemblablement de sanctionner une déclaration incomplète, inexacte ou insincère (qu’il s’agisse du patrimoine, des intérêts ou des activités). Chaque assemblée serait libre d’en tirer toutes les conséquences, en suivant ses propres procédures déontologiques ou disciplinaires, celles-ci pouvant s’ajouter, le cas échéant, aux sanctions pénales précitées, prévues au cinquième alinéa de l’article L.O. 135-1 (172).
En l’état du droit, les seules dispositions internes à l’Assemblée nationale susceptibles de s’appliquer, à l’issue d’une telle saisine de la Haute autorité, concernent le cas d’une déclaration d’intérêts fausse ou incomplète, qualifié de manquement au code de déontologie par le dernier alinéa de l’article 4 de la décision du Bureau du 6 avril 2011 (173).
C’est alors au déontologue de l’Assemblée nationale qu’il appartient de faire au député concerné les « préconisations nécessaires pour lui permettre de se conformer à ses devoirs ». Si le député conteste avoir manqué à ses devoirs ou s’il estime ne pas devoir suivre les préconisations du déontologue, ce dernier saisit le Président de l’Assemblée nationale, qui doit alors saisir le Bureau afin que celui-ci statue, dans les deux mois, sur le manquement. Cette saisine n’est pas rendue publique. Si, à l’issue d’une procédure contradictoire (174), le Bureau conclut à l’existence d’un manquement, il rend publiques ses conclusions et en informe le député, qui doit prendre toutes dispositions pour se conformer à ses devoirs (175). Comme l’a relevé M. Jean Gicquel, premier déontologue de l’Assemblée nationale, « à défaut de sanctions disciplinaires, à l’exemple des représentants au Parlement européen, la publicité doit être considérée, en l’occurrence, comme la seule sanction encourue, susceptible de jeter un discrédit sur l’élu » (176).
La procédure prévue au nouvel article L.O. 135-6 du code électoral pourrait également permettre à la Haute autorité de porter à la connaissance du Bureau d’une assemblée parlementaire le caractère erroné ou incomplet des activités professionnelles ou d’intérêt général mentionnées dans la déclaration d’intérêts et d’activités d’un parlementaire. Le Bureau serait ainsi mis à même d’exercer les prérogatives qu’il tient de l’article L.O. 151-2 du code électoral (177) pour examiner leur compatibilité avec le mandat parlementaire et, en cas de doute, saisir le Conseil constitutionnel.
Votre commission des Lois a complété le présent article, afin d’étendre l’obligation d’information du Bureau par la Haute autorité en cas de manquement par un député aux obligations prévues à l’article L.O. 135-4, c’est-à-dire en cas d’absence de réponse aux injonctions de la Haute autorité ou de refus de communiquer des informations et pièces utiles à l’exercice de sa mission.
Article L.O. 136-2 du code électoral
Saisine du Bureau de l’Assemblée nationale ou du Sénat en cas d’absence de déclaration de situation patrimoniale ou de déclaration d’intérêts et d’activités
Le V du présent article fixe, à l’article L.O. 136-2 du code électoral, les conséquences d’une absence de déclaration de situation patrimoniale ou de déclaration d’intérêts et d’activités par un député ou un sénateur.
D’une part, la Haute autorité de la transparence de la vie publique serait substituée à la Commission pour la transparence financière de la vie politique pour l’exercice du pouvoir de saisine du Bureau de l’assemblée parlementaire en cas d’absence de dépôt d’une des déclarations mentionnées à l’article L.O. 135-1.
D’autre part, le régime des sanctions serait modifié. En droit positif, seule l’absence de déclaration de situation patrimoniale est concernée par la procédure prévue à l’article L.O. 136-2. Celle-ci permet au Bureau de l’assemblée de saisir, sans pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité d’une telle saisine, le Conseil constitutionnel en vue de faire constater, le cas échéant, l’inéligibilité du parlementaire concerné et de le déclarer démissionnaire d’office. Il s’agit d’une inéligibilité d’une durée d’un an, conformément au 3° de l’article L.O. 128 (178).
Du fait de la modification précitée de l’article L.O. 135-1, cette procédure s’étendrait désormais à l’absence de déclaration d’intérêts et d’activités. Cela contrasterait doublement avec le droit actuel :
– l’absence de dépôt d’une déclaration d’intérêts n’a aujourd’hui aucune conséquence légale, chaque assemblée s’étant dotée de ses propres règles en la matière. À l’Assemblée nationale, le défaut d’établissement d’une déclaration d’intérêts constitue un manquement au code de déontologie, en application du dernier alinéa de l’article 4 de la décision du Bureau du 6 avril 2011 (179) ;
– l’absence de dépôt d’une déclaration d’activités peut, certes, aujourd’hui aboutir à une déclaration de démission d’office du parlementaire par le Conseil constitutionnel, saisi par le Bureau de l’assemblée ou le garde des Sceaux (article L.O. 151-3) (180), mais celle-ci n’emporte aucune inéligibilité (article L.O. 151-4). Désormais, la même inéligibilité annuelle qu’en cas de défaut de déclaration de patrimoine viendrait sanctionner l’absence de dépôt d’une déclaration d’intérêts et d’activités.
Comme dans le texte actuel, le Bureau ne disposera d’un pouvoir d’appréciation : aux termes du deuxième alinéa de l’article L.O. 136-2, il lui appartiendrait, après avoir été saisi par la Haute autorité, de saisir le Conseil constitutionnel.
On observera qu’à la différence des autres personnes soumises à obligation de déclaration (II de l’article 18 du projet de loi), aucune sanction pénale n’est prévue à l’encontre des parlementaires qui ne déposeraient pas leur déclaration de patrimoine ou leur déclaration d’intérêts et d’activités. Toutefois, la sanction électorale – perte du mandat, assortie d’une inéligibilité d’un an – semble suffisamment dissuasive pour qu’un parlementaire n’omette pas de procéder aux obligations déclaratives qui lui incombent (181). En outre, demeurera en vigueur la disposition selon laquelle le remboursement forfaitaire par l’État des dépenses électorales n’est pas versé au candidat qui n’a pas déposé sa déclaration de situation patrimoniale (182).
En tout état de cause, le véritable enjeu résidera, en pratique, dans le contrôle du contenu des déclarations, non dans la simple constatation de leur remise.
*
* *
La Commission est saisie des amendements CL 66 de M. Jean-Frédéric Poisson et CL 73 de M. Guy Geoffroy, tendant à la suppression de l’article.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. MM. Poisson et Geoffroy s’étant largement exprimés, puis-je considérer qu’ils ont défendu ces amendements ?
M. Jean-Frédéric Poisson. Soit, pour cette fois.
M. Guy Geoffroy. Nous souhaitons supprimer cet article mais cela ne veut pas dire, bien au contraire, que nous refusions la transparence. Nous signifions simplement ainsi que nous réprouvons votre méthode.
M. François de Rugy. Je remercie nos collègues du groupe UMP d’avoir déposé ces amendements qui clarifient leurs intentions, mais je les invite à nous dire comment ils comptent organiser la transparence et, accessoirement, à faire preuve de plus de mesure dans leurs exposés des motifs : parler de « régime d’inquisition » est un peu excessif.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements.
Elle examine ensuite l’amendement CL 3 du rapporteur.
M. le rapporteur. Nous devons examiner quelque trois cents amendements, mais je tiens à préciser qu’ils se retrouvent à la fois dans les projets de loi organique et ordinaire et que les explications données pour l’un devraient valoir pour l’autre. En outre, je serai des plus concis pour tenter de vous convaincre de la pertinence de nombre d’amendements rédactionnels. Enfin, j’ai proposé beaucoup d’amendements visant à homogénéiser les délais relatifs à toutes les catégories d’assujettis et aux diverses déclarations qui leur sont imposées, ce à des fins d’harmonisation et de lisibilité de la loi.
En l’espèce, je vous propose de maintenir le délai de deux mois pour la remise par les députés de leur déclaration de situation patrimoniale.
M. Sébastien Denaja. Je salue cet effort d’homogénéisation mais, deux mois, cela nous amène au cœur du mois d’août, date à laquelle l’actuelle Commission pour la transparence financière de la vie politique est aux abonnés absents. Sachant que le non-dépôt de la déclaration entraîne la démission d’office du parlementaire, le problème qui se pose n’est pas simplement formel.
M. le rapporteur. La Haute autorité travaillera en permanence, ce qui n’était pas le cas de la Commission pour la transparence.
M. René Dosière. Depuis vingt-cinq ans, personne n’a été déclaré inéligible pour avoir déposé sa déclaration en retard !
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement de précision CL 22 du rapporteur.
Elle est saisie de l’amendement CL 72 de M. René Dosière.
M. René Dosière. Il convient de préciser que les déclarations d’impôt sur le revenu et, le cas échéant, d’impôt de solidarité sur la fortune, devront automatiquement être jointes à la déclaration de patrimoine.
M. le rapporteur. La Haute autorité doit certes pouvoir disposer de l’ensemble des éléments nécessaires à l’évaluation des revenus de la personne assujettie, mais l’amendement CL 21, à venir, me semble préférable au vôtre dans la mesure où celui-ci pourrait conduire à ensevelir la Haute autorité sous les papiers. Surtout, tel qu’il est rédigé, l’oubli d’une seule déclaration entraînerait la démission d’office du parlementaire et son inéligibilité. Je vous suggère donc de le retirer.
L’amendement CL 72 est retiré.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL 1 du rapporteur.
Elle est saisie de l’amendement CL 19 du rapporteur.
M. le rapporteur. Il convient de porter de trois à cinq ans la période rétrospective sur laquelle devra porter la déclaration d’intérêts des parlementaires, conformément à la pratique actuelle de l’Assemblée nationale et à la recommandation de la commission Jospin.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine les amendements identiques CL 2 du rapporteur, CL 35 de M. Lionel Tardy et CL 57 de M. François de Rugy.
M. le rapporteur. La déclaration d’intérêts devant être la plus complète possible, il n’y a pas de raison pour que la personne assujettie ne fasse pas apparaître des activités exercées au titre de son mandat.
M. Lionel Tardy. Je m’étonne en effet que l’alinéa 3 dispense de mentionner ces activités. Le principe même d’une exception me dérange car cela revient à ouvrir une brèche dans le dispositif : une déclaration qui ne serait pas exhaustive perdrait tout sens.
Les activités exclues par l’article L.O. 148 sont celles qu’exerce un parlementaire « cumulard » dans le cadre de son mandat local, afin de représenter la région, le département ou la commune au sein de certains organismes. J’aurai l’occasion d’y revenir en proposant la suppression de cet article L.O. 148 : il s’agit de fonctions normalement incompatibles avec un mandat parlementaire, mais que l’on autorise à un parlementaire de détenir en oubliant qu’il est parlementaire pour prendre seulement en compte son mandat local. Il est hypocrite de croire que l’on puisse être schizophrène à ce point et qu’il soit possible de séparer le parlementaire de l’élu local. La déclaration d’intérêts doit concerner tous les champs d’activité du député : le mandat parlementaire comme les autres mandats ou les intérêts privés.
M. François de Rugy. Avec la fin annoncée du cumul des mandats, la question ne se posera sans doute plus de la même manière. Mais, même non assorti de fonctions exécutives, l’exercice d’un simple mandat de conseiller municipal, général ou régional peut conduire à siéger dans un conseil d’administration, ou à diriger une société d’économie mixte ou un office public d’HLM, par exemple. Or de telles activités peuvent être sources de conflits d’intérêts. Il est donc légitime de les mentionner dans la déclaration.
M. le ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à l’adoption de ces amendements.
La Commission adopte les amendements identiques.
Puis elle examine l’amendement CL 8 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement précise que le député peut joindre des observations à chacune de ses déclarations.
La Commission adopte l’amendement.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CL 87 du rapporteur.
M. le rapporteur. Le texte du projet de loi organique ne mentionne que l’indivision entre époux, et non les biens indivis détenus, par exemple, avec le concubin ou le partenaire de PACS du déclarant. Je suggère que tous les biens en indivision soient mentionnés dans la déclaration de patrimoine.
M. le ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à l’amendement, tout en souhaitant qu’il fasse l’objet, avant l’examen en séance publique, d’une expertise pour en déterminer les conséquences au regard des régimes matrimoniaux.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement CL 50 du rapporteur.
M. le rapporteur. Le projet de loi organique prévoit que toute modification substantielle du patrimoine intervenue au cours d’un mandat parlementaire donne lieu à une mise à jour de la déclaration. L’amendement propose de fixer un délai d’un mois pour remplir cette obligation.
M. le ministre délégué. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Commission. Un délai d’un mois paraît satisfaisant, mais nous devons tout de même veiller à laisser le temps nécessaire pour se procurer certains documents.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Je reconnais qu’il est sage de fixer un délai, mais à partir de quand le faire partir ? Quel sera le fait générateur ? Cela peut être source de difficultés.
M. Gérald Darmanin. Il ne faudrait pas que ce fait survienne au mois d’août, n’est-ce pas, monsieur Denaja ?
Mme Colette Capdevielle. Un délai d’un mois peut paraître trop bref s’il s’agit de produire un document notarié.
D’autre part, quand peut-on parler de « modification substantielle » du patrimoine : après une transaction immobilière ou l’achat d’une belle voiture de collection ?
M. le rapporteur. Non seulement nous retrouverons cette notion de modification substantielle dans la suite du texte, mais elle existe déjà dans la législation qui nous est applicable.
La mise à jour doit tout simplement être effectuée quand le patrimoine change.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. De toute façon, la déclaration est une chose, et la réponse à une demande de renseignement en est une autre. La modification du patrimoine devra être signalée, quitte à ce que cette déclaration soit complétée par la suite, à la demande de la Haute autorité, par les documents correspondants. Telle est déjà la pratique de la Commission pour la transparence financière de la vie politique.
La Commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL 4 du rapporteur.
Puis elle examine l’amendement CL 5 du même auteur.
M. le rapporteur. Il convient d’avancer dans le temps le dépôt des déclarations de patrimoine de fin de mandat, afin que la Haute autorité puisse accomplir son travail avant les élections : dans le cas où des comportements délictueux seraient révélés, les électeurs doivent en effet en être informés. Inversement, face à un adversaire qui n’est pas nécessairement soumis à l’obligation de déclarer son patrimoine, il est important, pour un parlementaire sortant, de pouvoir se prévaloir d’un avis de la Haute autorité dans le but d’éviter toute critique au sujet de son patrimoine dans le cadre du débat électoral. Je propose donc que la déclaration de fin de mandat soit déposée au plus tard six mois avant la date du scrutin.
M. le ministre délégué. Le Gouvernement est convaincu. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CL 21 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement, en faveur duquel j’ai demandé à M. Dosière de retirer le sien, prévoit que la déclaration de patrimoine comporte une récapitulation de l’ensemble des revenus perçus par le député et, le cas échéant, par la communauté depuis le début du mandat parlementaire en cours. Il appartiendra donc au député d’adresser à la Haute autorité les documents nécessaires.
M. Philippe Houillon. Je trouve cela excessif : on ne fait qu’alourdir les obligations incombant aux députés !
M. René Dosière. Il suffira au parlementaire d’adresser à la Haute autorité la copie de ses cinq déclarations de revenus. Dans l’hypothèse où le patrimoine se serait accru pendant le mandat, celle-ci ne pourrait pas vérifier que cette évolution s’est produite dans des conditions normales si elle ne connaît pas les possibilités d’épargne dont dispose l’élu. Cet amendement est donc important dans la mesure où il lui permettra de concentrer son attention sur les évolutions non conformes aux revenus du déclarant.
M. Gérald Darmanin. Cette récapitulation serait-elle consultable par le public ?
M. le rapporteur. Non, elle n’est destinée qu’à la Haute autorité. Et dans mon esprit, elle vise à la protection du député. La Haute autorité ne peut en effet formuler un avis sur l’évolution d’un patrimoine sans avoir connaissance des revenus de celui qui le détient. Cela répond d’ailleurs à une demande constante de la Commission pour la transparence financière de la vie politique. Selon son président, Jean-Marc Sauvé, sur les 11 000 variations de patrimoine observées depuis 1998, seules 14 apparaissaient délictueuses, mais la Commission n’avait pas les moyens de le vérifier, faute de connaître les revenus des parlementaires.
M. Gérald Darmanin. Dans la mesure où la protection du conjoint est une exigence que nous partageons tous, ne faudrait-il pas préciser que ces renseignements ne sont pas rendus publics ?
M. le rapporteur. La Commission est tenue au secret. Ne seront rendues publiques que les déclarations d’intérêts et de patrimoine, à l’exclusion donc des revenus.
M. Philippe Houillon. Quitte à exiger de tels renseignements, autant demander au député, comme voulait le faire M. Dosière, de joindre ses déclarations de revenus ou ses avis d’imposition.
M. René Dosière. Mon amendement ne prévoyait que l’envoi de la première et de la dernière déclaration de revenus, correspondant au début et à la fin du mandat. Celui du rapporteur est plus complet. Mais la récapitulation des revenus peut se résumer à une photocopie des cinq déclarations de revenus correspondant à la durée du mandat.
C’est en effet une mesure protectrice pour les députés, et cela évitera à la Haute autorité de devoir écrire aux élus concernés pour leur demander des explications.
Enfin, la Haute autorité sera soumise à une stricte confidentialité. On peut espérer qu’elle fera preuve de la même vigilance que l’actuelle Commission, puisqu’en vingt-cinq ans d’activité, celle-ci n’a pratiquement jamais déploré de fuites.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Je ne suis pas opposée à cet amendement. Mais même s’il n’était pas adopté, la Haute autorité pourrait toujours saisir l’administration fiscale.
M. Philippe Houillon. Justement, je souhaiterais éviter aux députés la nécessité de remplir un formulaire supplémentaire. Ne pourrait-on pas préciser dans l’amendement que l’obligation prévue est réputée satisfaite par la production de l’ensemble des déclarations d’impôt sur le revenu correspondant à la période considérée ?
En l’état, ce n’est pas ce que dit le texte. Or, lorsqu’il est question de sanctions pénales, les choses doivent être claires. Le droit pénal est d’interprétation stricte, comme vous le savez.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. La Commission me paraît suffisamment éclairée.
La Commission adopte l’amendement.
Elle en vient ensuite à l’amendement CL 49 du rapporteur.
M. le rapporteur. L’amendement vise à maintenir la règle selon laquelle un parlementaire n’est pas tenu à une nouvelle déclaration de situation patrimoniale lorsqu’il en a déjà remis une depuis moins de six mois, même si sa situation a pu évoluer depuis.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CL 33 du rapporteur.
M. le rapporteur. Un parlementaire qui ne se soumettrait pas à ses obligations déclaratives encourt la démission d’office et l’inéligibilité. Mais cette sanction est inopérante s’il est en fin de mandat et n’a pas l’intention de se représenter. Je suggère donc de maintenir la sanction prévue par le droit actuel, c’est-à-dire une amende de 15 000 euros.
M. Philippe Houillon. J’ai bien compris que l’amendement précédent, CL 83, visant à réintroduire l’adverbe « sciemment », n’était pas défendu, son auteur n’étant pas présent. Mais il s’agit d’une question extrêmement importante. Voulons-nous vraiment que la sanction s’applique de façon automatique, sans prendre en compte l’élément intentionnel ? Il me paraît indispensable de prévoir le cas où l’inexactitude de la déclaration serait le produit d’une erreur.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. L’amendement n’a pas été défendu par ses auteurs : le rapporteur n’a donc pas à vous répondre. Mais le débat pourra avoir lieu en séance si vos collègues s’y rendent pour soutenir leur amendement.
La Commission adopte l’amendement CL 33.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CL 28 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement très important détaille le contenu de la déclaration de situation patrimoniale. Je l’ai rédigé en prenant pour modèle le texte du décret du 1er septembre 1996.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement CL 29 du rapporteur.
M. le rapporteur. De la même façon, cet amendement tend à définir le contenu de la déclaration d’intérêts et d’activités.
J’attire votre attention sur le 10°, qui prévoit de mentionner dans la déclaration l’identité et les éventuelles activités professionnelles des collaborateurs du député concerné. En effet, les collaborateurs parlementaires, qui jouent un rôle indispensable au sein de cette maison, sont aujourd’hui dépourvus de statut. Or, selon le rapport remis par notre collègue Christophe Sirugue au Bureau de l’Assemblée nationale, certains d’entre eux, en raison de la précarité de leur situation – lorsqu’ils sont employés à temps partiel –, exercent une activité privée. Il me paraît donc important que les parlementaires fassent valoir leur responsabilité d’employeur et en soient informés.
M. Sébastien Denaja. Nous parlons de la déclaration d’intérêts effectuée en début de mandat, à un moment où le député peut n’avoir pas encore recruté ses collaborateurs. Faudra-t-il une nouvelle déclaration à chaque nouveau contrat d’embauche ?
M. le rapporteur. C’est un cas précis de « modification substantielle ». Aujourd’hui, de nombreux collaborateurs de députés exercent une activité privée. Compte tenu du travail qu’ils effectuent à l’Assemblée, il est normal que les déclarations d’intérêts en fassent mention.
M. René Dosière. Cette disposition s’appliquera-t-elle aux collaborateurs déjà recrutés ou seulement à ceux qui le seraient après l’entrée en vigueur de la loi ?
M. le rapporteur. Elle s’appliquera aux collaborateurs recrutés au moment où le parlementaire fait sa déclaration d’intérêts. Toute modification entraînera une mise à jour de celle-ci.
M. Lionel Tardy. De quels moyens un député dispose-t-il pour savoir qu’un de ses collaborateurs exerce une activité privée ? Je suis également chef d’entreprise : mes employés sont supposés n’exercer une activité qu’au sein de la société que je dirige, mais je ne peux pas vérifier qu’ils respectent les termes de leur contrat ! Il en est de même pour mes collaborateurs à l’Assemblée nationale. S’il s’avérait qu’ils travaillent pour une entreprise concernée par l’activité législative, quelle pourrait être la sanction ?
M. Bernard Gérard. Je m’interroge sur la légalité de cette disposition. Un député ne peut être comptable d’une déclaration faite par quelqu’un d’autre. On peut éventuellement demander au collaborateur, au moment de son recrutement, de fournir à l’Assemblée nationale les éléments permettant d’apprécier l’existence d’un conflit d’intérêts. Mais le député ne peut être responsable des manquements d’autrui, ni subir une sanction pour ce motif !
M. Gérald Darmanin. Cet amendement pose le problème de la précarisation des collaborateurs parlementaires, et donc des moyens donnés aux députés et aux sénateurs pour leur permettre de faire correctement leur travail. Sans même invoquer la question du conflit entre intérêts privés et publics, les collaborateurs n’exerceraient pas une activité dans le privé s’ils n’avaient pas besoin de compléter leurs revenus.
D’autre part, la question de M. Denaja est pertinente dans la mesure où les parlementaires tendent à multiplier les contrats.
Enfin, faut-il considérer, au nom de la transparence, qu’un parlementaire devrait signaler la relation personnelle qu’il entretient avec une personne dont l’activité privée est susceptible d’aller à l’encontre de l’intérêt public ?
Selon moi, le 10° pourrait être supprimé, quitte à mieux rémunérer les collaborateurs de députés.
M. Matthias Fekl. Si les collaborateurs de députés, nous le savons, travaillent parfois dans des conditions très difficiles, il est tout aussi vrai que certaines activités sont peu compatibles avec celles d’un collaborateur parlementaire. Il faut parvenir à une moralisation en ce domaine, et à cet égard, l’amendement me paraît important. Mais peut-on demander à un parlementaire de déclarer une situation qui ne le concerne pas directement ? S’il remet une déclaration inexacte faute d’avoir connaissance de l’activité privée d’un de ses collaborateurs, quelle sanction encourra-t-il ? Ne faudrait-il pas demander au collaborateur lui-même de déposer une déclaration d’intérêts, distincte de celle du parlementaire pour lequel il travaille ?
M. Sébastien Denaja. Le rapporteur a eu raison d’appeler notre attention sur cet aspect précis de son amendement.
Je m’interroge sur le sens juridique de la notion de collaborateur de député. Dans son Manuel de survie à l’Assemblée nationale, notre rapporteur et président distingue lui-même les collaborateurs des attachés, assistants, stagiaires, etc.
Cela étant, je souscris pleinement à l’objectif visé par l’amendement. On sait par exemple que, contrairement aux sénateurs, les députés ont tout loisir de recruter leur conjoint comme collaborateur. C’est compréhensible, mais cela peut être source de difficultés.
Le problème est d’être rendu responsable de faits imputables à quelqu’un d’autre. Je suggère donc, comme notre collègue Fekl, de demander aux collaborateurs eux-mêmes de déposer une déclaration d’intérêts, distincte de celle du député.
M. René Dosière. Le rapporteur a posé un problème important, pour lequel il faut distinguer le fond et la forme.
Sur le fond, l’amendement aurait deux conséquences. Tout d’abord, la déclaration d’intérêts étant rendue publique, chacun pourrait connaître le nom des collaborateurs du député concerné, et donc, éventuellement, les liens familiaux ou politiques qu’ils peuvent avoir avec lui.
Ensuite, on sait que 30 à 40 % de collaborateurs parlementaires sont employés par des entreprises privées. C’est certes leur droit, mais dans la mesure où ils participent aussi à la rédaction d’amendements sur des sujets pouvant toucher à l’activité des mêmes entreprises, on voit bien le risque de conflit d’intérêts : en reprenant à son compte les amendements que son collaborateur lui suggère, un parlementaire pourrait être amené à défendre à son insu les intérêts d’une société privée.
Sur la forme, maintenant, quels moyens un parlementaire a-t-il de connaître réellement les activités exercées par ses collaborateurs si ces derniers ne le lui indiquent pas ? Ne conviendrait-il pas que les collaborateurs parlementaires soient eux aussi soumis à l’obligation de déclaration d’intérêts et d’activités ?
M. Philippe Houillon. J’appelle, moi, votre attention sur le 6° de l’amendement, aux termes duquel la déclaration porte également sur « les activités professionnelles exercées à la date de la déclaration par le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin, les enfants et les parents ». La problématique est la même que pour les collaborateurs : le député engagera des tiers, éventuellement sans leur demander leur avis, dans un processus de publicité et, à l’inverse, il se trouvera engagé par les communications que ces tiers pourraient faire.
M. Pascal Popelin. C’est déjà le cas.
M. Philippe Houillon. Non. La déontologue de l’Assemblée nationale a demandé aux députés d’indiquer la profession des membres de leur parentèle, mais il n’existe aucun texte à ce sujet. Je crois d’ailleurs savoir que certains collègues ont refusé de répondre.
L’amendement n’indique même pas s’il faut demander leur accord à ces tiers. De même, doit-on considérer qu’un changement de conjoint est une « modification substantielle » impliquant une nouvelle déclaration ? On est en train de construire des usines à gaz !
Mme Marie-Françoise Bechtel. L’objectif est de responsabiliser les députés afin de moraliser le recrutement des collaborateurs. Peut-être ces collaborateurs devraient-ils être soumis à l’obligation de déclaration d’intérêts et d’activités, mais cela relève d’un autre dispositif. Je propose donc que l’on rédige ainsi le 10° : « les noms et activités professionnelles déclarés par les collaborateurs parlementaires », de sorte que la responsabilité initiale incombe au collaborateur.
M. le rapporteur. Le sujet n’ayant jamais été traité par la loi, monsieur Houillon, il est normal qu’il n’y ait pas de textes.
Dans cet alinéa consacré aux collaborateurs, j’ai souhaité appeler l’attention sur un sujet ignoré par le Parlement, celui de nos 2 400 assistants parlementaires pour lesquels il n’existe ni annuaire, ni grille indiciaire, ni convention collective – à la différence du Sénat. Beaucoup d’entre eux sont dans une précarité imposée par l’employeur. Depuis quarante ans que la fonction existe, il n’y a eu aucun progrès.
Pour ma part, lorsque j’embauche un collaborateur, j’ai une discussion approfondie avec lui. Je considère que c’est ma responsabilité d’employeur.
Il est donc important que la déclaration d’intérêts et d’activités indique avec qui le député travaille. Elle s’étend aussi à la famille, conformément à la définition même du conflit d’intérêts. S’il devait survenir une difficulté judiciaire, il appartiendra au juge d’apprécier la bonne foi du déclarant.
Comme je l’ai dit hier aux représentants des trois associations d’assistants parlementaires, il faut ouvrir un chantier déontologique à l’Assemblée nationale. Les employeurs doivent assumer leurs responsabilités. Certains assistants sont rémunérés 500 euros par mois pour un mi-temps !
M. Philippe Houillon. C’est un autre sujet.
M. le rapporteur. À ceci près que ces collaborateurs tirent des revenus d’une autre activité, privée. Dans la mesure où ils rédigent des amendements signés par les députés, il me semble important de savoir pour qui ils travaillent par ailleurs.
Cela étant, je suis conscient que ces difficultés – dont je traiterai dans le rapport car il faut avancer sur le sujet – ne relèvent pas nécessairement de la loi. C’est pourquoi je propose de rectifier l’amendement en supprimant, au 10°, les mots : « et activités professionnelles ». Mais qu’au moins les députés indiquent le nom de leurs collaborateurs !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. La discussion se poursuivra dans l’hémicycle car nous n’avons pas épuisé le sujet.
La Commission adopte l’amendement CL 29 ainsi rectifié.
Elle en vient à l’amendement CL 30 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement prévoit la consultation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés sur le futur projet de décret en Conseil d’État, consultation nécessaire dans la mesure où le dispositif aboutira à la collecte de volumes importants de données personnelles.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle est saisie de l’amendement CL 58 de M. François de Rugy.
M. François de Rugy. Il s’agit d’établir la transparence sur l’ensemble des indemnités perçues par les parlementaires au titre de leurs différents mandats. Ces informations sont actuellement très difficiles à collecter, d’autant que les indemnités locales sont modulées par les conseils municipaux, intercommunaux et autres.
M. le rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement est largement satisfait par l’amendement CL 29 rectifié.
M. François de Rugy. Pas du tout. L’amendement CL 29 rectifié ne parle que des activités professionnelles.
M. le rapporteur. Je maintiens que la déclaration d’intérêts et d’activités précisera le montant des rémunérations perçues par le député, y compris au titre d’autres mandats électifs.
La Commission rejette l’amendement.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CL 6 du rapporteur, qui fait l’objet d’un sous-amendement CL 89 de M. René Dosière.
M. le rapporteur. Il a déjà été beaucoup question ces jours derniers de l’amendement CL 6, qui propose un dispositif permettant de concrétiser les engagements du président de la République sans enfreindre le principe constitutionnel de respect de la vie privé. Est-il dès lors nécessaire de le présenter davantage ?
M. René Dosière. Je précise à l’intention de M. Geoffroy que le même dispositif existe depuis quarante ans en matière de publicité de l’impôt sur le revenu et que l’on n’a quasiment pas constaté d’accrocs.
Le sous-amendement CL 89 vise à permettre aux personnes ayant consulté une déclaration de patrimoine d’exercer, sur la base d’informations qu’elles détiennent par ailleurs, un droit d’alerte auprès de la Haute autorité lorsqu’elles estiment de bonne foi que la déclaration est inexacte. La Haute autorité pourra, le cas échéant, lancer des investigations. On évitera ainsi que ne se reproduisent les affaires que nous avons connues.
M. Jean-Frédéric Poisson. Cette proposition revient à instaurer un « contrôle fiscal pour tous ». Devant la gêne que le projet de publication systématique du patrimoine des élus a suscitée, je comprends que la majorité ait voulu trouver une porte de sortie honorable, mais le système atteint là ses limites : quelle que soit votre volonté de protéger les élus concernés contre une forme exagérée de publicité – ce dont je vous donne acte – et quelles que soient les précautions prises s’agissant de la consultation des déclarations, je vous rappelle que nous ne sommes plus au temps des copistes ! On peut facilement prédire que les données seront publiées via les moyens de communication modernes. Nous l’avons vu lors de la discussion de la loi Hadopi, il est très difficile de traquer les sites Internet estoniens ou autres, protégés par des adresses IP d’emprunt.
Bref, le dispositif proposé n’offre aucune garantie au regard de la fin qu’il poursuit. La loi, je l’ai dit, doit comprendre les conditions de son efficacité.
Enfin, monsieur Dosière, l’accès aux déclarations de patrimoine complètes des élus ne peut être comparé à l’accès à la déclaration de revenus de tout un chacun. Le rapporteur a été le premier à le reconnaître : ces déclarations accessibles et diffusables – sans limitation, quoi qu’on en dise – représentent un tout autre enjeu, notamment lors des campagnes électorales. L’amendement n’atténue en rien les dangers que présente le texte du Gouvernement.
