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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 novembre 2013
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE LOI, après engagement de la procédure accélérée, de programmation pour la ville et la cohésion urbaine (n° 1337 rect.)
PAR M. Philippe BIES
Député
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Voir les numéros : 1337 rect., 1542 et 1554.
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 5
1. Faire ville signifie faire société 5
2. Une nouvelle étape de la politique de la ville afin de répondre à la persistance des inégalités territoriales 8
3. Les travaux de la Commission du développement durable 9
TRAVAUX DE LA COMMISSION 11
Article 1er : Cadre général et objectifs de la politique de la ville 25
Après l’article 1er 31
Article 2 : (articles 6, 7, 9-1 à 9-3 [nouveaux], 10-3 [nouveau], 11 et 12 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003) : Programme national de renouvellement urbain 33
Après l’article 2 40
Article 3 : Rapport au Parlement sur la dotation « Politique de la ville » 40
TITRE II : DES INSTRUMENTS ET DE LA GOUVERNANCE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE 43
Chapitre 1er – De la géographie prioritaire 43
Article 4 : Définition des quartiers prioritaires de la politique de la ville 43
Chapitre II – Des contrats de ville 45
Article 5 : Contrats de ville entre l’État et les collectivités territoriales 46
Chapitre III – De la gouvernance de la politique de la ville 50
Article 6 (article 21 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris) : Prise en compte de la politique de la ville dans les contrats de développement territorial 51
Article 7 : Observatoire national de la politique de la ville 52
Article 8 (articles L. 1111-2, L. 2313-1, L. 5214-16, L. 5214-23-1, L. 5215-20-1et L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales) : Meilleure prise en compte de la politique de la ville 52
Article 9 (article 1609 nonies C du code général des impôts) : Obligation d’instituer une dotation de solidarité communautaire 54
TITRE III : DISPOSIONS DIVERSES, FINALES ET TRANSITOIRES 54
Article 10 (articles L. 313-3, L. 441-3, L. 442-3-1, L. 442-3-3, L. 482-1 et L. 482-3 du code de la construction et de l’habitation) : Surloyers dans les quartiers quittant la géographie prioritaire 54
Article 11 (article L. 131-4-2 du code de la sécurité sociale) : Suppression d’une référence aux zones de redynamisation urbaine 55
Article 12 (Article 722 bis du code général des impôts) : Suppression d’une référence aux zones de redynamisation urbaine 55
Article 13 : Dispositions spécifiques à Saint-Martin 56
Article 14 : Dispositions spécifiques à la Polynésie française 56
Article 15 : (articles L. 441-3, L. 442-3-1, L. 482-1, L. 442-3-3 et L. 482-3 du code de la construction et de l’habitation, articles 1388 bis et 199 undecies A du code général des impôts, article L. 5125-11 du code de la santé publique, articles L. 632-6 et L. 634-2 du code de l’éducation, articles L. 5134-100 et L. 5134-102 du code du travail, article L. 132-4 du code de la sécurité intérieure, loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine) : Harmonisations rédactionnelles 56
Article 16 : (article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire) : Harmonisations rédactionnelles 57
Article 17 : (loi n° 91-662 du 13 juillet 1991 d’orientation pour la ville, loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville, loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, article 1518 A ter du code général des impôts, articles L. 2334-40 et L. 2334-41 du code général des collectivités territoriales) : Abrogations consécutives aux articles précédents 57
Article 18 : Entrée en vigueur 58
Titre du projet de loi 58
Dix ans exactement après la loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, le présent projet de loi marque la volonté du Gouvernement d’engager une nouvelle étape de la politique de la ville : cible de critiques récurrentes, forte de succès indéniables, reconduite et améliorée au-delà des clivages partisans et des majorités successives, elle nécessite aujourd’hui une refondation.
À l’aune de cette ambition et en dépit de la concertation élargie organisée, au printemps dernier, par le ministre délégué à la ville François Lamy, votre rapporteur relève que, malgré les délais réduits pour formuler l’avis de la Commission du développement durable, un examen approfondi du projet de loi et l’adoption d’une série d’amendements tendant à améliorer le texte soumis à l’Assemblée nationale ont pu être réalisés.
Les positions de la commission du développement durable ont ensuite été défendues lors de l’examen du projet de loi par la commission des affaires économiques ; une fraction non négligeable de ses suggestions a été favorablement accueillie.
L’émergence du phénomène urbain remonte à plusieurs millénaires avant notre ère. Les villes apparaissent, il y a quatre à cinq mille ans, dans les régions fertiles et limoneuses de Mésopotamie, entre le Tigre et l'Euphrate. La révolution néolithique, la sédentarisation et le développement de l’agriculture ont permis de dégager des excédents de nourriture qui alimentent des regroupements de population libres de s’adonner à d’autres tâches que la culture des terres arables. Si la ville s’oppose à la ruralité, elle lui est aussi indéfectiblement liée dès l’origine.
L’espace urbain s’oppose, en effet, aux étendues agricoles. La fonction première de la ville consiste historiquement à protéger ses habitants des rigueurs du monde extérieur, de sorte que le monde urbain est avant tout un monde clos, symbolisé par le fossé ou le rempart qui le préserve du monde extérieur. Cette séparation est fondamentale car elle détermine la juridiction sur laquelle s’étendent les lois de la cité : c’est pour avoir bravé ce commandement que Remus est, suivant la légende de la fondation de Rome, exécuté par son frère Romulus. L’industrialisation et la croissance urbaine consécutive à l’exode rural ont conduit à abattre les remparts des villes occidentales, mais cette perception perdure dans l’imaginaire collectif et dans l’étymologie de la langue. La banlieue est bien le lieu où le droit de la cité ne s’applique plus ; urbain désigne à la fois l’habitant de la ville et la personne bien éduquée ; cité et civilisation partagent la même racine que citoyen.
Car l’espace urbain est aussi celui qui a permis l’émergence du fait politique, en réunissant des habitants suffisamment libérés des activités de production pour se pencher sur l’organisation sociale de la collectivité. C’est en ville qu’apparaît la notion d’espace public que symbolisent les bâtiments ouverts à tous dans une perspective politique, religieuse ou marchande ; c’est dans une capitale que le pouvoir s’incarne davantage que dans les caravanes des cours nomades médiévales. C’est également en ville que les rapports sociaux doivent être organisés pour le bien-être de tous et dans le respect de chacun, dans la mesure où la fracture géographique a tôt fait d’évoluer en fossé politique.
L’idée d’une politique de la ville nous paraît moderne. Elle est pourtant présente dès l’Antiquité, aussitôt qu’une agglomération cesse de réunir une seule famille élargie pour attirer plusieurs clans, plusieurs réseaux privés qui doivent se fondre en un projet commun. On ne peut évoquer la politique de la ville sans faire mention des réformes de Clisthène qui permirent à Athènes de cimenter son unité. Ce législateur du VIe siècle avant notre ère procéda à un découpage urbain conforme à des principes remarquables. En premier lieu, pour briser les clientèles archaïques, il divisa l’Attique sur une base géographique pour inscrire la communauté dans un territoire vécu plutôt que dans des solidarités claniques. En second lieu, il partagea la population en dix tribus auxquelles il attribua un référent mythique – les dix fameux héros éponymes. En troisième lieu, ces dix tribus s’établissaient chacune à la fois sur un espace urbain, l’astu, et sur un espace périurbain, la chôra, lui-même partagé entre campagne (mésogée) et littoral (paralie), de façon à toutes éprouver l’importance du lien entre la ville et les territoires qui assuraient sa subsistance. De ce brassage des populations naquit l’attachement à la cité et, finalement, le sens de l’intérêt général indispensable à la démocratie. À l’opposé d’Athènes, le système inégalitaire de Sparte ne parvint jamais à faire coexister pacifiquement ses citoyens et ses hilotes, populations asservies vouées au travail de la terre, et donc à faire pleinement société.
Cette vertu politique de la ville se poursuit tout au long de l’histoire de l’Europe occidentale. L’enchâtellement médiéval illustre le besoin de protection ; les chartes communales octroyées dès le XIIe siècle témoignent du besoin de liberté qu’exprime l’espace urbain. Le bourg est alors le lieu de la richesse, des franchises, de la bourgeoisie, et les révoltes qui s’y déroulent n’ont que rarement un caractère social ou populaire.
L’imaginaire collectif évolue avec la révolution industrielle qui, non contente d’abattre les remparts traditionnels, fait apparaître une classe ouvrière au sein des limites urbaines. Les « classes laborieuses », « classes dangereuses » investissent les villes désormais théâtres de troubles sociaux. L’insurrection des Canuts de Lyon, dans les années 1830, apparaît pionnière : l’attention des pouvoirs publics est appelée sur l’organisation de l’espace urbain, sur la coexistence pacifique des différents groupes sociaux et, avec l’avènement du suffrage universel, sur les conséquences politiques de la répartition spatiale.
L’urbanisme est indissoluble d’un projet politique : la modernisation de Paris par le baron Haussmann en constitue un des meilleurs exemples. Pourtant, les événements du siècle dernier ont conduit les pouvoirs publics à privilégier l’efficacité d’une construction à grande échelle plutôt qu’un projet de vie commune cohérent. Les grands ensembles nés des impératifs de la Reconstruction, puis de la nécessité d’accueillir les populations rapatriées d’Afrique du Nord, ont rempli leur office immédiat, mais instillé la graine de la ségrégation sociale. Accueillant avec le temps toujours davantage de foyers socialement fragilisés, ils s’inscrivent dès les années 1970 dans une crise qui a culminé avec les événements et manifestations souvent violents dans les banlieues en 2005.
Le pouvoir politique n’est pas resté aveugle à l’effilochement du lien social lié à la fracture du monde urbain. La création du ministère de la ville, confié en 1990 à Michel Delebarre, a été une première réponse. Les lois et les plans se sont succédé : loi n° 91-662 du 13 juillet 1991 d’orientation pour la ville, loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville (Plan Marshall pour les banlieues), loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, Plan Espoirs Banlieues en 2009. Certaines initiatives ont, de l’avis général, rencontré le succès, comme le programme national de rénovation urbaine mis en œuvre par l’ANRU. D’autres dispositifs ne sont pas parvenus à remplir leur objectif, ainsi les zones franches urbaines n’ont-elles pas permis une amélioration sensible sur le front du chômage dans les quartiers en difficultés.
Alors que les questions sociales perdurent, l’interrogation environnementale revient également sur le devant de la scène avec la notion de ville durable. Un espace urbain cohérent est à la fois menacé par la surpopulation et par la sous-densité, par une mauvaise gestion des ressources, par une déconnexion entre les différents lieux de vie et de travail de la population. Henri Lefebvre, dans Le droit à la ville, montre dès 1968 que la ville tourne le dos à sa vocation première d’union des populations en bannissant l’industrie de son périmètre et en éclatant ses habitants en périphéries et banlieues, tout en puisant sa bonne conscience dans une foi absolue dans l’urbanisme comme solution à des questions politiques.
Dans ce droit à la ville, les enjeux de l’égalité urbaine sont peut-être plus grands aujourd’hui que jamais. Il est impératif de redonner du sens à la vie en collectivité en milieu urbain. Le citadin est en mouvement perpétuel dans une ville moderne qu’il n’investit pas, dans laquelle il circule sans y vivre, et qui lui interdit de participer à son administration : c’est la démocratie du sommeil, dans laquelle l’électeur est attaché non à son lieu de travail, non à son lieu de vie, mais à son domicile et, en dernière analyse, à son lit. La périurbanisation et le phénomène de banlieues dissocient, donc, le citadin du citoyen. Les problèmes que rencontrent les citadins des quartiers populaires n’ont pas été résorbés par la rénovation urbaine. Si les quartiers changent physiquement, la question sociale reste d’actualité. Régler cette question est aussi essentiel que répondre à celles de l’étalement urbain et de la périurbanisation, révélatrices de la construction d’autres ghettos, qualifiés de « riches » face à ceux des « pauvres » dénommés « zones urbaines sensibles ».
Il faut refaire la ville pour faire société. Ces problématiques ne se posent plus à l’échelle communale : pour l’urbanisme, une solution peut être le transfert de cette compétence à l’intercommunalité, et une réforme de la politique de la ville efficace doit passer par un dépassement du cadre communal et par une compétence élargie des EPCI.
2. Une nouvelle étape de la politique de la ville afin de répondre à la persistance des inégalités territoriales
À travers la refonte de la politique de la ville, le présent projet de loi ambitionne de renforcer tout à la fois sa lisibilité, sa cohérence et son efficacité. Les solutions qu’il propose se déploient alors autour de trois axes principaux :
– d’une part, inscrire cette politique dans une géographie prioritaire à la fois resserrée et unique, afin de concentrer l’ensemble des moyens publics sur les territoires les plus en difficulté et de sortir d’un zonage multiple souvent vécu comme stigmatisant ;
– ensuite, réaffirmer ces principes structurants de la politique de la ville que sont le partenariat entre l’État et les collectivités locales et la mobilisation prioritaire des politiques de droit commun, dont la territorialisation nécessite d’être renforcée ;
– enfin, favoriser une meilleure articulation entre les dimensions urbaine et sociale de cette politique, ce qui suppose notamment de rendre plus solides les liens entre les personnes et les lieux, entre les habitants et les quartiers.
Le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine fournit donc un nouveau cadre d’action en précisant, dans un même texte, les objectifs poursuivis par cette politique, les principes guidant la redéfinition de sa géographie d’intervention et enfin l’ensemble des outils qu’elle mobilise – y compris un nouveau programme national de renouvellement urbain et une dotation conçue comme un véritable instrument au service des quartiers prioritaires.
La mise en cohérence de ces différents instruments est appelée à être garantie par un nouveau cadre contractuel entre l’État et les collectivités territoriales, consacrant l’échelon intercommunal comme niveau stratégique de pilotage des actions en direction des quartiers prioritaires.
Ces différents aspects sont traités dans le cadre de trois titres successifs :
– un titre premier rassemblant les dispositions de programmation, redéfinissant les objectifs généraux de la politique de la ville, fixant le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain et prévoyant la mise en place d’une dotation politique de la ville ;
– un titre II portant sur les instruments et la gouvernance de la politique de la ville, structuré en trois chapitres consacrés respectivement à la réforme de la géographie prioritaire, à la définition du nouveau cadre contractuel et aux modalités de gouvernance locale favorisant le renforcement de l’échelon intercommunal en matière de politique de la ville ;
– un titre III comprenant l’ensemble des dispositions diverses, finales et transitoires.
Les amendements adoptés par la Commission du développement durable, en règle générale sur proposition de votre rapporteur, ont visé à prolonger et améliorer les dispositions proposées sur un ensemble de sujets.
S’agissant de la définition de la politique de la ville, la Commission a souhaité compléter et étendre le périmètre couvert, en intégrant notamment une série d’enjeux fondamentaux comme l’emploi, l’éducation et la culture, la lutte contre la précarité énergétique ou encore le maillage urbain par les transports en commun. Elle a souhaité que puisse être pérennisée, au-delà de la simple observation des réalisations de la politique de la ville, la fonction d’évaluation de cette politique, dans le cadre d’une structure indépendante comme le comité d’évaluation et de suivi de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, dont les compétences auraient pu être étendues à l’ensemble de la politique de la ville.
La Commission s’est également intéressée aux modalités de participation des habitants à la définition de la politique de la ville, la nécessité d’un renforcement de cette participation faisant consensus et le débat portant plutôt sur les modalités de ce renforcement. C’est ainsi qu’ont été adoptés des amendements sur la participation citoyenne des habitants à l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des actions conduites dans les quartiers populaires, la création de « maisons de projet » permettant de rendre cette participation plus effective ou les modalités de la concertation dans le cadre d’un projet local de renouvellement urbain.
