N° 1123 - Avis de M. Sébastien Denaja sur le projet de loi relatif à la consommation (n°1015)



N° 1123

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 juin 2013.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (N° 1015) relatif à la consommation,

PAR M. Sébastien DENAJA,

Député.

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Voir les numéros : 1110, 1116, 1156.

INTRODUCTION 5

I. VERS UNE ACTION DE GROUPE « À LA FRANÇAISE » 7

A. UNE IDÉE ANCIENNE 7

B. UN PROCÉDÉ RÉPANDU À L’ÉTRANGER ET QUI A VOCATION À SE GÉNÉRALISER DANS L’UNION EUROPÉENNE 10

1. Les expériences étrangères 11

a) L’expérience américaine, au niveau fédéral 11

b) Le recours collectif québécois 15

c) Les recours collectifs en Europe 17

2. Des recours collectifs qui ont vocation à se généraliser dans l’Union européenne 25

a) Les consultations opérées par la Commission européenne 25

b) La recommandation sur les recours collectifs 26

c) La proposition de directive sur les actions en dommages et intérêts pour les infractions au droit de la concurrence 28

C. L’UTILITÉ D’UNE ACTION DE GROUPE EN FRANCE 28

1. Les limites des recours existants 29

a) L’action civile dans l’intérêt collectif des consommateurs 29

b) L’action en cessation d’agissements illicites et en suppression de clauses illicites ou abusives 30

c) L’action en intervention volontaire 31

d) L’action en représentation conjointe 32

2. Les avantages de l’action de groupe 34

a) Un mécanisme de réparation civile plus efficace que les actions individuelles pour les litiges de masse 34

b) Un instrument d’assainissement et de régulation de l’économie 35

c) Un risque maîtrisé pour la compétitivité des entreprises 37

II. UN DISPOSITIF ENCADRÉ ET ÉQUILIBRÉ 37

A. UN CHAMP D’APPLICATION CIRCONSCRIT AUX DROITS DE LA CONSOMMATION ET DE LA CONCURRENCE ET AUX PRÉJUDICES MATÉRIELS 38

1. Un préjudice subi à la suite d’un manquement au droit de la consommation ou de la concurrence 38

2. Un préjudice matériel résultant d’une atteinte au patrimoine 39

B. UNE QUALITÉ POUR AGIR RÉSERVÉ AUX ASSOCIATIONS NATIONALES DE CONSOMMATEURS AGRÉÉES 39

C. UNE PROCÉDURE SIMPLE ET EFFICACE 40

D. LES SPÉCIFICITÉS PROCÉDURALES DE L’ACTION DE GROUPE EN MATIÈRE DE CONCURRENCE 41

E. UN DISPOSITIF RESPECTUEUX DES EXIGENCES CONSTITUTIONNELLES 41

III. LES AMÉLIORATIONS PROPOSÉES PAR LA COMMISSION DES LOIS 42

DISCUSSION GÉNÉRALE 45

EXAMEN DES ARTICLES 49

Chapitre Ier –  Action de groupe 49

Article 1er (chapitre III [nouveau] du titre II du livre IV et art. L. 423-1 à L. 423-18 [nouveaux] du code de la consommation) : Création de l’action de groupe en droit de la consommation et de la concurrence 49

Article 2(art. L. 211-15 et L. 532-2 du code de l’organisation judiciaire) : Juridictions spécialisées et application dans le temps de l’action de groupe en matière de concurrence 71

Après l’article 2 74

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 76

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 81

MESDAMES, MESSIEURS,

Le premier titre du présent projet de loi relatif à la consommation a pour objet d’introduire en droit français, après trente ans de débats et d’atermoiement, une action de groupe en droit de la consommation et en droit de la concurrence.

La création de cette nouvelle voie de droit constitue une avancée considérable, qu’il convient de saluer et dont il faut mesurer la portée. Elle renforcera la protection des consommateurs et conduira à assainir notre économie, en dissuadant plus fortement les pratiques illicites.

L’idée n’est pas nouvelle. Elle a été proposée par des spécialistes du droit de la consommation, les associations de consommateurs et des responsables politiques depuis les années 1970. Les deux précédents présidents de la République avaient pris l’engagement de créer une telle action de groupe, qui ne vit jamais le jour. M. François Hollande, lors de sa campagne présidentielle, a pris également cet engagement. Le présent projet de loi concrétise cette promesse.

L’action de groupe a longtemps été repoussée au motif qu’elle conduirait nécessairement aux dérives des « class actions » américaines. Cette crainte infondée n’est qu’un mauvais prétexte pour refuser ce progrès. Les facteurs ayant conduit à ces dérives sont en effet absents de notre droit, qui n’autorise ni les dommages et intérêts punitifs, ni la rémunération exclusive des avocats aux résultats de l’action en justice, ni les procédures dites de « discovery », qui permettent au requérant d’obtenir de la part du défendeur tous les documents en sa possession qu’il estime utiles à l’appui de son recours.

L’action de groupe est d’ailleurs pratiquée, avec succès et sans qu’aucun impact négatif sur l’économie n’ait été constaté, dans huit autres États membres de l’Union européenne, et non des moindres. Elle est en voie de généralisation dans toute l’Union européenne, la Commission européenne ayant adopté une recommandation en ce sens le 11 juin 2013.

La commission des Lois s’est saisie pour avis des articles 1er et 2 du projet de loi relatif à la consommation qui instaurent enfin cette procédure.

I. VERS UNE ACTION DE GROUPE « À LA FRANÇAISE »

Dans le prolongement de nombreuses propositions en ce sens, émanant tout aussi bien de groupes d’experts que des deux chambres du Parlement, il apparaît indispensable d’introduire dans notre droit une action de groupe permettant aux consommateurs d’obtenir réparation pour des litiges de faibles montants unitaires mais répétés à une grande échelle. En effet, les recours alternatifs existants n’ont pas réellement donné satisfaction. Surtout, il semble de plus en plus évident aujourd’hui qu’un mécanisme de recours collectif constituerait un instrument utile au service des consommateurs, mais aussi de la concurrence et de la justice.

L’action de groupe n’est pas un sujet nouveau en France. Revendiquée depuis plus de trente ans par les associations de consommateurs, elle a fait l’objet de multiples analyses officielles et de propositions législatives, dont aucune n’avait abouti jusqu’à présent, en dépit des engagements pris par les deux précédents présidents de la République.

Dès la fin des années 1970, les revendications des associations de consommateurs en faveur d’une action de groupe étaient déjà fortes. Les pouvoirs publics se sont alors montrés intéressés par le concept, sans pour autant lui donner une traduction juridique.

Ainsi, en 1981, dans son discours prononcé lors des quatrièmes journées du droit de la consommation, Mme Catherine Lalumière, alors ministre de la Consommation, évoquait la nécessité d’« une étude sur les modalités de mise en œuvre de la procédure de recours collectif au sens de l’action de groupe » (1).

En 1983, le groupe de travail administratif institué pour l’étude de l’amélioration des conditions de règlement des litiges de la consommation, dirigé par les ministères de la Consommation et de la Justice, faisait l’esquisse d’un projet d’action de groupe : la procédure proposée consistait tout d’abord en un jugement constatant l’existence d’une infraction ou d’une faute contractuelle ayant conduit à un dommage pour des particuliers, identifiés ou non ; dans un second temps, l’association ou le groupement à l’initiative de la procédure effectuait une publicité des faits pour informer les consommateurs, appelés à se faire connaître au tribunal pour obtenir réparation. Était également évoquée l’idée de la création d’un fonds d’intervention judiciaire assurant le financement d’avances de trésorerie remboursables.

Dans son rapport présenté en septembre de la même année, la commission sur le règlement des litiges de la consommation, présidée par le professeur Calais-Auloy, préconisait aussi l’introduction d’une action de groupe dans notre droit. Le schéma retenu était le suivant :

– dans une première phase, toute association nationale agréée devait pouvoir prendre l’initiative d’une telle action, sans avoir à justifier un mandat des intéressés ou sans qu’il soit nécessaire que les membres du groupe fassent partie de l’association. Le tribunal était appelé à rendre un jugement de principe portant sur la recevabilité et le fond, puis se prononçait sur la publicité à y donner afin d’informer les consommateurs potentiellement concernés et supposés se manifester dans un délai précis. En outre, le professionnel pouvait être condamné à un versement provisionnel auprès de l’association ;

– dans une seconde phase, l’association était amenée à vérifier les réclamations individuelles reçues par elle, sous le contrôle du juge chargé de suivre le déroulement de la procédure. Une liste de créanciers était ainsi dressée dans un délai de deux mois, délai au terme duquel les créances devenaient exécutoires.

En 1984, dans le droit fil des travaux de la commission sur le règlement des litiges de la consommation, la commission de refonte du droit de la consommation, présidée elle aussi par le professeur Calais-Auloy, préconisait fort logiquement la création d’une action de groupe réservée aux organisations de consommateurs agréées, « car on peut craindre que le demandeur ne soit manipulé par des tiers dont les intérêts ne coïncident pas nécessairement avec ceux des consommateurs » (2).

Fruits de ces nombreuses réflexions, une proposition de loi était déposée en 1985 par Bernard Stasi à l’Assemblée nationale et un avant-projet de loi faisait l’objet de concertations la même année. Cependant, ces initiatives faisaient long feu, le sujet ne rebondissant réellement qu’en avril 1990, à l’occasion de la remise au Premier ministre du rapport de la commission pour la codification du droit de la consommation, dont les conclusions prévoyaient une action de groupe et un fonds d’aide aux consommateurs, alimenté par les condamnations pécuniaires des professionnels. Finalement, le Gouvernement opta pour un dispositif plus restrictif, avec l’instauration de l’action en représentation conjointe par la loi du 18 janvier 1992 (3). Avec le recul, il convient de reconnaître que ce type de recours n’a pas eu le succès escompté, puisque seules cinq procédures ont été engagées sur son fondement depuis lors.

Le débat sur l’action de groupe a ressurgi au cours de la XIIe législature. Le 9 juillet 2003, M. Luc Chatel (4), alors député, remettait au Premier ministre un rapport militant pour l’institution d’une véritable action de groupe assortie d’un fonds d’aide aux requérants.

Un an et demi plus tard, le 4 janvier 2005, à l’occasion de ses vœux aux forces vives de la Nation, M. Jacques Chirac, alors président de la République, déclarait qu’« il faut enfin donner aux consommateurs les moyens de faire respecter leurs droits : aujourd’hui, ils sont démunis parce que, pris séparément, aucun des préjudices dont ils sont victimes n’est suffisamment important pour couvrir les frais d’une action en justice. C’est pourquoi je demande au Gouvernement de proposer une modification de la législation pour permettre à des groupes de consommateurs et à leurs associations d’intenter des actions collectives contre les pratiques abusives observées sur certains marchés. ».

En conséquence, le ministre de la Justice, le ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie et le ministre des Petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat, des professions libérales et de la consommation ont créé, le 15 mars 2005, un groupe de travail chargé d’explorer les différentes options envisageables pour la création de cette action de groupe. Présidé par le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et par le directeur des affaires civiles et du Sceau (DACS) et composé de représentants des consommateurs et des entreprises et de professionnels du droit, ce groupe ad hoc a remis son rapport au ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie et au garde des Sceaux le 16 décembre 2005 (5).

À la suite de ces travaux et afin de répondre à la demande du président de la République, l’article 12 du projet de loi en faveur des consommateurs, déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale le 8 novembre 2006 (6), visait à créer une procédure nouvelle permettant aux victimes de dommages portant sur de faibles montants d’agir collectivement pour obtenir réparation. Parallèlement, plusieurs parlementaires avaient décidé d’apporter leur contribution personnelle au débat en déposant deux propositions de loi visant à instaurer des recours collectifs de consommateurs (7). L’examen du projet de loi en faveur des consommateurs ne put cependant être achevé avant la fin de la XIIe législature, de sorte que l’introduction de l’action de groupe dans notre droit dut de nouveau être reportée.

À l’occasion de son élection, le précédent président de la République, M. Nicolas Sarkozy s’était engagé à faire aboutir ce dossier.

Toutefois, sous la précédente législature, aucune des propositions de loi visant à créer une action de groupe ne fut inscrite à l’ordre du jour, et les amendements ayant le même objet présentés lors de l’examen de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs (dite « loi Chatel ») ou de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie (dite « loi LME ») furent rejetés, le Gouvernement s’y opposant.

Le Parlement, à plusieurs reprises, s’est pourtant prononcé en faveur de la création d’un tel procédé : dans un rapport d’information spécifiquement consacré à cette question, publié le 26 mai 2010, les sénateurs Laurent Béteille et Richard Yung ont milité pour une instauration progressive et, dans un premier temps, limitée dans son objet d’une voie de droit efficace et sûre pour les consommateurs (8) ; en janvier suivant, l’Assemblée nationale a adopté une disposition conférant au Défenseur des droits le pouvoir d’introduire une action collective devant le tribunal administratif, sans que cette possibilité ne soit finalement retenue à l’issue de la navette parlementaire ; en 2011, la mission d’information de la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur l’accès au droit et à la justice s’était elle aussi montrée favorable à la création d’une action de groupe portant sur les litiges de consommation (9). Enfin, à la fin de la XIIIe législature, un amendement inspiré des propositions de loi des sénateurs Laurent Béteille et Richard Yung créant une action de groupe fut adopté lors de l’examen en première lecture du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, mais l’examen du texte ne fut pas mené à son terme.

Cette succession d’atermoiements illustre, si besoin est, la complexité de la question et l’importance des enjeux sous-jacents. Les dérives constatées dans les pays ayant adopté des recours collectifs, notamment à l’encontre des entreprises, ont longtemps incité les pouvoirs publics à la plus grande prudence.

Après tant d’initiatives convergentes, tant d’attente et de promesses non tenues, il n’est que trop temps d’avancer réellement sur cette question. C’est l’engagement qu’a pris M. François Hollande lors de la campagne présidentielle. Le présent projet de loi concrétise cette promesse.

L’action de groupe est une voie ouverte par la procédure civile permettant à un ou plusieurs requérants d’exercer au nom d’une catégorie de personnes une action en justice. Ce mécanisme existe en Amérique du nord (aux États-Unis et dans certaines provinces canadiennes) mais aussi dans huit autres États membres de l’Union européenne (l’Allemagne, l’Angleterre, le Danemark, l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal et la Suède) ou au Brésil. Chaque pays ayant adopté le recours collectif lui applique des spécificités qui lui sont propres.

En outre, on constate actuellement une réelle expansion de ce procédé à travers le monde. Il a vocation à se généraliser dans l’Union européenne, la Commission européenne ayant présenté, le 11 juin 2013, une série de propositions en ce sens.

S’il est impossible de détailler l’ensemble des cas de figure existants, en revanche, les exemples les plus intéressants apparaissent particulièrement éclairants pour le Parlement français.

Aux États-Unis, une class action peut être intentée devant les tribunaux des États fédérés, qui ont la préférence des plaignants, ou les tribunaux fédéraux, qui ont celle des défendeurs. Dans le premier cas, ce sont les règles de procédure civile propres à chaque État qui s’appliquent. Dans le second, auquel sont plus particulièrement consacrés les développements suivants, c’est la règle 23 de la procédure civile fédérale qui est en vigueur.

Dans une procédure de class action, le juge possède un rôle plus interventionniste que dans une procédure civile classique. Une fois l’assignation signifiée au défendeur, qui dispose de trente jours pour y répondre, le tribunal saisi s’assure de la conformité de la procédure avec les critères exigés par la règle 23 :

– en premier lieu, l’importance du groupe des demandeurs doit empêcher la procédure classique de jonction des instances. Évidemment, et inversement, la class action ne saurait contenir un trop grand nombre de personnes : les tribunaux américains sont allés jusqu’à accepter des procédures regroupant 5 à 16 millions de personnes mais ils ont en revanche écarté une instance concernant 60 millions de requérants (10) ;

– en deuxième lieu, le recours à la class action doit être justifié par un lien de connexité entre les prétentions des différents membres du groupe. Parmi les points de droit ou de fait communs au groupe de requérants que la jurisprudence a admis, on mentionnera une inexécution contractuelle, l’illégalité d’un acte administratif ou une atteinte aux libertés publiques ;

– en troisième et dernier lieu, le juge doit vérifier que les représentants du groupe protègent équitablement et convenablement ses intérêts. Tout représentant d’un groupe de requérants ne peut ainsi avoir des intérêts contraires aux membres du groupe. En outre, il doit être en mesure d’avancer les frais de la procédure.

La procédure doit en outre satisfaire aux conditions spécifiques à chaque catégorie de class action (déclaratoire, en injonction ou en réparation). La plus utilisée d’entre elles, qui permet de demander des dommages et intérêts, requiert deux conditions : d’une part, les questions de droit ou de fait communes aux membres du groupe doivent l’emporter sur les questions individuelles de chaque membre ; d’autre part, la procédure retenue doit se révéler la meilleure méthode disponible pour trancher le litige en toute efficacité et équité.

La certification du groupe fait en pratique l’objet de nombreux échanges de conclusions. Les preuves recueillies par les parties, au terme de la procédure de discovery (11), sont présentées lors d’une audience à l’issue de laquelle le tribunal se prononce. En cas de refus de certification du groupe, seule la ou les parties demanderesses peuvent poursuivre le procès. En revanche, si la certification est accordée, tous les membres du groupe qui peuvent être identifiés par des moyens raisonnables se voient notifier la décision du tribunal ; ils disposent par ailleurs de la faculté de s’exclure du groupe, conformément au principe de l’opt out que l’on peut qualifier de présomption d’appartenance au groupe tant que l’intéressé n’a pas manifesté une volonté contraire. Le défendeur, quant à lui, a la possibilité d’interjeter appel dans les dix jours de la décision.

La plupart des class actions engagées, de l’ordre de 80 à 90 % plus exactement, se terminent par une transaction, procédé très répandu dans la tradition judiciaire américaine, même en droit pénal. Dans la majorité des cas, cette transaction se justifie par l’ampleur des condamnations encourues, ce qui incite le défendeur à proposer des conditions intéressantes aux plaignants, tel le versement d’une somme forfaitaire, la distribution de coupons de réduction, l’obligation de se conformer à une injonction. La contrepartie consiste évidemment pour le groupe de requérants à renoncer à toute poursuite contre le défendeur sur le même objet. La règle 23 exige la notification de la transaction à tous les membres du groupe dans les mêmes conditions que la notification de la class action.

La transaction ne prend force obligatoire qu’une fois autorisée par le tribunal. Le juge contrôle à cette occasion le respect des intérêts du groupe par son représentant et son avocat.

À défaut de règlement amiable, un procès se tient. Il revient alors à un jury populaire de se prononcer, et notamment d’allouer aux plaignants, le cas échéant, des dommages et intérêts. Lorsque le comportement du défendeur s’avère particulièrement répréhensible, il peut même lui être appliqué des dommages et intérêts punitifs (« punitive damages »), aggravant le coût financier de sa faute.

L’avocat des plaignants, qui fait l’avance des frais de procédure, est rémunéré au pourcentage, c’est-à-dire le plus souvent entre 20 et 40 % de la somme allouée au groupe, selon le principe des « contingency fees ».

Le système comporte indéniablement des imperfections intrinsèques. Deux grandes critiques affectent les class actions américaines : elles pèsent sur la valorisation et les ressources des entreprises indépendamment de la responsabilité de ces dernières ; en outre, elles sont plus bénéfiques aux avocats et aux juristes en charge de la procédure qu’aux personnes qui ont directement subi le litige.

Dans le premier cas, les acteurs économiques se considèrent victimes d’un effet de « deep pocket », sorte d’impôt privé qui les conduit à verser des montants considérables, notamment du fait de dommages punitifs, alors même qu’ils ne sont pas nécessairement responsables des torts subis par les requérants. Le tableau ci-après donne à cet égard un aperçu des sommes qui peuvent être en cause : les dix transactions les plus importantes, en valeur, qui ont été conclues à la suite d’une action de groupe initiée par des actionnaires, s’échelonnent entre près de 436 millions de dollars et un peu plus de 7 milliards de dollars, dans le cas désormais célèbre d’Enron.

LES DIX MONTANTS DE TRANSACTION LES PLUS IMPORTANTS AUX ÉTATS-UNIS,
À LA SUITE DE CLASS ACTIONS INTENTÉES PAR LES ACTIONNAIRES

Défendeur

Montant transactionnel estimé

Valeur absolue

Part du total des 10 règlements les plus importants

Enron

7 160,5 millions de dollars

27,09 %

WorldCom

6 128,3 millions de dollars

23,19 %

Cendant

3 528,0 millions de dollars

13,35 %

IPO Allocation Litigation

1 000,0 millions de dollars

3,78 %

McKesson HBOC

960,0 millions de dollars

3,63 %

Lucent Technologies

673,4 millions de dollars

2,55 %

Raytheon

535,0 millions de dollars

2,02 %

BankAmerica

490,0 millions de dollars

1,85 %

Dynegy

474,1 millions de dollars

1,79 %

Waste Management II

435,8 millions de dollars

1,65 %

Autres

5 025,0 millions de dollars

19,01 %

Source : Stanford Law School.

Sensibles aux risques que peut faire courir un procès sur leur cours de bourse ou leur réputation, les entreprises se voient, dans la plupart des cas, contraintes d’accepter de négocier un règlement amiable.

