N° 1458 - Rapport de Mme Corinne Erhel sur la proposition de résolution européenne de Mme Axelle Lemaire et M. Hervé Gaymard sur la stratégie numérique de l'Union européenne (n°1410)




N
° 1458

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 octobre 2013

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE sur la stratégie numérique de l’Union européenne (n° 1410)

PAR Mme Corinne ERHEL

Députée

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Voir le numéro : 1410.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. LA STRATÉGIE NUMÉRIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE : UNE APPROCHE ENCORE EN CONSTRUCTION 9

A. « EUROPE 2020 » : UNE STRATÉGIE NUMÉRIQUE PEU LISIBLE 9

B. DE MULTIPLES CHANTIERS OUVERTS SUR LE NUMÉRIQUE 11

II. LE CONSEIL EUROPÉEN DES 24-25 OCTOBRE 2013 : UNE OPPORTUNITE A SAISIR POUR LA FRANCE ET POUR L’EUROPE 14

A. L’OCCASION DE RENOUVELER LA STRATÉGIE NUMÉRIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE 14

1. Le premier Conseil européen consacré à l’économie numérique 14

2. La pertinence d’agir au niveau communautaire 15

B. UNE CHANCE POUR LA FRANCE DE JOUER UN RÔLE MOTEUR EN MATIÈRE D’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE 16

1. Les actions du Gouvernement français sont déjà saluées par tous nos partenaires 16

2. La contribution française : une position novatrice et équilibrée 17

C. L’ÉTAT DES RÉFLEXIONS DES AUTRES ÉTATS MEMBRES 19

III. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE : UN APPEL PRESSANT A ENTRER DANS L’ÈRE NUMÉRIQUE 20

A. L’INITIATIVE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES 20

B. LA POSITION DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES 22

TRAVAUX DE LA COMMISSION 27

I. DISCUSSION GÉNÉRALE 27

II. EXAMEN DE L’ARTICLE UNIQUE 37

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 48

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE 49

ANNEXES 53

ANNEXE 1 - EUROPE NUMÉRIQUE, CONTRIBUTION FRANÇAISE AU CONSEIL EUROPÉEN DES 24 ET 25 OCTOBRE 2013 53

ANNEXE 2 - COURRIER DU 27 SEPTEMBRE DU PRÉSIDENT DE LA COMMISSION EUROPÉENNE AUX CHEFS D’ÉTAT ET DE GOUVERNEMENT 61

ANNEXE 3 - LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 65

INTRODUCTION

Le numérique est un vecteur puissant de transformation de nos sociétés, qui modifie nos modes de communication, de production et de consommation, nos méthodes de travail, nos loisirs, notre quotidien. Aujourd’hui, son essor se poursuit, créant une nouvelle forme d’économie entièrement fondée sur ce nouveau flux aussi marquant que le fut en son temps l’électricité. Les évolutions que nous avons vécues jusqu’à présent ne sont que les prémices de ruptures profondes qui affecteront tous les secteurs de l’économie, changeant ainsi radicalement nos modes de vie. L’industrie musicale fut, d’une certaine manière, la première affectée, et aujourd’hui, les grands acteurs de l’économie traditionnelle sont tous confrontés à des acteurs de l’Internet souhaitant « changer le monde », et ainsi apporter de nouveaux services, en gommant les frictions d’un monde jugé imparfait mais susceptible d’être amélioré.

L’économie numérique est créatrice de nouveaux emplois, directs et indirects, et génère de nouvelles sources de richesse. Pourtant, le développement de cette nouvelle économie peut parfois susciter des inquiétudes, comme toute révolution technologique, du fait de ses potentiels effets à court terme s’agissant de l’emploi traditionnel. Dans le même temps, l’affaire PRISM a subitement fait prendre conscience aux citoyens que leurs données personnelles étaient collectées par des acteurs privés parfois mal identifiés. Il est essentiel de restaurer la confiance des citoyens dans le numérique, tant celui-ci constitue l’avenir de nos sociétés.

La révolution numérique est en effet un formidable levier de croissance. En cherchant à éliminer les défauts d’une économie perfectible, les acteurs de l’économie numérique contribuent également à réduire les coûts pour le citoyen : coût d’information, coût d’acquisition, coût de transport, coût de l’énergie ; l’ensemble des postes de dépenses est réduit. De plus, la Commission européenne estime que pour deux emplois perdus, l’économie de l’Internet crée cinq emplois. De même, la Commission indique dans un récent rapport que le développement du commerce électronique entraînerait un gain d’environ 204 milliards d’euros si le commerce électronique atteignait seulement 15 % du commerce de détail. Les acteurs du numérique cherchent tous à « changer le monde ».

La révolution numérique ne consiste pas seulement à développer de nouveaux services commerciaux, elle représente également une chance de progrès social : l’essor de la e-santé permettra ainsi d’améliorer la prévention et le suivi à distance de la santé de nos concitoyens ; le développement de la e-éducation ouvre de nouvelles perspectives d’enseignement; la montée en puissance de la e-administration constituera le moyen de rapprocher le citoyen de la puissance publique et de simplifier les démarches administratives pour les citoyens comme pour les agents. L’économie numérique ne s’apparente donc pas uniquement au développement des réseaux sociaux, des moteurs de recherche, des objets connectés, du big data ou du cloud computing. Le numérique ne crée pas uniquement de nouveaux modes de production, de consommation, de création, mais génère de nouveaux modes de pensée, de nouveaux modes de vie.

C’est donc ce formidable potentiel du numérique qui doit focaliser l’attention.

Mais la révolution numérique est pour l’instant peu portée par des acteurs européens, mis à part Skype et, plus récemment, le beau succès de Critéo. Ainsi, que l’on pense à Google, Amazon, Facebook et Apple – les fameux « GAFA » – Twitter, Yahoo, Uber, Airbnb, Netflix, Paypal ou Coursera s’agissant des acteurs américains, Samsung, Alibaba, Baidu s’agissant des asiatiques, les grands noms du numérique sont pour la plupart non européens. L’Europe est donc à la traîne, et tant qu’une politique volontariste, ambitieuse et coordonnée ne sera pas mise en place, l’émergence de champions européens du numérique demeurera exceptionnelle.

Bien évidemment, les États membres ont déjà lancé des initiatives dans le domaine du numérique, à l’échelle nationale comme à l’échelle européenne. L’Europe s’est ainsi dotée d’une stratégie numérique dans le cadre de son plan d’action baptisé « Europe 2020 ». À l’échelle nationale, plusieurs États membres ont initié des projets intéressants tandis qu’en France, l’élection de M. François Hollande à la présidence de la République s’est accompagnée de la prise de conscience de la nécessité de faire du numérique l’un des piliers de la stratégie de croissance. Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique, multiplie depuis le mois de juin 2012 les actions afin de favoriser le renforcement d’un écosystème du numérique, en coordination avec nos partenaires européens. Ces initiatives sont d’ailleurs saluées de manière unanime, et votre Rapporteure se félicite de voir le Gouvernement français soutenu dans sa démarche volontariste.

Il est temps d’aller plus loin.

Dans ce contexte, le Conseil européen des 24 et 25 octobre 2013 représente une formidable opportunité pour l’Europe de conforter sa stratégie numérique, et pour la France de jouer un rôle moteur dans la définition de cette stratégie. L’Assemblée nationale française, tout en soutenant de manière transpartisane le Gouvernement, a souhaité apporter sa contribution par l’adoption d’une résolution européenne. Ainsi, à l’occasion de la présentation d’un rapport d’information consacré à la stratégie numérique de l’Union européenne(1), Mme Axelle Lemaire et M. Hervé Gaymard ont proposé à la commission des affaires européennes le texte d’une proposition de résolution. Approuvée en commission des affaires européennes, cette proposition de résolution européenne a été transmise à la commission des affaires économiques.

La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale n’a pas attendu la réunion de ce Conseil européen, le premier consacré au numérique, pour se saisir de ces sujets. À travers ses auditions, ses missions de contrôle et ses travaux législatifs, la commission a toujours accordé une attention particulière au développement du numérique, tant sur le volet des infrastructures – déploiement des réseaux très haut débit fixes et mobiles – que sur le volet des services et contenus. Par ailleurs, la commission veille à l’avenir et à la santé de la filière industrielle numérique française. À ce titre, l’évolution d’un fleuron de l’industrie française comme le groupe Alcatel-Lucent est suivie de près par votre commission.

De même, une mission d’information consacrée au développement de l’économie numérique française a été confiée à votre Rapporteure et à Mme Laure de La Raudière. Le rapport de cette mission sera prochainement rendu, et chacun comprendra que les pages qui suivent soient avant tout consacrées à l’action de l’Union européenne en matière de numérique, au Conseil européen du 24 et 25 octobre 2013 et au contenu même de la proposition de résolution.

Le numérique n’est qu’innovation, et si chacun pressent le formidable renouveau de nos sociétés qu’il porte en lui, il inquiète également. Il appartient à l’Europe de répondre à ces inquiétudes, en agissant de manière claire afin de d’assurer un développement du numérique harmonieux et respectueux de chacun. L’Europe doit également entrer de plain-pied dans la révolution numérique, afin de favoriser l’émergence de champions européens.

L’Union européenne constitue le niveau optimal pour mener une politique ambitieuse en matière de numérique. Espérons que chacun en prenne conscience.

Dix ans après la publication de la Stratégie de Lisbonne, qui avait pour vocation de faire de l’Europe « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable, accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi dans le respect de l’environnement », les instances européennes ne pouvaient que constater les dégâts : l’Europe avait manqué en partie la révolution numérique, se privant ainsi de toute chance d’atteindre ses objectifs. Pire, le poids de l’Europe dans le secteur du numérique semblait avoir reculé face au renforcement de la domination américaine et l’émergence des acteurs asiatiques. Google avait quinze ans, Facebook six, le premier Iphone moins de trois ans, et personne n’imaginait qu’Amazon puisse un jour perturber les grandes enseignes de la distribution.

Désireuse de rattraper son retard en matière de numérique, la Commission européenne s’est alors dotée en août 2010 d’une Stratégie numérique(2), actualisée en décembre 2012(3), qui différait des précédentes politiques en matière de télécommunications du fait de son approche transversale. De l’aveu même de la Commission, la Stratégie numérique pour l’Europe, l’une des sept initiatives phare de la stratégie Europe 2020 (4), « vise à définir le rôle moteur éminent que les technologies de l’information et des communications (TIC) sont appelées à jouer si l’Europe veut voir ses ambitions pour 2020 couronnées de succès ». Elle a pour vocation de remédier à une série de lacunes clairement identifiées : le cloisonnement des marchés numériques, le manque d’interopérabilité, l’augmentation de la cybercriminalité et la perte de confiance qui en résulte, le manque d’investissement dans les réseaux, l’insuffisance des efforts de recherche et d’investissement, le manque de compétences numériques, les difficultés de l’Europe à répondre aux défis sociétaux.

À l’occasion de l’actualisation menée en 2012, la Commission reconnaissait « que l’UE ne se positionne pas suffisamment bien pour bénéficier de cette évolution numérique. Elle risque d’être perdante en matière de compétitivité mondiale, de croissance économique et d’évolution sociétale ».

Si la version initiale de la Stratégie numérique n’était pas remise en cause, la Commission souhaitait fournir un effort spécifique dans sept directions :

– faire progresser l’économie numérique européenne sans frontières et créer le marché unique des contenus et services le plus grand et le plus riche du monde, tout en garantissant pleinement les droits des consommateurs et des créateurs ;

– accélérer l’innovation dans le secteur public par le déploiement de TIC interopérables et par l’amélioration de l’échange et de l’utilisation d’informations ;

– retrouver une place prépondérante sur le plan mondial dans le domaine des services de réseau en favorisant les investissements privés dans les réseaux à haut débit fixes et mobiles à grande vitesse, par la prévisibilité juridique, une meilleure planification et des financements privés et publics ciblés, au niveau de l’UE comme au niveau national ;

– promouvoir un environnement Internet sûr et fiable, pour les utilisateurs comme pour les opérateurs, en se fondant sur une collaboration européenne et internationale renforcée pour se prémunir des risques au niveau planétaire ;

– instaurer un cadre cohérent et des conditions applicables aux services informatiques en nuage en Europe en créant le plus grand marché mondial de TIC fondées sur le nuage (cloud computing) ;

– créer un environnement favorable à la transformation de l’activité économique classique et encourager les initiatives innovantes fondées sur le Web et faire progresser la culture numérique et l’acquisition de compétences numériques afin de mettre l’offre de professionnels des TIC en adéquation avec la demande ;

– mettre en œuvre une politique de recherche et d’innovation stratégique ambitieuse pour la compétitivité industrielle, en s’appuyant sur le financement de technologies clés génériques.

Alors que le Conseil européen des 24 et 25 octobre prochain sera notamment consacré à la Stratégie numérique de l’Union européenne, cette dernière semble, selon la formule de Mme Axelle Lemaire et de M. Hervé Gaymard, en panne de doctrine. Bien évidemment, eu égard au rythme d’innovation dans le secteur du numérique, il est essentiel que l’Europe puisse adapter sa stratégie en la matière et se montrer assez souple pour répondre aux bouleversements induits par cette révolution technologique permanente. Toutefois, l’Europe semble parfois encore à la traîne, perdue face à ces mondes en perpétuel mouvement. Il en ressort une stratégie numérique peu lisible pour les acteurs, d’autant que de multiples chantiers ont été par ailleurs ouverts sur le numérique.

Dans leur rapport d’information consacré à la stratégie numérique de l’Union européenne, Mme Axelle Lemaire et M. Hervé Gaymard détaillent les six chantiers législatifs relatifs au numérique ouverts par les autorités communautaires depuis deux ans :

– le mécanisme pour l’interconnexion en Europe, qui fait l’objet d’une proposition de règlement datée du 28 mai 2013. Le premier dialogue tripartite informel s’est tenu le 2 octobre 2013 ;

– l’identification électronique et les services de confiance dans les transactions électroniques, qui fait l’objet d’une proposition de règlement éponyme datée du 4 juin 2012. La procédure d’examen suit son cours ;

– l’accessibilité des sites web des administrations publiques, qui fait l’objet d’une proposition de directive éponyme datée du 3 décembre 2012. La procédure d’examen suit son cours, même si plusieurs délégations ont fait part de leurs vives réserves à l’occasion du conseil « Télécom » du 6 juin 2013 ;

– la sécurité des réseaux, qui fait l’objet d’une proposition de directive datée du 7 février 2013 ;

– la réduction du coût du déploiement du haut débit, qui fait l’objet d’une proposition de règlement datée du 26 mars 2013 et adoptée par la Commission. Ce texte, qui ne constitue pas une priorité de la présidence lituanienne, suscite des réserves de la part de certains États membres, ce qui n’est pas le cas de la France ;

– le « paquet télécom », présenté en septembre par Mme Neelie Kroes, qui est loin de faire l’unanimité.