La question du statut des territoires appelés à sortir de la géographie prioritaire de la politique de la ville a été débattue, au regard des risques que la suppression de certains dispositifs de soutien fait courir à des quartiers demeurant souvent fragiles.
Inversement, la Commission a souhaité la suppression de l’article 6 du projet de loi. Le Gouvernement manifeste, en effet, l’intention de ne pas remettre en cause les CDT qui auront abouti (signature) avant la publication de la loi de programmation sur la ville. Mais on peut s’interroger sur la pertinence d’une remise en cause du contenu des projets de CDT déjà très avancés : il apparaît contestable d’obliger l’ensemble des parties prenantes à ces projets de contrats à rouvrir les négociations pour modifier des dispositifs qui ne sont, certes, pas encore signés, mais qui ont déjà été validés, en particulier pour ceux pour lesquels l’enquête publique a déjà eu lieu.
Un second problème est la différenciation qui s’opérerait, si l’article 6 était adopté, entre ceux des CDT qui auront entretemps été signés et les autres. Pour ceux qui seront déjà signés, le recours à un avenant, pour intégrer la prise en compte de la politique de la ville telle que redéfinie par la loi, ne sera probablement pas envisageable : l’économie générale de ces contrats s’en trouverait impactée, et il faudrait donc quasiment recommencer toute la procédure d’élaboration, y compris l’enquête publique.
Au terme de ses travaux, la Commission a naturellement émis un avis favorable à l’adoption d’un projet de loi aussi attendu que nécessaire, s’inscrivant dans la continuité de politiques qui ont bénéficié de l’apport de toutes les majorités successives.
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La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné le mercredi 13 novembre 2013, sur le rapport pour avis de M. Philippe Bies, le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine (n° 1337 rectifié).
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Notre commission s'est saisie pour avis du projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. Lors d’une précédente réunion, nous avons nommé M. Philippe Bies rapporteur pour avis.
Je rappelle que cette séance est ouverte à la presse et diffusée sur le canal interne et le site Internet de l'Assemblée nationale.
Si notre commission s’est saisie de l'ensemble du texte, le rapporteur pour avis mettra davantage l'accent sur certaines de ses dispositions.
À l'issue du dépôt des amendements, hier mardi 12 novembre à 9 heures, 46 amendements avaient été déposés. Quatre d’entre eux ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 : l’amendement CD6 de M. Denis Baupin, les amendements CD21 et CD20 de Mme Laurence Abeille et l’amendement CD19 de M. Denis Baupin. Ils figurent dans la liasse qui vous a été remise, mais ne seront pas mis en discussion.
Trois autres – les amendements CD7, CD8 et CD9 – le seront quant à eux, car ils ont été gagés, même si la Commission des finances les a déclarés irrecevables.
M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. Désigné rapporteur pour avis le 23 octobre, j’ai disposé, avec trois semaines dont deux « ponts », de délais de travail relativement courts. Il nous a cependant semblé important que notre commission puisse exercer sa compétence en matière d'aménagement du territoire. Cette prérogative ne doit pas se limiter aux zones rurales, peu peuplées ou protégées, mais intégrer également la préoccupation de la ville durable.
J’ai mené, avec M. Alexis Bachelay et d’autres collègues, sept auditions et assisté à des entretiens organisés par la Commission des affaires économiques, saisie au fond sur ce texte. Une cinquantaine d’amendements seront soumis à la Commission et je tiens à remercier celles et ceux qui, malgré ces délais, ont travaillé sur ce texte. La Commission des affaires économiques l’examinera demain matin et sa discussion en séance publique aura lieu le vendredi 22 novembre. Le Sénat devrait en être saisi au tout début de l'année 2014.
Ce texte tire les conséquences des différentes évaluations de la politique de la ville, tant au niveau national que local – notamment du rapport relativement critique rendu par la Cour des comptes en 2012 et de l'ensemble des productions du Comité d'évaluation de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) –, qui ont permis d’affirmer qu’il reste sur le territoire des inégalités patentes qu’il convient de résorber.
La politique menée durant cette dernière décennie n'a en effet pas su réduire les inégalités territoriales, sociales et économiques entre les quartiers populaires et le reste du pays. Plus de huit millions de nos concitoyens relèvent aujourd’hui de la politique de la ville. Il est incontestable que beaucoup a été fait et que les quartiers changent physiquement, au niveau urbain. Cependant, la dimension humaine n'a pas été assez prise en compte et, malgré les progrès et les investissements réalisés, aucun quartier entré dans le périmètre de la politique de la ville n’en est sorti.
La réforme dont procède le projet de loi que nous examinons a été lancée dès l'été 2012 par le Gouvernement. Une grande concertation a été menée au cours du dernier trimestre 2012 et les orientations ont été formalisées en février 2013 par le Comité interministériel des villes, qui a acté 27 décisions à destination de l'ensemble des acteurs. Je tiens également à citer l’important rapport sur la participation des habitants réalisé à la demande du ministre par Mme Marie-Hélène Bacqué et M. Mohamed Mechmache.
Le texte que nous examinons est une loi de programmation, dont le contenu est relativement peu prescriptif et dont les dispositions portent sur la gouvernance de la politique de la ville.
L’article 1er réaffirme les objectifs et les enjeux de cette politique et crée un observatoire mêlant les compétences du Comité d’évaluation de l'ANRU et de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS).
L’article 2 prévoit la création d’un nouveau programme national de rénovation urbaine (PNRU), dans une démarche plus concertée, orienté vers la requalification des quartiers populaires, notamment des copropriétés dégradées.
L’article 3 exprime également la volonté d’examiner les possibilités de création d’une future dotation budgétaire destinée à la politique de la ville.
L’article 4, qui représente le cœur du texte, prévoit une refonte de la géographie prioritaire par la création de « quartiers prioritaires » à la place des zones urbaines sensibles (ZUS), des zones de redynamisation urbaine (ZRU) et des quartiers relevant d’un contrat urbain de cohésion sociale (CUCS). Il assure une plus grande simplicité et exprime la volonté de mettre fin au saupoudrage observé au niveau local.
Le texte crée également des contrats de ville pilotés à l'échelle intercommunale pour la durée d'une mandature municipale. Ces contrats seront un cadre de référence pour la politique de la ville, tant pour les moyens de droit commun que pour les crédits spécifiques, pour le volet social comme pour les opérations de rénovation urbaine.
Les articles suivants ont trait à des dispositions transitoires et à des évolutions mineures.
Plusieurs améliorations du texte vous sont proposées.
La première porte sur la définition de la politique de la ville, qui doit rendre celle-ci plus proche et préciser des compétences répondant mieux aux objectifs du texte.
En outre, la participation des habitants doit également être renforcée, dans le sens de ce que certains amendements désignent comme une « coproduction ».
La lutte contre les discriminations doit être mieux précisée, ainsi que la notion de ville durable, à laquelle les membres de notre commission sont tous très attachés.
L’article 6 évoque enfin le problème spécifique de la région francilienne, à propos duquel je formulerai une proposition.
Ce texte était très attendu par les acteurs locaux et par les professionnels de la politique de la ville et des politiques de rénovation urbaine. Il a fait l’objet d’une importante concertation, y compris au niveau local, et répond à l’objectif essentiel de rassembler les efforts publics, quel que soit le niveau des collectivités, en lien avec l’État et l’ANRU, afin de permettre à des quartiers – certes moins nombreux que précédemment – de sortir de la géographie prioritaire où les aura placés le critère unique qui s’appliquera désormais.
Ce projet va dans le bon sens et je vous inviterai, à l’issue de nos débats, à émettre à son endroit un avis favorable.
M. Florent Boudié. Je rappelle, au nom du groupe SRC, que ce texte a fait l’objet d’une concertation fine, en vue de solder trente ans de politique de la ville. L’adoption d’un critère unique – le revenu moyen – donnera lieu à une véritable redistribution de cette politique, qui sortira des seuls milieux urbains et touchera des territoires situés hors des grandes agglomérations et présentant des problématiques de nature urbaine, liées notamment au renouvellement urbain et à la cohésion sociale. Le texte permettra ainsi d’accompagner les bourgs-centres, pôles de centralité qui structurent le territoire national. J’ai déposé plusieurs amendements tendant à ajuster le rôle de l’intercommunalité dans le futur dispositif.
Relancer la stratégie de renouvellement urbain et de cohésion sociale est un enjeu important. Le texte que nous examinons permet de remplir cet objectif.
M. Martial Saddier. Le début de mon intervention sera placé sous le signe de la Journée mondiale de la gentillesse. (Sourires) Je tiens en effet, au nom du groupe UMP, à remercier le ministre d’avoir réuni au mois de juin tous les parlementaires pour discuter du futur texte consacré à la politique de la ville. Il est rare que les députés de l’opposition soient invités par les ministres – c’est peut-être même le seul cas depuis le début de la législature.
Je partage cependant avec mes collègues de l’UMP quelques interrogations, voire quelques inquiétudes.
Tout d’abord, le calendrier de travail du texte accuse, depuis cette réunion de juin, un certain flou. Le fait que la Commission des affaires économiques, saisie au fond, se réunisse demain matin et que le texte soit examiné en séance publique un vendredi donne le sentiment que la majorité souhaiterait limiter le débat parlementaire.
Je rappelle en deuxième lieu que la dotation de l’ANRU a atteint le montant de 12 milliards d’euros en 2009 et que nous avons déclenché le plus grand programme de rénovation urbaine jamais connu dans notre pays. Quels seront les moyens financiers qui accompagneront ce texte ?
Par ailleurs, alors que la politique de la ville requiert de la transversalité, quelle place fait-elle à l’action économique et quelles retombées économiques en attendez-vous sur des quartiers frappés par des taux de chômage très élevés, en particulier chez les jeunes ? Quelle est la transversalité prévue avec l’action du ministère de l’éducation nationale – je pense en particulier aux programmes de réussite éducative – et avec celle du ministère de l’intérieur, au regard des zones de sécurité prioritaires (ZSP) ? Quelle transversalité y aura-t-il également avec les zonages Duflot ? Le texte manque à cet égard de lisibilité.
Pour ce qui concerne enfin la nouvelle méthode de carroyage, l’étude d’impact ne lève pas toutes les interrogations.
À défaut d’en connaître la liste – on comprend que vous ne souhaitez pas l’annoncer avant les élections municipales –, il faut au moins prendre conscience du fait que 1 500 communes ne figureront plus parmi les quartiers relevant de la politique de la ville. Quelle politique allez-vous conduire à l’égard de ces quartiers ?
Je rappelle enfin les propos du ministre rapportés par un journal : « La liste sera connue à l’issue du processus parlementaire et après les élections municipales, en avril ou en mai, mais ce n’est pas le ministre qui va déterminer la liste des quartiers : c’est la situation sociale des villes ». À quoi servent donc le texte et le ministre ? Il y a là encore du flou.
M. Jean-Christophe Fromantin. L’aménagement du territoire est un sujet que l’on aborde trop rarement, ou de manière trop morcelée. Je pense, au nom du groupe UDI, que cette fragmentation est regrettable pour un sujet qui relève par excellence d’une approche globale. Comment isoler la politique de la ville de celle de l’aménagement du territoire au niveau national ? La ville, la zone dense et les zones rurales ne devraient pas être traitées séparément, mais selon une approche cohérente et convergente. S’est-on posé, en préalable à l’élaboration du texte qui nous est soumis, la question de savoir ce que doit être une ville demain ?
La ville abrite des fonctions à valeur ajoutée qui participent à la croissance, mais quel sens ont ces fonctions si elles ne sont pas au service d’une économie productive ? Le projet de loi, qui ignore l’articulation entre une politique de la ville et une politique globale d’aménagement du territoire, révèle une approche très fermée.
Du reste, la politique de la ville qui nous est présentée n’offre pas, au-delà d’un traitement urbanistique et social, d’approche économique, ce qui risque de l’inscrire dans une spirale permanente de consommation et d’inflation de la dépense publique, alors que le vrai enjeu est de générer de la croissance et de construire des mobilités à l’intérieur de la ville et de la métropole, ainsi qu’entre la ville et les zones à faible densité.
La « coproduction » n’a donc de sens que si elle est inspirée par une véritable vision de la ville dans cet écosystème global qu’est un territoire, un pays, une région ou un département. Or le texte ne répond pas à la question de savoir ce que sont le rôle et l’avenir de la ville, avec les zones à faible densité, les zones rurales et les zones productives.
M. Denis Baupin. Plaçant, comme Martial Saddier, mon intervention sous le signe de la Journée mondiale de la gentillesse, je commencerai, au nom du groupe écologiste, par remercier le rapporteur pour le travail accompli dans des délais très brefs.
La politique de la ville nous concerne tous, y compris les élus parisiens, et contribue au lien social – particulièrement important en période de crise –, au tissu associatif et à tout ce qui permet de prévenir les problèmes plutôt que de les guérir. C’est une politique où de faibles sommes investies produisent de grands résultats, compte tenu notamment de ce qui se produirait si elle n’existait pas.
La redéfinition de la géographie prioritaire avec des critères objectifs assure une vision claire sur l’ensemble du territoire.
Nous défendrons plusieurs amendements, relatifs en premier lieu à la participation des citoyens à la définition des objectifs des politiques de la ville. C’est en effet un élément constitutionnel de celles-ci que d’associer les habitants, afin qu’ils puissent le plus possible prendre en main leur destin.
Par ailleurs, le critère quantitatif unique qui a été retenu pourrait s’accompagner de critères qualitatifs, dont il conviendra de voir s’ils doivent être inscrits dans la loi, comme nous le proposons par amendement, ou être pris en compte par le Gouvernement dans la définition des quartiers ou des politiques transitoires.
Nos amendements porteront enfin sur les mesures transitoires destinées aux quartiers sortant de la géographie prioritaire et dont tous les problèmes ne seraient pas encore réglés. Les systèmes de veille mis en place doivent sans doute s’accompagner des moyens permettant d’éviter une suppression brutale des dispositifs existants.
Je regrette que certains amendements déposés par notre groupe aient été déclarés irrecevables par la Commission des finances, qui a toujours le dernier mot dans ces domaines et qui a considéré comme une charge les dispositifs d’accompagnement que nous avons proposés au niveau des collectivités locales, pourtant limités à l’organisation de débats.
Je tiens donc à remercier le ministre et son cabinet, qui ont indiqué qu’ils reprendraient certains de nos amendements au titre du Gouvernement, afin que ces idées utiles puissent être intégrées à la loi.
M. Jacques Krabal. Ce projet de loi, attendu depuis longtemps par tous les élus, est un bon exemple de politique ambitieuse, et même courageuse, pour réformer le pays dans la justice. Je rappelle, au nom du groupe RRDP, que la politique de la ville est en effet critiquée depuis toujours pour l’extension et l’enchevêtrement des zonages, l’organisation dispersée de la gouvernance, le peu de fiabilité des évaluations – quand elles existaient – et l’éparpillement des moyens au détriment d’un ciblage plus pertinent. Nous devons donc prendre acte des échecs de cette politique pour l’améliorer et la réformer véritablement, même si nous savons que c’est difficile. Ce constat implacable de l’incapacité de celle-ci à inverser les tendances lourdes de la dégradation des conditions de vie dans certains quartiers défavorisés a été fait dans un rapport sévère de la Cour des comptes, en juillet 2012.
