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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2013
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2014 (n° 1395)
TOME II
EXAMEN DE LA PREMIÈRE PARTIE CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER |
Volume 1 |
Examen des articles |
EXAMEN DES ARTICLES 7
Article liminaire : Prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques de l’année 2014, de l’exécution 2012 et de la prévision d’exécution 2013 11
PREMIÈRE PARTIE : CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER 15
TITRE PREMIER : DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES 15
Article premier : Autorisation de percevoir les impôts existants 15
B. Mesures fiscales 20
Article 2 : Indexation du barème de l’impôt sur le revenu de l’année 2014 et revalorisation exceptionnelle de la décote 20
Après l’article 2 44
Article 3 : Abaissement du plafond de l’avantage procuré par le quotient familial 51
Article 4 : Suppression de la réduction d’impôt pour frais de scolarité 76
Article 5 : Suppression de l’exonération fiscale de la participation de l’employeur aux contrats collectifs de complémentaire santé 87
Article 6 : Suppression de l’exonération d’impôt sur le revenu des majorations de retraite ou de pension pour charges de famille 101
Après l’article 6 122
Avant l’article 7 141
Article additionnel avant l’article 7 : Maintien à 5,5 % du taux réduit de TVA 142
Article 7 : Baisse du taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux entrées dans les salles de cinéma 150
Après l’article 7 159
Article additionnel après l’article 7 : Taux réduit de TVA applicable aux travaux d’amélioration de la qualité énergétique des logements 166
Article additionnel après l’article 7 : Passage au taux normal de TVA des engrais autres que ceux utilisables dans l’agriculture biologique 169
Article 8 : Aménagement des droits de mutation par décès en cas de défaut de titre de propriété immobilière 175
Après l’article 8 187
Article additionnel après l’article 8 : Élargissement du périmètre des revenus pris en compte pour calculer le plafond de l’ISF 190
Article 9 : Taxe exceptionnelle de solidarité sur les hautes rémunérations versées par les entreprises 194
Article 10 : Instauration d’une contribution sur l’excédent brut d’exploitation pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros 218
Article 11 : Réforme du régime d’imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux des particuliers 239
Article additionnel après l’article 11 : Relèvement de la taxe sur les objets précieux 277
Article additionnel après l’article 11 : Allongement du délai pour le dégrèvement ou la restitution en matière d’exit tax 277
Article additionnel après l’article 11 : Élargissement de l’assiette de l’exit tax 278
Article 12 : Amortissements accélérés des robots acquis par des PME 279
Article 13 : Réforme du régime de défiscalisation des investissements productifs et des logements sociaux outre-mer 282
Article 14 : Lutte contre l’optimisation fiscale au titre des produits hybrides et de l’endettement artificiel 343
Article 15 : Mesures de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales : prix de transfert 352
Après l’article 15 366
Article 16: Instauration de l’autoliquidation de la TVA dans le secteur du bâtiment et création d’un mécanisme de réaction rapide en cas de risque de fraude 381
Article 17 : Suppression de dépenses fiscales inefficientes ou inutiles 387
Article 18 : Réforme du régime d’imposition des plus-values immobilières 414
Article 19 : Abaissement du taux de TVA applicable à la construction et à la rénovation de logements sociaux 436
Après l’article 19 451
Article additionnel avant l’article 20 : Ajout d’une composante « polluants » atmosphériques à la taxe sur les véhicules de société 452
Article additionnel avant l’article 20 : Alignement sur le régime du malus des abattements applicables aux véhicules peu polluants en matière de taxe additionnelle sur les cartes d’immatriculation 452
Article 20 : Aménagement des taxes intérieures de consommation sur les produits énergétiques 453
Après l’article 20 487
Article 21 : Introduction de nouvelles substances donnant lieu à assujettissement à la TGAP air 488
Article 22 : Suppression progressive de la défiscalisation des biocarburants et modification du régime de TGAP biocarburants 494
Après l’article 22 507
Article 23 : Relèvement du taux de la taxe de risque systémique 509
Article additionnel après l’article 23 : Élargissement de la taxe sur les transactions financières aux opérations dénouées durant la même journée (intraday) 515
Article 24 : Fixation pour 2014 de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et des allocations compensatrices d’exonérations d’impôts directs locaux (IDL) 518
Après l’article 24 : Prise en compte de la modification du taux normal de TVA dans le taux de remboursement forfaitaire du FCTVA 537
Article 25 : Affectation de nouvelles ressources dynamiques aux régions en substitution de la dotation générale de décentralisation liée à la formation professionnelle 541
Article 26 : Mise en œuvre du Pacte de confiance et de responsabilité entre l’État et les collectivités territoriales pour les départements et renforcement de la péréquation 553
Article 27 : Compensation des transferts de compétences aux régions par attribution d’une part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TICPE) 558
Article 28 : Modification des droits à compensation des départements, dont Mayotte, au titre des transferts de compétences 567
Article 29 : Dotation de compensation liée au processus de départementalisation de Mayotte 590
Article 30 : Évaluation des prélèvements opérés sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales 597
B.– Impositions et autres ressources à des tiers 604
Article 31 : Fixation des plafonds 2014 des taxes affectées aux opérateurs et à divers organismes chargés de missions de service public 604
Article 32 : Prélèvement sur le fonds de roulement des agences de l’eau 620
Article additionnel après l’article 33 : Prélèvement sur le fonds de roulement de la Caisse de garantie du logement locatif social 636
Article additionnel après l’article 33 : Prélèvement sur le fonds de roulement de l’Institut national de la propriété industrielle 638
Article 34 : Contribution des chambres de commerce et d’industrie à l’effort de rétablissement des comptes publics et rétrocession aux entreprises de la baisse du plafond de leurs taxes affectées 639
Après l’article 34 650
C. Dispositions relatives aux budgets annexes et aux comptes spéciaux 652
Article 35 : Dispositions relatives aux affectations : reconduction des budgets annexes et comptes spéciaux existants 652
Article 36 : Augmentation de la taxe de solidarité sur les billets d’avion 653
Article 37 : Modification du barème du malus automobile 662
Article 38 : Aménagement des ressources du compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » 675
Après l’article 38 678
Article 39 : Relations financières entre l’État et la sécurité sociale 679
Article 40 : Garantie des ressources de l'audiovisuel public 683
D. Autres dispositions 686
Article 41 : Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne 686
Article 42 : Gouvernance du second programme d’investissements d’avenir 691
TITRE II : DISPOSITIONS RELATIVES À L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES 693
Article 43 : Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d’autorisation des emplois 693
La Commission examine le présent projet de loi au cours de ses séances des mercredi 9 et jeudi 10 octobre 2013.
M. le président Gilles Carrez. Nous commençons ce matin l’examen des 44 articles de la première partie du projet de loi de finances – PLF – pour 2014. Je rappelle que la discussion générale sur ce texte a eu lieu le 25 septembre, en présence des ministres.
Nous avons à examiner 461 amendements ; en effet, sur les 528 qui ont été déposés sur ce texte, j’en ai jugé 76 irrecevables, dont 51 uniquement du fait qu’ils relevaient, non de cette première partie du projet de loi de finances, mais de la seconde. Le taux de « véritable » irrecevabilité – au regard de l’article 40 de la Constitution – est donc très faible, 4,7 %, ce qui montre que les commissaires aux finances prennent, comme de juste, cette contrainte en considération dès la rédaction de leurs amendements.
En tout état de cause, j’ai pris soin d’appliquer, en la matière, la jurisprudence habituelle.
Je note que neuf amendements ont été écartés pour des raisons organiques : ils relevaient du projet de loi de financement de la sécurité sociale
– PLFSS. C’est un nouveau signe de l’imbrication étroite, en tout cas en matière de recettes, entre les comptes sociaux et le budget de l’État. Les « tuyauteries » étant de plus en plus complexes, il serait sans doute souhaitable d’harmoniser la discussion sur le volet recettes du PLF et du PLFSS.
M. le rapporteur général. Avant que nous en venions à l’examen des articles, je souhaite faire un bref propos introductif.
Tout d’abord, je veux souligner une nouveauté : c’est la première fois qu’un projet de loi de finances commence par un article liminaire présentant la prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour l’année à venir.
Ensuite, certains membres de la commission des Finances, dont son président, ayant organisé, dans cette même salle, une réunion afin de faire valoir que des choix différents étaient possibles en matière budgétaire, je souhaite leur répondre en me fondant sur les mêmes documents et, chemin faisant, apporter certaines précisions.
Nos collègues croient relever une dérive par rapport à la trajectoire de redressement de nos comptes publics. Mais, contrairement à ce qu’ils prétendent, loin d’augmenter par rapport aux prévisions de la loi de programmation des finances publiques, le taux des prélèvements obligatoires baisse de 0,2 point. En outre, s’agissant des déficits, structurel ou nominal, il n’y a pas explosion mais bien réduction continue. Alors qu’en 2011 tous deux dépassaient 5 points de PIB, le déficit structurel sera de 2,6 points en 2013 et nous entendons le ramener à 1,7 point en 2014 – soit une division par deux en trois ans. Quant au déficit nominal, contrairement à ce qui est souvent affirmé, il diminue également, même si c’est à un rythme moins rapide en raison de la conjoncture.
Vous l’avez vous-même rappelé, monsieur le président, cette diminution des déficits n’a pas empêché le Gouvernement de prendre vingt mesures au bénéfice des populations les plus fragiles. On peut citer la revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire ; la création de 55 000 bourses annuelles pour les étudiants et d’un nouvel échelon de bourse ; les contrats aidés et les contrats de génération ; le relèvement du SMIC ; la revalorisation des rémunérations des agents de catégorie C et la création d’un nouvel échelon – destinées à compenser, au profit des fonctionnaires les plus fragiles, le gel du point d’indice appliqué depuis quatre ans – ; la création de 4 500 places d’accueil en hébergement d’urgence ; celle de 275 000 solutions d’accueil pour la petite enfance…
Pour autant, et contrairement à ce que certains prétendent, on ne peut pas parler d’une explosion des dépenses publiques. Si l’on trace la courbe de leur évolution annuelle depuis 2002, on s’aperçoit que la trajectoire est descendante, y compris en 2013 et 2014.
Quant aux dépenses du périmètre normé, non seulement elles n’explosent pas, mais elles baisseront pour la première fois, en valeur, en 2013 et en 2014.
De même, les concours de l’État aux collectivités locales baisseront de 1,5 milliard d’euros, une politique que nous assumons.
Vous avez évoqué, monsieur le président, les 12 à 13 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires qui pèseront sur les ménages à la suite de certaines décisions prises l’année dernière par le Gouvernement – comme l’augmentation de la TVA. Admettons ce chiffre, bien qu’il résulte d’une agrégation discutable de données très différentes.
L’opposition suggère par ailleurs plusieurs mesures destinées à réaliser 5 milliards d’économies supplémentaires dès 2014. Certaines, qui concernent la masse salariale de l’État – gel des pensions civiles et militaires, allongement des échelons de la fonction publique d’État, non-remplacement de 15 000 départs en retraite chaque année, maintien d’un jour de carence, etc. –, doivent permettre d’économiser 2 milliards d’euros au détriment de fonctionnaires dont le point d’indice, je le répète, est gelé depuis quatre ans.
De même, vous souhaitez diminuer de 930 millions d’euros supplémentaires les concours de l’État aux collectivités locales, alors que certains jugent déjà trop élevée la réduction de 1,5 milliard proposée dans le projet de loi de finances. C’est votre choix.
Vous voulez également économiser 1,5 milliard en revoyant le périmètre des dépenses d’intervention, qu’il s’agisse de l’aide médicale de l’État, de la prime pour l’emploi, du RSA activité – une intention surprenante s’agissant d’un dispositif que vous avez vous-mêmes créé – ou de la définition de critères nationaux pour l’attribution des prestations aux personnes handicapées.
Enfin, vous appelez à une réforme de ce que vous appelez les « zones d’ombre » de l’intervention publique, en renonçant, notamment, au financement direct des associations par l’État.
Ces 5 milliards d’euros d’économies sur les dépenses devraient permettre, selon vous, de réduire d’autant le montant des recettes. J’en conclus donc que vous ne remettez pas en cause la trajectoire de réduction des déficits publics que nous proposons, alors même que vous appelez dans le même temps à une accélération de cette réduction.
Je relève en outre que vos propositions se traduiraient par la suppression d’aides en faveur des familles modestes, des jeunes et des plus vulnérables, au bénéfice des grandes entreprises et des familles aisées.
Enfin, puisque vous évaluez à 13 milliards d’euros le montant des impôts supplémentaires en 2014, et dans la mesure où vous ne proposez des économies qu’à hauteur de 5 milliards d’euros, cela signifie que vous accepteriez une augmentation des impôts de l’ordre de 8 milliards d’euros, alors même que votre document s’intitulait : « Un budget 2014 sans hausses d’impôts, c’est possible ! »
Je terminerai en rappelant que le projet de loi de finances dont nous allons débattre vise à concilier les quatre objectifs du Gouvernement et de sa majorité : réduire les déficits de façon à diminuer, à terme, l’endettement pour conserver notre souveraineté – et en ce domaine, nos collègues de l’opposition ne proposent pas de faire mieux, ni plus vite – ; préserver notre modèle social et épargner le plus possible les plus fragiles – vous avez vous-même, monsieur le président, cité les vingt mesures prises en ce sens – ; soutenir l’investissement productif et assurer la transition énergétique – c’est notamment l’objet du nouveau programme d’investissements d’avenir, doté de 12 milliards d’euros – ; retrouver la croissance et briser le déclin de notre industrie.
Puisque vous avez pris la peine de proposer, dans cette même salle, un « contre-budget », il me semblait nécessaire de permettre au rapporteur général d’exposer son point de vue sur ces propositions.
M. le président Gilles Carrez. Cette introduction était en effet très utile. La majorité et l’opposition ont tout intérêt à débattre de façon constructive sur les marges de manœuvre que laisse, pour les finances publiques, la contrainte d’un retour progressif à l’équilibre.
Si nous avons proposé un effort modéré – 5 milliards – de baisse d’impôts, portant à la fois sur les ménages et les entreprises, c’est pour mettre l’accent sur la réduction des dépenses publiques. Faute d’avoir examiné un projet de loi de finances rectificative au cours de l’année, nous n’avons pas, en effet, pris suffisamment conscience de la dégradation des recettes par rapport aux prévisions. Or ce phénomène très inquiétant va rapidement limiter les possibilités d’augmenter la pression fiscale. Je suis donc convaincu que nous serons condamnés, dans les prochaines années, à agir sur les dépenses.
L’essentiel des propositions que nous avons faites et dont nous nous sommes efforcés de chiffrer les effets provient de rapports publiés au cours des dernières années par la Cour des comptes. Celle-ci insiste en effet depuis longtemps sur la nécessité absolue de maîtriser le niveau de dépenses publiques qui atteint, en 2013, un record de 57,1 points de PIB. Il était donc nécessaire d’engager ce débat.
M. Hervé Mariton. Je prends acte que le rapporteur général ne conteste pas l’ampleur des augmentations d’impôts, que nous avons évaluée à 12 ou 13 milliards d’euros. Mais j’appelle son attention sur le solde général du budget de l’État : selon les documents fournis par le Gouvernement, le déficit passera de 62,3 milliards en loi de finances initiale pour 2013 à 82,2 milliards en 2014 – 70,2 milliards si on exclut les investissements d’avenir. Je n’appelle pas cela une réduction du déficit ! Nous assistons donc bien simultanément à une augmentation des impôts et à une dégradation du solde budgétaire de l’État.
Quant au débat sur la trajectoire, nous l’aurons dès l’examen des premiers amendements.
M. Dominique Lefebvre. La mise au point du rapporteur général était nécessaire, même s’il n’est pas opportun d’anticiper trop sur un débat que nous aurons forcément en séance publique.
L’acte budgétaire, monsieur le président, est un acte politique. Dans ce projet, le Gouvernement, qui sera soutenu par sa majorité, se donne un cap : la croissance de l’emploi, la compétitivité de l’économie française, le soutien au pouvoir d’achat. Je n’ai pas vu un tel cap dans le contre-budget qu’a présenté le groupe UMP – de façon malencontreuse dans cette même salle, qui devrait être réservée aux travaux collégiaux de la Commission. Il se résumait à un simple exercice comptable.
La loi de finances n’est justement pas qu’un exercice comptable : c’est un acte fort, porteur de choix politiques, et qui doit mettre en cohérence les politiques économique, budgétaire et sociale.
M. Nicolas Sansu. Un thème est resté absent dans les deux présentations, celle que le président a faite au nom de l’opposition et celle que le rapporteur général a effectuée en réponse : celui des exonérations fiscales et sociales, qui ne cessent d’augmenter. Ce budget est marqué par une confusion entre compétitivité et coût du travail, confusion dont les effets sur les finances publiques sont extrêmement importants. Ni M. Eckert, ni M. Carrez n’ont ainsi évoqué les 20 milliards d’euros du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE.
Dans ces conditions, le Gouvernement ne se donne pas d’autre choix que de diminuer certaines dépenses publiques parmi les plus utiles – comme les concours aux collectivités territoriales. Nous devons donc avoir un débat de fond sur les moyens de faire repartir notre industrie et notre économie sans forcément recourir aux exonérations fiscales et sociales.
La Commission en vient à l’examen des articles de la première partie du projet de loi de finances.
Article liminaire
Prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques de l’année 2014, de l’exécution 2012 et de la prévision d’exécution 2013
Texte du projet de loi :
La prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour 2014, l’exécution de l’année 2012 et la prévision d’exécution de l’année 2013 s’établissent comme suit :
Exécution 2012 |
Prévision d’exécution 2013 |
Prévision 2014 | |
Solde structurel (1) |
– 3,9 |
– 2,6 |
– 1,7 |
Solde conjoncturel (2) |
– 0,8 |
– 1,4 |
– 1,8 |
Mesures exceptionnelles (3) |
– 0,1 |
- |
– 0,1 |
Solde effectif (1 + 2 + 3) |
– 4,8 |
– 4,1 |
– 3,6 |
Observations et décisions de la Commission :
En application de l’article 7 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, le présent article liminaire présente « un tableau de synthèse retraçant, pour l'année sur laquelle elles portent, l'état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l'ensemble des administrations publiques, avec l'indication des calculs permettant d'établir le passage de l'un à l'autre. »
Le rapporteur général commente, dans l’annexe n° 2 du tome I du présent rapport, ces prévisions ainsi que les écarts avec les objectifs fixés en loi de programmation des finances publiques.
*
* *
La Commission examine, en discussion commune, les amendements identiques I-CF 49 de M. Hervé Mariton et I-CF 126 de Mme Marie-Christine Dalloz, ainsi que l’amendement I-CF 367 de M. Charles de Courson.
M. Hervé Mariton. L’article liminaire, dont la nouveauté a été soulignée par le rapporteur général, est insincère, ce qui, compte tenu de l’importance que vous accordez aux notions de solde conjoncturel et de solde structurel, est particulièrement grave.
Au regard des analyses du Haut conseil des finances publiques, on observe dans le projet de loi une surévaluation des effets conjoncturels, d’autant plus commode qu’elle vous permet de sous-estimer la gravité de la situation structurelle et l’ampleur des efforts à réaliser.
Tout cela est en contradiction avec votre discours général sur l’évolution de la conjoncture. L’amélioration n’est certes pas contestable, mais elle reste modeste et résulte davantage du climat international que d’efforts structurels, que de toute façon vous ne réalisez pas.
Notre amendement propose des hypothèses plus vraisemblables. S’agissant du solde conjoncturel, la prévision d’exécution en 2013 serait ainsi ramenée à – 1,4 point de PIB à – 1,2 point, et la prévision pour 2014 de – 1,8 point à – 1 point, tenant ainsi compte de l’amélioration de la conjoncture. Quant au solde structurel, il serait dégradé d’autant.
Il vous est indispensable de masquer l’aggravation du déficit structurel pour mieux sous-estimer les efforts qu’il faudra consentir plus tard. Le pire est pourtant à venir, car vous avez une trajectoire à tenir. La probable modification de la loi de programmation des finances publiques ne suffira pas : vous êtes incapables de tenir les engagements pris auprès de nos partenaires européens.
M. le président Gilles Carrez. Le solde structurel est très important, mais le solde nominal l’est encore plus, car c’est lui qui détermine le niveau de notre endettement, et donc aussi nos conditions d’emprunt.
M. le rapporteur général. Avis défavorable. La loi de programmation des finances publiques adoptée l’an dernier prévoit que, pendant la durée de son application, le calcul du solde structurel est effectué à partir des hypothèses qu’elle retient. Le Gouvernement ne peut donc pas les modifier, même si la façon d’évaluer la croissance potentielle fait l’objet d’un débat récurrent.
De même, monsieur le président, le rapport entre solde structurel et solde nominal est un sujet complexe.
Mme Karine Berger. C’est la première fois que la commission des Finances aura à voter sur une prévision de solde structurel. L’examen de ce projet de loi de finances est donc l’occasion de basculer dans une nouvelle logique et de proposer une vision systématique et structurelle du financement de nos administrations publiques.
Nous allons donc enfin pouvoir discuter du niveau de croissance potentielle de notre pays. Or il ressort de votre amendement, monsieur Mariton, que vous évaluez cette croissance à moins de 1 % l’année prochaine.
Pourtant, lors de la précédente législature, vous n’avez jamais modifié l’hypothèse de croissance potentielle de la France – laquelle, en cinq ans, n’a jamais été inférieure à 1,5 %. Je voudrais donc bien comprendre quel événement peut justifier son effondrement, et comment cette croissance potentielle aurait pu passer, en seulement un an, de 1,5 % à 0,9 ou 0,8 %. Vous n’y croyez pas vous-même !
Le calcul que vous effectuez est de nature purement comptable. Et, pour le coup, c’est le résultat auquel vous parvenez en termes d’évolution du solde structurel qui est totalement insincère, puisqu’il repose sur une hypothèse fausse de croissance potentielle.
Je vous l’accorde, monsieur le président : il ne faut jamais perdre de vue le niveau du déficit nominal. Mais il est temps de s’intéresser sérieusement au déficit conjoncturel et au déficit structurel. La croissance potentielle est un vrai sujet, sur lequel il faut éviter de dire tout ce qui nous passe par la tête.
M. le président Gilles Carrez. Mme Berger a raison sur un point : c’est la première fois que nous sommes amenés à délibérer sur la notion de solde structurel.
M. Charles de Courson. Mes chers collègues, le débat est sérieux. L’écart entre solde effectif et solde structurel se creuse de manière inquiétante : passé de 0,9 point en 2012 à 1,5 point en 2013, il atteindrait 1,9 point en 2014 aux termes de cet article liminaire ! Comment l’expliquer ?
D’après l’exposé des motifs de l’article, les hypothèses de croissance potentielle retenues sont de 1,3 % en 2012, 1,4 % en 2013 et 1,5 % en 2014. Or, dans la loi de programmation, le Gouvernement se fondait sur une hypothèse de 2 à 2,5 % dès 2014. Voyez où l’on en est ! Précisons que la Commission européenne estime la croissance potentielle française à 1,1 % environ en 2014.
Quant au fond, la notion même de solde structurel a-t-elle encore un sens aujourd’hui, en situation de crise ? Le vrai problème n’est pas la croissance potentielle du pays, mais sa compétitivité : sans celle-ci, les capacités de production ne valent rien car elles ne peuvent pas être mobilisées.
Par provocation, et pour inciter à la réflexion, notre amendement tend donc à inscrire dans l’article liminaire que la différence entre le solde structurel et le solde effectif ne résulte que des mesures exceptionnelles, lesquelles se monteront à 0,1 point l’an prochain. Dès lors, pour un solde structurel évalué
à – 3,5 points, on arrive à un solde effectif de – 3,6 points. Je vous rappelle qu’il était prévu l’année dernière d’atteindre fin 2013 un solde effectif de – 3,7 points. Il nous faut donc revoir la notion de solde structurel, qui ne me paraît plus avoir grand sens.
Mme Marie-Christine Dalloz. Je suis entièrement d’accord avec MM. Mariton et de Courson.
Votre approche du déficit structurel témoigne de l’incohérence de la majorité. Comment accepter votre loi de programmation des finances publiques, qui nous engage fermement vis-à-vis de nos partenaires européens, et admettre la dérive manifeste que comporte ce projet de loi de finances pour 2014 ? Vous tentez de masquer cette incohérence par l’article liminaire qui pose les grands principes du déficit structurel. Il serait plus raisonnable de reconnaître la progression des dépenses entre 2012 et 2013, puis dans les prévisions pour 2014. Dans le budget d’une entreprise, on ne distingue pas le conjoncturel du structurel ! Nous sommes en déficit ; il serait bon de revenir à des principes lisibles.
M. le rapporteur général. Les principes qui régissent la rédaction de cet article liminaire ont été posés par la loi organique, votée à une très large majorité. Aux spécialistes, aux économistes de débattre de la croissance potentielle, de son sens et de ses différentes modalités de calcul, qui, sans faire passer le résultat du simple au double, peuvent entraîner, sur plusieurs années, une variation significative de l’écart entre le nominal et le structurel.
Le seul point sur lequel je rejoins paradoxalement Hervé Mariton est le suivant : il faudra en effet une nouvelle loi de programmation des finances publiques.
M. le président Gilles Carrez. Elle est d’ailleurs annoncée par le Gouvernement dans le rapport accompagnant le projet de loi de finances.
M. Hervé Mariton. Le rapporteur général n’a pas contesté notre analyse quant au fond, mais s’est contenté d’indiquer que le tableau correspondait aux hypothèses de la loi de programmation. Je prends acte de cette lucidité, que notre collègue Karine Berger est loin de partager. Que nous débattions par ailleurs de la croissance potentielle ne serait pas méprisable. Chiche ! Simplement, vos hypothèses de croissance potentielle et de déficit conjoncturel ne sont pas justifiées ici, comme l’a souligné le Haut conseil des finances publiques. Cela nous alerte, car la résorption du déficit structurel constitue une contrainte, à la fois interne et communautaire, à laquelle nous n’échapperons pas.
M. le rapporteur général. Ce que vous dites est faux : relisez donc l’avis du Haut conseil des finances publiques !
La Commission rejette les amendements identiques I-CF 49 et I-CF 126.
Puis elle rejette l’amendement I-CF 367.
Elle adopte ensuite l’article liminaire sans modification.
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* *
PREMIÈRE PARTIE :
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE PREMIER :
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
I. Impôts et ressources autorisées
A. Autorisation de perception des impôts et produits
Article premier
Autorisation de percevoir les impôts existants
Texte du projet de loi :
I. – La perception des impôts, produits et revenus affectés à l’État, aux collectivités territoriales, aux établissements publics et organismes divers habilités à les percevoir continue d’être effectuée pendant l’année 2014 conformément aux lois et règlements et aux dispositions de la présente loi.
II. – Sous réserve de dispositions contraires, la présente loi s’applique :
1° À l’impôt sur le revenu dû au titre de 2013 et des années suivantes ;
2° À l’impôt dû par les sociétés sur les résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2013 ;
3° À compter du 1er janvier 2014 pour les autres dispositions fiscales.
Observations et décisions de la Commission :
Aux termes de l’article XIV de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement (...) ». Découlant du principe ainsi posé en 1789, l’article premier du projet de loi de finances renouvelle l’autorisation annuelle de percevoir les impôts, élément essentiel de la tradition démocratique selon laquelle l’impôt n’est légitime que parce qu’il est librement consenti par la Nation. Il revient donc au Parlement d’exprimer ce consentement qui, par nature, ne peut être que provisoire et doit être réitéré régulièrement.
Compétence exclusive et obligatoire de la loi de finances de l’année, l’autorisation prévue par le I du présent article voit son champ précisé par le 1° du I de l’article 34 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), qui dispose que « la loi de finances de l’année autorise, pour l’année, la perception des ressources de l’État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’État ».
L’autorisation n’est accordée que pour l’année, conformément au principe d’annualité prévu à l’article 1er de la LOLF.
Elle vise non seulement les recettes fiscales mais également l’ensemble des autres ressources perçues en vue de financer le service public – revenus industriels et commerciaux, rémunération de services rendus, fonds de concours, remboursement de prêts et d’avances, produits de cessions...
Elle couvre les ressources perçues par l’État mais également celles affectées aux collectivités territoriales, aux établissements publics et aux organismes divers – publics ou privés – habilités à les percevoir. D’application générale, le principe d’annualité de l’impôt vise à protéger, par cette autorisation, l’ensemble des contribuables, quel que soit l’organisme bénéficiaire de l’imposition.
Pour que le consentement soit libre, encore faut-il qu’il soit éclairé. Les ressources perçues par l’État – recettes fiscales, recettes non fiscales et fonds de concours – ainsi que les dépenses fiscales relatives aux impositions dont le produit est perçu par l’État sont détaillées respectivement dans le premier et le second tome de l’annexe au projet de loi de finances relative à l’évaluation des voies et moyens. La liste des impositions affectées aux autres organismes publiques et la présentation des prélèvements obligatoires par sous-secteurs d’administration publique sont fournies respectivement par le premier tome de cette annexe et par le rapport sur les prélèvements obligatoires.
II. LA DATE D’APPLICATION DES DISPOSITIONS FISCALES CONTENUES
DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2014
Le II du présent article prévoit, dans les termes usuels, les conditions d’entrée en vigueur des dispositions fiscales qui ne comportent pas de date d’application particulière.
La règle générale reste l’application des dispositions fiscales à compter du 1er janvier 2014.
Deux exceptions traditionnelles sont prévues : pour l’impôt sur le revenu, la loi de finances s’applique à l’impôt dû au titre de 2013 et des années suivantes ; l’impôt sur les sociétés est dû sur les résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2013 (une mention particulière est nécessaire, en raison à la fois des différences de date de clôture de l’exercice d’une entreprise à l’autre et du mode de recouvrement par acomptes et soldes de cet impôt direct).
L’exposé des motifs de l’article 1er du projet de loi de finances de l’année fixe, depuis le projet de loi de finances pour 2009, un objectif de dépenses fiscales. Mis en place à la demande de la commission des Finances, cet objectif constitue un outil de pilotage de la dépense fiscale et permet au Parlement d’être informé de l’évolution du coût de ces dispositifs dérogatoires.
Rappelons que le tome II de l’annexe relative à l’évaluation des voies et moyens définit les dépenses fiscales comme « des dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en œuvre entraîne pour l’État une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allégement de leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l’application de la norme, c’est-à-dire des principes généraux du droit fiscal français ». Une telle définition conduit à ce que le périmètre des dépenses fiscales soit relativement mouvant, pour deux raisons.
D’une part, l’appréciation de la « norme fiscale » est laissée au Gouvernement qui dispose de la faculté de « déclasser » des dispositifs en les sortant du périmètre des dépenses fiscales dès lors qu’il considère qu’ils relèvent de la norme, par exemple du fait de leur antériorité.
D’autre part, l’ensemble des dépenses fiscales relatives à une imposition donnée doit sortir du périmètre dès lors que la totalité du produit de cet impôt n’est plus affectée à l’État.
L’objectif de dépenses fiscales pour 2012, fixé en loi de finances initiale à 65,8 milliards d’euros, était manifestement insincère. Il avait été réévalué, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013, à 70,8 milliards d’euros. Le rapporteur général avait alors souligné le caractère irréaliste de la prévision initiale, qui supposait une diminution spontanée des dépenses fiscales de plusieurs milliards d’euros.
Le montant des dépenses fiscales pour 2012 atteindrait finalement 72,2 milliards d’euros, soit 1,4 milliard de plus que la prévision révisée. Cet écart s’expliquerait notamment par le dynamisme non anticipé de certains dispositifs, en particulier le crédit d’impôt en faveur de la recherche et l’exonération d’impôts sur le revenu des intérêts de l’épargne réglementée.
À compter de 2013, aux termes de l’article 14 de la loi de programmation en vigueur (1), le montant des dépenses fiscales ne doit pas dépasser, à périmètre constant, le montant de 70,8 milliards d’euros, qui est l’objectif fixé pour 2013.
En 2013, l’impact net des mesures nouvelles relatives aux dépenses fiscales tendrait à réduire le coût de ces dispositifs dérogatoires d’environ 3,3 milliards d’euros. Le tableau suivant récapitule les principales d’entre elles, dont certaines ont été adoptées sous la législature précédente et poursuivent leur montée en charge en 2013.
IMPACT 2013 DES MESURES NOUVELLES SUR LE MONTANT DES DÉPENSES FISCALES
(en millions d’euros)
TOTAL |
– 3 255 |
dont réforme des dispositifs d’accès à la propriété |
– 500 |
dont « rabot » |
– 500 |
dont suppression de l’exonération sur les heures supplémentaires |
– 470 |
dont suppression du taux réduit sur certaines plus-values immobilières |
– 450 |
dont suppression de l’abattement sur les revenus distribués de sociétés |
– 370 |
dont suppression de la demi-part pour les veufs ayant élevé des enfants |
– 335 |
dont réduction du prêt à taux zéro |
– 270 |
Source : d’après les évaluations des voies et moyens annexées aux projets de loi de finances pour 2010, 2011, 2012 et 2013.
Le Gouvernement estime que le montant des dépenses fiscales passerait, à périmètre constant, de 71,2 milliards d’euros en 2012 à 70,7 milliards d’euros en 2013. Compte tenu du fait que les mesures nouvelles réduiraient le montant des dépenses fiscales de 3,3 milliards d’euros, l’évolution spontanée du coût des dispositifs s’établirait à environ 2,8 milliards d’euros en 2013, ce qui paraît plausible.
Pour 2014, l’objectif de dépenses fiscales est fixé en baisse de 1,8 milliard d’euros par rapport à la prévision révisée pour 2013 et s’établit à 68,9 milliards d’euros – hors crédit d’impôt en faveur de la compétitivité et de l’emploi, exclu du champ de l’objectif de gel en valeur des dépenses fiscales fixé par la loi de programmation.
Les mesures nouvelles viendraient réduire le montant des dépenses fiscales de 2,7 milliards d’euros, comme l’illustre le tableau suivant.
IMPACT 2014 DES MESURES NOUVELLES SUR LE MONTANT DES DÉPENSES FISCALES *
(en millions d’euros)
TOTAL |
– 2 671 |
dont suppression de l'exonération des majorations de retraites |
– 1 200 |
dont suppression de l’exonération sur les heures supplémentaires |
– 1 070 |
dont réforme des taux de TVA |
– 950 |
dont réduction du prêt à taux zéro |
– 360 |
dont mesures sur le crédit d’impôt en faveur du développement durable |
– 259 |
dont mesure sur le crédit d’impôt en faveur de la recherche |
+ 152 |
* Hors crédit d’impôt en faveur de la compétitivité et de l’emploi, exclu du champ de l’objectif de gel en valeur des dépenses fiscales fixé par la loi de programmation
Source : d’après les évaluations des voies et moyens annexées aux projets de loi de finances pour 2011, 2012, 2013 et 2014.
L’importance des mesures nouvelles en 2014 laisse supposer que l’objectif de gel en valeur des dépenses fiscales, fixé par la loi de programmation, pourrait être atteint en 2014. Toutefois, l’objectif d’une diminution de 1,8 milliard d’euros, fixé par le Gouvernement, semble ambitieux car il suppose que l’évolution spontanée des dispositifs engendre un coût inférieur au milliard d’euros, ce qui paraît faible.
Il importe de noter que, bien qu’elles tendent à réduire le coût de dispositifs dérogatoires, plusieurs mesures de réductions de niches fiscales prévues par le présent projet de loi – notamment l’abaissement du quotient familial – ne portent pas sur des dépenses fiscales au sens du tome II de l’annexe relative à l’évaluation des voies et moyens.
À cet égard, le rapporteur général rappelle qu’il a déposé, dans le cadre de l’examen du projet de loi de règlement pour l’exercice 2012, un amendement demandant au Gouvernement un rapport étudiant un éventuel reclassement du quotient familial en dépense fiscale. Cet amendement, qui avait été adopté par la Commission, a été retiré au bénéfice d’un engagement du Gouvernement à assurer la complète information de la représentation nationale sur les éléments de coût de ce dispositif dérogatoire dans les annexes du prochain projet de loi de finances.
Ces informations ont été effectivement indiquées en pages 23 et 24 du premier tome de l’annexe au présent projet de loi de finances, relative à l’évaluation des voies et moyens. Elles précisent le coût du dispositif en 2012 – évalué à 12,4 milliards d’euros – ainsi que sa répartition par déciles de ménages.
*
* *
La Commission adopte l’article premier sans modification à l’unanimité.
*
* *
Article 2
Indexation du barème de l’impôt sur le revenu de l’année 2014 et revalorisation exceptionnelle de la décote
Texte du projet de loi :
Le I de l’article 197 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 1 est ainsi rédigé :
« 1. L’impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 6 011 € le taux de :
« – 5,50 % pour la fraction supérieure à 6 011 € et inférieure ou égale à 11 991 € ;
« – 14 % pour la fraction supérieure à 11 991 € et inférieure ou égale à 26 631 € ;
« – 30 % pour la fraction supérieure à 26 631 € et inférieure ou égale à 71 397 € ;
« – 41 % pour la fraction supérieure à 71 397 € et inférieure ou égale à 151 200 € ;
« – 45 % pour la fraction supérieure à 151 200 €. »
2° Au 4, le montant « 480 € » est remplacé par le montant « 508 € ».
Observations et décisions de la Commission :
Le présent article vise à indexer le barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation anticipée au titre de l’année 2013, à hauteur de 0,8 %, afin d’assurer la modération de la pression fiscale pour les ménages. Cette mesure, applicable à l’imposition des revenus de 2013, intervient après deux années de gel de ce même barème, initialement décidé par la précédente majorité. Cette indexation emporte mécaniquement celle de nombreux plafonds et seuils évoluant de droit comme la limite supérieure de la première tranche d’impôt sur le revenu, par exemple en matière de fiscalité locale.
De plus, le présent article vise à revaloriser le montant de la décote de 5,8 %, soit une hausse de 5 % venant s’ajouter à l’indexation sur l’évolution des prix de 0,8 %. La décote tend à lisser l’entrée dans le barème de l’impôt sur le revenu des ménages ; la hausse de son montant, de 480 à 508 euros, permettrait de rendre près de 230 000 personnes non imposées en 2014, ainsi que d’alléger l’impôt d’environ 6,8 millions de contribuables aux revenus modestes.
Ces mesures en faveur du pouvoir d’achat des ménages, et notamment celui des plus modestes, présentent un coût budgétaire évalué à 893 millions d’euros à compter de 2014, dont 808 millions d’euros au titre de l’impôt sur le revenu et 85 millions d’euros au titre de la taxe d’habitation.
A. L’INDEXATION DU BARÈME DE L’IMPÔT SUR LE REVENU ET SES INCIDENCES SUR DE NOMBREUSES DISPOSITIONS FISCALES
Le 1° du présent article vient revaloriser chacune des limites des tranches de l’impôt sur le revenu de 0,8 %, soit l’évolution prévisionnelle révisée de l’indice des prix hors tabac de 2013 par rapport à 2012. De ce fait, au titre de l’imposition des revenus de 2013, l’impôt sera calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 6 011 euros le taux de :
– 5,50 % pour la fraction supérieure à 6 011 euros et inférieure ou égale à 11 991 euros ;
– 14 % pour la fraction supérieure à 11 991 euros et inférieure ou égale à 26 631 euros ;
– 30 % pour la fraction supérieure à 26 631 euros et inférieure ou égale à 71 397 euros ;
– 41 % pour la fraction supérieure à 71 397 euros et inférieure ou égale à 151 200 euros ;
– 45 % pour la fraction supérieure à 151 200 euros.
Cette disposition renoue avec une pratique traditionnelle des lois de finances, interrompue voilà deux ans. En effet, si l’indexation a été pratiquée de manière continue à partir de 1969, la dernière loi de finances rectificative pour 2011 a procédé au gel des différents seuils du barème pour l’imposition des revenus de l’année 2011 et 2012. La loi de finances pour 2013 a également renoncé à indexer le barème pour l’imposition des revenus de l’année 2012 du fait de la situation des finances publiques.
Le gel du barème aboutit à accroître l’impôt dû par les ménages dont les revenus ont augmenté au même rythme que l’inflation. Dans ce cas, du fait de la progressivité du barème, une part plus importante de leurs revenus est soumise au taux marginal le plus élevé auquel ils sont assujettis. Le poids de l’impôt acquitté par rapport aux revenus du ménage augmente en conséquence d’une année sur l’autre, ce qui correspond à un accroissement de la pression fiscale.
Pour les contribuables dont les revenus n’ont pas suivi l’évolution des prix, la valeur réelle de ces revenus a diminué d’une année sur l’autre ; lorsque le barème est gelé, leur niveau d’imposition reste inchangé, alors que l’indexation du barème aurait compensé pour partie la perte relative de valeur de leurs revenus.
Par ailleurs, le gel du barème peut conduire des contribuables qui n’étaient pas imposables une année donnée à le devenir l’année suivante, alors même que leurs revenus n’ont pas progressé en euros constants, mais n’ont fait que suivre l’évolution des prix.
L’indexation du barème n’a donc pas pour effet de réduire les impôts acquittés par les ménages, mais de maintenir la pression fiscale – c’est-à-dire la proportion de l’impôt par rapport au revenu – à un niveau équivalent compte tenu de l’inflation.
Il est à noter que les plafonds des avantages fiscaux retirés du quotient familial, tant au titre des demi-parts de droit commun que des demi-parts répondant à des situations particulières, ne sont pas revalorisés par le présent article d’indexation, comme c’est traditionnellement le cas, puisqu’ils font l’objet d’une réforme distincte, figurant à l’article 3 du présent projet de loi. En revanche, toute une série de plafonds et seuils sont mécaniquement affectés par l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu.
2. Les indexations conditionnées par l’évolution de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu
L’indexation du barème est devenue au cours du temps une référence pour l’évolution conjointe d’autres types de montants, conditionnant selon les cas une exonération ou une minoration d’imposition, ou encore le plafonnement d’un avantage en impôt. Ces montants sont ainsi réputés être indexés chaque année comme la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu. L’indexation du barème a donc de nombreuses conséquences sur les régimes d’imposition spécifiques à certains contribuables ou sur les recettes de différentes impositions.
Les dispositifs indexés relatifs à l’impôt sur le revenu |
– les montants de revenus donnant droit à exonération d’impôt sur le revenu pour les contribuables modestes, fixés à 8 610 euros ou 9 410 euros s’ils sont âgés de plus de soixante-cinq ans en 2012 |
– le seuil de chiffre d’affaires du régime micro-entreprise fixé à 81 500 euros en 2012 |
– la limite d’exonération des titres restaurant fixée à 5,29 euros par titre pour 2012 |
– la déduction forfaitaire des frais professionnels du revenu brut plafonnée à 12 000 euros au titre de l’imposition des revenus de 2012 |
– le seuil de recettes annuelles du régime de déclaration contrôlée et le seuil de recettes annuelles du régime déclaratif spécial dans le cadre de la déclaration de revenus entrant dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, fixés à 32 600 euros pour 2012 |
– les modalités d’imputation des déficits agricoles sur le revenu global imposable (ces déficits sont déductibles à la condition que le total des revenus nets d’autres sources excède 106 215 euros au titre de l’imposition des revenus de 2012) |
– la déductibilité du revenu global d’une somme représentative des avantages en nature des personnes âgées de plus de 75 ans vivant sous le toit du contribuable, fixée à 3 359 euros au titre de l’imposition des revenus de 2012 |
– l’abattement forfaitaire sur le revenu en faveur de certaines personnes âgées de plus de 65 ans, fixé à 2 311 euros si le revenu du contribuable n’excède pas 14 510 euros ou 1 156 euros si ce revenu est compris entre 14 510 euros et 23 390 euros au titre de l’année d’imposition précitée |
– l’abattement applicable aux pensions et retraites, fixé à 3 660 euros au titre de l’imposition des revenus de 2012 |
– l’évaluation forfaitaire minimale du revenu imposable d’après certains éléments du train de vie, fixée à 44 772 euros pour la même année d’imposition |
– la retenue à la source sur les traitements, salaires, pensions et rentes viagères de source française servis à des personnes qui ne sont pas domiciliées en France |
– la réduction d’impôt accordée au titre de certains dons faits par les particuliers et ouvrant droit à une réduction d’impôt à un taux de 75 % dans la limite d’un plafond de don de 513 euros au titre de l’imposition des revenus de 2012 |
– le seuil d’exigibilité des acomptes provisionnels pour le recouvrement de l’impôt sur le revenu |
Les dispositifs indexés relatifs aux taxes locales |
– le plafonnement de la taxe d’habitation, ainsi que les dégrèvements d’office et abattements communs à cette taxe et à la taxe foncière au profit des contribuables qui ne dépassent pas un certain niveau de revenu fiscal de référence mentionné à l’article 1417 du code général des impôts. Ce niveau de revenu gouverne également de nombreuses autres exonérations, dégrèvements et abattements. |
Les dispositifs indexés relatifs à d’autres impositions (liste non exhaustive) |
– les seuils de chiffre d’affaires pour le régime simplifié d’imposition des taxes sur le chiffre d’affaires et pour les bénéfices industriels et commerciaux |
– les seuils de chiffre d’affaires pour la franchise en base en matière d’imposition à la TVA |
– les fractions de rémunérations individuelles annuelles conditionnant le taux de la taxe sur les salaires |
– le montant des parts de groupements fonciers agricoles et des biens ruraux loués par bail à long terme donnant droit à exonération totale ou partielle d’impôt de solidarité sur la fortune |
– les montants de la taxe spéciale d’équipement perçue au profit de l’agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométrique en Guadeloupe et en Martinique |
Exemple de dispositif indexé relatif à des mesures ne relevant pas du code général des impôts |
– les montants déterminant l’ouverture ou la prolongation d’un compte sur le livret d’épargne populaire prévus par le code monétaire et financier |
S’agissant de l’impôt sur le revenu, il convient de citer, parmi les principaux dispositifs indexés, le montant de revenus donnant droit à exonération d’impôt sur le revenu pour les contribuables modestes, l’abattement forfaitaire sur le revenu en faveur des personnes âgées de plus de 65 ans, applicable en fonction de seuils de revenus donnés, ou encore le plafond de l’abattement de 10 % applicable aux pensions et retraites et le plafond de la déduction forfaitaire des frais professionnels du revenu brut. (2)
Au titre de la fiscalité locale, les articles 1417 et 1414 A du code général des impôts définissent, pour le premier, des plafonds de revenus, et pour le second, des montants d’abattements, utilisés par une douzaine de régimes d’exonérations ou d’abattements en matière de taxe d’habitation et de taxe foncière sur les propriétés bâties. Or, ces montants sont eux aussi indexés comme la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu. Cette indexation emporte également des conséquences en termes de recettes de contribution à l’audiovisuel public (CAP), puisque les contribuables peuvent bénéficier d’un dégrèvement total de la CAP selon des conditions symétriques à celles retenues pour les exonérations de taxe d’habitation.
Au-delà de la fiscalité locale, les plafonds de revenus définis au I de l’article 1417 du code général des impôts servent également de référence pour des mécanismes d’exonération de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) ou bien de taux réduit de CSG. Leur indexation a donc une incidence indirecte sur les prélèvements sociaux, en termes de pertes de recettes. Deux cas peuvent être distingués :
– les pensions de retraite et d’invalidité et les allocations chômages perçues par des personnes dont le revenu fiscal de référence (RFR) de l'avant-dernière année ne dépasse pas le montant maximal fixé au I de l’article 1417 du code général des impôts, sont exonérées de CSG et de CRDS ;
– ces mêmes pensions et allocations bénéficient d’un taux réduit de CSG, à 3,8 %, (le taux de CRDS restant dans ce cas à 0,5 %), pour les personnes dont l’impôt sur le revenu acquitté l’année précédente est nul ou inférieur à 61 euros (soit le seuil de mise en recouvrement de l’impôt) et dont le montant du RFR de l'avant-dernière année excède les seuils déterminés en application des dispositions des I et III du même article (3).
D’autres montants obéissent à ce même mécanisme d’indexation, par exemple les seuils de chiffre d’affaires pour la franchise en base en matière d’imposition à la TVA ; certains de ces montants n’entrent pas directement dans le domaine fiscal, tels les montants déterminant l’ouverture ou la prolongation d’un compte sur le livret d’épargne populaire prévu par le code monétaire et financier.
En revanche, l’indexation de seuils ou plafonds de plusieurs dispositifs a été récemment supprimée : tel est le cas s’agissant des droits de mutation à titre gratuit, notamment les tranches de barème et le montant conditionnant l’exonération totale ou partielle de ces droits, depuis la deuxième loi de finances rectificative d’août 2012 (4). Il en va de même pour le barème de l’impôt de solidarité sur la fortune, dont l’indexation sur la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu a été supprimée par la loi de finances pour 2013, dans le cadre de la réforme d’ensemble de cette imposition (5).
Les dispositifs revalorisés chaque année dans la même proportion que le barème ou selon des règles d’indexation identiques sont donc extrêmement divers ; ils se sont beaucoup développés au cours des dernières années, sans réelle cohérence d’ensemble d’ailleurs. L’automaticité de l’indexation se traduit mécaniquement par une modération de la pression fiscale dans son ensemble ; celle-ci est toutefois difficilement quantifiable avec précision dans son intégralité, compte tenu du nombre de dispositifs concernés.
Nonobstant ces difficultés d’évaluation, le coût budgétaire de l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu est estimé à 615 millions d’euros au total au seul titre des recettes de l’impôt sur le revenu – hors les effets de la « surindexation » de la décote de 5,8 %, détaillés infra.
Vient s’ajouter l’impact de l’indexation des montants figurant aux articles 1414 A et 1417 du code général des impôts, en termes d’exonérations et d’abattements pour la taxe d’habitation, lequel impact est évalué à 85 millions d’euros de pertes de recettes : 75 millions d’euros relèveraient de l’État au titre des régimes dérogatoires prévus par la loi et 10 millions d’euros pèseraient sur les collectivités locales au titre des régimes dérogatoires qu’elles ont décidé de mettre en place. En revanche, l’incidence de l’indexation sur l’évolution des recettes de taxe foncière, de CAP ainsi que de CSG et de CRDS ne font l’objet d’aucun chiffrage.
Sous ces réserves, le coût total de la mesure est donc estimé à 700 millions d’euros pour les finances publiques.
B. UNE DÉCISION FAISANT SUITE À DEUX ANNÉES CONSÉCUTIVES DE GEL DU BARÈME, TEMPÉRÉ TOUTEFOIS EN LOI DE FINANCES POUR 2013 PAR DES DISPOSITIONS CIBLANT LES CONTRIBUABLES AUX REVENUS MODESTES
À titre liminaire, il convient de rappeler que l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation des prix hors tabac s’est appliquée sans interruption depuis 1969. Auparavant, des périodes parfois relativement longues se sont écoulées sans que le barème soit indexé (comme ce fut le cas entre 1952 et 1958, et entre 1961 et 1963). On notera par ailleurs qu’en 1966, une minoration d’imposition s’est substituée à l’indexation.
À partir de 1969, l’indexation s’est appliquée de façon continue, mais différenciée selon les tranches du barème. Les quatre premières tranches étaient ainsi revalorisées au-delà du niveau de l’inflation afin d’abaisser plus fortement la pression fiscale pesant sur les contribuables modestes et, inversement, les cinq dernières tranches étaient revalorisées en deçà du niveau de l’inflation afin de limiter la correction du niveau d’imposition au regard de l’inflation annuelle. Ce n’est qu’à compter de 1981 que le principe d’une indexation indifférenciée à l’ensemble des tranches s’est imposé. À partir de cette date, il a constitué une mesure consensuelle de modération de la pression fiscale prise chaque année en loi de finances initiale.
Le projet de loi de finances pour 2012 ne dérogeait pas à cette pratique, puisque son article 2 prévoyait d’indexer le barème de l’impôt sur le revenu au titre de l’année 2011 sur l’inflation anticipée au titre de cette même année. Toutefois, dans le cadre de la présentation du plan pluriannuel d’équilibre des finances publiques en novembre 2011, la dernière loi de finances rectificative pour 2011 est revenue sur cette indexation, et in fine les seuils d’imposition des différentes tranches du barème ont été gelés au titre de l’imposition des revenus de l’année 2011, mais également de l’année 2012.
Ce gel est venu s’appliquer de façon uniforme à l’ensemble des tranches du barème de l’impôt sur le revenu, sans aucune modulation pour épargner les contribuables aux revenus peu élevés relevant des premières tranches. Par ailleurs, aucun correctif n’a été apporté à l’absence d’indexation d’un certain nombre de dispositifs dont bénéficient les ménages modestes, et qui évoluent mécaniquement de la même façon que le barème de l’impôt sur le revenu.
La situation des finances publiques n’a pas permis à la nouvelle majorité issue des élections du printemps 2012 de revenir sur le gel du barème décidé pour l’imposition des revenus de 2012. Toutefois, afin de préserver les contribuables les plus modestes des effets des mesures de rigueur adoptées en 2011, le Gouvernement avait prévu deux dispositifs :
– une forte revalorisation de la décote, à hauteur de 9 %, permettant de neutraliser l’effet du gel du barème pour les contribuables disposant de revenus assujettis aux première et deuxième tranches du barème de l’impôt sur le revenu (le mécanisme de la décote étant présenté infra) ;
– une revalorisation de 2 % des plafonds des montants d’abattement et de revenus figurant aux articles 1414 A et 1417 précités, sur lesquels reposent les régimes d’exonération et d’abattement s’agissant de la taxe d’habitation, de la taxe foncière, de la CAP et de la CSG. Cette hausse permettait ainsi aux contribuables bénéficiant de ces dispositifs d’exonération ou d’abattement en 2012 de ne pas les perdre alors que leurs revenus n’avaient pas augmenté en valeur réelle.
Par ailleurs, à l’initiative du rapporteur général, les dispositions de l’article 2 de la loi de finances pour 2013 à destination des ménages modestes ont été complétées par deux mesures :
– l’augmentation de 2 % du montant des revenus nets de frais professionnels conditionnant l’affranchissement de l’impôt sur le revenu des contribuables les plus modestes, tels que mentionnés à l’article 5 du code général des impôts ;
– la hausse de 2 % des revenus conditionnant le bénéfice de l’abattement pour les personnes âgées au titre de leur impôt sur le revenu, prévu à l’article 157 bis du code général des impôts.
II. UNE FORTE REVALORISATION DE LA DÉCOTE, POUR ALLÉGER L’IMPOSITION DES CONTRIBUABLES AUX REVENUS MODESTES
Le mécanisme de la décote a été introduit par la loi de finances pour 1982 (6) au bénéfice des contribuables isolés disposant d’une part ou d’une part et demie de quotient familial. Ce mécanisme se substituait à l’époque à un dispositif d’abattement visant à exonérer d’impôt les salariés rémunérés au SMIC disposant d’une part de quotient familial, au motif que cet abattement entraînait d’importants effets de seuil.
« Afin (…) d’améliorer le sort des familles », la loi de finances pour 1987 (7) a étendu le bénéfice de la décote à l’ensemble des contribuables, portant ainsi le nombre de ses bénéficiaires de 2,8 millions à 7 millions.
Selon les informations fournies au rapporteur général, le mécanisme de la décote a bénéficié en 2012 à 11,75 millions de ménages, pour un coût estimé à 1,99 milliard d’euros. Parmi ces ménages, 4,11 millions étaient rendus non imposés, tandis que 7,64 millions ont vu leur imposition réduite : la cotisation d’impôt de 4,46 millions de ménages a diminué tandis que 3,18 millions ont bénéficié d’une restitution plus élevée.
Le mécanisme de la décote, tel que défini au 4 du I de l’article 197 du code général des impôts, consiste à réduire le montant de l’impôt résultant de l’application du barème progressif de la différence entre 480 euros et la moitié de son montant.
La cotisation d'impôt prise en compte pour l'application de la décote s'entend de l'impôt résultant du barème progressif, après application, le cas échéant, du plafonnement des effets du quotient familial mais avant imputation de tous les autres correctifs susceptibles d'affecter son montant, notamment les réductions et crédits d’impôts, les impôts sur les plus-values ou profits à taux proportionnels, ou encore le plafonnement global de certains avantages fiscaux. Dans les départements d'outre-mer, la décote est calculée sur l'impôt brut déterminé après application des abattements de 30 % ou 40 % prévus au 3 de l'article 197 du code général des impôts.
Exemple : un célibataire dispose d’un revenu imposable au titre de l’année 2012 de 15 000 euros. En application du barème et après déduction forfaitaire pour frais professionnels, l’impôt dont il devrait s’acquitter s’élève à 551 euros.
Toutefois, en application de la décote, il convient de retrancher de ce montant [480–(551/2)]= 205 euros, l’imposition devant être acquittée après décote s’élevant à 346 euros (soit 551 – 205 euros).
Ce mécanisme permet donc bien d’alléger l’imposition des contribuables aux revenus modestes. D’une part, son application peut conduire à rendre non imposables des contribuables qui le seraient sinon en application du barème, ou à réduire le montant de l’imposition due à un niveau inférieur au seuil minimal de recouvrement, soit 61 euros. D’autre part, pour les revenus plus élevés, ce mécanisme vient réduire le montant effectivement dû de l’impôt, en retardant la progression de l’imposition en application du barème, de façon dégressive à mesure que cette imposition augmente.
En pratique, l’impôt dû après application de la décote est nul tant que le montant d’impôt dû avant décote est inférieur aux deux tiers de la valeur maximale de la décote. En l’état du droit, l’impôt effectivement acquitté reste nul tant que l’imposition due est inférieure à 320 euros (soit 480 x 2/3). Ce montant de 320 euros correspond à la réduction maximale pouvant être obtenue ; au fur et à mesure que l’impôt dû avant décote croît au-delà de 320 euros, le montant de la baisse d’impôt résultant de la décote décroît, pour devenir nul à partir d’un niveau d’imposition égal à deux fois la valeur maximale de la décote, soit 960 euros (480 x 2).
Exemple 1 : un célibataire dispose d’un revenu imposable au titre de l’année 2012 de 12 400 euros. En application du barème et après déduction forfaitaire pour frais professionnels, l’impôt dont il devrait s’acquitter s’élève à 286 euros.
Toutefois, en application de la décote, il convient de retrancher de ce montant [480–(286/2)]= 337 euros ; l’imposition devant être acquittée après décote est donc nulle.
Il convient de préciser à cet égard que l’avantage issu de la décote est retenu dans la limite du montant de l’imposition et ne donne lieu à aucun remboursement au bénéfice du contribuable.
La décote peut également se combiner avec le seuil minimum de recouvrement, pour aboutir à un impôt effectivement acquitté égal à 0.
Exemple 2 : Un couple avec deux enfants dispose d’un revenu imposable au titre de l’année 2012 de 27 000 euros. En application du barème, après déduction forfaitaire pour frais professionnels et application du quotient familial, l’impôt dont il devra s’acquitter s’élève à 353 euros.
Toutefois, en application de la décote, il convient de retrancher de ce montant [480–(353/2)]= 304 euros ; l’imposition devant être acquittée après décote s’élèverait donc à 49 euros, soit un montant inférieur au seuil minimum de recouvrement. Le ménage ne paiera donc pas d’impôt non plus.
On observera également que les revenus bénéficiant d’un système de quotient (à l’instar des revenus exceptionnels ou différés) sont appréciés dans leur totalité pour l’application de la décote, alors même qu’ils sont divisés par un quotient pour l’application du barème progressif (le montant d’imposition ainsi obtenu est alors multiplié par ce même quotient (8)).
Enfin, le mécanisme de la décote n’étant pas familiarisé, ses effets sont sensiblement moins avantageux pour un couple que pour un célibataire, ce qui peut diminuer la progressivité de l’impôt à l’entrée du barème pour les contribuables disposant de plus d’une part de quotient familial. Ce constat est accentué par le fait que d’autres dispositifs s’ajoutant à la décote présentent la même caractéristique (à l’instar du seuil minimum de recouvrement ou des minimums garantis). Les contribuables célibataires sont ainsi mieux traités au regard de l’entrée dans le barème progressif que les couples, à revenu par part égale.
B. UN MONTANT FORTEMENT REVALORISÉ EN LOI DE FINANCES POUR 2013 POUR NEUTRALISER L’EFFET DU GEL DU BARÈME
Traditionnellement, le montant de la décote maximale prévu au 4 du I de l’article 197 du code général des impôts est revalorisé chaque année à hauteur du taux de l’inflation, par l’article de la loi de finances indexant le barème de l’impôt sur le revenu. Il a été fait exception à cette règle pour l’imposition des revenus de l’année 2011 du fait du gel du barème.
En revanche, si la loi de finances pour 2013 n’est pas revenue sur le gel du barème pour l’imposition des revenus de l’année 2012, tel qu’il avait été décidé par la précédente majorité, elle a procédé à une forte revalorisation du montant de la décote, ainsi que cela a été mentionné supra, afin de limiter les effets des mesures de rigueur pour les contribuables modestes. Le montant maximal de la décote a en effet été porté de 439 à 480 euros, soit une hausse de 9 %.
Le Gouvernement a ainsi fait le choix d’un taux de revalorisation sensiblement supérieur au niveau de l’inflation anticipée pour l’année 2012, laquelle était évaluée à 2 %, et qui n’aurait conduit qu’à un montant de décote de 448 euros. Il a également décidé d’aller au-delà d’un rattrapage du gel cumulatif appliqué en 2011 (avec une inflation évaluée à 2,1 %) puis en 2012 (2 %), qui n’aurait porté la décote qu’à 457 euros.
La hausse de la décote a été calibrée de manière à neutraliser les effets du gel du barème en 2012 pour les contribuables disposant de revenus inférieurs ou égaux au seuil de la deuxième tranche du barème pour un célibataire, soit 11 896 euros, et qui ont augmenté comme l’inflation. Pour parvenir à cet objectif, la décote devait ainsi passer de 439 à 480 euros.
Au cours des dernières années, le montant maximal de la décote a ainsi évolué comme suit :
ÉVOLUTION DU MONTANT MAXIMAL DE LA DÉCOTE
Année de perception des revenus |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
Montant de la décote maximale applicable |
407 |
414 |
419 |
431 |
433 |
439 |
439 |
480 |
Source : lois de finances.
