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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 novembre 2013
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT (n° 1473), relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale,
PAR M. Gwenegan Bui
Député
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Voir les numéros :
Sénat : 822 (2012-2013), 50, 51, 53, 56 et T.A. 23 (2013-2014).
Assemblée nationale : 1473, 1531, 1537 et 1551
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Pages
INTRODUCTION 5
I. UN CONTEXTE STRATÉGIQUE TROUBLE 7
A. UNE CRISE FINANCIÈRE DURABLE, UNE EUROPE AFFAIBLIE 7
B. LE « PIVOT AMÉRICAIN » ET LES RATÉS DE L’EUROPE DE LA DÉFENSE 8
1. L’Europe n’est plus au cœur des préoccupations stratégiques américaines 8
2. Des Européens incapables d’assumer leur propre sécurité 8
C. UN ENVIRONNEMENT INSTABLE 10
D. LA POUDRIÈRE ASIATIQUE 13
II. UN PROJET DE LOI DE PROGRAMMATION RÉALISTE 15
A. UN PROJET DE LOI NON ÉPARGNÉ PAR LES CONTRAINTES BUDGÉTAIRES… 15
a. Une réduction du format des armées 18
b. Des effectifs à la baisse 19
c. De nouveaux contrats opérationnels 21
B. … QUI PRÉSERVE CEPENDANT UN FORMAT COHÉRENT POUR NOS ARMÉES ET ADAPTE NOTRE CADRE JURIDIQUE AUX NOUVEAUX DÉFIS DE LA DÉFENSE 26
1. Combler les lacunes constatées lors des dernières OPEX 26
2. Ne pas obérer l’avenir 32
a. La volonté de conserver l’ensemble des capacités 32
b. Les études amont et la préparation opérationnelle, des objectifs prioritaires 34
c. Le maintien des bases prépositionnées 37
3. Un cadre juridique modernisé 37
a. Améliorer le contrôle parlementaire de l’exécution de la LPM 37
b. Adapter le cadre juridique du renseignement 39
c. Adapter le droit à l’évolution des opérations 41
III. ANTICIPER 2020 43
A. LES ENJEUX DE LA PROGRAMMATION MILITAIRE POST-2020 43
B. POUR UN DEBAT SUR L’AVENIR DE NOTRE DISSUASION NUCLÉAIRE 44
1. Des questions légitimes… 44
a. La dissuasion nucléaire est-elle utile ? 44
b. La dissuasion nucléaire est-elle soutenable financièrement ? 46
c. Deux composantes sont-elles nécessaires ? 47
d. La France ne risque-t-elle pas d’être isolée en Europe ? 48
2. … qui ne peuvent rester sans réponse 49
a. La dissuasion, un regrettable tabou 49
b. Débattre pour montrer la valeur de ses arguments 50
c. Un débat souhaité 51
C. POUR UN APPROFONDISSEMENT DES REFLEXIONS AUTOUR DE LA CYBERDEFENSE 52
1. Les avancées françaises dans le domaine de la cyberdéfense 52
a. Un champ stratégique nouveau 52
b. Une priorité française 53
c. Des propositions législatives concrètes 53
2. Des interrogations quant au rôle de l’OTAN et à la mise en œuvre de capacités offensives en matière de cyberdéfense. 56
a. Quelle place pour la cyberdéfense au sein de l’Alliance atlantique ? 56
b. Quel cadre pour nos capacités de cyberdéfense offensives ? 57
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 69
Conformément à une pratique bien établie, la commission des affaires étrangères s’est saisie pour avis du projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019.
Ce texte, adopté par le Sénat le 22 octobre dernier, est la première traduction concrète de l’exercice de révision stratégique opéré par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, approuvé par le Président de la République le 29 avril 2013. Il précise les orientations de notre politique de défense pour les six prochaines années et dessine la trajectoire des ressources budgétaires de celle-ci d’ici 2019. Il comporte également un volet normatif significatif, notamment dans les domaines du renseignement, de la cyberdéfense, du traitement pénal des affaires militaires et de la gestion des ressources humaines.
Le présent rapport revient, dans un premier temps, sur le contexte stratégique dans lequel a été élaboré le projet de loi. Depuis 2008, des évolutions majeures sont intervenues, notamment les révolutions arabes, l’apparition de nouvelles formes d’instabilité en Afrique ou le développement des cybermenaces. Le rééquilibrage des préoccupations américaines vers l’Asie et le Pacifique constitue également une inflexion notable alors même que l’Europe de la défense est aujourd’hui encalminée.
Dans un deuxième temps, votre rapporteur s’est intéressé au cœur même du projet de loi, c’est dire la programmation budgétaire de 2014 à 2019 et ses conséquences sur le format et les ambitions militaires de notre pays. Assurément, deux impératifs ont guidé l’élaboration de ce projet de loi : le maintien de l’effort consacré par la Nation à sa défense et la nécessaire prise en compte de l’objectif de redressement des finances publiques, dont la dégradation est devenue, en elle-même, un enjeu de souveraineté.
Enfin, il a semblé utile à votre rapporteur de poser, dès à présent, quelques jalons en vue de la préparation de la prochaine programmation, celle qui couvrira la période de l’après-2020. À cette fin, il a retenu deux thèmes qui seront, selon lui, au cœur des débats dans les années à venir et appellent sans tarder le lancement d’une réflexion stratégique : l’approfondissement de la cyberdéfense et l’avenir de la dissuasion nucléaire.
Sous l’effet de la crise économique et financière, les budgets militaires, en Europe, ont aujourd’hui atteint un niveau dramatiquement bas.
La part des dépenses de défense dans le PIB des pays européens est passée en moyenne de 1,9 % en 2001 à 1,5 % en 2012 et rares sont les États qui, aujourd’hui, consacrent plus de 1,5 % de leur PIB à leur outil militaire.
BUDGETS DE DÉFENSE DANS L’UNION EUROPÉENNE EN 2012 (1)
En M€ ppa (2) |
En % du PIB |
En M€ ppa |
En % du PIB | ||
Royaume-Uni |
52 005 |
2,6 |
Autriche |
2 612 |
0,8 |
France |
39 094 |
1,9 |
Finlande |
2 531 |
1,5 |
Allemagne |
38 535 |
1,3 |
Hongrie |
1 823 |
0,9 |
Italie |
20 180 |
1,2 |
Slovaquie |
1 341 |
1,1 |
Espagne |
11 402 |
0,9 |
Bulgarie |
1 238 |
1,3 |
Pologne |
13 370 |
1,8 |
Irlande |
942 |
0,6 |
Pays-Bas |
8 391 |
1,3 |
Slovénie |
655 |
1,3 |
Grèce |
6 551 |
2,5 |
Lituanie |
467 |
0,8 |
Belgique |
3 940 |
1,0 |
Chypre |
442 |
2,1 |
Suède |
4 192 |
1,2 |
Estonie |
548 |
2,0 |
Portugal |
3 629 |
1,6 |
Lettonie |
330 |
0,9 |
Roumanie |
3 694 |
1,2 |
Luxembourg |
190 |
0,5 |
Rép. tchèque |
2 709 |
1,1 |
Malte |
67 |
0,7 |
Danemark |
2 861 |
1,4 |
Total UE |
223 739 |
1,5 |
Par exemple, les dépenses militaires cumulées de la France, du Royaume-Uni, de l’Allemagne et de l’Italie représentent environ, de nos jours, 13 % des dépenses militaires mondiales contre presque 20 % en 2000. Dans quasiment tous les pays européens, la crise économique a eu un effet désastreux sur les budgets de la défense. Certes, cette diminution des dépenses militaires préexistait à la crise économique. Mais elle a été amplifiée par celle-ci et a conduit à des réductions volontaires ou subies de capacités militaires, ainsi qu’à une réduction importante du format des armées (3). Alors que la part des dépenses d’équipement dans les budgets de la défense reste supérieure à 30 % en France, cette part est tombée à 21 % en Allemagne, 11 % en Italie et 8 % en Espagne.
Le « pivot américain » – c’est-à-dire le fait que l’attention des États-Unis se porte désormais davantage sur la montée en puissance de la Chine, qui apparaît plus comme un rival potentiel et une menace, en particulier dans le Pacifique et en Asie, que sur l’Europe – est aujourd’hui une réalité.
S’il n’a été « officialisé » qu’assez récemment (4),ce pivot est néanmoins ancré dans un mouvement relativement long de réorientation des priorités stratégiques américaines autour de la zone asiatique dont la croissance économique forte fait d’elle le berceau de potentiels compétiteurs ou partenaires pour les États-Unis. De même, la montée en puissance de la Chine et la hausse des dépenses militaires régionales dans un contexte de vives rivalités interétatiques sont susceptibles de menacer les intérêts américains dans le Pacifique. Plus prosaïquement, les difficultés budgétaires auxquelles sont aussi confrontés les États-Unis expliquent également une évolution de la politique étrangère américaine vers l’Asie.
En tout état de cause, cette posture américaine encore relativement récente est de nature à bouleverser les rapports de force. Concrètement, elle conduit les États-Unis à redimensionner à la baisse leurs moyens militaires présents sur le continent européen et à renforcer leurs capacités dans le Pacifique. Pour beaucoup, la certitude d’une intervention américaine en Europe n’est plus aujourd’hui acquise, ne serait-ce que parce qu’au-delà de la volonté politique, les équipements et les hommes ont désormais massivement quitté notre continent.
Cette nouvelle donne géopolitique que constitue le pivot américain couplée aux difficultés budgétaires, est une invitation faite aux États européens à assumer leur propre défense. Pour la première fois dans l’histoire récente, les dirigeants américains semblent prêts à ce que l’Europe, en tant que telle, s’affirme pleinement au sein de l’Alliance. Non seulement ils sont prêts à l’accepter, mais ils le souhaitent. Malheureusement, cette invitation ne trouve aucun écho.
Malgré les fortes ambitions politiques des années 90, malgré les réalisations des années 2000 comme la mise en place des groupements tactiques (GTUE) ou la constitution de l’EATC (5), et malgré le nouveau souffle institutionnel que le traité de Lisbonne a essayé d’instiller à travers la mise en place d’instruments innovants comme le Service Européen d’action extérieure (SEAE) ou la coopération structurée permanente, l’Europe de la défense est aujourd’hui en panne (6).
À cet égard, l’Opération Serval est un parfait révélateur. La France a aidé un pays agressé qui l’avait appelée à l’aide et, par là même, a participé au combat contre une menace – le terrorisme djihadiste – qui concernait également l’Europe toute entière. En un sens, pour certains, en intervenant, en janvier dernier, au Mali, la France a peut-être fait ce que l’Europe aurait dû faire si elle en avait été capable. Si notre pays a bénéficié, c’est vrai, d’une aide logistique précieuse de la part de certains de ses alliés européens et de l’OTAN, il a été le seul à payer le prix du sang puisqu’à ce jour, sept de nos soldats sont tombés au Mali.
Si votre rapporteur n’entend pas rentrer dans les détails des raisons qui ont conduit à ce regrettable immobilisme, il souhaite quand même formuler quelques observations à ce sujet. Bien sûr, les contraintes budgétaires actuelles conduisent au repli sur soi et empêchent l’Europe de la défense d’avancer. Bien évidemment, pour de nombreux États en Europe, les questions de défense ne sont clairement pas une priorité alors que d’autres, comme l’Allemagne, restent fondamentalement attachés à l’OTAN et demeurent extrêmement réticents à toute projection des forces en dehors du territoire européen. Il y a aussi une « fatigue expéditionnaire » avérée. Après une décennie 2000 marquée par des engagements intensifs en Afghanistan voire en Irak, de nombreux États européens souhaitent faire une pause dans leurs interventions, d’autant plus que les opinions publiques éprouvent des difficultés à admettre des pertes humaines dans des conflits éloignés et dont les enjeux ne sont pas immédiatement visibles. La distance, l’absence de liens culturels et historiques avec les zones concernées sont des éléments qui jouent un rôle croissant dans la détermination des opinions publiques et donc dans la volonté politique des décideurs de s’engager dans de nouveaux conflits. Pour les Européens du Nord, indéniablement, le Sahel est une préoccupation lointaine. Inversement, les Européens du Sud on-t-ils conscience qu’ils sont eux aussi concernés par l’instabilité aux frontières orientales de l’Union européenne ? Il y a donc un effort important à fournir pour faire converger sinon les politiques étrangères en Europe, tout au moins la perception des menaces.
La situation actuelle, en tout état de cause, est d’autant plus dommageable que la France – qui, il faut le rappeler, est revenue dans le commandement intégré de l’OTAN dans l’objectif, entre autres, de faire progresser l’Europe de la défense – peut compter sur des partenaires qui sont disposés à aller de l’avant. Votre rapporteur tient par exemple à citer le cas de la Pologne qui est aujourd’hui l’un des seuls pays européens à maintenir un effort conséquent en matière de défense et dont l’axe prioritaire demeure la transformation et la modernisation de ses forces armées pour permettre leur mise en conformité avec les standards de l’OTAN. Ainsi le Premier ministre Donald Tusk a-t-il annoncé récemment le lancement d’un programme substantiel d’amélioration des capacités militaires du pays – Polskie Kły (7) – portant notamment sur les forces spéciales, la défense côtière, les drones de combat et l’installation de missiles de croisière sur les avions F-16. Assurément, ce pays fait figure d’exception en Europe centrale eu égard à l’érosion continuelle des efforts de défense de ses voisins et à la perte de leurs capacités critiques. Certes, la politique de défense polonaise revêt traditionnellement un fort tropisme atlantiste mais cette orientation a progressivement évolué, ces dernières années, en faveur d’une plus grande implication européenne et dans les partenariats bilatéraux. D’ailleurs, le récent Livre blanc polonais sur la défense et la sécurité nationale, publié au printemps dernier, officialise cette évolution en indiquant, par ordre de priorité, les fondamentaux de la sécurité polonaise : d’abord les capacités nationales, ensuite l’OTAN puis l’Union européenne et, enfin, les coopérations bilatérales. Conséquence de cette évolution, la Pologne est aujourd’hui l’un des États de l’Union européenne les plus engagés pour le développement de la PSDC. C’est un partenaire majeur avec lequel nous devons travailler et, à cet égard, votre rapporteur se félicite de l’intensification du dialogue stratégique entre la France et ce pays mais aussi des initiatives concrètes entreprises pour solidifier cette coopération comme la décision de participer à l’exercice Steadfast Jazz 2013 en novembre, en Pologne et dans les Pays baltes. La France y a envoyé 1.200 militaires contre à peine une compagnie pour les États-Unis et aucun soldat pour l’Allemagne. Il faut souhaiter que ce type d’initiative – qui doit être saluée à sa juste mesure – se renouvelle, traduisant ainsi une plus grande implication de notre pays dans la sécurité collective de la région.
Si le Mali n’est plus aujourd’hui menacé comme il l’était au début de l’année 2013, sa situation sécuritaire est encore loin d’être pleinement satisfaisante, comme l’a rappelé l’actualité récente avec le lâche assassinat de deux journalistes de Radio France Internationale, à Kidal, le samedi 2 novembre 2013. Votre rapporteur n’entend pas retracer ici l’historique des opérations de ces derniers mois mais il tient à souligner que la présence militaire française dans ce pays est, pour le moment, durablement indispensable afin de lutter contre la menace terroriste résiduelle mais aussi pour accompagner les forces armées maliennes dans leur processus de reconstruction qui s’effectue à travers une mission de l’Union européenne, EUTM-Mali. Mais au-delà du cas malien, c’est toute la zone sahélienne qui, aujourd’hui, constitue le principal foyer de préoccupation. La France y a malheureusement encore des otages et la déstabilisation guette les pays de la région. La Lybie reste ainsi une des premières sources d’insécurité pour toute la zone en étant le lieu de départ d’attaques terroristes au sein des pays alentours. Malgré sa stabilité politique, le Niger est également en proie à de violentes attaques terroristes comme l’ont rappelé les attentats d’Arlit et d’Agadez le 23 mai dernier.
Outre la zone sahélienne, de nombreux pays d’Afrique subsaharienne sont en proie à une instabilité politique favorable à l’émergence de crises interne, régionale ou internationale. En République centrafricaine, parallèlement à la crise politique et humanitaire, les tensions interreligieuses s’aggravent entre les membres à majorité musulmane de l’ex-Séléka et les paysans à majorité chrétienne qui se sont constitués en groupe d’autodéfense. La France compte dans ce pays, depuis 2002, près de 400 soldats en charge du contrôle de l’aéroport de Bangui et de la protection du millier de ressortissants français sur place. S’ajoute à la présence française, depuis aout 2013, une force d’environ 1.400 hommes, la MISCA (8), placée sous tutelle de l’Union africaine. Adoptée à l’unanimité le 10 octobre 2013, la résolution 2121 du Conseil de sécurité appelle un renforcement des effectifs de la MISCA, passant ainsi à 3.600 hommes, et laisse la possibilité à cette force d’être transformée en opération de maintien de la paix sous mandat des Nations unies. La France pourrait, selon les termes de la résolution, appuyer la MISCA par la fourniture de moyens militaires, notamment dans le domaine aérien, du renseignement et de la planification des opérations. Elle serait également en mesure de décider de l’envoi de 250 hommes supplémentaires et n’exclut pas, si la situation venait à s’envenimer, une réaction plus forte et rapide de sa part si la population civile subit des exactions croissantes. La situation en République démocratique du Congo (RDC) est également très préoccupante. Malgré les victoires successives de l’armée congolaise sur les rebelles du M23, l’est de la RDC est toujours en proie à de nombreuses violences et pillages commis aussi bien par les rebelles que par l’armée officielle. La France risquerait d’être à nouveau très concernée si la situation n’allait pas dans le sens d’une pacification du territoire.
Depuis mars 2011, la rébellion, en Syrie, contre le Président Bachar al-Assad s’est mutée en une guerre civile, religieuse et ethnique des plus sanglantes. Selon la plupart des ONG, la barre des 100.000 morts semble avoir été franchie et la problématique des réfugiés reste au cœur de l’actualité tant il s’agit là d’une question sensible pouvant entrainer des conséquences en cascade au sein des pays voisins, à commencer par le Liban où la France compte près de 900 soldats dans le cadre de la FINUL. Plus de deux millions de Syriens ont fui les violences marquées, le 21 août dernier, par l’attaque chimique du quartier de la Gouta, dans la banlieue de Damas. Malgré l’adoption de la résolution 2118 du Conseil de sécurité du 27 septembre 2013 qui vise la destruction des armes chimiques du régime en un an, la guerre se poursuit en Syrie. Les négociations balbutiantes visant à donner corps à la conférence de Genève II symbolisent les difficultés de la communauté internationale à réellement peser sur le régime de Damas, mais également sur la position de Moscou et le soutien sans faille de Téhéran.
