N° 1165 - Rapport de M. Philippe Baumel sur le projet de loi , adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention relative à la construction et à l'exploitation d'un laser européen à électrons libres dans le domaine des rayons X (n°676)




N
° 1165 et N° 1166

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 juin 2013.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR :

– LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification de la convention relative à la construction et à l’exploitation d’un laser européen à électrons libres dans le domaine des rayons X,

et

– LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l’approbation de la convention relative à la construction et à l’exploitation d’une infrastructure pour la recherche sur les antiprotons et les ions en Europe,

PAR M. Philippe BAUMEL

Député

——

ET

ANNEXE : TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir les numéros :

Sénat : 527, 606 (2011-2012), 302, 303, 306, 307 et T.A. 85, 86 (2012-2013).

Assemblée nationale : 676 et 677.

SOMMAIRE

___

Pages

I. DEUX CONVENTIONS QUI PERMETTRONT À LA COMMUNAUTÉ SCIENTIFIQUE FRANÇAISE D’ACCÉDER À DES INFRASTRUCTURES DE POINTE 7

A. DES OUTILS PARTICULIÈREMENT PERFORMANTS POUR LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE 7

1. Une infrastructure de recherche sur les antiprotons et les ions 7

2. Un laser européen à électrons libres dans le domaine des rayons X 9

B. DES PERSPECTIVES MULTIPLES D’APPLICATION DES RECHERCHES 11

1. Le projet FAIR 11

2. Le projet XFEL européen 12

II. DES CONDITIONS DE CONSTRUCTION ET D’EXPLOITATION TRÈS SIMILAIRES 13

A. LES STATUTS 13

1. Les sociétés FAIR et XFEL 13

2. Les personnels 15

B. UNE CHARGE FINANCIÈRE ENCADRÉE ET LIMITÉE POUR LA FRANCE 16

1. La construction des infrastructures 16

2. Les coûts d’exploitation 17

CONCLUSION 19

EXAMEN EN COMMISSION 21

ANNEXE - Dates de signature et d’acquisition des actions 23

_____

ANNEXE – TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 25

INTRODUCTION

La convention relative à la construction et à l’exploitation d’un laser européen à électrons libres dans le domaine des rayons X, signée à Hambourg le 30 novembre 2009, et celle relative à la construction et à l’exploitation d’une infrastructure pour la recherche sur les antiprotons et les ions en Europe, signée à Wiesbaden le 4 octobre 2010, ont été négociées en parallèle.

Elles concernent toutes les deux de grandes infrastructures de recherche scientifique qui seront construites sur le territoire allemand, l’une à Hambourg et dans le Land voisin du Schleswig-Holstein, l’autre à Darmstadt, dans le Land de Hesse, et qui seront mises en commun par plusieurs Etats, européens pour la plupart, dont la France (1).

Leur architecture juridique est également très similaire : les deux conventions fixent le cadre général dans lequel la construction et l’exploitation des infrastructures auront lieu, en renvoyant à une longue annexe les statuts des sociétés de droit allemand chargées de les gérer. Les deux conventions se réfèrent également à des documents techniques (2) relatifs à la description des infrastructures, aux dépenses encourues, aux plans des sites et aux règles applicables pour les contributions en nature.

Pour ces différentes raisons, il a paru logique et utile à votre Rapporteur de présenter ensemble ces deux conventions, qui appellent les mêmes conclusions favorables au regard de leur intérêt en matière de recherche et d’innovation.

L’installation portera des faisceaux de particules à des vitesses proches de celle de la lumière pour les faire entrer en collision avec des cibles et étudier des particules générées à cette occasion. Des spectromètres séparateurs permettront de séparer ces particules selon leur type et leurs propriétés (charge, masse ou vitesse) et de les analyser.

Le cœur de l’installation FAIR (« Facility for Antiproton and Ion Research ») est constitué des synchrotrons SIS100/300 d’une circonférence de 1 110 mètres où seront injectés des faisceaux d’ions légers et lourds produits par des accélérateurs (Unilac et SIS18) existant déjà sur le site, après la réalisation d’un programme destiné à produire de hautes intensités. Un nouvel accélérateur linéaire sera construit pour la production d’antiprotons.