L’impact budgétaire de la décote dans le calcul de l’impôt est resté relativement stable au cours des dernières années, à hauteur d’environ 2 milliards d’euros. Le relèvement de 9 % réalisé en loi de finances pour 2013 se traduit en revanche par une hausse sensible de son coût budgétaire, lequel devrait s’établir à 2,145 milliards d’euros en 2013, contre 1,99 milliard d’euros l’année passée. Le nombre total de bénéficiaires de la décote pour cette même année n’est pas encore connu.
C. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE AUGMENTATION DE 5,8 % DE SON MONTANT, QUI, COMBINÉE À L’INDEXATION DU BARÈME, ALLÈGE LA PRESSION FISCALE PESANT SUR LES MÉNAGES MODESTES
Le 2° du présent article vient à nouveau revaloriser le montant de la décote au-delà de l’inflation, et le porte de 480 à 508 euros. Une indexation sur le niveau de l’inflation, soit 0,8 %, aurait conduit à une décote de 484 euros, mais le Gouvernement a souhaité aller plus loin en majorant ce montant de 5 % du montant applicable en 2013, soit une hausse de 5,8 % au total.
L’indexation du barème de l’impôt sur le revenu prévue par le 1° du présent article est réalisée de façon uniforme. Cette revalorisation touche de la même façon toutes les tranches du barème et bénéficie à l’ensemble des contribuables. La forte augmentation de la décote permet de cibler les efforts en faveur du pouvoir d’achat sur les contribuables disposant de revenus limités, en allégeant l’imposition de certains d’entre eux tout en permettant à d’autres de « sortir » du barème, dans un souci d’équité et de justice sociale.
L’association de la décote et du dégel du barème se traduit par une nette hausse du seuil de revenus à partir duquel un contribuable ne paye pas d’impôt ou se trouve dispensé d’acquitter un impôt inférieur au seuil minimum de mise en recouvrement. La décote permettra ainsi d’annuler l’imposition due par un contribuable jusqu’à un montant d’impôt avant décote de 339 euros, au lieu de 320 euros l’année précédente. En prenant en compte l’effet du seuil de mise en recouvrement, ce montant est porté à 379 euros en 2013, contre 361 euros en 2012.
(en euros)
Année d’imposition des revenus |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
Montant maximal de la décote |
433 |
439 |
439 |
480 |
508 |
Montant maximal d’imposition due pouvant être annulé par la décote |
288 |
292 |
292 |
320 |
338 |
Montant maximal d’imposition due pouvant être annulé par la décote compte tenu du seuil de mise en recouvrement |
329 |
334 |
334 |
361 |
379 |
Source : lois et projet de loi de finances.
Par ailleurs, les contribuables dont l’imposition ne peut être annulée du fait de la décote bénéficieront d’un lissage plus progressif à l’entrée dans le barème progressif, jusqu’à un montant de 1 016 euros (soit 2 x 508 euros) d’imposition avant décote, au lieu de 960 euros auparavant.
Pour l’imposition au titre des revenus de l’année 2013, un contribuable célibataire ne sera pas imposable si son revenu annuel est inférieur à 13 725 euros – ce chiffre tenant compte du seuil minimal de mise en recouvrement – soit des revenus légèrement supérieur à un SMIC (13 440 euros). Par ailleurs, un contribuable célibataire bénéficiera d’une diminution de son impôt grâce à la décote si son revenu annuel est inférieur à 18 772 euros.
Ces montants sont en nette hausse par rapport aux deux années précédentes, ainsi que l’illustrent les tableaux suivants :
ÉVOLUTION DU CHAMP D’APPLICATION DE LA DÉCOTE
(en euros)
2011 |
2012 |
2013 | |
Dernier revenu non imposable du fait de la décote fixée à 439 euros |
Dernier revenu non imposable du fait de la décote fixée à 480 euros |
Dernier revenu non imposable du fait de la décote fixée à 508 euros | |
1 part |
13 275 |
13 490 |
13 725 |
1,5 part |
16 677 |
17 222 |
17 685 |
2 parts |
19 989 |
20 534 |
21 024 |
2,5 parts |
23 302 |
23 848 |
24 364 |
3 parts |
26 614 |
27 160 |
27 703 |
3,5 parts |
29 928 |
30 473 |
31 043 |
Source : DGFiP.
(en euros)
2011 |
2012 |
2013 | |
Dernier revenu imposable bénéficiant d’un allègement par la décote fixée à 439 euros |
Dernier revenu imposable bénéficiant d’un allègement par la décote fixée à 480 euros |
Dernier revenu imposable bénéficiant d’un allègement par la décote fixée à 508 euros | |
1 part |
17 592 |
18 242 |
18 772 |
1,5 part |
22 905 |
23 557 |
24 129 |
2 parts |
28 220 |
28 870 |
29 484 |
2,5 parts |
35 533 |
34 184 |
34 841 |
3 parts |
37 603 |
39 260 |
40 198 |
3,5 parts |
40 916 |
45 572 |
43 891 |
Source : DGFiP.
Si l’indexation du barème prévue au 1° du présent article permet de ne pas accroître la pression fiscale sur l’ensemble des contribuables, la forte hausse de la décote, associée à ce dégel, se traduit par l’allègement de l’imposition des contribuables les plus modestes, y compris lorsque leurs revenus croissent au même rythme que l’inflation.
Exemple 1 : un célibataire dispose d’un revenu imposable au titre de l’année 2012 de 14 000 euros. Son revenu augmente en 2013 au rythme de l’inflation, soit 0,8 %, et il s’élève pour l’année 2013 à 14 112 euros.
Au titre de l’imposition de ses revenus de 2012, ce célibataire devrait s’acquitter d’un impôt de 425 euros avant décote. L’imposition effectivement due est ramenée à 157 euros après décote de 480 euros (soit une baisse de 268 euros).
Au titre de l’imposition de ses revenus de 2013, ce célibataire devrait, en application du barème indexé à hauteur de 0,8 %, s’acquitter d’un impôt de 429 euros. L’imposition effectivement due est ramenée à 135 euros après application d’une décote de 508 euros (soit une baisse de 294 euros).
Exemple 2 : un couple avec trois enfants dispose d’un revenu imposable de 36 000 euros au titre de l’année 2012. Son revenu n’augmente pas en 2013.
Au titre de l’imposition de ses revenus de 2012, ce ménage devrait s’acquitter d’un impôt de 470 euros avant décote. L’imposition effectivement due est ramenée à 225 euros après décote (soit une baisse de 245 euros).
Au titre de l’imposition de ses revenus de 2013, ce ménage devrait, en application du barème indexé à hauteur de 0,8 %, s’acquitter d’un impôt de 460 euros. L’imposition effectivement due est ramenée à 182 euros après application de la décote (soit une baisse de 278 euros).
Cette mesure de revalorisation devrait bénéficier à 7,052 millions de contribuables. Parmi ces derniers, 230 000 ménages qui auraient été imposés en application du barème défini par le présent projet de loi ne le seront pas en fait, tandis que 6,822 millions de ménages jouiront d’une diminution de leur imposition : 4,938 millions de ménages imposés verront leur cotisation d’impôt réduite, tandis que 1,884 million de ménages bénéficiant d’une restitution, dans le cadre de crédits d’impôt, verront leur restitution augmenter.
Le gain de pouvoir d’achat de la mesure s’avère uniformément réparti, ainsi que l’illustre le tableau ci-après par déciles de contribuables.
RÉPARTITION PAR TRANCHE DE RFR DES DÉCILES DES CONTRIBUABLES GAGNANTS AVEC LA MESURE DE REVALORISATION DE LA DÉCOTE DE 480 EUROS À 508 EUROS
(en euros)
Tranches de revenu fiscal de référence |
Déciles des foyers fiscaux gagnants |
Coût budgétaire (en recouvrement) en millions d’euros | |
Bornes inférieures |
Bornes supérieures | ||
Jusqu’à 13 205 |
705 262 |
21 | |
13 205 |
14 148 |
705 262 |
20 |
14 148 |
15 027 |
705 262 |
19 |
15 027 |
15 893 |
705 262 |
20 |
15 893 |
16 735 |
705 262 |
19 |
16 735 |
19 497 |
705 262 |
19 |
19 497 |
22 391 |
705 262 |
20 |
22 391 |
25 551 |
705 262 |
20 |
25 551 |
29 787 |
705 262 |
19 |
Plus de 29 787 |
705 262 |
19 | |
Total |
7 052 620 |
196 |
Source : DGFiP.
Le coût de la mesure est évalué à 193 millions d’euros, dont 25 millions d’euros au titre de l’indexation de 0,8 % sur l’inflation et 168 millions d’euros au titre de la revalorisation exceptionnelle de 5 %.
*
* *
Les tableaux ci-dessous détaillent les différents régimes d’exonérations, de dégrèvements et d’abattements applicables, en matière de taxe d’habitation, de taxe foncière sur les propriétés bâties et de contribution pour l’audiovisuel public, en indiquant lesquels sont impactés par les plafonds de revenus et les montants d’abattement mentionnés respectivement aux articles 1417 et 1414 A (en gras dans les tableaux).
● Pour la taxe d’habitation, 3,5 millions de personnes bénéficient de différents dispositifs d’exonération, de dégrèvement et d’abattement, pour un coût estimé en 2013 à 1,35 milliard d’euros :
Public concerné |
Type de mesure |
Condition de ressources en RFR |
Impact de la revalorisation |
Personnes reconnues indigentes par la CCID |
Exonération |
Non |
Aucun |
Titulaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées ou de l'allocation supplémentaire d'invalidité |
Exonération |
Non |
Aucun |
Personnes de condition modeste relogées en raison de la démolition de leur logement dans le cadre d’un projet conventionné par l’ANRU |
Dégrèvement pendant 3 ans de la différence entre TH avant relogement et TH après |
Non |
Aucun |
Titulaires de l’AAH |
Exonération |
Oui (I de l’art. 1417 du CGI) |
Effectif |
Abattement facultatif de 10 % de la valeur locative |
Non |
Aucun | |
Personnes de plus de 60 ans, ainsi que les veufs ou les veuves, quel que soit leur âge |
Exonération ou Dégrèvement selon le niveau de RFR |
Oui (I de l’art. 1417 du CGI) |
Effectif |
Personnes atteintes d’une invalidité ou d’une infirmité |
Exonération |
Oui (I de l’art. 1417 du CGI) |
Effectif |
Personnes accueillant leurs ascendants de plus de 70 ans ou infirmes, à faibles revenus |
Abattement de 10 % de la valeur locative par personne à charge (15 % à partir de la 3e) |
Oui (I de l’art. 1417 du CGI) |
Effectif |
Tous les autres redevables modestes |
Dégrèvement d'office de la fraction de cotisation excédant 3,44 % des revenus, diminués d’un abattement en fonction du nombre de parts |
Oui (II de l’art. 1417 du CGI) |
Effectif |
Abattement facultatif (jusqu'à 15 % de la valeur locative moyenne dans la commune) |
Oui (I de l’art. 1417 du CGI) |
Effectif |
● Pour la taxe foncière, 1,3 million de personnes bénéficient des dispositifs d’exonération et de dégrèvement, pour un coût de 203 millions d’euros en 2012 :
Public concerné |
Type de mesure |
Condition de ressources en RFR |
Impact de la revalorisation |
Titulaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées ou de l'allocation supplémentaire d'invalidité |
Exonération |
Non |
Aucun |
Personnes âgées de plus de 75 ans – (résidence principale ET secondaire) |
Exonération |
Oui (I de l’art. 1417 du CGI) |
effectif
|
Personnes âgées de plus de 65 ans (si non exonérées) |
Dégrèvement d’office de 100 euros |
Oui (I de l’art. 1417 du CGI) |
effectif |
Tous les autres redevables modestes |
Dégrèvement égal à la fraction de la cotisation supérieure à 50 % des revenus |
Oui (I de l’art. 1417 du CGI) |
effectif |
Personnes en EHPAD |
Selon les cas : Exonération Exonération • Dégrèvement de 100 euros |
Non Oui (I de l’art. 1417 du CGI) Oui (I de l’art. 1417 du CGI) |
effectif |
● Pour la contribution pour l’audiovisuel public, 4,05 millions de personnes bénéficient de dispositifs dérogatoires, pour un coût estimé à 513 millions d’euros en 2013 :
Public concerné |
Type de mesure |
Condition de ressources |
Impact de la revalorisation |
Personnes reconnues indigentes par la CCID |
Dégrèvement total |
Non |
Aucun |
Titulaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées ou de l'allocation supplémentaire d'invalidité |
Dégrèvement total |
Non |
Aucun |
Titulaires de l’AAH |
Dégrèvement total |
Oui (I de l’art. 1417 du CGI) |
Effectif |
Personnes de plus de 60 ans, ainsi que les veufs ou les veuves, quel que soit leur âge |
Dégrèvement total Dégrèvement total |
Oui (I de l’art. 1417 du CGI) Oui (I de l’art. 1417 du CGI) |
Effectif Effectif |
Personnes atteintes d’une invalidité ou d’une infirmité |
Dégrèvement total |
Oui (I de l’art. 1417 du CGI) |
Effectif |
Personnes occupant dans les départements d'outre-mer un immeuble dont la valeur locative n'excède pas 40 % (ou 50 % sur délibération de la commune) de la valeur locative moyenne des locaux d’habitation de la commune |
Dégrèvement total |
Non |
Aucun |
Tous les autres redevables dont le montant des revenus est nul (sont notamment concernés les bénéficiaires du RSA ne percevant aucun autre revenu) |
Dégrèvement total |
Oui (absence de revenus tel que définis au II de l’art. 1414 A du CGI) |
Aucun |
Personnes âgées de plus de 74 ans (au 1er janvier 2013), assujetties à la TH, mais qui bénéficiaient d’une exonération de CAP dans le régime antérieur à 2005 (régime dit « des droits acquis ») |
Exonération |
Non (mais condition de non-imposabilité à l’IR et l’ISF) |
Aucun |
Foyers dont l’un des membres est handicapé, assujettis à la TH, mais qui bénéficiaient d’une exonération de CAP dans le régime antérieur à 2005 (régime dit « des droits acquis ») |
Exonération |
Oui (I de l’art. 1417 du CGI) |
Effectif |
*
* *
La Commission examine l’amendement I-CF 103 de M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu. Je présenterai également nos amendements I-CF 104 et I-CF 105.
Nous, députés du Front de gauche, voulons un impôt beaucoup plus progressif, de manière à réduire les impôts indirects, en particulier la TVA qui a été augmentée pour financer le CICE – nous y reviendrons en séance publique.
L’amendement I-CF 103 tend à revenir sur le gel du barème de l’impôt sur le revenu qui s’est appliqué en 2011 et 2012, tout en abaissant le seuil de la tranche d’imposition à 45 % et en créant une nouvelle tranche à 50 % telle qu’il en existe dans de grandes démocraties voisines.
L’amendement I-CF 104 est un amendement de repli puisqu’il ne revient que sur le gel intervenu l’an dernier.
L’amendement I-CF 105 a quant à lui un caractère refondateur puisqu’il tend à instaurer un barème à neuf tranches tel que notre pays en a déjà connu. Il assure ainsi une architecture fiscale beaucoup plus progressive. Nous prenons le parti de défendre le pouvoir d’achat des plus modestes, ce qui serait de bon augure car, si je ne sais trop ce que valent le solde structurel ou le solde conjoncturel, il est certain que le solde électoral est en train de se dégrader pour la majorité !
M. le rapporteur général. L’absence d’indexation du barème l’an passé a été compensée, pour les contribuables les plus modestes, par une revalorisation de 9 % de la décote. L’article 2 procède à une nouvelle revalorisation de 5,8 % – soit 5 points de plus que l’inflation communément prévue – qui bénéficiera aux contribuables imposés jusqu’à 1 018 euros, ce qui correspond à 18 800 euros de revenu pour un célibataire et à 40 000 euros pour un couple avec deux enfants. Quant aux tranches les plus élevées, elles ont fait l’an dernier l’objet d’une vaste réforme incluant la création d’une tranche à 45 % et la « barémisation » des revenus du capital.
Je suis donc défavorable à une nouvelle modification du barème, dont la structure actuelle assure une progressivité de l’impôt suffisante. Vous voudriez que celle-ci soit plus marquée, mais ce niveau est celui que nous souhaitons retenir dans la présente loi de finances.
La Commission rejette successivement les amendements I-CF 103, I-CF 104 et I-CF 105.
Elle examine ensuite l’amendement I-CF 371 de M. Charles de Courson.
M. Philippe Vigier. Nous proposons ici de créer une tranche d’imposition supplémentaire à 50 % pour la fraction des revenus supérieure à 250 000 euros par part de quotient familial, et de supprimer en contrepartie la contribution exceptionnelle de 3 % ou 4 % sur les hauts revenus instaurée par la loi de finances pour 2012. Attachés à la progressivité de l’impôt, qui veut que ceux qui ont la chance d’avoir plus de ressources contribuent aussi davantage, nous ménageons toutefois une progression assez limitée par rapport à ce qui a été fait l’année dernière.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
La contribution exceptionnelle sur les hauts revenus – instaurée, rappelons-le, par la précédente majorité en loi de finances initiale pour 2012, pèse sur le revenu fiscal de référence et s’applique à la plupart des ressources perçues par un foyer fiscal au cours d’une année, dont les revenus professionnels et les revenus et produits tirés du capital. La création d’une tranche supplémentaire que vous proposez serait loin de compenser sa suppression, dont le coût serait de 630 millions d’euros.
Grâce à une base d’imposition bien adaptée, la contribution exceptionnelle assure une progressivité qui nous paraît nécessaire et suffisante.
M. le président Gilles Carrez. Comme le rapporteur général l’a relevé en juillet dernier dans son rapport d’application de la loi fiscale, la contribution exceptionnelle a en effet rapporté 630 millions d’euros en 2012. C’est considérable. C’est d’ailleurs vous-même, monsieur de Courson, qui aviez proposé le taux de 4 % pour la fraction des revenus supérieure à 500 000 euros.
M. Charles de Courson. Notre amendement vise surtout à clarifier le barème en y intégrant les prélèvements exceptionnels que nous ne cessons de créer, pour l’impôt sur le revenu comme pour l’impôt sur les sociétés, et que nous avons trop tendance à pérenniser.
M. le président Gilles Carrez. Il est vrai que la contribution exceptionnelle est moins justifiée depuis que l’on a « barémisé » les revenus du patrimoine. Elle avait en effet l’avantage de s’appuyer sur le revenu fiscal de référence, éléments patrimoniaux compris, à l’époque où la barémisation ne concernait que les revenus du travail. Sans doute faudra-t-il donc réfléchir à une simplification.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite les amendements identiques I-CF 54 de M. Hervé Mariton et I-CF 140 de Mme Marie-Christine Dalloz.
M. Hervé Mariton. Chaque fois que nous défendons la politique familiale, la majorité et le Gouvernement prétendent que nous défendons les familles aisées. C’est faux. En voici une nouvelle preuve : l’amendement I-CF 54 vise à défendre les familles modestes. L’augmentation de la décote permet d’éviter à des familles modestes d’entrer dans l’impôt sur le revenu ; on peut recevoir cette proposition, mais le fonctionnement même de la décote avantage les célibataires par rapport aux couples, et les célibataires comme les couples sans enfant par rapport aux ménages avec enfants. En d’autres termes, la décote n’est ni conjugalisée, ni familialisée. À niveau de vie comparable, un célibataire sera ainsi favorisé par sa majoration alors qu’un couple ou une famille n’en bénéficiera pas. Il y a là une injustice. Certes, nous aurions pu la relever plus tôt, mais il n’est pas interdit de s’améliorer !
Notre amendement devrait faire l’objet d’un large assentiment puisqu’il tend à conformer aux principes de conjugalisation et de familialisation, qui régissent notre système fiscal, le lissage de l’entrée dans l’impôt sur le revenu permis par la décote. La familialisation que nous proposons ne suffit pas, mais c’est une première étape.
M. le président Gilles Carrez. Le problème, que l’on peut négliger lorsque la décote est peu élevée, se pose d’autant plus qu’elle augmente.
Mme Marie-Christine Dalloz. La décote s’applique à l’impôt dû, une fois calculées les déductions qui résultent du nombre de parts. Elle ne prend donc pas en considération la composition du ménage. C’est tout le problème. Les bénéficiaires de la décote ne sont pas des familles aisées et il serait bon de tenir compte du nombre d’enfants qui les composent. C’est ce que permet l’augmentation proposée de 50 euros par enfant à charge, qui familialise la décote.
M. le rapporteur général. Mme Dalloz vient en réalité d’argumenter contre l’amendement. En effet, la familialisation ou la conjugalisation de l’impôt réside dans son mode de calcul. On peut les juger insuffisantes ou excessives ; nous en assumons en tout cas le principe, que personne ne songe à remettre en cause. La décote sert à lisser l’entrée dans le paiement de l’impôt, des mesures d’aménagement rendant cette entrée plus progressive.
De plus, alors que vous nous enjoignez de faire œuvre de simplification, vous proposez de rendre encore plus complexe le dispositif de décote déjà difficile à comprendre par Mme Michu – pour laquelle j’ai beaucoup de respect et dont je rappelle qu’il s’agit d’un personnage de Balzac !
Avis défavorable.
M. Jean-François Lamour. Mme Michu ne demande pas d’explications, monsieur le rapporteur général, elle ne demande qu’à payer l’impôt juste, c’est-à-dire celui qui tient compte de la composition de la famille, dont la décote fait abstraction. Peu lui importe la manière dont l’impôt est calculé par vous, par nous, par le ministère du budget ou par celui des finances ! Que le calcul soit plus ou moins complexe, de toute façon personne n’y comprend rien. Un peu plus de complexité pour un peu plus de justesse et de justice : voilà ce que nous vous proposons.
M. Hervé Mariton. Ce qui importe en effet à Mme Michu, ce n’est pas la simplicité, c’est de payer moins d’impôts. D’autre part, le système de la décote crée aujourd’hui un biais incontestable puisque, contrairement au principe de conjugalisation, il ne permet pas d’assurer l’équité, à revenu équivalent, entre un couple marié et deux personnes qui, vivant en couple, ne procèdent pas à une déclaration commune. C’est injuste. Comme l’a dit le président, plus la décote augmente, plus vous restreignez par le bas l’effet du quotient familial, non contents de l’écrêter.
M. Charles de Courson. L’amendement Mariton m’a d’abord séduit, mais je pense maintenant que notre collègue se trompe quant au fond. En effet, deux personnes vivant en couple qui, n’étant ni mariées ni pacsées, déposent deux déclarations séparées, ont le même revenu et, ayant deux enfants, en prennent chacun un sur leur déclaration, bénéficieront deux fois de la décote ; mais si, mariées ou pacsées, elles déposaient une déclaration commune, elles paieraient moins d’impôts grâce à la conjugalisation et à la familialisation du barème. C’est une double familialisation que propose en réalité notre collègue Mariton ! Je me permets de le dire, moi qui suis un vieux célibataire et qui ai toujours défendu la famille – il est vrai qu’il n’y a plus que les célibataires pour le faire !
M. le président Gilles Carrez. Il faudrait étudier le cas d’un couple ni marié ni pacsé, sans enfant et bénéficiant des mêmes revenus.
M. Hervé Mariton. Je retiens de ce débat que la majorité est défavorable aux couples modestes.
M. le président Gilles Carrez. Sans enfant !
M. Hervé Mariton. L’enfant peut venir !
La Commission rejette les amendements identiques I-CF 54 et I-CF 140.
Elle examine ensuite l’amendement I-CF 199 de Mme Annick Girardin.
Mme Annick Girardin. Afin de soutenir le pouvoir d’achat des plus modestes, ce que nous souhaitons tous faire, cet amendement tend à revaloriser la décote de 7 % au lieu des 5,8 % proposés par le Gouvernement. Cela permettrait de mieux lisser l’entrée dans l’impôt sur le revenu des ménages aux revenus modestes. On dénombre en effet 840 000 contribuables de plus en 2013, alors que la décote a été revalorisée de 9 % dans le PLF pour 2013. Est-on sûr que le dégel et la décote actuelle suffisent à stabiliser le nombre de foyers imposables ?
M. le rapporteur général. L’année dernière, la décote a été revalorisée de 9 % pour tenir compte de l’effet de décisions souvent antérieures mais que nous n’avons pas remises en cause, disons-le clairement. Cette année, elle est revalorisée de 5 points de plus que l’inflation. Tout le monde s’accorde à dire que le déficit budgétaire ne se résorbe pas assez vite ; notre trajectoire nous permet de revaloriser la décote de 5,8 %, mais pas de 7 %. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient ensuite à l’amendement I-CF 479 de M. Dominique Lefebvre.
M. Dominique Lefebvre. Nous proposons de revaloriser de 4 %, bien au-delà de l’inflation, le revenu fiscal de référence utilisé pour l’application de nombreux régimes d’exonération de taxe d’habitation, de contribution pour l’audiovisuel public ou de prélèvements sociaux. Il convient en effet de revenir sur les conséquences des décisions prises par la précédente majorité, notamment le gel du barème, de la décote et du revenu fiscal de référence qui a fait entrer nombre de ménages dans l’impôt sur le revenu – effet partiellement atténué par la décote – et surtout dans l’imposition locale.
L’effet budgétaire de la mesure, d’environ 450 millions d’euros à terme, sera moindre en 2014 car les mécanismes d’exonération ou de taux réduit de CSG et de CRDS ne joueront qu’à partir de 2015, mais le dispositif n’en apporte pas moins 450 millions d’euros de pouvoir d’achat aux foyers qui se situent à la limite entre les 50 % de ménages les plus modestes, non imposés, et ceux qui commencent à payer l’impôt.
Cette mesure s’inscrit dans un dispositif global, constitué de quatre amendements déposés par l’ensemble des commissaires socialistes ; deux autres visent à favoriser de même le pouvoir d’achat : ils tendent l’un à supprimer l’article 4, l’autre à soumettre au taux réduit de TVA les travaux de rénovation énergétique. Et nous ne nous y contentons pas de gages formels !
M. le rapporteur général. Pour être parfaitement compris, cet amendement exige de la pédagogie. Depuis longtemps, beaucoup de nos concitoyens pensent qu’être non imposable – ce qui n’est d’ailleurs pas exactement équivalent à ne pas payer d’impôt sur le revenu – ouvre ipso facto droit à des exonérations ou des allégements de la redevance audiovisuelle, de la taxe foncière ou de la taxe d’habitation, ou bien encore à l’application d’un taux réduit de CSG, comme c’est le cas pour les retraités. Il y a deux ou trois ans, des administrés sont ainsi venus me voir en mairie pour s’étonner de devoir soudain s’acquitter de la redevance audiovisuelle, bien que non imposables. C’est tout simplement que leur revenu fiscal de référence, calculé par l’administration fiscale, dépassait le plafond au-dessus duquel il n’y a plus exonération. Il s’agit donc de bien faire comprendre que c’est le niveau de ce revenu fiscal de référence, et non le fait de ne pas payer d’impôt sur le revenu, qui donne, ou non, accès à la douzaine de dispositifs concernés.
Cet amendement, dont je suis cosignataire, vise à relever significativement le seuil du revenu fiscal de référence de façon à éviter à certains contribuables la double peine qui consisterait à devoir s’acquitter nouvellement de l’impôt sur le revenu mais aussi d’avoir à supporter des charges nouvelles dont ils étaient auparavant exonérés ou dégrevés.
D’après les nombreuses simulations qui ont été réalisées sur ce sujet, complexe puisqu’interférant avec la fiscalité locale, cet amendement produirait une économie d’impôt globale d’environ 450 millions d’euros pour l’ensemble de nos concitoyens, ce tous impôts confondus et éventuellement à cheval sur plusieurs exercices budgétaires. Quatre cent cinquante millions d’euros de pouvoir d’achat ainsi restitués, ce n’est pas rien !
L’an passé, le relèvement du plafond du revenu fiscal de référence, auquel nous avions également procédé par voie d’amendement, était passé relativement inaperçu. Cette année, nous le revalorisons de 4 %, ce qui devrait permettre de traiter les situations les plus difficiles, sur lesquelles on a légitimement appelé notre attention.
M. le président Gilles Carrez. Malheureusement, dans les statistiques dont nous disposons, la rubrique « foyers non imposables » regroupe les foyers effectivement non imposables mais aussi les foyers qui ne paient pas d’impôt sur le revenu. Avant que les niches fiscales n’aient été plafonnées, il pouvait arriver qu’un foyer dont le revenu s’élevait pourtant à plusieurs centaines de milliers d’euros, voie son impôt annulé en totalité par le seul jeu des niches. La plus grande prudence s’impose donc dans le maniement des chiffres.
M. Hervé Mariton. La majorité est conduite à présenter cet amendement pour réparer le mal que constitue l’alourdissement de l’imposition qu’elle a décidé.
Que le revenu fiscal de référence détermine ainsi l’accès à divers dispositifs sociaux et fiscaux crée de fait une trappe à pauvreté. Il est sans doute justifié, lorsque l’imposition s’alourdit, d’en relever le plafond afin de limiter les effets induits collatéralement, mais il conviendrait que la limitation de ces effets soit graduelle, de façon à ne pas enfermer certains foyers dans cette trappe à pauvreté.
M. Henri Emmanuelli. C’est votre majorité, lorsqu’elle était aux affaires, qui a élargi cette trappe !
M. Hervé Mariton. Non, c’est vous qui, par le dispositif que vous proposez, élevez une marche que trop de foyers n’auront pas intérêt à franchir.
Le problème soulevé est légitime ; la réponse que vous y apportez n’est pas bonne.
M. Charles de Courson. Je constate qu’une nouvelle fois, les gages proposés sont « bidons » puisqu’ils consistent à augmenter les droits sur les tabacs et alcools ! Ce n’est pas ainsi que l’on trouvera les 270 millions d’euros de pertes de recettes qu’il faudra compenser aux collectivités.
M. le président Gilles Carrez. Le produit est assuré pour les collectivités car il s’agit de dégrèvements.
M. Charles de Courson. Pourquoi est-il alors question dans l’amendement de « perte de recettes pour les collectivités territoriales » ?
M. le président Gilles Carrez. Si je puis me permettre de le dire à la place de notre collègue Dominique Lefebvre, ce gage a été prévu par précaution.
M. Charles de Courson. Cet amendement qui, quoi qu’on dise, ne sera pas neutre pour les collectivités, ne le sera pas non plus pour les comptes sociaux où manqueront, cette fois, 180 millions d’euros. Augmentera-t-on encore le prix du tabac, après l’augmentation déjà programmée à d’autres fins ? Vu l’état de nos finances publiques, il serait déraisonnable de voter un amendement dont le coût oscille entre 400 et 500 millions d’euros.
M. le président Gilles Carrez. Le gage est formel puisque, conformément à l’article 40, aucun amendement ayant pour effet d’occasionner des pertes de recettes publiques ne peut être accepté s’il n’est gagé. Je suis le premier conscient que gager un amendement sur les droits applicables au tabac relève d’un exercice assez virtuel d’acrobatie budgétaire, mais peut-être aurons-nous la surprise de voir le Gouvernement nous proposer en séance publique 470 millions d’euros d’économies supplémentaires !
M. le rapporteur général. Dominique Lefebvre l’a dit, le groupe socialiste va proposer un ensemble d’amendements permettant de trouver les recettes nécessaires au financement de ces mesures. Ce « paquet » est équilibré. Soyez rassuré, il n’y aura pas d’imprévu et le tabac n’augmentera pas du fait de cette mesure.
M. Nicolas Sansu. Nous sommes très favorables à l’esprit de cet amendement. J’ai toutefois une question concernant les collectivités territoriales. Il me semble que les pertes de recettes estimées entrent dans l’enveloppe normée de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et des allocations compensatrices d’exonérations des impôts directs locaux. Si, comme il est prévu, l’enveloppe normée diminue d’un milliard et demi d’euros et que 270 millions doivent encore y être prélevés pour financer cette mesure, c’est au final de 1,77 milliard que cette enveloppe sera amputée.
M. le rapporteur général. La quasi-totalité des dégrèvements accordés en conséquence des dispositions votées dans la loi de finances est compensée aux collectivités. Seule la petite fraction des dégrèvements que ces collectivités peuvent elles-mêmes décider ne l’est pas. En 2014, selon l’évaluation préalable de l’article, pour l’augmentation de 0,8 % du RFR résultant de l’article 2, les dégrèvements accordés devraient se répartir en 10 millions d’euros non compensés, pour l’ensemble des collectivités, et 75 millions compensés par l’État.
M. Olivier Carré. À combien le Gouvernement avait-il estimé les économies procurées par le gel du plafond de revenu fiscal de référence ? Il serait intéressant de confronter l’évaluation faite à l’époque et celle de la dépense supplémentaire estimée aujourd’hui.
Comme l’a expliqué le ministre lors de son audition, en réponse à une question du président de notre Commission, l’augmentation du nombre de foyers fiscaux nouvellement redevables de l’impôt sur le revenu est liée bien davantage à la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires et à l’intégration des revenus des placements financiers dans l’assiette imposable qu’au gel du barème, largement compensé par la décote.
M. le rapporteur général. S’agissant des pertes de recettes de taxe d’habitation et de taxe foncière, les ordres de grandeur étaient les mêmes pour l’année 2012, avec 82 millions d’euros de gain issu de la non indexation du barème, dont 73 millions d’euros pour la taxe d’habitation et 9 millions pour la taxe foncière.
M. Alain Fauré. Si nous sommes obligés de déposer un tel amendement, c’est pour corriger les perfidies du budget pour 2012, voté en décembre 2011 – à une époque, monsieur Mariton, où vous apparteniez à la majorité !
M. Marc Le Fur. La dépense supplémentaire qui résultera de cet amendement est gagée pour partie « par la majoration à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement », c’est-à-dire par la majoration d’une subvention de l’État aux collectivités. Je ne comprends donc pas comment il a pu être déclaré recevable au titre de l’article 40.
M. le président Gilles Carrez. Cela est tout à fait normal car la DGF est considérée comme un prélèvement sur recettes, et non comme une dépense.
La Commission adopte l’amendement I-CF 479 (amendement n° 277).
Puis elle adopte l’article 2 ainsi modifié.
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* *
La Commission est saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 2. Elle examine d’abord l’amendement I-CF 235 de Mme Eva Sas.
Mme Eva Sas. Nous aurions pu intituler cet amendement d’appel « amendement réforme Piketty ». Conformément à l’engagement pris par le Président de la République, nous proposons de fusionner l’impôt sur le revenu et la CSG afin de rendre notre système fiscal plus lisible et plus juste, avec une imposition plus progressive et moins mitée par les niches fiscales. Il conviendrait pour cela, dans un premier temps, de supprimer l’impôt sur le revenu, trop mité pour pouvoir être réformé en l’état, puis de le basculer en totalité sur la CSG, dont l’assiette est plus large et plus juste, et enfin de rendre la CSG progressive. Ce serait de nature à restaurer la confiance dans notre système fiscal.
M. le rapporteur général. Les amendements d’appel sont toujours sympathiques et donnent toujours lieu à de longs débats. Pour autant, ce n’est ni M. Piketty, ni d’ailleurs le MEDEF, Les Échos ou la CFDT qui font la loi, mais les parlementaires et eux seuls. Substituer à l’impôt sur le revenu actuel une CSG réformée soulèverait de très nombreux problèmes. Le Gouvernement et la majorité, du moins certaines de ses composantes, sont disposés à réfléchir à leur rapprochement. Mais il faut rappeler que la CSG est perçue à la source sur les revenus, sans décalage, alors que l’impôt sur le revenu l’est avec un an de décalage ; que le taux de la CSG est identique pour tous, à l’exception de quelques rares taux réduits, alors que l’impôt sur le revenu est progressif ; enfin, que, contrairement à l’impôt sur le revenu, la CSG ne tient pas compte de la situation familiale.
Tout rapprochement entre CSG et impôt sur le revenu exigerait de lever plusieurs contraintes lourdes. Substituer à un impôt perçu avec un an de décalage un impôt prélevé immédiatement obligerait, l’année du basculement, à prévoir, soit une imposition double, soit une imposition nulle, sauf à étaler ce basculement sur plusieurs années – ce qui serait sans doute la solution choisie pour mettre en oeuvre cette réforme.
Mme Eva Sas. C’était un engagement du Président de la République.
M. le rapporteur général. Il demeure, mais c’est plutôt un objectif de deuxième partie de législature. Nous ne pouvons ainsi, au détour d’un amendement, modifier aussi radicalement notre système fiscal. Vous l’aurez compris, je suis défavorable à cet amendement.
M. Dominique Lefebvre. La vocation d’un amendement d’appel étant d’être soit retiré, soit rejeté, comme celui-ci ne sera vraisemblablement pas retiré, les commissaires socialistes voteront contre.
Toute réforme fiscale se heurte à des problèmes importants, qui se posent d’ailleurs à peu près dans les mêmes termes pour les entreprises et pour les ménages, les contraintes n’étant pas différentes. Dois-je rappeler l’extrême difficulté de mener une réforme fiscale à produit constant – nous aurons l’occasion d’y revenir à l’article 10 ? Chacun s’accordera à reconnaître qu’une réforme visant à établir une assiette large, peu susceptible d’optimisation, permettant à la fois d’instaurer de la progressivité et d’afficher des taux faibles, va dans le bon sens. Mais si cela se fait à produit constant, on redistribue. Les entreprises, comme l’ont fait savoir le MEDEF et l’AFEP, n’ont pas souhaité s’engager dans cette voie en 2014. Pour ce qui est des ménages, la progressivité de la CSG poserait également de redoutables problèmes politiques.
Pour le reste, compte tenu du rôle que j’ai joué auprès de Michel Rocard lors de l’instauration de la CSG, je suis toujours heureux qu’on en vante les mérites : assiette large, taux certes proportionnel mais il faut se souvenir qu’elle s’est substituée à des cotisations dégressives. Comme l’a souligné le rapporteur général, avant de basculer l’impôt sur le revenu sur la CSG, il faudrait régler le problème du prélèvement à la source et traiter la question, éminemment politique, de la familialisation de l’impôt. Une telle réforme, aussi bien pour les entreprises que pour les ménages, ne saurait être engagée que de façon progressive, dans la durée, et alors qu’on dispose de marges de manœuvre financières suffisantes.
Préparer le rapprochement des deux prélèvements suppose de continuer ce qui a été engagé depuis juin 2012, à savoir en finir avec le mitage de l’impôt sur le revenu. Il faut notamment supprimer les niches fiscales, dont chacune altère la progressivité de l’impôt. Or, je suis sûr, madame Sas, que lorsque nous en viendrons à l’article 4, l’unanimité se fera jour pour ne pas remettre en question certaine niche fiscale… Bref, ce n’est pas l’objectif que vous visez qui est critiquable, mais les moyens de l’atteindre.
M. Charles de Courson. L’engagement n° 14 du Président de la République est l’exemple même d’une idée folle quand on sait que l’assiette de la CSG est de 1 100 milliards d’euros contre 400 milliards pour l’impôt sur le revenu et que le produit de la première est de 90 milliards contre 55 milliards pour le second. Toutes les simulations montrent qu’une telle réforme occasionnerait des transferts considérables, pénalisant lourdement les familles car il sera impossible de familialiser la CSG.
M. Henri Emmanuelli et plusieurs autres commissaires du groupe SRC. Pas du tout !
M. le président Gilles Carrez. Même si elle ne pénalisait pas les familles, cette réforme provoquerait en tout état de cause des transferts massifs. Or aucune réforme fiscale entraînant des transferts n’est jamais bonne pour les gouvernements en place. En effet, ceux qui y gagnent se terrent et se taisent, tant d’ailleurs ils en sont parfois étonnés, tandis que ceux qui y perdent hurlent à la mort.
M. Charles de Courson. Ce sont les couches moyennes qui feraient les frais d’une telle réforme. Ne semez plus de telles idées folles !
M. Hervé Mariton. Cet amendement, qui reprend l’un des engagements extravagants du Président de la République, est cohérent avec la doctrine économique que défend M. Thomas Piketty. Reste à espérer que, d’ici à la fin du quinquennat, les conditions ne seront pas réunies pour qu’il soit mis en œuvre. Il aurait pour conséquence d’alourdir l’impôt de manière considérable pour les classes moyennes et les familles. M. Thomas Piketty l’assume d’ailleurs parfaitement, qui milite pour l’individualisation de l’impôt. Mais cela relève d’une vision totalement différente de la société.
Enfin, oui à la progressivité de l’impôt, mais jusqu’à un certain point seulement. Si des niches fiscales ont été créées, c’est aussi pour limiter l’extrême concentration et la très forte progressivité qui caractérisent aujourd’hui notre système fiscal. Sans doute est-on allé trop loin à cet égard et il était opportun de plafonner les niches. Mais la réforme proposée serait particulièrement néfaste. Elle est, hélas, cohérente avec la doctrine fiscale professée par certains de vos inspirateurs et avec certaines orientations fiscales qu’il est arrivé, non seulement aux élus Verts mais aussi socialistes, de défendre, et dont nous ne dirons jamais assez aux Français de se méfier.
M. Pascal Cherki. Le rapporteur général a raison, ce sont les parlementaires et eux seuls qui font la loi fiscale. Nous aurons l’occasion d’y revenir plus loin pour rappeler par exemple qu’il n’appartient pas aux « pigeons » de dicter le régime d’imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières non plus qu’à l’AFEP de décréter que la taxation de l’excédent brut d’exploitation n’est pas opportune. Mais il faudrait être cohérent ! On ne peut, d’un côté, céder à certains lobbies, particulièrement bien armés sur le plan idéologique, et de l’autre, rejeter sans autre forme de procès certaines réformes progressistes, au motif que nul ne devrait inspirer les parlementaires pour faire la loi.
L’amendement de notre collègue a le mérite de rouvrir le débat, inachevé, sur la progressivité de l’impôt. Beaucoup a déjà été fait depuis le début de la législature avec le rabotage des niches et la création d’une tranche d’imposition à 45 %. Mais nous ne sommes pas allés assez loin. Monsieur le rapporteur général, monsieur le président et messieurs les membres du bureau de la commission, quelle méthodologie proposez-vous pour que les commissaires aux finances non seulement se saisissent de ce sujet mais soient en mesure de formuler rapidement des propositions alternatives ?
M. Laurent Baumel. Il ne faudrait pas laisser croire que tous les commissaires aux finances socialistes accueilleraient défavorablement l’amendement de nos collègues Mme Sas et M. Alauzet. Je fais partie de ceux qui pensent qu’il serait bon d’introduire une dose de progressivité dans le taux de CSG avant la toute fin du quinquennat. Avec un certain nombre de collègues, nous proposerons donc un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale qui rendrait la CSG progressive, sans avoir à la fusionner avec l’impôt sur le revenu. Cela paraît possible en évitant à la fois la censure du Conseil constitutionnel qui exige le maintien de la familialisation de l’impôt et les complications techniques qui pourraient résulter de l’obligation faite aux entreprises de collecter les données familiales de leurs salariés. Si le Parlement y tenait vraiment, il serait possible d’engager cette réforme sans retard. Ne la reportons pas indéfiniment au prétexte de difficultés techniques ou de problèmes d’inconstitutionnalité, tous arguments qui n’ont d’autre but que de dessaisir le Parlement de son droit d’initiative en matière fiscale.
M. Pierre-Alain Muet. Dans ce débat récurrent, mon point de vue est complètement opposé à celui de M. Mariton. J’ai toujours pensé que notre impôt sur le revenu était aberrant. Chez nos partenaires européens, il aboutit en moyenne à prélever 10 % des revenus contre 2,5 % chez nous, où il faut y ajouter la CSG – représentant 8 % du revenu – pour arriver au même taux, mais dans le cadre d’un dispositif mal construit, la CSG étant proportionnelle tandis que l’impôt sur le revenu, seul, est progressif.
En fusionnant ces deux impôts, nous nous rapprocherons de tous les autres pays européens, dont l’impôt est en général individualisé et où les charges familiales sont compensées, non par le quotient familial, mais par un crédit d’impôt ou par des abattements qui peuvent être proportionnels ou fixes.
Pour accomplir cette réforme essentielle, il y a deux méthodes : soit la « nuit du 4 août » que préconise M. Piketty, soit la démarche progressive que M. Didier Migaud recommandait dans un rapport parlementaire de 2008 et que j’ai décrite dans Un impôt citoyen pour une société plus juste. Je crois que la réforme est réalisable en quatre ou cinq ans. La difficulté principale tient à ce que la CSG est un impôt individualisé prélevé à la source tandis que l’impôt sur le revenu est prélevé ex post et familialisé. Pour la résoudre, la première étape consiste à supprimer des niches fiscales, ce que la gauche comme la droite ont commencé à faire, et de soumettre l’intégralité des revenus au barème, ce que nous avons fait l’an dernier.
Certes, comme le souligne le président Carrez, cette transition suppose que l’on soit dans une période de croissance afin que l’évolution des revenus apporte des compensations et des marges de manœuvre. Mais nous ne devons pas abandonner ce projet qui a un sens dans le quinquennat.
M. le président Gilles Carrez. Je vous remercie pour ce rappel objectif des termes du débat.
M. le rapporteur général. Je l’ai dit et je le répète : la loi doit se faire au Parlement. Diverses assises ont eu lieu, comme celles de l’environnement et de l’entrepreneuriat, d’autres suivront, comme celles de la fiscalité des entreprises. J’ai rappelé fermement à différents ministres que ces derniers travaux ne doivent pas se dérouler sans nous. Il est hors de question que la commission des Finances ne soit pas associée à ces échanges, par ailleurs tout à fait légitimes, entre toutes les forces vives du pays. Et notre travail doit être à la hauteur de ce que nous exigeons : qu’il s’agisse de la fiscalité des entreprises ou du rapprochement entre la CSG et l’impôt sur le revenu, il nous faut apporter nous aussi nos contributions – sous la forme, par exemple, de rapports d’information ou de rapports du rapporteur général.
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement I-CF 291 de M. Éric Alauzet.
M. Éric Alauzet. Les niches fiscales écornent souvent la progressivité de l’impôt sans procurer toujours le bénéfice social escompté. Il arrive même qu’elles produisent des effets néfastes, notamment sur l’environnement. Leur « nettoyage », a-t-on dit, est un préalable au rapprochement entre CSG et impôt sur le revenu. Je propose par cet amendement de passer aux travaux pratiques.
Les propriétaires d'immeubles protégés au titre des monuments historiques, agréés par le ministère des finances ou labellisés par la Fondation du patrimoine, peuvent, sous certaines conditions, bénéficier de réductions de l'impôt sur le revenu pour les sommes qu'ils consacrent à la conservation de leur immeuble. Ainsi les dépenses d'entretien sont intégralement déductibles des impôts si le bâtiment est ouvert à la visite. Dans le cas contraire, elles sont déductibles à hauteur de 50 %. Ces dispositions semblent très excessives dans la période que nous vivons.
Mon amendement vise à revenir sur cette niche en ramenant la déduction de 100 % à 50 % lorsque le monument est ouvert à la visite et en la supprimant lorsqu’il ne l’est pas.
M. le rapporteur général. Cette niche est bien connue et donne lieu à des caricatures dans les deux sens. Il n’y a pas que des châteaux qui crouleraient sans ce dispositif fiscal, bien sûr, mais il n’y a pas non plus que des châteaux somptueux dont les propriétaires n’ont besoin d’aucune aide !
Je crois que nous sommes parvenus à un bon équilibre avec le dispositif actuel. Nous avons introduit notamment l’obligation, dans certaines conditions, d’ouvrir les monuments au public et nous avons récemment prévu que l’avantage ne pouvait s’appliquer qu’aux propriétaires s’engageant à conserver l’immeuble pendant au moins quinze ans. Pour éviter des dérives, nous avons aussi posé le principe de la détention directe de l’immeuble bénéficiant du dispositif et nous avons exclu sa mise en copropriété.
Le coût du dispositif est de 40 millions d’euros. C’est élevé, mais est-ce excessif pour créer les conditions de la préservation du patrimoine, que l’État seul ne peut pas assumer par des crédits budgétaires ? Je vous propose donc de retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président Gilles Carrez. Je souscris aux propos du rapporteur général. Le point d’équilibre qu’il évoque a été trouvé après le travail de notre Commission en 2008 pour limiter et plafonner des niches qui ne l’étaient pas. Les monuments historiques constituent le seul cas pour lequel nous avons admis la possibilité d’une déduction totale, sous réserve de l’ouverture au public. Il serait dommage de remettre en cause cet équilibre.
M. Éric Alauzet. La notion d’équilibre est subjective. La déduction de 100 % s’applique non seulement aux dépenses d’entretien et de réparation, mais aussi aux droits de succession. Où est l’équilibre ? Je maintiens mon amendement !
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement I-CF 290 du même auteur.
M. Éric Alauzet. Cet amendement tend à réviser le barème de l’impôt sur le revenu. Il ne faudrait pas prendre prétexte du débat autour du « ras-le-bol fiscal » pour abandonner le travail approfondi que nous avons engagé en renonçant aux ajustements nécessaires. Aussi proposons-nous d’abaisser le seuil de la dernière tranche de 150 000 à 134 000 euros et de créer une nouvelle tranche d’imposition de 49 % au-delà de 200 000 euros.
Pour faire litière d’une confusion trop souvent commise et que certains entretiennent à dessein, je précise qu’un contribuable touchant, par exemple, 18 000 euros par mois ne serait imposé à 49 % que sur la part de ses revenus annuels qui excède 200 000 euros et non sur la totalité du montant déclaré.
M. le rapporteur général. Le Gouvernement et une grande partie de la majorité ne souhaitent pas modifier le barème prévu dans le PLF. Je rappelle que nous y avons déjà inclus différents revenus du capital, ce qui a sensiblement accru la progressivité de l’impôt.
Mais je partage totalement votre point de vue sur la nécessaire distinction entre taux réel et taux marginal d’imposition. Nous devons faire un effort de pédagogie à ce sujet.
Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement I-CF 202 de Mme Annick Girardin.
Mme Annick Girardin. Cet amendement est satisfait par l’adoption de l’amendement I-CF 479, qui prévoit une revalorisation plus importante du revenu fiscal de référence. Je le retire.
L’amendement est retiré.
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Article 3
Abaissement du plafond de l’avantage procuré par le quotient familial
Texte du projet de loi :
Le 2 du I de l’article 197 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le montant : « 2 000 € » est remplacé par le montant : « 1 500 € » ;
2° À la première phrase du deuxième alinéa, le montant : « 4 040 € » est remplacé par le montant : « 3 540 € » ;
3° À la première phrase du quatrième alinéa, le montant : « 997 € » est remplacé par le montant : « 1 497 € » ;
4° À la première phrase du dernier alinéa, le montant : « 672 € » est remplacé par le montant : « 1 672 € ».
Observations et décisions de la Commission :
Le présent article vise à abaisser l’avantage fiscal maximal qui résulte de l’attribution de demi-parts supplémentaires au titre des personnes à charge des contribuables ; le montant du plafond serait réduit de 2 000 à 1 500 euros par demi-part, à compter de l’imposition des revenus de 2013. Le plafond de la part attachée au premier enfant à charge des contribuables célibataires ou divorcés vivant seuls serait abaissé du même montant, et passerait de 4 040 à 3 540 euros.
En revanche, les plafonds applicables pour les demi-parts accordées au titre des situations particulières des contribuables (invalidité, vieillesse, anciens combattants…) resteraient inchangés, l’avantage en impôt pour chacune de ces demi-parts étant maintenu par la majoration des réductions d’impôt complémentaires afférentes. Les contribuables les plus vulnérables ne seraient donc pas affectés par cet abaissement du plafond.
La présente mesure, dont le rendement est estimé à 1,03 milliard d’euros à compter de 2014, s’inscrit dans le cadre de la rénovation de la politique familiale lancée au printemps dernier : elle vise à assurer la pérennité du financement de cette politique publique essentielle, ainsi qu’à renforcer sa dimension de redistribution verticale, des plus hauts revenus vers les plus modestes.
L’impôt sur le revenu est fondé sur l’application d’un barème progressif, dont les taux s’élèvent en fonction des tranches de revenus, et sur la notion de foyer fiscal : chaque foyer fiscal fait l’objet d’une imposition unique, qu’il soit composé d’une ou de plusieurs personnes, et prend en compte l’ensemble des revenus et des bénéfices des membres qui le composent.
Le quotient familial vise à assurer la prise en compte de la composition du foyer fiscal dans le calcul de l’impôt, et d’apprécier ainsi de façon équitable ses facultés contributives au regard de ses charges de famille. Il repose sur un calcul consistant à diviser le revenu imposable en un certain nombre de parts, fixé conformément à l’article 194 du code général des impôts, d’après la situation et les charges de famille du contribuable. L’impôt brut est alors égal au produit de la cotisation correspondant à ce revenu par part multipliée par le nombre de parts. Concrètement, cela revient à fractionner le revenu du contribuable en fonction de la composition de son foyer fiscal de sorte à l’imposer au barème progressif dans des tranches plus basses que celles qui lui auraient été appliquées en l’absence d’un tel mécanisme. Son effet est toutefois limité par l’application d’un plafonnement de l’avantage qui peut en être retiré.
À titre d’exemple, un couple marié avec trois enfants mineurs dont le quotient familial est égal à quatre parts, et disposant d’un revenu net imposable de 80 000 euros, paiera un impôt équivalent à celui de quatre personnes célibataires ayant chacune un revenu égal à 20 000 euros, ou de deux couples sans enfants ayant chacun un revenu de 40 000 euros. L’avantage retiré du dispositif résulte du fait que le taux marginal d’imposition qui s’applique à un revenu de 20 000 euros est moindre que celui applicable à un revenu de 80 000 euros, du fait de la progressivité du barème.
La progressivité de l’impôt sur le revenu, érigée en principe à valeur constitutionnelle (9) contraint le législateur à garantir l’adéquation de la charge fiscale au regard des capacités contributives des foyers fiscaux, estimées au regard de leurs revenus et de leurs charges de famille. La prise en compte de ces charges s’appuie également sur les dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 qui introduisent l’obligation faite au législateur de mettre en œuvre une politique de solidarité nationale envers les familles de façon à accompagner leur développement.
Le quotient familial permet de respecter ces deux aspects d’une même obligation à l’égard des contribuables justifiant de charges de famille. Le Conseil constitutionnel a ainsi approuvé à plusieurs reprises (10) le recours à cet outil en faveur de la redistribution horizontale qui permet à l’impôt de demeurer progressif pour ces contribuables, dans la limite d’un certain niveau de revenu.
Le quotient familial est actuellement considéré comme une modalité de calcul de l’impôt, et non comme une dépense fiscale. Un tel choix se traduit par l’absence de chiffrage du coût de ce dispositif dans le tome II de l’évaluation des voies et moyens joint au projet de loi de finances de l’année, donc de l’impossibilité d’apprécier son évolution dans le temps ; par ailleurs, il conduit à en quelque sorte déconnecter ce mécanisme de ses finalités en termes de politique familiale. Tel n’était pas ainsi entre 1981 et 1998, puisque, pendant cette période, le quotient familial était classé parmi les dépenses fiscales. Toutefois, subsiste dans le tome II du Voies et moyens le chiffrage de la demi-part supplémentaire par enfant à charge à compter du troisième, ce qui n’apparaît guère cohérent avec l’absence de données sur les demi-parts relevant des deux premiers enfants à charge – le coût budgétaire de différentes demi-parts dérogatoires étant également évaluées dans ce même document.
La question de l’évaluation budgétaire du quotient familial a été soulevée à l’initiative du rapporteur général en juin dernier, à l’occasion de l’examen de la loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2012. En réponse à ses demandes, le tome I du « Voies et moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2014 fournit de très utiles données sur le quotient familial au titre des revenus de 2011, qui permettent de mieux apprécier les contours de ce dispositif, et qui sont ainsi rendus directement accessibles à tous.
Selon ces indications, il apparaît que le coût du quotient familial au titre des revenus de 2011 est estimé à 12,4 milliards d’euros et que 7,775 millions de foyers fiscaux sont concernés. Le périmètre retenu recouvre les demi-parts attribuées au titre des enfants mineurs à charge exclusive ou partagée et celles au titre des enfants majeurs rattachés. Sont ainsi comprises les demi-parts supplémentaires par enfant à charge à partir du troisième, évaluées dans les documents budgétaires à 585 millions d’euros en 2011, les demi-parts supplémentaires dont bénéficient les parents isolés pour leur premier enfant, estimées à 410 millions d’euros en 2011 ainsi que les demi-parts supplémentaires par orphelin majeur recueilli ou enfant célibataire majeur, ayant demandé son rattachement au foyer fiscal, pour 2,065 milliards d’euros.
Par ailleurs, s’ajoutent d’autres demi-parts supplémentaires accordées au titre de situations particulières (personnes ou enfants invalides, anciens combattants) dont les caractéristiques sont présentées dans le tableau ci-dessous. Y figurent d’ailleurs les données relatives à la demi-part supplémentaire dite « parent isolé », bien que son coût soit pris en compte dans le chiffrage mentionné plus haut.
LISTE DES DEMI-PARTS SUPPLÉMENTAIRES ACCORDÉES
AU TITRE DE SITUATIONS PARTICULIÈRES
(en millions d’euros)
Dispositif |
Nombre de bénéficiaires en 2012 |
Coût estimé en 2011 |
Coût estimé en 2012 |
Coût estimé en 2013 |
Coût estimé en 2014 |
Demi-part supplémentaire pour les contribuables vivant seuls ayant eu un ou plusieurs enfants à charge pendant au moins cinq ans |
3 960 180 |
1 440 |
1 075 |
580 |
345 |
Demi-part supplémentaire pour les contribuables (et leurs veuves) de plus de 75 ans titulaires de la carte du combattant |
578 000 |
260 |
295 |
330 |
370 |
Demi-part supplémentaire pour les contribuables invalides |
1 370 000 |
340 |
360 |
375 |
390 |
Maintien du quotient conjugal pour les contribuables veufs ayant des enfants à charge |
170 800 |
80 |
100 |
110 |
120 |
Demi-part ou quart de part supplémentaire (en cas de résidence alternée) par enfant à charge titulaire de la carte d’invalidité ou part supplémentaire par personne rattachée au foyer titulaire de cette carte |
263 400 |
100 |
96 |
105 |
110 |
Demi-part ou quart de part supplémentaire (en cas de résidence alternée des enfants à charge) accordée aux parents isolés |
1 460 000 |
410 |
430 |
490 |
535 |
Total |
7 802 380 |
2 630 |
2 356 |
1 990 |
1 870 |
Source : Voies et moyens, tome II, annexé au PLF 2014.
Ces demi-parts représentent un coût total de 2,63 milliards d’euros en 2011, soit 2,22 milliards d’euros sans la demi-part dite « parent isolé ». Au total, la dépense fiscale occasionnée par le mécanisme du quotient familial peut donc être estimée à 14,62 milliards d’euros.
Au regard de la multiplication des situations donnant droit à l’attribution de demi-parts supplémentaires, le quotient familial dont bénéficient les contribuables peut désormais être fonction de trois types de critères :
– la situation familiale du contribuable (selon qu’il est membre d’un couple soumis à une imposition commune, veuf, divorcé, séparé ou célibataire) ;
– le nombre de personnes considérées à sa charge au regard du droit fiscal ;
– la prise en compte d’une situation particulière (invalidité, détention d’une carte d’ancien combattant…).
La situation familiale des contribuables est appréciée en application des règles définies à l’article 6 du code général des impôts, par l’attribution de parts de quotient conjugal – dont l’avantage en impôt n’est pas plafonné. Ensuite, le quotient familial vient prendre en compte le nombre de personnes à la charge du contribuable.
Sont susceptibles d’être reconnus comme étant à la charge du contribuable :
– les enfants, dont la filiation avec le contribuable est établie légalement, qui ont moins de 18 ans ou, s’ils sont infirmes, quel que soit leur âge ;
– les enfants mineurs ou infirmes recueillis dont le contribuable prend effectivement à sa charge l’ensemble des besoins ;
– les enfants majeurs célibataires s’ils ont moins de 21 ans ou moins de 25 ans et qu’ils poursuivent des études ;
– les enfants mariés ou ayant des enfants à charge (11) ;
– les enfants majeurs, orphelins de père et mère recueillis par le contribuable.
Par ailleurs, à condition de vivre sous le toit du contribuable, toute personne titulaire de la carte d’invalidité prévue à l’article L. 241-3 du code de l’action sociale et des familles peut être prise en compte au titre du quotient familial, que des liens de parentés existent ou non entre le contribuable et la personne invalide, et quel que soit l’âge et le montant des revenus du contribuable et de la personne invalide – ses revenus devant bien sûr être pris en compte.
Le nombre de parts à retenir au titre du quotient familial varie selon la situation de famille du contribuable (célibataire, marié ou pacsé, séparé ou divorcé, veuf) ainsi que selon le nombre et la situation des personnes à sa charge. Ces éléments sont appréciés au 1er janvier de l’année d’imposition, c’est-à-dire l’année de réalisation des revenus. Néanmoins, en cas d’augmentation des charges de famille en cours d’année, par la naissance d’un enfant par exemple, il est fait état de la situation au 31 décembre. C’est donc toujours la situation la plus favorable pour le contribuable qui est retenue.
Aux termes de l’article 194, le nombre de parts à prendre en considération pour la division du revenu imposable est déterminé comme suit :
Situation de famille |
Nombre de parts |
Célibataire, divorcé ou veuf sans enfant à charge |
1 |
Marié sans enfant à charge |
2 |
Célibataire ou divorcé ayant un enfant à charge |
1,5 |
Marié ou veuf ayant un enfant à charge |
2,5 |
Célibataire ou divorcé ayant deux enfants à charge |
2 |
Marié ou veuf ayant deux enfants à charge |
3 |
Célibataire ou divorcé ayant trois enfants à charge |
3 |
Marié ou veuf ayant trois enfants à charge |
4 |
Célibataire ou divorcé ayant quatre enfants à charge |
4 |
Marié ou veuf ayant quatre enfants à charge |
5 |
Célibataire ou divorcé ayant cinq enfants à charge |
5 |
Marié ou veuf ayant cinq enfants à charge |
6 |
Célibataire ou divorcé ayant six enfants à charge |
6 |
Compte tenu des dispositions de l’article 194, ce tableau doit se lire comme suit :
– Les contribuables célibataires, divorcés ou veufs sans personnes à charge : ils n’ont droit en principe qu’à une seule part de quotient familial, sauf s’ils se trouvent dans des situations particulières (voir infra).