La résolution de la crise syrienne ne peut en effet s’envisager sans le soutien du régime de l’Iran, pays dont la poursuite d’un programme d’enrichissement de l’uranium à des fins probablement militaires inquiète la communauté internationale. La nucléarisation de l’Iran relancerait certainement la course aux armements au Moyen-Orient : en plus d’Israël, qui n’exclut pas une intervention militaire si l’Iran dépassait certaines lignes rouges, d’autres puissances régionales comme la Turquie ou l’Arabie saoudite pourraient se sentir menacées. Plus symboliquement, cela serait une remise en cause de plus du régime de non-prolifération nucléaire instauré par le TNP de 1968. Enfin, cela aurait pour conséquence d’accroître le pouvoir d’influence de l’Iran dans la région par rapport à son rival saoudien. Pour autant, le nouveau président de la République islamique, Hassan Rohani, élu en juin dernier, semble déterminé à rompre l’isolement international de son pays. Il s’est engagé dans une stratégie diplomatique tout azimut, affichant un style tranchant avec celui de son prédécesseur Mahmoud Ahmadinejad. Dans ce contexte, l’évolution du dossier nucléaire iranien sera l’un des principaux enjeux stratégiques à suivre avec attention dans les mois à venir.
À l’est de l’Europe, la Russie suscite de légitimes interrogations. Depuis 2008, l’armée russe a en effet entamé une transformation radicale de ses effectifs et de ses équipements pour privilégier l’emploi de forces plus opérationnelles, plus mobiles et mieux équipées. Plus récemment, en juillet dernier, le gouvernement russe a annoncé une augmentation de plus de 60 % de ses dépenses militaires au cours des trois prochaines années. Le budget de la défense devrait ainsi passer de 2.098 milliards de roubles (48,7 milliards d’euros) en 2013 à 3.418 milliards de roubles (79,3 milliards d’euros) dans trois ans. Cette augmentation correspond à une explosion de 63 % de ces dépenses, qui vont voir leur part du budget fédéral passer de 16 % à 22 %. De même, la Russie affiche des ambitions de plus en plus fortes dans l’Arctique où les récentes découvertes de ressources naturelles, combinées à un accès potentiellement plus aisé du fait du réchauffement climatique, attisent les convoitises et exacerbent les tensions. L’Arctique recèlerait en effet près de 13% des réserves de pétrole mondiale restant à découvrir et à exploiter, dont une très grande partie sur des zones offshore, sans compter d’importantes réserves de gaz et de minerais. Dans le contexte de crise énergétique mondiale, la Russie a récemment restauré sa présence militaire dans cette zone pour surveiller la route maritime du Nord, projet stratégique voué à jouer un rôle croissant dans les échanges internationaux. Plus de 80 % du gaz russe est déjà produit dans le Nord, ainsi que plus de 90 % du nickel et du cobalt. Ce territoire assure 12 à 15% du PIB russe et près d’un quart des exportations. Or, ces mouvements s’effectuent dans un contexte intérieur tendu. Par exemple, la croissance économique a nettement ralenti ces derniers mois en Russie et les finances publiques sont dans une situation délicate, l’autoritarisme du pouvoir ne faiblit pas et de nombreuses réformes paraissent avoir été abandonnées.
Au-delà, le flanc oriental de l’Europe n’est pas épargné par les tensions nationalistes et les risques de conflits régionaux. Votre rapporteur ne peut que rappeler les différends récurrents qui opposent la Russie et à la Géorgie mais aussi d’autres États de la région. Ce sont là autant de menaces qui pèsent sur la stabilité à nos frontières.
Alors que le risque de conflits interétatiques majeurs reste faible dans une grande partie du monde, il est relativement élevé en Asie, en particulier du fait de contentieux territoriaux non résolus entre puissances régionales qui représentent, au-delà du symbole politique, un enjeu économique et commercial de taille. Ces contentieux sont une source de litiges quant à la délimitation de l’espace économique exclusif et donc pour la pêche et la prospection sous-marine.
Votre rapporteur pense notamment aux rivalités autour des îles Spratley (9), Paracels (10) ou Senkaku (Diaoyu en chinois), ces dernières, par exemple, recèleraient du pétrole et du gaz, et font l’objet depuis leur « nationalisation » par le gouvernement japonais en septembre 2012 d’une revendication par la Chine. Celle-ci poursuit une stratégie de harcèlement territorial et militaire en réalisant des incursions prolongées et quasi quotidiennes dans les eaux territoriales nippones, par ses garde-côtes ou, comme ce fut le cas le 8 septembre 2013, de deux bombardiers de l’Armée populaire de libération dont la détection a provoqué le décollage en alerte d’avions militaires japonaise.
Au-delà de ces oppositions autour d’îles ou archipels de mer de Chine, d’autres zones de tensions sont perceptibles en particulier dans les Maldives, au Sri Lanka, en Birmanie, aux Philippines et en Thaïlande ou bien évidement, au Cachemire.
La querelle sur les îles Kouriles, administrées par la Russie et dont certaines sont revendiquées par le Japon, a provoqué le renforcement de la présence militaire russe ; les traditionnelles tensions entre la Chine et Taïwan restent vives, de même que les crises nord-coréenne et afghane.
Conséquence de ces tensions, on assiste à une augmentation significative des dépenses militaires dans cette région du monde et cet effort concerne tant les arsenaux conventionnels que ceux plus sensibles tels les missiles balistiques ou de croisière. Ainsi, la Chine représente aujourd’hui le deuxième budget de la défense dans le monde : 216,6 milliards d’euros en 2012 (11).. Le Japon et la Corée du Sud sont respectivement au septième et dixième rang avec 39,6 et 38,2 milliards d’euros. En réaction à la montée en puissance chinoise, un certain nombre d’États de la région ont passé ou vont passer commande de sous-marins (Vietnam, Indonésie, Japon, Corée du sud, Malaisie).
Assurément, la paix est, aujourd’hui, une donnée volatile en Asie, en particulier en mer de Chine orientale et en mer de Chine du sud. Et notre pays aurait beaucoup à perdre si un conflit ouvert devait éclater dans cette région. L’économie française est très dépendante, en ce qui concerne les flux de marchandises transportées par navires porte-conteneurs et les approvisionnements en métaux stratégiques (aluminium, cuivre, minerai de fer, mais aussi terres rares, niobium, tantale, cobalt, nickel…), de l’une des voies maritimes les plus sensibles au monde qui transite par la Méditerranée avant de parcourir l’océan Indien, de franchir le détroit de Malacca et de traverser la mer de Chine du sud. Les litiges frontaliers en mer de Chine orientale et en mer de Chine du Sud pourraient avoir des conséquences pour la libre circulation de nos navires de surface civils et militaires. Toute crise qui se développerait dans la zone serait de nature à peser sur l’économie de la France et pourrait entraver la mise en œuvre des missions de protection de nos ressortissants et de projection de force (12).
En juillet 2012, le Président de la République installa la Commission chargée de l’élaboration d’un nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Celle-ci comprenait 46 membres avec, pour la première fois, deux personnalités étrangères : M. Wolfgang Ischinger, président de la Conférence de Munich pour les politiques de sécurité, et M. Peter Ricketts, ambassadeur du Royaume-Uni en France. Ses travaux coïncidèrent avec le déclenchement de l’opération Serval. Elle rendit son rapport le 29 avril.
Le Livre blanc 2013 définit les orientations stratégiques de défense et de sécurité d’ici 2025. Il fonde son analyse sur les évolutions intervenues depuis le précédent Livre blanc, en 2008. Il tire les conséquences de la crise économique et financière qui ébranle le monde, du renforcement des contraintes budgétaires, du « Printemps arabe » et de la multiplication des foyers d’instabilité comme la hausse des budgets militaires et les tensions en Asie.
Il confirme deux grands choix effectués en 2008 : le concept de sécurité nationale et l’accent mis sur la fonction « connaissance et anticipation », notamment le renseignement. Dans le prolongement du Livre blanc de 2008, il maintient l’objectif d’une capacité élevée en la matière qui va de pair avec un renforcement de la gouvernance. Le nouveau Livre blanc de 2013 conforte ainsi le rôle du Coordonnateur national du renseignement (CNR) dans l’animation de la communauté du renseignement, dans la préparation des orientations arrêtées en conseil national du renseignement, dans le suivi des activités et des grands programmes et dans le domaine budgétaire. Il prévoit également un renforcement du rôle du Parlement – ce que concrétise le projet de loi de programmation militaire – en dotant la délégation parlementaire au renseignement de compétences nouvelles, d’une capacité à suivre l’ensemble de la dépense publique en matière de renseignement, et en lui conférant des compétences renforcées pour exercer sa mission de contrôle de la politique gouvernementale dans ce domaine.
Par ailleurs, le Livre blanc a confirmé les grandes orientations stratégiques de la France comme la dissuasion nucléaire et a réaffirmé le retour de notre pays dans le commandement intégré de l’OTAN.
Assurément, les travaux de la commission chargée d’élaborer le nouveau Livre blanc n’ont pas été aisés comme le montre le retard de 4 mois dans la remise de son rapport. La presse s’est fait l’écho des vifs débats qui ont traversé, pendant plusieurs semaines, la commission. Différents scenarii ont ainsi été mis à l’étude dont le fameux « scénario Z » qui aurait conduit à une réduction de 30 milliards du budget de la défense sur la période 2014-2019. Les représentants de certaines administrations de l’État ont même envisagé des hypothèses conduisant à l’abandon du groupe aéronaval et du programme A400 M, à la suppression de 30 régiments et à l’arrêt des chaînes du Rafale.
En définitive, le document final écarte ce « scénario catastrophe ». Sur le plan budgétaire, le Livre blanc fixe le montant global de l’effort financier en faveur de la défense d’ici 2025 : il sera, sur cette période, de 364 milliards d’euros, dont 179,2 milliards entre 2014 et 2019.
Chargée de « mettre en musique » les orientations de ce nouveau Livre blanc, le projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 a été déposé sur le bureau du Sénat le 2 août dernier et adopté par ce dernier le 22 octobre. Ce texte prévoit le maintien des crédits de la mission défense (hors pensions et hors gendarmerie) à 31,4 milliards d’euros pour les années 2014, 2015 et 2016. Les ressources disponibles devraient ensuite passer à 31,56 milliards en 2017, 31,78 milliards en 2018 et 32,5 milliards en 2019.
Ainsi, si assurément, « les crédits de la défense, contrairement à ceux des autres ministères, seront préservés dans leur intégrité car il s’agit d’un effort que la nation fait, non pour les armées, mais pour sa propre sécurité » (13), ils seront en fait stabilisés en valeur – et non en volume – sur les trois premières années de la programmation. Ce qui veut dire que les armées vont payer le prix de l’inflation de 2014 à 2016 et que, mécaniquement, il y aura une diminution de l’effort de défense en pourcentage de la richesse nationale. Le poids de la défense dans le PIB sera ainsi globalement stabilisé en 2014 (1,5 % du PIB, hors pensions) puis évoluera pour atteindre 1,3 % du PIB en 2019 même si, en norme OTAN, la part de la défense dans le PIB – de 1,9 % en 2013 – sera en moyenne de 1,76 % entre 2014 et 2019.
RESSOURCES SUR LE PÉRIMÈTRE DE LA LOI DE PROGRAMMATION (14)
Md€ courants |
2013 (pour information) |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
Total |
Ressources totales |
31,38 |
31,38 |
31,38 |
31,38 |
31,56 |
31,78 |
32,51 |
189,98 |
Dont crédits budgétaires |
30,11 |
29,61 |
29,61 |
30,13 |
30,65 |
31,50 |
32,36 |
183,86 |
% PIB |
1,48 |
1,44 |
1,39 |
1,35 |
1,31 |
1,30 |
Votre rapporteur considère que compte tenu du contexte économique et financier actuel, ce choix de trajectoire budgétaire est certainement le meilleur possible. Il a fait l’objet d’un arbitrage par le chef de l’État lui-même et traduit son engagement et sa détermination puisque ce maintien en euros courants, conjugué à la réduction du format et à d’autre mesures indispensables telles que la préservation d’une base industrielle et technologique de défense performante, devrait permettre à nos forces de bénéficier d’un outil de défense de nature à concrétiser ses ambitions et à répondre aux menaces auxquelles notre pays est confronté.
Bien évidemment, cette appréciation ne donne pas un blanc-seing aveugle au Gouvernement. Votre rapporteur tient à souligner un défi significatif que devra relever la trajectoire budgétaire de la LPM 2014-2019, celui des « ressources exceptionnelles ». En effet, pour tenir le niveau de ressources envisagé, 6,1 milliards d’euros de ressources exceptionnelles sont prévues pour compléter le montant total des ressources du ministère de la défense :
Afin d’atteindre ces montants, les ressources exceptionnelles seront composées, sans que cela soit exhaustif, de l’intégralité du produit de cessions d’emprises immobilières utilisées par le ministère de la défense, d’un nouveau programme d’investissements d’avenir (PIA) au bénéfice de l’excellence technologique de l’industrie de défense, du produit de la mise aux enchères de la bande de fréquences comprise entre 694 et 790 MHz, des redevances versées par les opérateurs privés au titre des cessions de fréquences déjà réalisées lors de la précédente loi de programmation militaire et, le cas échéant, du produit de cessions additionnelles de participations d’entreprises publiques.
A priori, les expériences passées ne plaident pas en faveur de la fiabilité de ce type de ressources et il sera indispensable de veiller à ce que qu’elles soient bien au rendez-vous, au montant et au moment prévus. D’ailleurs, dans l’hypothèse d’une non-réalisation partielle de ces ressources, le rapport annexé comprenait, au moment de son dépôt au Sénat, une « clause de sauvegarde » prévoyant que « dans l’hypothèse où le montant de ces recettes exceptionnelles, ou le calendrier selon lequel les crédits correspondants pourraient être affectés au budget de la défense feraient l’objet d’une modification substantielle, ayant une conséquence significative sur le respect de la programmation, d’autres recettes exceptionnelles [seraient] mobilisées ». Inversement, si « le montant des ressources exceptionnelles disponibles sur la période 2014-2019 excéderait 6,1 Md€, l’excédent, à concurrence de 0,9 milliards d’euros supplémentaires, pourrait bénéficier au ministère de la défense ». Cette clause a été renforcée lors de l’examen du texte au Sénat. La rédaction retenue se veut plus « impérative » (15) et la clause de sauvegarde a été dupliquée à l’intérieur même du projet de loi de programmation (alinéas 3 et 4 de l’article 4 du projet de loi dans sa rédaction issue de la première lecture au Sénat).
Les choix budgétaires retenus par le Livre blanc de 2013 et le projet de loi de programmation militaire vont conduire à une réduction du format de nos armées même si, comme votre rapporteur va avoir l’occasion de le préciser par la suite, il ne procède à l’abandon d’aucune compétence.
Ainsi, dans le modèle d’armée pour 2025 que ces deux textes proposent, les forces terrestres offriront une capacité opérationnelle de l’ordre de 66.000 hommes projetables comprenant notamment les forces spéciales terrestres, 7 brigades interarmes (dont 2 seront aptes à l’entrée en premier et au combat de coercition face à un adversaire équipé de moyens lourds), des unités d’appui et de soutien opérationnel, des unités prépositionnées et installées dans les outre-mer et la contribution française à la brigade franco-allemande. Ce chiffre est de 72.000 aujourd’hui. Ces forces terrestres disposeront notamment d’environ 200 chars Leclerc, 250 EBRC (16), 2.700 véhicules blindés (VBMR/VBCI (17)), 140 hélicoptères Tigre pour la reconnaissance et d’attaque, 115 hélicoptères NH90.
Comme aujourd’hui, la LPM prévoit que les forces navales disposeront de 4 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, de 6 sous-marins d’attaque, d’1 porte-avions. Le nombre de frégates de premier rang est fixé à 15 contre 24 dans le modèle d’armée précédent. La LPM prévoit également une quinzaine de patrouilleurs, 6 frégates de surveillance, 3 bâtiments de projection et de commandement et, à terme 15 avions de patrouille maritime rénovés.
Enfin, les forces aériennes comprendront notamment 225 avions de combat (air et marine) alors que ce nombre était fixé à 360 (dont 300 en première ligne) dans la précédente LPM. De même, il est prévu une cinquantaine d’avions de transport tactique, 7 avions de détection et de surveillance aérienne (E3 de l’armée de l’air et E2C de la marine), 12 drones de surveillance de théâtre, des avions légers de surveillance et de reconnaissance et 8 systèmes sol-air de moyenne portée. Par ailleurs, le projet de LPM 2014-2019 prévoit que l’armée de l’air devra se doter de 12 avions ravitailleurs multi rôle.
Le format d’armée pour 2025 se traduira donc par une réduction capacitaire équivalant à une brigade de l’armée de terre. Toutefois, les forces spéciales verront leurs effectifs renforcés d’environ 1.000 hommes, une décision qui tire la conséquence de leur excellence et de leur emploi élevé dans la plupart des opérations dans lesquelles notre pays a été impliquée ces dernières années (18).
Le Livre blanc de 2013 prévoit une réduction supplémentaire d’environ 24.000 postes qui viendra s’ajouter à la suppression de 55.000 postes voulue par le Livre blanc de 2008 et la précédente loi de programmation militaire et qui doit s’achever en 2015. Au total, entre 2014 et 2019, le ministère devra donc réduire ses effectifs de 34.000 personnes, plus exactement 33.675 emplois selon le projet de loi de programmation militaire 2014-2019. Il est à noter que, dans l’administration française, le ministère de la défense va être celui qui, de nouveau, va fournir l’effort le plus important en matière de réduction d’effectifs. Le rapport annexé au projet de LPM prévoit le cadencement suivant :
|
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
Total |
Déflation LPM 2014-2019 |
|
-5 000 |
-7 500 |
-7 500 |
-3 500 |
|
-23 500 |
réformes précédentes |
|
|
+ 103 |
+ 103 |
|
|
+206 |
Déflation résiduelle réformes précédentes |
-7 881 |
-2 500 |
|
|
|
|
-10 381 |
Déflation totale |
-7 881 |
-7 500 |
-7 397 |
-7 397 |
-3 500 |
0 |
-33 675 |
Cette baisse de près de 34.000 emplois en cinq ans concernera à la fois les 3 armées (à hauteur de 15.500 suppressions d’emplois environ) et les services interarmées et l’administration du ministère. 26.200 postes militaires et 7.400 postes civils seront touchés, soit une répartition de 78 % / 22 %. À la fin de 2019, si ces objectifs sont respectés, les effectifs du ministère de la défense s’élèveront alors à 242.279 agents en équivalents temps plein.