Le deuxième grand inconvénient constaté au sujet des class actions américaines, concerne la distorsion entre la rémunération des intermédiaires des requérants et le dédommagement de ces derniers.

Les dérives du système des recours collectifs américains ne sont pas ignorées des principaux intéressés. Depuis l’instauration de ce type d’actions en justice, tant le législateur que le juge se sont employés à mieux encadrer le dispositif.

En effet, votée en 1938, la règle 23 de la procédure civile fédérale, qui a introduit la procédure des class actions en droit américain aussi bien pour l’obtention de dommages et intérêts que pour le prononcé d’une injonction, a été révisée en 1966. La Cour suprême a également freiné son essor, en rendant des arrêts empêchant l’addition des montants des demandes individuelles pour franchir le seuil de la compétence fédérale, de 10 000 dollars, chaque demande devant ainsi atteindre ce seuil pour être jugée recevable (12). Le nombre de procédures a temporairement diminué à la suite de cette jurisprudence mais, par la suite, l’inflation procédurale a repris. Ainsi, au 30 septembre 2003, les tribunaux fédéraux enregistraient 4 977 class actions contre 4 835 un an plus tôt (13).

Pour tenter de juguler cette tendance, le Congrès a adopté une nouvelle réforme en 2005 : le Class Action Fairness Act, du 18 février 2005. Cette loi a plus particulièrement insisté sur deux aspects :

– tout d’abord, elle a spécialisé la compétence des tribunaux fédéraux pour les litiges dont le montant total dépasse 5 millions de dollars et qui impliquent des résidents de plusieurs États fédérés ou ceux d’un État fédéré et ceux d’un État étranger. Le but affiché de cette disposition est de remédier aux abus de « forum shopping », c’est-à-dire à la saisine des tribunaux réputés les plus favorables à la cause des requérants, indépendamment de tout lien direct et effectif avec l’affaire ;

– ensuite, elle a encadré davantage la rémunération des avocats. Contrairement à certaines idées reçues, le juge contrôle d’ores et déjà les honoraires versés en fonction du travail réalisé alors que, dans le cadre d’une action individuelle, l’avocat fixe sa rémunération par contrat avec le client. La loi de 2005 a mis un terme à certains abus, en limitant le recours aux accords amiables distinguant rémunération en numéraire des avocats et compensation par tickets de réduction des plaignants (les « coupon settlements »). En outre, elle a interdit à un tribunal fédéral, d’une part, d’approuver une proposition de règlement amiable sans que l’accord ait été jugé équitable, raisonnable ou adéquat et, d’autre part, une modulation des compensations accordées en fonction du degré de proximité géographique des requérants vis-à-vis du tribunal.

La loi sur le recours collectif a été adoptée le 8 juin 1978 par l’Assemblée nationale du Québec à l’unanimité ; elle a été assouplie à compter du 1er janvier 2003, dans un sens plus favorable aux requérants. Le mécanisme qu’elle a institué est souvent présenté comme un modèle intéressant pour les pays de droit germano-romain, comme la France. Il n’en demeure pas moins qu’il présente lui aussi des caractéristiques difficilement compatibles (opt out des membres du groupe, notamment) avec les grands principes de notre droit.

Le nombre de recours collectifs déposés au Québec tend lui aussi à s’accroître puisque, de 20 à 30 procédures enclenchées chaque année jusqu’en 2000, on est passé à près de 70 recours en 2005. Fin 2011, 374 procédures se trouvaient en cours de traitement (14).

Au Québec, le recours collectif est d’application générale en ce qu’il n’est pas limité à un domaine particulier du droit. Il peut tout aussi bien concerner des litiges de la consommation que des dommages environnementaux ou liés à la santé. De même, il engage indifféremment la responsabilité civile et la responsabilité administrative.

Comme aux États-Unis, une personne ne peut conduire un recours collectif en qualité de représentant d’un groupe qu’après y avoir été autorisée par le juge. C’est l’article 1003 du code de procédure civile québécois qui pose les conditions de cette autorisation, à savoir :

– en premier lieu, l’existence de questions de droit ou de fait similaires ou connexes pour tous les membres du groupe, à l’instar de la procédure américaine. La jurisprudence a néanmoins donné une interprétation relativement souple de cette exigence, en précisant qu’il n’est pas nécessaire que toutes les questions de fait ou de droit soulevées soient identiques. En revanche, le juge s’attache à vérifier que les dommages subis sont de même nature et partagent la même cause ;

– en second lieu, une justification apparente des conclusions recherchées par les faits allégués. Ce faisant, le législateur n’a exigé qu’une preuve atténuée, puisqu’elle ne porte que sur l’apparence d’un droit ;

– la difficulté pratique pour le groupe de requérants de recourir à la jonction de leurs demandes ou à l’action engagée par un mandataire, voies procédurales alternatives ;

– la capacité du représentant à assurer une représentation adéquate des membres du groupe. Une fois de plus, le droit québécois s’inspire directement du droit américain (« adequacy of representation »).

La jurisprudence illustre la grande vigilance du juge vis-à-vis de la recevabilité des recours. Ainsi, le 17 janvier 2006, la Cour supérieure du Québec a rendu une décision par laquelle elle a refusé une requête aux fins d’exercer un recours collectif fondée sur la base d’assertions parues dans un article de presse ; en l’espèce, la Cour supérieure a considéré que « le tribunal ne peut se fonder sur de pures spéculations pour conclure à une apparence sérieuse du droit » (15). Le filtre de la recevabilité des recours collectifs québécois apparaît, en définitive, relativement rigoureux.

Le législateur québécois a créé dès 1978 un fonds d’aide aux recours collectifs destiné à fournir une aide financière aux personnes qui souhaitent engager de tels recours. Il s’agit là d’une originalité importante par rapport aux procédures américaines.

Personne morale de droit public, ce fonds a une vocation d’information et de soutien financier (en avançant ou en prenant intégralement en charge les frais de procédure des requérants). Ses ressources financières avoisinent, en 2011, 5,4 millions de dollars canadiens.

Concrètement, le fonds apprécie les ressources financières des participants au recours, ainsi que la complexité et la durée prévisionnelle de la procédure. Il rend une décision dans un délai d’un mois après réception de la demande et peut, le cas échéant, ne satisfaire qu’une partie des exigences présentées. En cas d’urgence, pour éviter la prescription ou la disparition d’une preuve, il peut également accorder une aide temporaire de 1 000 dollars. En général, les deux tiers de l’aide, qui atteint jusqu’à 175 000 euros par recours, servent à couvrir les honoraires d’avocat, mais le fonds impose en principe un plafond tarifaire horaire.

Une fois que le recours a été jugé recevable et qu’un financement adéquat a été obtenu, le juge entame l’examen du fond du droit. L’aide accordée par le fonds peut être remboursable en cas de succès de la procédure.

Comme aux États-Unis, dès que l’autorisation d’un recours collectif a été donnée par le juge, le représentant du groupe doit tenter d’informer les personnes qu’il représente de l’existence du litige et de leur faculté de s’opposer à leur représentation en quittant le groupe (principe de l’opt out). C’est le juge qui fixe le délai (entre un et six mois, en général) pendant lequel les membres du groupe doivent faire parvenir au greffe du tribunal une lettre recommandée indiquant leur volonté d’en être exclus.

Le tribunal dispose d’un important pouvoir de direction de la procédure, lui permettant notamment de vérifier que le représentant du groupe agit dans l’intérêt de celui-ci. En outre, à tout moment, le juge peut redéfinir les limites du groupe représenté et prescrire toute mesure de nature à accélérer la procédure ou à simplifier l’administration de la preuve, dans la mesure, naturellement, ou cela ne porte aucun préjudice au groupe de requérants.

À l’instar de la procédure américaine, le représentant du groupe ne peut transiger sans obtenir l’autorisation du tribunal, qui veille à ce que l’accord profite bien aux requérants. Lorsque l’affaire passe en jugement et débouche sur une condamnation assortie de dommages et intérêts, le tribunal peut :

– soit ordonner un recouvrement collectif, exigeant du défendeur le versement d’une somme globale ou l’octroi d’avantages à l’ensemble du groupe. Cependant, le juge ne peut se placer dans ce cas de figure que s’il possède les moyens d’établir de façon exacte le montant total des réclamations des requérants. Le défendeur verse alors l’intégralité de la somme au greffe, qui la reverse aux demandeurs de façon individuelle en fonction des préjudices qu’ils lui ont déclarés, ou bien il se conforme à une mesure réparatrice prenant la forme de bons de réduction ou de rabais ;

– soit ordonner un recouvrement individuel, dans lequel le défendeur ne verse une somme d’argent qu’à chaque requérant qui, au préalable, a apporté au juge la preuve de la véracité de ses prétentions. Ce second cas de figure reste malgré tout marginal, dans les faits.

On soulignera que le jugement du tribunal déboute parfois les groupes de requérants. En ce cas, les représentants des groupes sont tenus de rembourser les frais et dépens du défendeur. La rémunération de l’avocat peut être fixée en fonction d’un pourcentage des sommes obtenues (20 % la plupart du temps) et non en fonction du temps consacré au dossier. La convention d’honoraires reste cependant contrôlée par le tribunal.

L’action de groupe constitue un procédé relativement répandu en Europe. Si l’Angleterre est la première à l’avoir mise en place, l’idée y étant apparue dès le XVIIe siècle, d’autres pays de l’Union européenne ont également franchi le pas ces dernières années, à l’instar de l’Allemagne, de la Suède, du Portugal, des Pays-Bas, de l’Espagne ou de l’Italie. Chacun des pays mentionnés dispose d’une procédure qui lui est propre, de sorte qu’il est difficile, pour ne pas dire impossible, de les classifier en différentes catégories pertinentes (16).

En Allemagne, trois formes de recours collectifs ont été créées. La première concerne les investissements financiers. La deuxième est relative au droit de la concurrence et la troisième a trait aux requêtes conjointes.

En droit financier, une forme d’action de groupe a été mise en place par la loi sur la « procédure modèle dans les litiges de droit financier » (« Kapitalanleger-Musterverfahrensgesetz » ou « KapMuG »). Cette loi a été adoptée à la suite du fiasco judiciaire provoqué par la paralysie complète d’un tribunal auprès duquel près de 15 000 investisseurs avaient déposé plainte contre la société Deutsche Telekom, accusée d’avoir diffusé une information financière trompeuse. Entrée en vigueur le 1er novembre 2005, initialement pour une période expérimentale de 5 ans, cette loi a été pérennisée et a été réformée à la marge en octobre 2012.

Son champ d’application est limité aux investissements financiers. La procédure prévue peut s’appliquer à des actions en justice relatives à la demande de dommages et intérêts du fait d’informations financières fausses, trompeuses ou insuffisantes ou à des demandes d’exécution d’un contrat reposant sur une offre fait en application de la loi sur les acquisitions et les offres publiques d’achat.

Dans un premier temps, le demandeur ou le défendeur à l’action au fond adresse une requête en procédure modèle au juge du fond saisi en première instance. L’action au fond est alors interrompue. Une publicité est organisée au Bulletin des annonces officielles.

Dans un second temps, si au moins neuf autres requêtes en procédure modèle ayant le même objet ont été déposées, le tribunal régional supérieur choisit de manière discrétionnaire le demandeur à cette requête en vue d’une décision modèle. Toutes les autres actions au fond dont l’issue dépend de la décision modèle, qu’elles aient été ou non accompagnées d’une requête en procédure modèle, sont alors suspendues d’office, de même que celles introduites postérieurement à la saisine du tribunal régional supérieur. Le tribunal supérieur choisit, de manière discrétionnaire, le demandeur à cette requête parmi tous les demandeurs en tenant compte du montant éventuel de la demande ou de l’existence d’un accord entre plusieurs plaignants pour désigner un seul demandeur. Cette décision ne peut faire l’objet d’aucun recours. Le demandeur doit démontrer que la décision sur la requête en procédure modèle aura une signification au-delà de l’espèce dans d’autres contentieux similaires. Il doit en outre, d’une part, préciser son objet ainsi que les éléments de fait ou de droit qui la motivent, les informations financières visées et, d’autre part, décrire les preuves qu’il compte utiliser.

La décision modèle du tribunal régional supérieur lie tous les tribunaux saisis, dont le jugement dépend de la réponse apportée par la décision modèle sur la question de la recevabilité ou sur la question de droit à éclaircir. Par la suite, chaque tribunal saisi au fond reprend l’examen de la procédure et décide notamment, au cas par cas, du montant de la réparation.

Seul le demandeur à la requête en décision modèle et le défendeur à cette requête sont cités dans le jugement du tribunal régional supérieur, car ils sont les uniques parties à la procédure. Ils sont également les seuls à recevoir une notification officielle du jugement.

La demande de prélèvement du bénéfice indûment acquis est prévue par l’article 10 de la loi du 3 juillet 2004 modifiée sur la répression de la concurrence déloyale.

Cette action peut être exercée par des unions d’entreprises chargées de promouvoir des intérêts commerciaux ou professionnels, des institutions qualifiées qui sont des associations de consommateurs homologuées par le ministère de la Justice ou par la Commission européenne ainsi que par les chambres de commerce, d’industrie et d’artisanat.

Cette action n’est recevable que contre la personne morale ou privée qui réalise un bénéfice en violant intentionnellement les règles de la concurrence et en causant, ce faisant, un préjudice à un très grand nombre de consommateurs.

Cette action a pour objet d’obtenir du contrevenant le reversement au budget fédéral du bénéfice indûment acquis.

La requête conjointe est prévue par les articles 59 et suivants du code de procédure civile.

Cette procédure permet à plusieurs personnes d’agir collectivement pour déposer une requête conjointe à condition que l’une ou l’autre des conditions suivantes soit remplie :

– ces personnes représentent une communauté d’intérêt ;

– leur qualité à agir repose sur des motifs de fait et de droit identiques ;

– elles ont des prétentions analogues ;

– leurs prétentions reposent pour l’essentiel sur des motifs de fait et de droit similaires.

Le droit de conduire l’instance appartient à chaque demandeur à la requête conjointe. Les demandeurs doivent être convoqués ensemble à toutes les audiences. Pour le défendeur, ces demandeurs constituent en principe une seule partie.

En mai 2000, le règlement relatif à la procédure civile (partie 19, section III) a introduit dans le droit écrit britannique une action de groupe appelée « group litigation ». Cette procédure a pour objet de « permettre le traitement des actions en justice qui soulèvent des questions de fait ou de droit communes ou connexes » (art. 19-10 du règlement relatif à la procédure civile).

L’ordonnance d’action de groupe (group litigation order) se présente comme un instrument de procédure permettant la gestion groupée d’un nombre important d’actions individuelles dont certaines peuvent avoir été déposées non seulement avant la constitution du groupe mais aussi devant des tribunaux différents. Elle doit être demandée par une des parties, demandeur ou défendeur, qui a déjà saisi un juge du fond à titre individuel. Le tribunal peut également en prendre l’initiative sous réserve d’avoir obtenu l’accord de la hiérarchie judiciaire.

La demande doit contenir : un résumé de la nature du litige, le nombre et la nature des actions en justice individuelles déjà déposées ou susceptibles d’être déposées, les questions de fait ou de droit communes susceptibles d’être soulevées par le litige et l’énoncé des points qui permettent de distinguer des sous-groupes de demandeurs.

Une ordonnance d’action de groupe ne peut être rendue que s’il existe ou est susceptible d’exister un certain nombre d’actions en justice individuelles, soulevant au surplus des questions de fait ou de droit communes ou connexes. Une fois le registre de groupe ouvert par l’ordonnance, les parties qui ont déposé des actions individuelles doivent demander à y être enregistrées (opt-in).

Lorsqu’une décision relative à une (ou plusieurs) question de fait ou de droit, objet de l’ordonnance d’action de groupe, est rendue dans une action inscrite au registre de groupe, cette décision lie les parties à toutes les autres actions figurant dans le registre au moment où elle est rendue, sauf si le juge en décide autrement. En outre, le juge peut indiquer les limites dans lesquelles sa décision lie également les parties à une action introduite ultérieurement.

S’agissant de l’indemnisation, le juge peut inviter les membres du groupe à demander une réparation de leur préjudice individuel en adressant une nouvelle requête à un juge du fond, mais il peut aussi attribuer des dommages et intérêts collectifs en fixant une clef de répartition qui tient compte du préjudice individuel subi par chaque membre du groupe. Une partie qui n’est pas satisfaite de la décision peut exercer un recours contre celle-ci après autorisation du juge.

La Suède a fait le choix des recours collectifs dès 1991. La procédure alors mise en place était néanmoins limitée aux cas où le National Board of Consumer Claims avait déjà donné son avis dans une affaire pilote et recommandé l’indemnisation des consommateurs par le ou les professionnels en cause. En 1993, le Consumer Ombudsman donna au National Board of Consumer Claims le pouvoir de s’intéresser aux autres affaires. Cette extension se heurtait néanmoins aux limites de la compétence du National Board of Consumer Claims. Aussi, un nouveau dispositif, issu de la loi n° SFS-2002-599 sur les actions de groupe, est-il entré en vigueur le 1er janvier 2003.

Le procédé apparaît sensiblement équivalent aux class actions américaines ainsi qu’aux recours canadien et australien. Aux termes de la législation suédoise, trois types de personnes possèdent une qualité pour agir : les personnes physiques, les personnes morales à but non lucratif et les personnes de droit public habilitées par le gouvernement.

L’introduction de la requête devant le juge doit notamment préciser le groupe, les noms et adresses de tous les membres du groupe, les faits communs ou semblables aux demandes des membres du groupe, les faits connus du représentant qui peuvent sembler importants pour l’examen des demandes. Ne peuvent participer à la procédure, que les personnes ou entités qui en ont expressément manifesté la volonté. Si un membre ne donne pas son accord au juge, il est présumé s’être exclu du recours collectif. Une fois la procédure initiée, les membres du groupe s’interdisent d’agir à titre individuel.

Le mécanisme suédois constitue l’une des rares exceptions à la distinction entre jugement de la recevabilité de l’action de groupe et jugement sur le fond. La solution transactionnelle est admise ; à défaut, le tribunal tranche et peut décider d’octroyer des dommages et intérêts. À noter que le juge peut rendre une décision finale sur les questions de fond pour certains membres du groupe de requérants et ajourner ses délibérations sur un aspect particulier.

Pour ce qui concerne les frais d’instance, un représentant désigné par le juge peut bénéficier d’avances sur coûts et d’une aide judiciaire pour les frais procéduraux, les honoraires d’avocat ou de consultant, ainsi que pour la rétribution de son propre travail. Il n’est cependant pas tenu de supporter les frais des autres parties, qui incombent au représentant initial du groupe. S’agissant de la rémunération des avocats, les honoraires sont fixés en fonction du résultat du litige (« conditional fees ») et se trouvent homologués par le tribunal. Toutefois, il convient de préciser que la présence d’un avocat à l’instance n’est pas requise pour l’action publique, ni lorsque l’un des membres du groupe possède la capacité de plaider en justice.

Entre le 1er janvier 2003 et le 31 décembre 2008, onze procédures de ce type ont été introduites auprès des tribunaux ; sur ce total, trois ont été jugées irrecevables, une a été retirée et deux ont fait l’objet d’un règlement amiable.

L’action de groupe a été introduite en Espagne par une loi votée en 2000 (17) et est entrée en vigueur le 7 janvier 2001. Le texte octroie aux organisations de consommateurs, à certaines personnes publiques, à des organismes de consommateurs qualifiés et à des personnes physiques ayant un intérêt légal dans l’affaire, le droit d’intenter un procès au nom d’un groupe de consommateurs.

Ce groupe peut consister en un ensemble de consommateurs identifiés, qui s’est enregistré lui-même, ou bien en un ensemble de consommateurs non identifiés mais partageant un intérêt identique. Lorsque les consommateurs parties à l’action ont été enregistrés comme telles, ils bénéficient d’une indemnisation personnalisée.

Il convient de souligner que l’action de groupe espagnole est réservée à la défense des intérêts des consommateurs et n’a pas, de ce fait, vocation générale. Il s’agit là d’une différence importante avec les régimes anglo-saxons.

Les personnes lésées sont invitées à se joindre aux actions intentées. Si un groupe de consommateurs victimes apparaît difficilement identifiable, un délai de deux mois est accordé pour permettre aux intéressés de se faire connaître et de se joindre à la procédure. Le jugement qui accorde une indemnisation constitue un titre exécutoire.

L’article 49 de la loi n° 99 relative au développement et à l’internationalisation des entreprises et à l’énergie, du 23 juillet 2009 a institutionnalisé, à l’article 140 bis du code de la consommation, l’azione di classe. Ce dispositif est en vigueur le 1er janvier 2010. Il concerne les demandes relatives à des faits survenus après le 15 août 2009.

L’azione di classe est destinée à protéger :

– les droits contractuels de plusieurs consommateurs et utilisateurs vis-à-vis d’une même entreprise dans une situation identique, y compris dans le cadre de contrats écrits qui contiennent des clauses limitatives à la responsabilité des cocontractants ou qui résultent de modifications apportées à des formulaires destinés à harmoniser certaines procédures ;

– les droits identiques dont jouissent les consommateurs finaux d’un produit par rapport au producteur de celui-ci, même en l’absence de contrat ;

– les droits identiques à la compensation d’un préjudice, pour les consommateurs et utilisateurs victimes de pratiques commerciales déloyales et de comportements anticoncurrentiels.