Le diagramme suivant présente les installations prévues pour FAIR. La partie gauche non grisée correspond aux installations existantes de GSI, le centre allemand de recherche sur les ions lourds de Darmstadt.

Un « scénario de lancement », limité à quatre modules, doit être réalisé dans un premier temps. Il s’agit des installations pour la production de faisceaux antiprotons de haute énergie, de l’accélérateur SIS100, du séparateur de fragments « Super FRS » et de plusieurs aires expérimentales.

Une seconde phase de construction, pour laquelle la convention ne prévoit pas d’engagements financiers et qui reste donc à négocier, devrait ensuite avoir lieu. Elle permettra notamment de disposer d’un nouvel accélérateur (SIS300) et d’un nouvel anneau de stockage. Les deux synchrotrons SIS100 et SIS300 seront construits l’un au-dessus de l’autre dans un tunnel souterrain à 17 mètres de profondeur.

Le caractère prioritaire de l’installation FAIR pour la recherche européenne a été consacré dès 2006 par son inscription sur la première « feuille de route » du Forum stratégique européen pour les infrastructures de recherche (ESFRI) (3). Elle servira quatre communautés scientifiques majeures, groupées au sein des collaborations suivantes :

- APPA (physique atomique et des plasmas, sciences appliquées en biologie, médecine et sciences des matériaux) ;

- CBM (physique des hadrons et des quarks dans la matière nucléaire comprimée, hypernoyaux) ;

- NUSTAR (structure nucléaire, réactions nucléaires, astrophysique nucléaire et faisceaux d’ions radioactifs) ;

- PANDA (structure et spectroscopie des hadrons, physique des quarks « charme », et « étrange », étude des hypernoyaux avec les faisceaux d’antiprotons).

La construction de FAIR s’inscrit dans un panorama déjà riche en ce qui concerne les faisceaux d’ions radioactifs. D’autres installations existent déjà ou sont en cours de construction, telles que GANIL-SPIRAL2 en France, RIKEN au Japon, FRIB-MSU aux Etats-Unis, ISOLDE au CERN, DRIBS en Russie ou encore RIBBL en Chine. D’autres sont en projet : BRIF et CARIF en Chine, RISP en Corée du Sud et ANURIB en Inde.

Il a été indiqué à votre Rapporteur que l’installation FAIR s’en distingue par son champ très large de thématiques scientifiques. Les installations existantes ou en construction précédemment citées sont essentiellement centrées sur l’étude de la structure nucléaire et l’astrophysique nucléaire, et servent donc la collaboration NUSTAR. Selon les informations transmises à votre Rapporteur, seul GANIL concernerait aussi la physique atomique, les sciences des matériaux et la biologie.

Pour les thématiques communes à ces installations et à FAIR, c’est-à-dire principalement la physique des noyaux « exotiques », n’existant pas dans la nature en raison de leur durée de vie très courte, on distingue généralement les installations produisant les noyaux « exotiques » « en vol », c’est-à-dire à haute énergie (FAIR, RIKEN, RIBBL), et celles les produisant à l’arrêt et les ré-accélérant à relativement base énergie (GANIL-SPIRAL2, ISOLDE), le projet FRIB-MSU combinant ces deux méthodes. Dans ce panorama, FAIR se distingue par des énergies supérieures aux installations du même type, et vise des intensités élevées par rapport aux autres installations « en vol ».

Au plan européen, l’installation FAIR, à haute énergie, devrait être parfaitement complémentaire du projet SPIRAL2, à basse énergie, qui est en construction au GANIL à Caen. Ces deux types de machines permettront d’utiliser des méthodes expérimentales différentes pour mieux comprendre la structure du noyau atomique et l’interaction nucléaire.

Les installations du XFEL européen (« X-Ray Free-Electron Laser »), construit à Hambourg et à proximité, seront principalement constituées d’un accélérateur linéaire supraconducteur (4) d’une longueur totale de 2,1 kilomètres, qui portera des électrons jusqu’à une vitesse proche de celle de la lumière, et d’une succession d’aimants permanents (les « lignes onduleurs »).

