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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 décembre 2013.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LE PROJET DE LOI (n° 1127), renforçant la protection
du secret des sources des journalistes,
PAR Mme Marie-Anne CHAPDELAINE
Députée
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Voir le numéro : 1599.
SOMMAIRE
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Pages
LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES AU PROJET DE LOI PAR LA COMMISSION DES LOIS 7
INTRODUCTION 9
I. LA PROTECTION DU SECRET DES SOURCES, UNE CONDITION DE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION INSUFFISAMMENT GARANTIE PAR LA LOI DU 4 JANVIER 2010 10
A. LA PROTECTION DU SECRET DES SOURCES, CONDITION NÉCESSAIRE DE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION 10
1. Les sources de la protection de la liberté d’expression 10
2. La protection du secret des sources, corollaire nécessaire de la liberté d’expression et de la capacité des journalistes à jouer leur rôle de « chiens de garde » de la démocratie 11
B. LA LOI DU 4 JANVIER 2010, UNE LOI PORTEUSE DE PROGRÈS PAR RAPPORT À LA SITUATION ANTÉRIEURE MAIS ENCORE INSUFFISANTE POUR ASSURER UNE PROTECTION EFFECTIVE DU SECRET DES SOURCES 14
1. Avant 2010, une protection du secret des sources embryonnaire 14
2. La loi du 4 janvier 2010, une loi porteuse de certains progrès… 15
3. … mais affectée par des faiblesses empêchant de garantir effectivement le secret des sources 16
C. LA PROTECTION DU SECRET DES SOURCES, UNE LIBERTÉ MIEUX GARANTIE DANS DE NOMBREUX ÉTATS EUROPÉENS QU’ELLE NE L’EST EN FRANCE 18
1. Des définitions parfois très larges des titulaires du droit à la protection des sources 19
2. Des atteintes au secret des sources subordonnées à des conditions strictes 20
II. UN PROJET DE LOI CONSTITUANT UNE AVANCÉE RÉELLE POUR LA PROTECTION DU SECRET DES SOURCES, CONFORTÉ PAR LES APPORTS DE LA COMMISSION DES LOIS 22
A. L’EXTENSION DES BÉNÉFICIAIRES DE LA PROTECTION DU SECRET DES SOURCES 23
1. Une définition plus large du journaliste 23
2. Une protection étendue aux collaborateurs de la rédaction 23
3. L’extension par la commission des Lois des catégories de personnes titulaires du droit à la protection du secret des sources 24
B. LA RECHERCHE D’UNE DÉFINITION PLUS PRÉCISE ET PLUS STRICTE DES MOTIFS PERMETTANT DE PORTER ATTEINTE AU SECRET DES SOURCES 26
1. Une définition par le projet de loi initial trop large et mal comprise 26
2. Une définition plus stricte et plus précise adoptée par la commission des Lois 27
C. DES ATTEINTES AU SECRET DES SOURCES SUBORDONNÉES À LA DÉCISION D’UN JUGE DU SIÈGE 28
D. LA CRÉATION D’UNE SANCTION PÉNALE POUR LES ATTEINTES ILLÉGALES AU SECRET DES SOURCES 29
E. LA CRÉATION D’UNE IMMUNITÉ PÉNALE EN CAS DE DÉTENTION PAR UN JOURNALISTE DE DOCUMENTS ISSUS DU DÉLIT DE VIOLATION DU SECRET DE L’INSTRUCTION OU DU SECRET PROFESSIONNEL OU DU DÉLIT D’ATTEINTE À L’INTIMITÉ DE LA VIE PRIVÉE 30
F. LA POSSIBILITÉ POUR UN PARLEMENTAIRE VISITANT CERTAINS LIEUX PRIVATIFS DE LIBERTÉ D’ÊTRE ACCOMPAGNÉ PAR UN OU PLUSIEURS JOURNALISTES 31
CONTRIBUTION DE M. SÉBASTIEN HUYGHE, CO-RAPPORTEUR SUR LA MISE EN APPLICATION DE LA LOI 35
DISCUSSION GÉNÉRALE 39
EXAMEN DES ARTICLES 45
Article 1er(art. 2 de la loi du 29 juillet 1881) : Renforcement du principe de la protection du secret des sources des journalistes et durcissement des conditions dans lesquelles il peut y être porté atteinte – Immunité pénale des journalistes pour le délit de recel de violation du secret professionnel ou du secret de l’instruction et le délit de recel d’atteinte à l’intimité de la vie privée 45
Article 2 (Titre XXXIV du livre IV et art. 706-183 à 706-187 [nouveaux] du code de procédure pénale) : Renforcement des règles de procédure pénale encadrant les atteintes au secret des sources des journalistes 86
Après l’article 2 97
Article 2 bis (nouveau) (art. L. 1351-1 du code de la santé publique) : Harmonisation des statuts de lanceur d’alerte 98
Article 3 (art. 326, 100-5, 109 et 437 du code de procédure pénale) : Modifications de coordination avec l’instauration d’un droit général pour les titulaires du droit à la protection du secret des sources de ne pas révéler leurs sources 100
Article 4 (art. 226-4, 226-15, 432-8 et 432-9 du code pénal) : Aggravation des délits de violation de domicile et de violation du secret des correspondance et d'intrusion dans un fichier informatique en cas d’intention de porter atteinte au secret des sources 101
Article 5 (art. 719 du code de procédure pénale) : Possibilité pour les parlementaires visitant certains lieux privatifs de liberté d’être accompagnés par un ou plusieurs journalistes 103
Article 6 : Application territoriale de la loi 109
Titre du projet de loi 109
TABLEAU COMPARATIF 111
ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 125
PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE 131
DÉPLACEMENT DE LA RAPPORTEURE À RENNES 139
LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES
AU PROJET DE LOI PAR LA COMMISSION DES LOIS
Au cours de sa réunion du mercredi 11 décembre 2013, la commission des Lois a adopté le projet de loi renforçant la protection du secret des sources des journalistes, en y apportant les principales modifications suivantes.
— Considérant que la protection du secret des sources n’était pas une prérogative de la profession de journaliste, mais une condition nécessaire de la liberté de la presse, la Commission a, sur l’initiative de la rapporteure, substitué à la notion de « secret des sources des journalistes » celle de « secret des sources » dans les articles 1er, 2 et 4 du projet de loi, ainsi que dans son titre.
— À l’article 1er, la Commission a, sur l’initiative de la rapporteure, étendu la définition des personnes bénéficiaires de la protection du secret des sources aux journalistes auteurs de livres travaillant pour le compte d’entreprises d’édition et à ceux travaillant pour les publications quotidiennes ou périodiques éditées par des structures n’ayant pas le statut d’entreprises de presse. Pour les collaborateurs de la rédaction, elle a supprimé la condition prévue par le projet de loi initial d’exercice à titre professionnel et salarié, afin de faire bénéficier de la protection les correspondants locaux, les stagiaires ou encore les étudiants en alternance. Elle a, enfin, étendu la protection aux personnes exerçant des fonctions de direction de la publication ou de la rédaction.
— Également à l’article 1er, la Commission a adopté un amendement de la rapporteure clarifiant la définition de l’atteinte au secret des sources, par une distinction explicite de l’atteinte directe et de l’atteinte indirecte.
— Aux articles 1er et 2, la Commission a, sur l’initiative de la rapporteure, adopté une définition plus précise et plus stricte des motifs permettant de porter atteinte au secret des sources. Dans le texte adopté par la Commission, une atteinte au secret des sources des journalistes sera possible pour prévenir ou réprimer un crime, pour prévenir un délit constituant une atteinte à la personne humaine punie d’au moins sept ans d’emprisonnement, pour prévenir un délit prévu aux titres Ier et II du livre IV du code pénal puni de dix ans d’emprisonnement, ainsi que pour réprimer une des deux catégories de délits mentionnées précédemment, sous réserve d’une condition supplémentaire de particulière gravité du délit. En outre, tant pour la répression des crimes que pour celle des délits, l’atteinte au secret des sources ne pourra être autorisée que si elle constitue « l’unique moyen d’obtenir les informations recherchées ».
— Toujours à l’article 1er, la Commission a adopté un amendement de la rapporteure précisant la définition de l’immunité pénale instaurée, sous certaines conditions, au profit des journalistes pour le délit de recel de documents issus du délit de violation d’un secret ou d’atteinte à l’intimité de la vie privée. Tout d’abord, elle a étendu l’application de l’immunité à la détention d’images ou d’enregistrements sonores ou audiovisuels, et non aux seuls documents écrits. Ensuite, elle a assoupli les conditions permettant de bénéficier de l’immunité, en substituant au critère retenu par le projet de loi
– la condition que la diffusion de l’information détenue par le journaliste présente un caractère d’intérêt général – la condition que la diffusion de cette information constitue un but légitime dans une société démocratique.
— À l’article 2, sur l’initiative de la rapporteure, la Commission a renforcé l’effectivité du droit de ne pas révéler ses sources, en prévoyant dans le nouvel article 706-184 du code de procédure pénale que les personnes bénéficiant de la protection du secret des sources doivent, avant le début de toute audition ou de tout interrogatoire, être informées de ce droit à ne pas les révéler.
— Également à l’article 2, qui crée dans le code de procédure pénale un article 706-187 interdisant de transcrire dans un dossier de procédure pénale des écoutes téléphoniques ayant pour effet de porter atteinte au secret des sources, sauf si les conditions qui auraient pu justifier une atteinte à ce secret sont remplies, la Commission a, sur l’initiative de la rapporteure, étendu le champ d’application de cette disposition aux documents issus de perquisitions et de réquisitions.
— Sur l’initiative de M. Noël Mamère, la Commission a introduit dans le projet de loi un article 2 bis améliorant la protection des lanceurs d’alerte en matière sanitaire et environnementale, dans un souci d’harmonisation avec la protection dont peuvent bénéficier les lanceurs d’alerte dénonçant une infraction en application de l’article 35 de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Sur le modèle des dispositions prévues par cet article 35 de la loi du 6 décembre 2013, l’article 2 bis interdit, outre les sanctions et les mesures discriminatoires, le licenciement d’un lanceur d’alerte en matière sanitaire et environnementale, et ajoute la possibilité que le témoignage
– qui, dans le texte actuel, doit être adressé soit à l’employeur, soit aux autorités judiciaires ou administratives – soit fait auprès d’un journaliste.
— À l’article 4, sur l’initiative de la rapporteure, la Commission a étendu le champ d’application de la circonstance aggravante d’intention de porter atteinte au secret des sources au délit d’intrusion dans un fichier informatique.
— À l’article 5, la Commission a adopté plusieurs modifications étendant le droit de visite des parlementaires à de nouvelles catégories de lieux privatifs de liberté, d’une part, et la possibilité pour les parlementaires d’être accompagnés par des journalistes lors de ces visites, d’autre part. Sur l’initiative de Mme Colette Capdevielle, le droit de visite des parlementaires dans les centres éducatifs fermés, qui est aujourd’hui limité aux centres de leur département d’élection, a été étendu à l’ensemble des centres du territoire national. Sur l’initiative de la rapporteure, ce droit de visite des parlementaires a également été rendu applicable aux locaux de rétention administrative et aux locaux de retenue des étrangers à fin de vérification du droit au séjour. Également sur l’initiative de la rapporteure, la possibilité pour les parlementaires d’être accompagnés par des journalistes lors de leurs visites de lieux privatifs de liberté a été étendue aux centres éducatifs fermés, aux centres de rétention et aux zones d’attente.
— Également à l’article 5, sur l’initiative de la rapporteure, a été supprimée l’exigence d’une habilitation des journalistes pouvant accompagner les parlementaires dans les visites de lieux privatifs de liberté, la détention de la carte de presse étant une garantie suffisante de la nature journalistique et du sérieux de l’activité de la personne. Enfin, sur l’initiative de M. Noël Mamère, la Commission a précisé que les journalistes auront le droit de filmer, d’enregistrer et de photographier à l’intérieur de l’établissement visité.
En 1951, Alfred Sauvy présentait l’information comme la « clé de la démocratie » (1). C’est parce qu’il ne saurait y avoir de démocratie sans liberté d’expression, ni de liberté d’expression sans liberté d’information, qu’il faut protéger les sources des journalistes et, en particulier, le secret qui s’attache à elles.
C’est dans cet esprit que le présent projet de loi a été déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale le 12 juin 2013, avec pour objet de renforcer la protection du secret des sources des journalistes. Issu de la loi n° 2010-1 du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes, qui avait, certes, constitué un progrès incontestable par rapport à la situation antérieure, le cadre juridique protégeant actuellement le secret des sources en France demeure néanmoins insuffisant pour assurer une protection satisfaisante de ce secret et, partant, garantir pleinement la liberté de la presse.
Sur ce projet de loi, d’une particulière importance et sensibilité pour les libertés fondamentales, votre rapporteure a pu, grâce à un délai extrêmement satisfaisant entre le dépôt du projet de loi et son examen en commission des Lois, mener un grand nombre d’auditions et de tables rondes. Ces travaux lui ont permis d’entendre l’ensemble des syndicats de journalistes, des représentants de toutes les formes de médias, des associations actives dans le domaine de la liberté de la presse, des magistrats et avocats, ainsi que de nombreuses personnalités qualifiées. Elle tient à souligner le caractère très constructif des contributions de l’ensemble des personnes entendues, qu’elle remercie pour leurs observations et propositions.
Lors de ces auditions, toutes les personnes entendues ont mis l’accent sur l’importance de la protection du secret des sources pour la liberté d’information et la nécessité absolue, dans une société démocratique, que ce secret soit effectivement garanti par la loi. Ce n’est, aujourd’hui, pas suffisamment le cas (I).
La majorité des personnes entendues a également salué dans le projet de loi un texte constituant, malgré certaines limites et imperfections, une avancée réelle pour la protection du secret des sources. Prenant acte des critiques émises par la majorité des personnes entendues, la commission des Lois a apporté au projet de loi un certain nombre de modifications permettant de conforter le renforcement de la protection du secret des sources que prévoit le projet de loi (II).
I. LA PROTECTION DU SECRET DES SOURCES, UNE CONDITION DE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION INSUFFISAMMENT GARANTIE PAR LA LOI DU 4 JANVIER 2010
Alors qu’elle est une condition nécessaire de la liberté d’expression (A), la protection du secret des sources n’est aujourd’hui pas suffisamment garantie par la loi du 4 janvier 2010, quand bien même celle-ci avait constitué un progrès par rapport à la situation antérieure (B). De ce fait, le secret des sources apparaît mieux protégé dans de nombreux États européens qu’elle ne l’est en France (C).
Protégée tant en droit interne que par des instruments internationaux auxquels la France est partie (1), la liberté d’expression a pour corollaire nécessaire la protection du secret des sources, de laquelle dépend la capacité des journalistes à jouer leur rôle de « chiens de garde » de la démocratie, selon une expression de la Cour européenne des droits de l’homme (2).
En France, la liberté d’expression est un droit protégé à la fois constitutionnellement et internationalement.
Sur le plan constitutionnel, la protection de la liberté d’expression résulte de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui dispose : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la loi ».
Dans sa décision n° 84-181 DC du 11 octobre 1984 sur la loi visant à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse, le Conseil constitutionnel avait, dans un considérant de principe, souligné que « s’agissant d’une liberté fondamentale, d’autant plus précieuse que son exercice est l’une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés et de la souveraineté nationale, la loi ne peut en réglementer l’exercice qu’en vue de le rendre plus effectif ou de le concilier avec celui d’autres règles ou principes de valeur constitutionnelle » (2) .
Sur le plan international, la liberté d’expression est garantie à la fois par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 et par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) du 4 novembre 1950. L’article 19, § 2, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, prévoit ainsi que « [t]oute personne a droit à la liberté d’expression ; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix ». S’agissant de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, c’est son article 10, § 1, qui énonce : « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations. »
Ces deux textes autorisent des limitations à la liberté d’expression, qui sont subordonnées à des conditions strictes. L’article 19, § 3, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dispose : « L’exercice des libertés prévues au paragraphe 2 du présent article comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires :
« a) Au respect des droits ou de la réputation d’autrui ;
« b) À la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques. »
L’article 10, § 2, de la CEDH prévoit quant à lui : « L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire ».
2. La protection du secret des sources, corollaire nécessaire de la liberté d’expression et de la capacité des journalistes à jouer leur rôle de « chiens de garde » de la démocratie
Depuis un arrêt Goodwin contre Royaume-Uni rendu le 27 mars 1996, la Cour européenne des droits de l’homme protège le secret des sources des journalistes, qu’elle présente comme « l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse », c’est-à-dire comme une condition sine qua non de la liberté d’expression : sans protection du secret des sources des journalistes, pas de sources ; sans sources, pas d’information libre ; sans information libre, pas de démocratie. Ce lien entre protection du secret des sources, liberté d’expression et démocratie est explicité dans un considérant de principe de cet arrêt :
« La Cour rappelle que la liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique et les garanties à accorder à la presse revêtent une importance particulière (…). La protection des sources journalistiques est l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse, comme cela ressort des lois et codes déontologiques en vigueur dans nombre d’États contractants et comme l’affirment en outre plusieurs instruments internationaux sur les libertés journalistiques (…). L’absence d’une telle protection pourrait dissuader les sources journalistiques d’aider la presse à informer le public sur des questions d’intérêt général. En conséquence, la presse pourrait être moins à même de jouer son rôle indispensable de "chien de garde" et son aptitude à fournir des informations précises et fiables pourrait s’en trouver amoindrie. Eu égard à l’importance que revêt la protection des sources journalistiques pour la liberté de la presse dans une société démocratique et à l’effet négatif sur l’exercice de cette liberté que risque de produire une ordonnance de divulgation, pareille mesure ne saurait se concilier avec l’article 10 de la Convention que si elle se justifie par un impératif prépondérant d’intérêt public » (3).
Les principes dégagés dans cet arrêt Goodwin ont été appliqués dans différentes affaires qui concernaient la France, condamnée à plusieurs reprises pour des atteintes au secret des sources des journalistes dont la Cour de Strasbourg a considéré qu’elles n’étaient pas justifiées par un impératif prépondérant d’intérêt public (4).
S’appuyant sur cette jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, une recommandation du comité des ministres du Conseil de l’Europe en date du 8 mars 2000 a également reconnu le lien entre la liberté d’expression et la protection du secret des sources :
« Reconnaissant que l’exercice libre et sans entrave du journalisme est consacré par le droit à la liberté d’expression et constitue un préalable fondamental au droit du public d’être informé des questions d’intérêt général ;
« Convaincu que la protection des sources d’information des journalistes constitue une condition essentielle pour que les journalistes puissent travailler librement ainsi que pour la liberté des media ; »
En conséquence, cette recommandation préconise de limiter les cas dans lesquels il peut être porté atteinte au secret des sources des journalistes :
« La divulgation des informations identifiant une source ne devrait être jugée nécessaire que s’il peut être établi de manière convaincante :
« i. que des mesures raisonnables alternatives à la divulgation n’existent pas ou ont été épuisées par les personnes ou les autorités publiques qui cherchent à obtenir la divulgation, et
« ii. que l’intérêt légitime à la divulgation l’emporte clairement sur l’intérêt public à la non-divulgation, en conservant à l’esprit que :
« - un impératif prépondérant quant à la nécessité de la divulgation est prouvé ;
« - les circonstances présentent un caractère suffisamment vital et grave ;
« - la nécessité de la divulgation est considérée comme répondant à un besoin social impérieux, et
« - les États membres jouissent d’une certaine marge d’appréciation pour juger de cette nécessité, mais cette marge est sujette au contrôle de la Cour européenne des droits de l’homme » (5).
Dans un avis adopté par son assemblée plénière le 25 avril 2013, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) souligne l’importance de la protection du secret des sources : « Protéger le secret de sources des journalistes ne tient pas à la nécessité de défendre un intérêt corporatiste des journalistes : c’est une garantie essentielle pour le fonctionnement de notre démocratie. Ce principe se rattache tant à la liberté d’expression qu’au droit à l’information du public. » (6)
L’importance de la protection du secret des sources en tant que condition nécessaire de la liberté d’expression et donc, du caractère démocratique d’un État, a été soulignée par toutes les personnes que votre rapporteure a entendues sur ce projet de loi. Ainsi, M. Philippe Piot, journaliste représentant le syndicat national des journalistes, a-t-il souligné très justement que les atteintes à la liberté de la presse, qui peuvent passer par des atteintes au secret des sources des journalistes, étaient le premier « voyant rouge » que l’on pouvait voir s’allumer lorsque se mettait en marche dans un État une dérive autoritaire. M. Cédric Michalski, avocat au barreau de Mulhouse et chargé d’enseignement au centre universitaire d’enseignement du journalisme de Strasbourg, que votre rapporteure a entendu, a également souligné le caractère fondamental de la liberté de la presse pour qu’une société soit véritablement démocratique : « La liberté de la presse peut être légitimement vue comme un droit politique en ce qu’elle permet au citoyen de participer à la puissance publique et d’exercer indirectement la souveraineté. L’approche de la Cour européenne n’est pas différente : "[...] la liberté de la presse fournit à l’opinion publique l’un des meilleurs moyens de connaître et juger les idées et attitudes des dirigeants" et donc de les choisir » (7).