Votre Rapporteure ne reprendra pas les développements de ses collègues de la commission des affaires européennes. En revanche, elle souhaite insister sur deux sujets : le projet de nouveau « paquet télécom » précité et la proposition de règlement sur la protection des données personnelles, non évoquée dans le rapport de la commission des affaires européennes.

S’agissant du « paquet télécom », la Commission européenne a présenté le 11 septembre 2013 une proposition de règlement établissant des mesures relatives au marché unique européen des communications électroniques et visant à faire de l’Europe un continent connecté(5). Mme Neelie Kroes, commissaire européen à l’initiative de ce texte, le présente comme essentiel au renforcement de l’Europe du numérique.

La proposition de règlement comprend cinq grandes propositions :

– premièrement, il s’agit de refondre le régime d’autorisation en créant une autorisation unique permettant aux opérateurs d’exercer leurs activités dans l’ensemble des États membres ;

– deuxièmement, la proposition de règlement vise à renforcer la neutralité de l’Internet. Aux yeux de votre Rapporteure, la définition proposée par la Commission est ambiguë et nécessiterait un approfondissement de la réflexion ;

– troisièmement, il est proposé d’harmoniser le droit de la consommation applicable en matière de télécommunications ;

– quatrièmement, il s’agit d’une proposition phare, la Commission européenne propose de supprimer les majorations applicables aux appels intra-Union européenne (frais de roaming). Si chacun partage l’objectif, d’autant qu’il participe au renforcement de l’intégration européenne, il est regrettable que le texte de la Commission ne prévoit aucunement de phase transitoire, au risque de fortement pénaliser les opérateurs ;

– cinquièmement, le texte vise à renforcer la coordination dans l’assignation des radiofréquences.

Si la plupart des acteurs s’accordent sur le bien-fondé des objectifs généraux énoncés par la Commission européenne, les modalités de mises en œuvre envisagées suscitent d’importantes réserves. Les réactions des différents acteurs de l’écosystème numérique sont ainsi loin d’être unanimes, et divergent sur certains points comme la suppression des frais d’itinérance ou la définition de la neutralité. L’organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE), qui rassemble les régulateurs européens comme l’ARCEP, a quant à lui exprimé d’importantes réserves. L’ORECE souligne notamment que le projet pourrait avoir des conséquences négatives sur le marché européen en termes d’innovation, de protection des consommateurs et d’investissements, tout en diminuant la sécurité juridique du secteur.

Sur le fond, votre Rapporteure partage la position du Gouvernement français selon laquelle il n’est pas forcément pertinent de mettre en œuvre une énième réglementation relative à la régulation du secteur des télécommunications, qui risquerait d’alourdir encore les dispositifs existants. Il paraît en revanche nécessaire de construire un chemin vers le marché unique du numérique afin d’accompagner la croissance des entreprises européennes. Pour ce faire, le Conseil européen doit élargir la discussion à l’ensemble de l’économie numérique et non se focaliser sur la seule régulation du secteur des télécommunications. Il convient donc d’avancer sur les services et les usages numériques, en construisant une stratégie ambitieuse qui complèterait utilement l’agenda européen du numérique mis en place en 2010.

Au-delà, votre Rapporteure s’interroge sur le calendrier de cette réforme. En effet, il est surprenant de voir émerger une proposition de règlement aussi dense quelques mois avant l’expiration du mandat de la Commission européenne. Plutôt que de se précipiter, au risque de commettre des erreurs stratégiques, il est nécessaire de prendre le temps d’approfondir la réflexion. Ceci est d’autant plus nécessaire au regard du véhicule juridique retenu : le règlement étant d’application directe, il ne laisse, à l’inverse d’une directive, aucune marge de manœuvre aux États membres.

S’agissant de la proposition de règlement relatif à la protection des données personnelles(6), votre Rapporteure considère qu’il est nécessaire d’avancer rapidement sur le sujet, dans le cadre défini à l’occasion du Conseil JAI (Justice-Affaires intérieures) organisé les 6 et 7 juin 2013. Pour rappel, la Commission européenne a publié en janvier 2012 une proposition de règlement visant à refondre le cadre législatif européen relatif à la protection des données personnelles, actuellement fixé par une directive de 1995(7). L’objectif poursuivi par cette proposition de règlement est double : renforcer les droits des citoyens ; moderniser le cadre existant pour tenir compte des nouveaux défis liés au développement des nouvelles technologies et à la mondialisation. De manière schématique, cette proposition prévoit l’instauration d’un droit à l’oubli permettant à un internaute d’obtenir l’effacement de ses données, l’obligation de consentement de l’internaute préalablement au traitement de ses données, l’obligation d’information sur les failles de sécurité des sites, la création d’un droit à la portabilité des données, la mise en place d’un guichet unique pour tout recours relatif aux données personnelles. Si votre Rapporteure partage les objectifs poursuivis, elle s’interroge néanmoins sur les modalités de mises en œuvre de ces dispositions.

À l’instar de Mme Christiane Taubira, Garde des Sceaux, qui déclarait que l’ensemble des ministres de la Justice européens présents lors du Conseil de juin dernier voulait trouver la bonne mesure entre le niveau de protection de la vie privée et la définition des intérêts économiques, elle considère qu’en l’état, le texte pourrait durement pénaliser les petites et moyennes entreprises, sans rassurer pour autant les citoyens. Cette position, partagée par la plupart des États membres, devrait être très prochainement traduite dans le texte, puisque la commission « Libertés civiles, justice et affaires intérieures » du Parlement européen doit se prononcer lundi 21 octobre 2013 afin de relancer les discussions entre le Parlement, le Conseil et la Commission en vue d’aboutir à l’adoption d’un texte avant l’expiration du mandat de la Commission, en mai 2014.

Le prochain Conseil européen, organisé le 24 et le 25 octobre 2013 à Bruxelles, sera en partie consacré au numérique. Ceci s’inscrit dans le cadre de la nouvelle politique décidée en juin 2012 par M. Herman van Rompuy, président du Conseil européen, de consacrer les prochaines échéances européennes à des thématiques identifiées comme prioritaires, en vue d’établir un programme d’action positif pour une Union forte et dynamique. Le numérique fait partie de ces thématiques. Ceci témoigne de la volonté de l’Union européenne d’adapter sa stratégie numérique, ce dont votre Rapporteure ne peut que se réjouir au regard des enjeux. Néanmoins, il est regrettable que l’ordre du jour initial ait été quelque peu modifié. En effet, comme en témoigne le relevé de conclusions (8) du Conseil européen du 22 mai 2013 consacré à la politique énergétique de l’Europe, il était prévu de consacrer l’intégralité de cette réunion à la stratégie numérique européenne.

Dans son courrier du 27 septembre 2013 adressé aux délégations des États membres(9), M. José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, rappelle d’ailleurs avec force que « les services numériques et les télécommunications (sont) des moteurs fondamentaux de croissance et de productivité dans tous les secteurs de nos économies ». Pourtant, l’ordre du jour initial a été complété, et le numérique se trouve dorénavant traité au milieu d’autres thématiques même si, bien évidemment, chaque sujet abordé mérite une attention particulière de la part de l’Union européenne et des États membres.

Ainsi, la prochaine réunion sera consacrée à l’économie numérique, à l’innovation et aux services (i), à la croissance, à la compétitivité et à l’emploi (ii), et à l’Union économique et monétaire (iii).

S’agissant du premier point, les discussions devraient porter en particulier sur les sujets suivants :

– l’état d’avancement de la stratégie numérique, avec pour objectif de formuler des orientations visant à l’achèvement du marché unique numérique d’ici 2015 ;

– les progrès accomplis dans le domaine de l’innovation depuis les discussions tenues en février 2011 et, si besoin, les nouvelles orientations devant être mises en œuvre concernant l’achèvement de l’espace européen de la recherche d’ici 2014 et le développement futur de l’union de l’innovation ;

– le suivi de l’exercice d’évaluation par les pairs dans le cadre de la directive « services », à la suite de la contribution présentée par la Commission, et l’examen des résultats de l’initiative « Des licences pour l’Europe ».

Ainsi, l’économie numérique ne constitue que l’un des trois points de l’un des trois dossiers à évoquer selon les mots tout à fait justes de Mme Axelle Lemaire et de M. Hervé Gaymard. Malgré ce fort recul, il s’agit d’une chance pour les membres du Conseil européen de se saisir à bras le corps du sujet, tant il est pertinent d’agir au niveau communautaire.

À l’instar de la délégation française, les représentants des États membres devront veiller à ce que les discussions ne portent pas uniquement sur le marché des télécommunications et la proposition de la Commission d’un nouveau « paquet télécom ». En effet, il ne sert à rien de changer de vocabulaire et d’évoquer « l’économie numérique » si les discussions demeurent centrées sur la seule filière télécom.

Les discussions devront être élargies afin de réellement œuvrer à l’émergence d’un écosystème numérique européen. Égalité de traitement entre les acteurs, fiscalité et régulation, financement et investissement, filière industrielle et innovation, emploi et formation aux métiers de demain, protection des données personnelles et cyber-sécurité : ces sujets doivent être abordés, et traités, au niveau européen, car même si des initiatives nationales sont tout à fait adaptées à certains enjeux, la plupart de ceux listés ci-dessus doivent faire l’objet d’une approche coordonnée à l’échelle européenne, sans quoi les États membres se livreront un combat stérile, qui renforcera encore davantage les acteurs non européens.

Le numérique dépasse les frontières. Cette évidence n’est pourtant pas toujours perçue, tant par les citoyens que les décideurs politiques. Il est pourtant totalement illusoire de penser répondre aux enjeux du numérique de manière uniquement nationale. Bien évidemment, un espace demeure pour mettre en œuvre une politique nationale, ne serait-ce que parce que certains pays peuvent se lancer pleinement dans le numérique et plus intensément que leurs partenaires : création d’une offre de formation spécifique aux métiers du numérique, lancement de programmes intelligents (villes, réseaux, transports, etc.), déploiement des infrastructures de très haut débit, les exemples d’initiatives nationales totalement pertinentes sont légions.

Néanmoins, afin de répondre pleinement aux enjeux que soulève la conversion numérique de la société, aucun État membre ne pourra agir de manière autarcique. Car comme le soulignaient parfaitement Mme Axelle Lemaire et M. Hervé Gaymard dans leur rapport d’information consacré à la stratégie numérique de l’Union européenne, la révolution numérique pose des enjeux de souveraineté européenne majeurs, en termes d’application du droit, de capacité d’anticipation de l’avenir, de redressement industriel, de rayonnement culturel et de libertés publiques.

Si l’Europe avance en ordre dispersé, le retard constaté avec les États-Unis ou certains pays asiatiques ne fera que s’accroître. Trop longtemps les États membres n’ont pas su s’accorder pour faire face, à l’ouest, à la puissance américaine et, à l’est, aux puissances asiatiques. Au lieu de s’unir, principe pourtant fondateur de l’Union européenne, les États membres ont continué à se voir, parfois, comme des adversaires plutôt que comme des partenaires. La concurrence fiscale est l’exemple topique de politiques destructrices de valeur pour les États. À ce titre, comme l’ont d’ailleurs rappelé Mme Fleur Pellerin et M. Pierre Moscovici à l’occasion du séminaire international organisé à Paris le 9 octobre 2013, toute fiscalité du numérique ne pourra être élaborée qu’à l’échelle européenne. Il en va de même de la constitution de champions du numérique de taille mondiale, de la législation relative à la protection des données personnelles, de la diffusion du patrimoine culturel européen ou encore des valeurs défendues par l’Union européenne.

Depuis l’élection de M. François Hollande, le numérique a pris une nouvelle place dans les politiques publiques. En effet, la numérisation a enfin été promue comme un levier de croissance et de développement à part entière, et soutenue par les plus hautes instances de l’État. Depuis sa nomination comme ministre déléguée chargée, notamment, de l’économie numérique, Mme Fleur Pellerin a multiplié les initiatives pour renforcer, soutenir et contribuer au développement du numérique et des start-up françaises. La démarche volontariste de Mme la ministre est saluée par tous les acteurs, et reconnue sur tous les bancs de notre assemblée. La manière dont le Gouvernement français a préparé le Conseil européen du 24 et du 25 octobre prochain témoigne de l’engagement de la France sur le numérique.

Tout d’abord, Mme la ministre a organisé, le 24 septembre 2013, un mini-sommet avec ses homologues allemand, belge, espagnol, hongrois, italien, polonais et britannique, afin de s’accorder sur le fait que l’Union européenne ne devait pas limiter ses réflexions au seul secteur des télécommunications. Mme Neelie Kroes, commissaire européen en charge de ces questions, était également associée à ces discussions. Cette initiative a été saluée par nos partenaires, qui se sont ralliés à la position défendue par le Gouvernement français.

Ensuite, Mme Fleur Pellerin et M. Pierre Moscovici ont organisé à Paris, le 9 octobre 2013, un séminaire international sur la fiscalité du numérique. Cette rencontre avec des acteurs du numérique, des juristes et des économistes internationaux, le secrétaire général adjoint de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), M. Yves Leterme, la Commission européenne, représentée par le Commissaire européen à la fiscalité, M. Algirdas Semeta, ainsi que plusieurs parlementaires, a permis d’échanger sur les nouveaux enjeux de la fiscalité du numérique. Alors que l’OCDE mène depuis plusieurs mois des travaux sur ce sujet, il a été rappelé que toute évolution des règles fiscales européennes devait se faire dans ce cadre. M. le commissaire européen à la fiscalité a reconnu que l’inadaptation des règles fiscales actuelles pouvait indirectement contribuer à l’évasion fiscale. Il a d’ailleurs annoncé la création d’un groupe de travail européen rassemblant des fiscalistes, des experts et des chercheurs afin de trouver des solutions communautaires.

Le Gouvernement français a conscience que seule une démarche européenne, voire internationale, pouvait être couronnée de succès. À titre d’exemple, M. le commissaire Semeta a pointé du doigt l’attitude de certains États membres de l’Union, dont les politiques de dumping fiscal concourent à fausser la concurrence et à priver de recettes fiscales les autres États membres.

En organisant ce séminaire, la France a souhaité adresser un signal à ses partenaires. Cette action a été reconnue, l’OCDE saluant ainsi le rôle moteur de la France sur le thème de la fiscalité du numérique, tandis que la Commission européenne, par la voix de M. Semeta, soulignait la qualité du travail effectué par la France en la matière.

En deux semaines, la France a donc organisé deux rencontres internationales visant à préparer au mieux le Conseil européen des 24 et 25 octobre prochain. On ne peut que soutenir cette démarche car la France apparaît enfin en pointe sur les questions du numérique.