Les électrons y perdront de l’énergie sous forme de lumière, et l’interaction ultérieure entre les électrons et ces « paquets » de lumière conduira à amplifier ces derniers, jusqu’à l’obtention de l’effet laser. Le rayonnement sortira de la machine par des « lignes de lumière » – des tubes contenant des miroirs qui conduiront le faisceau cohérent jusqu’aux échantillons à étudier.

Les installations, d’une longueur de 3,4 kilomètres, s’étendront du centre de rayonnement synchrotron de DESY (Deutsches Elektronen-Synchrotron), à Hambourg, qui abritera le grand complexe injecteur, jusqu’aux salles d’expériences construites dans le Land voisin du Schleswig-Holstein.

Comme pour l’installation FAIR, les Parties contractantes sont convenues que la construction serait réalisée par étapes, avec des engagements financiers initiaux ne couvrant que les coûts de la première phase. L’installation pourra commencer à fonctionner avec des configurations allégées : trois lignes de faisceaux de photons au lieu de cinq et six stations expérimentales au lieu de dix.

L’installation est conçue pour offrir des performances supérieures aux deux autres lasers à électrons libres comparables – le LINAC du laboratoire national des accélérateurs de Stanford (Californie) et la source japonaise XFEL-SCSS. La qualité des rayons X devrait être sans précédent par sa cohérence proche de 100 %, ce terme désignant l’émission et la propagation des photons de façon ordonnée les uns par rapport aux autres, par sa brillance spectrale et par sa résolution temporelle.

Le XFEL européen fournira des impulsions de rayons X ayant une brillance spectrale moyenne 1 000 fois supérieure à celle de la source américaine homologue LCLS de Stanford. Elle sera de 1.6·1025 Phot /sec /mm2xmrad2 /0.1% BW. La « brillance » est une grandeur qui exprime la capacité à pouvoir conférer à un volume donné (l’échantillon), dans un temps imparti (la durée du « flash » de lumière), la plus grande quantité d’énergie. La lumière pouvant avoir différentes « couleurs », ou « longueurs d’onde », on introduit la notion d’intervalle spectral (BW) pour permettre la comparaison.

Les « flashs » de lumière seront disponibles en mode « rafale » – jusqu’à 27 000 « flashs » par seconde – et auront une durée inférieure à 100 millionièmes de milliardièmes de seconde (100 femtosecondes), ce qui permettra de suivre des réactions chimiques complexes ou des changements de conformation. Le fait d’avoir des impulsions de courte durée, avec des taux de répétition courts et réguliers, permettra en quelque sorte de photographier image par image le déroulement de processus ultrarapides dans les réactions chimiques ou des phénomènes biologiques impossibles à suivre jusqu’à présent.

 

Linac Coherent Light Source (LCLS)

SACLA (SPring-8 Angstrom Compact Free Electron Laser)

European XFEL

Pays

Etats-Unis

Japon

Allemagne

Date de démarrage

2009

2011

2015

Nombre de flashs par seconde

120

60

27 000

Longueur d’onde minimale

0,15 nanomètre

0,08 nanomètre

0,05 nanomètre

Energie maximale

14,3 GeV

6-8 GeV

17,5 GeV

Longueur totale de l’installation

3 km

750 mètres

3,4 km

Nombre d’onduleurs

1

3

5

Nombre de stations expérimentales

3-5

4

6-10

Brillance spectrale moyenne

2.4·1022

1.5·1023

1.6·1025

Cette nouvelle installation devrait bénéficier à de nombreux domaines scientifiques. En biologie, médecine et pharmacie, le XFEL européen permettra d’analyser la structure de beaucoup plus de biomolécules et d’entités biologiques qu’aujourd’hui, notamment certains virus. On pourra également étudier leur comportement temporel. Dans le domaine de l’astrophysique, les scientifiques pourront étudier la matière dans des conditions extrêmes. Les « flashs » X produits seront si intenses qu’ils pourront servir à créer des pressions et des températures semblables à celles que l’on trouve à l’intérieur des planètes.