En dépit des efforts de nombreux acteurs sur le terrain et des résultats en matière de rénovation urbaine, les quartiers touchés par une grande précarité sociale souffrent de la persistance d’inégalités ancrées, contre lesquelles nous devons concentrer nos efforts, et cela d’autant plus que la crise économique et sociale a des effets plus durs sur leurs habitants et que, dans ce contexte, un regain de tension et de violence est à craindre. La propagation des images que diffuse aujourd’hui la télévision aggrave ce risque. Nous devons condamner ces actions avec fermeté. Leurs auteurs et les casseurs doivent être arrêtés.
Afin d’éviter les erreurs commises par les précédentes tentatives de réforme de la politique de la ville, ce projet de loi a été élaboré à la suite d’une longue et vaste concertation, intitulée « Quartiers : engageons le changement », à laquelle nous avons été associés à plusieurs reprises. Tous les acteurs concernés ont pu s’exprimer, participer aux groupes de travail et proposer des recommandations, souvent très intéressantes. Nous saluons cette méthode qui a déjà fait ses preuves – je pense à la réussite du Grenelle de l’environnement.
Le projet de loi simplifiera d’abord les structures de soutien aux banlieues défavorisées. Ce n’est pas trop tôt : le système actuel de soutien aux quartiers prioritaires empile plusieurs dispositifs et cette complexité nuit à la lisibilité, à l’efficacité et à la cohérence. La définition des nouveaux quartiers prioritaires de la politique de la ville se fera sur la base d’un critère unique : le revenu des habitants. Les zones où la moitié de la population perçoit moins de 60 % du revenu fiscal médian, c’est-à-dire moins de 11 000 euros, seront éligibles. Les autres indicateurs sociaux ne sont donc plus pris en compte. Il s’agit là d’un choix fort qui, s’il peut apparaître aveugle sur d’autres critères, présente l’avantage de concentrer les efforts sur les poches de grande pauvreté, afin d’éviter le saupoudrage. Ce n’est plus le fait du prince qui s’applique, mais une analyse rationnelle, et je salue cette mesure.
Le projet de loi s’accompagnera d’une réduction du nombre de zones aidées, qui passera de 2 500 à 1 200 – autant dire que cette nouvelle géographie prioritaire sème le trouble chez de nombreux élus. La liste des quartiers prioritaires sera cependant révisable tous les deux ans afin de pouvoir rattraper d’éventuelles erreurs. Du reste, la sortie du dispositif pourrait aussi être motivée par des améliorations.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Monsieur Krabal, veuillez conclure, je vous prie.
M. Jacques Krabal. Nous devons soutenir la démarche de réforme dans la justice, qui passe par une priorisation et une véritable solidarité. Nous saluons cette importante nouveauté.
Le projet de loi prolonge jusqu’à la fin de 2015 la rénovation urbaine et lui alloue un budget de 5 milliards d’euros. Il s’agit d’un effort important.
Il prévoit enfin une dotation spécifique pour la politique de la ville, destinée à remplacer la dotation de développement urbain, ainsi que la création d’un observatoire national. Face au désespoir durablement inscrit dans ces territoires un peu délaissés de la République, soyons modestes : le défi est immense et les essais des trente dernières années doivent nous inciter à la prudence.
Pour ces raisons, les députés du groupe RRDP soutiendront ce projet de loi.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Mes chers collègues, je vous invite instamment à respecter votre temps de parole. C’est là un point que nous avons déjà évoqué en réunion du Bureau.
M. Michel Heinrich. La Cour des comptes taxe d’inefficacité la politique de la ville menée en France depuis trente ans, tous gouvernements confondus, mais on peut se demander quelle serait la situation si une telle politique n’avait pas existé. Rien n’est parfait et le sujet est difficile.
La généralisation de la dotation de solidarité communautaire, à l’article 9, est un point très positif. Je regrette cependant que le volet économique n’ait pas du tout été abordé. Quant au carroyage, la marche est haute : passer de 2 500 à 1 000 quartiers, c’est beaucoup et je suis inquiet pour tous ceux qui ne seront pas retenus.
En effet, des projets réalisés au titre de l’ANRU par certaines villes ont été si bien menés qu’ils ont donné lieu à une véritable mixité sociale, avec un logement social diffus qui diminue le nombre de personnes en situation de précarité dans les quartiers concernés – ce qui se traduit paradoxalement par le fait que ces habitants sont exclus des politiques de la ville.
M. Jean-Yves Caullet. Je me félicite de ce texte simple et transparent, qui oriente les politiques sur la situation des gens. Certaines villes refusaient d’être caractérisées par des quartiers relevant de la politique de la ville. Ailleurs, les politiques successives ont eu des résultats et certains quartiers s’apprêtent à sortir du dispositif. Si la pauvreté n’est pas toujours concentrée dans des quartiers et est parfois diffuse, historiquement ou par reconquête, des politiques locales peuvent permettre de consolider les résultats obtenus.
L’écosystème territorial se construit aussi au plus près du territoire, et non pas seulement par la loi. C’est ce que permet le texte qui nous est soumis.
M. Jacques Kossowski. La qualité de l’environnement et la biodiversité en milieu urbain, qui concourent pourtant à l’amélioration des conditions de vie des habitants évoquée à l’article 1er, ne semblent pas figurer parmi les priorités du texte – au même titre du reste que le développement économique et social, la formation, la sécurité ou la santé. N’aurait-il pas fallu faire une référence explicite aux notions de transition écologique et de développement durable ? Je rappelle à ce propos que la trame verte et bleue (TVB), volet majeur du Grenelle de l’environnement, peine à se mettre en place, notamment dans les quartiers défavorisés. L’environnement ne doit pas être considéré comme un paramètre mineur de la politique de la ville.
M. Jean-Pierre Vigier. Les intercommunalités devraient piloter les projets relatifs à la cohésion sociale, au renouvellement urbain et au développement économique. À ce titre, dans quelle mesure les petites communes rurales, intéressées au premier chef, pourront-elles être associées aux projets de développement des villes dont elles sont proches ?
Mme Sophie Rohfritsch. Le texte recèle de nombreuses zones d’ombre.
Tout d’abord, le passage automatique à l’intercommunalité devrait donner lieu à un grand débat au sein de celle-ci et le transfert de compétences automatique qu’opère la loi me semble très dangereux. Un vote au moins majoritaire, et même unanime, me semble s’imposer pour que cette nouvelle compétence et la dévolution de moyens qui en découle soient bien comprises et acceptées par tous les membres de l’intercommunalité.
En deuxième lieu, des ressources seront nécessaires, malgré les pertes en ligne prévisibles – d’autant plus s’il faut honorer, comme l’a promis le Premier ministre, les contrats en cours. Quels seront les montants mis en œuvre ?
Enfin, les emplois francs qui seront mis en place feront probablement doublon avec les emplois d’avenir, pour lesquels il est déjà difficile de recruter dans les zones identifiées comme prioritaires. Même si leur nombre est limité à 2 000, ils ne sont pas – comme les autres emplois aidés auxquels ils s’ajouteront – une bonne piste pour remettre les publics visés dans une démarche d’insertion professionnelle durable.
M. Jean-Luc Moudenc. L’adoption d’un critère unique soulève de nombreuses questions et inquiétudes.
Tout d’abord, que fera-t-on pour les 1 492 quartiers qui disparaissent de la géographie prioritaire et dont il n’est pas certain qu’ils n’aient plus de problèmes ?
Par ailleurs, alors que les engagements financiers de l’État pour la période de 2003 à 2013, étendue jusqu’à 2015, étaient de l’ordre de 45 milliards d’euros, ils sont de 20 milliards pour les dix ans à venir. Il est douteux que, dans la période de déchirure sociale que nous vivons, les besoins aient été réduits de moitié.
En troisième lieu, si le maintien des zones franches urbaines (ZFU) est une bonne chose, ce mécanisme très particulier est-il pérennisé ou soumis à un régime de renouvellement ? Si tel est le cas, quel en sera le rythme ?
Enfin, en remplaçant les ZUS et les ZRU par l’appellation de « quartiers prioritaires », le texte revisite la sémantique, ce qui n’est pas forcément l’attente principale des acteurs de terrain et de la population. Quelle sera l’évolution numérique de ces zones ?
M. Franck Montaugé. L’adoption du revenu moyen comme critère central permet à des territoires ruraux d’accéder à la politique de la ville. C’est là une nouveauté à souligner.
Les projets de quartier ne seront efficaces que s’ils sont conçus dans le cadre de projets de ville, voire d’intercommunalité. Une approche de développement durable prenant en compte toutes les dimensions de la vie des gens et des territoires est indispensable. L’économie est certes une question centrale, mais qui relève sans doute davantage du droit commun que de la politique spécifique de la ville. Il en va de même de l’aspect social. Quant à l’environnement, je souscris à l’idée de restaurer les trames qui en ont besoin, notamment dans le cadre de projets de renouvellement urbain. La question qui se pose est celle de la méthode. Le territoire dont je suis élu a été retenu pour être l’un des douze sites expérimentaux de la politique de la ville et applique une approche de développement durable qui consiste à prendre en compte en priorité les problématiques de l’environnement dans le cadre des projets de renouvellement urbain touchant en particulier l’urbanisme.
M. Guillaume Chevrollier. Le millefeuille des dispositifs, spécialité française, donne lieu à un saupoudrage des moyens financiers. Le texte prévoit de remplacer les 2 492 contrats urbains de cohésion sociale, les 751 zones urbaines sensibles et les zones de redynamisation urbaine par 1 000 quartiers prioritaires : on ne peut que se réjouir de cette terminologie simplifiée, qui pourrait se traduire par plus d’efficacité des politiques publiques dans une période où la dépense publique doit être maîtrisée.
En revanche, le critère de sélection fondé sur le seul revenu est trop étroit et suscite de nombreuses inquiétudes et interrogations de la part des acteurs locaux.
Quel sera, par ailleurs, le sort des quartiers qui quitteront les dispositifs existants ? Les élus de ces 1 500 villes auront-ils cette information avant ou après les élections municipales ?
Le texte prévoit enfin la création d’un nouvel observatoire national : n’existe-t-il pas déjà assez de structures dans notre pays ?
M. Jean-Marie Sermier. Ce texte est un nouveau catalogue de bonnes intentions qui ne s’accompagne pas des moyens correspondants, car il fera sortir 1 500 villes du dispositif. L’intention est cependant louable : pour la première fois, ce sont les personnes, et non les collectivités, qui seront mises au centre de la problématique. Depuis trop longtemps en effet, les politiques de la ville – qui sont en réalité des politiques de quartiers, concentrant les moyens sur ceux-ci plutôt que sur la ville – ont rénové les lieux, mais oublié les habitants, qui n’ont pas plus de travail qu’ils n’en avaient auparavant. Cela ne va pas dans le sens de l’intégration des quartiers dans les villes.
M. Luc Chatel. Aussi tentant soit-il pour les députés de la majorité d’expliquer que rien n’a été fait avant eux, je tiens à rappeler que le plan de cohésion sociale lancé par Jean-Louis Borloo en 2004 est aujourd’hui considéré par tous les acteurs comme une vraie rupture en matière de politique de la ville, en raison de son ampleur, de sa transversalité et de son ciblage – c’est-à-dire de sa capacité, même dans des villes moyennes qui n’ont pas de difficultés particulières, à chercher les problèmes des quartiers difficiles et à y répondre. C’est ce qui s’est produit dans l’agglomération que je préside, qui comptait encore au début des années 2000 des cités d’urgence datant de l’après-guerre.
Dans le texte que nous examinons, la reconnaissance du fait intercommunal en matière de politique de la ville est un réel progrès et la simplification va dans la bonne direction. Je m’interroge cependant sur trois points.
Tout d’abord, aucune garantie n’est donnée quant au niveau d’investissement – je rappelle à cet égard que les gouvernements précédents avaient su faire de la politique de la ville une priorité, y compris sur le plan budgétaire.
Par ailleurs, le texte ne fait pas de place à la transversalité – je pense en particulier aux dimensions éducatives et à celles de l’insertion économique et sociale, évoquées tout à l’heure par Martial Saddier.
Enfin, au-delà des aspects financiers – car les apports représentaient rarement plus de 20 % du montant des projets –, je rappelle que l’ANRU était une formidable ingénierie au service des communes qui n’avaient pas les moyens de porter des projets d’une telle dimension. Qu’en sera-t-il désormais des 1 500 communes qui sortiront du dispositif ?
Mme Valérie Lacroute. Dans ma commune de 13 000 habitants, l’un des quartiers relève de la politique de la ville et a bénéficié grâce à l’ANRU de 100 millions d’euros qui ont permis de rénover 80 % des logements et de mettre en place des CUCS, des programmes de réussite éducative, un contrat local de santé et tous les dispositifs d’une ingénierie dont la commune n’aurait pas eu les moyens seule. L’autre quartier, plus petit, n’a pas bénéficié de ce dispositif. Si la commune sort de celui-ci, nous n’aurons plus rien et devrons tout financer avec nos propres ressources, qui n’y suffiront pas. Qu’adviendra-t-il donc des quartiers qui sortiront du dispositif ?
M. Laurent Furst. Comment sera défini le périmètre des quartiers ? Ce périmètre est-il contestable devant la juridiction administrative ?
Mme Virginie Duby-Muller. Je tiens d’abord à préciser que le revenu pris en compte pour la définition des quartiers prioritaires n’est pas le revenu moyen, mais le revenu médian.
Pour ce qui est de la méthodologie, le critère de 60 % du revenu fiscal médian de référence, soit 11 250 euros, est insuffisant, car il ne prend pas en compte les disparités, ni les spécificités de certains territoires. À Annemasse Agglo, dans la circonscription dont je suis élue, le revenu médian se situe à 22 250 euros du fait de la proximité de la Suisse, mais certains quartiers ont bénéficié depuis longtemps de la politique de la ville, avec des résultats positifs. Il faudra donc tenir compte d’autres indicateurs, intégrant notamment la dimension transfrontalière. Simplifier ne doit pas se limiter à appliquer des critères réducteurs excluant des quartiers qui ont besoin de la politique de la ville.
M. Yves Albarello. Le volet économique est le grand oublié de ce texte. Pourquoi François Pupponi, rapporteur pour la commission saisie au fond, n’a-t-il pas déposé d’amendements proposant à cet égard un projet plus ambitieux ? Vous ne réglerez pas le problème des banlieues sans remédier aux inégalités, notamment au chômage. Nous avions dessiné des pistes intéressantes dans le projet de loi sur le Grand Paris et il aurait été utile de vous inspirer de l’outil formidable qu’est le contrat de développement territorial, qui permet de régler les problèmes de transversalité et ceux liés au développement économique.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je remercie François Pupponi, rapporteur du texte pour la Commission des affaires économiques, d’être présent parmi nous ce matin.
M. le rapporteur pour avis. Je m’associe, monsieur le président, à ces remerciements. Il importe en effet que les commissions puissent travailler ensemble.
Nous ne définirons pas ici la liste des quartiers prioritaires, car je m’exprime en tant que parlementaire et pas au nom du ministre, qui sera présent demain lors de l’examen du texte par la Commission des affaires économiques.
Le calendrier d’élaboration de ce texte répond à un impératif de cohérence, même s’il est difficile de l’adapter à un calendrier parlementaire déjà très contraint. L’objectif est que des contrats puissent être signés au 1er janvier 2015, afin qu’ils coïncident avec les mandats municipaux. C’est là une mesure de bon sens.