– Les contribuables mariés ou liés par un pacs : ils bénéficient de deux parts, auxquelles s’ajoutent le cas échéant une demi-part pour chacune des deux premières personnes à charge, et une part entière pour chacune des personnes à charge à compter de la troisième.
– Les contribuables célibataires ou divorcés ayant une ou plusieurs personnes à charge : leur situation varie selon qu’ils vivent ou pas en couple.
Lorsqu’ils vivent en couple, les personnes dont ils assument la charge exclusive ou principale ouvrent droit à une demi-part pour chacune des deux premières, et une part entière pour chaque personne à charge à compter de la troisième.
Lorsqu’ils vivent seuls, s’ils supportent à titre exclusif ou principal la charge d’au moins une personne, cette dernière ouvre droit à une part entière
– c’est ce que l’on appelle communément la « demi-part parent isolé ». La deuxième personne à charge ouvre ensuite droit à une demi-part, tandis que la troisième, et les suivantes, ouvrent chacune droit à une part entière. Il est à noter que la situation de parent isolé s’apprécie au 1er janvier de l’année d’imposition.
– Les contribuables veufs ayant une ou plusieurs personnes à charge bénéficient du même quotient familial que les contribuables mariés ayant à leur charge le même nombre de personnes, que les personnes à charge comprennent ou non des enfants issus du mariage avec le conjoint décédé.
Plusieurs situations particulières doivent également être précisées :
– en cas d’imposition séparée des membres d’un couple du fait d’une séparation, d’un divorce ou d’une rupture de PACS, chacun est considéré comme un célibataire (quotient de 1) ayant à sa charge les enfants dont il assume à titre principal l'entretien ;
– en cas de résidence alternée au domicile de chacun des parents, et sauf disposition juridique contraire, les enfants mineurs sont réputés être à la charge égale de l'un et de l'autre parent. Ils ouvrent alors droit à une majoration du quotient familial de :
● 0,25 part pour chacun des deux premiers enfants et 0,5 part à compter du troisième enfant, lorsque par ailleurs le contribuable n'assume la charge exclusive ou principale d'aucun enfant ;
● 0,25 part pour le premier et 0,5 part à compter du deuxième, lorsque le contribuable assume la charge exclusive ou principale d'un enfant ;
● 0,5 part pour chacun des enfants, lorsque le contribuable assume la charge exclusive ou principale d'au moins deux enfants.
Exemple : Un contribuable divorcé vivant en couple a trois enfants mineurs à sa charge principale. Il bénéficie d’un quotient familial égal à 3 parts (soit une part pour lui, 0,5 part pour chacun des deux premiers enfants, puis une part entière pour le troisième enfant).
Si la charge de ces enfants est réputée également partagée entre les deux parents, le contribuable bénéficie de 2 parts (soit une part pour lui, 0,25 part pour chacun des deux premiers enfants, puis 0,5 part pour le troisième enfant).
S’il a la charge exclusive d’un enfant et que les deux autres sont à la charge partagée des deux parents, il bénéficie de 2,25 parts (soit une pour lui, 0,5 au titre de l’enfant à la charge exclusive, 0,25 au titre du premier enfant en garde partagée et 0,5 au titre du deuxième enfant en garde partagée).
S’il a la charge exclusive de deux enfants et que l’autre enfant est à la charge partagée des deux parents, il bénéficie de 2,5 parts (soit une part pour lui, 0,5 part pour les deux enfants dont il a la charge exclusive et 0,5 pour le troisième enfant pour lequel la garde est partagée).
Par dérogation aux règles présentées supra, des majorations du nombre de demi-parts sont spécialement prévues dans les cas suivants :
● Pour les contribuables célibataires, divorcés ou veufs sans personnes à charge se trouvant dans des situations particulières. Ces contribuables n’ont droit en principe qu’à une seule part. Toutefois, ils bénéficient d’une demi-part supplémentaire lorsqu’ils se trouvent placés dans les situations suivantes :
– ils vivent seuls et ont un ou plusieurs enfants faisant l'objet d'une imposition distincte dont ces contribuables ont supporté à titre exclusif ou principal la charge pendant au moins cinq ans au cours desquels ils vivaient seuls (a de l’article 195 du code général des impôts) ;
– ils vivent seuls et ont supporté à titre exclusif ou principal pendant au moins cinq ans au cours desquels ils vivaient seuls la charge d’un ou plusieurs enfants désormais décédés, à la condition que l'un d'eux au moins ait atteint l'âge de seize ans ou soit décédé par suite de faits de guerre (b de l’article 195 du code général des impôts) ;
– ils vivent seuls et ont adopté un enfant, à la condition que l'enfant adopté ne soit pas décédé avant d'avoir atteint l'âge de seize ans et qu’il ait été à la charge exclusive ou principale des contribuables pendant au moins cinq années au cours desquelles ceux-ci vivaient seuls (e de l’article 195 du code général des impôts) ;
– ils sont titulaires, soit pour une invalidité de 40 % au moins, soit à titre de veuve, d'une pension prévue par les dispositions du code des pensions militaires (c de l’article 195 du code général des impôts) ;
– ils sont titulaires d'une pension d'invalidité pour accident du travail de 40 % au moins (d de l’article 195 du code général des impôts) ;
– ils sont titulaires de la carte d'invalidité prévue à l'article L. 241-3 du code de l'action sociale et des familles (soit à partir de 80 % d’invalidité) (d bis de l’article 195 du code général des impôts) ;
– ils sont âgés de plus de 75 ans et titulaires de la carte du combattant ou d'une pension servie en vertu des dispositions du code des pensions militaires ; cette disposition est également applicable aux veuves des personnes bénéficiaires respectant le même critère d’âge (f de l’article 195 du code général des impôts).
Le bénéfice de la demi-part supplémentaire n’est accordé qu’une seule fois, même si le contribuable entre dans plusieurs des cas qui précèdent.
Par ailleurs, s’agissant des trois premiers cas énumérés, il est à noter que c’est depuis l’imposition des revenus de 2009 (12)que l’attribution de la demi-part supplémentaire est réservée aux seuls contribuables ayant supporté à titre exclusif ou principal la charge de l’un des enfants visés pendant au moins cinq années au cours desquelles ils vivaient seuls. Les contribuables ayant précédemment bénéficié d’une majoration de quotient familial et qui ont perdu le bénéfice de cet avantage parce qu’ils ne remplissaient pas la condition introduite en 2009, ont droit à un avantage spécifique au titre de l’imposition des revenus des années 2009 à 2012, sous la forme d’un maintien transitoire de la demi-part de quotient familial supplémentaire, sous réserve de respecter certaines conditions.
● Pour les personnes à charge invalides : les personnes à charge titulaires d’une carte d'invalidité prévue à l'article L. 241-3 du code de l'action sociale et des familles ouvrent droit à une majoration supplémentaire d’une demi-part (2 de l’article 195).
● Pour les conjoints ou partenaires d’un pacs invalides : le quotient familial des conjoints ou pacsés est augmenté d’une demi-part supplémentaire lorsque l’un ou l’autre remplit les conditions d’invalidité mentionnées aux c, d et d bis du 1 de l’article 195. Lorsque les deux conjoints remplissent la condition d’invalidité, la majoration est d’une part entière (3 et 4 de l’article 195).
● Les contribuables mariés ou partenaires d’un pacs dont l’un des conjoints est âgé de plus de 75 ans et titulaire de la carte du combattant ou d'une pension servie en vertu des dispositions du code des pensions militaires bénéficient d’une demi-part supplémentaire (6 de l’article 195).
● Les contribuables célibataires, divorcés ou veufs ayant un ou plusieurs enfants à charge et remplissant l’une des conditions d’invalidité mentionnées aux c, d et d bis du 1 de l’article 195 bénéficient d’une demi-part supplémentaire (5 de l’article 195).
L’avantage résultant du quotient familial croît mécaniquement avec le revenu imposable, du fait de la progressivité du barème de l’impôt sur le revenu. Afin de limiter le caractère anti-redistributif de ce dispositif, un plafonnement de l’avantage qu’il procure a été introduit en 1981. Les plafonds applicables varient selon les situations visées.
Le plafond que l’on peut qualifier de droit commun, soit celui qui s’applique pour le quotient familial attribué au titre des enfants à charge principale ou exclusive, est désormais fixé à 2 000 euros par demi-part. Ce plafond s’établit en conséquence à 1 000 euros par quart de part, pour les enfants dont la charge est également partagée entre les parents divorcés, séparés de droit ou de fait ou mariés soumis à imposition distincte.
Ces montants résultent de l’abaissement du plafond réalisé par la loi de finances pour 2013, de 2 336 à 2 000 euros (13). Cette réduction de l’avantage retiré du quotient familial par les ménages les plus aisés était destinée à renforcer la progressivité de l’impôt sur le revenu et répondait à un engagement du Président de la République.
L’application du plafonnement s’effectue en comparant le montant de l’impôt calculé en fonction du nombre de parts du foyer fiscal, sans plafonnement, puis le montant de l’impôt sans prendre en compte le nombre de demi-parts additionnelles tout en défalquant du résultat obtenu les plafonds correspondant à chaque attribution de demi-part supplémentaire. Si le premier résultat est inférieur au second, le plafonnement s’applique, et l’impôt à acquitter est celui issu du second calcul.
Exemple : un couple marié ayant à sa charge quatre enfants mineurs dispose d’un revenu imposable de 140 000 euros.
Afin de calculer l’avantage fiscal dont peut bénéficier ce foyer fiscal, il convient de réaliser deux calculs : le premier visant à définir le montant de l’impôt dû en appliquant le quotient familial, avec cinq parts, sans plafonnement, le second visant à déterminer le montant de l’impôt dû en l’absence de quotient familial, donc avec deux parts, en retranchant les plafonds des demi-parts additionnelles, soit (6 x 2000) = 12 000 euros.
Le premier calcul donne un résultat de 11 223 euros. Le second conduit à un résultat de (27 267 – 12 000) = 15 267 euros d’impôt à acquitter. C’est donc le second montant qu’il convient de retenir.
Des plafonnements spécifiques sont prévus pour certaines des demi-parts supplémentaires attribuées aux contribuables se trouvant dans des situations particulières :
● Les personnes veuves ayant des enfants à charge, bénéficiant du plafond conjugal :
L’avantage maximal en impôt procuré par cette part supplémentaire est égal à 4 672 euros, soit le double du plafond de droit commun qui était applicable pour l’imposition des revenus de 2011, et n’a pas été modifié l’an passé. En effet, pour neutraliser les effets de la baisse du plafond de la demi-part de droit commun de 336 euros, la loi de finances pour 2013 avait créé une réduction d’impôt complémentaire de (2 x 336) = 672 euros, applicable à la part supplémentaire du veuf bénéficiant du maintien du quotient conjugal. Cette réduction d’impôt n’a vocation à s’appliquer que dans le cas où le contribuable subit l’effet du plafonnement, et elle ne peut excéder l'augmentation de la cotisation d'impôt résultant du plafonnement.
● Les contribuables célibataires ou divorcés vivant seuls avec des enfants à charge (dits « parents isolés ») :
Ces contribuables bénéficient d’une part entière de quotient familial, au lieu d’une demi-part, pour le premier enfant à charge. Par exception au plafonnement général, l’avantage maximal en impôt procuré par cette part de quotient familial attachée au premier enfant à charge est fixé à 4 040 euros. Ce plafond spécifique n’a pas été modifié par la loi de finances pour 2013.
● Les contribuables célibataires, divorcés ou veufs sans personne à charge qui bénéficient d’une demi-part supplémentaire au titre de leurs enfants imposés séparément, dont ils ont supporté la charge pendant au moins cinq ans au cours desquels ils vivaient seuls : l’avantage en impôt résultant de cette demi-part ne peut excéder 897 euros. Ce plafond spécifique n’a pas été modifié par la loi de finances pour 2013.
● Les contribuables invalides ou ayant des enfants à charge invalides, ainsi que les contribuables (et leurs veuves) de plus de 75 ans titulaires de la carte d’ancien combattant :
Ces contribuables bénéficient d’une demi-part supplémentaire de quotient familial, soumise au plafonnement général de droit commun, mais aussi d’une réduction d’impôt complémentaire susceptible de venir s’ajouter à celle résultant de la majoration de quotient familial.
Son montant était fixé, pour l’imposition des revenus de 2011, à 631 euros. Il a été porté en loi de finances pour 2013 à 997 euros, soit une augmentation de 336 euros, afin de neutraliser l’effet de la baisse du plafonnement général de 2 336 à 2 000 euros. Le plafonnement de cette demi-part spécifique est donc maintenu à 2 997 euros.
Exemple : Un couple marié ayant à sa charge trois enfants mineurs dispose d’un revenu de 110 000 euros. L’un des membres du couple est invalide. Le foyer fiscal bénéficie donc de 4,5 parts, soit quatre demi-parts correspondant aux enfants à charge et une demi-part attribuée au titre de l’invalidité de l’un des membres du couple.
Le montant de l’impôt à acquitter avant plafonnement du quotient familial est de 7 834 euros. Le montant d’imposition dont aurait dû s’acquitter le foyer fiscal sans prise en compte des demi-parts supplémentaires (avec deux parts) est de 18 567 euros : de ce montant, il convient de retrancher les montants des plafonds des cinq demi-parts, soit (4 x 2000+2 997) 10 997 euros, ce qui conduit à un montant de 7 570 euros.
Le couple devra donc s’acquitter d’un impôt de 7 834 euros, soit le premier montant. Cela signifie qu’il bénéficie de la réduction d’impôt complémentaire venant s’ajouter au montant du plafonnement, mais seulement à hauteur de 733 euros (soit en deçà de son montant maximal de 997 euros). En effet, la réduction d’impôt ne peut excéder l’augmentation de la cotisation d’impôt résultant du plafonnement.
PLAFONDS APPLICABLES AU QUOTIENT FAMILIAL
Dispositif |
Plafond de l’avantage en vigueur |
Demi-part enfant (ou autre personne) à charge : – personne à charge exclusive ou principale – personne à charge partagée |
– 2 000 euros par demi-part – 1 000 euros par quart de part |
Maintien du quotient conjugal pour les contribuables veufs ayant des enfants à charge |
4 672 euros par part (soit 2 000 + 2 000 + 672 euros de réduction d’impôt) |
Demi-part supplémentaire « Parents isolés » (contribuables vivant seuls ayant à leur charge un ou plusieurs enfants) : – personne à charge exclusive ou principale – personne à charge partagée |
– 4 040 euros pour la part accordée au titre du premier enfant – 2 020 euros pour la demi-part accordée au titre du premier enfant |
Demi-part supplémentaire pour les contribuables vivant seuls ayant élevé des enfants seuls pendant 5 ans ou plus : – cas général – dispositif transitoire (si moins de 5 ans) |
– 897 euros par demi-part – 120 euros par demi-part (imposition revenus 2012) |
Demi-part « Anciens combattants », « Invalides », « Enfants ou personnes à charge invalides » |
2 997 euros par demi-part (2 000 + 997 de réduction d’impôt) |
Déduction des pensions alimentaires versées aux enfants majeurs ou abattement au titre des enfants mariés ou chargé de famille rattachés au foyer |
5 698 euros par enfant déductibles (soit un avantage en impôt maximum de 2 564 euros) |
Instauré en France en 1948, le quotient familial est un instrument relativement complexe de familialisation de l’impôt sur le revenu, qui n’est guère usité parmi les autres pays de l’OCDE. La prise en compte des enfants dans le calcul de l’impôt acquitté par un foyer donné prend, dans d’autres pays, la forme d’un abattement sur le revenu, proportionnel ou forfaitaire par enfant, ou encore d’une réduction ou d’un crédit d’impôt.
Le mécanisme du quotient familial conduit à ce que, pour des charges de famille données, un foyer fiscal bénéficie d’un avantage fiscal d’autant plus grand que ses revenus sont élevés – jusqu’à ce que ces revenus atteignent le niveau au-delà duquel l’avantage fiscal est plafonné et à partir duquel l’avantage fiscal devient dégressif. Compte tenu des plafonds retenus, ces derniers trouvent à s’appliquer à des niveaux de revenus relativement élevés, notamment pour les familles nombreuses.
Le tableau suivant présente les niveaux de revenus imposables à partir desquels le plafonnement à 2 000 euros trouve à s’appliquer, en fonction du nombre d’enfants, pour un couple soumis à imposition commune :
REVENUS IMPOSABLES À PARTIR DESQUELS L’AVANTAGE EN IMPÔT
LIÉ À L’APPLICATION DU QUOTIENT FAMILIAL EST PLAFONNÉ
POUR LES CONTRIBUABLES SOUMIS À IMPOSITION COMMUNE
2,5 parts |
3 parts |
4 parts |
5 parts |
6 parts |
67 953 euros |
77 193 euros |
95 171 euros |
114 149 euros |
132 627 euros |
Source : DGFIP.
Selon les informations fournies au rapporteur général, près de 840 000 foyers fiscaux étaient touchés par le plafonnement du quotient familial de droit commun, fixé à 2 336 euros, au titre de l’imposition des revenus de 2011 ; ce nombre s’établissait à 772 000 foyers pour l’imposition des revenus de 2010, pour ce même plafond. Le nombre de foyers plafonnés a ensuite été porté à 1,044 million au titre de l’imposition des revenus de 2012, en raison de la baisse du plafond de 2 336 euros à 2 000 euros (14).
Le quotient familial reste ainsi un mécanisme qui bénéficie mécaniquement davantage aux ménages aisés, et ce en dépit du plafonnement actuel, ainsi que permet de le mesurer le tableau ci-après :
RÉPARTITION DU COÛT DU QUOTIENT FAMILIAL SELON LE RFR (REVENU FISCAL DE RÉFÉRENCE) CORRESPONDANT AUX DÉCILES DE FOYERS FISCAUX BÉNÉFICIAIRES
Borne (unités) inférieure du montant de RFR (en euros) |
Borne supérieure du montant de RFR (en euros) |
Nombre de foyers fiscaux bénéficiaires |
Répartition du coût du QF (en millions d’euros) |
0 |
16 226 |
777 502 |
341 |
16 226 |
19 760 |
777 502 |
630 |
19 760 |
23 586 |
777 502 |
572 |
23 586 |
27 892 |
777 502 |
632 |
27 892 |
32 370 |
777 502 |
829 |
32 370 |
37 368 |
777 502 |
1 127 |
37 368 |
43 933 |
777 502 |
1 170 |
43 933 |
53 617 |
777 502 |
1 226 |
53 617 |
73 053 |
777 502 |
2 059 |
73 053 |
777 502 |
3 795 | |
TOTAL |
7 775 021 |
12 381 |
Source : tome I de l’annexe des Voies et moyens – projet de loi de finances pour 2014.
De ce tableau portant sur les seuls bénéficiaires du quotient familial, il ressort que les foyers appartenant au dernier décile de RFR bénéficient de 30 % (3,8 milliards d’euros) du total de l’avantage en impôt (12,4 milliards d’euros), tandis que les foyers des cinq premiers déciles n’en perçoivent que moins d’un quart. L’effet principal du quotient familial est donc de favoriser la redistribution horizontale au détriment de la redistribution verticale.
L’abaissement du plafond de l’avantage fiscal retiré du quotient familial proposé par le présent article vient s’inscrire dans la rénovation de la politique familiale engagée en juin dernier par le Gouvernement et menée dans le cadre du processus de modernisation de l’action publique, dite MAP.
Les objectifs de cette réforme s’articulaient autour de deux axes : assurer la pérennité du financement de la politique familiale, par le redressement des comptes de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) à l’horizon 2016, alors que son déficit devrait s’établir à 2,6 milliards d’euros en 2013 ; répondre au mieux aux besoins des familles, en tenant compte des évolutions socio-démographiques, pallier les insuffisances actuelles, par exemple dans l’accueil des jeunes enfants, et garantir l’équité de son financement.
La préparation des mesures a été réalisée en associant les différents acteurs concernés, selon une démarche de concertation : des consultations ont été tenues, et le Haut conseil de la Famille et son président, M. Bertrand Fragonard, ont été saisis par le Premier ministre dès janvier dernier. Ils lui ont remis leur rapport en avril dernier. Dans le cadre de ces travaux, diverses options ont été examinées afin de dégager des ressources supplémentaires, dans un souci de justice sociale et fiscale, parmi lesquelles :
– la mise sous condition de ressources de l’attribution des allocations familiales, selon des seuils variables : cette option entrait frontalement en opposition avec l’un des principes fondamentaux de notre politique familiale, l’universalité des allocations familiales, et a été écartée ;
– la modulation des allocations familiales avec le revenu, les familles les plus aisées conservant des allocations, mais d’un montant moindre ; ce schéma rompait toutefois avec le principe d’uniformité des allocations, et risquait de produire d’importants effets de seuils ;
– la fiscalisation des allocations familiales ; à ce jour, les prestations familiales ne sont pas imposables, ce qui s’avère logique si l’on considère qu’il s’agit de prestations « en nature », assimilables aux prestations de l’assurance maladie. Le choix de les fiscaliser se traduirait par le basculement d’un certain nombre de ménages dans le barème de l’impôt sur le revenu, avec des effets indirects s’agissant de la fiscalité locale et de l’attribution de prestations sociales. Le gain budgétaire a été estimé par le rapport du Haut conseil de la famille à 730 millions d’euros, tandis que 2,8 à 3 millions de ménages seraient concernés.
– l’abaissement du plafonnement applicable au mécanisme de quotient familial, permettant de mettre à contribution les ménages les plus aisés, tout en offrant un rendement significatif.
C’est donc cette dernière option qui a été retenue, en association avec d’autres mesures visant à dégager des ressources supplémentaires et à mieux cibler les aides aux familles. Il s’agit notamment de la rénovation de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), avec la réduction de son montant au-delà d’un certain seuil de ressources, et de la suppression de la réduction d’impôt pour frais de scolarité dans le secondaire.
Parallèlement, de nouvelles mesures ont été décidées afin de réduire la pauvreté des enfants et des familles, notamment la majoration de 50 % du complément familial (accordée sous conditions de ressources aux familles d’au moins trois enfants) pour les allocataires modestes et la revalorisation de 25 % de l’allocation de soutien familial, laquelle complète le revenu disponible des parents élevant seuls leurs enfants. Par ailleurs, de nouvelles solutions d’accueil des jeunes enfants devraient être développées au cours des trois prochaines années.
Le choix d’abaisser le plafond du quotient familial pèse sur les seuls ménages aisés – de la même façon qu’une mise sous condition de ressources des allocations familiales si cette solution avait été retenue. En revanche, à la différence de cette dernière option, cet abaissement se traduit par la mise à contribution des familles avec un seul enfant – lesquelles ne bénéficient pas d’allocations familiales – ainsi que des familles ayant un enfant de plus de 20 ans rattaché – les allocations familiales n’étant pour leur part versées que jusqu’à la vingtième année de l’enfant.
Après une première baisse du plafond opérée par l’article 4 de la loi de finances pour 2013, le 1° du présent article propose de réduire à nouveau le plafond de l’avantage fiscal retiré de l’application des demi-parts de droit commun de 2 000 à 1 500 euros. Cette mesure tend à limiter le caractère anti-redistributif du quotient familial, en réduisant de 500 euros l’avantage fiscal des ménages qui étaient déjà soumis au plafonnement de 2 000 euros, et en assujettissant de nouveaux contribuables, au-delà d’un certain seuil de revenus, au plafonnement.
Le tableau ci-dessous montre les niveaux de revenus à partir duquel le plafond ainsi abaissé s’applique, selon le nombre d’enfants à charge. Il transparaît de ces données que les niveaux de revenus concernés par cette mesure restent élevés, à hauteur de six SMIC pour une famille comptant trois enfants. L’abaissement du plafonnement emporte des effets d’autant plus importants que le nombre d’enfants et les revenus du foyer fiscal sont élevés, ce qui résulte du caractère progressif de l’impôt sur le revenu.
REVENUS IMPOSABLES À PARTIR DESQUELS L’AVANTAGE EN IMPÔT LIÉ À L’APPLICATION DU QUOTIENT FAMILIAL EST PLAFONNÉ POUR LES CONTRIBUABLES SOUMIS À IMPOSITION COMMUNE
(en euros)
2,5 parts (1 enfant) |
3 parts (2 enfants) |
4 parts (3 enfants) |
5 parts (4 enfants) |
6 parts (5 enfants) | |
Imposition des revenus de 2011 |
69 584 |
81 042 |
103 955 |
126 835 |
149 781 |
Imposition des revenus de 2012 |
67 953 |
77 193 |
95 671 |
114 149 |
132 627 |
Imposition des revenus de 2013 |
64 481 |
70 248 |
81 781 |
93 315 |
104 848 |
Revenus 2013 à partir desquels la hausse d’impôt est maximale |
67 953 |
77 193 |
95 671 |
114 149 |
132 627 |
Source : DGFP.
Il est à noter que le niveau de revenu à partir duquel l’augmentation d’impôt est maximale pour les contribuables, soit 500 euros par demi-part, correspond logiquement au niveau du dernier revenu non plafonné pour l’imposition des revenus de 2012, après le premier abaissement du plafonnement à 2 000 euros.
2. Les dispositions applicables aux demi-parts dérogatoires, correspondant à des situations spécifiques
De la même façon qu’en loi de finances pour 2013, les plafonds applicables aux demi-parts correspondant à des situations spécifiques restent inchangés en dépit de l’abaissement du plafond de droit commun – à l’exception toutefois du cas de la demi-part dite « parent isolé ». Pour ce faire, et selon le même mécanisme que celui retenu en loi de finances pour 2013, des réductions d’impôt complémentaires sont majorées à due concurrence.
S’agissant de la demi-part accordée aux anciens combattants de plus de 75 ans et à leurs veuves ainsi qu’aux contribuables invalides ou ayant des personnes à charge invalides, le 3° du présent article vient majorer la réduction d’impôt supplémentaire qui lui est applicable de 500 euros : le montant de cette réduction, qui s’établit, depuis la loi de finances pour 2013, à 997 euros, est ainsi porté à 1 497 euros, ce qui conduit à neutraliser la baisse du plafond réalisée au 1°. Le plafonnement total de cette demi-part demeure donc à 2 997 euros.
Pour les contribuables veufs bénéficiant du maintien du quotient conjugal lorsqu’ils ont des enfants à charge, le 4° du présent article vient de la même façon augmenter la réduction d’impôt complémentaire qui avait été introduite en loi de finances pour 2013, afin de compenser la réduction du plafond pour la demi-part de droit commun.
Pour pallier les effets de la baisse du plafond de la demi-part de 336 euros, la loi de finances pour 2013 avait créé une réduction d’impôt correspondant à deux fois 336 euros, applicable à la part supplémentaire du veuf. Le présent article augmente cette réduction d’impôt de 1 000 euros, soit deux fois la baisse du plafond par demi-part de 500 euros, et la porte donc à 1 672 euros, ce qui permet de conserver le niveau maximal d’avantage en impôt résultant du maintien du quotient conjugal pour ces contribuables à 4 672 euros.
Les demi-parts dites « vieux parents » ne sont pas, du fait de leur moindre plafonnement – à hauteur de 897 euros –, affectées par la présente mesure ; leur plafond reste inchangé. En revanche, le 2° du présent article prévoit un abaissement de 500 euros du plafond de la part attribuée à un contribuable célibataire ou divorcé, vivant seul et ayant à sa charge un ou plusieurs enfants, pour la part accordée au titre du premier enfant. Il s’agit du dispositif dit « parent isolé », qui fait l’objet lui aussi d’un plafonnement spécifique, puisque l’avantage retiré de la part attachée au premier enfant à charge est en l’état limité à 4 040 euros.
Ce montant n’a pas été modifié en loi de finances pour 2013. Or, suite à l’abaissement du plafond qui a été alors réalisé, de 4 672 à 4 000 euros pour une part de droit commun, cette part plafonnée à 4 040 euros est devenue plus élevée que la part de droit commun. Le présent 2° vient soumettre le plafond de la part « parent isolé » à une diminution de 500 euros, afin de ne pas creuser l’écart entre celui-ci et le plafond de droit commun : il s’établirait alors à 3 540 euros, soit un montant qui resterait supérieur au plafond applicable à la part de droit commun tel qu’issu du présent article, soit 3 000 euros.
L’abaissement du plafonnement, qui vient s’appliquer à l’imposition des revenus de 2013, doit permettre de dégager un gain budgétaire de 1,03 milliard d’euros, dont près d’un milliard d’euros au titre des demi-parts de droit commun et 46 millions d’euros pour la part dite « parent isolé ». Cette économie est destinée à la CNAF, afin de participer au financement de la politique familiale. L’article 39 du présent projet de loi prévoit à cet effet les modalités de transfert du gain de cette mesure à la sécurité sociale.
Selon les informations fournies au rapporteur général, environ 1,32 million de foyers fiscaux seront concernés par la baisse du plafond de droit commun, dont 1,26 million au titre du plafonnement de droit commun et 60 000 personnes au titre du plafonnement de la demi-part dite « parent isolé » ; ils devront s’acquitter d’un impôt majoré en moyenne de 780 euros.
*
* *
La Commission est saisie des amendements identiques I-CF 4 de Mme Marie-Christine Dalloz, I-CF 6 de M. Marc Le Fur, I-CF 55 de M. Hervé Mariton, I-CF 108 de M. Nicolas Sansu, I-CF 194 de M. Xavier Bertrand et I-CF 372 de M. Charles de Courson, tendant à supprimer l’article 3.
Mme Marie-Christine Dalloz. Selon l’exposé des motifs de l’article 3, le Gouvernement procède à un nouvel abaissement du plafond de l’avantage procuré par le quotient familial « afin d’assurer la pérennité du financement de la politique familiale ». Cela ne manque pas de sel de la part de ceux qui ont mis à bas la TVA sociale, instaurée précisément pour assurer cette pérennité !
Ensuite, au lieu de réfléchir aux fondements et à la mise en œuvre de la politique familiale, vous réduisez chaque année l’avantage tiré du quotient familial. Vous n’aimez pas les familles, soit, mais soyez au moins cohérents en matière de financement !
Pour ces raisons, je propose la suppression de l’article 3.
M. Marc Le Fur. Cet article remet en cause un des principes de base de l’impôt sur le revenu, le quotient familial. En effet, il ne faut pas seulement rapporter l’impôt sur le revenu aux recettes des contribuables, il faut aussi le rapporter à leurs charges, en particulier à leurs charges familiales. Je vous renvoie aux travaux de l’économiste M. Michel Godet, qui estime que le niveau de vie baisse en moyenne de 13 % avec l’arrivée du premier enfant et que les revenus des familles nombreuses sont inférieurs de 25 % à ceux des ménages sans enfant.
Contrairement à ce que pensent plusieurs collègues de gauche, le quotient familial n’est ni une exception, ni une dérogation, ni une niche fiscale : il est partie intégrante de notre conception de l’impôt sur le revenu.
D’autre part, il n’établit pas une solidarité entre familles aisées et familles modestes mais, à niveau égal, entre ceux qui n’ont pas de charges de famille et ceux qui en ont.
Dans l’hypothèse d’une adoption de l’article 3, l’impôt d’un célibataire ayant un enfant à charge et disposant de 75 000 euros de revenus annuels augmenterait de 1 138 euros, tandis que l’impôt d’un célibataire sans enfant n’augmenterait, à revenu égal, que de 138 euros. L’impôt sur l’enfant s’élève donc à 1 000 euros ! Pour un couple avec deux enfants, la différence par rapport à la hausse que subira un couple sans enfant est de 1 090 euros, soit 545 euros par enfant.
En touchant à l’un de ses principes constitutifs, nous modifions la conception même de l’impôt sur le revenu. La progressivité de l’impôt n’est concevable qu’avec le quotient familial, sans quoi elle produirait des effets redoutables. Si nous étions dans une logique de flat tax, la nécessité du quotient familial ne se ferait pas sentir avec la même acuité, mais tel n’est pas le cas. Vous êtes en train de rompre avec une conception de l’impôt qui nous a rassemblés pendant des décennies !
M. Hervé Mariton. Lorsque le Gouvernement cherche à mobiliser des ressources supplémentaires, c’est de préférence sur le dos des familles qu’il le fait ! On le voit ici avec l’abaissement du plafond du quotient familial, on le verra plus tard avec la fiscalisation des droits familiaux pris en compte pour la retraite.
Tout d’abord, le quotient familial n’est pas un « avantage ». En réponse à certaines tentations, le Conseil des prélèvements obligatoires et la commission des Finances sous la présidence de M. Didier Migaud y avaient bien insisté : ce n’est en aucune manière un avantage ou une niche fiscale, mais une modalité de calcul de l’impôt. Parler d’« avantage » est une manipulation délibérée.
Jusqu’où irez-vous ? La doctrine de M. Thomas Piketty, nous le savons, préconise l’individualisation de l’impôt et refuse sa conjugalisation et sa familialisation. Or, pour la deuxième année, vous abaissez le plafond des effets du quotient familial. Pour ma part, je considère qu’on ne devrait pas plafonner ce dispositif de justice et je regrette qu’une majorité précédente ait commencé à le faire. Même si Alfred Sauvy avait imaginé un mécanisme de division et de multiplication encore plus puissant, le système du quotient procède d’une vision juste de l’égale répartition de la contribution publique.
Vous prenez là une mesure lourde qui affectera 1,5 million de foyers. Et ce n’est pas parce que les familles très favorisées paieront une addition plus élevée qu’elle sera juste pour autant : l’impôt sur le revenu de nombreux Français de la classe moyenne connaîtra lui aussi une augmentation considérable. C’est grave et c’est injuste.
M. Nicolas Sansu. On ne peut découper ainsi la politique familiale en s’attaquant tantôt au quotient familial, tantôt aux cotisations de la branche famille. On a promis aux entreprises que la hausse de 0,3 % de leurs cotisations vieillesse sera compensée par une baisse de leur contribution à la branche famille. Il est donc clair que l’on organise, via le quotient familial, le transfert vers les familles de la charge assurée aujourd'hui par les entreprises.
Dans sa construction actuelle, la politique familiale est une composante du pacte social issu du Conseil national de la Résistance. S’il faut, comme je le pense, augmenter l’imposition des plus fortunés, il existe des moyens beaucoup plus simples que de toucher au quotient familial. La création d’une tranche supplémentaire, par exemple, permettra de récupérer des recettes sans entamer notre pacte social. Il n’est pas admissible de considérer le quotient familial comme une niche fiscale et sociale alors que l’on en crée de nouvelles par ailleurs !
M. Xavier Bertrand. Depuis plus d’un an, la liste des attaques en règle contre la famille ne cesse de s’allonger. L’article 3, dont nous demandons la suppression, s’inscrit dans le prolongement de cette logique folle.
Le débat n’est pas seulement budgétaire, il est aussi politique et philosophique. Nous n’acceptons pas cette remise en cause supplémentaire de la politique familiale. On peut bien s’esbaudir des chiffres de notre démographie, il ne faudra pas s’étonner si, au bout de cinq ans, notre pays rencontre les mêmes difficultés que ses voisins européens !
M. Charles de Courson. La justice fiscale ne consiste pas à traiter de la même façon des personnes qui ont les mêmes revenus mais qui n’ont pas les mêmes charges. Si l’on pousse l’évolution plus qu’esquissée par la majorité jusqu’à son terme, un couple sans enfant serait traité comme un couple avec enfants. Le plafond est descendu de 2 300 à 2 000 euros, on veut encore l’abaisser, pour le ramener à 1 500 euros. À la fin de la législature, le quotient familial n’existera plus !
D’autre part, le plafonnement actuel est maintenu pour les anciens combattants, pour les invalides, ou encore pour les personnes ayant à charge une personne handicapée. Pourquoi, à revenus équivalents, cette inégalité de traitement ? Où est la cohérence ?
M. le rapporteur général. Le Gouvernement a proposé cette mesure lorsque le débat s’est ouvert sur les moyens de préserver un financement équilibré des allocations familiales. Pour combler le déficit de la branche famille, qui s’élève à 2,6 milliards d’euros, certains suggéraient de placer sous conditions de ressources le versement des allocations familiales, d’autres de rendre imposables ces allocations. La solution retenue permet de dégager environ 1 milliard d’euros. Il s’agit d’un choix assumé, qui préserve l’universalité des allocations familiales conformément au souhait de la plupart des associations et à notre souhait à tous – l’idée étant qu’un enfant de riche coûte autant qu’un enfant de pauvre.
Contrairement à ce que vous affirmez, M. Le Fur, nous ne touchons pas au quotient familial, mais seulement au plafonnement du bénéfice maximal que le contribuable peut en tirer. Personne, ici, ne remet en cause la familialisation de l’impôt sur le revenu. Les chiffres que vous produisez sont exacts, mais vous pourrez aussi lire dans mon rapport que le décile des contribuables les plus riches perçoit 30 % des 12 381 millions d’euros de l’avantage procuré par le quotient familial, tandis que le décile des contribuables les plus pauvres n’en reçoit que 341 millions, soit moins de 3 %. Dans ce système, à l’évidence, un gosse de pauvre ne procure par le même avantage qu’un gosse de riche !
Enfin, il est facile de prendre des exemples caricaturaux, mais mon rapport indiquera les seuils – variables selon le nombre d’enfants – à partir desquels les contribuables seront progressivement touchés par le plafonnement du quotient familial. Pour ma part, n’ayant plus d’enfants à charge, je ne saurais être soupçonné d’un conflit d’intérêt !
S’agissant de la question – légitime – de monsieur de Courson, nous avons estimé que la demi-part supplémentaire accordée aux personnes atteintes d’un handicap ou aux anciens combattants ne devait pas subir de coup de rabot. Nous avons souhaité préserver l’avantage fiscal attaché à ces situations car avoir des enfants relève, aujourd’hui plus qu’autrefois, d’un choix ; le handicap, lui, est toujours subi.
Cela étant, je le répète, la réforme s’explique en premier lieu par le souci d’équilibrer la branche famille. Avis défavorable à l’ensemble des amendements de suppression.
M. Jean-Christophe Lagarde. La vigueur du renouvellement des générations constitue l’un des avantages compétitifs de la France pour les années à venir. Elle nous épargne pour le moment les difficultés qui attendent, notamment, notre principal partenaire, l’Allemagne. Mais cette mesure s’ajoute à toutes celles qui, par petites touches, sont déjà venues rogner notre politique familiale.
Pour trouver les 2 milliards d’euros nécessaires à la branche famille, le parti socialiste avait d’abord envisagé de placer les allocations familiales sous conditions de ressources. Mais devant la levée de boucliers des associations, le Gouvernement et sa majorité ont estimé qu’il serait moins douloureux de s’attaquer au quotient familial. Or cette mesure n’affectera pas uniquement les plus riches : dès lors, le fait que la naissance d’un premier enfant se solde par 1 000 euros d’impôt supplémentaire n’est pas anodin !
Monsieur le rapporteur général, comparer le premier et le dernier décile sert votre démonstration : les contribuables du dernier décile, qui paient le plus d’impôts, bénéficient forcément le plus de la défiscalisation liée à l’application du quotient familial ; au contraire, les revenus du premier décile sont massivement exonérés d’impôt. Mais entre ces deux extrêmes, l’abaissement du plafond du quotient familial frappera des contribuables déjà fragilisés par toute une série d’autres mesures.
Et si l’on veut réviser la politique familiale de la France – car c’est ce que vous faites, par petites touches –, il faut organiser un véritable débat sur cette question.
Enfin, vous n’avez pas répondu à la question essentielle qu’ont posée plusieurs de nos collègues : auparavant fixé à 2 300 euros, le plafond du quotient familial a été ramené à 2 000 euros l’an dernier, puis va l’être à 1 500 euros ; comment interpréter ces réductions ? S’agit-il uniquement de trouver les milliards manquants, et jusqu’où pourra-t-on pousser cette logique ? S’il manque 1,5 milliard l’an prochain, baisserez-vous le plafond à 1 000 euros ? Devant le manque de toute réflexion prospective et stratégique en la matière, je voterai la suppression de l’article.
M. Pierre-Alain Muet. Ne confondons pas quotient familial et politique familiale. Tous les pays tiennent compte de la composition des familles dans leur système d’imposition ; la plupart de nos voisins octroient un crédit d’impôt identique pour chaque enfant, quel que soit son rang, avec des subventions pratiquement aussi fortes que chez nous, mais qui n’augmentent pas avec le revenu.
À un système de quotient familial et d’allocations versées sous conditions de ressources, je préfère un crédit d’impôt et des allocations familiales universelles. Le rapporteur général a évoqué la progressivité du quotient familial, 3 % des sommes en jeu revenant au premier décile, 30 % au dernier. Mais lorsqu’on combine allocations familiales et quotient familial, on s’aperçoit que la courbe – plate sur les neuf premiers déciles, qui bénéficient de la même somme – monte d’un seul coup sur le dernier décile, qui reçoit quatre fois plus. Dans ces conditions, ne devrait-on pas instaurer un crédit d’impôt par enfant, tout en conservant des allocations familiales universelles ? La familialisation en serait simplifiée, comme dans la plupart des pays, et l’impôt pourrait même être individualisé.
Quant à la question de savoir jusqu’où nous comptons aller, je répondrai : jusqu’à atteindre le même montant d’aides à la famille par enfant, quel que soit le niveau du revenu. Ce système – adopté par la plupart des pays dotés d’une fiscalité moderne, comme l’Allemagne ou la Grande-Bretagne – n’a rien à voir avec l’idéologie ; il représente une solution juste, et finalement – si l’on considère l’effet cumulé des allocations familiales et du quotient familial – pas si éloigné de notre système actuel. L’aide à l’enfant ne devrait pas dépendre du revenu.
M. Laurent Baumel. Parler de débat philosophique, comme l’a fait M. Xavier Bertrand, revient à fétichiser le quotient familial, comme s’il représentait l’unique moyen d’une politique familiale. Or la combinaison de la progressivité de l’impôt et du quotient familial – cette manière particulière de traiter la politique familiale – amène à traiter un enfant des classes aisées mieux qu’un enfant des couches populaires. Au fil de l’histoire, on a créé une contradiction entre deux facettes de la justice : la redistribution sociale classique et la redistribution entre les familles en fonction du nombre d’enfants. Peut-on s’en satisfaire ? Pourquoi en faire une question idéologique, alors qu’il s’agit simplement de trouver une réforme de la politique familiale qui ne soit pas contradictoire avec des objectifs de justice sociale ?
Vos réflexions, monsieur Lagarde, – qui s’écartent de la défense idéologique du quotient familial en tant que tel –, méritent davantage d’être entendues. Pour ma part, tout comme M. Pierre-Alain Muet, je vois l’abaissement progressif du plafond comme une transition vers une réforme globale de l’impôt sur le revenu qui prendrait en compte l’enfant au moyen d’un crédit d’impôt forfaitaire.
M. Olivier Carré. Il s’agit d’un débat de fond. D’année en année, l’on voit le quotient familial s’amenuiser. Ce dispositif représentant le principal obstacle technique à la fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG, le jour où il aura disparu, ce passage sera simple à réaliser.
La politique familiale est loin de se résumer aux allocations familiales et au quotient familial ; elle repose aussi, par exemple, sur l’aide personnalisée au logement – APL – élément extrêmement important dont l’assiette est directement liée au revenu et à la composition de la famille. Tout un ensemble de dépenses sociales participent ainsi d’une logique globale. Pierre-Alain Muet propose une analyse intéressante ; mais pourquoi conduire cette réforme en catimini ? Le passage à un impôt moderne doit, certes, se faire dans la durée, mais avec un objectif bien défini et une analyse claire du mécanisme qui remplacera les dispositifs actuels.
En tant qu’élus locaux, nous sommes souvent sollicités pour venir en aide aux familles les plus modestes. Mais au-delà de cette catégorie, au-delà également des familles très aisées, c’est toute la masse des 60 % de nos compatriotes qui se situent dans ce qu’on appelle les classes moyennes – au niveau de revenu parfois un peu supérieur à la moyenne nationale – qui est touchée par cet ensemble de décisions. Notre Commission doit organiser un débat de fond, ouvert à nos collègues de la commission des affaires sociales, pour définir un système dont les principes ne seraient probablement pas très éloignés de ceux qu’a énoncés Pierre-Alain Muet.
M. Hervé Mariton. Si l’on va au bout du raisonnement du rapporteur général, l’APL devrait être versée à tous les foyers et l’ensemble des prestations familiales aujourd’hui soumises à des conditions de ressources ne devraient plus l’être.
Le quotient familial représente davantage une modalité de calcul de l’impôt qu’un simple élément de politique familiale. J’ai toujours regretté qu’on le défende dans une optique nataliste, car il constitue plutôt un élément de justice : suivant la logique de la solidarité horizontale, il convient qu’à niveau de vie comparable, le fait d’avoir des enfants ne soit pas trop pénalisant. Si je récuse les termes de coût ou de prix d’un enfant, les dépenses liées au mode de vie d’un enfant varient incontestablement avec le niveau de revenu des parents ; c’est la raison d’être même du quotient familial. En contester le principe revient à supposer que le « coût » d’un enfant est le même, quel que soit le revenu. Mais ce n’est évidemment pas le cas : les dépenses engendrées par la présence de l’enfant – parce que les personnes ne vivent pas au même endroit, n’habitent pas le même type de logement, n’ont pas le même niveau de vie – sont inégales. Votre vision – opposée au quotient familial, potentiellement favorable au crédit d’impôt – consiste à affirmer que tout cela ne concerne pas la République. La nôtre s’appuie pour sa part sur la solidarité horizontale entre foyers sans et avec enfants.
Enfin, le rapporteur général a prétendu que le fait de ne plus avoir d’enfants à charge l’affranchissait, dans ce débat, de tout conflit d’intérêt ; mais c’est précisément ce qui l’y expose !
M. Marc Le Fur. Les propos de nos collègues socialistes m’inquiètent plus encore que les propositions du Gouvernement ; substituer au quotient familial – rapporté au revenu – un forfait uniforme prenant la forme d’un crédit d’impôt, c’est-à-dire une seconde allocation familiale, contredit la logique même de notre politique familiale.
Monsieur le rapporteur général, lorsque vous avez dit, sans aller d’ailleurs au bout de votre logique, que, puisque les enfants sont choisis, c’est aux parents d’en assumer la charge, j’ose espérer que vous n’avez pas exprimé le fond de votre pensée !
Certes, puisqu’il est lié à l’impôt, le quotient familial bénéficie surtout, par définition, aux derniers déciles. Mais la politique familiale comprend trois dispositifs différents : le quotient familial – lié à l’impôt –, les allocations familiales – universelles et identiques pour tous –, et de multiples aides soumises à des conditions de ressources. Les sommes versées au titre de ces trois dispositifs sont comparables ; aujourd’hui, la CAF distribue moins d’allocations familiales – qui représentent quelque 46 ou 47 % de ses versements – que des prestations diverses soumises à des conditions de ressources. Pour une analyse cohérente, le tableau figurant en annexe de votre rapport, monsieur Eckert, devrait donc prendre en compte, non le seul l’impôt, mais l’ensemble de ces éléments.
Si le déficit de la branche famille impose de trouver des ressources, il est aberrant de le faire payer aux familles elles-mêmes – même un peu moins pauvres – au lieu de faire appel à la solidarité nationale pour partager l’effort entre les familles et ceux qui n’ont pas cette charge à assumer. Il est incongru de faire payer les familles aisées pour aider les familles modestes ; la politique familiale ne repose pas sur la solidarité entre les différentes familles, mais sur celle qui lie ceux qui sont soumis aux contraintes familiales et ceux qui ne le sont pas ou plus. Loin de représenter une annexe de la politique sociale, elle a son autonomie et sa cohérence propre.
M. Henri Emmanuelli. Les propos de M. Mariton et de ses collègues nous replongent dans un très vieux débat entre la gauche et la droite. Vous avez du quotient familial une vision censitaire qui voudrait que, plus on a de revenus, plus on bénéficie de ce genre d’avantage.
Je suis également choqué, messieurs les défenseurs de la politique familiale, que vous puissiez considérer un enfant comme une source de revenu. À côté du quotient familial et des allocations familiales, d’autres dispositifs aident à élever un enfant : les crèches, les garderies, la gratuité des études – cruciale quand on sait que chez nos voisins anglais, à Londres, un salaire sur deux dans une famille sert à payer les frais de scolarité. C’est tout cet ensemble qui constitue la politique familiale ; vouloir la réduire à un avantage pour les déciles supérieurs relève d’une caricature.
M. Dominique Lefebvre. Quelle que soit l’importance de ces questions, nous devrions accélérer la discussion des amendements. Nos désaccords fondamentaux ne doivent pas nous conduire à nous perdre dans un débat sans fin ; passons au vote et avançons.
M. Jean-François Lamour. Monsieur le rapporteur général, vous avez expliqué que cet abaissement du plafond était lié à votre volonté de réduire le déficit de la branche famille, que vous évaluez à 2,6 milliards d’euros. Or, comme l’a montré M. Marc Le Fur, ce n’est pas une répartition différente entre les familles qu’il faut aujourd’hui envisager. Puisque – comme l’a avoué M. Peillon – les caisses d’allocations familiales supporteront l’essentiel des coûts liés à la généralisation de l’aménagement des rythmes scolaires en 2014, nous proposerez-vous, pour le budget 2015, un nouvel abaissement du quotient familial ? Si ce n’est pas à la solidarité nationale de réduire le déficit, mais aux familles de s’aider les unes les autres, le quotient familial se trouvera réduit à néant à la fin de cette législature.
M. le rapporteur général. Monsieur Lagarde, le tableau auquel je faisais allusion ne prend en compte que les personnes qui bénéficient du quotient familial. Par conséquent, votre argument – évoquant un biais dû à la prise en considération de personnes qui n’en bénéficient pas – ne tient pas.
La Commission rejette les amendements de suppression.
Puis elle adopte l’article 3 sans modification.
Article 4
Suppression de la réduction d’impôt pour frais de scolarité
Texte du projet de loi :
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 199 quater F est abrogé ;
2° Au b du 2 de l'article 200-0 A, la référence : « 199 quater F, » est supprimée.
Observations et décisions de la Commission :
Le présent article vise à supprimer la réduction d’impôt dont bénéficient les contribuables ayant à leur charge des enfants qui suivent des études secondaires ou supérieures durant l’année scolaire en cours au 31 décembre de l’année d’imposition, à hauteur de 61 euros par enfant au collège, 153 euros par enfant au lycée et 183 euros par enfant suivant une formation supérieure.
Le rendement budgétaire de la mesure est évalué à 440 millions d’euros, dont 235 millions d’euros pour la réduction d’impôt pour les enfants dans le secondaire et 205 millions d’euros pour celle concernant les enfants dans le supérieur. 2,38 millions de contribuables seraient concernés par cette réforme.
Aux termes de l’article 199 quater F du code général des impôts, les contribuables fiscalement domiciliés en France ayant à leur charge un ou plusieurs enfants poursuivant des études secondaires ou supérieures durant l’année scolaire en cours au 31 décembre de l’année d’imposition bénéficient d’une réduction d’impôt fixée forfaitairement à :
– 61 euros par enfant fréquentant un collège ;
– 153 euros par enfant fréquentant un lycée d'enseignement général et technologique ou un lycée professionnel ;
– 183 euros par enfant suivant une formation d'enseignement supérieur.
En cas de résidence alternée, chacun des deux foyers fiscaux assurant la garde de l’enfant bénéficie de la réduction d’impôt, à hauteur de la moitié des montants forfaitaires concernés.
Les enfants concernés sont :
– les enfants du contribuable âgés de moins de 18 ans ou infirmes ;
– sous les mêmes conditions, les enfants qu’il a recueillis dans son propre foyer et dont il a la charge effective et exclusive ;
– les enfants majeurs célibataires, mariés, pacsés ou chargés de famille, qui ont demandé à être rattachés au foyer fiscal du contribuable. Pour mémoire, l’option de rattachement est notamment ouverte aux enfants majeurs âgés de moins de 21 ans, sans autre condition, ou aux enfants majeurs de moins de 25 ans, s’ils justifient de la poursuite d’études.
Les études secondaires ou supérieures poursuivies par les enfants doivent répondre à certaines caractéristiques :
– l'enseignement doit être organisé en un ou plusieurs cycles annuels. Il doit s’agir d'une formation générale, technologique, professionnelle ou universitaire dispensée à des jeunes dans le cadre de la formation initiale, à l'exclusion des stages de qualification de la formation continue ;
– l'enseignement doit être assuré collectivement à plein temps dans un établissement, en association le cas échéant avec une formation alternée en milieu professionnel, à l'exclusion donc des cours particuliers et de l'enseignement par correspondance. Néanmoins, compte tenu des missions assurées par le Centre national d’enseignement à distance (CNED), il est admis que les parents des élèves qui poursuivent des études secondaires ou supérieures par son intermédiaire bénéficient de la réduction d’impôt ;
– les élèves ne doivent pas être liés par un contrat de travail avec leur employeur et sont libres de tout engagement pendant et à la fin de leurs études ; ils ne sont pas rémunérés.
La réduction d'impôt n'est donc pas accordée pour des enfants en apprentissage. De même, elle n'est pas accordée pour des enfants en congé formation ou en contrat d'étude avec leur employeur.
Les études secondaires correspondent aux formations délivrées dans les collèges, ainsi que dans les lycées d’enseignement professionnel (LEP), d’une part, dans les lycées d’enseignement général et technologique, d’autre part. Les études supérieures sont celles qui sont poursuivies dans un établissement public ou privé, aboutissant à la délivrance d’un diplôme de l’enseignement supérieur : BTS, master, doctorat, diplôme d’ingénieur…
Le montant de la réduction d’impôt n’est pas pris en compte dans le calcul du plafonnement global prévu par l’article 200-0 A du code général des impôts, dont font l’objet différents avantages fiscaux.
La réduction d’impôt pour frais de scolarité, dans l’enseignement tant secondaire que supérieur, a été instituée par la loi de finances pour 1993 (15), dans le but « d’alléger les charges supportées par les familles pour la scolarisation des enfants ».
Quatre ans après, la loi de finances pour 1997 (16) a divisé par deux chacun des montants de ces avantages fiscaux pour l’imposition des revenus de 1997, tout en prévoyant leur suppression à compter de l’imposition des revenus de 1998, au motif que la « réforme de l’impôt sur le revenu a pour effet d’alléger sensiblement la charge fiscale pesant sur les familles » et ira « bien au-delà des avantages liés à cette réduction d’impôt ».
Néanmoins, l’année suivante, la loi de finances pour 1998 (17) est revenue sur cette suppression et a rétabli la réduction d’impôt dans ses montants initiaux. Outre les modifications intervenues pour supprimer l’obligation de produire un certificat de scolarité pour les enfants à charge, la loi de finances pour 2002 (18) a prévu la possibilité pour chacun des deux foyers se répartissant la garde de l’enfant de recevoir la moitié de la réduction d’impôt.
Il convient d’observer que les montants initialement fixés en loi de finances pour 1993, à hauteur de respectivement 400 francs et 1 000 francs pour l’enseignement secondaire, et de 1 200 francs pour l’enseignement supérieur, n’ont pas évolué depuis – à l’exception de l’année 1997, durant laquelle les montants ont été divisés par deux. Au cours de ces vingt dernières années, ces montants n’ont jamais été réévalués ne serait-ce qu’en fonction de l’inflation, pas même à l’occasion de leur conversion en euros.
Le nombre total de bénéficiaires de cette réduction d’impôt est estimé à un peu moins de 1,738 million de foyers pour l’avantage « secondaire », avec un coût budgétaire estimé à 235 millions d’euros en 2013 ; 940 000 foyers bénéficient de l’avantage « supérieur », le coût de la dépense fiscale afférente étant de 205 millions.
Le tableau suivant retrace l’évolution du coût budgétaire pour les deux catégories de réduction d’impôt depuis 2005 :
ÉVOLUTION DES DÉPENSES FISCALES POUR FRAIS DE SCOLARITÉ DEPUIS 2005
(en millions d’euros)
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 | |
Dépense fiscale pour le secondaire |
220 |
220 |
230 |
235 |
230 |
225 |
220 |
230 |
235 |
Dépense fiscale pour le supérieur |
160 |
160 |
170 |
185 |
190 |
195 |
195 |
200 |
205 |
Source : tomes II des Voies et moyens annexés aux projets de loi de finances.
La dépense fiscale au titre de l’enseignement secondaire s’avère relativement stable au cours des dernières années, cette évolution allant de pair avec la stagnation des effectifs dans les collèges et les lycées. En revanche, s’agissant de l’enseignement supérieur, le coût budgétaire de la mesure a augmenté de plus de 20 % entre 2005 et 2010, en passant de 160 à 195 millions d’euros, alors que, selon le rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales de 2011 (19), le nombre d’élèves était relativement stable sur la même période. Compte tenu de la nature forfaitaire de l’avantage fiscal et de la stabilité de son montant, l’augmentation du coût de la mesure résulte sans doute d’une évolution de la structure des revenus des foyers ayant des élèves scolarisés dans le supérieur, avec le cas échéant les effets de la réforme de l’impôt sur le revenu intervenue en 2006.
Cette dépense fiscale a fait l’objet d’un certain nombre de critiques au cours des dernières années. Le rapport précité du comité d’évaluation des dépenses fiscales publié en 2011 lui a attribué une note de 0 pour son volet « enseignement secondaire » et une note de 1 pour son volet « enseignement supérieur », tandis que le rapport sur les aides aux familles publié en avril dernier (20) mettait en doute sa cohérence et sa logique.
Le premier grief qui lui est généralement adressé est son caractère anti-redistributif, jusqu’à un certain montant de revenus. Il s’agit, en premier lieu, d’une réduction d’impôt, et non d’un crédit d’impôt, ce qui a pour conséquence que seuls les ménages assujettis à l’impôt sur le revenu peuvent en bénéficier. De plus, le dispositif aide d’autant plus les familles qu’elles ont des revenus croissants, puisque le montant de l’avantage fiscal par enfant augmente avec le revenu du foyer fiscal jusqu’à ce que l’impôt acquitté par le ménage dépasse le montant de la réduction d’impôt. Au-delà, en revanche, la réduction d’impôt est proportionnellement dégressive avec le revenu, puisqu’elle est plafonnée au montant maximal que prévoit le code général des impôts.
Le rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales précité précise que, s’agissant de l’enseignement secondaire, la réduction d’impôt ne profite à plein que pour les quatre déciles de revenus les plus élevés parmi les foyers ayant au moins un enfant au collège ou au lycée. Cela signifie que parmi les six premiers déciles, les foyers paient une imposition inférieure au montant de la réduction d’impôt à laquelle ils pourraient prétendre. En revanche, l’effet anti-redistributif est moindre s’agissant de la réduction d’impôt « enseignement supérieur » puisque dans ce cas, selon le même rapport, la réduction profite à plein aux six déciles de revenus les plus élevés parmi les foyers ayant au moins un enfant inscrit dans l’enseignement supérieur. 80 % des foyers fiscaux concernés bénéficient ainsi d’une réduction d’impôt supérieure à 130 euros par enfant. Cet effet anti-redistributif plus limité que pour la réduction d’impôt « secondaire » s’explique sans doute par le fait que les familles ayant au moins un enfant dans l’enseignement supérieur ont des revenus plus élevés en moyenne que l’ensemble de la population.
La légitimité de cette réduction d’impôt est contestée du fait de son manque d’articulation avec d’autres dispositifs à destination des familles ayant des enfants scolarisés.
S’agissant de la réduction d’impôt pour l’enseignement secondaire, d’autres dispositifs concourent au même objectif, au premier rang desquels l’allocation de rentrée scolaire (ARS), qui vise à aider les familles au titre des dépenses de rentrée scolaire. Elle est attribuée sous condition de ressources (21) aux familles ayant au moins un enfant scolarisé et âgé de 6 à 18 ans. Son montant varie selon l’âge de l’enfant, et s’échelonne entre 360,47 euros pour un enfant de 6 à 10 ans à 393,54 euros pour un enfant de 15 à 18 ans. Il est à noter que son montant a été très substantiellement revalorisé en 2012, à hauteur de 25 %. S’ajoute à cette allocation spécifique les bourses de l’Éducation nationale, elles aussi attribuées sous condition de ressources aux familles ayant des enfants scolarisés dans le secondaire. Par ailleurs, une majoration d’allocation familiale, à hauteur de 64,29 euros par mois, est attribuée aux familles composées d’un ou plusieurs enfants de plus de 14 ans (sauf s’il s’agit de l’aîné d’une famille de deux enfants). Plus largement, le quotient familial constitue également une aide, de nature fiscale, accordée aux familles pour l’éducation de leurs enfants.
De même, s’agissant de la réduction d’impôt pour l’enseignement supérieur, d’autres mesures poursuivent des fins similaires à celles de la réduction d’impôt examinée. Parmi celles-ci, figurent les bourses d’enseignement supérieur sur critères sociaux et les aides complémentaires, attribuées aux étudiants issus des foyers les plus modestes, mais aussi, de façon moins directe, les aides au logement. Par ailleurs, au titre des aides fiscales, et dans le cadre de l’application du quotient familial, les parents ont la possibilité de rattacher leur enfant au foyer fiscal de la famille jusqu’à l’âge de 25 ans, au lieu de 21 ans, lorsqu’il poursuit des études supérieures. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une dépense fiscale, et cette mesure n’est pas classée en tant que telle dans le tome II de l’annexe des Voies et moyens au projet de loi de finances ; toutefois, cela constitue un avantage substantiel pour les familles qui peuvent bénéficier des effets du quotient familial pendant quatre années de plus.