A ce stade, selon les réponses apportées aux questions de votre Rapporteur, plusieurs types d’applications sont déjà envisageables.

Les ions produits par l’installation pourraient notamment être utilisés comme « sondes » implantées profondément dans des échantillons à analyser, afin d’étudier les processus et les propriétés des matériaux. L’effet « sonde » provient du rayonnement qui peut être « photographié » par des détecteurs autour de l’échantillon. On pourrait en particulier envisager d’implanter des sondes dans des cellules sous haute pression afin d’étudier les propriétés des matériaux dans des conditions extrêmes.

On pourrait aussi utiliser FAIR pour étudier les conséquences du rayonnement cosmique auquel les satellites et les vaisseaux spatiaux sont exposés au cours de leurs missions. Il peut en résulter un brouillage de l’information ou des dommages permanents dans les puces électroniques. FAIR devrait permettre de simuler ce rayonnement cosmique.

De même, des avancées pourraient avoir lieu pour l’évaluation des risques radio-biologiques dans le cadre de missions spatiales habitées. Les astronautes sont eux aussi soumis à des niveaux élevés de rayonnement, a fortiori lors d’éventuels vols de longue durée à destination de Mars. Jusqu’à présent, les conséquences du rayonnement cosmique sur l’organisme sont très peu connues.

Les caractéristiques uniques du futur XFEL européen devraient permettre de mieux comprendre les propriétés des matériaux et d’en créer de nouveaux, avec des propriétés optimisées. En électronique, par exemple, la fabrication de puces plus rapides et de disques durs offrant plus de mémoire nécessite une compréhension toujours meilleure des propriétés des matériaux ainsi que leur optimisation. Dans le domaine des nanotechnologies, où les structures que l’on peut fabriquer artificiellement sont de plus en plus petites, le XFEL européen permettra d’explorer la structure spatiale des nanostructures et d’étudier leur comportement temporel.

Dans le domaine de la chimie, les possibilités offertes par l’installation pourraient permettre de suivre des réactions extrêmement rapides et de mieux comprendre les réactions de catalyse, ce qui ouvre des perspectives pour l’élaboration de nouveaux médicaments et pour la production d’énergie – meilleure compréhension de la photosynthèse ou encore création et étude de plasmas.

L’article 1er de chaque convention confie la construction et l’exploitation des infrastructures à une société à responsabilité limitée à but non lucratif de droit allemand : la société « Facility for Antiproton and Ion Research in Europe GmbH » (FAIR GmbH) pour la convention relative à la construction et à l’exploitation d’une infrastructure pour la recherche sur les antiprotons et les ions en Europe, et la société « European X-Ray Free-Electron Laser Facility GmbH » (European XFEL GmbH) pour la convention relative à la construction et à l’exploitation d’un laser européen à électrons libres dans le domaine des rayons X.

Les associés de ces deux sociétés sont des entités liées à la puissance publique. Pour la France, il s’agit du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Les tableaux ci-dessous présentent les actionnaires des deux sociétés.

 

Actionnaire

Allemagne

GSI

Finlande

Conseil suédois de la recherche (5)

France

CEA-CNRS

Inde

Institut Bose de Calcutta

Pologne

Université de Cracovie

Roumanie

Centre national de la recherche scientifique

Russie

ROSATOM

Slovénie

Ministère de l'éducation, de la science, de la culture et du sport

Suède

Conseil suédois de la recherche (1)

Associés de la société FAIR GmbH

 

Actionnaire

Allemagne

DESY

Danemark

Agence danoise de la science, de la technologie et de l'innovation

Espagne

non désigné

France

CEA & CNRS

Grèce

observateur sans droit de vote

Hongrie

Office national pour la recherche et la technologie

Italie

non désigné

Pologne

Centre national de recherche nucléaire

Russie

RUSNANO

Slovaquie

Gouvernement

Suède

Conseil suédois de la recherche

Suisse

Confédération

Associés de la société European XFEL GmbH

Les deux conventions demandent la conclusion d’accords à long terme entre les sociétés FAIR GmbH et GSI, ainsi qu’entre les sociétés European XFEL GmbH et DESY, pour la construction, la mise en service et l’exploitation des installations. Elles seront ainsi, pour le compte et sous la direction de FAIR GmbH et de European XFEL GmbH, responsables des appels d’offres de génie civil et de la construction des accélérateurs, et elles contribueront par leurs services administratifs à la gestion des infrastructures. Ces collaborations tendent à mobiliser des compétences acquises dans la construction d’accélérateurs de particules.