M. Guy Geoffroy. J’avais suggéré, sans recevoir de réponse, que soient communiquées aux parlementaires concernés les coordonnées des personnes qui auraient pris connaissance de leurs déclarations d’intérêts et de patrimoine…
M. François de Rugy. L’amendement se situe un cran en dessous de ce qui se pratique depuis longtemps, sans que personne trouve à y redire, pour le président de la République, et plus récemment pour les membres du Gouvernement. Conformément à l’engagement réitéré de M. Hollande, le projet de loi prévoyait d’étendre la disposition aux membres du Parlement. L’amendement propose au contraire un dispositif de « publication non publiable ». Qu’en sera-t-il pour les journalistes, dont la profession consiste précisément à collecter des informations, à les recouper et à les porter à la connaissance du public ? On n’empêchera pas, comme l’a dit M. Poisson, les publications sauvages. De plus, la Haute autorité risque d’être instrumentalisée, par exemple lorsqu’un concurrent électoral ira consulter les déclarations d’un élu pour instiller le soupçon à son égard et, comme le sous-amendement en ouvre la possibilité, écrira à la Haute autorité et le fera savoir.
La déclaration d’intérêts et d’activités, très détaillée, peut soulever des problèmes au regard de la protection de la vie privée. Mais concernant la déclaration de patrimoine, les alinéas 15, 16 et 17 de l’article 1er du projet de loi organique posent tous les garde-fous nécessaires.
Mieux vaut s’en tenir à la transparence telle que le texte du Gouvernement l’organise. Je voterai contre cet amendement.
M. Marc Dolez. Le groupe GDR votera cet amendement qui aboutit à un point d’équilibre satisfaisant entre la transparence et le respect de la vie privée. Le dispositif s’inspire de celui qui existe depuis longtemps pour les déclarations au titre de l’impôt sur le revenu.
M. Lionel Tardy. Alors que nous étions convenus que la séance serait levée à vingt heures, nous devons examiner à vingt heures dix-huit un des amendements les plus importants à ce texte. N’aurait-il pas été préférable de reporter cette discussion à la séance du mercredi matin, où nos collègues de la commission des Lois sont plus nombreux à siéger ?
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Nous avons pris le temps de débattre. Une fois la discussion ouverte sur un amendement, il est impossible de ne pas la mener à son terme.
M. Philippe Houillon. C’est un système malsain que l’on veut instaurer. On commence avec le « contrôle fiscal pour tous » – pourquoi pas ? –, et l’on termine, avec le sous-amendement, par une incitation à la délation. Si vous voulez la transparence, faites-la complètement et revenez au texte du Gouvernement ! Au moins, les informations seront publiées : elles ne seront pas recueillies en catimini à la préfecture par une poignée de personnes, notamment en période électorale, qui feront ensuite des dénonciations à la Haute autorité. S’il doit y avoir une publicité, qu’elle soit faite de manière saine !
M. Guy Geoffroy. Cet amendement est censé conclure le débat, largement rapporté par la presse, que le Gouvernement a eu avec sa majorité. M. Dolez y voit un « point d’équilibre ». Pour moi, c’est le signe d’un réel désaccord et d’un réel déséquilibre.
Je le répète, nous considérons ces lois « Cahuzac » comme des lois de circonstance. Nous ne voulons rien refuser qui permette une véritable transparence mais, en l’occurrence, vous multipliez les faux-semblants. Rendu ainsi illisible, le texte ne fera qu’entretenir un climat délétère dans notre pays. À tout prendre, c’est l’alinéa du projet de loi gouvernemental qui établit la transparence, certainement pas cet amendement contre lequel nous voterons.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Chacun s’est exprimé dans le temps nécessaire. Vous aurez d’autres espaces de discussion, notamment en séance. Les positions de chacun sont claires et je considère que notre Commission est maintenant informée.
M. le ministre délégué. Le président de la République a déclaré, lors d’une conférence de presse, que la publication du patrimoine ne devrait pas attenter à la protection de la vie privée. Telle est donc la feuille de route qui s’impose à nous, sachant que la mesure telle qu’elle a été mise en œuvre pour les membres du Gouvernement est difficilement compatible, pour les parlementaires, avec le respect d’une telle exigence. Le Gouvernement a donc été à l’écoute des interrogations qui se sont exprimées.
Nous avons entendu les observations du rapporteur et du responsable du groupe majoritaire sur le fait qu’un contribuable peut d’ores et déjà consulter des feuilles d’impôt, y compris des parlementaires, sans que cela donne lieu à des dérives – à une exception près, célèbre mais ancienne. Cette possibilité est évidemment utilisée par les candidats qui s’affrontent dans les joutes électorales mais, en l’absence d’éléments surprenants, ils n’en font évidemment rien – et n’auraient de toute façon pas le droit d’utiliser leurs découvertes.
Il convient donc de répondre à l’obligation de publication tout en ouvrant aux citoyens un droit d’alerte, lequel n’était pas envisageable dans le cadre d’une publication « tous azimuts », si vous me passez l’expression. Le Gouvernement acquiesce à l’équilibre trouvé, c’est-à-dire à l’amendement tel que M. Dosière propose de le sous-amender : un droit de consultation dans le département d’élection – avec interdiction de divulguer les informations recueillies, sous peine de sanctions pénales –, assorti d’une possibilité d’alerter la Haute autorité. Elle seule dispose en effet de pouvoirs d’investigation, lesquels restaient très limités pour la Commission pour la transparence, comme cela ressort de son rapport annuel et des préconisations du rapport Sauvé.
La Haute autorité, en plus de disposer de ces pouvoirs d’investigation renforcés, pourra être saisie non seulement par les associations anti-corruption, mais aussi par chaque citoyen. Sans prétendre qu’il s’agit du système initialement envisagé, le Gouvernement estime que cet équilibre ouvre de nouveaux droits aux citoyens tout en garantissant la protection de la vie privée.
M. René Dosière. Mon sous-amendement n’a rien à voir avec la délation ; il concerne seulement le droit d’alerte, qui se trouve par ailleurs défini et encadré par un article du projet de loi ordinaire. Cet article précise les mesures de protection dont l’intéressé pourra bénéficier, mais aussi les conditions très strictes, à commencer par la bonne foi, sous lesquelles il peut lancer une alerte – faute de quoi il s’expose à de lourdes sanctions. Je ne propose rien d’autre que d’appliquer ce droit aux déclarations de patrimoine.
De plus, celui qui lance l’alerte resterait strictement soumis à l’interdiction de divulgation telle qu’elle est prévue par l’amendement, avec les mêmes sanctions à la clé en cas de manquement. Et cette alerte ne peut en tout état de cause être anonyme. Un tel système, loin de s’apparenter à de la délation, est réclamé depuis longtemps par les associations de lutte contre la corruption. Il existe dans le secteur privé, mais pas encore dans le secteur public.
M. le rapporteur. Cette disposition me semblerait plus à sa place dans le projet de loi ordinaire, mais j’y suis favorable.
La Commission adopte le sous-amendement CL 89.
Puis elle adopte l’amendement CL 6 ainsi sous-amendé.
En conséquence, l’amendement CL 36 tombe.
*
* *
La Commission poursuit l’examen des articles au cours de sa séance du mercredi 5 juin.
Présidence de M. Dominique Raimbourg, vice-président.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL 7 et CL 9 de M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CL 31 du rapporteur.
M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Cet amendement réintroduit une disposition permettant, à titre exceptionnel, de déroger au caractère confidentiel des données contenues dans la déclaration de patrimoine ou la déclaration d’intérêts.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CL 67 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement vise à préciser que les biens détenus en communauté ou en indivision seront valorisés à proportion de la part qu’en possède le déclarant.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CL 39 du rapporteur.
M. le rapporteur. Il s’agit de prévoir la consultation de la CNIL.
La Commission adopte l’amendement.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL 10 du rapporteur.
En conséquence l’amendement CL 68 de M. René Dosière tombe.
Elle adopte ensuite l’amendement CL 54 du rapporteur.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CL 12 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement tend à élargir les pouvoirs de la Haute autorité de la transparence de la vie publique en lui permettant de demander à l’administration fiscale d’exercer son droit de communication. D’autres amendements iront dans le même sens. Le texte du Gouvernement est explicite, mais doit parfois être précisé afin que nous puissions nous assurer que la Haute autorité dispose de tous les pouvoirs d’enquête possibles, avec un accès aux documents de l’administration fiscale – notamment à des copies des originaux, et non pas seulement à des synthèses provenant de cette administration –, et cela dans des délais contraints.
M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Le Gouvernement est favorable à cet amendement important, qui tend à élargir le droit de communication à l’ensemble des personnes, autorités ou organismes visés à la section du livre des procédures fiscales consacrée au droit de communication et renforce les moyens de la Haute autorité.
M. Matthias Fekl. Cette disposition permettra-t-elle bien l’accès à l’intégralité du dossier fiscal ?
M. le rapporteur. Le projet de loi organique permet à la Haute autorité de demander à l’administration fiscale les éléments utiles à l’accomplissement de sa mission de contrôle.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CL 34 du rapporteur.
M. le rapporteur. Dans le même esprit que le précédent, cet amendement vise à fixer un délai pour la communication par l’administration fiscale des informations demandées par la Haute autorité.
La Commission adopte l’amendement.
Elle est alors saisie de l’amendement CL 51 du rapporteur.
M. le rapporteur. Afin que la Haute autorité puisse utiliser toutes les voies et tous les moyens permettant de vérifier la sincérité des documents en sa possession, cet amendement tend à lui permettre de demander à l’administration fiscale de déclencher les procédures d’assistance réciproque prévues par les conventions internationales.
M. le ministre. Le Gouvernement est favorable à l’adoption de cet amendement, qui renforce lui aussi les pouvoirs de la Haute autorité.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CL 13 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement vise à étendre aux rapporteurs de la Haute autorité le bénéfice de l’absence d’opposabilité du secret professionnel.
La Commission adopte l’amendement.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL 14 du rapporteur.
Elle est alors saisie des amendements CL 32 du rapporteur et CL 69 de M. René Dosière, pouvant être soumis à une discussion commune.
M. le rapporteur. L’amendement CL 32, qui vient en concurrence avec l’amendement CL 69 de M. Dosière, fixe un délai d’un mois pour répondre aux injonctions de la Haute autorité. Le terme de « notification » indique en outre que l’injonction sera écrite, ce qui ne figure pas dans le texte du Gouvernement.
M. René Dosière. Je retire mon amendement au profit de celui du rapporteur, mieux écrit.
L’amendement CL 69 est retiré.
La Commission adopte l’amendement CL 32.
La Commission adopte l’amendement de précision CL 15 du rapporteur.
Puis elle est saisie de l’amendement CL 63 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement a pour objet de créer une incrimination d’enrichissement illicite. Si la Haute autorité constate une évolution du patrimoine qui ne lui paraît pas explicable, elle doit pouvoir poursuivre. Dans le passé, sur quatorze dossiers suspects, aucun n’a donné lieu à des poursuites de la part de la Commission pour la transparence financière de la vie politique, faute probablement d’une telle incrimination.
M. Matthias Fekl. Cet amendement va dans le même sens que mon amendement CL 192 au projet de loi ordinaire, que nous examinerons tout à l’heure.
Tout d’abord, il est très difficile pour la justice d’établir l’enrichissement illicite, de telle sorte que la Commission pour la transparence financière de la vie politique n’a été saisie que d’une dizaine de dossiers, dont aucun n’a fait l’objet de sanctions. En second lieu, le vrai sujet de notre débat est le contrôle, car le problème est non pas la richesse en tant que telle, mais l’enrichissement réalisé à la faveur de l’exercice d’un mandat. Ces deux amendements tendent donc à inverser la charge de la preuve et à instaurer un régime très strict de répression de l’enrichissement illégal.
M. le ministre. S’il comprend le souci de renforcer la lutte contre la fraude fiscale et les manquements à la probité, le Gouvernement est cependant très défavorable à l’adoption de cet amendement. La création d’un délit nouveau serait en effet justifiée par deux séries de motifs qui nous semblent inopérants.
Cet amendement entend d’une part satisfaire les recommandations de l’Organisation des Nations unies (ONU) contre la corruption. Or, notre droit interne satisfait sur ce point aux exigences internationales – ce fut d’ailleurs la conclusion du rapport n° 2417 rédigé en 2005 par Mme Colot pour la commission des Affaires étrangères de votre assemblée et selon lequel « l’adhésion de la France aux autres traités internationaux de lutte contre la corruption a déjà nécessité des adaptations du droit français, qui est aujourd’hui compatible avec les dispositions de la Convention des Nations unies contre la corruption ». J’observe par ailleurs qu’aucune juridiction interne ou internationale, non plus que les associations intéressées, n’a eu d’analyse différente des implications en droit national de l’article 20 de la Convention de Mérida.
Cet amendement entend, d’autre part, instaurer un délit nouveau au motif que notre arsenal répressif, tant judiciaire que fiscal ou douanier, serait insuffisant. Telle n’est pas l’analyse du Gouvernement. Il nous semble en effet que cette intention est déjà satisfaite par le droit pénal, tant général que spécial. Il faut relever à cet égard que les infractions de recel et de blanchiment sont plus sévèrement punies que le délit proposé. Notre système juridique comporte déjà des outils efficaces pour répondre à l’objectif poursuivi. Il s’agit de l’infraction de non-justification de ressources, à l’article L. 321-6 du code pénal, qui permet d’exiger d’une personne en relations habituelles avec des délinquants qu’elle justifie de l’origine licite de son patrimoine, ainsi que des infractions de recel et de blanchiment. Il s’agit aussi de la peine complémentaire de confiscation élargie prévue à l’article 227-33 du code pénal, qui permet de confisquer entre les mains d’une personne condamnée pour tout délit passible de cinq ans au moins d’emprisonnement tous les biens dont elle est propriétaire ou dont elle a la libre disposition et dont elle n’est pas en mesure de justifier l’origine. On peut aussi évoquer les outils dont dispose Bercy – je pense ici à Tracfin.
Faute de préciser les comportements et actes positifs qui ne seraient pas déjà embrassés par tous ces dispositifs, l’ajout d’une incrimination nouvelle n’apparaît pas nécessaire au Gouvernement. Or, la nécessité de la loi pénale est un impératif pour le législateur.
Par ailleurs, la rédaction de cette incrimination nous semble soulever de sérieux problèmes de constitutionnalité. La limitation d’une telle infraction aux seuls agents publics et élus paraît susceptible de soulever des difficultés au regard du principe d’égalité devant la loi pénale. Ce système instaure en réalité une présomption de culpabilité et ferait des seuls élus des suspects permanents. L’instauration d’une telle loi des suspects n’a aucun lien avec des dispositions connues en droit interne et nous semble délicate. Le Gouvernement est, je le répète, défavorable à cet amendement et souhaiterait son retrait.
M. Patrick Devedjian. Je félicite le Gouvernement pour son analyse juridique, qui me paraît très pertinente. Heureusement qu’il est là pour protéger les élus contre eux-mêmes !
La mesure proposée par l’amendement est évidemment inconstitutionnelle, car contraire à la présomption d’innocence. L’infraction résultant du fait de n’avoir pas fourni des réponses suffisantes, la disposition proposée par l’amendement instaurerait une obligation d’apporter des faits contre soi-même. Je rappelle à cet égard que la Constitution américaine a posé le principe que nul ne peut être appelé à témoigner contre lui-même. Nous ne sommes certes pas aux États-Unis, mais vous faites ici le contraire : le seul fait de ne pas apporter d’explication, même insatisfaisante, en réponse aux questions posées par la Haute autorité est déjà une infraction. En refusant le droit au silence, moyen de défense auquel tout justiciable a droit, vous portez une atteinte très grave aux droits de la défense, qui sont un principe fondamental.
Vous avez également reconnu avec naïveté que le dispositif proposé tendait à inverser la charge de la preuve : il faudrait donc que je démontre mon innocence, ce qui est parfaitement inconstitutionnel – c’est une folie furieuse !
De surcroît, ce dispositif ne concerne qu’une catégorie de justiciables : les élus – et, éventuellement, les fonctionnaires.
Monsieur le ministre, je vous rends hommage pour l’analyse parfaite que vous venez d’exposer.
M. Jean-Frédéric Poisson. Je salue aussi l’analyse qu’a faite le ministre et m’associe aux propos de M. Devedjian. J’y ajouterai deux remarques.
La première est que ce débat pose à nouveau la question de l’amendement que nous n’avons pas examiné hier, mais que M. Bourdouleix défendra certainement en séance publique, sur l’adjonction de l’adverbe « sciemment » qualifiant l’omission d’informations. Nous déposerons du reste un amendement identique, car la volonté de dissimuler est un élément très important du problème.
En deuxième lieu, il conviendrait de définir clairement l’enrichissement. Au sens strict, voir son patrimoine augmenter d’un euro relève déjà de cette notion. Si des députés gérant bien leur budget se constituent une épargne substantielle à partir de leurs indemnités, il s’agit donc bel et bien d’un enrichissement. Il importe de dissiper le flou entourant une situation qui n’est pas anodine, car elle est susceptible d’entraîner des condamnations pénales et porte une menace d’inéligibilité.
M. François de Rugy. Cette proposition n’est-elle pas un mouvement de balancier destiné à contrebalancer d’autres mouvements de ce type observés à l’occasion d’autres amendements ?
M. Jacques Bompard. Pour une fois, je suis tout à fait d’accord avec le Gouvernement. Évitons un processus révolutionnaire qui nous conduirait à faire sans cesse la preuve de notre bonne foi. Celle-ci est normalement la règle et c’est l’exception qu’il faut sanctionner, au lieu de persécuter toute la collectivité des élus.
M. le rapporteur. Monsieur Poisson, votre rapporteur sera toujours le défenseur de ceux qui veulent défendre les élus. Jamais je ne dirai que la cigale est vertueuse parce qu’elle a tout dépensé et n’a pas de patrimoine, ou que la fourmi est corrompue parce qu’elle a réussi à en avoir un. Le sujet c’est non pas l’enrichissement, mais l’enrichissement illicite. C’est cependant un sujet important qui fait l’objet, parallèlement à notre débat, de discussions dans le cadre du texte relatif à la fraude fiscale. Même s’il semble que l’inversion de la preuve soit déjà acquise dans le domaine fiscal, je retire mon amendement : nous reviendrons sur ce point lors de l’examen de l’autre texte.
L’amendement CL 63 est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CL 16 du rapporteur.
M. le rapporteur. Comme plusieurs autres amendements, celui-ci tend à réaffirmer l’autonomie des chambres au regard du pouvoir de la loi. Il prévoit donc une information du Bureau de l’Assemblée nationale par la Haute autorité. Il importe de préserver la souveraineté des assemblées.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CL 37 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Dans le système actuel, c’est le Bureau de l’assemblée concernée qui, en cas de manquement aux obligations en matière d’incompatibilités ou de déclarations obligatoires, est compétent pour transmettre le dossier au Conseil constitutionnel, seul juge habilité à se prononcer et, le cas échéant, à déclarer un élu démissionnaire d’office. Cette disposition est logique, car ce sont les services de l’Assemblée nationale et du Sénat qui reçoivent aujourd’hui les déclarations et les vérifient.
Dès lors que, comme le prévoit le texte que nous examinons, cette compétence revient à une autorité extérieure, la situation est très différente : pourquoi la Haute autorité ne pourrait-elle pas saisir elle-même le Conseil constitutionnel si elle constate un manquement ? À quoi sert le passage par le Bureau de l’assemblée concernée ? Le filtre de l’assemblée est inutile et peut surtout constituer un point de blocage. De fait, si le Bureau transmet au Conseil constitutionnel, on ne voit pas sa valeur ajoutée dans ce processus, et s’il refuse de transmettre, il est en contradiction avec l’esprit de cette loi, qui est de confier des missions de contrôle à une autorité extérieure. Il s’agit certes pour les assemblées d’une perte de leur pouvoir de contrôle dans ce domaine, qui peut susciter des craintes et des réticences, mais c’est la logique même de ce texte. Encore une fois : allons jusqu’au bout !
M. le rapporteur. Vous n’avez pas bien lu l’alinéa 32 : dans le cas d’espèce, le Conseil constitutionnel est totalement incompétent, car les manquements en question sont les déclarations incomplètes, et non pas l’absence de déclaration. L’amendement est donc tout à fait inopérant et j’émets un avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
La Commission examine l’amendement CL 38 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. L’amendement est défendu.
M. le rapporteur. Sur cet amendement, l’argument précédent de M. Tardy est juste, mais il importe toujours que l’autonomie de l’Assemblée soit préservée. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Elle adopte ensuite l’article 1er modifié.
La Commission est saisie de l’amendement CL 40 de M. Lionel Tardy, portant article additionnel après l’article 1er.
M. Lionel Tardy. Cet amendement tend à combler un vide du régime des incompatibilités parlementaires concernant les magistrats élus. Actuellement, en effet, les juges au tribunal de commerce, les conseillers prud’homaux et les arbitres ne sont pas concernés par le texte, car ils ne dépendent pas du statut de la magistrature, seul visé dans les articles organiques relatifs aux incompatibilités. Il apparaît donc cohérent que l’ensemble des magistrats soient concernés. Une récente affaire liée à un arbitrage démontre du reste que des problèmes peuvent vite survenir dans ce domaine.
M. le rapporteur. Je suis assez favorable à ce point de vue, mais je vous propose, monsieur Tardy, de retirer votre amendement au profit de celui que je vais vous présenter. En effet, le vôtre ne tient pas compte des autres juridictions fonctionnant sur le principe de l’échevinage, qui pourraient être englobées dans ce dispositif.
L’amendement CL 40 est retiré.
(art. L.O. 145, L.O. 146, L.O. 146-1, L.O. 149, L.O. 151-2 et L.O. 151-3 du code électoral)
Incompatibilité du mandat parlementaire avec l’exercice de fonctions
de conseil et de fonctions au sein d’entreprises travaillant essentiellement pour des personnes publiques – suppression des dispositions relatives à la déclaration d’activités extraparlementaires
Le présent article renforce les règles d’incompatibilités professionnelles applicables aux parlementaires en prohibant l’exercice de toute fonction de conseil et en étendant l’interdiction d’exercer des fonctions de direction au sein des entreprises travaillant principalement pour les personnes publiques aux fonctions identiques exercées au sein des sociétés mères qui contrôlent ces entreprises.
Par ailleurs, il supprime les dispositions relatives à la déclaration des activités professionnelles ou d’intérêt général que remplace la déclaration d’intérêts et d’activités.
Si ces dispositions visent la situation des députés, elles trouveront à s’appliquer de manière identique aux sénateurs, l’article L.O. 297 du code électoral rendant applicables à ceux-ci le régime d’incompatibilité prévu pour les membres de l’Assemblée nationale.
Le libre exercice des activités privées est actuellement la règle pour les députés et sénateurs : l’exercice d’un mandat parlementaire peut actuellement être cumulé avec une autre activité, hormis les cas d’incompatibilités prévus par les articles L.O. 146 à L.O. 150 du code électoral.
Selon la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, « comme tout texte édictant une incompatibilité et qui a donc pour effet de porter une atteinte à l’exercice d’un mandat électif, le dernier alinéa de l’article L.O. 146 du code électoral ne saurait faire l’objet d’une interprétation extensive » (183) ; les exceptions apportées au principe de libre exercice de fonctions privées doivent ainsi toujours être interprétées strictement.
L’INCOMPATIBILITÉ ENTRE MANDAT PARLEMENTAIRE ET FONCTION PUBLIQUE Au contraire, l’article L.O. 142 du même code pose le principe de l’interdiction du cumul de l’exercice d’une fonction publique non élective avec un mandat parlementaire, à l’exception des professeurs titulaires de chaires à la date de leur élection et des fonctions de ministre des cultes dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin soumis au régime concordataire. Par ailleurs, aux termes de l’article L.O. 145 du code électoral, le mandat parlementaire est incompatible avec les fonctions de président, membre du conseil d’administration, directeur général, directeur général adjoint et conseil permanent dans les entreprises nationales et établissements publics nationaux. Cependant, cette incompatibilité ne s’applique pas aux parlementaires désignés en cette qualité comme membres de conseils d’administration d’entreprises nationales ou d’établissements publics nationaux, en application des textes organisant ces entreprises ou établissements. La loi organique n° 88-37 du 13 janvier 1988 a étendu cette dérogation aux parlementaires désignés dans ces organismes en raison de la détention d’un mandat électoral local. |
Cependant, avec le développement des activités de la puissance publique dans le champ économique, le législateur a été amené à instituer diverses incompatibilités afin, d’une part, d’assurer l’indépendance des députés et des sénateurs vis-à-vis de l’exécutif, celui-ci intervenant de plus en plus dans la vie économique, et d’autre part, de les protéger contre d’éventuelles tentations d’abus de mandat.
Ainsi, la loi n° 14 213 du 20 novembre 1883, approuvant des conventions entre l’État et des compagnies de chemin de fer a prévu que « tout député ou sénateur qui, au cours de son mandat, acceptera les fonctions d’administrateur d’une compagnie de chemin de fer sera, par ce seul fait, considéré comme démissionnaire et soumis à la réélection » (184). Cette interdiction a été peu à peu étendue et concerne aujourd’hui les activités privées dépendant d’organismes et de collectivités publiques ou simplement en relation avec elles.
L’article L.O. 146 du code électoral interdit ainsi aux parlementaires d’exercer les fonctions de chef d’entreprise, de président de conseil d’administration, de président et de membre de directoire, de président du conseil de surveillance, d’administrateur délégué, de directeur général, directeur général adjoint ou gérant exercées dans certaines sociétés, entreprises ou établissements privés :
– les sociétés, entreprises ou établissements bénéficiant d’avantages accordés par l’État ou les collectivités publiques, sauf lorsqu’il s’agit de l’application automatique d’une réglementation générale ;
– les sociétés ayant exclusivement un objet financier ou les sociétés civiles faisant publiquement appel à l’épargne : cette dernière interdiction a été introduite par la loi organique n° 72-64 du 24 janvier 1972 adoptée à la suite de l’affaire dite « de la Garantie foncière » (185) ;
– les sociétés ou entreprises travaillant principalement pour le compte ou sous le contrôle de l’État, d’une collectivité ou d’un établissement public ou d’une entreprise nationale ou d’un État étranger ;
– les sociétés ou entreprises à but lucratif exerçant certaines activités immobilières ;
– les sociétés contrôlées à plus de 50 % par les sociétés précédentes.
Cette interdiction s’étend également à la direction de fait, « exercée directement ou par personne interposée ». Le Conseil constitutionnel a précisé cette dernière notion en considérant que la direction de fait devait s’entendre comme une participation active et régulière à la conduite générale de l’entreprise, comportant des prises de décisions ; en revanche, la simple détention d’une partie du capital d’une société, quelle qu’en soit l’importance, et l’exercice des droits qui sont attachés à cette détention ne sont pas assimilables à une direction de fait susceptible d’entraîner l’incompatibilité (186). Par ailleurs, il a été amené à préciser qu’une fonction incompatible le demeure même si elle est exercée sans la contrepartie d’une rémunération sauf dans les cas où les textes font de l’absence de toute rémunération une condition de la compatibilité (187).
L’article L.O. 146-1 du code électoral limite l’exercice par un parlementaire de fonction de conseil en lui interdisant de commencer à exercer, après le début de son mandat, une fonction de conseil qui n’était pas la sienne avant son élection.
Introduite par la loi organique n° 95-63 du 19 janvier 1995 relative à la déclaration de patrimoine et aux incompatibilités, cette disposition est issue des propositions du groupe de travail « sur la clarification des rapports entre la politique et l’argent » (188) présidé par Philippe Séguin, destinées à encadrer plus strictement l’exercice d’activités qui ont semblé de nature à créer entre les élus et le monde des affaires des liens discutables.
La rédaction en vigueur précise cependant que cette interdiction ne s’applique pas aux membres des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, tels que les avocats, les experts comptables ou les commissaires aux comptes.
LES LIMITATIONS APPORTÉES À L’EXERCICE DE LA PROFESSION D’AVOCAT À la suite de scandales survenus sous la IIIe République, la volonté d’éviter que les parlementaires exerçant la profession d’avocat ne défendent les privilèges de leur ordre et surtout ne soient tentés d’user de l’influence que leur confère leur mandat, a entraîné l’élaboration d’une législation leur interdisant certains actes, soit en raison de la qualité des parties, soit en raison de la nature des affaires. L’article L.O. 149 du code électoral leur interdit de plaider directement ou indirectement (par le biais d’un associé ou d’un collaborateur) contre l’État, les sociétés nationales, les collectivités ou établissements publics, sauf devant la Haute Cour ou la Cour de justice de la République. En outre, ils ne peuvent plaider ou consulter pour le compte d’entreprises nationales, ainsi que pour les sociétés privées visées aux articles L.O. 145 et L.O. 146 dont ils n’étaient pas précédemment le conseil. Il leur est également interdit de plaider dans des affaires « à l’occasion desquelles des poursuites pénales sont engagées devant les juridictions répressives pour crime ou délit contre la Nation, l’État et la paix publique ou en matière de presse ou d’atteinte au crédit ou à l’épargne ». |
En l’absence de définition de ce que recouvrent précisément les activités de conseil (189), Le Conseil constitutionnel a été appelé à interpréter deux fois cet article :
– dans sa décision n° 95-11 I du 14 septembre 1995, il a considéré que les membres d’un conseil de surveillance d’une société développant des activités de conseil exercent des responsabilités d’avis et de contrôle, mais n’assurent pas la direction et la gestion de cette société, et qu’ainsi la seule qualité de membre de son conseil de surveillance « ne saurait être regardée comme une fonction de conseil au sens de l’article L.O. 146-1 du code électoral » ;
– dans sa décision n° 2011-29 I du 12 juillet 2011, il a considéré que les fonctions de gérant d’une entreprise unipersonnelle ayant pour objet « l’élaboration, la mise en place de stratégies marketing et commerciales, et plus généralement toutes prestations de services» « l’élaboration, la mise en place et le suivi de politiques de qualité », « l’assistance, la formation dans les domaines de la gestion de toutes entreprises » et « l’accompagnement et la mise en œuvre de plannings et programmes de production, l’élaboration et la coordination de processus d’organisation en matière qualitative et logistique, la mise en place de l’organisation et du développement commercial des sociétés » constituaient des activités se rattachant à la fonction de conseil au sens de l’article L.O. 146-1 du code électoral.
Cependant n’est aujourd’hui pas encadré l’exercice d’activités de conseil et de médiation par des parlementaires membres de professions réglementées, tels que celle d’avocat, y compris au profit de personnes pouvant avoir des intérêts particuliers dans la procédure législative.
La Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, présidée par l’ancien Premier ministre M. Lionel Jospin, s’est penchée sur ces activités. Reprenant une proposition faite par le groupe de travail de la commission des Lois du Sénat (190), elle a proposé de conserver la possibilité pour les parlementaires de continuer à effectuer des prestations de conseil, à la condition qu’ils les pratiquassent auparavant, en supprimant la dérogation accordée aux professions réglementées :
« La Commission ne propose pas, dans la perspective de prévention des conflits d’intérêts, de remettre en cause la possibilité, pour un parlementaire, de continuer à exercer une activité de conseil ou la profession d’avocat, dans le respect des dispositions de l’article L.O. 149 du code électoral. Qu’un parlementaire plaide devant un conseil de prud’hommes ou dans un contentieux civil ou pénal n’appelle pas a priori d’objection du point de la vue de la prévention des conflits d’intérêts. La Commission relève cependant qu’un risque de conflit peut naître dans le cas d’une activité de conseil exercée auprès d’un opérateur économique ou financier. Elle estime donc qu’une attention particulière devrait être portée à cette question dans le cadre des bonnes pratiques déontologiques qu’ont entrepris de développer les deux assemblées – d’autant que le secret professionnel de l’avocat fait obstacle à ce que l’identité du client et la nature des missions effectuées pour son compte soient portées à la connaissance du public dans le cadre d’une déclaration d’intérêts ou d’activités. […] Elle propose donc de supprimer les dispositions du second alinéa de l’article L.O. 146-1 du code électoral afin d’aligner le régime de l’exercice de l’activité d’avocat sur le régime applicable aux autres activités de conseil. » (191).
Le présent article du projet de loi initial retient une solution différente, en mettant fin à toute possibilité d’exercice d’une fonction de conseil par les parlementaires : le III du présent article réécrit ainsi l’article L.O. 146-1 afin de supprimer la possibilité de continuer une fonction de conseil préexistante et l’exception prévue au profit des professions réglementées. En conséquence, les I et IV suppriment les interdictions sectorielles de procéder à des activités de conseils au profit des entreprises nationales et établissements publics nationaux (article L.O. 145) ou, dans le cadre de l’exercice de la profession d’avocat, au profit d’entreprises disposant d’avantages consentis par l’État ou ayant pour objet la fourniture de services aux personnes publiques, les opérations immobilières ou l’appel à l’épargne (article L.O. 149), devenues inutiles.
Cette interdiction désormais générale et applicable à toutes les modalités de fourniture de prestation de conseil ne signifiera cependant pas l’interdiction pour les parlementaires de demeurer ou de devenir avocat de manière concomitante à l’exercice de leur mandat.
La loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ayant fusionné les professions d’avocat et de conseil juridique a permis l’émergence d’une profession au sein de laquelle coexistent deux métiers différents :
– le conseil, qui comprend notamment la consultation en matière juridique et la rédaction des actes sous seing privé ;
– la défense en justice, qui regroupe la représentation et l’exercice des formalités au nom d’un client d’un client devant un tribunal (postulation) et la défense de celui-ci (plaidoirie).