Somme toute, la réduction d’impôt prévue à l’article 199 quater F n’apparaît pas véritablement cohérente avec ces différents dispositifs. Ainsi que le souligne le rapport du comité Guillaume, soit la réduction d’impôt « secondaire » cible le coût des dépenses liées à la rentrée scolaire, et elle fait double emploi avec l’ARS – même si elle peut aussi apparaître comme complémentaire en étant attribuée sans condition de ressources. Soit elle cible les frais de scolarité au sens des droits de scolarité, et ne se justifie alors pas au regard de la gratuité de l’enseignement secondaire public. Enfin, si elle vise plus largement les dépenses d’entretien et d’éducation en direction des enfants, elle vient alors confondre ses effets avec le quotient familial, qui a les mêmes finalités. La dépense fiscale « enseignement supérieur » vient faire aussi double emploi avec le bénéfice du quotient familial pour les enfants rattachés de moins de 25 ans qui poursuivent leurs études.
Enfin, cet avantage fiscal, tant pour le secondaire que pour le supérieur, encourt la critique de « saupoudrage », avec un grand nombre de bénéficiaires, un avantage fiscal par ménage relativement restreint – même s’il est significatif en particulier pour les familles avec un ou plusieurs enfants étudiants –, et un coût pour les finances publiques non négligeable, de 440 millions d’euros. Le rapport du comité d’évaluation précité tire d’ailleurs argument de son absence de revalorisation depuis sa création pour faire apparaître cette réduction d’impôt comme la « survivance d’un avantage fiscal désuet devenu impossible à retirer aux familles », davantage qu’une mesure ciblée et pilotée.
Notamment, s’agissant de la réduction « supérieur », le montant de l’avantage (183 euros) apparaît limité au regard des dépenses occasionnées par la poursuite d’études supérieures – tandis que le montant des bourses sur critères sociaux, cependant plus ciblées sur les foyers aux revenus les plus faibles, s’avère beaucoup plus significatif (22). Cette réduction d’impôt de 183 euros couvre désormais tout juste le montant des droits d’inscription à l’université pour les diplômes conduisant à la licence, mais est en deçà des droits demandés pour les diplômes conduisant au grade de master… Enfin, la réduction profite aux foyers les plus aisés, et non aux foyers plus modestes, pour qui le montant de l’avantage, même modique, constituerait une aide non négligeable.
Au regard des différentes critiques formulées à son encontre, et dans le cadre de la rénovation de la politique familiale annoncée par le Premier ministre en juin dernier, le Gouvernement propose de supprimer cette réduction d’impôt. Le gain budgétaire de la mesure doit venir participer au financement de la politique familiale, aux côtés de l’abaissement du plafond du quotient familial (voir le commentaire de l’article 3).
Il convient d’observer qu’initialement, n’était prévue que la suppression de l’avantage fiscal attaché à l’enseignement secondaire, l’enseignement supérieur ne se trouvant pas concerné. De ce fait, seul le gain budgétaire issu de la suppression de l’avantage « secondaire », soit 235 millions d’euros, doit être affecté à la Caisse nationale des allocations familiales ; ce « fléchage » n’interviendra qu’en 2015, l’économie bénéficiant au budget de l’État en 2014.
Le gain occasionné par la suppression de l’avantage fiscal « supérieur », d’un montant de 205 millions d’euros, doit quant à lui contribuer au financement des bourses sur critères sociaux dans l’enseignement supérieur : celles-ci ont fait l’objet d’une revalorisation de leur montant à la rentrée 2013, fonction de l’inflation, tandis que de nouveaux échelons ont été créés, donnant droit à des bourses ou à des montants plus élevés pour différentes catégories d’étudiants.
La suppression de ces avantages fiscaux, qui représentent une économie budgétaire totale de 440 millions, devrait concerner au total 2,38 millions de personnes. Dans l’enseignement secondaire, 1,738 million de contribuables seraient concernés par la mesure, avec une perte moyenne de l’ordre de 136 euros. Dans l’enseignement supérieur, ce serait 970 000 contribuables qui seraient perdants, à hauteur de 217 euros en moyenne.
Quoique le ciblage, le montant et les conditions de bénéfice de cette réduction d’impôt fassent effectivement l’objet de critiques justifiées, celle-ci constitue néanmoins incontestablement un élément d’amélioration du revenu disponible net, donc du pouvoir d’achat qui profite à un grand nombre de ménages, dès lors qu’ils sont imposables.
En cette période de rebond, tant attendu, de la croissance économique et de l’emploi, le pouvoir d’achat des ménages doit être l’objet de toutes les attentions. Dans la mesure où le mécanisme du quotient familial, beaucoup plus inéquitable encore, fait déjà l’objet d’une mesure restrictive par le présent projet de loi de finances, la question se pose de l’opportunité de la suppression de cette réduction d’impôt en 2014.
Pour sa part, le rapporteur général souhaite qu’à terme, à dépense fiscale inchangée, la réduction d’impôt soit transformée en un crédit d’impôt bénéficiant à toutes les familles avec des enfants scolarisés.
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La Commission est saisie des amendements I-CF 7 de M. Marc Le Fur, I-CF 57 de M. Hervé Mariton, I-CF 109 de M. Nicolas Sansu, I-CF 142 de Mme Marie-Christine Dalloz, I-CF 197 de Mme Annick Girardin, I-CF 294 de M. Éric Alauzet, I-CF 373 de M. Charles de Courson et I-CF 478 de M. Dominique Lefebvre, tendant tous les huit à la suppression de l’article.
M. Marc Le Fur. Cet article confirme que cette loi de finances est hostile aux familles et, en l’espèce, à celles dont les enfants fréquentent le collège, le lycée ou l’université. Cette hostilité se manifeste en particulier à l’égard de familles qui ne reçoivent plus d’allocations familiales – versées jusqu’aux vingt ans de l’enfant seulement – et dont les enfants font des études supérieures. Nous sommes opposés à cette suppression des petits avantages dont bénéficient les familles d’enfants scolarisés. Mais des échos dans la presse semblent indiquer que nos collègues socialistes ont compris leur bévue et envisagent également de supprimer ou de modifier sensiblement cet article…
M. Hervé Mariton. Il s’agit en effet d’une nouvelle mesure dirigée contre la famille. Les élus de la majorité souhaitent effacer cette mauvaise idée, mais le fait même qu’elle ait été proposée représente un acte manqué révélateur de ce que la majorité est prête à imaginer.
M. Nicolas Sansu. Notre amendement est défendu.
Mme Marie-Christine Dalloz. L’article constitue une nouvelle atteinte à la politique familiale. Je serai heureuse de vous voir faire volte-face, car cette mesure cadre mal – tant par ses implications idéologiques qu’en raison des conséquences financières qu’elle aurait pour les ménages – avec la volonté que vous affichez depuis dix-sept mois de donner la priorité à la jeunesse et à l’éducation. Il faut conserver une disposition fiscale qui profite aux jeunes.
Mme Annick Girardin. Il ne s’agit pas d’un acte manqué, mais d’un débat entre nous, dont nous saluons l’issue.
L’amendement I-CF 197 est défendu.
M. Éric Alauzet. Il en va ici de l’intérêt de 1 150 000 familles – chiffre considérable. Au risque d’agacer nos collègues de l’opposition, je dirai que, plutôt que de conserver deux dispositifs différents d’aide à l’enfant, on aurait dû abaisser un peu plus encore le plafond du quotient familial afin de ne pas toucher à la réduction d’impôt pour frais de scolarité.
M. Jean-Christophe Lagarde. Alors que le Gouvernement avait décidé l’abaissement du plafond du quotient familial et la suppression de la réduction d’impôt liée aux enfants scolarisés, il semble qu’un amendement déposé au terme de débats internes à la majorité revienne finalement sur cette deuxième mesure – ce qui permet maintenant à la majorité de se vanter d’avoir épargné les familles.
Si l’on en croit la presse, cette renonciation à la fiscalisation se fera au détriment de l’engagement pris par le Président de la République – après son élection, il est vrai – de réduire de 5,5 % à 5 % le taux réduit de la TVA. Il est curieux d’observer que la TVA, dénoncée par le candidat François Hollande comme l’impôt le plus antisocial, est finalement maintenue et que ses taux connaissent une augmentation globale. Vous avez supprimé dès le mois de juillet 2012 la TVA sociale, adoptée sous la précédente législature, qui visait principalement les produits d’importation et permettait notamment de combler le déficit de la politique familiale, puis vous avez imposé une augmentation – qui ne vise pas seulement les produits d’importation – pour financer votre politique. Votre amendement de suppression est l’aveu de votre intention de financer l’avantage pour enfant scolarisé par la TVA au taux minimal, qui restera de 5,5 % : après les discours anti-TVA de la campagne électorale, le Gouvernement pratique une improvisation fiscale permanente !
M. Dominique Lefebvre. Je le confirme : le groupe socialiste votera, avec l’amendement I-CF 478, la suppression de cet article.
Les propositions du Gouvernement visaient à assurer le maintien de l'universalité de la politique familiale et à venir en aide en priorité aux familles modestes – qui se définissent d'abord comme n'étant pas imposables. Ce dispositif avait sa cohérence, avec la suppression d'une niche fiscale qui bénéficie à tous les ménages indépendamment de leur revenu – ce qui n'est pas forcément justifié –, au profit de l'universalité de la politique familiale.
La suppression de la réduction d'impôt pour enfants étudiants avait pour objet de financer un effort considérable en faveur des bourses et répondait à une demande des jeunes, qui préfèrent toucher une bourse plutôt que de voir leurs parents bénéficier d’un avantage fiscal. Il s'agissait d’aider des familles qui, n’étant pas imposables, ne bénéficient pas de ce dispositif.
Du fait du caractère forfaitaire de ces réductions d'impôt, les familles relevant des premières tranches du barème auraient perdu le même avantage que celles qui relèvent des tranches supérieures. Compte tenu de la priorité donnée à l’éducation, la suppression proposée dans cet article n’a pas été comprise. Il nous faut donc financer autrement notre politique en matière de bourses. Mais, monsieur Lagarde, ce ne sera pas par le relèvement de la TVA. Le débat sur la TVA viendra cependant. L’année dernière, en effet, nous avons voté des taux en annonçant que nous procéderions à des redéploiements à enveloppe constante. Or nous allons faire mieux et le bilan global des mesures que nous proposerons sera une réduction du produit de la TVA par rapport à ce que nous avons voté l’an passé. Il ne faut donc pas confondre les sujets.
M. le rapporteur général. Avis favorable à ces amendements de suppression.
Mme Valérie Pécresse. Permettez-moi de revenir brièvement sur l'article 3. Le Gouvernement s'est engagé à ce que toutes les augmentations de la fiscalité pesant sur les familles aient pour contrepartie l'augmentation du nombre de places de crèche. Or ces places sont financées à 50 % par les communes, qui devront donc augmenter leurs impôts locaux. Le Gouvernement prend donc des engagements à crédit et les Français seront heureux d'apprendre que l'augmentation des impôts d'État aura pour conséquence une hausse des impôts locaux.
M. Pascal Cherki. La volée de bois vert que vient de recevoir le Gouvernement est imméritée. Certes, l'article 4 a été mal rédigé et n'aurait pas dû inclure dans une même disposition les frais de scolarité engagés pour les enfants scolarisés dans le secondaire et dans le supérieur, mais je rappelle que le Gouvernement a augmenté de 200 millions d'euros le financement des bourses, mesure qui bénéficiera à 100 000 personnes supplémentaires et touchera des catégories sociales pour lesquelles l’accès à l'enseignement supérieur est très difficile. Il n'est pas choquant que cette mesure de justice sociale ait pour contrepartie la suppression de l'avantage fiscal lié aux frais de scolarité des étudiants. La prise en compte des étudiants – qui sont majeurs – plutôt que celle de leurs familles est en outre une revendication constante des organisations syndicales étudiantes majoritaires.
La suppression de l'avantage fiscal lié aux frais de scolarité des lycéens et collégiens pouvait en revanche poser problème. C'est la raison pour laquelle nous voterons cet amendement de suppression. Le fait que le Gouvernement s’y soit mal pris d’un point de vue technique ne doit pas pour autant nous conduire à combattre sa philosophie en la matière.
M. Pascal Terrasse. Il n'est pas certain qu’en l’état, le dispositif de réduction d'impôt lié aux frais de scolarité soit efficace. Outre qu’il ne bénéficie qu’aux familles soumises à l'impôt sur le revenu, le montant qui lui est affecté est très modeste. Il reste que sa suppression a suscité des interrogations dans la population.
Chers collègues de l'opposition, qui critiquez le mode de préparation de ce budget, n'oubliez pas quel est le rôle d'un Parlement : le Gouvernement formule des propositions et le Parlement, à la différence peut-être de ce qui se produisait au cours des dix dernières années, n'est pas aux ordres et discute avec le Gouvernement. En l’occurrence, la majorité socialiste et écologiste a été entendue.
Il faut néanmoins, comme l'a souligné M. Cherki, que le Gouvernement approfondisse l'idée d'une revalorisation des bourses d’étudiant sur critères sociaux. C'est là un sujet majeur, en particulier pour les jeunes éloignés des centres urbains. Il conviendra donc de définir à cet effet des critères discriminants positifs.
Mme Monique Rabin. Madame Pécresse, votre intérêt pour le budget des collectivités locales n'est pas très cohérent avec le fait que la droite propose de faire participer ces dernières à l'effort de réforme à hauteur de 930 millions d'euros.
Je rappelle d’autre part que la défiscalisation des heures supplémentaires était financée par un emprunt de 5 milliards d'euros par an. Les promesses gratuites sont donc plutôt de votre côté que du nôtre.
M. Jean-Louis Gagnaire. Comme l’a déclaré M. Pierre-Alain Muet, ces amendements doivent être replacés dans la perspective d'une réflexion globale. À la différence de mon collègue parisien, j’estime que la charge la plus lourde est celle que supportent les familles dont les enfants font des études supérieures. Celles que nous recevons dans nos permanences se plaignent en particulier du coût du logement pour les jeunes étudiants. J’espère par conséquent que nous pourrons inscrire dans la loi sur le logement des mesures relatives à la colocation, car certaines familles doivent se porter caution solidaire sept ou huit fois, au fil des déplacements de leurs enfants.
Je me range néanmoins au consensus qui se dessine pour la suppression de l'article 4.
La Commission adopte les amendements identiques de suppression (amendement n° 278). En conséquence, l’article 4 est supprimé et l’amendement I-CF198 de Mme Annick Girardin n’a plus d’objet.
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Article 5
Suppression de l’exonération fiscale de la participation de l’employeur aux contrats collectifs de complémentaire santé
Texte du projet de loi :
Le 1° quater de l’article 83 du code général des impôts est ainsi modifié :
1. Au premier alinéa, les mots : « auxquels le salarié est affilié à titre obligatoire » sont remplacés par les mots « collectifs et obligatoires au sens du sixième alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale » ;
2. Après le premier alinéa, sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les cotisations ou primes mentionnées à l’alinéa précédent s’entendent, s’agissant des cotisations à la charge de l’employeur, de celles correspondant à des garanties autres que les frais de santé.
« Les cotisations à la charge de l’employeur correspondant à des garanties frais de santé sont ajoutées à la rémunération prise en compte pour la détermination des bases d’imposition. »
3. Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les cotisations ou les primes mentionnées aux alinéas précédents sont déductibles dans la limite, y compris les versements de l’employeur mentionnés au deuxième alinéa, d’un montant égal à la somme de 5 % du montant annuel du plafond mentionné à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale et de 2 % de la rémunération annuelle brute, sans que le total ainsi obtenu puisse excéder 2 % de huit fois le montant annuel du plafond précité. En cas d’excédent, celui-ci est ajouté à la rémunération. »
Observations et décisions de la Commission :
Le présent article vise à supprimer l’exonération d’impôt sur le revenu applicable à la participation de l’employeur aux contrats de complémentaire « santé » collectifs et obligatoires, cette participation pouvant être assimilée à un avantage en nature. Les cotisations versées par les salariés dans le cadre de ces contrats resteraient en revanche déductibles du revenu imposable, avec un plafond de déduction aménagé en conséquence.
Cette mesure tend à assurer une meilleure utilisation des aides publiques apportées par l’État afin de développer et de favoriser l’accès aux régimes de complémentaire « santé », et qui s’élèvent au total à environ 5 milliards d’euros. Le soutien public dont bénéficient les régimes de prévoyance complémentaire obligatoires, par le biais d’exonérations fiscales et sociales, est très conséquent, et le présent article tend à en redéployer une partie, notamment afin de participer au financement de nouvelles mesures destinées aux plus modestes, par le relèvement des plafonds de ressources permettant d’accéder à la CMU complémentaire (CMU-C) et à l’aide à la complémentaire santé (ACS).
Le gain budgétaire attendu de cette mesure, qui doit bénéficier à la sécurité sociale, s’élève à 960 millions d’euros.
I. LE DROIT EXISTANT : L’EXONÉRATION FISCALE DES COTISATIONS DE L’EMPLOYEUR ET DES SALARIÉS AUX CONTRATS OBLIGATOIRES DE COMPLÉMENTAIRE SANTÉ
En premier lieu, et afin d’inscrire la présente mesure dans son cadre général, il convient de préciser que les régimes de prévoyance complémentaire « santé » correspondent à la garantie « frais de santé », laquelle a pour objet d’indemniser le salarié des dépenses occasionnées pour lui-même, voire pour ses ayant droits, au titre de la santé. Il s’agit de l’un des quatre risques qui peut être couvert par la prévoyance complémentaire, aux côtés de l’incapacité de travail, de l’invalidité et du décès. Le risque «incapacité » correspond à la situation dans laquelle le salarié ne peut exercer son activité professionnelle pour raison de santé, et reçoit des indemnités journalières complémentaires venant compléter les indemnités journalières de base de la sécurité sociale. L’invalidité correspond au cas où le salarié se trouve confronté à une réduction d’au moins deux tiers de sa capacité de travail, et ne peut plus percevoir de salaire : il peut bénéficier alors d’une rente d’invalidité, en plus de la pension d’invalidité versée par la sécurité sociale. Enfin, les garanties « décès » ont pour objet de compenser la perte de revenus liée au décès du bénéficiaire, par le versement d’un capital, d’une rente de conjoint ou encore d’une rente d’orphelin ou d’éducation.
La part de la population couverte par un régime complémentaire « santé » a crû de façon continue au cours des trois dernières décennies, puisqu’elle est passée de 69 % au début des années 1980 à plus de 96 % en 2010, avec une nette progression suite à la mise en place de la CMU-C en 1999.
Peuvent être distingués trois types de contrats de complémentaire « santé » : les contrats individuels, les contrats collectifs proposés par les entreprises et les dispositifs individuels aidés à destination des personnes à revenus modestes, la CMU-C et l’aide à la complémentaire santé (ACS).
Ce sont aujourd’hui les contrats individuels qui sont les plus nombreux, puisqu’ils couvraient en 2010, selon les données fournies par un récent rapport du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) (23), 57 % des personnes affiliées à une assurance complémentaire, hors CMU-C ; ce taux correspondrait, par extrapolation effectuée à partir des données disponibles, à environ 17 millions de personnes. Différentes catégories socio-professionnelles sont concernées, telles que les retraités, les chômeurs, les étudiants, les fonctionnaires, les professions indépendantes, ainsi que les salariés non encore couverts par des contrats collectifs.
Ensuite, les contrats collectifs proposés par l’employeur couvrent environ 43 % des personnes affiliées à une assurance complémentaire hors CMU-C, ce qui représenterait environ 13,2 millions de salariés en France. Les contrats collectifs peuvent être facultatifs ou obligatoires. Ainsi que le précise le rapport de l’HCAAM, la couverture collective facultative se rapproche de la couverture individuelle dans la mesure où elle dépend du choix individuel du salarié. La différence réside dans l’aide conférée par l’employeur, directement, avec une participation au financement, ou indirectement, par l’accès à une offre de couverture à des conditions plus avantageuses qu’en individuel. En revanche, la couverture collective obligatoire est d’une nature juridique différente, puisqu’elle constitue un élément du statut collectif du personnel d’une entreprise, qu’elle peut être considérée comme un élément de la rémunération indirecte, et qu’elle engage la responsabilité de l’employeur, notamment en cas de défaut de l’assureur. Les contrats collectifs s’avèrent généralement plus protecteurs que les contrats individuels, en offrant en moyenne des garanties plus élevées. Ils sont plus répandus dans les grandes entreprises, mais aussi parmi les salariés en contrat à durée indéterminée, par rapport à ceux en contrat déterminé, ou parmi les salariés à temps plein par rapport à ceux à temps partiel.
L’accord national interprofessionnel, dit ANI, du 11 janvier dernier, a prévu dans son article 1er la généralisation de la couverture complémentaire collective « santé » pour l’ensemble des salariés, qui doit être effective au 1er janvier 2016. Il s’agit de favoriser l’accès de tous les salariés à une couverture complémentaire – 414 000 salariés s’en trouvant dépourvus –, offrant les meilleures garanties.
Enfin, les personnes ayant de faibles revenus peuvent avoir accès à deux dispositifs d’assurance complémentaire « santé », placés sous conditions de ressources : la CMU-C, qui, créée en 1999, bénéficiait en 2012 à 4,5 millions de bénéficiaires ; l’ACS, introduite en 2004 pour pallier les effets de seuil résultant des plafonds de ressources de la CMU-C, qui comptait fin 2012 1 million de bénéficiaires.
Les pouvoirs publics ont largement encouragé le développement de la couverture complémentaire « santé » de la population française, par le biais d’aides fiscales et sociales notamment, variables selon les catégories de contrats.
Depuis la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie (24), ces différentes aides sont subordonnées au caractère « solidaire et responsable » des contrats d’assurance complémentaire. Ces contrats doivent en effet respecter un certain nombre d’obligations et d’interdictions de prise en charge : ils ne doivent pas procéder à la sélection des assurés en fonction de leur état de santé, ils doivent prévoir la prise en charge de certaines dépenses, avec la couverture minimale d’un panier de soins, tout en excluant la prise en charge d’autres, comme les dépenses réalisées hors parcours de soin, ou encore la participation forfaitaire d’un euro sur les consultations, les actes médicaux et les actes de biologie médicale. Cette conditionnalité des aides semble avoir porté ses fruits puisqu’aujourd’hui, 94 % des contrats – qu’ils soient individuels ou collectifs – sont responsables.
B. LES EXONÉRATIONS FISCALES SPÉCIFIQUES ATTACHÉES AUX CONTRATS COLLECTIFS ET OBLIGATOIRES DE COMPLÉMENTAIRE SANTÉ
Depuis 1985 (25), les salariés affiliés à un régime complémentaire « santé » collectif obligatoire bénéficient d’une déduction de leur revenu imposable de la totalité de leurs cotisations de prévoyance. Aux termes du 1° quater de l’article 83 du code général des impôts, sont ainsi déductibles à la fois les contributions versées par l’employeur et celles versées par le salarié, dans la limite d’un plafond égal à la somme de 7 % du montant du plafond annuel de la sécurité sociale (26), soit 2 592,20 euros, et de 3 % de la rémunération annuelle brute, sans que le total ainsi obtenu ne puisse excéder 3 % de huit fois le montant plafond annuel de la sécurité sociale, soit 8 887,70 euros.
Cet avantage ne s’applique qu’aux contrats obligatoires. Il s’applique également dans le cas du maintien, pour neuf mois au maximum, des garanties complémentaires santé au profit des anciens salariés au chômage – dispositif de maintien prévu dans le cadre de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 (27).
Si les cotisations versées à un régime complémentaire obligatoire par un salarié et par son employeur sont déductibles du revenu imposable de ce salarié, les prestations reçues sont quant à elles soumises à l’impôt sur le revenu. Ce principe s’applique dans le cas du versement d’indemnités journalières complémentaires, par exemple, ou d’une rente d’invalidité. En revanche, il ne trouve pas à s’appliquer pour la garantie « frais de santé », puisque celle-ci complète des prestations en nature servies par la sécurité sociale. Les prestations sont par nature indemnitaires : frais médicaux hospitaliers, pharmaceutiques, optiques, dentaires, d’analyses… Elles ne peuvent conduire à rembourser le salarié au-delà du montant dépensé.
Il convient de noter qu’à l’inverse, les primes versées par les personnes ayant souscrit un contrat complémentaire facultatif ne sont pas déductibles du revenu imposable, mais que les prestations reçues en exécution de ce contrat ne se trouvent pas assujetties à l’impôt sur le revenu.
Aux termes de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, les seules contributions des employeurs aux régimes de complémentaire « santé » bénéficient d’une exemption d’assiette des cotisations sociales, dans la limite de 6 % du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 2 221,92 euros en 2013, et de 1,5 % de la rémunération soumise à cotisations, le bénéfice total ne pouvant excéder 12 % du plafond, soit 4 443,84 euros en 2013. D’après les données fournies par l’annexe 5 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, l’assiette exemptée en 2011 représente 12,7 milliards d’euros au titre de la prévoyance complémentaire.
C’est depuis l’entrée en vigueur de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites (28) que le bénéfice de l’exemption d’assiette des cotisations sociales est réservé aux régimes de protection sociale complémentaire à caractère « collectif » et « obligatoire ».
Pour autant, certains prélèvements ont été mis en place sur ces aides des employeurs à leurs salariés : la CSG et la CRDS puis, hormis pour les très petites entreprises, une taxe de 8 % sur les contributions patronales au financement de la prévoyance complémentaire. À compter du 1er janvier 2012, cette taxe a été remplacée par le forfait social – les entreprises de moins de 10 salariés en restant exemptées. Le taux du forfait social a été maintenu à 8 % dans ce cas, alors que la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 a porté son taux de droit commun à 20 % (29).
Ensuite, au titre des aides fiscales, les règles générales applicables à la déductibilité de certaines charges du bénéfice imposable permettent aux entreprises de déduire l’ensemble des cotisations ou primes (contribution salariale et patronale) versées aux régimes de prévoyance complémentaire de leur résultat imposable. Il s’ensuit que les entreprises peuvent bénéficier à ce titre d’une diminution de leur impôt sur les sociétés.
Le coût des avantages fiscaux et sociaux attachés aux régimes de complémentaire santé obligatoires s’avère élevé, au regard des chiffrages réalisés au cours des dernières années.
Les pertes de recettes de la sécurité sociale liées à l’exemption d’assiette des cotisations sociales pour les primes versées par les employeurs ont été chiffrées entre 1,6 et 1,75 milliard d’euros par la Cour des comptes, dans son rapport sur la sécurité sociale de 2011. Dans son rapport de juillet dernier, le HCAAM estime quant à lui ces pertes de recettes à 1,4 milliard d’euros, tout en précisant qu’il s’agit d’une hypothèse basse.
S’ajoutent les pertes de recettes d’impôt sur le revenu résultant de la déduction du revenu imposable des cotisations versées tant par les salariés que par les employeurs : leur montant est évalué par le HCAAM à 1,6 milliard d’euros, dont 960 millions d’euros au titre de l’exonération fiscale applicable à la contribution de l’employeur et 640 millions d’euros au titre de l’exonération applicable à la contribution du salarié. En revanche, les pertes de recettes en impôt sur les sociétés ne font l’objet d’aucun chiffrage.
Somme toute, ce sont donc entre 3 et 3,2 milliards d’euros d’aides publiques qui sont dirigées vers le soutien à l’acquisition de complémentaires obligatoires « santé ».
Les autres régimes bénéficient également d’aides publiques, mais dans une moindre mesure, et à une moindre échelle. S’agissant des contrats individuels, doivent être mentionnés les contrats de prévoyance dits Madelin, destinés aux travailleurs indépendants (artisans, commerçants, industriels, professions libérales), pour lesquels les cotisations sont déductibles du bénéfice imposable dans la limite d’un plafond total identique à celui applicable pour les contrats collectifs obligatoires (soit 3 % de huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale). Le coût du dispositif est évalué à environ 215 millions d’euros. Pour la fonction publique d’État, une aide de l’État employeur est versée à des opérateurs de prévoyance référencés, dans le cadre d’un dispositif rénové depuis 2007, pour un coût d’environ 50 millions d’euros.
Par ailleurs, au titre des aides aux plus défavorisés, la CMU-C et l’ACS sont financées par le fonds CMU, lui-même destinataire de la taxe de solidarité additionnelle aux cotisations d’assurance (TSA), ainsi que d’une fraction du produit des droits sur le tabac. En 2011, le montant de la dépense au titre de la CMU-C s’élevait à 1,6 milliard d’euros, et celui pour l’ACS représentait 157 millions d’euros.
C’est donc aux contrats de complémentaire santé collectifs et obligatoires qu’est attribué le volume le plus important d’aides publiques. Ce volume sera par ailleurs amené à progresser, compte tenu de la généralisation de la couverture complémentaire collective santé prévue par l’article 1er de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier dernier.
COMPARATIF DES AIDES ANNUELLES EN FONCTION DU CONTRAT
Contrat collectif obligatoire |
Contrat Madelin |
Fonctionnaires d’État |
CMU-C |
ACS |
Total | |
Aides globales |
2 990 |
215 |
50 |
1 632 |
157 |
5 044 |
Aides par contrat (en euros) |
226 |
260 |
15 |
450 |
||
Aide par personne (en euros) |
370 |
270 |
Source : rapport du HCAAM.
Cet état de fait peut conduire à des situations peu satisfaisantes au regard de l’équité. Le Conseil des prélèvements obligatoires, dans un rapport de 2010 (30), et la Cour des comptes, dans son rapport annuel de 2011 sur la sécurité sociale, ont critiqué cette concentration des aides sur les contrats collectifs, et le manque d’articulation avec les dispositifs ciblés sur les catégories défavorisées, tout en relevant les effets inflationnistes de ces dispositifs d’aide sur les dépenses de santé. Le Conseil des prélèvements obligatoires pointait ainsi que « le dispositif des exemptions de charges sociales pour les contrats de prévoyance a pour effet de concentrer l’aide publique sur les contrats qui sont déjà les plus favorables aux ménages et qui profitent davantage aux salariés aisés, et de ne pas soutenir l’effort d’acquisition d’une complémentaire des ménages les plus modestes, confrontés à des coûts de couverture plus élevés, qui ne peuvent être atténués que par des aides aux ménages ciblées sur des niveaux de revenus modestes (aide à la complémentaire santé), pouvant laisser subsister des effets de seuil. »
De fait, les salariés couverts par un contrat collectif bénéficient d’un double, voire d’un triple avantage par rapport à ceux qui ont souscrit un contrat individuel : ils reçoivent une aide de l’employeur qui diminue les primes qu’ils doivent verser ; ils bénéficient d’une aide fiscale qui exonère ces primes de leur impôt sur le revenu, aussi bien pour la part qu’ils versent que pour la part payée par leur employeur ; de surcroît, leurs contrats offrent en général des garanties plus élevées, du fait du pouvoir de négociation des employeurs bien plus important que celui d’adhérents individuels dans le cadre de contrats facultatifs. L’avantage fiscal dont jouissent les salariés est par ailleurs d’autant plus important que leurs revenus sont élevés, puisqu’il croît avec le taux marginal d’imposition ; il s’avère donc progressif.
En tout état de cause, la montée prévisible des dépenses liée à la généralisation de la couverture collective complémentaire constitue l’occasion de s’interroger sur les possibilités de réallocation d’une partie des aides consacrées aux contrats collectifs, au profit des ménages plus modestes, dont les garanties sont aujourd’hui moins bonnes. Le rapport de l’HCAAM propose plusieurs pistes en ce sens, et préconise notamment de revenir sur le caractère déductible de la participation de l’employeur au régime complémentaire obligatoire, voire aussi de la cotisation du salarié. Le présent article retient la première option, à savoir la seule suppression de l’exonération fiscale de la participation de l’employeur, que l’on peut assimiler à un avantage en nature imposable à l’impôt sur le revenu.
Il convient d’observer que l’HCAAM formule également d’autres propositions, concernant les exonérations sociales dont bénéficient les employeurs : parmi ces pistes de réforme, figurent notamment la création d’un plafond spécifique pour les exclusions d’assiette relatives à la participation des employeurs à la complémentaire santé, leur forfaitisation ou encore l’application d’un forfait social au taux de droit commun de 20 %.
A. LA SUPPRESSION DE L’EXONÉRATION D’IMPÔT POUR LA SEULE CONTRIBUTION DE L’EMPLOYEUR AU RÉGIME DE PRÉVOYANCE COMPLÉMENTAIRE COLLECTIF
Le présent article, applicable à compter de l’imposition des revenus de 2013, met fin à la déductibilité du revenu imposable de la participation de l’employeur aux contrats collectifs complémentaire « santé ».
Le 1° quater de l’article 83 du code général des impôts dispose que les cotisations ou primes versées aux régimes de prévoyance complémentaire obligatoire, que ce soit par le salarié ou par l’employeur, ne sont pas soumises à l’impôt sur le revenu, lorsque les contrats de prévoyance sont « solidaires et responsables ». Il concerne l’ensemble des régimes de prévoyance, qui couvrent donc les frais de santé, l’incapacité de travail, l’invalidité et le décès.
Le 2 du présent article vient exclure du bénéfice de l’exonération d’impôt sur le revenu les seules contributions à la charge de l’employeur pour la garantie « frais de santé » ; les contributions du salarié resteraient donc déductibles de son revenu imposable – avantage dont ne bénéficient pas les personnes affiliées à un contrat individuel –, de même que les contributions de l’employeur et du salarié versées dans le cadre des régimes complémentaires couvrant l’incapacité de travail, l’invalidité et le décès. En effet, la couverture de ces trois derniers risques donne lieu au versement de prestations, telles que des indemnités journalières complémentaires, ou des rentes, qui sont soumises à l’impôt sur le revenu. Mettre fin à la déductibilité des cotisations versées se traduirait par une double imposition, « à l’entrée », lors des versements de cotisations, comme « à la sortie », à l’occasion du paiement des prestations. Tel n’est pas le cas pour la couverture complémentaire « santé », puisque les prestations sont versées en nature et ne peuvent donc être soumises à l’impôt sur le revenu.
Il convient de signaler toutefois qu’il existe des contrats de prévoyance que l’on peut qualifier de mixtes, en ce qu’ils couvrent les différentes garanties, et non la seule garantie « frais de santé » ; les employeurs devront différencier leurs versements au titre des garanties frais de santé des autres, ce qui pourrait poser quelques difficultés de gestion ; il a été indiqué au rapporteur général que les éditeurs de logiciels de paye travaillaient sur cette question.
Le 3 du présent article tire les conséquences de la suppression de cette exonération fiscale pour abaisser de façon proportionnelle le plafonnement auquel sont soumises les contributions non imposables des salariés et des employeurs
– plafond au-delà duquel les sommes sont imposables.
L’hypothèse retenue est qu’en volume, les régimes de prévoyance complémentaire se répartissent à parts égales entre garantie pour frais de santé, d’une part, garanties pour incapacité de travail, invalidité et décès, d’autre part. Les contributions des employeurs aux régimes complémentaires « santé » ne doivent plus être prises en compte dans le plafonnement, sauf à accroître le plafond applicable aux seules cotisations « santé » des salariés, qui demeurent exonérées, et aux cotisations versées aux régimes complémentaires pour les autres garanties. Or les contributions des employeurs représentent en moyenne environ 60 % des sommes versées dans le cadre d’un régime de complémentaire « santé », lesquelles correspondent donc, dans l’hypothèse envisagée par l’évaluation préalable du présent article, à 50 % des cotisations versées au sein des régimes complémentaires dans leur ensemble. Il convient donc de réduire les plafonds applicables de (60 % x 50 %) = 30 %. Les plafonds retenus initialement de 7 % du montant du plafond annuel de la sécurité sociale, 3 % de la rémunération annuelle brute et 3 % de huit fois le montant du plafond annuel de la sécurité sociale sont donc ramenés, après application de cette réfaction de 30 %, respectivement à 5 %, 2 % et 2 %.
Enfin, le 1 du présent article vient procéder à une modification de précision dans le premier alinéa du 1° quater de l’article 83, en visant explicitement l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale qui mentionne les contrats collectifs et obligatoires ouvrant droit aux exemptions d’assiette de cotisations sociales.
Le rendement attendu de cette mesure est estimé par l’évaluation préalable de l’article à 960 millions d’euros, sans toutefois que le nombre de foyers fiscaux concernés ne soit précisé.
Cette évaluation s’est appuyée sur le calcul de l’assiette rendue imposable, à savoir les contributions versées par les employeurs aux régimes collectifs de complémentaire « santé ». L’assiette des cotisations santé versées à ce titre a été estimée à 14,2 milliards d’euros pour l’année 2013, tandis que la part des contrats obligatoires, sur ces régimes collectifs, est évaluée à 80 %. La part des contributions aux contrats collectifs prises en charge par les employeurs étant estimée à 60 %, l’assiette réintégrée totale est évaluée à 6,81 milliards d’euros. Le rendement de la mesure a ensuite été calculé en appliquant un taux marginal d’imposition de 14 %. Il s’agit donc d’un chiffrage indirect, fondé sur des données macroéconomiques, qui ne permet de connaître finement ni les contribuables concernés ni l’impact de la mesure par déciles de revenus des contribuables, par exemple.
Les chiffres fournis par l’HCAAM permettent d’évaluer, de façon assez peu précise également, le nombre de salariés susceptibles d’être concernés, puisque selon le rapport précité, environ 13,2 millions de salariés sont affiliés à des régimes complémentaires collectifs « santé » ; en appliquant là encore l’hypothèse d’une proportion de 80 % de régimes collectifs obligatoires contre 20 % de régimes collectifs facultatifs, on peut évaluer à environ 10,5 millions le nombre de salariés bénéficiant d’un contrat collectif obligatoire, donc se trouvant dans le champ de la mesure.
Le gain budgétaire issu de la réforme est destiné à contribuer au financement du développement de l’accès aux complémentaires « santé » dans leur ensemble, par un redéploiement des aides fiscales et sociales orientées aujourd’hui très largement vers les régimes de complémentaire « santé » obligatoires. L’article 39 du présent projet de loi prévoit donc le transfert à la sécurité sociale du rendement de la mesure dans sa totalité dès 2014.
Les moyens ainsi dégagés doivent permettre de faire face à l’accroissement prévisible des dépenses liées à la généralisation de la couverture collective complémentaire prévue par l’ANI, en termes de pertes de recettes pour la sécurité sociale, notamment, du fait des exemptions d’assiette de cotisations existantes. Ensuite, ces moyens doivent participer au financement de la revalorisation des plafonds de la CMU-C et de l’ACS, décidée dans le cadre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale adopté le 21 janvier dernier lors du Comité interministériel de lutte contre les exclusions. Depuis le 1er juillet, les plafonds CMU-C et ACS ont été relevés de 8,3 %, ce qui devrait permettre à 750 000 personnes supplémentaires de bénéficier de ces dispositifs.
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La Commission est saisie des amendements I-CF 8 de M. Marc Le Fur, I-CF 58 de M. Hervé Mariton, I-CF 110 de M. Nicolas Sansu et I-CF 374 de M. Charles de Courson, tendant tous les quatre à la suppression de l’article.
M. Hervé Mariton. L’article 5 prévoit de soumettre à l'impôt sur le revenu la participation financière des entreprises aux cotisations d'assurance complémentaire. Ce débat a été largement porté sur la place publique et, pour un grand nombre de nos concitoyens, l'intégration dans leurs revenus imposables de cet avantage en nature qui était jusqu'à présent défiscalisé se traduira par une augmentation d'impôt. Nous y sommes défavorables. Au surplus, alors que la politique de ces derniers mois va dans le sens d’une généralisation du recours aux assurances complémentaires, il n'est pas cohérent de pénaliser ainsi ces assurances pour certains salariés.
M. Marc Le Fur. M. Mariton a tout dit. La disparition de cette exonération se traduirait par une hausse de l’impôt de 90 à 150 euros par bénéficiaire. Cette mesure, qui est un mauvais signe adressé aux mutuelles et à la protection sociale en général, a donc aussi des conséquences très pénalisantes pour les personnes concernées.
M. Nicolas Sansu. Si le principe d'une fiscalisation et d'une socialisation de tous les revenus et avantages doit être la norme universelle, se pose néanmoins un problème de pouvoir d'achat. Le projet de loi de finances tend en effet à fiscaliser un avantage sans offrir de contrepartie aux salariés sous forme de hausse des salaires et du pouvoir d'achat. Nous proposons donc la suppression de cette disposition. Je rappelle à ce propos que la fiscalisation et la socialisation des heures supplémentaires, pour normale qu'elle soit, ne s'est pas accompagnée non plus d'une augmentation des salaires et du pouvoir d'achat et qu’elle a été, à juste titre, très mal ressentie. Oui donc à la fiscalisation et la socialisation de tous les revenus et avantages, mais attention au pouvoir d'achat des plus modestes !
M. Charles de Courson. Je ne comprends pas la logique du Gouvernement : après l'accord national interprofessionnel – ANI – et la généralisation de la complémentaire santé, que nous avons soutenus, il n’est pas cohérent de supprimer la défiscalisation de la participation de l’employeur à cette assurance. En termes de démocratie sociale, cet avantage était aussi, avant la généralisation, un moyen de récompenser ceux qui avaient conclu des accords d'entreprise, de branche ou de groupe.
Pourquoi, dans ces conditions, ne pas fiscaliser aussi les cotisations patronales en revenant sur leur déductibilité de l'impôt sur les sociétés ? Monsieur le rapporteur général, la participation des entreprises aux cotisations d’assurance complémentaire sera-t-elle également soumise aux cotisations sociales ?
Le groupe UDI est très hostile à cette mesure.
M. le rapporteur général. Monsieur de Courson, la participation de l’employeur est, sauf erreur de ma part, soumise à la CSG et à la CRDS, ainsi qu’au forfait social à hauteur de 8 %.
Je soutiens sans état d'âme la position du Gouvernement, car cette contribution est un revenu, qui doit être fiscalisé. Je m'étonne en outre que certains puissent à la fois défendre le principe selon lequel tous les revenus doivent être assujettis à l'impôt et demander la suppression de l'article 5.
Cette mesure induira cependant une différence de traitement entre les salariés du privé, qui relèveront tous à terme d’un accord collectif interprofessionnel, conformément à l’ANI, et qui pourront déduire de leurs revenus leur propre cotisation à une complémentaire santé, et d'autres catégories de Français, comme les fonctionnaires, les chômeurs et les retraités, qui ne le pourront pas. Il y a là une inégalité fondamentale. Nous savons bien, du reste, que les retraités que nous recevons dans nos permanences se plaignent que la cotisation à leur mutuelle, outre qu’elle est de plus en plus élevée et de facto quasi indispensable, ne soit pas défiscalisée. Ne pourrait-on parvenir, à coût égal, à une déductibilité partielle – qui sera déterminée par les ordinateurs de Bercy – et à un même traitement pour tous ? Il y a là une piste de réflexion d’avenir pour parvenir à plus d’équité et de justice.
M. le président Gilles Carrez. C’est à très juste titre que vous soulevez ce problème, monsieur le rapporteur général. Il y a là matière à une deuxième étape d’alignement.
M. Jean-Louis Gagnaire. Un amendement recevable aurait consisté à généraliser l'avantage. En l’état, il s’agit de rétablir un équilibre, même si celui-ci n'est pas satisfaisant, et je suis d'autant plus surpris de la proposition de nos collègues de l'opposition qu'ils ont fait la même chose en rendant imposable la contribution des collectivités locales aux cotisations retraite des élus locaux. Il faut fiscaliser l'ensemble des revenus si nous voulons avoir une vision claire des choses et assurer une certaine équité. Nous devrons, à cet égard, ouvrir rapidement le chantier proposé par le rapporteur général.
M. Alain Fauré. Puisqu'il s'agit d'un revenu et que la participation des entreprises est désormais obligatoire, ce revenu doit être fiscalisé. Il n'y a là rien de choquant et je suis surpris de constater que ceux mêmes qui déplorent que la dette se creuse et que les rentrées fiscales soient insuffisantes s'opposent à cette mesure.
Étant encore à la tête d’une entreprise, je ne suis pas gêné de ne plus bénéficier de cette exonération, car l'entreprise se doit aussi d'être citoyenne.
M. Étienne Blanc. Monsieur le rapporteur général, pouvez-vous nous confirmer que cette mesure s'appliquera aussi à la fonction publique territoriale, car le texte n'est pas très clair à cet égard ? En effet, un nombre croissant de collectivités prend en charge tout ou partie de cette assurance complémentaire pour les fonctionnaires territoriaux : cette somme s'ajoutera-t-elle à leurs revenus imposables ?
M. le rapporteur général. A priori, les fonctionnaires territoriaux n'entrent pas dans le champ de la mesure.
M. Étienne Blanc. Vous confirmez donc que la mesure s'applique au privé, et non au public.
M. Pascal Terrasse. Depuis plusieurs années s'exprime de la part de tous les gouvernements une tentation forte de transférer un certain nombre de prises en charge aux assurances complémentaires. De fait, ces assurances n’étant pas obligatoires, ces transferts contribuent à alléger les prélèvements obligatoires et, d’autre part, toutes les parties conviennent de la nécessité d'une maîtrise des cotisations sociales, renvoyant ainsi la charge de la dépense sociale, notamment sanitaire, vers les assurances complémentaires. Au regard de cette évolution, l’article 5 n’est pas sans soulever d'importantes interrogations.
L’accord national interprofessionnel a posé le principe d’une généralisation du recours à une assurance complémentaire. Le dispositif proposé dans le projet de loi de finances s'inscrit déjà dans ce cadre. Sans être opposé à la fiscalisation de ces avantages, j'aurais préféré un dispositif plus global, favorisant l'accès de tous, notamment des retraités et des fonctionnaires – et non des seuls salariés en activité – à une assurance complémentaire et préparant une définition plus large de ce que devront être demain ces assurances. Je regrette que ce ne soit pas le cas.
M. Dominique Lefebvre. Sur le principe, je rappelle que, comme le suivant, cet article 5 s’inscrit dans un dispositif plus général – pour celui-ci, la généralisation des complémentaires santé ; pour le suivant, la réforme des régimes de retraite. Il est donc très difficile de traiter un point indépendamment de l'ensemble, qui tend à l’équilibre.
Le problème juridique qui se pose ici tient à la qualification de « complément de revenu » attachée à la participation de l'employeur, alors que ce revenu n'est, en réalité, jamais perçu par l'intéressé. D’autre part, les collectivités locales mettent en place des complémentaires santé pour les fonctionnaires territoriaux – c’est le cas notamment de celle dont je suis membre, qui y consacre une enveloppe de 200 000 à 250 000 euros. Et la question pourrait même se poser, à tout prendre, d’intégrer dans les revenus des salariés les charges sociales payées par l'employeur pour couvrir le risque maladie ? La mesure proposée va dans le bon sens, mais il faut poursuivre le débat.
M. le président Gilles Carrez. Ne risquons-nous pas une rupture d’égalité ? De fait, l’abondement apporté par l’employeur sera intégré dans le revenu imposable pour les salariés des entreprises privées, mais ne le sera pas pour ceux des collectivités territoriales.
M. le rapporteur général. Avis défavorable sur ces amendements, même s’il est nécessaire d’approfondir le travail sur le texte, en liaison avec nos collègues de la commission des affaires sociales.
La Commission rejette les amendements de suppression.
Elle est saisie de l’amendement I-CF 361 de M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. L’article 5 vise à soumettre à l’impôt sur le revenu le complément de rémunération constitué par la prise en charge par l’employeur d’une partie des cotisations des contrats collectifs, assimilable à un avantage en nature, et dont le montant par salarié est estimé à 480 euros par an en moyenne par le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie.
L’article va néanmoins au-delà de cet objectif, puisqu’il abaisse le plafond global de déductibilité fiscale des cotisations versées à l’ensemble des régimes de prévoyance et de santé complémentaire, ce qui pourrait conduire à réintégrer dans le revenu imposable la cotisation versée par le salarié à un régime de prévoyance complémentaire, pour un montant équivalent à celui de la contribution patronale à la complémentaire santé.
Cet amendement vise donc à mettre en cohérence la réduction du plafond de déductibilité des cotisations santé et prévoyance avec l’objectif annoncé, afin de taxer la seule part de la cotisation versée par l’employeur à une complémentaire santé.
M. le rapporteur général. L’article modifie le plafond en vigueur pour tenir compte du fait qu’il y a désormais moins d’éléments à y soumettre : les cotisations de l’employeur ne seront plus prises en compte. Le calcul qui a été effectué est certes global, mais il ne devrait pas aboutir, hormis quelques rares exceptions, à réduire l’avantage du bénéficiaire.
M. Charles de Courson. Ce n’est pas la question que je pose. Ces assurances complémentaires comportent deux parties, une partie santé et une partie prévoyance. Dans votre esprit, la réduction du plafond s’applique-t-elle à la seule partie santé, ou aussi à la partie prévoyance ?
M. Pascal Terrasse. La difficulté vient de ce que les organismes de prévoyance proposent eux-mêmes une couverture complémentaire santé. Il existe donc des contrats qui cumulent la prévoyance, la couverture santé complémentaire, voire la prise en charge des jours de carence, ainsi que d’autres prestations – liées par exemple aux vacances ou au décès. Bref, ils offrent un « panier » de prestations. L’ensemble de ces avantages ne peut être pris en compte, sauf à accepter que la disposition en question fasse basculer un certain nombre de contribuables dans une tranche supérieure de l’impôt sur le revenu.
M. le rapporteur général. Il y a eu une adaptation proportionnelle des plafonds. L’identification des parts respectives de la santé et de la prévoyance dans la cotisation prise en compte peut poser dans certains cas des problèmes techniques, mais les organismes ne devraient pas avoir de difficultés à s’adapter.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 5 sans modification.
*
* *
Article 6
Suppression de l’exonération d’impôt sur le revenu des majorations de retraite ou de pension pour charges de famille
Texte du projet de loi :
Le 2° ter de l’article 81 du code général des impôts est abrogé.
Observations et décisions de la Commission :
Le présent article vise à supprimer l’exonération d’impôt sur le revenu applicable aux majorations de retraite ou de pension versées aux personnes ayant eu ou ayant élevé trois enfants et plus. Ces majorations sont généralement de l’ordre de 10 % des pensions versées, leurs modalités de fixation variant selon les régimes de retraite concernés.
Cette mesure vient mettre fin à un avantage fiscal très critiqué par les différents rapports consacrés aux droits familiaux de retraite, pour ses effets anti-redistributifs, son manque de ciblage et son coût élevé. Elle doit constituer la première étape d’une réforme globale, à l’étude, des majorations de retraite pour charges de famille, destinée à rendre le dispositif plus équitable et davantage orienté vers les femmes, dont les pensions sont, en moyenne, moins élevées que celles des hommes.
Le présent dispositif concernerait environ 3,8 millions de foyers fiscaux, et se traduirait par une augmentation des recettes d’impôt sur le revenu de l’ordre de 1,2 milliard d’euros. Cette recette fiscale supplémentaire est destinée à contribuer à la réforme du financement des retraites en cours d’examen parlementaire.
A. PRÉSENTATION DU DISPOSITIF DE MAJORATION DES RETRAITES POUR CHARGES DE FAMILLE ET DE SON EXONÉRATION
1. Le principe d’une majoration proportionnelle des pensions de retraite pour les parents de trois enfants ou plus
La quasi-totalité des régimes de retraite de base (31) et la plupart des régimes complémentaires légalement obligatoires attribuent à leurs assurés qui ont eu ou ont élevé au moins trois enfants une majoration de droits, proportionnelle au montant de leur pension. Ce dispositif constitue l’un des trois principaux droits familiaux de retraite, aux côtés de l’Assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), correspondant à la prise en charge de trimestres d’assurance pour les parents cessant leur activité pour élever leurs enfants, ainsi que de la majoration de durée d’assurance (MDA), soit l’attribution de trimestres d’assurance, pour chaque enfant, principalement aux femmes, au titre de l’incidence sur le déroulement de leur carrière professionnelle de l’accouchement et de l’éducation des enfants.
La majoration de pension pour charges de famille est attribuée aux hommes et aux femmes qui ont eu au moins trois enfants ou élevé au moins trois enfants pendant neuf ans, avant leur seizième anniversaire. Le bénéfice de ces majorations est accordé aux deux parents. À l’origine, si les deux conjoints avaient indistinctement droit à cette majoration, le service de celle dont le montant était le plus faible était suspendu, ce qui revenait le plus souvent à ne majorer que la pension de l’homme : l’avantage était en fait concédé aux couples. La pension de la femme n’était majorée en même temps qu’en cas de divorce ou de séparation, et le taux de la majoration initialement de 10 % était alors ramené à 5 % chacun. Cette règle a été abrogée par la loi n° 51-374 du 27 mars 1951 relative au régime de l'assurance vieillesse.
Au-delà de ces règles générales, les modalités des majorations pour charges de famille diffèrent selon les régimes. Le régime général d’assurance vieillesse et les régimes alignés limitent la majoration à 10 %, quel que soit le nombre d’enfants des retraités. D’autres régimes, comme le régime de pension des fonctionnaires ou encore l’AGIRC, pour les cadres du secteur privé, et l’IRCANTEC, pour les agents non titulaires du secteur public, accordent une majoration supplémentaire au-delà du troisième enfant, dont le taux varie. Le tableau ci-dessous présente les taux de majorations applicables dans les différents régimes, le cas échéant pour les enfants supplémentaires au-delà de trois enfants.
MAJORATIONS DE MONTANT POUR LES HOMMES ET LES FEMMES AYANT ÉLEVÉ TROIS ENFANTS OU PLUS
Majoration pour trois enfants |
Majoration par enfant supplémentaire au-delà du troisième |
Majoration maximale | |
Régimes des salariés du privé et assimilés |
|||
Régime général et régime agricole |
10 % |
/ |
/ |
Régimes complémentaires : |
|||
- ARRCO |
5 % |
/ |
/ |
- AGIRC |
8 %(1) |
4 % (1) |
24 % (1) |
- IRCANTEC |
10 % |
5 % |
30 % |
Régimes des fonctionnaires et régimes spéciaux |
|||
- Fonctions publiques (FPE, CNRACL, FSPOEIE) |
10 % |
5 % |
Traitement(*) |
- IEG |
10 % |
5 % (2) |
Traitement(*) |
- RATP |
10 % |
5 % |
Traitement(*) |
- SNCF |
10 % |
5 % |
Traitement(*) |
- Banque de France |
8,5 % |
4,25 % |
Traitement(*) |
- Mines |
10 % |
/ |
/ |
- Marins |
10 % (3) |
5 % |
15 % |
- CRPCEN |
10 % |
5 % |
Salaire annuel moyen (SAM)(**) |
- Régime complémentaire RAFP |
Néant |
/ |
/ |
Régimes des indépendants |
|||
Artisans et commerçants (RSI) : |
|||
- Régime de base |
10 % |
/ |
/ |
- Régime complémentaire des artisans (ex AVA) |
/ |
/ |
/ |
- Régime complémentaire des commerçants (ex ORGANIC) |
/ |
/ |
/ |
Professions libérales : |
|||
- Régime de base |
Néant |
/ |
/ |
- Régimes complémentaires |
10 % (4) |
/ |
/ |
Agriculteurs exploitants (MSA) : |
|||
- Régime de base |
10 % |
/ |
/ |
- Régime complémentaire |
Néant |
/ |
/ |
(*) Dans les régimes de la fonction publique et les régimes spéciaux, le montant de la pension après majoration de montant ne saurait excéder le traitement ayant servi de base pour le calcul de la pension.
(**) Le montant de la pension après majoration de montant ne saurait excéder le salaire annuel moyen ayant servi de base pour le calcul de la pension.
(1) Le montant des majorations est de 10 % pour trois enfants, plus 5 % par enfant plafonné à 30 %, mais ces majorations ne s’appliquent qu’à 80 % de la pension.
(2) Cas des enfants handicapés aux IEG : un enfant handicapé donne droits à la majoration de 10 %, et chaque enfant supplémentaire donne droit à + 5 % (+ 10 % si cet enfant supplémentaire est handicapé).
(3) Régime des marins : la charge de deux enfants ouvre droit à une bonification de 5 %.
(4) Existe dans trois des cinq régimes ASV (CARMF, CARCD et CAVP) et dans six des dix régimes complémentaires accordés aux praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés.
Source : 6ème rapport du Comité d’orientation des retraites, décembre 2008
Ces majorations sont plafonnées dans les régimes accordant des droits supplémentaires au-delà du troisième enfant, selon des modalités variables. Il peut s’agir d’un plafond de taux global, le taux de majoration global ne pouvant excéder, par exemple, 15 % dans le régime des marins, ou 30 % pour l’IRCANTEC. Il peut également s’agir d’un plafond fonction du traitement, la pension après prise en compte de la majoration ne pouvant excéder le revenu ayant servi de base au calcul de la pension ; tel est le cas dans le régime de pension des fonctionnaires et plusieurs régimes spéciaux.
Enfin, suite à l’accord du 11 mars 2011, les régimes complémentaires ARRCO et AGIRC ont aligné leurs règles de majoration pour la partie de carrière de leurs affiliés postérieure au 31 décembre 2011 : 10 % pour trois enfants ou plus, avec un plafonnement spécifique de 1 000 euros par an dans chaque régime pour les retraités nés à partir de 1951.
Ces bonifications étaient auparavant supportées directement par chaque régime de retraite. À partir de 1994, celles versées dans le cadre du régime général et des régimes alignés ont été financées par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV). La loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 a ensuite posé le principe du transfert progressif de la prise en charge de ces majorations du FSV vers la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), cette dernière contribuant à hauteur de 15 % en 2001, puis de 30 % en 2002 et de 60 % dès 2003. Le transfert de ce financement a été achevé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 (32), qui a prévu la prise en charge intégrale par la CNAF de ces majorations à compter de 2011.
Le montant total des majorations versées par les différents régimes est évalué à 8,9 milliards d’euros en 2012 par l’étude d’impact annexée au présent article. Le rapport sur les aides aux familles, remis par M. Bertrand Fragonard en avril dernier (33), précisait qu’en 2011, les dépenses de la CNAF au titre des majorations de pensions, correspondant aux seuls régime général et régimes alignés, s’établissaient à 4,381 milliards d’euros.
Les chiffres disponibles sur le nombre de bénéficiaires de ces majorations sont relativement anciens, puisqu’ils datent de 2004, tels qu’ils sont présentés dans le 6ème rapport du Conseil d’orientation des retraites (34) : à cette date, 42 % des retraités de plus de 54 ans ayant des droits propres, soit environ 5,4 millions de personnes, percevaient ces bonifications, et 48 % de retraités de droit dérivé, soit 1,6 million de personnes, en étaient bénéficiaires au titre des pensions de réversion. Le rapport dit « du comité Guillaume » sur les dépenses fiscales de 2011 (35) estimait quant à lui le nombre de retraités de droit propre bénéficiaires de ces majorations à 7 millions en 2008, soit environ 5 millions de foyers fiscaux.
Si les pensions de retraite sont imposables à l’impôt sur le revenu dans les conditions de droit commun, après application d’un abattement de 10 % plafonné à 3 660 euros par foyer fiscal, les majorations de retraites ou de pensions accordées aux assurés ayant eu ou élevé au moins trois enfants ne sont pas soumises à l’impôt sur le revenu, en application du 2° ter de l’article 81 du code général des impôts. L’exonération fiscale des majorations pour charges de famille a été introduite par la loi du 13 janvier 1941.
Ces bonifications ont été instituées en 1945 pour les salariés du régime général – elles existaient déjà dans les régimes spéciaux – après la seconde guerre mondiale : il s’agissait d’encourager les naissances et partant, d’améliorer l’équilibre futur du système de retraite par répartition, qui repose sur le dynamisme démographique de la population française.
Ces bonifications, de même que leur exonération d’impôt sur le revenu, visent également à compenser des niveaux de pension plus faibles pour des assurés qui, ayant élevé plus de trois enfants, auraient eu de ce fait une carrière professionnelle moins dynamique ; les mères de plus de trois enfants ont en effet fréquemment interrompu, au moins temporairement, leur activité professionnelle pour se consacrer à l’éducation de leurs enfants.
Enfin, ces majorations doivent permettre de compenser un niveau de patrimoine plus faible des assurés ayant eu plus de trois enfants, qui découlerait à la fois de trajectoires professionnelles moins favorables (ayant une incidence sur leurs droits dans leur régime de retraite) et des dépenses occasionnées par l’éducation de leurs enfants. Ainsi que le relève le rapport sur les dépenses fiscales précité, le choix de faire financer ces majorations par la CNAF a été motivé en loi de financement pour la sécurité sociale pour 2011 par le fait qu’elles relevaient de la politique familiale, en ce qu’elles venaient compenser un déficit d’épargne lié à la charge d’enfants.
Il est à noter que ces majorations sont assujetties aux prélèvements sociaux, à savoir la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), au taux auquel est soumis le ménage. Ces bonifications sont donc considérées, à cet égard, comme partie intégrante de la retraite.
Il en découle que ces majorations sont soumises à un traitement fiscal et social atypique : exonérées d’impôt sur le revenu comme le sont les prestations familiales, elles sont soumises à la CSG, alors que tel n’est pas le cas pour ces mêmes prestations. Ce constat renvoie aux analyses formulées dans l’Annexe A du rapport précité sur les niches fiscales et sociales : cette majoration peut être considérée comme une prestation familiale versée ex post par la Caisse nationale des allocations familiales, ce qui justifierait son exonération d’impôt sur le revenu. Toutefois, cette majoration s’apparente davantage à un supplément de pension, dans la mesure où elle est proportionnelle à cette dernière, et qu’elle n’est pas utilisée pour couvrir des dépenses familiales courantes, mais bien pour compenser le coût de l’enfant après la période de vie pendant laquelle il a été à charge. L’assujettissement de cette bonification aux prélèvements sociaux correspond à son assimilation à un supplément de pension.