L’importance de la protection du secret des sources dans une société démocratique, ainsi que les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme ayant condamné la France pour des atteintes injustifiées au secret des sources, ont conduit le législateur à adopter, en 2010, une loi relative à la protection du secret des sources des journalistes.
B. LA LOI DU 4 JANVIER 2010, UNE LOI PORTEUSE DE PROGRÈS PAR RAPPORT À LA SITUATION ANTÉRIEURE MAIS ENCORE INSUFFISANTE POUR ASSURER UNE PROTECTION EFFECTIVE DU SECRET DES SOURCES
Avant la loi du 4 janvier 2010 précitée, la protection du secret des sources en France était embryonnaire (1). Certes, cette loi du 4 janvier 2010 a apporté certains progrès (2), mais elle était affectée par des faiblesses qui empêchaient de garantir de façon effective le secret des sources (3).
L’exposé des motifs du projet de loi ayant conduit à la loi du n° 2010-1 du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes indiquait que « le droit français ne traduit le principe du secret des sources qu’à travers des dispositions éparses et indirectes, insuffisantes pour assurer une véritable protection aux journalistes. C’est pourquoi ce projet de loi inscrit au niveau législatif le principe de la nécessaire protection du secret des sources et complète les garanties existantes en matière de procédure pénale afin de protéger ce secret » (8).
En effet, avant la loi du 4 janvier 2010 précitée, le secret des sources des journalistes n’était protégé par aucune règle générale. Seules deux règles particulières, introduites par la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale, avaient pour objet de protéger ce secret.
D’une part, l’article 56-2 du code de procédure pénale prévoyait que les perquisitions dans les locaux d’une entreprise de presse ou de communication audiovisuelle ne pouvaient être effectuées que par un magistrat, qui devait veiller « à ce que les investigations conduites ne portent pas atteinte au libre exercice de la profession de journaliste et ne constituent pas un obstacle ou n’entraînent pas un retard injustifiés à la diffusion de l’information ».
D’autre part, l’article 109 du même code disposait que tout journaliste, entendu comme témoin par un juge d’instruction sur des informations recueillies dans l’exercice de son activité, était libre de ne pas en révéler l’origine.
De façon indiscutable, ces règles étaient insuffisantes pour assurer la conformité de notre droit à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme portant sur le respect de l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme. La loi du 4 janvier 2010 a, partiellement, remédié à cette insuffisance de la législation française en matière de protection du secret des sources des journalistes.
La loi du 4 janvier 2010 a, tout d’abord, introduit dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse un nouvel article 2 consacrant le principe de la protection du secret des sources des journalistes « dans l’exercice de leur mission d’information du public ». Comme l’avait souligné M. Manuel Recio, maître de conférences à l’Université de Poitiers, dans un commentaire de cette loi, « [c]ette consécration législative dans un texte aussi emblématique que la loi de 1881 révèle l’importance accordée et reconnue à la protection des sources des journalistes mais également souligne que cette protection est une conséquence directe de la liberté d’information » (9).
Cette loi a, pour l’application du droit à la protection du secret des sources, retenu une définition du journaliste plus large que celle donnée par l’article L. 7111-3 du code du travail, qui exige que l’activité journalistique soit non seulement exercée à titre régulier et rétribué – comme la loi de 2010 – mais encore qu’elle soit l’activité « principale » de la personne qui prétend au statut de journaliste (10). La loi du 4 janvier 2010 est, quant à elle, applicable à « toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d’informations et leur diffusion au public ». Plus souple que celle du code du travail, cette définition n’exige pas, en outre, que le journaliste soit titulaire d’une carte de presse pour pouvoir bénéficier du droit à la protection du secret de ses sources.
Le troisième alinéa de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 a défini les conditions dans lesquelles il peut être porté atteinte au secret des sources des journalistes, en retenant une formulation directement issue de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme : « Il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi. Cette atteinte ne peut en aucun cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources ».
Le dernier alinéa du même article 2 a fixé un certain nombre de critères devant être pris en compte pour apprécier la nécessité de porter atteinte au secret des sources des journalistes : « Au cours d’une procédure pénale, il est tenu compte, pour apprécier la nécessité de l’atteinte, de la gravité du crime ou du délit, de l’importance de l’information recherchée pour la répression ou la prévention de cette infraction et du fait que les mesures d’investigation envisagées sont indispensables à la manifestation de la vérité. »
La loi du 4 janvier 2010 a, en outre, renforcé l’encadrement des perquisitions lorsque celles-ci sont susceptibles de porter atteinte au secret des sources des journalistes, en réécrivant l’article 56-2 du code de procédure pénale. Elle a, en particulier, prévu que les perquisitions ne doivent plus seulement être effectuées par un magistrat, mais également précédées d’une « décision écrite et motivée du magistrat qui indique la nature de l’infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, ainsi que les raisons justifiant la perquisition et l’objet de celle-ci ». Elle a, également, institué un droit d’opposition à la saisie d’un document, dans le cas où la personne visée par la perquisition estimerait que cette saisie porte atteinte au secret de ses sources. La faculté d’opposition à la saisie d’un document au motif que celle-ci porterait atteinte au secret des sources des journalistes avait été qualifiée par M. Manuel Recio, maître de conférences à l’Université de Poitiers, de « nouveauté importante » pour le journaliste visé par une perquisition, « corollaire du fait que le magistrat l’informe par la décision écrite et motivée sur la nature des infractions, ce qui met à même le journaliste ou son représentant de pouvoir apprécier si les saisies entrent bien dans le champ fixé par la décision écrite du magistrat, et donc de s’y opposer » (11).
De façon générale, l’ensemble des personnes entendues par votre rapporteure a salué l’avancée qu’avait constitué la loi du 4 janvier 2010 pour la protection du secret des sources des journalistes, tout en soulignant que cette loi était affectée par un certain nombre de points faibles qui avaient considérablement atténué la portée des progrès dont elle était porteuse.
Lors des auditions menées par votre rapporteure, la définition des motifs permettant de porter atteinte au secret des sources des journalistes retenue par la loi du 4 janvier 2010 a été presque unanimement critiquée, en raison de sa précision insuffisante et de la large liberté d’interprétation qu’elle pouvait laisser à l’autorité judiciaire.
Dans l’avis qu’elle a rendu en avril 2013 sur la réforme de la protection du secret des sources, la commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a souligné la difficulté posée par le choix de retenir la formulation d’« impératif prépondérant d’intérêt public » : « La loi du 4 janvier 2010 avait fait le choix de transposer directement les solutions dégagées par la Cour européenne des droits de l’homme (…). Si la volonté du législateur de transposer la formule de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg était louable, elle a été mal perçue par les journalistes, qui ont critiqué les contours incertains de cette notion. La notion d’impératif prépondérant d’intérêt public peut laisser une trop grande marge d’appréciation à tous les stades de la procédure. » (12)
Lors de leur audition par votre rapporteure, MM. Luc Brossollet et Olivier d’Antin, avocats au barreau de Paris spécialisés en droit de la presse, ont estimé que, pour être réellement et efficacement protectrice du secret des sources, la définition des motifs permettant d’y porter atteinte devrait être la moins subjective possible, mais que le critère d’impératif prépondérant d’intérêt public retenu par la loi du 4 janvier 2010 était extrêmement subjectif. À titre d’exemple, ils se sont interrogés sur la question de savoir, dans l’hypothèse où la France créerait un lieu de privation de liberté destiné à accueillir des personnes suspectées d’actes terroristes dans des conditions dérogatoires du droit commun tel que le camp de Guantanamo, si des journalistes pourraient enquêter sur ce lieu sans risquer de voir leurs sources recherchées sur le fondement d’un impératif prépondérant d’intérêt public.
Dans les travaux parlementaires de la loi du 4 janvier 2010, il apparaissait de façon relativement claire que le législateur entendait, par exemple, exclure le recours à des perquisitions ou des interceptions téléphoniques afin de découvrir la source d’un journaliste dans une enquête portant sur des faits de violation du secret professionnel ou du secret de l’instruction, mais souhaitait les permettre dans des procédures portant sur des faits de criminalité organisée ou de terrorisme (13). Néanmoins, cette intention du législateur ne s’est pas traduite dans les termes mêmes de la loi, ce qui a permis à la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 14 mai 2013 portant sur une affaire qui concernait des faits de violation du secret de l’instruction, de casser, pour insuffisance de motivation, un arrêt de la chambre de l’instruction de Bordeaux qui avait annulé des réquisitions adressées à des opérateurs téléphoniques dans le but d’identifier les sources de journalistes. Si cet arrêt n’affirme pas que la recherche des auteurs de faits de violation du secret de l’instruction constitue un impératif prépondérant d’intérêt public, il est néanmoins révélateur du flou de la notion, dans la mesure où la Cour de cassation n’exclut pas qu’une recherche sur de tels faits puisse constituer, selon les circonstances de l’affaire, un tel impératif et ce, en totale contrariété avec l’intention du législateur telle qu’elle ressort des débats sur la loi du 4 janvier 2010.
L’insuffisance de l’encadrement des atteintes au secret des sources issu de la loi du 4 janvier 2010 tient, ensuite, au fait que l’atteinte à ce secret n’est pas subordonnée à une autorisation préalable d’une autorité autre que celle en charge de l’enquête ou de l’instruction. Ainsi, dans le cadre d’une enquête préliminaire ou de flagrance, une recherche de factures détaillées (dites « fadettes ») peut être effectuée sur autorisation du parquet, voire à la seule initiative du service de police ou de gendarmerie en charge de l’enquête, tandis que dans le cadre d’une instruction, le juge d’instruction peut lui-même décider de faire réaliser cet acte. Cette absence de « regard extérieur » chargé de vérifier que les conditions posées par la loi sont réunies limite l’efficacité de la protection légale du secret des sources, en n’assurant pas une prévention effective des atteintes.
Une autre lacune de la loi du 4 janvier 2010 résulte de l’absence de disposition concernant le délit de recel de violation du secret de l’instruction. Le maintien de ce délit a affaibli la portée de la loi du 4 janvier 2010, car il peut constituer « un moyen indirect de pression sur les journalistes » (14). En poursuivant ou en menaçant de poursuivre un journaliste pour recel de violation du secret de l’instruction, des enquêteurs ou des magistrats peuvent chercher à faire pression sur ce journaliste pour qu’il révèle des informations qu’ils recherchent, ce qui revient à contourner la limitation des possibilités de porter atteinte au secret des sources.
C. LA PROTECTION DU SECRET DES SOURCES, UNE LIBERTÉ MIEUX GARANTIE DANS DE NOMBREUX ÉTATS EUROPÉENS QU’ELLE NE L’EST EN FRANCE
Dans le cadre des travaux qu’elle a menés, votre rapporteure a souhaité pouvoir disposer de données de droit comparé pour apprécier la façon dont la protection du secret des sources est garantie parmi les États membres du Conseil de l’Europe. Elle remercie les services du ministère de la Justice et le Centre européen de recherche et documentation parlementaire (CERDP) qu’elle avait sollicités, pour la qualité des informations qu’ils lui ont transmises et la célérité de leurs réponses.
Au vu de ces informations, il apparaît que de nombreux États retiennent des définitions très larges des titulaires du droit à la protection du secret des sources (1) et que les atteintes au secret des sources sont fréquemment subordonnées à des conditions très strictes (2).
Si la loi du 4 juillet 2010 avait retenu une définition du journaliste plus large que celle prévue par le code du travail et n’exigeant pas la détention d’une carte de presse, elle a, néanmoins, limité la protection du secret des sources aux seules personnes ayant cette qualité de journaliste. Or, au sein d’une rédaction, et parfois même en dehors des rédactions, de nombreuses personnes peuvent être en possession d’informations pouvant permettre d’identifier une source. Pour cette raison, de nombreux États membres du Conseil de l’Europe ont retenu une définition des personnes titulaires du droit à la protection du secret des sources allant au-delà des seuls journalistes.
C’est le cas, en particulier, de la Belgique. Tel qu’il avait été initialement adopté, l’article 2 de la loi du 7 avril 2005 relative à la protection des sources journalistiques (15) faisait bénéficier de la protection des sources les personnes suivantes :
« 1° les journalistes, soit toute personne qui, dans le cadre d’un travail indépendant ou salarié, ainsi que toute personne morale, contribue régulièrement et directement à la collecte, la rédaction, la production ou la diffusion d’informations, par le biais d’un média, au profit du public ;
« 2° les collaborateurs de la rédaction, soit toute personne qui, par l’exercice de sa fonction, est amenée à prendre connaissance d’informations permettant d’identifier une source et ce, à travers la collecte, le traitement éditorial, la production ou la diffusion de ces mêmes informations ».
Cependant, à la suite d’une décision de la Cour d’arbitrage de Belgique, le champ d’application de la loi a été élargi. En effet, après avoir rappelé le droit constitutionnel belge pertinent en matière de liberté d’expression et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sur la liberté d’expression et le rôle que joue la protection des sources pour la garantir, la Cour a estimé que le droit au secret des sources journalistiques devait être garanti « non pas pour protéger les intérêts des journalistes en tant que groupe professionnel, mais bien pour permettre à la presse de jouer son rôle de "chien de garde" et d’informer le public sur des questions d’intérêt général. (…) Il s’ensuit que toute personne qui exerce des activités journalistiques puise dans les dispositions constitutionnelles et conventionnelles précitées un droit au secret de ses sources d’information. En privant certaines personnes de ce droit, à savoir celles qui n’exercent pas leurs activités journalistiques comme travailleurs indépendants ou salariés ou celles qui n’exercent pas ces activités d’une façon régulière, l’article 2, 1°, de la loi attaquée viole les articles 19 et 25 de la Constitution, combinés ou non avec l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 19.2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ». En conséquence, la Cour a considéré que devaient être supprimées de l’article 2 de la loi la restriction de la protection aux seuls journalistes, l’exigence d’une activité dans le cadre d’un travail indépendant ou salarié et la condition que l’activité soit régulière. Dorénavant, bénéficie de la protection du secret des sources, outre les collaborateurs de la rédaction mentionnés au 2°, « toute personne, ainsi que toute personne morale, qui contribue directement à la collecte, la rédaction, la production ou la diffusion d’informations, par le biais d’un média, au profit du public ».
Au Royaume-Uni, l’article 10 du Contempt of Court Act de 1981 prévoit qu’ « aucune Cour ne peut exiger d’une personne la révélation de ses sources, ni considérer une personne coupable d’un outrage à la Cour pour avoir refusé de révéler la source d’une information contenue dans une publication dont elle est responsable ». Dans la jurisprudence, ce terme de personne a reçu une interprétation très large, cette disposition pouvant bénéficier non seulement aux journalistes mais aussi aux collaborateurs de la rédaction, et même à toute personne qui publie des informations.
En Allemagne, les titulaires du droit à la protection du secret des sources sont également définis largement par l’article 51, § 5, du code de procédure pénale, comme « les personnes qui contribuent ou ont contribué professionnellement à la préparation, la réalisation ou la diffusion d’œuvres écrites, d’émissions radiophoniques, de reportages filmés, ou de services et opérations d’information ou de communication destinés à l’éducation ou à la formation de l’opinion ».
Dans certains États, le droit à la protection du secret des sources peut même s’étendre à toute personne qui vient à apprendre l’identité d’une source en raison de relations professionnelles (en Bosnie-Herzégovine), voire non professionnelles (en Finlande et en Islande), qu’elle entretient avec un journaliste.
Enfin, d’autres États étendent également le bénéfice de la protection du secret des sources au rédacteur en chef et au propriétaire des entreprises de presse (en Turquie) ou aux actionnaires d’un journal (en Lituanie).
Un certain nombre d’États membres du Conseil de l’Europe n’autorise aucune atteinte au secret des sources dans le cadre d’une procédure pénale : c’est le cas de l’Allemagne, l’Espagne, de la Turquie, de la République de Macédoine ou encore de la Bosnie-Herzégovine.
Néanmoins, la majorité des États permet les atteintes au secret des sources dans le cadre des procédures pénales. Une infime minorité d’États permet de porter atteinte au secret des sources pour des motifs définis très largement : c’est le cas de la Slovaquie et de la Hongrie, où les atteintes au secret des sources sont possibles pour la prévention, la recherche et la découverte de toute infraction pénale. C’est également le cas de l’Estonie, qui permet ces atteintes lorsqu’elles sont justifiées par un intérêt public prédominant
– formulation inspirée, comme celle retenue en France par la loi du 4 juillet 2010, par les termes de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
Mais dans une majorité d’États, les atteintes au secret des sources sont subordonnées à des conditions beaucoup plus strictes que celles prévues en France par la loi du 4 janvier 2010 précitée.
En Belgique, l’article 4 de la loi du 7 avril 2005 relative à la protection des sources journalistiques limite les atteintes au secret des sources au cas où l’accès à ces sources est « de nature à prévenir la commission d’infractions constituant une menace grave pour l’intégrité physique d’une ou de plusieurs personnes ». En outre, les atteintes au secret des sources sont subordonnées à deux conditions cumulatives : « les informations demandées revêtent une importance cruciale pour la prévention de la commission de ces infractions », d’une part, et « les informations demandées ne peuvent être obtenues d’aucune autre manière », d’autre part.
Beaucoup d’États subordonnent la possibilité de porter atteinte au secret des sources à une exigence minimale de gravité. Ainsi, au Royaume-Uni, le Police and Criminal Evidence Act de 1984 permet de porter atteinte au secret des sources « s’il y a des raisons de croire qu’une grave infraction a été commise » et que l’information sera une preuve recevable. Pour objectiver cette exigence minimale de gravité de l’infraction, certains États fixent un seuil de peine encourue en deçà duquel l’atteinte n’est pas admise : ainsi, la Slovénie ne permet l’atteinte au secret des sources que pour les infractions punies d’au moins trois ans d’emprisonnement, la Finlande pour celles punies d’au moins six ans d’emprisonnement et l’Estonie pour celles punis d’au moins huit ans d’emprisonnement.
Enfin, certains États définissent une liste précise d’infractions pour lesquelles la protection du secret des sources devient moins absolue. C’est le cas de l’Allemagne qui, si elle ne permet pas aux autorités judiciaires ou policières de procéder à des recherches visant à identifier la source d’un journaliste et protège le droit du journaliste de ne pas témoigner en justice, écarte néanmoins ce dernier droit lorsque « le témoignage doit contribuer à l’élucidation d’un crime, ou bien les investigations concernent une trahison ou une mise en danger de l’État de droit démocratique ou de la sécurité extérieure, une agression sexuelle sur mineur ou personne vulnérable, le blanchiment d’argent ou la dissimulation de produits du crime », à condition que « l’enquête sur les faits ou la localisation de la personne mise en cause soit impossible ou rendue considérablement plus difficile en procédant d’une autre manière » (article 53, § 2, du code de procédure pénale). C’est également le cas en Suisse, où les articles 28a, alinéa 2, du code pénal et 172, alinéa 2, du code de procédure pénale permettent de porter atteinte au secret des sources exclusivement en cas d’homicide, de corruption, de terrorisme, de trafic de stupéfiants ou de crimes à caractère sexuel. En Pologne, l’atteinte au secret des sources n’est possible que pour les infractions de génocide, de coup d’État, d’atteinte à l’indépendance de la République, d’espionnage, d’atteinte de grande envergure à la vie ou à la propriété, de terrorisme ou de prise d’otages.
Enfin, en dehors des atteintes au secret des sources susceptibles d’être réalisées dans le cadre d’une procédure pénale, un certain nombre d’États permettent qu’il soit porté atteinte à ce secret pour des motifs tenant à la sécurité nationale. C’est le cas de la Croatie, de la Hongrie ou encore du Royaume-Uni, où l’Interception of Communications Act de 1985 permet de porter atteinte au secret des sources d’un journaliste pour la « protection des intérêts de la sécurité nationale ».
II. UN PROJET DE LOI CONSTITUANT UNE AVANCÉE RÉELLE POUR LA PROTECTION DU SECRET DES SOURCES, CONFORTÉ PAR LES APPORTS DE LA COMMISSION DES LOIS
Le projet de loi objet du présent rapport remédie aux principales lacunes et insuffisances du cadre juridique de la protection du secret des sources issu de la loi du 4 janvier 2010. De l’avis quasiment unanime des personnes entendues par votre rapporteur, le projet de loi déposé par le Gouvernement va globalement dans le bon sens, en améliorant significativement la protection du secret des sources, même s’il comportait initialement certaines limites. Les modifications que lui a apportées la commission des Lois ont permis de conforter les avancées dont le texte est porteur.