Ces fonctions de défense leur resteront théoriquement ouvertes, dans les conditions et suivant les limitations prévues par l’article L.O. 149, qui n’est modifié qu’à la marge afin de supprimer toute référence aux fonctions de conseil (IV du présent article). Cependant, comme l’a remarqué M. Christian Charrière-Bournazel, président du Conseil national des barreaux (192), l’engagement d’une action contentieuse par un avocat nécessite préalablement qu’il ait étudié le dossier pour faire des préconisations à son client, phase précontentieuse qui relève d’une activité de conseil.
Enfin, le VII du présent article prévoit un délai de six mois pour permettre aux parlementaires qui exerceraient des fonctions de conseil au moment de la promulgation de la loi d’en organiser la cessation.
Reprenant la proposition faite par le groupe de travail de la commission des Lois du Sénat et par la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, votre Commission a supprimé l’exception prévue par le second alinéa de l’article L.O. 146-1 permettant aux parlementaires de commencer une activité de conseil exercées dans le cadre d’une profession réglementée – dans les faits essentiellement en tant qu’avocat – au vu des risques de conflit pouvant naître dans le cas d’une activité de conseil exercée auprès d’un opérateur économique ou financier.
3. L’extension de l’interdiction d’exercer des fonctions de direction au sein d’une entreprise ou d’un organisme travaillant de façon substantielle pour des personnes publiques (II du présent article)
Comme il a été présenté précédemment, l’article L.O. 146 du code électoral interdit aux parlementaires d’exercer des fonctions de direction au sein de « sociétés ou entreprises dont l’activité consiste principalement dans l’exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services pour le compte ou sous le contrôle de l’État, d’une collectivité ou d’un établissement public ou d’une entreprise nationale ou d’un État étranger » (3° de l’article L.O. 146) ainsi qu’au sein de « sociétés dont plus de la moitié du capital est constituée par des participations de sociétés, entreprises ou établissements » énumérés par les 1° à 4° de cet article (5° du même article).
En conséquence, un parlementaire ne peut exercer de fonctions de direction au sein d’une société contrôlée par une société travaillant de manière substantielle pour des personnes publiques ; cependant, comme l’a précisé le Conseil constitutionnel, l’article L.O. 146 « ne mentionne pas les sociétés qui, à l’instar du Groupe industriel Marcel Dassault, présidé et dirigé par M. Serge Dassault, détiennent de telles participations » (193).
Il est donc actuellement loisible à un parlementaire d’exercer des fonctions de responsabilité au sein d’une holding ou société-mère contrôlant des filiales exerçant des activités jugées sensibles par le législateur organique, et donc au sein desquels le parlementaire ne pourrait exercer un rôle.
Prenant en compte une proposition du rapport d’information de M. Jean-Jacques Hyest précité, le II du présent article modifie le 3° de l’article L.O. 146 du code électoral en durcissant le régime d’incompatibilité entre mandat parlementaire et exercice d’une fonction de direction au sein d’une entreprise ou d’un organisme travaillant pour des personnes publiques de deux manières :
– en prévoyant l’obligation que ces relations avec le secteur public représentent « une part substantielle » de son activité et non plus son activité principale, sans pour autant que cette notion de part substantielle soit précisément définie ;
– en prévoyant que ces relations avec le secteur public peuvent, le cas échéant, être formellement contractées par une filiale de la société visée.
Il convient de préciser que cette nouvelle interdiction d’exercer des fonctions au sein des sociétés-mères ne concernerait que les entreprises travaillant pour la puissance publique ; les autres catégories d’organismes visés par les 1°, 2° et 4° de l’article L.O. 146, relatives à la détention d’avantages publics, aux sociétés financières et aux sociétés immobilières respectivement, ne seraient pas concernées par la présente extension.
À l’occasion de son examen, la commission des Lois a réécrit ces dispositions modifiant l’article L.O. 146 du code électoral.
À l’initiative de votre rapporteur, elle a substitué à la fonction visée de « directeur général adjoint », qui n’a pas de définition légale, celle de « directeur général délégué », introduite dans le code du commerce par la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques
À l’initiative de M. Lionel Tardy, elle a substitué à la mention des sociétés faisant appel à l’épargne publique en ayant « exclusivement » un objet financier celle des mêmes sociétés ayant un objet « principalement » financier.
Prenant en compte la difficulté de définir les sociétés « dont une part substantielle de l’activité » est exercée en relation avec les autorités publiques, un amendement présenté par votre rapporteur a proposé un dispositif alternatif permettant de garantir que les parlementaires ne puissent exercer des fonctions de directions au sein d’entreprises vivant de la commande publique ou d’autorisation discrétionnaire de l’État.
Il réécrit ainsi le 3° de cet article L.O. 146 en définissant dorénavant comme ne pouvant être dirigée par un parlementaire les entreprises proposant des produits, services et travaux « destinés spécifiquement » au secteur public ou « devant faire l’objet d’une autorisation discrétionnaire de la part » d’une autorité publique pour exercer ses activités. Cette définition permettra de prendre en compte les entreprises qui travaillent réellement pour la puissance publique ou qui nécessitent pour leur fonctionnement de demander des autorisations discrétionnaires, c’est-à-dire qui ne consistent pas en l’application automatique d’un régime d’agrément comme par exemple un casino.
En outre, il prévoit la prohibition de l’exercice de fonction de direction au sein des sociétés-mères des sociétés et organismes définis par l’article L.O. 146, c’est-à-dire les sociétés exerçant un « contrôle effectif » sur ces sociétés. Cette notion permet de viser les sociétés détenant suffisamment de droits de vote pour établir les orientations de la société contrôlée, sans forcément en détenir la majorité du capital ou des droits de vote.
4. La suppression de dispositions relatives à l’actuelle déclaration des activités professionnelles ou d’intérêt général (V et VI du présent article)
Enfin, le présent article procède à des suppressions en coordination avec le remplacement du régime existant de déclaration des activités professionnelles ou d’intérêt général à déposer par tout parlementaire sur le bureau de son assemblée dans les trente jours de son entrée en fonction ou de validation par le Conseil constitutionnel de son élection (article L.O. 151-2 du code électoral).
On rappellera que ces dispositions, précédemment incluses au sein de l’article L.O. 151, ont été transférées au sein de nouveaux articles L.O. 151-1 à L.O. 151-4 par la loi organique n° 2011-410 du 14 avril 2011 relative à l’élection des députés et sénateurs.
Par cohérence, ces deux paragraphes procèdent aux modifications suivantes :
– le V supprime le premier alinéa de l’article L.O. 151-2 prévoyant l’obligation de dépôt d’une déclaration des activités professionnelles ou d’intérêt général, ces dispositions étant remplacées par l’article L.O. 135-1, dans sa rédaction prévue par l’article 1er et insère les références à cette déclaration au deuxième alinéa. La procédure de contrôle des incompatibilités professionnelles demeure, en revanche, strictement inchangée : le Bureau de chaque assemblée reste chargé d’examiner la compatibilité des activités déclarées avec le mandat parlementaire (194) ;
– le VI supprime au sein de l’article L.O. 151-3 la sanction de démission d’office du parlementaire n’ayant pas déposé sa déclaration d’activités professionnelles ou d’intérêt général dans les délais prescrits. En effet, la même sanction – augmentée d’une inéligibilité d’un an – serait désormais prévue à l’article L.O. 136-2, en l’absence de dépôt d’une déclaration d’intérêts et d’activités (195). En conséquence, la procédure de saisine du Conseil constitutionnel prévue à l’article L.O. 151-3 ne serait plus consacrée qu’aux cas de méconnaissance des articles L.O. 149 (interdictions de plaider) et L.O. 150 (interdiction de mentionner la qualité de parlementaire dans une publicité relative à une entreprise financière, industrielle ou commerciale).
Renonçant à remettre cause le principe de l’interdiction d’exercice des activités de conseil, votre Commission a cependant adopté plusieurs amendements introduisant de nouvelles incompatibilités, durcissant et précisant les conditions d’application des incompatibilités introduites par le présent article.
À l’initiative de votre rapporteur, elle a complété l’article L.O. 140 du code électoral, qui rappelle l’incompatibilité du mandat parlementaire avec les fonctions relevant du statut de la magistrature (196), en prohibant l’exercice de toute fonction juridictionnelle, à l’exception de celles prévues par la Constitution – au sein de la Haute cour et de la Cour de justice de la République. Le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de juger que des fonctions de juge de tribunal de commerce, ne relevant pas du statut de la magistrature et constituant une fonction publique élective, n’étaient ainsi pas incompatibles avec un mandat parlementaire (197), alors qu’il apparaît peu conciliable avec l’autonomie du pouvoir juridictionnel que certains membres puissent siéger au sein de juridictions électives ou échevinales telles que les tribunaux de commerce, les conseils de prud’hommes, les tribunaux pour enfants, les tribunaux des affaires de la sécurité sociale, les tribunaux paritaires des baux ruraux, le tribunal du contentieux de l’incapacité ou la cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail. Dans le même esprit, le même amendement rend incompatibles avec le mandat parlementaire les fonctions d’arbitrage et de médiation, régies par les livres IV et V du code de procédure civile ou par d’autres règlements d’arbitrage équivalents au niveau international.
À l’initiative de M. Lionel Tardy, elle a prévu que les parlementaires exerçant des fonctions au sein d’autorités administratives indépendantes ne pourraient plus en assurer la présidence.
6. L’insertion par la commission des Lois des dispositions prévoyant la mise en disponibilité des fonctionnaires exerçant un mandat parlementaire au sein des articles organiques du code électoral
L’article 16 du projet de loi a prévu d’inscrire la mise d’office en disponibilité des fonctionnaires exerçant un mandat parlementaire (député, sénateur, représentant français au Parlement européen) dans les statuts généraux des trois fonctions publiques (198). Cependant, cette solution légistique présente un double problème :
– elle ne prend pas en compte les situations particulières des corps relevant de statut de fonction publique autonome, tels que les militaires, les magistrats de l’ordre judiciaire, les fonctionnaires des assemblées parlementaires et les fonctionnaires de la direction générale de la sécurité extérieure ;
– elle insère dans des textes législatifs une disposition qui est la conséquence d’une incompatibilité applicable aux parlementaires, qui relève de la loi organique en application de l’article 25 de la constitution.
Aussi à l’initiative de son rapporteur, la commission des Lois a inséré au sein de l’article L.O. 151-1 du code électoral l’obligation pour le fonctionnaire accédant à un mandat parlementaire de se faire mettre d’office en position statutaire de disponibilité ou, lorsque le statut dont il relève ne prévoit pas cette faculté, dans une position équivalente au sein de laquelle il ne pourra acquérir ni droits à l’avancement ni droit à pension. Cette mise en disponibilité devant être prononcée d’office, pour toute la durée du mandat, elle n’est pas enserrée dans une limite temporelle.
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La Commission est saisie de l’amendement CL 74 du rapporteur.
M. le rapporteur. Il s’agit précisément de l’amendement élargissant l’incompatibilité avec l’exercice d’une fonction juridictionnelle.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle est saisie de l’amendement CL 56 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement, dont le thème a déjà été largement évoqué, notamment par la commission Jospin et dans le rapport de MM. Jean-Jacques Hyest et Alain Anziani au Sénat, tend à remplacer l’interdiction faite à un parlementaire d’exercer toute fonction de conseil proposée par le texte initial par la seule interdiction de commencer en cours de mandat l’exercice d’une telle fonction, que ce soit dorénavant dans le cadre d’une profession réglementée ou non.
M. Jean-Frédéric Poisson. Je suis opposé, à titre personnel, à cette disposition.
Tout d’abord, je suis réfractaire par principe à l’idée qu’il faudrait tout interdire pour avoir la certitude que personne ne franchira la ligne. Je préfère l’éducation des esprits à la rigidité des réglementations. En l’espèce, le fait de présumer qu’un parlementaire ne pourrait pas exercer une fonction de conseil honnêtement et en parfaite compatibilité avec ses responsabilités politiques est un présupposé ou une suspicion que je n’accepte pas.
En outre, pour ce qui est de l’autorisation de pratiquer des activités de conseil dans le cadre des professions ordinales – qui est l’issue trouvée pour préserver certaines situations –, il faudrait que soit plus visible l’action menée par les conseils des ordres concernés pour régler les problèmes de déontologie ou les conflits d’intérêts qui, en tout état de cause, ne manquent pas de surgir. Je condamne à nouveau le soupçon qui pèse sur les responsables politiques, présumés incapables d’exercer normalement et selon des règles éthiques des professions, même non réglementées.
M. François Vannson. J’abonde dans le sens de M. Poisson. Que signifie, du reste, la notion très vague de « conseil » ? Le texte qui nous est soumis est décidément imprécis.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CL 41 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Cet amendement tend à restreindre pour les parlementaires les possibilités de siéger dans des établissements publics et autorités administratives indépendantes. Si nous sommes actuellement nombreux à siéger dans de tels organismes au titre de nos fonctions et sur nomination du président de l’Assemblée – je suis moi-même membre suppléant du conseil d’administration du Conservatoire du littoral –, on sait moins qu’il existe une autre filière : celle des députés siégeant en tant que personnalités qualifiées, qui ne connaît aucune régulation ni aucune obligation de respecter des équilibres, que ce soit en matière de parité, entre majorité et opposition ou entre Sénat et Assemblée nationale. Ainsi, le collège de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) comporte actuellement trois sénateurs et deux députés. Je propose donc d’interdire à un parlementaire de siéger dans un organisme public, à l’exception des organismes extraparlementaires et sur nomination du président de l’assemblée concernée ou, comme c’est parfois le cas, des commissions compétentes. Ce sera une manière de clarifier bien des choses et de faciliter le travail de contrôle sur le cumul d’activités des parlementaires.
M. le rapporteur. Avis favorable.
M. le ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Commission.
M. Marc-Philippe Daubresse. Quel que soit le zèle de certains de mes collègues, je suis en désaccord avec cet amendement. De fait, lors de la création de l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU), alors que j’étais ministre délégué à la ville, la présence de certains parlementaires éminents, comme Michel Delebarre, alors président de l’Union des offices d’HLM, ou Gilles Carrez, alors rapporteur général de la commission des Finances, qui ont siégé sans percevoir aucune indemnité, a permis d’éviter certaines dérives et d’assurer l’exercice de la fonction de contrôle parlementaire. Des dispositions plus restrictives font craindre des dérives, car il est toujours intéressant que des députés et des sénateurs puissent vérifier de l’intérieur le fonctionnement d’un établissement. L’ANRU gérait alors 35 milliards d’euros et la présence de M. Carrez et M. Delebarre a été essentielle pour enclencher l’effet levier dont ont bénéficié de nombreuses villes, quelle que soit la sensibilité politique de leurs élus. Prenez donc garde à ce que vous êtes en train de faire.
Mme Laurence Dumont. Étant moi-même membre de la CNIL, je m’étonne que M. Tardy veuille interdire aux parlementaires de siéger dans de tels organismes.
M. Lionel Tardy. La limitation que je propose ne concerne pas les élus qui y siègent au titre de l’assemblée dont ils sont membres.
Mme Laurence Dumont. Je vous avais mal compris.
M. René Dosière. Christian Vanneste et moi-même avons naguère préconisé, dans le rapport sur les autorités administratives indépendantes que nous avons rédigé pour le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, que les députés en activité ne puissent pas être nommés à ces postes. Il me semble même, bien que je n’en aie pas le souvenir exact, que cette proposition a été partiellement retenue. Il était en tout cas apparu que la présence de parlementaires en activité dans ces collèges présentait plus d’inconvénients que d’avantages.
M. le rapporteur. L’amendement tend à faire en sorte qu’un parlementaire ne puisse siéger au sein d’une autorité administrative indépendante qu’au titre du Parlement – ce qui, madame Dumont, est précisément votre cas à la CNIL.
M. Patrick Devedjian. Dans les établissements publics nationaux, les nominations ne sont pas nécessairement faites au titre du Parlement, de telle sorte que l’adoption de l’amendement se solderait par la disparition des élus au sein de l’Établissement public pour l’aménagement de la région de la Défense (EPAD), qui ne compterait plus que des fonctionnaires. D’une manière générale, toutes ces dispositions ont pour unique finalité d’écarter les élus au profit des fonctionnaires, qui domineront l’ensemble de l’activité. Ces dispositions sont du reste souvent le fait des élus eux-mêmes, qui s’autoflagellent sous la pression des médias.
M. Pascal Popelin. Si je comprends bien, cet amendement viserait les parlementaires qui siègent dans les comités de bassin ou les conseils d’administration des agences de l’eau, au titre de leurs autres fonctions ou après avoir été désignés par des associations d’élus. Or, à en juger par mon expérience, l’éclairage et le relais des parlementaires sont utiles dans ces organismes, notamment en ce qui concerne la législation qui peut être votée dans le domaine de l’eau.
M. Sébastien Huyghe. Comme Mme Dumont, je suis membre de la CNIL depuis plusieurs années. Des sénateurs y siègent également.
M. Guy Geoffroy. Les parlementaires qui siègent à la CNIL ne sont pas concernés par l’amendement : ils y sont désignés ès qualités.
M. Sébastien Huyghe. Cependant, il y a également à la CNIL un sénateur désigné au titre des personnalités qualifiées.
Quoi qu’il en soit, c’est une question d’équilibre : s’il est bon que les parlementaires ne soient pas majoritaires, leur présence permet de ramener les débats aux réalités concrètes. Si seuls de hauts magistrats siégeaient au sein de la CNIL, nous perdrions quelque peu cette dimension. Il convient de préserver le statu quo.
M. Dominique Raimbourg, président. Je m’adresse à M. Tardy et au rapporteur : dans les organismes tels que les comités de bassin ou l’EPAD, les parlementaires pourraient-ils être désignés par les assemblées ?
M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement concerne-t-il les parlementaires désignés au sein des divers observatoires ? Les ministres de tutelle procèdent à leur nomination sans consulter les assemblées : cela relève de leurs pouvoirs propres.
M. François de Rugy. Le groupe écologiste soutient cet amendement et l’avis du rapporteur. Est en cause non pas la présence des parlementaires au sein des organismes dans lesquels ils sont désignés ès qualités – l’amendement est très clair sur ce point –, mais le fait que ces parlementaires se retrouvent, par le truchement du cumul des mandats, à la tête ou au sein de conseils d’administrations d’organismes nationaux, dont ils viennent ensuite défendre les intérêts à l’Assemblée nationale ou au Sénat. Nous sommes bien dans le cas d’un conflit d’intérêts. L’amendement va dans le sens d’une séparation plus claire des fonctions, d’une part, et d’une plus grande transparence, d’autre part : les parlementaires ne pourraient siéger au sein de ces organismes qu’en leur qualité de parlementaire, non plus en vertu d’une autre casquette, notamment d’élu local. Ce serait un réel progrès.
M. René Dosière. Notre débat le montre : cet amendement devrait être accompagné d’une étude d’impact. Je suggère donc à M. Tardy de le retirer, quitte à le déposer à nouveau en vue de la séance pour qu’il soit examiné lors de la réunion tenue au titre de l’article 88 du Règlement. Cela nous permettrait de préciser quels sont les entreprises et établissements publics nationaux concernés et de nous prononcer en toute connaissance de cause.
L’amendement CL 41 est retiré.
La Commission en vient à l’amendement CL 42 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Cet amendement vise à interdire explicitement à un parlementaire d’exercer la fonction de président d’une autorité administrative indépendante. Ce cumul de fonctions pose un problème évident de séparation des pouvoirs et présente, en outre, plus d’inconvénients que d’avantages, comme nous l’avons vu récemment lorsqu’un sénateur a exercé la présidence de la CNIL.
M. le rapporteur. Avis favorable. Je constate d’ailleurs qu’aucun parlementaire ne préside actuellement une autorité administrative indépendante.
M. le ministre. Avis favorable du Gouvernement.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CL 43 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Dans l’état actuel du droit, les fonctions de direction dans une société financière ne sont incompatibles avec un mandat parlementaire que lorsque l’activité de la société est exclusivement financière. Cette disposition date des années 1920, époque à laquelle plusieurs parlementaires qui émargeaient au conseil d’administration de sociétés douteuses ont été éclaboussés par une série de scandales, dont certains ont été rappelés hier par le rapporteur : celui de la Gazette du franc, l’affaire Oustric. Mais le mot « exclusivement » vide cette disposition de toute substance : en cherchant bien, on finit toujours par trouver que la société en cause mène au moins une autre activité, même si celle-ci ne figure que dans ses statuts.
En 1990, le Conseil constitutionnel avait été saisi du cas de Bernard Tapie, PDG de la société Bernard Tapie Finance. Comme l’activité de cette société n’était pas exclusivement financière, M. Tapie n’avait pas été inquiété et avait pu continuer à cumuler les fonctions de parlementaire et de dirigeant de sa société. Cela n’était évidemment pas satisfaisant. Je propose d’ouvrir le champ en remplaçant le mot « exclusivement » par « principalement ». Le Conseil constitutionnel disposerait ainsi d’une certaine marge de manœuvre et pourrait juger, au cas par cas, si le cumul de fonctions est acceptable ou non, au regard de l’esprit de la loi.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.
Puis elle est saisie de l’amendement CL 86 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement vise à remplacer les termes « directeur général adjoint » par « directeur général délégué ». La législation en vigueur fait référence non pas à la première, mais à la seconde de ces fonctions.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL 11 du rapporteur et CL 59 de M. François de Rugy.
M. le rapporteur. Les parlementaires ne peuvent pas exercer de fonctions de direction dans un certain nombre d’entreprises. Cet amendement vise à étendre cette incompatibilité aux fonctions de direction exercées au sein des sociétés mères de ces mêmes entreprises.
En outre, il tend à remplacer la notion de « part substantielle de l’activité », proposée dans le texte du Gouvernement mais dont le champ est difficile à déterminer, par une définition plus large : les parlementaires ne pourraient exercer de fonctions de direction dans aucune entreprise qui offre des produits ou des services destinés spécifiquement au secteur public ou qui doit bénéficier, pour exercer ses activités, d’une autorisation discrétionnaire de la part de l’État ou d’une autre personne publique.
M. le ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement dans son principe. Il conviendrait toutefois de préciser, sur le plan juridique, les notions de « destination spécifique » et d’« autorisation discrétionnaire », qui feront l’objet d’une interprétation.
M. Dominique Bussereau. Ces dispositions s’appliquent-elles en cas de réquisition ? Lorsque les compagnies aériennes, les compagnies maritimes et les transporteurs routiers sont réquisitionnés sur instruction du préfet ou du Gouvernement, les services qu’elles fournissent à la puissance publique deviennent une « part substantielle » de leur activité. Les parlementaires qui exerceraient des fonctions de direction en leur sein devraient-ils démissionner dans ce cas de figure ?
M. le rapporteur. Mon amendement tend justement à supprimer la notion de « part substantielle de l’activité », qui est difficile à définir.
M. François de Rugy. Le groupe écologiste souhaite aller plus loin en matière d’incompatibilités. L’amendement CL 59 fixe une règle qui n’est pas prévue dans le CL 11 : l’exercice d’une fonction de mandataire social ou d’administrateur dans une entreprise publique ou privée serait incompatible avec un mandat parlementaire. Nous connaissons tous des cas de cette nature qui posent problème. Les conflits d’intérêts ne se produisent pas uniquement lorsque l’activité de l’entreprise est liée à la commande publique. Le Parlement n’a d’ailleurs qu’un pouvoir très indirect en la matière : la commande publique relève davantage des compétences de l’exécutif. En revanche, la législation votée par le Parlement, en particulier dans le domaine fiscal, peut avoir des conséquences très importantes sur les bénéfices d’une entreprise. Aux termes de notre amendement, un parlementaire pourrait détenir des actions dans une entreprise, mais ne pourrait y exercer aucune fonction de direction, de quelque façon que ce soit.
M. Jean-Frédéric Poisson. Dans un souci de correction grammaticale, je suggère d’introduire la préposition « à » après les mots « destinés spécifiquement » dans l’amendement CL 11.
Par ailleurs, quel est le sens de l’adjectif « discrétionnaire » ?
Enfin, je perçois bien la tendance générale : il s’agit non plus simplement de s’assurer que les parlementaires se comportent de manière adéquate, mais de restreindre de manière drastique la liberté d’action, de décision et d’engagement des individus qui exercent par ailleurs un mandat parlementaire. Cette idée m’est proprement insupportable. Je suis donc défavorable à ces amendements.
M. Jacques Bompard. On peut vouloir interdire des interférences entre le mandat parlementaire et l’exercice de responsabilités au sein d’une entreprise. Mais les termes choisis sont aberrants : on ne peut pas interdire au chef d’une petite entreprise de devenir parlementaire ! En outre, la fonction de président de conseil de surveillance est incompatible avec le mandat parlementaire, alors même que les conseils d’administration des hôpitaux ont été remplacés par des conseils de surveillance. Dans un hôpital, le président du conseil de surveillance joue un rôle de contrôle, avec des moyens d’ailleurs limités. Il est exagéré de penser qu’il puisse y avoir des interférences entre cette fonction et un mandat parlementaire. Trop de réglementation tue la réglementation. Ces textes ne vont pas dans la bonne direction.
M. le rapporteur. Avis défavorable sur l’amendement CL 59, qui est satisfait par d’autres amendements, sauf sur le point soulevé par M. de Rugy, avec lequel je suis en désaccord.
Pour répondre à M. Bompard, l’amendement CL 11 vise non pas à empêcher un chef d’entreprise de devenir parlementaire, mais à éviter certaines situations, par exemple qu’un parlementaire dirige une société qui vit de la commande publique ou soit le patron d’un casino.
Pour répondre à M. Poisson, la notion d’« autorisation discrétionnaire » permet de prendre en compte toutes les entreprises qui doivent disposer réellement d’une permission de la puissance publique, et non celles qui demandent un agrément en application d’un régime prévu par la loi ou le règlement.
La Commission adopte l’amendement CL 11.
En conséquence, l’amendement CL 59 tombe.
La Commission en vient à l’amendement CL 70 de M. René Dosière.
M. René Dosière. Cet amendement traduit deux préoccupations. Premièrement, un parlementaire doit pouvoir conserver l’activité professionnelle qu’il avait antérieurement à son élection et continuer à l’exercer en tenant compte des limitations actuellement prévues. Il n’est pas question de rendre le mandat parlementaire exclusif pour l’ensemble des catégories socio-professionnelles : tel est le cas pour les fonctionnaires, mais non pour les actifs du secteur privé. Deuxièmement, nous n’avons pas voulu interdire aux parlementaires de poursuivre l’exercice de certaines professions, notamment celle d’avocat, pour ne pas les stigmatiser. Néanmoins, aux termes de cet amendement, un parlementaire ne pourrait pas commencer à exercer une activité professionnelle qui n’était pas la sienne avant le début de son mandat.
M. Dominique Bussereau. Cet amendement est absurde. Prenons l’exemple des activités d’enseignement : il est souvent demandé à des parlementaires, en cours de mandat, d’enseigner dans une faculté, une école de commerce ou un institut d’études politiques (IEP), voire de siéger dans un jury ou de diriger le mémoire d’un étudiant. Plusieurs d’entre nous ont d’ailleurs participé récemment au jury pour l’admission à l’IEP de Paris des élèves issus des zones d’éducation prioritaires (ZEP). Si nous adoptions cet amendement, un membre de la commission des Lois ne pourrait plus commencer à enseigner dans une faculté de droit ou un IEP après le début de son mandat ! C’est d’autant plus ridicule que cela priverait les parlementaires d’un contact très utile avec les étudiants.
M. François de Rugy. Le groupe écologiste n’est pas favorable à cet amendement. Il ne serait pas logique de figer les situations : certains parlementaires auraient la possibilité de continuer à exercer une profession, alors qu’il serait interdit aux autres de commencer à le faire. Or, si l’on interdit à un parlementaire de commencer à exercer une profession, c’est bien que l’on considère que ce cumul des fonctions pose problème. Dès lors, ce cumul des fonctions pose nécessairement problème également dans le cas de ceux qui exercent déjà cette profession. Conformément au principe d’égalité, les règles doivent être les mêmes pour tous les parlementaires.
Pour notre part, nous défendons le principe d’une incompatibilité limitée à la durée du mandat. En 2011, au cours du débat sur la proposition de loi relative à la transparence de la vie politique et à la prévention des conflits d’intérêts que j’avais déposée, M. Devedjian m’avait reproché de rayer d’un trait de plume la contribution plus que centenaire des avocats au travail parlementaire. Il ne s’agit pas de cela : les parlementaires devraient simplement suspendre leur activité d’avocat, de conseil ou d’enseignant, le temps de leur mandat.
M. Gilbert Collard. Cet amendement est surréaliste : comment peut-on interdire à un parlementaire de commencer à exercer une profession ou d’espérer s’accomplir dans une activité qui n’est pas, par nature, répréhensible ? Je ne vois pas en quoi le fait de devenir parlementaire devrait empêcher l’exercice d’une activité professionnelle nouvelle. Par exemple, un député peut parfaitement décider de devenir clown ! (Rires.)
S’agissant de la profession d’avocat, il est compréhensible que l’on n’accepte pas qu’un député qui n’était pas avocat auparavant le devienne du simple fait qu’il a exercé un mandat parlementaire. Mais l’exercice de la profession d’avocat par un parlementaire n’est pas automatiquement source de difficultés. Il conviendrait de définir les choses très précisément, car il existe des avocats de toutes sortes : des pénalistes, des civilistes, des fiscalistes – sans doute est-ce cette spécialité qui pose davantage problème – et même des avocats à la télévision. D’une manière générale, le simple fait pour un parlementaire d’exercer une activité qu’il n’exerçait pas avant le début de son mandat ne devrait pas être un élément incriminant. Cessons de nous détester nous-mêmes : nous créons dans l’opinion publique l’idée que nous, parlementaires, sommes les premiers suspects à nos propres yeux !
Quant à la notion de « conseil », elle est très difficile à définir. Que recouvre-t-elle aujourd’hui ? Les conseils juridiques ont été supprimés. La fonction de conseil est intégrée dans l’activité de nombreuses professions, notamment des avocats, des notaires et des huissiers de justice. En réalité, il serait beaucoup plus utile d’instaurer une incompatibilité entre le mandat parlementaire et l’activité de consultant. Les consultants exercent souvent une fonction de conseil et peuvent disposer d’un véritable pouvoir.
M. René Dosière. Compte tenu des observations de mes collègues, je retire mon amendement, afin d’approfondir ma réflexion.
L’amendement CL 70 est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CL 60 de M. François de Rugy.
M. François de Rugy. L’alinéa 4 de l’article 2 instaure une incompatibilité entre le mandat parlementaire et l’exercice d’une fonction de conseil. Nous souhaitons, par notre amendement, étendre cette incompatibilité au métier d’avocat. En effet, la profession d’avocat peut être utilisée, voire détournée, pour exercer une activité de conseil. Il est nécessaire d’adopter notre amendement pour que l’esprit de l’alinéa 4 de l’article 2 soit pleinement respecté.
M. Jacques Bompard. Cet amendement fait double emploi avec le projet de loi visant à interdire le cumul des mandats. Si ce texte empêche les parlementaires d’exercer un autre mandat, il devrait également, en toute logique, leur interdire d’exercer une autre profession pendant la durée de leur mandat. L’amendement devrait donc être satisfait.
M. Gilbert Collard. J’y insiste : la fonction de conseil est difficile à cerner. En outre, décréter que cette fonction est incompatible avec un mandat parlementaire, c’est vouer les députés au mutisme ! On peut en effet donner des conseils dans toutes sortes de domaines. Comment définir la fonction de conseil sur le plan juridique ? Est-ce, par exemple, le fait de donner un avis ? Le seul moyen de clarifier les choses est, je le répète, d’instaurer une incompatibilité entre le mandat parlementaire et l’activité de consultant, qui n’a d’ailleurs pas à proprement parler d’existence juridique.
M. Alain Tourret. Il conviendrait de supprimer l’alinéa 4 de l’article 2, car il est mal rédigé et suscite une certaine incompréhension. Cet alinéa vise à l’évidence la profession d’avocat. Or deux réalités s’opposent. Premièrement, nous devons être fiers de tous les avocats qui ont, depuis la naissance de la République, siégé dans les assemblées. Les avocats députés ont d’ailleurs souvent continué à exercer leur profession pendant leur mandat, à commencer par François Mitterrand, Robert Badinter et Michel Crépeau. Deuxièmement, la fonction d’avocat a considérablement évolué au cours des dernières années et n’a plus grand-chose à voir avec celle que j’ai exercée pendant quarante ans. Et il est en effet arrivé que des députés, et d’anciens ministres qui n’étaient par parlementaires, utilisent leur fonction d’avocat de manière critiquable. Or, de même qu’on ne doit pas soupçonner la femme de César, on ne doit pas soupçonner un parlementaire avocat.