Il convient de noter que l’estimation du nombre de bénéficiaires et du montant de la dépense fiscale est complexe, du fait de la difficulté à évaluer le nombre de personnes bénéficiant des bonifications et le montant de ces dernières, puis le nombre de foyers fiscaux concernés et enfin la proportion de foyers imposables en leur sein. C’est ce qui explique les différences d’estimation conséquentes que l’on peut constater dans les documents budgétaires, qui résultent de nouveaux chiffrages réalisés cette année. Le tome II de l’annexe des « Voies et moyens » joint au projet de loi de finances pour 2013 estimait ainsi le coût de l’exonération fiscale à 890 millions d’euros, pour un nombre de bénéficiaires de 3 millions. Le même document annexé au projet de loi de finances pour 2014, à l’instar de l’évaluation préalable annexée au présent article, revoit fortement à la hausse ce montant, puisqu’il le chiffre à 1,2 milliard d’euros, la dépense fiscale bénéficiant à 3,8 millions de foyers fiscaux.
L’exonération d’impôt sur le revenu dont bénéficient ces bonifications, de même que – dans une moindre mesure – ces bonifications elles-mêmes, font l’objet d’un feu nourri de critiques depuis quelques années. Plusieurs rapports récents (36) proposent de supprimer cette exonération, tout en préconisant le plus souvent la réforme du dispositif des majorations. Le rapport précité de l’inspection générale des finances de 2011 lui attribuait la note de 0 sur une échelle de 0 à 3, ce qui correspond à une mesure inefficace qui n’atteint pas l’objectif principal poursuivi.
La première critique adressée à l’exonération fiscale des bonifications pour charges de famille réside dans son caractère anti-redistributif.
Le système de majorations est d’ores et déjà favorable aux bénéficiaires des pensions les plus élevées, puisque la majoration est proportionnelle à la pension, et donc d’autant plus importante que la pension est élevée. Les éléments présentés dans le rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) de 2008 montraient ainsi que le troisième enfant d’un cadre à carrière « haute » ouvrait droit à une majoration de pension de l’ordre de 2 300 euros, soit un montant deux fois et demi supérieur à celui de la majoration associée au troisième enfant d’un salarié non cadre à faible progression salariale, évaluée à un peu plus de 900 euros.
Cet effet anti-redistributif se traduit par le fait que les bonifications représentent 4 % de la retraite (soit près de 800 euros) pour le dernier décile des pensions, contre moins de 2 % de la retraite (soit à peine quelques euros) pour les premiers déciles (37).
Or l’exonération exacerbe cet effet, en ce qu’elle ne concerne que les foyers fiscaux imposables, et que l’avantage fiscal est d’autant plus important que le taux marginal d’imposition du ménage est élevé, en l’absence de tout plafonnement des montants exonérés. L’évaluation préalable estime ainsi que la moitié du coût de l’avantage fiscal bénéficie aux ménages des deux derniers déciles de niveau de vie, tandis que les ménages des trois premiers déciles n’en bénéficient quasiment pas. Les données présentées dans le rapport précité sur les dépenses fiscales viennent corroborer cette analyse : l’avantage fiscal améliore très peu le niveau de vie des quatre premiers déciles, tout en étant très concentré sur les quatre derniers déciles.
Le tableau ci-dessous montre ainsi que cet avantage fiscal permet d’améliorer de 1,8 % le niveau de vie des 10 % de foyers les plus riches, mais il n’améliore que de 0,1 % le niveau de vie des 10 % des foyers les plus modestes.
EXONÉRATION DE LA MAJORATION DE PENSION – EFFETS SUR LES NIVEAUX DE VIE
Décile de niveau de vie |
Niveau de vie moyen |
Effet de l’exonération |
D1 |
6 436 |
0,1 % |
D2 |
9 340 |
0,0 % |
D3 |
11 440 |
0,1 % |
D4 |
13 234 |
0,1 % |
D5 |
15 000 |
0,3 % |
D6 |
16 576 |
0,5 % |
D7 |
18 714 |
0,8 % |
D8 |
21 395 |
0,8 % |
D9 |
25 369 |
1,0 % |
D10 |
40 789 |
1,8 % |
Moyenne |
17 755 |
0,8 % |
Champ : les déciles ont été calculés en ordonnant les retraités (bénéficiaires ou non de la majoration) suivant les déciles de niveau de vie (qui tient compte des majorations de pension non imposables).
Source : Annexe A du rapport d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales.
Ce dispositif de bonifications est applicable en droit dans les mêmes conditions aux hommes et aux femmes, alors que dans les faits, c’est le niveau de pension des femmes qui est le plus affecté par les interruptions de carrière. Il en résulte que ces majorations, et donc leur exonération fiscale, bénéficient davantage aux hommes, qui ont des pensions plus élevées que les femmes. Le rapport du COR précité indique ainsi qu’en 2004, les femmes retraitées bénéficiaires de la majoration recevaient en moyenne 56 euros par mois à ce titre, soit moins de la moitié de la majoration moyenne de pension des hommes (123 euros).
Ainsi que l’observe ce rapport, dans la plupart des cas, les pères de trois enfants bénéficient d’une pension au moins égale à celles des pères ayant au plus deux enfants. Des données recueillies en 2006, il ressortait qu’à l’AGIRC, la pension des pères de familles nombreuses est de 23 % supérieure à celle des pères de moins de trois enfants, soit bien davantage que la différence qui ne résulterait que de l’application des majorations prévues par le régime AGIRC. On peut donc en déduire que les hommes cadres les mieux rémunérés sont surreprésentés parmi les pères de familles nombreuses : avoir au moins trois enfants ne semble pas emporter de conséquences négatives sur le montant de la pension des pères, tandis qu’une situation professionnelle privilégiée semble coïncider avec le souhait – et la possibilité matérielle – d’avoir une famille nombreuse.
Il en va différemment pour les femmes, puisqu’à l’exception des régimes de la fonction publique, la pension des mères de trois enfants est le plus souvent inférieure à celle des autres femmes retraitées, même après la prise en compte de la majoration. L’écart atteignait 35 % pour l’ARRCO par exemple, c’est-à-dire pour l’ensemble des salariés du secteur privé. Ces majorations ne paraissent donc pas compenser les déficits en matière de droits propres, que ces déficits soient ou non directement liés aux enfants.
Le tableau ci-dessous retranscrit les écarts entre la pension moyenne des hommes ayant au moins trois enfants et celle des hommes ayant moins de trois enfants, pour différents régimes, et fait de même pour les femmes. Il permet d’apprécier les différences existantes entre les sexes.
ÉCART ENTRE LA PENSION MOYENNE DE DROIT PROPRE DES BÉNÉFICIAIRES
DE LA MAJORATION DE PENSION POUR TROIS ENFANTS ET PLUS
ET CELLE DES NON BÉNÉFICIAIRES (2006)
Hommes |
Femmes | |
CNAV (régime général) |
3 % |
– 6 % |
MSA Salariés |
0 % |
– 40 % |
ARRCO |
4 % |
– 35 % |
AGIRC |
23 % |
– 18 % |
IRCANTEC |
24 % |
– 5 % |
FPE civils |
13 % |
1 % |
CNRACL |
9 % |
– 6 % |
FSPOEIE |
6 % |
– 12 % |
SNCF |
9 % |
– 13 % |
RATP |
16 % |
4 % |
Marins |
13 % |
– 14 % |
CRPCEN |
11 % |
– 51 % |
Banque de France |
32 % |
3 % |
RSI artisans |
– 1 % |
– 22 % |
RSI commerçants |
– 17 % |
– 13 % |
MSA non-salariés |
19 % |
19 % |
Champ : flux de nouveaux retraités de 2006.
Lecture : un retraité du régime général (CNAV) bénéficiant de la majoration de trois enfants ou plus a une pension de 3 % plus élevée en moyenne qu’un retraité du régime général qui ne bénéficie pas de la majoration. Une retraitée du régime général (CNAV) bénéficiant de la majoration de trois enfants ou plus a une pension de 6 % plus faible qu’une retraitée qui ne bénéficie pas de la majoration. Par conséquent, pour ce qui concerne les pensionnés du régime général, on peut en conclure que les femmes qui ont eu trois enfants ou plus touchent des retraites plus faibles que les autres, à emploi équivalent ; le constat est inversé pour les hommes.
Source : 6ème rapport du Comité d’orientation des retraites.
De ce fait, ce dispositif de majoration est le seul droit familial de retraite qui bénéficie en pratique davantage aux hommes qu’aux femmes (à l’exception des commerçants retraités), et qui ne réduit pas les inégalités entre hommes et femmes à la retraite. L’exonération fiscale qui lui est associée vient encore accentuer ce déséquilibre.
Au-delà des effets détaillés supra, l’exonération fiscale tend à favoriser les couples, au détriment des foyers fiscaux composés d’une personne seule.
Le rapport précité sur les dépenses fiscales de 2011 souligne ainsi que l’avantage fiscal est proportionnel au montant total des majorations dans le couple : les couples recevant deux majorations (une pour le père, l’autre pour la mère) bénéficient davantage de l’exonération d’impôt sur le revenu qu’une personne seule destinataire d’une seule majoration. Les foyers fiscaux de familles monoparentales sont d’ailleurs plus souvent féminins, alors que les femmes bénéficient en moyenne de majorations plus faibles. Par ailleurs, parmi les foyers fiscaux de célibataires, l’exonération accentue les inégalités entre hommes et femmes, puisque le taux d’imposition des femmes, qui reçoivent des pensions moins élevées, est plus faible.
À cet égard, l’exonération fiscale apparaît peu adaptée aux objectifs poursuivis, puisqu’elle profite moins aux foyers fiscaux qui ont pâti d’un déficit d’épargne important, à savoir les familles monoparentales d’au moins trois enfants.
Par ailleurs, cette exonération, de même que les bonifications, ne tient pas compte de la charge effective des enfants. Elle est attribuée aux personnes qui ont eu au moins trois enfants ou qui ont élevé au moins trois enfants, chacun pendant au moins 9 ans avant leur 16ème anniversaire. L’application de ces conditions peut se traduire par l’attribution d’un avantage fiscal à des personnes qui n’ont pas assumé effectivement la charge d’élever les enfants – un même enfant pouvant ouvrir droit à une majoration de pension à plus de deux adultes, dans le cadre de familles recomposées. Les évolutions des structures familiales accentuent cet effet et posent la question de l’adaptation d’un tel dispositif.
Il est enfin intéressant de relever, comme le fait le rapport de la Cour des comptes sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale de septembre 2012, que les majorations de pension dont bénéficie un couple retraité ayant eu plus de trois enfants peuvent excéder, et c’est pour le moins paradoxal, les prestations familiales dont ils bénéficieraient s’ils avaient leurs enfants à charge. Ainsi, un cadre supérieur du secteur public ou privé ayant trois enfants à charge ne percevra que des allocations familiales non soumises à conditions de ressources, soit environ 3 478 euros par an en 2012. Un salarié de ce niveau partant à la retraite la même année, s’il touche par exemple une pension de 4 600 euros mensuels, percevra une majoration de retraite de 460 euros par mois, donc une somme de 5 520 euros par an totalement exonérée d’impôt sur le revenu.
Au regard de ces différents arguments, étayés par les études et chiffres fournis par les rapports des dernières années, l’exonération fiscale des majorations pour charges de famille n’apparaît pas comme l’instrument le plus adapté pour atteindre l’objectif assigné, à savoir la compensation des niveaux de pension et des patrimoines des assurés retraités ayant élevé plus de trois enfants.
Le présent article, applicable à compter de l’imposition des revenus de 2013, tend en conséquence à mettre fin à une exonération fiscale dont la suppression était préconisée depuis plusieurs années – notamment par la Cour des comptes, dès septembre 2007, dans son rapport annuel sur l’exécution de la loi de financement de la sécurité sociale.
L’étude d’impact annexée au présent article estime le rendement budgétaire de la mesure à 1,2 milliard d’euros, tandis que 3,8 millions de foyers fiscaux seraient affectés, et devraient acquitter un montant moyen d’impôt supplémentaire de 320 euros. Les deux premiers déciles de niveau de vie ne devraient pas être concernés, tandis que les deux derniers déciles supporteraient plus de la moitié de l’effet de la mesure, ainsi que l’illustre le graphique ci-dessous :
PROPORTION DE PERDANTS À LA MESURE ET PERTES MOYENNES
PAR DÉCILE DE NIVEAU DE VIE
Source : Ministère de l’Économie et des finances, DGTrésor
La suppression de cette exonération apparaît pleinement justifiée au regard de ses effets anti-redistributifs et peu ciblés, ainsi que de son coût. Les recettes attendues en impôt sur le revenu sont destinées à contribuer au rétablissement des comptes de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, mais seulement à compter de 2015 ; le produit de cette suppression d’avantage fiscal restera donc à l’État pour l’année 2014.
Cette mesure a d’ailleurs vocation à n’être que la première étape d’une réforme plus large de la majoration de pension pour charges de famille, alors que les droits familiaux de retraite font actuellement l’objet d’une réflexion d’ensemble.
Le rapport de la Commission pour l’avenir des retraites présidée par Mm Yannick Moreau, intitulé « Nos retraites demain : équilibre financier et justice », publié en juin 2013, préconise ainsi une remise à plat de ces avantages familiaux de retraite, avec pour objectif une redistribution des hommes vers les femmes, et des femmes aisées vers les femmes à pension plus faible. S’agissant plus spécifiquement des majorations de pension, le Premier ministre a annoncé pour l’avenir une refonte consistant à plafonner progressivement la majoration pour trois enfants et à la transformer en majoration forfaitaire par enfant, bénéficiant principalement aux femmes. Dans cette perspective, l’article 13 du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, déposé en septembre dernier (38), prévoit la remise par le Gouvernement d’un « rapport sur l’évolution des droits familiaux afin de mieux compenser les effets sur la carrière et les pensions des femmes de l’arrivée d’enfants au foyer », dans les six mois suivant l’entrée en vigueur de la loi.
Outre son incidence sur les recettes de l’impôt sur le revenu, la suppression de l’exonération des majorations pour charges de famille emportera des effets indirects sur d’autres recettes publiques, qui ne font toutefois l’objet d’aucun chiffrage dans l’étude d’impact. Trois catégories de recettes publiques pourraient être concernées par la mesure :
● La contribution exceptionnelle sur les hauts revenus prévue à l’article 223 sexies du code général des impôts. L’intégration des majorations pour charges de famille dans le revenu imposable conduit à augmenter d’autant le revenu fiscal de référence (RFR), sur lequel est assise la contribution sur les hauts revenus. Le gain budgétaire à ce titre devrait être relativement limité toutefois, compte tenu du taux applicable (3 % ou 4 %, selon le montant du RFR) de la contribution.
● Les prélèvements sociaux sur les revenus de remplacement : les bonifications pour charges de familles sont d’ores et déjà assujetties à la CSG et à la CRDS, au taux auquel est soumis le ménage. Toutefois, l’intégration des bonifications dans le revenu imposable des foyers pourrait avoir pour conséquence, pour certains ménages, la perte du bénéfice du taux réduit de CSG, ou encore de l’exonération de CSG et de CRDS.
En effet, si le taux de la CSG sur les pensions s’élève à 6,6 % (contre 7,5 % pour les rémunérations des actifs), les retraités disposant de ressources faibles ou modestes bénéficient d’allègements ou d’exonérations spécifiques :
– les retraités résidents en métropole dont le revenu fiscal de référence (RFR) de l'avant-dernière année ne dépasse pas les plafonds fixés au I de l’article 1417 du code général des impôts sont exonérés de CSG et de CRDS sur les pensions versées ;
– les retraités bénéficient d’un taux réduit de CSG, à 3,8 %, (le taux de CRDS restant dans ce cas à 0,5 %), si le montant de leur impôt sur le revenu acquitté l’année précédente est nul ou inférieur à 61 euros, soit le seuil de mise en recouvrement de l’impôt.
La hausse de RFR consécutive à la suppression de l’exonération prévue au présent article et l’assujettissement à l’impôt sur le revenu de retraités qui étaient non imposables jusqu’alors, pourraient faire perdre à ces foyers fiscaux ces avantages spécifiques en termes de CSG et de CRDS. Néanmoins, de tels effets n’interviendront qu’en 2015, compte tenu de modalités de prise en compte des évolutions de RFR et de niveau d’imposition dans l’attribution des exonérations et taux réduits de CSG.
● De la même façon, l’augmentation du RFR découlant de la présente mesure pourrait conduire certains contribuables à perdre en 2014 le bénéfice d’exonérations, d’abattements et de dégrèvements en matière de taxe d’habitation et de contribution à l’audiovisuel public, ainsi que de taxe foncière sur les propriétés bâties, qui sont fondés sur les plafonds de RFR prévus à l’article 1417 du code général des impôts.
Enfin, la hausse du revenu imposable induite par la présente mesure est susceptible de faire perdre à certains contribuables le bénéfice de certaines prestations sociales, telles que l’allocation pour adulte handicapé (AAH) (39), et les aides au logement.
La présente mesure pourrait donc emporter des effets de seuils pour certains contribuables, que ce soit en termes de prélèvements sociaux, de régimes dérogatoires de fiscalité locale ou d’attribution de prestations sociales.
Ce risque milite pour le relèvement significatif du seuil de RFR prévu par les articles 1417 A et 1417 du code général des impôts que le rapporteur général appelle de ses vœux dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances, en complément du dégel du barème de l’impôt sur le revenu et de la surindexation de la décote.
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La Commission est saisie des amendements identiques I-CF 9 de M. Marc Le Fur, I-CF 59 de M. Hervé Mariton, I-CF 111 de M. Nicolas Sansu et I-CF 375 de M. Charles de Courson, tendant à supprimer l’article.
M. Hervé Mariton. J’espère que la majorité, dans sa sagesse, corrigera le dispositif proposé par le Gouvernement, qui s’est manifestement trompé ! L’article 6 vise à supprimer l’exonération d’impôt sur le revenu des majorations de retraite ou de pension pour charges de famille. Ces majorations – variables d’un régime à l’autre – peuvent atteindre, pour les retraités de la fonction publique, 25 % de leur pension. Si on les fiscalise, c’est non pas le taux moyen, mais le taux marginal de l’impôt sur le revenu qui s’y appliquera. Cela réduira considérablement les pensions. Au total, la mesure concernera près de 4 millions de foyers et rapportera plus d’un milliard d’euros.
Certains prétendent que les majorations pour charges de famille et leur exonération fiscale ne répondent à aucune logique propre et n’ont aucune efficacité. Pourtant, dans un régime de retraites par répartition, les enfants sont les futurs cotisants et leurs familles sont, à ce titre, les principaux contributeurs. Si tel n’est pas le raisonnement que vous faites, chers collègues de la majorité, autant sortir du système par répartition ! En revanche, si vous êtes, comme nous, attachés à ce système, il est logique que des droits supplémentaires soient accordés à ceux qui ont élevé des enfants, en fonction de leur nombre.
D’autres estiment absurde que les majorations pour charges de famille et leur exonération fiscale interviennent au moment de la retraite. À cet égard, il convient de rappeler que les parents de familles nombreuses connaissent souvent des aléas de carrière. Il est donc normal qu’ils bénéficient d’une contrepartie à ce moment-là.
M. Henri Emmanuelli. Et après la mort ?
M. Hervé Mariton. Vous avez raison de soulever cette question, monsieur Emmanuelli ! Les majorations pour charges de famille peuvent représenter une partie très importante des pensions de réversion. Leur fiscalisation aura donc un effet très négatif sur le pouvoir d’achat.
Certes, tout le monde n’a pas cinq enfants, mais la mesure touchera – je le répète – près de 4 millions de foyers, et il n’y a aucune raison que la loi soit injuste à l’égard des retraités, notamment de ceux de la fonction publique, qui ont élevé de nombreux enfants.
M. Nicolas Sansu. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne comprend pas non plus que le Gouvernement propose une telle mesure. Certes, ce sont les foyers les plus aisés qui paieront le plus, mais la mesure va également assujettir à l’impôt sur le revenu des retraités modestes qui en étaient exonérés jusqu’alors. Cela pose un problème de justice fiscale. D’autre part, le Gouvernement s’attaque successivement à plusieurs petites niches fiscales sans toucher aux plus importantes. Il refuse de mener une réforme fiscale d’ampleur qui, seule, permettrait de régler les problèmes de fond.
M. Charles de Courson. Ceux qui proposent cette mesure en ont-ils bien mesuré les conséquences sociales ? Contrairement à ce que l’on croit généralement, la majoration de 10 % à partir de trois enfants pour les salariés du privé n’est pas la seule qui existe. En effet, les retraites complémentaires de ces mêmes salariés font également l’objet de majorations pour enfants, qui ont été récemment plafonnées à 1 000 euros par an. Surtout, dans la fonction publique, un retraité peut voir sa pension majorée jusqu’à 25 % s’il a six enfants ou plus et ce, quel qu’ait été son niveau de rémunération. Si l’on applique cette mesure, qui n’est assortie d’aucun plafonnement, le revenu imposable des retraités qui se trouvent dans cette situation – dont des dizaines de milliers de veuves – va augmenter d’un tiers.
M. Henri Emmanuelli. Mais non !
M. Charles de Courson. Mais si !
En outre, la mesure aura une série d’autres conséquences. En particulier, la pension des retraités les plus modestes sera soumise à un taux de CSG non plus de 3,8 % mais de 6,6 %. Je ne comprends pas qu’une majorité de gauche propose une telle mesure, fondamentalement injuste : elle touchera 3,8 millions de familles et plus particulièrement les retraités modestes qui ont beaucoup d’enfants. Le groupe UDI votera contre.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Nous avons débattu ce matin de la prise en compte des charges familiales présentes. Nous discutons là des charges passées. De grâce, monsieur de Courson, épargnez-nous vos leçons ! Nous avons bien mesuré les conséquences de la décision que nous proposons.
M. Charles de Courson. C’est faux : il n’y a aucune étude d’impact !
M. le rapporteur général. La loi ne s’écrit pas sur le comptoir du café du commerce ! Le Gouvernement et les parlementaires tant de l’opposition que de la majorité ont à leur disposition un certain nombre de données, même si celles-ci ne figurent pas toujours dans les études d’impact annexées au PLF. Vous nous faites un mauvais procès.
M. Charles de Courson. Je m’expliquerai avec les associations familiales !
M. le rapporteur général. Les mesures que nous avons évoquées ce matin – indexation du barème de l’impôt sur le revenu, après un gel de deux ans ; revalorisation de la décote ; relèvement substantiel, de 4 %, du plafond du revenu fiscal de référence – sont de nature à atténuer l’effet de la fiscalisation des majorations de pensions. Celle-ci vise non pas à procurer une recette supplémentaire au budget de l’État, mais à assurer un financement pérenne du système de retraites. Elle a d’ailleurs fait l’objet de discussions avec les partenaires sociaux. Avis défavorable sur ces trois amendements de suppression.
M. Olivier Carré. Selon l’étude d’impact, les contribuables verseront, en application de la mesure, un montant moyen supplémentaire d’impôt sur le revenu de 320 euros.
D’autre part, avez-vous évalué le nombre de nouveaux contribuables qui seront assujettis à l’impôt sur le revenu en raison de cette mesure ?
M. Hervé Mariton. Selon le rapporteur général, les conséquences de la mesure ont été évaluées. Cependant, tous les membres de la Commission ne semblent pas avoir mesuré son impact considérable sur les retraités qui ont de nombreux enfants, notamment sur ceux de la fonction publique qui bénéficient de la majoration maximale de 25 %. Au sein de ces derniers, elle touchera plus particulièrement, d’une part, ceux qui ont des revenus élevés et, d’autre part, ceux qui touchent des pensions modestes et seront désormais assujettis à l’impôt sur le revenu.
Quant à l’affectation du produit de la mesure au financement du système de retraites, où apparaît-elle dans le projet de loi ?
M. le président Gilles Carrez. En effet, ce point n’est pas très clair, dans la mesure où ne disposons pas encore du PLFSS pour 2014.
M. le rapporteur général. Certes, mais nous disposons du PLF – dont le contenu a été connu beaucoup plus tôt que les années précédentes – et l’exposé des motifs de l’article 39 décrit précisément les transferts entre le budget de l’État et les régimes sociaux.
Vous trouverez dans mon rapport, monsieur Carré, le nombre de « perdants » et de « gagnants » de la réforme, ainsi que le montant moyen des pertes, pour chaque décile de niveau de vie. Les deux premiers déciles ne devraient pas être touchés par la mesure. Les deux derniers déciles devraient supporter plus de la moitié de son effet.
S’agissant du nombre de nouveaux contribuables assujettis à l’impôt sur le revenu et de ceux qui ne le seront plus, le ministre délégué chargé du budget a fourni des éléments chiffrés, qui ont été transmis à tous les membres de la Commission.
Enfin, sachez, monsieur de Courson, que le Gouvernement, les députés de la majorité et moi-même avons accordé une attention toute particulière à la question des nouveaux assujettis à l’impôt sur le revenu en 2014. C’est pourquoi nous avons beaucoup travaillé sur le calibrage de l’indexation du barème, de la revalorisation de la décote et du relèvement du seuil de revenu fiscal de référence qui gouverne de multiples exonérations et abattements. Sans ces mesures de soutien au pouvoir d’achat, nous aurions refusé certaines dispositions du PLF.
M. le président Gilles Carrez. Selon l’exposé des motifs de l’article 39, le produit de la fiscalisation des majorations de pensions sera transféré au budget de la sécurité sociale à partir de 2015. En 2014, la recette supplémentaire de 1,2 milliard d’euros restera acquise au budget de l’État.
M. le rapporteur général. Vous trouverez là encore le détail dans mon rapport.
M. Charles de Courson. Votre rapport détaillera-t-il la répartition des pertes non seulement par décile, mais également en fonction du nombre d’enfants et en distinguant la situation des fonctionnaires et celle des salariés du secteur privé ?
M. le rapporteur général. Non.
M. Charles de Courson. Voyez la piètre qualité de l’étude d’impact !
M. Hervé Mariton. Vous avez indiqué, monsieur le rapporteur général, que cette mesure contribuerait au financement du système des retraites. Cela est explicitement prévu pour 2015, mais rien de tel n’est précisé pour 2014. Quel est le sens de la mesure en 2014 si elle ne contribue pas au financement des retraites ? Ne devrait-on pas, dès lors, reporter son adoption d’une année ?
M. le rapporteur général. La mesure sera appliquée en 2014. Le fait que son produit ne soit pas affecté au financement des retraites dès la première année n’aura pas d’incidence budgétaire d’un point de vue global. C’est une question de trésorerie. En effet, en 2014, les besoins de financement de la branche vieillesse seront couverts par deux mesures : le décalage de la revalorisation des pensions du 1er avril au 1er octobre et l’augmentation des cotisations sociales.
M. Hervé Mariton. Mais la mesure rapportera bien en 2014. Qu’adviendra-t-il de la recette ?
M. le président Gilles Carrez. En 2015, la branche vieillesse devrait alors bénéficier de deux versements : l’un au titre de l’année 2015 et l’autre au titre de l’année 2014, qui aura été « stocké » en trésorerie ?
M. Hervé Mariton. Cela n’est écrit nulle part, monsieur le président !
M. Olivier Carré. D’après l’étude d’impact, c’est l’État qui percevra la
recette supplémentaire de 1,2 milliard d’euros non seulement en 2014, mais également en 2015 et 2016.
M. le président Gilles Carrez. C’est normal : l’impôt sur le revenu est perçu en totalité par l’État. La question est de savoir s’il y aura ensuite un reversement du produit de la mesure au budget de la sécurité sociale dès 2014 ou seulement à partir de 2015. Et, si tel est bien le cas, si le prélèvement effectué en 2014 sera ou non récupéré par le budget de la sécurité sociale en 2015.
M. Jean-François Lamour. Un tel transfert d’une année sur l’autre serait une première !
Dans l’exposé des motifs de l’article 39, il est bien spécifié que le rendement de la mesure, estimé à 1,2 milliard d’euros, « sera quant à lui affecté à la sécurité sociale à partir de 2015 ». Il n’est donc pas question d’un transfert des sommes prélevées en 2014 sur les régimes sociaux en 2015. Le mécanisme ne sera mis en place qu’à partir de 2015. En 2014, la recette supplémentaire de 1,2 milliard d’euros abondera le budget de l’État. Une fois de plus, vous augmentez les impôts des Français sans que cela contribue à la préservation du système des retraites !
M. le président Gilles Carrez. Cela fait plusieurs années que nous mettons en place des transferts de recettes du budget de l’État vers celui de la sécurité sociale. Ainsi, depuis 2005, nous avons à plusieurs reprises abondé le budget de la sécurité sociale avec une partie des recettes de la TVA, par exemple avec celles de la TVA sur les médicaments ou sur certains produits dangereux. Nous aurions besoin d’un document synthétique qui retrace l’ensemble des transferts de recettes de l’État vers la sécurité sociale.
À ce stade, nous pouvons déduire de l’exposé des motifs de l’article 39 que le produit de la mesure abondera le budget de l’État en 2014 et que, à partir de 2015, un montant équivalent à ce produit sera transféré annuellement au budget de la sécurité sociale. Le transfert se fera d’ailleurs probablement au moyen des mécanismes existants, c’est-à-dire non pas à partir des recettes de l’impôt sur le revenu, mais de celles de la TVA.
M. le rapporteur général. Je vous remercie de vos explications, monsieur le président. Elles confirment que ces pratiques ne sont en rien inédites. Certains journalistes ont prétendu que les socialistes « réinventaient le financement des régimes sociaux par la TVA ». Or vous avez eu l’honnêteté de reconnaître que le mécanisme de transfert d’une partie des recettes de la TVA du budget de l’État vers celui de la sécurité sociale existait déjà. Quant à la présente mesure, il s’agira du transfert d’une partie non pas du produit de la TVA – même si on peut avoir cette impression –, mais bien de celui de l’impôt sur le revenu, conformément à ce qui a été annoncé dans le cadre de la réforme des retraites. Le transfert aura lieu avec une année de décalage.
M. Charles de Courson. Pourquoi le produit – 1,03 milliard d’euros – de l’abaissement du plafond de l’avantage procuré par le quotient familial prévu à l’article 3 est-il affecté au financement de la branche famille dès 2014, alors que celui de la mesure de fiscalisation prévue à l’article 6 n’est transféré à la branche vieillesse qu’en 2015 ?
M. le rapporteur général. Je l’ai déjà dit : en 2014, le besoin de financement de la branche vieillesse est couvert par d’autres mesures ; tel n’est pas le cas, en revanche, dans la branche famille.
M. Charles de Courson. Même avec ce transfert de 1,03 milliard d’euros, la branche famille demeurera déficitaire en 2014.
M. le rapporteur général. En effet, mais elle le sera un peu moins.
M. Patrick Ollier. Je comprends que nous prenions une mesure pour couvrir le besoin de financement de la branche vieillesse en 2015. En revanche, pourquoi l’adopter dès 2014 sans affecter la recette correspondante ? Contrairement à ce que vous affirmez, en 2014, elle ne contribuera pas à la préservation du système de retraites : elle abondera le budget de l’État. C’est incohérent. Il vaudrait mieux reporter l’adoption de cette mesure à l’année prochaine. À tout le moins, vous devriez dire clairement ce que vous faites.
M. le président Gilles Carrez. Lorsque le précédent Gouvernement a supprimé la demi-part fiscale supplémentaire attribuée aux personnes seules ayant élevé au moins un enfant, la recette correspondante n’a pas été transférée au budget de la sécurité sociale : elle est demeurée dans le budget de l’État. L’honnêteté m’oblige à le rappeler.
S’agissant de la mesure de fiscalisation des majorations de pensions, je suggère que le rapporteur général indique, dans son rapport, si la recette supplémentaire sera ou non définitivement acquise au budget de l’État en 2014.
M. Patrick Ollier. Tel était bien le sens de ma demande.
M. Hervé Mariton. C’est la première fois que nous transférons ainsi une partie du produit de l’impôt sur le revenu au budget de la sécurité sociale. Quelles sont vos intentions et celles de la majorité, monsieur le rapporteur général ? Allez-vous à l’avenir mobiliser d’autres impôts pour financer les régimes sociaux ?
M. le président Gilles Carrez. Il y a trois ans, nous avons financé un allégement de charges sociales dans le secteur agricole en supprimant une exonération de TIPP. Ces dernières années, nous avons ainsi mis en place plusieurs mécanismes de transfert entre le budget de l’État et celui de la sécurité sociale. D’où l’intérêt du document synthétique que j’ai mentionné.
M. Hervé Mariton. Nous ne sommes pas obligés de compliquer un peu plus le système chaque année !
M. le rapporteur général. Mes chers collègues, le « tuyau » existe, et nous l’utilisons. Mais les recettes restent des recettes : qu’elles passent par la TVA ou un autre canal, elles alimentent le budget de l’État, en application du principe d’universalité.
Vous avez d’ailleurs évoqué, monsieur le président, l’idée d’adopter une approche universelle des recettes, tous budgets confondus. Je suis d’accord pour y travailler, même si cela semble un vœu pieux.
M. Marc Le Fur. J’avais moi-même déposé un amendement pour supprimer l’article 6, dont l’application touchera de très nombreux contribuables.
Le rapporteur général peut-il nous indiquer quel sera son impact sur les différentes catégories de retraités ? Je m’inquiète en particulier pour les retraités du régime agricole, qui figurent déjà parmi les plus défavorisés, et dont les familles comptent souvent de nombreux enfants. Ils risquent de subir cette mesure plus fortement que la moyenne des contribuables.
Par ailleurs, je ne comprends pas pourquoi cette disposition ne s’appliquerait pas aux territoires d’outre-mer, comme on peut s’en apercevoir en se reportant à la page 38 des « Évaluations préalables des articles du projet de loi de finances ». Cela pose un problème d’équité.
M. Jean-Pierre Gorges. À force d’ajouter des tuyaux, il devient difficile d’y voir clair dans le budget de l’État. Les contribuables finissent par s’interroger.
J’ai bien compris qu’il s’agissait d’une mesure « à un coup », liée à votre projet politique de réforme des retraites. Mais cette recette de 1,2 milliard d’euros, qui n’existera plus en 2015, est prise en compte dans les chiffres du projet de loi de finances pour 2014. Est-elle comptabilisée dans la partie structurelle ou conjoncturelle ?
M. le rapporteur général. La mesure, Monsieur Le Fur, s’applique outre-mer comme partout ailleurs.
M. Marc Le Fur. Les évaluations préalables indiquent qu’elle s’applique de plein droit aux départements d’outre-mer, mais pas aux territoires d’outre-mer !
M. le président Gilles Carrez. C’est normal : ces collectivités ne connaissent pas le même impôt sur le revenu que la métropole.
M. Marc Le Fur. Les personnes qui ont pris leur retraite outre-mer, et qui bénéficient comme tout le monde de la majoration de 10 %, ne seront-elles donc pas concernées par l’article 6 ?
M. le rapporteur général. Comme l’indique l’évaluation préalable à la page que vous citez, « la mesure n’aura pas d’impact sur le régime fiscal des collectivités d’outre-mer. Elle n’affectera que les seuls résidents retraités de ces collectivités qui perçoivent une pension en provenance de la métropole dès lors que le montant de la majoration pour charges de famille se verra réintégré dans ladite pension pour le calcul de la retenue à la source. » Les autres relèveront de la fiscalité particulière appliquée dans les collectivités d’outre-mer.
Monsieur Gorges, la recette dont il est question a un caractère pérenne, de même que la dépense à partir de 2015.
M. Jean-Pierre Gorges. Ce n’était pas ma question.
Le produit de cette recette sera disponible pour le budget dès 2014, puis reversé à la branche vieillesse à partir de 2015. Cette recette manquera donc en 2015 au budget de l’État. En avez-vous tenu compte dans le calcul du solde structurel en 2014 ?
M. le rapporteur général. Le solde structurel est un solde consolidé : il concerne l’ensemble des administrations publiques.
M. le président Gilles Carrez. En revanche, et toutes choses égales par ailleurs, il faudra en effet trouver, en 2015, une recette équivalente de 1,2 milliard d’euros pour le budget de l’État.
M. le rapporteur général. Mais ce sera autant de moins à trouver pour abonder le budget de la sécurité sociale.
M. Charles de Courson. Vous avez raison, monsieur le rapporteur général, en ce qui concerne les modalités d’application de la mesure en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. Mais c’est bien l’impôt sur le revenu métropolitain qui s’applique à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon. Je ne comprends donc pas pourquoi ces collectivités ne seraient pas concernées par l’article 6.
M. le rapporteur général. Saint-Barthélemy et Saint-Martin sont des collectivités d’outre-mer ayant un système fiscal propre.
M. Charles de Courson. Non, puisqu’elles faisaient partie de la Guadeloupe.
M. Marc Le Fur. De toute façon, la question ne porte pas sur la spécificité du régime fiscal, mais sur celle du système de retraite.
M. le rapporteur général. Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis et Futuna, la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et les Terres australes et antarctiques françaises sont des collectivités d’outre-mer. Elles ont leur propre fiscalité. Or nous parlons bien d’une mesure fiscale, Monsieur Le Fur, puisqu’elle concerne l’impôt sur le revenu. L’article 6 n’aura donc en effet pas d’impact sur ces collectivités, sauf si elles en décident autrement.
M. Marc Le Fur. Cela signifie qu’une personne domiciliée dans ces territoires ne sera pas soumise à une imposition plus élevée.
M. le président Gilles Carrez. Le rapporteur général vient de vous répondre.
M. Charles de Courson. Le problème se pose pour trois de ces collectivités qui, contrairement à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française, ne disposent pas d’un régime de retraite autonome. Elles bénéficieront donc d’un avantage financé par les contribuables de métropole et des départements d’outre-mer.
La Commission rejette les amendements identiques par un seul vote.
Elle adopte ensuite l’article 6 sans modification.
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La Commission en vient à une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 6.
Elle examine d’abord l’amendement I-CF 46 de M. Jean-Pierre Gorges.
M. Jean-Pierre Gorges. L’adoption de cet amendement, que je présente chaque année, permettrait d’aider le Gouvernement à garantir la justice fiscale et à réduire le déficit structurel de l’État. Il consiste à supprimer l’exonération fiscale dont bénéficient les journalistes, car elle n’est plus justifiée par les conditions d’exercice de leur métier.
Quant à l’amendement de repli I-CF 47, il propose d’avancer par étapes en réduisant dès cette année de 10 % l’avantage fiscal dont bénéficient les journalistes. Ces derniers fourniraient ainsi un effort comparable à celui que les parlementaires ont récemment consenti avec la réduction de l’indemnité de représentation et de frais de mandat – IRFM.
M. le rapporteur général. Je ne sais pas ce qu’apporterait, en termes de recettes supplémentaires, l’adoption de cet amendement – ce n’est pourtant pas faute d’avoir posé la question. Mais il convient de rappeler que l’ampleur de cette « niche » fiscale, qui fait l’objet de tant de fantasmes, doit être relativisée. La mesure a été prise en 1998, en contrepartie de la suppression de l’abattement de 30 % des revenus imposables qui était auparavant accordé à la profession – un avantage bien plus inéquitable, dans la mesure où il était proportionnel aux revenus eux-mêmes imposés à un taux progressif. Elle prend en compte le fait que les journalistes, et en particulier les pigistes, engagent, pour rechercher des informations, des frais professionnels inégalement pris en charge par les rédactions.
L’abattement forfaitaire s’élève à 7 650 euros par an. À titre personnel, je ne juge pas cette somme si élevée, et je ne préconise donc pas de la réduire. Avis défavorable.
M. Charles de Courson. Au cours de mon premier mandat, il y a dix-huit ans, j’ai été à l’origine de l’amendement visant, au nom du principe d’égalité, à supprimer toutes les mesures fiscales dérogatoires dont bénéficiaient, outre les journalistes, une vingtaine de professions. La nouvelle majorité, en 1997, a relancé les négociations et, sans rétablir l’abattement de 30 %, y a substitué une exonération forfaitaire de 7 650 euros. Si celle-ci représente un faible avantage pour les grands journalistes très bien payés – une infime minorité –, elle peut être équivalente à un abattement de 30 à 40 % pour les plus modestes.
Ce qui me paraît malsain dans cette mesure, c’est son caractère dérogatoire. Les journalistes la justifient par le fait qu’ils sont très mal payés et par l’impossibilité de contrôler les frais professionnels, pour des raisons de confidentialité liées à la protection des sources.
Pour s’assurer de la solidarité des uns et des autres, notre ancien collègue M. Charasse avait eu l’intelligence de lier l’avantage fiscal dont bénéficient les journalistes à celui qui permet aux parlementaires de défiscaliser l’IRFM. Pour autant, le maintien de cette niche n’est pas défendable. Je préférerais que l’on revienne à un système de remboursement des frais professionnels, d’autant que pour les journalistes les plus modestes, ces frais dépassent souvent 7 650 euros.
En outre, la persistance de cette disposition donne un prétexte aux employeurs du secteur pour payer moins bien les journalistes. Il s’agit donc d’un système vicieux qu’il faut supprimer.
La Commission rejette l’amendement.
Elle rejette également l’amendement I-CF 47 de M. Jean-Pierre Gorges.
Puis elle est saisie, en discussion commune, des amendements identiques I-CF 5 de M. Marc Le Fur, I-CF 52 de M. Hervé Mariton et I-CF 137 de Mme Marie-Christine Dalloz, ainsi que des amendements I-CF 369 de M. Charles de Courson et I-CF 370 de M. Jean-Christophe Lagarde.
M. Marc Le Fur. En ce qui concerne la défiscalisation des heures supplémentaires, nos collègues socialistes semblent, grâce aux échos qu’ils ont pu recueillir dans leurs permanences, mieux informés qu’il y a un an. Les positions ayant évolué, nous proposons de rétablir le dispositif supprimé par l’actuelle majorité, d’autant qu’il bénéficiait essentiellement au monde ouvrier.
Nos concitoyens n’ont pas encore pleinement conscience des conséquences de cette suppression, car ils n’ont payé des impôts que pour les heures supplémentaires effectuées entre août et décembre 2012. Il n’en sera plus de même pour les revenus de 2013. Il semble donc nécessaire de revenir à une disposition très appréciée des Français, en particulier de ceux qui travaillent le plus.
M. Hervé Mariton. Rappelons que le dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires était d’application large, puisque, contrairement à ce qu’a prétendu le Président de la République, il concernait tous les salariés, quelle que soit la taille de leur entreprise. Nos collègues de la majorité semblent avoir pris conscience, en un an, des méfaits causés par sa suppression. Nous proposons donc de le rétablir.
Mme Marie-Christine Dalloz. Les députés de la majorité n’ont sans doute pas mesuré l’ampleur du prélèvement fiscal supplémentaire qu’entraînerait la suppression des dispositions de la loi Travail, emploi et pouvoir d’achat. Vous qui, en 2012, peu après l’élection du Président de la République, ne cessiez d’affirmer que ce dispositif était trop onéreux et contre-productif en termes d’emplois, vous vous apercevez désormais que sa suppression n’a permis de créer aucun emploi supplémentaire, et qu’elle a eu un impact fiscal élevé sur les petits revenus – cet électorat que vous avez justement perdu. Persister dans l’attitude actuelle se révélerait pour vous désastreux lors des prochaines échéances.
M. Charles de Courson. Mon amendement I-CF 369 – de même que le suivant, le I-CF 370 – vise également à réinstaurer le dispositif supprimé en août 2012, y compris pour ce qui concerne l’exonération de cotisations salariales et patronales.
On peut discuter de l’impact économique de cette mesure, devenue contracyclique lorsque, quelques mois après son adoption, est survenue la crise économique. Mais elle avait un deuxième objectif : l’augmentation du pouvoir d’achat des travailleurs modestes.
M. Pierre-Alain Muet. Et ceux qui perdaient leur emploi ?
M. Charles de Courson. Vous reprenez les idées fausses défendues par les économistes en chambre, qui ne comprennent pas que les êtres ne sont pas substituables. Dans certains domaines, et même avec 3 millions de chômeurs, vous ne parviendrez pas à trouver des salariés spécialisés. Tous les gouvernements se sont heurtés à ce problème. Nier cette évidence revient à renoncer à la possibilité d’augmenter la production.
M. le rapporteur général. Avis défavorable. Non seulement le débat a déjà eu lieu de nombreuses fois, mais je remarque que le « contre-budget » de l’UMP ne fait pas mention du rétablissement de ce dispositif ni surtout du coût qu’il représenterait pour nos finances publiques.
M. Éric Alauzet. L’opposition a raison sur un point : la suppression du dispositif a affecté le pouvoir d’achat d’un certain nombre de salariés, dont certains font partie de ce que l’on appelle les classes moyennes basses. Mais la défiscalisation des heures supplémentaires n’était pas la bonne réponse au problème du pouvoir d’achat. Au nom de quel principe peut-on justifier de ne plus payer d’impôt ni de charges sociales à partir de la trente-sixième heure ? C’est totalement inique ! Défiscalisons plutôt les deux premières heures pour tout le monde : une telle mesure serait bien plus équitable.
Il est de notre responsabilité de trouver des compensations – le système de décote en est une, même s’il ne porte pas sur le même créneau.
M. Hervé Mariton. L’exercice auquel nous nous sommes livrés la semaine dernière n’était qu’un premier pas. Le fait de ne pas inclure la défiscalisation des heures supplémentaires dans les réductions d’impôts proposées ne signifie pas que nous approuvons sa suppression.
M. Jean-Pierre Gorges. Sur ce sujet, je vous conseille de lire le rapport que nous avons rédigé avec M. Jean Mallot, au nom du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, car nous sommes vraiment allés au fond des choses.
Au départ, la proposition était bonne, même si, en raison de la crise, nous n’avons pas pu vérifier son efficacité économique dans un contexte de croissance. Elle s’est donc rapidement transformée en mesure de soutien au pouvoir d’achat.
Ce que l’on avait oublié, c’est qu’en France, 9,5 millions de personnes travaillaient encore 39 heures par semaine, soit 35 heures plus 4 heures supplémentaires. Lorsque la défiscalisation a été votée en 2007, ces personnes ont donc immédiatement bénéficié d’une bonification, qu’il a bien fallu financer, à hauteur de 4,5 milliards d’euros.
Je suis donc d’accord avec M. Alauzet : le problème, en France, ce ne sont pas les heures supplémentaires, mais les premières heures. De même, ce n’est pas le problème des 35 heures qu’il faut régler, car elles n’existent plus depuis la loi d’août 2008. Ce qui subsiste, c’est le seuil à partir duquel on calcule les heures supplémentaires. C’est sur ce seuil que nous souhaitions revenir – entreprise par entreprise selon moi, branche par branche selon M. Jean Mallot.
Il faut sans doute aller plus loin dans la bonification des premières heures entamée par certaines lois telles que la loi Fillon. Je propose pour ma part que toute personne entrant pour la première fois sur le marché du travail donne lieu à une exonération d’impôts et de charges sociales pendant deux ans. Voilà qui aurait du sens ! Mais défiscaliser l’heure supplémentaire bénéficie surtout à l’entreprise ; or toute l’infrastructure est déjà payée !
Nous devons le dire clairement : ce dispositif n’a pas pour objet de créer de l’emploi, mais d’améliorer le pouvoir d’achat. Sa suppression a d’ailleurs entraîné une perte immédiate de 3,2 milliards d’euros pour les salariés. J’avais même prévenu M. Jean Mallot qu’une telle décision serait politiquement difficile à assumer.
L’institution des 35 heures a causé une injustice : les 9,5 millions de Français restés aux 39 heures – dont quatre heures supplémentaires – sont désavantagés par rapport à ceux qui sont passés à 35 heures payées 39. Une disposition mise en place entre 1997 et 2002 allège d’ailleurs les charges sociales payées par les entreprises passées aux 35 heures. Il y a là une manne à récupérer, dans la mesure où cela fait longtemps que les entreprises se sont réorganisées. Redistribuer cet argent sous la forme d’un soutien au pouvoir d’achat serait donc une mesure intelligente à prendre.
M. Marc Le Fur. Le rapporteur général ne nous a pas dit où se trouvaient les 100 000 emplois dont la suppression de l’exonération des heures supplémentaires devait entraîner la création !
La Commission rejette les amendements identiques par un seul vote.
Elle rejette ensuite successivement les amendements I-CF 369 et I-CF 370.
Puis elle en vient à l’amendement I-CF 287 de M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Les petites et moyennes entreprises – PME – et entreprises de taille intermédiaire – ETI – françaises manquent de fonds propres et leurs capacités d’autofinancement ont été nettement réduites du fait de la crise économique. Dans les prochaines années, les besoins en fonds propres des seules PME devraient ainsi progresser fortement, passant de 13 milliards d’euros par an en 2012 à plus de 20 milliards par an à la fin de la décennie. Or ces besoins semblent peu susceptibles d’être couverts par les acteurs traditionnels, banques et assureurs, en raison des contraintes que les accords Bâle III et Solvabilité II entraînent en termes de coût du crédit ou des placements en actions. De plus, contrairement aux grandes entreprises qui disposent de plus de latitude dans leurs modalités de financement, les PME et ETI n’ont quasiment pas d’accès aux marchés des capitaux.
Aujourd’hui, aucun dispositif ne favorise un investissement collectif et direct dans un seul et même projet d’entreprise non coté par des investisseurs personnes physiques. Il est donc proposé d’inciter au regroupement d’investisseurs pour le financement d’une même entreprise, par l’instauration d’une exonération de la plus-value de cession des titres lorsque ceux-ci ont fait l’objet d’un engagement collectif de conservation pendant au moins cinq ans.
Ce dispositif pourrait favoriser l’investissement direct dans le non-coté, complétant ainsi le dispositif d’investissement indirect existant, telle l’exonération dont bénéficient déjà les fonds communs de placement à risque – FCPR.
M. le rapporteur général. Je rappelle que l’article 11 a pour objectif essentiel de simplifier le régime de taxation des plus-values mobilières, en créant deux abattements qui s’appliquent en fonction des caractéristiques des entreprises et s’élèvent l’un à 65 %, l’autre à 85 %, au maximum, au bout de huit ans. Ce nouveau régime est très favorable puisque le résidu de la plus-value après abattement est soumis au barème de l’impôt sur le revenu. À supposer même que s’applique alors la tranche maximale, ce qui est souvent le cas pour ce type de porteurs de titres, le taux d’imposition final ne dépasse pas 4,46 % : c’est très favorable.
Le dispositif présenté dans cet article, dont je vous proposerai tout à l’heure de corriger quelques défauts, a du moins le mérite de la simplicité. Il serait beaucoup trop complexe de créer un autre système introduisant une nouvelle exception.
Je vous suggère donc de retirer votre amendement, monsieur de Courson, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.
M. Charles de Courson. Nous en reparlerons à propos de l’article 11, lorsque vous nous présenterez vos propositions.
L’amendement est retiré.
La Commission examine ensuite l’amendement I-CF 107 de M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu. Le présent amendement vise à réduire de 40 à 20 %, pour le calcul de l’impôt sur le revenu, le niveau de l’abattement proportionnel sur le montant des dividendes perçus.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
L’origine du taux de 40 % est bien connue. Après abattement, les revenus sont soumis au barème de l’impôt sur le revenu. Il s’agit d’une évolution importante que nous avons introduite l’année dernière. Ne modifions pas le dispositif, laissons-le respirer un peu !
M. Nicolas Sansu. Si ma mémoire est bonne, la part des dividendes dans le PIB dépasse 8 %. Cela devrait nous pousser à nous interroger.
M. le rapporteur général. C’est la raison pour laquelle nous avons soumis ces revenus au barème de l’impôt sur le revenu. Et ce n’est pas rien !
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF 200 de Mme Annick Girardin et I-CF 27 de M. Marc Le Fur.
M. Thierry Robert. Notre amendement I-CF 200 vise à soutenir le pouvoir d’achat des ménages. La précédente majorité a supprimé la demi-part supplémentaire attribuée aux personnes veuves ayant élevé seules leurs enfants pendant au moins cinq ans. Elle a ainsi créé un effet de seuil injuste et discriminant. Il est proposé de rétablir cette demi-part supplémentaire pour le calcul de l’impôt sur le revenu, ce qui permettrait d’accroître les effets bénéfiques du « dégel » du barème de l’impôt sur le revenu et de la revalorisation de la décote proposés par le Gouvernement.
M. Marc Le Fur. Il est arrivé même à la précédente majorité de faire des sottises. Il faut savoir le reconnaître ; cela relève du droit d’inventaire. La remise en cause des avantages attribués aux veuves fait partie de ces erreurs, comme chacun peut le reconnaître parmi mes amis de l’opposition. L’amendement I-CF 27 propose donc de rétablir ces avantages. Il devrait recueillir l’assentiment de toute l’Assemblée puisque la gauche a défendu cette mesure en son temps, comme moi-même qui suis toujours resté cohérent sur ce point, bien que solidaire de l’ancienne majorité. Il s’agit d’une mesure de bon sens, les veufs et veuves comptant parmi les personnes que nous devons particulièrement protéger.
M. le rapporteur général. Monsieur Le Fur, votre amendement, dût-il recevoir l’assentiment de notre commission, voire de toute l’Assemblée, n’en serait pas moins déclaré inconstitutionnel, car, à la différence de l’amendement I8CF 200, il procède à une distinction entre veufs et veuves, d’une part, célibataires et divorcés, d’autre part. Or le Conseil constitutionnel a jugé contraire à la Constitution une telle distinction entre catégories de personnes isolées dans une décision du 30 décembre 1996.
Quant à l’amendement I-CF 200, le retour à la situation de 2009, qu’il propose, coûterait 1,5 milliard d’euros, que vous gagez sur le tabac, mes chers collègues ; cela ne me semble pas très réaliste compte tenu du coût.
Nous avons préféré résoudre ce problème par le dégel du barème, la revalorisation de la décote et celle du revenu fiscal de référence, dernière étape du système infernal de dégressivité sur cinq ans instauré par l’ancienne majorité et dont l’actuelle doit porter le poids aujourd’hui.
Enfin, je note que ni cette mesure ni la dépense afférente ne sont inscrites dans le projet de contre-budget présenté par l’opposition.
M. le président Gilles Carrez. Lorsque M. Le Fur a défendu le même amendement il y a quatre ans, je lui ai opposé la même objection d’inconstitutionnalité.
M. Marc Le Fur. Je me rallie donc à l’amendement de mes collègues Mme Girardin et M. Robert.
M. Dominique Lefebvre. M. Le Fur reconnaît la responsabilité de la précédente majorité dans la création de nouveaux ménages imposables. À cet égard, la mesure dont nous parlons a, comme le gel du barème, produit en 2012 et en 2013 les effets que l’on sait.
Sur ce sujet dont nous avons beaucoup discuté, la position du groupe socialiste est la suivante. Étant donné les marges de manœuvre dont nous disposons, et qui sont celles que vous nous avez laissées, nous avons dû faire des choix, en recettes comme en dépenses. La mesure générale de pouvoir d’achat que nous soutenons, et que nous avons votée à l’article 2, concerne le revenu fiscal de référence ; elle ne s’appliquera pas uniquement aux catégories de contribuables que vous visez mais les touchera également, avec un effet atténué que nous assumons entièrement. À votre tour, assumez jusqu’au bout le choix que vous avez fait en 2009 !
Enfin, le rapporteur général l’a rappelé, ces amendements sont en réalité non gagés, comme tous ceux qui sont gagés sur le tabac pour passer le filtre de l’article 40. Il serait plus responsable et plus courageux de proposer de véritables gages !
M. Charles de Courson. Pendant des années, j’ai essayé d’expliquer que le dispositif en vigueur était anticonstitutionnel, ce qu’a ensuite confirmé une décision du Conseil constitutionnel. Il est regrettable que nos collègues de l’actuelle majorité aient fait croire à nos concitoyens qu’ils allaient le rétablir, ce qui était impossible, au lieu de l’abroger et de proposer une autre solution. Vous voilà maintenant coincés, mes chers collègues. Au demeurant, vous n’avez pas les moyens de rétablir un mécanisme qui coûte 1,5 milliard d’euros, contre 400 millions dans l’amendement que vous avez voté ce matin.
M. Yves Censi. Au cours de la précédente législature, j’avais défendu la même position que Marc Le Fur. Je relève qu’elle se heurtait à un problème d’inconstitutionnalité. C’est la solution de Charles de Courson qui a finalement été retenue.
M. le président Gilles Carrez. En effet, nous avions opté pour un lissage inspiré d’un amendement de Charles de Courson.
M. Yves Censi. Quoi qu’il en soit, nous considérions qu’il fallait trouver une solution, alors que l’opposition de l’époque se contentait de contester le principe même de la mesure, indépendamment des subsides apportés à l’État. Je suis donc très surpris qu’un amendement issu de l’actuelle majorité ne bénéficie pas d’un plus large soutien sous prétexte qu’il ne serait pas convenablement gagé. C’est au Gouvernement qu’il appartient de lever ou non le gage. Il serait dangereux de ne pas adopter cet amendement ; personnellement, je le voterai.
M. Olivier Faure. Monsieur le président, vous avez présenté la semaine dernière un contre-budget qui avait le mérite de proposer aux Français un autre projet que celui du Gouvernement. Désormais, les amendements se succèdent, tous votés par les députés UMP, et, avec eux, les dépenses s’accumulent : 84,5 milliards d’euros d’exonération des heures supplémentaires, 81,5 milliard pour les veufs et veuves… À ce rythme, comment parviendrez-vous à sauver votre propre contre-budget ? On voit que, même dans l’opposition, tout n’est pas simple ! Il est bon que l’opposition propose une solution alternative ; elle joue alors son rôle, de manière logique et démocratique. Encore faudrait-il qu’elle ne se contredise pas à chaque nouvel amendement.
M. le président Gilles Carrez. L’exercice auquel nous nous sommes livrés la semaine dernière a été précédé d’arbitrages que la liste des amendements ne reflète pas entièrement, car l’opposition est diverse, même si elle ne l’est pas autant que la majorité !
La Commission rejette successivement les amendements I-CF 200 et I-CF 27.
Elle en vient ensuite à l’amendement I-CF 201 de Mme Annick Girardin.
M. Thierry Robert. Il s’agit d’un amendement de repli : à défaut de rétablir la demi-part supplémentaire, nous proposons de conserver en 2014 une réduction d’impôt équivalente à celle de 2013.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement I-CF 452 de M. Olivier Dassault.
Mme Arlette Grosskost. Cet amendement se fonde sur deux constats. D’une part, Charles de Courson l’a dit, les PME manquent cruellement de capitaux propres, d’autant que les banques restent très frileuses. D’autre part, le taux d’épargne des Français est très élevé et aucune culture entrepreneuriale n’oriente cette épargne vers les entreprises. Nous souhaitons donc provoquer chez les épargnants français un changement de culture qui les incite à investir davantage dans l’entreprise.
M. le rapporteur général. Le Gouvernement proposera dans la seconde partie un dispositif spécifique de PEA au profit des PME. Par ailleurs, je l’ai dit, l’article 11 aménage le régime des plus-values mobilières. Enfin, si vous aviez encore un doute, madame, je vous invite à lire l’excellent rapport de nos collègues Karine Berger et Dominique Lefebvre, qui montre qu’en matière d’épargne financière, les aides fiscales à l’entrée – dont le dispositif Madelin – ne favorisent pas toujours une sélection optimale du risque, la recherche d’une défiscalisation plaçant souvent au second plan le souci de rentabilité réelle. Pour toutes ces raisons, à défaut de retrait, j’émettrai un avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Elle est ensuite saisie de l’amendement I-CF 10 de M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur. Les avantages fiscaux applicables aux employeurs à domicile sont aujourd’hui réservés aux personnes qui travaillent. Les premiers à en être privés sont donc les retraités, à un moment de leur vie où ils ont pourtant, plus que d’autres, besoin d’une aide à domicile.
Cet amendement, que je dépose régulièrement, n’a jusqu’à présent eu l’heur de plaire ni à l’ancienne majorité ni à la majorité actuelle. Mais un élément nouveau doit être signalé : la chute du nombre d’emplois à domicile. L’équivalent de 28 000 de ces emplois a ainsi été perdu en un an ; je vous renvoie aux travaux du Commissariat général à la stratégie et à la prospective. Comment nous redonner les moyens d’encourager l’emploi à domicile, composante majeure de l’emploi dans notre pays ? Sa chute résulte notamment de la disparition, voulue par l’actuelle majorité, de la déclaration au forfait ; celle-ci, contestée et à certains égards contestable, n’en était pas moins créatrice d’emplois.
M. le rapporteur général. J’ai travaillé sur ce sujet comme rapporteur spécial pour le travail et l’emploi, avec notre ancienne collègue Chantal Brunel.
Si cet amendement était adopté, les fumeurs vous en voudraient, mon cher collègue, car il doit coûter 1 à 2 milliards d’euros !
M. Marc Le Fur. Comment justifier ce chiffre ? L’on ne sait pas combien il y aura d’embauches !
M. le rapporteur général. En tout cas, à comportement égal, la transformation de cette réduction en crédit d’impôt et la modification du plafond que vous suggérez produirait une dépense mécanique, une sorte d’effet d’aubaine qui pourrait être incitatif mais qui, comme le président Carrez vient de me le dire, coûterait plus cher en dépense fiscale qu’il ne rapporterait en recettes d’impôt ou de cotisations sociales.
Ce qui a pénalisé le secteur de l’emploi à domicile et peut-être réduit le nombre d’heures, c’est moins, de l’avis général, le passage du forfait au réel que la suppression des 15 points de bonification que vous avez vous-même précédemment décidée avec votre majorité. Toutes les associations et fédérations d’employeurs et de salariés à domicile vous le diront ! Le passage du forfait au réel a au moins eu l’avantage d’accorder aux salariés des droits proportionnés à leur salaire. Il aurait été plus cohérent de commencer par cette mesure, en maintenant l’abattement de 15 points.
Je vous rappelle enfin que, pour compenser une partie du surcoût lié au passage du forfait au réel, nous avons accordé aux particuliers employeurs une déduction de charges de 75 centimes de l’heure. J’aurais aimé faire plus, mais la situation budgétaire que vous nous avez laissée ne le permettait pas ; l’on s’en est tenu à 75 centimes au lieu du montant de 1,50 euro que je préconisais, puis de celui de 1 euro qui a failli être retenu lors des arbitrages. Pour l’obtenir, nous sommes allés jusqu’à Matignon. Certains voulaient le ramener à zéro ! Je ne désespère pas de convaincre le Gouvernement de revaloriser ce montant ; peut-être Mme Rabault est-elle d’ailleurs mieux informée que moi sur ce point. L’inconvénient majeur de cette déduction est son manque de visibilité, car le calcul est automatique pour les utilisateurs du chèque emploi service qui ne le voient donc pas.