Le Gouvernement français a, à l’instar de la plupart des autres États membres, transmis une contribution en vue du Conseil européen. Cette contribution, dont l’intégralité du texte figure en annexe du présent rapport, témoigne du rôle moteur que souhaite jouer la France dans le cadre de la modernisation de la stratégie numérique européenne. Élargir la vision européenne du numérique au-delà des télécoms. La position française est issue d’un constat clairement identifié : le numérique redéfinit le monde tel que nous le connaissons, et son essor constitue une rupture technologique et historique ; les principaux acteurs de l’écosystème numérique ne sont pas européens ; il est temps que l’Europe devienne un acteur majeur du numérique, au risque de n’avoir pour seule perspective que celle d’être un simple marché de consommation.

Ce constat, qui dresse en creux un scenario catastrophe, implique de réagir en se dotant d’une stratégie numérique à l’ambition nouvelle au niveau européen. Pour ce faire, le Gouvernement français a identifié plusieurs leviers d’actions, organisés en quatre grandes rubriques.

Premièrement, il s’agit de développer une stratégie industrielle européenne du numérique permettant l’émergence d’acteurs européens innovants, créateurs de croissance et d’emplois. Ceci passe notamment par un soutien direct à l’innovation via les marchés publics et la mise en place d’outils de financement dédiés à l’innovation et aux start-up. De manière générale, l’Europe souffre d’un manque d’outils de financement permettant aux entreprises du numérique de franchir un cap et de partir à la conquête des marchés mondiaux. Ainsi, si le financement en phase initiale (early-stage), par des investisseurs providentiels (business angels), est plutôt satisfaisant en Europe, les start-up éprouvent d’importantes difficultés à trouver des financements en capital-risque au-delà de la première phase. Il est donc essentiel de renforcer le capital-risque et le capital-développement européens, en créant notamment des fonds de fonds paneuropéens, afin d’offrir aux jeunes entreprises d’autres débouchés qu’une migration aux États-Unis ou un rachat par un grand groupe, souvent non européen. De tels fonds de fonds seraient seuls à même d’accompagner des start-up jusqu’à en faire des champions européens du numérique. Bien évidemment, la question de la gouvernance de telles structures, qui investiraient de l’argent public, devra être traitée avec attention.

Il convient dans ce cadre de promouvoir les nouvelles technologies à très fort potentiel et susceptibles de structurer de nouvelles filières industrielles. À ce titre, l’informatique en nuage (cloud computing) et le traitement massif de données (big data) constituent des filières d’avenir sur lesquelles il serait pertinent de lancer des initiatives européennes. Il en va de même s’agissant des objets connectés, qui constituent par ailleurs un terrain d’excellence française. Le développement de ces nouveaux services n’aura d’intérêt que si des réseaux performants autorisent leur pleine exploitation. C’est pourquoi le Gouvernement français appelle à la mobilisation des fonds européens pour soutenir le déploiement des réseaux très haut débit fixes et mobiles ainsi que le développement de projets innovants : villes et réseaux intelligents, administration électronique, e-justice, e-santé, etc.

Deuxièmement, il est nécessaire de garantir des règles du jeu équitables. En effet, les acteurs numériques deviennent rapidement des leaders incontestés sur leurs marchés respectifs : Google s’agissant des moteurs de recherche, Apple s’agissant des plateformes, Amazon s’agissant du e-commerce voire du cloud. Il convient donc d’assurer une régulation juste et équilibrée du secteur. Le Gouvernement appelle donc à la mise en place d’une régulation ex ante des plateformes de services et d’applications numériques, afin de garantir qu’elles agissent de manière neutre vis-à-vis des autres acteurs. Par ailleurs, il est essentiel de concevoir un cadre fiscal adapté au numérique, et harmonisé au niveau européen. La France a, à ce sujet, détaillé des propositions opérationnelles, en accord avec les travaux de l’OCDE lancés sur le sujet. Ainsi, l’OCDE a proposé à l’ensemble de ses membres un plan d’action baptisé BEPS (Base Erosion and Profits Shifting), fondé sur la reconnaissance de la présence numérique d’une entreprise dans un pays, même lorsque celle-ci n’y possède pas d’implantation physique. Plus largement, l’OCDE a annoncé vouloir aboutir rapidement à l’adoption d’une convention multilatérale sur le numérique. Enfin, il est essentiel d’assurer le respect de la propriété intellectuelle.

Troisièmement, il convient de garantir un environnement numérique sûr et de confiance pour les citoyens et les entreprises. Comme le souligne le texte de la contribution française, l’affaire PRISM a fait apparaître la nécessité d’un renforcement des règles visant à assurer la protection de la vie privée pour les citoyens européens. Afin de répondre aux inquiétudes légitimes des citoyens européens, le Gouvernement français soutient le projet de règlement européen relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, toujours en discussion. De même, le développement des services numériques suppose que l’utilisateur ait pleinement confiance dans le service proposé, notamment s’agissant du commerce en ligne. En conséquence, le texte de la contribution appelle à garantir la sécurité juridique des échanges commerciaux, notamment dans le cadre des discussions législatives en cours au niveau européen.

Quatrièmement, il est indispensable de renforcer l’action de l’Union européenne en matière de coopération internationale dans l’ensemble des instances traitant du numérique.

À la connaissance de votre Rapporteure, six autres États membres ont transmis une contribution en vue du Conseil européen des 24 et 25 octobre 2013 : la Belgique, l’Italie, les Pays-Bas, la Pologne, le Royaume-Uni et l’Allemagne. La Commission a également publié sa propre contribution (10).

De manière générale, les États membres semblent se rejoindre sur l’essentiel des actions à mener à l’échelle européenne, et la France apparaît comme l’un des pays les plus en avance dans son approche du numérique.

Sur proposition de Mme Axelle Lemaire et de M. Hervé Gaymard, la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale a approuvé à l’unanimité, le 8 octobre 2013, une proposition de résolution européenne sur la stratégie numérique de l’Union européenne. De manière assez classique, le texte de la proposition débute par des considérants généraux :

– le premier considérant consacre le numérique comme facteur de bouleversement scientifique, économique, social et sociétal, et reconnaît le potentiel du numérique comme levier de croissance ;

– le deuxième considérant dispose que l’Europe est le niveau pertinent, au regard de la taille de son marché intérieur et de sa tradition culturelle et scientifique, pour élaborer une stratégie numérique ambitieuse ;

– le troisième considérant reconnaît le retard de l’Europe en matière de numérique ;

– le quatrième considérant se prononce en faveur de la promotion d’une régulation des activités du numérique, conciliant une série d’objectifs : la compétitivité des entreprises, le respect de la vie privée, la protection des consommateurs, la sécurité des réseaux.

Quant au dispositif même de la résolution, il est organisé en six points.

Premièrement, la commission des affaires européennes exprime sa satisfaction de voir l’économie numérique inscrite pour la première fois à l’ordre du jour d’un Conseil européen.

Deuxièmement, la commission des affaires européennes fait part de son souhait de voir le numérique constituer une politique autonome à l’échelle européenne, par la mise en place d’une stratégie dédiée et opérationnelle.

Troisièmement, la commission des affaires européennes témoigne de son soutien à la politique menée par le Gouvernement français en matière de numérique, notamment dans le cadre de la préparation du Conseil européen des 24 et 25 octobre 2013.

Quatrièmement, la commission des affaires européennes appelle à la mise en œuvre d’une politique industrielle dans le secteur du numérique, à même d’ouvrir de nouvelles perspectives de productivité, de croissance et d’emploi. Cette politique industrielle se déclinerait en plusieurs actions :

– le renforcement de l’investissement dans les infrastructures, par la mobilisation des crédits européens : programmes-cadre, fonds structurels, Banque européenne d’investissement ;

– le développement de nouveaux outils de financement de l’innovation par la constitution de fonds de fonds paneuropéens seuls à même de permettre l’émergence de champions numériques européens ;

– la facilitation de l’accès aux marchés publics pour les petites et moyennes entreprises innovantes ;

– le ciblage de l’effort stratégique d’investissement vers des expérimentations technologiques à fort enjeu industriel comme le big data, le cloud computing, les objets connectés et les services sans contact ;

– le développement de pôles de recherche multidisciplinaires et de synergies européennes dans le cadre de l’Espace européen de la recherche et de la mise en œuvre d’Horizon 2020 ;

– la prise en compte des préoccupations environnementales et des objectifs de réduction de gaz à effet de serre et d’efficacité énergétique. Cette préoccupation vise notamment les sites abritant les serveurs informatiques (data center), qui dégagent une chaleur importante susceptible d’impacter l’environnement.

Cinquièmement, la commission des affaires européennes appelle à la mise en place d’un régime de gouvernance et de régulation des services numériques, fondé sur huit exigences :

– la régulation des plateformes de services numériques afin de prévenir les abus de position dominante ;

– la garantie que soient respectés les principes fondamentaux de l’Union européenne, au premier rang desquels le droit à la confidentialité de ses données personnelles et la diversité culturelle ;

– la mise en place d’un cadre juridique de la protection des données personnelles renouvelé, fondé sur la mise en place d’un guichet unique et le renforcement de la coopération entre les autorités nationales de régulation ;

– la promotion d’une gouvernance renouvelée de la gestion des noms de domaine ;

– l’élaboration d’une fiscalité coordonnée à l’échelle européenne, adaptée au numérique, afin d’empêcher l’évasion fiscale et l’érosion des bases ;

– la protection de tous les acteurs de l’écosystème numérique, quelle que soit sur leur place dans la chaîne de valeur ;

– le respect de la propriété intellectuelle et du droit d’auteur ;

– le renforcement de la prévention et de la lutte contre la cybercriminalité, par la mise en place d’une coopération interétatique.

Sixièmement, la commission des affaires européennes appelle de ses vœux la constitution d’un environnement propice au développement de l’économie numérique, qui passe par quatre actions :

– la sécurisation des transactions commerciales et bancaires en ligne, seul moyen d’obtenir la confiance des internautes ;

– le développement de formations qualifiantes aux métiers de l’informatique et du numérique afin de préparer les jeunes Européens aux métiers de demain ;

– le renforcement de la place des femmes au sein des formations aux métiers du numérique afin d’accroître la part de femmes dans ce secteur d’activité ;

– l’appropriation par les citoyens européens d’une culture du numérique.

C’est sur la base de cette proposition de résolution que la commission des affaires économiques a travaillé.

Votre Rapporteure salue la qualité du travail fourni par Mme Axelle Lemaire et M. Hervé Gaymard. Elle a néanmoins souhaité apporter plusieurs modifications, de divers ordres, et s’est montrée tout à fait favorable à d’autres initiatives des membres de la commission lors de l’examen de cette proposition de résolution, mardi 15 octobre 2013.

Outre des modifications rédactionnelles visant à préciser la rédaction initiale, votre Rapporteure a souhaité compléter le texte initial.

Premièrement, votre Rapporteure a souhaité souligner le fait que l’Europe ne constituait pas l’unique échelon pertinent pour mettre en place une stratégie numérique ambitieuse. En revanche, comme elle a pu le démontrer précédemment, l’Union européenne constitue le niveau optimal pour la définition d’une telle stratégie. Elle a donc proposé de modifier en ce sens le deuxième considérant.

Deuxièmement, il lui a semblé utile de préciser, dans le dernier considérant, que si le numérique représentait un formidable levier de croissance et d’intégration européenne, sa régulation était nécessaire et devait concilier des objectifs supplémentaires que ceux initialement cités : ainsi, à la compétitivité des entreprises, à la protection des consommateurs, au respect des données à caractère personnel et à la sécurité des réseaux ont été ajoutés l’investissement, l’emploi, l’innovation, l’aménagement du territoire et le développement des usages.

Troisièmement, votre Rapporteure a souhaité nuancer l’alinéa appelant à l’élaboration d’une politique numérique autonome dans l’agenda européen. En effet, comme il l’a été expliqué, l’Union européenne s’est d’ores et déjà dotée d’une Stratégie numérique en faisant du numérique l’un des piliers de la stratégie « Europe 2020 ». Il ne s’agit donc pas d’appeler à la constitution d’une politique numérique autonome mais plutôt de rappeler la nécessité de conforter la place du numérique et d’inviter à l’adaptation de la stratégie numérique européenne aux enjeux nouvellement identifiés.

Quatrièmement, au quatrième point, votre Rapporteure a souhaité indiquer qu’une politique industrielle européenne dans le secteur du numérique permettrait non seulement d’ouvrir de nouvelles perspectives en matière de croissance et d’emploi, mais également en matière d’innovation et de compétitivité des entreprises. Par ailleurs, il lui semble essentiel de rappeler que l’émergence d’une filière industrielle européenne forte et structurée dans le secteur du numérique constituait un moyen de garantir la souveraineté numérique de l’Union européenne. Comme elle l’indiquait déjà dans un rapport d’information présenté le 6 février dernier avec Mme Laure de La Raudière, votre Rapporteure est convaincue que si nous n’adoptons pas une approche globale de l’économie numérique, nous courons le risque de mettre en péril d’autres secteurs d’activité. Lors de son audition devant la commission des affaires économiques, le 1er octobre dernier, M. le ministre Arnaud Montebourg annonçait également le choix du Gouvernement d’investir massivement dans la souveraineté numérique.

Au-delà, alors que l’annonce par le groupe Alcatel-Lucent, le 8 octobre 2013, d’un plan d’action impliquant 10 000 suppressions nettes d’emplois dans le monde, dont 900 en France, a de nouveau mis en lumière la délicate situation des équipementiers télécoms, il est essentiel que l’Europe adopte une approche de filière industrielle, qui prenne en compte les intérêts économiques et sociaux de l’ensemble des acteurs, des équipementiers aux opérateurs. N’oublions pas par exemple qu’en dix ans, l’ensemble des fabricants de terminaux mobiles européens, qui à l’époque dominaient le marché, a disparu principalement au profit d’Apple et de Samsung.

Lors de la présentation du rapport précité, votre Rapporteure soulignait que l’approche filière est essentielle. Au-delà de la régulation, c’est l’attention de chacun qui se focalise sur les opérateurs, en oubliant l’impact sur les autres acteurs. Mme Laure de La Raudière et votre Rapporteure invitaient ainsi à relancer la politique de filière, en prenant en compte les intérêts de l’ensemble des acteurs, y compris les équipementiers trop souvent dénigrés car rangés au rang de « vieille industrie » au mépris de leur fort contenu technologique.

La préservation de l’appareil industriel européen passe également, c’est l’objet du cinquièmement, par l’accélération des déploiements de réseaux très haut débit, fixes et mobiles, à même d’offrir de nouveaux services à l’ensemble de la population européenne et de constituer un levier d’investissement considérable pour les acteurs économiques. En effet, le développement du très haut débit fixe, principalement par le biais de la fibre optique, ainsi que le déploiement de la 4G et bientôt de la 5G s’agissant des réseaux mobiles constituent des préalables à l’essor du numérique.

Sixièmement, votre Rapporteure a souhaité consacrer le fait, au cinquième point, que la protection des données personnelles ne concerne pas uniquement les individus, mais également les entreprises, dont les données doivent faire l’objet d’une protection égale. Elle a ainsi proposé que la protection du secret des affaires soit identifiée comme un enjeu essentiel.