Pour autant, je ne suis pas favorable à l’amendement de M. de Rugy : un parlementaire doit pouvoir rester avocat s’il l’était déjà auparavant. En revanche, il est clair que le simple fait d’avoir exercé un mandat de député ne doit pas suffire pour devenir avocat. Une telle passerelle ne se justifie pas. Quant au cas des parlementaires avocats, il convient, pour le traiter, de se poser la question suivante : un député dispose-t-il de suffisamment de temps pour exercer sa profession d’avocat ?
J’ai été élu député en 1997 et je suis resté avocat, mais que serais-je devenu lorsque j’ai été battu en 2002 si tel n’avait pas été le cas ? Je prendrai l’exemple de Raymond Forni, ancien président de l’Assemblée nationale qui, en 1986, a dû interrompre son mandat et a voulu redevenir avocat. Ses associés lui ont alors opposé une fin de non recevoir. Lui, si brillant, s’est retrouvé avec la rémunération d’un ouvrier spécialisé.
Nous avons réuni dix-sept avocats sur les trente-cinq que compte notre Assemblée et nous avons considéré que, le métier de député étant désormais pratiquement un temps plein, il n’était pas concevable qu’un parlementaire puisse tirer d’importantes rémunérations de l’exercice de sa profession d’avocat puisque cela ne saurait correspondre à un véritable travail. Il faut donc limiter, pour un parlementaire, les éventuels avantages résultant de ce métier. C’est par ce biais qu’il faut traiter la question.
Mme Cécile Untermaier. Je suis opposée à cet amendement, car le fait de viser une profession particulière me semble inconstitutionnel.
En outre, cette stigmatisation est désagréable : les avocats ne sont pas tous des affairistes ; ce sont des défenseurs du droit qui ont certainement été très utiles à la commission des Lois et, plus généralement, au Parlement.
M. le ministre. Je me suis déjà exprimé hier sur les activités de conseil et le débat est clos.
Sur le plan constitutionnel, il me semble impossible de stigmatiser telle ou telle profession. En revanche, ce n’est pas parce qu’il est impossible de formuler une réponse spécifique que l’on doit s’empêcher de répondre à la question globale : peut-on, ou non, engager une activité nouvelle lorsque l’on est parlementaire ? Même si l’amendement a été retiré, le Gouvernement considère que la discussion n’est pas terminée.
En outre, dans quelles conditions un parlementaire peut-il continuer à exercer une activité professionnelle ? Que se passe-t-il lorsqu’un professionnel libéral élu député est par la suite battu ? Quel dispositif mettre en œuvre pour préserver son outil de travail et pour qu’il puisse reprendre une vie professionnelle normale ? Nous ne pouvons faire l’économie d’une telle réflexion sauf à favoriser des ruptures d’égalité.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CL 60.
Elle examine ensuite l’amendement CL 61 de M. François de Rugy.
M. François de Rugy. L’exercice d’un mandat parlementaire et la possession d’une entreprise de presse ou d’audiovisuel doivent être incompatibles en raison du risque de conflit d’intérêts.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.
La Commission étudie l’amendement CL 44 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. L’article L.O. 148 du code électoral permet à des députés d’occuper des fonctions normalement incompatibles avec leur mandat. Pour ce faire, on utilise une astuce en considérant que ces fonctions sont occupées au titre d’un autre mandat. Une telle situation n’est pas du tout satisfaisante car, ce qui importe, c’est l’existence ou non d’un cumul. Si les articles L.O. 146 et L.O. 147 disposent que certains cumuls sont malsains et doivent être interdits, ce n’est pas pour les réintroduire dans le suivant. Je propose donc la suppression pure et simple de l’article L.O. 148.
M. le rapporteur. Avis défavorable. Nous reparlerons de ce problème dans le cadre de la loi sur le cumul des mandats.
La Commission rejette l’amendement.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CL 18 du rapporteur.
M. le rapporteur. Il s’agit de mentionner dans les articles organiques du code électoral le principe prévu par le projet de loi ordinaire de la mise en disponibilité des fonctionnaires élus parlementaires.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CL 45 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Si un parlementaire ne remplit pas ses obligations déclaratives, cela doit être à la Haute autorité de la transparence de la vie publique de saisir le Conseil constitutionnel, et non au Bureau de l’Assemblée nationale.
M. le rapporteur. Avis défavorable, comme à tous les amendements à venir visant à porter atteinte à l’autonomie de l’Assemblée nationale.
La Commission rejette l’amendement.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CL 78 de M. Pierre Morel-A-L’Huissier.
M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Aux termes de l’article 2, le Bureau de l’Assemblée nationale examine si les activités déclarées par les députés dans la déclaration d’intérêts et d’activités sont compatibles avec le mandat parlementaire. Il me semblerait pertinent de solliciter, pour avis préalable, la Haute autorité. Tel est l’objet de cet amendement.
M. le rapporteur. Avis défavorable pour la raison que je viens d’indiquer.
La Commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette ensuite successivement les amendements CL 46, CL 47 et CL 48 de M. Lionel Tardy.
L’amendement CL 88 du rapporteur est retiré.
La Commission adopte l’article 2 modifié.
Article 2 bis (nouveau)
(art. L.O. 153 du code électoral)
Interdiction du cumul des indemnités de ministre et de parlementaire
En application du premier alinéa de l’article 23 de la Constitution, « les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire ». Cependant, les dispositions de l’article 1er de l’ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l’application de cet article 23 prévoient que cette incompatibilité prend effet à l’issue d’un délai d’un mois.
Ainsi, le parlementaire nommé ministre peut cumuler ces fonctions et son mandat au sein de son assemblée d’origine pendant ce délai. À l’issue de celui-ci, il est remplacé par la personne élue à cet effet – suppléant pour les députés et sénateurs élus au scrutin majoritaire, suivant de liste pour les sénateurs élus au scrutin proportionnel. Ces dispositions ne trouvent pas à s’appliquer « si le Gouvernement est démissionnaire avant l’expiration dudit délai » – ou, dans les faits, s’il est mis fin aux fonctions ministérielles du parlementaire (199).
Pendant cet intervalle, l’ordonnance organique prévoit que le parlementaire « ne peut prendre part à aucun scrutin » : dans les faits, il s’abstient de toute activité parlementaire.
Cependant, aucune disposition ne prévoit qu’il ne puisse pas cumuler ses indemnités liées au mandat parlementaire – indemnité parlementaire proprement dite et indemnité représentative de frais de mandat – avec ses indemnités de ministre.
À l’initiative de votre rapporteur, la commission des Lois a adopté des amendements mettant fin à toute possibilité de cumul d’indemnités, insérés au sein de l’article 1er de l’ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 comme au sein de l’article L.O. 153 du code électoral qui reproduit ces dispositions.
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La Commission est saisie de l’amendement CL 52 du rapporteur, portant article additionnel après l’article 2.
M. le rapporteur. Cet amendement vise à ce que, pendant le mois au cours duquel il est possible de cumuler un mandat parlementaire avec une fonction ministérielle, il ne soit plus possible de cumuler les deux indemnités correspondant à ces deux activités.
M. le ministre. Le Gouvernement est favorable à l’adoption de cet amendement.
M. Dominique Bussereau. Je précise simplement que ce cas de cumul des indemnités ne s’est jamais produit, car les services de la questure de l’Assemblée nationale sont vigilants.
M. Gérald Darmanin. La question peut se poser lorsqu’un parlementaire est nommé ministre – il peut alors cumuler ses indemnités pendant le mois dont il dispose pour faire son choix.
M. le rapporteur. L’amendement vise à mettre fin à cette pratique.
La Commission adopte l’amendement.
Article 2 ter (nouveau)
(art. L.O. 489, L.O. 516 et L.O. 544 du code électoral)
Suppression de la peine automatique d’inéligibilité d’un an
applicable aux conseillers territoriaux de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon n’ayant pas déposé
la déclaration de situation patrimoniale prévue par la loi du 11 mars 1988
L’article 5 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique a introduit au sein du code électoral des dispositions prévoyant l’inéligibilité, pour une durée d’un an, des élus locaux assujettis à l’obligation de dépôt des déclarations de situation patrimoniale prévues par l’article 2 de la même loi. Cependant, les conditions de mise en œuvre n’y sont pas précisées.
À l’occasion de la modification ou de la mise en place des statuts des collectivités d’outre-mer par la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, des dispositions précisées ont été introduites dans le code électoral : les articles L.O. 489, L.O. 516 et L.O. 544 le prévoient ainsi l’inéligibilité « pendant un an à compter de la décision juridictionnelle constatant l’inéligibilité » des conseillers territoriaux de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon assujettis au dépôt d’une déclaration de situation patrimoniale et qui n’auraient pas rempli cette obligation.
En prévoyant une peine d’inéligibilité automatique, sans que le juge puisse apprécier leur proportionnalité à la faute commise, ces dispositions sont contestables au vu des principes de la nécessité et de l’individualisation des peines garantis par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
En outre, le II de l’article 18 du projet de loi ordinaire prévoit une peine de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, complétée par la peine complémentaire de privation d’éligibilité pour une durée maximale de 10 ans ou définitive, en cas d’absence de dépôt des déclarations prévues par l’article 10 du projet de loi. Ce dispositif permet ainsi qu’un juge prononce l’inéligibilité de l’élu qui n’aurait pas rempli ces obligations de dépôt des déclarations.
Aussi à l’initiative de votre rapporteur, la commission des Lois a supprimé toutes ces dispositions prévoyant une inéligibilité automatique au sein des articles organiques par le présent article additionnel comme au sein des articles relevant de la loi ordinaire au sein de l’article 22 du projet de loi.
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Elle examine l’amendement CL 53 du rapporteur.
M. le rapporteur. L’article 18 du projet de loi ordinaire prévoit une peine de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, complétée par une peine complémentaire de privation de l’éligibilité. Ce dispositif permet au juge de prononcer l’inéligibilité de l’élu qui n’aurait pas rempli les obligations de dépôt des déclarations. Cela rend inutiles les dispositions existantes prévoyant une peine d’inéligibilité automatique, lesquelles doivent donc être supprimées.
La Commission adopte l’amendement.
Article 2 quater (nouveau)
(art. 4 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958)
Incompatibilité de l’exercice de la profession d’avocat
avec la fonction de membre du Conseil constitutionnel
À l’initiative de votre rapporteur, la commission des Lois a complété le régime des incompatibilités applicables aux membres du Conseil constitutionnel en prévoyant qu’ils ne pourraient pas exercer parallèlement la profession d’avocat.
En application des articles 4 et 5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, sont actuellement incompatibles avec la fonction de membre du Conseil :
– les fonctions de membre du Gouvernement, de membre du Conseil économique, social et environnemental ou de Défenseur des droits ;
– l’exercice de tout mandat électoral ;
– tout emploi public ;
– en outre, « les incompatibilités professionnelles applicables aux membres du Parlement sont également applicables aux membres du Conseil constitutionnel » (200).
Comme a eu l’occasion de le préciser le Conseil, « les membres de droit du Conseil constitutionnel sont, sous la seule réserve de la dispense de serment expressément prévue par l’article 3 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 dans la rédaction que lui a donnée l’article 1er de l’ordonnance n° 59-223 du 4 février 1959, soumis aux mêmes obligations que les autres membres du Conseil constitutionnel » (201).
Cependant, le caractère désormais incontestablement juridictionnel du Conseil, comme l’accroissement de la charge de travail pesant sur ces membres depuis la mise en place de la question prioritaire de constitutionnalité, rend nécessaire de renforcer l’indépendance de ces membres, en évitant qu’ils soient amenés à exercer d’autres fonctions juridiques.
Cependant, il restera loisible aux membres du Conseil d’exercer à titre subsidiaire d’autres fonctions privées. En application de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1067, leur indemnité sera alors réduite de moitié.
Aussi à l’initiative de votre rapporteur, la Commission a adopté un amendement interdisant aux membres du Conseil l’exercice de la profession d’avocat – les autres fonctions juridictionnelles leur étant désormais interdites, comme aux parlementaires, par l’article 2 du présent projet de loi organique.
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* *
Elle étudie ensuite l’amendement CL 20 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement tend à faire en sorte que les juges constitutionnels ne puissent exercer en même temps la profession d’avocat.
Je le rectifie en supprimant son 2° qui vise une situation n’existant pas au sein du Conseil constitutionnel.
M. Charles de Courson. Les membres à vie du Conseil constitutionnel sont-ils visés ?
M. le rapporteur. Depuis la décision dite « Deuxième circonscription du Puy-de-Dôme » du Conseil constitutionnel en 1984, les incompatibilités s’imposent à tous les membres, qu’ils siègent à vie ou qu’ils soient nommés.
M. le ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement qui sort du champ de ce texte.
La Commission adopte l’amendement CL 20 rectifié.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CL 71 de M. René Dosière.
M. René Dosière. S’il n’est pas possible d’interdire une activité professionnelle à un parlementaire qui l’exerçait avant son élection, il n’est pas légitime que cette activité lui procure des revenus supérieurs à ceux de son mandat dans le cas où les deux exercices seraient concomitants. Un groupe de travail pluraliste qui s’est réuni au Sénat a proposé que les revenus de l’activité professionnelle ne puissent donc excéder la moitié de la rémunération d’un parlementaire. Tel est l’objet de cet amendement.
M. François de Rugy. Nous avons déposé un amendement CL 64 portant article additionnel après l’article 3 qui va dans ce sens. Dès lors que la possibilité d’établir une liste de professions incompatibles ou tolérées n’a pas été retenue, nous souhaitons en effet l’instauration d’un plafonnement des revenus résultant d’une activité autre que l’exercice du mandat de parlementaire, car nous savons fort bien que de telles situations sont propices à l’émergence de conflits d’intérêts.
Des collègues ont fait valoir que les députés, désormais, ne pourraient plus exercer un autre métier, que l’Assemblée nationale ne serait composée que d’apparatchiks et de fonctionnaires. Ceux qui étaient médecins et qui souhaitent continuer à exercer de manière réduite pendant leur mandat pourront cependant le faire dans le cadre du dispositif que nous proposons et nous verrons, alors, ce qu’il en est de leur bonne foi.
M. Jean-Frédéric Poisson. Il doit être possible d’exercer notre mandat comme nous le souhaitons. Nous devons pouvoir être financièrement indépendants. Si nous le pouvons, nous devons garantir de la sorte notre liberté de parole et nous prémunir contre toutes les pressions possibles. La meilleure garantie de l’indépendance des parlementaires c’est en effet la capacité, s’ils le souhaitent, d’être financièrement libres.
Je vois poindre dans le témoignage de « bonne foi », monsieur de Rugy, une tentation autoritaire que je n’aime pas. Pour le reste, ce sont les électeurs qui, en dernier ressort, décident.
Ce texte n’aime pas la liberté du Parlement, non plus que l’indépendance des parlementaires. Alors que c’est précisément la diversité des situations personnelles qui fait la richesse de cette maison et du Sénat, le Gouvernement et la majorité passent tout le monde sous la toise parce que c’est la meilleure manière d’avoir les parlementaires sous leur coupe. D’autres majorités pourraient probablement avoir les mêmes tentations mais, en l’occurrence, je constate que plus nous débattons de ce texte, plus la confiance que nous devrions avoir en la liberté personnelle des parlementaires s’amenuise.
Je voterai donc contre cet amendement.
M. Daniel Vaillant. Nous évoquons l’ensemble de ces questions parce nous avons abordé, à juste titre, celle du cumul des mandats des parlementaires. Le problème ne se poserait pas dans les mêmes termes si nous avions conservé un dispositif permettant à un député d’être maire ou d’exercer toute autre fonction exécutive.
Personne ne parle des collègues qui n’exercent pas une profession libérale, qui ne sont ni fonctionnaires ni retraités, et qui, eux, sont au tapis dès le lendemain de leur défaite à l’élection ! Un salarié qui travaillait dans le secteur privé, un brancardier, un technicien biologiste, voire un permanent de parti politique, ne peuvent parfois pas se réinsérer professionnellement. Ce fut mon cas en 1993, et personne ne s’en est soucié. Il y a donc deux poids, deux mesures.
En ce qui me concerne, étant partisan de l’égalité, je suis favorable à cet amendement.
M. Guy Geoffroy. Il me semble que nous avons changé de discussion et que nous débattons là plutôt du cumul de la fonction parlementaire avec toute autre activité.
Cet amendement viserait-il à faire en sorte qu’un parlementaire ayant une activité fort rémunératrice puisse renoncer à ses indemnités de mandat pour pouvoir continuer à exercer ? Faudrait-il limiter les revenus issus de son activité privée à une fois et demie son indemnité ? Il faut le savoir, sinon nous risquons de nous montrer injustes à l’égard de ceux qui feraient cadeau de leur indemnité à la République.
En outre, ceux qui ont la chance de disposer d’une fortune personnelle devront-ils renoncer à la placer de telle manière qu’elle rapporte mensuellement plus de la moitié du montant de l’indemnité parlementaire ?
Enfin, les parlementaires pourront-ils continuer à écrire des livres et à profiter de leur situation pour les promouvoir ? Faudra-t-il limiter leurs droits d’auteur à une fois et demie le montant de leur indemnité ?
Faut-il donc enserrer les parlementaires dans de tels carcans ? Amendement après amendement, vous appauvrissez le vivier du recrutement. Mais allez donc jusqu’au bout de l’absurde et nous verrons alors ce qu’il en est de votre objectif !
M. Gilbert Collard. Je suis étonné que l’amendement CL 71 ne fasse aucune référence à la qualité des activités professionnelles. Pourquoi ne pas le rédiger de la sorte : « Les revenus tirés d’une activité professionnelle libérale ou publique exercée concomitamment… » ? Cet amendement, en fait, est anticonstitutionnel.
M. le ministre. L’amendement permet la poursuite d’une activité ; il n’en stigmatise aucune et il permet de retrouver un « outil de travail » en cas de défaite électorale. Le Gouvernement considère que les questions posées sont légitimes et a déposé deux amendements à ce propos.
Je rappelle qu’il est question des seuls revenus issus d’une activité professionnelle, et non des revenus du patrimoine.
Le Conseil d’État ayant émis un avis très négatif sur la rédaction que prévoit l’amendement CL 64, nous ne pouvons qu’être défavorable à celui-ci.
Entre absence de stigmatisation et poursuite d’une activité, l’amendement CL 71, en revanche, nous semble équilibré. Sous réserve de précisions, le Gouvernement y est favorable. Son adoption permettrait en effet de répondre à certaines questions juridiques sur l’état de la propriété des parts sociales pour les professionnels exerçant sous des formes collectives prévues par le code des sociétés ou les dispositions des règlements des professions. Elle permettrait également d’éviter de conserver la propriété des parts sociales tout en disposant d’une rémunération limitée par loi, qui serait fiscalement encadrée et cohérente. Par exemple, il pourrait être possible de conserver 50 % des parts du capital tout en bénéficiant d’une rémunération limitée. Cette solution, enfin, a le mérite d’éviter l’omission de caractère obligatoire qui pourrait résulter d’une première lecture du texte proposé par le Gouvernement.
M. Patrick Devedjian. Une étude d’impact me paraît indispensable. À cet égard, je regrette que M. Dosière, qui en réclamait une tout à l’heure à propos d’un autre amendement, ne s’applique pas à lui-même les conseils qu’il donne.
Comment appliquer cette disposition à un pianiste, un peintre, un inventeur, un écrivain – qu’il ait ou non du succès –, dont les revenus seraient totalement aléatoires ?
Par ailleurs, je ne pense pas qu’il soit possible de toucher au montant de l’indemnité parlementaire, qui doit être la même pour tous. De même, il n’est pas possible d’intervenir dans le contrat de travail entre salarié et employeur, la rémunération relevant également d’une liberté constitutionnelle. Il faudra donc appliquer aux élus qui exercent une activité professionnelle un régime fiscal exceptionnel – et discriminatoire – si l’on veut plafonner leurs revenus.
Bref, je ne vois pas comment un tel dispositif peut tenir debout sur le plan juridique.
M. Charles de Courson. Cet amendement est très étrange. Si un parlementaire est également président d’une société anonyme à responsabilité limitée, il lui sera très simple d’en contourner les dispositions : il lui suffira de fixer sa rémunération de dirigeant à hauteur de la moitié de son indemnité parlementaire, le reste étant attribué sous forme de dividendes.
De toute façon, quelle serait la sanction en cas de dépassement ?
Et quelle serait la situation d’un peintre, d’un chanteur de variétés, voire d’un clown connaissant le succès ?
Cet amendement ne tient pas. Notre collègue Vaillant s’est montré le plus sage : l’Assemblée nationale est déjà composée pour moitié de députés issus des trois fonctions publiques ; voulons-nous que cette proportion passe aux trois quarts ? Je n’ai rien contre les fonctionnaires, étant moi-même magistrat, mais une telle tendance n’irait pas dans le sens d’une représentation équilibrée de la nation.
Ce qu’il faut remettre en cause, c’est l’inégalité dans l’accès aux mandats. Il faut notamment mettre fin au privilège que constitue, pour les fonctionnaires, la possibilité de se mettre en détachement. Le projet de loi apporte une petite amélioration dans ce domaine, mais une meilleure solution serait d’imposer la démission du fonctionnaire à l’issue du premier mandat.
On ne peut interdire aux députés d’être salariés du secteur privé ou d’exercer une profession libérale. Il faut fixer un principe : aucune activité, quelle qu’elle soit, ne doit être source de conflit d’intérêts, la Haute autorité étant chargée d’apprécier les situations au cas par cas. Ce serait la solution la plus sage, et la plus à même d’assurer l’équilibre de la représentation nationale. Mais ce n’est pas l’amendement de M. Dosière qui va résoudre le problème.
M. Gérald Darmanin. J’observe tout d’abord que le Gouvernement et sa majorité, contrairement à ce qu’ils prétendent être leur philosophie politique, préfèrent protéger les fruits du capital plutôt que ceux du travail.
On ne peut dissocier ce débat d’autres questions comme celle du cumul des mandats, ou de projets portés notamment par les Verts ou une partie des socialistes, comme la réduction du nombre de députés ou leur élection à la proportionnelle intégrale. Mais le plus important est de savoir comme vous comptez aider les parlementaires, à l’issue de leur mandat, à mettre leur expérience à profit pour se rendre utile d’une autre façon à la société. À cet égard, la troisième voie d’accès à l’École nationale d’administration pour les syndicalistes et élus locaux est un exemple à suivre.
En tout état de cause, ce n’est pas cet amendement, d’ailleurs inapplicable en pratique, qui permettra de moraliser la vie politique.
M. le rapporteur. Je comprends l’intention de M. Dosière, mais il convient de se montrer prudent dans la rédaction. Par exemple, le terme de « rémunération » des parlementaires ne convient pas : il faudrait parler d’indemnités. Plus généralement, nous devons veiller à ce qu’une telle disposition ne porte pas atteinte à la liberté d’entreprendre ou au principe d’égalité.
M. René Dosière. Les remarques du ministre et du rapporteur sur les termes de l’amendement ainsi que les nombreuses questions et observations qu’il suscite me conduisent à le retirer, quitte à en proposer ultérieurement une nouvelle rédaction.
L’amendement CL 71 est retiré.
Article 3
(art. 1er, 4 à 6 de l’ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution)
Indemnités des anciens ministres
Cet article tend à réduire de six à un mois la période pendant laquelle un ancien membre du Gouvernement continue de percevoir son traitement. Il vise également à conditionner son versement au caractère exhaustif des déclarations de situation patrimoniale et d’intérêts établis par l’ancien membre du Gouvernement.
Inchangé depuis son origine, l’article 5 de l’ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution dispose qu’en cas de cessation des fonctions gouvernementales, l’ancien membre du Gouvernement perçoit une « indemnité » d’un montant égal au traitement qui lui était alloué en sa qualité de membre du Gouvernement.
Cette indemnité – imposable à l’impôt sur le revenu (202) – est actuellement versée pendant six mois, à moins que l’intéressé n’ait auparavant repris une activité rémunérée. Tel est le cas par exemple lorsque l’ancien ministre retrouve son siège de parlementaire.
Le montant de cette indemnité est égal au total du traitement brut, de l’indemnité de résidence et de l’indemnité de fonction perçus par le membre du Gouvernement (203), soit actuellement 9 940 euros brut par mois.
Le présent article tend à apporter deux modifications à ce dispositif.
D’une part, il réduit de six mois à un mois la durée de perception de l’indemnité due aux anciens membres du Gouvernement. L’étude d’impact jointe au présent projet de loi organique indique que cette réduction « répond à une exigence d’exemplarité des titulaires de fonctions gouvernementales dans un contexte où tout un chacun est appelé à participer aux efforts de redressement des finances publiques ». La durée d’un mois correspond, en outre, à la période à l’issue de laquelle les anciens ministres peuvent, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, retrouver leur mandat parlementaire.
À l’initiative de M. René Dosière, votre commission des Lois a supprimé cette disposition, que rien ne justifie et qui aboutit à favoriser les membres du Gouvernement disposant d’un mandat parlementaire au détriment des autres qui se trouveraient sans emploi à l’issue de leurs fonctions ministérielles.
D’autre part, l’indemnité ne pourra désormais plus être perçue lorsque l’ancien membre du Gouvernement a « omis de déclarer » à la Haute autorité de la transparence de la vie publique « tout ou partie de son patrimoine ou de ses intérêts ». La privation de l’indemnité s’appliquerait donc en cas de méconnaissance des obligations déclaratives prévues à l’article 3 du projet de loi (voir ci-après).
Quoique le texte proposé ne le précise pas, c’est à la Haute autorité qu’il devrait revenir de constater l’omission, entraînant l’absence de versement de l’indemnité par le ministère concerné (204).
Dans le cas où la révélation de l’omission aurait lieu après le versement de l’indemnité (désormais seulement mensuelle), le texte est muet sur la possibilité d’une éventuelle rétrocession. Celle-ci serait probablement possible en application de la théorie de la répétition de l’indu.
En revanche, du fait du principe de sécurité juridique et de l’impossibilité pour le législateur de porter atteinte à des situations légalement acquises, le présent article ne pourrait être appliqué à des faits survenus avant l’entrée en vigueur de la loi organique issue du présent projet.
On relèvera, enfin, que dans la mesure où il concerne les anciens membres du Gouvernement, le présent article, parce qu’il serait inscrit dans la loi par le Parlement et non dans un décret par le Gouvernement, ne saurait s’analyser comme portant atteinte à la séparation des pouvoirs et, en particulier, à l’autonomie financière de chacun des pouvoirs publics constitutionnels (205).
2. L’application aux membres du Gouvernement des principes retenus prévue par la commission des Lois pour les parlementaires
À l’initiative de votre rapporteur, la commission des Lois a adopté deux amendements prévoyant pour les membres du Gouvernement les principes de mise à disponibilité et de non-cumul des indemnités applicables aux parlementaires. Elle a aussi supprimé un ancien dispositif de limitation des activités pouvant être exercées à l’issue des fonctions ministérielles.
En complétant l’ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution, elle a interdit au ministre issu du Parlement de cumuler les indemnités parlementaires et de membre du gouvernement, pendant le mois suivant sa nomination au Gouvernement durant lequel il conserve son mandat parlementaire (206).
Comme l’a prévu pour les parlementaires la version initiale de l’article 16 du projet de loi, disposition transférée au sein de l’article 2 du projet de loi organique (207), la commission des Lois a décidé que les fonctionnaires nommés au gouvernement seraient à compter du 1er janvier 2014 mis d’office en disponibilité, ou dans la position équivalente prévue par leur statut.
Enfin, la commission des Lois a tiré les conséquences de la mise en place par l’article 15 du projet de loi d’un dispositif de contrôle des activités exercées par les membres du Gouvernement, durant leur mandat comme dans le délai de trois ans suivant leurs fonctions, en supprimant l’interdiction posée par l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, qui interdisait aux anciens membres du Gouvernement de commencer dans les six mois suivant la fin de leurs fonctions l’exercice de fonctions dont l’incompatibilité avec le mandat parlementaire est prévue par les articles L.O. 145 et L.O. 146 du code électoral (exercice d’une fonction de direction au sein des entreprises nationales et établissements publics nationaux, ainsi que des entreprises disposant d’avantages ou de commandes publiques ou exerçant une activité immobilière ou une activité financière en faisant appel à l’épargne).
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La Commission examine l’amendement CL 23 du rapporteur.
M. le rapporteur. Comme nous l’avons déjà vu, pendant le mois où il est possible de cumuler un mandat parlementaire avec une fonction de membre du Gouvernement, le cumul des deux indemnités doit être interdit.
La Commission adopte l’amendement.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CL 65 de M. René Dosière.
M. René Dosière. Chacun, ici, sait quel rôle j’ai joué dans la décision finalement prise par le Gouvernement de réduire sensiblement le montant des rémunérations de ses membres. On ne trouvera donc pas suspect que je juge trop rigoureuse la proposition de réduire à un mois la durée pendant laquelle un ministre qui a quitté ses fonctions continue à se voir verser une indemnité. Je préfère conserver le système actuel, mis en place par le général de Gaulle en 1958.
M. le rapporteur. Avis favorable.
M. le ministre. Le Gouvernement était déjà réservé sur l’amendement précédent. Même si je sais gré à ses auteurs se préoccuper de la situation des ministres – il s’agit peut-être d’un investissement pour l’avenir –, je suis défavorable à l’adoption de celui-ci.
M. Dominique Bussereau. Il est dommage que cette question vienne en débat avant l’examen du projet de loi sur le cumul des mandats, car les deux textes sont indissociables. Comme Daniel Vaillant et Gérald Darmanin, j’estime qu’à partir du moment où l’on coupe les liens entre le monde économique et les parlementaires et, en raison de l’interdiction du cumul, entre ces derniers et les élus locaux, et dès lors que l’exercice de certaines professions est rendu plus difficile pour les députés et les sénateurs, il est indispensable de mettre en place au profit de ces derniers une validation des acquis de l’expérience. C’était l’objectif du décret « Fillon » sur l’accès à la profession d’avocat. Sans un tel système, le Parlement finira par ne compter que des fonctionnaires ou des apparatchiks, et n’aura plus aucun lien avec la société réelle. C’est donc l’avenir de la République qui est en jeu.
La Commission adopte l’amendement.
M. Charles de Courson. Je m’interroge : pourquoi vouloir maintenir à six mois la durée de versement du traitement des ministres ? Et à quelle date cette disposition entrerait-elle en vigueur ? S’appliquerait-elle à Jérôme Cahuzac, qui a démissionné en avril ? S’agit-il d’un amendement ad hominem ?
M. Dominique Raimbourg, président. L’amendement a été adopté : le droit actuel continuera donc à s’appliquer.
La Commission en vient à l’amendement CL 62 de M. François de Rugy, portant article additionnel après l’article 3.
M. Sergio Coronado. Je retire cet amendement.
L’amendement CL 62 est retiré.
Article 4
(tableau annexé à la loi n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution)
Avis du Parlement sur l’exercice par le président de la République de son pouvoir de nomination du président de la Haute autorité de la transparence de la vie publique
La loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République a introduit un dispositif de contrôle par le Parlement des nominations effectuées par le président de la République, en prévoyant que les emplois ou fonctions caractérisés par « leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation ». Les commissions permanentes compétences sont ainsi amenées à se prononcer sur la personne pressentie pour être nommé par le président de la République ; lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois-cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions, cette nomination ne peut avoir lieu.
La loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 prise pour l’application de ces dispositions a ainsi prévu de soumettre pour avis au Parlement la nomination des présidents des principales autorités administratives indépendantes nommés par le président de la République, tel que le président de l’Autorité des marchés financiers ou celui de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.
Le législateur de 1988 avait prévu que le vice-président du Conseil d’État serait de droit président de la commission pour la transparence financière de la vie politique ; en l’absence de nomination de membres de cette dernière par le président de la République, ces dispositions de contrôle ne trouvaient pas à s’appliquer.
L’article 12 du projet de loi ordinaire prévoit que le président de la Haute autorité de la transparence de la publique sera nommé par décret après avis des commissions permanentes des deux assemblées chargées des lois constitutionnelles. Un tel contrôle n’étant possible que pour des nominations présidentielles, il convient d’en déduire qu’il ne pourra s’agir que d’un décret en conseil des ministres, ce que confirme l’étude d’impact.
Dans ce cadre, le rôle renforcé que sera appelée à jouer la Haute autorité de la transparence de la vie publique justifie que la désignation de son président soit soumise pour avis au contrôle du Parlement. Le présent article procède ainsi à l’insertion de cette fonction au sein de la liste des fonctions sur lesquels les commissions parlementaires compétentes seront amenées à se prononcer.
La désignation de la commission permanente chargée de cette procédure au sein des assemblées relevant de la loi ordinaire, la compétence des commissions des lois constitutionnelles des deux assemblées est prévue par l’article 21 du projet de loi ordinaire.
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La Commission adopte l’article 4 sans modification.
Article 4 bis (nouveau)
(art. 4 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du président de la République au suffrage universel)
Actualisation des dispositions relatives aux déclarations de situation patrimoniale des candidats à l’élection présidentielle et du président de la République
Introduit à l’initiative de votre rapporteur, cet article tend à actualiser le renvoi au code électoral figurant dans les dispositions relatives aux déclarations de situation patrimoniale des candidats à l’élection présidentielle et du président de la République.