Le projet de loi de programmation militaire entend également enclencher un mouvement de « dépyramidage » au sein des armées. Aujourd’hui, le taux d’officiers dans la population militaire est de 16,75 % contre 15,5 % en 2008. Cette augmentation de la proportion des officiers a été provoquée par l’accent mis par le précédent Livre blanc sur la fonction « connaissance et anticipation » – qui a rendu nécessaire le recrutement de personnels qualifiés – et par le retour dans le commandement intégré de l’OTAN qui a nécessité le déploiement d’effectifs – près de 900 personnes – elles aussi qualifiées. Or, ce « repyramidage » a pesé sur la masse salariale mais aussi sur la gestion des ressources humaines en rendant, par exemple, bien plus difficile le déroulement des carrières. Le projet de loi de programmation militaire fixe donc à 16 % le taux d’officiers en 2019 (19), ce qui devrait correspondre à une déflation de l’ordre de 5.800 postes.
Pour permettre ces évolutions, le projet de loi dont nous sommes saisis contient plusieurs dispositions relatives à la gestion des ressources humaines des personnels de la défense (articles 23 à 28 bis notamment), lesquelles prévoient des mesures d’accompagnement pour permettre la réalisation des objectifs de déflation, de dépyramidage et de maîtrise de la masse salariale fixés par le rapport annexé. Si votre rapporteur n’a pas choisi d’entrer dans le détail de ces mesures qui seront largement analysées par la commission saisie au fond, il tient malgré tout à souligner qu’un des enjeux de leur mise en œuvre sera que l’ensemble de la fonction publique « joue le jeu » pour permettre la fluidité et l’efficacité des processus de reconversion, de reclassement ou de réorientation des militaires concernés. C’est là une condition essentielle à la bonne réalisation de la LPM à laquelle l’exécutif, au plus haut niveau, devra veiller.
Le projet de loi de finances pour 2014, « point d’entrée » de la loi de programmation militaire, prévoit la suppression brute de 7.952 emplois l’an prochain et, le 3 octobre dernier, le ministère de la défense a annoncé les premières mesures de restructuration. Pour l’armée de terre a été décidée la dissolution du 4ème régiment de dragons stationné à Carpiagne et le transfert dans cette ville du 1er régiment étranger de cavalerie, stationné actuellement à Orange. De même a été annoncé le 31 octobre dernier la dissolution du 110ème régiment d’infanterie, basé, depuis 1964, à Donaueschingen (Allemagne) et rattaché depuis 1989 à la Brigade franco-allemande. Pour l’armée de l’air, le ministère de la défense a annoncé la fermeture du détachement air de Varennes-sur-Allier entre l’été 2014 et l’été 2015, la fermeture de la plateforme aéronautique de la base aérienne 102 de Dijon-Longvic à l’été 2014 et le regroupement programmé des Alphajet sur Cazaux ; la dissolution de l’escadron de défense sol-air de la base aérienne 116 de Luxeuil à l’été 2014 et la transformation de la structure de commandement de la base aérienne de Châteaudun en élément air rattaché de la base aérienne d’Orléans-Bricy et une réduction des effectifs des formations stationnées sur ce site. En interarmées, la Direction du renseignement militaire (DRM), localisée à Creil, sera transférée à Balard dans la perspective du projet de regroupement des états-majors, directions et services sur un site unique. Dans le cadre du projet de rationalisation et de mise en cohérence de l’organisation territoriale des soutiens, les États-majors de soutien défense (EMSD) sont dissous à l’été 2014 : cette mesure tiendra compte toutefois des besoins de coordination régionale pour certaines fonctions ou spécifiques à l’armée de terre.
Pour accompagner ces territoires touchés par ces restructurations, le Gouvernement met en place plusieurs mesures dont une enveloppe de 150 millions d’euros destinée à financer la reconversion des sites et des projets de développement. Le départ d’une unité fragilise les collectivités locales et appelle donc à la mise en place d’outils de solidarité nationale. De même, le dispositif de cession à l’euro symbolique de certaines emprises libérées par ministère de la défense sera reconduit pour les collectivités les plus fortement affectées. Il sera étendu aux établissements publics fonciers afin que ces derniers puissent porter, pour le compte des collectivités concernées, la reconversion des sites. Un préfet, M. Henri Masse, a été nommé délégué ministériel à la mise en œuvre territoriale de la réforme pour coordonner l’ensemble des actions conduites par le ministère de la défense au titre de l’accompagnement territorial des restructurations.
Le projet de loi de programmation militaire 2014-2019, à l’instar des précédents, fixe des contrats opérationnels aux armées.
Le tableau suivant retrace ces contrats pour les fonctions stratégiques « dissuasion », « protection », et « intervention » :
Dissuasion |
Assurée par deux composantes (océanique et aéroportée) | |
Protection |
Maintien des postures permanentes de sûreté de nos armées. En cas de crise majeure, possibilité de renforcer les forces de sécurité par 10.000 hommes des forces terrestres ainsi que des éléments aériens et maritimes adaptés. Par ailleurs, développement de capacités offensives et défensives dans le cyberespace. | |
Intervention (missions permanentes) |
Mise en place d’un échelon national d’urgence de 5.000 hommes en alerte qui permettra le déploiement d’une force interarmées de réaction immédiate (FIRI) de 2.300 hommes à 3.000 km du territoire national, dans un délai de 7 jours (20). | |
Intervention (missions non permanentes) |
Opération de gestion de crise (21) |
Opération majeure de coercition (22) |
Forces terrestres : | ||
Envoi de forces spéciales et d’un soutien ; 6.000 à 7.000 hommes (avec engins blindés à roues, chars médians, moyens d’appui feu et d’organisation du terrain, hélicoptères d’attaque et de manœuvre). |
Envoi de forces spéciales ; Possibilité de déployer 2 brigades interarmes représentant environ 15.000 hommes. | |
Forces aériennes : | ||
Une douzaine d’avions de chasse, répartis sur les théâtres d’engagement. |
Jusqu’à 45 avions de chasse incluant les avions de l’aéronautique navale. | |
Forces navales : | ||
Une frégate, un groupe bâtiment de projection et de commandement, un sous-marin nucléaire d’attaque en fonction des circonstances. |
Le porte-avions, deux bâtiments de projection et de commandement, un noyau clé national d’accompagnement à base de frégates, d’un SNA et d’avions de patrouille maritime ; moyens permettant d’assurer les fonctions de commandement, de renseignement et de logistique de l’opération (transport, santé, essence, munitions, stocks de rechanges). |
Les missions permanentes ont été reconfirmées et évoluent à la marge. La dissuasion nucléaire conserve ses deux composantes (océanique et aéroportée). La fonction de protection – c’est à dire celle qui vise notamment à garantir l’intégrité du territoire et à assurer une protection efficace contre l’ensemble des risques et des menaces – continuera d’être assurée dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui.
Votre rapporteur tient toutefois à faire part de ces inquiétudes au sujet des capacités de la Marine nationale à continuer à assurer, dans le temps, ses missions de souveraineté. La France détient l’une des ZEE (zones économiques exclusives) les plus grandes au monde. Sa souveraineté s’étend sur 11 millions de km². Sur toutes les mers du monde, grâce notamment aux territoires ultra-marins de la France, notre marine assure, au quotidien, des missions essentielles qui participent à la réalisation de l’ensemble des fonctions stratégiques (connaissance et anticipation, prévention, protection et intervention) à l’exception de la dissuasion. Nos « bâtiments » de souveraineté assurent la protection du territoire français et des intérêts de la France. Ils contribuent au maintien de sa souveraineté dans sa zone économique exclusive. Ils protègent notre patrimoine commun. Ils soutiennent l’action de l’État dans les départements et collectivités d’outre-mer et constituent également des points d’appui précieux pour lancer ou conduire des opérations éloignées de la métropole.
Les bâtiments de souveraineté de la marine nationale Les six frégates de surveillance ont pour mission la surveillance des espaces océaniques, le contrôle des ZEE, la police de la navigation et la surveillance des pêches. Elles sont destinées à opérer outre-mer et dans les zones à risques limités. Cinq de ces frégates sont actuellement basées outre-mer (Antilles, Réunion, Nouvelle-Calédonie, Polynésie Française). Les avisos A69 sont des unités polyvalentes qui peuvent contribuer à l’ensemble des missions confiées par le gouvernement à la marine. Toutefois, leur petite taille et l’absence d’hélicoptère embarqué limitent leur capacité d’intervention. Bâtiments de souveraineté prépositionnés outre-mer, les patrouilleurs P400 y assurent, dans le cadre de l’action de l’État en mer, des missions de surveillance et de protection des ZEE et apportent, par leur rayonnement, leur soutien aux relations internationales. La force d’action navale comprend également trois bâtiments de transport légers (BATRAL) stationnés en Martinique, Nouvelle-Calédonie et à La Réunion. Ces bâtiments conduisent, outre des opérations amphibies, des missions de transport et de ravitaillement. Enfin les bâtiments de service public assurent les missions générales d’action de l’État en mer en métropole, tandis que les patrouilleurs de la gendarmerie maritime participent en métropole et outre-mer, en collaboration avec les moyens des autres administrations (affaires maritimes et douanes), au contrôle de l’application des lois et au maintien de l’ordre public en mer. |
Or, on peut légitimement craindre que la diminution constante des moyens, ces dernières années, ne fragilise quelque peu la capacité de la France à préserver sa souveraineté sur les espaces en sa possession mais aussi ne réduise qu’à peu de choses sa capacité à intervenir en cas de crise éloignée de la métropole. Le cas des forces de souveraineté du Pacifique est, à cet égard, frappant. Comprenant les forces armées de Polynésie française (FAPF) et les forces armées de Nouvelle-Calédonie (FANC), elles sont composées, dans leur dimension « Marine nationale », des éléments suivants :
FAPF |
1 frégate de surveillance (Le Prairial), embarquant un hélicoptère Alouette III ; 3 avions de surveillance maritime Guardian (flotille 25F) ; 2eux hélicoptères Dauphin N3 (flottille 35F) ; 1 patrouilleur de service public (Arago). |
FANC |
1 frégate de surveillance (Vendémiaire), embarquant une Alouette III ; 2 patrouilleurs P400, La Moqueuse et La Glorieuse ; 1 bâtiment de transport léger (BATRAL) , Le Jacques Cartier ; 1 vedette de Gendarmerie maritime ; des éléments de protection (fusiliers marins en unités tournantes) ; 2 avions de surveillance maritime Guardian (flottille 25F) |
Votre rapporteur ne doit pas cacher qu’il a quelques doutes quant à la capacité de ce dispositif à garantir notre souveraineté dans le Pacifique, au regard, notamment, de l’immensité de notre ZEE dans cette région du monde mais aussi de la vétusté de certains des matériels qui y sont déployés. De surcroît, en cas de crise dans le Pacifique, et notamment, en mer de Chine, ces moyens seraient-ils suffisants pour permettre à la France de jouer un rôle un tant soit peu conséquent ? Il serait paradoxal qu’alors même que notre pays a la chance d’être présent sur tous les océans, il ne puisse se reposer, dans ce cas de figure, sur ses forces de souveraineté déployées dans le Pacifique et doive faire appel à des unités basées en métropole avec les délais que cela engendrerait. D’après les informations recueillies par votre rapporteur, les temps de transit seraient les suivants :
Zone départ |
Zone arrivée |
Temps indicatif de transit à 12 nœuds (sans escale) |
Toulon |
Nouvelle-Calédonie |
40 jours |
Toulon |
Mer de Chine |
30 jours |
Abu Dhabi |
Mer de Chine |
20 jours |
Abu Dhabi |
Nouvelle-Calédonie |
25 jours |
Tahiti |
Hawaï |
9 jours |
Tahiti |
Mer de Chine |
20 jours |
Nouméa |
Mer de Chine |
13 jours |
D’une manière générale, s’agissant de nos forces navales de souveraineté, le dernier Livre blanc et le projet de loi de programmation militaire laissent beaucoup de questions en suspens. La situation va demeurer délicate, malgré la mise en service, d’ici 2019, de trois B2M (bâtiments multi-missions) et de deux patrouilleurs à faible tirant d’eau « PLG » spécifiquement adaptés à la Guyane. De même, huit bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers (BSAH) doivent être livrés sur la période couverte par la loi de programmation militaire, dont deux en 2017. En revanche, le programme des bâtiments de surveillance et d’intervention maritime (BATSIMAR) qui devait initialement commencer en 2017 est reporté à la LPM suivante (2020- 2025). « La marine va donc être contrainte de maintenir en activité, autant que possible, ses vieux avisos et patrouilleurs, certains atteignant alors les 40 ans de service au lieu de 25. Il n’est d’ailleurs pas certain que tous ces bateaux pourront durer aussi longtemps, ce qui augmente le risque, déjà existant avec des effectifs réduits, de ne plus être en mesure d’assurer certaines missions » (23). Une vigilance sera nécessaire pour que les prochains arbitrages ne soient pas, une nouvelle fois, défavorables. Une réflexion concernant la présence, dans le Pacifique, de bâtiments de rang supérieur ne serait d’ailleurs pas inutile dans le cas où les tensions venaient à persister dans la zone.
Par ailleurs, dans le prolongement de ces observations, votre rapporteur tient à faire part de son inquiétude quant aux moyens affectés à la lutte contre le narcotrafic maritime. La Marine mène en coopération avec d’autres pays des opérations dans ce domaine, dans les Antilles et en Méditerranée. Ces opérations se déroulent généralement entre deux et quatre fois par an et durent environ 15 jours. Elles nécessitent le concours d’une frégate (avec hélicoptère), de commandos marine, d’embarcation commandos spécifiques, de tireurs d’élite, de douaniers, d’un bâtiment de soutien et, surtout, d’avions de patrouille maritime comme des Falcon 50 ou des Atlantique 2. D’une manière générale, et surtout aux Antilles, le bilan est positif et les procédures en place s’avèrent pertinentes. Il y a eu par exemple 3 interceptions de go fast et plus d’une tonne de cocaïne saisie entre novembre 2012 et mars 2013. Pour autant, des améliorations sont impératives. Alors que la présence d’un avion est déterminante, l’allocation d’heures de vol pour ces opérations est parfois inexistante. De même, la présence d’un seul hélicoptère Panther pour les deux frégates de surveillance basées à Fort-de-France limite les capacités opérationnelles. A l’occasion de la rédaction de son avis, votre rapporteur tenait donc vivement à rappeler cette situation : les succès engrangés ces dernières années de doivent pas masquer les bases fragiles de l’édifice.
Au niveau des missions non permanentes, le resserrement des contrats opérationnels est indéniable. Ainsi, s’agissant de la fonction « intervention », la LPM 2009-2014 prévoyait que les forces terrestres devaient pouvoir projeter environ 30.000 hommes en 6 mois, pour une durée d’un an, sans renouvellement, et ce, afin de couvrir toute la gamme des missions, allant de l’opération majeure à l’opération d’ampleur limitée, mais à réaction très rapide, ou à une opération de stabilisation de longue durée. La composante aérienne, elle, devait disposer d’une capacité de projection de l’ordre de 70 avions de combat et devait être capable de projeter une force de 1.500 hommes à 7-8.000 km en quelques jours. Enfin, les forces navales devaient pouvoir déployer le groupe aéronaval, lorsque le porte-avions était disponible, avec son groupe aérien complet et le nombre de frégates d’escorte, ainsi que les sous-marins nucléaires d’accompagnement nécessaires. Un ou deux groupes navals, amphibie ou de protection du trafic maritime, devaient être disponibles pour des missions d’intervention ou de présence. Pour autant, doit-on déduire de ce resserrement des contrats opérationnels une baisse des ambitions voire un déclassement ? Votre rapporteur ne le pense pas. Car, dans la réalité il y a bien longtemps que les contrats opérationnels antérieurs ne sont plus « tenables ». Le projet de loi dont nous sommes saisis ramène de la cohérence et tire au mieux les conséquences de la combinaison de nos objectifs avec nos moyens.
B. … QUI PRÉSERVE CEPENDANT UN FORMAT COHÉRENT POUR NOS ARMÉES ET ADAPTE NOTRE CADRE JURIDIQUE AUX NOUVEAUX DÉFIS DE LA DÉFENSE
Le Livre blanc de 2008 avait marqué la priorité à accorder à la nouvelle fonction stratégique de connaissance et d’anticipation. La création d’un conseil national du renseignement, de la DCRI, d’une académie du renseignement et l’établissement du coordonnateur national du renseignement avaient nettement renforcé les échanges entre services. L’effort fourni au profit des programmes techniques portés par la DGSE a permis à la France de combler une part importante du retard qu’elle avait pris sur ses principaux partenaires occidentaux et de compter aujourd’hui parmi les nations leaders de la cyberguerre.
En revanche, une partie importante des programmes majeurs du renseignement ont connu des retards ou reports significatifs. Ces retards ont touché les satellites MUSIS et surtout le programme de renseignement électromagnétique satellitaire CERES reporté de quatre ans. Le programme de satellite d’alerte avancée, dont le rôle dans la contre-prolifération et au bénéfice de la dissuasion est essentiel, n’a pas été financé et a été lui aussi, constamment reporté. Par ailleurs, la modernisation de la flotte de drones, tant MALE (24) que tactique, n’a pas été réalisée. Aujourd’hui, l’armée de terre met en œuvre un système de drone tactique intérimaire (SDTI) Sperwer – qui ont été déployés au Kosovo et en Afghanistan – et qui doit être retiré du service d’ici 2017. L’armée de l’air, elle, opère un système intermédiaire de drone MALE Harfang qui comprend quatre appareils. Ce système a également été déployé en Afghanistan et en Libye et l’est toujours au Sahel. Il arrive également en fin de vie et ne devrait pas aller au-delà de 2017.
En tout état de cause, l’Opération Serval a nettement mis en valeur les manques dans le domaine renseignement. Côté français, le dispositif s’est initialement appuyé sur un triptyque satellite / avion F1CR / avion Atlantique 2 qui a rapidement été complété par le déploiement de drones Harfang dont votre rapporteur a relevé l’ancienneté et le faible nombre. En effet, si les drones ont été utilisé au maximum de leurs capacités, cela était insuffisant au regard de l’étendue de la zone à traiter et de la permanence à y assurer. La perte de temps induite par les longs transits depuis Niamey, où nos drones étaient basés, aurait pu être réduite si plusieurs drones MALE avaient pu opérer de concert. Cela aurait en outre permis de faire face à l’émergence soudaine d’un besoin nouveau, tel que celui qu’a fait naître une prise d’otages français à la frontière du Nigeria et du Cameroun. Dès lors, l’aide des États-Unis et du Royaume-Uni a été indispensable. Les premiers ont fourni, dès le 11 janvier, des moyens ISR (25) (drones et avions de reconnaissance). Le second a mis à disposion de l’opération, du 22 janvier au 24 mai, un avion Sentinel basé à Dakar (26).