Septièmement, votre Rapporteure a souhaité confirmer la nécessité d’intégrer les travaux sur la fiscalité du numérique dans le cadre des travaux menés sous l’égide de l’OCDE, car seul un cadre harmonisé à l’échelle européenne et internationale permettra un partage équilibré de la valeur générée par le numérique.

Huitièmement, votre Rapporteure a souhaité compléter le sixième point par un alinéa relatif à la création d’une offre de formation professionnelle continue pour faciliter l’adaptation des compétences aux nouveaux métiers créés par le numérique. En effet, il est essentiel d’accompagner l’ensemble de la population active afin de permettre à chacun de s’adapter aux mutations de l’emploi du fait de la numérisation de l’économie.

Enfin, votre Rapporteure a proposé deux amendements de clarification.

L’un concerne le renouveau de la politique de protection des données personnelles. Il s’inscrit pleinement dans le cadre des discussions du projet de règlement relatif à la protection des données personnelles et des recommandations du Conseil « Justice-Affaires intérieures » (JAI) de juin 2013. 

L’autre est relatif à la modernisation de la gouvernance des noms de domaines. Actuellement, c’est l’ICANN (the Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), une société de droit californien créée à la fin des années 1990 à l’initiative du Gouvernement fédéral américain, qui est chargée de la gouvernance des noms de domaines. L’étroitesse des liens entre une administration étatique et un organe de régulation internationale a été critiquée à plusieurs reprises et a conduit à plusieurs réformes de l’ICANN. Néanmoins, il semble essentiel de poursuivre la refonte de cette structure, et d’encourager sa mutation en une agence dont le statut reste à déterminer (agence intergouvernementale, agence onusienne, etc.)

Au-delà, votre Rapporteure a émis un avis favorable à plusieurs amendements proposés par des membres de la commission des affaires économiques. Deux méritent une attention particulière.

Le premier, proposé par M. Lionel Tardy, vise à garantir que les acteurs du numériques seraient consultés dans le cadre de l’élaboration d’un régime de gouvernance et de régulation des services du numérique.

Le second, proposé par Mme de La Raudière, vise d’une part à apporter une précision rédactionnelle à l’alinéa relatif à la régulation des plateformes de services afin de prévenir l’abus de position dominante, et d’autre part à appeler au respect du principe de neutralité, en s’assurant que les fournisseurs d’accès à l’Internet comme les opérateurs de communications électriques agissent de façon neutre vis-à-vis de l’ensemble des autres acteurs. Cette proposition s’inscrit dans la droite ligne des propositions du rapport consacré à la neutralité de l’Internet et des réseaux, présenté par votre Rapporteure et Mme de La Raudière devant la commission des affaires économiques le 13 avril 2011. Elle a également émis un avis favorable à un amendement de Mme de La Raudière qui visait à supprimer la référence au seul capital-risque dans l’alinéa consacré aux outils de financement de l’innovation. En effet, l’Europe souffre de lacunes non seulement en capital-risque mais également en capital-développement. Il s’agit donc d’élargir la perspective, tout en soulignant l’impérieuse nécessité de constituer des fonds de fonds paneuropéens, seuls à mêmes d’accompagner de jeunes entreprises jusqu’au stade de champions européens.

En pleine cohérence avec la position du Gouvernement français, l’Assemblée estime que seule une démarche menée a minima à l’échelle européenne peut être efficace 

*

* *

La proposition de résolution européenne ainsi modifiée est, aux yeux de votre Rapporteure, davantage équilibrée. Elle exprime la position d’une assemblée parlementaire ouverte à l’innovation et pleinement capable d’apprécier les enjeux posés par l’essor du numérique. D’un point de vue procédural, le texte ainsi adopté par la commission des affaires économiques sera considéré comme définitivement adopté par l’Assemblée nationale française si, dans les quinze jours francs suivant sa publication, la Conférence des Présidents ne propose pas son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée.

Votre Rapporteure espère que le Gouvernement trouvera dans la démarche de l’Assemblée nationale un soutien important à sa politique et à ses ambitions. Elle remercie à ce titre tous les membres de la commission pour leur approche constructive lors des débats parlementaires. Face aux enjeux liés à l’essor du numérique, il est essentiel que tous les acteurs concernés parviennent à travailler ensemble : il en va de l’avenir de l’Europe, et donc de celui de notre pays.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission a examiné, sur le rapport de Mme Corinne Erhel, la proposition de résolution européenne sur la stratégie numérique de l’Union européenne (n° 1410).

Mme Laure de La Raudière. Permettez-moi, monsieur le président, de faire une remarque préliminaire : c’était la première fois que j’avais à travailler sur une proposition de résolution européenne et la procédure employée pour l’adoption de ce type de texte ne m’a guère paru satisfaisante.

J’ai assisté à la présentation du texte par Axelle Lemaire et Hervé Gaymard devant la commission des affaires européennes : le temps consacré à cet examen ne permettait que difficilement d’amender la proposition de résolution, que la commission a adoptée tel quel à l’unanimité. Quand la commission saisie au fond s’empare à son tour de ce texte, sa tâche s’en trouve un peu compliquée ; c’est d’autant plus fâcheux qu’entre-temps, il aura pu apparaître à l’examen – notamment pour qui se trouve dans l’opposition – que certains points auraient dû être modifiés.

D’autre part, si la commission saisie au fond n’examine pas le texte adopté par la commission des affaires européennes – lequel n’a donc pu, faute de temps, être amendé –, ce dernier est considéré comme adopté, ce qui, vous en conviendrez, fait problème. Aussi vous saurais-je gré de faire part de mes observations à la Conférence des présidents.

M. le président François Brottes. J’en prends bonne note, madame de La Raudière, mais je vous ferai remarquer qu’un vote à l’unanimité de la commission des affaires européennes sur une proposition de résolution ne nous a jamais empêchés d’avoir un avis divergent !

Mme Laure de La Raudière. Dans ce cas, peut-être la commission des affaires européennes ne devrait-elle pas voter sur le texte ?

M. le président François Brottes. Si, car si, au bout d’un mois, aucune autre commission ne s’en est saisie, elle doit le transmettre directement aux instances européennes et au Gouvernement.

Mme Laure de La Raudière. Dans ce cas, il serait bon que le texte nous soit communiqué cinq jours avant son examen par la commission des affaires européennes, afin que nous puissions l’amender !

Mme Axelle Lemaire, co-rapporteure de la commission des affaires européennes. Votre préoccupation est légitime, madame de La Raudière, mais ce texte fait suite à un rapport d’information que j’ai cosigné avec M. Hervé Gaymard – qui est également co-rapporteur de la proposition de résolution. Des discussions politiques ont donc eu lieu en amont.

En outre, il s’agit d’un texte relativement bref sur un sujet que vous maîtrisez parfaitement : il était parfaitement possible d’engager un débat sur le fond à l’occasion de son examen par la commission des affaires européennes.

Surtout, il s’est écoulé une semaine depuis : vous aviez largement le temps de déposer des amendements !

Mme Laure de La Raudière. Il n’en demeure pas moins qu’il eût été bon de disposer du rapport d’information et de la proposition de résolution une semaine avant son examen par la commission des affaires européennes, de manière à pouvoir travailler correctement.

M. le président François Brottes. Je rappelle que le calendrier européen est particulièrement serré, puisqu’il impose à la France de s’exprimer avant le 24 octobre. Mais je transmettrai votre demande à la présidente de la commission des affaires européennes.

Venons-en maintenant au texte lui-même.

Mme Corinne Erhel, rapporteure. La stratégie numérique de l’Union européenne est un sujet clé non seulement pour nos industries et pour nos économies, mais aussi pour tous les citoyens européens. La proposition de résolution européenne que nous examinons aujourd’hui a été présentée par nos collègues Axelle Lemaire et Hervé Gaymard et adoptée la semaine dernière par la Commission des affaires européennes, en amont du Conseil européen des 24 et 25 octobre prochains.

Deux initiatives récentes démontrent la volonté des États membres de l’Union européenne d’approfondir le sujet et de se concerter sur les grandes orientations à donner à la politique commune en la matière : le projet controversé de « paquet télécoms » présenté par la commissaire Neelie Kroes et l’inscription pour la première fois de l’économie numérique à l’ordre du jour du prochain Conseil européen.

Je ne peux que me féliciter de cette évolution, car le numérique est un levier de croissance et d’emploi dont il faut soutenir le développement en Europe. Une approche coordonnée à l’échelon communautaire est nécessaire à cet essor dans chacun des pays de l’Union et la mise en place d’une véritable stratégie industrielle sur l’ensemble de la filière apparaît indispensable. Les récentes annonces d’Alcatel-Lucent, sur lesquelles nous reviendrons lors de l’audition de M. Michel Combes, me confortent dans cette idée.

La France apparaît comme un élément moteur sur cette question, notamment au travers de la contribution qu’elle présentera au Conseil européen de la fin du mois et du mini-sommet européen qui a réuni, le 24 septembre dernier, à l’initiative de Fleur Pellerin, huit États membres de l’Union afin de promouvoir, au-delà de la seule question des télécommunications, une Europe du numérique.

Les grandes orientations soutenues par la France comportent quatre volets.

Le premier vise à développer une politique industrielle et une vision stratégique communes en matière d’économie numérique, afin de constituer un environnement propice et de permettre l’émergence de champions européens susceptibles de jouer un rôle sur le marché mondial.

Le deuxième promeut une égalité de traitement entre tous les acteurs du numérique, en matière de régulation, de droit de la concurrence, de protection des données personnelles et de fiscalité.

Le troisième est consacré aux moyens de créer un environnement de confiance, notamment s’agissant du transfert de données personnelles vers des pays où le niveau de protection est inférieur au nôtre.

Enfin, la France appelle à renforcer la place de l’Union européenne dans les instances mondiales de la gouvernance de l’Internet.

La présente proposition de résolution européenne nous permet, à nous parlementaires, de nous emparer à notre tour de ce sujet majeur et de contribuer à la définition des ambitions françaises. Je salue donc l’initiative d’Axelle Lemaire et Hervé Gaymard et les remercie pour leur travail de grande qualité, auquel je me permettrai d’apporter quelques précisions à la faveur de son examen par notre Commission.

Mais, avant d’entrer dans le détail du texte, je voudrais insister sur quelques aspects généraux.

Tout d’abord, il importe de doter l’Union européenne d’une politique industrielle ambitieuse et volontaire dans le secteur numérique et, en complément d’initiatives nationales parfois très volontaristes – à titre d’exemple, un tiers des plans pour la « nouvelle France industrielle » concernent le numérique –, de consolider nos ambitions à l’échelon communautaire afin de permettre à nos entreprises de faire face à une concurrence internationale très forte. Favoriser un tel développement, c’est favoriser l’emploi, l’innovation et les investissements.

Prenons un exemple d’actualité : les équipementiers ; en dix ans, l’ensemble des fabricants de terminaux européens, qui jadis dominaient le marché, ont disparu. Il est essentiel de reconstruire une filière industrielle européenne en matière de numérique, de télécommunications et d’équipements, qui fournisse les éléments à même d’assurer à la fois un fonctionnement sûr des réseaux et la souveraineté numérique de l’Europe.

Cette ambition industrielle devra s’accompagner d’un encouragement à l’investissement dans les infrastructures fixes et mobiles et dans les services numériques, grâce à la mobilisation des crédits des programmes-cadres de recherche et développement, des fonds structurels et de la Banque européenne d’investissement (BEI).

Le corollaire de cette ambition industrielle est notre volonté de faire émerger des acteurs économiques forts, disposant de la taille critique nécessaire pour pouvoir s’implanter et se maintenir sur le marché mondial : tel est le sens de la préconisation en faveur d’un financement de l’innovation, notamment via la création de fonds de fonds paneuropéens. C’est ainsi que nous créerons de la valeur et des emplois.

Comme Laure de La Raudière et moi l’avons observé dans le cadre de la mission d’information sur le développement de l’économie numérique, l’Europe est dotée de compétences de haut niveau, qu’il convient de valoriser. Il nous faut continuer à développer la coopération et les synergies dans le secteur de la recherche, dans le cadre de l’Espace européen de la recherche et d’Horizon 2020.

Les préoccupations environnementales doivent également être prises en considération.

La proposition de résolution appelle à concevoir une fiscalité coordonnée, en s’appuyant sur les travaux en cours au sein de l’OCDE, afin de lutter efficacement contre l’évasion fiscale et l’érosion des bases taxables. Une telle action devrait renforcer l’équité des marchés et l’intégrité des systèmes fiscaux européens.

Il importe également de réfléchir à une meilleure répartition de la valeur dans la filière numérique, afin d’éviter que certains acteurs ne freinent le développement des autres, au détriment de l’innovation.

Une politique numérique européenne doit aussi garantir la protection des données, que celles-ci soient individuelles ou liées à l’entreprise : la donnée est aujourd’hui un gisement de valeur majeur.

Enfin, la proposition de résolution appelle à bâtir un environnement économique et culturel propice à l’appropriation et à la diffusion des savoirs numériques. Cela passe par la mise en place de filières de formation initiale adaptées aux emplois de demain, mais aussi de formations professionnelles continues susceptibles d’assurer l’adaptation toujours plus rapide des compétences aux nouveaux métiers du numérique. Il convient également de rendre les filières numériques plus attractives pour les femmes.

Mme Axelle Lemaire, co-rapporteure de la commission des affaires européennes. Saurons-nous prendre le tournant de l’économie numérique ? Inexistant il y a cinq ans, le marché des applications mobiles représente aujourd’hui 11 milliards d’euros par an et il est prévu qu’il génère 16 milliards d’euros d’ici à 2016 ; dans la seule Union européenne, il emploie 530 000 salariés : les enjeux en termes d’emploi et de croissance sont donc considérables.

Cependant, en se focalisant sur le marché intérieur et sur les infrastructures plutôt que sur l’innovation industrielle et l’écosystème, l’Europe est en retard d’une guerre. Elle vient une fois encore de l’afficher avec une certaine naïveté : la Commission européenne a récemment déposé, comme texte phare de la fin de son mandat, une proposition de règlement sur les réseaux de télécommunications alors que les enjeux stratégiques se situent désormais du côté des plateformes de services géantes, portes d’entrée privilégiées pour accéder à l’Internet.

Au-delà des considérations micro- et macroéconomiques, le numérique a une importance éminemment politique – tout comme l’eurent, il y a une soixantaine d’années, le charbon et l’acier, lorsqu’il fut décidé de bâtir une communauté européenne pour gérer en commun ces deux secteurs.

La Commission européenne a bien publié, il y a trois ans, une « stratégie numérique », qui figurait parmi les sept initiatives phares de la stratégie « Europe 2020 » et à propos de laquelle elle a lancé à mi-mandat un processus de révision, mais elle peine à définir une doctrine déclinable en actions concrètes en sorte que l’Europe conquière, sur ce marché, une place à la hauteur des enjeux et de ses ambitions.