Ainsi, le projet de loi étend de façon significative la définition des personnes bénéficiaires de la protection du secret des sources (A). Il définit de façon plus précise qu’aujourd’hui les motifs permettant de porter atteinte à ce secret (B). Il subordonne ces atteintes à la décision préalable d’un juge du siège (C). Il prévoit une sanction pénale en cas d’atteinte illégale au secret des sources (D). Enfin, il instaure, sous certaines conditions, une immunité pénale en cas de détention par un journaliste de documents issus du délit de violation du secret de l’instruction ou du secret professionnel ou du délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée (E).
Par ailleurs, le projet de loi comporte une disposition qui, si elle n’a pas de lien direct avec la protection du secret des sources des journalistes, est néanmoins de nature à favoriser la liberté de l’information. En permettant aux journalistes d’accompagner les parlementaires lorsqu’ils visitent certains lieux privatifs de liberté, l’article 5 permettra à nos concitoyens d’être mieux informés de la réalité de ces lieux, qui demeurent mal connus de la majorité de nos concitoyens (F).
Comme le prévoit la législation de nombreux États membres du Conseil de l’Europe (16), le projet de loi étend la définition des personnes bénéficiaires de la protection du secret des sources. Le texte initial du projet de loi définit de façon plus large le journaliste (1) et étend la protection aux collaborateurs de la rédaction (2). La commission des Lois a, en outre, étendu les catégories de personnes titulaires du droit à la protection du secret des sources (3).
L’article 1er du projet de loi, qui réécrit intégralement l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881, prévoit de faire bénéficier de la protection du secret des sources « [t]oute personne qui, dans l’exercice de sa profession pour le compte d’une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou d’une ou plusieurs agences de presse, pratique le recueil d’informations et leur diffusion au public » (2° du nouvel article 2).
Par cette nouvelle définition du journaliste pour l’application des dispositions sur le secret des sources, le projet de loi exige – comme le faisait la loi du 4 janvier 2010 – que l’activité de recueil d’informations et de diffusion de celles-ci au public soit rémunérée, puisqu’elle doit être exercée par le journaliste dans « l’exercice de sa profession ». Il n’exige toutefois pas que cette profession soit exercée en tant que salarié, ce qui permet de tenir compte de la diversité des modes d’exercice du métier de journaliste. En revanche, le projet de loi n’exige plus, à la différence de la loi du 4 janvier 2010, que l’activité de journaliste soit exercée « à titre régulier » : des personnes ayant – par choix ou par obligation – une autre activité que leur activité journalistique pourront, même si elles ne travaillent que de façon ponctuelle pour un journal, exercer cette dernière en bénéficiant de la protection de leurs sources.
Pour tenir compte du fait que des informations permettant d’identifier des sources peuvent être entre les mains de collaborateurs de la rédaction, l’article 1er du projet de loi assimile au journaliste, pour l’application des dispositions sur la protection du secret des sources, le « collaborateur de la rédaction, soit toute personne qui, dans l’exercice de sa profession comme salariée dans une des entreprises mentionnées au 1°, est amenée, par sa fonction au sein de la rédaction, à prendre connaissance d’informations permettant d’identifier une source et ce, à travers la collecte, le traitement éditorial, la production ou la diffusion de ces mêmes informations ».
En protégeant les collaborateurs de la rédaction, la loi empêchera les contournements – possibles sous l’empire de la loi du 4 janvier 2010 – consistant, à défaut de pouvoir écouter directement le téléphone d’un journaliste ou procéder à des recherches sur ses « fadettes », à effectuer ces recherches sur les collaborateurs de la rédaction qui peuvent être amenés, dans les tâches qui leur sont confiées, à être en contact avec les sources.
Saluée par l’ensemble des personnes entendues par votre rapporteure, l’extension de la protection aux collaborateurs de la rédaction permet de mettre en œuvre le principe n° 2 de la recommandation du comité des ministres du Conseil de l’Europe en date du 8 mars 2000, qui préconise que « [l]es autres personnes qui, à travers leurs relations professionnelles avec les journalistes, prennent connaissance d’informations identifiant une source à travers la collecte, le traitement éditorial ou la publication de cette information, devraient bénéficier de la même protection en application des présents principes » (17).
3. L’extension par la commission des Lois des catégories de personnes titulaires du droit à la protection du secret des sources
Dans son avis du 25 avril 2013, la CNCDH avait estimé que « dans la mesure où il contribue à l’information du public, le droit à la protection du secret des sources doit être reconnu à tous : aussi bien aux journalistes qu’à toute personne publiant des informations à titre simplement occasionnel. La limitation dans son principe même du droit au secret des sources aux journalistes professionnels apparaît inadaptée et injustifiée. » (18)
Cette question de la définition des personnes titulaires de la protection du secret des sources se pose avec une acuité particulière dans un contexte de mutation du secteur de la presse et des modes de diffusion de l’information, où toute personne peut désormais tenir un blog, où certains blogs sont de véritables sites d’informations et où les journaux en ligne hébergent des blogs – dont certains tenus par des journalistes, mais pas tous – sans que la différence de statut entre les articles du journal et ceux du blog soit toujours claire pour le lecteur. Elle se pose d’autant plus que l’actualité récente a montré que certains « lanceurs d’alerte » publiaient désormais eux-mêmes, sans l’intermédiation de journalistes, des informations extrêmement sensibles, parfois en violation d’un secret auquel ils étaient astreints.
Néanmoins, il est apparu à votre rapporteure qu’une protection du secret des sources qui serait applicable à toute personne diffusant des informations, même à titre très occasionnel, serait sans doute problématique pour la sécurité des procédures pénales, en particulier dans la recherche de certaines infractions commises par le biais d’Internet. Une définition des personnes titulaires du droit à la protection du secret des sources qui serait uniquement fondée sur la nature de l’activité exercée par une personne, sans exigence minimale de rattachement à un organe de presse, présenterait, en effet, l’inconvénient de l’incertitude quant à son champ d’application : pour chaque personne revendiquant le secret de ses sources, le juge aurait à déterminer si elle pratique ou non le journalisme. Or, dans le temps court de certaines enquêtes, cette décision, qui suppose une analyse de l’activité de la personne devant faire l’objet d’investigations, peut s’avérer difficile.
Pour ces raisons, il n’est pas apparu opportun d’étendre la définition des personnes titulaires du droit à la protection du secret des sources à toute personne recueillant et diffusant des informations.
En revanche, la commission des Lois a, sur l’initiative de votre rapporteure, adopté plusieurs modifications approfondissant l’extension de la définition prévue par le projet de loi, qui permettront de garantir plus efficacement encore la liberté d’information.
S’agissant tout d’abord des journalistes au sens strict, visés par le 1° du I du nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881, la Commission a étendu le droit à la protection du secret des sources aux journalistes travaillant pour le compte d’une entreprise d’édition, c’est-à-dire aux auteurs de livres, d’une part, et aux journalistes travaillant pour le compte d’une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques, d’autre part.
Ensuite, la Commission a introduit dans le I du nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881 un 1° bis faisant bénéficier du droit à la protection du secret des sources les personnes exerçant « des fonctions de direction de la publication ou de la rédaction pour le compte de l’une des entreprises, publications ou agences mentionnées au 1° ».
Enfin, la Commission a adopté une définition élargie des collaborateurs de la rédaction prévue au 2° du II du nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881, en supprimant l’exigence prévue par le projet de loi initial qu’ils exercent leurs fonctions à titre professionnel et qu’ils aient la qualité de salariés d’une entreprise de presse ou de communication, ce qui permettra de faire bénéficier de la protection les correspondants locaux, ainsi que les stagiaires ou étudiants en alternance.
Ces différentes extensions manifestent le fait que la protection du secret des sources n’est pas une prérogative de la profession de journaliste, mais une condition de la liberté de la presse et de l’information des citoyens dans une société démocratique. En conséquence de ces extensions, la Commission a modifié la définition de l’objet de la protection du secret des sources, pour prévoir que celle-ci a pour objet de garantir « l’information du public », et non « l’exercice de [la] mission d’information » des journalistes comme le prévoyait le texte initial du projet de loi. Elle a, également, modifié le titre du projet de loi pour en supprimer les termes « des journalistes », le projet de loi adopté par la Commission étant désormais intitulé « projet de loi renforçant la protection du secret des sources ».
B. LA RECHERCHE D’UNE DÉFINITION PLUS PRÉCISE ET PLUS STRICTE DES MOTIFS PERMETTANT DE PORTER ATTEINTE AU SECRET DES SOURCES
En permettant qu’il soit porté atteinte au secret des sources des journalistes lorsqu’un « impératif prépondérant d’intérêt public » le justifie, la loi du 4 janvier 2010 n’a pas défini de façon suffisamment précise les motifs légaux pouvant justifier une atteinte à ce secret. Le projet de loi a cherché à remédier à cette lacune, en proposant une nouvelle définition des motifs permettant de porter atteinte au secret des sources qui soit à la fois plus précise et plus stricte. Néanmoins, la définition proposée par le Gouvernement est apparue trop large et a été, s’agissant de la référence qu’elle faisait aux intérêts fondamentaux de la Nation, mal comprise par de nombreux journalistes (1). En conséquence, poursuivant le même objectif que le Gouvernement de rechercher la plus grande rigueur et la plus grande précision possibles dans la définition des motifs d’atteinte au secret des sources, la commission des Lois a adopté une rédaction différente qui fait plus explicitement référence à des infractions clairement identifiables (2).
Dans le texte initial du Gouvernement, les motifs permettant de porter atteinte au secret des sources sont définis de la façon suivante : « Il ne peut être porté atteinte au secret des sources que si cette atteinte est justifiée par la prévention ou la répression soit d’un crime soit d’un délit constituant une atteinte grave à la personne ou aux intérêts fondamentaux de la Nation et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi » (deuxième alinéa du II du nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881).
Dans son avis, la CNCDH avait recommandé de ne permettre les atteintes au secret des sources que pour des infractions de nature criminelle (19). Le Gouvernement, estimant que certains délits présentaient une gravité suffisante pour pouvoir justifier des atteintes au secret des sources, n’avait pas retenu cette proposition et avait prévu la possibilité de porter atteinte à ce secret non seulement pour les crimes, mais aussi pour certains délits. Auraient été concernés les délits constituant une atteinte grave à la personne, d’une part, et les délits constituant une atteinte grave aux intérêts fondamentaux de la Nation, d’autre part.
Indéniablement plus précise que celle retenue par la loi de 2010, puisqu’elle visait des catégories bien définies d’infractions pénales, cette formulation a, néanmoins, soulevé des interrogations et inquiétudes parmi les représentants des journalistes et les juristes entendus par votre rapporteure. Ainsi, la notion d’atteinte grave à la personne n’apparaît pas suffisamment précise, le projet de loi n’indiquant pas sur la base de quels critères – le niveau de peine encourue, les circonstances de l’infraction, la qualité de l’auteur ou de la victime… – une atteinte doit être considérée comme grave. La notion d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation n’a, quant à elle, pas été unanimement comprise comme visant les délits du titre Ier du livre IV du code pénal qui définit ces infractions – faute de visa précis de ce chapitre dans le projet – et a suscité des craintes d’une interprétation aussi extensive que la notion d’impératif prépondérant d’intérêt public, en raison de la définition très large donnée de ces intérêts fondamentaux par l’article 410-1 du code pénal (20).
En outre, si la légitimité de l’atteinte au secret des sources pour la prévention d’une infraction d’une gravité suffisante n’est généralement pas contestée, il n’en va pas de même pour la répression. Certains journalistes jugent la possibilité de porter atteinte au secret des sources pour réprimer une infraction inacceptable, estimant ne pas avoir à jouer un rôle d’auxiliaire de justice qui nuirait à leur capacité à enquêter librement et donc à la liberté de l’information. D’autres considèrent que, dans le cas de la répression d’une infraction, l’atteinte au secret des sources ne devrait être possible qu’à des conditions plus restrictives que pour la prévention.
Tenant compte des réserves émises sur le dispositif proposé par le Gouvernement, la commission des Lois a adopté une rédaction alternative s’efforçant de définir, de façon plus précise et plus stricte encore, les motifs qui permettront de porter atteinte au secret des sources.
Pour remédier aux difficultés soulevées par la rédaction proposée par le projet de loi initial, la Commission a adopté un amendement de votre rapporteure qui définit plus précisément encore les cas dans lesquels l’atteinte au secret des sources sera possible, en mettant en place un système de protection graduée de ce secret.
Le texte adopté par la Commission prévoit qu’une atteinte au secret des sources ne sera possible que pour quatre motifs :
— la prévention ou la répression d’un crime ;
— la prévention d’un délit d’atteinte à la personne humaine puni d’au moins sept ans d’emprisonnement ;
— la prévention d’un délit prévu aux titres Ier et II du livre IV du code pénal puni de dix ans d’emprisonnement ;
— la répression d’une des deux catégories de délits précédemment mentionnées, sous réserve que le délit soit, en outre, d’une particulière gravité.
Les délits prévus aux titres Ier et II du livre IV du code pénal punis de dix ans d’emprisonnement sont les plus graves des délits d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation et des délits terroristes (21).
En outre, le texte adopté par la Commission subordonne les atteintes justifiées par la répression d’une infraction à des conditions supplémentaires par rapport à celles exigées pour la prévention d’une infraction. Tant pour la répression des crimes que pour celle des délits, l’atteinte au secret des sources ne pourra être autorisée que si elle constitue « l’unique moyen d’obtenir les informations recherchées ».
Le texte adopté par la Commission, par la définition précise et stricte des cas dans lesquels l’atteinte au secret des sources sera possible, concilie de façon équilibrée le droit à la liberté d’expression avec la nécessaire efficacité de la procédure pénale.
La loi du 4 janvier 2010 n’avait prévu aucune garantie procédurale pour assurer une prévention effective des atteintes au secret des sources. Dans le cadre d’une enquête préliminaire ou de flagrance, une atteinte au secret des sources peut être réalisée sur autorisation du parquet, voire à la seule initiative du service de police ou de gendarmerie en charge de l’enquête, tandis que dans le cadre d’une instruction, la décision appartient au juge d’instruction lui-même.
Dans son avis, la CNCDH avait recommandé « que les actes d’enquête ou d’instruction qui auraient pour objet direct ou indirect, dans le cadre de l’exception ci-dessus définie, la découverte de la source d’information d’un journaliste ne soient possibles qu’après l’autorisation d’un juge indépendant et impartial. Eu égard à ses autres attributions, elle recommande que le juge des libertés et de la détention soit doté de cette compétence » (22).
Cette recommandation a été suivie par le Gouvernement qui a prévu, dans un nouvel article 706-185 du code de procédure pénale introduit par l’article 2 du projet de loi, qu’à peine de nullité, un acte d’enquête ou d’instruction ayant pour objet de porter atteinte au secret des sources « doit être préalablement autorisé par ordonnance spécialement motivée au regard des conditions prévues par le présent article prise par le juge des libertés et de la détention saisi, selon les cas, par requête motivée du procureur de la République ou par ordonnance motivée du juge d’instruction ».
Cette disposition du projet de loi confiant au juge des libertés et de la détention la compétence pour décider de l’exécution d’un acte d’enquête ou d’instruction portant atteinte au secret des sources a été largement saluée comme un progrès important par les personnes entendues par votre rapporteure. Certaines personnes ont souligné, cependant, que cette disposition ne serait un progrès réel que si le contrôle de la justification, de la nécessité et de la proportionnalité de la mesure demandée était effectif et si les décisions du juge des libertés et de la détention étaient bien, comme le prévoit le projet de loi, spécialement motivées.
La loi du 4 janvier 2010 n’avait prévu aucune sanction pénale en cas d’atteinte au secret des sources en dehors des conditions prévues par la loi. Ainsi, un magistrat ou un enquêteur qui prend le risque de porter atteinte au secret des sources en dehors des conditions légales n’encourt à titre personnel aucune sanction, la seule sanction de cette atteinte illégale résidant dans la nullité de l’acte ordonné. Certes, la CNCDH avait, dans son avis du 25 avril 2013, fait valoir que « cette nullité est, sans aucun doute, la mesure la plus efficace : elle est dissuasive pour les autorités judiciaires, et a des conséquences particulièrement importantes pour la suite du procès » (23). Pour autant, l’absence de sanction pénale pour un acte qui aurait délibérément porté atteinte à une liberté aussi fondamentale que la liberté d’expression était indéniablement une lacune de la loi de 2010.
S’agissant de la mise en place de sanctions pénales pour les atteintes illégales au secret des sources, la CNCDH avait préconisé la création de circonstances aggravantes pour un certain nombre de délits : « La création d’une circonstance aggravante (…) lorsque l’infraction a pour objet de porter atteinte à la protection du secret des sources pourrait avoir l’avantage de sanctuariser ce principe, de faire œuvre de pédagogie, et d’éviter de multiplier les infractions autonomes tout en conservant la valeur symbolique de la sanction pénale » (24).
Suivant cette recommandation, le projet de loi a prévu une aggravation des peines d’amende encourues pour les délits de violation de domicile et de violation du secret des correspondances en cas d’intention de porter atteinte au secret des sources d’un journaliste.
Lors des auditions menées par votre rapporteure, une partie des personnes entendues aurait estimé préférable de créer un délit autonome d’atteinte illégale au secret des sources. Dans l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, le Gouvernement a justifié le fait de créer des circonstances aggravantes à des délits existants, plutôt que d’instituer un délit autonome d’atteinte au secret des sources, par le fait « qu’il n’existe aucun précédent dans lequel le simple non-respect d’une règle de procédure pénale constitue en lui-même et à lui seul un délit » et que les délits susceptibles d’être reprochés aux autorités policières ou judiciaires – tels que la détention arbitraire ou l’atteinte au secret des correspondances – sont « des délits susceptibles d’être reprochés à n’importe quelle personne », même si leurs peines sont généralement aggravées par la qualité de l’auteur (25).
Cette solution a été approuvée par la commission des Lois, qui a, du reste, complété l’article pour rendre la nouvelle circonstance aggravante d’intention de porter atteinte au secret des sources d’un journaliste applicable au délit d’intrusion dans un fichier informatique, réprimé par l’article 323-1 du code pénal.
E. LA CRÉATION D’UNE IMMUNITÉ PÉNALE EN CAS DE DÉTENTION PAR UN JOURNALISTE DE DOCUMENTS ISSUS DU DÉLIT DE VIOLATION DU SECRET DE L’INSTRUCTION OU DU SECRET PROFESSIONNEL OU DU DÉLIT D’ATTEINTE À L’INTIMITÉ DE LA VIE PRIVÉE
À plusieurs reprises, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, pour avoir condamné des journalistes pour des délits de recel de violation d’un secret ou d’atteinte à l’intimité de la vie privée dans des circonstances dans lesquelles la liberté d’expression justifiait la détention ou la publication des documents ou des informations à l’origine de la condamnation.
Ainsi, dans l’arrêt Fressoz et Roire contre France en date du 21 janvier 1999, la Cour de Strasbourg avait jugé que la condamnation dont avaient fait l’objet les deux requérants, qui avaient publié dans le Canard enchaîné les revenus d’un dirigeant d’une grande entreprise dans laquelle se déroulait alors un important conflit social, pour le délit de recel de violation du secret professionnel, avait constitué un moyen disproportionné à la poursuite du but légitime poursuivi – la protection du secret professionnel – « compte tenu de l’intérêt de la société démocratique à assurer et à maintenir la liberté de la presse » (26).
Afin de faire disparaître ce moyen de pression sur les journalistes que peuvent constituer, dans le but de découvrir la source d’une information, des poursuites pour recel de violation d’un secret ou d’atteinte à l’intimité de la vie privée, le projet de loi instaure une immunité pénale pour le délit de recel de violation du secret professionnel ou du secret de l’enquête ou de l’instruction ou du délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée (IV du nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881).
L’instauration de cette immunité pénale, subordonnée à la condition que les documents détenus « contiennent des informations dont la diffusion au public constitue un but légitime en raison de leur intérêt général », a également été saluée par toutes les personnes entendues par votre rapporteure comme une avancée très positive pour la liberté d’expression.
Sur l’initiative de votre rapporteure, la Commission a précisé la définition de cette immunité pénale. Tout d’abord, elle a étendu l’application de l’immunité à la détention d’images ou d’enregistrements sonores ou audiovisuels, et non aux seuls documents écrits. Ensuite, elle a assoupli les conditions permettant de bénéficier de l’immunité, en substituant au critère retenu par le projet de loi – la condition que la diffusion de l’information issue d’une infraction présente un caractère d’intérêt général – la condition que la diffusion de cette information constitue un but légitime dans une société démocratique. En effet, le critère de l’intérêt général des informations apparaissait trop restrictif, car le juge aurait été amené à se prononcer sur la légitimité de la publication au regard d’un critère nécessairement difficile à évaluer. Tout en subordonnant le bénéfice de l’immunité à des conditions strictes et précises, le critère retenu par le texte adopté par la Commission protégera davantage la liberté d’expression.