Le livre blanc de 2013 tire les conséquences de ces lacunes. Il fait du développement de nos capacités de renseignement, de traitement de l’information et de sa diffusion un objectif prioritaire pour toute la durée de la planification jusqu’en 2025 : « Les moyens techniques du renseignement seront renforcés, en s’appuyant notamment sur la mutualisation systématique des capacités des services. L’effort de modernisation des ressources humaines sera amplifié. Pour conforter notre appréciation autonome des situations, les efforts porteront sur les composantes spatiales et aériennes, aussi bien pour l’imagerie que pour l’interception électromagnétique (capacité de renseignement électromagnétique spatiale, CERES, et composante optique du système d’imagerie spatiale MUSIS, drones de surveillance et d’observation, aéronefs spécialisés). La mutualisation du renseignement d’origine satellitaire sera proposée à nos partenaires européens, de même que la capacité à déployer et exploiter les drones de surveillance (27).
Le projet de loi de programmation militaire prend en compte cet objectif. Il prévoit le lancement du programme d’écoute électromagnétique CERES, lequel sera entièrement financé par la loi de programmation mais ne sera opérationnel qu’en 2020, un délai incompressible de développement technique. Dans l’observation spatiale, nos satellites Helios 2 et le système Pléiades seront complétés par la nouvelle génération de satellites MUSIS, plus performants : La LPM 2014-2019 prévoit la livraison des deux satellites au cours de la programmation.
Surtout, le projet de loi de programmation met un terme aux hésitations des états-majors, aux atermoiements des décideurs politiques et aux luttes fratricides qui, depuis 15 ans, ont conduit à se priver d’un équipement dont le besoin est aujourd’hui patent. En 2009, un rapport de la commission de la défense de l’Assemblée nationale, soulignait que notre pays était à la « croisée des chemins » et qu’il convenait « dès le début de l’année 2010 de faire le choix d’un système pour la prochaine décennie » (28). Rien ne fut fait. Aussi, en réponse aux besoins et, en conformité avec les préconisations du Livre blanc de 2013 recommandant l’acquisition de douze vecteurs MALE, le Gouvernement a estimé, dans l’immédiat, n’avoir pas d’autre option que d’acheter du matériel sur étagère. Aussi le ministre de la Défense a-t-il annoncé au printemps, que la France achèterait aux États-Unis douze drones Reaper, dont deux en urgence avant la fin de l’année 2013, et dont les dix restants seraient acquis ultérieurement et « francisés ».
Cette décision n’est bien évidemment pas totalement satisfaisante. Il est dommage d’avoir été contraint d’acheter à l’étranger alors même que notre pays ne manquait pas de ressources industrielles, intellectuelles, scientifiques et techniques. De même la francisation pose certaines questions et les autorités américaines n’ont pas encore donné toutes les assurances en ce sens (29). Il n’en demeure pas moins que face à une lacune capacitaire sérieusement handicapante, le gouvernement a pris ses responsabilités. Les deux premiers Reaper doivent entrer en service avant la fin de l’année 2013 et seront tout de suite utilisés au Sahel, alors même que l’actualité récente montre que la France aura le plus grand besoin des capacités qu’ils fourniront. Au-delà, la décision d’acheter des Reaper offre des perspectives intéressantes au niveau européen puisque la création d’un « club des utilisateurs » regroupant les États membres ayant acquis ce système est un axe de coopération qui ouvre la voie à des plus-values, ne serait-ce que par un partage des retours d’expérience ou l’approche concertée des questions relatives à la formation, au soutien logistique et au besoin de modifications des systèmes.
Bien entendu, le recours à l’achat sur étagère, à l’étranger, n’est pas une situation admissible à long terme. Notre pays soutient le projet présenté par l’Agence européenne de la défense d’établir une spécification commune de besoin pour un drone de surveillance MALE à un horizon post-2025. Il s’agirait d’une capacité de nouvelle génération par rapport aux solutions intermédiaires aujourd’hui en cours d’utilisation ou d’acquisition par les États-membres. Elle nous redonnerait des capacités autonomes.
Les lacunes françaises en matière de transport aérien sont anciennes. Le rapport annexé de la LPM 2009-14 le soulignait déjà et faisait de la résorption du déficit capacitaire en la matière une priorité, en indiquant qu’il « [devait être] progressivement comblé grâce au remplacement des aéronefs de transport tactiques C 160 Transall par des A 400M, et des avions ravitailleurs C 135 par des avions multi rôles de ravitaillement en vol et de transport (MRTT) ». Dans cette perspective, « les cadences d’acquisition [devaient être] fixées d’ici 2010 et présentées au Parlement. Un partenariat public privé [était] envisagé pour les MRTT. Le recours à des procédures d’affrètement (accord-cadre SALIS (30)) contribuera à combler d’ici là une partie de cette lacune ». Force est de constater que ces objectifs n’ont pas été tenus.
Aujourd’hui, en matière de transport stratégique, c’est-à-dire de capacité de transporter une charge importante à longue distance, l’armée de l’air met en œuvre 3 Airbus A310 et 2 Airbus A340. Les premiers, âgés en moyenne d’une trentaine d’années, peuvent accueillir 185 passagers et disposent d’une capacité d’emport de 28 tonnes à 5.000 kilomètres. Les seconds, loués à partir de 2004 afin de faire la transition entre le retrait des antiques DC8 et l’arrivée du MRTT, devraient être acquis cette année. Pouvant transporter 279 passagers, ils peuvent aussi emporter 41 tonnes de fret à 9.000 kilomètres. Si cette flotte d’Airbus dispose d’une bonne disponibilité technique, elle ne permet toutefois que le transport de bagages et de fret en soute, dans des containers de type aviation commerciale et n’autorise donc ni l’emport de fret sur palette militaire standard, ni l’emport de véhicules. Occasionnellement, elle peut être complétée par quelques-uns des 14 C135 qui – s’ils apportent des capacités de projection stratégique (25 tonnes à 8.000 kilomètres) – sont avant tout des avions ravitailleurs et sont surtout, hors d’âge, comme votre rapporteur va avoir l’occasion, ultérieurement, de le souligner.
La flotte de transport tactique rencontre elle aussi des difficultés diverses. Conçue pour transporter du passagers et/ou du fret vers ou à l’intérieur d’un théâtre d’opérations, par tout temps, de jour comme de nuit, elle comprend aujourd’hui 33 C160 Transall, 14 C130 Hercules et 27 Casa CN 235. Les Transall constituent assurément le « couteau suisse » de l’armée de l’air et ont été de toutes les missions menées ces dernières décennies. Ils disposent d’excellentes capacités de navigation à basse altitude, de posé sur un terrain sommairement préparé et de largage de personnel et de matériel. Pouvant transporter en moyenne six tonnes à 3.000 km, ces appareils sont désormais très âgés (le premier a été mis en service en 1967) et leur retrait a débuté en 2005. La flotte de C130, elle, a un âge moyen de 27 ans. Elle présente également des capacités tactiques appréciables (12 tonnes à 3.600 kilomètres) même si ses performances en posé sur un terrain sommairement préparé sont plus limitées que celles du Transall. Enfin, s’il est moins cher à mettre en œuvre que les Transall et les Hercules, le CN 235 dispose de capacités nettement moindres (3 tonnes à 3.000 km)
Les limites de cette flotte – connues depuis longtemps – ont été plus que criantes durant l’Opération Serval. Certes la France est entrée en premier sur un théâtre d’opération distant de plus de 4.000 kilomètres de la métropole mais elle n’a toutefois pu durer que grâce à l’aide de ses alliés. Jamais Serval n’aurait pu se dérouler correctement sans ces précieuses contributions. Britanniques, Belges, Canadiens et Américains puis Allemands, Danois (31), Espagnols et Néerlandais ont permis de pallier les lacunes française en fournissant des moyens aériens très vite après le déclenchement de l’intervention militaire.
Parallèlement à ces apports extérieurs, la France a affrété des appareils de transport stratégique dans le cadre des contrats SALIS et ICS (32). Au final, en matière de transport de soldats, les aéronefs français ont été particulièrement épaulés par les moyens de l’EATC et par les Boeing C17 fournis par les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada. S’agissant du fret, les moyens de l’armée de l’air ont assuré uniquement des missions de transport d’urgence et de faible tonnage. 75 % du fret projeté par voie aérienne au cours du premier semestre 2013 a ainsi été transporté par des avions affrétés (SALIS et ICS), 20 % par des vecteurs alliés C17 (États-Unis, du Royaume-Uni et du Canada) et seulement 5 % par des avions militaires français ou alliés dans le cadre de l’EATC (33).
Cette situation n’est guère satisfaisante. Le projet de loi de programmation militaire y répond de deux manières.
Tout d’abord, il maintient la poursuite du programme A400 M qui a connu une gestation relativement compliquée et dont la poursuite fut un temps menacée. Cet avion offre des capacités de transport stratégique mais aussi tactiques. En effet, avec l’A400M, la France disposera d’un avion capable à la fois d’effectuer des missions de projection de force sur les théâtres éloignés et des missions plus classiques d’aéromobilité comme le soutien logistique des unités en zone de combat avec « posers d’assaut ». Assurément, « sur le théâtre malien, les capacités tactiques et les performances de l’A400M aurait apporté une réelle plus-value opérationnelle. L’opération d’aérolargage sur Tombouctou aurait ainsi pu être réalisée en vol direct depuis la métropole. La conduite des opérations aéroterrestres aurait également pu être accélérée, en déployant plus rapidement les forces, en les soutenant sans rupture de charge et en évitant la saturation des plateformes aéronautiques » (34). Le premier A400 M a été livré à l’armée l’air l’été dernier. Le deuxième devrait l’être à la fin de l’année et quatre nouveaux exemplaires sont prévus en 2014. Le projet de loi de programmation militaire 2014-2019 prévoit la livraison de 9 autres exemplaires jusqu’en 2019, année où 15 A400M devraient ainsi être en service dans l’armée de l’air. À terme, le projet de loi vise une « cinquantaine d’avions de transport tactique » en service dans l’armée de l’air. Il y a là une réduction potentielle de la cible initiale de 50 A400M puisque une « cinquantaine d’avions de transport tactique » ne veut pas dire que l’ensemble de la flotte sera obligatoirement des A400M. Il y aura également un ralentissement du rythme des livraisons puisque la précédente programmation prévoyait une flotte de 35 appareils en 2020 et l’arrivée du cinquantième et dernier avion en 2024 (35). Pour autant, le projet de loi que nous examinons sécurise le programme A400M. Il fait preuve de réalisme en ne fixant pas un objectif qui s’avèrerait impossible de financer dans les années à venir. L’A400M est aujourd’hui une réalité. À la fin de la période de la LPM 2014-2019, la France disposera d’une capacité accrue en matière de transport aérien.
La seconde réponse du projet de loi de programmation militaire à nos lacunes en matière de transport stratégique est le lancement du programme MRTT, un appareil qui est sera aussi un avion ravitailleur et sur lequel votre rapporteur va revenir dans le paragraphe suivant. Reposant sur une cellule d’Airbus A330 dont le succès, dans le civil, n’est plus à démontrer, le MRTT permettra de renforcer l’aviation de transport militaire et contribuera ainsi à la projection de forces et de puissance et au transport médicalisé dans le cadre d’une évacuation sanitaire stratégique.
L’intervention en Libye mais aussi l’opération Serval ont rendu criantes nos lacunes dans le domaine du ravitaillement en vol.
Certes, nos capacités en la matière ne sont pas nulles. La France dispose d’un vrai savoir-faire éprouvé avec une flotte de 14 appareils dont les missions tiennent à la fois au soutien de la composante aérienne de la dissuasion qu’à la projection de nos forces. Ainsi notre armée de l’air est-elle une des rares au monde à savoir mener des opérations complexes comme l’a montré l’organisation du raid aérien du 13 janvier 2013, qui a vu 4 Rafale décoller de leur base de Saint-Dizier pour frapper des objectifs au Mali. Cette mission a duré de 9h35, sur plus de 4.000 kilomètres et nécessita pas moins de cinq ravitaillements en vol, menés avec uniquement des moyens français.
Pour autant, au Mali, comme en Libye deux ans plus tôt, il aurait été impossible de durer par la suite sans l’aide des avions ravitailleurs américains (36). Notre flotte d’avions ravitailleurs présente en effet deux faiblesses majeures. D’une part, les ravitailleurs actuels (11 C-135 FR, 3 K/C135 R) sont arrivés à bout de souffle : l’âge moyen du parc de K/C 135 est supérieur à 50 ans ! Leur maintien en vol relève de l’exploit et des doutes sérieux peuvent être émis quant à la sécurité des équipages qui les opèrent. D’autre part, le nombre de ravitailleurs est sans doute insuffisant pour des opérations de longue durée. « L’opération Serval a montré que l’appui de nos alliés ne suffisait pas toujours à combler nos lacunes : ainsi, selon l’état-major de l’armée de l’Air, lors de l’accrochage du 19 février, la patrouille de Mirage 2000D a dû quitter la zone prématurément car le tanker n’était plus en mesure de la ravitailler. L’arrivée d’une patrouille de renfort depuis Bamako n’a été possible qu’après l’arrivée d’un nouveau tanker, laissant nos troupes plusieurs heures sans appui aérien » (37).
Face à cette situation, le gouvernement a décidé le lancement effectif du programme MRTT, une décision qui n’avait que trop tardé, alors même que le précédent Livre blanc préconisait une cible d’acquisition de 14 appareils. Le projet de loi de programmation miliaire prévoit ainsi l’acquisition de 12 Airbus A330 MRTT dont deux seront livrés d’ici 2019. La notification du marché d’acquisition doit avoir lieu en 2014, permettant une livraison du premier avion en 2018. À cet effet, 360 millions d’euros en autorisation d’engagement sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2014 et 25,9 millions en crédits de paiement. Certains ont pu critiquer la réduction de deux unités de la cible d’acquisition par rapport au Livre blanc de 2008 tout comme le rythme de livraison puisque seulement 2 avions devraient avoir été livrés en fin de programmation. Il n’en demeure pas moins que le programme est désormais sur les rails et qu’il faut s’en féliciter. Parallèlement, ce processus ne peut que donner du poids aux démarches françaises pour « européaniser » la gestion des avions ravitailleurs, dans les limites, bien sûr, des spécificités propres à leur emploi, dans notre pays, au service de la composante aérienne de la dissuasion. La France travaille ainsi « à la mutualisation de leur emploi avec six autres nations européennes dans des domaines ciblés comme la formation et la maintenance » (38)), avec l’objectif, à terme, d’étendre au ravitaillement en vol le mécanisme de l’EATC qui a fait ses preuves dans le transport.
Votre rapporteur tient enfin à souligner qu’il sera également possible de conférer des capacités de ravitaillement aux A400M par l’adjonction d’un « kit » spécifique. C’est là une piste à explorer pour renforcer notre compétence en la matière et là aussi, la coopération européenne peut apporter des solutions (39).
Votre rapporteur tient à relever que le Livre blanc de 2013 et, par là même, le projet de loi de programmation militaire ne préconisent aucun renoncement de la part de notre pays. Nos ambitions sont intactes et il n’a pas été fait le choix d’un déclassement comme certains ont pu le prétendre. Votre rapporteur ne peut qu’être d’accord avec le ministre de la défense lorsqu’il déclare que l’évocation de ce concept relève de la pure polémique. « Nous aurons, en 2019, la première armée européenne ! En effet, la défense emploiera, à cette date, 187.000 militaires et 55.000 civils. Si l’on s’en tient aux seuls militaires, leur nombre sera donc nettement supérieur à celui des soldats allemands ou britanniques. Les réductions d’effectifs mises en œuvre dans ces pays sont en effet bien plus drastiques qu’en France. Peut-on vraiment dire de la première armée d’Europe, une armée qui comptera, au terme du processus actuel, 225 avions de chasse, 16 frégates de premier rang, 4 sous-marins nucléaires lanceurs d’engin, 6 sous-marins nucléaires d’attaque et une force opérationnelle projetable composée de 66.000 soldats, qu’elle est en voie de déclassement stratégique ? Ce n’est en tout cas pas du tout l’avis de nos voisins ou alliés, y compris au sein de l’Alliance atlantique. Certains propos relèvent donc de l’excès oratoire et ne correspondent pas à la réalité des faits » (40).
La France entend conserver un large spectre de compétences à l’inverse de plusieurs de nos alliés qui, progressivement, sous l’effet notamment de réductions budgétaires et sans que cela résulte forcément d’une décision expresse, ont peu à peu perdu des capacités clefs. Les interlocuteurs de votre rapporteur ont par exemple cité, à plusieurs reprises, le cas de Pays-Bas qui ont subi un déclassement stratégique réel. Ils viennent de signer, au mois de juin dernier, un accord historique avec l’Allemagne qui va conduire à ce que toute une partie de leur armée soit directement intégrée aux forces allemandes (41). Il s’agira là d’un cas de figure inédit en Europe puisque des unités communes accueilleront plusieurs pans de la défense des deux pays. Ainsi, la 21ème brigade aéromobile néerlandaise, soit quelque 4.500 hommes, vont rejoindre à partir de 2014 une division binationale aux côtés de la Division de réaction rapide allemande. « Les Néerlandais risquent de voir leurs choix politiques dans les domaines stratégiques soumis à la nécessité d’un aval allemand » alors même « que les forces néerlandaises ont souvent été un vrai appui pour les Américains, au cours de leurs différentes interventions de l’Irak à l’Afghanistan. A l’inverse, les Allemands ont toujours fait en sorte de ne pas exposer leurs propres forces (…) Ce sont les fondements de la puissance néerlandaise qui risquent, à terme, d’être fondus dans la stratégie allemande » (42). De façon moins spectaculaire, certes, le Royaume-Uni, un pays aux ambitions pourtant assumées, a lui aussi perdu certaines compétences. Les Britanniques n’ont plus de porte-avions depuis plusieurs années et n’en disposeront, à nouveau, qu’à l’horizon de 2016. Surtout, depuis 2010, ils ne disposent plus d’avions de patrouille maritime avec le retrait des Nimrod MR2 de la Royal Air Force et l’abandon du programme Nimrod MRA4. Or, c’est là une capacité essentielle, en particulier pour protéger les manœuvres des sous-marins nucléaires à proximité de leur base.
Cette volonté conserver toutes les capacités est un choix judicieux et cohérent avec le fait que les risques de demain nous sont inconnus. En Afghanistan, on prédisait que les guerres futures seraient asymétriques. En Libye on parlait des guerres aériennes et du « no troops on ground ». Au final, au Mali, l’armée de Terre a retrouvé ses lettres de noblesses. Ces quinze dernières années, nous n’avons eu que des surprises stratégiques, y compris le retour de conflits en Europe avec la guerre entre la Géorgie et la Russie. Comme rien n’est à exclure, nous devons conserver notre spectre d’intervention. Et puis, comme votre rapporteur l’a rappelé dans la première partie du présent rapport, le risque de guerres interétatiques dans certaines régions du monde ne doit pas être sous-estimé.