Monsieur Luc Chatel, vous confondez l’ANRU, qui était financée par des crédits spécifiques, et le plan de cohésion sociale, qui relevait du droit commun. Nous devons l’un et l’autre à Jean-Louis Borloo et chacun sait quels ont été les résultats de ces politiques. Si j’ai bonne mémoire, les crédits consacrés à la rénovation urbaine en 2003 étaient de 2,5 milliards d’euros : ceux prévus pour le nouveau dispositif sont donc deux fois plus importants.
Le choix du critère unique s’explique par l’importance que le dispositif a voulu donner à l’humain. Ce critère facilement évaluable et très objectif évitera certaines dérives. Les moyens mis en œuvre pourraient dépendre quant à eux des capacités des collectivités, comme le propose un amendement de M. François Pupponi.
Pour ce qui est des objectifs de la politique de la ville, peut-être faudra-t-il compléter l’article 1er. J’ai déposé dans ce sens des amendements permettant de citer des thématiques telles que l’éducation, la culture, l’emploi, les transports et le développement durable, qui doivent être prises en compte dans ces quartiers. Il s’agit en effet de concentrer les politiques de droit commun et les crédits spécifiques, afin d’obtenir une efficacité dans les résultats, que le saupoudrage ne permet pas aujourd’hui. Cette concentration des moyens ira de pair, je le répète, avec un budget constant, correspondant à celui dont dispose aujourd’hui la politique de la ville. Le fait qu’un quartier ait fait l’objet d’une rénovation urbaine ne l’empêchera pas d’être prioritaire s’il répond au critère unique. En revanche, tous les quartiers prioritaires ne bénéficieront pas d’une rénovation urbaine. Cette inversion de la logique me semble bénéfique pour les habitants de ces quartiers.
Le projet de loi prévoit que la politique de la ville relève de l’intercommunalité, mais il s’agit là d’une option que celle-ci peut ne pas vouloir exercer : le dispositif reviendra alors au niveau communal et l’intercommunalité restera signataire du contrat de ville, mais pour ses seules compétences de droit commun.
Le fait que les contrats concentrent sur les quartiers concernés tous les moyens de droit commun et les crédits spécifiques signifie que tout ce qui concerne le développement économique, l’insertion économique et l’emploi peut y figurer. C’est donc toute une mobilisation qui se met en place pour augmenter le niveau de vie des habitants de ces quartiers.
Je précise enfin que l’observatoire créé par le projet de loi n’est pas une structure supplémentaire, car il procédera d’une fusion de l’ONZUS, chargé d’observer la politique de la ville, et du Comité d’évaluation de l’ANRU, organisme composé d’experts nommés par les ministres successifs et ayant pour mission d’évaluer et d’expertiser d’une manière indépendante les politiques de rénovation urbaine. Ce comité a fait évoluer certaines orientations de l’ANRU au cours des dix dernières années et j’ai déposé un amendement destiné à conserver une expertise aussi indépendante que possible sur la rénovation urbaine. Monsieur Michel Heinrich, l’ANRU, quant à elle, ne disparaît pas.
TITRE 1ER
DISPOSITIONS DE PROGRAMMATION
Le titre Ier rassemble l’ensemble des dispositions de nature programmatique. Les articles 1 à 3 du projet de loi redéfinissent ainsi le cadre général de la politique de la ville et en précisent les objectifs, ainsi que les principes structurants.
Article 1er
Cadre général et objectifs de la politique de la ville
Cet article définit le cadre général, les acteurs, les instruments et les modalités d’évaluation de la politique de la ville.
— La politique de la ville est définie comme une « politique de cohésion urbaine et de solidarité nationale envers les quartiers défavorisés », dont les objectifs sont d’assurer l’égalité entre les territoires, de réduire les écarts de développement entre les quartiers défavorisés et leurs unités urbaines et d’améliorer les conditions de vie de leurs habitants (alinéas 1er et 2).
Cette définition générale est ensuite précisée par les alinéas 4 et 5 du même article. C’est ainsi qu’il appartient à la politique de la ville, en tenant compte de la diversité des territoires et de leurs ressources :
– de lutter contre les inégalités de tous ordres, les concentrations de pauvreté et les fractures sociales et territoriales ;
– de garantir aux habitants des quartiers défavorisés l’égalité d’accès aux droits, services et équipements publics ;
– d’agir pour l’insertion professionnelle, sociale et culturelle, des habitants de ces quartiers ;
– de garantir la tranquillité par des politiques de sécurité et de prévention de la délinquance ;
– de favoriser la pleine intégration des quartiers défavorisés dans leur agglomération, en accentuant notamment leur mixité fonctionnelle et urbaine et la mixité de leur composition sociale.
De même, elle concourt au développement équilibré des territoires, à la promotion de la ville durable, à l’égalité entre les femmes et les hommes, à la politique d’intégration et à la lutte contre les discriminations dont sont victimes les habitants des quartiers défavorisés.
— La politique de la ville est conduite par l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements (alinéa 2).
Au-delà de ces acteurs institutionnels traditionnels, dont la liste pourrait d’ailleurs être considérablement allongée (Caisse des dépôts et consignations, organismes d’habitation à loyer modéré, caisses d’allocations familiales, etc.), une série de travaux récents ont souligné le rôle crucial joué par l’implication des habitants dans la réussite ou l’échec d’un programme de rénovation urbaine.
Le projet de loi ajoute donc que la politique de la ville s’appuie sur les initiatives des habitants et « favorise leur association à la définition et à la mise en œuvre des actions qui sont conduites dans les quartiers défavorisés » (alinéa 8).
— La politique de la ville mobilise et adapte, en premier lieu, les actions relevant des politiques publiques de droit commun (alinéa 4).
Lorsque la nature des difficultés rencontrées le nécessite, elle met en œuvre, à titre complémentaire, les instruments qui lui sont propres, c'est-à-dire les contrats de ville prévus à l’article 5 du projet de loi et qui intègrent les actions relevant des fonds européens structurels et d’investissement (alinéa 3).
— Il est enfin prévu que, pour mesurer l’atteinte des objectifs de la politique de la ville énoncés aux alinéas 1er à 5 par rapport aux moyens mobilisés, un observatoire national de la politique de la ville sera mis en place, qui analysera la situation et les trajectoires des résidents des quartiers concernés, mesurera l’évolution des inégalités et des écarts de développement au sein des unités urbaines et appréciera la mise en œuvre des politiques en faveur de ces quartiers prioritaires (alinéa 7).
Cet observatoire élaborera chaque année, à l’attention du Gouvernement, un rapport détaillé sur l’évolution des quartiers prioritaires de la politique de la ville, qui sera présenté au Parlement.
*
* *
La Commission examine tout d’abord l’amendement CD27 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Il s’agit de rappeler que la solidarité doit aussi s’exercer au niveau local entre communes d’une même agglomération.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CD28 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Il s’agit, pour désigner les quartiers, de remplacer le terme « défavorisés » par le terme « populaires », moins stigmatisant.
Mme Laurence Abeille. Pourtant, dans l’exposé sommaire, vous parlez de « quartiers prioritaires »
M. le rapporteur pour avis. Il faut lire en fait « quartiers populaires ».
M. Jean-Marie Sermier. On ne peut considérer que ce qui est populaire est défavorisé, ni l’inverse. Je suis donc défavorable à l’amendement.
M. le rapporteur pour avis. Encore une fois, le terme « défavorisés » est stigmatisant, alors que le mot « populaires » est beaucoup plus large.
M. Yves Albarello. Je suis d’accord avec Jean-Marie Sermier : on peut être très populaire et favorisé, et inversement.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine en discussion commune les amendements CD29, CD30, CD31 et CD38 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Les amendements CD29, CD30 et CD31 permettent de rappeler l’importance de l’éducation, de la culture et de l’accès à l’emploi et aux transports en commun dans les objectifs de la politique de la ville. Quant au CD38, il permet d’afficher clairement l’objectif prioritaire de lutte contre la précarité énergétique.
M. Martial Saddier. J’y suis favorable, mais ces amendements prouvent que ce texte mérite encore d’être retravaillé et qu’il manque de vision transversale. Il faudrait en outre ajouter aux mots « à la lutte contre la précarité énergétique » les mots « et la qualité de l’air ». Nous sommes en effet en phase précontentieuse au niveau européen à cet égard dans un certain nombre de quartiers, urbains notamment. Cette nuit, en séance publique, j’ai d’ailleurs obtenu du ministre de l’écologie qu’il y aurait un volet sur la qualité de l’air dans la future loi sur la transition énergétique. Il s’agit d’un enjeu fondamental pour les décennies à venir.
M. le rapporteur pour avis. Je suis d’accord, mais l’air ne s’arrête pas aux limites des quartiers prioritaires, alors que la précarité énergétique peut être plus aisément appréhendée. Ce point a donc davantage sa place dans la loi dont vous parlez.
Pour le reste, si on veut améliorer les textes, il faut déposer des amendements. (Sourires)
La Commission adopte les quatre amendements.
Elle en vient à l’amendement CD42 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. S’agissant de la fusion entre l’ONZUS et le Comité d’évaluation de l’ANRU, il me semble important de garder une évaluation la plus indépendante possible et de distinguer, en les clarifiant, les missions d’observation et les missions d’évaluation de la politique de la ville, qui relèvent de deux logiques différentes.
M. Martial Saddier. Comme l’a dit le rapporteur pour avis, nous avons eu moins de quinze jours pour étudier ce texte avec un week-end férié au milieu, en pleine session budgétaire : il est donc plus facile de déposer des amendements quand on est rapporteur et qu’on dispose d’une administration que pour un député de l’opposition découvrant le texte quarante-huit heures avant !
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CD24 de Mme Laurence Abeille.
Mme Laurence Abeille. La participation des habitants est une condition sine qua non de réussite des politiques de la ville, mais elle doit être effective. Cela existe déjà dans le domaine environnemental : il serait bon de faire de même ici, selon des modalités équivalentes. Cette mesure est inspirée de l’excellent rapport de Marie-Hélène Bacqué et Mohamed Mechmache remis au ministre délégué à la ville en juillet dernier.
M. Jean-Marie Sermier. S’agit-il des habitants du quartier, de la ville ou de l’agglomération dans le cadre d’un projet intercommunal ? L’objectif du texte est de renforcer le lien et la cohérence entre les quartiers concernés et le reste de la ville.
M. le rapporteur pour avis. Je partage le souci de renforcer la participation des habitants, quelle que soit la forme d’organisation retenue – qu’il s’agisse d’associations, de représentants de locataires ou de l’habitant citoyen souhaitant s’investir dans un processus plus large que la simple concertation. Il faut que les habitants s’approprient un projet, le « co-construisent », pour augmenter ses chances de réussite. Or cela n’est pas systématiquement le cas dans les faits. Nous devons donc inscrire cette mesure dans la loi, comme condition de signature d’un contrat de ville, de manière à ce qu’elle soit effective et organisée, et qu’elle concerne l’élaboration des projets, leur mise en œuvre et leur évaluation, en laissant aux territoires toute la souplesse nécessaire. Il faut trouver un équilibre entre le cadre que l’on fixe et la capacité des forces vives locales à s’organiser.
Le Gouvernement prépare d’ailleurs un certain nombre d’amendements sur ce sujet, notamment sur la création d’un conseil de citoyens, ce qui va dans la bonne direction.
Je vous propose néanmoins de retirer cet amendement au profit des amendements CD33 et CD34 que je vous présenterai.
Mme Laurence Abeille. Le CD33 n’a pas le même objet : il concerne les associations.
M. François Pupponi, rapporteur au nom de la Commission des affaires économiques. Beaucoup d’amendements tendent à prendre en compte le point de vue des habitants : or certains vont être déposés par le Gouvernement et moi-même sur le même sujet. Il serait donc peut-être préférable d’attendre l’adoption de certains d’entre eux, notamment celui du Gouvernement proposant la création d’un conseil de citoyens, avant d’envisager d’aller plus loin avant l’examen en séance publique. Se posent à la fois le problème de l’information des habitants, en matière de politique de la ville comme de renouvellement urbain, de leur association à la construction d’un projet urbain et de contrat de ville, ainsi que des modalités de mise en œuvre de cette participation – lesquelles ne relèvent pas forcément de la loi.
M. Jean-Yves Caullet. Il est important que notre commission marque son soutien à cette association des habitants. Si le CD24 le permet, il faut prendre en compte le fait que dans les quartiers et les collectivités, il existe déjà des structures qui marchent : il convient d’éviter de les faire disparaître par souci de normalisation et d’en instituer d’autres qu’on aura du mal à lancer.
M. Florent Boudié. Si nous sommes en effet tous d’accord sur le principe de participation des habitants, les amendements proposés en la matière complexifient encore plus la situation : laissons de la souplesse aux territoires ! Je suis donc pour l’affirmation de ce principe et en faire une condition des contrats de ville, mais il serait contre-productif d’aller au-delà.
M. Martial Saddier. Nous sommes favorables, à l’UMP, à ce que les habitants d’un quartier soient au cœur du projet de rénovation ou de politique de la ville. Mais c’est déjà ce qui se passe au quotidien, même si on peut le réaffirmer ou l’améliorer. Toutes les délibérations de la commune dont je suis maire sur les quartiers relevant de la politique de la ville sont publiques et font suite à des dizaines de réunions de quartier, auxquelles les habitants ont été associés – que ce soit pour la voirie, les espaces extérieurs, les écoquartiers, les espaces verts ou la réhabilitation intérieure des bâtiments, celle-ci donnant d’ailleurs lieu à un vote.
En outre, il est hallucinant, dans le contexte budgétaire actuel, de vouloir « flécher » 1 % des crédits sur le fonctionnement, d’autant qu’il ne sera pas simple d’expliquer que 1 500 quartiers ne seront plus éligibles. Au-delà des possibles doublons, des risques contentieux existent : il ne faudrait pas multiplier les possibilités pour un locataire ou un voisin de former un recours devant le juge administratif et mettre ainsi un grain de sable dans un rouage si difficile à mettre en place.
M. Michel Heinrich. Je suis d’accord avec les trois derniers intervenants : à trop vouloir institutionnaliser un système, il ne sera plus représentatif des habitants. Laissons chaque collectivité s’organiser ! Je suis donc favorable à cet amendement, mais non aux suivants.
Mme Suzanne Tallard. Pour avoir conduit une opération de rénovation urbaine il y a longtemps et avoir mis en place une concertation approfondie, qui est indispensable et déjà largement pratiquée, je suis tout à fait favorable à cet amendement, qui acte cette pratique – laquelle doit être intégrée dans le processus. Il faut ensuite laisser à chaque territoire choisir, à partir de ce cadre, la forme que cela prendra, de manière à profiter des ressources et de l’expérience locales – sachant que le dispositif devra se traduire par un engagement écrit.
M. Denis Baupin. Je me réjouis que nous soyons tous d’accord. Mais en entendant Martial Saddier, j’ai l’impression qu’on est au pays des Bisounours et que la démocratie participative serait tout à coup devenue permanente et complète. Peut-être y a-t-il des élus particulièrement exemplaires ou que nous ne donnons pas le même sens aux mêmes mots ! Je ne pense pas par exemple que le fléchage de moyens vers la démocratie et la participation des citoyens relève seulement du fonctionnement : cela permet de sortir les quartiers de la difficulté ; c’est donc un élément très important. D’ailleurs, tout ce que nous faisons en matière de politique de la ville s’apparente au fonctionnement, au sens où cela fait fonctionner la ville et permet de créer du tissu social entre les habitants.
Dire que la démocratie participative passe par des instances n’est pas de l’usine à gaz : les conseils de quartiers sont des éléments très importants pour autant qu’on veuille bien les faire fonctionner.