F. LA POSSIBILITÉ POUR UN PARLEMENTAIRE VISITANT CERTAINS LIEUX PRIVATIFS DE LIBERTÉ D’ÊTRE ACCOMPAGNÉ PAR UN OU PLUSIEURS JOURNALISTES
Bien que, depuis quelques années, le contrôle des lieux privatifs de liberté se soit développé – du fait des travaux menés par les assemblées parlementaires, mais aussi grâce aux interventions du Médiateur de la République puis du Défenseur des droits, et avec la création du Contrôleur général des lieux de privation de liberté –, ces lieux demeurent mal connus de nos concitoyens. Afin de renforcer la liberté d’expression et l’information de nos concitoyens sur la réalité de ces lieux, l’article 5 du projet de loi prévoit de permettre aux parlementaires, lorsqu’ils visitent un établissement pénitentiaire, d’être accompagnés par un ou plusieurs journalistes titulaires de la carte de presse.
Si les journalistes peuvent aujourd’hui, sur autorisation préalable, réaliser des reportages en prison (27), le fait de pouvoir accéder aux établissements pénitentiaires avec des parlementaires – c’est-à-dire, le cas échéant, sans information préalable de l’établissement et en accédant à toutes les zones de l’établissement – permettra que les reportages des journalistes sur les établissements pénitentiaires s’effectuent dans des conditions propres à garantir l’information libre des citoyens sur la réalité des conditions de détention dans notre pays.
L’étude d’impact accompagnant le projet de loi souligne que cette disposition « est sans rapport avec la question spécifique de la protection du secret des sources des journalistes », ce qui a effectivement été relevé par la majorité des personnes entendues par votre rapporteure. Néanmoins, le présent projet de loi, qui traite des conditions d’exercice de la profession de journaliste, est apparu comme un vecteur approprié pour porter cette modification destinée à « prendre en compte des demandes récurrentes de nombreux parlementaires » et justifiée par « le souci d’une ouverture de la prison, en tant qu’institution républicaine » (28).
Dans son avis rendu le 25 avril 2013, la CNCDH avait estimé que cette disposition allait « dans le bon sens », mais avait regretté que son application soit limitée aux seuls établissements pénitentiaires et que l’accès des journalistes aux lieux privatifs de liberté soit subordonnée à la présence d’un parlementaire : « La CNCDH fait siennes les revendications de nombreux acteurs de la société civile tendant à l’ouverture aux journalistes des établissements pénitentiaires, centres de rétention administrative, zones d’attente et locaux de garde à vue dans des conditions fixées par décret, même en dehors de la présence de parlementaires » (29).
Si la possibilité pour des journalistes de visiter seuls et sans autorisation préalable tout lieu privatif de liberté paraît difficilement envisageable, pour d’évidentes raisons de sécurité, la commission des Lois a néanmoins estimé nécessaire de compléter l’article 5 pour permettre aux journalistes d’accompagner les parlementaires dans leurs visites d’autres catégories de lieux privatifs de liberté. En effet, en application de l’article 719 du code de procédure pénale, d’une part, et de l’article L. 3222-4-1 du code de la santé publique (30), d’autre part, les parlementaires – c’est-à-dire les députés, les sénateurs et les députés européens – peuvent visiter non seulement les établissements pénitentiaires, mais aussi les locaux de garde à vue, les centres de rétention, les zones d’attente et lieux d’hospitalisation psychiatrique sans consentement.
En premier lieu, a Commission a, sur l’initiative de Mme Colette Capdevielle, étendu le droit de visite des parlementaires dans les centres éducatifs fermés, qui est aujourd’hui limité aux centres de leur département d’élection, à l’ensemble des centres du territoire national. Sur l’initiative de votre rapporteure, ce droit de visite des parlementaires a également été rendu applicable aux locaux de rétention administrative (31) et aux locaux de retenue des étrangers à fin de vérification du droit au séjour.
S’agissant de la possibilité pour les parlementaires d’être accompagnés par des journalistes lors de leurs visites de lieux privatifs de liberté, elle a, également sur l’initiative de votre rapporteure, été étendue aux centres éducatifs fermés, aux centres de rétention et aux zones d’attente. En revanche, votre rapporteure n’avait pas proposé à la Commission d’étendre ce droit d’accompagnement des journalistes aux locaux de garde à vue, aux locaux de rétention administrative et aux locaux de retenue des étrangers, car il s’agit avant tout de lieux d’enquête dans lesquels la présence impromptue de journalistes pourrait poser des difficultés importantes en termes de sécurité et de respect du secret de l’enquête. Elle n’a pas non plus proposé d’étendre ce droit aux lieux d’hospitalisation psychiatrique sans consentement, qui sont des lieux de soins n’accueillant pas uniquement des patients hospitalisés sous contrainte mais aussi des patients ne faisant l’objet d’aucune mesure de contrainte.
En outre, sur l’initiative de la rapporteure, la Commission a supprimé l’exigence d’une habilitation des journalistes pouvant accompagner les parlementaires dans les visites de lieux privatifs de liberté, car la détention de la carte de presse est une garantie suffisante de la nature journalistique et du sérieux de l’activité de la personne.
Enfin, sur l’initiative de M. Noël Mamère, la Commission a précisé que les journalistes auront le droit de filmer, d’enregistrer et de photographier à l’intérieur de l’établissement visité. Il appartiendra au Gouvernement, dans le décret qui encadrera les visites des journalistes accompagnant des parlementaires, de définir également les conditions d’application du droit à filmer, enregistrer et photographier, en conciliant la liberté d’informer avec le respect du droit à l’image des personnels et des personnes privées de liberté, d’une part, et avec la nécessité de préserver la sécurité des lieux visités, d’autre part.
CONTRIBUTION DE M. SÉBASTIEN HUYGHE, CO-RAPPORTEUR SUR LA MISE EN APPLICATION DE LA LOI QUI SERAIT ISSUE DE L’ADOPTION DÉFINITIVE DU PROJET DE LOI (NOMMÉ EN APPLICATION DE L’ARTICLE 145-7 DU RÈGLEMENT)
Il est une conviction forte que nous partageons unanimement : celle de l’impérieuse nécessité, dans une société démocratique, de garantir le secret des sources, qui est l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse. La possibilité pour les journalistes de conserver le secret sur l'origine de leurs informations apparaît nécessaire pour ne pas tarir leurs sources et garantir ainsi la liberté d'information.
Si, à l’épreuve des faits, la loi du 4 janvier 2010 s’est révélée parfois difficile à appliquer, nous saluons volontiers la volonté de ce nouveau texte de remplir un certain nombre de vides juridiques que la pratique avait mis en lumière.
Il est nécessaire de rappeler que si la protection du secret des sources est une condition de la liberté de la presse, elle n’est pas – et ne devrait aucunement l’être – un privilège de la profession de journaliste. Or un certain nombre de questions se posent justifiant nos réserves sur la légitimité et la dimension opérationnelle de ce nouveau texte.
Tout d’abord, il convient d’expliquer les raisons pour lesquelles la définition du journaliste opérée par ce projet de loi ne nous satisfait malheureusement pas. Le projet de loi élargit le nombre de titulaires du droit au secret des sources. Si certains ne peuvent que recueillir notre assentiment, il reste que l’élargissement à un certain nombre d’autres soulève de nombreuses interrogations, notamment en ce qui concerne les personnes travaillant pour une entreprise de communication au public en ligne.
À ce titre, il est regrettable que ce nouveau texte, dans sa rédaction, laisse dans l’incertitude le cas des blogueurs dont on ne saurait dire s’ils sont inclus ou non dans cette définition très ambiguë. Il n’y a pourtant pas d’ambiguïté qui vaille : nous sommes résolument opposés à un rapprochement avec la loi belge qui fait purement et simplement disparaître toute référence aux « journalistes » et considère comme titulaire du droit « toute personne qui contribue directement à la collecte, la rédaction, la production ou la diffusion d’informations par le biais d’un media au profit d’un public ».
Blogueurs et « lanceurs d’alerte » ne sont pas des journalistes. Si l’objectif sous-tendu par ce projet de loi est d’opérer un tel brouillage, je tiens, en tant que co-rapporteur d’application, à exprimer clairement et fermement ma désapprobation.
S’agissant des motifs justifiant une atteinte au secret des sources des journalistes, un amendement de Madame la Rapporteure supprime le motif de l’atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, considérée par la majorité comme trop vague, voire comme une régression par rapport à la loi de 2010. Définis à l’article 410-1 du Code pénal, « les intérêts fondamentaux de la nation s'entendent au sens du présent titre de son indépendance, de l'intégrité de son territoire, de sa sécurité, de la forme républicaine de ses institutions, des moyens de sa défense et de sa diplomatie, de la sauvegarde de sa population en France et à l'étranger, de l'équilibre de son milieu naturel et de son environnement et des éléments essentiels de son potentiel scientifique et économique et de son patrimoine culturel. »
Ce qui nous est présenté comme un « amendement de clarification » n’est rien d’autre qu’une manière beaucoup plus restrictive de définir les motifs justifiant une atteinte au secret des sources des journalistes au profit d’une approche en termes de niveau de sanction. Nous considérons que cette approche n’est pas posée en des termes adéquats : ce n’est pas le niveau de sanction qui pose réellement question, mais plus généralement, nous voudrions avoir l’assurance que l’ensemble du champ des « intérêts fondamentaux de la Nation » couvert par l’article 410-1 du Code pénal pourrait être effectivement inclus par cette nouvelle rédaction. C’est la raison pour laquelle l’amendement de Madame Chapdelaine qui supprime cette mention aux atteintes graves aux « intérêts fondamentaux de la Nation » pour adopter une rédaction plus restrictive et en réalité d’une autre portée, nous laisse profondément dubitatifs.
Par ailleurs, si ce projet de loi vient à être adopté, les journalistes ne pourront plus être condamnés pour recel en cas de publication de documents provenant du secret de l’instruction, du secret professionnel ou d’une atteinte à la vie privée.
Le texte justifie cette interdiction en brandissant un unique garde-fou mentionné dans la jurisprudence de la CEDH : la condamnation serait interdite tant que la publication visée serait légitimée par « l’intérêt général ». La volonté du projet de loi de se situer dans la continuité de la CEDH est certes compréhensible. Pour autant, cet « intérêt général » est une notion définitivement floue, peu protectrice du secret de l’instruction ou du secret professionnel. Il est donc permis de se demander quelle serait alors la validité, dans notre droit pénal, d’un secret de l’instruction vidé de tout contenu. C’est aussi légitimement que l’on se demande si le secret professionnel ou le respect de la vie privée ne seraient pas alors des coquilles vides.
Plus encore, avec l’instauration par ce projet de loi d’un régime d’exception contre les dirigeants politiques, mes précédentes réserves se transforment en réelle indignation. Comble de l’aberration, l’exposé des motifs énonce : « Si des documents obtenus à la suite de la violation d’un secret portent sur des éléments qu’il est légitime de porter à la connaissance des citoyens, par exemple parce qu’ils concernent un dirigeant politique ou un éventuel scandale sanitaire, le journaliste ne pourra être poursuivi ou condamné pour recel. En revanche, si ces documents concernent, par exemple, la vie privée d’une personne célèbre mais qui n’exerce aucune responsabilité publique, le délit demeurera constitué. »
Ce projet de loi entend donc instaurer un régime d’exception, où seules les « personnes célèbres » demeurent protégées, quand il considère les dirigeants politiques comme des sous-citoyens, qui n’auraient pas les mêmes droits que les citoyens dits « normaux » sur le respect de leur vie privée !
En tant que commissaire à la CNIL, je suis profondément choqué que l’on puisse faire une telle distinction avec ce délit de recel à géométrie variable, qui n’est rien d’autre qu’un régime d’exception contre les dirigeants politiques.
Un autre écueil de ce projet de loi concerne l’entrée du juge des libertés (JLD) dans le dispositif en cas de procédure pénale. L’étude d’impact insiste sur le fait que subordonner toute enquête et les actes qui lui seraient liés à une autorisation par ordonnance motivée du juge des libertés constituerait une « protection maximale ». Mais l’exposé des motifs ne dit rien de l’apport réel de l’entrée du juge des libertés dans le dispositif, qui ne sera pas sans conséquence sur l’avancée des enquêtes. Les initiateurs de ce projet de loi estiment-ils en filigrane que le procureur ou le juge d’instruction ne sont pas dignes de confiance et ne pourraient pas respecter la loi, au point qu’il faille justifier l’autorisation d’un juge extérieur à l’enquête ? Plus généralement, est-ce à dire que le Parquet n’est pas capable de faire preuve d’indépendance ?
Enfin, un dernier point – mais non des moindres – concerne la visite des établissements pénitentiaires par les journalistes, prévue par l’article 5 de ce projet de loi. Cet article me paraît globalement hors-sujet dans l’économie du texte et de nature à en affaiblir sa portée. Mais le point le plus central de ma critique porte sur le souci pratique et non-négociable d’assurer avec réalisme la sécurité de nos établissements pénitentiaires et de garantir aussi bien celle des détenus que celle des surveillants, aux prises avec un certain nombre de difficultés et de risques sur le terrain.
Les conséquences désastreuses pour la sécurité de nos prisons et pour celle de nos concitoyens, qui pourraient découler de la volonté d’un parlementaire d’être accompagné lors d’une visite d’un établissement pénitentiaire non par un journaliste, mais par cinquante, sont aisément imaginables. En ma qualité de rapporteur du budget des crédits « administration pénitentiaire », je visite régulièrement des établissements. Pour des raisons de sécurité évidentes, je considère qu’il ne devrait pas être possible de faire entrer dans les enceintes des établissements de caméras vidéo ou d’appareils photos, et qu’il est impératif de limiter le nombre de journalistes qui pourraient accompagner un parlementaire. Est-il vraiment nécessaire de rappeler un certain nombre d’évasions récentes ayant eu lieu dans nos établissements pénitentiaires ? Dès lors que l’on souhaite ne faire preuve ni d’idéologie ni d’hypocrisie, il semble impossible d’ignorer cette réalité pourtant simple : le fait de montrer à l’ensemble de nos concitoyens les moyens de sécurité de nos établissements pénitentiaires, constituerait en même temps une aide précieuse pour les détenus projetant de s’évader !
C’est pourquoi j’estime que cet article, s’il est maintenu, ouvre un droit qui devrait être très encadré, en termes de nombre de journalistes comme en termes de matériel utilisé. Encore aurait-il fallu définir un certain nombre de garde-fous sans lesquels il m’apparaît inacceptable en l’état. Prévoir cet accompagnement par des journalistes habilités dans des conditions fixées ultérieurement par décret est loin de me paraître suffisant.
Au terme de cet avis et pour toutes les raisons que je viens d’énoncer, j’émets donc de sérieuses réserves sur ce projet de loi aux contours bien flous. Vouloir renforcer la protection du secret des sources des journalistes était pourtant un objectif louable, mais les diagnostics et le « curseur » des solutions retenues ne me paraissent pas être placés au bon endroit. Il est de la responsabilité de la majorité de mettre en lumière la manière dont elle compte résoudre toutes les difficultés pratiques que pose un tel projet de loi.
La Commission examine le projet de loi renforçant la protection du secret des sources des journalistes au cours de sa séance du mercredi 11 décembre 2013.
Après l’exposé de la rapporteure, une discussion générale s’engage.
Mme Colette Capdevielle. Ce projet de loi répond à l’engagement du président de la République de renforcer la protection des sources des journalistes, condition du droit à l’information, qui dans une société démocratique s’impose aux autres droits.
L’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose que « la libre communication des pensées et des opinions est l’un des droits les plus précieux de l’homme » ; quant à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, il dispose : « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques ». Il a pourtant fallu attendre 2010 pour que le législateur réagisse enfin aux condamnations répétées de la France par la CEDH : en la matière, notre pays était multirécidiviste.
Mais le texte cosmétique de 2010 a très vite révélé ses insuffisances.
Le projet de loi de Mme Taubira vient corriger les approximations de la loi « Dati » et remédie aux lacunes que la jurisprudence avait commencé à pointer et à rectifier dans un sens plus libéral. Il affirme de manière très solennelle le principe de la protection du secret des sources : l’article 1er réécrit intégralement l’article 2 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse ; le texte précise que cette protection est absolue et que seule la loi peut lui porter atteinte. Il définit de manière plus précise et plus large ceux qui sont protégés, sans faire référence à la carte de presse. Il définit clairement la notion d’atteinte au secret, qui doit rester exceptionnelle, et durcit les conditions dans lesquelles ces atteintes peuvent être portées dans le cadre d’une procédure pénale. Il confie au juge des libertés et de la détention, juge du siège indépendant du parquet et du juge d’instruction, la compétence d’autoriser des actes d’enquête ou d’instruction qui porteraient atteinte au secret des sources et ce, dans des cas exceptionnels et prévus expressément par la loi. Tant la requête que l’ordonnance doivent être spécialement motivées.
Si ces dispositions légales avaient existé, jamais le procureur de Nanterre ne se serait autorisé à saisir les fadettes des journalistes du Monde !
Le projet assortit enfin la violation du secret des sources de lourdes sanctions et prévoit que les journalistes ne pourront être condamnés pour recel de violation du secret de l’instruction.
Notre débat devra conforter et enrichir ce texte court mais très dense. La commission des Affaires culturelles l’a examiné pour avis, et a notamment souligné l’importance des progrès technologiques dans la presse, et la nécessité de les prendre en considération. Il faudra aussi nous demander qui exactement doit être protégé.
La disposition la plus débattue porte sur la définition des motifs d’atteinte. Le projet de loi vise les crimes, ce qui ne pose pas de difficultés, pas plus que les atteintes graves aux personnes – à condition de fixer le niveau de peine encourue.
En revanche, la mention des « intérêts fondamentaux de la nation » est controversée. La protection accordée aux journalistes ne saurait être absolue et la jurisprudence de la CEDH rappelle le principe de proportionnalité. Il ne faut pas qu’une notion trop large, trop floue et par conséquent arbitraire laisse une grande liberté d’appréciation au juge. La protection du secret des sources doit donc être étroitement et précisément encadrée. Si nous fixons un seuil de peine précis pour définir la notion d’infraction « grave », aucune discussion n’est plus alors possible.
Il en va de même pour les conditions dans lesquelles les perquisitions pourront être pratiquées. Ce régime qui doit être très protecteur peut s’assimiler à celui des perquisitions dans les cabinets d’avocats.
Ce texte ouvre enfin la possibilité pour les journalistes d’accompagner les parlementaires dans les établissements pénitentiaires. Il nous est apparu que cette mesure pouvait être étendue à d’autres lieux privatifs de liberté ; je rappelle que ces visites se feront sous la responsabilité et le contrôle des parlementaires, dont le rôle sera crucial.
La presse est en crise – je viens d’ailleurs d’apprendre avec beaucoup de regret qu’un quotidien du Pays basque fermera dans quelques jours, laissant seize personnes au chômage et une partie de l’information locale oubliée. Ce projet de loi vise à restaurer le lien de confiance avec la presse ainsi qu’à valoriser la liberté d’expression et la qualité du difficile travail d’information.
M. Noël Mamère. Ce projet de loi représente un net progrès par rapport à celui qui nous a été soumis en 2010, même si nous ne parvenons pas encore au niveau d’autres pays, notamment la Belgique. Il ne s’agit pas ici de protéger les journalistes, mais leurs sources : c’est une condition de la liberté d’expression, et donc de la démocratie. Le métier de journaliste ne consiste pas à regarder là où il y a déjà de la lumière, mais à dévoiler des vérités que l’on essaye de cacher ; la protection des sources doit donc être pour nous une obsession.
Je regrette que les « intérêts fondamentaux de la nation » soient mentionnés dans ce texte. La commission des Affaires culturelles, comme Mme la rapporteure de la commission des Lois, se sont prononcées pour la disparition de cette notion qui, si elle devait être maintenue, annulerait aux yeux des journalistes toutes les avancées que recèle ce texte.
Les progrès techniques fulgurants que connaît la presse, avec le développement des sites internet, des blogs et des réseaux sociaux, rendent très difficile l’adaptation à la réalité de notre cadre législatif. Le groupe Écologiste a déposé différents amendements tendant à élargir le cercle de ceux qui doivent être protégés. On ne peut pas se limiter à un critère professionnel : les Belges ont ainsi décidé, en 2006, d’élargir la protection des sources à des journalistes bénévoles. Voilà qui pose le problème du statut du journaliste, et le problème des blogueurs. Nous avons également voté une loi sur les lanceurs d’alerte, finalement assez limitée : certains d’entre nous estiment qu’il faudrait étendre cette loi aux lanceurs d’alerte.
Le rôle attribué au JLD est un progrès très important. Nous avons déposé un amendement pour que les journalistes puissent faire appel devant lui afin de protéger leurs sources, par exemple en cas de perquisition.
Une majorité d’entre nous devrait estimer que la notion d’« intérêts fondamentaux de la nation » n’est pas compatible avec l’esprit du projet : si nous arrivons à faire disparaître cette disposition, nous pourrons nous féliciter de l’adoption de ce projet, qui constitue un vrai progrès, même s’il serait possible d’aller encore plus loin. Notre assemblée devra sans doute y revenir, tant le progrès technique va vite.