Le projet de loi de programmation militaire entend mettre en avant deux sujets majeurs : les études amont et la préparation opérationnelle. « Sans elles, nous prenons le risque, d’une part, de ne pas préparer l’avenir et, d’autre part, d’envoyer en opérations des militaires qui ne sont pas aguerris aux matériels de haute technologie » (43.
En ce qui concerne la préparation opérationnelle de nos soldats, la situation actuelle est très préoccupante. Depuis plusieurs années, on assiste à l’effritement continu des crédits qui lui sont dévolus. Dans un contexte de rareté budgétaire et d’engagements extérieurs nombreux, le choix a été fait de privilégier ces derniers au détriment des moyens disponibles pour l’entrainement sur le territoire national. Si l’armée française est aujourd’hui la plus aguerrie en Europe après les interventions en Afghanistan, en Côte d’Ivoire, en Libye, au Mali…, le déficit de préparation n’est pas satisfaisant puisque l’entraînement fonde la valeur opérationnelle de notre force militaire et détermine aussi la capacité de notre armée à œuvrer, avec des partenaires étrangers, dans le cadre de coalitions internationales. Ainsi, dans l’armée de terre, la loi de programmation 2009-2014 prévoyait une norme à 150 JPAO par an (44) puis cette cible a été abaissée en 2010 autour de 120 jours puis à 111 en 2012 et 105 en 2013. Pareillement, dans la Marine nationale, les indicateurs, dans l’ensemble, ne sont pas satisfaisants et demeurent globalement en deçà des « normes » prévues. Alors que le nombre de « Jours de mer par bâtiment Marine » devait être de 110 pour les bâtiments hauturiers (et de 100 pour les autres bâtiments), ils ont été de 98 (et 89) en 2012. Ils devraient être de 97 (et 88) en 2013 et de 94 (et 86) en 2014. Dans l’armée de l’air, les pilotes de chasses devraient voler 180 heures par an. Or, ils ont volé 169 heures en moyenne en 2012 et devraient voler 150 heures en 2013 et 2014. Pour les pilotes de transport, la « norme » est de 400 heures de vol par an. Dans la réalité, cela devrait être 230 heures en 2014. Au-delà de considérations budgétaires, ces carences s’expliquent par le manque de disponibilité de certains matériels mais aussi par l’impact des opérations extérieures, lesquelles nécessitent la mobilisation de nombreuses ressources au détriment des moyens disponibles pour les sessions d’entrainement
Face à cette situation, le Livre blanc consacre un principe de différenciation des forces en fonction des missions qu’elles sont appelées à remplir (45), principe qui n’est cependant pas nouveau puisque les armées y ont recours depuis longtemps. Néanmoins, son inscription dans la loi permettra d’en étudier les déclinaisons les plus poussées. Cela devra notamment contribuer au relèvement des principaux indicateurs du niveau d’entraînement et ainsi, empêcher la révision à la baisse de ceux-ci au cours de la programmation comme cela a pu être le cas ces dernières années. Le rapport annexé à la LPM fixe ainsi des « normes » semblables à celle de la LPM 2009-2014 et dispose que celles-ci devront être atteintes à partir de 2016, au fur et à mesure de la réalisation du nouveau modèle d’armée. 2014 et 2015 resteront en deçà des normes. Si la situation est loin d’être idéale, les états-majors semblent prêts à y faire face. En revanche, un non-respect de la trajectoire budgétaire de la programmation viendrait assurément remettre en cause cet objectif de remise à flot du niveau de préparation opérationnelle. Il est donc impératif que la LPM soit parfaitement exécutée et que les budgets votés annuellement ne soient pas en partie gelés dès la promulgation des lois de finances initiales comme c’est trop souvent le cas.
S’agissant des études-amont (46), le Gouvernement a entendu, dès son arrivée au pouvoir, augmenter fortement les crédits de paiement, qui avaient connu une nette décroissance les années précédentes. Selon le ministère de la défense, cela traduit une volonté « de garantir l’effort de recherche, de consolider la base industrielle et technologique, tout en faisant participer les opérateurs du programme aux efforts d’économie demandés à l’ensemble des opérateurs de l’État» (47). Le projet de loi de programmation militaire 2014-2019 s’inscrit dans ce cadre puisque le rapport annexé prévoit que « les crédits destinés aux études amont représenteront 0,73 milliards d’euros en moyenne annuelle sur toute la période de la loi, effort similaire à celui qui a été réalisé depuis le redressement opéré en 2013 » et à comparer aux 685 millions d’euros en moyenne de la période précédente.
Si cet effort en faveur de la recherche amont constitue assurément l’un des marqueurs de ce projet de loi de programmation militaire, il doit être replacé dans le contexte plus large d’une volonté de préservation de notre outil industriel. L’exercice était difficile : il fallait « trouver un équilibre financier en dépit de fortes contraintes, alors que la trajectoire de besoin financier pour les équipements conventionnels prévoyait auparavant une importante croissance, avec une hausse des crédits d’équipement d’environ un milliard d’euros par an entre 2015 et 2020 – en raison de la poursuite du renouvellement des capacités engagé avec la LPM précédente, de nombreux grands programmes étant en cours de réalisation – et que les besoins financiers de la dissuasion – dans la perspective du renouvellement des deux composantes en 2030 et de l’entretien programmé des matériels – sont en croissance, ce qui met sous pression les ressources disponibles pour le reste de nos actions » (48). Neuf secteurs industriels ont donc été définis avec, pour chacun d’eux, l’idée de déterminer un juste équilibre entre développements et production de façon à concilier les impératifs de viabilité de l’activité industrielle (bureaux d’études et « supply chain ») avec les contraintes calendaires d’équipement nécessaire aux capacités militaires. Le projet de loi de programmation militaire contribue ainsi à reconnaitre et à protéger l’impact économique et social de notre industrie, fournisseur d’emploi hautement qualifiés et non délocalisable. Il écarte tout modèle de rupture qui aurait pu conduire à sacrifier un secteur en particulier. Une enveloppe de 102,4 milliards d’euros courants sur la période 2014-2019 sera ainsi consacrée à l’équipement et en moyenne, la dotation annuelle s’élèvera à plus de 17 milliards d’euros courants, comme l’indique le tableau suivant :
Milliards d’euros courants |
LFI 2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
Total 2014-2019 |
Moyenne |
Agrégat « équipement » |
16 |
16,4 |
16,6 |
16,7 |
17,1 |
17,4 |
18,2 |
102,4 |
17,1 |
Grace à cet effort, aucun grand programme à effet majeur ne sera abandonné. Toutefois, il est évident que cela ne sera valable que si l’exécution de la programmation est conforme à la loi. Nous aurons donc à y veiller et il sera indispensable que les industriels redoublent d’efforts pour conquérir de nouveaux marchés à l’export afin de trouver des ressources extérieures pour assurer des plans de charge plus confortables.
La France dispose de forces pré-positionnées dans quatre pays : dans trois anciennes colonies d’Afrique avec lesquelles elle est liée par des accords de défense (le Sénégal, Djibouti et le Gabon) ainsi qu’à Abu Dhabi (Émirats Arabes Unis).
Ce dispositif revêt une importance stratégique majeure. C’est, notamment, un outil précieux dans la lutte contre le terrorisme au Sahel qui permet le déploiement rapide, si nécessaire, d’hommes et de matériels comme l’a si bien rappelé l’Opération Serval. Au demeurant, maintenir des forces pré-positionnées coûte nettement moins cher que d’affréter, le jour où c’est nécessaire, avions et navires pour ramener des effectifs en nombre suffisant.
Il est donc heureux que la logique du Livre blanc de 2008 – qui préconisait une réorganisation de notre dispositif sur le continent africain reposant essentiellement autour de deux pôles, l’un à l’ouest et l’autre à l’est – n’ai pas été poussée jusqu’au bout. Certes, le dispositif des forces pré-positionnées a vu son centre de gravité glisser vers l’est, avec la création d’une base militaire française aux Émirats arabes unis en 2009 et les forces de présence en Afrique ont été réorganisées à l’été 2011 avec la mise en place du pôle opérationnel de coopération à effectifs réduits au Sénégal, la consolidation des capacités au Gabon, et le départ d’un régiment de Djibouti. Mais au final, nous conservons une empreinte non négligeable et bien répartie, à laquelle il faut de surcroît ajouter les effectifs déployés dans le cadre d’opérations extérieures de longue durée qui, comme Épervier au Tchad ou Licorne en Côte d’Ivoire, s’apparentent parfois plus à des forces pré-positionnées. Le Livre blanc de 2013 et le projet de loi de programmation ne remettent pas en cause ce dispositif.
Un nouveau chapitre a été inséré au sein du projet de loi de programmation militaire lors de l’examen du texte au Sénat.
● Contrôle sur pièces et sur place pour les membres des commissions parlementaires chargées de la défense :
L’article 4 ter du projet de de loi vise à conférer aux commissions chargées de la défense des deux assemblées des pouvoirs identiques à ceux dont disposent déjà les commissions des finances. Ces pouvoirs seraient confiés aux présidents des commissions ainsi que, dans leurs domaines d’attribution, aux rapporteurs budgétaires et aux membres spécialement désignés à cet effet. Selon la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, cela se justifie car il n’y a aucun moyen, aujourd’hui, « d’obtenir la communication de documents, couverts ou non par le secret de la défense nationale, pourtant critiques pour apprécier tout écart à la trajectoire initiale ». De même, certains de ses rapporteurs se seraient vu « refuser des auditions de certains responsables de programmes d’armement, comme par exemple dans le cas de l’avion militaire A400M » (49).
● Consécration législative des réunions de contrôle de l’exécution du budget de la défense :
Chaque semestre, au ministère de la défense, les représentants de cedernier, les présidents et rapporteurs spéciaux de la commission des finances et les présidents et les rapporteurs budgétaires membres des commissions chargées de la défense de l’Assemblée nationale et du Sénat se réunissent, de manière informelle, dans le cadre de « réunions de contrôle du budget de la défense ».
L’article 4 quater vise à consacrer cette pratique dans la loi et prévoit une périodicité plus régulière (6 mois).
● Transmission des observations de la Cour des comptes aux commissions chargées de la défense et des affaires étrangères :
Le code des juridictions financières limite aujourd’hui aux commissions chargées des finances et des affaires sociales, et, dans certaines conditions, aux commissions d’enquête, le bénéfice de la transmission des communications de la Cour des comptes aux ministres, ainsi que, à leur demande, des observations définitives de la Cour des comptes.
L’article 4 quinquies concerne directement notre commission puisqu’avec cet article, le Sénat a entendu élargir la possibilité de transmettre des communications de la Cour des comptes aux commissions chargées de la défense et des affaires étrangères, pour ce qui les concerne, afin d’améliorer le contrôle exercé par le Parlement sur le Gouvernement, conformément à l’article 47-2 de la Constitution qui dispose que « la Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement (...) dans l’évaluation des politiques publiques. ».
● Rapport annuel sur l’exécution et débat éventuel au Parlement :
L’article 4 sexies, introduit par les sénateurs, dispose que « le Gouvernement présente chaque année au Parlement, préalablement au débat d’orientation budgétaire, un rapport sur l’exécution de la présente loi de programmation. Ce rapport peut faire l’objet d’un débat au Parlement ». Ce rapport décrira la stratégie d’acquisition des équipements du gouvernement et suive l’exécution du plan d’accompagnement économique des territoires affectés par des restructurations.
Le projet de loi de programmation militaire érige le renseignement au rang de priorité majeure et, à cette fin, plusieurs dispositions viennent clarifier et renforcer le cadre juridique de l’action des services de renseignement.
● Les prérogatives accrues de la Délégation parlementaire au renseignement (50) :
En l’état actuel de la législation, la délégation « a pour mission de suivre l’activité générale et les moyens des services spécialisés » des ministères de l’intérieur, de la défense et des finances. Elle est informée des éléments relatifs « au budget, à l’activité générale et à l’organisation des services », mais pas des activités opérationnelles et de leur financement, ni les échanges avec les services étrangers. Elle peut entendre le Premier ministre, les ministres, le secrétaire général de la défense nationale et les directeurs en fonction des six services de renseignement. La possibilité pour la délégation d’entendre les agents ayant exercé ou exerçant des fonctions au sein des services est expressément exclue.
Le projet de loi de programmation militaire (articles 5 et 6) renforce les prérogatives de la Délégation. Il lui reconnaît une compétence générale de contrôle parlementaire de l’activité gouvernementale en matière de renseignement et d’évaluation de la politique publique dans ce domaine. Elle absorbe à ce titre, en tant que formation spécialisée, la commission de vérification des fonds spéciaux, prévue par la loi de finances pour 2002, ce qui lui donnera une meilleure visibilité d’ensemble sur l’utilisation de leurs ressources par les différents services spécialisés de renseignement. Le champ des documents qui lui sont présentés est également étendu : stratégie nationale du renseignement, plan national d’orientation du renseignement, rapports annuels relatifs au financement et à l’activité d’ensemble de la « fonction renseignement ». La liste des personnes pouvant être auditionnées par la délégation serait élargie au coordonnateur national du renseignement et au directeur de l’académie du renseignement, ainsi que, sous réserve de l’accord préalable des ministres sous l’autorité desquels ils sont placés, aux autres directeurs d’administration centrale ayant à connaître des activités des services spécialisés de renseignement.
● La protection de l’anonymat des agents :
La protection de l’anonymat des agents des services de renseignement est essentielle, tant pour assurer la sécurité des agents et de leur famille que pour garantir l’efficacité de leur action. La procédure actuelle, issue de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (dite LOPPSI II), permet aux agents de recourir à une fausse identité ou à une identité d’emprunt. Elle est apparue insuffisante car la présence physique des agents devant une juridiction à la suite d’une convocation, et leur participation à des comparutions, présentent un risque de dévoiler leur couverture et de mettre en danger tant leur sécurité que l’efficacité de leurs missions.
Afin de faciliter la manifestation de la vérité tout en renforçant la protection de l’anonymat des agents, l’article 7 de la loi de programmation militaire prévoit que dans l’hypothèse où l’autorité hiérarchique de l’agent indique que l’audition comporte des risques pour celui-ci, ses proches ou son service, l’audition pourra être effectuée dans un lieu assurant son anonymat et la confidentialité (et plus nécessairement au palais de justice comme aujourd’hui).
● Accès aux fichiers :
L’article 8 du projet de loi comporte une disposition permettant d’étendre l’accès des services de renseignement aux fichiers administratifs mentionnés à l’article L. 222-1 du code de la sécurité intérieure. Ils pourront avoir accès aux fichiers nationaux des immatriculations, des permis de conduire, des cartes nationales d’identité et des passeports ainsi qu’au système informatisé de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (qui comprend les visas et les titres de séjour).
Un décret en Conseil d’État déterminera les services concernés ainsi que les modalités d’accès. Il est envisagé de faire figurer parmi ces modalités le fait que tous les accès aux fichiers feront l’objet d’une traçabilité et du contrôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).
L’article 8 prévoit également que les motifs de consultation des fichiers, aujourd’hui limités à la seule prévention des actes de terrorisme, seront étendus à la prévention des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation.
● La géolocalisation en temps réel :
Il existe actuellement une incertitude sur la base juridique des pratiques de géolocalisation, soulignée par la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS).
L’article 13 du projet de loi vise à clarifier le régime juridique de la géolocalisation en temps réel en autorisant expressément les services de police et de gendarmerie chargés de la prévention du terrorisme à accéder en temps réel à des données de connexion mises à jour, ce qui leur permet de géolocaliser un terminal téléphonique ou informatique et de suivre ainsi certains cibles en temps réel.
● La création d’un fichier sur les données des passagers aériens
Un projet de directive actuellement en cours de discussion au Parlement européen vise à créer un fichier alimenté par les données des transporteurs aériens, portant sur les voyages y compris intracommunautaires ainsi que sur les données de réservation. Ces données – PNR pour Passenger name record – sont les données communiquées par les passagers aux compagnies aériennes lors de la réservation d’un vol. Elles contiennent des informations personnelles sur le passager et permettent de savoir à quel moment le passager a réservé son vol et où il a effectué sa réservation, ainsi que son mode de paiement, son itinéraire complet et des informations sur l’agence de voyage auprès de laquelle le passage a réservé,
L’article 10 du projet de loi créée ce fichier, à titre expérimental, en harmonie avec le projet de directive européenne et par anticipation de son adoption, ce qui permet de démarrer la préparation des traitements informatiques nécessaires. Il prévoit un dispositif selon lequel les données des dossiers passagers seront transmises une première fois entre 24 et 48 heures avant le départ du vol. Pendant ce laps de temps, les services pourront commencer à exploiter les données, et préparer si nécessaire une éventuelle action ou surveillance. Un second envoi sera effectué à la clôture du vol avec les données d’embarquement (ou API pour Advanced passenger information). Ce second envoi permettra de savoir si certains voyageurs ont réservé à la dernière minute, indice intéressant les services de renseignement.
Des affaires judiciaires récentes ont suscité une prise de conscience du risque de mise en cause pénale pesant sur les militaires et de la nécessité d’adapter le droit pénal aux spécificités de l’action de combat, tout en améliorant parallèlement l’information et les marques de reconnaissance à l’égard des familles des militaires qui sont blessés ou qui meurent au combat.
● Souligner le caractère très spécifique de la mort au combat :
L’article 17 du projet de loi, en mettant fin au déclenchement automatique de l’enquête pour recherche des causes de la mort en cas de découverte d’un cadavre à l’issue de combats, vise à souligner le caractère très spécifique de la mort dans ce contexte, dont la cause n’est en principe ni suspecte ni inconnue. Il s’agit ainsi d’éviter que certains évènements, même graves mais inhérents à la nature des opérations militaires, se voient immédiatement appréhendés sur le terrain judiciaire.
● Protéger des militaires contre une judiciarisation excessive de leur action
Le projet de loi vise ensuite à protéger les militaires contre une judiciarisation excessive de leur action et, ainsi, à limiter les risques d’instrumentalisation de l’action judiciaire. L’article 18 confère au Parquet le monopole – écarté par la Cour de cassation dans un arrêt relatif à l’affaire d’Uzbin (51) – de la mise en mouvement de l’action publique pour les infractions commises par des militaires en opération dans l’accomplissement de leur mission.