Vous avez raison, monsieur Le Fur : ce secteur est crucial. Mais les conditions budgétaires ne permettent pas de faire plus pour le moment, sauf si le ministre du travail et de l’emploi, qui fixe ce montant par décret, décidait de le modifier. Il y a fait allusion dans Le Monde il y a peu ; nous verrons bien ce qu’il adviendra lors de l’examen du PLFSS. Mme Rabault nous tiendra au courant.
Je suis en tout cas défavorable au dispositif tel que vous le proposez, très coûteux, donc inenvisageable dans le contexte budgétaire actuel même si l’on peut en comprendre le principe. Je tenais à m’en expliquer, car c’est un sujet à propos duquel nous sommes souvent attaqués très violemment et assez injustement.
M. Charles de Courson. C’étaient des centristes qui avaient obtenu ce crédit d’impôt pour les personnes non imposables. Son coût a conduit à le réserver aux actifs. Entre la proposition de Marc Le Fur, qui consiste à l’étendre à tous, et la situation actuelle, il existe un moyen terme. Ne peut-on en faire bénéficier les catégories qui en ont le plus besoin ?
M. Marc Le Fur. Je suis d’accord.
Monsieur le rapporteur général, vous avez le mérite de reconnaître la baisse substantielle du nombre d’emplois à domicile. Quelle en est l’origine ? Ce qui est certain, c’est qu’elle a eu lieu au cours des derniers mois. Or la dernière décision en date est bien le passage du forfait au réel. Pour le reste, je n’en sais pas plus que vous.
Avec l’augmentation de la TVA sur les services à la personne, sur laquelle nous reviendrons à propos d’un autre article, c’est tout un dispositif hostile aux particuliers employeurs que vous bâtissez – malgré l’abattement de 75 centimes dont je vous sais gré, bien que personne n’en ait conscience.
M. le rapporteur général. Voici pourquoi, à mon sens, la suppression des 15 points a joué un rôle décisif. La bonification visait à compenser le fait que les allégements Fillon sur les bas salaires – très larges, ce que personne ici ne critique – ne bénéficiaient pas au particulier employeur, qui représente une part importante du secteur. Je n’ai pas coutume de polémiquer sur ces sujets, mais je crois que sa suppression a été une grave erreur.
En ce qui concerne la TVA, la mesure dont vous parlez a permis de régler un important contentieux communautaire.
Avec Mme Brunel, nous avions tenté de distinguer les recours « choisis » aux services à la personne – cours de piano, de claquettes, coaching, exemples relevés par la Cour des comptes – des recours « subis », par les personnes âgées dépendantes, par exemple. Nous étions presque parvenus à un accord, mais le dispositif n’a finalement pas été accepté par le ministre de l’époque.
M. Yves Censi. C’était une véritable usine à gaz !
M. le rapporteur général. Comme l’a dit ce matin M. Lamour, pour faire juste, il faut parfois faire compliqué.
M. Jean-Louis Gagnaire. Tout le monde l’a bien compris, l’on ne peut rien faire sur ce point cette année. Mais nous devrons y revenir dès l’année à venir et la suivante, car les retraités sont victimes d’une véritable injustice. Certains d’entre eux, qui sont dans une situation particulièrement difficile, bénéficient de l’allocation personnalisée d’autonomie, mais d’autres, sans y être éligibles, auraient toutefois besoin d’une aide à la personne. Nous avons parlé ce matin de l’égalité du point de vue de la fiscalisation des revenus ; nous devrons également y parvenir du point de vue des décotes ou des crédits d’impôt.
La Commission rejette l’amendement.
La Commission examine l’amendement I-CF 21 de M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur. Depuis le remplacement du dispositif Scellier par une nouvelle aide fiscale à l’investissement locatif, on assiste à la disparition de l’investissement privé locatif dans le secteur rural, voire dans certaines zones urbaines. Les aides se focalisent sur les grandes villes ; ailleurs ne subsistent plus que l’accession à la propriété et l’investissement locatif public. Afin de revenir à un dispositif plus équitable en termes d’aménagement du territoire, cet amendement propose d’inclure la zone B2 dans le dispositif de soutien et de permettre à des communes de moins de 50 000 habitants d’en bénéficier à titre dérogatoire.
M. le rapporteur général. Le ministère de l’égalité des territoires et du logement a annoncé que le nouveau classement des communes éligibles entrerait en vigueur au 1er janvier 2014. Ce nouveau zonage sera l’occasion de mieux prendre en compte les spécificités de votre circonscription, de la Bretagne et de l’ensemble de notre pays. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF 453 de M. Olivier Dassault et I-CF 106 de M. Nicolas Sansu.
Mme Arlette Grosskost. Le plafonnement global des avantages à l’impôt sur le revenu à caractère incitatif ou liés à un investissement s’élève actuellement à 10 000 euros par foyer fiscal. Nous constatons tous qu’il est trop faible pour inciter réellement à l’emploi d’un salarié à domicile, à l’investissement dans une PME ou à la réalisation de travaux dans son logement. Afin d’inciter les contribuables à participer à la relance de l’économie, cet amendement propose de relever ce plafonnement global à 25 000 euros plus un montant égal à 10 % du revenu imposable.
M. le rapporteur général. Avis défavorable. Je vous invite à réfléchir à ce que signifie payer 10 000 euros d’impôt sur le revenu. Nous estimons qu’avant toute autre mesure, il convient de « nettoyer » les niches. On peut déjà économiser 10 000 euros d’impôt sur le revenu grâce à ces niches. Vous en demandez encore davantage : cela frise l’indécence !
M. Nicolas Sansu. Notre amendement porte sur le même sujet, mais il ne va pas dans le même sens, puisque nous proposons d’abaisser le plafond global à 6 000 euros.
M. le président Gilles Carrez. Permettez-moi de couper court à toute polémique en rappelant qu’il y a eu un consensus sur le sujet. Nous avons mis en place ce plafonnement global dans le cadre d’un travail de notre Commission, auquel un certain nombre d’entre nous ont participé. Nous avions commencé avec un plafonnement global à 25 000 euros plus un montant égal à 10 % du revenu imposable ; nous sommes passés à un plafonnement global de 18 000 euros plus 4 % du revenu imposable à la fin de la dernière législature ; le dispositif a de nouveau été réduit par la loi de finances pour 2013. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a supprimé la référence à une part variable fonction du revenu imposable s’agissant des investissements outre-mer, pour lesquels nous l’avions conservée.
Mme Valérie Rabault. Je partage entièrement l’avis du rapporteur général. Seule la moitié des foyers français sont imposés sur le revenu, et ils payent en moyenne 2 000 euros d’impôt sur le revenu. 10 000 euros, c’est tout de même cinq fois plus, et 25 000 euros, douze fois et demie plus ! Il convient donc de garder un minimum de décence sur le sujet.
La Commission rejette successivement les deux amendements.
La Commission est saisie de l’amendement I-CF 454 de M. Olivier Dassault.
Mme Arlette Grosskost. Cet amendement reprend les dispositions proposées par M. le rapporteur général lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013. Il vise à revaloriser la réduction d’impôt dite Madelin.
M. le rapporteur général. J’avais en effet défendu un amendement de ce type l’an dernier ; mais je l’avais ensuite sous-amendé pour exclure le dispositif Madelin du bénéfice de ses dispositions, le Gouvernement ayant proposé un système de report de la réduction d’impôt excédant 10 000 euros sur les cinq années suivantes. En pratique, votre amendement est donc satisfait.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement I-CF 35 de M. Patrick Ollier.
M. Patrick Ollier. Je suis conscient d’aller à contre-courant en défendant cet amendement, mais je souhaite susciter dans notre Commission un vrai débat sur la manière dont certains processus de défiscalisation peuvent être utilisés de manière vertueuse. Je sais que pour les tenants de l’orthodoxie budgétaire, la défiscalisation est une hérésie. Mais en matière d’aménagement du territoire, lorsqu’il s’agit de créer de la richesse et de l’emploi, et que le Gouvernement n’a plus les moyens de financer les dispositifs qui seraient nécessaires, les systèmes de défiscalisation – ou niches fiscales – ont d’incontestables vertus.
Je pense en particulier à l’outre-mer. En tant que rapporteur spécial du budget de l’outre-mer, je viens d’effectuer une mission aux Antilles. Lorsque j’étais président de la commission des affaires économiques, j’ai apporté mon soutien au rapport rédigé par M. Letchimy sur l’habitat insalubre et indigne dans les départements et régions d’outre-mer. C’est grâce à la défiscalisation que nous pouvons aujourd’hui construire des logements sociaux. Nous avions trouvé un accord avec le Gouvernement sur un plafond à 18 000 euros – tout compris – pour les investissements personnels. J’en étais satisfait : en dessous de ce montant, le dispositif n’aurait pas été incitatif. Quelle n’a donc pas été ma surprise de constater que la loi Duflot avait – sans la moindre concertation – ramené ce montant de 18 000 à 10 000 euros sur une partie du logement social ! Ce n’est pas correct : cela revient à « casser » de manière insidieuse un système vertueux.
Le dispositif ainsi mis en place favorise les T1 et les T2, ce qui n’est pas du tout l’objectif : c’est de logements pour les familles nombreuses dont l’outre-mer a besoin.
Cet amendement vise donc à rétablir le plafonnement de défiscalisation de 18 000 euros dont nous étions convenus avec le Gouvernement. C’est une question de justice. Je compte sur nos amis de l’outre-mer pour nous aider à le défendre.
M. le président Gilles Carrez. Je défends cet amendement, mais pour d’autres raisons. L’an dernier, nous avons eu une longue discussion sur la réduction du plafond global. Nous sommes finalement parvenus à un accord sur l’application de deux plafonds différents, l’un pour la métropole et l’autre pour l’outre-mer, dans la mesure où des dispositifs de défiscalisation spécifiques existent en outre-mer – notamment en faveur du logement social. Nous avons donc fait le choix unanime d’un plafond global à 10 000 euros en métropole, et à 18 000 euros – plus 4 % du revenu imposable – en outre-mer. Ainsi que je l’ai rappelé il y a un instant, le Conseil constitutionnel a annulé la possibilité d’ajouter aux 18 000 euros 4 % du revenu imposable. La loi de finances qui a été promulguée comporte donc deux plafonds.
J’ai découvert avec surprise qu’avait été introduit dans le cadre même de ce dispositif – et contrairement à la décision que nous avions prise de retenir un plafond de 18 000 euros pour l’outre-mer – un plafond spécifique de 10 000 euros pour le logement intermédiaire. Non seulement ce n’est pas logique, mais cela crée des effets pervers. Je plaide donc pour un retour à la cohérence.
M. Henri Emmanuelli. Pourquoi un plafond de 18 000 euros en outre-mer ?
M. le président Gilles Carrez. Parce qu’en outre-mer, le logement social est aujourd’hui monté en défiscalisation faute de crédits budgétaires.
M. le rapporteur général. Tel qu’il est rédigé, cet amendement concerne l’ensemble du dispositif Duflot. Le plafond pourrait donc être atteint par la combinaison du dispositif Duflot pour la métropole et de la défiscalisation outre-mer. Nous aurons l’occasion de revenir sur la défiscalisation outre-mer dans la suite du texte. Quoi qu’il en soit, l’amendement ne remplit pas l’objectif que vous lui avez donné. Je vous propose donc de le retirer et de le représenter en article 88.
M. Patrick Ollier. J’ai pu commettre une erreur de rédaction – si tel est le cas, je la rectifierai. Je le répète, cet amendement a pour objet de replacer la totalité des investissements sociaux – notamment dans le logement intermédiaire – sous le plafond de 18 000 euros, pour le seul outre-mer.
Un dispositif de défiscalisation ne peut fonctionner de manière vertueuse que s’il est contrôlé et réglementé. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Nous avons rédigé – M. Fruteau et moi-même – un rapport dans lequel nous demandons que ce soit le cas, afin d’éviter tout contournement du système. Nous avons obtenu un accord de principe de M. Lurel, ministre des outre-mer. J’accepterai volontiers de retirer mon amendement si vous me donnez également votre accord de principe, monsieur le rapporteur général.
M. Thierry Robert. Cette disposition est loin de constituer une niche fiscale. J’invite ceux qui en douteraient à venir se rendre compte par eux-mêmes de la situation en matière de logement social et de logement intermédiaire à la Réunion. Il ne s’agit pas de donner de l’argent à ceux qui en ont, mais d’aider ceux qui n’en ont pas.
M. Henri Emmanuelli. Il y a d’autres moyens que la défiscalisation.
M. Patrick Ollier. Des moyens d’État. Mais l’État n’a plus d’argent !
M. Hervé Mariton. L’une des observations formulées par M. Ollier à propos de l’outre-mer peut revêtir une portée plus générale. Je veux parler des effets pervers de l’abaissement du plafond des niches fiscales sur le type de produits d’investissement qui se trouvent encouragés. Au fil des mesures qui sont prises dans le secteur immobilier, nous risquons de favoriser une concentration des investissements sur les petits logements. Je ne suis pas sûr que cela réponde à l’essentiel des besoins, surtout en outre-mer. Soyons donc attentifs à cet aspect.
M. le président Gilles Carrez. Nous examinerons dans quelques instants un amendement de M. de Courson, qui est très clair et ne vise que l’outre-mer. Peut-être pourrez-vous vous y rallier, monsieur Ollier.
M. Jean-Claude Fruteau. Je suis très sensible à l’attachement de notre collègue Ollier à l’outre-mer et aux difficultés de logement que rencontrent nos populations. Nos compatriotes des départements d’outre-mer – qui sont des Français – vivent encore pour certains dans des conditions indignes – que notre collègue Letchimy avait justement dénoncées dans le rapport qui a été évoqué.
C’est à juste titre que cet amendement soulève le problème du logement intermédiaire. En portant le plafond à 18 000 euros, nous risquerions cependant de concurrencer l’ensemble des dispositions que nous avons réussi à faire admettre par le Gouvernement – et qui constituent un équilibre – dans le rapport que nous avons rédigé ensemble, monsieur Ollier. Je ne souhaite donc pas étendre le bénéfice des dispositions que nous avons prévues pour le logement social au logement intermédiaire.
M. le président Gilles Carrez. Autrement dit, vous craignez que l’intégration du logement intermédiaire dans le plafond global de 18 000 euros ne « cannibalise » les investissements qui s’orienteraient sinon vers le logement social.
M. Jean-Claude Fruteau. Je le redoute d’autant plus que l’annulation par le Conseil constitutionnel de la possibilité d’ajouter aux 18 000 euros 4 % du revenu imposable a déjà considérablement réduit l’attractivité du logement social.
M. Patrick Ollier. L’exposé sommaire comporte un tableau comparatif très clair, qui montre que l’existence d’un taux de défiscalisation plus important dans les départements d’outre-mer a pour effet mécanique, si le plafond est identique, d’attirer l’investissement vers les petites surfaces.
M. le rapporteur général. Le problème n’est pas là, mais dans le fait que tel qu’il est rédigé, votre amendement ne vise pas seulement l’outre-mer, mais tout le dispositif Duflot – en métropole comme outre-mer.
M. Patrick Ollier. Je vais revoir sa rédaction.
M. le rapporteur général. Je ne m’engage pas pour autant à lui donner un avis favorable, d’autant que M. Fruteau a opportunément fait observer qu’il posait un autre problème.
M. Charles de Courson. Êtes-vous sûr qu’il y aura un effet de cannibalisation ? Et si oui, dans quel sens ?
M. le président Gilles Carrez. Il importe que nos collègues de l’outre-mer y regardent de plus près d’ici à la discussion en article 88. Il est en effet possible, sur un programme mixte – comportant à la fois du logement social pur et du logement intermédiaire – que l’investisseur, contraint par le plafond de 18 000 euros, se focalise sur le second – où les loyers sont plus favorables et la rentabilité meilleure. Le plus sage est donc de renvoyer la discussion de ces amendements soit à l’article 88, soit au collectif de fin d’année.
M. Dominique Lefebvre. À la suite du débat de l’année dernière, le Gouvernement a engagé une vaste concertation, qui a donné lieu à un certain nombre de réunions sous l’égide du comité de pilotage sur la réforme de la défiscalisation outre-mer, dont j’étais membre. J’ai toujours pris soin de rappeler que nous étions confrontés à la fois à une contrainte budgétaire, à une exigence de justice fiscale et aux enjeux de l’outre-mer. Nous savons qui bénéficie en réalité de ces mécanismes de défiscalisation – et c’est un problème. Le Premier ministre a annoncé début juillet un certain nombre de mesures, qui forment un équilibre : nous en discuterons à l’article 13. Elles maintiennent les processus de défiscalisation, dont l’investissement productif et la production de logement social sont très dépendants, tout en mettant en place des mécanismes de crédit d’impôt qui ont d’autres vertus. Il convient de préserver l’équilibre auquel nous sommes parvenus. Nous ne pouvons conserver les dispositifs de défiscalisation qui existaient jusqu’à présent, mais il faut traiter ce qui reste une priorité : le logement outre-mer, et d’abord le logement social. C’est de notre responsabilité. Le groupe socialiste n’est donc pas favorable à cet amendement.
M. Patrick Ollier. J’ai entendu vos démonstrations à l’occasion des réunions du comité de pilotage ; elles sont légitimes. Néanmoins, nous avons conclu un accord avec le Gouvernement. Il s’agit de choisir entre les deux systèmes pour le logement social. Je suis d’accord pour que l’on expérimente le crédit d’impôt, à condition que les opérateurs aient le choix entre les deux systèmes – défiscalisation et crédit d’impôt. Mais en l’absence d’investisseurs, rien ne laisse malheureusement présager un grand avenir au second.
M. le président Gilles Carrez. Le plafonnement de la défiscalisation concerne l’impôt sur le revenu, donc les particuliers, tandis que le crédit d’impôt concerne l’impôt sur les sociétés. Les domaines sont différents.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement I-CF 406 de M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Il s’agit de pérenniser l’aide aux entreprises ultramarines au titre des fonds d’investissement de proximité, en conservant le plafonnement de 18 000 euros.
M. le rapporteur général. Avis défavorable. Je vous renvoie aux dispositions équilibrées de l’article 13.
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement I-CF 405 du même auteur.
M. Charles de Courson. L’amendement vise à remonter le plafond de la réduction d’impôt accordée pour les emplois à domicile, afin d’enrayer une chute que l’on estime à 8 %.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement I-CF 407 du même auteur.
M. Charles de Courson. Je vais le retirer et je propose à M. Ollier de rédiger un amendement commun. Outre la cannibalisation entre dispositifs, il existe en effet un risque de cannibalisation interne du financement des T3-T4 par celui des T1-T2 si l’on ne porte pas le plafonnement à 18 000 euros.
M. le président Gilles Carrez. M. Fruteau ne l’a pas contesté.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement I-CF 404 du même auteur.
M. Charles de Courson. Il s’agit d’une variante sur le sujet des emplois à domicile.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement I-CF 89 de M. Hervé Mariton.
M. Hervé Mariton. La taxe carbone prévue par la précédente majorité devait faire l’objet d’une redistribution. Rien de tel dans le présent texte : c’est une hausse sèche de la fiscalité. Nous proposons donc de réintroduire un dispositif de redistribution sous la forme d’un crédit d’impôt qui serait majoré pour les contribuables domiciliés dans une commune qui n’est pas intégrée à un périmètre de transports urbains. Ce sont en effet ces contribuables qui subiront le plus fortement l’évolution de la fiscalité.
M. le rapporteur général. Votre taxe carbone, monsieur Mariton, devait rapporter 2,65 milliards d’euros dès la première année. Le système que nous proposons est différent, puisqu’il consiste à remplacer en partie la fiscalité volumétrique existante – celle des taxes intérieures de consommation, ou TIC – par une fiscalité assise sur le prix de la tonne de CO2. En 2014, le produit attendu de cette taxe est de l’ordre de 350 millions d’euros, soit beaucoup moins que ce que vous prévoyiez à l’époque. Je ne vois pas l’intérêt de cette sorte de chèque de 50 euros distribué à tout un chacun, dont le coût ne figure d’ailleurs pas dans votre contre-budget. Avis défavorable.
M. Hervé Mariton. Votre remarque est fondée en ce qui concerne 2014, mais le projet de loi prévoit une augmentation rapide et forte de cette contribution en 2015 et 2016.
M. le rapporteur général. La contribution climat-énergie a en effet vocation à évoluer. Néanmoins, je ne vois par pourquoi il faudrait mettre en place dès 2014 des mesures de compensation au titre de prélèvements qui n’interviendraient que les années suivantes.
M. Hervé Mariton. Ce n’est pas cohérent avec vos arguments sur la fiscalisation des 10 % de majoration de pension !
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite les amendements identiques I-CF 124 de M. Hervé Mariton et I-CF 129 de Mme Marie-Christine Dalloz.
M. Hervé Mariton. Dès lors que le PLF instaure une nouvelle tranche d’imposition, pourquoi maintenir la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ? Ne serait-il pas plus transparent et plus cohérent d’assumer votre choix politique et d’ajouter encore une tranche ?
Mme Marie-Christine Dalloz. La majorité avait en effet affirmé, lors de l’examen du PLF pour 2013, que la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus répondait à un besoin ponctuel et avait vocation à s’éteindre rapidement. En y ajoutant la nouvelle tranche d’imposition, le dispositif sera réellement confiscatoire. Élue d’une région frontalière avec la Suisse, je puis vous assurer que l’impact sur l’exil fiscal sera colossal !
M. le rapporteur général. Je vous l’apprends peut-être, mais il s’agit d’une surtaxe instaurée par M. Fillon. Comme le précise l’article 2 de la LFI pour 2012, « Cette contribution est applicable à compter de l’imposition des revenus de 2011 et jusqu’à l’imposition des revenus de l’année au titre de laquelle le déficit public des administrations publiques est nul. » Franchement, mes chers collègues, je vous ai connus meilleurs !
M. Hervé Mariton. À l’époque, la perspective d’un déficit nul était envisageable. Aujourd'hui, cet horizon recule à mesure qu’on avance !
M. le rapporteur général. Je vous conjure de soutenir les mêmes arguments dans l’hémicycle : cela nous permettra de passer un bon moment ! Alors que vous nous avez légué un déficit de plus de 5 %, nous sommes arrivés à redresser la trajectoire.
Avis défavorable.
M. le président Gilles Carrez. Réservons ce genre de débat à l’examen en séance publique, mes chers collègues !
M. Éric Alauzet. Il n’a jamais été dit que la contribution exceptionnelle et la nouvelle tranche s’excluaient l’une l’autre. En revanche, l’instauration d’une tranche supplémentaire à 49 ou 50 %, comme nous l’avons proposé ce matin, pourrait être une alternative à la taxe à 75 %.
La Commission rejette les amendements identiques par un seul vote.
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La Commission est saisie de deux amendements portant articles additionnels avant l’article 7.
Elle examine d’abord l’amendement I-CF 368 de M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Je propose de revenir au dispositif de TVA sociale adopté antérieurement.
M. le rapporteur général. Votre TVA sociale devait rapporter 12 milliards d’euros. Je n’en trouve pas trace dans votre contre-budget.
Avis défavorable.
M. Charles de Courson. Je vous rappelle que ce contre-budget exprime les positions de l’UMP, pas celles de l’UDI.
M. Hervé Mariton. Votre rapport comportera-t-il des éléments d’évaluation du CICE, monsieur le rapporteur général ?
M. le rapporteur général. Ce crédit d’impôt doit être intégré aux comptes des entreprises durant l’année 2013, pour un montant de 13 milliards d’euros. Le préfinancement proposé cette année a été utilisé à hauteur d’environ 1 milliard d’euros. Il paraît difficile d’évaluer un dispositif qui n’est pas encore totalement mis en œuvre.
M. Olivier Carré. Selon les prévisions révisées du Gouvernement, les recettes de TVA devraient s’élever à 135,6 milliards d’euros en 2013 et à 139,3 milliards en 2014, soit une augmentation de l’ordre de 4 milliards. Or, pour une croissance nominale de l’économie comprise entre 1,5 et 2 points, la recette spontanée augmente normalement de 3 à 4 milliards. Compte tenu des 6 milliards issus des hausses prévues pour financer une partie CICE, l’augmentation de la recette attendue devrait être beaucoup plus significative. J’aimerais que le rapporteur général apporte des explications à ce sujet.
M. le président Gilles Carrez. Son prochain amendement porte sur la TVA, ce qui lui donnera l’occasion de vous répondre.
La Commission rejette l’amendement.
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Article additionnel avant l’article 7
Maintien à 5,5 % du taux réduit de TVA
Elle examine ensuite l’amendement I-CF 477 du rapporteur général.
M. Dominique Lefebvre. Lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012, le Gouvernement a proposé de restructurer la TVA autour de trois taux : un taux réduit à 5 %, un taux intermédiaire à 10 % et un taux normal là 20 %, de manière, notamment, à financer le CICE. Je considère que c’est une bonne initiative : le taux intermédiaire le sera vraiment, et le choix de chiffres ronds garantit une meilleure stabilité.
L’année dernière, lorsqu’il a voté ces nouveaux taux applicables au 1er janvier 2014, le groupe socialiste a demandé qu’il soit possible de modifier, à enveloppe constante, la répartition des biens et des produits entre les différents niveaux de TVA et a reçu une écoute favorable du Gouvernement. Ce souhait trouve une traduction dans plusieurs de nos amendements, en particulier pour des produits qui sont déjà passés de 5,5 % à 7 % et sont donc susceptibles de passer à 10 % – sachant que le PLF ramène déjà le logement social du taux intermédiaire au taux réduit et le logement intermédiaire du taux normal au taux intermédiaire, en 2015, pour un coût supérieur à 1 milliard d’euros.
Nous proposons ainsi que la TVA applicable à la transition énergétique passe du taux intermédiaire au taux réduit. Le coût de la mesure, de l’ordre de 550 millions d’euros, devant être financé à l’intérieur de l’enveloppe globale, le rapporteur général et moi-même proposons de reporter la diminution du taux réduit à 5 %.
Toutefois, compte tenu du vote de l’année dernière, le produit global de la TVA connaîtra une baisse comprise entre 300 et 500 millions d’euros, le reste du financement se trouvant dans l’équilibre général des recettes et des dépenses. Je rappelle également aux auteurs d’amendements prévoyant le passage au taux réduit de différents biens et produits que nous nous en tiendrons au principe d’enveloppe constante et que l’alternative consistant à augmenter le taux normal à plus de 20 % a été écartée.
De l’avis général, enfin, le passage de 5,5 % à 5 % n’aura d’effets réels sur les prix ni à court terme ni, probablement, à moyen terme. Une baisse de 0,5 point ne provoquera pas une valse des étiquettes : cela s’apparentera plutôt une mesure de soutien à la grande distribution.
M. Olivier Carré. L’année dernière, vous disiez que c’était une mesure de soutien du pouvoir d’achat !
M. Dominique Lefebvre. Il n’en restera pas moins utile de fixer le taux réduit à 5 % lorsque la situation des finances publiques le permettra.
M. le rapporteur général. En année pleine, le coût du CICE est de 20 milliards d’euros. Son financement devait se répartir entre 10 milliards d’économies, 6 milliards issus de la TVA, 3,5 milliards issus de la fiscalité environnementale. Entre-temps a été décidée la réduction du taux de TVA applicable au logement social, pour un coût estimé à 350 millions d’euros, à la rénovation thermique, pour un coût d’environ 500 millions, au logement intermédiaire, pour un coût de 45 millions, et aux places de cinéma, pour un coût de 60 millions, soit un total de l’ordre d’1 milliard d’euros. En compensation, le maintien du taux réduit à 5,5 % apportera 750 millions d’euros, auxquels il faut ajouter les 350 millions issus de la taxe carbone. On respecte donc l’équilibre tel qu’il avait été annoncé.
J’en viens à votre question, monsieur Carré. On lit beaucoup dans la presse, ces temps-ci, que les impôts ne rentrent pas. Aussi permettez-moi de vous donner les chiffres de la toute dernière situation budgétaire mensuelle. On constate une amélioration des recettes de TVA, puisqu’elles s’élevaient à 89,5 milliards à la fin d’août 2013 contre 88,6 milliards l’année précédente. Il faut rappeler que les prévisions étaient calées sur une inflation attendue bien supérieure au taux constaté de 0,8 ou 0,9 % hors tabac.
De même, les rentrées de l’impôt sur le revenu sont en phase avec les prévisions.
Il y a en revanche un déficit concernant l’impôt sur les sociétés.
Certains collègues de l’opposition en concluront néanmoins que trop d’impôt tue l’impôt. Pour ma part, je considère que trop de déficit tue l’avenir. Nous avons réduit les déficits considérables que nous avons trouvés en privilégiant les recettes dans un premier temps, la réduction des dépenses dans un second. Globalement, d’ailleurs, le déficit glissant est en amélioration de 4 à 5 milliards d’euros par rapport au mois d’août 2012. On ne saurait parler de dérapage ou de grosse surprise.
Mme Éva Sas. Le financement de la baisse de la TVA sur le logement social et la rénovation thermique par le maintien à 5,5 % du taux applicable aux produits de première nécessité ne correspond nullement à une demande du groupe écologiste. Parmi les pistes alternatives, je veux évoquer le contrôle du crédit d’impôt recherche. On ne s’est toujours pas attaqué aux effets d’aubaine considérables qu’engendre ce dispositif. À titre d’exemple, les entreprises du CAC 40 en bénéficient à hauteur de 1 milliard d’euros.
Nous ne pouvons, dès lors, soutenir la mesure proposée par le rapporteur général.
M. Nicolas Sansu. La baisse du taux réduit de TVA de 5,5 à 5 % était une des seules bonnes nouvelles de ce PLF. Elle faisait également partie du package entourant le CICE, ce qui montre bien les problèmes que soulève ce crédit d’impôt applicable à tous, au même taux, sans contrôle et sans distinction selon les secteurs et l’exposition à la concurrence internationale. À l’évidence, certains secteurs vont bénéficier du CICE alors qu’ils n’en ont pas besoin et que cela peut même leur être nuisible.
De plus, nous avons voté en juillet 2012 la suppression de l’augmentation de la TVA de 19,6 à 21,2 % car nous estimions que cette hausse était néfaste au pouvoir d’achat et qu’on ne réglerait pas ainsi la question de la compétitivité. C’est pourtant un tout autre dispositif qui a été adopté en décembre 2012. Et maintenant, en octobre 2013, on maintient au même niveau le seul taux qui devait baisser !
Je voterai contre cet amendement.
M. Laurent Baumel. Je regrette également cet amendement qui dénature le texte initial du Gouvernement. Il transforme ce qui a été présenté, l’année dernière, comme une démarche globale combinant CICE et restructuration des taux de TVA – les taux intermédiaire et maximum devant augmenter et le taux réduit baisser – en une pure opération de transfert de fiscalité des entreprises vers les ménages. Renoncer, par voie d’amendement parlementaire, à la baisse du taux réduit de TVA pose un problème politique, mais peut-être également économique, car cette décision remet en question l’équilibre entre les mesures de soutien aux entreprises et à la consommation des ménages.
De plus, l’amendement présente cette décision comme le gage des mesures en faveur du pouvoir d’achat proposées par la majorité parlementaire ; or ces dernières ciblent uniquement les personnes qui paient l’impôt sur le revenu, alors que la TVA concerne tout le monde. Par conséquent – et ce serait ennuyeux pour des hommes et des femmes de gauche –, l’ensemble de ces amendements pourrait apparaître comme anti-redistributif.
M. Pascal Cherki. Je partage en grande partie le raisonnement économique du rapporteur général. Mais la politique repose aussi sur des symboles. Le Gouvernement doit assumer ses décisions, comme il l’a fait l’année dernière quand il nous a fait voter le CICE, ou quand il a décidé de créer le dispositif favorable aux « pigeons ». Aujourd’hui, on nous demande d’adopter, par voie d’amendement parlementaire, une disposition qui introduit le contraire de ce que nous avons vanté pendant un an. Sans être d’accord avec le principe du CICE, je n’ai cessé d’expliquer que le dispositif avait pour contrepartie la baisse de la TVA à 5 %. Un an après, on me demande de voter le contraire ; au-delà du débat sur le pouvoir d’achat, ce revirement sera difficile à expliquer.
Mme Marie-Christine Dalloz. Dans la LFI 2013, le produit attendu de la TVA s’élevait à 141,2 milliards d’euros. En cours d’année 2013, il était passé à 135,6 milliards. Vous venez de nous annoncer, monsieur le rapporteur général, que d’après les dernières données du mois d’août, on en est aujourd’hui à 89,5 milliards de TVA perçus ; tout semble donc aller bien. Mais dans l’énoncé de votre amendement, vous dites que l’« ensemble de ces mesures représente un ajustement à la baisse du produit attendu de la TVA estimé à près d’un milliard d’euros et davantage à terme ». Qu’est-ce que cela veut dire au plan budgétaire et fiscal ? Ce raisonnement concerne-t-il le produit attendu ou le produit réellement perçu ? Il ne faudrait pas qu’après le déficit structurel, l’on vienne nous parler de recettes structurelles !
M. Olivier Carré. Plutôt que de maintenir le taux réduit de TVA à 5,5 %, on aurait pu choisir d’augmenter le taux normal de seulement 0,1 ou 0,2 point, le rapport entre les assiettes étant de 1 à 5.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur général, vous n’avez pas répondu à ma question. Le Gouvernement prévoit pour 2014 une hausse des recettes de la TVA de 3,7 milliards d’euros ; or la modification des taux devrait rapporter 6,5 milliards supplémentaires. Par ailleurs, on s’attend à une progression nominale de la TVA dans des proportions normales. Le manque à gagner s’élève donc à quelque 5 milliards. Il faudrait expliquer ces chiffres.
Par ailleurs, je tiens à souligner que les dégrèvements, l’existence de la TVA intercommunautaire ou de celle sur le commerce électronique commencent à altérer le rendement global de cette taxe qui représente près de la moitié des recettes de l’État.
M. Pascal Terrasse. Il nous revient de trouver un équilibre budgétaire dans un cadre contraint ; nous nous y sommes engagés d’un point de vue européen, et nous devons respecter nos obligations. Le rapporteur et Dominique Lefebvre nous invitent, dans ce cadre, à trouver des solutions qui permettent de répondre à l’attente de nos concitoyens.
Ce matin, nous avons voté à l’unanimité la suppression de l’article 4 qui prévoyait d’abroger la réduction d’impôt pour frais de scolarité, renonçant par là à 450 millions d’euros. La baisse de la TVA sur les travaux de rénovation thermique – qui correspond à un engagement du Président de la République et que je salue – représente, pour sa part, quelque 500 à 800 millions d’euros. Ces dépenses exigent de trouver d’autres recettes.
Il ne s’agit pas d’augmenter la TVA – comme l’UMP a voulu le faire –, ni de la baisser, mais de laisser le taux réduit inchangé à 5,5 %. Ce taux concernant essentiellement les produits alimentaires, une baisse de 0,5 point ne se répercutera pas sur le panier du consommateur – à l’image de ce qui s’est passé pour la TVA sur la restauration ; le diminuer reviendra donc à faire un cadeau à la grande distribution. C’est pourquoi le dispositif proposé par l’amendement me paraît bon.
M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur, vous expliquez que renoncer à la baisse de 5,5 à 5 % rapportera 700 millions d’euros ; mais comme il manque encore 300 millions par rapport aux quatre mesures de baisse de TVA, qui coûtent un milliard, on va accélérer la contribution de la fiscalité écologique pour la porter à 300 millions. Comment le fera-t-on puisque d’après la déclaration gouvernementale, la fiscalité écologique sera neutre dans le produit du budget 2014 ?
M. Hervé Mariton. La démonstration, par Pascal Terrasse et ses collègues, du fait que la baisse du taux réduit de TVA de 5,5 à 5 % n’aurait eu aucun effet est en tout point contraire à celle qu’ils nous avaient livrée l’an dernier.
Le rapporteur général a dressé le bilan de ce que représenterait l’abandon de l’augmentation à 10 % de la TVA sur le logement social et la rénovation thermique. Mais, le taux à 10 % n’ayant pas été appliqué, il serait plus cohérent de nous indiquer ce que représentera en 2014 pour le contribuable la baisse de cette taxe de 7 à 5,5 %. Au lieu de chiffrer un avantage virtuel, évaluez plutôt le gain réel.
M. Marc Le Fur. Nous sommes en octobre, la loi sera promulguée juste avant Noël, et les nouveaux taux – réduit et intermédiaire – de TVA s’appliqueront au 1er janvier 2014. Il est dommage de fournir cette information aux acteurs économiques si peu de temps avant que les règles n’entrent en vigueur ; nous aurions dû saisir l’occasion d’une loi de finances rectificative pour engager un débat sur la TVA.
Pendant des années, la gauche nous avait expliqué que la TVA représentait un impôt inique qu’il était injuste d’augmenter. Or ce budget consacre le retour du taux réduit à 5,5 %, ainsi que des augmentations du taux intermédiaire qui toucheront des consommations extrêmement sensibles. Ces hausses serviront à financer non des avantages aux particuliers, mais le CICE, la fiscalité des ménages finançant les aides aux entreprises.
Le Gouvernement n’a pas répondu à mes questions concernant la répartition de l’aide au titre du CICE selon les secteurs, mais notre collègue Jérôme Guedj a avancé dans la presse que le dispositif bénéficiait, pour plus de 2 milliards d’euros, à la grande distribution. Le secteur est emblématique, mais les montants sont sans doute comparables pour les banques et les assurances. Le CICE étant assis sur la masse salariale, il est logique que la grande distribution en profite largement ; cela est néanmoins gênant dans la mesure où ces aides considérables étaient censées être destinées à l’industrie.
Mme Christine Pires Beaune. Je soutiendrai cet amendement, avec d’autant moins de scrupules que je n’ai jamais cru à la répercussion d’une réduction de 0,5 point du taux de TVA sur le prix final des produits. Croyez-vous vraiment qu’une baguette, qui vaut 1 euro, serait vendue demain au prix de 0,995 euro ? L’expérience tentée il y a quelques années avec la baisse du taux de TVA sur la restauration a démontré la vacuité de la mesure. Ces 750 millions d’euros n’auraient pas profité au pouvoir d’achat des ménages, mais seraient directement allés dans la poche des grandes surfaces.
M. Jean-Louis Gagnaire. Lorsqu’on avait envisagé la baisse du taux réduit de TVA de 5,5 à 5 %, on n’avait pas prévu de diminuer le taux de TVA sur la rénovation thermique, et on l’avait à peine évoqué pour le logement social. Certes, c’est le Président de la République qui a annoncé la mesure sur la rénovation thermique, mais nous l’y avons collectivement poussé. Ce sujet a été largement abordé lors des débats sur la transition énergétique, et les entreprises du bâtiment appellent cette mesure de leurs vœux. Cette baisse – qui représente une vraie bonne disposition pour les particuliers et pour les entreprises, permettant de soutenir l’activité dans le bâtiment de manière intelligente – a un coût ; il faut donc trouver des ressources correspondantes. Si l’on s’y refuse, préférant baisser le taux réduit de TVA de 5,5 à 5 %, alors on doit décider collectivement de ne pas baisser la TVA sur ce type de travaux, ni sur le logement social.
Les 750 millions d’euros évoqués par le rapporteur ne concernent que la différence entre le taux à 5,5 et à 5 % ; augmenter le taux sur le logement social et sur la rénovation thermique à 10 % engendrerait un gain bien supérieur.
Cela semble avoir échappé à beaucoup d’entre vous, mais l’amendement propose de différer la baisse du taux réduit jusqu’à retour à meilleure fortune. Nombreux sont ceux qui, dans cette commission, ont soutenu que la hausse de la TVA n’avait pas de répercussion sur les prix puisque les entreprises la compensaient sur leurs marges. Ce point de vue – que nous ne partageons pas – n’a jamais été vérifié ; on sait en revanche avec certitude que la baisse de la TVA, elle, n’a pas d’effet, surtout s’il s’agit de 0,5 point appliqué à un taux déjà assez bas. Je pense donc qu’il faut absolument voter cet amendement.
M. Dominique Lefebvre. Trois points apparaissent essentiels au groupe SRC. D’abord, les articles que nous aurons à voter doivent absolument respecter l’objectif général d’équilibre, et nous n’adopterons pas d’amendements qui pourraient le dégrader. Par conséquent, tous les amendements ayant un impact sur le solde doivent être solidement financés – ce qui exclut les gages formels comme les produits du tabac.
Par ailleurs, les deux auteurs de cet amendement ont situé le débat exclusivement à l’intérieur de l’enveloppe TVA, indépendamment de toute autre mesure à financer ; les dispositions votées ce matin doivent donc s’adosser à d’autres recettes. Nous intervenons à l’intérieur du redéploiement sur lequel nous nous sommes engagés l’année dernière ; il n’est donc pas responsable – sauf à avoir un autre gage effectif – de soutenir l’amendement sur la TVA à taux réduit pour la rénovation thermique et de s’opposer en même temps à son financement.
Enfin, certains commissaires socialistes déposeront des amendements afin de poursuivre le dialogue avec le Gouvernement sur le CIR ; mais puisqu’il s’agit d’un crédit d’impôt, les mesures éventuelles ne régleront en aucun cas la question de l’équilibre budgétaire pour 2014 ; leur impact financier ne se fera sentir qu’en 2015.
Cet amendement – qui vise à nous permettre d’assumer au mieux nos responsabilités – doit être adopté.
M. Le rapporteur général. Madame Sas, M. Lefebvre a opportunément rappelé que le CIR étant une mesure de crédit d’impôt, les recettes éventuelles que l’on peut prévoir pour 2015 ne règlent en rien le problème de l’équilibre pour 2014. Cependant, nous avons réfléchi à cette question, et des amendements en ce sens seront proposés.
Monsieur Sansu, j’ai été le premier à soulever, sur mon blog, la question de la répartition du CICE selon les secteurs. En décembre dernier, j’y ai notamment évoqué le problème de la grande distribution et du secteur hospitalier et médico-social, ainsi que les contradictions auxquelles nous pourrions faire face. Devant l’éternelle question de la simplicité et de la justesse, nous avons tranché en faveur de la première : sur le modèle des allégements Fillon – système complexe, mais désormais connu de toutes les entreprises, experts comptables et services de paie –, le dispositif représente, pour les salaires situés entre 1 et 2,5 fois le SMIC, un taux de 4 % la première année et 6 % la deuxième. La simplicité et l’universalité représentent le premier avantage du CICE ; le deuxième est de nous faire gagner une année de trésorerie. Comme il s’agit d’un crédit d’impôt, les entreprises le font figurer dans les comptes en 2013, alors que nous ne le payons qu’en 2014, comme pour le CIR.
Il est, en revanche, difficile de borner le dispositif à certains secteurs seulement. Le principe d’égalité devant l’impôt rend la sectorisation impossible ; quand bien même nous adopterions ici, voire dans l’hémicycle, le principe selon lequel les experts comptables, les notaires, le secteur du commerce ou encore les hypermarchés en seraient exclus, cette décision serait immédiatement invalidée par le Conseil constitutionnel. Plusieurs collègues – dont M. Sansu – ont suggéré qu’il faudrait le réserver aux seules entreprises soumises à la concurrence internationale. Si je peux entendre ce principe, la Commission européenne risque de se montrer moins compréhensive, cette proposition étant exactement contraire à ce qu’elle développe depuis des années – qu’on l’approuve ou non.
Cette difficulté peut néanmoins être contournée par le biais d’autres dispositifs fiscaux. Par exemple, dans le secteur hospitalier – où les cliniques privées bénéficient du CICE alors que l’hôpital à but non lucratif, et a fortiori l’hôpital public, qui ne paient pas d’impôt sur les sociétés, n’en bénéficient pas –, nous pouvons nous rattraper sur la fixation des tarifs. C’est ce que le Gouvernement a fait cette année, après y avoir renoncé l’année dernière. Cet élément devra être pris en compte dans le débat sur la convergence ou non de la tarification entre l’hôpital public et privé.
Dans le domaine du commerce et de la grande distribution, certains impôts spécifiques pourraient également mériter un traitement différencié. Ainsi, par exemple, la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom) qui touche les grandes surfaces pourrait faire l’objet d’un réexamen à la lumière du fait que ce secteur bénéficie du CICE – et peut-être plus massivement encore que ce que vous avancez.
Le président de la Commission a posé des questions à Pierre Moscovici et en a reçu les réponses ; à lui de les dévoiler. Elles sont exprimées en pourcentages plutôt qu’en milliards, mais il suffit de multiplier la masse par le pourcentage pour obtenir le chiffre en valeur absolue.
J’ai moi-même demandé aux plus grandes entreprises de notre pays d’évaluer l’impact du CICE sur leur activité et celui des évolutions de la TVA sur leur tarification. Quelques éléments de réponse – malheureusement anonymes, à la demande des entreprises – figurent dans le rapport.
Voilà ce que je peux vous répondre à ce stade. Nous pourrons vous communiquer les réponses de M. Moscovici : vous verrez que le poids de l’industrie dans le CICE est plus important que dans l’économie, tandis que celui des banques y est plus faible – même si, bien entendu, il n’est pas nul. Après l’intégration du crédit d’impôt suite aux déclarations d’impôt sur les sociétés, voire d’impôt sur le revenu, nous pourrons faire un bilan chiffré secteur par secteur. Certains cabinets ont du reste produit des études sur ces questions.
Monsieur Baumel, je vous rappelle que les entreprises ne paient pas la TVA, mais qu’elles n’en sont que le collecteur. Par ailleurs l’architecture de financement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi est respecté. Il n’y a pas eu de transfert des entreprises aux ménages entre ce qui a été voté fin décembre et ce que nous vous proposons aujourd’hui.
Monsieur Carré, 3 milliards d’euros de TVA sont transférés par le PLF 2014 sur les budgets sociaux. De fait, ces recettes sont immédiatement affectées pour partie à l’État et pour partie aux budgets sociaux.
Monsieur de Courson, le Gouvernement avait annoncé que la fiscalité environnementale serait neutre pour les carburants : elle ne le sera donc pas pour l’ensemble des énergies.
Monsieur Mariton, les chiffres des économies de TVA ne sont pas virtuels : je les calcule toujours de la même façon, à partir des chiffres correspondant à la situation en vigueur. Je précise en outre qu’un point de TVA à 5,5 % correspond environ à 1,5 milliard d’euros et à 6,6 milliards d’euros pour un taux de 19,6 %. À vous de juger.
La Commission adopte l’amendement I-CF 477 (amendement n° 279).
*
* *
Article 7
Baisse du taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable
aux entrées dans les salles de cinéma
Texte du projet de loi :
I. – L’article L. 334-1 du code du cinéma et de l’image animée est abrogé.
II. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
A. – L’article 278-0 bis est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« G. – Les droits d’entrée dans les salles de spectacles cinématographiques quels que soient le procédé de fixation ou de transmission et la nature du support des œuvres ou documents audiovisuels qui sont présentés. » ;
B. – Le b quinquies de l’article 279 est abrogé.
C. – Au troisième alinéa du 2° du 1 du I de l’article 297, les mots : « E et F » sont remplacés par les mots : « E, F et G ».
III. – Le II s’applique aux opérations pour lesquelles la taxe sur la valeur ajoutée est exigible à compter du 1er janvier 2014.
Observations et décisions de la Commission :
Conformément à l’article 279 du code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 7 % en ce qui concerne les droits d'entrée dans les salles de spectacles cinématographiques, quels que soient le procédé de fixation ou de transmission et la nature du support des œuvres ou documents audiovisuels qui sont présentés.
L’article 68 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 porte le taux de TVA intermédiaire de 7 % à 10 % à compter du 1er janvier 2014.
Les billets de cinéma vendus dans le cadre de projections organisées par certains ciné-clubs ou organismes associatifs peuvent être exonérés de TVA. L'article 261 du CGI exonère en effet de TVA les organismes sans but lucratif au titre des services à caractère social, éducatif, culturel ou sportif qu'ils rendent à leurs membres ainsi que, dans certaines limites, des ventes accessoires qu'ils leur consentent, lorsqu’ils ont pour objet de satisfaire les seuls besoins de leurs adhérents et qu’ils tirent la plus grande partie, sinon la totalité, de leurs ressources des cotisations et de recettes plus directement liées à la fourniture de services payants.
Conformément à l’article 279 bis du CGI, le taux réduit de TVA ne s'applique pas à la vente de billets donnant accès à des projections de films pornographiques ou d'incitation à la violence, désignés par le ministre chargé de la culture, après avis de la commission de classification des œuvres cinématographiques, ou effectuées dans des établissements dont l'accès est interdit aux mineurs.
Le g. de l’article 279 du CGI soumet au taux intermédiaire de 7 % les cessions des droits patrimoniaux reconnus par la loi aux auteurs des œuvres de l'esprit et aux artistes-interprètes ainsi que de tous droits portant sur les œuvres cinématographiques et sur les livres, à l’exception des droits portant sur les films visés à l’article 279 bis du CGI, qui sont soumis au taux normal.
Les articles L. 115-1 à L. 115-5 du code du cinéma et de l’image animée prévoient l’affectation au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) du produit d'une taxe, due par les exploitants de salles, assise sur le prix des entrées aux séances organisées par les exploitants d'établissements de spectacles cinématographiques situés en France métropolitaine. Le taux de cette taxe, dite taxe spéciale additionnelle (TSA) sur les entrées en salles de cinéma, est de 10,72 %. La TSA est elle-même soumise à la TVA. 144 millions d’euros ont été recouvrés en 2012 au titre de la TSA, soit 19,2 % des recettes du fonds de soutien du CNC.
Les taux applicables aux billets de cinéma varient beaucoup selon les différents États membres de l’Union européenne, de 3 % à 27 %, et plusieurs cas d’exonérations sont prévus (notamment pour certaines projections organisées par des associations à but non lucratif). Le taux est notamment de 7 % en Allemagne, 7 % en Italie, 20 % au Royaume-Uni et 21 % en Espagne.
TAUX DE TVA APPLICABLES AUX SERVICES CULTURELS, en %
États membres |
Sigles |
Taux applicable aux services culturels : cinéma, spectacles et théâtre |
Type de taux |
Luxembourg |
LU |
3 |
Super réduit |
Chypre |
CY |
Exonération ou 5 |
Réduit |
Malte |
MT |
5 |
Réduit |
Croatie |
HR |
5 pour le cinéma 10 pour les concerts 25 |
Réduit Intermédiaire Normal |
Belgique |
BE |
Exonération ou 6 |
Réduit |
Pays-Bas |
NL |
6 |
Réduit |
Suède |
SE |
6 |
Réduit |
Allemagne |
DE |
Exonération ou 7 |
Réduit |
Irlande |
IE |
Exonération 9 |
Réduit |
Slovénie |
SI |
9,5 |
Réduit |
Finlande |
FI |
10 |
Réduit |
Italie |
IT |
10 |
Réduit |
Autriche |
AT |
Exonération ou 10 |
Réduit |
République tchèque |
CZ |
15 |
Réduit |
France |
FR |
Exonération 5,5 7 pour le cinéma 19,6 |
Réduit intermédiaire |
Pologne |
PL |
8 |
Intermédiaire |
Roumanie |
RO |
9 |
Intermédiaire |
Portugal |
PT |
Exonération ou 13 |
Intermédiaire |
Grèce |
EL |
13 6,5 pour le théâtre |
Intermédiaire Réduit |
République slovaque |
SK |
Exonération ou 20 |
Normal |
Royaume-Uni |
UK |
20 |
Normal |
Estonie |
EE |
20 |
Normal |
Bulgarie |
BG |
20 |
Normal |
Lettonie |
LV |
Exonération ou 21 |
Normal |
Lituanie |
LT |
Exonération (organismes sans but lucratif) ou 21 |
Normal |
Danemark |
DK |
25 |
Normal, taux unique |
Hongrie |
HU |
27 |
Normal |
Source : Commission européenne, 1er juillet 2013.
Les taux de TVA applicables aux différents biens et services culturels varient de 2,1 à 7 %. Ils sont présentés dans le tableau suivant, par ordre décroissant de la valeur du point de TVA.
Livraisons de biens |
Taux 2013 |
Valeur du point de TVA, en millions d’euros |
Taux prévu 2014 |
Impact de la LFI 2013 pour l’État, en millions d’euros |
Ventes, commissions et courtages portant sur les publications de presse |
2,1 % |
55 |
2,1 % |
- |
Contribution à l'audiovisuel public |
2,1 % |
35,8 |
2,1 % |
- |
Recettes réalisées aux entrées des premières représentations théâtrales d'œuvres dramatiques, lyriques, musicales ou chorégraphiques |
2,1 % |
18,2 |
2,1 % |
- |
Livres, y compris leur location, sur tout type de support physique, y compris ceux fournis par téléchargement |
5,5 % |
46 |
5 % |
– 23 |
Théâtres, chansonniers, cirques, concerts ; spectacles de variétés |
5,5 % |
13 |
5 % |
– 6,5 |
Abonnements télévision |
7 % |
35 |
10 % |
+ 105 |
Billets de cinéma |
7 % |
13 |
10 % |
+ 39 |
Droits d’auteurs |
7 % |
12,15 |
10 % |
+ 36,45 |
Droits d'entrée perçus pour la visite des parcs à thème culturel |
7 % |
9 |
10 % |
+ 27 |
Billets de musées, monuments, grottes et sites et expositions culturelles |
7 % |
2,72 |
10 % |
+ 8,16 |
Œuvres d'art : importations, ventes effectuées par leur auteur ou leurs ayants droit, ou par des entreprises qui ont acheté, dans le cadre du mécénat, des œuvres comptabilisées en immobilisation ; importations et acquisitions intracommunautaires d'objets de collection et d'antiquité |
7 % |
1 |
10 % |
+ 3 |
Périodiques n'ayant pas la qualité de publication de presse mais répondant à la définition fiscale du livre |
5,5 % |
ND |
5 % |
ND |
Travaux de composition et d'impression des écrits périodiques |
7 % |
ND |
10 % |
ND |
Fournitures d'éléments d'information faites par les agences de presse |
7 % |
ND |
10 % |
ND |
Cession ou rétrocession par une entreprise de presse, d'éléments d'information à une autre entreprise de presse en vue de l'édition des journaux |
7 % |
ND |
10 % |
ND |
Les rémunérations versées par les collectivités territoriales pour la mise en œuvre d'un contrat d'objectifs et de moyens correspondant à l'édition d'un service de télévision locale |
7 % |
ND |
10 % |
ND |
Droits d’entrée parcs zoologiques et botaniques |
7 % |
ND |
10 % |
ND |
Total général |
240,9 |
+ 189,1 |
Sources : ministère de la Culture, Voies et moyens.
Le présent article propose de soumettre les droits d’entrée dans les salles de cinéma au taux réduit de 5 %, à compter du 1er janvier 2014. Le taux applicable serait ainsi inférieur de 10 % (soit 0,5 %) au taux de 5,5 %, qui était applicable jusqu’au 31 décembre 2011. Un amendement du rapporteur général propose toutefois le maintien du taux de TVA à 5,5 %.
La mesure proposée est conforme aux dispositions de la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée : le point 7 de l’annexe III prévoit la possibilité pour les États membres d’appliquer un taux réduit de TVA au droit d’admission aux spectacles, théâtres, cirques, foires, parcs d’attraction, concerts, musées, zoos, cinémas, expositions et manifestations et établissements culturels similaires.
L’alinéa 6 du présent article supprime les droits d'entrée dans les salles de spectacles cinématographiques de la liste des biens et prestations de services soumis par l’article 279 du CGI au taux de TVA intermédiaire de 7 %, tandis que l’alinéa 5 insère une mention de ces droits dans l’article 278-0 bis du CGI, qui énumère les biens et services soumis actuellement au taux réduit de TVA de 5,5 % puis de 5 % à compter du 1er janvier 2014.
L’alinéa 7 opère une coordination à l’article 297 du CGI, afin de maintenir le bénéfice du taux de TVA de 2,1 %, particulier à la Corse, aux billets de cinéma vendus sur cette île.
Les alinéas 1 à 3 du présent article modifient par coordination l’article L. 334-1 du code du cinéma et de l’image animée, relatif au taux de TVA applicable aux billets de cinéma.
Dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion, la TVA reste perçue au taux réduit de 2,1 % sur les billets de cinéma, sans qu’il soit besoin de modification législative. La TVA n'est pas applicable dans le département de la Guyane.
Le présent article ne modifie pas le taux de TVA applicable aux cessions de droits patrimoniaux portant sur les films, qui demeurent soumis au taux intermédiaire. Ce taux sera de 10 % à compter du 1er janvier 2014.
Le dernier alinéa du présent article prévoit que le changement de taux s’applique aux opérations pour lesquelles la TVA est exigible à compter du 1er janvier 2014.
Conformément aux dispositions de l'article 269 du CGI, le fait générateur de la TVA se produit pour les prestations de services, lorsque la prestation est effectuée et la taxe est exigible, en règle générale, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, ou de la rémunération.
Les billets ou cartes d’abonnement vendus avant le 1er janvier 2014 resteront donc soumis au taux de 7 %.
Dans l’évaluation préalable du présent article, le Gouvernement chiffre le coût de cette mesure à 55 millions d’euros en 2014 et 60 millions d’euros les années suivantes, à partir des données suivantes : en 2012, 203,4 millions de billets ont été vendus au prix moyen de 6,42 euros TTC. Le passage du taux intermédiaire de 10 % au taux réduit de 5 % à compter du 1er janvier 2014 entraînera dès lors un coût de 61 millions d’euros (arrondis à 60 millions).
Un point de TVA sur les billets de cinéma correspond donc à 12,2 millions d’euros (40). Le montant de la dépense fiscale, calculé par rapport au taux normal, serait de 183 millions d’euros en 2014 et la perte de recettes par rapport à 2013, de 24,4 millions d’euros.
Compte tenu de l’entrée en vigueur fixée au 1er janvier 2014, l’impact sera de 55 millions d’euros la première année, puisque la TVA est déclarée avec un mois de décalage.
Toutes choses égales par ailleurs, l’impact de la mesure, telle qu’elle sera ressentie par les spectateurs (baisse de 7 % à 5 %), sera une réduction de douze centimes, pour un prix du billet TTC de 6,42 euros et de trente centimes par rapport au taux prévu à compter du 1er janvier 2014 (10 %). Sans la mesure proposée par le présent article, il aurait au contraire dû payer dix-huit centimes de plus par billet.
Selon l’INSEE, les dépenses culturelles et de loisirs représentaient en 2011 8,4 % de la dépense de consommation des ménages français, le premier poste de ces dépenses regroupant les services culturels, à hauteur de 17,4 %. Ceux-ci regroupent notamment la contribution à l'audiovisuel public, les dépenses de cinéma, concerts, théâtre et autres spectacles vivants, musées, et les abonnements audiovisuels.
S’agissant de la fréquentation des cinémas, on peut constater une forte hausse en tendance par rapport à l’année 2000, puis 2005 jusqu’en 2011. En revanche, la fréquentation tend à diminuer depuis 2012 (– 13,2 millions de billets en 2012).
FRÉQUENTATION DU CINÉMA EN FRANCE MÉTROPOLITAINE
2000 |
2005 |
2010 |
2011 |
2012 | |
Nombre d’entrées (en millions de spectateurs) |
165,8 |
175,5 |
207 |
216,6 |
203,4 |
Nombre d’entrées moyen par habitant |
2,8 |
2,9 |
3,3 |
3,4 |
3,1 |
Source : INSEE, 2013.
Sur la période récente, selon les estimations du CNC en septembre 2013, 125,24 millions d’entrées ont été réalisées au cours des huit premiers mois de l’année, soit 5,8 % de moins que sur la période janvier-août 2012. Mais sur les douze derniers mois écoulés, les entrées dans les salles sont en recul de 9,0 % par rapport aux douze mois précédents. Sur les douze derniers mois, la part de marché des films français est estimée à 36,8 %, celle des films américains à 49,6 % et celle des autres films à 13,6 %.
*
* *
La Commission est saisie de l’amendement I-CF 376 de M. Charles de Courson, tendant à supprimer l’article 7.
M. Charles de Courson. L’amendement a pour objet de supprimer l’article 7. Quelle est en effet la justification d’une baisse de la TVA sur les entrées dans les salles de cinéma ? Pourquoi ne pas déposer aussi une multitude d’amendements proposant d’appliquer le taux réduit à toutes les activités de loisir ?
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
La Commission rejette cet amendement.
Puis elle est saisie de l’amendement I-CF 343 de Mme Annick Girardin.
Mme Annick Girardin. Cet amendement, soutenu notamment par M. Alain Tourret et Mme Jeanine Dubié, tend à restaurer le taux réduit de TVA qui était appliqué depuis 1972 aux entrées dans les parcs zoologiques. Cette activité représente 2 000 emplois en CDI et autant en CDD : la menace qui pourrait peser sur ces parcs peut être problématique pour certaines collectivités.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
La Commission rejette cet amendement.
Elle est alors saisie de l’amendement I-CF 377 de M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. L’amendement a pour objet de ramener le taux de la TVA sur les prestations de collecte, de tri et de traitement des déchets à 5 % ou 5,5 % – selon ce qui aura été voté –, au lieu de le faire passer de 7 % à 10 %. Cette question a été souvent abordée par notre Commission.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
La Commission rejette cet amendement.
La Commission examine ensuite l’amendement I-CF 378 de M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Cet amendement propose la même mesure que le précédent, appliquée cette fois aux transports publics de voyageurs. De fait, l’augmentation du taux de TVA sur les transports scolaires et urbains pèsera encore plus lourdement sur les budgets des départements et des communes.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
La Commission rejette cet amendement.
Elle est ensuite saisie de l’amendement I-CF 423 de Mme Sandrine Mazetier.
Mme Sandrine Mazetier. La Conférence des présidents s’étant opposée à ce que les présidents d’autres commissions déposent des amendements devant la nôtre, cet amendement est déposé, pour partie au moins, à l’initiative du président de la commission des Affaires culturelles. Il vise à appliquer le taux réduit de TVA aux abonnements à la télévision payante.