Enfin, il nous paraît très positif que la garde des Sceaux souhaite permettre aux journalistes d’accompagner les parlementaires lorsqu’ils visitent des lieux de privation de liberté : la société doit être informée des conditions de détention dans nos prisons.
M. Sébastien Huyghe. La loi du 4 janvier 2010 a apporté des progrès notables en matière de protection des sources des journalistes. On lui doit le principe de la protection du secret des sources sauf « impératif prépondérant d’intérêt public », la définition de la notion d’atteinte au secret des sources, et, en cas d’atteinte, la nécessité d’une action « strictement nécessaire et proportionnée », qui est reprise dans le projet de loi que nous examinons.
Si, à l’épreuve des faits, la loi de 2010 s’est révélée parfois difficile à appliquer, nous saluons volontiers les avancées contenues dans ce nouveau texte, qui étend notamment le périmètre des dépositaires de la protection du secret des sources, et remplit certains vides juridiques.
Nous voulons néanmoins exprimer certaines réserves.
La définition du journaliste ne nous satisfait pas : le projet de loi élargit en effet le nombre de titulaires du droit au secret des sources, ce qui est pertinent dans certains cas ; mais la référence aux personnes qui travaillent pour une « entreprise de communication au public en ligne » est très ambiguë et laisse dans l’incertitude le cas des blogueurs. Dès lors qu’ils ne sont pas employés par une entreprise de presse, ceux-ci ne devraient pas pouvoir bénéficier de la protection du secret des sources.
Nous sommes résolument opposés à un rapprochement avec la loi belge, qui fait purement et simplement disparaître toute référence aux « journalistes » et considère comme titulaire du droit à la protection des sources « toute personne qui contribue directement à la collecte, la rédaction, la production ou la diffusion d’informations par le biais d’un média au profit d’un public ». Blogueurs et lanceurs d’alerte ne sont pas des journalistes ! Nous désapprouverions fermement toute tentative de brouillage en la matière.
S’agissant des motifs justifiant une atteinte au secret des sources des journalistes, la rédaction retenue par la commission des Affaires culturelles nous semblerait tout à fait inacceptable – je pense en outre à un amendement de M. Pouzol encore plus restrictif. En effet, elle supprime le motif de l’atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, considérée comme trop vague, voire comme une régression par rapport à la loi de 2010, mais elle fait surtout disparaître la possibilité d’atteinte en cas de répression d’une infraction, au profit de la seule prévention : aucune atteinte au secret des sources des journalistes ne serait possible dès lors qu’il s’agirait de punir un crime ! Ne cibler que les actions de prévention nous laisse dubitatifs.
S’agissant de l’interdiction de la condamnation d’un journaliste pour délit de recel, nos réserves sont également fortes : les journalistes ne pourront plus être condamnés pour recel en cas de publication de documents provenant du secret de l’instruction, du secret professionnel ou d’une atteinte à la vie privée. Le texte justifie cette interdiction en brandissant un unique garde-fou mentionné dans la jurisprudence de la CEDH : la condamnation serait interdite tant que la publication visée serait légitimée par « l’intérêt général ». La volonté de respecter la jurisprudence de la CEDH est bien compréhensible ; pour autant, cet « intérêt général » est une notion définitivement floue, peu protectrice du secret de l’instruction ou du secret professionnel : le secret de l’instruction, le secret professionnel ou le respect de la vie privée ne deviennent-ils pas des coquilles vides ?
Avec l’instauration par ce projet de loi d’un régime d’exception contre les dirigeants politiques, mes précédentes réserves se transforment en réelle indignation. Comble de l’aberration, l’exposé des motifs énonce : « Si des documents obtenus à la suite de la violation d’un secret portent sur des éléments qu’il est légitime de porter à la connaissance des citoyens, par exemple parce qu’ils concernent un dirigeant politique ou un éventuel scandale sanitaire, le journaliste ne pourra être poursuivi ou condamné pour recel. En revanche, si ces documents concernent, par exemple, la vie privée d’une personne célèbre mais qui n’exerce aucune responsabilité publique, le délit demeurera constitué. » Autrement dit, votre projet, c’est d’instaurer un régime d’exception, où les « personnes célèbres » demeurent protégées, quand vous considérez les dirigeants politiques comme des sous-citoyens, qui n’auraient pas comme les citoyens ordinaires droit au respect de leur vie privée ! En tant que commissaire à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), je suis profondément choqué que vous puissiez établir une telle distinction. Une telle posture relève soit de l’inconscience, soit de la démagogie !
Concernant l’entrée du JLD dans le dispositif en cas de procédure pénale, l’étude d’impact évoque une « protection maximale » sans rien dire de l’apport réel du JLD au dispositif. Quelles seront les conséquences sur l’avancée des enquêtes – enquêtes qui, rappelons-le, porteront sur des affaires graves ? Pourquoi estime-t-on que le procureur ou le juge d’instruction ne pourraient pas, d’eux-mêmes, respecter la loi ? Ne sont-ils pas dignes de confiance ?
Enfin, s’agissant de la visite des établissements pénitentiaires par les journalistes, cet article 5 me paraît globalement hors-sujet, et, de fait, me semble affaiblir la portée du texte. C’est un véritable cavalier législatif, qui pourrait à ce titre être censuré par le Conseil constitutionnel.
Sur le fond, imaginons le cas d’un parlementaire qui souhaiterait faire un coup politique en se faisant accompagner, lors d’une visite en prison, non pas par un journaliste, mais par cinquante ! Pour d’évidentes questions de sécurité, soulignées par des surveillants que j’ai rencontrés, il ne devrait pas être possible de faire entrer dans les établissements de caméras ou d’appareils photographiques. Il faut également limiter le nombre de journalistes qui accompagneraient un parlementaire. Ces établissements doivent être très protégés : faire voir à tous les dispositifs de sécurité pourrait faciliter des évasions.
M. Yann Galut. Ce que vous dites est hallucinant ! Cela n’a rien à voir !
M. Sébastien Huyghe. Effectivement, cet article n’a rien à faire dans ce projet de loi.
L’article 5 ouvre un droit qui devrait au moins être très encadré, en termes de nombre de journalistes comme en termes de matériel utilisé. Sans ces garde-fous, il m’apparaît inacceptable.
J’émets de sérieuses réserves sur ce texte. Comment la majorité et le Gouvernement comptent-ils résoudre les difficultés pratiques qu’il pose ?
M. Georges Fenech. J’ajoute que l’obligation pour le juge d’instruction de demander une autorisation au JLD pour une perquisition est une atteinte à son impartialité, puisque le juge d’instruction a lui aussi le rôle de protecteur des libertés.
Je ne connais pas d’exemple où un juge du siège doit demander à un autre juge du siège de même rang hiérarchique l’autorisation de procéder à un acte judiciaire. C’est pour moi une atteinte constitutionnelle à l’indépendance de ce magistrat, même si je comprends bien que vous souhaitez par là améliorer les garanties données aux journalistes.
Mme la rapporteure. La loi de 2010 avait déjà, je le rappelle, étendu la définition du journaliste au-delà du critère de détention de la carte de presse ; il nous paraît très important que les stagiaires et les collaborateurs de la rédaction soient protégés. En revanche, les blogueurs n’entrent pas dans le cadre de la loi – à l’inverse des journalistes qui tiennent des blogs.
S’agissant de la possibilité de lever le secret, mon amendement conserve la notion de répression, tout en faisant porter l’accent sur la prévention.
S’agissant du recel et de l’immunité des journalistes, le projet de loi se contente de reprendre les critères de la CEDH – que les juridictions françaises sont déjà tenues d’appliquer – en conservant évidemment l’équilibre entre la liberté d’information et la protection de la vie privée ou du secret de l’instruction.
Le rôle attribué au JLD est effectivement une première, liée à l’importance accordée au secret des sources et donc à la liberté d’expression.
Enfin, le projet de loi prévoit qu’un décret précisera les conditions dans lesquelles des journalistes pourront accompagner des parlementaires, et faire leur travail.
La Commission en arrive à la discussion des articles.
Article 1er
(art. 2 de la loi du 29 juillet 1881)
Renforcement du principe de la protection du secret des sources des journalistes et durcissement des conditions dans lesquelles il peut y être porté atteinte – Immunité pénale des journalistes pour le délit de recel de violation du secret professionnel ou du secret de l’instruction et le délit de recel d’atteinte à l’intimité de la vie privée
L’article 1er du projet de loi réécrit intégralement l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse, qui définit les règles protégeant le secret des sources des journalistes et dont la rédaction est issue de la loi n° 2010-1 du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes. Cette réécriture poursuit un double objectif. D’une part, elle vise à renforcer le principe de la protection du secret des sources des journalistes et à durcir les conditions dans lesquelles il peut y être porté atteinte (I à III du nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881). D’autre part, elle instaure, sous certaines conditions, une immunité pénale au profit des journalistes pour le délit de recel de violation du secret professionnel ou du secret de l’instruction et le délit de recel d’atteinte à l’intimité de la vie privée (IV du nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881).
Votre rapporteure rappellera tout d’abord le cadre juridique de la protection du secret des sources des journalistes issu de la loi n° 2010-1 du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes (1), puis exposera les raisons pour lesquelles ce cadre juridique est insuffisant pour assurer une protection satisfaisante du secret des sources des journalistes (2), avant de présenter les modifications qu’y apporte le projet de loi (3). Elle présentera, enfin, les modifications apportées par la commission des Lois dans l’objectif de conforter les avancées du projet de loi dans la protection du secret des sources (4).
1. Le cadre juridique de la protection du secret des sources des journalistes issu de la loi du 4 janvier 2010
Avant la loi n° 2010-1 du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes, aucune règle générale ne protégeait le secret des sources des journalistes. Seules deux règles particulières, introduites par la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale, avaient pour objectif de protéger ce secret. D’une part, l’article 56-2 du code de procédure pénale prévoyait que les perquisitions dans les locaux d’une entreprise de presse ou de communication audiovisuelle ne pouvaient être effectuées que par un magistrat, qui devait veiller « à ce que les investigations conduites ne portent pas atteinte au libre exercice de la profession de journaliste et ne constituent pas un obstacle ou n’entraînent pas un retard injustifiés à la diffusion de l’information ». D’autre part, l’article 109 du même code disposait que tout journaliste, entendu comme témoin par un juge d’instruction sur des informations recueillies dans l’exercice de son activité, était libre de ne pas en révéler l’origine.
Ces règles étaient insuffisantes pour assurer la conformité de notre droit à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme portant sur le respect de l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme, qui protège la liberté d’expression. L’article 10 est ainsi rédigé :
« 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.
« 2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »
Dans sa jurisprudence sur cet article 10, la Cour de Strasbourg considère, depuis un arrêt Goodwin contre Royaume-Uni de 1996, que « la protection des sources journalistiques est l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse », ajoutant que « l’absence d’une telle protection pourrait dissuader les sources journalistiques d’aider la presse à informer le public sur des questions d’intérêt général. En conséquence, la presse pourrait être moins à même de jouer son rôle indispensable de "chien de garde" et son aptitude à fournir des informations précises et fiables pourrait s’en trouver amoindrie ». Il ressort de cette jurisprudence que condamner un journaliste pour détention d’un document obtenu loyalement, mais soumis au secret, équivaut à cantonner le rôle de la presse à la diffusion d’informations officielles, ce qui entre en totale contradiction avec l’intérêt de la société démocratique qui est d’assurer et de maintenir la liberté de l’information. Il en résulte également que les journalistes sont fondés à ne pas révéler leurs sources à l’autorité judiciaire, sauf à ce que celle-ci justifie, selon les termes retenus par la Cour, d’un « impératif prépondérant d’intérêt public » (32).
Comme l’ont souligné toutes les personnes entendues par votre rapporteure, la protection effective du secret des sources des journalistes est une condition sine qua non de la liberté de l’information, laquelle est, elle-même, l’une des conditions pour qu’une société soit réellement démocratique. Sans secret des sources, les sources ne s’adresseraient plus à la presse ; sans sources, la presse ne pourrait plus exercer librement sa mission d’information du public ; sans information libre, la démocratie ne serait plus garantie.
La France ayant été condamnée par la Cour européenne à plusieurs reprises pour des atteintes au secret des sources des journalistes (33), la loi n° 2010-1 du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes a eu pour objectif d’améliorer la protection du secret des sources des journalistes. Pour ce faire, elle a affirmé le principe de la protection du secret des sources des journalistes et prévu une définition des conditions dans lesquelles il peut y être porté atteinte (a) ; elle a renforcé l’encadrement des perquisitions lorsque celles-ci sont susceptibles de porter atteinte au secret des sources des journalistes (b) ; enfin, elle a élargi le champ d’application du droit pour le journaliste entendu comme témoin de ne pas révéler ses sources (c).
a. Affirmation du principe de la protection du secret des sources des journalistes et définition des conditions dans lesquelles il peut y être porté atteinte
La loi du 4 janvier 2010 a, tout d’abord, introduit dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse un nouvel article 2 consacrant le principe de la protection du secret des sources des journalistes « dans l’exercice de leur mission d’information du public ».
Cette protection s’applique à tout journaliste, défini par le deuxième alinéa de cet article comme « toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d’informations et leur diffusion au public ». On relèvera que, pour l’application du droit à la protection des sources, la définition du journaliste retenue par la loi du 4 janvier 2010 est plus large que celle donnée par l’article L. 7111-3 du code du travail, qui – comme la loi de 2010 – exige que l’activité journalistique soit non seulement exercée à titre régulier et rétribué, mais encore qu’elle soit l’activité « principale » de la personne qui prétend au statut de journaliste (34). La détention de la carte de presse – attribuée par la commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP) aux personnes remplissant les conditions prévues à l’article L. 7111-3 du code du travail – n’est pas davantage exigée par la loi du 4 janvier 2010 pour être titulaire du droit au secret de ses sources.
Le troisième alinéa définit les conditions dans lesquelles il peut être porté atteinte au secret des sources des journalistes : « Il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi. Cette atteinte ne peut en aucun cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources ».
La notion d’atteinte au secret des sources des journalistes n’est pas définie. En revanche, le quatrième alinéa définit ce qu’il faut entendre par une atteinte indirecte : « Est considéré comme une atteinte indirecte au secret des sources au sens du troisième alinéa le fait de chercher à découvrir les sources d’un journaliste au moyen d’investigations portant sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec un journaliste, peut détenir des renseignements permettant d’identifier ces sources ».
Enfin, le dernier alinéa fixe un certain nombre de critères qui doivent être pris en compte pour apprécier la nécessité de porter atteinte au secret des sources des journalistes : « Au cours d’une procédure pénale, il est tenu compte, pour apprécier la nécessité de l’atteinte, de la gravité du crime ou du délit, de l’importance de l’information recherchée pour la répression ou la prévention de cette infraction et du fait que les mesures d’investigation envisagées sont indispensables à la manifestation de la vérité. »
b. Renforcement de l’encadrement des perquisitions susceptibles de porter atteinte au secret des sources des journalistes
La loi du 4 janvier 2010 a, ensuite, renforcé l’encadrement des perquisitions lorsque celles-ci sont susceptibles de porter atteinte au secret des sources des journalistes, en réécrivant l’article 56-2 du code de procédure pénale.
Premièrement, l’encadrement des perquisitions, jusqu’alors applicable uniquement aux locaux d’une entreprise de presse ou de communication audiovisuelle, a été étendu aux locaux d’une entreprise de communication au public en ligne ou d’une agence de presse, aux véhicules professionnels de ces entreprises ou agences et au domicile d’un journaliste.
Deuxièmement, ces perquisitions ne doivent plus seulement être effectuées par un magistrat, mais également précédées d’une « décision écrite et motivée du magistrat qui indique la nature de l’infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, ainsi que les raisons justifiant la perquisition et l’objet de celle-ci ». Ce magistrat peut être, selon les cas, soit un magistrat du parquet dans le cadre d’une enquête préliminaire ou de flagrance, soit le juge d’instruction dans le cadre d’une instruction.
Troisièmement, la loi du 4 janvier 2010 a confié au magistrat qui effectue la perquisition la responsabilité de veiller « à ce que les investigations conduites respectent le libre exercice de la profession de journaliste, ne portent pas atteinte au secret des sources en violation de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et ne constituent pas un obstacle ou n’entraînent pas un retard injustifié à la diffusion de l’information ».
Enfin, quatrièmement, a été institué un droit d’opposition à la saisie d’un document, dans le cas où la personne visée par la perquisition estimerait que cette saisie porte atteinte au secret de ses sources. Dans ce cas, le document est placé sous scellé et la décision d’autoriser sa saisie appartient au juge des libertés et de la détention (JLD), qui doit statuer dans un délai de cinq jours par une ordonnance motivée non susceptible de recours.
c. Élargissement du champ d’application du droit pour le journaliste entendu comme témoin de ne pas révéler ses sources
En dernier lieu, la loi du 4 janvier 2010 a modifié les articles 326 et 437 du code de procédure pénale afin d’élargir aux témoignages effectués devant le tribunal correctionnel ou la cour d’assises la règle – jusqu’alors applicable uniquement devant le juge d’instruction (article 109 du code de procédure pénale) – selon laquelle tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l’exercice de son activité est libre de ne pas en révéler l’origine.
2. Un cadre juridique insuffisant pour assurer une protection satisfaisante du secret des sources des journalistes
Si l’intention initiale du législateur de 2010 qui était d’améliorer la protection du secret des sources des journalistes n’est pas contestable, le nouveau cadre juridique qu’il a mis en place s’est, cependant, révélé insuffisant en raison d’une rédaction trop imprécise et de l’absence de dispositions procédurales permettant d’en garantir l’effectivité (a), comme l’a, du reste, révélé son application jurisprudentielle (b).
a. Des insuffisances textuelles…
La première insuffisance du cadre issu de la loi du 4 janvier 2010 tient à la définition des motifs permettant de porter atteinte au secret des sources des journalistes. En effet, la notion d’impératif prépondérant d’intérêt public n’est pas suffisamment précise en droit interne pour permettre de savoir avec certitude dans quels cas une atteinte au secret des sources peut être légitime et dans quels cas elle ne saurait l’être. Comme l’avait souligné M. Manuel Recio, maître de conférences à l’Université de Poitiers, dans un commentaire de la loi de 2010, « "l’impératif prépondérant d’intérêt public" n’est pas défini par le droit interne, ce qui va autoriser des interprétations larges car subjectives » (35).
Dans l’avis qu’elle a rendu en avril 2013 sur la réforme de la protection du secret des sources, la commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a souligné la difficulté posée par le choix de retenir la formulation d’« impératif prépondérant d’intérêt public » : « La loi du 4 janvier 2010 avait fait le choix de transposer directement les solutions dégagées par la Cour européenne des droits de l’homme (…). Si la volonté du législateur de transposer la formule de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg était louable, elle a été mal perçue par les journalistes, qui ont critiqué les contours incertains de cette notion. La notion d’impératif prépondérant d’intérêt public peut laisser une trop grande marge d’appréciation à tous les stades de la procédure » (36).
Les travaux parlementaires de la loi du 4 janvier 2010 ont mis en évidence que le législateur entendait, par exemple, exclure le recours à des perquisitions ou des interceptions téléphoniques afin de découvrir la source d’un journaliste dans une enquête portant sur des faits de violation du secret professionnel ou du secret de l’instruction, ou de recel de ces délits, mais souhaitait les permettre dans des procédures portant sur des faits de criminalité organisée ou de terrorisme (37). Cette intention du législateur de ne permettre les atteintes au secret des sources des journalistes que pour des faits d’une gravité suffisante ne s’est, cependant, pas traduite de façon suffisamment précise dans les termes mêmes de la loi.
La deuxième faiblesse de la loi du 4 janvier 2010 tient à l’absence de garantie procédurale encadrant les atteintes au secret des sources des journalistes. En effet, l’atteinte au secret des sources des journalistes n’est pas subordonnée à une autorisation préalable d’une autorité autre que celle en charge de l’enquête ou de l’instruction. Ainsi, dans le cadre d’une enquête préliminaire ou de flagrance, une recherche de factures détaillées (dites « fadettes ») peut être effectuée sur autorisation du parquet, voire à la seule initiative du service de police ou de gendarmerie en charge de l’enquête. Dans le cadre d’une instruction, le juge d’instruction peut lui-même décider de faire réaliser cet acte. Compte tenu de la gravité des conséquences des atteintes au secret des sources des journalistes, l’absence de « regard extérieur » chargé de vérifier que les conditions posées par la loi sont réunies ne permet pas d’assurer une prévention effective des atteintes au secret des sources des journalistes.