L’article 19 du projet de loi, lui, précise l’article du code de la défense qui dispose que « n’est pas pénalement responsable le militaire qui, dans le respect des règles du droit international et dans le cadre d’une opération militaire se déroulant à l’extérieur du territoire français, exerce des mesures de coercition ou fait usage de la force armée, ou en donne l’ordre, lorsque cela est nécessaire à l’accomplissement de sa mission ». L’article 19 du projet de loi prévoit ainsi que la responsabilité pénale des militaires ne peut être engagée pour des faits de violences involontaires qu’après prise en compte d’un certain nombre de circonstances révélatrices des difficultés de l’action militaire et irréductibles de l’action de combat. Il élimine également toute ambiguïté sur le fait que cette excuse pénale s’applique aussi pour des interventions militaires ponctuelles de type libération d’otages, évacuation de ressortissants ou police en haute mer, et non pas seulement pour les opérations militaires extérieures, pour lesquelles l’article 35 de la Constitution prévoit la consultation du Parlement.
La programmation militaire post 2020 devra dimensionner nos moyens en fonction de l’évolution de notre stratégie, laquelle sera précisée dans le futur Livre blanc et devra, en particulier à partir de 2020, s’adapter à l’évolution de son contexte pour continuer à garantir la sécurité de notre pays et la défense de nos valeurs et de nos intérêts.
L’analyse de cette évolution devra se prononcer sur les grandes tendances identifiées par le Livre blanc de 2013. Elle devra étudier les évolutions constatées dans les zones prioritaires que sont l’Europe et son voisinage, le Proche-Orient et le Golfe Arabo-Persique et d’autres régions, l’Asie, l’océan indien et le Pacifique dont la stabilité et la sécurité revêtent une importantes stratégique particulière. Dans ce contexte, la montée en puissance des pays émergents n’est pas terminée et pourra avoir un impact significatif. Cette analyse devra être croisée avec une évaluation des menaces et des conséquences de la mondialisation, notamment de la dématérialisation (numérisation) généralisée dans nos modes de vie. Dans ce dernier domaine, une attention toute particulière devra être portée au cyberespace dont l’évolution pourrait s’avérer déstructurante pour l’efficacité de notre outil militaire mais également pour la survie de nos entreprises et de notre économie, un thème sur lequel votre rapporteur entend revenir à la fin de son avis. Elle devra également examiner le développement de nos alliances et de l’Europe de la défense, ainsi que les politiques suivies par nos principaux partenaires et alliés.
Notre stratégie devra aussi tirer les conséquences de l’évolution de la crise financière. Elle devra examiner les facteurs d’évolution de notre industrie de défense, notamment en termes d’autonomie stratégique, du maintien d’une avance technologique, et les perspectives de percée de la technologie dans les domaines les plus sensibles pour notre sécurité.
Enfin, elle devra tirer le bilan de l’évolution de notre défense, telle que définie par la loi de programmation 2014-2019 et des choix que celle-ci représente (priorité accordée au renseignement, à la cyberdéfense, à la recherche- technologie et à la dissuasion nucléaire (52)). Ce bilan devra aussi porter sur l’adaptation de nos capacités militaires aux priorités que nous avons identifiées, sur le rythme de renouvellement de nos matériels, sur les réductions temporaires de capacités de nous avons consenties, sur les succès à l’export, sur la réussite des réorganisations et des restructurations engagées, notamment s’agissant des effectifs.
En l’absence de rupture stratégique, la loi de programmation militaire que nous sommes en train d’examiner aura vocation à poursuivre la mise en œuvre du modèle d’armée décrit dans le Livre blanc de 2013 et, dans cette perspective, devra pouvoir donner toute sa portée aux priorités et aux principes de mutualisation et de différenciation.
Il a semblé utile à votre rapporteur de rappeler les différentes interrogations qui entourent, aujourd’hui, la dissuasion nucléaire.
● La dissuasion dans un monde multipolaire :
Quelle utilité pour la dissuasion dans un monde multipolaire ? Cette question peut légitimement se poser aujourd’hui lorsqu’on sait que l’arme nucléaire est une arme de guerre froide, conçue par des Etats pour dissuader d’autres Etats. « La dissuasion nucléaire a d’abord été élaborée du côté américain, et dans le cadre de la guerre froide conçue comme un duel entre les deux « superpuissances ». Il s’agissait inutilement d’empêcher une invasion de l’Europe occidentale, malgré l’énorme supériorité conventionnelle du côté soviétique » (53). Ainsi, dans un contexte bipolaire, la dissuasion nucléaire a été l’instrument d’un rééquilibrage en faveur des puissances occidentales, en particulier des puissances européennes pour compenser le déséquilibre du rapport entre les forces conventionnelles des deux blocs.
Dans un monde devenu multipolaire et dans lequel des acteurs non-étatiques entretiennent une conflictualité latente et asymétrique, la dissuasion se justifie-t-elle ?
D’éminentes personnalités ont récemment posé cette question et y ont répondu par la négative.
Votre rapporteur pense notamment à MM. Alain Juppé, Bernard Norlain, Alain Richard et Michel Rocard qui, le 14 octobre 2010, publièrent une tribune dans laquelle ils constataient deux évolutions profondes de la scène mondiale qui obligeaient le réexamen du rôle de l’arme nucléaire pour demain : « D’une part, la variété des conflits après la fin des blocs offre beaucoup moins de prise aux mécanismes de la dissuasion. Beaucoup des acteurs y sont engagés avec des objectifs purement locaux, ne se rangent aux pressions d’aucune puissance globale et n’atteignent pas les intérêts vitaux des puissances nucléaires. Celles-ci ont opté durablement pour des politiques coopératives dans leurs rapports mutuels. Les seuls porteurs d’une contestation globale sont des acteurs non étatiques tentant de répandre leur fondamentalisme. La pertinence stratégique de la dissuasion connaît des « angles morts » de plus en plus larges.
« D’autre part, l’instrument de régulation constitué par les accords anti prolifération à partir du traité de 1968 a perdu de son efficacité. Il a pu, voici deux ou trois décennies, amener certains Etats à ne pas acquérir l’arme nucléaire ou à s’en défaire. Mais les engagements des puissances nucléaires qui fondaient l’équilibre du système n’ont pas abouti. Israël, l’Inde et le Pakistan sont entrés dans le « club » sans résistance, le règlement des crises régionales les plus aiguës n’a pas été obtenu et les détenteurs de l’arme n’ont fait que des progrès limités dans le processus de désarmement auquel ils avaient souscrit. » (54)
Votre rapporteur tient également à citer M. Paul Quilès, ancien ministre de la défense et président de la commission de la défense de l’Assemblée nationale de 1997 à 2002. Dans un récent ouvrage, il se demandait comment il était possible de « répéter sans sourciller que la dissuasion nucléaire est une sorte «d’assurance-vie» ou qu’elle «garantit l’intégrité de notre pays» ? » à une époque où l’état des risques et des menaces n’a plus rien de commun avec ce qu’il était dans la période de la guerre froide et où les menaces qui trouvent leur origine dans des conflits locaux « ne peuvent être contrecarrées par la menace d’emploi de l’arme nucléaire, et se situent en conséquence dans les « angles morts » de la dissuasion » (55).
Ces prises de position de personnalités ayant exercé des responsabilités parmi les plus élevées au sein de la République ne peuvent laisser indifférents, même si, bien évidemment, on peut leur opposer des arguments contraires parfaitement valables, en particulier celui de la nécessité de se prémunir contre toute les tentatives de chantage exercées contre la France visant à paralyser notre liberté de décision et d’action, un cas de figure que la prolifération des armes de destruction massive aujourd’hui rend parfaitement plausible.
● La dissuasion et la défense antimissiles :
Le développement de programmes de défense antimissile à l’initiative des États-Unis et dans le cadre de l’OTAN est une donnée à prendre en compte au moment de se pencher sur notre outil de dissuasion.
La défense antimissile de l’Alliance atlantique recouvre aujourd’hui deux réalités complémentaires : une défense antimissile de théâtre, dont le but est la protection des forces de l’OTAN déployées au cours d’opérations militaires, afin de garantir notre liberté d’action collective et une défense antimissile dite de territoires, dont l’objectif est de renforcer la protection de l’ensemble des populations, du territoire et des forces des pays européens de l’OTAN contre les menaces croissantes qu’engendre la prolifération des missiles balistiques.
La France souhaite encadrer ces développements de plusieurs façons : maintien d’un strict contrôle politique sur le système de l’Alliance ; effort raisonnable et partagé avec les alliés ; priorité donnée par la France à la défense antimissiles de théâtre et l’alerte avancée ; souhait de favoriser l’implication de l’industrie européenne. Surtout, la défense antimissile doit être une capacité, purement défensive, qui ne saurait se substituer à la dissuasion mais peut, contre une menace balistique limitée, jouer un rôle complémentaire. La défense antimissile balistique doit donc être une protection complémentaire contre des menaces et non une substitution à la dissuasion nucléaire. C’est là un point de vue que ne partagent pas certains de nos alliés comme l’Allemagne – ou, du moins, certains en Allemagne – pour qui la défense antimissile pourrait constituer à terme un substitut à la dissuasion nucléaire.
● Un budget conséquent :
Les crédits dédiés à la dissuasion sont importants. Dans le projet de loi de finances pour 2014, ils s’élèvent à 3,1 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 3,5 milliards en crédits de paiement au total, en incluant les crédits de tous les programmes de la mission « Défense ». Le programme 146 « Équipement des forces », principal programme qui porte la dissuasion, y consacre 2,4 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 1,9 milliard en crédits de paiement. Financièrement, en 2014, les opérations les plus importantes seront le maintien de la crédibilité technique de la dissuasion (56) (653 millions d’euros), la simulation (562 millions d’euros) et le missile M51 (498 millions d’euros).
Ces dépenses sont lourdes. Dans une situation budgétaire tendue comme c’est le cas aujourd’hui, elles peuvent légitimement susciter un débat.
● Des forces conventionnelles sacrifiées ?
Nombreux sont ceux pour qui les forces de dissuasion, du fait qu’elles représentent un coût fixe intangible, nuisent budgétairement aux programmes d’équipement conventionnels.
L’argument peut se comprendre. Il n’est d’ailleurs pas anodin de constater que, sans doute en raison de la grande attention dont ils font l’objet, les programmes en matière d’armement nucléaire sont toujours respectueux des calendriers, des délais et des coûts.
À un moment où nos armées s’apprêtent à subir une nouvelle vague de réformes conduisant à une réduction de leur format, une redéfinition des contrats opérationnels et une baisse des effectifs, il est tentant de voir dans les crédits de la dissuasion une solution qui permettrait de contourner les difficultés et d’améliorer le sort des unités conventionnelles.
À ce type d’argument peut bien naturellement être opposé celui que la fin de la dissuasion ne signifierait pas que les crédits auparavant affectés à celle-ci profiteraient automatiquement au reste des forces armées. Il est aussi possible d’évoquer l’« effet dimensionnant » des forces nucléaires puisque leur mise en œuvre requiert des moyens dont la finalité n’est pas uniquement la dissuasion. Votre rapporteur songe notamment aux avions ravitailleurs dont la mission première est de permettre la projection des avions de la force aérienne stratégique mais qui servent également dans des missions classiques comme en Libye ou au Mali. Il est aussi possible de citer notre flotte hauturière qui est en grande partie dessinée et conçue pour permettre la permanence à la mer des SNLE. Par conséquent, « l’existence de la force de dissuasion structure la quasi-totalité de l’outil de défense français (...) La disparition de ces armes impliquerait de nouveaux choix capacitaires » (57) même si en sens inverse, et au regard des difficultés que rencontrent les forces conventionnelles, on peut également penser que « sanctuariser le nucléaire, c’est condamner la dissuasion » (58), étant donné qu’une « dissuasion qui n’est pas accompagnée par une véritable capacité conventionnelle de masse perd sa crédibilité et donc de son efficacité » (59).
Les considérations de coût et d’utilité développées par votre rapporteur conduisent certains à penser qu’il serait possible d’engranger des économies en supprimant l’une des deux composantes des forces nucléaires. Telle est, par exemple, l’opinion de M. Hervé Morin, ministre de la défense de 2007 à 2010 pour qui il serait possible de se passer des forces aériennes stratégiques.
Ce point de vue est soutenu par divers précédents historiques. Notre pays a déjà connu, par le passé, la réduction du nombre de ses composantes avec le démantèlement des missiles nucléaires sol-sol du plateau d’Albion, décidé en 1996 par le président Chirac et achevé en 1998. De même, le Royaume-Uni, pays avec lequel la France partage une approche similaire de la dissuasion, a renoncé depuis 1998, à sa composante aérienne. La force de dissuasion nucléaire britannique est désormais uniquement constituée de quatre SNLE de classe Vanguard.
Un des arguments parfois avancé pour justifier que la composante aérienne de la dissuasion soit écartée est sa vulnérabilité, contrairement à une composante océanique dont le principal avantage est de donner au pouvoir politique la certitude quasi-absolue d’une possibilité de frappe en second. Assurément, la mise en œuvre de la force aérienne stratégique est moins discrète qu’un sous-marin nucléaire en patrouille. Mais plaider dans ce sens conduit à oublier que « l’existence de la composante aérienne permet au contraire de donner un signe visible de notre détermination politique, si nécessaire en organisant des manœuvres démonstratives, en appui de la manœuvre diplomatique lors d’une crise. (…) Cette composante autorise également des frappes de précision sur des objectifs qui pourraient être des centres de pouvoir et de décision politiques ou militaires, et donner ainsi un « ultime avertissement ». L’utilisation de cette composante peut servir utilement à dissuader des États belliqueux, non dotés d’armes nucléaires. » (60).
Il y a aujourd’hui près de 200 armes nucléaires tactiques (61) américaines en Europe, réparties sur six bases de l’OTAN (62) et mises en œuvre, sous un mécanisme dit de « double clef », par les avions allemands, belges, néerlandais, italiens et turcs.
L’avenir de ces armes est incertain et la question de leur retrait se pose régulièrement. Les opinions publiques n’apprécient pas toujours leur présence toute proche et voient là un risque élevé en cas d’attaque terroriste. Les gouvernements et les parlements eux-mêmes ont pu émettre des réserves comme au moment de la revue de la posture nucléaire de l’OTAN, en 2010, lorsque l’Allemagne appela au retrait des armes nucléaires tactiques de son territoire et lorsque le parlement des Pays-Bas vota une résolution ayant le même objet. En outre le renouvellement prochain des flottes de chasseur-bombardiers mettant actuellement en œuvre les armes nucléaires tactiques implique des coûts et des décisions difficiles à assumer. Par exemple, doter l’Eurofighter allemand – initialement conçu comme un pur intercepteur – de capacités nucléaires est estimé à 300 millions d’euros. On voit mal le Bundestag y consentir (63).
Or, « dans l’hypothèse où l’Allemagne opterait en faveur d’un retrait des armes nucléaires tactiques de son territoire, il est très probable que les Pays-Bas et la Belgique suivraient, laissant seules l’Italie et la Turquie en charge du fardeau nucléaire de l’OTAN en Europe. Une telle hypothèse ne risquerait-elle pas de conduire à un abandon pur et simple des armes nucléaires tactiques en Europe, hors Turquie, laissant la charge aux Etats-Unis seuls de garantir le fait que l’Alliance resterait malgré tout « nucléaire » ? » (64).
Pour le moment, ce « parapluie nucléaire tactique » éloigne la France de pressions européennes et internationales pour une diminution de ses capacités nucléaires, voire tout simplement, pour son abandon. Mais si les armes nucléaires tactiques devaient disparaître en Europe, la France et le Royaume-Uni se retrouveraient isolés, alors même que la situation de ce dernier soulève de nombreuses interrogations. Car si l’attachement britannique à la dissuasion a été confirmé encore récemment par le Premier ministre David Cameron, la décision définitive de poursuivre le programme nucléaire n’est pas encore prise et devrait intervenir en 2016, après les élections législatives prévues sen 2015. Votre rapporteur tient par ailleurs à rappeler que la base des SNLE britanniques est située à Faslane, en Ecosse. C’est là un élément à prendre en compte à quelques mois du référendum sur l’indépendance de cette dernière, prévu en septembre 2014. En cas de victoire du « oui » – qui, certes, n’a pas la faveur des sondages pour le moment – les autorités écossaises demanderaient le départ des Trident, portant un coup très dur à la crédibilité de la dissuasion nucléaire britannique.
La plupart des questions que votre rapporteur vient d’évoquer ne font quasiment pas l’objet de débats, aujourd’hui en France. La commission chargée d’élaborer le dernier Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, par exemple, n’a pas eu à en débattre, le chef de l’Etat, dans la lignée de ses prédécesseurs, ayant préalablement « confirmé le maintien de la stratégie de dissuasion nucléaire » (65), y compris dans sa dimension duale, une décision qu’il avait annoncée bien avant son élection, dès décembre 2011.
La prééminence du Président de la République en matière de dissuasion (66) est aisément compréhensible. Elle est sans doute la traduction ultime de ses attributions constitutionnelles de « garant de l’indépendance nationale » et « de l’intégrité du territoire ». Elle participe aussi à la crédibilité de notre dissuasion puisque celle-ci repose sur un processus décisionnel sûr et clairement défini permettant une réaction immédiate.
De même, on ne saurait remettre en cause l’incertitude qui prévaut dans ce domaine. « Un certain degré d’incertitude est inévitable et inhérent aux stratégies de dissuasion » (67). C’est pour cela que les cas dans lesquels notre pays pourrait recourir à l’arme atomique n’ont jamais été précisément énoncés. « Il appartiendrait au Président de la République d’apprécier l’ampleur et les conséquences potentielles d’une agression, d’une menace ou d’un chantage insupportables à l’encontre de ces intérêts ». Assurément, « c’est la responsabilité du chef de l’Etat d’apprécier, en permanence, la limite de nos intérêts vitaux. L’incertitude de cette limite est consubstantielle à la doctrine de dissuasion » (68).
Il en va de même de l’indispensable haut degré de discrétion qui entoure la dissuasion. Nombre d’informations sont strictement protégées par les règles du « secret défense ». Cela limite bien évidemment le contrôle que les parlementaires peuvent exercer mais est inévitable. Demander un débat sur la dissuasion ne veut pas dire discuter publiquement du quotidien de celle-ci, du parcours de patrouilles du SNLE ou des performances exactes des missiles ASMP emportés par les Rafale !