Monsieur Martial Saddier, alors que nous disposons d’un groupe plus petit que le vôtre, nous avons réussi à déposer des amendements dans les délais sur ce sujet ! (Murmures sur les bancs UMP)
Mme Catherine Beaubatie. Je suis favorable à la démocratie participative mais encore plus favorable, dans le contexte actuel, à la démocratie issue des urnes. Quand on est élu, on a compétence pour faire des choix et prendre des décisions. La démocratie participative est une étape et, dans une période où nous avons besoin de gagner en lisibilité, il ne faut pas tout mélanger. On a mis en place des comités de quartier dans les villes : il faut travailler avec les associations qui ont elles aussi des représentants élus. On en a assez d’une démocratie participative où des gens venant passer des week-ends en milieu rural recourent au tribunal administratif ou refusent des projets éoliens ou des agrandissements d’exploitations agricoles. Oui à ce qu’il y ait de la concertation, non à ce qu’il n’y ait que des moyens de pression ! (Applaudissements sur divers bancs)
M. le rapporteur pour avis. Monsieur Martial Saddier, la loi s’adresse souvent aux moins vertueux. Si on inscrit ce principe dans la loi, c’est parce qu’il ne va pas toujours de soi. J’ai moi-même mené des opérations de rénovation urbaine à Strasbourg, ayant mobilisé plus de 700 millions d’euros. S’il est normal d’associer les habitants à l’élaboration des projets de rénovation des quartiers, il faut trouver un moyen assez souple pour organiser cette co-construction, les élus décidant en dernier ressort.
Je propose que nous adoptions cet amendement consensuel, sous réserve de le rectifier en remplaçant « défavorisés » par « populaires », par cohérence avec l’amendement CD28 précédemment adopté.
La Commission adopte l’amendement CD24 ainsi rectifié.
Elle en vient à l’amendement CD33 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Cet amendement permet aux associations de locataires de participer à l’élaboration des projets. S’il est adopté, je le présenterai à la Commission des affaires économiques ; il pourra ainsi être pris en compte dans l’amendement que défendra le Gouvernement.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er ainsi modifié.
La Commission examine l’amendement CD36 du rapporteur pour avis, portant article additionnel après l’article 1er.
M. le rapporteur pour avis. Il s’agit de rendre obligatoire, pour les communes de plus de 80 000 habitants – correspondant au seuil fixé pour la mise en place des conseils de quartier –, l’instauration de conseils de résidents étrangers permettant à ces concitoyens extracommunautaires de participer à la vie de leur ville et de leur quartier.
Mme Catherine Beaubatie. Si l’idée est louable, elle conduit à stigmatiser ces populations. L’école de la République doit permettre à tous d’avoir un niveau de connaissance suffisant pour participer aux comités de concertation existants.
M. Denis Baupin. Nous voterons en faveur de cet amendement car ces habitants sont stigmatisés aujourd’hui. Pour l’instant, ils n’ont pas le droit de vote : lorsque ce sera le cas, conformément à l’engagement pris par le Président de la République – j’espère le plus vite possible –, le problème sera résolu. En l’occurrence, la ville de Paris a créé il y a une douzaine d’années un conseil des résidents étrangers extracommunautaires qui a permis de tenir compte de leurs préoccupations : il s’agit en attendant d’une bonne mesure.
M. Michel Heinrich. Je suis contre cet amendement. Quand on organise une concertation dans une ville sur un projet, on ne fait pas de différence entre les habitants extracommunautaires et les autres. J’ai peur que cette mesure favorise le communautarisme et provoque une stigmatisation.
Mme Suzanne Tallard. Dans le cadre de la co-élaboration des projets, les habitants étrangers sont considérés comme des habitants à part entière. On sait que pour des raisons culturelles, il est parfois difficile qu’ils participent aux réunions : or, dans le cadre de la concertation, il peut y avoir des actions qui les concernent davantage. Cela étant, s’il part d’une idée généreuse, cet amendement est inadapté et stigmatisant.
M. Alexis Bachelay. Je ne sais si cet amendement constitue la bonne solution, mais le débat a sa raison d’être. En tant que rapporteur de la mission parlementaire sur les immigrés âgés, j’ai constaté que, dans les foyers de travailleurs migrants situés à la périphérie des villes, ceux-ci sont totalement à l’écart de ce qui se passe dans la ville. Le fait qu’ils n’aient pas le droit de vote a eu pour conséquence que les autorités locales n’ont eu aucune considération pour ce qui se passait dans ces foyers. La loi n’est pas faite en effet pour les plus vertueux !
Mme Laurence Abeille. Je suis d’accord : cela est vrai aussi dans les quartiers qui ne sont pas très éloignés des grands centres, où habitent beaucoup d’étrangers qui parlent souvent mal le français. Ce n’est pas les stigmatiser que de leur offrir un tel conseil, mais au contraire reconnaître leur présence sur le territoire et leur dire qu’on s’intéresse à leur point de vue.
Par ailleurs, le seuil de 80 000 habitants me paraît beaucoup trop important, car il exclurait beaucoup de villes du dispositif, notamment en banlieue parisienne où il y a peu de villes comportant autant d’habitants. Il faudrait donc l’abaisser.
M. Florent Boudié. Cet amendement m’inquiète : sous couvert de discrimination positive, il donne le sentiment d’isoler une population. Pire, on dit à ces communautés : « vous n’avez pas le droit de vote aux élections municipales et vous n’êtes pas des citoyens comme les autres, donc on crée une instance spécifique pour vous ». Ce faisant, celle-ci risque d’être l’expression de communautarismes. Je souhaite donc que cet amendement soit retiré.
M. Alain Gest. Monsieur Denis Baupin, nous sommes habitués à vos excès et à vos provocations, notamment à quelques semaines des élections municipales. Je vous conseille d’ailleurs de suggérer à Mme Anne Hidalgo de mettre en avant cette mesure pendant sa campagne électorale !
Je crois au contraire qu’il ne faut pas tout régenter dans les collectivités territoriales et respecter le principe de la décentralisation, conformément à la Constitution, en laissant aux élus locaux choisir le modèle de concertation, plutôt que de créer une structure supplémentaire.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je ne puis accepter que notre débat, qui porte sur un amendement précis, migre vers un autre sujet.
M. Martial Saddier. Il faut être très prudent : au-delà du risque de stigmatisation, il faut faire confiance aux élus. Les maires au cœur de la politique de la ville depuis dix ans aiment leurs quartiers et les gens qui y vivent.
En outre, si on veut être logique, ce n’est pas le seuil de la commune qu’il faudrait retenir mais de l’intercommunalité, qui détiendra la compétence. Enfin, je me demande comment cet amendement peut être déclaré recevable alors qu’il crée une charge nouvelle pour instituer ce conseil.
M. Jean-Yves Caullet. Manifestement, les esprits cheminent vers la citoyenneté pleine et entière des résidents étrangers extracommunautaires. La citoyenneté ne se partage pas. Une des difficultés vient d’ailleurs de ce que ce texte s’accorde mal avec des problèmes généraux de citoyenneté.
M. Denis Baupin. Merci, monsieur Alain Gest, de m’attribuer tous les mérites d’un amendement présenté par le rapporteur pour avis ! Je vous précise en outre que je ne soutiens pas Mme Anne Hidalgo pour les élections municipales à Paris puisque nous présentons nos propres listes !
Si la question de la stigmatisation est légitime, nous avons constaté par expérience à Paris qu’il est préférable pour ces citoyens d’être associés d’une façon ou d’une autre, plutôt que de ne pas l’être du tout.
M. le rapporteur pour avis. Nous ne sommes pas en effet au pays des Bisounours ! Il n’est pas vrai qu’instaurer un tel conseil stigmatise une partie de la population. 18 villes ont mis en place ce type de structure – comme Paris, Lille, Strasbourg, Reims, Bordeaux – : l’expérience montre qu’il s’agit d’un outil nécessaire pour la démocratie participative à partir d’un certain seuil de population.
Madame Laurence Abeille, ce conseil est obligatoire non seulement pour les villes de 80 000 habitants et plus, mais aussi dans les quartiers prioritaires.
Il y a même un réseau des villes ayant un conseil des résidents étrangers, le CoFraCiR, qui a été créé au niveau national et permet des échanges d’expériences. Et, progressivement, certaines villes sont amenées à créer ce type d’instances, qui ne tendent pas vers le communautarisme, mais permettent au contraire une meilleure prise en compte de cette catégorie de citoyens extracommunautaires – lesquels ont du mal à trouver leur place dans la ville.
La Commission rejette l’amendement.
Article 2
(articles 6, 7, 9-1 à 9-3 [nouveaux], 10-3 [nouveau], 11 et 12
de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003)
Programme national de renouvellement urbain
Cet article pose le principe et définit le cadre de la poursuite des interventions relevant de la dimension urbaine de la politique de la ville, à travers la prolongation de l’actuel programme national de rénovation urbaine et le lancement d’un nouveau programme national de renouvellement urbain. L’ensemble des dispositions de l’article 2 est inséré dans la loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.
— Les 1° et 2° de l’article 2 (alinéas 2 à 6) permettent de prolonger de deux ans la durée du programme national de rénovation urbaine (PNRU). Le terme des engagements de ce programme est ainsi reporté de la fin de 2013 à la fin de 2015, afin de tenir compte du volume de crédits restant à engager et de sécuriser l’intégrité des conventions pluriannuelles conclues entre l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et les porteurs de projets locaux.
— Le 3° de l’article 2 (alinéas 7 à 16) traduit, sur un plan juridique, le lancement du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPRNU) à travers l’insertion dans la loi du 1er août 2003 précitée d’un chapitre II bis relatif à ce nouveau programme. Ce chapitre nouveau comprend lui-même trois articles :
– l’article 9-1 lance le nouveau programme national de renouvellement urbain, dont l’objectif est la requalification des quartiers prioritaires de la politique de la ville dans le respect du cadre fixé par les contrats de ville. En cohérence avec la démarche générale de concentration des moyens de la politique de la ville, ce nouveau programme bénéficiera par priorité aux quartiers présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants, dont la liste sera arrêtée par le ministre chargé de la ville sur proposition du conseil d’administration de l’ANRU. L’article 9-1 dresse par ailleurs la liste des grands types d’opération que ce programme sera appelé à inclure, qui comprend les opérations d’aménagement urbain, la réhabilitation, la résidentialisation, la démolition et la production de logements, la création, la réhabilitation et la démolition d’équipements publics ou collectifs, la réorganisation d’espaces d’activités économiques et commerciales ou encore le traitement des copropriétés dégradées ;
– l’article 9-2 arrête à 5 milliards d’euros le montant du concours financier à l’ANRU au titre du nouveau programme national de renouvellement urbain. Les moyens affectés par l’agence au PNRU proviendront des recettes mentionnées à l’article 12 de la loi du 1er août 2003 précitée ; (1)
– l’article 9-3 étend au nouveau programme le périmètre d’applicabilité des articles 8 et 9 de la loi du 1er août 2003 précitée, prévoyant la participation de la Caisse des dépôts et consignations et le déplafonnement, dérogatoire au code général des collectivités territoriales, des taux de subvention de l’ANRU aux collectivités. La participation de la Caisse des dépôts et consignations pourra s’effectuer sous la forme de prêts ou la mobilisation de fonds propres.
— Le 4° de l’article 2 (alinéas 17 à 23) insère un article 10-3 à la loi du 1er août 2003 précitée, étendant la compétence de l’ANRU à la mise en œuvre de ce nouveau programme.
L’article 10-3 prévoit également une évolution des formes de concours financier que l’opérateur peut apporter dans le cadre de ce nouveau programme, en lui ouvrant la possibilité d’agir en tant que co-investisseur, par des prises de participation dans des sociétés concourant exclusivement au renouvellement urbain des quartiers prioritaires de la politique de la ville. De telles prises de participation ne sont néanmoins appelées qu’à demeurer un outil complémentaire au modèle économique classique de l’ANRU, adapté à des objets circonscrits (objets à caractère économique dégageant de potentiels retours sur investissement comme le portage immobilier, la restructuration des centres commerciaux, les maisons de santé, etc.) et permettant d’avoir un effet d’entraînement sur les dynamiques de requalification des quartiers par l’attraction et la sécurisation des investisseurs privés et des autres investisseurs publics.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit que l’ANRU élabore et adopte une charte nationale d’insertion intégrant les exigences d’insertion professionnelle des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville dans le programme national de renouvellement urbain ainsi qu’une charte nationale de concertation définissant les exigences de concertation des habitants lors de la conception et de la mise en œuvre de ce même programme.
— Le 5° de l’article 2 (alinéas 24 à 26) effectue une série de modifications rédactionnelles de cohérence ou de conséquence.
— Le 6° de l’article 2 (alinéas 27 à 30) complète par ailleurs la liste des ressources potentielles de l’ANRU par rapport à celles actuellement mentionnées à l’article 12 de la loi du 1er août 2003 précitée, en y ajoutant les dividendes et autres produits des participations qu’elle détient dans ses filiales ou dans les sociétés dans lesquelles elle détient une participation, les concours financiers de la caisse de garantie du logement locatif social ainsi que les contributions issues du fonds mentionné à l’article L. 452-1-1 du code de la construction et de l’habitation.
*
* *
La Commission examine tout d’abord l’amendement CD7 de M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. Cet amendement propose la création systématique d’une instance de démocratie participative, « la maison du projet » dans tous les territoires faisant l’objet d’une opération de renouvellement urbain.
Mme Valérie Lacroute. Dans une commune de 13 000 habitants – et je pense que c’est le cas dans tous les projets de rénovation urbaine –, il existe des espaces ville permettant à la population et aux acteurs d’échanger sur ces projets, voire d’y organiser des formations budgétaires – ce qui ne me paraît d’ailleurs guère prioritaire. Je voterai donc contre cet amendement.
M. le rapporteur pour avis. Avis favorable à cet amendement, sous réserve de le rectifier en supprimant le fait que « 1 % au moins du concours financier de l’ANRU est consacré à la mise en œuvre de ce dispositif ».
M. François Pupponi, rapporteur au nom de la Commission des affaires économiques. C’est une excellente idée. Dans beaucoup de projets urbains, la mairie a mis en place un dispositif de ce type, mais cela n’est pas vrai partout, notamment en termes de formation. Or, quand on explique un projet urbain à des habitants, s’ils n’ont pas la connaissance technique nécessaire à cet effet, ils ne le comprennent pas.
Je pense qu’il faudrait prévoir que chaque convention de renouvellement urbain fixe un lieu et en déterminent les conditions de fonctionnement ainsi que le financement. Mais je suis sceptique sur le 1 % consacré à la mise en œuvre de la mesure – soit plusieurs millions d’euros pour financer un dispositif qui pourrait l’être plus simplement –, d’autant que je ne suis pas sûr que cela soit conforme au règlement de l’ANRU. Ce point doit être expertisé.
M. Martial Saddier. Il faut éviter d’afficher qu’1 % de l’action publique est consacré au fonctionnement.
Par ailleurs, la loi est là pour améliorer ce qui existe, non pour l’entraver, voire le remettre en cause, comme le ferait une telle mesure. Nous avons des locaux associatifs de quartier dans certains endroits et je rappelle que le carroyage va identifier des quartiers dans des petites communes – de 5 000 à 10 000 habitants –, où la mairie se trouve à moins de deux cents mètres : on ne va pas bâtir une nouvelle structure à côté dans le contexte actuel. Gardons de la souplesse !
Mme Sophie Rohfritsch. Je suis d’accord. On ne peut tout encadrer. Les initiatives locales sont en général bien menées. Les collectivités doivent rester libres d’organiser la concertation comme elles le pensent, d’autant qu’elles ne sont pas inactives.