Les deux groupes qui bénéficiaient du taux réduit et qui ont vu ce taux augmenter n’ont pas les mêmes obligations en termes de financement de la création cinématographique : Numericable n’a en effet aucune obligation en la matière, tandis que Canal Plus est un grand financeur du cinéma. Pour ce groupe, l’augmentation de la TVA aurait une répercussion sur l’aide au cinéma, calculée sur son chiffre d’affaires hors taxe.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
M. le président Gilles Carrez. Madame Mazetier, à l’issue de la discussion que nous avons eue en Conférence des présidents, le Président de l’Assemblée nationale a accepté l’examen en commission des Finances d’amendements déposés par les membres d’autres commissions que la commission des Finances. L’amendement de M. Bloche ne figure pas dans la liasse, mais d’autres y sont. Si ces amendements n’ont pas été présentés, c’est parce que leurs auteurs ne sont pas venus les défendre.
M. Marc Goua. Au-delà des arguments avancés par Mme Mazetier, je souligne qu’un taux de TVA réduit contribuerait à rééquilibrer la position de Canal Plus face à des télévisions qui, bien qu’émettant en langue française, ont leur siège à l’étranger et bénéficient d’avantages fiscaux qui faussent la concurrence – je pense en particulier à beIN Sport.
M. Dominique Lefebvre. Nous avons déjà rejeté des demandes justifiées d’application du taux réduit de TVA à différents secteurs, comme les transports publics ou les déchets. Une telle réduction figure du reste dans le projet de loi de finances pour le cinéma, qui est un bien culturel. Pour ce qui est de la demande récurrente de Canal Plus, dont j’ai pu voir les expressions et les soutiens dans le monde du cinéma, l’argument culturel avancé est un cache-sexe et je ne saurais défendre cette mesure sans défendre aussi les autres. Du reste, la mesure proposée par l’amendement n’est pas financée. J’invite donc mes collègues à rejeter cet amendement.
La Commission rejette cet amendement.
Elle est ensuite saisie de l’amendement I-CF 232 de M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Cet amendement propose une mesure de simplification. En effet, lorsqu’on achète une salade sans couverts ou un sandwich chez un traiteur, le taux de TVA qui s’applique est de 5,5 %, tandis que ce taux passe à 7 % lorsque la salade est vendue avec des couverts ou le sandwich acheté dans une boulangerie. L’amendement propose d’harmoniser les taux au taux réduit.
M. le rapporteur général. Avis défavorable. Nous connaissons ces exemples, mais les gens ont fini par s’approprier cette complexité. Je vous rappelle en outre, chers collègues de l’opposition, que c’est vous qui avez mis en place ce système.
M. Marc Le Fur. Avec le passage du taux de 7 % à 10 %, l’écart entre les deux formes de consommation s’accroît. Il nous faut donc trouver des règles cohérentes qui ne nuisent pas à une saine concurrence et protègent des réalités économiques.
La Commission rejette cet amendement.
Puis elle adopte l’article 7 sans modification.
*
* *
La Commission est saisie d’une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 7.
Elle examine d’abord l’amendement I-CF 113 de M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu. Cet amendement, commun à plusieurs groupes parlementaires, tend à appliquer le taux réduit de TVA au bois de chauffage, à l’instar de ce qui se pratique pour les autres énergies.
M. le rapporteur général. Je rappelle que, pour les autres énergies, le taux de TVA est de 5,5 % pour l’abonnement, mais de 19,6 % pour la consommation.
La Commission rejette cet amendement.
Puis elle est saisie des amendements identiques I-CF 245 de M. Éric Alauzet, I-CF 13 de M. Marc Le Fur, I-CF 43 de M. Olivier Carré et I-CF 3 de Mme Marie-Christine Dalloz.
M. Éric Alauzet. Compte tenu du nombre d’amendements relatifs aux taux de TVA, je formulerai un commentaire général qui nous permettra de gagner du temps dans la présentation des amendements suivants. Le passage du taux de TVA de 7 % à 10 % concerne toute une catégorie de produits à haute valeur écologique. Cette TVA est un mauvais choix, mais il nous faut maintenant la gérer.
Par ailleurs, je comprends l’argument selon lequel le CICE compensera cette augmentation, mais ce n’est pas toujours vrai, en particulier pour ce qui concerne les déchets. Quant au bois énergie, nous en avons déjà parlé.
M. Marc Le Fur. La position des députés de l’opposition est très cohérente : il s’agissait pour nous d’augmenter le taux de TVA « normal », qui s’applique à des produits en grande partie importés – ce qui protège notre
industrie –, et d’épargner les taux « intermédiaires ». Vous avez fait le choix inverse, en augmentant ces taux intermédiaires.
Allons-nous expliquer à ceux de nos compatriotes qui ont entendu les arguments de l’écologie et qui ont fait le choix de se chauffer au bois – auquel ils ont du reste été encouragés durant de nombreuses années – que le taux de la TVA sur cette énergie va passer de 7 % à 10 % ? En deuxième lieu, les utilisateurs du chauffage au bois sont souvent des gens modestes. En troisième lieu, l’augmentation du taux de TVA sur le bois risque de multiplier les occasions de fraude, en encourageant le développement d’un marché parallèle.
J’invite donc mes collègues de gauche et écologistes à adopter cet amendement, dans un souci de cohérence.
M. Olivier Carré. Mon argumentation est la même que celle de M. Le Fur.
Mme Marie-Christine Dalloz. Tandis que l’augmentation du taux de TVA aura un impact considérable sur la filière de la forêt et de la sylviculture, le CICE ne pourra pas apporter de réponse pour l’ensemble de cette filière au niveau national. Celle-ci doit faire l’objet d’une grande attention, pour ce qui concerne tant la production que les consommateurs. Comme l’a justement souligné M. Le Fur, les personnes qui se chauffent au bois ont souvent des revenus relativement faibles. Puisque vous êtes sensibles à la question du pouvoir d’achat, soyez-le aussi pour les zones rurales et de montagne.
M. le rapporteur général. Si j’avais écouté toutes les délégations que j’ai reçues depuis un an, qui représentaient aussi bien le bois que la sylviculture, la télévision par câble ou les pépiniéristes et qui m’ont toutes affirmé que le taux de TVA était vital pour leur secteur et pour l’emploi, tous les produits bénéficieraient aujourd’hui du taux réduit de TVA. Je rappelle en outre qu’il existe en la matière une réglementation européenne.
Nous avons fait des choix et nous les assumons. Avis défavorable.
M. Olivier Carré. Monsieur le rapporteur général, il conviendrait de veiller à ce que le chauffage urbain et les réseaux de chaleur, qui ont fait l’objet de projets financés par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) et alimentent des milliers de personnes, ne perdent pas les avantages dont ils bénéficient en matière de TVA.
M. le rapporteur général. Le bois de chauffage est aujourd’hui soumis à la TVA de 7 %, comme les autres produits de la sylviculture agglomérés et les déchets de bois destinés au chauffage, et comme tous les produits d’origine agricole, de la pêche, de la pisciculture et de l’aviculture n’ayant subi aucune transformation.
Sont taxés au taux de 5,5 % les abonnements relatifs à la livraison d’électricité, de chaleur et de gaz naturel distribués par les réseaux, mais pas l’énergie elle-même. La fourniture de chaleur est taxée au même taux lorsqu’elle est produite au moins à 50 % à partir de biomasse. Le bois bénéficie quant à lui du taux à 5,5 % lorsqu’il est utilisé dans les réseaux de chaleur, mais pas lorsqu’il est acheté par des particuliers – le taux est alors de 7 %. Il est épargné par le verdissement de la taxe intérieure de consommation (TIC) et conserve donc un avantage relatif par rapport aux produits pétroliers, par ailleurs soumis à la TVA à 20 %.
Enfin, le bois contribue de façon non négligeable aux émissions de particules fines.
La Commission rejette les amendements identiques par un seul vote.
Puis elle examine l’amendement I-CF 435 de M. Éric Alauzet.
M. Éric Alauzet. Cet amendent tend à ramener à 5 % le taux de TVA applicable aux produits culturels et aux droits d’entrée dans les parcs et les zoos, musées et monuments.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
La Commission rejette cet amendement.
Elle examine ensuite l’amendement I-CF 28 de M. Marc Le Fur et les amendements I-CF 300, I-CF 299 et I-CF 301 de M. Éric Alauzet, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.
M. Marc Le Fur. Pour des raisons d’équilibre budgétaire, la hausse de la TVA sur la collecte et le traitement des déchets ménagers sera inévitablement répercutée sur les contribuables ; cela se fera, suivant les communes, soit via la taxe sur les ordures ménagères, soit via la redevance sur les ordures ménagères – deux contributions qui ont déjà augmenté récemment. La qualité des services risque également de baisser. Je crains que nos compatriotes ne le vivent mal. C’est pourquoi mon amendement tend à appliquer le taux réduit de TVA aux prestations de collecte, de tri et de traitement des déchets.
M. le président Gilles Carrez. Si j’en crois ce qui s’est dit à l’assemblée générale de l’Union des maires et des élus de l’Eure, l’augmentation représenterait à peu près 1 euro par habitant…
M. Éric Alauzet. Je défendrai ensemble les amendements I-CF 300, I-CF-299 et I-CF 301. Les effets du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) ne compenseront l’augmentation de 5 points de la TVA en quatre ans que dans la proportion d’à peine un tiers – et encore, puisque l’on estime, suivant les évaluations, que l’on récupérera entre 0,5 et 1,5 point de hausse. Cela aura des répercussions immédiates sur le pouvoir d’achat des habitants. Or il s’agit d’un sujet particulièrement sensible : l’encadrement de la gestion des déchets est relativement récent – il ne date que d’une trentaine d’années –, il a subi de nombreuses modifications et les coûts ne cessent de s’accroître ; la moindre augmentation étant très mal vécue, il convient d’agir avec prudence.
L’idéal serait d’assujettir l’ensemble de la gestion des déchets – collecte, tri et traitement – au taux réduit de TVA. Tel est l’objet de l’amendement I-CF 300, identique au précédent. Cependant, dans un souci de responsabilité budgétaire et afin de bien distinguer les filières de traitement, je propose deux amendements de repli, tous deux centrés sur l’économie circulaire, qui a fait l’objet de la première table ronde de la récente Conférence environnementale et qui est devenue emblématique de la possibilité de transformer les déchets en matière première secondaire ; cela permet ainsi de distinguer, d’un côté, la prévention, le recyclage et la valorisation matière, et, de l’autre, le traitement ultime, l’incinération et l’enfouissement. L’amendement I-CF 301 porte à la fois sur la collecte et le traitement, le I-CF 299 uniquement sur le traitement.
M. Christian Eckert, rapporteur général. J’émets un avis défavorable aux amendements I-CF 28 et I-CF 300. Quant aux deux autres, ils méritent réflexion ; il n’est pas exclu que l’un d’entre eux retienne notre attention après chiffrage et expertise. Je vous propose donc, monsieur Alauzet, de les retirer afin que nous y retravaillions ensemble dans la perspective d’un examen lors de la réunion tenue au titre de l’article 88.
M. Éric Alauzet. L’amendement I-CF 300 coûterait 200 millions d’euros, l’amendement I-CF 301 100 millions et l’amendement I-CF 299 50 millions. Mais j’accepte votre proposition et je retire mes trois amendements.
M. Marc Le Fur. Je ne comprends pas pourquoi le CICE devrait permettre un allègement des charges : rien n’oblige l’entreprise bénéficiaire à le répercuter positivement, que ce soit sur les usagers ou sur les clients !
M. Éric Alauzet. Dans les conventions de révision des prix des marchés publics, il est tenu compte de l’évolution de la masse salariale : dans la mesure où le CICE allège celle-ci, il serait logique que cela soit pris en compte au moins lors de la renégociation du contrat.
M. le président Gilles Carrez. Certes, mais il faudra alors se montrer cohérent lorsqu’il s’agira d’apprécier les récupérations par les entreprises du CICE auprès de leurs petits fournisseurs…
Les amendements I-CF 300, I-CF 299 et I-CF 301 sont retirés.
La Commission rejette l’amendement I-CF 28.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF 240 et I-CF 241 de Mme Eva Sas.
Mme Eva Sas. Mon premier amendement vise à appliquer le taux réduit de TVA aux activités de transport de voyageurs ; le second restreint cette mesure aux transports publics urbains. Il s’agit d’un secteur qui est au cœur à la fois de la transition écologique et du quotidien des Français. Étant donné le cap fixé par le Président de la République lors de la dernière Conférence environnementale, il serait incompréhensible que le prix du ticket de bus soit soumis à une hausse de la TVA alors que le kérosène utilisé pour les voyages d’affaires en avion sur le territoire métropolitain serait exonéré de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) ! Puisque l’on va augmenter la contribution climat-énergie sur le carburant des véhicules, il importe de favoriser le transport public collectif.
M. le rapporteur général. Avis défavorable : si je vous écoutais, tous les secteurs d’activité bénéficieraient du taux réduit de TVA ! Ces deux amendements sont particulièrement coûteux : on avoisine le milliard d’euros pour le premier, le demi-milliard pour le second. Votre démarche aurait pu être opportune, mais, dans la conjoncture budgétaire actuelle, il m’est impossible d’y accéder.
M. Charles de Courson. Ne pourrait-on pas au moins prendre une mesure partielle en faveur des transports scolaires ? L’augmentation de 7 à 10 % du taux de TVA coûtera quelque 100 millions d’euros, à la charge des départements !
M. le rapporteur général. Mais nous n’avons pas 100 millions d’euros en caisse, cher collègue ! J’ai examiné attentivement le « contre-budget » proposé par l’UMP, et je n’ai relevé aucune mesure de cette nature… Vous fustigez dans les médias la gabegie de dépenses publiques, mais tous vos amendements vont dans le sens d’une moindre recette ! J’ai reçu tout le monde : le Groupement des autorités responsables de transport, les pépiniéristes, les sylviculteurs : chaque fois, le même argument a été employé. Je suis désolé, mais nous n’avons pas les moyens de répondre à ces revendications.
M. Jean-Pierre Gorges. Pour une fois, je suis d’accord avec le rapporteur général : si l’on ne propose pas une économie intelligente pour la compenser, cela n’a aucun sens de demander une baisse du taux de TVA. On déplore d’avoir 82 milliards d’euros de déficit, mais on en rajoute chaque fois ! Acceptons de faire une pause, et ne discutons pas pendant des heures sur des choses impossibles.
M. Hervé Mariton. Si le rapporteur général a tort de soutenir un exercice qui aboutit à une augmentation des impôts, il a raison de vouloir introduire le moins d’exceptions possible – encore en a-t-il accepté quelques-unes.
Mme Eva Sas. Je comprends votre position, mais nous proposons aussi des recettes supplémentaires, notamment la suppression des niches fiscales anti-écologiques, comme celle sur le kérosène.
M. le président Gilles Carrez. Et avez-vous trouvé des économies à faire ?
Mme Eva Sas. Pour moi, la suppression des niches fiscales anti-écologiques en est une !
M. le président Gilles Carrez. C’est une augmentation de recettes…
Mme Eva Sas. Avez-vous un seul argument pour justifier l’exonération de TICPE dont bénéficie le kérosène ?
M. le rapporteur général. Oui : le plan social d’Air France.
La Commission rejette les amendements I-CF 240 et I-CF241.
Elle en vient à l’amendement I-CF 302 de M. Éric Alauzet.
M. Éric Alauzet. Cet amendement vise à appliquer le taux réduit de TVA aux services de distribution d’eau et d’assainissement, qui sont à haute valeur écologique.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la Commission rejette l’amendement.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements I-CF 2 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF 31 de M. Marc Le Fur.
Mme Marie-Christine Dalloz. Il convient de simplifier la fiscalité sur les produits alimentaires. Arrêtons les distinguos illisibles et revenons au dispositif antérieur, qui différenciait, d’une part, les produits d’alimentation bénéficiant pour leur consommation d’un service – qu’ils soient servis à table ou consommés sur place – et, d’autre part, les aliments de première nécessité vendus à emporter, dont la TVA doit être identique à celle des produits d’alimentation. Tel est l’objet de mon amendement.
M. Marc Le Fur. Mon amendement porte sur le même objet, mais il apporte des réponses différentes.
La différence entre les deux taux de TVA, jusqu’alors modique – 5,5 % et 7 % –, va augmenter en raison de la hausse du taux intermédiaire de 7 à 10 %. Dans certains commerces du type restauration rapide, il reviendra à l’usager de choisir entre le produit à consommer sur place – soumis au taux de 10 % – et le produit à emporter – soumis au taux de 5 %. En l’absence de contrôle, on devine ce qu’il fera…
Cela provoquera une distorsion de concurrence, puisque chez McDo, on aura le choix entre les deux tarifications, alors que ce ne sera pas le cas au restaurant ouvrier. Afin d’y remédier, je propose d’interdire la double tarification, en posant un principe simple : que les établissements offrant des services connexes soient assujettis au taux de TVA applicable aux restaurants, et que les autres, où la consommation se fait à l’extérieur du magasin, bénéficient du taux réduit. Peut-être ne s’agit-il pas de la bonne réponse, mais cela a le mérite de poser le problème.
M. le rapporteur général. Monsieur Le Fur, je suis sensible à votre argumentation, mais je ne suis pas sûr que votre solution soit plus simple que le système actuellement en vigueur. Cela demande à être étudié. Pour l’heure, j’émets un avis défavorable à votre amendement.
Même avis sur l’amendement de Mme Dalloz.
M. Jean-Pierre Gorges. À l’époque, je m’étais opposé à la baisse du taux de la TVA sur la restauration ; c’était une erreur, qui a coûté 3,5 milliards d’euros. Avec ces taux multiples, la situation devient carrément absurde ! On demanderait aux gens de configurer leur espace commercial en fonction de nos décisions : mais où va-t-on ?
Vous cherchez de l’argent, monsieur le rapporteur général ? Pourquoi ne pas saisir l’occasion de l’augmentation du taux intermédiaire de TVA pour ramener tout le monde à 10 % ? N’obligez pas le consommateur à regarder les étiquettes pour savoir s’il doit manger debout ou assis, dedans ou dehors : nous nous ridiculisons !
M. Hervé Mariton. Et qu’en est-il lorsque le lieu de restauration se déplace ? Au bar du TGV, quand les taux de TVA étaient distincts, on demandait si c’était pour consommer sur place ou à emporter, mais le prix appliqué était le même…
M. le président Gilles Carrez. Ne compliquez pas les choses, monsieur Mariton !
M. Le Fur a raison : l’augmentation du différentiel de taux va nous imposer de reconsidérer la question.
M. Marc Le Fur. Il va falloir arbitrer entre trois réseaux : les boulangeries traditionnelles, où la vente est à emporter, le restaurant ouvrier classique, où le taux sera de 10 %, et la restauration intermédiaire. Si cette dernière continue à appliquer deux taux, cela provoquera un détournement de la fiscalité, au détriment non seulement de l’État, mais aussi des deux autres réseaux.
La Commission rejette les amendements I-CF 2 et I-CF 31.
Elle en vient à l’amendement I-CF 433 de Mme Eva Sas.
M. Éric Alauzet. Cet amendement vise, pour un coût modéré, à soutenir le secteur de la restauration collective bio, en appliquant le taux réduit de TVA aux produits biologiques vendus en restauration hors foyer. Une telle mesure serait susceptible de créer de nombreux emplois et de redynamiser le territoire.
M. le rapporteur général. Avis défavorable : si cet amendement était adopté, la situation deviendrait d’une rare complexité ! Comment fera-t-on si les légumes sont bios, mais pas la viande ? Il existe d’autres moyens – y compris fiscaux – pour soutenir la filière.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement I-CF 29 de M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur. Les animaux de compagnie seront les principales victimes de l’augmentation de la TVA, puisque, pour les prestations correspondant à leur élevage et à leur vente directe, le taux passera non pas à 10 %, mais à 20 %. Cet amendement vise à leur appliquer le taux réduit.
M. le rapporteur général. Le problème s’était posé à l’échelon communautaire au sujet du cheval… Avis défavorable : on ne mange pas les animaux domestiques !
La Commission rejette l’amendement.
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Article additionnel après l’article 7
Taux réduit de TVA applicable aux travaux d’amélioration de la qualité énergétique des logements
La Commission examine l’amendement I-CF 475 de M. Dominique Lefebvre.
M. Dominique Lefebvre. Lors de la Conférence environnementale, le Président de la République a annoncé des mesures en faveur de la transition énergétique, notamment dans le domaine du logement. L’amendement vise, dans cette optique, à soumettre les travaux d’amélioration de la performance énergétique au taux réduit de TVA à 5,5 %. Seraient visées les opérations éligibles au crédit d’impôt développement durable (CIDD) ; les autres travaux demeureraient assujettis au taux qui leur est propre.
Cette mesure, en plus de contribuer à la transition énergétique, améliorera le pouvoir d’achat tout en réduisant les dépenses et la facture énergétique des ménages ; enfin, elle soutiendra l’activité et l’emploi dans le secteur du bâtiment. Elle devrait donc recueillir l’unanimité au sein de notre commission, d’autant que son coût, de 500 à 700 millions d’euros, sera financé par le maintien du taux de TVA à 5,5 %.
M. le rapporteur général. Avis favorable.
Mme Eva Sas. Cet amendement, auquel j’apporte un soutien résolu, est cohérent avec le plan de rénovation thermique, qui doit porter le nombre de rénovations à 270 000 par an dès 2014, contre 150 000 à l’heure actuelle.
La baisse de la TVA sur les travaux de rénovation thermique contribuera non seulement à réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi à développer l’emploi. Selon les estimations, l’ensemble du plan de rénovation thermique devrait créer 75 000 emplois.
Je remercie le groupe SRC pour cet amendement, et demande à ses auteurs de nous y associer d’ici à l’examen en séance.
M. Hervé Mariton. Pourrait-on nous donner des exemples précis des travaux concernés ? Ce type de disposition pose toujours des problèmes d’application : le législateur doit donc être précis sur le champ visé.
M. Charles de Courson. Je suis moi aussi favorable à cet amendement, mais j’aimerais savoir s’il intègre les travaux induits, à l’instar notamment de l’article 19, qui pour le coup ne vise pas le même champ.
M. Marc Le Fur. Sur quelle base un plombier-chauffagiste pourra-t-il faire la répartition entre les taux respectivement applicables aux deux types de travaux ?
M. Jean-Pierre Gorges. De telles mesures provoquent toujours des effets d’aubaine. Le coût de celle dont nous parlons – quelque 500 millions d’euros – justifierait à tout le moins une étude d’impact.
L’éligibilité, dont le rapport de la Cour des comptes a montré qu’elle constitue la principale difficulté du crédit d’impôt recherche, doit par ailleurs être précisée ; faute de quoi, l’application relèvera de la subjectivité des professionnels, et le coût sera bien plus élevé.
Mme Annick Girardin. Le groupe RRDP salue cette mesure favorable à l’emploi, à la croissance et à la transition énergétique. L’isolation des logements est en effet une impérieuse nécessité pour nos concitoyens les plus modestes, au regard de leur facture d’énergie. L’amendement donnera de surcroît un « coup de pouce » au secteur du bâtiment. Je n’ai pas d’inquiétudes, enfin, sur la définition de critères d’éligibilité précis.
Mme Christine Pires Beaune. En plus d’aider l’ensemble des professionnels du bâtiment et de soutenir l’emploi, cette mesure favorisera la formation professionnelle, puisque le secteur du bâtiment emploie beaucoup d’apprentis. Elle intéresse les ménages, à commencer par les plus modestes, qui consacrent une part trop importante de leur budget à l’énergie, et permet enfin de lutter contre le travail au noir, répandu dans ce secteur.
M. Éric Alauzet. Cette mesure, conjuguée à la TVA réduite sur le logement social, au recentrage du CIDD et à d’autres aides financières pour les travaux, peut avoir un effet dynamisant sur l’ensemble du secteur et sur la confiance des professionnels.
Mme Carole Delga. J’approuve également cette mesure de soutien à l’emploi, au pouvoir d’achat et au secteur du bâtiment. Celui-ci, faut-il le rappeler, n’est pas délocalisable, et son développement est neutre pour la balance commerciale. C’est avec de telles mesures que notre pays peut renouer avec la croissance.
M. le rapporteur général. Aux termes de l’article 200 quater du code général des impôts, modifié par l’article 56 du projet de loi, monsieur Mariton, sont éligibles au CIDD les dépenses consenties pour l’acquisition de « chaudières à condensation », de « matériaux d’isolation thermique des parois vitrées, de volets isolants ou de portes d’entrée donnant sur l’extérieur », d’« équipements de raccordement à un réseau de chaleur, alimenté majoritairement par des énergies renouvelables ou par une installation de cogénération […], d’équipements de production d’énergie utilisant une source d’énergie renouvelable […], à l’exception des équipements de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil », de « matériaux d’isolation thermique des parois opaques », de « matériaux de calorifugeage de tout ou partie d’une installation de production ou de distribution de chaleur ou d’eau chaude sanitaire ».
L’article 18 bis de l’annexe IV du même code donne plus de détails sur cette liste.
A priori, les travaux induits ne sont pas pris en compte : nous pourrions peut-être demander l’avis du Gouvernement sur ce point.
S’agissant enfin de la main-d’œuvre, monsieur Le Fur, c’est le principe de la proratisation qui s’applique.
M. Dominique Lefebvre. Je me félicite de l’unanimité qui semble se dessiner sur cet amendement, et j’invite bien volontiers Mme Sas et M. Alauzet à s’y associer.
M. Hervé Mariton. L’article 18 bis de l’annexe IV du code général des impôts concerne l’habitation principale. L’amendement opère-t-il une distinction en fonction de la destination des logements ?
M. le rapporteur général. Non, tous les logements achevés depuis plus de deux ans sont concernés.
Mme Sandrine Mazetier. Je salue cette importante avancée, qui prend sens par rapport à d’autres mesures que nous avons votées.
Puisque l’on s’interroge sur le champ concerné, je veux rappeler que le respect de la loi, en matière fiscale, peut s’avérer difficile. Il arrive que des contribuables se trompent sur l’application d’un taux de TVA ; d’où la nécessité d’un dialogue avec l’administration fiscale.
M. le rapporteur général. Le coût de la mesure est bien entendu une prévision. Le chiffrage initial, 750 millions d’euros, reposait sur les données de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) ; un nouveau calcul relatif au CIDD l’a ramené à 500 millions. Mais il peut bien entendu évoluer.
La Commission adopte l’amendement I-CF 475 (amendement I-280).
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Article additionnel après l’article 7
Passage au taux normal de TVA des engrais autres que ceux utilisables dans l’agriculture biologique
La Commission examine, en discussion commune, les amendements I-CF 476 du rapporteur général, I-CF 359 et I-CF 434 de M. Éric Alauzet.
M. le rapporteur général. L’amendement I-CF 476 tend à rétablir un taux de TVA normal sur les engrais utilisés pour le jardinage : amendements calcaires, soufre et cuivre non biologiques. L’effet est neutre pour les agriculteurs, puisqu’ils peuvent déduire la TVA ; pour ceux qui n’y sont pas assujettis, l’amendement prévoit une hausse du remboursement forfaitaire agricole et, pour ceux qui acquittent la TVA selon le régime simplifié agricole, un dispositif transitoire d’ajustement à la baisse des acomptes trimestriels. Le rendement attendu de cette mesure est de l’ordre de 15 à 20 millions d’euros.
M. Éric Alauzet. Les amendements I-CF 359 et I-CF 434 ont le même objet.
M. Marc Le Fur. Les jardiniers amateurs achètent leurs produits dans les mêmes points de vente que les agriculteurs : comment faire la distinction pour le taux de TVA ?
M. le rapporteur général. La TVA, je le répète, est déductible pour les agriculteurs ; ceux d’entre eux qui sont au régime forfaitaire ou simplifié bénéficieront d’une compensation jusqu’à due concurrence.
M. Hervé Mariton. Si la mesure est neutre pour les agriculteurs, pourquoi faire une distinction entre les produits utilisés dans l’agriculture biologique et les autres ?
M. le rapporteur général. Les particuliers peuvent eux aussi utiliser des produits biologiques ; cela arrive même de plus en plus souvent.
M. Jean-Pierre Gorges. Vous suggérez que la mesure est neutre, mais elle fera bel et bien rentrer de l’argent dans les caisses de l’État : qui paiera ?
M. le rapporteur général. L’acheteur final. L’agriculteur, lui, fera simplement la différence entre ce qu’il a payé et ce qu’il a encaissé au titre de la TVA.
M. Charles de Courson. Pourriez-vous nous apporter quelques précisions sur l’ajustement prévu pour le régime de remboursement forfaitaire ?
M. le rapporteur général. Le taux de 4,90 % sera remplacé par un taux de 5,59 %. La mesure sera donc également neutre pour les agriculteurs concernés.
M. Charles de Courson. Le taux de remboursement porte sur l’ensemble des dépenses : comment faire la distinction ?
M. le président Gilles Carrez. Le calcul est une moyenne ; il se fonde sur les intrants utilisés, tels qu’ils figurent dans le compte d’exploitation.
M. Charles de Courson. Ils sont très variés !
M. le président Gilles Carrez. Le principe du taux forfaitaire comporte les mêmes difficultés.
La Commission adopte l’amendement.
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En conséquence, les amendements I-CF 359 et I-CF 434 deviennent sans objet.
La Commission en vient à l’amendement I-CF 467 de M. Marc Goua.
M. Marc Goua. Je propose de dissocier, dans les opérations d’accession sociale à la propriété, le bâti et le terrain – lequel peut atteindre des prix très élevés en région parisienne –, par le biais d’un bail emphytéotique. Ce dispositif, suggéré par la Fédération nationale des sociétés coopératives d’HLM et l’établissement foncier d’Île-de-France, s’adresserait à des personnes dont les revenus ne dépassent pas le plafond applicable au prêt social location-accession (PSLA), et bénéficierait, comme le « Pass foncier » supprimé en 2010, d’un taux réduit de TVA.
M. le rapporteur général. En l’absence d’évaluation de son coût – celui du « Pass foncier », rappelons-le, avoisinait les 200 millions d’euros –, je vous invite à retirer votre amendement, qui, de surcroît, serait mieux placé à l’article 19, quitte à le redéposer d’ici à l’examen au titre de l’article 88 ; faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement I-CF 468 de Mme Sandrine Mazetier.
M. Marc Goua. Depuis 2010, la TVA sur la cession des logements achevés depuis moins de cinq ans s’applique à la cession des parts sociales des logements, ce qui annule le bénéfice du taux réduit prévu par l’article 278 sexies du code général des impôts, et pénalise l’accession sociale à la propriété en bloquant certaines ventes.
M. le rapporteur général. Même remarque que pour l’amendement précédent : la mesure n’a pas été évaluée et serait plus à sa place à l’article 19. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission en vient à l’amendement I-CF 12 de M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur. Cet amendement vise à appliquer un taux réduit de TVA à la billetterie des parcs de loisirs. De tailles très variables, les parcs de loisirs sont fréquentés par un public familial et populaire. C’est un secteur économique à part entière, pourvoyeur d’emplois. Il est déjà touché par l’augmentation de la TVA sur la restauration. Ce serait une mesure de prudence et de modération.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
Mme Carole Delga. Tous les parcs de loisirs ne sont pas soumis au même régime fiscal : certains, tel Disneyland Paris, bénéficient actuellement d’un taux réduit de TVA à 7 % ; d’autres, notamment les parcs à vocation sportive, se voient appliquer un taux à 19,6 %. Il conviendrait de corriger cette injustice en soumettant la billetterie de tous les parcs à un seul et même taux de TVA.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement I-CF 471 de M. Pierre-Alain Muet.
M. Pierre-Alain Muet. Cet amendement vise à corriger une aberration économique. En 1991, une directive européenne a instauré une TVA sur l’importation des œuvres d’art. Cependant, il existe une différence essentielle entre un produit classique et une œuvre d’art : l’exportation d’un produit classique enrichit la nation – elle favorise la production et l’emploi –, alors que l’exportation d’une œuvre d’art – par exemple La Joconde – l’appauvrit. L’œuvre d’art est un bien patrimonial unique, et sa valeur n’a rien à voir avec la quantité de travail qui a été nécessaire à sa réalisation. Nous devons donc nous garder d’appliquer les raisonnements économiques traditionnels aux œuvres d’art.
La TVA décidée au niveau européen a touché principalement deux pays où le marché de l’art est important : le Royaume-Uni et la France. Elle a découragé les importations d’œuvre d’art. Elle est d’autant plus absurde qu’elle fait perdre à l’État d’autres recettes fiscales. En effet, la marge réalisée par les marchands sur les ventes d’œuvres d’art est taxée au taux normal de TVA.
Trois rapports parlementaires ont été rédigés sur le sujet. Le dernier est celui de M. Lellouche sur La fiscalité du marché de l’art en Europe. Il conclut à la nécessité de supprimer cet impôt « imbécile ». Comme l’Union européenne ne l’a pas fait, je propose, avec cet amendement, de mettre son taux au niveau le plus bas possible.
M. le président Gilles Carrez. Je soutiens pleinement l’amendement de M. Muet. Il est très important de préserver un marché de l’art actif, notamment à Paris. Nous devons en effet raisonner de manière spécifique à propos des œuvres d’art.
M. Charles de Courson. La mesure proposée est-elle compatible avec le droit européen ?
M. le président Gilles Carrez. Oui. La suppression totale de la TVA ne le serait pas, mais l’amendement vise à appliquer un taux réduit.
M. le rapporteur général. Je connais bien le sujet. J’en ai notamment discuté avec la ministre de la culture et avec M. Muet.
À titre de clin d’œil, je précise que l’exportation de La Joconde est interdite.
Surtout, l’amendement est mal rédigé. En effet, il s’appliquerait à l’ensemble de l’article 278 septies du code général des impôts, lequel porte, premièrement, sur les importations d’œuvres d’art ; deuxièmement, sur les livraisons d’œuvres d’art effectuées par leur auteur ou ses ayants droit, c’est-à-dire sur les droits d’auteurs ; troisièmement, sur les livraisons d’œuvres d’art effectuées à titre occasionnel par les personnes qui les ont utilisées pour les besoins de leurs exploitations et chez qui elles ont ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ; quatrièmement, sur les acquisitions intracommunautaires d’œuvres d’art qui ont fait l’objet d’une livraison dans un autre État membre par d’autres assujettis que des assujettis revendeurs.
Or votre intention était sans doute de ne viser que les importations d’œuvres d’art. Si tel n’était pas le cas, la mesure aurait un coût trop élevé : l’application d’un taux réduit de TVA aux importations d’œuvres d’art représenterait un manque à gagner de quelques millions d’euros pour l’État – on peut considérer que c’est « l’épaisseur du trait » –, mais l’application de ce même taux aux droits d’auteur coûterait à lui seul bien davantage.
D’autre part, en accord avec la ministre de la culture et avec M. Muet, je proposerai de gager cet amendement en majorant le prélèvement sur les plus-values sur les œuvres d’art. Actuellement, les personnes qui réalisent de telles plus-values ont deux options : soit elles paient une taxe de 4,5 % sur le prix de vente ; soit elles s’acquittent d’un prélèvement de 16 % sur la plus-value qui s’éteint au bout de douze ans. Elles choisissent le régime qu’elles estiment le plus favorable. Je proposerai de porter le taux de la taxe de 4,5 à 6 %. En outre, les plus-values sur l’or sont soumises à une taxe analogue de 7,5 %, que je proposerai de porter à 12 %.
M. Hervé Mariton. N’étions-nous pas convenus, lors du débat budgétaire de l’année dernière, d’avoir une réflexion d’ensemble sur la fiscalité des œuvres d’art ? Le sujet est-il encore sur la table ?
M. le président Gilles Carrez. Il est toujours à l’ordre du jour. Cependant, nous devons nous en préoccuper dès maintenant, dans la mesure où le relèvement du taux de TVA de 5,5 à 10 % sur les importations d’œuvres d’art, prévu dans le PLF pour 2014, aurait un impact très négatif sur le marché de l’art.
Je partage l’avis du rapporteur général : il convient, d’une part, de récrire l’amendement de telle sorte qu’il concerne uniquement les importations d’œuvres d’art et, d’autre part, de gager la mesure. La proposition que fait le rapporteur général à cet égard va d’ailleurs dans le sens de plusieurs amendements que nous avons examinés au cours des dernières années, déposés notamment par M. de Courson.
M. Charles de Courson. Le raisonnement fait par M. Muet à propos des œuvres d’art peut en effet s’appliquer à l’or et aux bijoux. Actuellement, le marché français n’est pas compétitif, notamment face à ses concurrents anglais et allemand. Cela entraîne des délocalisations. D’après les spécialistes du secteur, la baisse de la taxation sur l’or et les bijoux permettrait de relancer fortement le marché français.
M. Marc Le Fur. Comme l’a dit récemment un collègue socialiste, tout est souvent affaire de symbole ! Or nous augmentons la TVA sur tous les biens, sauf sur les œuvres d’art.
M. le rapporteur général. Il y a d’autres exceptions : le logement social, les travaux de rénovation énergétique et les engrais biologiques.
M. Marc Le Fur. Certes, mais cela confirme bien que les œuvres d’art font l’objet d’un traitement fiscal particulier. Comment allons-nous expliquer aux Français les plus modestes, qui vont être fortement touchés par l’augmentation des taux intermédiaires de la TVA, que nous réduisons le taux sur l’importation des œuvres d’art ?
D’autre part, nous nous étions engagés à avoir une réflexion de fond sur l’ensemble de la fiscalité des œuvres d’art : non seulement sur la TVA à l’importation, mais aussi sur la taxation des plus-values et sur l’ISF.
M. Pierre-Alain Muet. Je retire mon amendement et en présenterai une version corrigée en vue de l’examen en séance publique.
S’agissant de la proposition du rapporteur général, nous pouvons également envisager de conserver un taux à 4,5 % sur les plus-values et d’augmenter la durée d’amortissement, qui est actuellement de douze ans pour les œuvres d’art. Pour d’autres biens, cette durée est de vingt-deux, voire de trente ans. Les spécialistes du marché de l’art observent que les vendeurs choisissent rarement l’option de la taxe à 4,5 %, car ils pensent conserver l’œuvre suffisamment longtemps pour être exonérés du prélèvement sur la plus-value. Or il peut être plus avantageux pour l’État de les inciter à choisir la taxation à 4,5 %.
M. le président Gilles Carrez. C’est une piste intéressante.
M. Marc Le Fur. Il convient d’approfondir notre réflexion avant de prendre une décision.
M. Pierre-Alain Muet. La problématique des œuvres d’art est distincte du débat général sur les taux réduits de TVA. Je le répète : c’est un bien non reproductible dont nous devons favoriser l’importation et décourager l’exportation.
M. Marc Le Fur. C’est tellement évident qu’on ne l’a pas fait depuis des années !
M. Pierre-Alain Muet. Je vous invite, monsieur Le Fur, à lire l’excellent rapport de M. Lellouche, qui conclut à la nécessité de supprimer la TVA sur les importations d’œuvres d’art. C’est non seulement une aberration économique, mais c’est en plus une TVA non récupérable, les œuvres d’art étant par ailleurs taxées au taux normal de TVA au moment de la vente.
L’amendement I-CF 471 est retiré.
L’amendement I-CF 431 est retiré.
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Article 8
Aménagement des droits de mutation par décès
en cas de défaut de titre de propriété immobilière
Texte du projet de loi :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
A. – L’article 641 bis est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. 641 bis. – Les délais prévus à l’article 641 sont portés à vingt-quatre mois pour les déclarations de succession comportant des immeubles ou droits immobiliers pour lesquels le droit de propriété du défunt n’a pas été constaté antérieurement à son décès par un acte régulièrement transcrit ou publié, à la condition que les attestations notariées mentionnées au 3° de l’article 28 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, relatives à ces biens, soient publiées dans ce même délai. ».
B. – Le b du 2 du B du VI de la section II du chapitre premier du titre IV de la première partie du livre premier est complété par un 8° intitulé « 8°. Frais de reconstitution de titres de propriété des biens immeubles et des droits immobiliers » et comprenant un article 775 sexies ainsi rédigé :
« Art. 775 sexies. – Les frais de reconstitution des titres de propriété d’immeubles ou de droits immobiliers pour lesquels le droit de propriété du défunt n’a pas été constaté antérieurement à son décès par un acte régulièrement transcrit ou publié, mis à la charge des héritiers par le notaire, sont admis, sur justificatifs, en déduction de l’actif successoral dans la limite de la valeur déclarée de ces biens, à la condition que les attestations notariées mentionnées au 3° de l’article 28 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, relatives à ces biens, soient publiées dans un délai de vingt-quatre mois à compter du décès. ».
C. – L’article 797 est ainsi rétabli :
« Art. 797. – I. – Les immeubles non bâtis et les droits portant sur ces immeubles sont exonérés de droits de mutation par décès aux conditions suivantes :
« 1° Les immeubles considérés sont indivis au sein d'une parcelle cadastrale ;
« 2° La valeur totale de la parcelle est inférieure à 5 000 € ;
« 3° Le droit de propriété du défunt n'a pas été constaté antérieurement à son décès par un acte régulièrement transcrit ou publié ;
« 4° Les attestations notariées mentionnées au 3° de l'article 28 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière et relatives à ces biens sont publiées dans un délai de vingt-quatre mois à compter du décès.
« II. – L'exonération prévue au I n'est applicable qu’à raison d’une seule parcelle en indivision par succession. ».
II. – Le I s’applique aux successions ouvertes à compter de la date de publication de la présente loi.
Observations et décisions de la Commission :
Le présent article vise à inciter les contribuables qui ont hérité de biens immobiliers pour lesquels les droits de propriété sont incertains, à diligenter toutes les mesures nécessaires à leur reconstitution.
Cette reconstitution des droits de propriété constitue, en effet, le préalable au dénouement de certaines successions ou au partage de certains biens détenus en indivision.
Les différentes mesures proposées visent ainsi à :
– augmenter le délai de déclaration des successions comportant des biens immobiliers dont le titre de propriété est imprécis ou défaillant ;
– ouvrir la possibilité de déduire de l’actif successoral les frais de reconstitution du titre de propriété ;
– inciter les indivisaires à partager leur bien en prévoyant l’exonération de droit d’enregistrement du partage d’une parcelle non bâtie d’une valeur inférieure à 5 000 euros par succession, pour laquelle un titre de propriété est reconstitué.
Ces dispositions visent la situation spécifique de la Corse et de certains territoires ultramarins au travers d’une mesure d’application générale, adaptée par ses moyens aux objectifs poursuivis et respectueuse, a priori, du principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt.
Cet article constitue, en ce sens, une réponse du Gouvernement à la censure par le Conseil constitutionnel de l’article 14 de la loi de finances initiale pour 2013 qui prévoyait la prorogation du régime dérogatoire applicable aux seules successions comportant des biens immobiliers situés en Corse, arrivé pour partie à échéance le 31 décembre 2012.
Les arrêtés pris en juin 1801 à titre provisoire par l’administrateur général Miot ont octroyé à la Corse un statut particulier, notamment dans le domaine fiscal, de manière à adapter les règles de droit commun, applicables sur le continent, aux particularités de ce territoire et à rationaliser le travail de l’administration.
En matière de succession, l’arrêté du 21 prairial an IX comportait deux principales dérogations. La première visait à simplifier le calcul des droits de succession en substituant aux valeurs locatives le montant de la contribution foncière versée. Or, cette contribution foncière a été abrogée par un décret du 9 décembre 1948, sans qu’aucune mesure ne soit prise pour la remplacer. En l’absence de nouveau texte, l’administration a continué à calculer la valeur des biens immobiliers en appliquant au registre cadastral, servant de base à la contribution foncière, de nouvelles règles d’imposition et ce, jusqu’à la censure de cette pratique par la Cour de Cassation dans sa décision Perrino du 28 janvier 1992. À compter de cette décision, les biens immobiliers situés en Corse ont donc été exonérés de fait de tout droit de succession.
La seconde prévoyait que le non-respect du délai légal de déclaration des successions n’était assorti d’aucune sanction, conduisant à ce que peu de contribuables se soumettent à cette obligation.
Afin de mettre fin à ce régime dérogatoire, la loi de finances pour 1999 (41) prévoyait le rétablissement de l’application du droit commun aux successions comportant des biens immobiliers situés en Corse, tant au regard du respect des délais de déclaration de ces successions que du calcul de la valeur des biens transmis. Ceux-ci devaient ainsi être mentionnés dans la déclaration de succession à hauteur de leur valeur vénale au jour du décès.
L’entrée en vigueur de cette réforme a été repoussée à plusieurs reprises. Initialement prévue au 1er janvier 2000, elle s’est finalement appliquée aux successions ouvertes à compter du lendemain de la publication de la loi relative à la Corse du 22 janvier 2002 (42). De nombreuses mesures transitoires ont néanmoins été adoptées à l’occasion de cette loi pour diminuer, voire neutraliser, l’impact de ce changement de règles, soit :
– un allongement temporaire du délai de dépôt des déclarations de succession, dont l’échéance ensuite a été prorogée en loi de finances rectificative pour 2008 (43) du 31 décembre 2008 au 31 décembre 2012 ;
– une exonération totale des droits de mutation par décès en faveur des biens immobiliers situés en Corse, prorogée par cette même loi de finances rectificative pour 2008 du 31 décembre 2010 au 31 décembre 2012, et une exonération partielle dont l’échéance a été reportée de 2013 à 2017 ;
– une exonération du droit de partage, prorogée à la même occasion du 31 décembre 2012 au 31 décembre 2014.
Les successions comportant des immeubles ou droits immobiliers situés en Corse bénéficient ainsi d’un régime dérogatoire du droit commun reposant sur le cumul de plusieurs avantages, dont certains sont arrivés à échéance au 31 décembre 2012.
Le délai de déclaration de droit commun des biens que reçoivent les ayants droit à la suite du décès de leur titulaire est fixé à l’article 641 du code général des impôts (CGI). Il est de six mois, à compter du jour du décès, lorsque le décès est intervenu en France métropolitaine et à une année « dans tous les autres cas ».
Deux types d’exceptions existent toutefois. Le premier type d’exceptions repose sur des critères géographiques. L’article 642 du CGI prévoit ainsi que dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Mayotte et de la Réunion, les délais pour l'enregistrement des déclarations sont de :
– six mois à compter du jour du décès, lorsque le décès est intervenu dans le même département que celui où se situait le domicile ;
– un an dans les autres cas ;
– deux ans si la personne défunte était domiciliée à la Réunion et que le décès est intervenu ailleurs qu'à Madagascar, à l'île Maurice, en Europe ou en Afrique ;
– deux ans également si la personne défunte était domiciliée à Mayotte et que le décès est intervenu ailleurs qu'à Madagascar, aux Comores, en Europe ou en Afrique.
Ces délais supplémentaires permettent de pallier les difficultés potentielles de reconstitution de l’actif successoral du fait des distances géographiques entre le lieu du décès et le lieu de résidence, qui est aussi celui dont dépend le service des impôts auprès duquel les ayants droit sont tenus de déclarer la succession.
Le seconde type d’exception repose sur un critère de faisabilité et vise ainsi à répondre aux difficultés liées à l’absence de cadastre fiable et de titres de propriété régulièrement enregistrés pour les seuls biens immobiliers situés en Corse. L’article 641 bis, introduit par la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse précitée, a en effet prévu une dérogation spécifique pour toutes les déclarations de successions ouvertes avant le 31 décembre 2012 comportant des immeubles ou droits immobiliers situés en Corse : le délai qui leur est applicable est ainsi de 24 mois.
Ce délai supplémentaire n’est toutefois accordé que si le droit de propriété du défunt ne fait pas l’objet d’un acte régulièrement transcrit et que les attestations notariées « établies en vue de constater la transmission ou la constitution par décès de droits réels immobiliers » visées au 3° de l’article 28 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, sont publiées dans la limite de ce délai de vingt-quatre mois.
L’article 750 bis A du CGI prévoit que les actes de partage de succession et les licitations de biens héréditaires établis jusqu’au 31 décembre 2014 sont exonérés du droit d’enregistrement de 2,50 % à hauteur de la valeur des immeubles situés en Corse.
Cette mesure a pour objet de faciliter le partage des biens immobiliers indivis situés en Corse.
En application de l’article 1135 du même code, aucune perception au profit du Trésor n’est prélevée sur les procurations, les attestations ou actes notariés après le décès, dressés au plus tard le 31 décembre 2014, et qui sont établies en vue du règlement d’une indivision successorale comportant des biens immobiliers situés en Corse.
Le régime d’exonération des droits de succession prévu à l’article 1135 bis du CGI se décompose en deux phases successives :
– une exonération totale pour les successions ouvertes jusqu’au 31 décembre 2012 ;
– une exonération à hauteur de 50 % de la valeur des biens immobiliers transmis pour les successions ouvertes du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2017.
Cet article prévoit également que « pour les successions ouvertes à compter du 1er janvier 2018, les immeubles et droits immobiliers situés en Corse sont soumis aux droits de mutation par décès dans les conditions de droit commun. »
Ces dispositions ne s’appliquent que s’il n’existe aucun acte régulièrement enregistré avant le décès et qu’une attestation notariée est enregistrée dans un délai maximum de vingt-quatre mois après le décès.
Afin de résoudre les problèmes cadastraux rencontrés sur certains territoires, deux groupements d’intérêt public ont été créés avec pour mission de rassembler les éléments permettant de reconstituer les titres de propriété pour les biens fonciers et immobiliers qui en sont dépourvus :
– le groupement d’intérêt public pour la reconstitution des titres de propriété en Corse (GIRTEC), prévu par l’article 42 de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 relative aux successions et libéralités, en activité depuis le 1er août 2008 ;
– un second groupement pour l’outre-mer qui n’est malheureusement pas encore opérationnel, prévu par l’article 35 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.
L’expérience s’avère positive puisqu’à la fin de l’année 2012, le GIRTEC avait été saisi de 1 500 demandes, émanant à 95 % des notaires, seuls avec les responsables exécutifs des collectivités territoriales à pouvoir le saisir. Par ailleurs, les prestations de reconstitution n’entraînent aucun frais pour les ayants droit.
Le schéma ci-dessous résume les règles applicables du 23 janvier 2002 au 31 décembre 2012.
Source : BOI-ENR-DMTG-10-60-50-20130902.
1. La nouvelle prorogation du régime dérogatoire spécifique à la Corse adoptée à l’article 14 de la loi de finances initiale pour 2013
L’article 14 a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale du projet de loi de finances pour 2013 à l’initiative de MM. Paul Giacobbi et François Pupponi, avec un avis de sagesse de la commission des Finances et du Gouvernement.
Il visait à reporter de cinq années, de fin 2012 à fin 2017, le retour progressif au droit commun en matière de droits de succession sur les immeubles et droits immobiliers situés en Corse.
Le Conseil constitutionnel a examiné d’office l’article 14 de la loi de finances pour 2013, qui n’était pas contesté par les auteurs de la saisine.
Il a déclaré cet article contraire à la Constitution au motif que « le maintien du régime fiscal dérogatoire applicable aux successions sur des immeubles situés dans les départements de Corse conduit à ce que, sans motif légitime, la transmission de ces immeubles puisse être dispensée du paiement des droits de mutation » et « que la nouvelle prorogation de ce régime dérogatoire méconnaît le principe d’égalité devant la loi et les charges publiques ».
Pour apprécier le respect du principe d’égalité devant la loi et d’égalité devant les charges publiques, le Conseil constitutionnel se fonde sur l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » et sur l’article 13 de cette même Déclaration : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les Citoyens, en raison de leurs facultés ».
Il a ainsi considéré que les raisons invoquées, pour défendre la différence de traitement en faveur des contribuables héritant ou détenant des biens situés en Corse, ne reposaient pas sur des critères objectifs et rationnels permettant de justifier le maintien d’un tel régime dérogatoire.
Les différentes exonérations visées par la décision du Conseil constitutionnel ont ainsi été implicitement validées pour une durée d’application limitée, de manière à régler la situation particulière du cadastre corse à laquelle tentait de répondre le législateur, mais le report des effets de certaines exonérations jusqu’en 2022, que prévoyait le texte adopté, revenait à instaurer un traitement différencié durable, disproportionné au regard de la situation de ces contribuables. L’article a donc été censuré au motif qu’il entraînait une rupture manifeste d’égalité devant la loi et devant les charges publiques.
À la suite de la censure de la prorogation des dispositifs en faveur de la transmission des biens immobiliers situés en Corse, le Gouvernement a installé un groupe de travail le 31 janvier 2013 « afin d’évaluer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel et ses modalités concrètes de mise en œuvre ». À la date de la rédaction du présent rapport, ce groupe de travail n’a pas remis ses conclusions, ce qu’il devrait faire toutefois dans les semaines à venir. La proposition retenue par le Gouvernement lui a été présentée, sans qu’aucun avis n’ait été formulé officiellement par ce groupe de travail.
Le Gouvernement propose pour sa part l’établissement d’un nouveau régime particulier permettant de répondre aux difficultés posées, sur l’ensemble du territoire national, par l’absence de titres réguliers de propriété. L’objectif est de régler progressivement les imprécisions des cadastres concernés et d’aider au règlement de certains cas d’indivision, dont la propriété ne peut être partagée faute d’une reconstitution précise des droits de chacun des indivisaires.
1. Le maintien d’un délai dérogatoire de déclaration pour les successions comportant des biens immobiliers dont les droits de propriété sont incertains
Le présent article propose que l’article 641 bis du CGI, arrivé à échéance le 31 décembre 2012, soit modifié de sorte que le délai de déclaration de succession de vingt-quatre mois, dérogatoire du droit commun, auparavant réservé aux seules successions comportant des biens situés en Corse pour lesquels les droits étaient incertains, soit élargi à l’ensemble des « déclarations de succession comportant des immeubles ou droits immobiliers pour lesquels le droit de propriété du défunt n’a pas été constaté antérieurement à son décès par un acte régulièrement transcrit ou publié ».
On notera que le Gouvernement a prévu, dans une communication du 31 janvier 2013 (44) faisant suite à la constitution du groupe de travail précédemment mentionné, « de dispenser de pénalités, intérêts de retard et majoration, les déclarations de successions comportant des immeubles situés en Corse enregistrées dans les vingt-quatre mois du décès, à la condition que la propriété de ces biens soit régulièrement enregistrée dans le même délai ». Par conséquent, la mesure prévue par le présent article légalise cet assouplissement en faveur des successions ouvertes à compter de 2013.
Les règles d’évaluation du passif déductible de la succession sont complétées par la prise en compte d’une nouvelle catégorie de frais déductibles, insérée dans le code général des impôts et intitulée « frais de reconstitution de titres de propriété des biens immeubles et des droits immobiliers ».
Elle se traduit par un nouvel article 775 sexies du CGI qui prévoit que « les frais de reconstitution des titres de propriété d’immeubles ou de droits immobiliers pour lesquels le droit de propriété du défunt n’a pas été constaté antérieurement à son décès par un acte régulièrement transcrit ou publié, mis à la charge des héritiers par le notaire, sont admis, sur justificatifs, en déduction de l’actif successoral dans la limite de la valeur déclarée de ces biens ».
Il est donc prévu que le notaire puisse, à la demande des ayants droit, reconstituer les titres de propriété et déduire les frais occasionnés de l’actif successoral. Ces frais sont retenus dans la limite de la valeur des biens ayant fait l’objet de la reconstitution des titres de propriété.
Par ailleurs, les attestations notariées évoquées précédemment et visant à constater toute transmission ou constitution par décès de droits réels immobiliers, doivent avoir été publiées dans le respect de ce nouveau délai de vingt-quatre mois.
Ces actes, une fois publiés au service de la publicité foncière, constituent le titre de propriété des ayants droit sur les biens immobiliers transmis.
Par ailleurs, le présent article propose de rétablir l’article 797 afin d’introduire une nouvelle mesure d’exonération en faveur des immeubles non bâtis et des droits portant sur les immeubles qui respectent les conditions suivantes :
– ils sont indivis au sein d’une parcelle cadastrale ;
– la valeur de la parcelle est inférieure à 5 000 euros ;
– le titre de propriété est incertain ;
– l’attestation notariée de propriété immobilière confirmant la transmission du bien est publiée dans un délai de vingt-quatre mois à compter du décès.
Cette exonération est réservée à une seule parcelle par succession. Par conséquent, la mesure procure un avantage en impôt très limité du fait du caractère indivis du bien et du plafond de valeur retenu.
Le présent article a donc pour objectif l’instauration d’un régime particulier aux effets beaucoup plus limités que celui applicable aux successions comportant des biens situés en Corse, ce qui semble prudent au regard de la jurisprudence constitutionnelle. Par ailleurs, les dispositions prévues ont vocation à concerner davantage de territoires, dont certains situés en outre-mer et en métropole sur des zones montagneuses et pré-montagneuses.
Si le coût de la mesure n’est pas nul, il devrait toutefois être limité car les avantages sont plafonnés à des niveaux assez bas. Aucune estimation de chiffrage n’est proposée.
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La Commission est saisie de l’amendement I-CF 379 de M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Je mène, depuis quinze ans, une bataille pour faire prévaloir le principe d’égalité en Corse en matière de droits de succession. Il y a deux ans, le Conseil constitutionnel m’a donné raison. Or l’article 8 prévoit un aménagement des droits de succession spécialement conçu pour la Corse. C’est un moyen de contourner la décision du Conseil constitutionnel. D’où mon amendement de suppression de l’article 8.
M. le rapporteur général. Le motif de l’annulation par le Conseil constitutionnel portait non pas sur le contenu des mesures, mais sur le fait qu’elles étaient réservées à la Corse. Or, l’article 8 concerne non seulement la Corse, mais d’autres territoires.
Actuellement, les mesures dérogatoires en faveur de la Corse qui demeurent en vigueur sont les suivantes : délai de vingt-quatre mois pour le dépôt des déclarations de succession accordé par l’administration fiscale ; exonération du droit de partage et des droits sur les actes notariés jusqu’au 31 décembre 2014 ; exonération de 50 % des droits de mutation à titre gratuit (DMTG) jusqu’au 31 décembre 2017 – jusqu’en 2012, cette exonération était totale.
Trois mesures sont proposées dans le cadre de l’article 8 : légaliser le délai de vingt-quatre mois pour le dépôt des déclarations de succession à la condition que le droit de propriété des biens immobilisés soit incertain ; autoriser l’imputation des frais de reconstitution des droits de propriété sur l’actif successoral ; exonérer de droits de succession les petites parcelles en indivision d’une valeur inférieure à 5 000 euros. Ces mesures sont de portée limitée. Elles ne remettent pas en cause la décision du Conseil constitutionnel.
M. Hervé Mariton. L’étude d’impact cite non seulement la Corse, mais les départements d’outre-mer et les zones de montagne, où il peut en effet exister des situations foncières complexes. Si les mesures prévues – en effet de portée limitée – permettent de régler ces situations, elles sont bienvenues.
M. le président Gilles Carrez. C’est également mon sentiment.
M. Charles de Courson. Selon l’étude d’impact, « malgré la fiabilité du cadastre et les nombreuses garanties que la loi apporte aux propriétaires de biens immobiliers, certaines zones du territoire national se trouvent dans une situation foncière et cadastrale très dégradée. Cette situation résulte de circonstances socio-historiques et géographiques qui marquent les territoires concernés, constitués des départements d’outre-mer (DOM), de la Corse et d’espaces métropolitains situés notamment dans des zones montagneuses et pré-montagneuses. »
Quelle est la justification du délai dérogatoire de vingt-quatre mois, alors qu’il est normalement de six mois et, au maximum, de un an ?
Toute parcelle d’une valeur inférieure à 5 000 euros est exonérée de droits de succession. Qu’en est-il si la succession porte sur un nombre élevé de parcelles ?
M. Hervé Mariton. L’exonération est limitée à une seule parcelle par succession.
M. Charles de Courson. Je mets en garde la Commission : l’article 8 est – je le répète – un moyen de contourner la décision du Conseil constitutionnel fondée sur le principe d’égalité. Rien ne justifie les mesures qu’il prévoit. L’enjeu est non pas leur coût – l’étude d’impact estime qu’il est « non significatif » –, mais le fait qu’elles constituent une rupture du principe d’égalité. Je serais curieux de connaître la réaction du Conseil constitutionnel s’il est saisi. Pouvez-vous nous démontrer, monsieur le rapporteur général, que l’article 8 est conforme au principe d’égalité ?
Quant à la situation foncière et cadastrale dégradée, elle n’est pas imputable aux « raisons socio-économiques » citées dans l’étude d’impact, mais au fait que la République n’a jamais fait son travail en Corse !
La Commission rejette l’amendement I-CF 379.
L’amendement I-CF 341 de Mme Annick Girardin est retiré.
La Commission adopte l’article 8 sans modification.
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L’amendement I-CF 340 de Mme Annick Girardin est retiré.
La Commission examine les amendements identiques I-CF 131 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF 177 de M. Hervé Mariton.
Mme Marie-Christine Dalloz. Mon amendement est défendu.
M. Hervé Mariton. Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit (DMTG), il serait plus cohérent de prendre en compte le domicile du donateur ou du défunt plutôt que celui du donataire, de l’héritier ou du légataire. Il convient de partir du fait générateur : le décès ou la donation. Cet amendement vise à lutter contre l’exil fiscal.
M. le rapporteur général. Avis défavorable. La règle actuellement en vigueur a justement été adoptée pour lutter contre la délocalisation fiscale des détenteurs de revenus élevés et de patrimoines très importants. Elle les dissuade de transférer leur domicile fiscal à l’étranger dans le seul dessein d’effectuer des donations ou de préparer leur succession. Si l’on adoptait l’amendement que vous proposez, l’ensemble des biens mobiliers et immobiliers dépourvus d’assise en France échapperaient aux droits de donation ou de succession. Cela ne serait pas cohérent avec les efforts déployés par la France pour signer des accords bilatéraux sur l’imposition des successions avec de nombreux pays, notamment avec la Suisse.
La Commission rejette les deux amendements.
Puis elle en vient à l’amendement I-CF 36 de M. Étienne Blanc.