En tout état de cause, cette prééminence du chef de l’État, cette confidentialité de nombreuses informations et la nécessaire incertitude qui entoure la dissuasion, conduisent trop souvent à considérer, à tort, que cette dernière ne doit et ne peut être débattue. On se retranche alors derrière l’évidence d’un dogme établi et on recourt à l’invective pour décrédibiliser ses interlocuteurs. Votre rapporteur en a d’ailleurs fait la désagréable expérience lorsqu’il tenta de soulever divers sujets relatifs à la dissuasion lors de l’audition du ministre de la défense, M. Jean-Yves Le Drian, par la commission de la défense nationale et des forces armées, le 2 octobre dernier. Et que dire de la réaction d’un de nos collègues qui, lors de l’examen, en séance, des crédits de la défense pour 2014, en réponse à un orateur ayant rappelé les positions des généraux Norlain et Desportes sur la pertinence de la dissuasion nucléaire, n’a rien trouvé de mieux à dire que si ces deux personnalités « avaient été de bons militaires, cela se saurait » ? (69)
Il ne faut pas avoir peur de débattre de la dissuasion. Notre stratégie peut et doit faire l’objet d’un débat public sur sa pertinence, sa crédibilité et ses évolutions.
Votre rapporteur le dit d’autant plus aisément qu’à titre personnel, il tient à notre dissuasion nucléaire, un outil strictement défensif, reposant sur un principe de stricte suffisance qui explique, notamment, que nous ne possédions plus de composante terrestre et que nous maintenions une posture exemplaire depuis près de vingt ans avec l’arrêt de la production de matière fissile et de tous les essais nucléaires et que nous ayons signé l’ensemble des traités de maîtrise des armements et de lutte contre la prolifération.
Ceux qui sont favorables à la dissuasion doivent soutenir l’idée d’un débat sur celle-ci. Si l’on souhaite le consensus dans notre pays sur les forces nucléaires, il doit reposer sur des arguments solides qui ne pourront convaincre qu’à l’issue d’un nécessaire débat où toutes les positions auront pu s’exprimer et où chacun aura pu montrer la valeur de ses arguments. Rien ne serait pire que de disposer d’armes nucléaires sans savoir pourquoi, en maniant des concepts erronés ou dépassés.
Et puis, le débat doit également servir à anticiper.
Anticiper les difficultés comme lors de l’échec du tire d’un missile M51, en mai dernier, au large du Finistère, à propos duquel une grande partie de la presse s’étonna du coût de la dissuasion en omettant de remettre en perspective les enjeux en présence.
Anticiper également les échéances puisque notre pays va devoir, dans les années qui viennent, prendre des décisions lourdes pour poursuivre la modernisation et le renouvellement de notre outil de dissuasion. Votre rapporteur songe notamment au lancement de la troisième génération des SNLE dont les études préalables ont déjà commencé et dont le premier exemplaire pourrait entrer en service en 2030, permettant ainsi un « tuilage » adéquat avec la fin du programme des SNA de la classe Barracuda. Dans un contexte budgétaire tendu, le coût de cet effort de renouvellement risque d’être moins accepté que par le passé, rendant plus que nécessaire la tenue d’un débat avant que nous ayons à discuter la prochaine loi de programmation militaire qui sera décisive sur nombre de sujets touchant à la dissuasion.
Votre rapporteur ne saurait conclure ce plaidoyer en faveur d’un vrai débat national sur la dissuasion sans rappeler la réponse du ministre de la défense à une de ses questions, le 2 octobre dernier : « que vous preniez l’initiative d’une réflexion sur la nature de la dissuasion dans un environnement de prolifération et dans un contexte d’après-guerre froide ne me dérange pas » (70).
Assurément, plusieurs hauts responsables de notre défense nationale ont compris l’intérêt d’un tel débat et sont même demandeurs.
Il nous appartient, désormais, de profiter des quelques années à venir avant la préparation du prochain Livre blanc, pour lancer une réflexion utile sur le sujet. A nous de trouver le moyen le plus approprié. Doit-on envisager un débat en séance publique, ce qui serait l’occasion de donner une visibilité sans précédent à notre initiative ? Pourrait-on imaginer la création d’une mission d’information non au sein d’une seule commission mais dans un cadre plus large tel celui des missions créées par la conférence des présidents, et ce, afin de diversifier les points de vue ? Votre rapporteur constate que plusieurs options sont, aujourd’hui, possibles. Mais, en tout état de cause, le moment est venu d’ouvrir le débat et de confronter nos regards sur notre dissuasion, alors même que l’année 2014 correspondra au cinquantenaire de la force aérienne stratégique.
Le cyberespace dépasse aujourd’hui très largement le monde de l’internet et s’immisce dans toutes les activités de nos sociétés modernes, tout en gommant les frontières traditionnelles (physiques, organisationnelles, temporelles…). Il est à la fois un espace d’échange créateur de richesses mais aussi générateur de fortes vulnérabilités. Il est devenu un lieu de confrontation entre de très nombreux acteurs (individus, activités, criminelles, organisations, services, gouvernements…) sur lequel les États tentent de rétablir une part de souveraineté et voient en lui, une zone privilégiée pour conduire des actions indirectes et discrètes au service de leur stratégie.
L’actualité récente ne fait que confirmer ce constat (71) :
- les révélations d’Edward Snowden au sujet des programmes de surveillance et de renseignement à très grande échelle opérés par la National Security Agency (NSA) américaine a rappelé, de manière spectaculaire, la place centrale des technologies de l’information et de communication dans les domaines du renseignement et de la défense ;
- le conflit syrien illustre l’accroissement de la composante cyber dans les conflits actuels : d’un côté les Etats-Unis ont considéré l’éventualité d’utiliser des cyberattaques contre les systèmes d’information syriens afin de paralyser les forces du régime de Bachar el-Assad ; de l’autre, un groupe de combattants non-étatiques se faisant appeler la « Syrian Electronic Army » agit en représailles aux actions contre le régime en piratant des sites de médias étrangers et en diffusant une propagande pro-Assad ;
- les accusations de cyberespionnage de masse opéré par la Chine contre les industries américaines mettent en exergue la vulnérabilité des secteurs du commerce international et de l’économie.
Le Livre blanc de 2008 a mis en évidence le besoin de se doter d’une capacité nationale de prévention et de réaction à des attaques informatiques sur les systèmes d’information et infrastructures d’importance vitale pour la Nation.
La stratégie nationale en matière de sécurité des systèmes d’information, élaborée par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) a été approuvée au printemps 2010. Ce document, couvert par le secret de la défense nationale, vise à atteindre quatre objectifs :
- la protection de l’information de souveraineté de l’État, notamment par l’élaboration de produits de sécurité adaptés et la mise en œuvre des réseaux nécessaires ;
- la sécurisation des systèmes d’information des entreprises les plus sensibles, et singulièrement de ceux des « opérateurs d’importance vitale » ;
- l’accompagnement du développement de la société de l’information en favorisant sa sécurité ;
- enfin, le positionnement de la France comme nation majeure en matière de cyberdéfense.
Fort de ce constat de base, le Livre blanc de 2013 a donné une importance beaucoup plus grande à la cyberdéfense en insistant sur la « cybermenace », qui constitue « une menace majeure, à forte probabilité et à fort impact potentiel ». Il annonce également que la cyberdéfense « fera l’objet d’un effort marqué, en relation étroite avec le domaine du renseignement ».
Le projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 s’inscrit logiquement dans la continuité de ce Livre blanc. Il se fixe ainsi comme objectif d’adapter le droit aux nouveaux défis de la cyberdéfense et de renforcer les moyens mis en œuvre sous l’autorité du Premier ministre pour assurer la sécurité des systèmes d’information stratégique. Il prévoit un effort marqué dans le développement des capacités de cyberdéfense militaire.
Le Livre blanc de 2013 a confirmé l’importance stratégique du cyberespace et a érigé la cyberdéfense comme une priorité nationale, en particulier la protection et la défense des systèmes d’information. Le projet de loi de programmation militaire contient un chapitre entier – le chapitre III – consacré à la protection des infrastructures vitales contre la cybermenace.
● La clarification des compétences au sein de l’État en matière de protection de la défense des systèmes d’information :
En l’état des dispositions législatives, aucune disposition ne prévoit expressément la compétence au sein de l’État en matière de protection de la défense des systèmes d’informations.
L’article 14 du projet de loi vient pallier ce vide juridique en attribuant au Premier ministre la charge de la définition de la politique en matière de défense et de sécurité des systèmes d’information, ainsi que de la coordination de l’action gouvernementale. Le Premier ministre dispose pour l’assister dans cette mission de l’ANSSI. Cette autorité nationale de défense des systèmes est rattachée au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).
● La lutte informatique défensive :
Aujourd’hui, le code pénal interdit de manière générale la pénétration de systèmes de traitement automatisé de données. Cette interdiction s’applique donc également aux agents des administrations compétentes de l’État. Pour répondre efficacement à une attaque informatique, il est cependant souvent nécessaire d’accéder au système d’information qui est à l’origine de cette attaque, soit pour neutraliser en neutraliser les effets, soit pour étudier son fonctionnement,
L’article 14 du projet de loi vise à rétablir une forme d’équilibre en permettant au défenseur d’accéder aux systèmes d’information participant à l’attaque, de collecter les données disponibles et de mettre en œuvre des mesures visant à neutraliser les effets recherchés par l’attaquant qui « porte atteinte au potentiel de guerre ou économique, à la sécurité ou à la capacité de survie de la Nation ».
Il permet également aux services désignés par le Premier ministre de détenir des programmes informatiques malveillants pour en observer le fonctionnement et en analyser le comportement.
● Les opérateurs d’importance vitale :
Il s’agit d’opérateurs « dont l’indisponibilité risquerait de diminuer d’une façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la Nation » selon les termes de l’article L. 1332-1 du code de la défense. Ces opérateurs d’importance vitale sont environ 250, issus du secteur public ou du secteur privé.
Le niveau de sécurité des systèmes d’information des entreprises et administrations désignées comme opérateurs d’importance vitale est en général très insuffisant pour leur permettre d’assurer leur mission dans des conditions de sécurité acceptables. Or, il est de la responsabilité de l’État de connaître le niveau de sécurité des systèmes d’information des infrastructures critiques de la Nation.
Aux termes de l’article 15 du projet de loi :
- le Premier ministre pourra imposer des règles de sécurité, organisationnelles ou techniques, susceptibles de renforcer la sécurité des systèmes d’information des opérateurs d’importance vitale. Il pourra ainsi, par exemple, imposer à un opérateur d’installer un dispositif de détection d’attaques informatiques. L’installation et l’exploitation des équipements de sécurité devront être effectuées par l’ANSSI elle-même ou des prestataires de confiance labellisés par elle et devront être effectuées sur le territoire national afin d’éviter toute interception ou compromission des données ;
- il est instauré une obligation de notification d’incidents affectant le fonctionnement ou la sécurité des systèmes informatiques des opérateurs d’importance vitale. Il en effet vraisemblable que lorsqu’un opérateur est attaqué à des fins d’espionnage, les opérateurs appartenant au même secteur d’activité d’importance vitale subissent également, souvent au même moment, les mêmes attaques. La notification à l’État de ces attaques pourra permettre l’information aux autres opérateurs du secteur concerné ;
- le droit pour le Premier ministre de procéder à des audits ou à des contrôles de leurs systèmes d’information est étendu à l’ensemble des opérateurs d’importance vitale ;
- en cas de crise informatique majeure, par exemple une infection virale destructive touchant les secteurs d’activité les plus sensibles qui exigeraient la mise en œuvre de contre-mesures dans des courts délais, le Premier ministre a la possibilité d’imposer des mesures techniques aux opérateurs concernés, par exemple une déconnexion de son système internet.
● Les équipements informatiques :
Actuellement, les opérateurs de télécommunication sont tenus de disposer de moyens d’interception afin de répondre, dans le cadre de la loi, aux réquisitions des magistrats pour des interceptions judiciaires, ou du Premier ministre pour les interceptions de sécurité. Les équipements conçus pour réaliser ces atteintes présentent un risque pour le respect de la vie privée. Ils ne peuvent donc être fabriqués, importés et détenus que sur autorisation délivrée par le Premier ministre.
Toutefois, les évolutions technologiques démontrent que de plus en plus d’équipements, sans être des moyens d’interception en eux-mêmes, possèdent des fonctions qui pourraient être aisément utilisées pour intercepter des données du réseau. Ainsi, les fonctions de duplication ou routage du trafic de certains équipements de réseau, configurables et accessibles à distance, sont susceptibles de permettre ces interceptions. Or, ces équipements ne sont pas actuellement soumis à l’autorisation précédemment évoquée par votre rapporteur, laquelle ne porte que sur « les appareils conçus pour réaliser les interceptions ».
Afin de mieux maîtriser le risque d’espionnage et d’assurer une plus grande sécurité des réseaux et des communications, l’article 16 du projet de loi prévoit l’extension de la délivrance d’une autorisation à l’ensemble des équipements susceptibles de permettre des interceptions.
● Accès aux coordonnés des utilisateurs d’internet pour les besoins de la sécurité informatique et renforcement de la sécurité juridique de la recherche :
Deux nouveaux articles ont été rajoutés au projet de loi de programmation militaire à l’issue de l’examen, par le Sénat, de ce texte.
L’article 16 bis vise à reconnaître la possibilité, pour les agents habilités et assermentés de l’ANSSI d’obtenir des opérateurs de communications électroniques l’identité, l’adresse postale et l’adresse électronique d’utilisateurs ou de détenteurs de systèmes d’information afin de les alerter sur la vulnérabilité ou la compromission de leur système.
L’article 16 ter vise à clarifier et à renforcer la sécurité juridique de l’activité de recherche comme celle de nombreuses entreprises industrielles ou de services qui détiennent ou utilisent des programmes, des équipements ou des instruments informatique, afin de développer des produits ou services de sécurité informatique.
2. Des interrogations quant au rôle de l’OTAN et à la mise en œuvre de capacités offensives en matière de cyberdéfense.
Les enjeux liés à la cybersécurité et à la cyberdéfense sont appelés à demeurer prioritaires sur l’agenda politique, militaire et stratégique. La France, dans ce domaine, a fait depuis quelques années des efforts pour garantir sa souveraineté et protéger le territoire et ses citoyens, et montre sa détermination à les poursuivre ainsi qu’à anticiper les problèmes d’avenir.
Le thème de la cyberdéfense a retenu l’attention de l’OTAN dès le Sommet de Prague de 2002, dont la déclaration finale préconisait un renforcement des capacités de l’Alliance contre les attaques informatiques. Les politiques de l’Organisation, qui couvrent les menaces de cyberattaques, ont notamment pour objectif de renforcer ses capacités à coordonner l’assistance aux allés subissant une attaque informatique d’importance, le cas échéant à l’aide d’équipes projetables.
Si, lors du dernier Sommet de Chicago de mai 2012, les chefs d’État et de gouvernement des pays de l’Alliance ont rappelé l’objectif d’une pleine capacité opérationnelle du centre de l’OTAN de réaction aux incidents informatiques d’ici la fin de l’année 2012, l’Alliance n’est pas complètement armée face à cette menace. Ce délai maintenant dépassé, il est clair qu’il faudra encore plusieurs années pour que l’objectif fixé soit pleinement atteint.
L’OTAN doit aussi déterminer quelle attitude collective adopter pour répondre à des cyberattaques lancées contre l’un des États membres. Plus précisément, la question de se pose de l’applicabilité de l’article 5 du traité de Washington en cas de cyberattaque. L’article 5 prévoit que si un Allié est victime d’une attaque armée, chacun des autres membres de l’Alliance considérera cet acte de violence comme une attaque armée contre l’ensemble des membres et prendra les mesures qu’il juge nécessaires pour apporter une assistance à l’Allié attaque.
L’Estonie – son administration, les banques, la presse… – fut victime d’une attaque informatique importante en 2007. Cette offensive se déroula sur plusieurs semaines avec des moyens suffisants pour saturer durablement les sites visés et causer un « déni de service » prolongé. La méthode adoptée était simple et efficace : elle consistait à connecter un maximum d’appareils à un même réseau afin de déclencher une saturation de celle-ci. Plusieurs responsables estoniens, établirent un parallèle entre la cyberguerre et des actes de terrorisme ou des blocus portuaires militaires qui pouvaient priver les pays d’une ouverture sur le monde. Cette analogie amène à se demander s’il ne faudrait pas placer les cyberattaques dans la même catégorie que les actes de guerre au sens conventionnel en leur appliquant l’article 5 du traité de Washington.
Il n’y a pas de réponse claire et certaine à cette question. L’état-major des armées semble estimer que l’article 5 pourrait s’appliquer au domaine de la cyberdéfense. Cependant, après les cyberattaques dont l’Estonie fut la victime, les membres de l’Alliance se sont basés pour définir les principes de la cyberdéfense au sein de l’OTAN sur la solidarité alliée et la reconnaissance de la souveraineté nationale. Autrement dit, ils se sont donné pour objectif commun de faire en sorte que tous les Alliés soient prêts et aptes à se maintenir mutuellement en cas de cyberattaque en développant leurs propres capacités de cyberdéfense. Les responsables de l’OTAN ont toutefois placé les mesures de la cyberdéfense de l’OTAN dans le contexte de l’article 4, selon lequel « les parties se consulteront chaque fois que, de l’avis de l’une d’elles, l’intégrité territoriale, l’indépendance politique ou la sécurité de l’une des parties sera menacée ». Le cadre légal semblerait donc être celui de la consultation. Enfin, et en tout état de cause, il est peut être nécessaire de rappeler que l’article 5 n’a été invoqué qu’une seule fois jusqu’à présent, au lendemain des attentats terroristes du 11 septembre 2001, en plus de soixante années de fonctionnement de l’Alliance…
En matière de lutte offensive, le Livre blanc de 2008 indiquait que la France se doterait de capacités cybernétiques offensives.
Le Livre blanc de 2013 confirme cette orientation et rappelle que « certains États développent des capacités informatiques offensives qui représentent déjà une menace directe contre des institutions, entreprises et secteurs clés pour la vie de la Nation ».
Comme a pu le souligner le contre-amiral Coustillière, officier général en charge de la cyberdéfense à l’état-major des armées, lors de son audition par votre rapporteur, il importe d’avoir à l’esprit que le cyberespace est un milieu à part entière, avec des « lois » propres, étrangères au monde réel et qui ont un impact sur les modalités d’action des capacités offensives. Par exemple, il est très difficile d’envisager une riposte immédiate dans le domaine informatique. Identifier une attaque prend du temps. Etablir avec certitude l’identité des agresseurs et mesurer l’impact que pourront avoir des représailles également.
Pour autant, le développement de capacités offensives est indispensable (72).
Il y a tout d’abord une raison technique : la défense est plus facile quand l’on connaît les méthodes et les moyens d’attaque, d’autant plus que de nombreux outils informatiques peuvent servir aux deux.
Il y a aussi une raison stratégique : le développement d’une telle capacité d’action offensive joue indubitablement un rôle dissuasif envers les agresseurs potentiels ;
Il y a enfin une raison prospective : le cyberespace est voué à jouer un domaine de lutte, au même titre que les autres milieux dans lesquels nos forces armées interviennent.