GSI, qui est le plus grand centre de recherche allemand dans le domaine de la physique nucléaire, est une société à responsabilité limitée à but non lucratif de droit allemand, dont les actionnaires sont l’Etat fédéral (pour 90 %), et les Länder de Hesse (8 %), Rhénanie-Palatinat (1 %) et Thuringe (1 %). Quant à DESY, qui a le même statut juridique, elle a pour actionnaire l’Etat fédéral pour 90 %, et les Länder de Berlin et du Brandebourg pour 10 %. Cette société a pour mission de développer, construire et exploiter des accélérateurs de particules, de conduire des recherches en physique des particules et en physique des hautes énergies, ainsi que des recherches utilisant des photons.

L’étude d’impact précise que les personnels de FAIR et de XFEL, sociétés de droit local, sont régis par le droit allemand, en particulier les conventions collectives applicables aux personnels de la recherche publique.

De nombreuses règles applicables aux agents publics allemands sont comparables aux dispositions françaises, notamment en matière de droits et d’obligations. Mais, contrairement aux personnels français employés dans les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST), ces agents sont des contractuels. Ils sont recrutés par leur employeur, sans concours national, pour occuper un poste déterminé avec une rémunération fixée en conséquence.

Pour FAIR comme pour XFEL, la sélection se fait par appel à candidatures international. A l’issue d’une sélection préliminaire, les candidats sont auditionnés. Un choix final est ensuite fait sur cette base avant la signature du contrat.

Il a été indiqué à votre Rapporteur que les rémunérations versées sont, à fonctions égales, du même ordre de grandeur que dans les EPST français. Contrairement à celles des fonctionnaires internationaux, ces rémunérations ne sont pas exonérées d’impôts. En revanche, les personnels non allemands percevront une indemnité internationale, liée à leur expatriation.

Les deux conventions comportent des dispositions classiques facilitant la circulation des personnes et la scolarisation des enfants du personnel employé par les sociétés et détaché ou actif auprès d’elles. Mais il n’existe aucun cahier des charges général. La partie allemande doit faire son possible pour mettre en œuvre, au cas par cas, ces stipulations de manière satisfaisante pour les parties contractantes.

A terme, environ 300 personnes devraient être employées sur place dans chacune des installations. Il faut distinguer les personnels – notamment ingénieurs et techniciens – travaillant à plein temps dans l’installation pour assurer son exploitation et son fonctionnement, et les équipes de recherche. Une partie des chercheurs travaillera à temps plein sur place, mais la majorité des utilisateurs scientifiques ne viendront que le temps de préparer et de réaliser leurs expériences. Ils devraient être environ 4 000 pour XFEL et 1 500 pour FAIR. Ces chiffres devront cependant être consolidés une fois que l’exploitation aura commencé.

Dans les installations scientifiques de ce type, les propositions d’expériences sont étudiées par un comité scientifique composé d’experts de différents domaines et de différentes nationalités. Les critères sont principalement liés à l’excellence scientifique : la solidité de l’équipe, les publications, mais aussi l’intérêt pour la collectivité et l’adéquation avec l’instrument demandé pour l’expérience.

FAIR accueille aujourd’hui 61 personnes : 32 recrutées et employées par la société, 18 détachées auprès d’elle par d’autres institutions, et 11 consultants. Les personnels allemands sont au nombre de 57. Parmi les autres nationalités, il y a notamment deux Russes, dont le directeur scientifique de la société. Celle-ci, nouvellement créée, n’en est qu’au début de ses recrutements.