La troisième lacune de la loi du 4 janvier 2010 provient de l’absence de disposition concernant le délit de recel de violation du secret de l’instruction. Le maintien de ce délit affaiblit la portée de la loi du 4 janvier 2010, car il peut constituer « un moyen indirect de pression sur les journalistes » (38). En poursuivant ou en menaçant de poursuivre un journaliste pour recel de violation du secret de l’instruction, des enquêteurs ou des magistrats peuvent chercher à faire pression sur ce journaliste pour qu’il révèle des informations qu’ils recherchent, ce qui revient à contourner la limitation des possibilités de porter atteinte au secret des sources.
Enfin, la dernière insuffisance de la loi du 4 janvier 2010 tient à l’absence de sanction pénale en cas de violation du droit d’un journaliste au secret de ses sources. Certes, comme toute règle de procédure pénale, la violation du secret des sources des journalistes peut donner lieu à une annulation des pièces obtenues irrégulièrement, à condition toutefois que l’irrégularité ait « eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu’elle concerne », en application de l’article 802 du code de procédure pénale. Mais cette sanction procédurale est, aujourd’hui, la seule encourue dans les cas où un enquêteur ou un magistrat prend le risque, pour les besoins d’une enquête et de façon délibérée, de porter atteinte au secret des sources des journalistes en dehors des cas prévus par la loi. Alors qu’un officier de police judiciaire ou un magistrat qui prive une personne de liberté en dehors des cas prévus par la loi se rend coupable de détention arbitraire (39), il ne commet aucune infraction s’il viole le secret des sources des journalistes, alors pourtant que la liberté d’expression est, tout autant que le droit à la sûreté, un droit de valeur constitutionnelle garanti par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
b. … confirmées par l’application jurisprudentielle de la loi
L’application jurisprudentielle de la loi du 4 janvier 2010 a confirmé les insuffisances textuelles que votre rapporteure vient de souligner.
La première décision de la Cour de cassation rendue dans une affaire dans laquelle les dispositions issues de la loi de 2010 étaient applicables, en date du 6 décembre 2011, n’a pas soulevé de difficulté, car l’intention du législateur de ne permettre des atteintes au secret des sources des journalistes que pour des affaires d’une gravité suffisante a été respectée. Dans cet arrêt, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté un pourvoi formé contre un arrêt de la chambre de l’instruction de Bordeaux qui avait prononcé l’annulation de réquisitions adressées à des opérateurs téléphoniques dans le but d’identifier les sources de journalistes dans une affaire de violation du secret de l’instruction. Dans son arrêt en date du 5 mai 2011, la chambre de l’instruction de Bordeaux, suivie par la Cour de cassation, avait considéré « qu’à supposer que la répression d’une infraction pénale soit toujours considérée comme un but légitime, il convient de souligner qu’en l’espèce, l’enquête policière portait sur la dénonciation pour le moins hypothétique par un particulier de la probabilité, voire simple possibilité, de la commission d’un délit de violation du secret professionnel ; que, dans un tel contexte, la première condition à la légalité d’une atteinte portée au secret des sources, telle que l’a fixée restrictivement le législateur, à savoir l’existence d’un impératif prépondérant d’intérêt public qui la justifie, n’a pas été remplie ; qu’en toute hypothèse, n’a pas été non plus respectée la seconde exigence qui se cumule avec la précédente, à savoir, la stricte nécessité et proportionnalité des mesures envisagées au but légitime poursuivi, étant observé que le législateur a précisé que, pour apprécier ladite nécessité de l’atteinte, il devait être tenu compte, non seulement de la gravité du crime ou du délit, de l’importance de l’information recherchée pour la prévention ou répression de cette infraction mais encore du fait que les mesures d’investigations envisagées sont indispensables à la manifestation de la vérité ; (…) qu’en conséquence, les réquisitions visant à des investigations sur les téléphones des trois journalistes précités qui ont été prises sans leur accord en violation manifeste tant de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme que de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881, doivent être annulées, que l’annulation prononcée s’étendra à tous les éléments dont elles sont le support nécessaire » (40).
En revanche, la deuxième décision de la Cour de cassation est plus inquiétante et révèle l’insuffisance de la notion d’impératif prépondérant d’intérêt public pour encadrer de façon satisfaisante les atteintes au secret des sources des journalistes. Dans un arrêt en date du 14 mai 2013 portant sur une affaire qui concernait également des faits de violation du secret de l’instruction, la chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé pour insuffisance de motivation un arrêt de la chambre de l’instruction de Bordeaux qui avait prononcé l’annulation de réquisitions adressées à des opérateurs téléphoniques dans le but d’identifier les sources de journalistes : « Attendu qu’en se déterminant par ces seuls motifs, d’une part, sans mieux s’expliquer sur l’absence d’un impératif prépondérant d’intérêt public alors que la violation du secret de l’instruction reprochée imposait de rechercher les auteurs de cette infraction ayant porté atteinte à la présomption d’innocence, d’autre part, sans caractériser plus précisément le défaut de nécessité et de proportionnalité des mesures portant atteinte au secret des sources des journalistes au regard du but légitime poursuivi, et enfin, en faisant à tort référence à l’obligation d’obtenir l’accord des journalistes pour procéder aux réquisitions litigieuses alors qu’un tel accord n’est nécessaire que si ces professionnels sont directement requis de fournir des informations, la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision » (41).
Si cet arrêt n’affirme pas que la recherche des auteurs de faits de violation du secret de l’instruction constitue un impératif prépondérant d’intérêt public, il est néanmoins révélateur du flou entourant cette notion, dans la mesure où la Cour de cassation n’exclut pas qu’une recherche sur de tels faits puisse constituer, selon les circonstances de l’affaire, un tel impératif. Cette décision est également inquiétante en ce qu’elle ne respecte pas l’intention du législateur de 2010. En effet, les travaux préparatoires de la loi du 4 janvier 2010 ont mis en évidence de façon très claire que le législateur entendait qu’une enquête sur des faits de violation du secret de l’instruction ne puisse pas donner lieu à une recherche des sources, comme l’avait du reste souligné la circulaire d’application de la loi (42).
Cependant, quand bien même les travaux préparatoires de la loi ne laissaient pas de doute sur le fait qu’une enquête pour des faits de violation du secret de l’instruction n’aurait pas dû permettre une recherche sur les sources d’un journaliste, les termes retenus par la loi n’interdisent pas, par leur ambiguïté et leur flou, une telle interprétation. En ne définissant pas de façon suffisamment précise les motifs permettant de porter atteinte au secret des sources des journalistes, le législateur de 2010 a pris le risque que la notion d’impératif prépondérant d’intérêt public qu’il avait retenue soit interprétée par la jurisprudence de façon extensive. Comme l’a souligné M. Jean-Yves Monfort, membre de la CNCDH, lors de son audition par votre rapporteure, la Cour de cassation a fini par donner raison à ceux qui pensaient que la notion d’impératif prépondérant d’intérêt public était trop floue et trop large.
3. Les modifications apportées par le projet de loi au cadre juridique de la protection du secret des sources des journalistes
Le projet de loi a pour objet de renforcer la protection du secret des sources des journalistes issue de la loi du 4 janvier 2010, que l’exposé des motifs du projet de loi présente comme « peu efficace, en ne permettant pas de prévenir des atteintes injustifiées au secret des sources » (43).
Pour ce faire, l’article 1er du projet de loi réécrit intégralement l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, tandis que l’article 2 du projet insère dans le code de procédure pénale un nouveau chapitre venant encadrer toutes les mesures de procédure pénale susceptibles de porter atteinte au secret des sources des journalistes. L’article 3 supprime, par coordination avec l’affirmation d’un droit de portée générale pour le journaliste entendu dans le cadre d’une procédure pénale de ne pas révéler ses sources, les dispositions particulières qui prévoyaient ce droit dans certaines situations particulières. L’article 4 du projet de loi aggrave les peines d’amende encourues pour certaines infractions lorsqu’elles sont commises dans l’intention de porter atteinte au secret des sources d’un journaliste (44).
Le renforcement du secret des sources des journalistes par l’article 1er du projet de loi est réalisé au travers :
— d’une affirmation plus solennelle de l’objet de la protection de ce secret (a) ;
— d’un élargissement des catégories de personnes titulaires du droit à la protection du secret de leurs sources (b) ;
— d’une définition de la notion d’atteinte au secret des sources (c) ;
— d’un durcissement des conditions dans lesquelles il pourra être porté atteinte à ce secret (d) ;
— de la subordination des actes d’enquête ou d’instruction ayant pour objet de porter atteinte au secret des sources à une décision préalable et spécialement motivée du juge des libertés et de la détention (e) ;
— enfin, de l’instauration, sous certaines conditions, d’une immunité pénale au profit des journalistes pour le délit de recel de violation du secret professionnel ou du secret de l’enquête ou de l’instruction (f).
a. Affirmation plus solennelle de l’objet de la protection du secret des sources des journalistes
Actuellement, l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 dispose : « Le secret des sources des journalistes est protégé dans l’exercice de leur mission d’information du public ». Initialement, le texte du projet de loi qui avait abouti à l’adoption de la loi du 4 janvier 2010 prévoyait que « [l]e secret des sources des journalistes est protégé afin de permettre l’information du public sur des questions d’intérêt général », mais cette formulation avait été modifiée sur l’initiative du rapporteur du projet de loi au Sénat, M. François-Noël Buffet, qui avait jugé que cette définition de l’objet de la protection du secret des sources était trop restrictive et insuffisamment précise. Il avait proposé une formulation qu’il avait considérée comme « plus neutre et moins susceptible d’interprétation divergente », tout en permettant néanmoins « d’exclure l’invocation du secret des sources en cas de mise en cause d’un journaliste dans une affaire étrangère à l’exercice de sa profession » (45).
S’inspirant de la rédaction retenue par la loi du 4 janvier 2010, le projet de loi renforce la solennité de l’affirmation du principe de la protection du secret des sources des journalistes en rédigeant de la façon suivante le premier alinéa du I de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 :
« Afin de garantir l’exercice de leur mission d’information du public dans une société démocratique, le secret des sources des journalistes est protégé et il ne peut y être porté atteinte que dans les conditions prévues par la loi. »
L’ajout de la mention du fait que les journalistes exercent une mission d’information du public « dans une société démocratique » fait écho à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui, dans chacune de ses décisions en matière de liberté de la presse, rappelle que « la liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique et les garanties à accorder à la presse revêtent une importance particulière » (46). Il permet de rattacher plus clairement la protection du secret des sources des journalistes à la liberté d’expression.
Cet ajout manifeste également de façon plus nette que la protection du secret des sources des journalistes n’est pas un privilège de la profession de journaliste, mais une condition de la liberté de la presse, comme l’a souligné la CNCDH dans son avis précité : « Protéger le secret de sources des journalistes ne tient pas à la nécessité de défendre un intérêt corporatiste des journalistes : c’est une garantie essentielle pour le fonctionnement de notre démocratie. Ce principe se rattache tant à la liberté d’expression qu’au droit à l’information du public. » (47)
b. Élargissement des catégories de personnes titulaires du droit à la protection du secret des sources
Aujourd’hui, le deuxième alinéa de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 dispose : « Est considérée comme journaliste au sens du premier alinéa toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d’informations et leur diffusion au public ».
Le deuxième alinéa et les 1° et 2° du I du nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881 élargissent la définition des personnes titulaires du droit à la protection du secret des sources, d’une part, en n’exigeant plus nécessairement, pour les journalistes au sens strict, une activité régulière, et, d’autre part, en incluant dans le champ d’application les collaborateurs de la rédaction :
« Est considéré comme journaliste pour l’application du présent article :
« 1° Toute personne qui, dans l’exercice de sa profession pour le compte d’une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou d’une ou plusieurs agences de presse, pratique le recueil d’informations et leur diffusion au public ;
« 2° Le collaborateur de la rédaction, soit toute personne qui, dans l’exercice de sa profession comme salariée dans une des entreprises mentionnées au 1°, est amenée, par sa fonction au sein de la rédaction, à prendre connaissance d’informations permettant d’identifier une source et ce, à travers la collecte, le traitement éditorial, la production ou la diffusion de ces mêmes informations. »
S’agissant des journalistes visés au 1°, le projet de loi exige – comme le faisait la loi du 4 janvier 2010 – que l’activité de recueil d’informations et de diffusion de celles-ci au public soit rémunérée, puisqu’elle doit être exercée par le journaliste dans « l’exercice de sa profession ». Il n’exige toutefois pas que cette profession soit exercée en tant que salarié, ce qui permet de tenir compte de la diversité des modes d’exercice du métier de journaliste. Les difficultés économiques traversées par le secteur de la presse ont, en effet, conduit à un recul du salariat et à un développement de formes plus précaires d’exercice du métier de journaliste, telles que la rémunération en droits d’auteur ou l’auto-entreprenariat. En revanche, le projet de loi n’exige plus, à la différence de la loi du 4 janvier 2010, que l’activité de journaliste soit exercée « à titre régulier » : des personnes ayant – par choix ou par obligation – une autre activité que leur activité journalistique pourront, même si elles ne travaillent que de façon ponctuelle pour un journal, exercer cette activité en bénéficiant de la protection de leurs sources.
Quant à l’extension du champ d’application de la protection du secret des sources aux collaborateurs de la rédaction, elle a été saluée par la majorité des personnes entendues par votre rapporteure comme une avancée importante. En protégeant les collaborateurs de la rédaction, la loi empêchera les contournements – qui pouvaient avoir cours sous l’empire de la loi du 4 janvier 2010 – consistant, faute de pouvoir écouter directement le téléphone d’un journaliste ou effectuer des recherches sur ses « fadettes », à effectuer ces recherches sur les collaborateurs de la rédaction – tels que les personnels d’accueil ou de secrétariat ou les coursiers – qui peuvent être amenés, dans les tâches qui leur sont confiées, à être en contact avec les sources.
Néanmoins, lors des auditions menées par votre rapporteure, la définition élargie des personnes titulaires du droit à la protection du secret des sources des journalistes proposée par le projet de loi a été critiquée sur deux points principaux.
La première critique a porté sur le fait que le 1° exige que l’activité de recueil d’informations et de diffusion de celles-ci au public soit effectuée par le journaliste « dans l’exercice de sa profession pour le compte d’une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou d’une ou plusieurs agences de presse ». En requérant un rattachement professionnel direct avec une entreprise de presse, le texte du projet de loi exclut du champ d’application de la loi sur le secret des sources les documentaristes exerçant à titre indépendant, les auteurs de livres d’investigation, ainsi que les personnes diffusant des informations sur des sites Internet ou des blogs. Or, ces différentes catégories de personnes peuvent, sans avoir la qualité de journaliste au sens du code du travail ni être liées à une entreprise de presse, réaliser un travail d’investigation et d’information similaire à celui des journalistes. Pour certaines des personnes entendues, elles devraient, à raison de la nature journalistique de leur activité et bien que ne relevant pas d’un statut journalistique, bénéficier de la protection du secret de leurs sources.
Cette position a été défendue, notamment, par la CNCDH qui, dans son avis précité du 25 avril 2013, a mis « en garde contre toute définition du secret des sources qui ne serait qu’un attribut de la profession de journaliste », faisant valoir que, « à l’inverse, (…) dans la mesure où il contribue à l’information du public, le droit à la protection du secret des sources doit être reconnu à tous : aussi bien aux journalistes qu’à toute personne publiant des informations à titre simplement occasionnel. La limitation dans son principe même du droit au secret des sources aux journalistes professionnels apparaît inadaptée et injustifiée » (48). Cette position a également été celle des représentants des organes de presse en ligne que votre rapporteure a entendues (49). Parmi les représentants de la presse écrite ou audiovisuelle, les avis sur cette question du champ d’application de la loi étaient, en revanche, partagés.
Votre rapporteure indiquera, ici, que le champ d’application de la loi belge du 7 avril 2005 relative à la protection des sources journalistiques (50) est plus large que celui proposé par le projet de loi, puisque son article 2 fait bénéficier de la protection de leurs sources « toute personne, ainsi que toute personne morale, qui contribue directement à la collecte, la rédaction, la production ou la diffusion d’informations, par le biais d’un média, au profit du public ». Tel qu’il avait été initialement adopté, cet article 2 était plus restrictif, en visant « les journalistes, soit toute personne qui, dans le cadre d’un travail indépendant ou salarié, ainsi que toute personne morale, contribue régulièrement et directement à la collecte, la rédaction, la production ou la diffusion d’informations, par le biais d’un média, au profit du public ». Mais une décision de la Cour d’arbitrage de Belgique en date du 7 juin 2006 a élargi le champ d’application de la loi (51). En effet, après avoir rappelé le droit constitutionnel belge pertinent en matière de liberté d’expression et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sur la liberté d’expression et le rôle que joue la protection des sources pour la garantir, la Cour a estimé que le droit au secret des sources journalistiques devait être garanti « non pas pour protéger les intérêts des journalistes en tant que groupe professionnel, mais bien pour permettre à la presse de jouer son rôle de "chien de garde" et d’informer le public sur des questions d’intérêt général. (…) Il s’ensuit que toute personne qui exerce des activités journalistiques puise dans les dispositions constitutionnelles et conventionnelles précitées un droit au secret de ses sources d’information ». En conséquence, la Cour a considéré que devaient être supprimées de l’article 2 de la loi la restriction de la protection aux seuls journalistes, l’exigence d’une activité dans le cadre d’un travail indépendant ou salarié et la condition que l’activité soit régulière.
La seconde critique adressée à la définition du champ des bénéficiaires de la protection du secret des sources porte sur le 2°, qui définit le collaborateur de la rédaction comme une personne amenée, dans l’exercice de sa profession comme salariée dans une des entreprises mentionnées au 1°, à prendre connaissance d’informations permettant d’identifier une source. Cette double exigence d’une activité exercée à titre professionnel et dans le cadre du salariat exclut du champ d’application de la loi plusieurs catégories de personnes qui, pour nombre de personnes entendues par votre rapporteure, devraient être considérées comme des collaborateurs : les correspondants locaux des journaux – pour qui cette fonction n’est ni une profession, ni toujours rémunérée –, les stagiaires ou étudiants en alternance qui peuvent travailler dans une rédaction, ou encore les collaborateurs des personnes qui ne travaillent pas dans une rédaction – tels que le caméraman ou le preneur de son d’un documentariste indépendant ou le collaborateur d’un auteur de livres.
Votre rapporteure relèvera que la loi belge du 7 avril 2005 précitée est, s’agissant de la définition des collaborateurs de la rédaction, moins restrictive que le projet de loi, puisqu’elle n’exige ni que leur activité soit leur profession, ni qu’ils soient salariés. Le collaborateur de la rédaction est ainsi défini comme « toute personne qui, par l’exercice de sa fonction, est amenée à prendre connaissance d’informations permettant d’identifier une source et ce, à travers la collecte, le traitement éditorial, la production ou la diffusion de ces mêmes informations ».
c. Définition de la notion d’atteinte au secret des sources des journalistes
Le texte de l’actuel article 2 de la loi du 29 juillet 1881 dispose qu’il ne peut être porté atteinte « directement ou indirectement » au secret des sources que si un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie et qu’« [e]st considéré comme une atteinte indirecte au secret des sources (…) le fait de chercher à découvrir les sources d’un journaliste au moyen d’investigations portant sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec un journaliste, peut détenir des renseignements permettant d’identifier ces sources ». Ce faisant, la loi encadre les atteintes au secret des sources, qu’elles soient directes ou indirectes, mais ne définit que les seules atteintes indirectes à ce secret. La notion même d’atteinte au secret des sources n’est pas, aujourd’hui, définie par la loi.
Le premier alinéa du II du nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881 répare cette lacune de la loi du 4 janvier 2010, en définissant la notion d’atteinte au secret des sources : « Constitue une atteinte au secret des sources d’un journaliste le fait de chercher à découvrir ses sources au moyen d’investigations portant sur sa personne ou sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec lui, peut détenir des renseignements permettant d’identifier ces sources ».
Ainsi, le projet de loi définit désormais de façon claire l’atteinte au secret des sources comme le fait de chercher à découvrir les sources d’un journaliste. Le projet de loi précise que cette atteinte peut prendre deux formes : soit des investigations portant sur le journaliste lui-même, soit des investigations portant sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec lui, peut détenir des renseignements permettant d’identifier ces sources. Le projet de loi couvre aussi bien les atteintes directes au secret des sources que les atteintes indirectes, en reprenant, pour ces dernières, la définition qu’en donnait la loi du 4 janvier 2010.
Certaines des personnes entendues par votre rapporteure se sont, néanmoins, inquiétées du fait que les termes d’atteinte directe ou indirecte ne figurent pas dans le projet de loi, se demandant si les atteintes indirectes – telles que des recherches sur les « fadettes » de proches de journalistes – entraient bien dans le champ d’application de la loi (52). Pour votre rapporteure, la définition donnée par le projet de loi de l’atteinte au secret des sources englobe tant les atteintes directes que les atteintes indirectes.
d. Durcissement des conditions dans lesquelles il pourra être porté atteinte au secret des sources des journalistes
En permettant qu’il soit porté atteinte au secret des sources des journalistes lorsqu’un « impératif prépondérant d’intérêt public » le justifie, la loi du 4 janvier 2010 n’a pas défini de façon suffisamment précise les motifs légaux pouvant justifier une atteinte à ce secret (53).