En application de l’article 3 de loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962, qui a valeur organique, les candidats à l’élection présidentielle doivent, à peine de nullité de leur candidature, remettre au Conseil constitutionnel, sous pli scellé, une déclaration de leur situation patrimoniale « conforme aux dispositions de l’article L. O. 135-1 du code électoral » et s’engager, en cas d’élection, à déposer, deux mois au plus tôt et un mois au plus tard avant l’expiration de leur mandat, une nouvelle déclaration conforme à ces dispositions, publiée au Journal officiel dans les huit jours de son dépôt.
Toutefois, en dépit de ce renvoi au code électoral, le seul fait de modifier l’article L.O. 135-1 – comme le prévoit l’article 1er du présent projet de loi organique – ne suffit pas à modifier les dispositions applicables aux candidats à l’élection présidentielle et au président de la République. En effet, l’article 4 de la loi du 6 novembre 1962 précitée dispose que les dispositions du code électoral auxquelles il est renvoyé sont celles « dans leur rédaction en vigueur à la date de publication de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 ».
Le présent article tend à actualiser ce renvoi, en lui substituant la future loi organique résultant de l’adoption du présent projet.
En conséquence, le contenu des déclarations de situation patrimoniale des candidats à l’élection présidentielle et du président de la République devront, à l’avenir, obéir aux prescriptions de la nouvelle rédaction de l’article L.O. 135-1 du code électoral, tel que modifié par votre Commission à l’article 1er du présent projet.
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La Commission examine l’amendement CL 17 du rapporteur, portant article additionnel après l’article 4.
M. le rapporteur. Il s’agit seulement d’actualiser une référence faite au code électoral.
La Commission adopte l’amendement.
Article 5
Applicabilité des dispositions de la présente loi organique dans les territoires régis par le principe de spécialité législative
Le présent article étend l’application des dispositions des articles 1er et 2, modifiant des dispositions organiques insérées au sein du code électoral, aux territoires de la République soumis au principe de spécialité législative : les collectivités d’outre-mer de Polynésie et de Wallis-et-Futuna, ainsi que la collectivité sui generis de Nouvelle-Calédonie.
En application des statuts de ces territoires et en l’absence de mention expresse, les territoires en question resteraient soumis au droit antérieur à l’entrée en vigueur du présent texte organique, alors que tous les articles organiques du code électoral leur sont actuellement applicables, en vertu d’une disposition expresse. Le législateur organique a en effet prévu en matière électorale (208) comme en matière de règles relatives au cumul des mandats des parlementaires (209) d’étendre de façon explicite les dispositions pouvant trouver à s’appliquer dans les territoires soumis au principe de spécialité législative.
Les articles 3 et 4 modifient, quant à eux, des textes relatifs aux pouvoirs publics dont le législateur organique n’a pas pris la peine d’étendre explicitement aux territoires soumis au principe de spécialité législative que sont la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, les îles Wallis-et-Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises. Dans le silence du Conseil constitutionnel (210), il est possible de considérer que ces dispositions organiques relatives aux pouvoirs publics de la République font partie des « lois de souveraineté », ensemble de textes dégagés par la jurisprudence et la doctrine comme devant nécessairement s’appliquer à l’ensemble de la République, sans mention particulière.
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La Commission est saisie de l’amendement CL 80 de M. Philippe Gomes.
M. Gilles Bourdouleix. Il est défendu.
M. le rapporteur. Avis défavorable. L’amendement CL 55 répond largement aux aspirations de M. Gomes.
La Commission rejette l’amendement.
Elle adopte ensuite l’article 5 sans modification.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CL 79 de M. Philippe Gomes.
Article 6 (nouveau)
(art. 64, 114, 161 et 195 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie)
Coordination avec la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie
Introduit à l’initiative de votre rapporteur, cet article vise à tirer les conséquences de la présente réforme dans la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.
Il tend à actualiser la référence faite dans cette loi organique aux obligations déclaratives résultant de la « législation relative à la transparence financière de la vie politique » pour renvoyer, désormais, à la future loi
– ordinaire – relative à la transparence de la vie publique.
Sans changer les assujettis à l’obligation de déposer une déclaration de situation patrimoniale (président et membres du congrès, président et membres du gouvernement, présidents et vice-présidents des assemblées de province), cet article ajoute l’obligation de dépôt d’une déclaration d’intérêts. La mise en œuvre de ces dispositions se ferait, comme aujourd’hui, dans les mêmes conditions que pour les principaux élus locaux de métropole ou d’outre-mer, désormais mentionnés aux 1°et 2° du I de l’article 10 du projet de loi. Cela aura notamment pour conséquence la publicité des déclarations d’intérêts et, pour le président du congrès, le président du gouvernement et les présidents des assemblées de province, des déclarations de patrimoine.
En outre, comme pour les membres des assemblées délibérantes des collectivités d’outre-mer (211) et des collectivités territoriales (212), le présent article supprime la peine d’inéligibilité automatique d’un an en cas d’absence de dépôt de la déclaration de patrimoine prévue par la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, sanction remplacée par les peines d’emprisonnement, d’amende et d’inéligibilité renforcée prévue par l’article 19 du projet de loi.
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Puis elle en vient à l’amendement CL 84 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement vise à actualiser une référence figurant dans la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie.
La Commission adopte l’amendement.
Article 7 (nouveau)
(art. 109 et 160 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française)
Coordination avec la loi organique relative à la Polynésie française
Introduit à l’initiative de votre rapporteur, cet article vise à tirer les conséquences de la présente réforme dans la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française.
Il tend à actualiser la référence faite dans cette loi organique aux obligations déclaratives résultant de la « législation relative à la transparence financière de la vie politique » pour renvoyer, désormais, à la future loi
– ordinaire – relative à la transparence de la vie publique.
Sans changer les assujettis à l’obligation de déposer une déclaration de situation patrimoniale (président et autres membres du gouvernement, représentants à l’assemblée de la Polynésie française), cet amendement ajoute l’obligation de dépôt d’une déclaration d’intérêts. La mise en œuvre de ces dispositions se ferait, comme aujourd’hui, dans les mêmes conditions que pour les principaux élus locaux de métropole ou d’outre-mer, désormais mentionnés aux 1° et 2° du I de l’article 10 du projet de loi. Cela aura notamment pour conséquence la publicité des déclarations d’intérêts et, pour le président du gouvernement et le président de l’assemblée, des déclarations de patrimoine.
En outre, comme pour les membres des assemblées délibérantes des autres collectivités d’outre-mer (213), le présent article supprime la peine d’inéligibilité automatique d’un an en cas d’absence de dépôt de la déclaration de patrimoine prévue par la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, sanction remplacée par les peines d’emprisonnement, d’amende et d’inéligibilité renforcée prévue par l’article 19 du projet de loi.
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Elle examine ensuite l’amendement CL 85 du même auteur.
M. le rapporteur. Il est similaire au précédent, mais concerne cette fois la Polynésie française.
La Commission adopte l’amendement.
Article 8 (nouveau)
Application des dispositions relatives à l’administration fiscale en Nouvelle-Calédonie et dans les collectivités d’outre-mer
Introduit à l’initiative de votre rapporteur, cet article précise que, pour l’application des mesures prévues à l’article 1er, qui font intervenir l’administration fiscale (demande de transmission de déclarations d’impôt, demande d’exercice du droit de communication etc.), peuvent être concernées, le cas échéant, les administrations fiscales de la Nouvelle-Calédonie ou des collectivités d’outre-mer. En conséquence, à chaque fois qu’est mentionnée « l’administration fiscale », les services fiscaux de ces collectivités pourront être sollicités par la Haute autorité de la transparence de la vie publique.
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Elle adopte ensuite l’amendement CL 55 du rapporteur.
La Commission adopte l’ensemble du projet de loi organique modifié.
M. Jean-Frédéric Poisson. Nous devons encore examiner le texte du projet de loi ordinaire, ainsi qu’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête. Comment comptez-vous organiser la suite de nos travaux, monsieur le président ? Allez-vous convoquer une nouvelle réunion de la Commission ?
M. Dominique Raimbourg, président. Je vous propose en effet de poursuivre nos travaux jusqu’à treize heures, puis de convoquer à nouveau la Commission cet après-midi, et éventuellement à vingt-et-une heures trente ce soir.
M. Jean-Frédéric Poisson. L’ordre du jour est donc maintenu, ainsi que l’audition de Mme Taubira, prévue à dix-huit heures ?
M. Dominique Raimbourg, président. Oui. Quant à la proposition de résolution, elle ne devrait pas donner lieu à des débats trop compliqués.
M. Jean-Frédéric Poisson. Nous verrons bien !
M. Dominique Raimbourg, président. Si j’étais certain que son examen ne posera aucune difficulté, je ne serais d’ailleurs pas hostile à ce que nous l’examinions maintenant.
M. Guy Geoffroy. Hier soir, nous devions terminer nos travaux à vingt heures. Or nous avons engagé à vingt heures dix le débat sur un amendement très important du rapporteur relatif à la publication des déclarations de patrimoine et d’intérêts, ce qui nous à conduit à siéger beaucoup plus longtemps que prévu. De telles conditions de travail ne sont pas satisfaisantes. J’espère que l’examen des textes inscrits aujourd’hui à l’ordre du jour ne sera pas aussi chaotique.
M. Dominique Raimbourg, président. Nous pourrions avancer beaucoup plus vite si les intervenants faisaient preuve d’un peu plus de concision. En outre, il serait souhaitable, lorsque le rapporteur a rendu son avis, de se limiter à un ou deux orateurs sur chaque amendement.
M. Paul Molac. Je rappelle que le vote sur le projet de loi pour la refondation de l’école aura lieu cet après-midi.
M. Dominique Raimbourg, président. Nous reprendrons nos travaux à l’issue de ce vote.
M. Guy Geoffroy. De nombreux amendements déposés sur le projet de loi ordinaire reprennent des dispositions déjà adoptées dans le projet de loi organique et susciteront donc peu de débats. Au nom de mon groupe, je demande que nous examinions maintenant la proposition de résolution, et que l’examen du projet de loi relatif à la transparence de la vie publique soit renvoyé à cet après-midi.
M. Dominique Raimbourg, président. Je préfère maintenir l’ordre initial : plus vite nous examinerons le projet de loi ordinaire, plus vite nous en viendrons à la proposition de résolution.
La Commission en vient à l’examen des articles du projet de loi relatif à la transparence de la vie publique (n° 1005) (M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur).
EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI
Chapitre Ier
La prévention des conflits d’intérêts et la transparence dans la vie publique
La Commission examine l’amendement CL 240 de M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur.
M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Amendement rédactionnel visant à supprimer le mot « financière » dans l’intitulé du chapitre.
La Commission adopte l’amendement.
Article 1er
Obligations générales
Cet article tend à poser deux séries d’obligations incombant aux acteurs publics.
Seraient soumis à ces obligations les membres du Gouvernement, les titulaires d’un mandat électif local et les personnes chargées d’une mission de service public. Cette dernière catégorie est très large : elle inclut l’ensemble des agents publics de l’État, des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière, les personnes qui, quel que soit leur statut, travaillent pour un organisme chargé d’une mission de service public (établissement public, autorité administrative indépendante, personne morale de droit privé), ainsi que les collaborateurs occasionnels du service public.
Les parlementaires, en revanche, sont exclus du champ d’application du présent article. Ils sont aujourd’hui soumis à des dispositions proches contenues, à l’Assemblée nationale, dans le code de déontologie des députés adopté en 2011.
Les différents responsables et agents publics concernés devraient exercer leurs fonctions « avec dignité, probité et impartialité ».
L’énoncé de ces valeurs fondamentales, qui doivent guider l’action publique répond aux préconisations du rapport « Sauvé ». Ce dernier proposait cependant une liste de valeurs partiellement différente : s’il mentionnait la probité, et l’impartialité, il ajoutait l’intégrité et l’objectivité, sans retenir la dignité (214). Le projet de loi relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique présenté sous la législature précédente (n° 3704, juillet 2011), mentionnait, quant à lui, la probité et l’impartialité.
Les principes posés au présent article s’analysent comme la consécration d’obligations déjà dégagées par la jurisprudence, voire par le législateur lui-même dans certains domaines spécifiques.
Ainsi, le principe d’impartialité est considéré par le Conseil d’État, depuis 1949 (215), comme un principe général du droit, qui « s’impose à tous les organismes administratifs » (216). Celui-ci revêt deux dimensions, systématisées par la Cour européenne des droits de l’homme (217) : l’impartialité subjective signifie que l’agent public traitant une affaire ne doit pas faire preuve de parti pris ; l’impartialité objective exige que, indépendamment même de la conduite personnelle de l’agent, certains faits ne soient pas de nature à conduire les tiers à douter de l’exercice impartial des fonctions (théorie dites « des apparences »). Plus largement, selon M. Christian Vigouroux, président de la section du rapport et des études du Conseil d’État, l’impartialité administrative constitue « un équilibre réussi entre les intérêts légitimes divergents, un cocktail d’objectivité, d’absence de préjugé et d’un brin de distanciation » (218).
Toutefois, comme l’a souligné le rapport « Sauvé », le principe d’impartialité est, dans la jurisprudence actuelle, « moins conçu comme une obligation déontologique s’imposant aux agents et susceptible d’influer sur leur comportement que comme une condition de légalité des actes administratifs » (219). Sont par exemple illégales les délibérations d’un conseil municipal « auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires » (220).
L’obligation de probité est également déjà connue du droit positif, qu’il s’agisse du droit disciplinaire applicable à la fonction publique (221) ou du droit pénal, qui réprime les « atteintes à la probité commises par des personnes exerçant une fonction publique » (222), sous la forme des délits de prise illégale d’intérêts, de concussion, de corruption passive, de trafic d’influence et de soustraction ou de détournement de biens. La probité peut être définie comme l’obligation d’exercer sa fonction « de manière intègre et désintéressée, en toute conscience et avec loyauté » (223). Les manquements à la probité sont traditionnellement exclus du champ des lois d’amnistie (224) et peuvent entraîner l’interdiction d’exercer certaines fonctions publiques (225).
Consacrer dans la loi l’obligation de probité permettrait de se rapprocher du droit de l’Union européenne, aux termes duquel les fonctionnaires européens sont astreints à « une obligation générale d’indépendance et de probité à l’égard de l’institution ». Cette obligation prohibe tout comportement, « qui, au vu des éléments de l’espèce, montre que le fonctionnaire concerné a entendu favoriser un intérêt particulier au détriment de l’intérêt général communautaire » (226).
Enfin, l’obligation de dignité dans l’exercice des fonctions publiques est également reconnue par la jurisprudence administrative (227) . En outre, elle est, dans certains domaines, déjà consacrée par le législateur : par exemple, la « dignité des fonctions » fait partie des critères à l’aune desquels la Commission de déontologie de la fonction publique doit se prononcer lorsqu’un agent public souhaite exercer une activité dans le secteur privé (228). L’obligation de dignité a pour fonction de protéger la réputation de l’administration et de ses agents.
Au total, le présent article confirme la tendance récente à l’individualisation de la déontologie au sein secteur public : « les obligations générales du service public deviennent progressivement des obligations personnelles de comportement des agents envers les administrés, les autres agents et l’institution elle-même » (229). En l’occurrence, ces obligations seraient également étendues aux membres du Gouvernement et aux élus locaux.
S’ils ne sont pas concernés par le présent article, les députés n’en sont pas moins tenus au respect de certains principes, récemment synthétisés dans le code de déontologie adopté en 2011 – qui prévoit notamment que « les députés ont le devoir de respecter l’intérêt général, les principes d’indépendance, d’objectivité, de responsabilité, de probité et d’exemplarité ».
Votre rapporteur rappelle à cet égard que le Bureau de l’Assemblée nationale, sur proposition de son Président, M. Bernard Accoyer, avait décidé, à la fin de l’année 2010, de confier une réflexion sur la prévention des conflits d’intérêts à un groupe de travail composé de membres du Bureau, du président de la commission des Lois, M. Jean-Luc Warsmann, et de deux représentants par groupe politique. Les deux rapporteurs de ce groupe de travail étaient M. Jean-Pierre Balligand et Mme Arlette Grosskost. Les propositions faites par ces deux députés aboutirent à une décision du Bureau en date du 6 avril 2011, prise à l’unanimité, qui institua un code de déontologie des députés, un déontologue et des obligations déclaratives nouvelles.
Le présent article prévoit que les membres du Gouvernement, les titulaires d’un mandat électif local et les personnes chargées d’une mission de service public doivent veiller « à prévenir ou à faire cesser immédiatement les situations de conflits d’intérêts ».
La prévention des conflits d’intérêts n’est évidemment pas sans lien avec les trois principes précités :
– la probité peut être vue comme la source même de l’exclusion de toute situation qui conduirait l’acteur public à agir, non au nom de l’intérêt général, mais au service de ses propres intérêts ou de ceux de ses proches (230) ;
– l’absence de résolution d’une situation de conflit d’intérêts peut aboutir à méconnaître la dignité des fonctions publiques dont un agent a la charge ;
– une décision peut légitimement être suspectée de partialité du fait d’un conflit d’intérêts potentiel. C’est ainsi, par exemple, que constitue une violation du principe d’impartialité la situation dans laquelle le juge administratif n’est pas en mesure de contrôler l’existence d’un conflit d’intérêts, une autorité n’ayant pas versé au dossier l’intégralité des déclarations d’intérêts dont l’accomplissement était pourtant obligatoire et n’ayant pas davantage fait état d’éléments lui permettant de s’assurer de l’absence ou de l’existence de tels liens et d’apprécier, le cas échéant, s’ils sont de nature à révéler des conflits d’intérêts (231).
Poser dans la loi l’obligation de prévenir ou, le cas échéant, de faire cesser les situations de conflits d’intérêts répond à une préconisation du rapport « Sauvé », qui recommandait de prendre en compte une double dimension (232) :
– l’obligation pour toute personne concourant à l’exercice d’une mission de service public de ne pas se placer dans une situation de conflit d’intérêts ou de la résoudre sans délai, si elle survient. Le présent article y pourvoit, tout comme l’article 2 du présent projet de loi, qui définit une série d’obligations d’abstention en cas de conflit d’intérêts ;
– l’obligation corrélative pour l’autorité hiérarchique de ne pas placer ou maintenir une personne sous son autorité dans une situation de conflit d’intérêts. Le présent article permet également de répondre à cette préoccupation.
C’est « au regard des exigences » du présent article que la Haute autorité de la transparence de la vie publique serait chargée de donner un avis sur les cas de « pantouflage » des anciens membres du Gouvernement et des anciens titulaires de fonctions exécutives locales (3° du I de l’article 13).
Plus généralement, en application de l’article 14, la Haute autorité de la transparence de la vie publique pourrait informer les autorités compétentes en cas de non-respect « des obligations prévues par la présente loi » par les membres du Gouvernement et par l’ensemble des responsables publics énumérés à l’article 10 (parlementaires européens ; présidents d’exécutifs locaux ; délégataires de fonctions exécutives locales ; membres de cabinet ministériel ; collaborateur du président de la République ; dirigeants d’organismes publics). En cas de « manquement à ces obligations », elle pourrait également décider de publier un rapport spécial au Journal officiel.
En outre, les différentes obligations désormais consacrées au niveau législatif pourraient inspirer et motiver des sanctions disciplinaires à l’encontre des agents publics qui les auraient méconnues.
Les conséquences du présent article ne sont cependant pas seulement juridiques.
Pour les autorités politiques auxquelles il s’applique, les différentes obligations – dignité, probité, impartialité, prévention des conflits d’intérêts – ont vocation à pouvoir in fine être sanctionnées par des mécanismes politiques, soit par le chef de l’État et le Premier ministre (révocation d’un ministre), soit par l’Assemblée nationale (censure du Gouvernement), par les électeurs eux-mêmes (non réélection du titulaire d’un mandat électif).
Au-delà, le présent article pourrait donner le signal du lancement d’une démarche générale de prévention des conflits d’intérêt et de promotion d’une nouvelle culture plus attentive aux questions déontologiques. Le rapport « Sauvé » soulignait en ce sens : « la probité et l’impartialité peuvent certes s’appuyer sur des dispositifs normatifs, être renforcées par des prescriptions spécifiques, mais elles relèvent aussi de la conscience individuelle et collective, ce qui suppose la plus large diffusion d’une véritable culture de la déontologie » (233).
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* *
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements de suppression de l’article, CL 183 de M. Jean-Frédéric Poisson et CL 200 de M. Guy Geoffroy.
Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels CL 5 et CL 6 du rapporteur.
La Commission adopte l’article 1ermodifié.
La Commission examine l’amendement CL 207 de M. Pierre Morel-A-L’Huissier, portant article additionnel après l’article 1er.
M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Il s’agit de rendre inéligible toute personne qui se serait livrée à des déclarations mensongères en matière pénale ou fiscale ou se serait rendue coupable de parjure.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CL 208 de M. Pierre Morel-A-L’Huissier.
M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Il est temps de mettre fin à une hypocrisie et de rendre inéligible toute personne condamnée pour corruption, prise illégale d’intérêts, trafic d’influence, favoritisme ou concussion.
M. le rapporteur. Avis défavorable, car cela rendrait la peine automatique.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine, en présentation commune, les amendements CL 231 et CL 232 de M. Gilles Bourdouleix.
M. Gilles Bourdouleix. Il convient d’instituer un délit de parjure. Celui-ci pourrait s’appliquer non seulement à toute personne investie d’un mandat électif, mais aussi à un membre du Gouvernement.
M. le rapporteur. Je suis défavorable à la création d’un tel délit.
La Commission rejette successivement les deux amendements.
Section 1
Obligations d’abstention
Article 2
Définition du conflit d’intérêts et obligations d’abstention
Cet article tend à définir la notion de conflit d’intérêts et à en tirer les conséquences pour les personnes qui se trouveraient dans une telle situation.
Le projet de loi relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique présenté sous la législature précédente (n° 3704, juillet 2011) ne proposait aucune définition du conflit d’intérêts, ce que le Conseil d’État avait regretté, y voyant un risque pour la sécurité juridique (234).
Outre qu’elle remédierait à cette critique, une définition législative de la notion aurait le mérite de contribuer à harmoniser les pratiques suivies par les différents acteurs publics confrontés à des questions de conflits d’intérêts.
La définition proposée au présent article reprend la proposition de la commission « Jospin » : « constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à compromettre l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction » (235). Il s’agit, en somme, d’une version moderne de l’adage selon lequel « nul ne peut servir deux maîtres à la fois ».
Cette définition présente de légères différences avec celle proposée par la commission « Sauvé » en 2011, pour laquelle « un conflit d’intérêts est une situation d’interférence entre une mission de service public et l’intérêt privé d’une personne qui concourt à l’exercice de cette mission, lorsque cet intérêt, par sa nature et son intensité, peut raisonnablement être regardé comme étant de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions » :
– le présent article évoque un « intérêt public », notion plus large que celle de « mission de service public » proposée par la commission « Sauvé » ;
– à la différence de la définition du rapport « Sauvé », le présent article prend en compte les conflits d’intérêts public-public. Ceux-ci pourraient caractériser, par exemple, le titulaire d’un mandat électif par ailleurs membre d’un organisme chargé de missions d’intérêt général ;
– à l’inverse du rapport « Sauvé », il n’est pas proposé de retenir une référence à l’ « intensité » de l’intérêt en cause, pas plus que l’adverbe « raisonnablement ». Pour autant, il va de soi que de tels éléments entreront en compte, en pratique, dans l’appréciation du conflit d’intérêts par la personne concernée, par son supérieur, par la Haute autorité de la transparence de la vie publique ou par le juge ;
– pour caractériser l’effet du conflit d’intérêts sur l’exercice des fonctions, la définition proposée ne reprend pas la formule « influencer ou paraître influencer » utilisée par la commission « Sauvé », qui renvoie à la notion d’impartialité objective et à la théorie des apparences. Lui serait préféré le verbe « compromettre », plus clairement négatif. Ce même terme figure dans le statut général de la fonction publique, qui interdit aux agents publics de prendre, dans une entreprise soumise au contrôle de l’administration à laquelle ils appartiennent ou en relation avec cette dernière, des « intérêts de nature à compromettre leur indépendance » (236).
Cette référence aux conséquences négatives de la situation de conflit d’intérêts sur l’exercice des fonctions se retrouve également dans la définition de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), par l’intermédiaire du terme « indûment » : « un conflit d’intérêts implique un conflit entre la mission publique et les intérêts privés d’un agent public, dans lequel l’agent public possède à titre privé des intérêts qui pourraient influencer indûment la façon dont il s’acquitte de ses obligations et de ses responsabilités » (237).
Toutefois, afin de réintroduire la référence à la théorie des apparences et, notamment, à la notion d’impartialité objective, votre Commission a, sur proposition de votre rapporteur et de M. Lionel Tardy, introduit dans la définition du conflit d’intérêt l’alternative entre « compromettre » l’exercice des fonctions ou « paraître compromettre » celui-ci.
Le rapport « Sauvé » proposait par ailleurs de préciser la notion d’intérêt privé, afin de ne pas la restreindre au seul intérêt personnel de l’individu concerné : l’intérêt devrait être entendu comme « un avantage pour [la personne] elle-même, sa famille, ses proches ou des personnes ou organisations avec lesquelles elle entretient ou a entretenu des relations d’affaires ou professionnelles significatives, ou avec lesquelles elle est directement liée par des participations ou des obligations financières ou civiles » (238). Toutefois, de telles précisions relèvent sans doute moins du rôle du législateur que des autorités chargées d’appliquer la présente loi : une définition trop précise des intérêts pourrait avoir pour effet pervers de ne pas embrasser la totalité des situations susceptibles de se présenter en pratique (239).
D’ailleurs, la jurisprudence administrative a d’ores et déjà apporté certains éléments de réponse sur ce sujet. À titre d’illustration, mettant en œuvre les dispositions précitées du statut général de la fonction publique réglementant les cumuls d’activités, le Conseil d’État a considéré en 2009 que les intérêts interférant avec la mission d’un agent public pouvaient parfaitement être ceux de membres de sa famille – en l’occurrence de son épouse (240).
Votre rapporteur souligne que si la définition du conflit d’intérêts proposée au présent article ne s’applique pas aux membres du Parlement, qui n’entrent pas dans le champ de la loi, chacune des deux assemblées a d’ores et déjà pris des dispositions en la matière. Ainsi, à l’Assemblée nationale, l’article 5 de la décision du Bureau du 6 avril 2011 relative au respect du code de déontologie des députés définit le conflit d’intérêts comme « une situation d’interférence entre les devoirs du député et un intérêt privé qui, par sa nature et son intensité, peut raisonnablement être regardé comme pouvant influencer ou paraître influencer l’exercice de ses fonctions parlementaires ». Au Sénat, l’article XX bis de l’Instruction générale du Bureau dispose que les déclarations d’intérêts doivent mentionner « les intérêts privés qui pourraient indûment influer sur la façon dont ils s’acquittent des missions liées à leur mandat et les conduire à privilégier leur intérêt particulier face à l’intérêt général. Ne peuvent être regardés comme de nature à susciter des conflits d’intérêts les intérêts en cause dans les décisions de portée générale ainsi que les intérêts qui se rattachent à une vaste catégorie de personnes » (241).
Comme le relevait le professeur Yves Mény en 2011, « la notion de conflit d’intérêts est (…) immédiatement péjorative : elle évoque la sanction. Or, ce que je préfère appeler la concurrence des intérêts est une situation de la vie quotidienne. Nous sommes tous soumis à des conflits d’intérêts (…). Ce qui pose problème, c’est le refus d’affronter cette situation, ce qui suppose de rendre la concurrence transparente. Le pire, en la matière, est la dissimulation » (242). Dans le même sens, Daniel Lebègue, président de Transparency International France, soulignait : « le conflit d’intérêts, c’est la vie même ! Chacun d’entre nous peut y être confronté à tout moment (…). Cela ne constitue ni un délit ni une faute en soi. C’est le cas, en revanche, lorsqu’on manque de vigilance dans ce domaine, lorsqu’on ne prévient pas le conflit d’intérêts ou lorsqu’on ne réagit pas comme il faudrait s’il survient : il faut alors signaler le risque et s’abstenir de participer à la délibération ou à la prise de décision » (243).
C’est dans cette optique que le présent article tend à fixer une série d’obligations d’abstention incombant aux personnes qui estimeraient se trouver dans une situation de conflits d’intérêts au sens précédemment défini.
● En cas de conflit d’intérêts, les membres du Gouvernement devraient pratiquer le déport, c’est-à-dire s’abstenir de prendre part à la délibération ou à la prise de décision litigieuse (1° du présent article). Ils devraient donc se déporter de toute délibération collégiale ou de toute réunion au cours desquelles sont abordées des affaires susceptibles de les placer en situation de conflit d’intérêts. Cela suppose également qu’ils s’abstiennent de toute intervention dans les décisions individuelles ou réglementaires relatives à des affaires les exposant à un risque de conflit d’intérêts.
Un décret devrait préciser les conditions de ce déport et, en particulier, les modalités de suppléance, qui devraient prendre la forme d’une transmission du dossier à un autre ministre (par exemple au ministre de plein exercice par un ministre délégué) ou au Premier ministre.
● Les membres des collèges des autorités administratives indépendantes (AAI) et des autorités publiques indépendantes (API) devraient s’abstenir de siéger lorsqu’ils se trouvent en situation de conflit d’intérêts (2° du présent article). Rappelons qu’à la différence des autorités administratives indépendantes, les autorités publiques indépendantes disposent de la personnalité morale. Tel est le cas, par exemple, de l’Autorité des marchés financiers (AMF), de la Haute autorité de santé (HAS), de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), du Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C), de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI) et de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF).
Serait ainsi généralisée une obligation déjà mise en œuvre dans nombre d’autorités indépendantes, soit en pratique, soit en application de la loi. À titre d’exemple, aucun membre de l’AMF « ne peut délibérer dans une affaire dans laquelle lui-même ou, le cas échéant, une personne morale au sein de laquelle il a, au cours des deux années précédant la délibération, exercé des fonctions ou détenu un mandat, a ou a eu un intérêt au cours de la même période. Il ne peut davantage participer à une délibération concernant une affaire dans laquelle lui-même ou, le cas échéant, une personne morale au sein de laquelle il a, au cours des deux années précédant la délibération, exercé des fonctions ou détenu un mandat, a représenté une des parties intéressées au cours de la même période » (244). En outre, lorsque, au vu de l’ordre du jour, un membre de l’AMF « constate qu’il ne peut délibérer à raison des fonctions, des mandats et des intérêts que détient son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, son concubin, ses parents ou alliés, il en informe le président de la formation concernée » (245). Des dispositions comparables sont notamment applicables à l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP) (246), à l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) (247), au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) (248) et à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) (249).
Soulignons que les membres de la nouvelle Haute autorité de la transparence de la vie publique, qualifiée d’AAI par l’article 12 du présent projet, pourraient, le cas échéant, être concernés par cette obligation d’abstention.
S’agissant des autorités indépendantes dépourvues de collège, telles que le Contrôleur général des lieux de privations de liberté, le Médiateur du cinéma ou le Médiateur national de l’énergie, les personnes qui y « exercent des compétences propres » seraient suppléées suivant les règles de fonctionnement applicables à ces autorités. Cette disposition pourrait également trouver à s’appliquer aux agents des services de ces autorités indépendantes. À titre d’exemple, le « guide des déclarations d’intérêts et de gestion des conflits d’intérêts » de la Haute autorité de santé (HAS) contient des mesures de prévention des conflits d’intérêts tant à l’égard de ses membres, que de ses agents et des experts sollicités par elle (250). Tel est le cas également de la « charte de déontologie » de l’Autorité de la concurrence (251).
● Les personnes titulaires de fonctions exécutives locales en situation de conflit d’intérêts devraient être suppléées par un délégataire (3° du présent article). Les règles de délégation des fonctions exécutives dans les communes, départements, régions et établissements publics de coopération intercommunale sont prévues dans le code général des collectivités territoriales (252). Le délégant devrait alors s’abstenir d’adresser des instructions au délégataire.
Faute de précision, il faut entendre la notion de « titulaire de fonctions exécutives locales » de la façon la plus large qui soit : maires et adjoints, présidents et vice-présidents de conseil général et régional, présidents et vice-présidents de groupements de collectivités locales, autres bénéficiaires d’une délégation de fonction par le président de l’exécutif local.
Serait cependant réservé le cas des communes de 3 500 habitants au plus, dans lesquelles les maires, adjoints et conseillers municipaux bénéficiaires d’une délégation peuvent « chacun traiter avec la commune dont ils sont élus » pour le transfert de biens ou la fourniture de services, dans la limite d’un montant annuel fixé à 16 000 euros. Cette dérogation au délit de prise illégale d’intérêts, aujourd’hui prévue au deuxième alinéa de l’article L. 432-12 du code pénal, permet par exemple à un entrepreneur local de se voir confier l’exécution de travaux au profit de la commune dont il est l’élu. Cette dérogation serait donc étendue à la notion de conflits d’intérêts définie au présent article. Il y aurait en effet quelque paradoxe à appliquer la notion de conflit d’intérêts à une hypothèse dans laquelle le législateur lui-même a déjà autorisé – dans des petites communes et pour des opérations limitées – la situation d’ « interférence » entre un intérêt privé (celui de l’élu local) et l’intérêt général (celui de la commune).