Mme Catherine Beaubatie. Quand on est maire, l’acte prioritaire est de voter le budget. Je ne vois pas comment expliquer l’élaboration et la gestion d’un budget aux habitants d’un quartier. D’ailleurs, qui va faire la formation nécessaire à cet effet ? Les techniciens des mairies ?
M. Denis Baupin. Je suis d’accord sur la rectification proposée par le rapporteur pour avis. Mais je suis en total désaccord avec Martial Saddier sur le fait de considérer que cela relève du fonctionnement – ce qui d’ailleurs est révélateur de son état d’esprit concernant la concertation…
Si j’approuve également la position de François Pupponi sur le rattachement du dispositif aux conventions de l’ANRU, je crois que nous devrions adopter cet amendement pour envoyer un signal.
Certes, il est compliqué de former les citoyens aux questions budgétaires, mais une ville comme Curitiba au Brésil, qui n’est pas particulièrement riche, a par exemple mis en place depuis de nombreuses années un budget participatif. Il n’y a guère de meilleure façon de faire comprendre aux habitants les problèmes de la cité.
Mme Martine Lignières-Cassou. Il ne faudrait pas que l’amendement soit aussi précis. D’ailleurs, les ateliers citoyens d’urbanisme dépassent la question de l’urbanisme. On pourrait prévoir d’intégrer ce type de dispositif – qui est en effet un lieu de formation, d’initiative et de co-construction – dans la convention avec l’ANRU.
M. le rapporteur pour avis. Je maintiens mon avis favorable, sous réserve de la rectification que je viens d’évoquer.
Cet amendement pourra ensuite être intégré dans celui du rapporteur de la Commission des affaires économiques ou celui que prépare le Gouvernement sur les conseils de citoyens, prévoyant un lieu où ceux-ci pourront se réunir, échanger et se former.
La Commission adopte l’amendement CD7 ainsi rectifié.
Elle examine ensuite l’amendement CD8 de M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. Il s’agit de proposer la création systématique d’une instance de démocratie participative, l’atelier citoyen d’urbanisme, dans tous les territoires faisant l’objet d’une opération de renouvellement urbain.
M. le rapporteur pour avis. Je souhaite que cet amendement soit retiré : nous en avons adopté un autre prévoyant la participation des citoyens et le Gouvernement va présenter le sien sur ce sujet. En outre, cette disposition me paraît beaucoup trop précise.
L’amendement est retiré.
Puis la Commission examine l’amendement CD40 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Il s’agit de préciser qu’une partie des 5 milliards d’euros affectés à l’ANRU puisse permettre de financer des opérations isolées dans des quartiers non retenus par le programme national.
M. Martial Saddier. Cela fait environ une heure et demie que nous discutons sur la participation des citoyens alors qu’on sait que le Gouvernement prépare un amendement sur les conseils de citoyens – comme il l’a annoncé publiquement la semaine dernière à Amiens. Que l’on n’ait pas cet amendement, ni aujourd’hui, ni demain devant la commission saisie au fond, me paraît très regrettable. Il faudrait impérativement l’avoir demain pour poursuivre la discussion, d’autant que l’examen en séance publique est proche. Tout cela ne paraît pas très sérieux.
M. le rapporteur pour avis. Je vous rassure : nous aurons les amendements du Gouvernement demain lors de la réunion de la Commission des affaires économiques. Je rappelle que, pour votre part, vous n’avez déposé aucun amendement.
La Commission adopte l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CD23 de Mme Laurence Abeille.
Mme Laurence Abeille. Il s’agit de substituer aux deux occurrences du mot « concertation » le mot « participation », dans l’esprit du rapport de Marie-Hélène Bacqué et Mohamed Mechmache précédemment évoqué.
M. le rapporteur pour avis. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CD34 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. L’amendement tend à tenir compte des retours d’expérience sur les opérations de renouvellement urbain, dans lesquelles la participation des habitants n’a pas toujours été au rendez-vous. Il s’agit de préciser les modalités d’association des habitants dans le processus d’élaboration de ces opérations.
M. Martial Saddier. Je ne comprends pas : on ne cesse de nous expliquer qu’il faut retirer des amendements sur ce sujet dans l’attente de celui préparé par le Gouvernement – que notre commission, encore une fois, n’aura pas pu examiner – et on nous demande en même temps d’adopter cet amendement qui sacralise la concertation !
Monsieur le rapporteur pour avis, si nous n’avons pas déposé d’amendement, c’est, je le répète, parce que les conditions de travail sont inacceptables. D’autant qu’alors que nous sommes en pleine période d’examen du budget, le projet de loi sera examiné en séance publique un vendredi, ce qui est une première !
D’ailleurs, beaucoup d’amendements ont été adoptés de justesse, ce qui montre qu’il y a un problème de fond sur ce texte.
M. le rapporteur pour avis. L’amendement du Gouvernement n’étant pas encore défendu, il est normal que notre commission fasse son travail. Demain, je présenterai devant la Commission des affaires économiques les amendements que nous aurons adoptés : si certains sont satisfaits par ceux du Gouvernement, naturellement je les retirerai. Tout cela me paraît normal. C’est vous, monsieur Saddier, qui, en insistant ainsi, n’êtes pas sérieux !
M. Alain Gest. J’entends bien, mais la mesure préparée par le Gouvernement a été rendue publique depuis la semaine dernière. Le ministre s’est exprimé clairement et a d’ailleurs repris les propositions du rapport de Marie-Hélène Bacqué et Mohamed Mechmache précédemment évoqué. Je ne vois pas l’intérêt de multiplier des amendements qui vont être probablement retirés demain au profit de celui du Gouvernement.
En outre, avec le nombre de structures que vous proposez, vous créez une usine à gaz, alors que vous voulez en même temps gagner en clarté auprès des citoyens ! C’est incompréhensible.
M. Florent Boudié. Je ne ferai pas de commentaire sur les manières dilatoires et presque grossières de Martial Saddier.
L’amendement CD24 que nous avons adopté fixe le principe de la participation citoyenne. Nous pensions qu’il revenait ensuite aux contrats de ville d’en préciser les modalités. Je préfère en rester à cette solution souple, plutôt que d’adopter une charte systématisée à l’échelle nationale.
M. le rapporteur pour avis. L’intervention de Florent Boudié montre que lui a lu le texte, contrairement à l’intervenant précédent. Il s’agit d’un amendement de précision concernant, non pas les quartiers prioritaires, mais ceux ayant fait l’objet d’une opération de rénovation urbaine. La charte nationale de concertation figure déjà dans le texte.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CD39 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Il s’agit de proposer que l’ANRU élabore et adopte une charte définissant les exigences de qualité énergétique, environnementale et sanitaire des logements, de même que la place de la nature et de la biodiversité dans les projets de renouvellement urbain.
M. Jean-Yves Caullet. Pourrait-on mentionner la qualité de l’air intérieur ?
M. Martial Saddier. Merci à Jean-Yves Caullet, qui défend la filière bois renouvelable. Il me paraît en effet fondamental de prendre en compte la qualité de l’air intérieur. D’autant que lors de la discussion hier soir en séance publique, le ministre de l’écologie a dit qu’il n’y aurait pas de volet sur ce point s’agissant de la rénovation thermique des bâtiments. Or les pouvoirs publics ont commencé d’examiner la qualité de l’air dans un certain nombre d’établissements scolaires, de cantines et de garderies, et nous avons obligation de couvrir la totalité de ces établissements d’ici 2017. Si les premiers résultats ne sont pas catastrophiques, ils montrent l’absolue nécessité d’engager un travail dans ce domaine. Je rappelle que nous respirons les trois quarts du temps de l’air intérieur, entre la voiture, le lieu de travail et le logement.
M. le rapporteur pour avis. Je partage cette préoccupation. La qualité sanitaire des logements me semblait englober cet aspect, mais je propose de rectifier l’amendement en ajoutant après les mots « et sanitaire des logements, » les mots « dont la qualité de l’air intérieur, ».
La Commission adopte l’amendement CD39 ainsi rectifié.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 modifié.
La commission examine l’amendement CD9 de M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. Il est identique à un amendement que nous avions inséré à un autre endroit dans le texte. Il est donc retiré.
L’amendement CD9 est retiré.
Article 3
Rapport au Parlement sur la dotation « Politique de la ville »
Pour contribuer à l’atteinte des objectifs de la politique de la ville énoncés à l’article 1er, il est envisagé d’instituer une dotation budgétaire spécifique, intitulée « dotation politique de la ville ».
Dans cette perspective, l’article 3 du projet de loi prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement, avant le 1er septembre 2014, un rapport qui précisera les conditions dans lesquelles sera instituée cette dotation, à compter du 1er janvier 2015.
Il appartiendra notamment à ce rapport de préciser les conditions d’éligibilité à cette dotation des établissements publics de coopération intercommunale et des communes signataires d’un contrat de ville, les modalités de répartition et d’usage de la dotation, les modalités de détermination de la liste des établissements publics de coopération intercommunale bénéficiaires, les critères de ressources et de charges utilisés pour la répartition, les objectifs et conditions d’usage de la dotation ainsi que les dispositions spécifiques pour les départements et collectivités d’outre-mer.
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La commission examine l’amendement CD10 de M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. Il s’agit de flécher spécifiquement, dans la nouvelle politique de la ville, le dispositif des adultes relais, qu’il s’agit de pérenniser. J’insiste sur l’extrême utilité de ce relais, dans les quartiers dans lesquels il est mis en place, notamment du point de vue du renforcement du lien social.
M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. Je considère que cette disposition ne relève pas nécessairement de la loi. Qui plus est, ce dispositif reste pour l’essentiel porté par les associations, et ne bénéfice donc pas directement d’un financement direct de l’État.
Mme Valérie Lacroute. Pour le coup, je rejoins la position défendue par Denis Baupin au travers de cet amendement et des suivants : les quartiers exclus du nouveau dispositif vont également perdre le bénéfice des programmes adultes relais et réussite éducative. Il s’agit de financements adressés directement à la collectivité. Je voterai donc cet amendement.
M. Jacques Alain Bénisti. Je serais tenté de voter dans le même sens, tant le rôle des adultes relais me paraît important. Pour l’information de notre Rapporteur, je rappelle qu’il s’agit de financement direct de l’État vers les associations. Il n’y a donc pas de problème de ce côté-là.
M. Martial Saddier. Nous touchons là au cœur du second aspect du projet de loi : la faiblesse de l’étude d’impact sur l’incidence du retrait pour les 1 500 quartiers et villes qui se trouveront exclus de la nouvelle géographie prioritaire. Nous avons beaucoup insisté sur ce point depuis le début de l’examen de ce texte par notre commission. Martial Saddier soutient donc l’amendement de Denis Baupin. (Sourires)
M. Jean-Yves Caullet. Je partage la préoccupation qu’il y ait dans ce cas une transition, une consolidation des actions menées sur ces territoires, pour ne pas perdre le bénéfice des politiques publiques antérieurement menées. À ce titre, l’amendement suivant, le CD11, me paraît sur le plan législatif plus intéressant et plus prospectif car touchant à l’ensemble des dispositifs concernés. Il serait donc meilleur pour nous de l’adopter afin d’envoyer le message le plus approprié au fond.
M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. Je rejoins la proposition de Jean-Yves Caullet et demande à Denis Baupin de retirer son amendement afin que nous puissions adopter le suivant de la façon la plus consensuelle qui soit. Au risque de froisser une nouvelle fois certains de nos collègues, je précise que le Gouvernement présentera demain, en commission des affaires économiques, un amendement détaillant le dispositif de veille, entre l’État et les collectivités territoriales, qu’il entend mettre en place sur certains quartiers sortants de la géographie prioritaire. Ces quartiers pourront d’ailleurs faire partie d’un contrat de ville - qui ne mobilisera que des financements de droit commun - pour assurer la transition entre un régime exorbitant du droit commun et un régime de droit commun.
M. Denis Baupin. Je remercie le rapporteur pour le soutien qu’il m’accorde sur le CD11, mais j’insiste sur le fait que notre commission du développement durable se doit d’adresser un certain nombre de signaux sur les éléments qu’elle juge prioritaires. Il me paraît important que le message sur les adultes relais soit relayé : allons donc jusqu’au vote sur cet amendement.
M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. Je n’ai pas d’opposition pratique sur cette démarche.
La commission adopte alors l’amendement CD10 de M. Denis Baupin.
Elle examine ensuite l’amendement CD11 de M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. J’ai compris qu’il y avait un accord, et j’en remercie le rapporteur, sur l’idée sous-jacente de cet amendement. Je ne vais donc pas insister lourdement sur le fait que la démarche qui va être mise en place sur les quartiers sortants de la géographie prioritaire devra déboucher sur des propositions permettant d’atténuer les conséquences négatives de la sortie de l’ancien dispositif.
M. Martial Saddier. J’attire l’attention de notre collègue Denis Baupin sur le fait que dans la mesure où les nouveaux contrats prendront effet au 1er janvier 2015, il nous faudra avoir la certitude que le rapport sera rendu public avant cette échéance. Ledit rapport, très utile pour nous rappeler au bon souvenir du ministre et de l’administration concernés, mais affiché dans la loi sans délai ni date butoir quant à sa remise, ne pourrait rassurer les élus, notamment des futurs conseils citoyens, ni les maires concernés. Il faut impérativement qu’une date – le 31 juillet, le 15 septembre, le 30 octobre ? – soit déterminée par la loi.
M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. Le projet de loi prévoit le 1er septembre 2014 pour la remise de ce rapport. Je donne donc un avis favorable sur le CD11, dans l’attente comme je l’ai dit de l’amendement du Gouvernement.
La commission adopte l’amendement CD11 puis elle donne un avis favorable à l’adoption de l’article 3 ainsi modifié.
TITRE II
DES INSTRUMENTS ET DE LA GOUVERNANCE
DE LA POLITIQUE DE LA VILLE
Le titre II comprend trois chapitres relatifs à la définition de la nouvelle géographie prioritaire, au nouveau cadre contractuel garantissant la cohérence des outils mis en œuvre au bénéfice des quartiers prioritaires et à la définition de nouvelles modalités de gouvernance de la politique de la ville.
Chapitre 1er
De la géographie prioritaire
L’amélioration de la lisibilité, de la cohérence et de l’efficacité des actions déployées dans le cadre de la politique de la ville impose un recentrage sur une géographie prioritaire unique, au profit de laquelle sont concentrés et articulés l’ensemble des moyens d’intervention à travers la mise en place d’un cadre contractuel rénové. Ce nouveau cadre a pour effet de faire disparaître tout à la fois les ZUS créées par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire et l’ancienne géographie contractuelle, dont le cadre a été fixé par voie réglementaire.
Article 4
Définition des quartiers prioritaires de la politique de la ville
L’unique article du chapitre 1er a pour objectif de définir les « quartiers prioritaires de la politique de la ville » se substituant aux zones urbaines sensibles, aux zones de redynamisation urbaine et aux quartiers des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) situés hors-ZUS.
— Aux termes du I de cet article (alinéas 1 à 5), ces quartiers seront identifiés par le croisement de deux indicateurs :
– un nombre minimal d’habitants ;
– un écart de développement économique et social, apprécié par un critère de revenu des habitants. Cet écart sera défini par rapport, d’une part, au territoire national et, d’autre part, à l’agglomération dans laquelle se situe le quartier considéré, selon des modalités appelées à varier en fonction de la taille de cette agglomération.
Pour ce qui concerne les départements et collectivités d’outre-mer, ces quartiers pourront être caractérisés par un ensemble de critères sociaux, démographiques, économiques ou relatifs à l’habitat tenant compte des spécificités de chacun de ces territoires.