Le deuxième alinéa du II du nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881, qui a pour objectif de définir de façon plus stricte les conditions dans lesquelles il pourra être porté atteinte au secret des sources des journalistes, est ainsi rédigé :
« Il ne peut être porté atteinte au secret des sources que si cette atteinte est justifiée par la prévention ou la répression soit d’un crime soit d’un délit constituant une atteinte grave à la personne ou aux intérêts fondamentaux de la Nation et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi. »
Le troisième alinéa du II reprend la règle, déjà prévue par le troisième alinéa de l’actuel article 2 de la loi du 29 juillet 1881, selon laquelle « un journaliste ne peut en aucun cas être obligé de révéler ses sources ». Si cette disposition n’est pas une nouveauté, il convient de préciser ici que l’article 2 du projet de loi améliore la traduction de cette règle dans le code de procédure pénale – aujourd’hui incomplète, puisqu’elle n’est prévue que lorsque le journaliste est entendu comme témoin devant le juge d’instruction, le tribunal correctionnel ou la cour d’assises – en lui donnant une portée générale (54).
Aux termes du texte du projet de loi, une atteinte au secret des sources des journalistes serait possible, sous réserve que « les mesures envisagées [soient] strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi », pour trois catégories d’infractions : soit un crime, soit un délit constituant une atteinte grave à la personne, soit un délit constituant une atteinte grave à la personne ou aux intérêts fondamentaux de la Nation. Le texte du projet de loi prévoit que l’atteinte serait possible à la fois pour prévenir et pour réprimer ces infractions.
— Définition des catégories d’infractions pour lesquelles une atteinte au secret des sources des journalistes sera possible
● Les crimes
Les crimes sont la première catégorie d’infractions pour laquelle le projet de loi prévoit d’autoriser les atteintes au secret des sources des journalistes. Néanmoins, la formulation du projet de loi comporte une ambiguïté rédactionnelle qui nuit à la bonne compréhension du texte. En effet, en l’absence de virgule après le mot « crime », il est possible de considérer que les termes « constituant une atteinte grave à la personne ou aux intérêts fondamentaux de la Nation » s’appliquent à la fois au mot « crime » et au mot « délit ». Or, le Gouvernement a entendu permettre des atteintes au secret des sources des journalistes pour tout crime, quel qu’il soit, sans restreindre ces possibilités d’atteinte aux seuls crimes d’atteinte à la personne ou aux intérêts fondamentaux de la Nation. Cette intention du Gouvernement, confirmée par la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice lors de son audition par votre rapporteure, aurait dû être exprimée plus clairement, pour mettre en évidence le fait que tout crime – tel que, par exemple, le crime de vol à main armée (55) ou celui de fabrication de fausse monnaie (56) – peut autoriser une atteinte au secret des sources d’un journaliste, si l’ensemble des autres conditions prévues par la loi sont réunies.
Dans son avis précité du 25 avril 2013, la CNCDH avait proposé de limiter les possibilités d’atteinte au secret des sources des journalistes aux seules infractions de nature criminelle (57). Mais le Gouvernement a estimé nécessaire de permettre ces atteintes également pour deux catégories de délits : les délits constituant une atteinte grave à la personne, d’une part, les délits constituant une atteinte grave aux intérêts fondamentaux de la Nation, d’autre part. Pour justifier ce choix, le Gouvernement a, dans l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, fait valoir qu’« [i]l ne [paraissait] pas possible de ne mentionner que des faits de nature criminelle », car « des actes très graves dirigés contre les personnes ou mettant celles-ci en danger, comme notamment les violences entraînant une mutilation, les agressions sexuelles, le trafic de stupéfiants, les enlèvements et séquestrations d’une courte durée ou l’association de malfaiteurs terroriste », ainsi que certaines infractions d’atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation telles que « certaines formes d’intelligences avec une puissance étrangère ou de livraison d’information à une puissance étrangère » constituent des délits (58).
● Les délits constituant une atteinte grave à la personne
Après les crimes, la deuxième catégorie d’infractions pour laquelle le projet de loi prévoit de permettre les atteintes au secret des sources des journalistes est celle des délits constituant une atteinte grave à la personne. Les infractions portant atteinte à la personne sont définies par le livre II du code pénal, intitulé « Des crimes et délits contre les personnes ».
Le renvoi à cette catégorie d’infractions est, certes, plus précis que la notion d’impératif prépondérant d’intérêt public qu’avait retenue la loi du 4 janvier 2010. Néanmoins, l’absence de définition par le projet de loi de ce qui constitue une atteinte grave à la personne soulève une difficulté importante, relevée par la majorité des personnes entendues par votre rapporteure. En effet, le livre II du code pénal incrimine un grand nombre de délits contre les personnes, punis de peines comprises entre deux mois et dix ans d’emprisonnement, dont tous ne sauraient être considérés comme suffisamment graves pour justifier une atteinte au secret des sources des journalistes. En l’état du texte du projet de loi, c’est aux juridictions pénales, sous le contrôle de la Cour de cassation, qu’il reviendrait de déterminer au cas par cas si l’infraction pour laquelle une atteinte au secret des sources des journalistes est demandée est suffisamment grave pour justifier cette atteinte, mais la tâche qui leur incomberait serait, pour le moins, extrêmement délicate.
Pour ne prendre que quelques exemples de délits contre les personnes, les délits de violences ayant entraîné une incapacité temporaire de travail (ITT) de plus de 8 jours ou de violences sans ITT mais aggravées, tous deux punis de trois ans d’emprisonnement (59), seraient-ils suffisamment graves pour justifier une atteinte au secret des sources des journalistes ? Les tribunaux devraient-ils ne considérer comme suffisamment graves que les délits d’atteinte à l’intégrité physique de la personne, ou des délits d’atteinte à l’intégrité psychique – tels que le harcèlement sexuel et le harcèlement moral, tous deux punis de deux ans d’emprisonnement (60) – devraient-ils permettre des atteintes au secret des sources ? Une atteinte grave à la personne ne pourrait-elle avoir pour victime qu’une personne vivante, ou les délits de profanation de sépulture et d’atteinte à l’intégrité d’un cadavre, punis de peines d’emprisonnement allant d’un an à trois ans selon les circonstances (61), pourraient-ils justifier une atteinte au secret des sources ? Quelle appréciation les juridictions devraient-elles porter sur la gravité des délits appartenant à la catégorie des « atteinte à la personnalité » (62), tels que le délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée, puni d’un an d’emprisonnement (63), le délit de violation du secret professionnel, puni d’un an d’emprisonnement (64), ou encore les délits d’atteintes aux droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques, en majorité punis de peines de cinq ans d’emprisonnement (65) ?
Le projet de loi fait donc confiance à l’appréciation des magistrats pour déterminer le seuil de gravité qui pourra justifier des atteintes au secret des sources des journalistes. On pourra relever que la loi belge du 7 avril 2005 précitée retient, comme le projet de loi, une définition ouverte des infractions pouvant justifier une atteinte au secret et faisant appel à un critère de gravité, en visant les « infractions constituant une menace grave pour l’intégrité physique d’une ou de plusieurs personnes ». Néanmoins, à la différence du texte du projet de loi, la loi belge circonscrit davantage les possibilités d’atteinte au secret des sources, en les limitant aux seules menaces contre l’intégrité physique de la personne.
Concernant le délit de violation d’un secret professionnel, l’étude d’impact accompagnant le projet de loi indique que « [l]a formulation retenue permet très clairement d’exclure les atteintes au secret des sources en cas, d’infractions de faible gravité et, notamment, de délit de violation d’un secret professionnel » (66). Cependant, votre rapporteure relève que l’exclusion de ce délit du champ des infractions pouvant donner lieu à une recherche des sources d’un journaliste n’est pas aussi évidente que l’indique l’étude d’impact, quand bien même l’intention du Gouvernement y est clairement explicitée. Du reste, votre rapporteure rappellera que l’intention du législateur de 2010 de ne pas permettre une atteinte au secret des sources des journalistes pour le délit de violation d’un secret professionnel transparaissait clairement des débats parlementaires, ce qui n’a pas empêché la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans son arrêt précité du 14 mai 2013, de censurer l’arrêt d’une cour d’appel au motif qu’elle n’avait pas, précisément dans une affaire de violation du secret de l’instruction, suffisamment caractérisé l’absence d’impératif prépondérant d’intérêt public (67).
● Les délits constituant une atteinte grave aux intérêts fondamentaux de la Nation
La dernière catégorie d’infractions pour laquelle le projet de loi prévoit d’autoriser les atteintes au secret des sources des journalistes est celle des délits constituant une atteinte grave aux intérêts fondamentaux de la Nation. Prévus par le titre I du livre IV du code pénal, intitulé « Des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation », ces délits sont punis de peines comprises entre six mois et dix ans d’emprisonnement. Le tableau ci-dessous donne la liste de ces délits, en indiquant pour chacun d’entre eux la peine d’emprisonnement encourue.
DÉLITS PORTANT ATTEINTE AUX INTÉRÊTS FONDAMENTAUX DE LA NATION
Article du code pénal |
Intitulé de l’infraction |
Peine de prison encourue (en années) |
411-5 |
Intelligences avec une puissance étrangère de nature à porter atteinte aux intérêts nationaux |
10 |
411-7 |
Fait de recueillir, en vue de les livrer à une puissance étrangère, des informations de nature à porter atteinte aux intérêts nationaux |
10 |
411-8 |
Fait d’exercer pour une puissance étrangère des activités de rassemblement d’informations de nature à porter atteinte aux intérêts nationaux |
10 |
411-10 |
Fourniture de fausses informations pour induire en erreur les intérêts nationaux |
7 |
411-11 |
Provocation, non suivie d’effet, à la commission d’une des infractions prévues aux articles 411-1 à 411-10 |
7 |
412-8 |
Provocation à s’armer contre l’autorité de l’État |
5 |
413-1 |
Provocation à la trahison des militaires français |
10 |
413-2 |
Entrave au fonctionnement de l’armée |
5 |
413-3 |
Provocation à la désobéissance militaire |
5 |
413-4 |
Participation à la démoralisation des militaires |
5 |
413-5 |
Introduction sur un terrain militaire sans autorisation |
1 |
413-6 |
Entrave au fonctionnement des services intéressant la défense nationale |
3 |
413-7 |
Introduction sans autorisation au sein des services de l’armée |
0,5 |
413-10, al. 1 et 2 |
Révélation ou destruction volontaire d’informations couvertes par le secret de la défense nationale par une personne dépositaire de ce secret |
7 |
413-10, al. 3 |
Révélation ou destruction par imprudence d’informations couvertes par le secret de la défense nationale par une personne dépositaire de ce secret |
3 |
413-11 |
Facilitation de l’accès, reproduction, destruction de données couvertes par le secret de la défense nationale |
5 |
413-13, al 1 |
Révélation volontaire des informations personnelles des agents de spécialisés dans le renseignement |
5 |
413-13, al 2 |
Révélation volontaire des informations personnelles des agents de spécialisés dans le renseignement lorsqu’elle a causé atteinte à l’intégrité physique d’un agent |
7 |
413-13, al 3 |
Révélation volontaire des informations personnelles des agents de spécialisés dans le renseignement lorsqu’elle a causé la mort d’un agent |
10 |
413-13, al 4 |
Révélation par imprudence des informations personnelles des agents de spécialisés dans le renseignement |
3 |
414-1, |
Provocation à la désobéissance militaire en cas d’état de siège ou d’urgence |
7 |
414-1, |
Entrave au fonctionnement des services intéressant la défense nationale en cas d’état de siège ou d’urgence |
5 |
414-1, |
Entrave au fonctionnement de l’armée en cas d’état de siège ou d’urgence |
10 |
Lors des auditions menées par votre rapporteure, la mention par le projet de loi des atteintes graves aux intérêts fondamentaux de la Nation parmi les motifs pouvant justifier une exception au secret des sources des journalistes a fait l’objet de deux séries de critiques. Tout d’abord, comme pour les délits constituant une atteinte grave à la personne, la possibilité ouverte par le projet de loi d’écarter le secret des sources des journalistes en cas d’atteinte grave aux intérêts fondamentaux de la Nation soulève une difficulté en raison de l’absence de définition précise des délits remplissant la condition de gravité exigée par le texte. L’introduction sur un terrain militaire sans autorisation, punie d’un an d’emprisonnement par l’article 413-5 du code pénal, ou l’entrave au fonctionnement des services intéressant la défense nationale, punie de trois ans d’emprisonnement par l’article 413-6 du même code, sont-elles suffisamment graves pour justifier une atteinte au secret des sources des journalistes ? En l’état du texte, c’est à la jurisprudence qu’il appartiendrait de répondre, au cas par cas, à cette question.
En deuxième lieu, le titre Ier du livre IV du code pénal consacré aux atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation comprend, en ouverture, un article interprétatif – l’article 410-1 – qui définit ces intérêts de la façon suivante : « Les intérêts fondamentaux de la Nation s’entendent au sens du présent titre de son indépendance, de l’intégrité de son territoire, de sa sécurité, de la forme républicaine de ses institutions, des moyens de sa défense et de sa diplomatie, de la sauvegarde de sa population en France et à l’étranger, de l’équilibre de son milieu naturel et de son environnement et des éléments essentiels de son potentiel scientifique et économique et de son patrimoine culturel ». Or, en l’absence de mention explicite, dans le projet de loi, des articles du code pénal définissant les délits d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, la référence aux atteintes graves aux intérêts fondamentaux de la Nation a été comprise et interprétée par certaines des personnes entendues uniquement au travers de cet article 410-1. De fait, une telle lecture peut conduire à penser que le projet de loi permettrait de porter atteinte au secret des sources des journalistes pour des motifs qui ne seraient ni plus précisément définis, ni moins larges que ceux couverts par l’actuelle notion d’impératif prépondérant d’intérêt public.
Cependant, telle n’était pas l’intention du Gouvernement, comme le montrent très clairement les développements de l’étude d’impact qui explicitent les raisons pour lesquelles a été prévue la possibilité de porter atteinte au secret des sources en cas d’atteinte grave aux intérêts fondamentaux de la Nation. En indiquant que « si l’essentiel des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation sont incriminées en tant que crimes, d’autres (notamment certaines formes d’intelligences avec une puissance étrangère ou de livraison d’information à une puissance étrangère), pour importantes qu’elles soient, recouvrent une qualification délictuelle », l’étude d’impact manifeste sans ambiguïté possible que l’intention poursuivie par le Gouvernement était bien de n’autoriser des atteintes au secret des sources des journalistes que pour des délits prévus par le titre Ier du livre IV du code pénal, et nullement pour des faits qui, bien qu’ils ne constituent pas l’un des délits prévus par ce titre, pourraient être interprétés comme des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation tels que définis par l’article 410-1 de ce code (68).
Ainsi, pour reprendre un exemple qui a été fréquemment évoqué lors des auditions menées par votre rapporteure, un journaliste qui enquêterait sur le vol d’une œuvre d’art tel que La Joconde – vol qui pourrait être regardé comme portant atteinte à un intérêt fondamental de la Nation, en la privant d’un élément de son patrimoine culturel – ne pourrait pas voir ses sources faire l’objet de recherches, car l’infraction commise ne constituerait pas l’un des délits d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation prévus par le titre Ier du livre IV du code pénal, mais un délit de vol aggravé puni de sept ans d’emprisonnement par l’article 311-4-2 du même code. De la même façon, le projet de loi ne permettrait pas de porter atteinte au secret des sources d’un journaliste qui mènerait une enquête sur un grand groupe industriel français – quand bien même celui-ci aurait un poids économique tel que son activité pourrait être considérée comme un élément essentiel du potentiel économique de la France – au motif que certaines révélations pourraient faire du tort aux intérêts de ce groupe. Dans ce dernier exemple, ce n’est que dans le cas où aurait été commis l’un des délits d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation prévus par le titre Ier du livre IV du code pénal – par exemple, un délit de révélation volontaire d’informations couvertes par le secret de la défense nationale – et à condition que ce délit soit considéré comme suffisamment grave, qu’une atteinte au secret des sources des journalistes serait possible.
— Possibilité de porter atteinte au secret des sources des journalistes pour prévenir ou pour réprimer une des infractions prévues par la loi
Pour chacune des trois catégories d’infractions pour lesquelles le projet de loi prévoit d’autoriser les atteintes au secret des sources des journalistes – crimes, délits constituant une atteinte grave à la personne et délits constituant une atteinte grave aux intérêts fondamentaux de la Nation –, ces atteintes seraient possibles à la fois pour prévenir et pour réprimer ces infractions.
Parmi les personnes entendues par votre rapporteure, un certain nombre a émis de fortes réserves sur la possibilité de porter atteinte au secret des sources des journalistes pour la répression d’une infraction. Pour ces personnes, cette possibilité transformerait les journalistes en auxiliaires de justice, rôle qu’ils estiment ne pas avoir à endosser. Elles ont estimé que la possibilité de rechercher les sources d’un journaliste dans le cadre d’une enquête judiciaire visant à réprimer des faits commis pourrait avoir pour effet de tarir les sources d’information, en dissuadant les personnes en possession d’informations de s’adresser aux journalistes, de crainte de pouvoir être identifiées. Citant l’exemple de la loi belge du 7 avril 2005 précitée, dont l’article 4 limite les atteintes au secret des sources des journalistes au cas où l’accès à ces sources est « de nature à prévenir la commission d’infractions constituant une menace grave pour l’intégrité physique d’une ou de plusieurs personnes », elles ont fait valoir que seule la prévention d’une infraction d’une particulière gravité pouvant encore être évitée devrait pouvoir justifier une atteinte au secret des sources des journalistes.
Dans l’avant-projet de texte qu’il avait soumis pour avis à la CNCDH, le Gouvernement avait prévu de ne permettre l’atteinte au secret des sources des journalistes que pour la prévention d’une infraction. Dans son avis du 25 avril 2013, la CNCDH a estimé que cette limitation des cas de recherche des sources d’un journaliste à la seule prévention d’une infraction serait « trop restrictive », car « le renvoi à la seule prévention ne permet pas de rechercher des auteurs d’infractions, même si elles sont particulièrement graves ». Elle avait, en conséquence, préconisé de permettre les atteintes au secret des sources des journalistes dans les cas où « un impératif prépondérant d’intérêt public tenant à la prévention ou à la répression d’infractions de nature criminelle le justifie » (69).
Le Gouvernement a suivi l’avis de la CNCDH sur ce point. Dans l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, le Gouvernement a justifié le fait de permettre l’atteinte au secret des sources des journalistes à la fois pour prévenir et pour réprimer les infractions visées par la loi de la façon suivante :
« Il ne paraît pas possible de ne faire référence qu’à la prévention de ces actes, comme le prévoit la loi belge, même si cela était l’intention initiale du Gouvernement. L’objectif de répression, à savoir permettre l’identification des auteurs de ces actes très graves afin de pouvoir les sanctionner (même s’il n’est pas établi que de tels actes, déjà commis, peuvent être à nouveau réalisés par ces personnes et qu’ils convient de les prévenir), est en effet un objectif légitime. Il convient donc de mentionner également la répression de ces actes (ce qui correspond du reste à la solution préconisée par la Commission nationale consultative des droits de l’homme dans son avis (…), avis qui a conduit le Gouvernement à modifier son avant-projet sur cette question précise. » (70)
Indiquons ici que, dans une affaire dans laquelle des journalistes danois avaient effectué un documentaire sur un réseau pédophile, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé conforme à l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme l’injonction adressée à ces journalistes de remettre à l’autorité judiciaire des séquences coupées au montage et certaines de leurs notes de travail permettant l’identification d’auteurs d’infractions sexuelles sur des mineurs, au motif que cette injonction était justifiée par un impératif prépondérant d’intérêt public, qu’elle « n’était pas disproportionnée aux buts légitimes poursuivis et que les raisons avancées pour [la] justifier étaient pertinentes et suffisantes » (71).
Au vu de cette décision de la Cour de Strasbourg, le fait que le projet de loi permette de porter atteinte au secret des sources d’un journaliste pour réprimer une infraction ne soulève, a priori, pas de difficulté de conformité à la convention européenne des droits de l’homme, sous réserve que les atteintes qui seront portées au secret des sources des journalistes sur ce fondement soient, dans chaque espèce, considérées comme justifiées par un impératif prépondérant d’intérêt public et proportionnées au but légitime poursuivi.
e. Subordination des actes d’enquête ou d’instruction ayant pour objet de porter atteinte au secret des sources des journalistes à une décision préalable et spécialement motivée du juge des libertés et de la détention
La loi du 4 janvier 2010 a subordonné les atteintes au secret des sources des journalistes à des conditions de fond – l’existence d’un impératif prépondérant d’intérêt public et le respect des conditions de nécessité et de proportionnalité –, mais n’a prévu aucune garantie procédurale pour assurer un contrôle a priori de ces conditions. Dans le cadre d’une enquête préliminaire ou de flagrance, une atteinte au secret des sources d’un journaliste – telle que la recherche de ses « fadettes » – peut être réalisée sur autorisation du parquet, voire à la seule initiative du service de police ou de gendarmerie en charge de l’enquête. Dans le cadre d’une instruction, le juge d’instruction peut lui-même décider de faire réaliser cet acte d’instruction.