● Le 4° du présent article prévoit qu’en cas de conflit d’intérêts, « les personnes qui ont reçu délégation de signature s’abstiennent d’en user ». Si la règle est claire, son champ d’application l’est moins. L’étude d’impact évoque les « personnes travaillant dans la sphère publique ». Votre commission des Lois a précisé que sont concernées, comme à l’article 1er, les personnes chargées d’une mission de service public.
● Enfin, le cas des agents subordonnés à une autorité hiérarchique est traité au 5° du présent article : s’ils estiment se trouver en situation de conflits d’intérêts, ils doivent saisir leur supérieur hiérarchique, ce dernier devant confier le dossier ou la décision à une autre personne compétente. Il s’agit d’une forme de « décharge de fonctions », comparable aux dispositions applicables aux fonctionnaires européens (253). Le choix de la personne assurant la suppléance pourra être guidé par la jurisprudence du Conseil d’État, selon laquelle, pour estimer si, en l’absence de délégation et de dispositions législatives ou réglementaires organisant la suppléance d’un chef de service, une autorité subordonnée peut assurer d’office cette suppléance, il y a lieu d’apprécier si elle y a vocation, tant par la place qu’elle occupe dans la hiérarchie du service que par le rôle qu’elle y assume (254).
À l’instar de la modification apportée au 4°, votre commission des Lois a précisé que les personnes concernées étaient celles chargées d’une mission de service public.
Il peut être observé que les magistrats – judiciaires ou administratifs – et les membres du Conseil constitutionnel ne sont concernés par aucune des obligations d’abstention prévues au présent article. Cela s’explique probablement par le fait que des dispositions existent d’ores et déjà :
– en matière de déport. Faisant application de l’adage nemo judex in re sua, l’article 341 du code de procédure civile dispose notamment que « le juge qui suppose en sa personne une cause de récusation ou estime en conscience devoir s’abstenir se fait remplacer par un autre juge que désigne le président de la juridiction à laquelle il appartient » (255) ;
– en matière de récusation. Celle-ci peut être demandée par le justiciable à l’encontre des magistrats judiciaires, des magistrats administratifs et, dans le cadre de questions prioritaires de constitutionnalité, des membres du Conseil constitutionnel (256).
Selon l’étude d’impact, l’objectif poursuivi au présent article n’est pas seulement d’indiquer aux responsables publics qu’ils ne doivent pas prendre part au traitement d’une affaire lorsqu’ils estiment que leur impartialité pourrait être mise en doute en raison des intérêts qu’ils détiennent : il s’agit surtout d’offrir « à ces responsables publics les moyens de mieux prévenir ces situations, en sécurisant juridiquement le recours à l’abstention ou à la suppléance ».
Comme l’avait souligné le rapport « Sauvé », « les agents publics eux-mêmes ne sont [actuellement] pas soumis à un dispositif organisant spécifiquement leur déport ou leur abstention en cas de conflit d’intérêts. Pire : une telle abstention fait courir le risque de vicier l’acte administratif à l’édiction duquel l’agent était censé prendre part » (257). En principe, en effet, les agents publics doivent exercer personnellement leurs fonctions (258), sous peine de voir l’acte administratif en question entaché du grief d’incompétence.
Le présent article pourrait également justifier l’annulation ou le constat de la nullité – selon les voies de droit habituellement applicables – de décisions prises en violation des obligations d’abstention qu’il prévoit. Des sanctions disciplinaires pourraient, en outre, être prononcées à l’égard d’agents ayant méconnu ces obligations.
En revanche, ces obligations ne font pas l’objet, dans le projet de loi, de proposition de sanctions spécifiques. En particulier, la Haute autorité de la transparence de la vie publique ne serait pas compétente pour se prononcer sur les éventuels conflits d’intérêts de l’ensemble des personnes mentionnées au présent article.
Elle ne détiendrait ce pouvoir qu’à l’égard de l’ensemble des personnes soumises à l’obligation de déclaration d’intérêts, exception faite des députés et sénateurs : membres du Gouvernement (259) ; parlementaires européens ; certains titulaires de fonctions exécutives locales ; membres d’un cabinet ministériel ; collaborateurs du président de la République ; membres d’AAI et d’API ; titulaires d’un emploi à la décision du Gouvernement nommés en conseil des ministres ; présidents et directeurs généraux des principaux organismes publics (260). À l’égard de toutes ces personnes, la Haute autorité disposerait d’un pouvoir d’injonction, tendant à faire cesser la situation de conflit d’intérêts (II de l’article 9) (261). Cette injonction serait susceptible d’être rendue publique et son non-respect serait passible d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende (III de l’article 18).
En sens inverse, échapperaient au pouvoir d’injonction de la Haute autorité l’ensemble des autres acteurs publics, en particulier la grande majorité des fonctionnaires, pour lesquels d’autres règles visant à faire face à des situations de conflits d’intérêts devront être prises. Cela sera l’un des enjeux du futur projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, qui devrait être présenté en conseil des ministres cet été.
*
* *
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements de suppression de l’article, CL 184 de M. Jean-Frédéric Poisson et CL 201 de M. Guy Geoffroy.
Elle examine ensuite les amendements identiques CL 7 du rapporteur et CL 55 de M. Lionel Tardy.
M. le rapporteur. Ces amendements visent à élargir la définition du conflit d’intérêts, conformément à la disposition que nous avons adoptée dans la loi organique.
La Commission adopte les amendements.
Elle adopte ensuite successivement les amendements de précision CL 8, CL 9 et CL 10 du rapporteur.
La Commission adopte l’article 2 modifié.
Article 2 bis (nouveau)
(art. 4 quater [nouveau] de l’ord. n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires
Définition par les bureaux des assemblées parlementaires de lignes directrices portant sur la prévention des conflits d’intérêts
Issu d’un amendement présenté par votre rapporteur, cet article tend à inviter les bureaux des assemblées à définir des « lignes directrices » (262) portant sur la prévention des conflits d’intérêts susceptibles de concerner les membres du Parlement.
En dépit des suggestions formulées par plusieurs associations, comme Transparency international, transposer aux parlementaires les obligations de déport prévues à l’article 2 du projet de loi poserait des difficultés constitutionnelles, à la fois pour des motifs de procédure (le législateur n’est pas nécessairement compétent en la matière) et pour des raisons de fond – liées, en particulier, au respect du droit de vote prévu à l’article 27 de la Constitution. Quand bien même ces obstacles seraient surmontés, prévoir une règle générale et univoque relative au déport des parlementaires se heurterait à de sérieuses difficultés de mise en œuvre.
C’est pourquoi le présent article tend à charger le Bureau de chaque assemblée de définir des procédures internes aptes à faire face aux différentes situations de conflits d’intérêts. Comme l’a suggéré à votre rapporteur Mme Noëlle Lenoir, déontologue de l’Assemblée nationale, il pourrait s’agir d’énumérer une série d’attitudes susceptibles d’être tenues en cas de conflit d’intérêts, allant de la simple information publique de l’existence d’un intérêt spécifique à un véritable déport lors de débats ou de votes.
À titre d’illustration, l’article 3 du code de conduite applicable au Parlement européen dispose que « les députés rendent public, avant de s’exprimer ou de voter en séance plénière ou au sein des organes du Parlement, ou lorsqu’ils sont proposés comme rapporteurs, tout conflit d’intérêts réel ou potentiel compte tenu de la question examinée, lorsque celui-ci ne ressort pas avec évidence des informations » figurant dans leur déclaration d’intérêts financiers. Cette communication est faite, par écrit ou oralement, au président au cours des débats parlementaires en question.
De récents débats à l’Assemblée nationale témoignent de l’acuité de cette problématique. Ainsi, lors de l’examen en séance, le 25 mars 2013, de la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale, a été plusieurs fois posée la question de l’éventuelle interférence des intérêts particuliers des députés exerçant la profession de biologiste. Certains députés ont explicitement mentionné leur profession, conformément à une recommandation faite en ce sens par la déontologue de l’Assemblée nationale adressée aux parlementaires concernés (263).
Formellement, le présent article tend à introduire un article 4 quater dans l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, les dispositions qu’il contient n’entrant pas dans le champ de la loi organique, prévue à l’article 25 de la Constitution et qui fixe la durée des pouvoirs des assemblées, le nombre de ses membres, leur indemnité, les incompatibilités, ainsi que les conditions de leur remplacement.
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La Commission est saisie de l’amendement CL 241 du rapporteur, portant article additionnel après l’article 2.
M. le rapporteur. Pour les raisons déjà évoquées, il n’est pas possible d’appliquer la notion de déport à l’Assemblée nationale. L’amendement invite donc le bureau de notre assemblée à évoquer cette question dans le cadre de ses travaux sur la déontologie.
M. Jean-Frédéric Poisson. Je m’interroge sur la portée juridique de l’expression « lignes directrices ».
M. le rapporteur. Vous avez raison, mais cet amendement est purement déclaratif.
M. Patrick Devedjian. Les lois inutiles nuisent aux lois nécessaires, monsieur le rapporteur.
M. le rapporteur. Je vous l’accorde. Il n’en demeure pas moins que cette disposition est importante.
La Commission adopte l’amendement.
Section 2
Obligations de déclaration
Article 3
Obligation de déclaration de situation patrimoniale et de déclaration d’intérêts des ministres
Cet article tend à définir les obligations de déclaration de situation patrimoniale et de déclarations d’intérêts pesant sur les membres du Gouvernement.
À l’instar des parlementaires (article 1er du projet de loi organique), les membres du Gouvernement devront remettre « personnellement » au président de la Haute autorité de la transparence de la vie publique une déclaration exhaustive, exacte et sincère de leur situation patrimoniale (I du présent article). Cette obligation est déjà prévue à l’article 1er de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique.
Comme pour les parlementaires, la déclaration concernerait la totalité des biens propres du ministre et, le cas échéant, ceux de la communauté ou les biens réputés indivis en application de l’article 1538 du code civil – les biens étant évalués à la date du fait générateur de la déclaration comme en matière de droits de mutation à titre gratuit.
En outre, une déclaration d’intérêts serait désormais exigée des membres du Gouvernement, remise au président de la Haute autorité de la transparence de la vie publique et au Premier ministre. Cette déclaration devrait indiquer les intérêts détenus à la date de la nomination et durant les trois années qui précèdent – au lieu de cinq années dans les préconisations de la Commission « Sauvé » (264).
Il s’agit d’une innovation, puisque les déclarations d’intérêts jusqu’à présent établies par les ministres résultaient d’une simple pratique, dépourvue de fondement normatif :
– sous la législature précédente, les membres du Gouvernement de M. François Fillon avaient rendu publiques des déclarations d’intérêts à compter du 21 avril 2011, qui pouvaient être consultées sur le site internet du Gouvernement. Succincts, ces documents portaient principalement sur les biens « dont la valeur, pouvant varier à court terme, [était] susceptible d’être directement influencée par des décisions du Gouvernement » et sur les parts de sociétés éventuellement détenues, « si elles se [rapportaient] à un secteur d’activité particulier, précisément défini », selon le communiqué de presse expliquant cette mesure ;
– sous le Gouvernement de M. Jean-Marc Ayrault, une « charte de déontologie » a été adoptée par le conseil des ministres le 17 mai 2012. En application de cette charte (265), les déclarations d’intérêts des ministres ont été publiées sur le site internet du Gouvernement en juin 2012. Les membres de cabinet ministériel ont également été astreints à une déclaration d’intérêts, demeurée confidentielle.
À la différence des parlementaires, les membres du Gouvernement ne seraient pas soumis à une obligation spécifique de déclaration d’activités professionnelles ou d’intérêt général. Cette obligation particulière n’existe pour les parlementaires que parce que certaines activités – en particulier l’exercice d’une profession dans le secteur privé – sont compatibles avec leur mandat. Les fonctions gouvernementales, au contraire, sont incompatibles avec l’exercice de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle (article 23 de la Constitution). Toutefois, certaines des activités – électives, associatives, partisanes, etc. – des ministres, présentes (donc compatibles avec la fonction gouvernementale) ou passées, pourront figurer dans leurs déclarations d’intérêts, au titre de la prévention des conflits d’intérêts.
Comme pour les parlementaires, un décret en Conseil d’État devrait préciser le modèle, le contenu et les conditions de mise à jour et de conservation des déclarations de patrimoine et d’intérêts (II du présent article). Si aucune disposition n’impose que le contenu exigé pour les ministres soit le même que celui défini pour les parlementaires, il est peu probable qu’ils diffèrent sensiblement.
À titre indicatif, les déclarations d’intérêts (266) remplies par les membres du Gouvernement de M. Jean-Marc Ayrault comportent aujourd’hui les rubriques suivantes :
– responsabilités exercées en sus des fonctions ministérielles (fonctions électives, responsabilités dans le secteur associatif, etc.) ;
– instruments financiers actuellement détenus par le ministre, son conjoint ou ses enfants mineurs. Les parts ou actions d’organismes de placement collectif n’ont pas à être déclarées, sauf si elles se rapportent à un secteur d’activité particulier, précisément défini. Une participation ne doit être déclarée que si elle est supérieure à 5 000 euros ou à 5 % du capital de la structure concernée ;
– autres intérêts à caractère financier, par exemple la détention de brevets ;
– activités et responsabilités du conjoint ;
– responsabilités et activités antérieures durant les trois années précédant la nomination dans les fonctions ministérielles actuelles ;
– autres intérêts.
L’ensemble de ces données n’ont cependant pas été rendues publiques (267). En particulier, ne figurent sur le site internet du Gouvernement ni les instruments financiers détenus par le conjoint et les enfants mineurs, ni les activités et responsabilités du conjoint. Il est précisé dans la rubrique « autres », que peuvent être mentionnés les « intérêts, notamment familiaux, que le membre du Gouvernement estime souhaitable de signaler ».
L’encadré présenté en page suivante rappelle les différentes rubriques que la commission « Sauvé » a identifié en vue de l’établissement d’un modèle de déclaration d’intérêts – modèle concernant l’ensemble des assujettis, et non les seuls membres du Gouvernement.
LISTE DES RUBRIQUES ENVISAGEABLES DE DÉCLARATIONS D’INTÉRÊTS
EN FONCTION DES SECTEURS D’ACTIVITÉ CONCERNÉS
1. État-civil du déclarant
2. Intérêts du déclarant
Activité professionnelle actuelle et sources de revenus d’activités
Activités professionnelles exercées au cours des trois [ou cinq] dernières années, à titre principal ou secondaire, durable ou temporaire, et ayant donné lieu ou non à une rémunération. Seraient indiqués le nom de la société, la nature des liens et la période considérée, ainsi que la perception ou non d’une rémunération :
• CDI / CDD / vacations
• missions d’expertise ou de conseil
• travaux scientifiques
• actions de formation ou interventions ponctuelles rémunérées par la société en question
Participation aux organes dirigeants d’un organisme public ou privé ou d’une société :
• participation au conseil d’administration ou au conseil de surveillance ;
• exercice de fonctions dirigeantes, y compris les fonctions non rémunérées.
Participations financières directes et actuelles dans le capital d’une société dont l’objet social est en relation avec la mission publique exercée : actions ou obligations détenues et gérées en direct, capitaux propres, actions, obligations, contrats d’assurance vie, à l’exception des parts dans des organismes de placement collectif en valeurs mobilières non spécifiques (SICAV, Fonds communs de placement…) et des liquidités.
Souscription à des contrats individuels ou collectifs (plans d’épargne retraite…) conclus dans le cadre d’une entreprise dont l’objet est en relation avec la mission publique exercée.
Perception d’avantages directs ou indirects (financiers, en nature, à versement immédiat ou différé…) d’une entreprise dont l’objet social est en relation avec la fonction publique exercée.
Éventuellement : activités réalisées au cours des trois/cinq dernières années pour le compte d’un opérateur économique, lorsqu’elles ont donné lieu au versement par cet opérateur de rémunérations à l’organisme qui employait le déclarant : nom de l’opérateur, nature des activités exercées ;
Détention de brevets ;
Pour les membres du Gouvernement : responsabilités exercées au cours des cinq dernières années dans le secteur associatif en relation avec la mission publique exercée Autres liens dont le déclarant pourrait estimer qu’ils sont de nature à faire naître des situations de conflits d’intérêts.
3. Intérêts des tiers liés au déclarant
Activité professionnelle actuelle de proches parents (conjoint, enfant, parent) dans une entreprise du secteur d’activité en cause ;
Intérêts que de tels tiers détiennent actuellement dans les entreprises en question.
Source : Commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, Pour une nouvelle déontologie de la vie publique, janvier 2011, p. 119-120.
Au terme du présent article, les ministres devraient remettre leur déclaration de patrimoine et leur déclaration d’intérêts dans les huit jours suivant leur nomination. Ce délai diffère à la fois du droit actuellement applicable aux ministres (deux mois pour les déclarations de patrimoine) et du nouveau régime applicable aux parlementaires (un mois pour les deux déclarations) et aux autres élus et acteurs publics (deux mois pour les deux déclarations).
Le III du présent article prévoit que chaque membre du Gouvernement atteste sur son honneur de l’exhaustivité, de l’exactitude et de la sincérité de sa déclaration de situation patrimoniale et de sa déclaration d’intérêts. Cette attestation sur l’honneur emporte des conséquences spécifiques aux membres du Gouvernement, puisque la production d’une attestation mensongère constituerait un délit, puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende et, le cas échéant, de l’interdiction des droits civiques prévue à l’article 131-26 et au nouvel article 131-26-1 du code pénal (268), ainsi que de l’interdiction d’exercer une fonction publique en application de l’article 131-27 du même code (I de l’article 18 du présent projet de loi). Selon l’exposé des motifs, ce formalisme particulier, exigé de tout ministre, a pour objet de « l’engager moralement (…) en lui rappelant l’exigence de vérité et de probité qui s’impose à lui ».
En plus de ce délit qui leur est spécifique, les membres du Gouvernement seraient également passibles, comme les parlementaires (269) et les autres élus et acteurs publics soumis à obligation de déclaration, d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende (ainsi que des peines complémentaires précitées) en cas d’omission de déclaration d’une « partie substantielle » de leur patrimoine ou de leurs intérêts ou en cas d’ « évaluation mensongère » de leur patrimoine (II de l’article 18 du présent projet de loi).
Toute modification substantielle affectant le patrimoine ou les intérêts d’un membre du Gouvernement devrait être signalée, dans les huit jours, à la Haute autorité. Les modifications affectant les intérêts détenus devraient également être adressées Premier ministre. Ces déclarations modificatives seraient soumises au même formalisme que les déclarations initiales, en particulier l’attestation sur l’honneur précitée et la peine qui lui est associée au I de l’article 18. En revanche, aucune obligation d’actualisation périodique n’est prévue, alors que la commission « Sauvé » préconisait – pour l’ensemble des déclarants – une « mise à jour annuelle obligatoire » (270).
À l’issue des fonctions gouvernementales, tout ministre devrait remettre, dans les huit jours, une nouvelle déclaration de situation patrimoniale et une nouvelle déclaration d’intérêts au président de la Haute autorité de la transparence de la vie publique. Émanant d’un ancien membre du Gouvernement, la déclaration d’intérêts ne serait, en l’occurrence, pas remise au Premier ministre.
Une telle obligation est déjà prévue en matière de déclarations de patrimoine. Elle doit aujourd’hui intervenir dans un délai de deux mois suivant la fin des fonctions, sauf si cette dernière est causée par le décès (article 1er de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988). Désormais, c’est à la Haute autorité de la transparence de la vie publique qu’il appartiendrait d’apprécier l’éventuelle variation de la situation patrimoniale pendant le temps passé au Gouvernement, dans les conditions prévues à l’article 6 du présent projet de loi.
Cette obligation de déclaration en fin de fonctions serait étendue aux déclarations d’intérêts. Il s’agit d’une mesure spécifique aux membres du Gouvernement, les parlementaires et les autres déclarants n’étant tenus, en fin de mandat ou de fonction, qu’à une nouvelle déclaration de patrimoine (271). La Haute autorité pourrait, de la sorte, prendre connaissance de l’acquisition de certains intérêts au cours de l’exercice des fonctions ministérielles. Quoique la commission « Jospin » ne l’ait pas cru nécessaire (272), une telle mesure permettrait l’éventuelle révélation a posteriori d’un conflit d’intérêts (le comportement d’un ministre au cours de ses fonctions ayant pu être guidé par le souci d’obtenir tel ou tel avantage après son départ du Gouvernement) ou d’une infraction pénale et, plus largement, contribuerait à une plus grande transparence de l’exercice des fonctions gouvernementales.
Par ailleurs, pas plus que pour l’ensemble des autres déclarants, le présent article ne reprend pas la dispense de déclaration de patrimoine, aujourd’hui prévue à l’article 1er de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 précitée, dans le cas où le ministre a déjà produit une telle déclaration depuis moins de six mois à un autre titre – c’est-à-dire en tant que parlementaire, président d’un exécutif local, délégataire d’une fonction exécutive locale ou dirigeant de certains organismes publics, voire en tant que ministre.
Enfin, le IV du présent article conférerait un pouvoir d’injonction à la Haute autorité de la transparence de la vie publique. Celle-ci pourrait en user en cas :
– d’absence de déclaration transmise dans le délai de huit jours ;
– de déclaration incomplète ;
– d’absence de réponse donnée par un ministre à une demande d’explication de la Haute autorité (demande prévue au II de l’article 13).
Ces mesures s’appliqueraient aux déclarations de situation patrimoniale comme aux déclarations d’intérêts, qu’il s’agisse des déclarations initiales, modificatives ou terminales.
Le fait, pour un membre – ou un ancien membre – du Gouvernement, de ne pas donner suite, « sans délai », à une telle injonction serait puni d’un an emprisonnement et de 15 000 euros d’amende (III de l’article 18).
Ces dispositions relatives au pouvoir d’injonction de la Haute autorité pourraient susciter des difficultés d’articulation avec les autres sanctions pénales :
– en cas d’absence de dépôt de déclaration, le II de l’article 18 dispose également que le ministre s’expose à une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ;
– en cas de déclaration incomplète, le délit d’omission d’une partie substantielle du patrimoine ou des intérêts, prévu au même II de l’article 18, pourrait être constitué.
Dans les deux cas, il faut sans doute considérer que ces infractions, plus lourdement punies, ne pourraient être réprimées qu’après que la Haute autorité ait mis en œuvre son pouvoir d’injonction ou, au contraire, dans le cas où elle se serait abstenue d’en user.
Au total, les dispositions du présent article vont beaucoup plus loin que ce que recommandait la commission « Jospin », qui, estimant que le simple fait de rendre publique une décision de l’autorité de contrôle constatant l’absence ou l’insincérité d’une déclaration de patrimoine d’un ministre serait suffisant, ne jugeait « dès lors pas justifié de prévoir une sanction particulière en cas de manquement d’un ministre à son obligation déclarative » (273).
À l’initiative de votre rapporteur, votre commission des Lois a substantiellement modifié le présent article.
Elle a spécifié qu’un ministre changeant d’attributions au sein du Gouvernement, sans que ses fonctions aient pris fin (dans le cadre d’un remaniement sans démission du Premier ministre), doit déposer une nouvelle déclaration d’intérêts. Si un tel changement d’attributions ne doit pas avoir de conséquence en matière de déclaration de patrimoine (aucune nouvelle déclaration ne saurait être exigée dans ce cas), il ne devrait, en effet, pas en aller de même en matière de déclaration d’intérêts : les intérêts à déclarer peuvent sensiblement changer, en fonction du domaine d’attribution du ministre. En conséquence, en cas de changement de « portefeuille » ministériel – ou d’élargissement de ce dernier – une nouvelle déclaration d’intérêts serait requise.
Les autres modifications apportées par votre Commission constituent la transposition de celles apportées au régime applicable aux déclarations de patrimoine des parlementaires (article 1er du projet de loi organique) :
– plutôt que de laisser ce soin au seul pouvoir réglementaire, le contenu des déclarations de situation patrimoniale et des déclarations d’intérêts a été défini par amendement au présent article. Le contenu des déclarations de patrimoine est identique à celui prévu pour les parlementaires. Le contenu des déclarations d’intérêts n’en diffère – légèrement – que pour des raisons évidentes. D’une part, les noms des collaborateurs du ministre n’y figureraient pas, dès lors que les membres des cabinets ministériels font l’objet, à la différence des collaborateurs parlementaires, d’une nomination publiée au Journal officiel ; d’autre part, les ministres ne connaissent pas l’équivalent de la déclaration d’activités des membres du Parlement, spécifique à leur régime d’incompatibilités professionnelles ;
– la déclaration d’intérêts porterait sur les cinq dernières années, plutôt que sur les trois dernières ;
– la déclaration de situation patrimoniale remise à l’issue des fonctions gouvernementales devrait comporter une récapitulation de l’ensemble des revenus perçus pendant l’exercice de ces fonctions ;
– toute déclaration pourrait être accompagnée d’observations formulées par le membre du Gouvernement ;
– le délai de remise des déclarations (274) serait de deux mois, et non pas de huit jours, ce laps de temps apparaissant singulièrement court et peu compatible avec l’objectif d’exactitude, de sincérité et d’exhaustivité des déclarations ;
– pour les mêmes raisons, la mise en jour des déclarations en cas de modification substantielle devrait intervenir dans le délai d’un mois, au lieu de huit jours dans le texte proposé par le Gouvernement ;
– l’ensemble des biens détenus en indivision devraient figurer dans la déclaration de patrimoine, et non pas seulement ceux réputés indivis en application des règles du code civil relatives au mariage ;
– aucune nouvelle déclaration de situation patrimoniale n’aurait à être établie par un ministre ayant déjà accompli cette formalité moins de six mois auparavant, soit en tant que ministre (dans le cas, par exemple, d’un remaniement ministériel entraîné par un changement de Premier ministre), soit en tant qu’autre assujetti à cette obligation (en application de l’article L.O. 135-1 du code électoral ou de l’article 10 du présent projet de loi). En revanche, cette dispense ne vaudrait pas en matière de déclaration d’intérêts, pour les raisons évoquées ci-avant ;
– le décret en Conseil d’État prévu au présent article pour en préciser les modalités d’application serait pris après avis de la CNIL ;
– le non-respect d’une injonction de la Haute autorité de la transparence de la vie politique prononcée à l’encontre d’un membre du Gouvernement n’ayant pas déposé sa déclaration dans les délais, ayant déposé une déclaration incomplète ou n’ayant pas donné suite à une demande d’explication ne serait passible de sanction pénale qu’à l’issue d’un délai d’un mois à compter de sa notification.
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La Commission en vient à l’amendement CL 90 du rapporteur.
M. le rapporteur. Comme je l’ai dit hier, il convient d’homogénéiser les différents délais applicables, d’autant que dans sa rédaction actuelle, le projet de loi laisse trop peu de temps – huit jours – à une personnalité nommée ministre pour faire sa déclaration. Je propose de porter ce délai à deux mois.
M. le ministre. Le Gouvernement n’est pas favorable à l’adoption de cet amendement. Afin de concilier les contraintes pratiques et politiques s’appliquant à la formation d’un gouvernement et les nécessités propres au contrôle, un délai plus court – de deux semaines par exemple – serait préférable.
M. le rapporteur. Nous ferons donc le bonheur du Gouvernement malgré lui.
La Commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement de précision CL 11 du rapporteur.
Puis elle examine l’amendement CL 242 du rapporteur.
M. le rapporteur. Il s’agit d’un « amendement miroir », reprenant une disposition déjà adoptée dans le projet de loi organique.
La Commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel et de précision CL 12 du rapporteur.
Puis elle est saisie de l’amendement CL 91 du rapporteur.
M. le rapporteur. Amendement déjà adopté en loi organique, portant de trois à cinq ans la durée de la période rétrospective concernée par la déclaration d’intérêts des membres du Gouvernement.
La Commission adopte l’amendement.
Elle en vient ensuite à l’amendement CL 78 du rapporteur.
M. le rapporteur. En cas de changement de portefeuille, un ministre doit à nouveau déposer une déclaration d’intérêts : entre l’artisanat et la défense, par exemple, les intérêts ne sont pas les mêmes.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CL 122 du rapporteur.
M. le rapporteur. L’amendement tend à porter de huit jours à un mois le délai dans lequel un ministre dont le patrimoine ou les intérêts ont connu une modification substantielle doit mettre à jour sa déclaration.
M. le ministre. Le Gouvernement y est défavorable.
La Commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL 13 du rapporteur.
Puis elle est saisie de l’amendement CL 94 du rapporteur.
M. le rapporteur. Il concerne également le délai de remise des déclarations.
M. le ministre. Avis défavorable.
La Commission adopte l’amendement.
Elle en vient ensuite à l’amendement CL 76 du rapporteur.
M. le rapporteur. La déclaration prévue à l’issue des fonctions ministérielles n’est pas requise lorsque celles-ci ont pris fin du fait du décès du membre du Gouvernement.
La Commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement de précision CL 86 du rapporteur.
Puis elle examine l’amendement CL 95 du rapporteur.
M. le rapporteur. Amendement déjà adopté en loi organique et qui répond au vœu de la Commission de la transparence financière de la vie publique.
La Commission adopte l’amendement.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CL 89 du rapporteur.
M. le rapporteur. Comme les parlementaires, les membres du Gouvernement doivent pouvoir joindre des observations à chacune de leurs déclarations.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement CL 77 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement vise à maintenir la règle selon laquelle un ministre n’est pas tenu à une nouvelle déclaration de patrimoine quand il en a déjà fait une depuis moins de six mois.
M. le ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement qui aboutirait à réduire la portée du contrôle de la Haute autorité au regard des exigences particulières imposées aux membres du Gouvernement.
M. le rapporteur. Nous avons déjà adopté cette disposition pour les parlementaires ; je propose de l’étendre aux ministres.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CL 97 du rapporteur.
M. le rapporteur. Il reprend le contenu des déclarations de patrimoine adopté en loi organique.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle est saisie de l’amendement CL 102 du rapporteur.
M. le rapporteur. Même chose pour les déclarations d’intérêts.
La Commission adopte l’amendement.
M. Jean-Frédéric Poisson. Je suis surpris de voir que la liste des éléments de la déclaration d’intérêts ne fait pas mention des collaborateurs des ministres.
M. le rapporteur. Le projet de loi fait déjà référence, à l’article 10, aux membres de cabinets ministériels, qui devront remettre des déclarations de patrimoine et d’intérêts.
La Commission en vient à l’amendement CL 104 du rapporteur.
M. le rapporteur. L’amendement reprend la disposition relative à la consultation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, déjà adoptée en loi organique.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte successivement l’amendement rédactionnel CL 15 et l’amendement de précision CL 16 du rapporteur.
Elle examine ensuite l’amendement CL 87 du même auteur.
M. le rapporteur. L’amendement fixe un délai d’un mois pour la réponse d’un ministre à une injonction de la Haute autorité.
La Commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’article 3 modifié.
Article 4
(art. 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal)
Publicité de la déclaration de situation patrimoniale et de la déclaration d’intérêts des ministres
Cet article pose le principe de la publicité des déclarations de patrimoine et des déclarations d’intérêts des membres du Gouvernement.
S’il est en de nombreux points identique à l’article 1er du projet de loi organique, relatif aux déclarations des parlementaires, le présent article tend à instituer à l’égard des membres du Gouvernement une procédure particulière de contrôle, au dépôt, de leur déclaration de situation patrimoniale (I du présent article).
Dès sa remise à la Haute autorité de la transparence de la vie publique, cette dernière transmettrait systématiquement la déclaration de situation patrimoniale à l’administration fiscale, qui devrait fournir à la Haute autorité, dans les soixante jours, « tous les éléments lui permettant d’apprécier l’exhaustivité, l’exactitude et la sincérité » de la déclaration. Par cette procédure, la Haute autorité serait, en quelque sorte, dispensée d’user des pouvoirs qu’elle tient par ailleurs de l’article 5, qui lui permet de demander au déclarant et, le cas échéant, à l’administration fiscale, la transmission de déclarations d’IR et d’ISF. Cette procédure particulière de contrôle irait même plus loin que ce que permet l’article 5, puisqu’elle autoriserait l’administration fiscale à transmettre à la Haute autorité « tous les éléments » utiles, « notamment » les déclarations d’IR et d’ISF. À titre d’illustration, l’administration fiscale pourrait fournir un avis de taxe foncière acquittée par le ministre afin d’apprécier la valeur déclarée d’un bien immobilier.
Dans les trois semaines suivant la réponse de l’administration fiscale, la déclaration de situation patrimoniale et la déclaration d’intérêts seraient rendues publiques par la Haute autorité. Cette publication, probablement sur un site internet, pourrait s’accompagner de « toute appréciation » que la Haute autorité estime utile afin de garantir l’exhaustivité, l’exactitude et la sincérité de la déclaration. Cette procédure devrait respecter le principe du contradictoire : le ministre concerné devrait avoir été mis en mesure de présenter ses observations.