M. Étienne Blanc. L’amendement est défendu.
M. le rapporteur général. La règle actuellement en vigueur en matière de perception des DMTG ne serait plus applicable lorsque le défunt est domicilié fiscalement à l’étranger depuis plus de huit ans à la date de son décès. Cet amendement aurait donc un effet similaire aux deux précédents. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle est saisie de l’amendement I-CF 237 de M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Les groupements fonciers agricoles (GFA) garantissent la stabilité aux exploitants via des baux à long terme, tout en offrant une structure d’accueil aux détenteurs de capitaux – agriculteurs ou non – qui souhaitent réaliser un placement foncier. Il s’agit d’un outil efficace face à l’augmentation du prix du foncier. Leur attractivité est néanmoins limitée en raison de leur rentabilité modeste – de l’ordre de 1 % – et d’une faible liquidité des parts sociales – il est difficile de retrouver des repreneurs. Des incitations fiscales permettraient de redynamiser les GFA. Les parts de GFA dont les biens sont loués dans le cadre de baux à long terme sont actuellement exonérées partiellement des DMTG : à hauteur de 75 % lorsque leur valeur est inférieure à 101 897 euros et à hauteur de 50 % au-delà de ce plafond. Je propose de déplafonner l’exonération dans le cas où le repreneur est un investisseur extérieur au cercle familial.
M. le rapporteur général. C’est une proposition que vous avez faite à plusieurs reprises, monsieur de Courson. Les parts de GFA sont déjà soumises à un régime fiscal très avantageux au regard des sommes en jeu. Avis défavorable.
M. le président Gilles Carrez. Je me souviens de vous avoir opposé les mêmes arguments il y a quelques années, monsieur de Courson.
M. Charles de Courson. Il est difficile d’attirer des capitaux dans ce type de structures très contraignantes pour les investisseurs.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement I-CF 312 de M. Éric Alauzet.
M. Éric Alauzet. J’ai proposé ce matin de mettre fin à la réduction fiscale dont bénéficient les propriétaires d’immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques. Ils peuvent en effet déduire du montant de leur impôt sur le revenu la totalité du coût des travaux d’entretien et de rénovation qu’ils réalisent sur ces immeubles, à condition de les ouvrir à la visite.
Cet amendement vise à supprimer l’exonération totale de DMTG dont bénéficient les mêmes immeubles, lorsque le donateur ou le défunt en était propriétaire depuis au moins deux ans et que le donataire ou l’héritier les conserve pendant au moins cinq ans. Ce régime fiscal paraît excessivement favorable.
M. le rapporteur général. Je vous renvoie aux remarques que j’ai faites ce matin à ce sujet, monsieur Alauzet. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine l’amendement I-CF 409 de M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Pour inciter nos concitoyens redevables de l’ISF à investir dans les PME, il est proposé de porter de 45 000 à 50 000 euros le plafond de la réduction liée à l’ISF-PME.
M. le rapporteur général. Alors que le projet de loi comprend déjà une disposition sur les plus-values de valeurs mobilières, vous voulez encore en rajouter. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Elle est saisie de l’amendement I-CF 230 de Mme Eva Sas.
M. Éric Alauzet. Nous proposons de rétablir le seuil d’imposition sur la fortune appliqué avant 2011, soit 800 000 euros.
M. le rapporteur général. Je ne suis pas un maniaque de la stabilité fiscale, car l’État, comme les entreprises, doit pouvoir réagir avec souplesse à un environnement international par définition mouvant. Faut-il pour autant revenir sur une décision prise l’année dernière après un long et profond débat, au cours duquel ma proposition d’inclure les œuvres d’art dans le patrimoine taxable a déclenché une véritable tempête ? C’est d’autant moins nécessaire que les recettes de l’ISF sont stables. Elles devraient même augmenter en 2014, par rapport à 2013, passant de 4,3 à 4,7 milliards d’euros.
Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement I-CF 16 de M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur. Cet amendement tend justement à mettre fin à l’exonération dont bénéficient les œuvres d’art pour l’assujettissement à l’ISF. En d’autres temps, je n’étais d’ailleurs pas le seul à faire une telle proposition.
Le traitement fiscal des œuvres d’art constitue une exception d’autant plus remarquée que de telles niches sont devenues plus rares. Il convient donc d’y mettre fin. Pourquoi le contribuable qui investit dans une PME et contribue donc à la création d’emplois devrait-il payer l’ISF alors que le propriétaire d’une œuvre d’art n’y est pas soumis ?
M. le rapporteur général. Nous avons eu ce débat l’année dernière. Il a été long, approfondi et turbulent. Je ne souhaite pas que soit modifiée la fiscalité applicable aux œuvres d’art. Avis défavorable.
M. Jean-Pierre Gorges. Un élément nouveau doit pourtant être pris en considération : les récents travaux menés par une de nos commissions d’enquête, la chasse aux comptes bancaires détenus à l’étranger ainsi que de nouveaux accords passés entre la France et la Suisse ont conduit à une modification progressive du contenu des coffres helvétiques, qui se garnissent peu à peu d’objets d’art. La réflexion sur l’inclusion des œuvres d’art dans l’assiette de l’ISF mériterait donc d’être relancée.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement I-CF 285 de M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Pour éviter certaines stratégies d’optimisation fiscale, une distinction avait été faite entre les holdings pures et les holdings dites « animatrices ». Mais il convient de définir plus précisément cette dernière notion, car les circulaires destinées à interpréter les dispositions que nous avons adoptées ont donné lieu à des dérives.
M. le président Gilles Carrez. Si je comprends bien, la définition actuelle vous semble trop restrictive et votre amendement vise à l’assouplir.
M. Charles de Courson. À l’assouplir, mais aussi à la préciser, conformément à l’intention du législateur de distinguer entre les holdings se contentant de gérer un portefeuille de participations et celles qui participent activement à la conduite de la politique de leur groupe.
M. le rapporteur général. Il me faudrait plus de temps pour donner un avis, car plusieurs pistes de réflexion sont à l’étude sur ce sujet et je souhaite éviter toute confusion.
M. Charles de Courson. Dans ce cas, je retire celui-ci, que nous examinerons à nouveau lorsque la Commission se réunira au titre de l’article 88.
L’amendement est retiré.
La Commission est ensuite saisie de l’amendement I-CF 233 de Mme Eva Sas.
M. Éric Alauzet. Cet amendement vise à rétablir le barème applicable avant la réforme de l’ISF.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la Commission rejette l’amendement.
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Article additionnel après l’article 8
Élargissement du périmètre des revenus pris en compte pour calculer le plafond de l’ISF
La Commission en vient ensuite à l’amendement I-CF 514 du rapporteur général.
M. le rapporteur général. La loi de finances pour 2013 a été, pour la majorité, l’occasion de rétablir, à quelques nuances près, les dispositions applicables à l’ISF jusqu’en 2011. Cette décision s’accompagnait d’un rétablissement du plafonnement de l’ISF, notamment au titre de certains revenus latents considérés par le Gouvernement comme réalisés – essentiellement des plus-values sur des contrats d’assurance-vie.
Le Conseil constitutionnel a cependant ôté ces revenus du dénominateur du plafonnement, au motif qu’ils n’étaient pas réalisés et ne pouvaient donc pas être imposés. Nous estimons toutefois que sa censure a été trop loin, puisqu’elle a concerné également certains revenus dont la prise en compte au titre du bouclier fiscal avait été validée.
Afin de limiter le coût de la censure, une instruction fiscale a été prise pour réintégrer trois catégories de revenus dans le dénominateur. Elle avait cependant été publiée la veille de la date de déclaration de l’ISF, ce que j’avais dénoncé comme une mauvaise pratique. En outre, elle semble avoir été trop loin et fait aujourd’hui l’objet de contentieux.
Il paraît donc nécessaire de clarifier l’état du droit applicable en ce domaine. Par prudence, l’amendement proposé ne concerne qu’un seul type de revenu, celui généré par les contrats d’assurance-vie soumis aux prélèvements sociaux, dont la prise en compte a été validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision relative au bouclier fiscal. Un tel choix se justifie par les importants montants qui sont en jeu et par le risque de multiplication des contentieux.
M. le président Gilles Carrez. Lorsque la décision a été prise de percevoir « au fil de l’eau » les prélèvements sociaux pesant sur la partie en euros des contrats d’assurance-vie – alors qu’ils étaient auparavant perçus lors du rachat du contrat –, j’ai déposé un amendement destiné à coordonner cette mesure avec le bouclier fiscal. En effet, dès lors que le contribuable portait les prélèvements sociaux au numérateur, il était anormal de ne pas voir figurer au dénominateur les revenus correspondants. Mon amendement a été adopté et le Conseil constitutionnel n’y a pas vu de motif d’inconstitutionnalité. Le rapporteur général, que je soutiens sur ce point, propose que nous nous en inspirions pour ce qui concerne le plafonnement de l’ISF.
M. Hervé Mariton. Je comprends le raisonnement du rapporteur général. Mais que veut-il dire lorsqu’il juge que « la censure du Conseil constitutionnel est allée trop loin » ?
De même, dans la dernière phrase de l’exposé sommaire – « Il doit permettre de répondre aux incertitudes soulevées par la parution d'une instruction fiscale, publiée le 14 juin 2013, qui rétablissait trois catégories de revenus au dénominateur du plafonnement, censurées par le Conseil constitutionnel » –, à quoi se rattache l’épithète : « censurées » ? Aux catégories de revenus ?
M. le rapporteur général. Oui. Le dispositif ayant fait l’objet d’une censure par le Conseil constitutionnel prévoyait la prise en compte, au dénominateur du plafonnement, de cinq nouvelles catégories de revenus : les intérêts des plans d’épargne logement ; les variations de la valeur de rachat des bons ou contrats de capitalisation des contrats d’assurance-vie ainsi que des instruments financiers de toute nature visant à capitaliser les revenus ; les produits capitalisés dans des trusts à l’étranger ; le bénéfice distribuable pour les porteurs de parts et d’actions d’une société passible de l’impôt sur les sociétés à la condition que le contribuable ait contrôlé cette société à un moment quelconque ; et enfin les plus-values ayant donné lieu à sursis d’imposition ou les gains ayant donné lieu à report d’imposition.
Le Conseil constitutionnel a censuré l’ensemble de la disposition, sans examiner dans le détail ces catégories de revenus. L’objectif de l’amendement est donc de rétablir l’une de ces catégories au dénominateur, celle des « revenus des bons ou contrats de capitalisation et des placements de même nature, notamment des contrats d’assurance-vie, souscrits auprès d’entreprises d’assurance établies en France ou à l’étranger ». Le précédent jurisprudentiel relatif au champ des revenus pris en compte par le bouclier fiscal nous incite en effet à penser que le Conseil constitutionnel acceptera cette rédaction.
M. le président Gilles Carrez. De même, lors de la discussion de la loi de finances pour 2013, il y a un an, nous avions jugé particulièrement contestable le fait de compter dans le revenu de l’actionnaire les dividendes non distribués qui, d’un point de vue comptable, restaient dans les fonds propres de l’entreprise. Quand j’ai demandé un commentaire de la décision, on m’a expliqué que le Conseil constitutionnel n’avait pas voulu entrer dans les détails. C’est pourquoi le rapporteur général propose de transposer directement la disposition relative au bouclier fiscal, qui a été implicitement admise par le Conseil.
M. Charles de Courson. S’agissant des bons ou contrats de capitalisation, il est possible de connaître les revenus perçus au cours de l’année concernée. Mais l’amendement évoque « les placements de même nature, notamment les contrats d’assurance-vie ». Or ces derniers ne sont pas, à ma connaissance, des contrats de capitalisation.
N’oublions pas qu’un débat juridique a lieu sur la question de savoir qui, du titulaire ou du bénéficiaire, est le propriétaire d’un contrat d’assurance-vie. Dans ces conditions, n’y a-t-il pas un risque à assimiler ce contrat, par l’adverbe « notamment », à un contrat de capitalisation ?
M. le président Gilles Carrez. La logique de l’amendement est de coordonner le numérateur et le dénominateur. À partir du moment où les prélèvements sociaux figurent au numérateur – ils sont d’ailleurs payés par le titulaire du contrat, et non par son bénéficiaire –, le revenu équivalent, qui a servi d’assiette aux prélèvements sociaux, doit être compté au dénominateur. Il ne peut y avoir de contestation sur ce point.
M. Charles de Courson. À ma connaissance, la banque ou l’assureur qui gère le contrat ne communique pas ce montant au titulaire.
M. le rapporteur général. Il y a des plus-values latentes, un relevé annuel, et les contributions sociales sont payées au fil de l’eau. Quel est le problème ?
M. Charles de Courson. Il convient de savoir qui est propriétaire d’un contrat d’assurance-vie, car cela fait débat.
M. le rapporteur général. Cela n’a rien à voir !
M. Charles de Courson. Mais si, car le Conseil constitutionnel ne permettra jamais la prise en compte des revenus issus d’un contrat d’assurance-vie dont le contribuable n’est pas propriétaire.
La Commission adopte l’amendement I-CF 514 (amendement n° I-282).
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Article 9
Taxe exceptionnelle de solidarité sur les hautes rémunérations
versées par les entreprises
Texte du projet de loi :
I. – Les entreprises individuelles, les personnes morales, les sociétés, groupements ou organismes non dotés de la personnalité morale, qui exploitent une entreprise en France, acquittent une taxe exceptionnelle sur les hautes rémunérations attribuées en 2013 et 2014.
II. – La taxe est assise sur la part des rémunérations individuelles qui excède un million d’euros.
A. – La rémunération individuelle s'entend de la somme des montants bruts suivants susceptibles d’être admis en déduction du résultat imposable, avant éventuelle application des dispositions du deuxième alinéa du 1° du 1 et du 5 bis de l’article 39, des articles 154 et 210 sexies du code général des impôts :
a) les traitements, salaires ou revenus assimilés ainsi que tous les avantages en argent ou en nature ;
b) les jetons de présence mentionnés à l’article 117 bis du même code ;
c) les pensions, compléments de retraite, indemnités, allocations ou avantages assimilés attribués en raison du départ à la retraite ;
d) les sommes attribuées en application du livre III de la troisième partie de la partie législative du code du travail ;
e) les attributions d'options de souscription ou d'achat d'actions en application des articles L. 225-177 à L. 225-186-1 du code de commerce ainsi que les attributions gratuites d'actions en application des articles L. 225-197-1 à L. 225-197-6 du même code ;
f) les attributions de bons de souscription de parts de créateur d'entreprise mentionnées à l'article 163 bis G du code général des impôts ;
g) les remboursements à d’autres entités d’éléments de rémunération mentionnés aux a à f.
B. – Les éléments de rémunérations mentionnés au A sont pris en compte dans l’assiette de la taxe, quelle que soit l’année de leur versement :
– pour ceux mentionnés aux a à d et au g, l’année au cours de laquelle la charge est prise en compte pour la détermination du résultat de l’entreprise ;
– pour ceux mentionnés aux e et f, l’année de la décision d’attribution.
C. – Les éléments de rémunération mentionnés au A sont retenus dans l’assiette de la taxe à hauteur :
1. Lorsque la rémunération prend l’une des formes mentionnées aux a, b, d et g du A, du montant comptabilisé par l’entreprise ;
2. Lorsque la rémunération prend l’une des formes mentionnées au c du A :
– du montant comptabilisé par l’entreprise lorsqu’elle est versée sous forme de rente annuelle ;
– de 10 % du montant comptabilisé par l’entreprise lorsqu’elle est servie sous forme de capital ;
3. Lorsque la rémunération prend la forme d'options de souscription ou d'achat d'actions mentionnés au e du A, au choix de l'entreprise, soit de la juste valeur des options telle qu'elle est estimée pour l'établissement des comptes consolidés pour les sociétés appliquant les normes comptables internationales adoptées par le règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil du 19 juillet 2002 sur l'application des normes comptables internationales, soit de 25 % de la valeur des actions sur lesquelles portent ces options, à la date de décision d'attribution. Ce choix est exercé dans le délai prévu pour la liquidation de la taxe ;
4. Lorsque la rémunération prend la forme d'attribution gratuite d'actions mentionnée au e du A, au choix de l'entreprise, soit de la juste valeur des actions telle qu'elle est estimée pour l'établissement des comptes consolidés pour les sociétés appliquant les normes comptables internationales adoptées par le règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil du 19 juillet 2002 précité, soit de la valeur des actions à la date de la décision d'attribution par le conseil d'administration ou le directoire. Ce choix est exercé dans le délai prévu pour la liquidation de la taxe ;
5. Lorsque la rémunération prend la forme de bons de souscription de parts de créateur d'entreprise mentionnés au f du A, au choix de l'entreprise, soit de la valeur ou de la juste valeur des bons telle qu'elle est estimée pour l'établissement des comptes consolidés pour les sociétés appliquant les normes comptables internationales adoptées par le règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil du 19 juillet 2002 sur l'application des normes comptables internationales, soit de 25 % de la valeur des titres sur lesquels portent ces bons, à la date de décision d'attribution. Ce choix est exercé dans le délai prévu pour la liquidation de la taxe.
III. – Le taux de la taxe est de 50 %.
IV. – Le montant de la taxe est plafonné à hauteur de 5 % du chiffre d’affaires réalisé l’année au titre de laquelle la taxe est due.
V. – 1. Pour les rémunérations prises en compte dans l’assiette de la taxe pour 2013, la taxe est exigible au 1er février 2014.
Pour les rémunérations prises en compte dans l’assiette de la taxe pour 2014, la taxe est exigible au 1er février 2015.
2. La taxe est déclarée et liquidée sur une déclaration conforme au modèle établi par l’administration déposée au plus tard le 30 avril de l’année de son exigibilité.
3. Elle est acquittée lors du dépôt de cette déclaration.
VI. – La taxe est recouvrée et contrôlée selon les procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe.
Observations et décisions de la Commission :
Le présent article propose l’instauration d’une taxation exceptionnelle sur les hautes rémunérations attribuées par les entreprises françaises en 2013 et 2014. La taxe, au taux de 50 %, serait assise sur la fraction des rémunérations annuelles excédant 1 million d’euros. Le rendement attendu est de 420 millions d’euros sur deux ans, dont 260 millions en 2014. Le dispositif proposé tire les conséquences de l’annulation, par le Conseil constitutionnel, de la disposition de la loi de finances pour 2013 qui prévoyait de soumettre les personnes physiques à une contribution exceptionnelle assise sur la fraction de leurs revenus d’activité excédant 1 million d’euros.
I. L’ANNULATION PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DE LA CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE DE SOLIDARITÉ SUR LES TRÉS HAUTS REVENUS D’ACTIVITÉ
Le 27 février 2012, pendant la campagne présidentielle, le candidat François Hollande s’est engagé, s’il était élu, à ce que les revenus excédant 1 million d’euros soient taxés à hauteur de 75 %. Cet engagement répondait à la préoccupation centrale de celui que les Français ont choisi de porter à la Présidence de le République : le redressement dans la justice. Redressement car l’état de nos finances publiques impose des efforts importants afin que notre pays conserve sa souveraineté. Justice car ces efforts doivent être prioritairement demandés à ceux dont les capacités contributives sont les plus importantes.
Cet engagement fort s’est traduit par l’adoption de l’article 12 de la loi de finances initiale (LFI) pour 2013 (45), portant création d’une contribution exceptionnelle de solidarité sur les très hauts revenus d’activité, due par les personnes physiques passibles de l’impôt sur le revenu (IR) en France.
À la différence de l’IR, la contribution n’était donc ni « familialisée » ni « conjugalisée » (exigible par foyer fiscal, en tenant le cas échéant compte des charges de famille), mais bien due par chaque individu se trouvant dans son champ.
Le taux de cette contribution était de 18 %, ce qui permettait d’atteindre une taxation globale de 75 %, compte tenu des autres prélèvements pesant sur les revenus concernés, à savoir :
– le taux marginal du barème de l’impôt sur le revenu (45 % pour la fraction du revenu excédant 150 000 euros) ;
– les prélèvements sociaux sur les revenus d’activité (7,5 % de contribution sociale généralisée + 0,5 % de contribution pour le remboursement de la dette sociale) ;
– la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (4 % pour la fraction des revenus excédant, selon la situation des contribuables, 500 000 euros ou 1 million d’euros).
La contribution était assise sur la somme des éléments de rémunération suivants :
– les traitements et salaires, à l’exclusion des allocations chômage, des allocations de préretraite et des carried interests ;
– les indemnités de fonction des élus locaux, retenues pour leur fraction nette des frais d’emploi ;
– les rémunérations allouées aux gérants et associés des sociétés à responsabilité limitée et des entreprises assimilées ;
– les bénéfices industriels et commerciaux (BIC), les bénéfices non commerciaux (BNC) et les bénéfices agricoles (BA), provenant d’activités exercées à titre professionnel ;
– les avantages tirés de la levée des stock-options ou de l’attribution gratuite d’actions, sous certaines conditions.
La contribution exceptionnelle devait produire ses effets pendant seulement deux ans, au titre des revenus de 2012 (contribution perçue en 2013) et de 2013 (contribution perçue en 2014).
1 500 personnes auraient été redevables, pour un produit attendu de 210 millions d’euros au titre de chacune des deux années d’application.
Saisi de la LFI 2013, le Conseil constitutionnel a déclaré son article 12 contraire à la Constitution, en ce qu’il méconnaissait le principe d’égalité devant les charges publiques, consacré par l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Celui-ci dispose que « pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » (46).
Constatant que les revenus d’activité figurant dans l’assiette de la contribution exceptionnelle étaient « déjà assujettis à l’impôt sur le revenu du foyer fiscal », le Conseil a jugé que le législateur aurait dû, comme pour l’IR
lui-même, tenir compte de l’existence du foyer fiscal pour apprécier les facultés contributives.
Cette décision s’inscrit dans un cadre jurisprudentiel qui fait du foyer fiscal l’unité d’appréciation de la capacité contributive en matière de fiscalité des personnes :
– dans sa décision sur la LFI 1982, le Conseil a jugé « qu'il est de fait que le centre de disposition des revenus à partir duquel peuvent être appréciées les ressources et les charges du contribuable est le foyer familial », et « qu'en décidant que l'unité d'imposition pour l'impôt sur les grandes fortunes est constituée par ce foyer, le législateur n'a fait qu'appliquer une règle adaptée à l'objectif recherché par lui, au demeurant traditionnelle dans le droit fiscal français, et qui n'est contraire à aucun principe constitutionnel et, notamment, pas à celui de l'article 13 de la Déclaration des droits » (47) ;
– dans sa décision sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, le Conseil a censuré la disposition permettant de réduire la CSG pesant sur les revenus d’activité inférieurs à 1,4 SMIC, au motif que cette réduction ne tenait pas compte des facultés contributives du foyer, c’est-à-dire « ni des revenus du contribuable autres que ceux tirés d'une activité, ni des revenus des autres membres du foyer, ni des personnes à charge au sein de celui-ci » (48) ;
– en réponse, en 2010, à une question prioritaire de constitutionnalité relative à l’impôt de solidarité sur la fortune, le Conseil a jugé que les facultés contributives du foyer fiscal peuvent être prises en compte selon d’autres modalités que le quotient familial, prévu en matière d’impôt sur le revenu mais nullement exigé par l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (49).
Le rapporteur général avait appelé l’attention du Gouvernement sur les effets de la mesure proposée dans le projet de loi de finances pour 2013, notant que « des disparités manifestes de traitement entre des foyers disposant de très hauts revenus peuvent découler de [la] définition du champ des redevables. Un foyer composé d’un célibataire bénéficiant de 1 500 000 euros de rémunérations diverses sera imposé à la contribution à hauteur de 90 000 euros, alors qu’un foyer composé de deux personnes percevant 900 000 euros de rémunération chacune, soit 1 800 000 euros au total, ne sera pas imposé » (50).
Fidèle à la règle de l’économie de moyens, le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé sur les autres griefs soulevés, par les parlementaires requérants, à l’encontre de l’article 12 de la LFI 2013. Il a cependant jugé utile, après avoir rappelé que l’exigence posée par l’article 13 de la Déclaration des droits « ne serait pas respectée si l’impôt revêtait un caractère confiscatoire » (51), d’indiquer que, précisément, le caractère confiscatoire de la contribution censurée figurait parmi les griefs soulevés. Le Conseil pouvait ainsi laisser penser qu’un examen au fond de ce moyen aurait pu le conduire à la même conclusion.
Soucieux de mettre en œuvre l’engagement du Président de la République dans le respect des prescriptions constitutionnelles, le Gouvernement a saisi le Conseil d’État d’une demande d’avis, afin de répondre à un certain nombre de questions, qui peuvent à grands traits être résumées de la sorte :
– l’assiette d’une nouvelle contribution doit-elle être étendue au-delà des revenus d’activité professionnelle, afin d’assurer une égalité de traitement des différentes catégories de revenus ? ;
– le taux de 18 % est-il confiscatoire, et le cas échéant pour quelles catégories de revenus ? ;
– comment prendre en compte l’existence du foyer fiscal ?
Par un communiqué de presse en date du 22 mars 2013, les ministres de l’Économie et du Budget ont rendu public l’avis du Conseil d’État, en constatant que « les contraintes juridiques encadrant la possibilité d’instaurer une taxation des rémunérations les plus élevées qui découlent des évolutions de la jurisprudence constitutionnelle […] encadrent fortement les marges de manœuvre » (52).
Le Conseil d’État a en effet estimé qu’une nouvelle contribution sur les hauts revenus devrait notamment, pour ne pas encourir la censure du Conseil constitutionnel :
– être pleinement conjugalisée, par un doublement du seuil d’assujettissement pour les couples soumis à imposition commune ;
– être assise sur l’ensemble des revenus perçus par le foyer ;
– ne pas conduire à imposer un quelconque élément de revenu à plus des deux tiers, afin de tenir compte de la définition que le Conseil constitutionnel semble avoir donné, dans sa décision sur la LFI 2013, du caractère confiscatoire de l’impôt (53).
La vérification de cette dernière condition nécessiterait l’adoption de dispositions très complexes, compte tenu, d’une part, de la diversité actuelle des niveaux d’imposition en fonction des catégories de revenus et, d’autre part, de la nécessité de ne pas différencier le taux de la nouvelle contribution en fonction desdits revenus, « s’agissant d’un impôt unique pesant sur l’ensemble des revenus perçus par les assujettis ».
Prudent sur la conformité d’un tel dispositif à la Constitution, le Conseil d’État ne masquait pas sa préférence pour l’une des solutions alternatives suivantes :
– soit modifier le barème de l’impôt sur le revenu ou de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, « par la création d’une tranche d’imposition supplémentaire ou l’augmentation des taux existants » ;
– soit imposer la partie versante (l’employeur), en empêchant de déduire de l’assiette de l’impôt sur les bénéfices la fraction des revenus excédant 1 million d’euros, ou en soumettant ladite fraction à une imposition spécifique.
Cette dernière solution était considérée par le Conseil d’État comme optimale, car seule à même d’atteindre véritablement l’objectif d’imposer les revenus excédant 1 million d’euros, compte tenu de la nécessaire conjugalisation d’une contribution pesant sur les personnes physiques (54).
Le Conseil d’État citait comme exemple de taxation spécifique celle qui a été introduite par l’article 2 de la première loi de finances rectificative pour 2010 (55), assise sur la fraction excédant 27 500 euros des bonus versés par les banques à leurs traders au titre de l’année 2009, au taux de 50 %.
Tirant les leçons de la décision du Conseil constitutionnel et des recommandations du Conseil d’État, le présent article propose d’instaurer une contribution à la charge des entreprises, assise sur la fraction des rémunérations qu’elles versent au-delà de 1 million d’euros, en conservant un objectif de rendement budgétaire du même ordre de grandeur.
I. LE NOUVEAU DISPOSITIF PROPOSÉ
A. LES PERSONNES REDEVABLES DE LA TAXE
Le I du présent article dispose que sont redevables de la taxe « les entreprises individuelles, les personnes morales, les sociétés, groupements ou organismes non dotés de la personnalité morale, qui exploitent une entreprise en France ».
● Quelle que soit la forme juridique des redevables, tous ont donc en commun l’exploitation d’une entreprise en France. Dans le silence du texte, l’exploitation d’une entreprise en France devrait s’entendre, comme pour un certain nombre de taxes diverses prévues par le code général des impôts (CGI) (56), au sens du I de l’article 209 dudit code. Celui-ci pose les principes généraux de l’impôt sur les sociétés (IS), et prévoit notamment que les bénéfices qui y sont soumis sont ceux réalisés en France (principe de territorialité).
● La liste des personnes redevables est conçue de telle sorte qu’aucune entreprise exploitée en France ne puisse échapper au paiement de la taxe, que l’exploitation soit faite :
– par une entreprise individuelle, c’est-à-dire une entreprise dirigée par une seule personne physique et dont les bénéfices sont soumis à l’impôt sur le revenu ;
– par une personne morale, quelle qu’en soit la nature ;
– par une société, un groupement ou un organisme non doté de la personnalité morale (par exemple une société en participation régie par l’article 1872-1 du code civil, ou un établissement stable d’une société étrangère).
1. Le principe général : une assiette égale à la fraction des rémunérations versées en 2013 et 2014 qui excède 1 million d’euros
La taxe est assise sur les « hautes rémunérations attribuées en 2013 et 2014 » (I), cette limitation dans le temps lui conférant son caractère « exceptionnel » (57).
La notion de « hautes rémunérations » s’entend, aux termes du II, de « la part des rémunérations individuelles qui excède un million d’euros ». Ainsi, une rémunération individuelle (58) d’un montant de 1,2 million d’euros ne se trouverait dans l’assiette de la taxe qu’à hauteur de 200 000 euros.
Pour l’appréciation du seuil d’entrée dans l’assiette de la taxe, les rémunérations ne peuvent s’entendre que des rémunérations annuelles, attribuées entre le 1er janvier et le 31 décembre de chacune des deux années concernées.
Il faut relever que le champ des attributaires des rémunérations n’est pas défini, ce qui signifie que la fraction des rémunérations excédant 1 million d’euros entre dans l’assiette de la taxe quel qu’en soit le bénéficiaire (salarié, mandataire social).
● L’assiette de la taxe va bien au-delà des seuls salaires, afin d’éviter tout contournement de la mesure, compte tenu de la diversité des formes de rémunérations pouvant être versées aux salariés mais aussi aux dirigeants mandataires sociaux.
En application du A du I, la rémunération individuelle s’entend de la somme des montants de plusieurs éléments, énumérés aux a à g du même A :
– « les traitements, salaires ou revenus assimilés (59) ainsi que tous les avantages en argent ou en nature » (a) ;
– les jetons de présence alloués, dans les sociétés anonymes, aux membres du conseil d’administration ou du conseil de surveillance (b) ;
– les différentes formes de rémunération attribuées en raison du départ à la retraite, à savoir « les pensions, compléments de retraite, indemnités, allocations ou avantages assimilés » (60)(c) ;
– l’intéressement, la participation et l’épargne salariale (d) (61) ;
– les stocks-options et les attributions gratuites d’actions (62)(e) ;
– les attributions de bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (f). Ces BSPCE sont une forme particulière de stock-options, attribués par des jeunes sociétés (moins de 15 ans) non cotées ou dont la capitalisation boursière n’excède pas 150 millions d’euros, et dont le capital doit être en général détenu à au moins 25 % par des personnes physiques ;
– enfin, « les remboursements à d’autres entités » des éléments de rémunération précités (g), l’objectif étant d’empêcher les stratégies de contournement de la taxe. Selon les informations recueillies par le rapporteur général, sont ici visés notamment les management fees, versés par exemple par une société implantée à l’étranger à l’un de ses cadres dirigeants investi d’une mission temporaire dans une société liée, établie en France ; si la société établie en France rembourse à la société établie à l’étranger la rémunération que celle-ci a versé au cadre, le montant du remboursement se trouve dans l’assiette de la taxe. L’évaluation préalable annexée au présent article indique que « le cas échéant, la société ayant bénéficié dudit remboursement pourra diminuer sa base soumise à la taxe d’un montant équivalent ».
● Bien que large, cette liste n’inclut pas les revenus d’activité que sont, pour les redevables de l’impôt sur le revenu, les BIC, les BNC et les BA. Une entreprise imposée à l’IR et dégageant ce type de bénéfices se trouve dans le champ d’application de la taxe – dès lors qu’elle sert des rémunérations supérieures à 1 million d’euros –, mais les personnes qui tirent leurs revenus desdits bénéfices ne sont pas, elles, dans le champ d’application.
Pour le dire de façon caricaturale, un cabinet d’avocats ayant la forme juridique d’une société fiscalement transparente – ce sont les actionnaires qui s’acquittent de l’impôt sur les bénéfices, dans la catégorie des BNC – est dans le champ de la taxe s’il verse à ses salariés une ou des rémunérations excédant 1 million d’euros ; en revanche, les associés de ce cabinet, même s’ils perçoivent une fraction des bénéfices de la société excédant 1 million d’euros, ne sont pas dans le champ. Cette situation s’explique logiquement par le statut des revenus concernés ; pour reprendre les termes de l’évaluation préalable annexée au présent article, « le travail de l’exploitant individuel étant rémunéré par le bénéfice net tiré de l’exploitation, les appointements qu’il s’alloue à raison de cette activité professionnelle correspondent à un emploi du bénéfice et non à une charge ».
● La taxe frappe la somme des montants bruts de chacun de ces éléments (A), c’est-à-dire avant soustraction des prélèvements à la charge des bénéficiaires (cotisations sociales salariales, CSG, CRDS).
● Pour se trouver dans l’assiette, les montants en question doivent être, aux termes du même A, « susceptibles d’être admis en déduction du résultat imposable ». Cela semble donc signifier que ceux des éléments de rémunération qui ne seraient pas déductibles ne seraient pas non plus taxables.
Il s’agit sans doute d’une imprécision rédactionnelle, car il est prévu au même endroit – et c’est bien l’intention – que les différents éléments de rémunération entrent dans l’assiette de la taxe avant application des dispositions limitant la déductibilité de certaines charges, à savoir :
– le deuxième alinéa du 1° du 1 de l’article 39 du CGI, qui interdit la déduction des rémunérations ne correspondant pas à un travail effectif ou excessives eu égard au service rendu ;
– le 5 bis du même article, qui plafonne la déductibilité des « parachutes dorés » (63) à six fois le plafond annuel de la sécurité sociale ;
– l’article 154 du CGI, qui limite en principe à 13 800 euros la déductibilité du salaire versé au conjoint d’un dirigeant, pour la détermination des BIC et des BNC ;
– l’article 210 sexies du même code, qui limite la déductibilité des jetons de présence à 5 % de la moyenne des rémunérations les plus élevées de la société.
Cela signifie donc, pour prendre un seul exemple, qu’un parachute doré versé en 2013 ou 2014 et dont le montant est de huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale entre dans l’assiette de la taxe pour la totalité de son montant, alors même qu’il n’est déductible qu’à hauteur de six fois ce plafond.
Le B du I règle la question de la date de prise en compte de chacun des éléments de rémunération :
– les stock-options, les attributions gratuites d’action et les attributions de BSPCE sont pris en compte l’année de la décision d’attribution. Si l’organe dirigeant d’une société décide d’attribuer l’un de ces éléments en 2013 ou en 2014, ledit élément entre dans l’assiette de la taxe ;
– les autres éléments entrent dans l’assiette si la charge correspondante est prise en compte en 2013 ou en 2014 pour la détermination du résultat de l’entreprise.
Les règles ainsi exposées s’appliquent quelle que soit l’année de versement de l’élément de rémunération. Ainsi, un salaire du mois de décembre 2014 versé en janvier 2015 entrera bien dans l’assiette de la taxe au titre de 2014.
Le C du I prévoit différentes modalités de détermination du montant de chaque élément entrant dans l’assiette de la taxe.
● Les éléments de nature salariale ou quasi-salariale, les jetons de présence, l’intéressement, la participation, l’épargne salariale, ainsi que les remboursements d’éléments de rémunération entrent dans l’assiette pour le montant comptabilisé par l’entreprise, donc par principe dans leur intégralité (1 du C du I).
La même règle s’applique lorsque les éléments de rémunération attribués en raison du départ à la retraite sont versés sous forme de rente annuelle. En revanche, lorsqu’ils sont versés sous forme de capital, seuls 10 % du montant comptabilisé par l’entreprise entrent dans l’assiette (2). La fixation du taux de 10 % résulte d’un choix du Gouvernement, tenant compte du fait qu’il s’agit de la capitalisation d’une somme normalement destinée à être versée sur plusieurs exercices, et non de l’application d’une règle spécifique.
● Des règles spécifiques sont prévues pour les rémunérations sous forme de titres ou d’option sur titres, inspirées de la contribution sociale patronale sur les stock-options et les attributions gratuites d’actions, prévue par l’article L.137-13 du code de la sécurité sociale.
Cette contribution (dont le produit est affecté aux régimes obligatoires d’assurance maladie) frappe au taux de 30 % (64) une assiette pouvant être, au choix de l’employeur :
– s’agissant des stocks-options :
o soit la juste valeur des actions sur lesquelles portent les options, telle qu’elle est estimée pour l’établissement des comptes consolidés pour les sociétés appliquant les normes comptables internationales (65) ;
o soit une assiette forfaitaire de 25 % de la valeur des actions sur lesquelles portent les options à la date de la décision d’attribution ;
– s’agissant des attributions gratuites d’actions :
o soit leur juste valeur, telle que définie supra ;
o soit une assiette forfaitaire de 100 % de la valeur des actions gratuites à la date de la décision d’attribution.
Logiquement, le présent article retient les critères ainsi définis pour l’appréciation de la valeur des stock-options (3) et des attributions gratuites d’actions (4) entrant dans l’assiette de la taxe.
La méthode de valorisation des BSPCE, non soumis à la contribution sociale de 30 %, est globalement la même que celle retenue pour les stock-options (5). Il faut à ce stade préciser qu’au regard des normes IFRS, les BSPCE – comme les stock-options dont ils sont une variante – doivent être comptabilisés comme une charge de personnel, dont ils sont économiquement équivalents. Leur comptabilisation en juste valeur n’est en revanche pas obligatoire ; le texte prévoit donc la possibilité d’une comptabilisation à la valeur historique (66).
Dans chacun des trois cas (3, 4 et 5), le choix de l’entreprise doit être exercé dans le délai prévu pour la liquidation de la taxe, soit au plus tard le 30 avril de l’année d’exigibilité (cf. infra).
Le taux de la taxe est fixé à 50 % (III).
Il n’aura échappé à personne que la taxe prévue par le présent article est fréquemment désignée dans la presse comme la taxe « 75 % », par référence à l’engagement du Président de la République, déjà évoqué.
Selon les informations transmises au rapporteur général, la somme des prélèvements sociaux pesant par ailleurs sur l’assiette de la taxe atteindrait, dans la généralité des cas, environ 25 %. Mais, compte tenu de la diversité des éléments d’assiette, il ne s’agit là au mieux que d’une estimation approximative.
En tout état de cause, l’objectif d’une taxation à 75 % n’est plus affiché comme tel par le Gouvernement ; ainsi, l’évaluation préalable n’y fait nullement référence. Mais la philosophie d’ensemble correspond bien au schéma suivant : la taxe pèsera sur les entreprises les plus aisées, qui ont les moyens de verser des rémunérations supérieures à 1 million d’euros, et son produit contribuera, dans les mêmes proportions que l’aurait fait la contribution votée en LFI 2013, au redressement des finances publiques.
La question du caractère confiscatoire de la taxe, dont le taux facial est élevé, ne se pose en revanche pas. En effet, elle n’est pas due par les personnes physiques, mais par leurs employeurs, pour qui l’assiette ne constitue pas un revenu mais, au contraire, une fraction – nécessairement limitée – de leurs charges.
Le IV prévoit que « le montant de la taxe est plafonné à hauteur de 5 % du chiffre d’affaires réalisé l’année au titre de laquelle la taxe est due ». L’évaluation préalable indique que ce « mécanisme d’atténuation » a été prévu « afin de ne pas rendre excessif le poids de la taxe ». L’exemple fictif suivant permet de comprendre les effets du plafonnement.
Soit une entreprise réalisant en 2013 un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros. Cette entreprise, soucieuse d’attirer les talents, verse à cinq de ses 22 salariés une rémunération individuelle dont le montant brut est de 2 millions d’euros (soit une masse salariale représentant la moitié de son chiffre d’affaires). L’assiette de la taxe due par cette entreprise est de 5 millions d’euros (soit 5 x 1 million d’euros). Le montant théoriquement dû est donc de 2,5 millions d’euros. Mais ce montant est supérieur à 5 % du chiffre d’affaires de l’année (soit 1 million d’euros) : l’entreprise est donc redevable de cette seule somme de 1 million d’euros, par application du plafond.
La taxe est exigible au 1er février de l’année suivant celle au titre de laquelle les rémunérations sont prises en compte dans l’assiette : soit le 1er février 2014 pour les rémunérations prises en compte dans l’assiette pour 2013, puis le 1er février 2015 s’agissant des rémunérations de 2014 (1 du V).
Elle doit être déclarée et liquidée, selon un modèle que l’administration fiscale fournira, au plus tard le 30 avril de l’année d’exigibilité (2), et acquittée lors du dépôt de la déclaration (3).
Les règles de recouvrement, de contrôle ainsi que de contentieux sont les mêmes que celles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée (VI).
● Comme la taxe votée en LFI 2013, celle-ci rapporterait 420 millions d’euros sur deux ans. Le rendement serait plus important en 2014 (260 millions) qu’en 2015 (160 millions).
L’évaluation préalable indique que l’assiette retenue pour la simulation de chiffrage s’élève à 715 millions d’euros, sur la base des rémunérations brutes versées en 2011, et suivies dans la déclaration annuelle des données sociales (DADS) (67).
L’application du taux de 50 % à ce montant produit un rendement théorique de 357,5 millions d’euros, amputé de 47,5 millions d’euros du fait du plafonnement (soit tout de même 13 % du rendement théorique).
Les 310 millions d’euros restants se réduisent à 210 millions d’euros après que la taxe a été déduite de l’assiette de l’impôt sur les sociétés, au taux normal de 33,1/3 % (68). Il faut en effet préciser que dans le silence du texte, la taxe est par principe déductible, comme la généralité des impôts (69).
Au final, le rendement en année pleine serait donc de 210 millions d’euros, pendant deux ans (70).
L’évaluation préalable explique la chronique irrégulière du rendement (260 millions, puis 160 millions) par « la mécanique de l’IS ».
● La même source indique que 470 entreprises seraient redevables de la taxe, au titre des rémunérations versées à 1 000 salariés et dirigeants.
L’effet de la taxe sur l’attractivité de la France pour les salariés à forte rémunération « devrait être limité », en raison de son caractère temporaire, sa disparition étant programmée dès 2015.
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La Commission examine les amendements identiques I-CF 14 de M. Marc Le Fur, I CF 60 de M. Hervé Mariton, I-CF 145 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF 380 de M. Charles de Courson.
M. Marc Le Fur. La volonté du Président de la République de taxer les hauts revenus s’étant heurtée à la décision du Conseil constitutionnel, le projet de loi prévoit d’appliquer aux entreprises une taxe de 50 % sur la fraction de la rémunération supérieure à 1 million d’euros par an versée à leurs salariés et dirigeants. Il s’agit d’un véritable OVNI, voire d’une disposition zombie.
En effet, la logique, pour atteindre l’objectif, aurait été plutôt de modifier l’impôt sur les revenus et d’instituer, pour les revenus supérieurs à 1 million d’euros, une « super-tranche marginale » de 50 %. Mais, ici, c’est l’entreprise qui est taxée. Que vous soyez riche ou pauvre, vous devez payer vos impôts ; mais si vous êtes très riche, c’est votre entreprise qui les paye ! Il n’y a vraiment que les socialistes pour imaginer pareille disposition !
Il est tout aussi surprenant de constater que les revenus du travail non salariaux tels que les cachets ou les honoraires – dont le montant peut pourtant être bien supérieur à 1 million d’euros – ne seront pas soumis à cette taxe. Où est l’égalité ?
Enfin, pour épargner les clubs de football, les concepteurs de cette taxe ont prévu de plafonner la contribution à 5 % du chiffre d’affaires de l’entreprise. Le problème est la très grande différence de situation d’un club à l’autre : si le PSG compte vingt-et-un joueurs dont la rémunération dépasse le million d’euros, Guingamp, Bastia et Ajaccio n’en comptent qu’un, et Valenciennes trois. Le PSG, à la différence des petits clubs, va donc pleinement bénéficier d’un dispositif de plafonnement, d’ailleurs fait sur mesure pour lui.
Nous sommes donc dans l’aberration la plus totale, puisque l’application de l’article 9 entraînerait, au sein du football français, une grande inégalité et favoriserait les plus riches au détriment des clubs les plus modestes.
M. Hervé Mariton. Tout d’abord, je m’interroge sur le sens qu’il faut donner, d’un point de vue juridique, à l’expression « entreprise individuelle », afin de mieux comprendre quels revenus seraient concernés par cette nouvelle contribution.
Sur le plan temporel, la disposition s’appliquerait aux rémunérations versées en 2013 et 2014, et serait donc en partie rétroactive. Or si la rétroactivité peut être admise s’agissant d’impôts déjà existants, qu’en est-il des impôts nouvellement créés ? Cela me semble un motif solide d’inconstitutionnalité.
Certains contrats de travail négociés par des cadres effectuant une mobilité à l’étranger prévoient déjà une rémunération « net de net » par rapport à l’impôt sur le revenu. Il ne sera donc même pas nécessaire pour les entreprises d’inventer de nouvelles pratiques en ce domaine : si elles existent déjà pour la fiscalité pesant sur les personnes physiques, elles s’appliqueront d’autant plus facilement aux entreprises.
La majorité devrait donc prendre acte de la décision du Conseil constitutionnel et avoir la sagesse de ne pas poursuivre dans cette voie.
Mme Marie-Christine Dalloz. La mesure proposée exonère également de toute contribution supplémentaire les très grosses rémunérations perçues par certaines professions libérales, ce qui pose un problème d’inégalité de traitement des citoyens en matière fiscale.
Par ailleurs, le fait même d’instaurer un plafonnement à hauteur de 5 % du chiffre d’affaires prouve que vous avez conscience du caractère confiscatoire et antiéconomique de cette nouvelle contribution, quand bien même celle-ci correspond à un engagement du Président de la République.
M. Charles de Courson. Je vois au moins trois raisons de rendre service au Gouvernement en n’adoptant pas l’article 9.
La première est d’ordre constitutionnel : une nouvelle fois, le Gouvernement s’expose à une censure du Conseil constitutionnel, non seulement en raison de la rupture d’égalité entre salariés et non-salariés, mais aussi du fait de l’application du plafonnement à hauteur de 5 % du chiffre d’affaires réalisé. À défaut d’une telle clause, les clubs de football – essentiellement deux d’entre eux – auraient dû payer 87 millions d’euros ; le plafonnement réduira à 47 millions la somme qu’ils verseront. Il s’agit donc d’une mesure personnelle, d’un cadeau de 40 millions destiné plus particulièrement à deux clubs, dont le PSG.
Un autre problème est posé par la rétroactivité. Il est prévu que soit versé au tout début de 2014 le montant dû au titre de 2013, alors que les comptes doivent être bouclés au 31 décembre et que les entreprises auront appris la veille qu’elles doivent provisionner l’impôt qui sera levé au début de l’année suivante !
La dernière raison, la plus grave, est le risque bien réel de délocalisation des grands sièges sociaux. Alors qu’il s’agissait à l’origine de taxer les hautes rémunérations, de petites entreprises, qui accordent des rémunérations élevées à deux ou trois personnes, vont partir. Qu’y gagnerons-nous ? Une fois que les sièges sociaux auront quitté Paris, des décisions moins avantageuses pour notre pays seront prises. Je ne vous comprends pas. Cette taxe exceptionnelle ne pourra produire que du désordre ; il y a là une forme de masochisme. Sans compter que le Conseil constitutionnel n’aime guère que l’on revienne à l’attaque après une annulation. La majorité doit se ressaisir et arrêter les frais !
M. le rapporteur général. Cette taxe n’est pas un impôt sur les personnes. Elle n’introduit aucune rupture d’égalité entre les personnes, qui sont toutes imposées de la même manière. L’avocat, le trader, le banquier, le dirigeant d’entreprise qui gagnent 2 millions d’euros par an paieront leur impôt comme ils le font aujourd’hui ; par ailleurs, l’employeur du salarié paiera une taxe exceptionnelle sur les très hauts revenus.
Certains ont critiqué le passage de son taux de 75 % à 50 %. Je rappelle que la taxe s’applique à toutes les rémunérations, dont les stock-options, l’attribution d’actions gratuites, les rémunérations variables et, bien sûr, les salaires. Pourquoi 50 % ? Parce que ces éléments de rémunération sont déjà soumis à des charges, lesquelles varient selon le type de rémunération et ont été estimées par le Gouvernement à 25 % en moyenne – elles sont assez souvent plus élevées, chaque situation individuelle correspondant à un taux différent. On a donc ajouté ces 25 % au taux de 50 %, ce qui permet de tenir l’engagement symbolique de 75 %.
Je m’inscris en faux contre l’idée que certains paieraient désormais l’impôt par l’intermédiaire de leur entreprise : non, chacun continuera de payer l’impôt dont il est redevable. En revanche, l’entreprise versant des rémunérations entrant dans l’assiette devra payer une taxe supplémentaire sur les hauts revenus. Il ne s’agit donc pas d’un impôt payé par l’entreprise au nom du salarié.
Contrairement à ce que j’ai aussi entendu dire, nous ne faisons de cadeau à personne : au contraire, nous pénalisons tout le monde ! Nous n’offrons pas la moitié de la taxe aux clubs de football, dont vous ne cessez de parler ; nous exigeons de ces sociétés un peu particulières qu’elles paient la taxe, en plafonnant toutefois celle-ci afin de ne pas mettre en danger toutes les entreprises dont le chiffre d’affaires est faible, mais qui emploient des salariés dont les rémunérations dépassent 1 million d’euros. Il y a là une certaine logique. J’ai bien reçu, comme vous, les notes de la Ligue de football professionnel qui évaluaient le montant par club, mais les clubs de football ne sont pas particulièrement protégés.
Le rendement de la taxe est estimé pour l’instant – à moins que ne soit adopté un amendement que je vous présenterai ensuite –, à 210 millions d’euros par an. Il s’agit bien d’une taxe exceptionnelle, qui, pour contribuer au redressement des comptes publics, frappe des rémunérations que beaucoup jugent indécentes.
La rétroactivité que vous avez critiquée correspond à une opération assez courante lorsqu’il s’agit de taxer un exercice. On ne peut pas dire que les intéressés soient pris par surprise : cette question est débattue depuis très longtemps. La taxe a été annulée par le Conseil constitutionnel pour des raisons que nul n’ignore et que j’avais signalées à l’époque. Le Gouvernement a consulté le Conseil d’État, ce qui devrait rassurer ceux que la régularité de la mesure inquiète, et a rendu son avis public dans un communiqué de presse du 22 mars 2013. Tout le monde a donc pu en prendre connaissance.
Par conséquent, j’émets un avis défavorable à tous les amendements de suppression.
M. Régis Juanico. Cette taxe improprement dite « à 75 % » est tout sauf une surprise. Elle correspond à un engagement pris de longue date par le Président de la République afin que les entreprises qui versent des rémunérations supérieures à 1 million d’euros contribuent au rétablissement des comptes publics. Seules 470 d’entre elles sont concernées, et, en leur sein, 1 000 salariés ou dirigeants. En outre, la taxe est ponctuelle, puisqu’elle est limitée aux années 2013 et 2014, et plafonnée à 5 % du chiffre d’affaires.
Rappelons en outre que, pour une assiette de 715 millions d’euros, le rendement de l’imposition ne dépasse pas 210 millions, abstraction faite de l’amendement qui va être présenté par le rapporteur général et aux termes duquel la taxe ne serait plus déductible de l’assiette de l’impôt sur les bénéfices, ce qui accroîtrait son rendement.
Ce dispositif ponctuel, limité, au rendement raisonnable, s’applique à toutes les entreprises sans exception, même si l’on parle beaucoup de football, ce qui suscite mon attention comme rapporteur spécial de la mission Sport. En l’espèce, nous avons divisé par deux le montant redouté par les clubs, qui est passé de 80 à 40 millions d’euros environ. Le PSG, qui aurait dû acquitter 40 millions sans plafonnement, devra en payer 20 ; le taux de 50 % s’applique et aucun club n’est privilégié.
M. Hervé Mariton. Le rapporteur général ne nous a pas dit, me semble-t-il, pourquoi les honoraires et les cachets échappent à la taxe.
M. le président Gilles Carrez. Il a répondu en indiquant que la taxe était acquittée par l’entreprise.
M. Hervé Mariton. On nous dit que la mesure concerne peu d’entreprises. Dès lors, pourquoi l’appliquer ? De même, à propos de la fiscalité des personnes, on nous a assuré qu’une mesure que nous jugions handicapante pour les familles très nombreuses n’en était pas moins envisageable puisque peu de foyers seraient touchés. Mais pourquoi faire une ânerie, même si elle ne concerne pas grand monde ?
Si l’on pouvait à la rigueur comprendre, sans le partager, l’objectif de moralisation qui présidait au dispositif présenté l’an dernier et repoussé par le Conseil constitutionnel, il n’en est plus question ici. Vous n’atteindrez pas les salariés ni les salaires en tant que tels. Relativement dissuasif s’il concernait les salariés, cet impôt, appliqué aux entreprises et levé sur la totalité de leur masse salariale, sans parler du plafond, est très contraint. Dans la première hypothèse, l’impôt est très visible pour le salarié ; dans le second cas, il n’a plus du tout le même effet.
M. Marc Le Fur. Aucun des trois types de très hauts revenus ne sera touché par la taxe : ni les cachets et honoraires, qui y échappent totalement ; ni les hauts revenus des sportifs – 14 millions d’euros pour Ibrahimović –, qui y sont soustraits par le plafond de 5 % ; ni les rémunérations des très hauts dirigeants, qui seront versées par plusieurs sociétés, ce qui permettra de contourner la taxe. Il ne s’agit donc que d’apparences. Le Président de la République affiche sa volonté de s’en prendre aux hauts revenus, mais ne va pas jusqu’au bout de sa démarche puisqu’il renonce au taux de 75 %. Or l’imposition des entreprises, logique lorsque le taux atteint 75 %, n’est plus justifiée dès lors que celui-ci est ramené à 50 % : pourquoi ne pas créer alors un taux marginal d’impôt sur le revenu à 50 % ?
M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur, la rupture d’égalité dont j’ai parlé ne concerne pas les salariés, mais les entreprises. La taxe ne sera pas acquittée pour un salarié qui travaille pour moitié dans une holding, pour moitié dans la filiale, et qui gagne 750 000 euros dans chacune des deux entreprises.
M. le président Gilles Carrez. Comme l’a dit Marc Le Fur, les entreprises vont s’organiser pour morceler les rémunérations.
M. Charles de Courson. En revanche, la taxe devra être versée si le salarié est entièrement employé par la holding et perçoit plus de 1 million d’euros. Les entreprises dont les cadres supérieurs perçoivent un revenu au titre de plusieurs activités seront donc avantagées par rapport aux autres.
La taxe crée une autre rupture d’égalité, à situation économique équivalente, entre les entreprises qui ont des salariés et celles qui ont des associés, par exemple les cabinets d’avocats où l’on peut être très bien payé.
M. Jean-François Lamour. Les rémunérations très élevées sont souvent versées par des multinationales. Pour contourner la mesure, celles-ci commencent à envoyer leurs cadres dirigeants dans leurs succursales hors de France et d’Europe. Ainsi une société de distribution a-t-elle pu envoyer au Brésil bon nombre de ses dirigeants. Ils continuent de travailler pour la holding située en France, mais une part importante de leur activité se déroule désormais en Amérique du Sud. Cela permet de « saucissonner » leur rémunération, selon la méthode évoquée par Charles de Courson. Je doute que la filiale brésilienne de l’entreprise en question soit soumise à la taxe sur les hautes rémunérations au titre de la partie des revenus qu’elle verse hors de France.
M. le rapporteur général. Les hypothèses qui ont été évoquées sont prévues par le texte. Sont notamment visés les management fees qu’une société implantée à l’étranger verse à l’un de ses cadres dirigeants dans une filiale établie en France. Si la société établie en France rembourse à la société implantée à l’étranger la rémunération que celle-ci a versée, le montant du remboursement figure dans l’assiette de la taxe. Si elle ne la rembourse pas, cela peut être considéré comme un acte anormal de gestion puisqu’aucune rémunération n’a été versée en contrepartie d’une prestation fournie : les services fiscaux pourraient dans ce type de situation procéder à un redressement. Les contrôles seront-ils suffisamment poussés pour déceler de telles pratiques ? C’est une autre affaire. Mais je doute que des entreprises restructurent leur organisation pour deux ans, puisque la taxe ne s’appliquera qu’en 2013 et 2014.
M. le président Gilles Carrez. À mon avis, le produit effectif de la taxe, mesurable dans un an, sera inférieur de moitié à ce qui est prévu, étant donné les modifications de comportement que le dispositif va entraîner. La comparaison sera intéressante.
M. Jean-François Lamour. Il serait également intéressant de mesurer l’évolution perceptible entre 2013 et 2014.
La Commission rejette les amendements.
Elle examine ensuite l’amendement I-CF 336 de Mme Annick Girardin.
Mme Annick Girardin. Le rapport sur Le fair-play financier européen et son application au modèle économique des clubs de football professionnel français, présenté en juillet dernier par des députés issus de divers groupes, dont Thierry Braillard, a montré que la rétroactivité risque de fragiliser la situation financière des clubs. Il est légitime que les rémunérations prévues par les contrats à venir soient assujetties à la fiscalité de droit commun ; toute exonération instituerait une rupture d’égalité injustifiable. En revanche, un durcissement du régime fiscal applicable aux rémunérations négociées sous l’empire d’une réglementation plus favorable serait susceptible d’affecter sensiblement les comptes des clubs.
Le présent amendement, qui sera défendu en séance par Thierry Braillard, propose donc qu’il soit uniquement tenu compte des rémunérations attribuées en 2014 et 2015.
M. le rapporteur général. J’ai de bonnes raisons de penser que certains cas individuels qui auraient été concernés en 2013 ne le seront plus en 2014. Michel Platini – qui est né et a appris à jouer au football à Jœuf, dans la circonscription de votre rapporteur général – a entrepris de moraliser les pratiques financières en vigueur dans le football. Rappelons que le montant de certains transferts dépasse 100 millions d’euros, soit, selon notre président, l’équivalent du montant de la taxe en année pleine, et ce pour une seule personne ! Cela donne à réfléchir, même si cela ne se passe pas en France.
Je le répète, la taxe qui s’appliquera en 2013 et 2014, envisagée sous sa forme définitive dès mars dernier, ne prend personne par surprise.
Je suis donc défavorable à l’amendement – mais nous reprendrons ce débat en séance, avec nos collègues des autres commissions.
M. Hervé Mariton. Si la rétroactivité doit s’appliquer, ce n’est pas seulement au football, sur lequel porte l’amendement, mais également aux autres secteurs.
M. le président Gilles Carrez. Naturellement.
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient ensuite à l’amendement I-CF 382 de M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Aux termes de l’alinéa 24, « pour les rémunérations prises en compte dans l’assiette de la taxe pour 2013, la taxe est exigible au 1er février 2014 ». En d’autres termes, et à supposer – non sans optimisme – que le dispositif ne soit pas censuré par le Conseil constitutionnel, une taxe créée le 31 décembre, au moment où l’entreprise clôture ses comptes, l’oblige à provisionner sur ses comptes 2013 le montant à verser au 1er février 2014. Comment gérer une entreprise dans ces conditions ? Voilà qui illustre le travers consistant à modifier sans cesse les règles, contre lequel le rapporteur général nous met souvent en garde. Ce n’est pas sérieux. Nous proposons donc de supprimer l’alinéa 24.
M. le rapporteur général. Voilà plus d’un an que cette taxe « à 75 % » est évoquée par tous les grands journaux, par tout le monde politique et dans tous les stades, où elle a frappé l’imagination. Je le répète, personne n’a été pris par surprise !
M. le président Gilles Carrez. Les entreprises ont eu le temps de s’organiser depuis six mois.
M. Marc Le Fur. Si le débat général n’est pas nouveau, le plafonnement à 5 % est récent. Or il a pour principale conséquence de faire payer plein pot les petits clubs !
M. le président Gilles Carrez. Combien paieront-ils ? On sait que le PSG sera redevable de 20 millions d’euros, mais, pour Guingamp, la somme ne devrait pas excéder quelques dizaines de milliers d’euros !
M. Marc Le Fur. Là n’est pas la question. À assiette égale, certains vont payer moins que d’autres ; tel est le problème.
M. Jean-François Lamour. Au lieu de payer 40 millions, le PSG en paiera 20.
M. Marc Le Fur. Alors que Guigamp et treize ou quatorze autres clubs de Ligue 1 paieront le prix fort, puisqu’ils ne bénéficieront pas d’une dérogation ad hominem qui n’a rien à voir avec le sport.
M. Pascal Cherki. N’oublions pas le modèle économique du football. La taxe ne posera pas de problème au PSG : il pourra la payer et il la paiera. En revanche, le plafonnement à 5 % du chiffre d’affaires sera utile à des clubs intermédiaires où quelques salaires dépassent 70 000 à 80 000 euros.
M. Marc Le Fur. Mais ceux-là n’en bénéficieront pas !
La Commission rejette l’amendement.
L’amendement I-CF 269 de M. Charles de Courson est retiré.
La Commission examine les amendements identiques I-CF 62 de M. Hervé Mariton et I-CF 147 de Mme Marie-Christine Dalloz.
M. Hervé Mariton. Cet amendement vise à abaisser le taux de la taxe exceptionnelle de solidarité sur les hautes rémunérations versées par les entreprises de 50 % à 35 %.
Mme Marie-Christine Dalloz. Mon amendement I-CF 147 est identique.