Sous l’impulsion de Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique, la France a affiché sa volonté politique à l’échelon européen et elle s’efforce de coordonner son action avec celle d’autres États membres afin de faire émerger des solutions déclinables dans la réglementation communautaire. En témoigne l’organisation d’un mini-sommet européen du numérique à Paris, en septembre dernier, afin de préparer le Conseil européen de la semaine prochaine, qui sera consacré au sujet.

Voilà, brièvement présenté, le contexte dans lequel s’inscrit la présente proposition de résolution européenne, initiative qui a été prise au sein de la commission des affaires européennes et qui reste certainement insuffisante ; mais la procédure employée reflète aussi, madame de La Raudière, les conditions de travail au sein de cette commission, à laquelle participent les députés en sus de leur commission principale et dont les moyens humains et techniques restent limités au regard des enjeux politiques. Toujours est-il que ce texte a le mérite de souligner l’ambition qui doit être la nôtre au-delà des clivages partisans et d’affirmer la voix de la France sur la thématique du numérique au niveau européen. Cette ambition appelle trois types de mesures : une régulation des plateformes de services digitaux ; le financement de l’innovation ; la construction d’un environnement adapté – ce que l’on pourrait appeler un « écosystème numérique ».

Hervé Gaymard et moi-même recommandons de définir une véritable politique industrielle dans le secteur numérique, afin d’ouvrir de nouvelles perspectives de productivité, de croissance et d’emploi. Nous préconisons, de manière consensuelle, d’encourager l’investissement, de faciliter l’accès au financement de l’innovation et de diriger l’effort stratégique d’investissement vers des expérimentations technologiques et commerciales à fort enjeu industriel.

Voilà l’objectif visé par ce texte. J’espère que nous saurons, avec la rapporteure, vous convaincre de l’importance de confier un mandat parlementaire à notre Gouvernement pour qu’il défende cette ambition à l’échelon européen.

Mme Laure de La Raudière. Ne vous méprenez pas sur le sens de ma remarque, qui ne portait que sur la procédure : je soutiens la démarche du Gouvernement et celle de la commission des affaires européennes en faveur de l’économie numérique, car il est essentiel que l’Europe et la France prennent ce virage. D’ailleurs, vous connaissez mon engagement en la matière !

L’Europe est le bon niveau pour agir. Toutes les mesures que l’on a pu prendre en matière de régulation ou de fiscalité à l’échelon national n’ont fait que handicaper les acteurs français sans pour autant développer l’économie numérique. Je suis donc d’accord pour intervenir à l’échelon européen et pour que l’Europe défende ses valeurs fondamentales, particulièrement face aux États-Unis et à la Chine.

Deux sujets me paraissent particulièrement importants.

D’abord, la régulation des réseaux : beaucoup a déjà été fait, mais il faut ne pas baisser la garde. Nous devons protéger le budget européen destiné au financement des infrastructures ; le fait de ne pas en parler ne doit pas être compris comme un signe de désintérêt pour ces crédits, qui se sont malheureusement érodés.

Ensuite, les fournisseurs de services Internet se développent bien souvent sur des schémas de monopoles mondiaux ; il faut faire attention aux éventuels abus de position dominante et aux risques de distorsion de concurrence d’origine fiscale.

La proposition de résolution européenne reprend ces thèmes, et je trouve cela particulièrement intéressant.

Mme Frédérique Massat. Je remercie Mme Erhel pour son exposé, ainsi que Mme Lemaire et M. Gaymard pour leur proposition de résolution. Le groupe socialiste se réjouit de cette initiative novatrice, née d’une volonté du Conseil européen d’associer les parlements nationaux à cette réflexion.

Le texte comporte des propositions relatives à la stratégie industrielle, aux infrastructures, à la protection des données, à la fiscalité et à la régulation qui vont dans le bon sens. Il nous faut « muscler » ces aspects-là, à l’échelon tant national qu’européen. Le plan « France très haut débit » contribuera également à le faire. Nous nous en félicitons par avance, et nous sommes d’accord avec les amendements présentés par la rapporteure.

Une question à ce propos, monsieur le président : est-ce bien notre Commission, saisie au fond, qui produira le texte définitif ?

M. le président François Brottes. La procédure dans notre assemblée veut que toutes propositions de résolution européenne soient soumises à l’examen préalable de la commission des affaires européennes. Dans un second temps, les propositions de résolution sont renvoyées à la commission compétente. Enfin, si la Conférence des présidents le décide, ces textes peuvent être inscrits à l’ordre du jour de la séance publique.

Mme Brigitte Allain. Je salue cette proposition de résolution européenne car le développement de l’économie numérique comporte des enjeux très importants, tant économiques et sociaux que culturels.

Les mesures et préconisations visant à créer un environnement propice au développement de l’économie numérique et à l’appropriation du numérique par les citoyens, tout en veillant à protéger ceux-ci contre les risques et les dérives de ces nouvelles technologies, qui pèchent certainement par leur fort tropisme économique. J’en veux pour preuve que la guerre des prix féroce et rapide ainsi que les stratégies liées aux décisions des actionnaires axées sur la rentabilité ont produit des effets négatifs sur toute la filière ces derniers mois : chez tous les opérateurs, ce ne sont que suppressions de postes ou conditions de travail insoutenables. Les investissements des acteurs européens dans la recherche sont en baisse et la concurrence tous azimuts produit des effets irrationnels. La surenchère en matière de réseaux GSM, 3G, 4G conduit au mitage du territoire et au bain d’ondes ; l’implantation peu optimale des antennes relais a des conséquences non négligeables sur la santé humaine ; pourtant, des préconisations existent pour multiplier le nombre de ces antennes afin de diminuer le niveau d’exposition des riverains.

Les enjeux économiques et sanitaires ne doivent pas faire oublier la fracture numérique ; il faut insister sur le fait que les inégalités d’accès au numérique concernent non seulement les populations, mais aussi les territoires – les espaces ruraux en étant les premières victimes. Aujourd’hui, le privé conserve les projets économiquement intéressants, laissant à l’initiative publique ceux qui ne le sont pas : il est nécessaire de revoir ce mode de fonctionnement, par exemple en mutualisant les équipements et en mettant en place des coopérations. Ce n’est pas ce que préconise l’Europe aujourd’hui. La présente proposition de résolution peut contribuer à alimenter la réflexion en la matière.

M. Lionel Tardy. Je félicite les auteurs de cette proposition de résolution pour leur initiative : c’est en effet la première fois qu’un Conseil européen sera centré sur le numérique – regrettons toutefois qu’il n’y soit pas exclusivement dédié, comme c’était initialement prévu –, et je me réjouis que l’Assemblée nationale apporte sa modeste pierre à un édifice géant et complexe, au moyen d’un texte qui, je l’imagine, fera l’unanimité, puisque ses objectifs sont partagés par tous.

Je félicite aussi la ministre, Mme Fleur Pellerin, pour les initiatives qu’elle a prises – spécialement pour le mini-sommet européen qu’elle a organisé le 24 septembre. Que la France soit chef de file sur ces questions est pour moi une grande satisfaction. Néanmoins, prenons garde que de telles initiatives ne soient perçues comme une volonté d’agir seuls, de passer en force, ou comme un accès de nombrilisme. Dans le domaine du numérique comme ailleurs, nous ne sommes pas seuls et nous n’avons pas plus de leçons à donner qu’à recevoir – mais cela ne nous empêche pas d’avoir des idées novatrices et de les défendre.

Sur cette proposition de résolution bienvenue, je me contenterai donc de quelques propositions d’amendements marginaux. Les mots ont un poids : il ne faut pas prendre le risque d’envoyer de mauvais signaux à nos partenaires européens.

M. Daniel Fasquelle. Une résolution européenne n’a pas une très grande portée juridique ; et effectivement, à la lecture du présent texte, on s’aperçoit qu’il s’agit pour l’essentiel d’une déclaration de principes. Je regrette que l’on n’ait pas été plus clair et plus précis sur certains points.

Par exemple, on préconise d’investir dans les réseaux, mais sans préciser dans quel objectif. Or, ce qui est important, c’est que chaque citoyen européen ait accès à l’Internet et au numérique !

S’agissant des plateformes de services, nul besoin d’être un expert pour savoir que ce qu’on utilise aujourd’hui, c’est Google, Facebook ou Twitter, c’est-à-dire des outils non européens. En quoi ce texte changera-t-il la donne ?

De même pour les terminaux : nous utilisons tous des IPhone, des Samsung, des HTC ou des Sony. Je ne vois pas comment cette résolution aboutira à ce que l’on construise à nouveau des terminaux européens !

Bref, j’ai du mal à comprendre où tout cela est censé nous mener. J’aurais préféré une résolution de combat – car vous avez raison : il s’agit d’un sujet majeur, sur lequel nous avons pris beaucoup de retard.

M. le président François Brottes. Permettez-moi de vous signaler, monsieur Fasquelle, que les appareils des marques que vous avez citées comprennent des puces qui sont fabriquées en France – certaines venant de Crolles ! D’où l’intérêt de soutenir la filière des nanotechnologies avec volontarisme.

Mme la rapporteure. Madame de La Raudière, vous avez raison : l’Europe doit impérativement prendre le virage du numérique. C’est une transformation qui touche tous les secteurs et toutes les organisations – et c’est un des principaux leviers de croissance.

Si l’on veut développer une économie numérique qui concilie les objectifs sociétaux, d’aménagement du territoire, économiques et environnementaux, il importe de mettre en œuvre une politique de déploiement efficace des réseaux fixes – majoritairement par fibre optique – et des réseaux mobiles, car cela correspond à une demande des citoyens et des consommateurs.

Il faut aussi encourager les investissements dans les infrastructures fixes et mobiles et faire émerger des champions européens de dimension mondiale. Il existe plusieurs propositions en ce sens. Les travaux de la mission d’information sur le développement de l’économie numérique que nous menons ensemble montrent que nous disposons en Europe – notamment en France – de talents, de compétences et d’instruments d’amorçage, mais que les outils de capital-développement font défaut – contrairement à ce qui se passe aux États-Unis ou en Asie. C’est pourquoi la contribution française propose la constitution de fonds de fonds paneuropéens, afin de bénéficier d’un effet de levier supplémentaire.

Quant à la stratégie industrielle, on voit bien que l’Europe pâtit de son absence. Nous avons en France, avec Alcatel-Lucent, l’un des fleurons de l’économie numérique, mais qui se trouve actuellement en difficulté tant industrielle que financière, et qui subit la concurrence très vive d’équipementiers asiatiques, non seulement sur les prix, mais aussi en matière technologique. On n’a pas suffisamment pris la mesure de ce sujet en amont ; derrière se profilent des questions liées à la sécurité des réseaux et à la souveraineté numérique. Il faut que la France joue un rôle moteur dans ce domaine, car de nombreux emplois sont en jeu.

Vous l’avez souligné, monsieur Tardy : grâce à l’action de la ministre Fleur Pellerin, la France est chef de file sur le numérique : la contribution française et le mini-sommet européen de septembre ont proposé une vision de ce que devait être l’Europe du numérique. Il ne faut surtout pas rater le virage !

Mme Axelle Lemaire. Qu’il n’y ait pas de malentendu, monsieur Fasquelle : la présente proposition de résolution va bien au-delà de la déclaration de principes et si les questions du déploiement des réseaux et du droit égal d’accès au numérique sont moins traitées, c’est qu’elles sont déjà incluses dans l’agenda numérique européen tel qu’il a été défini il y a trois ans. Il ne servirait à rien de les rappeler ! Ce que nous voulons, c’est aller au-delà.

Tous les pays de l’Union fustigent les stratégies d’optimisation fiscale de Google ou d’Amazon, mais la France est le seul à évoquer la notion de fiscalité coordonnée. Il en va de même en ce qui concerne l’impératif de neutralité du réseau, la nécessité d’utiliser toutes les possibilités de financement existantes, y compris au sein de la BEI, la création d’un « Small Business Act » européen afin de donner aux PME européennes un accès préférentiel aux marchés publics, la lutte contre les oligopoles grâce à un nouveau régime de gouvernance qui permettrait aux PME de jouer un rôle dans la concurrence internationale, ou encore la gestion des noms de domaine – pour le moment assurée essentiellement par un organisme américain, l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN) – et la protection des données personnelles – l’affaire PRISM ne figure pas à l’ordre du jour du prochain Conseil européen. Autant de sujets dont la proposition de résolution rappelle l’importance et sur lesquels elle propose des idées novatrices. Je le répète : il s’agit, non pas de minimiser l’importance de certains sujets, mais d’élargir l’ordre du jour européen et de le rendre plus ambitieux.

Article unique

La Commission est d’abord saisie de l’amendement CE18 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à supprimer la référence à la « civilisation numérique ». Le numérique transforme nos modes de consommation, nos modèles économiques et nos conditions de vie, au point qu’on le compare souvent à l’électricité ; toutefois, il ne serait venu à l’idée de personne à l’époque de parler de « civilisation électrique » !

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CE19 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement tend à reconnaître l’échelon européen comme « un niveau optimal », et non comme « le niveau pertinent », pour une stratégie numérique ambitieuse : il ne faudrait pas que toute initiative nationale en matière de numérique soit considérée comme inopérante !

La Commission adopte l’amendement.

Elle en arrive à l’amendement CE36 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. La rédaction actuelle du texte fait référence au « retard accusé par l’Europe dans la répartition des parts de marché de l’économie numérique ». Or c’est avant tout le partage de la valeur entre les acteurs, notamment entre acteurs européens et acteurs hors Union européenne, qu’il convient de rééquilibrer.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de précision CE20 de la rapporteure.

La Commission étudie, en discussion commune, les amendements CE41 de la rapporteure, CE1 de Mme Laure de La Raudière et CE10 de M. Lionel Tardy.

Mme la rapporteure. Je propose, à l’alinéa 12, de compléter la liste des exigences auxquelles doit satisfaire la régulation du numérique : elle doit concilier « les exigences d’investissement, d’emploi, de compétitivité des entreprises, d’innovation, de respect des données à caractère personnel, de protection des consommateurs, d’aménagement du territoire, de développement des usages et de sécurité des réseaux ». Cette formulation reprend celle que Laure de La Raudière et moi-même avions adoptée dans notre rapport relatif à l’impact de la régulation sur la filière des télécommunications.

Mme Laure de La Raudière. Ne pourrait-on préciser que la régulation doit être « favorable au développement » ?

Mme la rapporteure. Soit, je rectifie mon amendement en ce sens.

M. Lionel Tardy. Il convient de substituer au respect de la vie privée la protection des données personnelles : c’est à quoi tend mon amendement, mais je note que celui de la rapporteure va dans le même sens…

La Commission adopte l’amendement CE41 rectifié.

En conséquence, les amendements CE1 et CE10 tombent.