Le II du présent article prévoit que la même procédure de contrôle – en lien avec l’administration fiscale – et de publication s’appliquerait à la déclaration de situation patrimoniale déposée à l’issue des fonctions gouvernementales.
Le principe de publicité des déclarations de patrimoine des ministres – au début comme à la fin des fonctions – rompt avec le droit actuel, qui impose au contraire à la Commission pour la transparence financière de la vie politique d’assurer le caractère confidentiel des déclarations reçues, ainsi que des observations formulées par les déclarants sur l’évolution de leur patrimoine (article 3 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 précitée). Des sanctions pénales sont d’ailleurs prévues en cas de divulgation de tout ou partie de ces éléments (275). Aujourd’hui, les seules exceptions à la confidentialité des déclarations de patrimoine nécessitent une demande expresse du déclarant ou de ses ayants droit ou résultent d’une « requête des autorités judiciaires lorsque leur communication est nécessaire à la solution du litige ou utile pour la découverte de la vérité » (même article 3) (276).
Il faut d’ailleurs rappeler que ni la commission « Sauvé », ni la commission « Jospin » n’ont préconisé de rendre publiques les déclarations de patrimoine des membres du Gouvernement, suggérant de limiter la publicité aux seules déclarations d’intérêts (277).
Pourtant, à la suite de l’affaire ayant conduit M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué au Budget, à quitter le Gouvernement, les déclarations de patrimoine des membres du Gouvernement de M. Jean-Marc Ayrault ont été rendues publiques, à compter du 15 avril 2013, sur le site internet du Gouvernement. Elles correspondent à l’actualisation au 31 mars 2013 des déclarations transmises à la Commission pour la transparence financière de la vie politique lors de leur entrée en fonctions (278). Le présent article viendrait en quelque sorte consacrer cette pratique, intervenue en marge de la loi du 11 mars 1988 précitée.
À l’instar des déclarations des membres du Parlement, la publicité des deux types de déclarations remises par les ministres ne serait cependant pas sans limite. Le III de l’article définit une liste d’éléments non susceptibles d’être rendus publics. À quelques différences formelles près, cette liste est identique à celle prévue pour les parlementaires à l’article 1er du projet de loi organique (279).
Tout en renvoyant aux développements qui précèdent, relatifs aux déclarations des membres du Parlement, votre rapporteur rappelle que la publicité des déclarations de patrimoine et des déclarations d’intérêts est prônée par plusieurs associations, telles que Transparency international ou Regards citoyens et, qu’à l’inverse, cette mesure fait l’objet d’une appréciation nuancée de la part de M. Jean-Marc Sauvé, président de la Commission pour la transparence financière de la vie politique : « si cette publicité est décidée, comme cela a été annoncé, il faudra sans doute se poser la question de la distinction entre un droit d’accès à ces informations, qui serait ouvert à tous, et le droit de les diffuser ou de les rediffuser publiquement, qui pourrait être restreint ou exclu » (280).
Comme pour les parlementaires, le V du présent article renverrait à un décret en Conseil d’État le soin de préciser ses modalités d’application. Il s’agirait notamment de fixer le déroulement de la procédure de contrôle prévue au I et de préciser les modalités de publicité des déclarations – support, présentation des différentes rubriques, etc.
Enfin, le IV de l’article tend à rendre non communicables aux tiers les documents élaborés ou détenus par la Haute autorité de la transparence de la vie publique. Ces documents seraient exclus du champ d’application de la loi du 17 juillet 1978 garantissant la liberté d’accès aux documents administratifs, sous le contrôle de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) (281). Seraient concernés les déclarations de situation patrimoniale et les déclarations d’intérêts de l’ensemble des personnes soumises à obligation de déclaration (y compris les parlementaires), les observations et explications éventuellement émises par elles, les déclarations fiscales fournies par elles ou par l’administration fiscale, ainsi que l’ensemble des documents produits par la Haute autorité de la transparence de la vie publique. L’absence de communicabilité de ces documents vise à protéger la vie privée des déclarants et des tiers.
À la différence des modifications apportées au régime de publicité des déclarations de situation patrimoniale des parlementaires, votre commission des Lois a, conformément au souhait du Gouvernement, laissé inchangées les conditions de publicité des déclarations des ministres. Elle a seulement, par souci de parallélisme avec les votes intervenus sur le projet de loi organique :
– retenu les mêmes modalités d’évaluation des biens détenus sous le régime de la communauté ou en indivision ;
– prévu la consultation de la CNIL sur le projet de décret en Conseil d’État précisant les modalités de publication des déclarations de patrimoine.
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La Commission adopte successivement l’amendement rédactionnel CL 17 et les amendements de précision CL 88 et CL 18 du rapporteur.
Elle examine ensuite l’amendement CL 226 de M. Gilles Bourdouleix.
M. Gilles Bourdouleix. Il convient de supprimer la publication par la Haute autorité de la déclaration de situation patrimoniale des membres du Gouvernement, qui relève de leur vie privée.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle est saisie de l’amendement CL 56 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Cet amendement de repli propose que seule une synthèse de la déclaration de patrimoine soit rendue publique, la Haute autorité étant chargée de faire le tri entre les informations qu’il est pertinent de publier et les autres.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Elle adopte ensuite successivement l’amendement rédactionnel CL 19 et l’amendement de précision CL 20 du rapporteur.
Puis elle en vient à l’amendement CL 228 de M. Gilles Bourdouleix.
M. Gilles Bourdouleix. Nous suggérons d’interdire la publication des éléments du patrimoine d’un membre du Gouvernement qui concernent sa famille.
M. le rapporteur. Cette préoccupation est notamment satisfaite par l’amendement CL 187 que nous allons examiner plus tard.
M. Gilles Bourdouleix. Dans ce cas, je retire celui-ci.
L’amendement CL 228 est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CL 187 du rapporteur.
M. le rapporteur. Il s’agit notamment de satisfaire M. Bourdouleix…
La Commission adopte l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CL 109 du rapporteur.
M. le rapporteur. L’amendement vise à réintroduire une disposition de la loi du 11 mars 1988, relative à la communication des éléments figurant dans les déclarations.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine d’amendement CL 209 de M. Pierre Morel-A-L’Huissier.
M. Pierre Morel-A-L’Huissier. L’amendement tend à inclure la Haute autorité dans le champ d’intervention de la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs).
M. le rapporteur. Avis défavorable, car les éléments confidentiels que détiendra la Haute autorité n’ont pas vocation à passer dans le domaine public, précisément en application de la loi de 1978 relative à la CADA.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine l’amendement CL 217 de M. Morel-A-L’Huissier.
M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Si vous voulez la transparence, monsieur le rapporteur, allez jusqu’au bout. Sinon, cela fait un peu « faux-cul » !
M. le rapporteur. Quand bien même nous adopterions l’amendement, il resterait à déterminer ce qu’est la « loi CADA » telle que mentionnée dans l’amendement !
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.
Elle examine l’amendement CL 120 du rapporteur.
M. le rapporteur. Il s’agit de consulter la Commission nationale de l’informatique et des libertés sur le projet de décret en Conseil d’État précisant les modalités de publicité des déclarations.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 4 modifié.
Article 5
Accès de la Haute autorité de la transparence de la vie publique aux informations de nature fiscale
Cet article tend à définir les conditions dans lesquelles la Haute autorité de la transparence de la vie publique peut, pour mener à bien ses missions, accéder à des informations de nature fiscale. Pendant de l’article L.O. 135-3 du code électoral applicable aux parlementaires (282), le présent article concerne les membres du Gouvernement et, du fait du renvoi opéré par le IV de l’article 10 du présent projet de loi, l’ensemble des autres personnes soumises à obligation de déclaration de situation patrimoniale.
Le présent article reprend, pour les transposer à la Haute autorité de la transparence de la vie publique, les actuelles dispositions du II de l’article 3 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, issues de la loi n° 2011-412 du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique. Celles-ci permettent à la Commission pour la transparence financière de la vie politique de demander à la personne concernée communication de ses déclarations d’IR et, le cas échéant, d’ISF. En l’absence de communication dans les deux mois, la Commission peut directement s’adresser à l’administration fiscale pour obtenir copie de ces déclarations.
Les nouveautés apportées par le présent article sont les mêmes que celles précédemment décrites à propos des déclarations des parlementaires (283) :
– la Haute autorité pourrait désormais demander la transmission des déclarations fiscales souscrites par le conjoint séparé de biens, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin de la personne concernée. À défaut d’avoir obtenu directement communication de ces déclarations, la Haute autorité pourrait en demander copie à l’administration fiscale ;
– la Haute autorité pourrait demander à l’administration fiscale d’exercer son droit de communication, prévu à l’article L. 81 du livre des procédures fiscales ;
– les agents de l’administration fiscale seraient déliés du secret professionnel à l’égard des membres de la Haute autorité.
À l’instar des règles applicables aux membres du Parlement, une sanction pénale d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende pourrait être prononcée en cas de refus de communication des déclarations fiscales, le III de l’article 18 sanctionnant le fait de ne pas communiquer à la Haute autorité « les informations et pièces utiles à l’exercice de sa mission ».
Votre rapporteur souligne que le présent article devrait, en principe, avoir peu l’occasion d’être appliqué à l’égard des membres du Gouvernement. Ces derniers feraient en effet l’objet de la procédure spécifique de contrôle de leur déclaration de patrimoine, prévue au I de l’article 4, qui donnerait lieu à un échange systématique d’informations entre la Haute autorité et l’administration fiscale. Les pouvoirs prévus au présent article ne devraient donc présenter d’intérêt, s’agissant des ministres, que pour obtenir les déclarations fiscales du conjoint séparé de biens ou dans le cas d’un contrôle effectué plusieurs années après le dépôt initial de la déclaration de patrimoine.
La commission des Lois a apporté au présent article strictement les mêmes modifications que celles adoptées à l’article 1er du projet de loi organique :
– fixation à l’administration fiscale d’un délai maximal de soixante jours pour transmettre à la Haute autorité les copies des déclarations d’impôt demandées ;
– élargissement de la possibilité donnée à la Haute autorité de demander l’exercice par l’administration fiscale de son droit de communication ;
– fixation à l’administration fiscale d’un délai maximal de soixante jours pour transmettre à la Haute autorité les informations obtenues au moyen de son droit de communication ;
– possibilité pour la Haute autorité de demander à l’administration fiscale la mise en œuvre des procédures d’assistance administrative internationale ;
– extension aux rapporteurs de la Haute autorité de l’absence d’opposabilité du secret professionnel par les agents de l’administration fiscale.
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La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL 110 du rapporteur.
Elle examine ensuite l’amendement CL 83 du même auteur.
M. le rapporteur. Il s’agit d’imposer à l’administration fiscale un délai de soixante jours pour répondre à la Haute autorité.
La Commission adopte l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CL 113 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cette extension des pouvoirs de la Haute autorité vis-à-vis de l’administration fiscale a déjà été abordée lors de l’examen du projet de loi organique.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine l’amendement CL 114 du même auteur.
M. le rapporteur. Même sujet.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine l’amendement CL 118 du même auteur.
M. le rapporteur. Il s’agit de l’assistance administrative internationale, déjà abordée dans le projet de loi organique.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine l’amendement CL 117 du même auteur.
M. le rapporteur. Comme dans le projet de loi organique, nous proposons d’étendre les pouvoirs des rapporteurs de la Haute autorité.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 5 modifié.
Article 6
Contrôle de la variation des situations patrimoniales
Cet article confie à la Haute autorité de la transparence de la vie publique la charge d’apprécier la variation des situations patrimoniales des membres du Gouvernement. En raison du renvoi opéré par le IV de l’article 10 du présent projet de loi, l’ensemble des autres personnes soumises à obligation de déclaration de situation patrimoniale seraient également concernées par ce contrôle – les membres du Parlement étant, quant à eux, régis par l’article L.O. 135-5 du code électoral (284).
En cas d’évolution patrimoniale inexpliquée, l’article 14 du présent projet de loi dispose que :
– la Haute autorité pourrait publier un « rapport spécial » au Journal officiel, après avoir permis à la personne concernée de présenter ses observations. Précisons que le projet de loi organique ne prévoit aucune mesure équivalente à l’égard des parlementaires ;
– la Haute autorité aviserait le procureur de la République. La même solution est retenue, dans le cas des parlementaires, à l’article L.O. 135-5 précité, qui prévoit la transmission du dossier au parquet.
Le contrôle de la variation du patrimoine au cours de l’exercice des fonctions de la personne contrôlée devrait être plus efficace que celui aujourd’hui opéré par la Commission pour la transparence financière de la vie politique. La Haute autorité disposerait en effet de davantage d’informations, émanant tant de l’intéressé (déclarations de situation patrimoniale, observations) que de l’administration fiscale (en application des articles 4, 5 et 8) et, plus largement, de « toute personne dont le concours lui paraît utile » (II de l’article 13).
Comme pour les parlementaires, l’évolution de la situation patrimoniale n’a pas vocation à être appréciée seulement à l’issue des fonctions, mais aussi pendant l’exercice de celles-ci – via les déclarations faisant état d’une modification substantielle du patrimoine de l’intéressé (prévues au I de l’article 3 et au I de l’article 10).
Afin d’améliorer la lisibilité de la présente loi, votre Commission a, sur proposition de son rapporteur, inséré au sein du présent article les dispositions, figurant initialement à l’article 14, relatives aux conséquences d’une évolution inexpliquée du patrimoine : après avoir demandé des explications à la personne concernée, la Haute autorité peut publier au Journal officiel un « rapport spécial » détaillant l’évolution inexpliquée, accompagnée de la réponse de l’intéressé. Elle transmet alors ce rapport spécial et l’ensemble du dossier au parquet.
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La Commission est saisie de l’amendement CL 125 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement vise à déplacer deux alinéas de l’article 14 vers l’article 6.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 6 modifié.
Article 7
Mandat de gestion sans droit de regard de certains instruments financiers
Cet article vise à rendre obligatoire la gestion sous mandat sans droit de regard des instruments financiers détenus par les membres du Gouvernement et par les présidents et autres membres des autorités – administratives ou publiques – indépendantes intervenant dans le domaine économique.
L’objectif est d’éviter la suspicion que peut faire naître la détention d’instruments financiers par des personnes exerçant des compétences dans les secteurs économique et financier ou, plus simplement, en position de pouvoir bénéficier d’informations privilégiées dans ces domaines.
Le mécanisme proposé, dont l’esprit est proche de celui de la fiducie, introduite dans notre droit en 2007 (285), consiste à confier à un tiers, pendant l’exercice des fonctions, mandat de gérer les instruments financiers à la place de la personne « intéressée », cette dernière étant privée de tout droit de regard dans cette gestion. La commission « Sauvé » comme la commission « Jospin » avaient préconisé de prévoir un tel dispositif.
Le présent article rendrait obligatoire une pratique déjà suivie aujourd’hui par certaines autorités indépendantes – par exemple l’AMF (286) – et par les membres du Gouvernement. Ainsi, en application de la charte de déontologie adoptée le 17 mai 2012 (287), et à l’instar de la solution retenue sous le Gouvernement de M. François Fillon (288), les membres de l’actuel Gouvernement confient à un intermédiaire agréé – société de bourse, établissement de crédit, gérant de portefeuille – un mandat de gestion de leur patrimoine mobilier rémunéré.
Ce mandat doit être rédigé de manière à interdire au ministre de donner un ordre au gérant, sauf pour vendre une partie, choisie par le gérant, du portefeuille détenu. Seules les obligations ou parts d’organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) dits « non dédiés » (289) peuvent être achetées par le gérant. Les transactions doivent être réalisées sur des marchés réglementés, et non de gré à gré.
Un décret en Conseil d’État devrait fixer les conditions d’application du présent article, en particulier le champ des instruments financiers concernés, les modalités de gestion à retenir et la liste des AAI et API « intervenant dans le domaine économique » dont les présidents et membres entrent dans le champ du présent article. Selon les informations recueillies par votre rapporteur, devraient notamment y figurer l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP), l’Autorité des marchés financiers (AMF), l’Autorité de la concurrence, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF), l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), la Commission des infractions fiscales, la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC), la Commission des participations et des transferts, la Commission de régulation de l’énergie (CRE), la Commission de la sécurité des consommateurs (CSC), le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), la Haute autorité de santé (HAS), le Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C), la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI), le Médiateur national de l’énergie et le Médiateur du cinéma.
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La Commission adopte l’article 7 sans modification.
Article 8
Vérification de la situation fiscale des ministres
Cet article tend à rendre systématique le contrôle fiscal de tout nouveau membre du Gouvernement.
Chaque ministre devrait, « dès après sa nomination », faire l’objet d’une procédure de vérification de sa situation fiscale au titre de l’impôt sur le revenu et, le cas échéant, de l’impôt de solidarité sur la fortune. La procédure serait « placée sous le contrôle » de la Haute autorité de la transparence de la vie publique.
Selon l’étude d’impact jointe au présent projet, il s’agit d’élever au niveau législatif une pratique déjà existante, « conformément à une tradition républicaine ». Jusqu’à présent, l’examen systématique de la situation fiscale des membres du Gouvernement « s’apparentait à un contrôle sur pièces (...) mais sans échanges de pièces de procédure écrites ni garanties et voies de recours pour les intéressés ».
En application du présent article, le contrôle systématique à la suite de la nomination des ministres obéirait désormais au droit commun. La Haute autorité serait destinataire des résultats de la vérification, ce qui contribuera à améliorer son information et, partant, son contrôle des déclarations de situation patrimoniale et des déclarations d’intérêts.
À l’initiative de M. Charles de Courson, votre Commission a précisé que la procédure de vérification de la situation fiscale des membres du Gouvernement s’effectuerait dans les conditions définies aux articles L. 10 et suivants du livre des procédures fiscales – c’est-à-dire selon les règles de droit commun. Elle a également renvoyé à un décret en Conseil d’État le soin de préciser les conditions d’application du présent article.
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La Commission examine, en présentation commune, les amendements CL 224, CL 222, CL 225 et CL 223 de M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Cela a été confirmé devant notre commission d’enquête sur l’affaire Cahuzac : la tradition républicaine veut que l’on soumette les ministres nouvellement nommés, non pas à un contrôle fiscal, mais à une évaluation de situation. L’article 8 donne une base législative à cette pratique, qu’il conviendrait néanmoins de mieux cadrer. En l’état, me semble-t-il, le texte pourrait faire l’objet d’une censure du Conseil constitutionnel puisqu’il ne prévoit aucun droit pour la défense.
L’amendement CL 224 définit donc le cadre juridique – les articles L. 10 et suivants du livre des procédures fiscales – dans lequel s’exerce la vérification.
L’amendement CL 222 étend la vérification de la situation fiscale au titre des impôts locaux dûs par les membres du gouvernement.
L’amendement CL 225 précise les relations entre la Haute autorité de la transparence de la vie publique et l’administration fiscale en charge concrètement de la procédure de vérification. En disposant que la procédure est placée « sous le contrôle » de la première, le texte fait de la Haute autorité une sorte d’autorité fiscale. Tout imparfait qu’il soit, l’amendement a le mérite de rappeler qu’il appartient aux services fiscaux de mener la vérification. Il précise également que « les conclusions de la procédure de vérification de la situation fiscale du ministre chargé du budget sont aussi transmises au Premier ministre », afin que le ministre du Budget, auquel remontent actuellement les fiches relatives aux ministres, ne soit pas juge et partie pour son propre cas.
L’amendement CL 223 renvoie à un décret en Conseil d’État pour préciser les modalités de cette vérification.
M. le rapporteur. Avis défavorable à l’amendement CL 225 qui me paraît inutile. La procédure de vérification de la situation fiscale des ministres se fera bien sous le contrôle de la Haute autorité.
Je ne suis pas hostile, en revanche, à l’amendement CL 224, même si son intérêt juridique me semble limité : en visant les articles L. 10 et suivants, on vise en fait quasiment l’ensemble du livre des procédures fiscales, et il semble évident qu’un contrôle fiscal s’effectue en application des dispositions dudit livre.
Je n’ai pas non plus d’hostilité de principe à l’égard de l’amendement CL 222, même si le dispositif me paraît suffisamment contraignant en l’état.
S’agissant enfin de l’amendement CL 223, je ne suis pas pour la multiplication des décrets en Conseil d’État. Mais, en l’espèce, pourquoi pas ?
M. le ministre. Le Gouvernement discerne mal la plus-value de l’amendement CL 224, mais s’en remet à la sagesse de la Commission.
Il est en revanche défavorable à l’amendement CL 225 pour les raisons exposées par le rapporteur.
L’extension de la vérification à la taxe d’habitation et à la taxe foncière, prévue à l’amendement CL 222, implique un travail supplémentaire dont l’intérêt n’est pas manifeste. Mais le Gouvernement s’en remet là aussi à la sagesse de la Commission.
Sur l’amendement CL 223, enfin, l’avis du Gouvernement est favorable.
M. Charles de Courson. Puisque le Gouvernement et le rapporteur sont hostiles à l’amendement CL 225, il doivent nous expliquer comment l’administration fiscale peut être placée « sous le contrôle » de la Haute autorité. Il serait pour le moins curieux qu’elle reçoive des instructions de la part de cette instance !
M. le rapporteur. Le décret en Conseil d’État précisera tout cela.
La Commission adopte l’amendement CL 224, rejette successivement les amendements CL 222 et CL 225, puis adopte l’amendement CL 223.
Elle adopte ensuite l’article 8 modifié.
Article 9
Injonction de la Haute autorité de la transparence de la vie publique en cas de conflit d’intérêts
Le I du présent article prévoit que la déclaration d’intérêts prévue à l’article 3 est publiée par la Haute autorité de la transparence de la vie publique en même temps que la déclaration de situation patrimoniale. Cette disposition étant redondante avec l’article 4, relatif à la publicité des déclarations, elle a été supprimée par votre Commission.
Le II du présent article confère un pouvoir d’injonction à la Haute autorité de la transparence de la vie publique, susceptible d’être mis en œuvre lorsqu’elle constate une situation de conflit d’intérêts.
Le texte proposé n’imposant pas que cette constatation soit nécessairement faite au vu des déclarations d’intérêts qui lui sont remises, il serait également donc possible à la Haute autorité d’user de ce pouvoir d’injonction, soit de sa propre initiative, soit à la suite d’une saisine par le Premier ministre, par le président d’une assemblée parlementaire ou par une association de lutte contre la corruption (II de l’article 13).
Le champ d’application de ce pouvoir d’injonction couvrirait l’ensemble des personnes tenues de déclarer leurs intérêts en application de la présente réforme, à l’exclusion des membres de l’Assemblée nationale et du Sénat – ces derniers étant régis par des règles internes qui leur sont propres (code de déontologie des députés à l’Assemblée nationale ; dispositions relatives aux conflits d’intérêts et au Comité de déontologie au Sénat).
Pourraient donc faire l’objet d’une injonction, non seulement les membres du Gouvernement (article 3 du présent projet de loi), mais également, en application du IV de l’article 10 :
– les parlementaires européens (1° du I de l’article 10). Votre Commission, en modifiant le IV de l’article 10, les a cependant exclus d’une telle procédure d’injonction. D’une part, celle-ci apparaîtrait concurrente des procédures internes spécifiques au Parlement européen. D’autre part, il ne serait pas justifié de traiter différemment les parlementaires européens des parlementaires nationaux ;
– les élus locaux énumérés aux 1° et 2° du I de l’article 10 ;
– les membres de cabinets ministériels et les collaborateurs du président de la République (3° du I de l’article 10) ;
– les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes (4° du I de l’article 10) ;
– les titulaires d’un emploi à la décision du Gouvernement nommés en conseil des ministres (5° du I de l’article 10) ;
– les présidents et directeurs généraux des organismes publics énumérés aux 1° à 5° du II de l’article 10.
La Haute autorité pourrait enjoindre chacune de ces personnes de faire cesser la situation de conflit d’intérêts qu’elle aurait constatée. Cette injonction pourrait être rendue publique après voir mis à même la personne en cause de faire valoir ses observations. Son non-respect serait passible d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, prévue au III de l’article 18. À la différence de ce que proposait la commission « Sauvé », ne sont en revanche prévues ni inéligibilité, ni interdiction d’exercer une fonction publique (290).
En dehors de ce pouvoir d’injonction, la Haute autorité pourrait également, en cas de conflit d’intérêts avéré, faire usage des pouvoirs prévus à l’article 14 :
– information des autorités compétentes du non-respect d’une obligation prévue par la loi résultant du présent projet ;
– publication d’un rapport spécial au Journal officiel ;
– s’il y a lieu, par exemple en cas de prise illégale d’intérêts, saisine du procureur de la République.
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La Commission adopte successivement l’amendement de précision CL 79 et l’amendement rédactionnel CL 123 du rapporteur.
Puis elle adopte l’article 9 modifié.
Article 10
Obligation de déclaration de situation patrimoniale et de déclaration d’intérêts des parlementaires européens, des élus locaux, des membres des cabinets ministériels, des collaborateurs du président de la République et des présidents des assemblées parlementaires, des membres des autorités indépendantes, des titulaires d’emplois à la décision du Gouvernement et des dirigeants d’organismes publics
Le présent article dresse une liste d’acteurs publics soumis à l’obligation de déposer une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêts auprès de la Haute autorité de la transparence de la vie publique.
Les personnes énumérées s’ajoutent aux membres du Gouvernement
– soumis aux règles prévues à l’article 3 du présent projet de loi – et aux députés et sénateurs – régis par l’article L.O. 135-1 du code électoral, tel que modifié par l’article 1er du projet de loi organique.
La plupart des responsables publics mentionnés au présent article sont déjà soumis à l’obligation de déposer une déclaration de patrimoine auprès de la Commission pour la transparence financière de la vie politique (291). Ceux-ci seraient désormais également tenus d’établir une déclaration d’intérêts.
Tel est le cas :
– des députés européens (1° du I du présent article). Les obligations déclaratives prévues au présent article s’ajouteraient donc à l’obligation qui leur est propre de déposer une « déclaration d’intérêts financiers » au sens du code de conduite en vigueur au Parlement européen ;
– des présidents de certains exécutifs locaux (1° du I du présent article) : président de conseil régional ; président de l’Assemblée de Corse ; président du conseil exécutif de Corse ; président de l’Assemblée de Guyane ; président de l’Assemblée de Martinique ; président du conseil exécutif de Martinique ; président d’une assemblée territoriale d’outre-mer ; président de conseil général (292) ; président élu d’un exécutif d’une collectivité d’outre-mer ; maire d’une commune de plus de 30 000 habitants ; président élu d’un groupement de communes doté d’une fiscalité propre dont la population excède 30 000 habitants ;
– de certains élus locaux délégataires de fonctions exécutives (2° du I du présent article) : conseillers régionaux, conseillers à l’Assemblée de Guyane, conseillers à l’Assemblée de Martinique, conseillers exécutifs de Martinique, conseillers exécutifs de Corse, conseillers généraux et adjoints aux maires des communes de plus de 100 000 habitants, lorsqu’ils sont titulaires, respectivement, d’une délégation de signature du président du conseil régional, du président du conseil exécutif, du président du conseil général ou du maire, dans les conditions fixées par la loi (293). Pour permettre l’application de ces dispositions, les délégations de signature devraient être notifiées sans délai par l’exécutif de chaque collectivité territoriale au président de la Haute autorité de la transparence de la vie publique (comme elles doivent l’être aujourd’hui à la Commission pour la transparence financière de la vie politique) (294) ;
– des présidents et directeurs généraux d’une série d’organismes publics énumérés aux 1° à 5° du II du présent article (295).
Sans aucun changement par rapport à l’article 2 de loi n° 88-227 du 11 mars 1988 précitée, tel que modifié par la loi du 14 avril 2011 (296), il s’agit des présidents et directeurs généraux :
1° des sociétés et autres personnes morales, quel que soit leur statut juridique, dans lesquelles plus de la moitié du capital social est détenue directement par l’État ;
2° des établissements publics de l’État à caractère industriel et commercial ;
3° des sociétés et autres personnes morales, quel que soit leur statut juridique, dans lesquelles plus de la moitié du capital social est détenue, directement ou indirectement, séparément ou ensemble, par les personnes mentionnées aux 1° et 2° et dont le chiffre d’affaires annuel au titre du dernier exercice clos avant la date de nomination des intéressés est supérieur à 10 millions d’euros. Rappelons que ce seuil de 10 millions d’euros a été introduit en 2011, afin, à la suite de suggestions de la Commission pour la transparence de la vie politique, de lui permettre de recentrer son action sur les organismes présentant de réels enjeux. Ce seuil a permis d’exclure du périmètre du contrôle de la Commission 515 filiales d’entreprises publiques, ramenant leur nombre à 438 ;
4° des offices publics de l’habitat mentionnés à l’article L. 421-1 du code de la construction et de l’habitation gérant un parc comprenant plus de 2 000 logements au 31 décembre de l’année précédant celle de la nomination des intéressés ;
5° des sociétés et autres personnes morales, quel que soit leur statut juridique, autres que celles mentionnées aux 1° et 3°, dont le chiffre d’affaires annuel, au titre du dernier exercice clos avant la date de nomination des intéressés, dépasse 750 000 euros, dans lesquelles les collectivités territoriales (297), leurs groupements ou toute autre personne mentionnée aux 1° à 4° détiennent, directement ou indirectement, plus de la moitié du capital social ou qui sont mentionnées au 1° de l’article L. 1525-1 du code général des collectivités territoriales (relatif aux sociétés d’économie mixte locales).
La déclaration d’intérêts de chacun de ces présidents et directeurs généraux devrait être remise non seulement à la Haute autorité de la transparence de la vie publique, mais aussi au ministre ayant « autorité sur l’intéressé » ou exerçant la tutelle de l’organisme concerné. L’examen de ces déclarations d’intérêts ne devrait donc pas uniquement – ni même principalement – incomber à la Haute autorité, mais avant tout relever d’un processus de contrôle interne.
Comme aujourd’hui, lorsqu’une personne exerce l’une des fonctions électives mentionnées au I, sa nomination à la présidence ou à la direction générale d’un organisme mentionné au II serait subordonnée à la justification du dépôt de la déclaration de situation patrimoniale exigible lors de la cessation des fonctions précédentes (298).
Une nomination à l’une des fonctions précitées serait, en outre, « considérée comme nulle » si, à l’issue d’un délai de deux mois, la déclaration de situation patrimoniale ou la déclaration d’intérêts prévue lors de l’entrée en fonctions n’avait pas été transmise à la Haute autorité de la transparence de la vie publique. La nullité de la nomination ne serait cependant plus la seule sanction en cas d’absence de dépôt d’une déclaration, des sanctions pénales étant désormais prévues au II de l’article 18.
Au total, selon l’étude d’impact jointe au présent projet , « on dénombre 74 représentants français au Parlement européen, 300 conseillers régionaux, 1 180 conseillers généraux, 261 maires des communes de plus de 30 000 habitants, 720 adjoints aux maires des communes de plus de 100 000 habitants, ainsi que 876 dirigeants de sociétés d’économie mixte (SEM), 443 dirigeants d’offices publics de l’habitat et 1 328 dirigeants d’établissements industriels et commerciaux et de sociétés nationales », soit près de 5 200 personnes.
Le présent article étend l’obligation de déposer une déclaration de situation patrimoniale à trois nouvelles catégories de personnes. Celles-ci auraient également l’obligation de produire une déclaration d’intérêts.
Seraient concernés, en premier lieu, les membres des cabinets ministériels et les collaborateurs du président de la République (3° du I du présent article).
Rappelons que, réserve faite des dispositions spécifiques au secteur de la santé publique (299), c’est sans fondement normatif particulier – autre qu’une circulaire du Premier ministre – que les membres des cabinets ministériels du Gouvernement de M. Jean-Marc Ayrault ont été tenus de déposer une déclaration d’intérêts, auprès du ministre concerné.
Aux termes du présent article, les déclarations d’intérêts devraient être remises, non seulement au président de la Haute autorité de la transparence de la vie publique, mais aussi « à l’autorité hiérarchique » : en l’occurrence, il s’agit, respectivement, du ministre concerné et du président de la République. Les déclarations de patrimoine seraient, quant à elles, adressées à la seule Haute autorité.
Sur proposition de M. René Dosière, la commission des Lois a précisé que les personnes soumises aux obligations déclaratives sont les membres des cabinets ministériels et les collaborateurs du président de la République « qui ont fait l’objet d’une nomination au Journal officiel ». Cette mention évitera d’inclure dans le champ de la loi des agents dont les tâches – secrétariat, fonctions support, etc.) – ne le justifient pas.
En deuxième lieu, les membres des autorités administratives indépendantes (AAI) et des autorités publiques indépendantes (API) seraient assujettis à la même double obligation déclarative (4° du I du présent article).