Le nombre de personnels de XFEL est déjà plus élevé : 78 chercheurs, 43 ingénieurs, 14 techniciens et 36 personnels administratifs, soit 171 personnes. Toutes sont contractuelles, sauf 59 personnels détachés et 5 étudiants. La répartition par nationalité est la suivante : 93 Allemands, 12 Russes, 12 Italiens, 9 Chinois, 6 Polonais, 4 Français, 4 Britanniques, 4 Américains et des ressortissants d’autres pays représentés par seulement une ou deux personnes.

Les engagements chiffrés inscrits dans la convention XFEL, à l’alinéa 3 de l’article 5, correspondent au financement d’un « scénario pour la mise en service rapide de l’installation ». Sa réalisation débouchera certes sur une installation fonctionnelle, mais la convention fait référence à la nécessité de mobiliser ultérieurement des financements supplémentaires pour réaliser une seconde et dernière étape (4e alinéa de l’article 5).

Le coût total est plafonné à 1 082 millions d’euros valeur 2005 (alinéa 5 de l’article 4), y compris les dépenses encourues pendant la phase de préparation, avant la signature de la convention – il s’agit essentiellement des études préalables. Les coûts de construction ne pourront être modifiés que par le Conseil – assemblée des associés – statuant à l’unanimité.

La logique est semblable pour la construction de FAIR. Un « scénario modulaire de lancement » permet de commencer la construction de l’installation en limitant le coût de la première phase aux engagements de financement disponibles.

S’agissant de la France, les engagements de participation aux coûts de construction sont limités à 36 millions d’euros pour XFEL et à 27 millions d’euros pour FAIR. Il est précisé dans chacune des études d’impact que cette participation se fera à parts égales par le CNRS et le CEA, sous la forme de contributions en nature.

Les opérations concernées (6) comportent une forte valeur innovante. Elles impliquent un effort de recherche et développement à la limite des possibilités actuelles. Ces contributions en nature devraient mobiliser les ingénieurs et les techniciens du CNRS et du CEA, mais aussi se traduire par des contrats pour des entreprises françaises : des industriels tels que Thalès, Alstom, Sigmaphi et différentes entreprises de sous-traitance mécanique participeront à la fourniture de ces contributions.

Par ailleurs, les engagements financiers doivent être comparés à ceux de l’Allemagne, qui met en outre à la disposition des sociétés, gratuitement et prêts à la construction, les sites concernés : 580 000 0000 euros pour XFEL et 705 000 000 euros pour FAIR. Les engagements de la Russie sont respectivement de 250 000 000 euros et de 178 050 000 euros.

En ce qui concerne XFEL, la mise en service de l’installation est prévue pour mars 2016. En 2017, la totalité de l’installation devrait être disponible pour tous ses utilisateurs. S’agissant de FAIR, l’installation pourrait être mise en service à la fin de l’année 2016, et mise à la disposition des utilisateurs en 2018.

Les deux conventions autorisent leur application provisoire. Pour chacune des infrastructures, les travaux de génie civil ont donc commencé. Pour XFEL, la partie la plus spectaculaire des travaux est le creusement du tunnel, qui est achevé. En ce qui concerne FAIR, la pose des pilotis a été lancée en mars et l’appel d’offres pour la construction des différents bâtiments devrait être publié à la fin de l’année.

La France, pour sa part, a fait savoir par une déclaration annexée à chaque convention qu’elle ne pourrait pas procéder à son application provisoire en raison des contraintes résultant de l’article 53 de la Constitution, comme l’a fait aussi la Slovénie pour la convention FAIR. Il a été indiqué à votre Rapporteur que la France et la Slovénie étaient invitées aux réunions des sociétés, que leurs avis étaient demandés sur chaque point de l’ordre du jour, mais qu’elles ne participaient pas formellement aux votes.

Selon les études d’impact, les coûts d’exploitation annuels sont estimés à 120 millions d’euros en valeur 2005 (7) pour l’installation FAIR et à 64 millions d’euros en valeur 2005 pour l’installation XFEL lors du démarrage puis à 83,6 millions d’euros en plein régime. Il a été indiqué à votre Rapporteur que les derniers réexamens périodiques des budgets conduisaient à des résultats proches.