L’amendement CE11 de M. Lionel Tardy est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CE21 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. L’Union européenne s’étant d’ores et déjà dotée d’une stratégie numérique, le « digital agenda », il s’agit dès lors moins, à l’alinéa 14, d’appeler à l’élaboration d’une politique numérique autonome que de rappeler la nécessité de conforter la place du numérique dans l’agenda européen et d’inviter l’Union à adapter sa stratégie en la matière aux nouveaux enjeux.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine, en présentation commune, les amendements CE2 et CE35 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Je souhaiterais – c’est l’objet de l’amendement CE2 – que l’on supprime le début de l’alinéa 15. En effet, comme je l’ai indiqué à Mme la ministre Fleur Pellerin lors de son audition, si le groupe UMP approuve la démarche proactive du Gouvernement, il ne partage pas toutes les orientations figurant dans sa contribution.

À défaut d’obtenir cette suppression, je proposerai par l’amendement CE35 de rédiger ainsi le début de l’alinéa 15 : « Approuve et soutient la démarche proactive du Gouvernement français ». Pour un groupe d’opposition, c’est déjà beaucoup accorder !

Mme la rapporteure. Madame de La Raudière, consentiriez-vous à une rédaction qui se lirait ainsi : « Approuve les grandes orientations de la contribution de la France au Conseil européen et soutient la démarche proactive du Gouvernement » ? L’objectif de la résolution est, en effet, de montrer que notre Parlement a, sur la question du numérique, une position commune.

Mme Laure de La Raudière. Madame la rapporteure, je suis évidemment plus favorable à la rédaction des deux amendements que j’ai déposés. Si nous sommes dans l’ensemble enclins à voter cette proposition de résolution – dont nous partageons les objectifs –, certaines orientations ne sont pas en accord avec nos souhaits. C’est à vous de faire un pas en direction de l’opposition pour arriver à une position commune, en purgeant la résolution de toute source de différend politicien.

M. Lionel Tardy. La démarche « proactive » du Gouvernement français constitue une très bonne chose, d’autant que les initiatives françaises au niveau européen restent rares. L’idéal serait d’ailleurs qu’elle ne se limite pas au seul Conseil européen de la semaine prochaine, mais se poursuive ultérieurement. Cependant, cette démarche peut froisser les susceptibilités de nos partenaires ; il faut donc qu’elle soit concertée avec eux, afin que la France ne se retrouve pas isolée.

M. le président François Brottes. Une résolution de ce type n’a de force que si elle est votée par une large majorité des groupes politiques nationaux. Les orientations qu’il est ici question de soutenir ne sont que celles de la politique numérique, non les orientations de politique générale du Gouvernement !

Mme Axelle Lemaire, co-rapporteure de la commission des affaires européennes. Une résolution adoptée par un Parlement national avant la tenue d’un Conseil européen sert à montrer aux autres États que ce Parlement approuve la contribution de son pays. La France est, avec le Royaume-Uni, le seul État à avoir déposé un texte, mais la proposition britannique ressemble beaucoup à celle de la Commission européenne, et n’évoque que le marché intérieur, se concentrant sur la manière de faciliter l’utilisation d’Internet pour les transactions en ligne.

Supprimer la référence expresse à la contribution du Gouvernement viderait la résolution de sa substance. Essayons de trouver une rédaction qui n’implique pas que vous approuvez l’ensemble de la contribution. On pourrait par exemple parler de l’économie générale, du sens général ou des grandes lignes du texte du Gouvernement.

M. le président François Brottes. Axelle Lemaire soulève un point important : comment peut-on approuver la méthode si l’on n’approuve pas le fond ?

La séance est suspendue quelques instants.

Mme Laure de La Raudière. La rédaction que vous proposez, madame la rapporteure, ne nous convient pas totalement, mais je suis consciente de la contrainte politique et je souhaite éviter tout débat politicien. Je m’y rallierai donc, tout en regrettant que vous ne vous rapprochiez pas de ma position.

Mme la rapporteure. Cette rédaction nous paraît de nature à satisfaire tout le monde. Sur un sujet majeur pour la France comme pour l’Europe, il est essentiel d’avoir une démarche positive.

M. le président François Brottes. Voici donc comment sera formulé l’alinéa 15 : « Approuve les grandes orientations de la contribution de la France au Conseil européen et soutient la démarche proactive du Gouvernement français vis-à-vis des autres États membres et de la Commission européenne ».

Mme la rapporteure. Un amendement de synthèse – CE43 – adoptant cette rédaction pourrait nous mettre tous d’accord.

M. Daniel Fasquelle. L’adjectif « proactive », bien qu’à la mode, est-il réellement nécessaire ? Il risque de heurter nos partenaires.

Mme la rapporteure. Vous avez pourtant, M. Lionel Tardy et vous, jugé la démarche de la France intéressante et positive.

M. le président François Brottes. Il ne faut pas donner le sentiment, en supprimant cet adjectif, que nous renonçons au volontarisme. Accepteriez-vous de remplacer le terme « proactive » par « constructive », qui n’a plus ce caractère unilatéral ? Si tel est le cas, cette proposition pourrait faire l’objet d’un second amendement – CE44 – que je serais heureux de déposer.

M. le président François Brottes. Aux termes des amendements CE43 et CE44, l’alinéa 15 sera donc ainsi rédigé : « Approuve les grandes orientations de la contribution de la France au Conseil européen et soutient la démarche constructive du Gouvernement français vis-à-vis des autres États membres et de la Commission européenne ».

Les amendements CE2 et CE35 sont retirés.

La Commission adopte les amendements CE43 et CE44.

La Commission est saisie de l’amendement CE12 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Cet amendement propose d’insérer, après l’alinéa 15, un nouvel alinéa exprimant le souhait que la France joue un rôle moteur « en concertation avec les autres États membres et la Commission européenne », cela pour ne pas donner le sentiment de vouloir brusquer nos partenaires européens.

Mme la rapporteure. Avis plutôt défavorable car cette résolution est destinée à faire part aux instances européennes de la position de notre Assemblée. Ces précisions ne me semblent pas non plus nécessaires après l’adoption de l’amendement CE43.

L’amendement est retiré.

La Commission étudie l’amendement CE37 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement tend à souligner la contribution du numérique à l’emploi, à l’innovation et à la compétitivité, mais aussi l’importance d’une politique industrielle en la matière pour garantir la souveraineté européenne dans ce domaine.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CE23 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Il s’agit ici d’insérer un alinéa précisant qu’il faudra développer « une approche de filière industrielle européenne, fondée sur la prise en compte des intérêts économiques et sociaux de l’ensemble des acteurs, des équipementiers aux opérateurs ». Les équipementiers de la filière télécom sont souvent considérés à tort comme relevant de la « vieille industrie », alors qu’ils représentent au contraire des fleurons technologiques. Il faut souligner l’importance de leur rôle en matière d’innovation, de technologies, d’emploi et d’investissements – importance que Laure de La Raudière et moi-même avons déjà notée dans notre rapport.

Mme Laure de La Raudière. Je suis d’accord avec vous, mais je crains que la rédaction proposée, dans son souci de précision, n’exclue l’industrie du logiciel – pourtant partie intégrante de l’industrie du numérique. Je suggérerai de s’arrêter à « l’ensemble des acteurs », en supprimant « des équipementiers aux opérateurs ».

Mme la rapporteure. Compte tenu de l’actualité, il me semble indispensable de mentionner les équipementiers. Mais on pourrait peut-être, en effet, mentionner aussi l’industrie du logiciel…

M. le président François Brottes. Cela risquerait de compliquer la rédaction. L’expression « des équipementiers aux opérateurs » couvre toute la chaîne, y compris l’industrie du logiciel. En effet, les équipementiers intègrent l’intelligence des logiciels dans le matériel qu’ils produisent ; cette intelligence est ensuite utilisée par les opérateurs qui font appel à ces équipements pour proposer de multiples services.

Mme Laure de La Raudière. C’est vrai des logiciels utilisés dans les télécommunications, mais beaucoup servent d’autres filières, tout en relevant de l’industrie du numérique.

Mme la rapporteure. J’ai tenu à mentionner les équipementiers car l’Union européenne a trop négligé le sujet, au risque de compromettre, comme on le voit aujourd’hui, l’emploi dans ce secteur, mais aussi, à terme, la sécurité des réseaux, voire la souveraineté numérique. Certes, une rédaction telle que « l’ensemble des acteurs du numérique et des télécommunications » les inclurait de fait, mais il me paraît dommage de ne pas les citer.

Mme Laure de La Raudière. Dans ce cas, pourquoi ne pas écrire « y compris les équipementiers », en supprimant la mention des opérateurs ?

M. le président François Brottes. En effet, cette formulation valoriserait les équipementiers sans exclure les autres acteurs.

Mme la rapporteure. Très bien, optons pour la rédaction suivante : « en développant une approche de filière industrielle européenne, fondée sur la prise en compte des intérêts économiques et sociaux de l’ensemble des acteurs du numérique et des télécommunications, y compris des équipementiers ».

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Elle étudie l’amendement CE24 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Si une part importante des investissements doit être consacrée aux infrastructures de réseaux aussi bien fixes que mobiles, il ne faut pas pour autant oublier les services numériques. Les fonds européens doivent aller à l’ensemble de ces secteurs.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CE3 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Cet amendement tend à simplifier la rédaction de l’alinéa 18.

Mme la rapporteure. Avis favorable. Nous avons besoin d’outils d’investissement qui comprennent à la fois le capital-risque, le capital-développement, etc., mais le point essentiel ici est la création de fonds de fonds paneuropéens.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CE25 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. C’est un amendement rédactionnel : d’une part, l’expression « innovations technologiques » me paraît plus appropriée que celle d’« expérimentations technologiques » ; d’autre part, il convient de marquer que la liste proposée n’est pas exhaustive.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CE26 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Plutôt que de pôles multidisciplinaires, il convient ici de parler de pôles de recherche au sens large, tout en précisant qu’il faudra renforcer les synergies européennes en la matière.

Mme Axelle Lemaire, co-rapporteure de la commission des affaires européennes. Pour notre commission, loin d’impliquer une concentration des acteurs du ou des secteurs industriels concernés, le terme « multidisciplinaire » renvoie plutôt à une approche multi-facettes des questions numériques. Si cet univers a évidemment partie liée avec l’économie, il amène également des philosophes, des linguistes ou des artistes à s’interroger sur les nouveaux rapports entre l’individu et le collectif ou sur la place des nouvelles technologies de communication au sein de la société. L’outil numérique nous ouvre à tout un monde autre, et l’approche multidisciplinaire – qui inclut toutes les disciplines scientifiques, y compris les sciences humaines, ainsi que les approches sociétales – me semble la plus féconde à cet égard.

Mme la rapporteure. Je comprends mieux, maintenant, l’utilité du mot.

L’amendement est retiré.

La Commission étudie l’amendement CE13 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. En matière d’économie numérique, imposer les règles par le haut – erreur déjà commise par le passé – apparaît plus néfaste encore que dans d’autres domaines, non seulement parce que cette démarche constitue un signal négatif et se révèle généralement contreproductive, mais aussi parce que les règles établies sans concertation sont souvent contournables. Afin d’éviter ces écueils, l’amendement précise que toute gouvernance ou régulation doit faire l’objet d’une concertation.

Mme la rapporteure. Avis favorable, sous réserve de remplacer « en concertation avec les acteurs du secteur » par « après consultation des acteurs du secteur ».

M. Lionel Tardy. J’en suis d’accord.

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Puis elle est saisie de l’amendement CE4 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Afin de ménager nos partenaires européens, je souhaiterais supprimer la notion de « régulation », du reste couverte par celle de « gouvernance ».

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Les deux termes n’étant pas exactement équivalents, il ne me paraît pas gênant de maintenir les deux.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte les amendements rédactionnels identiques CE27 de la rapporteure et CE6 de Mme Laure de La Raudière.

Elle adopte de même les amendements rédactionnels identiques CE5 de Mme Laure de La Raudière et CE42 de la rapporteure.

La Commission est saisie de l’amendement CE7 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Cet amendement, qui comprend une partie purement rédactionnelle – remplacer « la constitution et la consolidation d’oligopoles numériques abusant de leur position dominante » par « l’abus de position dominante de certains acteurs du numérique » –, tend également à s’assurer que les fournisseurs de service Internet et les opérateurs ne privilégieront pas certains acteurs au détriment d’autres. Cette exigence de neutralité concernerait tant les plateformes de services Internet que les fournisseurs de communications électroniques.

Mme la rapporteure. Avis favorable.

M. Daniel Fasquelle. Cette résolution, trop centrée sur le marché intérieur, néglige de ce fait les enjeux mondiaux. Lutter contre les oligopoles à l’intérieur de l’Europe risque de faire obstacle à l’émergence de champions susceptibles de faire ensuite le poids à l’échelle mondiale. La position européenne sur beaucoup de sujets présente cette même ambiguïté, le souci de la concurrence l’emportant sur celui de la politique industrielle.

Mme la rapporteure. Les abus de position dominante et la constitution d’oligopoles – notamment extérieurs à l’Union européenne – empêchent les entreprises européennes de développer l’innovation et de devenir des acteurs de dimension mondiale.

M. Daniel Fasquelle. Cet alinéa est mal rédigé : ce n’est pas la constitution d’oligopoles – parfois nécessaire –, mais les abus de ces derniers qui sont condamnables. La formulation proposée par Laure de La Raudière me paraît plus heureuse.

Mme la rapporteure. Mais j’ai donné un avis favorable à son amendement !

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle étudie l’amendement CE14 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. La rédaction actuelle de l’alinéa 24 peut laisser penser que la constitution d’oligopoles et les abus de position dominante ne sont propres qu’au numérique. De plus, il serait dommage que la résolution empêche l’émergence d’oligopoles européens de niveau mondial. Je propose donc de reprendre la rédaction employée à l’alinéa 30 à propos des droits d’auteur – « de la même manière qu’elles le sont hors du champ numérique » – pour montrer que les mêmes règles s’appliquent à tous les secteurs de l’économie.

Mme la rapporteure. Le fait d’avoir adopté l’amendement CE7 de Mme de La Raudière vide le vôtre de son sens.

L’amendement est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CE15 de M. Lionel Tardy, CE8 de Mme Laure de La Raudière et CE38 de la rapporteure.

M. Lionel Tardy. Les listes ne sauraient être exhaustives. En l’occurrence, définir les valeurs fondamentales de l’Union européenne me paraît délicat ; je propose donc de ne pas les spécifier, laissant cela implicite.

Mme Laure de La Raudière. La confidentialité des données personnelles ne constitue pas, à mes yeux, une valeur. De plus, la notion de « données personnelles » n’est pas juridiquement définie. Je propose d’évoquer plutôt « le respect de la vie privée et du secret des affaires ».