— Aux termes du II de cet article (alinéa 6), la liste des quartiers prioritaires, établie par décret, fait l’objet d’une actualisation dans l’année précédant le renouvellement général des conseils municipaux si la rapidité des évolutions observées le justifie.
Dans les départements et collectivités d’outre-mer, il est procédé sous la même condition à cette actualisation tous les trois ans.
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La commission examine ensuite les amendements CD12, CD13 et CD14, de M. Denis Baupin, qui sont soumis à une discussion commune.
M. Denis Baupin. Le fait de retenir, comme le Gouvernement l’a fait, un critère unique de la géographie prioritaire présente d’indéniables avantages en matière de lisibilité et d’objectivation. Pour autant – je n’ai pas déposé ces amendements par hasard – il faut prendre en considération les besoins de quartiers concernés par la politique de la ville comme ceux que je connais dans ma circonscription parisienne, qui ne peuvent se définir uniquement par le niveau de revenu des personnes qui y vivent. Ils peuvent ressortir de situations particulières aggravantes et qui constituent des signes de difficulté. Ces trois amendements d’appel visent donc à prendre également en compte le taux de familles monoparentales, de chômage, et d’échec scolaire, critères tous révélateurs d’inégalités ou de discriminations au sein d’un même espace. Il faut que ces éléments qualitatifs soient pris en compte par le Gouvernement lorsqu’il choisira les quartiers et leur périmètre définitifs, ainsi que les dispositifs d’accompagnement des territoires « sortants ».
M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. J’entends bien les arguments de Denis Baupin. Pour autant, à partir du moment où le choix, à mon sens judicieux, d’un critère unique a été fait par le Gouvernement, il ne me semble pas possible d’en superposer d’autres, que l’on pourrait multiplier quasiment à l’infini selon les territoires. Pour cette raison, je donne un avis défavorable à ces trois amendements.
M. Jacques Alain Bénisti. Le taux de familles monoparentales pourrait être pris en compte à mon sens comme révélateur de difficultés dans les quartiers sensibles, contrairement au taux de chômage. Opter pour ce dernier reviendrait en effet à nier les efforts faits dans certains cas par les collectivités concernées pour lutter contre ce fléau ou le contenir. Certains de ces quartiers connaissent des difficultés réelles, avec des familles disposant de très peu de revenus, mais un taux de chômage faible, grâce à l’action précisément des collectivités. Ce critère ne pourra donc pas s’avérer utile.
Puis la commission rejette, sur avis défavorable du rapporteur, les amendements CD12, CD13 et CD14.
Elle examine ensuite l’amendement CD15 de M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. Il s’agit d’une question complexe, liée à l’attractivité des grandes agglomérations auprès de populations marginalisées que les statistiques oublient : les sans-droits et les sans-logis. Ils peuvent cependant rendre la situation encore plus difficile dans certains quartiers concernés par la politique de la ville. Il s’agit d’un amendement d’appel, qui vise à initier une réflexion sur ces angles morts des statistiques.
M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. Je donne un avis défavorable à cet amendement.
Puis la commission rejette, sur avis défavorable du rapporteur, l’amendement CD15.
La commission examine ensuite l’amendement CD16 de M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. Cet amendement vise à ne pas discriminer les départements et collectivités d’outre-mer, qui en matière de politique de la ville se voient appliquer des critères différents.
M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. Je donne un avis défavorable à cet amendement.
La commission rejette l’amendement CD16. Puis elle donne un avis favorable à l’adoption de l’article 4 ainsi modifié.
Chapitre II
Des contrats de ville
Le chapitre II comprend un unique article 5 voué à la définition des nouveaux contrats de ville conclus entre l’État et les collectivités territoriales afin de constituer le cadre local de mise en œuvre de la politique de la ville. Organisés au niveau intercommunal en liaison avec les communes concernées, ces conventions connaîtront le même terme que les mandats municipaux afin d’éviter les hiatus et les flottements consécutifs aux alternances politiques. Ils s’appuieront sur la mobilisation des acteurs : État, opérateurs nationaux, collectivités territoriales y compris les départements et les régions, Caisse des dépôts et consignations, organismes d’habitations à loyer modéré, sociétés d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux, organismes de protection sociale, chambres consulaires et autorités organisatrices de transport.
Article 5
Contrats de ville entre l’État et les collectivités territoriales
Cet article définit les contrats de ville attachés aux nouveaux quartiers prioritaires de la politique de la ville. S’ils bénéficieront de crédits spécifiques, ces contrats reposeront également sur l’engagement des politiques de droit commun. Ils feront correspondre plus harmonieusement et avec une cohérence accrue les volets social (ACSÉ) et urbain (ANRU) de la politique de la ville. Ainsi, pour les quartiers concernés par les nouveaux projets de renouvellement urbain, les contrats de ville fixeront orientations et cadre de référence des conventions passées avec l’ANRU.
Eu égard à leurs spécificités institutionnelles et géographiques, tant les territoires ultramarins que la région francilienne font l’objet de dispositions dérogatoires pour une mise en œuvre optimale du nouveau dispositif.
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La commission en vient à l’examen des amendements CD1 et CD2, soumis à une discussion commune, de M. Florent Boudié.
M. Florent Boudié. Il s’agit d’amendements d’appel : je voudrais préciser la situation des communes concernées, parfois sur la totalité de leur périmètre, par la géographie prioritaire, et qui font partie d’intercommunalités qui ne choisiraient pas la compétence optionnelle « politique de la ville ». Que deviennent ces communes, souvent de taille réduite, pour lesquelles la communauté de communes refuse la compétence, car elle ne sent pas en capacité ? L’article 8 du projet de loi précise qu’à défaut d’accord ou de contrat passé par l’intercommunalité, la responsabilité première revient, au fond, à la commune. Je propose donc, dans ces deux amendements, et de sécuriser la situation de ces communes, et d’introduire l’alternative entre la commune et l’intercommunalité.
M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. Je comprends les inquiétudes, ou plutôt les interrogations de notre collègue Florent Boudié, mais il me semble que l’alinéa 6 de l’article 5 du projet de loi devrait les dissiper. Il dispose que « les objectifs des contrats de ville s’inscrivent dans les orientations définies par l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou, à défaut, par la commune, pour le développement de leur territoire. » Je crois savoir que le Gouvernement sera prêt, lors de la réunion de la Commission des affaires économiques saisie au fond, à bien repréciser tous ces points.
Je propose donc à notre collègue de retirer ses amendements.
M. Martial Saddier. Il s’agit d’un sujet compliqué. Il me semble que nous devons envoyer un signal, selon lequel la commune qui appartient à un EPCI à fiscalité propre et dont un ou plusieurs quartiers sont éligibles aux actions de la politique de la ville doit bénéficier d’une solidarité locale. Il faut réduire au maximum les possibilités de s’affranchir d’une telle solidarité, sauf à risquer de voir se multiplier les comportements égoïstes et le quant-à-soi. C’est au sein de l’EPCI que la solidarité de premier rang doit venir s’exprimer, avant d’aller solliciter le département, la région ou l’État.
M. Jean-Yves Caullet. Dans le cadre d’une compétence obligatoire, les choses sont bien ainsi. Mais si la compétence n’est qu’optionnelle, il n’est pas possible que la commune reste seule face à ses problèmes.
M. Florent Boudié. J’en déduis que notre collègue Martial Saddier plaide pour que la compétence « Politique de la ville » soit une compétence obligatoire et que l’intercommunalité soit, demain, la seule porte d’entrée possible pour celle-ci.
Le cas particulier visé par mes amendements est celui d’intercommunalités en milieu péri-urbain ou rural, avec un cœur de ville très urbanisé. Dans ma circonscription, la ville-centre compte 5 000 hab/km², mais la densité moyenne au sein de l’intercommunalité, ville-centre non comprise, n’est que de 80 hab/km² : les élus de l’intercommunalité se désintéressent donc totalement de problématiques de renouvellement urbain ou de cohésion sociale, en milieu paupérisé, absolument spécifiques à une ville-centre qui a joué un rôle de désaturation pour la métropole bordelaise. Si, parce que cette compétence n’est qu’optionnelle, les intercommunalités ne choisissent pas la compétence « Politique de la ville » au motif qu’elles ne considèrent pas le sujet prioritaire, ne risque-t-on pas alors de laisser certaines communes sans soutien face à leurs difficultés ?
M. Martial Saddier. Il s’agit d’un débat de fond et je ne voudrais pas qu’on se méprenne sur le sens de mes propos. Lorsqu’un EPCI à fiscalité propre se met en place, il lui revient d’exercer certaines compétences et de définir l’intérêt communautaire, dans le respect du principe de libre-administration des collectivités territoriales et des identités communales. Le principe même d’un tel EPCI est l’organisation d’une solidarité, aboutissant à faire partager aux ruraux les problèmes des urbains et réciproquement.
Il nous faut donc trouver un moyen – et je suis certain qu’un consensus est possible sur ce point – d’envoyer un signal clair aux élus communautaires, selon lequel lorsqu’un quartier est en difficultés et a besoin d’investissements, la solidarité locale doit primer avant de solliciter, de surcroît, les solidarités départementale, régionale, nationale voire européenne.
M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. Si l’EPCI ne prend pas la compétence « Ville », il n’en restera pas moins signataire du contrat de ville pour l’ensemble de ses autres compétences : il est donc appelé à demeurer un partenaire essentiel au plan local et le texte du projet de loi me semble clair sur ce point.
Je renouvelle donc ma proposition de retrait de ces deux amendements, au bénéfice d’une adoption de l’amendement CD5.
Les amendements CD1 et CD2 sont retirés et la commission en vient à l’examen de l’amendement CD22 de Mme Laurence Abeille.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je rappelle que l’amendement CD21 a été déclaré irrecevable.
Mme Laurence Abeille. Je le regrette car, au côté de la démocratie représentative, la démocratie participative joue un rôle essentiel : elles s’appuient et se renforcent réciproquement. Les référendums d’initiative locale sont peu utilisés et il nous faut donc encourager les démarches de co-construction citoyenne des contrats de ville, qui existent déjà.
M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. Je suggère le retrait de cet amendement au bénéfice du CD17.
L’amendement CD17 est retiré et la commission en vient à l’examen de l’amendement CD35 du rapporteur.
M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. Il s’agit d’intégrer la participation des habitants non seulement au stade de l’élaboration des projets, mais également à ceux de leur mise en œuvre et de leur évaluation.
La commission adopte l’amendement CD35 du rapporteur avant d’examiner les amendements identiques CD45 et CD17 respectivement déposés par le rapporteur et par M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. Cet amendement vise à organiser une véritable participation de la population au lieu des réunions de présentations qui prévalent aujourd’hui.
M. Martial Saddier. En somme, vous demandez l’éco-co-construction ! (Rires)
M. Denis Baupin. Vos propos sont rarement drôles, mais cette plaisanterie l’est.
M. le rapporteur pour avis. Mon amendement identique est défendu.
Les amendements CD17 et CD45 sont adoptés.
La commission en vient à l’amendement CD18 de M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. Toujours pour une meilleure participation, nous proposons d’instituer des comités de pilotages composés à parité de signataires des contrats et de représentants des habitants.
M. le rapporteur pour avis. Dans l’attente des propositions gouvernementales, mon avis est favorable.
L’amendement CD18 est adopté.
La commission examine alors l’amendement CD4 de M. Florent Boudié.
M. Florent Boudié. Cette proposition est dans la lignée des précédentes que j’ai formulées. Lorsque l’EPCI ne choisit pas la compétence optionnelle, il serait bon de rappeler que la prérogative fait retour aux communes. Ceci me semblerait juridiquement plus sûr que l’expression allusive « par défaut » contenue dans cet article 5.
M. le rapporteur pour avis. Comme précédemment, je sollicite le retrait de l’amendement.
L’amendement CD4 est retiré.
La commission adopte ensuite l’amendement CD37 du rapporteur prévoyant la mise en place d’un plan territorial de prévention et de lutte contre les discriminations préalablement à la signature des contrats de ville.
Elle en vient à l’amendement CD5 de M. Florent Boudié.
M. Florent Boudié. L’article 5 précise que le représentant de l’État dans la région francilienne peut proposer des contrats de ville pour des périmètres différents de ceux des EPCI. Ceci répond à la préoccupation que j’ai exprimée pour les cas où l’intercommunalité décline la compétence en matière de politique de la ville. Je propose d’élargir cette possibilité à la totalité du territoire national.
M. le rapporteur pour avis. La prescription figure dans le projet de loi pour prévenir les difficultés nées de la situation très spécifique de l’Île-de-France dans l’achèvement de la carte intercommunale. J’émets toutefois un avis favorable pour les raisons précédemment évoquées. Il faut que le Gouvernement s’exprime, dans un stade ultérieur de la procédure, sur la difficulté d’interprétation soulevée par notre collègue.
L’amendement CD5 est adopté.
La commission adopte alors l’amendement CD41 du rapporteur pour avis fléchant les crédits par actions sur l’ensemble de la période du contrat de ville.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Les amendements CD20 et CD19 ont été déclarés irrecevables.
Mme Laurence Abeille. J’aimerais obtenir une clarification à propos des amendements que j’avais déposés et qui sont malheureusement écartés de la discussion en raison de leur irrecevabilité financière. Ils concernaient l’organisation de la transition pour les quartiers en passe de sortir de la politique de la ville. Le rapporteur peut-il me confirmer que le Gouvernement prépare un dispositif sur ce sujet qu’il présentera demain, en commission des affaires économiques ?
M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. Je le confirme. Il y aura une veille active pour ces territoires qui pourront faire l’objet d’un contrat de ville à condition que celui-ci ne mobilise que des crédits de droit commun, de façon à organiser une transition dans des conditions optimales.
M. Jacques Alain Bénisti. Comment l’État pourrait-il se substituer à des collectivités territoriales sur leurs subventions ?
M. le rapporteur. Je ne crois pas avoir parlé de substitution de l’État, mais ma langue a pu fourcher. Les territoires qui sortiront de la géographie prioritaire pourront faire l’objet d’un contrat de ville, entre les collectivités territoriales et l’État, à condition de ne mobiliser que des crédits de droit commun des unes et de l’autre.
M. Jacques Alain Bénisti. Je remercie le rapporteur de sa précision qui éclaire le propos. (Sourires)
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 ainsi modifié.
Chapitre III
De la gouvernance de la politique de la ville
Composé de quatre articles, le chapitre III fait évoluer la gouvernance de la politique de la ville en faisant des établissements publics de coopération intercommunale la clef de voûte du pilotage de la politique de la ville. Les compétences attribuées et les différents dispositifs varient en fonction du degré d’intégration de l’échelon intercommunal – communauté de communes, communauté d’agglomération, communauté urbaine, métropole, Grand Paris.
Article 6
(article 21 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris)
Prise en compte de la politique de la ville
dans les contrats de développement territorial
Le « contrat de développement territorial » (CDT) est un outil juridique sui generis au service du projet du Grand Paris, régi par l’article 21 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relatif au Grand Paris et par le décret n° 2011-724 du 24 juin 2011 relatif aux contrats de développement territorial. C’est l’outil de planification et de programmation qui permet de décliner au niveau local chacun des objectifs du projet (aménagements autour des gares du réseau de transport du Grand Paris Express, objectifs chiffrés de construction de logements, objectifs environnementaux, développement économique…).
Il est élaboré par l’État, les communes ou leurs groupements ; la région et les départements peuvent en être également signataires. Sauf indication spécifique, il porte sur une durée de 15 ans. Le CDT n’est pas un document d’urbanisme au sens où on l’entend pour les PLU et les SCOT. Toutefois, il entretient des liens très étroits avec les documents d’urbanisme.