Leur répartition entre les associés doit être approuvée à l’unanimité par le Conseil de chaque société au plus tard trois ans après le début de la phase de construction. Il est stipulé qu’il ne doit pas y avoir de déséquilibre entre l’utilisation des installations et le financement des coûts d’exploitation. L’accès des associés ne sera pas contingenté en fonction des financements versés, mais soumis, comme il est d’usage, à une évaluation scientifique par les pairs. Ce sont les financements qui seront, si nécessaire, ajustés en fonction de l’utilisation constatée.

Les principes adoptés par le Conseil de XFEL sont les suivants : pour les trois premières années d’exploitation, un partage au prorata de la contribution aux coûts de construction ; ensuite, un partage au prorata de la moyenne de l’utilisation effective constatée les trois années précédentes. S’agissant de FAIR, un groupe de travail international a été constitué sur ce sujet.

Pour ce qui la concerne, la France a précisé dans des déclarations annexées aux conventions que sa participation aux coûts annuels d’exploitation n’excèderait pas 2 %. En l’état, la contribution française aux coûts de fonctionnement serait donc limitée à 1,68 million d’euros par an en valeur 2005 pour XFEL et à 2,4 millions d’euros en valeur 2005 pour FAIR.

Selon les réponses apportées aux questions de votre Rapporteur, ce taux de 2 % correspond approximativement à ce que l’on peut augurer de l’utilisation potentielle des installations par la France. Il est par ailleurs précisé dans l’étude d’impact que la France était prête à revoir ce pourcentage si l’utilisation par la communauté scientifique française apparaissait à l’expérience durablement et notablement supérieure.

La convention relative à la construction et à l’exploitation d’un laser européen à électrons libres dans le domaine des rayons X et celle relative à la construction et à l’exploitation d’une infrastructure pour la recherche sur les antiprotons et les ions en Europe permettront à la communauté scientifique d’accéder à des outils uniques à ce jour.

Le caractère prioritaire pour la recherche européenne de leur construction a d’ailleurs été reconnu dès 2006 par leur inscription sur la première « feuille de route » du Forum stratégique européen pour les infrastructures de recherche (ESFRI).

Il devrait en résulter d’importants bénéfices tant en matière de recherche fondamentale que d’innovation dans des domaines déjà en partie identifiés, avec un impact maîtrisé et limité sur les finances publiques françaises.

Pour toutes ces raisons, votre Rapporteur recommande l’adoption de ces deux projets de loi, la construction des infrastructures concernées ayant d’ailleurs débuté à titre provisoire sans attendre que les conventions soient ratifiées ou approuvées par la France.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine, sur le rapport de M. Philippe Baumel, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention relative à la construction et à l'exploitation d'un laser européen à électrons libres dans le domaine des rayons X (n° 676), et le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention relative à la construction et à l'exploitation d'une infrastructure pour la recherche sur les antiprotons et les ions en Europe (n° 677).

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

M. Jean-Claude Guibal. Tout d’abord, pourquoi créer ce laser dès lors qu’il y en a déjà deux autres dans le monde ? Est-ce que leur accès est réservé ? Leurs capacités de traitement sont-elles insuffisantes ? Ou bien est-ce en raison de considérations stratégiques ?

Ensuite, quelles sont les relations entre les associés de la société et les pays financeurs ? Je comprends qu’il y a des financements publics et des associés ayant une personnalité morale de droit privé.

Enfin, pourquoi la France est-elle sensiblement moins intéressée que d’autres pays ? Le fait de ne contribuer qu’à hauteur de 2 % aux frais de fonctionnement me paraît témoigner d’un intérêt tout de même limité.

M. Philippe Baumel, rapporteur. La raison n’est pas seulement que les autres centres sont situés sur d’autres continents. Nous avons surtout besoin de ces outils pour aller plus loin en matière de recherche. Un certain nombre de pays européens, y compris la Russie, qui est l’un des plus grands contributeurs, ont une volonté commune d’avoir des outils exceptionnels à leur disposition pour nourrir leur avancée en matière de technologie et de recherche, notamment dans le domaine médical.