Mme la rapporteure. Je propose pour ma part de remplacer les mots « confidentialité des données personnelles » par « protection des données personnelles et du secret des affaires » – notion couramment employée en droit européen. N’oublions pas, en effet, qu’à côté des données personnelles des individus, il faut également protéger celles des entreprises, cruciales pour l’économie.

Je donne un avis défavorable à l’amendement de M. Tardy, car il me paraît utile de rappeler les valeurs fondamentales de l’Union européenne, et je propose à mes deux collègues de se rallier à mon amendement CE38.

M. Lionel Tardy. Je ne supprime pas la référence aux valeurs fondamentales de l’Union européenne ; je propose simplement de supprimer la liste qui les détaille.

Mme Laure de La Raudière. Je veux bien me rallier à votre amendement, madame la rapporteure, mais, je le répète, la notion de « données personnelles » n’est pas définie juridiquement, à la différence de celle de « respect de la vie privée »

Mme Axelle Lemaire. Mme de La Raudière a raison.

M. le président François Brottes. Son amendement m’apparaît en effet préférable.

Mme Axelle Lemaire. Je proposerai d’évoquer « le respect des valeurs fondamentales de l’Union européenne, incluant les droits humains et la promotion de la démocratie, et du principe de protection des données personnelles et du secret des affaires ». Le printemps arabe, la censure en Syrie ou le difficile développement des réseaux autonomes en Chine constituent autant de sujets qui montrent l’importance, en matière d’Internet, des valeurs européennes. Mais s’il est important de les mentionner, il faut les distinguer des autres principes à respecter – comme celui de la protection des données –, qui sont de nature différente.

Mme la rapporteure. Mon amendement tendrait alors à substituer aux mots « la confidentialité des données personnelles », les mots « le principe de protection des données personnelles et du secret des affaires » ? Soit.

Les amendements CE15 et CE8 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement CE38 rectifié.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CE39 de la rapporteure, CE9 de Mme Laure de La Raudière et CE22 de M. Lionel Tardy.

Mme la rapporteure. Je propose une nouvelle rédaction de l’alinéa 26, en référence au projet de règlement relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données. Il s’agit d’affirmer le soutien de l’Assemblée à cette initiative, tout en simplifiant la rédaction initiale.

Mme Laure de La Raudière. Je retire mon amendement, bien que je le préfère à la rédaction proposée par Mme la rapporteure.

M. Lionel Tardy. L’amendement CE22 est défendu.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

L’amendement CE9 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CE39.

En conséquence, l’amendement CE22 tombe.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CE28 de la rapporteure.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE40 de la rapporteure et CE16 de M. Lionel Tardy.

Mme la rapporteure. Mon amendement – proche de celui de M. Tardy – tend à compléter ainsi l’alinéa 28 : « et en soutenant les initiatives engagées en ce sens par l’Organisation de coopération et de développement économiques » (OCDE).

M. Lionel Tardy. Nous comprenons tous que c’est à l’échelle de l’Union européenne – et non des États – qu’il faut agir en faveur de certains secteurs de l’économie numérique. De même, c’est à celle de l’OCDE qu’il convient de s’attaquer à l’évasion fiscale et à l’érosion des bases, tout simplement parce que cette évasion dépasse les frontières de l’Union européenne. Malheureusement, celle-ci ne peut pas, à elle seule, faire grand-chose ; en revanche, elle peut apporter sa contribution et ses idées à l’OCDE. Une réflexion est d’ailleurs en cours dans le cadre du projet Érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices – Base Erosion and Profit Shifting (BEPS) –, lancé par le G20 en juillet 2013.

Mme la rapporteure. Je propose à M. Tardy de se rallier à ma version.

L’amendement CE16 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CE40.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CE29 de la rapporteure.

Elle est saisie de l’amendement CE34 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. S’agissant des droits d’auteur, il ne faut pas reproduire l’erreur consistant à calquer le modèle traditionnel sur le numérique. Au contraire, il faut réfléchir à une réforme de la propriété intellectuelle visant à mieux intégrer les nouveaux enjeux induits par le développement de ce domaine. Dans certains cas, en effet, les droits d’auteur peuvent bloquer la liberté d’information et les possibilités offertes par le numérique. Ainsi, en matière de liberté de panorama – exception prévue dans une directive européenne mais non consacrée dans le droit français –, ils gênent la diffusion des œuvres sur Internet.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Dans la mesure où, par l’adoption de l’amendement précédent, nous venons de supprimer « au même titre qu’ils le sont hors du champ numérique », votre amendement me paraît satisfait.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de coordination CE30 de la rapporteure.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CE17 de M. Lionel Tardy et CE31 de la rapporteure.

M. Lionel Tardy. L’amendement CE17 est défendu.

Mme la rapporteure. Défavorable. La formation et l’appropriation des savoirs en matière de numérique apparaissent essentielles pour réussir la conversion au numérique.

L’amendement CE31 vise à reformuler l’intitulé du point 6, en cohérence avec les objectifs de ce dernier.

L’amendement CE17 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CE31.

Puis elle adopte l’amendement de coordination CE32 de la rapporteure.

Elle est enfin saisie de l’amendement CE33 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement tend à ajouter un alinéa relatif à la formation professionnelle continue et à l’adaptation des compétences aux futurs métiers, afin de souligner l’importance de ces objectifs.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte à l’unanimité la proposition de résolution européenne modifiée.

La liste des amendements examinés par la commission est disponible sur le site internet de l’Assemblée nationale  (11).

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu le traité sur l’Union européenne,

Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en particulier ses titres Ier, XIII, XV à XVII et XIX,

Vu la communication de la Commission, du 3 mars 2010, « Europe 2020. Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive » (COM [2010] 2020 final),

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, du 26 août 2010, « Une stratégie numérique pour l’Europe » (COM [2010] 245 final/2),

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, du 18 décembre 2012, « Une stratégie numérique pour l’Europe : faire du numérique un moteur de la croissance européenne » (COM [2012] 784 final),

Vu l’ordre du jour du Conseil européen des 24 et 25 octobre 2013,

Considérant que l’essor du numérique est porteur d’immenses transformations scientifiques, économiques, sociales et sociétales, sources de croissance et d’emplois ;

Considérant que, dans la compétition internationale, l’Europe, riche de son marché intérieur et de sa tradition tournée vers les savoirs et la connaissance, est un niveau optimal pour penser une stratégie numérique ambitieuse ;

Considérant que le retard accusé par l’Europe dans la répartition de la valeur générée par l’économie numérique risque de s’accentuer dans les décennies à venir si les États membres ne font pas de ce secteur une priorité de leur agenda politique ;

Considérant qu’il convient de promouvoir une régulation favorable au développement du numérique, levier de croissance et d’intégration européenne, en conciliant les exigences d’investissement, d’emploi, de compétitivité des entreprises, d’innovation, de respect des données à caractère personnel, de protection des consommateurs, d’aménagement du territoire, de développement des usages et de sécurité des réseaux ;

1. Se félicite que l’ordre du jour de la prochaine session du Conseil européen comporte, pour la première fois, un point consacré à l’économie numérique, à l’innovation et aux services, ce qui permettra de donner une impulsion politique forte aux initiatives européennes prises en ces domaines ;

2. Exprime le souhait que l’Union européenne conforte la place du numérique dans l’agenda européen et adapte sa stratégie numérique aux défis contemporains et futurs ;

3. Approuve les grandes orientations de la contribution de la France au Conseil européen et soutient la démarche constructive du Gouvernement français vis à vis des autres États membres et de la Commission européenne ;

4. Préconise de définir une véritable politique industrielle dans le secteur numérique afin d’ouvrir de nouvelles perspectives de croissance, d’emploi, d’innovation et de compétitivité, et de garantir la souveraineté numérique européenne :

a) (nouveau) En développant une approche de filière industrielle européenne, fondée sur la prise en compte des intérêts économiques et sociaux de l’ensemble des acteurs du numérique et des télécommunications, y compris des équipementiers ;

b) En encourageant l’investissement, dans les infrastructures fixes et mobiles et dans les services numériques, par une mobilisation plus effective des crédits des programmes-cadres de recherche et d’innovation, des fonds structurels et de la Banque européenne d’investissement ;

c) En facilitant le financement de l’innovation, notamment en créant des fonds de fonds paneuropéens, pour accompagner l’essor des « start-up » susceptibles de devenir les champions numériques de demain ;

d) En élaborant un corpus de règles spécifiques pour l’accès des petites et moyennes entreprises innovantes aux marchés publics ;

e) En ciblant l’effort stratégique d’investissement vers des innovations technologiques et commerciales à fort enjeu industriel, notamment l’informatique en nuage, la nanoélectronique, le stockage et le traitement des masses de données, les objets connectés ou encore les services sans contact ;

f) En développant des pôles de recherche multidisciplinaires et des synergies européennes, dans le cadre de l’Espace européen de la recherche et de la mise en œuvre d’Horizon 2020 ;

g) En intégrant à l’industrie numérique les préoccupations environnementales et les objectifs de réduction des émissions de carbone, d’accessibilité et d’efficacité énergétique, ainsi que les problématiques sanitaires ;

5. Demande que soit élaboré, après consultation des acteurs du secteur, un régime de gouvernance et de régulation des services numériques :

a) En imposant aux plateformes de services numériques des règles du jeu équitables pour lutter contre l’abus de position dominante de certains acteurs du numérique et pour assurer que les fournisseurs de service internet autant que les fournisseurs de communications électroniques opèrent de façon neutre vis à vis de l’ensemble des acteurs ;

b) En assurant le respect des valeurs fondamentales de l’Union européenne, incluant les droits humains, la promotion de la démocratie et le principe de protection des données personnelles et du secret des affaires, et en favorisant la diffusion des contenus culturels dans leur diversité ;

c) En modernisant le cadre de protection des données personnelles, afin de garantir les droits des usagers par la mise en place d’un guichet unique et le renforcement de la coopération entre les autorités de régulation nationales ;

d) En œuvrant pour l’association de toutes les parties prenantes à la gouvernance de la gestion et de l’internationalisation des noms de domaine, dans un souci d’intérêt public ;

e) En imaginant une fiscalité coordonnée, de nature à empêcher l’évasion fiscale et l’érosion des bases et en soutenant les initiatives engagées en ce sens par l’Organisation de coopération et de développement économiques ;

f) En garantissant une rémunération juste des prestataires numériques intervenant sur la totalité de la chaîne de valeur des produits dématérialisés ;

g) En faisant en sorte que la propriété intellectuelle et les droits d’auteur soient respectés ;

h) En renforçant la coopération interétatique en matière de prévention et de lutte contre la cybercriminalité ;

i) (nouveau) En sécurisant au maximum les transactions commerciales et bancaires en ligne au sein du marché intérieur ;

6. Appelle à bâtir un environnement propice à l’appropriation et à la diffusion des savoirs numériques :

a) (Supprimé)

b) En proposant aux jeunes Européens des formations qualifiantes adaptées pour préparer des cohortes suffisantes de professionnels possédant les compétences numériques que requerront les emplois de demain ;

c) (nouveau) En favorisant la formation professionnelle continue pour faciliter l’adaptation des compétences aux nouveaux métiers de la transformation numérique ;

d) En incitant davantage les femmes à opter pour les formations et les métiers du numérique ;

e) En accompagnant les citoyens européens, enfants et adultes, pour les aider à devenir des usagers autonomes et avertis de l’espace numérique.

16 septembre 2013

Europe numérique

Conseil européen des 24-25 octobre 2013

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Contribution française

Les technologies et les nouveaux usages du numérique modifient en profondeur nos manières de vivre en société, la production et le partage de la connaissance, les façons de créer, produire, distribuer et consommer. Ils redéfinissent les enjeux liés à l’équilibre entre liberté et sécurité.

Des transitions technologiques de cette ampleur sont rares. Le monde crée aujourd’hui en deux jours autant de données que ce qui a été produit jusqu’à l’invention d’Internet. L’économie numérique est également une composante essentielle de l’emploi de demain, alors que les services numériques utilisés en Europe peuvent être conçus et exploités n’importe où dans le monde.

Afin de créer des emplois, de favoriser l’innovation et le développement de services numériques et d’infrastructures, de garantir des règles du jeu équitables, l’Union européenne doit se doter d’une stratégie volontaire et efficace pour devenir un acteur majeur dans la compétition mondiale et de ne pas subir les évolutions technologiques et économiques venues d’autres continents.

Aujourd’hui, ce sont essentiellement des acteurs non européens de l’Internet qui détiennent les positions centrales dans le monde numérique. Incontournables, ils captent l’essentiel de la valeur et détiennent la capacité d’influer sur le fonctionnement même d’Internet. L’Europe ne doit pas devenir un simple espace de consommation de services numériques développés ailleurs, via des technologies, des modèles et des normes qu’elle ne maîtriserait pas ; elle doit veiller au renforcement de son autonomie stratégique dans ce domaine. Elle doit garantir qu’Internet fonctionne comme un espace public ouvert à tous et respectueux des droits de chacun, un levier de développement économique, un instrument de liberté et d’émancipation politique.

1. Développer une stratégie industrielle européenne du numérique permettant l’émergence d’acteurs européens innovants, créateurs de croissance et d’emplois

L’Europe doit pouvoir faire émerger un plus grand nombre d’entreprises véritablement performantes sur les marchés mondiaux.

a/ soutien à l’innovation

Afin de mettre en place l’ensemble des instruments favorisant l’innovation, la France propose d’avancer sur les sujets suivants :

Ø Marchés publics

• assurer la pleine mise en œuvre des dispositions prévues dans les directives marchés publics révisées une fois entrées en vigueur, en particulier le partenariat d’innovation, qui doit permettre de développer les achats publics auprès de PME innovantes.

Ø Financement des PME et des start-ups

• développer les instruments européens, notamment le capital-risque à travers la constitution de fonds de fonds et un meilleur recours au FEI, en associant de manière appropriée les instruments financiers nationaux ;

• utiliser pleinement les crédits du « nouvel instrument PME » prévu par Horizon 2020 pour soutenir les projets d’innovation des PME dans le domaine numérique.

Ø Normalisation

• confier à la Commission le mandat de renforcer les liens entre la recherche, la normalisation et le développement technologique, en s’inspirant du NIST (12).

b/ financement des nouvelles technologies, des services, des réseaux et du développement des compétences

Ø Développement des technologies avancées

Les actions et financements disponibles au niveau européen, notamment dans le cadre du programme Horizon 2020, devraient être consacrés au développement de l’informatique en nuage, des objets connectés ou encore du traitement massif des données. Le Conseil européen devrait décider d’un plan d’action emblématique, mobilisant toutes les dimensions des politiques publiques (recherche, financement, formation, commande publique, etc.) par exemple sur le « big data » (traitement massif des données) ou le stockage des données (informatique en nuage).

Ø Facilitation des services

Horizon 2020 et les crédits de la BEI devraient également permettre de soutenir le développement de services : villes, réseaux d’énergie et de transport intelligents, plateformes ouvertes d’éducation.

De même les usages d’Internet devront être développés : administration électronique, e-justice, e-santé.