Les consommateurs peuvent agir collectivement, y compris par l’intermédiaire d’une association à laquelle ils donnent mandat ou par l'intermédiaire d’un comité auquel ils participent, pour la recherche de la responsabilité d’un tiers ou sa condamnation à la réparation d'un dommage. Ils sont dispensés du ministère de l’avocat et renoncent à toute action individuelle en restitution ou en dédommagement fondée sur le même motif, sauf dans le cas d’une transaction à laquelle ils ont expressément consenti.

Le tribunal statue, lors d’une première audience au cours de laquelle le ministère public peut intervenir, sur la recevabilité de la demande. Dans un second temps, le juge du fond prononce un jugement par lequel il définit le montant du préjudice de façon équitable et le montant dû aux demandeurs ou un critère homogène de calcul pour la détermination de ceux-ci. Ce jugement devient exécutoire cent quatre-vingts jours après sa publication.

Les effets du jugement jouent à l’encontre des adhérents à l’action de groupe, mais ne préjudicient pas aux demandes individuelles de quiconque n’a pas adhéré à cette action. De nouvelles actions de groupe relatives aux mêmes faits et concernant la même entreprise ne sont pas possibles après le terme fixé par le juge pour l’adhésion à celle en cours. Les demandes qui interviennent avant ce délai sont jointes d’office si elles sont portées devant le même tribunal et sont transmises à celui-ci par tout autre juge.

La loi du 23 juin 2005 a introduit les articles 907 à 910 et 1013 à 1018 et modifié l’article 310 du code civil néerlandais afin de déterminer le régime de l’action de groupe qui y est actuellement en vigueur. Cette procédure repose tout d’abord sur la conclusion d’un accord entre les parties victimes d’un dommage qui constituent un groupe pour fixer une indemnisation. Celui contient notamment :

– la description du groupe et des sous-groupes de personnes pour le besoin desquelles l’accord est conclu, en fonction de la nature et de la gravité du dommage ;

– l’indication, aussi précise que possible, du nombre des personnes qui appartiennent à ce ou ces groupes ;

– lindemnisation attribuée à ces personnes ;

– les modalités de fixation et de versement de l’indemnisation ;

– l’identification des personnes qui ne veulent pas se voir appliquer le contenu de l’accord.

Dans un second temps, les parties à l’accord demandent au juge de lui conférer un effet vis-à-vis des tiers qui n’y sont pas parties sous réserve de permettre, par le biais d’une procédure de publication de l’accord, aux tiers qui le souhaiteraient de ne pas se voir appliquer son contenu.

La demande est présentée, en première instance, à la cour d’appel d’Amsterdam, par dérogation aux règles ordinaires de compétence juridictionnelle. À ce stade, le juge peut demander aux parties de compléter l’accord ou de le modifier.

Dès que la décision du juge déclarant un accord contraignant a reçu l’autorité de la chose jugée, cet accord produit des effets au-delà de ses seuls signataires, sauf à l’égard des personnes qui auraient eu droit à une indemnisation et qui ont fait savoir par écrit qu’elles ne voulaient pas être liées par celui-ci ou n’ont pas pu être prévenues. La décision du juge est communiquée aux demandeurs, aux personnes qui ont droit à une indemnisation et qui sont connues, ainsi qu’aux autres requérants qui ont pris part à la procédure. Elle est déposée au greffe avec ses annexes afin d’être consultable par les personnes qui auraient droit à une indemnisation et fait l’objet d’une annonce dans un ou plusieurs journaux désignés par le juge.

Le jugement, dont il ne peut être fait appel, est toutefois susceptible d’un recours en cassation par les demandeurs, le cas échéant de façon collective.

L’article 52 de la Constitution portugaise prévoit un droit général d’action au profit de tous. La mise en œuvre de ce droit a été précisée par la loi 83/95 du 31 août 1995, qui permet d’entreprendre une action pour le compte de représentés sans mandat ou autorisation expresse (18), et la loi 24/96 du 31 juillet 1996, qui a établi un régime spécifique pour les consommateurs.

L’objectif de l’action de groupe portugaise est de prévenir, de corriger et de mettre fin à des pratiques pouvant entraîner l’utilisation de clauses commerciales injustes voire dangereuses pour la santé, ou bien de faire cesser des pratiques commerciales illégales et de demander des dommages en cas de responsabilité du fait de produits défectueux. Tous consommateurs ou toutes associations de consommateurs directement concernés peuvent agir comme requérants. Dans certaines procédures, la décision favorable au requérant lie l’ensemble du groupe auquel il appartient, et pas seulement les parties au procès.

Plus spécifique aux consommateurs lésés et aux associations de consommateurs, l’action en cessation introduite en 1996 vise, quant à elle, à corriger ou faire cesser les pratiques dommageables aux droits de ceux-ci.

Comme dans le cas de la Suède, l’introduction de la requête devant le juge doit notamment préciser le groupe, les noms et adresses de tous les membres du groupe, les faits communs ou semblables aux demandes des membres du groupe, les faits connus du représentant qui peuvent sembler importants pour l’examen des demandes. Après le dépôt de la requête, le juge procède à la citation des intéressés : celle-ci est personnelle, lorsque les requérants sont identifiés ; elle est en revanche publiée dans les journaux ou par affichage, lorsqu’ils ne semblent pas identifiables. Les personnes concernées peuvent déclarer leur volonté d’être partie à l’instance ou s’opposer à cette représentation, en s’excluant expressément de la procédure.

Après s’être prononcé à titre liminaire sur la recevabilité de la requête, le tribunal fixe, lors du jugement sur le fond, le montant de chaque indemnité des victimes identifiées, ainsi qu’un montant global à répartir entre les victimes non identifiables. Évidemment, les parties peuvent auparavant régler le litige à l’amiable. Par ailleurs, le jugement rendu sur le fond lie les membres du groupe de requérants, qui ont la possibilité de demander à bénéficier des dommages et intérêts alloués dans les trois ans de la décision rendue. Aucune règle particulière n’est prévue pour la rémunération des avocats, sauf pour les personnes aux revenus faibles, qui peuvent bénéficier d’un système public d’aide judiciaire assorti d’une grille tarifaire inférieure aux tarifs pratiqués habituellement.

Après avoir effectué plusieurs consultations publiques, la Commission européenne a présenté, le 11 juin 2013, une recommandation sur les recours collectifs et une proposition de directive sur les actions en dommages et intérêts pour les infractions au droit de la concurrence.

Au regard du droit de l’Union européenne, tout citoyen ou toute entreprise subissant des dommages du fait d’une infraction aux articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) prohibant les ententes et les abus de position dominante doit pouvoir demander réparation à celui qui a causé les dommages devant les juridictions nationales des États membres (19). Il existe un droit à réparation intégrale des victimes d’infractions aux règles de la concurrence. Ces actions en dommages et intérêts constituent la mise en œuvre du droit de la concurrence à l’initiative de la sphère privée (« private enforcement »), qui se distingue de sa mise en œuvre par les autorités publiques, à savoir par la Commission européenne et les autorités nationales de la concurrence, sous le contrôle des juridictions compétentes (« public enforcement »).

C’est donc en matière de concurrence que les premiers travaux de l’Union européenne sur les recours collectifs ont porté en priorité. La Commission européenne a ainsi adopté, en 2005, un livre vert sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles sur les ententes et les abus de position dominante (20). Ce livre vert a été suivi, en 2008, d’un livre blanc sur le même thème, qui suggérait notamment des mesures concernant les recours collectifs dirigés contre les pratiques anticoncurrentielles (21).

La Commission européenne a ensuite élargi le champ de ces réflexions et consultations, en publiant un livre vert sur les recours collectifs pour les consommateurs, en 2008 (22), puis en lançant, en 2011, une consultation publique intitulée « Renforcer la cohérence de l’approche européenne en matière de recours collectifs » (23). Près de 300 institutions et experts ainsi que 10 000 citoyens se sont exprimés dans le cadre de cette consultation.

Le Parlement européen, pour sa part, a adopté, le 2 février 2012, une résolution intitulée « Vers une approche européenne cohérente en matière de recours collectif », dans laquelle il demande que toute proposition en matière de recours collectif prenne la forme d’un cadre horizontal comprenant un ensemble de principes communs garantissant un accès uniforme à la justice et traitant spécifiquement mais non exclusivement des infractions aux droits des consommateurs.

Ces travaux se sont traduits, le 11 juin 2013, par la présentation par la Commission européenne de plusieurs textes.

Le premier de ces textes est une recommandation de la Commission relative à des principes communs applicables aux mécanismes de recours collectif en cessation et en réparation dans les États membres en cas de violation de droits conférés par le droit de l’Union. Cette recommandation – qui ne lie pas les États membres, en application de l’article 288 TFUE – invite les États membres à se doter de mécanismes de recours collectifs pour garantir à leurs justiciables un accès effectif à la justice en cas de violation de droits que leur confère l’Union européenne. Elle est accompagnée par une communication de la Commission intitulée « Vers un cadre horizontal européen pour les recours collectifs ».

La Commission européenne recommande aux États membres de mettre en place des mécanismes nationaux de recours collectifs permettant à plusieurs personnes physiques ou morales ou à une entité ayant qualité pour agir en leur nom, de demander collectivement la cessation d’un comportement illicite (recours collectif en cessation) ou la réparation d’un préjudice subi dans le cadre d’un préjudice de masse (recours collectif en réparation).

Le champ couvert est large par ces recours collectifs devrait être large, la Commission évoquant notamment la protection des consommateurs, la concurrence, la protection de l’environnement, la protection des données à caractère personnel, la réglementation des services financiers et la protection des investisseurs. Les principes énoncés devraient s’appliquer de manière horizontale et identique dans ces domaines.

S’agissant de la qualité pour agir en représentation, les États membres devraient désigner des entités représentatives susceptibles d’engager des actions sur la base de critères clairement définis, qui devraient au moins inclure :

– le but non lucratif ;

– un rapport direct entre les principaux objectifs de ces entités et les droits dont la violation est alléguée en l’espèce ;

– la capacité suffisante, sur le plan des ressources financières, des ressources humaines et de l’expertise juridique, pour représenter plusieurs demandeurs au mieux de leurs intérêts.

Ces entités devraient être soit être officiellement désignées au préalable, soit agréées au cas par cas par les autorités ou les juridictions nationales d’un État membre pour une action en représentation spécifique.

Sur le plan procédural, la Commission propose plusieurs garde-fous destinés à éviter un usage abusif des recours collectifs. Les États membres ne devraient ainsi pas permettre, ou alors seulement à titre exceptionnel, les honoraires de résultat s’agissant de la rémunération des avocats. Les dommages et intérêts à caractère punitif devraient être interdits. Les recours en réparation pourraient être financés par une tierce partie privée, mais ce type de financement devrait être encadré, afin de garantir l’absence de conflits d’intérêts.

Les recours collectifs en réparation devraient, en règle générale, reposer sur le principe de consentement exprès des personnes physiques ou morales lésées (« opt in »). Toute exception à ce principe, prévue par la loi ou ordonnée par une juridiction, devrait être dûment justifiée par des motifs tenant la bonne administration de la justice. Un membre du groupe constituant la partie demanderesse devrait être libre de le quitter à tout moment. Toute personne lésée devrait être en mesure de se joindre au groupe tant que l’instance est en cours. La partie défenderesse devrait être informée de la composition du groupe et de tout changement qui pourrait y être apporté.

Les États membres sont invités à mettre en œuvre les principes figurant dans cette recommandation dans un délai de deux ans. La Commission européenne procédera à une évaluation des mesures adoptées à l’issue de ce délai. Elle étudiera alors l’opportunité de proposer des mesures contraignantes, en fonction de la mise en œuvre effective de ces principes.

La Commission européenne a présenté, le 11 juin 2013 également, une proposition de directive relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit interne pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne (24). Cette proposition de directive n’impose pas aux États membres de créer des recours collectifs en droit de la concurrence. Elle comporte cependant plusieurs dispositions qui auront des conséquences directes – sous réserve des modifications qui pourront y être apportées lors de la procédure législative européenne – sur l’action de groupe en matière de concurrence prévue par le présent projet de loi.

La proposition prévoit notamment que les juridictions nationales devront avoir le pouvoir d’enjoindre aux entreprises de divulguer des preuves quand les victimes exercent leur droit à réparation, si le demandeur a présenté des données factuelles faisant apparaître des raisons plausibles de présumer qu’il a subi un préjudice du fait d’une infraction au droit de la concurrence. Des règles spécifiques sont prévues afin de préserver l’effectivité des programmes de clémence (25) et des procédures en cours devant les autorités de concurrence, en interdisant notamment qu’une juridiction puisse enjoindre à une partie de divulguer les déclarations d’entreprise effectuées en vue d’obtenir la clémence.

Il est également prévu que les décisions définitives des autorités nationales de concurrence constatant une infraction constitueront automatiquement la preuve de cette infraction devant les juridictions nationales de tous les États membres.

Des règles sont prévues en matière de délais de prescription, afin que les victimes puissent demander effectivement une indemnisation une fois l’infraction constatée par une autorité de la concurrence. Il est notamment précisé que le délai de prescription doit être suspendu par tout acte d’instruction ou de poursuite d’une autorité de concurrence. Cette suspension prend fin au plus tôt un an après la date à laquelle la décision constatant une infraction est devenue définitive.

La nécessité d’un aménagement des procédures afin de permettre aux consommateurs d’agir collectivement en justice pour faire sanctionner des comportements commerciaux ou économiques débouchant sur des préjudices individuels assez limités s’est progressivement imposée. Outre son intérêt pour les consommateurs eux-mêmes, qui se verront ainsi reconnaître un moyen de se faire entendre pour les dommages de la vie courante, il convient de relever ses avantages en termes d’administration de la justice, par le biais du regroupement des affaires, et de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles.

Actuellement, chaque consommateur qui désire obtenir réparation d’un dommage contractuel doit se pourvoir à titre individuel en justice. Il existe des recours ouverts aux associations de consommateurs agréées mais ils ne profitent qu’à la collectivité qu’elles représentent, et non directement aux victimes. La relativité avec laquelle ces recours se trouvent mis en œuvre constitue d’ailleurs un bon indice du degré d’intérêt que les intéressés leur portent.

La loi du 27 décembre 1973 (26), d’orientation du commerce et de l’artisanat, a introduit un recours permettant aux associations de consommateurs agréées de passer outre l’inertie du ministère public en cas d’infraction pénale, « relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif des consommateurs ». Ces dispositions ont été codifiées aux articles L. 421-1 à L. 421-5 du code de la consommation.

Deux conditions doivent être réunies pour l’exercice de cette action : la constatation d’une infraction pénale et l’existence d’un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif des consommateurs, qui doit être distinct et caractérisé par rapport au préjudice subi personnellement par les victimes de l’infraction. C’est donc l’intérêt collectif, et non la somme d’intérêts particuliers pas nécessairement tous identifiés (cas de l’action de groupe), qui fonde l’objet du recours. En outre, l’exigence d’une infraction pénale caractérisée limite considérablement, dans la pratique, l’intérêt de cette procédure.

Dans le cadre de cette action, l’association agréée peut demander des dommages et intérêts, la cessation des agissements illicites (article L. 421-2 du code de la consommation) ou la diffusion du jugement aux frais du professionnel condamné (article L. 421-9 du code de la consommation). Cette procédure peut coexister avec celle intentée par un ou plusieurs consommateurs en réparation de préjudices individuels, si les faits ont porté atteinte aux intérêts défendus par l’association et à certains intérêts individuels.

Dans la plupart des affaires, les associations de consommateurs n’agissent que par le biais d’une demande incidente. En effet, il est fréquent que le ministère public soit le premier à l’origine des poursuites, de sorte que les associations jouent un rôle secondaire et se voient allouer le plus souvent un euro symbolique de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte à l’intérêt collectif des consommateurs. Dans les hypothèses où le parquet ne met pas en mouvement l’action publique, ce type de recours présente malgré tout un intérêt dans la mesure où la décision du juge permet à un grand nombre de consommateurs de connaître leurs droits, qu’ils ne revendiquent pas faute d’une information suffisante. Néanmoins, comme l’a souligné le groupe de travail de 2005 sur l’action de groupe, « en droit positif, les actions en justice intentées dans l’intérêt collectif des consommateurs ne peuvent avoir pour effet de permettre la réparation de dommages individuels » et « les montants alloués [à l’association] au titre de la réparation du préjudice collectif des consommateurs (…) sont très en deçà des profits illicites réalisés » (27).

En définitive, cette procédure apparaît restreinte dans son objet (pénal), ses modalités (intervention incidente des associations) et ses résultats (dommages et intérêts symboliques à la fois dans leur objet, car non assimilables à une réparation des préjudices subis, et dans leur montant).

Issu de la loi du 1er février 1995 (28), transposant la directive 93/13/CEE sur les clauses abusives, l’article L. 421-6 du code de la consommation ne prévoyait initialement qu’une action en suppression de clauses abusives. Modifié en 2001, à l’occasion de la transposition par voie d’ordonnance de la directive 98/27/CE (29), du Parlement européen et du Conseil, relative aux actions en cessation en matière de protection des consommateurs, il inclut aussi désormais une action en cessation des agissements illicites.

Toutes les organisations de consommateurs agréées au niveau national, ainsi que tous les organismes, publics ou privés, de défense des intérêts des consommateurs des autres États membres de l’Union européenne, justifiant de leur inscription sur une liste publiée au Journal officiel de l’Union européenne, ont la possibilité d’agir en justice pour faire cesser les agissements illicites énumérés à l’occasion de la transposition de la directive 98/27/CE. Sont plus particulièrement visés : la publicité trompeuse, les contrats négociés en dehors des établissements commerciaux, le crédit à la consommation, la radiotélévision, les voyages à forfait, la publicité sur les médicaments, les immeubles à temps partagé, les contrats à distance, la garantie des biens de consommation, le commerce électronique et enfin la commercialisation à distance des services financiers.

L’action prévue à l’article L. 421-6 du code de la consommation est exercée de manière autonome devant la juridiction civile. Elle peut être menée en l’absence de tout dommage individuel subi par un consommateur et sans qu’un préjudice collectif à l’intérêt des consommateurs soit établi. Le juge peut ainsi ordonner, par exemple, la suppression dans tous les contrats proposés aux consommateurs, des clauses interdites ou non conformes à des textes de nature légale ou réglementaire alors même que ces clauses trouvent leur caractère illicite dans un autre État membre.

La limite de cette procédure réside dans le fait que la décision rendue par le juge ne peut, en vertu du principe de l’autorité relative de la chose jugée, produire d’effets à l’égard de tiers qui ne sont pas partie à l’instance. En outre, par deux arrêts (30), la Cour de cassation a confirmé le caractère principalement préventif et dissuasif de ce type de recours, en déclarant irrecevable l’action exercée par une association de consommateurs, sur le fondement de l’article L. 421-6 du code de la consommation, dès lors que les contrats incriminés n’étaient plus proposés par la société défenderesse à la date de l’assignation en première instance. Il ressort également de cette jurisprudence qu’une association de consommateurs ne peut demander, au moyen d’une action en cessation d’agissements illicites et en suppression de clauses abusives, l’annulation des clauses de contrats individuels déjà conclus, ce qui restreint considérablement l’intérêt de la procédure.

Moins connue est la possibilité pour les associations d’intervenir dans un procès civil intenté par un consommateur désireux d’obtenir réparation de son préjudice. C’est l’article L. 421-7 du code de la consommation qui autorise les associations agréées à « intervenir devant les juridictions civiles et demander notamment l’application des mesures prévues à l’article L. 421-2, lorsque la demande initiale a pour objet la réparation d’un préjudice subi par un ou plusieurs consommateurs à raison de faits non constitutifs d’une infraction pénale ».

Ici, l’association ne se trouve pas à l’initiative de l’action ; elle soutient au contraire la demande d’un ou de plusieurs consommateurs, voire celle introduite par voie d’assignation conjointe d’une autre association et d’un consommateur. Elle peut également, à cette occasion, demander réparation d’un préjudice causé à l’intérêt collectif des consommateurs, sous réserve qu’une ou plusieurs victimes aient préalablement introduit, à titre individuel, une demande en réparation des mêmes faits. Il s’agit là d’une exigence qui restreint les moyens d’agir de l’association, dont la participation à l’instance reste indirecte. Le juge considère le plus souvent le dommage subi par les consommateurs de façon générale et abstraite, ce qui donne lieu la plupart du temps à l’attribution de dommages et intérêts symboliques.

Le groupe de travail sur l’action de groupe de 2005 a souligné que le ministère public exerce rarement la faculté, qui lui est offerte par l’article L. 421-8 du code de la consommation, de produire des documents en sa possession susceptibles de faciliter la solution du litige. Un tel constat ne milite pas en faveur de l’intérêt de l’action en intervention volontaire, dans la mesure où cette disposition est supposée permettre aux associations de saisir plus rapidement les juridictions et de leur apporter plus facilement la preuve de leurs allégations.