L’ensemble des AAI (y compris la nouvelle Haute autorité) et des API seraient concernées, et non pas seulement – comme à l’article 7 instaurant la gestion sous mandat d’instruments financiers –, celles intervenant dans le domaine économique. La rédaction proposée ne faisant pas spécialement référence aux membres des collèges (à la différence de l’article 2, relatif aux obligations d’abstention), les autorités qui sont dépourvues de collège, telles que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou le Médiateur national de l’énergie, seraient également assujetties. Le Défenseur des droits devrait également entrer dans le champ de l’obligation (300).
Si les membres de plusieurs autorités indépendantes sont d’ores et déjà tenus d’établir des déclarations d’intérêts (301), il n’en va pas de même des déclarations de patrimoine. Les deux déclarations seraient adressées à la Haute autorité, les déclarations d’intérêts étant également transmises au président de l’autorité indépendante concernée.
En dernier lieu, devrait également établir une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêts « toute autre personne exerçant un emploi ou des fonctions à la décision du Gouvernement pour lesquels elle a été nommée en conseil des ministres » (5° du I du présent article).
« Situés au point de jonction entre la politique et l’administration » (302), les emplois à la décision du Gouvernement présentent trois caractéristiques particulières, prévues dans le statut général de la fonction publique (303) : leur définition appartient au pouvoir réglementaire ; la nomination à ces emplois n’emporte, pour leurs bénéficiaires, aucune titularisation dans un corps de la fonction publique ; la nomination à un tel emploi est essentiellement révocable. Le Gouvernement peut donc y mettre fin à tout moment dans l’intérêt du service ou, plus largement, dans l’intérêt général.
La liste des emplois à la décision du Gouvernement est fixée par un décret du 24 juillet 1985 (304). Il s’agit :
– dans toutes les administrations : des commissaires généraux, hauts-commissaires, commissaires, secrétaires généraux, délégués généraux et délégués, lorsqu’ils sont placés directement sous l’autorité du ministre ; des directeurs généraux et directeurs d’administration centrale ;
– auprès du Premier ministre : du secrétaire général du Gouvernement, du secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale et des délégués interministériels et délégués ;
– au ministère des Affaires étrangères : des chefs titulaires de mission diplomatique ayant rang d’ambassadeur ;
– au ministère de l’Intérieur et de la décentralisation : des préfets ; du chef du service de l’inspection générale de l’administration ; des directeurs des services actifs de police en fonctions à l’administration centrale et du chef du service de l’inspection générale de la police nationale ;
– au ministère de l’Éducation nationale : des recteurs d’académie ;
– au ministère de l’Économie et des finances : du chef du service de l’inspection générale des finances ;
– des représentants du Gouvernement dans « les territoires d’outre-mer ».
Le présent article précise que les emplois concernés sont ceux ayant fait l’objet d’une nomination en conseil des ministres, ce qui permet d’exclure les emplois, qualifiés d’emplois à la décision du Gouvernement par la jurisprudence administrative, dans des institutions extérieures au statut général de la fonction publique – donc ne figurant pas dans le décret précité (305).
Les emplois pourvus en conseil des ministres sont fixés à l’article 13, alinéa 3, de la Constitution (306), dispositions complétées, en application de l’alinéa 4, par une loi organique (307), qui elle-même préserve les modalités de nomination antérieures à 1958, en renvoyant aux « emplois pour lesquels cette procédure est actuellement prévue par une disposition législative ou réglementaire particulière » (308).
En conséquence, seraient assujetties aux obligations déclaratives prévues au présent article les personnes qui, parmi celles énumérées à l’article 13, alinéa 3, de la Constitution, exercent un emploi à la décision du Gouvernement, c’est-à-dire les ambassadeurs, les préfets, les représentants de l’État dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution, les recteurs et les directeurs d’administration centrale.
Quoique non mentionnés à l’article 13, alinéa 3, de la Constitution, l’ensemble des autres emplois énumérés dans le décret du 24 juillet 1985 précité seraient également assujettis. En effet, si seuls certains textes prévoient explicitement, pour ces emplois, une nomination en conseil des ministres – c’est, par exemple, le cas du chef de service de l’inspection générale de l’administration (309) –, il est d’usage, en pratique, de pourvoir en conseil des ministres l’ensemble des emplois à la décision du Gouvernement, même si aucun texte ne l’impose (310).
Selon l’étude d’impact, l’introduction de ces trois nouvelles catégories de responsables publics « touchera près de 1 600 personnes (600 membres des cabinets ministériels, environ 260 présidents et membres d’autorités administratives indépendantes et 700 personnes exerçant un emploi ou des fonctions à la décision du Gouvernement), de sorte que le dispositif, dans son ensemble, concernera plus de 7 000 responsables publics » (311).
On doit souligner qu’à la différence du projet de loi relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique (n° 3704) et du projet de loi organique relatif au statut de la magistrature (n° 3705) déposés sous la législature précédente, en juillet 2011, le présent article n’impose aucune déclaration d’intérêts aux membres du Conseil d’État, de la Cour des comptes et de la Cour de cassation, aux titulaires d’emplois fonctionnels dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière ou aux responsables des cabinets des autorités territoriales (312).
Selon les informations fournies à votre rapporteur par le Gouvernement, un projet de loi organique relatif à la magistrature devrait être présenté en conseil des ministres au mois de juillet 2013, comportant des obligations déclaratives incombant aux magistrats judiciaires. Quant à la prévention des conflits d’intérêts dans les trois fonctions publiques, elle serait traitée, au-delà des principes posés aux articles 1er et 2 du présent projet (313), dans un projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, également présenté en conseil des ministres cet été. Ce dernier projet devrait inclure dans son champ d’application les magistrats des juridictions administratives et financières.
En raison du renvoi aux deux premiers alinéas de l’article 3, les personnes entrant dans le champ d’application des I et II du présent article devraient établir, comme les membres du Gouvernement :
– une déclaration exhaustive, exacte et sincère de leur situation patrimoniale, concernant la totalité de leurs biens propres ainsi que, le cas échéant, ceux de la communauté ou des biens réputés indivis en application de l’article 1538 du code civil. Ces biens seraient évalués à la date du fait générateur de la déclaration comme en matière de droit de mutation à titre gratuit ;
– une déclaration exhaustive, exacte et sincère de leurs intérêts détenus à la date de leur élection ou de leur nomination et dans les trois années précédant cette date.
À la différence des ministres, les déclarants mentionnés au présent article disposeraient d’un délai de deux mois suivant leur entrée en fonctions pour fournir leurs deux déclarations. Il s’agit du même délai que celui aujourd’hui applicable à la remise des déclarations de situation patrimoniale au titre de la loi n° 88-827 du 11 janvier 1988 précitée. La Commission pour la transparence financière de la vie politique a d’ailleurs, en 2012, durci le ton à propos du respect de ce délai : « compte tenu des manquements trop fréquents des personnes assujetties à leurs obligations légales, en dépit des rappels personnels dont ils font pourtant l’objet, la commission a décidé, lors de sa séance plénière du 19 décembre 2011, de faire à l’avenir systématiquement usage des procédures prévues par le code électoral et la loi du 11 mars 1988 qui prévoient que sont inéligibles les personnes assujetties qui n’ont pas déposé auprès de la commission leur déclaration de situation patrimoniale dans le délai légal de deux mois » (314). D’après les informations recueillies par votre rapporteur, cet avertissement a été efficace : les assujettis tenus de déclarer leur patrimoine en 2012 ont tous déposé leurs déclarations sans qu’une relance écrite de la Commission n’ait été nécessaire – des relances téléphoniques ont toutefois dû être effectuées. On verra qu’aux termes du présent projet, les sanctions prévues en l’absence de dépôt d’une des deux déclarations seraient sensiblement renforcées (II de l’article 18) (315).
Comme pour les membres du Gouvernement et pour les parlementaires :
– toute modification substantielle de la situation patrimoniale ou des intérêts détenus devrait faire l’objet d’une nouvelle déclaration auprès de la Haute autorité de transparence de la vie publique (316) ;
– une nouvelle déclaration de patrimoine serait requise à la fin du mandat ou des fonctions. Pour les parlementaires européens et les élus locaux assujettis, celle-ci devrait, comme aujourd’hui, intervenir au plus tard deux mois avant le terme normal du mandat ou de la fonction ou, en cas de démission, de révocation ou de dissolution de l’assemblée concernée, dans les deux mois qui suivent la fin des fonctions. Ce même délai de deux mois s’appliquerait aux dirigeants d’entreprises et d’organismes publics (317), ainsi qu’aux nouveaux assujettis (membres d’autorités indépendantes et de cabinets ministériels, collaborateurs du président de la République, titulaires d’emplois à la décision du Gouvernement) ;
– le présent projet ne reprend pas les dispositions dispensant de nouvelle déclaration de patrimoine les personnes en ayant déjà déposé une il y a moins de six mois (318). En conséquence, le nombre de déclarations adressées à la Haute autorité serait sensiblement plus important que celui des déclarations aujourd’hui déposées auprès de la Commission pour la transparence financière de la vie politique ;
– un décret en Conseil d’État définirait le modèle, le contenu et les conditions de mise à jour et de conservation des déclarations de patrimoine et des déclarations d’intérêts (III du présent article). Sous réserve d’éventuelles spécificités propres à certaines fonctions, le contenu devrait être le même que celui des déclarations des membres du Gouvernement et du Parlement ;
– en application du IV du présent article, la Haute autorité de la transparence de la vie publique disposerait du pouvoir de se faire transmettre les déclarations fiscales mentionnées à l’article 5 et du pouvoir de demander à l’administration fiscale d’exercer son droit de communication dans les conditions prévues au même article. Elle serait également chargée d’apprécier la variation des situations patrimoniales, selon les modalités fixées à l’article 6. Elle pourrait, enfin, enjoindre un déclarant de mettre fin à une situation de conflits d’intérêts et, après un échange contradictoire, rendre publique cette injonction (article 9), dont la méconnaissance serait passible d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende (III de l’article 18).
En premier lieu, votre commission des Lois a élargi le champ des personnes assujetties à l’obligation de déclarer leur patrimoine et leurs intérêts :
– sur proposition de M. René Dosière, aux maires de communes et aux présidents d’EPCI à fiscalité propre de plus de 20 000 habitants (au lieu de 30 000 habitants dans le texte proposé et en droit positif). Cette modification ferait entrer dans le champ de la nouvelle loi 182 communes supplémentaires et 231 EPCI à fiscalité propre supplémentaires ;
– sur proposition de M. René Dosière, aux présidents des « autres groupements de communes » – c’est-à-dire aux syndicats intercommunaux – dont le montant des recettes ordinaires figurant au dernier compte administratif est supérieur à 5 millions d’euros ;
– sur proposition de votre rapporteur, aux collaborateurs du Président de l’Assemblée nationale et du Président du Sénat. Votre rapporteur a retiré un amendement soumettant aux mêmes obligations les collaborateurs des députés, des sénateurs et des groupes parlementaires. Rappelons que les collaborateurs parlementaires seraient désormais mentionnés dans les déclarations d’intérêts et d’activités des membres du Parlement (319).
En deuxième lieu, votre commission des Lois a transposé au présent article les modifications déjà apportées à propos des déclarations de patrimoine et des déclarations d’intérêts des parlementaires ou, selon les cas, des ministres :
– le contenu des déclarations de patrimoine et des déclarations d’intérêts serait identique à celui des déclarations fournies par les ministres, le présent article renvoyant à l’article 3 ;
– pour les élus locaux, le délai de remise des déclarations de patrimoine de fin de mandat serait avancé à sept mois au plus tôt et six mois au plus tard avant la date normale d’expiration du mandat ;
– pour l’ensemble des assujettis, les déclarations de patrimoine de fin de mandat ou de fonctions seraient accompagnées d’une récapitulation de l’ensemble des revenus perçus au cours du mandat ou de l’exercice des fonctions ;
– l’établissement depuis moins de six mois d’une déclaration dispenserait de devoir en déposer une nouvelle, conformément au droit aujourd’hui en vigueur ;
– les modifications substantielles du patrimoine ou des intérêts devraient être signalées à la Haute autorité dans le délai d’un mois ;
– le décret en Conseil d’État prévu au présent article serait pris après avis de la CNIL ;
– chaque déclaration pourrait être accompagnée d’observations de la personne intéressée, soumises au même régime de publicité que les déclarations elles-mêmes.
Enfin, à l’initiative de votre rapporteur, la Commission de loi a prévu que l’ensemble des responsables publics mentionnés au présent article seraient soumis au pouvoir d’injonction de la Haute autorité de la transparence de la vie publique en cas d’absence de dépôt dans les délais d’une déclaration de patrimoine ou d’intérêts, en cas de déclaration incomplète ou en l’absence de réponse à une demande d’explication. Ces prérogatives de la Haute autorité, assorties de sanctions pénales prévues au III de l’article 18, n’étaient, dans le texte initial, prévues qu’à l’égard des ministres (IV de l’article 3) et des parlementaires (IV de l’article 1er du projet de loi organique).
*
* *
La Commission est saisie de l’amendement CL 196 de M. René Dosière.
M. René Dosière. Je le retire. La question a déjà été réglée.
L’amendement CL 196 est retiré.
La Commission adopte successivement l’amendement rédactionnel CL 124 et l’amendement de conséquence CL 138 du rapporteur.
Elle en vient à l’amendement CL 80 du même auteur.
M. le rapporteur. Il est préférable de ne pas mentionner les députés européens au même alinéa que les élus locaux.
La Commission adopte l’amendement.
La Commission examine ensuite l’amendement CL 205 de M. Richard Ferrand.
M. le rapporteur. Avis défavorable. Dans la rédaction actuelle du projet de loi, on estime à 369 le nombre de présidents d’EPCI concernés par l’obligation de déclaration. Étendre cette obligation à tous les présidents d’EPCI obligerait la Haute autorité à examiner les déclarations d’environ 13 000 personnes supplémentaires.
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CL 198 de M. René Dosière.
M. René Dosière. Il s’agit d’abaisser de 30 000 à 20 000 habitants le seuil au-delà duquel les maires de communes et les présidents de groupements de communes à fiscalité propre sont concernés.
M. le rapporteur. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CL 199 du même auteur.
M. René Dosière. L’amendement vise à étendre l’obligation de déclaration aux présidents des groupements de communes sans fiscalité propre, mais dont le budget dépasse les 5 millions d’euros de recettes ordinaires.
M. le rapporteur. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte également l’amendement de précision CL 197 de M. René Dosière.
Puis la Commission examine l’amendement CL 188 du rapporteur.
M. le rapporteur. L’amendement vise à étendre aux collaborateurs du Président de l’Assemblée nationale et du Président du Sénat l’obligation de déclaration de patrimoine et de déclaration d’intérêts.
La Commission adopte l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CL 126 du même auteur.
M. le rapporteur. Aux termes de cet amendement, les collaborateurs parlementaires seraient eux aussi soumis à l’obligation de déclaration. Comme nous avons déjà eu le débat hier à l’article 1er du projet de loi organique, je retire l’amendement et nous y reviendrons en séance publique.
L’amendement CL 126 est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CL 189 de M. René Dosière.
M. le rapporteur. Avis défavorable. Les directeurs et chefs de cabinet auxquels on veut ici étendre l’obligation de déclaration représentent 1 500 personnes de plus.
M. le ministre. L’amendement vise à élargir le contrôle de la Haute autorité à tous les directeurs et chefs de cabinet des élus locaux visés par le texte. Aux termes du décret n° 87-1004 du 16 décembre 1987 relatif aux collaborateurs de cabinet des autorités territoriales, la fonction de directeur ou de chef de cabinet ne semble pas avoir d’existence juridique spécifique s’agissant des collectivités locales. Cette mention, en l’état, ne peut donc être retenue, à moins d’élargir le contrôle de la Haute autorité à tous les collaborateurs de cabinet des élus locaux, ce que le Gouvernement a écarté lors de la préparation des présents projets de loi : cette catégorie générale a vocation à être traitée dans le cadre du prochain projet de loi relatif à la fonction publique, qui revalorisera le rôle de la Commission de déontologie de la fonction publique.
Le Gouvernement demande donc le retrait de l’amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. René Dosière. Si les directeurs et chefs de cabinet des collectivités locales n’ont pas d’existence juridique, il en va tout autrement dans la réalité ! Mais je m’en tiens au droit et retire mon amendement.
L’amendement CL 189 est retiré.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL 128 du rapporteur.
Elle en vient à l’amendement CL 132 du même auteur.
M. le rapporteur. Cette question des délais a déjà été évoquée.
M. le ministre. Avis défavorable.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte successivement l’amendement rédactionnel CL 131 et l’amendement de clarification CL 145 du rapporteur.
Elle en vient à l’amendement CL 134 du même auteur.
M. le rapporteur. C’est une disposition déjà adoptée lors de la discussion du projet de loi organique.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine l’amendement CL 133 du même auteur.
M. le rapporteur. Même remarque.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine l’amendement CL 144 du même auteur.
M. le rapporteur. Il s’agit encore d’une question de délais.
M. le ministre. Avis défavorable.
La Commission adopte l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CL 149 du même auteur.
M. le rapporteur. Nous avons déjà ajouté cette disposition au projet de loi organique.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte successivement l’amendement de précision CL 236 et l’amendement de clarification CL 147 du rapporteur.
Elle examine l’amendement CL 213 de M. Pierre Morel-A-L’Huissier.
M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Défendu.
M. le rapporteur. Il s’agit de nouveau de la réutilisation des données personnelles contenues dans les déclarations. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement de conséquence CL 146 du rapporteur.
Elle en vient à l’amendement CL 81 du même auteur.
M. le rapporteur. L’amendement précise les modalités d’exercice du pouvoir d’injonction de la Haute autorité.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 10 modifié.
Article 11
Publicité de la déclaration de situation patrimoniale et de la déclaration d’intérêts des parlementaires européens, des élus locaux, des membres des cabinets ministériels, des collaborateurs du président de la République et des présidents des assemblées parlementaires, des membres des autorités indépendantes, des titulaires d’emplois à la décision du Gouvernement et des dirigeants d’organismes publics
Cet article définit les règles de publicité des déclarations produites par les personnes énumérées à l’article 10, c’est-à-dire l’ensemble des déclarants autres que les membres du Gouvernement et du Parlement (320) : parlementaires européens, certains élus locaux détenteurs de fonctions exécutives, membres de cabinets ministériels, collaborateurs du président de la République, membres d’autorités indépendantes, titulaires d’emplois à la décision du Gouvernement pourvus en conseil des ministres et dirigeants d’une série d’organismes publics.
Les déclarations d’intérêts de l’ensemble des assujettis seraient rendues publiques. Cette publicité serait, comme pour les ministres et les parlementaires, organisée par la Haute autorité de la transparence de la vie publique, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État (321). Les mêmes éléments non publics que ceux énumérés au III de l’article 4 seraient ici transposés – ce que votre Commission a explicitement précisé par amendement.
À titre de comparaison, dans le projet de loi relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique déposé par le Gouvernement précédent, en juillet 2011, les seules déclarations d’intérêts qui auraient été rendues publiques étaient celles des membres du Gouvernement (« dans les conditions et sous les réserves fixées par décret en Conseil d’État »), conformément d’ailleurs aux préconisations du rapport « Sauvé » (322). La même solution était retenue dans la proposition de loi relative à la transparence de la vie publique et à la prévention des conflits d’intérêts, déposée par M. François de Rugy en novembre 2011 (n° 3866). En revanche, dans la proposition de loi relative à la transparence de la vie publique et à la prévention des conflits d’intérêts (n° 961), déposée en avril 2013, par M. François de Rugy, la publicité des déclarations d’intérêts s’appliquerait à l’ensemble des assujettis.
En droit positif, le principe de la publicité des déclarations d’intérêts est déjà retenu dans le domaine de la santé publique. L’article L. 1451-1 du code de la santé publique prévoit que les membres des diverses commissions et agences intervenant dans ce secteur, ainsi que ceux de la Haute autorité de santé (HAS) et de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), à l’occasion de leur nomination ou de leur entrée en fonctions, établissent une déclaration mentionnant « les liens d’intérêts de toute nature, directs ou par personne interposée, que le déclarant a, ou qu’il a eus pendant les cinq années précédant sa prise de fonctions, avec des entreprises, des établissements ou des organismes dont les activités, les techniques et les produits entrent dans le champ de compétence de l’autorité sanitaire au sein de laquelle il exerce ses fonctions ou de l’organe consultatif dont il est membre ainsi qu’avec les sociétés ou organismes de conseil intervenant dans les mêmes secteurs. Elle est rendue publique. Elle est actualisée à l’initiative de l’intéressé ». Ces dispositions ne seraient pas modifiées par le présent projet de loi. En particulier, celui-ci ne remettrait pas en cause l’obligation de publicité des déclarations d’intérêts des membres de la HAS (autorité publique indépendante) et de l’ASN (autorité administrative indépendante), les dispositions qui leur sont propres pouvant être considérées comme dérogeant à la loi générale résultant du présent projet, conformément à l’adage lex specialis derogat legi generali.
À la différence des déclarations d’intérêts, publiques pour l’ensemble des assujettis, les seules déclarations de situation patrimoniale rendues publiques seraient celles des présidents d’exécutifs locaux mentionnés au 1° du I de l’article 10 : président de conseil régional ; président de l’Assemblée de Corse ; président du conseil exécutif de Corse ; président de l’Assemblée de Guyane ; président de l’Assemblée de Martinique ; président du conseil exécutif de Martinique ; président d’une assemblée territoriale d’outre-mer ; président de conseil général ; président élu d’un exécutif d’une collectivité d’outre-mer ; maire d’une commune de plus de 20 000 habitants (323) ; président élu d’un groupement de communes doté d’une fiscalité propre dont la population excède 20 000 habitants (324) ; président d’un groupement de commune sans fiscalité propre dont les recettes ordinaires du dernier budget excèdent 5 millions d’euros (325).
Les déclarations de patrimoine des autres déclarants énumérés à l’article 10 demeureraient donc confidentielles, y compris celles des parlementaires européens, introduisant ainsi une différence avec les parlementaires nationaux.
Au total, la publicité des déclarations de patrimoine concerneraient donc les membres du Gouvernements (article 3 du présent projet de loi), les députés et sénateurs (article 1er du projet de loi organique), ainsi que les présidents des principaux exécutifs locaux (présent article) – soit au total environ 1 800 personnes dans le texte initial du Gouvernement.
À l’initiative de votre rapporteur et de M. René Dosière, la commission des Lois a décidé d’appliquer aux présidents d’exécutifs locaux les mêmes modalités de publicité de leurs déclarations de patrimoine que celles retenues à l’égard des membres du Parlement (326) :
– les déclarations de situation patrimoniale seront rendues publiques sous la forme d’un droit de consultation en préfecture par tout citoyen inscrit sur les listes électorales ;
– plusieurs éléments demeureront non susceptibles d’être rendus publics (III de l’article 4) ;
– le fait de publier ou de divulguer les informations ainsi recueillies sera puni des peines mentionnées à l’article 226-1 du code pénal qui sanctionne d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende les atteintes à la vie privée ;
– les électeurs qui consultent les déclarations de patrimoine pourront adresser à la Haute autorité « toute observation écrite » relative à ces déclarations.
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Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CL 202 de M. Guy Geoffroy, tendant à supprimer l’article 11.
Elle en vient à l’amendement CL 180 du rapporteur.
M. le rapporteur. Il s’agit, là encore, de prendre l’avis de la CNIL.
La Commission adopte l’amendement.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette ensuite les amendements identiques CL 227 de M. Gilles Bourdouleix et CL 58 de M. Lionel Tardy.
Puis elle examine l’amendement CL 57 de M. Lionel Tardy.
M. le rapporteur. Avis défavorable. La question a déjà été traitée.
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CL 148 du rapporteur.
Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement CL 243 de M. René Dosière.
M. le rapporteur. Nous avons déjà beaucoup parlé de l’objet de l’amendement CL 148, qui permet de consulter en préfecture les déclarations de patrimoine des présidents d’exécutifs locaux.
La Commission adopte le sous-amendement CL 243.
Puis elle adopte l’amendement CL 148 ainsi modifié.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette ensuite l’amendement CL 229 de M. Gilles Bourdouleix.
Puis elle adopte l’article 11 modifié.
La Commission est saisie de l’amendement CL 164 de M. François de Rugy, portant article additionnel après l’article 11.
M. Paul Molac. L’amendement est défendu.
M. le rapporteur. Avis défavorable. La décision de rendre publique l’indemnité représentative de frais de mandat relève de l’autonomie de l’Assemblée nationale.
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CL 163 de M. François de Rugy.
M. Paul Molac. Il s’agit d’étendre les conditions d’éligibilité et d’inéligibilité aux parlementaires européens.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Article 11 bis (nouveau)
(art. 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique)
Modalités de répartition du financement public des partis politiques
Issu d’un amendement présenté par M. François de Rugy, cet article modifie les conditions de répartition de l’aide publique aux partis politiques.
L’article 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique prévoit que pour bénéficier de la première fraction de l’aide publique (environ 32 millions d’euros en 2013), il est nécessaire, lors du dernier renouvellement de l’Assemblée nationale :
– soit d’avoir présenté des candidats ayant obtenu chacun au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins 50 circonscriptions ;
– soit d’avoir présenté des candidats uniquement dans un ou plusieurs départements d’outre-mer, ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française ou dans les îles Wallis et Futuna, chacun des candidats présentés ayant obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés.
Une seconde fraction, d’environ 38 millions d’euros en 2013, est attribuée aux partis bénéficiaires de la première fraction, proportionnellement au nombre de membres du Parlement qui ont déclaré au Bureau de leur assemblée, au cours du mois de novembre de l’année précédente, y être inscrits ou s’y rattacher.
Ce dispositif a fait l’objet d’utilisations plus ou moins opportunes, confinant parfois au détournement de procédure. Pour obtenir un financement au titre de la seconde fraction de l’aide, certains partis ont passé des accords avec des petits partis d’outre-mer, qui bénéficient des règles spécifiques d’attribution de la première fraction. En fin d’année, plusieurs parlementaires se rattachent au parti d’outre-mer concerné, majorant ainsi le montant de la seconde fraction, dont une part est ensuite reversée à un autre parti – qui n’était, lui, pas éligible au financement public. En d’autres termes, la législation actuelle permet à des partis politiques de passer des accords pour « capter » une part du financement public en violation, non pas de la lettre, mais de l’esprit de la loi du 11 mars 1988.
Afin de mettre fin à ces pratiques, cet amendement dispose qu’il ne sera plus possible pour un parlementaire élu dans une circonscription autre qu’ultra-marine – c’est-à-dire une circonscription métropolitaine ou située à l’étranger – de se rattacher à un parti ayant présenté des candidats uniquement outre-mer.
En outre, le rattachement annuel de chaque parlementaire aux partis éligibles à la seconde fraction serait désormais rendu public. Serait ainsi consacrée dans la loi une pratique apparue seulement depuis novembre 2012, à l’Assemblée nationale comme au Sénat. Auparavant, seul le Bureau de chaque assemblée avait connaissance des déclarations de rattachement de chaque parlementaire – le Premier ministre n’étant destinataire que de la répartition globale du nombre de parlementaires par parti (327).
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Article 11 ter (nouveau)
(art. 11-4 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique)
Réforme des dons et cotisations aux partis politiques
Issu de trois amendements de M. François de Rugy, cet article vise, en premier lieu, à ce que le plafond annuel des dons aux partis politiques par les personnes physiques, fixé à 7 500 euros, s’applique non plus par parti politique, mais par donateur (1° de l’article).
En 2010, le président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, M. François Logerot, avait souligné que le plafond de 7 500 euros par parti laissait « beaucoup de marge de financement pour les grosses fortunes, qui bénéficieront par ailleurs, sur leur déclaration de revenus, d’une soustraction des deux tiers des sommes apportées aux partis politiques » (328).
Il favorise également l’élaboration de montages financiers entre formations politiques, faisant intervenir des micro-partis : « l’absence de limitation du nombre des partis pouvant recevoir d’une même personne physique, chaque année, des dons pouvant atteindre pour chacun d’eux 7 500 euros et assortis de l’avantage fiscal, favorise certainement la constitution de nombreuses petites formations » (329).
Le plafonnement à 7 500 euros par donateur et par an prévu au présent article a déjà été adopté par le Parlement dans la loi de finances pour 2013, avant d’être censuré par le Conseil constitutionnel, au motif qu’il s’agissait d’une disposition étrangère au domaine des lois de finances (« cavalier budgétaire ») (330).
Comme aujourd’hui, le dépassement du plafond serait passible, pour le donateur comme pour celui qui a accepté le don, de 3 750 euros d’amende et d’un an d’emprisonnement (article 11-5 de la loi du 11 mars 1988 précitée).
En deuxième lieu, le 2° du présent article vise à inclure dans le calcul du plafond de 7 500 euros par donateur, non seulement les dons, mais aussi les cotisations versées par les adhérents à un parti politique.
L’objectif est d’éviter les possibles contournements du plafonnement des dons, qui consisteraient à fixer des montants de cotisation très élevés pour, de fait, dépasser le seuil de 7 500 euros.
À titre d’exception, l’amendement réserve le cas des cotisations des élus – nationaux ou locaux –, afin de leur permettre de reverser une partie des indemnités qu’ils perçoivent à leur parti, celui-ci ayant parfois contribué au financement ou au soutien logistique de leur campagne électorale. En conséquence, les cotisations des élus ne seraient pas prises en compte dans le calcul du plafond par donateur.
Toutefois, le présent article fixe une limite à cette pratique : les cotisations versées par les élus ne pourraient excéder 25 % du montant des indemnités perçues au titre de leur mandat.
Enfin, le 3° du présent article prévoit que les associations de financement et les mandataires financiers communiquent chaque année à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques la liste des personnes ayant consenti des dons d’au moins 3 000 euros à un parti politique.
Certes, la Commission est déjà destinataire de l’ensemble des reçus-dons délivrés par les mandataires financiers, sous forme de souches numérotées (331). Toutefois, l’envoi annuel d’une liste récapitulative permettrait d’opérer des recoupements et, ainsi, de renforcer le contrôle de la Commission : respect du plafond de 7 500 euros, versement au compte du mandataire, absence de financement par une personne morale, etc.
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Elle est ensuite saisie, en présentation commune, des amendements CL 156 rectifié, CL 157 rectifié et CL 158 deuxième rectification, de M. François de Rugy.
M. Paul Molac. L’amendement CL 156 rectifié vise à empêcher que l’on détourne la législation sur le financement des partis politiques en se rattachant à un parti ultramarin dans le seul but de percevoir la deuxième tranche de financement public. Il prévoit en outre de rendre public le rattachement des parlementaires aux partis, qu’il n’y a aucune raison de maintenir secret. La publicité faite par les Bureaux des deux assemblées cette année a d’ailleurs été saluée par tous. Plus généralement, nous souhaitons par ces amendements que les mesures touchant au financement des partis politiques soient désormais inscrites dans la loi.
M. le ministre. Le Gouvernement est tout à fait favorable à ce que l’on remette en question le rattachement aux micro-partis de l’outre-mer.
M. le rapporteur. Ces trois amendements signés par nos collègues du groupe écologiste seront fort utiles à la clarification du financement de la vie politique. Avis favorable.
M. René Dosière. Depuis les élections de 2012, il y a deux cas – contre un auparavant – de parlementaires affiliés à des micro-partis de l’outre-mer. On pourrait appeler plus justement « partis guichets » ces structures qui ne font que redistribuer à leurs membres les sommes perçues au titre de la deuxième tranche de financement.
La Commission adopte successivement les trois amendements.
Elle examine ensuite l’amendement CL 159 rectifié de M. François de Rugy.
M. Paul Molac. Cet amendement prévoit la publication, par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, de la liste des personnes ayant donné plus de 3 000 euros à un parti politique. Des affaires récentes nous ont appris que la transparence était nécessaire en la matière, notamment pour dissiper le soupçon.
M. le rapporteur. Avis favorable sous réserve que l’on supprime la dernière phrase de l’amendement. La communication de la liste à la Commission me semble normale, mais je ne vois pas l’intérêt de la rendre publique.
M. le ministre. Même avis.
M. Paul Molac. Je suis d’accord avec cette modification.
La Commission adopte l’amendement CL 159 rectifié ainsi modifié.
Puis elle examine l’amendement CL 160 rectifié de M. François de Rugy.
M. Paul Molac. L’amendement vise à compléter la liste des peines encourues par les personnes qui violent la législation régissant les dons aux partis politiques, en prévoyant une peine complémentaire de privation des droits civiques.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine l’amendement CL 161 de M. François de Rugy.
M. Paul Molac. Nous proposons, par cet amendement, de rendre public l’usage de la réserve parlementaire. L’opacité de ce dispositif, tant en matière de montants attribués à chaque parlementaire qu’en matière de projets financés, n’est pas supportable dès lors qu’il s’agit d’argent public pris sur des lignes du budget de l’État.
M. le rapporteur. Avis défavorable. Non que je sois favorable à l’opacité en la matière – je fais partie des 150 parlementaires qui ont rendu public l’emploi de cette réserve – mais parce que j’estime que cela ne relève pas de la loi.
La Commission rejette l’amendement.