21 territoires de contractualisation ont été définis pour l’élaboration de CDT. L’état d’avancement des projets de CDT est très variable. La démarche avance plus vite sur des territoires déjà organisés en intercommunalités, ou bien sur des territoires qui, sans avoir cette structuration préalable, sont dotés d’un établissement public qui peut servir de « moteur » au processus. À ce jour, seuls 2 CDT ont été signés : le CDT « Campus Science et Santé », signé le 28 octobre 2013, et le CDT « Grand Paris Seine Ouest », signé le 13 novembre 2013.
10 projets de CDT ont été validés par l’État et les collectivités locales concernées, mais ne sont pas encore signés. La validation d’un projet de CDT n’est qu’une étape intermédiaire : la signature du contrat, dernière étape, n’intervient qu’à l’issue d’une l’enquête publique et qu’après que les organes délibérants des communes et/ou des établissements publics de coopération intercommunale concernés ont autorisé leurs présidents à signer le contrat. Pour ces 10 projets, l’enquête publique est en cours ou va commencer prochainement. L’objectif annoncé est d’aboutir à la signature de ces 10 contrats avant le mois de mars 2014.
Pour les autres projets de contrat en revanche, l’issue de la procédure d’élaboration demeure incertaine.
L’article 6 du projet de loi vise donc à garantir la prise en compte des problématiques de la politique de la ville dans le cadre des CDT qui n’ont pas été signés à ce jour. Il insère dans la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris la phrase suivante : les CDT « qui n’ont pas été signés à la date de publication de la loi n° du de programmation pour la ville et la cohésion urbaine définissent en outre des objectifs et des priorités en matière de politique de la ville ».
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La commission examine l’amendement de suppression CD46 du rapporteur.
M. le rapporteur. L’intégration des contrats de ville dans les contrats de développement territorial (CDT) soulève une difficulté dans la mesure où ces derniers sont déjà signés pour certains, sont en voie de l’être après de longues concertations pour d’autres. Il est impensable de reprendre à zéro les procédures pour ajouter un volet politique de la ville aux CDT. Je propose donc, à ce stade de la discussion, d’envisager de supprimer l’article 6.
L’amendement CD46 est adopté. La commission émet donc un avis favorable à la suppression de l’article 6.
Article 7
Observatoire national de la politique de la ville
Cet article prescrit que les collectivités locales communiquent au nouvel observatoire national de la politique de la ville l’ensemble des éléments nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Les pouvoirs publics disposeront ainsi d’un outil d’analyse et d’évaluation fiable, ayant à sa disposition toutes les données utiles à un suivi efficace.
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La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 7 sans modification.
Article 8
(articles L. 1111-2, L. 2313-1, L. 5214-16, L. 5214-23-1, L. 5215-20-1et L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales)
Meilleure prise en compte de la politique de la ville
Cet article modifie le code général des collectivités territoriales de façon à inclure la politique de la vile dans le champ des compétences intercommunales. Ainsi, dans les communes et les établissements publics intercommunaux signataires de contrats de ville, un rapport sur la situation de la collectivité au regard de la politique de la ville devra faire l’objet d’un débat devant les assemblées délibérantes.
En outre, une annexe « politique de la ville » sera désormais adjointe aux budgets des EPCI et des communes signataires de contrats de ville : ceci facilitera l’identification et le suivi des dépenses, spécifiques et de droit commun, engagées en faveur des quartiers de la politique de la ville. Les moyens apportés par les différentes parties au contrat, départements et régions au premier chef, y figureront.
L’une des principales avancées du projet de loi consiste à instituer l’échelon intercommunal en pilote des contrats de ville. Cette évolution doit respecter les compétences des communes ainsi que les dispositifs existants institués préalablement par elles. La compétence intercommunale en matière de politique de la ville est donc renforcée à travers les 3° à 6° du présent article qui ont pour conséquence :
– dans les communautés de communes, de faire figurer la politique de la ville dans la liste parmi laquelle au moins une compétence doit être exercée par l’EPCI ;
– d’ouvrir droit à la perception de la dotation d’intercommunalité pour l’exercice de la compétence optionnelle « ville » ;
– dans les communautés d’agglomération, de supprimer la restriction de la compétence « politique de la ville » aux dispositifs d’intérêt communautaire, afin de renforcer le pilotage des actions par l’EPCI ;
– dans les communautés urbaines antérieures à 1999, octroyer les compétences en matière de politique de la ville déjà exercées par les communautés urbaines créées après cette date.
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La commission examine l’amendement CD43 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement souhaite ouvrir le débat sur les actions menées au-delà des seules instances délibératives des collectivités territoriales. Les instances de concertation doivent également pouvoir débattre du rapport.
M. Martial Saddier. « fait l’objet d’un débat » me semblerait plus juridique que « est débattu ».
M. le rapporteur. C’est juste. Si la présidence en est d’accord, je propose de rectifier l’amendement en ce sens.
La commission adopte l’amendement CD43 (rectifié) puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 ainsi modifié.
Article 9
(article 1609 nonies C du code général des impôts)
Obligation d’instituer une dotation de solidarité communautaire
Cet article modifie le code général des impôts afin de généraliser l’obligation d’instituer une dotation de solidarité communautaire à l’ensemble des établissements publics de coopération intercommunale signataires de contrats de ville. Ce dispositif, qui n’est pour l’heure obligatoire qu’au sein des communautés urbaines, aurait donc vocation à se trouver considérablement étendu dans la mesure où l’article 8 permet aux communautés de communes de s’investir dans la politique de la ville et impose aux communautés d’agglomération d’agir en ce sens.
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La commission examine l’amendement CD49 du rapporteur.
M. le rapporteur. Il s’agit d’étendre l’obligation d’instituer une dotation de solidarité communautaire aux métropoles, lesquelles existent déjà en vertu de la réforme territoriale du 16 décembre 2010.
La commission adopte l’amendement CD49 puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 9 ainsi modifié.
TITRE III
DISPOSIONS DIVERSES, FINALES ET TRANSITOIRES
Composé de neuf articles, le titre III procède aux évolutions de conséquence qu’induisent les dispositions introduites par le projet de loi sur l’ensemble de la législation. L’abrogation et la modification de divers dispositifs, l’organisation de la transition pour les territoires ayant vocation à sortir de la géographie prioritaire, et la prise en compte de situations ultramarines spécifiques font l’objet de différentes adaptations.
Article 10
(articles L. 313-3, L. 441-3, L. 442-3-1, L. 442-3-3, L. 482-1 et L. 482-3 du code de la construction et de l’habitation)
Surloyers dans les quartiers quittant la géographie prioritaire
L’article 10 comprend deux dispositions consécutives aux évolutions induites par les articles précédents du projet de loi.
Le 1° étend les emplois de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) du programme national de rénovation urbaine au nouveau programme national de renouvellement urbain.
Les 2° et 3° limitent les avantages spécifiques de la politique de la ville dans les territoires sortant de la géographie prioritaire aux situations acquises au moment du déploiement du nouveau zonage, c'est-à-dire au 31 décembre 2014. Les dispenses de surloyer dans le parc social situé en zone prioritaire sont notamment concernées.
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La commission examine les amendements CD48 et CD47 du rapporteur.
M. le rapporteur. Ces deux amendements procèdent de la même logique. Dans les secteurs de la géographie prioritaire, le droit actuel permet de ne pas appliquer de surloyer aux résidents du parc social. La règle continuera à prévaloir dans les nouveaux quartiers prioritaires ainsi que, selon le projet de loi, dans les zones vouées à quitter la géographie prioritaire pour les locataires installées au 31 décembre 2014. Je suggère d’élargir cette exemption aux locataires qui s’installeront au-delà de cette date.
Les amendements CD48 et CD47 sont adoptés.
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 10 ainsi modifié.
Article 11
(article L. 131-4-2 du code de la sécurité sociale)
Suppression d’une référence aux zones de redynamisation urbaine
L’article 11 tire les conséquences de la suppression des zones de redynamisation urbaine (ZRU) opérée à l’article 16 : la mention de ce dispositif est retirée du code de la sécurité sociale
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La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 sans modification.
Article 12
(Article 722 bis du code général des impôts)
Suppression d’une référence aux zones de redynamisation urbaine
L’article 11 tire les conséquences de la suppression des zones de redynamisation urbaine (ZRU) opérée à l’article 16 : la mention de ce dispositif est retirée du code général des impôts.
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La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 12 sans modification.
Article 13
Dispositions spécifiques à Saint-Martin
L’article 13 prévoit l’adaptation de certaines dispositions du projet de loi concernant l’ile de Saint-Martin. Ces adaptations sont nécessaires en raison du statut particulier qui régit ce territoire en vertu du principe d’identité législative.
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La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 13 sans modification.
Article 14
Dispositions spécifiques à la Polynésie française
L’article 14 prévoit l’adaptation de certaines dispositions du projet de loi concernant la Polynésie française. Ces adaptations sont nécessaires en raison du statut particulier qui régit ce territoire en vertu du principe de spécialité législative.
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La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 14 sans modification.
Article 15
(articles L. 441-3, L. 442-3-1, L. 482-1, L. 442-3-3 et L. 482-3 du code de la construction et de l’habitation, articles 1388 bis et 199 undecies A du code général des impôts, article L. 5125-11 du code de la santé publique, articles L. 632-6 et L. 634-2 du code de l’éducation, articles L. 5134-100 et L. 5134-102 du code du travail, article L. 132-4 du code de la sécurité intérieure, loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine)
Harmonisations rédactionnelles
L’article 15 substitue, dans toutes les dispositions législatives en vigueur, la mention des nouveaux quartiers prioritaires de la politique de la ville à la référence désormais obsolète aux zones urbaines sensibles. Les avantages attachés aux ZUS sont ainsi transférés aux nouveaux quartiers prioritaires de la politique de la ville, sans préjudice pour les habitants.
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La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 15 sans modification.
Article 16
(article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire)
Harmonisations rédactionnelles
L’article 16 fait évoluer l’article 42 de la loi du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire en prenant en compte la nouvelle géographie prioritaire marquée, notamment, par l’abolition des zones urbaines sensibles. Il supprime par ailleurs les zones de redynamisation urbaine (ZRU) ainsi que l’adossement des zones franches urbaines (ZFU) à leur périmètre. La loi de finances initiale pour 2012 prévoit, en effet, l’extinction de la plupart des avantages liés aux ZFU au cours de l’année 2014.
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La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 16 sans modification.
Article 17
(loi n° 91-662 du 13 juillet 1991 d’orientation pour la ville, loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville, loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, article 1518 A ter du code général des impôts, articles L. 2334-40 et L. 2334-41 du code général des collectivités territoriales)
Abrogations consécutives aux articles précédents
Cet article abroge les dispositions de lois antérieures sur la politique de la ville auxquelles les articles du présent projet de loi ont vocation à se substituer.
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La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 17 sans modification.
L’article 18 échelonne l’entrée en vigueur des différentes dispositions du projet de loi entre le 1er janvier 2014 et le 1er janvier 2015.
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La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 18 sans modification.
Les amendements CD25 de Mme Laurence Abeille et CD26 du rapporteur sont examinés en discussion commune.
Mme Laurence Abeille. La notion de cohésion urbaine est souvent peu intelligible par les habitants. Ce projet de loi doit être compréhensible par tous. Je propose d’y substituer l’expression de « vivre-ensemble », moins technocratique et plus facilement identifiable par les habitants.
M. le rapporteur pour avis. Je suis défavorable à cette suggestion car le vivre-ensemble dépasse le cadre urbain. Mais je comprends qu’on peine à se reconnaître dans la « cohésion urbaine », qui marie « rénovation urbaine » et « cohésion sociale ». Je préférerais, et c’est le sens de mon amendement CD26, mettre en avant une « égalité urbaine » : ce serait reprendre une partie de la devise républicaine et mettre en avant la dimension humaniste de ce projet de loi.
Mme Laurence Abeille. Je renvoie au rapporteur les critiques adressées à ma propre proposition : l’égalité dépasse de beaucoup le cadre urbain. (Sourires)
M. Jacques Alain Bénisti. Je ne vois pas en quoi la cohésion n’aurait pas un caractère urbain.
La commission rejette l’amendement CD25 et adopte l’amendement CD26.
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M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je donne la parole aux groupes qui souhaitent procéder à des explications de vote.
M. Martial Saddier. Les députés UMP sont attachés à la politique de la ville ; tous ont d’ailleurs reconnu le travail réalisé dans ce domaine au cours des précédentes législatures. Toutefois, les conditions dans lesquelles ce texte est étudié ne permettent pas de travailler sérieusement : nos débats ont trop souvent achoppé sur la promesse d’amendements que le Gouvernement déposerait en commission des affaires économiques et dont notre commission du développement durable est tenue dans l’ignorance. La superposition des dispositifs compliquera la bonne mise en œuvre de la politique de la ville. Je crains aussi la remise en cause de pratiques qui ont pourtant fait leurs preuves. Enfin, certains amendements issus de la majorité ont laissé sourdre une inquiétude quant au sort des quartiers voués à quitter la géographie prioritaire.
Dans ce contexte, nous nous opposerons à ce que la commission émette un avis favorable.
M. Jean-Yves Caullet. Je veux saluer le travail accompli par le rapporteur ainsi que l’importance de ce texte qui rendra plus efficace une politique de la ville reconnue par tous comme essentielle. Je ne partage pas les craintes de Martial Saddier, moins encore après nos débats de ce matin.
En ce qui concerne le travail de notre commission, force est de constater que les discussions de demain en commission des affaires économiques en tiendront compte, notamment dans l’appréciation des amendements gouvernementaux. Certains s’étaient peut-être accoutumés aux textes qui arrivaient immuables et ficelés devant la Représentation nationale : ce temps est révolu. (Murmures)
M. Denis Baupin. Nous voterons ce texte avec enthousiasme. Je remercie le rapporteur pour son écoute et l’ensemble des commissaires pour l’accueil réservé à bon nombre de nos amendements.
La commission émet un avis favorable à l’ensemble du projet de loi ainsi modifié.
AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION
Les amendements déposés en Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sont consultables sur le site internet de l’Assemblée nationale. (2)
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
AC le feu
M. Mohamed Mechmache, président, co-auteur du rapport participation des habitants dans les quartiers de la politique de la ville
CoFraCir
Mme Anne-Pernelle Richardot, présidente
Comité d’évaluation et de suivi de l’ANRU
M. Fabrice Peigney, secrétaire général
M. Christophe Robert, délégué général adjoint de la Fondation Abbé Pierre,
M. Michel Cantal-Dupart architecte,
M. Jean-Baptiste Dolci membre du directoire de l’UESL
Confédération Nationale du Logement (CNL)
M. Eddie Jacquemart, président national,
Mme Jocelyne Herbinski, membre du bureau confédéral
M. Raymond Haeffner, secrétaire confédéral
Confédération Syndicale des Familles (CSF)
Mme Aminata Koné, secrétaire générale
Mme Elodie Fumet, Secrétaire Confédérale chargée du secteur HABITAT – Urbanisme – Cadre de vie (HUC).
M. Philippe Biessy, chargé de mission attaché au secteur HUC
IRDSU
Mme Sylvie Rebiere Pouyade, présidente
M. Etienne Varaut, vice-président
M. Marc Valette, chargé de développement
Union sociale pour l'habitat
Mme Béatrix Mora, directrice du service des politiques urbaines
Mme Francine Albert-Deltheil, conseillère relations parlementaires
© Assemblée nationale