Aux termes de l’article 131-35 du code de procédure pénale, la diffusion du jugement peut être ordonnée par la juridiction saisie, par tous moyens appropriés. Il s’agit là d’un instrument de prévention certes utile, mais qui ne contrebalance pas pour autant les inconvénients de la procédure, énoncés plus haut.

Premier pas en direction d’un recours collectif, l’action en représentation conjointe, régie par les articles L. 422-1 à L. 422-3 du code de la consommation, a été instaurée par la loi du 18 janvier 1992, renforçant la protection des consommateurs. Elle est la seule action que les associations de consommateurs peuvent exercer en vue d’obtenir la réparation de préjudices individuels.

Concrètement, ce type de recours suppose que les consommateurs concernés aient donné un mandat spécial écrit et préalable à une association, qui diligente alors une procédure classique (devant les juridictions civiles, mais aussi pénales ou administratives) et se substitue à chaque stade aux consommateurs qu’elle représente. Les consommateurs représentés sont tenus informés et ils peuvent révoquer à tout moment l’association mandatée, afin de reprendre la procédure dans leur intérêt personnel.

Un type d’action similaire avait déjà été reconnu par la loi du 5 janvier 1988 aux associations de défense des investisseurs en valeur mobilières ou en produits financiers (articles L. 452-2 et suivants du code monétaire et financier). Un autre a ensuite été instauré dans le domaine environnemental, en 1995 (articles L. 142-1 et suivants du code de l’environnement).

L’action en représentation conjointe n’a pas donné des résultats à la hauteur des espoirs qui avaient été placés en elle. On peut même parler d’échec à son sujet puisque seules cinq actions en représentation conjointe ont été engagées depuis 1992. Plusieurs causes expliquent ce résultat :

– tout d’abord, l’appel aux victimes présente un caractère très limité. En l’occurrence, l’association ne peut solliciter les consommateurs par l’intermédiaire de la télévision, de la radio, d’affichages, de tracts ou de courriers personnalisés. Le mandat ne peut donc être sollicité que par voie de presse, ce qui créé une situation de distorsion par rapport aux associations de défense des investisseurs en valeur mobilières ou en produits financiers qui, depuis que l’article L. 452-2 du code monétaire et financier a été assoupli par la loi de sécurité financière du 1er août 2003, peuvent être autorisées par le président du tribunal de grande instance ou de commerce à solliciter des actionnaires par l’intermédiaire de la télévision, de la radio, d’affichages, de tracts ou de courriers personnalisés ;

– ensuite, la lourdeur du travail de gestion et le coût du mandat pèsent sur l’action des différentes associations de consommateurs pouvant initier la procédure. En effet, celles-ci doivent respecter de nombreuses formalités d’information, prévues aux articles R. 422-6 et suivants du code de la consommation, même s’il est possible de restreindre la portée de leurs obligations à l’occasion de l’élaboration du mandat écrit ;

– enfin, le cumul entre une action en représentation conjointe et une action dans l’intérêt collectif des consommateurs ne s’avère pas juridiquement possible, de sorte que l’association voit le champ de son intervention limité au cas des consommateurs qui lui ont donné mandat. La jurisprudence est sur ce point on ne peut plus claire, puisqu’elle a établi qu’une association intentant une action en représentation conjointe ne peut simultanément exercer une action dans l’intérêt collectif des consommateurs pour obtenir réparation du préjudice direct ou indirect subi par l’ensemble des consommateurs, en application des articles L. 421-1 et suivants du code de la consommation (31).

L’échec de l’action en représentation conjointe engagée par l’association UFC-Que Choisir contre un opérateur de téléphonie mobile, à la suite de la condamnation pour entente de plusieurs de ces opérateurs par le Conseil de la concurrence le 30 novembre 2005 (32), illustre les limites de cette procédure. Un consommateur avait décidé d’assigner l’un des opérateurs concernés, en réparation du préjudice individuel subi du fait de ces pratiques anticoncurrentielles, sollicitant la condamnation de celui-ci à 67,20 euros à titre de dommages et intérêts. L’association UFC-Que Choisir est intervenue à l’instance sur le fondement des articles L. 421-1 et L. 421-7 du code de la consommation. Elle a mis en place un site internet, proposant un calculateur de préjudice et la souscription d’un engagement la mandant pour aller en justice. 3 751 consommateurs sont intervenus volontairement à l’instance pour solliciter l’indemnisation de leurs préjudices. L’assignation, les interventions volontaires et la procédure subséquente ont été déclarées nulles par la cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 22 janvier 2010, au motif qu’UFC-Que Choisir a procédé à un démarchage et à un appel au public prohibé par l’article L. 422-1 du code de la consommation. La 1ère chambre civile de la Cour de cassation a confirmé l’arrêt de la cour d’appel dans une décision du 26 mai 2011 (33).

De manière plus générale, l’échec de cette procédure s’explique par la nécessité pour une association nationale agréée désireuse d’agir d’identifier au préalable les consommateurs lésés, afin d’obtenir un mandat. Cette exigence rend difficilement praticable un tel recours pour les dommages subis par un nombre très important de consommateurs. En outre, son objet reste partiel puisqu’il consiste à réclamer des dommages et intérêts, et non à enjoindre le défendeur de mettre un terme à certaines pratiques. En 2005, le groupe de travail sur l’action de groupe a convenu des limites de la procédure en l’état actuel des choses, en parlant à son sujet de « points faibles » et de « relatif échec » (34). Il faut voir dans ce constat, assez largement partagé par tous ceux qui se trouvent plus particulièrement concernés, l’origine du regain de la revendication, ces dernières années, en faveur de l’institution d’une véritable action de groupe en France.

Indépendamment des modalités qu’elles peuvent revêtir, les actions de groupe présentent plusieurs avantages intrinsèques. Pour les consommateurs en leur qualité de justiciables, tout d’abord, elles permettent l’obtention d’une réparation ou d’une compensation lorsqu’ils sont victimes de dommages diffus et de faible montant. D’autre part, elles facilitent le traitement des dossiers, qui se trouvent regroupés et tranchés en une seule fois. Pour l’économie nationale, ensuite, elles peuvent contribuer à rendre effective la concurrence, en dissuadant des industriels ou des prestataires de services de s’entendre sur leurs prix au détriment des consommateurs mais aussi parfois de l’État.

Les habitudes de consommation des ménages français ont connu d’importants infléchissements ces quinze dernières années. La diffusion de masse de biens et de services à forte connotation technologique, liée notamment à la généralisation progressive de la téléphonie mobile et d’Internet, a donné lieu à la multiplication de litiges auxquels les consommateurs ne sont pas toujours préparés.

Or, l’aboutissement judiciaire des réclamations, qui portent en général sur des montants unitaires d’assez faible valeur (de quelques dizaines à quelques centaines d’euros), reste très faible. La raison en est simple : dans la plupart des cas, le coût d’une action en responsabilité civile excède de beaucoup le montant du préjudice individuel. Les actions individuelles restent par conséquent très rares. C’est le paradoxe de l’action collective, aussi appelé le « paradoxe d’Olson », du nom de l’auteur qui l’a formalisé (35) : plus un groupe d’individus est large, plus il est faible quant à la défense de ses intérêts. Chaque individu est incité à s’en remettre aux autres plutôt que de prendre l’initiative de défendre ses propres intérêts.

En outre, conformément à l’article 1382 du code civil, le plaignant doit démontrer, individuellement ou au sein d’un groupe de victimes, l’existence de la faute, puis justifier la réalité du préjudice subi et apporter la démonstration du lien de causalité entre les deux ; autant d’exigences souvent difficilement satisfaites par un particulier seul.

L’objectif d’une action de groupe consiste justement à parvenir à éliminer en une seule fois, pour toutes les victimes concernées, un comportement illégal. Compte tenu de la mutualisation des coûts de la procédure, obtenue grâce au regroupement des affaires et à une représentation unique, chaque personne ayant subi un préjudice se voit incitée à se manifester auprès du juge, de sorte qu’un rééquilibrage s’opère entre le prestataire de services ou l’industriel mis en cause et les individus qui considèrent avoir été floués. C’est d’ailleurs l’argument que M. Guy Canivet, alors premier président de la Cour de cassation, avait avancé lors d’un entretien accordé au quotidien la Tribune, le 16 mai 2006, pour considérer comme inéluctable l’adoption de telles procédures en France.

Parce que les contentieux à caractère économique concernent de plus en plus souvent des groupes importants de consommateurs, victimes d’un même litige aux origines communes et mettant en cause un ou plusieurs professionnels identiques, l’action de groupe devrait trouver de nombreuses applications dans le domaine de la consommation et du droit de la concurrence.

Ce type de recours est un moyen de rendre le système judiciaire plus démocratique, c’est-à-dire de faciliter l’accès à la justice, tout en améliorant l’efficacité de cette dernière en regroupant les dossiers en une seule instance.

Les économies à attendre en matière d’administration de la justice ne sauraient être considérées comme négligeables, quand on sait qu’un regroupement des dossiers en matière de contentieux de la consommation évitera une duplication inutile de l’appréciation des faits et de l’analyse du droit, ainsi que des expertises. Il devrait en résulter un transfert de la charge de travail induite par les actions individuelles vers celle liée aux actions de groupe, ces dernières devant logiquement se substituer à certaines actions individuelles. Le risque d’engorgement des juridictions compétentes apparaît donc faible.

En Europe, les pratiques anticoncurrentielles se trouvent réprimées, à titre principal, par des autorités spécialisées dotées d’un pouvoir de sanction administrative (action publique) : les autorités nationales de la concurrence, sur le plan national (l’Autorité de la concurrence, en France), et la Commission européenne, au niveau de l’Union européenne. Les consommateurs n’exercent donc, en l’état actuel des choses, aucun rôle direct dans la lutte contre les pratiques les plus douteuses des acteurs économiques avec qui ils entretiennent des liens contractuels. Il en va de même, mutatis mutandis, en matière de droit de la consommation.

À en juger par les expériences étrangères, l’action privée des victimes de telles pratiques (« private enforcement ») présente de réels avantages. D’abord, elle rééquilibre le rapport de forces entre les parties au procès, les moyens juridiques et financiers à l’instance d’un opérateur économique étant bien souvent supérieurs à ceux d’une association de consommateurs seule. Ensuite, elle globalise le montant des réparations éventuelles, ce qui représente le plus souvent une charge financière dissuasive vis-à-vis de toute velléité de comportement abusif. Enfin, elle sanctionne plus efficacement que plusieurs procès isolés la notoriété commerciale du fautif.

Il n’est donc pas étonnant que de plus en plus de voix s’élèvent en faveur du rôle régulateur de ce type d’actions en justice, tant en Europe qu’en France.

À l’échelon européen, la Commission européenne a mené de nombreux travaux pour renforcer l’action privée assurant le respect du droit de la concurrence, en encourageant les actions en réparation des infractions résultant d’infractions au droit de la concurrence (cf. supra).

Au niveau national, le 21 septembre 2006, le Conseil de la concurrence (devenu l’Autorité de la concurrence) s’est prononcé en faveur de la création d’une action de groupe en matière de pratiques anticoncurrentielles. Il y affirme que, sous certaines réserves procédurales consistant à préserver les moyens de l’action publique, ce type d’actions privées permettrait d’accroître l’efficacité de la régulation des pratiques en dissuadant les ententes et les abus de position dominante. Le Conseil de la concurrence part du constat suivant : « en dépit d’une augmentation depuis une dizaine d’années, le niveau des amendes infligées par les autorités antitrust aux entreprises auteurs des pratiques anticoncurrentielles, particulièrement de cartels, apparaît encore insuffisamment dissuasif au regard du gain illicite que procurent ces pratiques et de la probabilité limitée de leur détection » (36). En l’espèce, chacun conserve en mémoire le cas de l’entente illicite, entre 2000 et 2002, de trois opérateurs de téléphonie mobile français auxquels le Conseil de la concurrence a infligé une sanction pécuniaire de 534 millions d’euros, le 30 novembre 2005. Inutile de préciser que, en cas de véritable action de groupe, le risque pécuniaire encouru par les fautifs se serait révélé bien plus considérable. D’où cette conclusion du Conseil de la concurrence : « À côté des sanctions publiques […], les actions de groupe peuvent être un facteur de dissuasion supplémentaire, puisqu’elles augmentent le risque financier pour l’auteur de l’infraction » (37).

L’introduction de l’action de groupe dans notre droit participe donc d’une entreprise plus vaste que la simple revalorisation des droits des consommateurs. On peut raisonnablement penser qu’elle contribuera à renforcer la libre concurrence qui représente la première des garanties apportées au consommateur.

Certes, les opposants à l’introduction d’une action de groupe ont souvent mis en avant le risque qu’elle ferait peser sur l’économie et sur la compétitivité des entreprises. L’un des chiffres régulièrement cité en ce sens – entre 1,5 et 2 points du produit intérieur brut – est le coût que les class actions auraient aux États-Unis.

Comme le souligne un rapport récent du Conseil d’analyse économique (38), l’étude sur laquelle s’appuie ce chiffre (39) ne prétend pas évaluer le coût des class actions pour l’économie américaine, mais le coût des montants obtenus à la suite de plaintes civiles. Non seulement ces montants ne se limitent pas aux dommages et intérêts obtenus dans le seul cadre des class actions dans le domaine de la consommation (les plaintes individuelles, d’une part, et les plaintes dans d’autres domaines comme la santé, les fraudes boursières, le droit du travail sont inclus), mais il ne s’agit pas d’un coût pour l’économie, mais d’un transfert entre les personnes et les entreprises poursuivies et les plaignants et leurs représentants. En réalité, les auteurs de ce rapport du Conseil d’analyse économique soulignent que, malgré la vaste littérature en économie du droit sur les actions de groupe, une quantification nette des coûts et bénéfices semble n’avoir jamais été effectuée, sans doute en raison des difficultés méthodologiques que cela poserait.

De manière pragmatique, on observera, en tout état de cause, que les procédures d’action de groupe n’ont pas pesé de manière significative sur l’économie dans aucun des huit États membres de l’Union européenne ayant déjà mis en place de tels recours.

Bien évidemment, le risque de porter atteinte à la compétitivité des entreprises sera d’autant plus limité que les modalités retenues pour l’action de groupe permettront d’éviter tout recours abusif. Tel est le choix opéré dans le présent projet de loi, le dispositif proposé étant encadré et équilibré.

II. UN DISPOSITIF ENCADRÉ ET ÉQUILIBRÉ

Le dispositif proposé dans le présent projet de loi assure l’indispensable équilibre entre les attentes des consommateurs en termes de protection de leurs droits et la préservation de la sécurité juridique et économique des entreprises. Tout risque de dérive est évité, grâce à l’encadrement du champ d’application de l’action de groupe et de la qualité pour agir, tout en garantissant l’efficacité de ce nouveau recours grâce à une procédure simple et efficace, qui présente quelques spécificités en matière de droit de la concurrence.

Il convient de souligner que les dérives des « class actions » constatées outre-atlantique et souvent utilisées par les opposants à l’introduction d’une action de groupe sont, en tout état de cause, exclues par notre droit. Les éléments qui ont conduit à de telles dérives n’existent en effet pas en France. Il n’y a pas de dommages et intérêts punitifs (« punitive damages ») en droit français ; or ce sont ceux-ci qui entraînent des condamnations d’un montant considérable aux États-Unis. Le système de rémunération des avocats français est différent : le pacte de « quota litis » (40) est interdit dans notre pays, contrairement aux États-Unis où les honoraires des avocats peuvent être entièrement indexés sur les rémunérations obtenues. Enfin, il n’y a pas, en France, de procédure de « discovery » (41), qui peuvent se révéler très lourdes pour les entreprises dans les procédures américaines.

Le champ de l’action de groupe est limité, en premier lieu, à la réparation des préjudices subis par les consommateurs à la suite de manquements commis par un professionnel à leurs obligations légales ou contractuelles résultant des droits de la consommation et de la concurrence.

C’est un champ déjà significatif, qui permettra, par exemple, d’obtenir la réparation des manquements commis par des professionnels dans les contrats d’adhésion proposés aux consommateurs dans les secteurs de l’énergie, de la téléphonie ou des services bancaires.

L’inclusion des manquements résultant d’une violation du droit de la concurrence permettra de réparer les préjudices résultant d’une entente ou d’un abus de position dominante. Peut être cité, à titre d’exemple, le « cartel des lessives » entre quatre fabricants de lessives, qui s’entendaient sur les prix et les promotions, sanctionné d’une amende de 367,95 millions d’euros par l’Autorité de la concurrence dans sa décision n° 11-D-17 du 8 décembre 2011. Les décisions rendues par l’Autorité en matière de production et de commercialisation des endives (42) ou dans le secteur de l’alimentation pour chiens et chats (43) pourraient également donner lieu à de telles actions. Au niveau européen, la décision du 5 décembre 2012 de la Commission européenne sanctionnant des producteurs de tubes cathodiques pour téléviseurs et écrans d’ordinateur pour deux cartels ayant duré près de dix ans, pour un montant de 1,47 milliard d’euros, ou encore celle du 28 mars 2012 sanctionnant neuf producteurs de quincaillerie de fenêtres pour avoir participé à une entente portant sur la fixation des prix, pourraient également fonder une telle action.

La notion de « consommateurs » (qui n’inclut que les personnes physiques) et le champ d’application du droit de la consommation étant interprétés largement par la jurisprudence, l’action de groupe trouvera à s’appliquer dans de très nombreux secteurs. Le code de la consommation est ainsi fréquemment appliqué dans le domaine de la santé, et le consommateur peut être un épargnant ayant fait appel à un service financier, en cas de publicité mensongère lors de la commercialisation d’un produit de placement, par exemple.

Le champ d’application de l’action de groupe est limité, en second lieu, aux préjudices matériels résultant d’une atteinte au patrimoine des consommateurs concernés. Les préjudices corporels et moraux sont par conséquent exclus. Les préjudices matériels résultant d’une atteinte à la personne (perte de revenus, frais médicaux et d’hospitalisation, etc.) sont également exclus.

Cette exclusion de la réparation des préjudices corporels et moraux est justifiée par la nécessité d’une individualisation de ces préjudices, qui en rend difficile l’indemnisation dans le cadre d’une action de groupe.

La qualité pour agir, c’est-à-dire le droit d’introduire une action de groupe, est réservée aux associations agréées de consommateurs représentatives au niveau national, actuellement au nombre de seize. Ce choix vise à éviter les demandes fantaisistes ou abusives. Le statut et l’objet social de ces associations, à savoir la défense de l’intérêt collectif des consommateurs, sont en lien direct avec les droits défendus dans le cadre de l’action de groupe mise en place.

L’une des autres options envisageables aurait consisté à ouvrir ce droit, outre à ces associations, à des associations ad hoc, constituées spécialement aux fins d’introduire une action de groupe. La recevabilité de leur action pourrait être encadrée par plusieurs critères (tels que le fait d’être constitué exclusivement de victimes du préjudice allégué, disposer de capacités suffisantes pour assurer une représentation adéquate de ses membres ou de ne pas être en situation de conflits d’intérêts), dont le respect serait soumis à l’appréciation du juge. D’autres options, plus larges encore, auraient pu consister à conférer également ce droit à tout consommateur, voire au Défenseur des droits.

Dans un premier temps, d’agissant d’une procédure totalement inédite dans notre droit, il semble raisonnable de réserver la qualité pour agir aux seules associations nationales agréées, dont la légitimité en la matière est forte.

Ce choix a été critiqué par les avocats, notamment, qui y voient un signe de défiance à leur égard. Cette critique apparaît infondée : ces professionnels du droit n’en seront pas moins présents, et même indispensables, tout au long de la procédure, puisque les actions de groupe devront être portées devant certains tribunaux de grande instance, pour lesquels la représentation par un avocat est obligatoire.

La procédure retenue est simple et efficace, destinée à assurer une indemnisation rapide des consommateurs en cas de succès de l’action, dans le respect des droits de la défense et du principe du contradictoire. Certaines de ses particularités doivent être soulignées.

En premier lieu, la procédure créée repose sur une option dite d’inclusion, ou mécanisme d’« opt in », dans lequel les membres potentiels du groupe de consommateurs lésés doivent manifester leur intention de se joindre au groupe pour être représentés dans le cadre de l’action engagée. Cette technique s’oppose à celle dite d’exclusion, ou « opt out », dans laquelle le groupe intègre par défaut tous les consommateurs lésés, ceux-ci ayant seulement la faculté de s’exclure de l’action engagée s’ils ne souhaitent pas y participer. L’action de groupe à la française repose clairement sur la première option, puisque seuls les consommateurs lésés adhérant volontairement au groupe seront indemnisés et liés par l’autorité de la chose jugée. Le mécanisme est cependant original, dans la mesure où le groupe n’a pas à être constitué dès l’introduction de l’action : ce n’est qu’une fois le jugement sur la responsabilité prononcé et devenu définitif que les consommateurs, qui en auront eu connaissance grâce aux mesures de publicité ordonnées par le juge, aux frais du professionnel, s’identifieront. C’est un gage d’efficacité de la procédure, ce système étant fortement incitatif pour les consommateurs et facilitant l’introduction de l’action.

En deuxième lieu, dans un souci de célérité, la procédure ne comportera pas une phase distincte de recevabilité. L’essentiel du litige fera l’objet d’un seul jugement, dans lequel le juge tranchera à la fois la recevabilité et le fond, à savoir le principe de la responsabilité et la détermination du montant des préjudices.