S’agissant des associés, il s’agit du CEA et du CNRS pour la France, en raison de leur expertise dans les domaines concernés, notamment celle de leurs chercheurs qui participeront au dispositif. Le financement des infrastructures de recherche aura effectivement lieu sur fonds publics, mais je vois mal en quoi cela pourrait constituer une difficulté. Les deux conventions comportent d’ailleurs des mécanismes d’encadrement afin d’éviter toute dérive financière.

Le niveau de la contribution française reste significatif. Le plafonnement de notre participation aux frais de fonctionnement correspond à une évaluation de l’utilisation qui pourrait être faite des installations par la communauté scientifique française. Une révision est envisageable, voire probable, compte tenu de l’intérêt manifesté par nos chercheurs.

M. Jacques Cresta. J’ai une interrogation sur le statut des chercheurs du CNRS et du CEA qui rejoindront des salariés de ces entreprises de droit allemand. Quelle sera leur situation professionnelle ?

M. Philippe Baumel, rapporteur. Il y aura plusieurs situations. Certains seront directement engagés par les sociétés dans le cadre de contrats de droit allemand ; d’autres seront missionnés auprès d’elles et resteront couverts par le droit français.

M. Jacques Myard. Je suis un peu étonné que l’on ait choisi un véhicule de droit international pour la coopération et un autre placé sous l’empire du droit allemand pour la mise en œuvre. Cette solution, qui n’est guère courante, peut conduire à quelques difficultés d’application. J’ai déjà eu l’occasion de dénoncer une telle pratique à propos d’une coopération franco-indienne. Pourquoi ne pas avoir retenu la même solution que pour le CERN ? Il s’agit d’investissements lourds.

M. Philippe Baumel, rapporteur. Je crois surtout qu’on a voulu faire simple, afin d’avancer rapidement. Il y a des cas comparables, notamment celui du synchrotron de Grenoble qui fonctionne particulièrement bien et accueille de nombreux chercheurs. Je ne vois pas pourquoi il faudrait s’attendre à des difficultés particulières avec l’Allemagne. Vous aurez d’ailleurs remarqué la présence dans les conventions d’un mécanisme de concertation fine, en particulier pour les financements.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification les projets de loi (n°s 676 et 677).

ANNEXE

Dates de signature et d’acquisition des actions

1. Pour la convention FAIR :

 

Date de signature

Date d'acquisition des actions

Allemagne

4 octobre 2010

4 octobre 2010

Finlande

4 octobre 2010

4 octobre 2010

France

4 octobre 2010

En attente de ratification

Inde

4 octobre 2010

4 octobre 2010

Pologne

4 octobre 2010

15 mars 2013

Roumanie

4 octobre 2010

4 octobre 2010

Russie

4 octobre 2010

4 octobre 2010

Slovénie

4 octobre 2010

8 novembre 2012

Suède

4 octobre 2010

4 octobre 2010

2. Pour la convention XFEL :

 

Date de signature

Date d'acquisition des actions

Allemagne

30 novembre 2009

8 octobre 2009

Danemark

30 novembre 2009

30 novembre 2009

Espagne

6 octobre 2011

 

France

4 février 2010

En attente de ratification

Grèce

30 novembre 2009

Sans objet

Hongrie

30 novembre 2009

10 mai 2010

Italie

30 novembre 2009

 

Pologne

30 novembre 2009

2 septembre 2010

Russie

30 novembre 2009

30 novembre 2009

Slovaquie

30 novembre 2009

30 novembre 2009

Suède

30 novembre 2009

30 novembre 2009

Suisse

30 novembre 2009

30 novembre 2009

ANNEXE

TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification de la convention relative à la construction et à l’exploitation d’un laser européen à électrons libres dans le domaine des rayons X (ensemble une annexe), signée à Hambourg, le 30 novembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de la convention relative à la construction et à l’exploitation d’une infrastructure pour la recherche sur les antiprotons et les ions en Europe (ensemble une annexe), signée à Wiesbaden, le 4 octobre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

_________________

NB : Le texte des conventions figure respectivement en annexe aux projets de loi (n676 et n° 677).

© Assemblée nationale