Ø Mise en place de réseaux

Les fonds structurels pour 2014-2020 et la BEI devraient soutenir le développement d’infrastructures de réseaux, en particulier l’accès au haut débit, très haut débit et à la 4G.

Ø Développement des compétences / formation aux emplois de demain

Les fonds structurels (FEDER et FSE) pour 2014-2020 devraient être mobilisés, d’une part, pour le développement du numérique dans le secteur éducatif (formation, espaces numériques de travail, plateformes technologiques permettant d’accueillir des offres massives en ligne de conception de matériaux pédagogiques) et, d’autre part, pour la formation des demandeurs d’emploi aux métiers du numérique.

c/ réglementation

La Commission vient de proposer un règlement sur le marché unique des télécommunications courant septembre. La priorité doit être donnée à l’investissement dans les infrastructures, la recherche de la taille critique pour la fourniture de services de communications électroniques paneuropéens et la constitution d’entreprises européennes à vocation mondiale. À cette fin, elle devrait viser à garantir un environnement juridique stable, lisible et favorable aux entreprises en prenant en compte les enjeux de la compétition mondiale.

2. Garantir des règles du jeu équitables

a/ réguler les principales plateformes de services et applications numériques

Le maintien d’un environnement numérique ouvert pour les citoyens et les utilisateurs ainsi que pour les entreprises innovantes est une condition indispensable pour promouvoir l’innovation en Europe, le développement de nouveaux services et le respect des valeurs fondamentales de l’Europe.

Une régulation des principales plateformes de services et applications numériques est nécessaire pour garantir un accès ouvert aux services et utilisateurs d’Internet et permettre l’émergence d’acteurs européens de niveau mondial. Les conditions d’accès, de transparence et de non-discrimination devraient être définies dans ce contexte. Elle devrait être suffisamment souple et réactive pour prendre en compte et encourager le caractère innovant et dynamique d’Internet.

La Commission devrait présenter un rapport/une communication avant la fin du 1er trimestre 2014 en vue d’une proposition législative à la fin du 1er semestre 2014.

b/ mettre en place un nouveau cadre fiscal

La nature des activités sur Internet permet aux entreprises d’échapper dans certains cas à l’impôt. À la suite du Conseil européen du 22 mai 2013, la Commission doit poursuivre l’examen des enjeux liés à la fiscalité du numérique en vue du Conseil européen d’octobre. Elle devrait être invitée à préparer un rapport sur ce sujet en vue du Conseil européen et des propositions avant le printemps 2014 visant à :

• mettre en place un régime fiscal destiné aux entreprises du secteur numérique qui assure que les profits réalisés par ces entreprises sur le marché européen seront soumis à l’impôt et que les recettes seront réparties entre les États membres en rattachant l’assiette au lieu où ces profits sont réalisés ;

• adapter la législation existante, lorsque celle-ci contribue à l’érosion des bases taxables, en tenant pleinement compte des travaux en cours au sein de l’OCDE, en particulier pour corriger certains effets des directives mère-fille et intérêt-redevance. Les propositions de la Commission sur ces deux derniers textes sont attendues d’ici à la fin de l’année ;

• réviser le cadre communautaire de la TVA afin de pouvoir mettre en place des taux réduits de TVA sur certains biens et services culturels en ligne ;

• préparer un rapport sur la possibilité de soumettre à une contribution les transferts de données hors d’Europe.

c/ assurer le respect de la propriété intellectuelle et promouvoir les contenus culturels numériques

• assurer le respect de la propriété intellectuelle

L’Union européenne doit définir le cadre et les moyens permettant au régime européen du droit d’auteur de garantir pleinement le respect des droits de propriété intellectuelle dans l’espace numérique. Les questions suivantes devront être rapidement traitées :

o promouvoir des mécanismes d’octroi de licences équilibrés et efficaces au sein du marché intérieur, tout en favorisant l’interopérabilité des services et des appareils ;

o garantir l’effectivité de l’application de droits de propriété intellectuelle dans l’environnement numérique ;

o relancer au plan européen la lutte contre la contrefaçon et le piratage. Parmi les pistes envisageables figurent en particulier : le partage des meilleures pratiques sur la base des travaux de l’Observatoire européen de la contrefaçon et du piratage et le développement d’accords entre acteurs d’Internet et titulaires de droits de propriété intellectuelle.

• promouvoir les contenus culturels numériques

La capacité de l’Union européenne et de ses États membres de maintenir, d’adapter, de mettre en œuvre, de définir ou de développer des politiques dans les domaines culturels et audiovisuels ne devra être affectée d’aucune manière, y compris pour prendre en compte le développement de nouvelles technologiques, en particulier dans l’environnement numérique.

Une réflexion devra être lancée sur la mise en place d’une politique européenne permettant de pérenniser la création audiovisuelle européenne : adaptation des mécanismes de régulation audiovisuelle à l’ère numérique ; possibilité de passer au principe du pays de destination pour la régulation des services audiovisuels ; possibilité offerte aux États membres de diversifier les sources de financement de la création de contenus en faisant contribuer de manière plus équitable tous les acteurs qui bénéficient de leur diffusion et de leur distribution. 

Afin de mettre en place une politique européenne favorable à la création littéraire et à l’accès à la culture par le livre dans sa forme traditionnelle comme dans sa forme numérique, la Commission devrait faire des propositions sur l’interopérabilité des formats de livre numérique et permettre des systèmes de prix fixes.

Compte tenu de l’importance des enjeux liés à la numérisation du patrimoine, un financement pérenne devra être assuré pour le portail Europeana.

3. Garantir un environnement numérique sûr et de confiance pour les citoyens et les entreprises

a/ protection des données personnelles

L’affaire PRISM a fait apparaître la nécessité d’un renforcement des règles visant à assurer la protection de la vie privée pour les citoyens européens. Un accord doit être trouvé en octobre sur les principales dispositions du paquet « protection des données ». Il devrait comprendre les éléments suivants :

• l’application des garanties offertes par la réglementation européenne à tous les traitements de données de personnes résidant sur le territoire de l’UE ;

• la nécessité d’un encadrement des transferts de données en direction des États tiers de sorte à assurer une protection adéquate de leur accès et à ne pas procurer d’avantage concurrentiel aux entreprises extra-européenne exerçant en Europe ;

• la mise en place d’un « guichet unique » dont les modalités devront assurer : la simplification des formalités pour les entreprises, la possibilité pour les personnes concernées de s’adresser à leur autorité de contrôle nationale pour défendre leurs droits ; la mise en place d’un mécanisme permettant une étroite coopération entre autorités de contrôle nationale sur les décisions concernant les traitements de données personnelles.

En outre, la Commission doit soumettre rapidement un rapport d’évaluation accompagné le cas échéant de propositions d’évolution du fonctionnement du « safe harbour » en cohérence avec les principes énoncés ci-dessus.

b/ garantir la sécurité juridique des échanges commerciaux dématérialisés et promouvoir ainsi la confiance dans le commerce en ligne

• les directives droits des consommateurs et commerce en ligne devront être pleinement mises en œuvre afin de garantir un haut niveau de protection des consommateurs ;

• le Conseil et le Parlement européen devront, d’ici à la fin de l’année, parvenir à un accord sur le règlement concernant l’identification, l’authentification et la signature électronique garantissant l’existence de niveaux de sécurité harmonisés et la possibilité pour les États membres d’adopter des règles allant au-delà des règles européennes existantes afin de renforcer la sécurité des systèmes d’information.

4. Renforcer l’action de l’UE en matière de coopération internationale dans l’ensemble des fora traitant de cette question 

Pour donner une pleine effectivité aux règles dont elle se dote au plan international (level-playing field), l’Union européenne doit renforcer son action dans l’ensemble des fora traitant des questions relatives au numérique pour permettre le respect et la protection effective des libertés individuelles, des droits de propriété intellectuelle et des règles dont elle se dote, notamment en matière fiscale.

La Commission européenne devrait être invitée à faire des propositions en ce sens.

Chers collègues,

Notre prochaine réunion des 24 et 25 octobre se déroulera dans le contexte d’une actualité économique plus encourageante. Bien que les problèmes économiques de l’UE soient loin d’être résolus, eu égard en particulier aux taux de chômage toujours aussi élevés, l’économie montre des signes évidents de reprise. Je pense que cette reprise résulte en grande partie des efforts consentis par les États membres et de la confiance des marchés et de nos partenaires internationaux dans notre capacité à maintenir le cap et à achever les réformes structurelles dont l’Europe a besoin. Nul ne conteste qu’il faut soutenir la croissance dans le cadre de ce processus de reprise et notre réunion sera consacrée en partie à la contribution que l’innovation, le marché unique numérique et les services peuvent y apporter.

Les services numériques et les télécommunications sont des moteurs fondamentaux de croissance et de productivité dans tous les secteurs de nos économies. Pourtant, nous n’exploitons pas encore pleinement notre marché unique des télécommunications et des services en ligne, dans lesquels l’UE perd du terrain face à ses concurrents internationaux.

Je joins en annexe un rapport succinct de la Commission sur l’économie numérique et la manière dont nous pouvons en faire un élément de discussion en octobre. Le rapport définit le contexte des récentes initiatives de la Commission visant à lever les principaux obstacles du marché unique des télécommunications et à encourager les investissements. Ces initiatives viennent compléter plusieurs propositions récentes importantes relatives à l’achèvement du marché unique numérique - notamment les mesures proposées pour réduire le coût du déploiement de réseaux à haut débit et celles portant sur la facturation électronique dans le cadre des marchés publics, mais également la proposition de 2012 concernant l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur, qui sont actuellement examinées par le Parlement européen et le Conseil et que nous devons faire en sorte d’adopter d’ici la fin de la présente législature.

Pour améliorer les conditions cadres applicables aux services en ligne, il faudra également adopter rapidement les propositions relatives à l’Acte pour le marché unique, notamment en ce qui concerne les services de paiement, et un cadre modernisé pour le droit d’auteur à l’ère du numérique, et mettre pleinement en œuvre le plan d’action dans le domaine du commerce électronique. Et pour que les entreprises et les citoyens européens aient confiance dans l’économie en ligne, il est essentiel que nos nouvelles règles de protection des données fassent partie de ce paquet. Il est capital que le Parlement européen et le Conseil intensifient leurs efforts en vue d’adopter cette nouvelle législation avant la fin de la présente législature.

Aux Membres du Conseil européen

Pour doper la croissance économique, la compétitivité et la création d’emplois, il nous faut investir sans relâche dans la recherche et l’innovation. Il est aujourd’hui établi que les investissements dans la recherche et le développement (R&D) stimulent la productivité et, partant, la croissance. Les États membres qui ont continué à investir dans la recherche et l’innovation ont mieux résisté à la crise que les autres. Bien que des progrès satisfaisants aient été accomplis en vue d’établir le cadre stratégique pour une Union de l’innovation, nous devons accélérer les réformes essentielles et structurelles de nos systèmes nationaux de recherche et d’innovation afin d’atteindre nos objectifs relatifs à un Espace européen de la recherche. L’analyse de la position de l’Europe dans l’économie mondiale révèle un bilan mitigé.

• En dépit de sa base scientifique d’envergure internationale, l’Europe est engagée dans une compétition mondiale pour la connaissance, la recherche et l’innovation, et des disparités croissantes se font jour entre les performances des États membres en matière de recherche et d’innovation, les pays les moins innovants ne parvenant plus à combler leur retard sur les plus innovants.

• Les dépenses des entreprises en matière de R&D dans l’UE sont nettement inférieures à celles de nos principaux concurrents, malgré le fait que l’Union demeure un lieu attrayant pour réaliser des investissements directs étrangers dans la R&D. Cela s’explique en grande partie par la taille plus limitée de nos entreprises et un profil de spécialisation davantage axé sur les métiers traditionnels. Nous pourrions en faire bien davantage pour bénéficier de l’effet d’échelle offert par l’UE. La crise a également pesé, entraînant une baisse des dépenses publiques de R&D en 2011.

• L’Europe a certes renforcé son leadership dans des secteurs productifs bien établis, mais elle est à la traîne sur des marchés essentiels de haute technologie enregistrant une croissance rapide, notamment ceux liés aux technologies aidant à relever divers défis de société. Les jeunes entreprises européennes se développent plus lentement que celles de nos principaux concurrents et peinent à rejoindre les rangs des plus grandes entreprises mondiales.

Il y a de nombreux moyens de définir et d’appréhender l’innovation, bon nombre de dimensions à prendre en compte dans ce domaine et plusieurs indicateurs clés à analyser. Pour faciliter une discussion ouverte, la Commission a achevé ses travaux concernant l’indicateur en matière d’innovation. Ces travaux, qui répondent à une demande formulée lors d’une de nos réunions, nous doteront d’un outil supplémentaire pour mesurer les performances en matière d’innovation.

La Commission a souligné l’urgence de réformer les systèmes de recherche nationaux dans un souci d’efficacité accrue, tout en tenant compte des forces et des spécificités de chaque État membre. Ces réformes, qui renforceront également la concurrence et la coopération dans toute l’Europe, sont essentielles à l’achèvement de l’Espace européen de la recherche d’ici 2014.

Une approche commune au niveau de l’Union européenne est cruciale. C’est pourquoi nous avons modernisé et simplifié avec succès notre instrument de financement, avec l’adoption d’un cadre stratégique global pour la recherche et l’innovation, baptisé Horizon 2020. En accordant la priorité à l’excellence dans la recherche, à la primauté industrielle et à la compétitivité, ainsi qu’aux moyens de relever les défis de société, nous pensons que l’impact de notre instrument sera sensiblement renforcé. Dans un premier temps, la Commission a adopté, en juillet, six partenariats public-privé et quatre autres partenariats public-privé en matière de recherche et de développement, correspondant à un investissement de 22 milliards d’euros en faveur de notre stratégie pour la croissance et l’emploi. Le premier programme de travail relevant d’Horizon 2020, qui sera lancé en décembre prochain et couvrira la période 2014-2015, représentera un investissement supplémentaire de 20 milliards d’euros en faveur de la croissance, de l’emploi et de la compétitivité.

J’ai la conviction que nos efforts pour progresser dans le domaine de l’innovation et faire avancer le marché unique des communications électroniques et des services en ligne, dès lors qu’ils sont suffisamment ambitieux et coordonnés, porteront leurs fruits. Je me réjouis à l’avance de la discussion que nous aurons sur toutes ces mesures très concrètes destinées à renforcer nos politiques.

Je vous prie d’agréer l’expression de ma haute considération.



José Manuel BARROSO

Cabinet de Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du Redressement productif, chargée des Petites et Moyennes Entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique

M. Bertrand Pailhes, conseiller technique usages du numérique

M. Nicolas Vignolles, conseiller parlementaire

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP)

M. Benoit Loutrel, directeur général

M. Christian Guénod, conseiller du président

Mme Anne Lenfant, directrice des affaires européennes et internationales

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