En troisième lieu, le juge pourra ordonner le versement d’une provision à valoir sur les frais non compris dans les dépens exposés par l’association (qui incluent notamment les honoraires d’avocats et ceux résultant de la gestion de la phase d’indemnisation). C’est une disposition importante, qui permettra en pratique aux associations concernées de ne pas être paralysées dans leur action par la faiblesse de leurs ressources financières par rapport aux moyens du défendeur.

En quatrième lieu, l’association pourra être assistée par un ou des tiers, avec l’autorisation du juge, pour l’aide dans la gestion des demandes d’indemnisation, qui sera une tâche matériellement très lourde.

Enfin, soulignons que le recours à la médiation est encouragé, afin de parvenir à un règlement plus rapide du litige.

En matière de concurrence, l’action de groupe fait l’objet de quelques particularités procédurales. L’action ne pourra être engagée que sur le fondement d’une décision définitive de l’Autorité de la concurrence, d’une autorité nationale de la concurrence d’un autre État membre de l’Union européenne ou de la Commission européenne ayant constaté le manquement dont l’association requérante allègue qu’il est à l’origine du préjudice subi par les consommateurs. Le manquement sera ainsi considéré comme établi devant le juge, ce qui allégera considérablement la charge de la preuve de l’association requérante.

L’action pourra être engagée, par ailleurs dans un délai de cinq ans à compter de la décision définitive sur laquelle elle se fonde.

Aucune action de groupe ne pourra être engagée sur le fondement d’une décision définitive avant la date de publication de la présente loi.

Il convient de souligner, pour conclure sur le dispositif prévu, qu’il apparaît pleinement conforme aux exigences constitutionnelles.

La jurisprudence constitutionnelle est peu abondante sur les recours collectifs, seules deux décisions (44) ayant abordé ce sujet, en se prononçant en outre sur des procédures assez éloignées de celle proposée dans le présent projet de loi. On peut cependant déduire de ces deux décisions qu’une action de groupe, dérogeant au principe selon lequel « nul ne plaide par procureur », doit respecter plusieurs conditions pour être conforme à la Constitution.

En premier lieu, les personnes au nom desquelles l’action collective est conduite doivent conserver la liberté de conduire personnellement la défense de leurs intérêts. Tel est le cas en l’espèce : l’action de groupe ne fait en aucune manière obstacle au droit des consommateurs lésés d’introduire des actions individuelles, soit pour obtenir la réparation des préjudices n’entrant pas dans son champ d’application, soit pour les mêmes préjudices, dès lors que leur préjudice n’a pas été réparé par le professionnel à la suite de leur adhésion volontaire au groupe. La prescription des actions individuelles est d’ailleurs suspendue durant l’action de groupe. Le droit individuel d’agir en justice est donc pleinement respecté.

En second lieu, les consommateurs lésés ne doivent être liés par l’action menée qu’à condition d’avoir donné leur assentiment en pleine connaissance de cause et d’avoir été informés de l’action. Tel est également le cas, l’adhésion étant volontaire et intervenant à la suite de l’information, par tous moyens appropriés, des consommateurs susceptibles d’appartenir au groupe, par le biais des mesures ordonnées par le juge.

Signalons, par ailleurs, que la procédure est contradictoire, en application du droit commun, à tous ses stades et respectueuse du principe de l’égalité des armes. Chaque partie pourra présenter ses observations, à chaque étape de la procédure, et contester les demandes de la partie adverse.

Enfin, la limitation des chefs de préjudice pouvant être réparés dans le cadre de l’action de groupe est justifiée par la nécessité de pouvoir procéder à une individualisation des préjudices concernés. Le Conseil constitutionnel admet expressément que le législateur puisse aménager, pour un motif d’intérêt général, les conditions dans lesquelles la responsabilité peut être engagée. Il n’est d’ailleurs aucunement fait obstacle à la réparation de ces préjudices par le biais d’actions individuelles. Ce n’est que par le biais d’une voie droit spécifique que la réparation de ces préjudices ne peut être opérée, le principe d’une réparation intégrale lui-même n’étant pas remis en cause.

III. LES AMÉLIORATIONS PROPOSÉES PAR LA COMMISSION DES LOIS

La commission des Lois n’a pas remis en cause l’équilibre général du dispositif conçu par le Gouvernement. Elle n’a pas, en particulier, souhaité étendre la qualité pour agir à d’autres associations que les associations agréées de consommateurs représentatives au niveau national, ou le champ du dispositif à d’autres préjudices que les préjudices matériels. Le texte qui est soumis au Parlement doit en effet être conçu comme une première étape. Le Gouvernement a d’ores et déjà annoncé son intention de proposer l’introduction d’autres formes d’actions de groupe dans les secteurs de la santé et de l’environnement, dans des textes spécifiques et selon des modalités respectant les particularités des secteurs concernés.

Les amendements adoptés par la commission des Lois ont donc pour objet d’améliorer et de préciser la procédure.

La Commission a notamment adopté un amendement visant à étendre le champ d’application de l’action de groupe aux préjudices subis, outre par les consommateurs, par les « non-professionnels ». En effet, de nombreux articles du code de la consommation s’appliquent à la fois aux consommateurs et aux non-professionnels (articles L. 121-83 à L. 121-94, L. 132-1 et L. 136-1). Dès lors que ces dispositions s’appliquent également aux non-professionnels, il est logique de permettre à ces derniers d’obtenir le respect des droits qui leur sont ainsi reconnus par la voie d’une action de groupe. Cette extension permettrait d’obtenir, par la voie de l’action de groupe, la réparation des préjudices subis par des personnes morales agissant à titre non professionnel (syndicats de copropriétaires ou associations) et inclurait sans ambiguïté les épargnants, qui sont parfois distingués des consommateurs.

La Commission a proposé de préciser qu’une seule et même action de groupe peut être introduite contre plusieurs professionnels. Il peut en effet y avoir plusieurs défendeurs à l’action de groupe. En pratique, cela devrait même être la règle en matière d’entente anticoncurrentielle. Dans un souci de bonne administration de la justice et d’économie de procédure, il est souhaitable de laisser la possibilité au requérant d’introduire une seule et même action de groupe dans une telle hypothèse.

Il a été précisé que le juge pourra ordonner une réparation en nature du préjudice, si celle-ci lui paraît plus adaptée. Cela peut être le cas notamment lorsque le préjudice pécuniaire est très faible. Une surfacturation de communication téléphonique peut, par exemple, être compensée par l’octroi de minutes supplémentaires sur le forfait des consommateurs lésés.

Un amendement de la Commission précise que, à tout moment de la procédure, le juge peut ordonner toute mesure d’instruction nécessaire à la conservation des preuves et de production de pièces, y compris celles détenues par le professionnel.

S’agissant du tiers que l’association peut s’adjoindre, en application de l’article L. 423-4 du code de la consommation, pour l’assister lors de la phase d’indemnisation des consommateurs, la Commission a souhaité que cette personne appartienne obligatoirement à une profession judiciaire réglementée (avocats, huissiers, etc.), dont la liste sera fixée par décret en Conseil d’État. Il est en effet indispensable que les personnes concernées, qui seront amenées à manier des fonds importants, soient soumises au respect de règles déontologiques (absence de conflits d’intérêts, etc.) et qu’elles disposent d’une assurance de responsabilité civile.

Une autre modification proposée vise à ce que les mesures de publicité de l’accord intervenu à la suite d’une médiation soient mises à la charge du professionnel, comme c’est le cas pour la publicité du jugement sur la responsabilité.

S’agissant des actions de groupe en matière de concurrence, la Commission propose que le juge puisse ordonner l’exécution provisoire du jugement pour ce qui concerne les seules mesures de publicité. Dans cette hypothèse, l’entreprise ayant déjà fait l’objet d’une décision publique et définitive d’une autorité de concurrence constatant son manquement, la publicité du jugement sur la responsabilité avant qu’il ne soit définitif n’est pas de nature à porter atteinte à l’image de l’entreprise concernée.

En matière de concurrence également, il est proposé d’introduire des règles en matière de prescription des actions individuelles en responsabilité fondée sur une infraction au droit de la concurrence, afin d’assurer la coïncidence de la prescription des actions individuelles et celle de l’action de groupe dans ce domaine. À défaut, une action de groupe pourrait être introduite alors que les actions individuelles elles-mêmes sont prescrites. La solution proposée, insérée à l’article L. 426-7 du code de commerce, consiste à poser le principe du caractère interruptif de la procédure devant l’Autorité de la concurrence, une autorité nationale de la concurrence d’un autre État membre ou la Commission européenne, jusqu’à ce que leur décision soit devenue définitive.

Enfin, il est proposé que la rédaction de l’interdiction des clauses faisant obstacle à une action de groupe soit élargie, sur le modèle de celle retenue pour les clauses abusives.

DISCUSSION GÉNÉRALE

Au cours de sa séance du 11 juin 2013, la Commission des Lois a examiné pour avis, sur le rapport de M. Sébastien Denaja, les articles 1er et 2 du projet de loi relatif à la consommation (n° 1015).

Après l’exposé du rapporteur, une discussion générale s’est engagée.

Mme Colette Capdevielle. Ce texte est attendu depuis trente ans par les associations de consommateurs. Le voilà enfin, nous ne pouvons que nous en féliciter.

Ce texte, qui représente une vraie révolution en procédure civile, se révélera d’autant plus efficace qu’il est très encadré. Il renforce les droits des consommateurs qui, dans la pratique, ont un intérêt financier individuel très limité à agir en justice et donc y renoncent le plus souvent.

Le projet de loi donne des moyens d’action à la hauteur de l’enjeu – la réparation des préjudices –, tout en prenant en compte la défense des droits individuels qui, additionnés, font les droits collectifs des consommateurs. Il permettra ainsi de rééquilibrer les rapports de forces entre des professionnels aguerris et formés, qui connaissent bien la législation, et des consommateurs qui, bien que censés ne pas ignorer la loi, trop souvent ne connaissent pas la conséquence de la signature de certains types de contrats de vente.

L’action de groupe étant ouverte, elle permettra à chaque consommateur se sentant lésé d’agir en justice et d’être effectivement dédommagé. Surtout, cela conduira les professionnels à réagir et à mieux se former. En ce sens, le texte n’est pas de nature à porter préjudice aux avocats.

Jusqu’à présent, en cas de médiation, les parties pouvaient faire valider leur accord par le juge. Désormais, l’accord devra obligatoirement être validé par un jugement qui lui donnera force exécutoire. Ce texte porte donc un nouveau regard sur la médiation. Il représente une très grande avancée du droit des consommateurs.

M. Dominique Raimbourg. Il est justifié de réserver le droit d’introduire une action de groupe aux associations agréées de consommateurs, qui pourront ainsi se lancer dans des négociations avec des producteurs de biens ou des fournisseurs de services en vue de renforcer le pouvoir des consommateurs.

Par ailleurs, que devient le projet de création d’un registre national des crédits aux particuliers, encore appelé « fichier positif » ?

M. Jean-Michel Clément. Le fait que le dispositif soit encadré écarte tout risque de dérive à l’américaine, et c’est heureux.

Il est également heureux que l’action individuelle soit préservée, la notion de préjudice pouvant prendre des contours plus larges que ceux définis par le texte. Je pense notamment à la clause abusive, qui peut fort bien se dissimuler dans les clauses contractuelles, notamment en termes de territorialité de l’action judiciaire. Comment un consommateur habitant une commune rurale éloignée pourrait-il faire valoir ses droits dans un litige modeste face à une entreprise située en région Île-de-France ? Le texte ouvre de ce fait un champ de vigilance très important tout en étant appelé à servir de modèle au règlement d’autres types de conflits, la menace de l’action de groupe pouvant jouer un rôle de prévention contre certains comportements. La peur du gendarme ira dans le sens de l’intérêt du consommateur.

M. Olivier Dussopt. Nous avions évoqué, sous la précédente législature, dans le cadre d’une proposition de loi du groupe SRC, la question de la création d’un registre national des crédits aux particuliers en vue de mieux encadrer les conditions dans lesquelles ces crédits sont délivrés. Il semble que le Gouvernement envisage de déposer un amendement en séance publique visant à créer un tel fichier positif. Celui-ci devra être conçu comme un outil permettant d’engager la responsabilité des prêteurs, notamment en matière de crédit renouvelable – chacun peut citer des exemples de ménages accablés de dettes, qui vont parfois jusqu’à souscrire un nouveau crédit renouvelable pour rembourser les mensualités des précédents ! Un prêteur qui aura pris le risque d’accorder un prêt à un ménage qu’il savait déjà très endetté devra voir sa responsabilité engagée.

Mme Marietta Karamanli. Nous avons déjà rappelé au sein de la commission des Affaires européennes, à propos de la proposition européenne sur les recours collectifs, la nécessité de créer une action de groupe : c’est pourquoi je suis satisfaite de voir le Gouvernement s’engager dans cette voie.

S’il est heureux que le texte prévoie de réserver l’action de groupe aux associations agréées, ne conviendrait-il pas de revoir la liste de ces associations, laquelle n’a pas été révisée depuis au moins vingt ans ? Il serait bien que l’État agrée, via un décret en Conseil d’État, de nouvelles associations pour prendre en compte leur représentativité au plan national.

Le rapporteur l’a souligné : ce texte représente déjà une grande avancée. Il peut toutefois être encore amélioré, s’agissant notamment des associations représentatives au plan national.

M. Philippe Houillon. Ce texte, qui relaie des initiatives prises dans le même sens et dans des termes voisins sous différentes majorités, institue une action de groupe au petit pied puisque très limitée. Il facilitera toutefois l’engagement de telles actions, car si le droit positif prévoit déjà une telle possibilité, il faut reconnaître qu’il est laborieux d’y recourir.

Cela dit, jusqu’à présent, en France, nul ne plaidait par procureur : ce ne sera désormais plus le cas puisque les consommateurs devront passer par une association. Il est gênant d’enfermer ce droit nouveau en le réservant à certaines associations, sans écarter pour autant le risque des dérives à l’américaine, puisque ces associations agréées pourront toujours faire du chantage auprès des entreprises qu’elles viseront, comme cela se passe aux États-Unis.

De plus, la disposition étant renvoyée à un décret en Conseil d’État, nous ignorons si le texte privilégie le mécanisme de l’opt-in ou celui de l’opt-out. Peut-être le rapporteur pour avis pourra-t-il nous éclairer sur ce point.

Selon Colette Capdevielle le texte ne portera pas préjudice aux avocats. Je pense quant à moi qu’il faut être plus mesuré. C’est un sujet qui mérite réflexion.

M. le rapporteur pour avis. S’agissant de la création d’un fichier positif, je tiens à rappeler que la commission des Lois ne s’est saisie que des deux premiers articles du projet de loi, ceux relatifs à l’action de groupe. De plus, la rédaction actuelle du texte gouvernemental ne prévoit pas la création d’un tel fichier, même si chacun sait que le Gouvernement déposera probablement un amendement en ce sens. Ce dispositif, dont l’instauration est éminemment souhaitable pour s’attaquer au problème dramatique du surendettement qui touche des millions de nos concitoyens, exige parallèlement de prendre aussi toutes mesures de protection des libertés. En effet, constituer un fichier de plusieurs millions de personnes ne va pas sans soulever des difficultés, notamment d’ordre technique, qui appellent des précautions extrêmes. Je suis certain qu’après avoir demandé l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme et celui du Conseil d’État, le Gouvernement sera en mesure de proposer un dispositif satisfaisant à tous égards que, je n’en doute pas, la majorité soutiendra.

Je me suis moi-même longtemps demandé s’il fallait réserver l’action de groupe aux associations de consommateurs agréées nationales ou s’il ne fallait pas l’élargir notamment à des associations ad hoc. Les associations actuellement agréées ayant un large spectre d’actions potentielles, les consommateurs sont assurés de les voir défendre leurs intérêts. De plus, ces associations offrent des garanties non seulement de sérieux, mais aussi en matière d’indemnisation au stade final de la procédure. Certains craignent que, ne pouvant matériellement engager toutes les actions de groupe souhaitables, elles ne mettent en place des « politiques » – telle année, tel secteur, etc. –, en laissant les consommateurs au bord du chemin. Ce risque me semble très faible compte tenu du nombre d’associations agréées existantes, lequel n’est d’ailleurs pas figé puisque d’autres associations pourront bénéficier de l’agrément. De surcroît, cette loi présentant un caractère un peu expérimental, son évaluation pourra être l’occasion d’en réaliser un bilan.

J’ajoute que l’actuelle limitation aux associations agréées constitue un choix politique résultant d’un équilibre obtenu notamment au sein du Conseil national de la consommation. Nous tenons à respecter l’esprit de cette concertation, car c’est l’une des conditions de l’acceptation et de la réussite du dispositif. En effet, c’est bien parce que les gouvernements successifs n’ont pas su trouver le consensus nécessaire qu’il n’a pas été possible, en trente ans, d’instaurer un tel dispositif.

Le lobbying intense auquel nous avons pu assister jusque dans ces murs et les propos tenus par certains représentants du patronat montrent bien que ce n’est pas une action de groupe « au petit pied », monsieur Houillon ! Au contraire, grâce à ce texte, c’est un grand pas qui va être fait !

L’action de groupe doit en effet être la plus dissuasive possible, monsieur Clément, et représenter une véritable menace, sans pour autant être un élément de déstabilisation de notre économie. Elle doit jouer un rôle de prévention en incitant les entreprises à s’auto-discipliner. C’est ainsi que nous parviendrons à assainir l’économie de marché.

Enfin, le texte vise à dépasser la logique binaire entre opt-in et opt-out, même si la procédure relève plutôt de l’opt-in : au final, c’est bien au consommateur de se manifester pour adhérer au groupe. Il est également vrai que la phase initiale comporte une sorte d’opt-out virtuel.

M. Philippe Houillon. Ce n’est pas clair.

M. le rapporteur pour avis. En tout cas, il est clair que les consommateurs auront la possibilité ou non de se manifester contre des professionnels qui auraient manqué à leurs obligations légales, qu’ils pourront ou non adhérer au groupe et demander ou non réparation.

La Commission passe ensuite à l’examen des articles du projet de loi dont elle s’est saisie pour avis.

EXAMEN DES ARTICLES

Chapitre Ier

Action de groupe

Le chapitre Ier du présent projet de loi, composé de deux articles, introduit, après plus de trente ans de débats, l’action de groupe en droit français.

Article 1er

(chapitre III [nouveau] du titre II du livre IV et art. L. 423-1 à L. 423-18 [nouveaux] du code de la consommation)


Création de l’action de groupe en droit de la consommation et de la concurrence

Cet article premier insère un nouveau chapitre III, consacré à l’action de groupe, au sein du titre II (« actions en justice des associations ») du livre IV (« Les associations de consommateurs ») du code de la consommation. Ce nouveau chapitre comporte 18 articles, répartis en sept sections, relatives respectivement au champ d’application de l’action de groupe et à la qualité pour agir (section 1), au jugement sur la recevabilité (section 2), à la liquidation des préjudices et à l’exécution (section 3), à la médiation (section 4), aux actions de groupe intervenant dans le domaine de la concurrence (section 5), aux dispositions diverses (section 6) et à celles relatives à l’outre-mer (section 7).

—  Section 1 : champ d’application de l’action de groupe et qualité pour agir

La section 1 comporte deux articles. Le premier, l’article L. 423-1 du code de la consommation, fixe certains des critères de recevabilité de l’action de groupe. Le second, l’article L. 423-2 du même code, renvoie au pouvoir réglementaire le soin de préciser, par la voie d’un décret en Conseil d’État, les modalités procédurales d’introduction de l’action de groupe.

● Article L. 423-1 : champ d’application de l’action de groupe et qualité pour agir

L’article L. 423-1 précise deux des critères encadrant la recevabilité de l’action de groupe. Ces critères ont trait à la qualité pour agir et à l’objet de l’action. Cet article indique également que ces actions relèvent de la compétence des juridictions civiles (sur les juridictions compétentes, voir le commentaire de l’article 2 du présent projet de loi). Il n’exige pas que le groupe de consommateurs lésés soit déjà constitué lors de l’introduction de l’action.

a) Qualité pour agir : le monopole des associations agréées de consommateurs nationales

L’action de groupe est une action attitrée (et non une action ouverte à tout intéressé), la loi restreignant le droit d’agir à une catégorie de personnes déterminée. En effet, le premier alinéa de l’article L. 423-1 réserve la qualité pour agir aux associations de consommateurs représentatives au niveau national et agréées en application de l’article L. 411-1 du code de la consommation.

Rappelons que ces associations sont agréées, en application de l’article L. 411-1, « après avis du ministère public, compte tenu de leur représentativité sur le plan national ou local ». Les critères d’agrément des associations nationales, précisés par l’article R. 411-1 du même code, sont au nombre de trois :

– justifier, à la date de la demande d’agrément, d’une année d’existence à compter de sa déclaration ;

– justifier, pendant cette année d’existence, d’une activité effective et publique en vue de la défense des intérêts des consommateurs, appréciée notamment en fonction de la réalisation et de la diffusion de publications de la tenue de réunions d'information et de permanences ;

– réunir, à la date de la demande d’agrément, un nombre de membres cotisant individuellement au moins égal à 10 000.