Il reste toutefois à identifier ou à définir une véritable doctrine française d’emploi des capacités offensives cybernétiques. Le développement de capacités offensives, que le projet de loi de programmation militaire envisage, nécessite un véritable effort non seulement opérationnel et technique, mais aussi et surtout un travail important sur la détermination de la doctrine de l’emploi d’une « arme informatique » (et sa définition) ainsi que les conditions concrètes et juridiques, en conformité avec les engagements internationaux et les valeurs de la France dans le cadre du droit des conflits armés. Cette détermination doit, dès aujourd’hui, faire l’objet d’une réflexion sur l’élaboration d’une telle doctrine ou, du moins, d’un discours éventuellement public sur l’importance et les modalités de mise en œuvre des capacités offensives en matière informatique.
Il convient aussi de s’interroger sur la publicité à donner à cette doctrine ou, tout au moins, à produire éventuellement un discours public autour de celles-ci. Si de larges pans de la cyberdéfense sont aujourd’hui hors du champ du débat public en raison du secret qui s’applique à eux, des questions fondamentales doivent trouver des réponses. « Qui peut autoriser une cyberattaque ? Dans quel cas le Président doit agir ? Quels devraient être les rôles respectifs du Président et des militaires ? Le centre de commandement doit-il intervenir de manière indépendante ou bien être intégré au sein du centre de planification et de conduite des opérations ? » (73). Nul doute que la réflexion autour de ces questions constituera un thème majeur de la définition de notre politique de défense d’ici la fin de la décennie.
Le projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 maintient un effort significatif en faveur de la défense, alors même que nous connaissons tous les contraintes qui pèsent aujourd’hui sur les finances publiques.
Au regard du contexte et des menaces qui pèsent sur la sécurité internationale, les orientations fixées préservent la capacité de notre pays à y faire face.
Néanmoins, pour conserver une telle ambition, il conviendra de veiller à ce que l’effort demandé aujourd’hui à nos armées ne soit pas amplifié. À cet égard, il est indispensable que la loi de programmation militaire soit parfaitement exécutée dans sa dimension financière mais aussi qu’une vigilance absolue soit tenue pour que le reclassement des militaires concernés par les restructurations à venir soit le plus efficace possible.
Au-delà, une nouvelle ère de débats entre l’exécutif et le législatif doit s’ouvrir sans tarder afin de préparer au mieux les échéances de l’après-2020, en particulier dans le domaine de la dissuasion.
C’est donc au bénéfice de ces observations que votre rapporteur recommande que la commission émette un avis favorable à l’adoption du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.
Au cours de sa séance du mardi 12 novembre 2013, la commission examine, sur le rapport de M. Gwenegan Bui, le projet de loi de programmation militaire 2014-2019.
Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.
M. Philippe Baumel. Vous avez évoqué les nécessités de rechercher un certain nombre d’économies. Je souhaiterais savoir si l’impact sur l’activité économique et industrielle de la baisse des commandes en matière de défense et notamment le fait d’en repousser un certain nombre a été évalué ? Va-t-il y avoir un impact sur des industries liées à l’armement ?
Mon autre question porte sur l’impact des économies sur les moyens projetés. Nous venons de traverser une période où l’armée française est intervenue fortement en Afrique. Voir diminuer nos effectifs de 30.000 à 15.000 hommes et nos avions de 70 à 45 unités m’inquiète en ce qui concerne nos capacités pour intervenir militairement.
M. François Loncle. J’aimerais remercier le rapporteur, dont le travail et le compte rendu sont à la fois précis et concis. Je voudrais vous poser deux questions. La question des drones, que vous avez évoquée, notre retard et les commandes en cours. Est-ce que, dans un délai proche, nos industries militaires seront capables de rattraper ce retard et de fabriquer des drones français ?
A la fin de votre propos, vous avez évoqué la nécessité d’un débat sur notre capacité nucléaire par rapport aux risques que vous avez énoncés, émis par un certain nombre de responsables dont un ancien ministre socialiste bien connu en s’appuyant sur les sondages et d’autres arguments. Je pense à la nécessité du débat à condition qu’il soit contenu et digne et que les Français soient en adéquation avec la poursuite de notre stratégie nucléaire.
Mme Nicole Ameline. Je souhaiterais remercier notre collègue. Je suis préoccupée par le récent sondage qui indique que les Français sont prêts à voir le budget de la défense réduit parmi l’ensemble des économies publiques à faire. Je pense qu’à la veille d’une année qui sera marquée par des commémorations extrêmement importantes, les enjeux stratégiques que notre rapporteur a rappelé en introduction de son propos sont essentiels : les risques, les menaces et les enjeux sont plus importants probablement que jamais. Ils ne sont pas à l’intérieur de l’Europe mais dans la périphérie immédiate pour certains et dans le monde globalisé pour les autres.
Dans cet esprit, je voudrais faire deux remarques. Lorsque vous dites « Pour la cyberdéfense, il faudra… », je pense qu’il faut, dès aujourd’hui, rattraper notre retard. La cybersécurité est probablement une clé de l’industrie à la fois civile et militaire. C’est un champ créateur à la fois de sécurité, cela va sans dire, mais également de ressources, d’emploi et d’indépendance nationale. Talleyrand disait : « Quand c’est urgent, c’est déjà trop tard ». Les Américains réagissent, eux, rapidement.
Je n’entrerai pas dans le débat sur la dissuasion nucléaire. Je pense simplement que le nouveau concept stratégique de l’OTAN a bien acté l’importance de ce point.
En troisième lieu, vous n’avez pas prononcé une seule fois le mot « Europe ». Est-ce que dans le cadre des partenariats européens pragmatiques, dont je ne sous-estime pas du tout la difficulté de l’exercice, à l’image de Lancaster House, n’est-il pas possible à l’Europe de mettre en œuvre une politique commune de sécurité ? Je doute que la France puisse, seule, assumer à terme non seulement sa sécurité mais aussi celle des Européens.
Mme la Présidente Elisabeth Guigou. Je vous rappelle que nous consacrerons bientôt une séance particulière à l’Europe de la défense.
Mme Chantal Guittet. Pour rebondir sur le partenariat européen, je voudrais d’abord savoir si le fait qu’on ait acheté des drones américains aura une incidence sur le fait d’avoir, plus tard, des drones européens.
Ma deuxième question porte sur les fermetures de sites. Il y a plusieurs sites qui vont être fermés et vous avez insisté sur le reclassement social du personnel, ce qui est important. Est-ce que le budget prévoit une restructuration de ces sites pour compenser la perte subie par les communes qui accueillaient ces militaires ?
M. Axel Poniatowksi. Personnellement, je ne vois pas comment nous pourrions approuver cette loi de programmation militaire. Elle acte un formidable décrochage de notre puissance militaire. La défense représente aujourd’hui 1,5% du PIB et on se dirige vers un taux de 1,3% en 2019, ce qui est un affaiblissement considérable. A terme, on va vers 1% du PIB, ce que nous reprochons collectivement à l’ensemble des pays de l’Union européenne. A ce niveau de moyens, nous ne sommes pas en mesure d’assurer notre défense or c’est le bras armé d’une politique étrangère digne de ce nom et nous vivons aujourd’hui dans un monde de plus en plus dangereux et instable. Diminuer ainsi les moyens alloués à la défense parait être une politique dangereuse à terme pour notre pays.
On sait bien que l’armée est essentiellement utilisée aujourd’hui non pour la défense de notre territoire mais pour les opérations extérieures. Or, je doute qu’avec des moyens tels que ceux décrits dans cette LPM nous puissions soutenir, à moyen terme, deux opérations extérieures de la France. Cela me parait improbable lorsque l’on voit la liste des équipements prévus. Je pense, par exemple, au nombre d’hélicoptères. On sait qu’ils sont en nombre insuffisants aujourd’hui et qu’ils seront encore moins nombreux en 2019. Cette loi m’inquiète beaucoup. Je pense que les arbitrages au niveau global du budget de la France ne vont pas dans le bon sens et, en tant que commissaire des affaires étrangères, je suis très inquiet par cette évolution, ou plutôt par cette diminution, des moyens alloués par la France à la défense.
M. Guy-Michel Chauveau. J’ai deux questions. La première est de savoir si le rapporteur ne pense pas que la prévision de 6,1 milliards d’euros de ressources exceptionnelles sur la période, n’est pas trop optimiste ?
Nos collègues du Sénat ont demandé plusieurs rapports d’étape. En lien avec la nouvelle diplomatie en Europe dans le domaine industriel (les initiatives de Lancaster House en Angleterre, la Déclaration de Weimar pour les Allemands), ne pourrions-nous pas, nous aussi, demander des rapports d’étape annuels dans la conduite du budget par l’exécutif ?
M. Jacques Myard. S’il est vrai qu’un certain nombre d’éléments prouvent que nous allons vers une rationalisation des choses avec la mutualisation, la baisse des commandes et programmes de recherche et développement sont préoccupants, de même que la baisse des effectifs. On joue avec le feu.
Je sais par ailleurs qu’au ministère de la défense on s’inquiète réellement du dialogue financier tenu avec Bercy. Mais on ne peut faire d’impasse sur ces questions-là car comme chacun sait il est difficile de remonter en puissance si on a perdu les capacités, surtout en matière de R&D. Les matériels qu’on commence à développer aujourd’hui ont été lancés dans les années 80, donc on ne peut faire l’impasse sur les lancements industriels des nouveaux programmes. Nous sommes les seuls en Europe à pouvoir encore réaliser un avion de chasse et nous devons tout faire pour conserver une industrie européenne d’armement crédible face aux velléités américaines qui souhaitent l’extinction de notre industrie militaire.
Dans les années à venir, je crains que nous ne dispositions que des moyens satellitaires de connaître les dangers qui nous guettent, mais nous n’aurons plus les moyens de réagir. Je lance un cri d’alarme à la simple idée que nous puissions en arriver dans quelques années à des dépenses militaires équivalentes à 1.3% du PIB. Nous sommes à l’étiage.
M. Serge Janquin. Cet excellent rapport ne masque rien des contraintes dans lesquelles nous nous trouvons. Je me félicite que le rapporteur ait l’ambition de poser clairement les données d’un débat, nécessaire, sur l’évolution de notre dispositif de dissuasion nucléaire. Par ailleurs, il ne serait pas inutile que nous ayons une réflexion, malgré l’affaire récente du Mali qui a mis en évidence les risques auxquels nous sommes confrontés, sur l’avenir de certaines de nos bases militaires en Afrique. Nous devons également nous interroger sur la capacité de mener, avec ou sans l’Europe, de telles opérations. Et surtout peut être devrions-nous faire porter à l’Europe un peu plus de sa part du fardeau. Voilà la réflexion que je suggère à notre rapporteur.
M. Gwenegan Bui, rapporteur. L’impact de la baisse des commandes sur le coût unitaire des matériels est bien réel et ancien. Je rappelle que la dernière LPM a fait glisser les investissements de 4 milliards d’euro. Donc on étire les délais de construction, et on ne peut pas faire d’économies d’échelle. Pour que cette LPM soit tenable, on doit pouvoir s’appuyer sur des grands contrats d’export, notamment pour le Rafale, et cela à des conséquences importantes sur la crédibilité de l’ensemble de l’équilibre budgétaire de la LPM. Sur l’impact économique de la diminution des moyens de projection, cette LPM a le mérite d’être réaliste. On s’est trop longtemps caché derrière les missions de Petersberg et les grandes déclarations, mais on a souvent été en difficulté lorsque l’OTAN, par exemple, nous demandait d’envoyer tel ou tel équipement sur zone alors même qu’il n’existait que sur le papier. Cette LPM dit la vérité. Elle dit notre capacité à projeter et notre volonté à faire comme nous avons pu le montrer avec Serval.
Sur les drones, depuis 15 ans, on se confronte à l’incapacité des industriels de s’accorder. Conflit après conflit, on s’est retrouvé à devoir aller voir les Etats-Unis ou le Royaume-Uni pour « avoir des yeux ». Cette situation n’était plus tenable et le ministre M. Le Drian a pris la décision d’acheter des drones américains sur étagère pour remédier à nos lacunes immédiates. Parallèlement, un « club » de pays utilisateurs vient de se constituer pour travailler sur un projet de drone européen MALE ayant pour échéance de mise en service, l’horizon 2025.
Sur la dissuasion, j’estime que notre capacité nucléaire est nécessaire et fondamentale. Pendant 50 ans on a accepté des décisions du chef de l’Etat s’imposant à tous. Aujourd’hui, à chaque fois qu’on parle de la LPM, j’entends dire qu’on pourrait se passer de la deuxième composante, qu’on pourrait se passer de tel sous-marin nucléaire lanceur d’engin. Or ces opinions reflètent plus une réflexion budgétaire que stratégique. D’autres nations font un effort de transparence, le Pentagone par exemple remet au Congrès un document sur les capacités et besoins en terme nucléaire. Au XXIème siècle, on est dans l’obligation de faire ce travail. Sans donner de détail stratégique, nous devons discuter de l’intérêt et du maintien de la force nucléaire française au risque de se retrouver face à une opinion publique qui rejettera cette arme nucléaire. On doit rappeler à l’opinion publique les difficultés du contexte stratégique et les difficultés de la mondialisation.
Sur les menaces, elles sont réelles. Si on n’avait pas un certain nombre de mouvements de troupes russes, beaucoup d’Etats européens n’auraient pas eu la prise de conscience de la nécessité d’avoir une réelle Europe de la défense. L’histoire récente peut encore inquiéter et cette inquiétude pourrait être le facteur du développement européen des questions de sécurité. Le Conseil européen de décembre pourrait être l’occasion de relancer un dossier qui patine depuis 10 ans. Il nous faut prendre en compte l’environnement proche et les menaces sur l’Asie, car un conflit en mer de Chine pourrait avoir des déflagrations sur toute l’économie européenne. Les diplomaties individuelles ne serviront à rien, nous devons avoir un message unique et fort pour peser sur les crises internationales.
Sur la cyberdéfense, sommes-nous en retard ? Oui et non. Des améliorations ont été apportées entre les deux lois de programmation militaire. Il y a eu une mobilisation sur les crédits, sur le numérique, les effectifs également comme sur les capacités offensives et défensives. Si l’on fait la comparaison avec les Etats-Unis, le ratio est de 1 à 100. La situation est d’autant plus inquiétante que c’est la même chose en ce qui concerne l’UE, à part quelques pays comme le Royaume-Uni. Quant à l’Allemagne, elle est le bon élève de l’Europe, mais en matière de cyberdéfense, elle n’en est qu’aux balbutiements. On ne constate pas de volonté de partenariat au sein de l’Europe, tout le monde reste sur son pré carré, alors qu’il faudrait développer les capacités de mutualiser nos efforts vis-à-vis des Etats-Unis, de la Chine, de la Russie, pour avoir une capacité de défense de nos intérêts stratégiques.
Quant à la question des partenariats stratégiques, il y a l’exemple de Lancaster House, qui marche bien. Il marque en effet notre relation traditionnelle avec le Royaume-Uni et notre volonté de travailler en commun. Mais cela n’est pas exclusif : l’exemple de la relation que nous développons aujourd'hui avec la Pologne est remarquable. Elle se traduit notamment par des rencontres régulières, au cours desquelles nous mettons en commun des moyens, des stratégies, des analyses. Aujourd'hui, des manœuvres communes sont effectuées sous l’égide de l’OTAN. L’exercice qui a été organisé la semaine dernière avec la participation de 1500 soldats français, alors qu’il n’y avait que 250 militaires américains, a été particulièrement bien perçu, alors même qu’il n’y avait pas d’Allemands. Cela devrait permettre des avancées bilatérales et de progresser sur des positions communes avec le Royaume-Uni dans la perspective du prochain Conseil européen.
La fermeture des sites est toujours un drame social, pour les familles, les emprises. Le « Fonds pour les Restructurations de la Défense » a été reconstitué à hauteur de 150 millions, pour venir en soutien des collectivités territoriales ; cela est confirmé dans la LPM.
M. Poniatowski s’est inquiété de l’affaiblissement de notre pays et des risques de déclassement. Je ne partage pas cette crainte. La LPM dit la vérité sans annoncer de chiffres non soutenables. Encore une fois, il reste 4 milliards de la précédente loi, non exécutés. Il faut combler les manques. La stratégie du ministre de la défense est de ne rien couper. Il y a un repli sur le dispositif numérique mais ce sont quelque 17 milliards par an d’investissements pour les équipements, qui sont injectés, sans se couper de rien, auxquels s’ajoutent près de 4 autres milliards en R&D, qui permettront à nos usines et nos laboratoires de travailler pour le futur.
Le Sénat a essayé de sécuriser les ressources exceptionnelles, faiblesse des LPM. Le ministre a pris divers engagements à ce sujet pour les sécuriser, mais s’il n’y a pas de suivi budgétaire de notre part à l’euro près, ce sera difficile. Vis-à-vis de Bercy, on sera toujours dans le gel, le surgel budgétaire et l’on manquera finalement toujours de moyens. Il nous faut nous mettre en situation de rapport de force avec Bercy pour aider le Gouvernement. Il faut aider la France à préserver son outil de défense. Il nous faut unir nos forces pour éviter de voir les inspecteurs généraux des finances prendre le pas sur les généraux. Sur le nucléaire, il ne serait pas compréhensible que nous n’ayons pas de débat sur ces questions au cœur de l’actualité.
Mme la Présidente Elisabeth Guigou. Je remercie le rapporteur pour son très bon rapport, riche, précis et concis.
La commission émet un avis favorable à l’adoption du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014-2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.
Mardi 17 septembre 2013
M. Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS)
M. Jean-Pierre Maulny, directeur-adjoint de l’IRIS
Mercredi 2 octobre
M. Camille Grand, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS)
M. Etienne de Durand, directeur du Centre des études de sécurité de l’Institut français des relations internationales (IFRI)
Jeudi 10 octobre
Contre-amiral Arnaud Coustillière, officier général cyberdéfense à l’état-major des armées
Lieutenant-colonel Patrice Tromparent, état-major des armées, cellule cyberdéfense
Mercredi 16 octobre
M. Bruno Tertrais, maître de recherche, Fondation pour la recherche stratégique (FRS)
M. Jean-Claude Mallet, conseiller auprès du ministre de la défense
M. Nicolas Roche, conseiller diplomatique du ministre de la défense
Mardi 5 novembre 2013
Son Exc. M. Tomasz Orłowski, ambassadeur de Pologne en France
Mme Joanna Pawełek-Mendez, premier secrétaire, ambassade de Pologne en France
Votre rapporteur a, par ailleurs, participé aux auditions, par la commission de la défense nationale et des forces armées, de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, et de l’Amiral Edouard Guillaud, chef d’état-major des armées, respectivement les 2 et 3 octobre derniers.
© Assemblée nationale