L’agrément des associations nationales est accordé par arrêté conjoint du ministère chargé de la consommation et du garde des Sceaux, pour une durée de cinq ans. Il est renouvelable dans les mêmes conditions (art. R. 411-2 du code de la consommation).

Les associations de consommateurs agréées nationales sont actuellement seize (45). Elles sont issues de trois grands mouvements :

le mouvement familial : le Conseil national des associations familiales laïques (Cnafal), la Confédération nationale des associations familiales catholiques (CNAFC), la Confédération syndicale des familles (CSF), Familles de France, Familles rurales, regroupés au sein de l’Union nationale des associations familiales (Unaf) ;

le mouvement syndical : l’Association de défense, d’éducation et d’information du consommateur (Adeic), l’Association Force ouvrière consommateurs (AFOC), l’Association étude et consommation (Asseco-CFDT), l’Association pour l’information et la défense des consommateurs salariés CGT (Indecosa-CGT), l’Association Léo Lagrange pour la défense des consommateurs (ALLDC) ;

le mouvement consumériste et spécialisé : l’Union fédérale des consommateurs-Que Choisir (UFC-Que Choisir) et la Confédération de la consommation, logement et cadre de vie (CLCV) pour les questions de consommation, la Confédération générale du logement (CGL) et la Confédération nationale du logement (CNL) pour le logement, et la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut) pour les transports.

Cette limitation de la qualité pour agir aux associations agréées représentatives au niveau national correspond à l’une des recommandations (3°) de l’avis du Conseil national de la consommation sur l’action de groupe du 4 décembre 2012. Elle vise, selon cet avis, à empêcher la mise en œuvre de procédures abusives. L’étude d’impact accompagnant le projet de loi justifie, pour sa part, cette exclusion en soulignant que « d’un point de vue procédural, le statut et l’objet social des associations de consommateurs agréées, à savoir la défense de l’intérêt collectif des consommateurs, leur permettent de répondre aux exigences de légitimité quant à l’intérêt pour agir et leur confèrent la qualité pour représenter le groupe des consommateurs en tant que tel sans qu’il soit besoin d’identifier au préalable les victimes ».

La question distincte de l’intérêt à agir de ces associations ne devrait pas soulever de difficultés en pratique : comme pour toute action attitrée, il apparaît en effet présumé par le législateur, dès lors que l’action introduite relève bien du champ d’application de l’article L. 423-1 du code de la consommation.

b) Champ d’application de l’action de groupe

L’action de groupe n’est recevable que si plusieurs conditions relatives aux victimes, à l’origine et à la nature des préjudices subis sont remplies. En effet, seuls les préjudices matériels subis par des consommateurs placés dans une situation identique ou similaire et ayant pour origine commune un manquement d’un même professionnel à ses obligations légales et contractuelles à l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services ou à la suite de pratiques anticoncurrentielles peuvent faire l’objet d’une action de groupe.

– Victimes des préjudices

Seuls les préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation identique ou similaire peuvent faire l’objet d’une action de groupe.

La définition du consommateur est précisée par l’article 3 du projet de loi, aux termes duquel, au sens du code de la consommation, « est considéré comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ». Cette définition, reprise de l’article 2 de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, correspond à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (46) et, plus récemment et après quelques hésitations, de la Cour de cassation (47). Cette définition a pour effet d’exclure les personnes morales du champ du code de la consommation, sauf lorsque les dispositions de ce code incluent expressément les non-professionnels dans leur champ d’application (ce qui est le cas, par exemple, des articles L. 121-83 à L. 121-94 et L. 132-1 du code de la consommation).

On observera que certaines décisions de la Cour de cassation et du Conseil d’État ont étendu la notion de consommateurs au domaine de la santé. Le Conseil d’État a ainsi jugé que l’obligation d’information du consommateur posée par l’article 113-3 du code de la consommation est mise à la charge de tous les prestataires de services et s’applique aux prestations à caractère médical (48). Dans le même sens, la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé que les personnes avec lesquelles un médecin conclut un contrat médical doivent être considérées comme des consommateurs (49). Cette orientation jurisprudentielle tend à reconnaître l’existence de « consommateurs de soins ».

Ces consommateurs doivent être placés dans une situation identique ou similaire. Les abonnés ayant souscrit, par exemple, un abonnement identique et sur la même durée auprès du même opérateur de téléphonie ou fournisseur d’accès à Internet ou les personnes ayant acheté le même produit auprès du même professionnel sont placés dans une situation identique. Ceux ayant souscrit un abonnement identique pour des durées différentes ou un abonnement similaire (avec des options différentes, par exemple) sont dans une situation similaire et il est logique que leurs préjudices puissent faire l’objet d’une seule action de groupe.

La Commission, dans un souci de cohérence, a adopté un amendement visant à étendre le champ d’application de l’action de groupe aux préjudices subis, outre par les consommateurs, par les « non-professionnels ». En effet, dès lors que de nombreux articles du code de la consommation s’appliquent à la fois aux consommateurs et aux non-professionnels (articles L. 121-83 à L. 121-94, L. 132-1 et L. 136-1), il est logique de permettre à ces derniers d’obtenir le respect des droits qui leur sont ainsi reconnus par la voie d’une action de groupe. Cette extension permettrait d’obtenir, par la voie de l’action de groupe, la réparation des préjudices subis par des personnes morales agissant à titre non professionnel (syndicats de copropriétaires ou associations) et inclurait sans ambiguïté les épargnants, qui sont parfois distingués des consommateurs.

– Origine des préjudices 

Pour relever du champ d’application de l’action de groupe, les préjudices subis par les consommateurs doivent avoir pour origine commune un manquement d’un même professionnel à ses obligations légales ou contractuelles à l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services ou lorsque ces préjudices résultent de pratiques anticoncurrentielles. Ces dispositions, combinées à l’exigence que les victimes soient des consommateurs, ont notamment pour conséquence de limiter le champ d’application de l’action de groupe aux violations du droit de la consommation ou du droit de la concurrence.

La notion de professionnel n’est définie ni par la loi, ni par la jurisprudence. Selon la doctrine, le professionnel est « la personne physique ou morale qui agit dans le cadre d’une activité habituelle et organisée de production, de distribution ou de prestation de service » (50). Il peut s’agir aussi bien d’une personne physique que d’une personne morale. Ce qui importe est le caractère habituel et organisé de l’activité exercée. Une personne publique peut être un professionnel au sens du code de la consommation, en particulier lorsqu’elle agit dans le cadre de la gestion d’un service public industriel et commercial. En droit de l’Union européenne, la directive 93/1/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs définit, en son article 3, le professionnel comme « toute personne physique ou morale qui […] agit dans le cadre de son activité professionnelle, qu’elle soit publique ou privée ».

Sur ce point, la Commission a proposé, sur la proposition du rapporteur pour avis, de préciser qu’une seule et même action de groupe peut être introduite contre plusieurs professionnels. Il peut en effet y avoir plusieurs défendeurs à l’action de groupe. En pratique, cela devrait même être la règle en matière d’entente anticoncurrentielle. Dans un souci de bonne administration de la justice et d’économie de procédure, il est souhaitable de laisser la possibilité au requérant d’introduire une seule et même action de groupe dans une telle hypothèse.

Le manquement du professionnel à ses obligations légales ou contractuelles se réfère à une violation des obligations mises à sa charge du professionnel par le droit de la consommation et de la concurrence. Le terme « légales » doit être entendu largement et ne se limite pas aux seules obligations résultant des dispositions de nature législative.

Ce manquement doit être intervenu soit à l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services, soit résulter de pratiques anticoncurrentielles. La vente de biens ou la fourniture de services doivent être entendues au sens du code de la consommation.

Les pratiques anticoncurrentielles mentionnées sont celles faisant l’objet du titre II du livre IV du code de commerce, c’est-à-dire les ententes, les abus de position dominante, les abus de dépendance économique et les prix abusivement bas, ou des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, relatifs aux ententes et aux abus de position dominante.

– Nature des préjudices 

Le quatrième alinéa de l’article L. 423-1 du code de la consommation précise que seuls « des préjudices matériels résultant d’une atteinte au patrimoine des consommateurs » et résultant d’une des causes précédemment mentionnées peuvent être réparés dans le cadre d’une action de groupe. La réparation des préjudices corporels et moraux est donc exclue. L’étude d’impact justifie cette exclusion au motif que les dommages autres que matériels relèvent d’une appréciation individuelle et non collective. Une indemnisation « type », susceptible d’être aisément dupliquée, ne serait pas adaptée.

La rédaction retenue, qui se réfère à un préjudice matériel « résultant d’une atteinte au patrimoine des consommateurs », conduit à exclure les préjudices matériels résultant d’une atteinte à la personne : les conséquences pécuniaires d’un dommage corporel (frais d’hospitalisation, frais médicaux, etc.) ne sont donc pas couvertes.

Il convient de souligner d’ores et déjà que les consommateurs conservent bien entendu le droit d’agir individuellement pour obtenir la réparation des préjudices non couverts par l’action de groupe (article L. 423-14 du code de la consommation).

c) L’absence de constitution préalable du groupe

Le projet de loi a retenu un système dit d’option d’inclusion ou d’opt-in, dans lequel les membres potentiels du groupe de victimes au nom desquelles l’action est introduite doivent indiquer expressément s’ils souhaitent être représentés dans le cadre de l’action engagée. Le système dit d’option d’exclusion ou d’opt-out, selon lequel le groupe intègre par défaut toutes les victimes potentielles du comportement allégué, celles-ci ayant la faculté de s’exclure si elles ne souhaitent pas être parties à l’instance engagée, a été écarté. Il est en effet moins respectueux du droit individuel d’agir en justice de chacun des consommateurs concernés.

La solution retenue est cependant originale, dans la mesure où, tout en reposant sur une logique d’opt-in (aucun consommateur ne sera lié par l’action engagée s’il n’a pas adhéré expressément au groupe), l’action de groupe peut être engagée (article L. 423-1) et faire l’objet d’un jugement (article L. 423-3) sans que le groupe n’ait été encore constitué, c’est-à-dire sans que les consommateurs qui en font partie n’aient été identifiés individuellement. Au stade du jugement sur la responsabilité, le groupe des consommateurs à l’égard desquels la responsabilité sera évidemment définie par le juge, mais sans que ces derniers ne soient identifiés. Ce n’est qu’une fois le jugement sur la responsabilité devenu définitif et porté à leur connaissance par les mesures de publicité ordonnées par le juge (article L. 423-3, alinéa 3) que les consommateurs adhéreront, s’ils le souhaitent, au groupe afin d’obtenir leur indemnisation.

En n’exigeant pas la constitution préalable du groupe pour que l’action soit recevable, ce mécanisme facilite grandement l’introduction d’une telle action. L’incitation des consommateurs à adhérer au groupe est, par ailleurs, évidemment bien plus grande une fois le jugement condamnant le professionnel à indemniser rendu et définitif que lors de l’introduction de l’action. À ce stade de la procédure, le consommateur, s’il est en possession des documents démontrant qu’il fait partie du groupe de consommateurs lésés, n’a en effet plus à faire face à aucun aléa, son adhésion au groupe devant nécessairement conduire à son indemnisation. Le choix opéré dans le projet de loi est donc un gage d’efficacité.

En pratique, il va cependant de soi que, même si cette exigence n’est pas prévue, les associations qui engageront une action de groupe n’introduiront celle-ci qu’à condition d’être déjà en mesure de présenter au juge plusieurs cas individuels de consommateurs lésés par le manquement allégué. À défaut, l’action n’aurait guère de chance de prospérer devant la juridiction saisie.

● Article L. 423-2 : renvoi à un décret en Conseil d’État

Cet article renvoie au pouvoir réglementaire le soin de préciser, par la voie d’un décret en Conseil d’État, les modalités procédurales d’introduction de l’action de groupe. L’étude d’impact indique que ce décret précisera les contours de la procédure, comme par exemple les modalités de saisine du juge. La rédaction de ce décret sera pilotée par le ministère de la Justice, en lien avec le ministère de l’Économie et des finances. D’autres décrets préciseront également les modalités applicables aux autres étapes de la procédure, en ce qui concerne, par exemple, les schémas d’indemnisation possibles ou les formes de l’adhésion des consommateurs.

—  Section 2 : le jugement sur la responsabilité

Cette section est composée de deux articles. L’article L. 423-3 précise notamment le contenu du jugement sur la responsabilité et les conditions de sa publicité. L’article L. 423-4 a trait aux personnes que l’association ayant introduit l’action peut s’adjoindre, avec l’autorisation du juge, pour l’assister dans certaines de ses tâches.

● Article L. 423-3 : contenu et publicité du jugement sur la responsabilité

Cet article précise le contenu du jugement sur la responsabilité, les conditions dans lesquelles il est porté à la connaissance des consommateurs concernés, les modalités d’adhésion au groupe et prévoit la possibilité d’ordonner le versement d’une provision « ad litem ».

a) Le contenu du jugement sur la responsabilité

Dans un souci d’efficacité et de rapidité, le Gouvernement a choisi que le juge statue, dans un seul jugement, sur la recevabilité de l’action de groupe et sur le litige au fond. L’idée, parfois avancée lors des débats antérieurs sur l’action de groupe, d’introduire une phrase de recevabilité de l’action en vue de la « certification » du groupe a donc été écartée.

Dans son jugement sur la responsabilité, le juge doit, en premier lieu, constater que les conditions mentionnées à l’article L. 423-1 sont réunies. Il examine donc la recevabilité de l’action de groupe, qui exige qu’elle ait été introduite par une personne ayant qualité pour agir – une association agréée de consommateurs nationale – et qu’elle relève bien du champ d’application de cette voie de droit.

Le juge statue, en deuxième lieu, sur la responsabilité du professionnel, au vu des éléments versés au débat et selon les règles classiques du droit de la responsabilité civile, auxquelles il n’est pas dérogé. Il devra notamment s’assurer que le manquement est établi et déterminer l’existence d’un lien de causalité entre ce manquement et les préjudices matériels indemnisables subis par les consommateurs.

Le juge définit, en troisième lieu, le groupe des consommateurs à l’égard desquels la responsabilité du professionnel est engagée, qu’il pourra éventuellement diviser par la suite en plusieurs catégories.

Le juge doit, en quatrième lieu, déterminer le montant du préjudice pour chaque consommateur ou pour chaque catégorie de consommateurs constituant le groupe qu’il a défini ou tous les éléments permettant l’évaluation de ces préjudices. Pour prendre un exemple concret, le juge pourra fixer un montant de x euros pour les consommateurs ayant souscrit un contrat de six mois, et de y euros pour ceux ayant souscrit un contrat d’un an.

À cet égard, la Commission a adopté, sur la proposition du rapporteur pour avis, un amendement précisant que le juge pourra ordonner une réparation en nature du préjudice, si celle-ci lui paraît plus adaptée. Cela peut être le cas notamment lorsque le préjudice pécuniaire est très faible. Une surfacturation de communication téléphonique peut, par exemple, être compensée par l’octroi de minutes supplémentaires sur le forfait des consommateurs lésés.

Un autre amendement de la Commission précise, à l’initiative du rapporteur pour avis, que, à tout moment de la procédure, le juge peut ordonner toute mesure d’instruction nécessaire à la conservation des preuves et de production de pièces, y compris celles détenues par le professionnel.

b) La publicité du jugement

L’article L. 423-3 prévoit également que le juge ordonne, aux frais du professionnel, les mesures nécessaires pour informer, par tous moyens appropriés, les consommateurs susceptibles d’appartenir au groupe de la décision rendue. Ces mesures de publicité constituent un élément essentiel pour l’efficacité de l’action de groupe. Elles doivent être adaptées au groupe concerné, afin que le plus grand nombre – voire la totalité – des consommateurs lésés soient informés du jugement. En effet, contrairement à l’action en représentation conjointe, pour laquelle la collecte des mandats est interdite par voie d’appel public télévisé ou radiophonique, ou par voie d’affichage, de tract ou de lettre personnalisée (article L. 422-1 du code de la consommation), « tous moyens appropriés » sont ici autorisés.

Ces mesures de publicité ne pourront être mises en œuvre qu’une fois que la décision sur la responsabilité n’est plus susceptible des recours ordinaires ou de pourvoi en cassation. Cette subordination de la publicité au caractère définitif du jugement est nécessaire parce que cette publicité est susceptible de porter atteinte à l’image et à la réputation du professionnel concerné. Elle est également opportune car les mesures de publicité sont effectuées aux frais du professionnel : à défaut, en cas d’infirmation ou de cassation du jugement, l’association ayant introduit l’action devrait rembourser au professionnel les frais engagés, ce qui ne serait pas sans lui poser de sérieuses difficultés.

Certes, cette soumission au caractère définitif de la décision présente l’inconvénient de retarder la publicité, alors que celle-ci est nécessaire pour inciter les consommateurs lésés à conserver les preuves du préjudice qu’ils ont subi. En pratique, rien n’interdit toutefois à l’association de consommateurs ayant engagé l’action de communiquer sur l’introduction de ce recours, dès lors qu’elle ne présente pas comme établis des faits sur lesquels il n’a pas encore été statué et que la présentation qu’elle en fait n’est entachée d’aucune exactitude. La médiatisation dont l’introduction de cette action de groupe – ainsi que les autres étapes de la procédure – est susceptible de faire l’objet devrait pallier l’absence de mesures de publicité ordonnée par le juge avant la décision définitive.

c) Les modalités d’adhésion au groupe

C’est au juge qu’il appartient de fixer les délais et modalités selon lesquels les consommateurs peuvent adhérer au groupe en vue d’obtenir réparation de leur préjudice. Le juge devra notamment déterminer si les consommateurs doivent s’adresser directement au professionnel ou par l’intermédiaire de l’association pour la réparation de leur préjudice. Un amendement de la Commission propose que cette dernière hypothèse ne puisse être retenue qu’avec l’autorisation de l’association. L’adhésion au groupe vaut alors mandat aux fins d’indemnisation au profit de l’association (sans valoir ou impliquer pour autant l’adhésion à l’association, comme le précise l’article L. 423-14).

d) Le versement d’une provision ad litem

L’article 423-3, alinéa 6, permet au juge de condamner le professionnel au paiement d’une provision à valoir sur les frais non compris dans les dépens exposés par l’association, y compris ceux afférents à la mise en œuvre de l’article L. 423-4, c’est-à-dire au recrutement de personnes chargées de l’assister dans certaines de ses tâches relatives à l’indemnisation des membres du groupe.

Les frais visés, également appelés frais irrépétibles, sont les frais engagés par une partie à l’occasion d’une instance non compris dans les dépens prévus par l’article 695 du code de procédure civile (51). L’essentiel de ces frais correspond généralement aux honoraires de conseil des avocats. À l’issue du litige, la partie gagnante peut obtenir que la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, soit condamnée à lui payer une somme au titre de ces frais en application de l’article 700 du code de procédure civile. On notera que l’article 771 du code de procédure civile permet, plus généralement, au juge de la mise en l’état d’allouer une provision à l’une des parties pour le procès.

Cette disposition permettra aux associations requérantes de ne pas avoir à faire l’avance de ces frais et évite que la faiblesse éventuelle de leurs moyens financiers ne fasse obstacle à l’exercice d’une action de groupe.

● Article L. 423-4 : assistance de l’association par un tiers aux fins de l’indemnisation

Cet article permet à l’association de s’adjoindre, avec l’autorisation du juge, toute personne pour l’assister, notamment aux fins qu’elle procède à la réception des demandes d’indemnisation des membres du groupe et plus généralement aux fins de représentation des consommateurs lésés, auprès du professionnel, en vue de leur indemnisation. Les tâches liées à l’indemnisation des membres du groupe (réception des demandes, transmission au professionnel, gestion des contestations, etc.) peuvent en effet, dans un contentieux de masse, être extrêmement lourdes et excéder les ressources humaines dont dispose habituellement l’association concernée. Il est donc indispensable que celle-ci puisse recruter des personnes à cette fin, et que les frais en résultant puissent, le cas échéant et sur décision du juge, faire l’objet d’une provision versée par le professionnel (prévue par le dernier alinéa de l’article L. 423-4).

Le choix de ce tiers n’est pas encadré par le législateur, mais l’article L. 423-4 prévoit que le juge devra autoriser le recours à une telle personne, donc contrôler le choix opéré. La Commission, sur l’initiative du rapporteur pour avis, a proposé de préciser que cette personne devra appartenir obligatoirement à une profession judiciaire réglementée (avocats, huissiers, etc.), dont la liste sera fixée par décret en Conseil d’État. Il est en effet indispensable que les personnes concernées, qui seront amenées à manier des fonds importants, soient soumises au respect de règles déontologiques (absence de conflits d’intérêts, etc.) et qu’elles disposent d’une assurance de responsabilité civile.

—  Section 3 : liquidation des préjudices et exécution

Cette section, composée de trois articles, précise la procédure à suivre pour procéder à l’indemnisation individuelle des préjudices et pour régler les différends susceptibles d’en découler.

● Article L. 423-5 : indemnisation individuelle des consommateurs

Cet article prévoit que le professionnel procède à l’indemnisation individuelle des préjudices subis par chaque consommateur dans les conditions et limites fixées par le jugement de responsabilité mentionné à l’article L. 423-3.

● Article L. 423-6 : contestation des demandes d’indemnisation individuelle

Il est possible que des difficultés apparaissent lors de la liquidation des préjudices, si le professionnel conteste l’appartenance du demandeur au groupe des consommateurs lésés (insuffisance ou absence de pièces justificatives, etc.) ou conteste le montant de l’indemnisation réclamée sur le fondement des critères fixés dans le jugement sur la responsabilité (dans le cas d’un montant qui ne serait pas identique pour tous les membres du groupe), par exemple.

Dans une telle hypothèse, l’article L. 423-6 précise que le juge compétent pour trancher les litiges apparus à l’occasion de la phase de liquidation des préjudices est celui ayant statué sur la responsabilité (c’est-à-dire l’un des tribunaux de grande instance spécialisés, voir le I de l’article 2 du projet de loi, infra). Afin d’éviter de multiplier les jugements et dans un souci de rationalisation de ce contentieux, il statue dans un même jugement sur l’ensemble des demandes d’indemnisation auxquelles le professionnel n’a pas fait droit. Sur l’initiative du rapporteur pour avis, un amendement de la Commission vise à préciser que le jugement sur la responsabilité précisera dans quel délai le juge devra être saisi de ces contestations.

● Article L. 423-7 : exécution forcée

Cet article indique que l’association requérante représente les consommateurs qui n’ont pas été indemnisés par le professionnel dans les délais fixés par le juge aux fins de l’exécution forcée des jugements mentionnés à l’article L. 423-6. C’est le droit commun des procédures civiles d’exécution (figurant depuis le 1er juin 2012 dans le code des procédures civiles d’exécution) qui sera applicable, sous le contrôle du juge de l’exécution.

—  Section 4 : médiation

Cette section, composée de deux articles, a pour objet d’encourager et d’encadrer le recours à la médiation.

● Article L. 423-8 : recours facultatif à la médiation

Cet article prévoit que l’association requérante peut participer à une médiation dans les conditions fixées au chapitre Ier du titre II de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative afin d’obtenir la réparation des préjudices entrant dans le champ de l’action de groupe. Ce recours à la médiation reste facultatif.

L’article 21 de la loi du 8 février 1995, précitée, définit la médiation comme « tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d'un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige ». Elle prévoit que le médiateur doit accomplir sa mission avec impartialité, compétence et diligence. La section 2 de cette loi est spécifiquement consacrée à la médiation judiciaire, dans laquelle le médiateur est désigné, en tout état de la procédure et avec l’accord des parties, par le juge.

● Article L. 423-9 : homologation judiciaire et publicité de l’accord

Cet article prévoit, en son premier alinéa, que l’accord négocié par l’association requérante au nom du groupe est obligatoirement soumis à l’homologation du juge, qui lui donne force exécutoire. Dans la loi du 8 février 1995, précitée, cette homologation n’est que facultative (article 21-5).

Le second alinéa de l’article L. 423-9 précise que le juge peut prévoir les mesures de publicité nécessaires pour informer les consommateurs de l’existence de l’accord ainsi homologué. La prise en charge des frais engendrés par ces mesures de publicité, qui seront vraisemblablement indispensables pour conduire à une indemnisation effective des consommateurs concernés, n’est pas précisée. Sur la proposition du rapporteur pour avis, un amendement de la Commission a pour objet d’indiquer qu’ils sont à la charge du professionnel, comme pour la publicité du jugement sur la responsabilité.

—  Section 5 : action de groupe intervenant dans le domaine de la concurrence

Cette section, composée de deux articles, précise quelques spécificités propres à l’action de groupe lorsqu’elle intervient dans le domaine de la concurrence. On observera qu’elle est insérée dans le code de la consommation, bien que le droit de la concurrence relève du code de commerce. En dehors des dérogations mentionnées par ces deux articles, ces actions seront évidemment régies par les dispositions figurant dans les autres sections.

● Article L. 423-10 : subordination de l’action de groupe à une décision définitive constatant le manquement

Cet article précise que les actions de groupe en matière de concurrence ne peuvent être engagées que sur le fondement d’une décision constatant une pratique anticoncurrentielle au sens du titre II du livre IV du code de commerce (ententes, abus de position dominante, abus de dépendance économique et prix abusivement bas) ou des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ententes et abus de position dominante) qui n’est plus susceptible de recours, prononcée à l’encontre du professionnel concerné par les autorités ou juridictions nationales ou de l’Union européenne compétentes. En d’autres termes, l’action de groupe est, en matière de concurrence, une action subséquente ou consécutive (conformément à la règle dite du « follow on », par opposition au « stand alone ») qui ne peut intervenir qu’après une décision définitive :

– de l’Autorité de la concurrence française ou de toute autre autorité équivalente d’un autre État membre de l’Union européenne ;

– de la Commission européenne dans l’exercice de ses pouvoirs d’application des articles 101 et 102 TFUE ;

– d’une juridiction, française, d’un autre État membre de l’Union européenne ou de l’Union européenne (arrêt du Tribunal de l’Union européenne devenu définitif ou de la Cour de justice de l’Union européenne).

L’application ou la mise en œuvre privée (« private enforcement ») du droit de la concurrence fait ainsi nécessairement suite à son application ou mise en œuvre publique (« public enforcement »).

En conséquence, la charge de la preuve pesant sur les associations requérantes est considérablement allégée, puisque le manquement du professionnel établi par la décision définitive précitée est réputé établi en application du second alinéa de l’article L. 423-10. Une présomption irréfragable est ainsi prévue. Seul le lien de causalité entre ce manquement et les préjudices, ainsi que leur détermination, resteront à établir.

Le travail du juge de l’indemnisation, qui n’est pas le mieux à même d’apprécier l’existence de pratiques anticoncurrentielles, nécessitant une expertise particulière et des moyens d’investigations spécifiques, en sera également simplifié.

● Article L. 423-11 : délai de recours

Cet article prévoit un régime de prescription spécifique pour l’action de groupe en matière de concurrence. Celle-ci pourra être engagée dans un délai de cinq ans à compter de la décision ayant constaté la pratique anticoncurrentielle et devenue définitive mentionnée à l’article L. 423-10.

La Commission, sur la proposition du rapporteur pour avis, propose de compléter cette disposition par des règles en matière de prescription des actions individuelles en responsabilité fondée sur une infraction au droit de la concurrence, afin d’assurer la coïncidence de la prescription des actions individuelles et celle de l’action de groupe dans ce domaine. À défaut, une action de groupe pourrait être introduite alors que les actions individuelles elles-mêmes sont prescrites. La solution proposée, insérée à l’article L. 426-7 du code de commerce, consiste à poser le principe du caractère interruptif de la procédure devant l’Autorité de la concurrence, une autorité nationale de la concurrence d’un autre État membre ou la Commission européenne, jusqu’à ce que leur décision soit devenue définitive.

Par ailleurs, la Commission, sur l’initiative du rapporteur pour avis, propose que le juge puisse ordonner l’exécution provisoire du jugement pour ce qui concerne les seules mesures de publicité. Dans cette hypothèse, l’entreprise ayant déjà fait l’objet d’une décision publique et définitive d’une autorité de concurrence constatant son manquement, la publicité du jugement sur la responsabilité avant qu’il ne soit définitif n’est pas de nature à porter atteinte à l’image de l’entreprise concernée.

—  Section 6 : dispositions diverses

Cette section, composée de six articles, précise le régime juridique de l’action de groupe.

● Article L. 423-12 : suspension de la prescription des actions individuelles

Cet article prévoit la suspension des actions individuelles en réparation des préjudices résultant des manquements constatés par le jugement sur la responsabilité. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour, selon le cas, où le jugement sur la responsabilité est devenu définitif ou de l’homologation par le juge de l’accord issu du recours à une médiation.

À défaut de précision contraire, ce sont toutes les actions individuelles en réparation des préjudices résultant des manquements constatés dans le jugement sur la responsabilité dont la prescription est suspendue, et non celles des seuls consommateurs ayant par la suite adhéré au groupe.

Cette disposition, conjointement avec l’article L. 423-14 qui précise l’articulation de l’action de groupe avec les actions individuelles, contribue à assurer le respect de la liberté de conduire personnellement la défense de ses intérêts, conformément à la jurisprudence constitutionnelle (52).

● Article L. 423-13 : autorité de la chose jugée

Cet article précise que le jugement sur la responsabilité mentionné à l’article L. 423-3 et l’homologation judiciaire de l’accord issu d’une médiation mentionnée à l’article L. 423-9 ont autorité de la chose jugée à l’égard de chacun des membres du groupe dont le préjudice a été réparé au terme de la procédure. L’autorité de la chose jugée est ainsi conditionnée, de manière inédite, à l’exécution effective de ces décisions de justice. A contrario, on peut en déduire que le jugement sur la responsabilité n’a autorité de la chose jugée à l’égard ni à l’égard des consommateurs lésés n’ayant pas adhéré au groupe, ni à l’égard de ceux ayant adhéré au groupe mais dont le préjudice n’a pas été réparé.

● Article L. 423-14 : droit d’engager des actions individuelles

Cet article prévoit que l’adhésion au groupe ne fait pas obstacle au droit d’agir selon les voies de droit commun pour obtenir la réparation des préjudices n’entrant pas dans son champ d’application (sur les préjudices exclus, voir le commentaire de l’article L. 423-1, supra). Comme cela a été souligné, cette disposition contribue au respect du droit constitutionnel au recours et du droit à obtenir la réparation de son préjudice, conformément au principe selon lequel tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer (53).

S’agissant des consommateurs lésés ayant décidé de ne pas adhérer au groupe, aucune disposition expresse ne précise qu’ils conservent leur droit d’engager une action individuelle à l’encontre du même professionnel et pour le même manquement, car cela va de soi, en l’absence de toute disposition contraire et conformément aux exigences constitutionnelles précitées.

La dernière phrase de l’article L. 423-14 précise que l’adhésion au groupe ne vaut ni n’implique l’adhésion à l’association requérante. Le droit de se joindre à l’action ne saurait en effet être subordonné à une telle adhésion, la liberté d’association incluant celle de ne pas adhérer à une association.

● Article L. 423-15 : irrecevabilité d’une nouvelle action de groupe

Cet article prévoit qu’une action de groupe fondée sur les mêmes faits et sur les mêmes manquements que ceux ayant fait l’objet d’une action de groupe précédemment jugée à l’encontre du même professionnel est irrecevable. Il vise, dans un souci de sécurité et de stabilité juridique, à éviter qu’un professionnel puisse faire l’objet d’actions de groupe successives (sans exclure cependant des actions de groupe concurrentes, dès lors qu’elles ont toutes été introduites avant qu’une action de groupe identique ait déjà été jugée), ce qui conduirait à une forme de renouvellement infini du procès à son encontre.

Cette précision est nécessaire, car l’autorité de la chose jugée, telle qu’elle est définie par l’article 1351 du code civil, ne serait pas suffisante pour rendre de telles actions de groupe irrecevables en application de l’article 122 du code de procédure civile : il y a bien identité de l’objet et de la cause de la demande, mais pas des parties, à l’exception du défendeur.

● Article L. 423-16 : substitution d’une association à l’association requérante défaillante

Cet article permet à une association de défense des consommateurs agréée nationale de demander au juge, à compter de la saisine de celui-ci d’une action de groupe, sa substitution dans les droits de l’association requérante, en cas de défaillance de celle-ci. Cette action en substitution inédite constitue une forme d’« intervention en éviction », dont l’objet est de pallier la défaillance avérée de l’association requérante.

● Article L. 423-17 : nullité des clauses faisant obstacle à une action de groupe

Toute clause tendant à interdire par avance à un consommateur de participer à une action de groupe est réputée non écrite, comme le serait une clause abusive.

—  Section 7 : dispositions relatives à l’outre-mer

Cette section, composée du seul article L. 423-18, précise que le présent chapitre est applicable dans les îles Wallis-et-Futuna, les autres collectivités d’outre-mer étant soit soumises au principe d’identité législative, soit elles-mêmes compétentes en matière de procédure civile ou de consommation.

*

* *

La Commission examine l’amendement CL 46 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. De nombreux articles du code de la consommation s’appliquent à la fois aux consommateurs et aux non-professionnels. Il est donc logique de permettre à ces derniers d’obtenir le respect des droits qui leur sont ainsi reconnus par la voie d’une action de groupe.

Cette extension aux non-professionnels permettrait également d’obtenir la réparation des préjudices subis par des personnes morales agissant à titre non professionnel – je pense notamment aux syndicats de copropriétaires ou aux associations n’agissant pas dans le cadre de leur activité professionnelle – ainsi que par les épargnants.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL 48 du rapporteur pour avis.

La Commission est saisie de l’amendement CL 47 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. En l’état, le texte implique l’introduction de plusieurs actions de groupe lorsque plusieurs professionnels sont en cause. Or, il peut y avoir plusieurs défendeurs à l’action de groupe.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de précision CL 49 du rapporteur pour avis.

La Commission étudie l’amendement CL 50 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Le juge doit avoir la possibilité de préciser les conditions de mise en œuvre d’une réparation en nature du préjudice, lorsque celle-ci lui paraît plus adaptée. Tel est l’objet de cet amendement.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL 51 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. À tout moment de la procédure, le juge doit pouvoir ordonner toute mesure d’instruction nécessaire à la conservation des preuves et de production de pièces, y compris celles détenues par le professionnel. Cet amendement tend à préciser les mesures qui peuvent être ordonnées par le juge, en vue de lui permettre d’apprécier le nombre de consommateurs concernés et d’évaluer l’importance des préjudices subis par ces derniers.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CL 52 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à raccourcir les délais de traitement des recours en appel formés contre les jugements rendus au fond par la mise en œuvre de la procédure à jour fixe, prévue par l’article 917 du code de procédure civile, permettant au président de la cour d’appel d’arrêter, en priorité, une date d’audience à laquelle les parties devront comparaître.

M. Philippe Houillon. La mise en œuvre de la procédure fixe sera possible sans qu’il soit nécessaire de voter cet amendement ! En outre, l’accélération induite est toute relative puisque c’est le président saisi en première instance ou en appel qui fait savoir s’il accepte ou non la procédure à jour fixe et qui précise la date à laquelle l’affaire sera examinée.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit de faire en sorte que cela soit systématique.

M. Philippe Houillon. À quoi bon une précision qui ne fera qu’alourdir la loi ?

Mme Colette Capdevielle. En l’état, rien n’interdit la mise en œuvre de la procédure à jour fixe pour les actions de groupe. Dès lors, pourquoi la prévoir expressément ?

M. Patrick Devedjian. La procédure à jour fixe étant dérogatoire sur ordonnance, elle ne saurait évidemment devenir la règle.

M. Philippe Houillon. L’amendement se borne à signaler qu’elle sera possible ; or, elle l’est déjà.

M. le rapporteur pour avis. Peut-être la rédaction n’est-elle pas suffisamment explicite, mais mon intention est bien de systématiser le recours à cette procédure.

Quoi qu’il en soit et compte tenu des remarques qui viennent d’être formulées, je retire cet amendement. Je procéderai à des vérifications et, le cas échéant, à une nouvelle écriture plus consensuelle.

L’amendement CL 52 est retiré.

La Commission examine l’amendement CL 53 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à prévoir que le juge ne pourra décider que les consommateurs devront passer par l’intermédiaire de l’association qu’avec l’accord de cette dernière.

M. Philippe Houillon. Quel est l’objectif précis de cet amendement ? Je ne comprends pas bien qu’il faille l’accord des associations dans la mesure où celles-ci ont le monopole de l’action de groupe !

M. le rapporteur pour avis. Si le juge décide que les consommateurs doivent passer par l’intermédiaire de l’association lors de la phase d’indemnisation, il doit avoir recueilli l’accord de cette dernière. Les consommateurs ne passeront pas par elle dès lors qu’elle ne le donnera pas.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CL 54 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Il convient que le juge précise dans quel délai les contestations des demandes d’indemnisation individuelle pourront être portées devant lui. Tel est l’objet de cet amendement.

M. Philippe Houillon. C’est le rôle du juge de la mise en état de fixer par injonction les délais dans lesquels telle ou telle partie doit répondre, conclure, etc.

M. Dominique Raimbourg. Nous sommes dans l’hypothèse où le jugement a déjà été rendu et où les procédures d’indemnisation ont été déterminées. Les consommateurs s’adressent alors soit au professionnel, soit à l’association de consommateurs pour obtenir le remboursement de leur préjudice, le juge indiquant le délai dans lequel les contestations doivent être formulées. C’est rassurant pour les entreprises qui, ainsi, connaissent le délai à partir duquel le contentieux est terminé.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL 55 rectifié du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Il convient de prévoir, dès le stade du jugement sur la responsabilité, la possibilité, pour le juge, d’ordonner le versement par le professionnel, sur un compte séquestre, d’une partie des sommes dues. Une fois encore, cela permettra de renforcer le caractère dissuasif de l’action de groupe. De surcroît, le juge pourra se prémunir contre l’éventuelle indélicatesse de professionnels qui chercheraient à se dérober à leurs responsabilités en ne réparant pas des préjudices dont ils seraient responsables.

M. Philippe Houillon. En droit français, le juge du siège statue sur des demandes. La demande de consignation peut parfaitement être portée par une partie, en l’occurrence l’association, et le juge peut d’ores et déjà ordonner le paiement d’une provision ou une consignation entre les mains d’un séquestre désigné. N’alourdissons donc pas la loi !

M. le rapporteur pour avis. J’entends bien, et la précision que j’apporte n’est peut-être pas nécessaire. Néanmoins, nous créons une nouvelle voie de droit qui comporte des spécificités. À ce stade de la procédure, le groupe n’est pas constitué et l’ensemble du préjudice est peut-être difficilement évaluable. Cet amendement permet de s’assurer que les juges disposeront bien d’une telle faculté, car nous ne sommes pas totalement dans le cadre du droit commun. D’ailleurs, les juristes que nous avons consultés estimaient qu’il n’était pas inutile d’inscrire une telle précision dans le texte.

Mme Colette Capdevielle. Nous comprenons le souci de sécurisation qui a motivé la rédaction de cet amendement. Toutefois, il me semble utile de préciser que la consignation pourrait avoir lieu sur un compte séquestre, et non à la seule Caisse des dépôts et consignations comme le prévoit l’amendement.

M. Philippe Houillon. Le droit commun s’applique expressément à tout ce qui, dans un texte, n’y déroge pas.

M. Patrick Devedjian. Il ne faut pas mépriser les procédures car c’est d’elles que dépend la liberté. Les déclarations de principe, c’est très bien, mais elles ne peuvent être mises en œuvre sans les procédures !

M. le rapporteur pour avis. Je maintiens telle quelle la rédaction d’un amendement qui répond à des attentes, notamment gouvernementales.

Les réflexions de nos collègues de l’opposition sont certes utiles, mais il subsiste trop de doutes pour que nous renoncions à des précisions qui nous paraissent nécessaires. Cela alourdit peut-être un peu le texte…

M. Philippe Houillon. C’est une usine à gaz !

M. le rapporteur pour avis. Non ! Vous dites vous-même que le droit commun s’applique. En l’occurrence, nous voulons être certains qu’il n’y aura pas d’ambiguïtés quant à la faculté dont dispose le juge.

La Commission rejette l’amendement CL 55 rectifié.

Puis elle est saisie de l’amendement CL 56 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à s’assurer que le ou les tiers auxquels l’association fera appel pour l’assister lors de la phase d’indemnisation des consommateurs appartiennent à une profession judiciaire réglementée. Compte tenu de la lourdeur de cette phase et des sommes qui peuvent être engagées, il faut donner aux juges et aux consommateurs un certain nombre de garanties. Cela montre d’ailleurs, une fois de plus, que nous faisons toute confiance aux avocats !

M. Dominique Raimbourg. Le mot « judiciaire », accolé à celui de « profession », empêcherait-il l’intervention d’un expert-comptable ?

M. le rapporteur pour avis. Je n’en suis pas sûr, il faudra le vérifier.

M. Dominique Raimbourg. Indépendamment de la querelle entre avocats et experts-comptables, qui devra bien s’apaiser un jour, il ne faudrait pas empêcher le juge de pouvoir désigner des experts-comptables, dont l’intervention peut être utile dans certains dossiers très complexes du point de vue de la comptabilité.

M. Bernard Gérard. Est-il vraiment nécessaire d’ouvrir une boîte de Pandore qui ferait des remous dans tous les barreaux de France ? Le juge a toujours la possibilité de faire appel aux « sachants », y compris aux experts-comptables, dans le cadre d’une procédure.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL 21 de M. Bernard Gérard.

M. Bernard Gérard. Cet amendement vise à rappeler que le champ d’application de l’action de groupe est limité à la réparation des préjudices matériels individuels.

Tout autre préjudice – moral ou corporel, par exemple – est expressément exclu, conformément à ce qui est indiqué dans l’exposé des motifs du projet de loi et dans l’étude d’impact qui soulignent que les dommages autres que matériels relèvent d’une appréciation individuelle et non collective.

M. le rapporteur pour avis. La précision est inutile : le projet de loi ne souffre d’aucune ambiguïté sur ce point. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de précision CL 57 du rapporteur pour avis.

Elle examine ensuite l’amendement CL 22 de M. Bernard Gérard.

M. Bernard Gérard. Il convient de préciser que seuls les consommateurs ayant manifesté expressément leur volonté de rejoindre le groupe doivent être indemnisés par le professionnel.

M. le rapporteur pour avis. L’amendement est déjà satisfait : le projet de loi est suffisamment clair à cet égard. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CL 23 de M. Bernard Gérard.

M. Bernard Gérard. Le juge ne rendant qu’un seul jugement, cet amendement vise à remplacer, à l’alinéa 25, les mots : « des jugements mentionnés » par les mots : « du jugement mentionné ».

Suivant l’avis favorable du rapporteur pour avis, la Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL 24 de M. Bernard Gérard.

M. Bernard Gérard. Cet amendement vise à préciser qu’un processus de médiation, facultatif, pourra être ouvert entre les consommateurs et/ou l’association d’une part et le professionnel, d’autre part, indépendamment de toute action de groupe et à tout moment de la procédure, afin de trouver un accord amiable.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable : la référence à l’association requérante induit qu’une action de groupe a été engagée, on ne peut donc écrire « indépendamment de toute action de groupe ».

La Commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, elle rejette l’amendement CL 25 de M. Bernard Gérard.

Elle examine ensuite l’amendement CL 26 de M. Bernard Gérard.

M. Bernard Gérard. Cet amendement vise à encadrer la publicité que peut ordonner le juge sur l’accord issu de la procédure de médiation, afin que chaque consommateur membre du groupe en soit informé.

Les critères applicables à la publicité du jugement relatif à la responsabilité du professionnel doivent être également appliqués. En effet, une publicité inadaptée à la situation peut avoir des conséquences extrêmement lourdes, notamment en termes d’image, pour l’entreprise mise en cause. Il convient donc que le juge privilégie, au cas par cas, les mesures de publicité qui se révèlent les moins dommageables et les moins coûteuses pour le professionnel.

M. le rapporteur pour avis. L’amendement tend à aligner les mesures de publicité relatives à l’accord issu de la médiation sur celles du jugement en responsabilité ; or la publicité de cet accord n’a pas à être subordonnée au fait qu’il ne soit plus susceptible de voie de recours. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL 58 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. En cohérence avec la règle prévue à l’alinéa 15 pour la publicité du jugement sur la responsabilité, les mesures de publicité de l’accord issu d’une médiation ordonnées par le juge doivent être à la charge du professionnel.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CL 27 de M. Bernard Gérard.

M. Bernard Gérard. Cet amendement vise à limiter le champ de l’action de groupe au droit de la consommation.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement de précision CL 59 du rapporteur pour avis.

La Commission examine l’amendement CL 63 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. L’amendement vise à accélérer la procédure d’action de groupe en matière de concurrence.

Mme Cécile Untermaier. La disposition prévue me semble aller de soi.

M. le rapporteur pour avis. Pas pour tout le monde, apparemment. La précision me semble donc utile.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite les amendements de précision CL 60 et CL 61 du rapporteur pour avis.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1ermodifié.

Article 2

(art. L. 211-15 et L. 532-2 du code de l’organisation judiciaire)


Juridictions spécialisées et application dans le temps de l’action de groupe en matière de concurrence

Cet article prévoit de confier les actions de groupe à des juridictions spécialisées et précise l’application dans le temps de l’action de groupe en matière de concurrence.

1. Spécialisation de certains tribunaux de grande instance en matière d’actions de groupe

Le I du présent article insère au sein de la sous-section 2 (« Compétence particulière à certains tribunaux de grande instance ») de la section 1 (« Compétence matérielle ») du chapitre Ier (« Institution et compétence ») du titre Ier (« Le tribunal de grande instance ») du livre II (« Juridictions du premier degré ») du code de l’organisation judiciaire un nouvel article L. 211-15. En application de ce nouvel article, des tribunaux de grande instance spécialement désignés connaîtront des actions de groupe.

La gestion de ces nouveaux contentieux de masse exigera en effet une certaine expertise judiciaire, qui justifie de confier ces derniers à des tribunaux de grande instance spécialisés. Cette disposition déroge à la fois à la compétence d’attribution et à la compétence territoriale actuelle.

En ce qui concerne la compétence d’attribution, une partie du droit de la consommation, comme le crédit à la consommation, relève en effet de la compétence des tribunaux d’instance.

En ce qui concerne la compétence territoriale, la concentration du contentieux au sein de certains tribunaux de grande instance permettrait d’éviter son éparpillement sur l’ensemble du territoire national, qui pourrait rendre difficile la gestion de plusieurs actions de groupe connexes. Elle favorisera également le développement d’une expertise au sein des juridictions retenues. À ce stade, selon les informations transmises à votre rapporteur pour avis, ni le nombre ni le siège des tribunaux de grande instance qui seront désignés n’ont encore été déterminés.

L’une des options envisagée consisterait à s’inspirer de la solution retenue en matière de pratiques anticoncurrentielles. L’article L. 420-7 du code de commerce prévoit en effet une spécialisation des juridictions de droit commun dans ce domaine. Depuis le 1er janvier 2006, huit tribunaux de grande instance et huit tribunaux de commerce (Bordeaux, Fort-de-France, Lille, Lyon, Marseille, Nancy, Paris, Rennes) bénéficient ainsi d’une compétence exclusive en matière de pratiques anticoncurrentielles. En appel, la cour d’appel de Paris est seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues sur les litiges relatifs à l’application du droit de la concurrence (en application des articles L. 420-7, seconde phrase, et R. 420-5 du code de commerce)

Le nombre et le choix du ou des tribunaux de grande instance compétents devront également tenir compte du critère retenu pour déterminer la juridiction territorialement compétente.

Le II du présent article opère une modification de conséquence à l’article L. 532-2 du même code, relatif à l’application à Wallis-et-Futuna.

2. Application ratione temporis de l’action de groupe en matière de concurrence

Le III du présent article prévoit une règle spécifique en ce qui concerne l’application dans le temps de l’action de groupe en matière de concurrence. Ces actions ne pourront être introduites pour la réparation des préjudices causés par des manquements au droit de la concurrence ayant fait l’objet d’une décision définitive intervenue avant la date de la publication de la présente loi.

Cette disposition a pour effet d’exclure plusieurs décisions significatives, parmi lesquelles figurent notamment, s’agissant de la seule Autorité de la concurrence :

– l’affaire des calculatrices scolaires (03-D-45), devenue définitive par un arrêt de rejet de la Cour de cassation du 18 novembre 2008. Elle avait conduit à une sanction de 3 millions d’euros imposée aux deux principaux fournisseurs sur ce marché, pour entente horizontale sur les prix, ainsi qu’à trois distributeurs pour entente verticale avec leurs fournisseurs ;

– l’affaire de la téléphonie mobile (05-D-65), dans laquelle le Conseil de la concurrence a sanctionné l’entente de trois opérateurs mobiles, leur infligeant des sanctions d’un montant total de 534 millions d’euros. Cette décision est devenue définitive par un arrêt de rejet de la Cour de cassation du 30 mai 2012 ;

– l’affaire Clarins (07-D-03), relative à la parfumerie de luxe ;

– l’affaire Jeff de Bruges (07-D-04) ;

– l’affaire des jouets (07-D-50), devenue définitive par un arrêt de rejet de la Cour de cassation du 7 avril 2010.

Le IV prévoit que le III est applicable à Wallis-et-Futuna.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CL 28 de M. Bernard Gérard.

M. Bernard Gérard. Le champ de l’action de groupe devant être limité au droit de la consommation, il convient d’en exclure la concurrence.

M. le rapporteur pour avis. L’extension au champ de la concurrence est l’un des grands intérêts du texte. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL 29 de M. Bernard Gérard.

M. Bernard Gérard. Cet amendement tend à encadrer l’application des actions de groupe dans le temps en matière de consommation, afin qu’elles ne visent que les contrats et manquements à des obligations légales survenus postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi.

M. le rapporteur pour avis. L’application de la loi dans le temps est déjà suffisamment encadrée et témoigne d’une grande prudence. Aller au-delà limiterait trop la portée du texte. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, elle rejette ensuite l’amendement CL 30 de M. Bernard Gérard.

Puis elle examine l’amendement CL 62 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement pose le principe du caractère interruptif de la procédure devant l’Autorité de la concurrence française, les autorités de concurrence des États membres de l’Union européenne, la Commission européenne et les juridictions de recours afin de préserver l’intérêt à agir des victimes lésées par une pratique anticoncurrentielle et de leur permettre d’obtenir réparation de leur préjudice devant les juridictions civiles, notamment en recourant à une action de groupe.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 modifié.

*

* *

Après l’article 2

La Commission est saisie de l’amendement CL 3 de Mme Marietta Karamanli, portant article additionnel après l’article 2.

Mme Marietta Karamanli. Le Gouvernement a choisi de limiter la portée de l’action de groupe au domaine de la consommation, faisant valoir qu’il convenait de l’évaluer afin d’en étendre éventuellement la portée. Il me semble utile, dans ces conditions, de demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur l’application de la loi un an après son entrée en vigueur.

Je sais bien que de telles demandes ne sont pas toujours suivies d’effets, mais la spécificité du domaine concerné me semble justifier l’amendement. Il nous faut au demeurant réfléchir aux moyens de rendre automatique la remise de ces rapports.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je suis par principe hostile à ce genre d’amendement, pour les raisons qui viennent d’ailleurs d’être exposées. Qui plus est, la rédaction confine à l’injonction. Enfin, l’Assemblée nationale a tout à fait la possibilité de mener, dans un an, l’évaluation que vous souhaitez via le Comité d’évaluation et de contrôle, dont le rôle est précisément d’évaluer les politiques publiques sur des sujets communs à plusieurs commissions permanentes. Cette démarche prétorienne aurait beaucoup plus de portée, pour le Parlement, que l’attente d’un rapport que nul ne pensera à réclamer s’il ne vient pas.

Mme Cécile Untermaier. Cosignataire de l’amendement, je me range aux arguments du président de la Commission.

M. le rapporteur pour avis. Je souscris à l’objectif poursuivi, même s’il faudrait au moins deux ou trois ans pour évaluer le dispositif. J’émets donc un avis favorable à l’amendement, même s’il convient, à mon sens, de prendre en considération les sages observations du président Urvoas.

Mme Marietta Karamanli. J’ai exprimé les mêmes réserves que lui en présentant l’amendement. Cependant, je souhaite que nous affirmions collectivement notre souhait d’une réelle évaluation, notamment pour étudier la possibilité d’étendre l’action de groupe à d’autres domaines. Le Parlement doit également réfléchir aux moyens d’obtenir des rapports d’évaluation du Gouvernement, notamment sur ce texte, car de tels rapports peuvent lui donner un éclairage complémentaire. Le pessimisme du président Urvoas est avant tout d’ordre pragmatique, je le conçois bien, mais nous devons aussi rester volontaristes. Quoi qu’il en soit je retire l’amendement.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je m’engage pour ma part à proposer de soumettre le sujet au Comité d’évaluation et de contrôle dans deux ans. Ce serait d’ailleurs la première initiative de ce genre de notre Commission, la plupart du temps saisie sur des domaines qui relèvent de sa seule compétence ; reste que, s’agissant d’un dispositif nouveau dans notre droit, l’évaluation est effectivement nécessaire. Que cette évaluation émane du Parlement me semblerait une bonne chose.

L’amendement CL 3 est retiré.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption des articles du projet de loi sur lesquels elle était saisie, sous réserve des modifications apportées par les amendements qu’elle a adoptés.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement CL3 présenté par Mme Karamanli, M. Le Borgn', M. Dussopt, Mme Chapdelaine, Mme Untermaier, M. Le Bouillonnec, Mme Appéré, M. Goasdoue et M. Fekl

Après l'article 2, insérer l'article suivant:

« Le Gouvernement remet au Parlement, un an après l’entrée en vigueur de la loi, un rapport sur l’application des présentes dispositions en vue d’examiner l’élargissement de l’action de groupe ainsi créée. »

Amendement CL21 présenté par M. Gérard

Article premier

À l’alinéa 22, après le mot :

« préjudices »

Insérer les mots :

« matériels individuels »

Amendement CL22 présenté par M. Gérard

Article premier

À l’alinéa 25, après le mot :

« consommateurs »

Insérer les mots :

« lésés membres du groupe ».

Amendement CL23 présenté par M. Gérard

Article premier

À l’alinéa 25, remplacer les mots :

« des jugements mentionnés »

Par les mots :

« du jugement mentionné ».

Amendement CL24 présenté par M. Gérard

Article premier

À l’alinéa 28, après les mots :

« participer à une médiation »

Insérer les mots :

« , indépendamment ou avant toute procédure mais aussi à tout stade de la procédure, ».

Amendement CL25 présenté par M. Gérard

Article premier

À l’alinéa 28, après le mot :

« préjudices »

Insérer le mot :

« matériels ».

Amendement CL26 présenté par M. Gérard

Article premier

À l’alinéa 30, après les mots :

« Le juge peut prévoir »

Insérer les mots :

«, dans les conditions de l’article L. 423-3, ».

Amendement CL27 présenté par M. Gérard

Article premier

Supprimer les alinéas 31, 32, 33, 34 et 35.

Amendement CL28 présenté par M. Gérard

Article 2

Supprimer l’alinéa 4.

Amendement CL29 présenté par M. Gérard

Article 2

Après l’alinéa 4, insérer l'alinéa suivant :

« En ce qui concerne les actions visées à l’article L 423-1 alinéa a), les dispositions du chapitre III du titre II du livre IV du Code de la consommation créé par l’article 1er ne s’appliquent qu’aux contrats conclus et aux manquements à des obligations légales survenus postérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi. »

Amendement CL30 présenté par M. Gérard

Article 2

Après l’alinéa 4, insérer l'alinéa suivant :

« En ce qui concerne les actions visées à l’article L423-1 alinéa a), les dispositions du chapitre III du titre II du livre IV du Code de la consommation créé par l’article 1er ne s’appliquent qu’aux contrats conclus et aux manquements à des obligations légales survenus postérieurement au 1er janvier 2012. »

Amendement CL46 présenté par M. Denaja, rapporteur

Article premier

À l’alinéa 6, après la seconde occurrence du mot : « consommateurs », insérer les mots : « ou des nonprofessionnels ».

Amendement CL47 présenté par M. Denaja, rapporteur

Article premier

À l’alinéa 6, substituer aux mots : « d’un même professionnel à ses » les mots : « d’un ou des mêmes professionnels à leurs ».

Amendement CL48 présenté par M. Denaja, rapporteur

Article premier

À l’alinéa 6, substituer au mot : « origine » le mot : « cause ».

Amendement CL49 présenté par M. Denaja, rapporteur

Article premier

À l’alinéa 13, après le mot : « conditions », insérer les mots : « de recevabilité ».

Amendement CL50 présenté par M. Denaja, rapporteur

Article premier

Compléter l’alinéa 14 par une phrase ainsi rédigée :

« Lorsqu’une réparation en nature du préjudice lui paraît plus adaptée, le juge précise les conditions de sa mise en œuvre par le professionnel. »

Amendement CL51 présenté par M. Denaja, rapporteur

Article premier

Après l’alinéa 14, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« À cette fin, à tout moment de la procédure, le juge peut ordonner toute mesure d’instruction nécessaire à la conservation des preuves et de production de pièces, y compris celles détenues par le professionnel. »

Amendement CL52 présenté par M. Denaja, rapporteur

Article premier

Après l’alinéa 16, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La procédure à jour fixe prévue par l’article 917 du code de procédure civile s’applique au recours formé en appel contre la décision rendue au fond. »

Amendement CL53 présenté par M. Denaja, rapporteur

Article premier

À l’alinéa 17, rédiger ainsi la deuxième phrase :

« Il détermine notamment si, pour la réparation de leur préjudice, les consommateurs doivent s’adresser au professionnel directement ou par l’intermédiaire de l’association, avec l’accord de cette dernière ».

Amendement CL54 présenté par M. Denaja, rapporteur

Article premier

À l’alinéa 17, après la deuxième phrase, insérer une phrase ainsi rédigée :

« Il fixe le délai dans lequel les contestations portant sur les demandes d’indemnisation individuelle doivent lui être adressées. »

Amendement CL55 Rect. présenté par M. Denaja, rapporteur

Article premier

Après l’alinéa 18, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il peut ordonner, lorsqu’il la juge nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, la consignation à la Caisse des dépôts et consignations d’une partie des sommes dues par le professionnel. »

Amendement CL56 présenté par M. Denaja, rapporteur

Article premier

À l’alinéa 19, après les mots : « toute personne », insérer les mots : « appartenant à une profession judiciaire réglementée dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État ».

Amendement CL57 présenté par M. Denaja, rapporteur

Article premier

À l’alinéa 22, substituer aux mots : « et limites » les mots : « , limites et délais ».

Amendement CL58 présenté par M. Denaja, rapporteur

Article premier

À l’alinéa 30, après le mot : « prévoir », insérer les mots : « , à la charge du professionnel, ».

Amendement CL59 présenté par M. Denaja, rapporteur

Article premier

À l’alinéa 35, après le mot : « décision », insérer les mots : « devenue définitive ».

Amendement CL60 présenté par M. Denaja, rapporteur

Article premier

À l’alinéa 41, substituer aux mots : « son champ d’application » les mots : « le champ d’application de l’action engagée en application de l’article L. 423-1 ».

Amendement CL61 présenté par M. Denaja, rapporteur

Article premier

À l’alinéa 44, substituer aux mots : « tendant à » les mots « ayant pour objet ou pour effet d’ » et supprimer les mots : « par avance ».

Amendement CL62 présenté par M. Denaja, rapporteur

Article 2

Après le III, insérer un III bis ainsi rédigé :

« III bis. – Après le troisième alinéa de l’article L. 462-7 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La saisine de l’Autorité de la concurrence ou d’une autorité nationale de concurrence d’un autre État membre de l’Union européenne ou de la Commission européenne interrompt la prescription de l’action civile. L’interruption résultant de cette saisine produit ses effets jusqu’à la date à laquelle la décision de ces autorités ou, en cas de recours, de la juridiction compétente est définitive. »

Amendement CL63 présenté par M. Denaja, rapporteur

Article premier

Après l’alinéa 35, insérer l’alinéa suivant :

 « Le juge peut ordonner l’exécution provisoire du jugement mentionné à l'article L. 423-3 pour ce qui concerne les seules mesures de publicité, afin de permettre aux consommateurs de se déclarer dans le délai imparti. »

 

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

• Ministère de l’Économie et des finances

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

—  Mme Cécile Pendaries, sous-directrice chargée des affaires juridiques et des politiques de la concurrence et de la consommation

—  M. Philippe Guillermin, chef du bureau de la politique de protection des consommateurs et de la loyauté

• Ministère de la Justice

Direction des affaires civiles et du Sceau (DACS)

— Mme Carole Champalaune, directrice des affaires civiles et du Sceau

— M. François Ancel, sous-directeur du droit civil

— Mme Anne-Gaëlle Dumas, adjointe au chef du bureau du droit processuel et du droit social

• Associations de consommateurs

UFC-Que Choisir

—  M. Nicolas Godefroy, responsable juridique

Association Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV)

— Mme Sandrine Perrois, juriste

— M. David Rodrigues, juriste

• Organisation représentative des entreprises

MEDEF

—  M. Loïc Armand, président de la commission consommation

––  Mme Joëlle Simon, directrice des affaires juridiques

—  M. Franck Avignon, juriste chargé de mission à la direction du droit des entreprises

—  Mme Kristelle Hourques, chargée de mission senior au service des affaires publiques

• Organisations représentatives des magistrats

Syndicat de la magistrature

––  Mme Laurence Mengin, secrétaire national

–– M. Xavier Gadrat, secrétaire national

Union syndicale des magistrats (USM)

—  M. Bruno Thouzellier, président honoraire

—  Mme Virginie Duval, secrétaire générale

• Organisations représentatives des avocats

Conseil national des barreaux (CNB)

––  Me Loïc Dusseau, président de la commission Texte au sein du Conseil national des barreaux

––  Mme Florence Gsell, conseillère scientifique du président du Conseil national des barreaux

––  Mme Françoise Louis-Tréfouret, responsable des relations institutionnelles

––  M. Jacques-Édouard Briand, conseiller relations avec les pouvoirs publics

Barreau de Paris

––  Me Christiane Féral-Schuhl, bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris

––  Me Kami Haeri, secrétaire du Conseil de l’Ordre

• Personnalités qualifiées

—  M. Daniel Mainguy, professeur à l’Université de Montpellier 1

Auditions communes avec la commission des Affaires économiques

• Conseil d’analyse économique

— M. Augustin Landier, Professeur à l’Université de Toulouse I

— M. David Thesmar, professeur associé à HEC Paris

• Organisation représentative des entreprises

Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME)

— M. Jean-François Roubaud, président

— M. Jean-Eudes du Mesnil du Buisson, secrétaire général

— Mme Amélie Jugan, juriste

— Mme Sandrine Bourgogne, adjointe du secrétaire général

Personnalités qualifiées

—  Me Louis Boré, avocat au Conseil d’État à la Cour de cassation

—  Mme Muriel Chagny, professeure à l’Université de Versailles

—  Mme Catherine Prieto, professeure à l’École de droit de la Sorbonne

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