Dans son avis du 25 avril 2013, la CNCDH a proposé de mieux prévenir les violations du secret des sources des journalistes, en prévoyant dans la loi que « les actes d’enquête ou d’instruction qui auraient pour objet direct ou indirect (…) la découverte de la source d’information d’un journaliste ne soient possibles qu’après l’autorisation d’un juge indépendant et impartial ». Elle a préconisé que, « [e]u égard à ses autres attributions, (…) le juge des libertés et de la détention soit doté de cette compétence » (72).
Cette proposition a été suivie par le Gouvernement car, selon l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, « elle permet que, dans tous les cas, ce soit à un juge du siège distinct du magistrat (du siège ou du parquet) qui mène les investigations d’apprécier s’il peut être, et s’il doit être, porté atteinte au secret des sources » (73). Cette autorisation préalable du juge des libertés et de la détention pour tout acte d’enquête ou d’instruction ayant pour objet de porter atteinte au secret des sources des journalistes est prévue par un nouveau titre inséré par l’article 2 du projet de loi dans le code de procédure pénale (74), auquel le III du nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881 renvoie explicitement, dans un souci de lisibilité des nouvelles dispositions de la loi sur la presse.
f. Instauration, sous certaines conditions, d’une immunité pénale au profit des journalistes pour le délit de recel de violation du secret professionnel ou du secret de l’enquête ou de l’instruction
Aujourd’hui, lorsqu’un journaliste détient un document ou une information qui lui a été communiqué par une source en violation d’un secret professionnel auquel elle était astreinte, il commet le délit de recel de violation de secret professionnel. Le recel, défini par l’article 321-1 du code pénal comme « le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d’intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit », est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. La jurisprudence considère que le délit de recel peut s’appliquer à tout délit, et notamment au délit de violation d’un secret professionnel, défini par l’article 226-13 du code pénal comme la « révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire ». Dans le cas d’une information concernant des faits donnant lieu à une enquête de police ou une information judiciaire, à laquelle s’applique le secret de l’enquête ou de l’instruction prévu par l’article 11 du code de procédure pénale (75), le délit commis par le journaliste qui détient des informations issues d’une violation de ce secret est le délit de recel de violation du secret de l’enquête ou de l’instruction.
Comme l’ont souligné toutes les personnes entendues par votre rapporteure, l’existence de ces délits permet de faire pression sur des journalistes en les menaçant de poursuites – voire en exerçant ces poursuites – en vue d’obtenir d’eux qu’ils révèlent des informations intéressant les enquêteurs. Ils sont de nature à entraver l’exercice de la liberté de la presse, en amenant les journalistes à s’autocensurer dans leurs enquêtes et leurs publications pour éviter des poursuites judiciaires sur ce fondement. La CNCDH a également souligné ce point dans son avis du 25 avril 2013 : « Le délit de recel de violation du secret de l’instruction n’aboutit que très rarement à une condamnation d’un journaliste, mais présente un intérêt certain pour contraindre un journaliste à révéler ses sources. » (76)
Lors des débats parlementaires sur la loi du 4 janvier 2010, les députés du groupe Socialiste, radical et citoyen avaient déjà proposé de supprimer la possibilité de poursuivre les journalistes pour recel de violation du secret de l’instruction. À l’appui de cette proposition, Mme Aurélie Filippetti avait fait valoir que lorsqu’un secret professionnel a été violé, « ce n’est pas le journaliste qui est coupable, mais celui qui lui a livré ces informations et qui, ce faisant, a trahi le secret auquel il était tenu ». Elle avait, en outre, rappelé que « en 1957, lors des débats législatifs sur la notion de violation du secret de l’instruction, le garde des Sceaux de l’époque avait expressément précisé que cette incrimination ne saurait en aucun cas concerner les journalistes, tant il paraissait évident que cela aurait porté atteinte à la liberté de la presse » (77).
Le IV du nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881 fait disparaître cet instrument de pression sur les journalistes, en instaurant une immunité pénale pour le délit de recel de violation du secret professionnel ou du secret de l’enquête ou de l’instruction ou du délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée. Ce paragraphe est ainsi rédigé :
« IV. – La détention par un journaliste de documents provenant du délit de violation du secret professionnel ou du secret de l’enquête ou de l’instruction ou du délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée ne peut constituer le délit de recel prévu par l’article 321-1 du code pénal lorsque ces documents contiennent des informations dont la diffusion au public constitue un but légitime en raison de leur intérêt général. »
Cette disposition appelle quatre observations de la part de votre rapporteure, sur la définition des bénéficiaires de cette immunité, sur les pièces qui seront concernées, sur les délits entrant dans son champ d’application et, enfin, sur la condition d’intérêt général de l’information à laquelle l’immunité sera subordonnée.
— Bénéficiaires de l’immunité
Le projet de loi prévoit que les bénéficiaires de l’immunité seront les journalistes, non pas au sens du code du travail, mais au sens de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 tel qu’il est réécrit par le projet de loi. En effet, l’immunité pénale est prévue par le IV de ce nouvel article 2, dont le I donne une définition élargie du journaliste « pour l’application du présent article », incluant, d’une part, « [t]oute personne qui, dans l’exercice de sa profession pour le compte d’une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou d’une ou plusieurs agences de presse, pratique le recueil d’informations et leur diffusion au public » et, d’autre part, le « collaborateur de la rédaction » (78).
Ce champ d’application rationae personae manifeste pleinement le fait que cette immunité pénale constitue un complément de la protection du secret des sources des journalistes instituée par les I à III du nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881, prévu pour renforcer l’effectivité de la liberté d’expression.
— Pièces concernées par l’immunité
Le projet de loi prévoit que l’immunité s’appliquera à la détention de « documents provenant du délit de violation du secret professionnel ou du secret de l’enquête ou de l’instruction ou du délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée ».
Au cours des auditions menées par votre rapporteure, certaines des personnes entendues – en particulier les représentants des agences de presse spécialisées dans les photographies et les représentants des médias audiovisuels – se sont interrogées sur la question de savoir si le terme « documents » visait uniquement des documents écrits ou recouvrait également les photographies et les enregistrements sonores et audiovisuels.
En effet, le terme « documents » a un double sens : au sens strict, il désigne un « écrit servant de preuve ou de renseignement », mais, par extension, il peut désigner « toute base de connaissance, fixée matériellement, susceptible d’être utilisée pour consultation, étude ou preuve » et ce, quel qu’en soit le support (79). Le doute sur le sens à donner au terme « documents » dans le IV du nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881 est renforcé par le fait que certaines dispositions législatives distinguent le « document » de l’« enregistrement » : tel est le cas, notamment, de l’article 226-2 du code pénal, qui punit « le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d’un tiers ou d’utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu » à la suite du délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée. D’autres dispositions, telles que l’article 223-17 du même code, qualifient les documents qu’elles visent, en mentionnant les « documents écrits, visuels ou sonores ».
Pour éviter toute incertitude sur le champ d’application de l’immunité instaurée par le IV du nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881, il serait sans doute souhaitable que le terme « documents » soit précisé, afin de mettre en évidence sans ambiguïté le fait que les images photographiques et les enregistrements sonores et audiovisuels – et pas uniquement les écrits – font partie des pièces entrant dans le champ d’application de cette immunité.
— Délits concernés par l’immunité
Les délits concernés par l’immunité seront les délits de recel des délits suivants :
- le délit de violation du secret professionnel, prévu à l’article 226-13 du code pénal ;
- le délit de violation du secret de l’enquête ou de l’instruction, prévu à l’article 11 du code de procédure pénale qui renvoie, pour la définition des peines encourues, à l’article 226-13 du code pénal ;
- le délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée, prévu à l’article 226-1 du code pénal.
Cependant, la mention, par le IV du nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881, pour les trois délits précités, du « délit de recel prévu par l’article 321-1 du code pénal », soulève une difficulté, car le recel du délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée fait l’objet d’une incrimination spécifique définie à l’article 226-2 du code pénal. En effet, l’article 226-2 punit des mêmes peines que celles prévues pour le délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée « le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d’un tiers ou d’utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu à l’aide de l’un des actes prévus par l’article 226-1 ». Dès lors, il serait nécessaire de préciser le texte du projet de loi pour indiquer que l’immunité pénale s’appliquera au délit de recel du délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée prévu à l’article 226-2 du code pénal – et non à l’article 321-1 de ce code.
— Subordination de l’immunité à une condition d’intérêt général de l’information
Enfin, le projet de loi prévoit que l’immunité sera subordonnée à la condition que les documents recelés « contiennent des informations dont la diffusion au public constitue un but légitime en raison de leur intérêt général ». Dans l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, le Gouvernement justifie le recours à ce critère d’intérêt général par le fait que « [l]a notion d’information présentant un intérêt général est celle utilisée par les deux arrêts de la Cour de Strasbourg qui ont condamné la France parce qu’elle avait sanctionné des journalistes pour recel. Dans son arrêt Fressoz/Roire du 21 janvier 1990, elle a ainsi condamné la France parce qu’elle avait condamné pour recel de violation de secret professionnel deux journalistes qui avaient diffusé la feuille d’impôt du dirigeant de Peugeot, considérant que l’information diffusée soulevait "une question d’intérêt général" (considérant n° 50). Dans son arrêt Martin c/France du 14 avril 2012, la Cour a de même considéré que la seule mise en avant de la présomption d’innocence ne pouvait, en tant que telle, justifier que des journalistes soient poursuivis pour recel du secret de l’enquête, dans la mesure où les informations portées à la connaissance du public ressortissaient à un intérêt général. » (80)
Pour le Gouvernement, ce critère permet d’opérer une distinction entre les informations présentant un caractère d’intérêt général et les informations ne présentant pas un tel caractère, notamment en ce qu’elles portent atteinte à l’intimité de la vie privée : « Ainsi, si des documents obtenus à la suite de la violation d’un secret portent sur des éléments qu’il est légitime de porter à la connaissance des citoyens, par exemple parce qu’ils concernent un dirigeant politique ou un éventuel scandale sanitaire, le journaliste ne pourra être poursuivi ou condamné pour recel. En revanche, si ces documents concernent, par exemple, la vie privée d’une personne célèbre, le délit demeurera constitué. » (81)
Cependant, dans son avis du 25 avril 2013, la CNCDH n’avait pas proposé de retenir le critère d’intérêt général comme critère de la légitimité de la détention des documents par le journaliste, mais le fait que le document soit détenu par le journaliste « dans l’exercice de sa mission d’information du public ». Elle avait ainsi proposé que la loi du 29 juillet 1881 soit modifiée pour indiquer que « le journaliste peut détenir, dans l’exercice de sa mission d’information du public des documents provenant du délit de violation du secret de l’enquête, de l’instruction ou de tout autre secret professionnel, sans que cette détention puisse donner lieu à des poursuites pour recel » (82).
Pour certaines des personnes entendues par votre rapporteure, il aurait été plus approprié d’employer les termes « dans l’exercice de sa mission d’information du public », déjà utilisés par l’actuel article 2 de la loi du 29 juillet 1881 et repris par le projet de loi au I du nouvel article 2 de cette loi pour définir le fondement de la protection du secret des sources des journalistes. Selon elles, le critère de l’intérêt général des informations devrait être réservé au seul cas où des informations ont été publiées, pour apprécier si cette publication était ou non légitime. Or, dans le cas du délit de recel de violation d’un secret, les pièces issues de l’infraction de violation d’un secret et dont la détention constitue le délit de recel peuvent ne pas avoir encore été publiées à la date des poursuites. Elles peuvent se trouver entre les mains du journaliste sans paraître, prises isolément, présenter un caractère d’intérêt général, mais acquérir ultérieurement un tel caractère après avoir été complétées par d’autres informations.
Par exemple, l’information selon laquelle une personnalité publique aurait une relation adultère ne présente, a priori, pas de caractère d’intérêt général, et le fait de détenir des photographies prouvant cette relation constitue le délit de recel d’atteinte à l’intimité de la vie privée. Mais, si la personne avec qui la personnalité publique entretient cette relation bénéficie d’avantages injustifiés – tel qu’un emploi ou l’attribution de contrats – du fait de cette relation, c’est seulement lorsque cette deuxième partie de l’information devient connue que la première partie acquiert un caractère d’intérêt général.
Pour ces personnes, le projet de loi, en subordonnant l’immunité pénale à la condition que l’information issue d’une infraction détenue par le journaliste présente un caractère d’intérêt général, entraverait la liberté d’enquête du journaliste et pourrait, en conséquence, porter une atteinte injustifiée à la liberté d’expression.
4. Les modifications apportées par la commission des Lois dans l’objectif de conforter les avancées du projet de loi dans la protection du secret des sources
Sur l’initiative de votre rapporteure et de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation, la commission des Lois a adopté plusieurs modifications destinées à conforter les avancées du projet de loi dans la protection du secret des sources.
La Commission a, tout d’abord, élargi le champ des personnes titulaires du droit à la protection du secret des sources (a). Elle a, ensuite, précisé la définition des atteintes au secret des sources pour mentionner explicitement les atteintes directes et les atteintes indirectes (b). Elle a également adopté une nouvelle définition, plus précise et plus restrictive, des motifs permettant de porter atteinte au secret des sources (c). Elle a, enfin, complété et précisé la définition de l’immunité pénale instaurée au profit des journalistes pour le délit de recel de violation du secret professionnel ou du secret de l’enquête ou de l’instruction (d).
a. L’élargissement du champ des personnes titulaires du droit à la protection du secret des sources
La protection du secret des sources n’est pas une prérogative de la profession de journaliste, mais une condition de la liberté de la presse et de l’information des citoyens dans une société démocratique. Pour cette raison, le projet de loi prévoit de rendre le droit à la protection du secret des sources applicable aux collaborateurs de la rédaction, afin de faire bénéficier de la protection légale des personnes qui, parce qu’elles font partie de la « chaîne de l’information », et bien qu’elles n’aient pas la qualité de journaliste, peuvent disposer d’informations permettant d’identifier une source.
S’inscrivant dans cette même logique de protection de toutes les personnes participant à la « chaîne de l’information », la Commission a adopté plusieurs amendements qui étendent le champ des personnes titulaires du droit à la protection du secret des sources.
S’agissant des journalistes au sens strict, visés par le 1° du I du nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881, la Commission a étendu le champ d’application de l’article aux journalistes travaillant pour le compte d’une entreprise d’édition, c’est-à-dire aux auteurs de livres, d’une part, et aux journalistes travaillant pour le compte d’une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques, d’autre part. Cette seconde extension permettra de faire bénéficier de la protection du secret des sources les journalistes travaillant pour des « publications » qui ne sont pas réalisées et diffusées par des entreprises de presse au sens strict, mais par des associations. Cette modification est cohérente avec la définition du journaliste professionnel donnée par l’article L. 7111-3 du code du travail qui mentionne, à côté des entreprises de presse, les « publications quotidiennes ou périodiques ».
La Commission a, ensuite, introduit dans le I du nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881 un 1° bis faisant bénéficier du droit à la protection du secret des sources les personnes exerçant « des fonctions de direction de la publication ou de la rédaction pour le compte de l’une des entreprises, publications ou agences mentionnées au 1° ». En effet, comme les collaborateurs de la rédaction, les rédacteurs en chef et les directeurs de la publication ou de la rédaction – quel que soit leur titre au sein de leur rédaction – mais aussi leurs adjoints sont susceptibles de détenir des informations pouvant permettre de découvrir une source, raison pour laquelle il était nécessaire de les inclure dans le champ de la protection du secret des sources.
Enfin, la Commission a adopté une définition élargie des collaborateurs de la rédaction prévue au 2° du II du nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881, en supprimant l’exigence contenue dans le projet de loi initial qu’ils exercent leurs fonctions à titre professionnel et qu’ils aient la qualité de salariés d’une entreprise de presse ou de communication. Ces conditions avaient pour effet d’exclure du champ d’application les correspondants locaux de la presse régionale – pour qui cette fonction n’est ni une profession, ni même toujours rémunérée – ainsi que les stagiaires ou étudiants en alternance amenés à travailler dans une rédaction. La modification adoptée par la Commission évitera de laisser les correspondants locaux, les stagiaires et les étudiants en alternance dans une situation de vulnérabilité, qui pourrait permettre le contournement de la loi par des recherches de sources portant – faute de pouvoir s’exercer directement sur les journalistes – sur ces personnes.
La Commission a, en outre, adopté trois modifications de conséquence de ces différentes extensions. En premier lieu, elle a adopté un amendement modifiant le premier alinéa du I du nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881 qui définit l’objet de la protection du secret des sources, pour prévoir que celle-ci a pour objet de garantir « l’information du public », et non « l’exercice de [la] mission d’information » des journalistes comme le prévoyait le texte initial du projet de loi – formulation qui laissait entendre que cette protection est un attribut de la profession de journaliste. Ensuite, elle a modifié le deuxième alinéa du I du nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881, pour substituer à la formulation « Est considéré comme journaliste pour l’application du présent article » – qui assimilait aux journalistes les autres personnes protégées et sous-entendait également que la protection du secret des sources serait liée à la qualité de journaliste – la formule « A droit à la protection du secret des sources », qui introduit l’énumération des personnes protégées. Enfin, elle a modifié le titre du projet de loi en supprimant les termes « des journalistes ». Le projet de loi adopté par la Commission est ainsi intitulé « projet de loi renforçant la protection du secret des sources », ce nouveau titre manifestant plus clairement le fait que la protection du secret des sources n’est pas une prérogative de la profession de journaliste, mais une condition de la liberté de la presse.
b. La mention explicite des atteintes directes et indirectes dans la définition des atteintes au secret des sources
Comme votre rapporteure l’a souligné précédemment (83), la loi du 4 janvier 2010 précitée ne définissait pas l’atteinte au secret des sources, mais uniquement l’atteinte indirecte à ce secret. Le premier alinéa du II du nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881 tel qu’il est proposé par le projet de loi remédie à cette insuffisance de la loi de 2010, en définissant la notion même d’atteinte au secret des sources. Cette définition vise aussi bien l’atteinte directe – c’est-à-dire la recherche d’une source portant sur la personne qui est titulaire du droit à la protection de ses sources – que l’atteinte indirecte – c’est-à-dire la recherche d’une source portant sur une personne en relation habituelle avec la personne titulaire du droit à la protection de ses sources.
Plus précise que la loi de 2010, la rédaction du projet de loi ne reprenait toutefois pas expressément les termes d’atteinte « directe ou indirecte ». L’absence de ces termes, alors même que la loi vise bien à encadrer ces deux formes d’atteinte, a suscité des inquiétudes chez certains représentants des journalistes (84).
Dans un souci de clarté de la loi, la Commission a adopté un amendement de votre rapporteure ayant pour objet de distinguer explicitement, dans la définition de l’atteinte au secret des sources, l’atteinte directe et l’atteinte indirecte. Sur l’initiative de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation, la Commission a également remplacé, dans la définition de l’atteinte indirecte, l’expression « identifier une source » par celle de « découvrir une source ». Cette modification permet de manifester de façon plus nette le fait que les archives de l’enquête – c’est-à-dire les informations qui n’ont pas été publiées, mais qui peuvent permettre d’accéder à l’identité de l’informateur – sont couvertes par la protection instituée par la loi.
Le premier alinéa du II du nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881, dans le texte adopté par la Commission est, en conséquence, ainsi rédigé :
« Constitue une atteinte directe au secret des sources le fait de chercher à découvrir une source au moyen d’investigations portant sur une des personnes mentionnées au I. Constitue une atteinte indirecte au secret des sources le fait de chercher à découvrir une source au moyen d’investigations portant sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec une des personnes mentionnées au même I, peut détenir des renseignements permettant d’identifier cette source. »
c. Une définition plus précise et plus stricte des motifs permettant de porter atteinte au secret des sources
Dans le texte initial du projet de loi, le deuxième alinéa du II du nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881 redéfinissait les motifs permettant de porter atteinte au secret des sources, en remplaçant le motif trop imprécis d’« impératif prépondérant d’intérêt public » par la prévention ou la répression soit d’un crime, soit d’un délit constituant une atteinte grave à la personne, soit d’un délit constituant une atteinte grave aux intérêts fondamentaux de la Nation.
Plus précise que celle retenue par la loi de 2010, cette formulation a, néanmoins, soulevé interrogations et inquiétudes parmi les représentants des journalistes et les juristes entendus par votre rapporteure (85). Pour remédier à ces difficultés, la Commission a adopté un amendement de votre rapporteure qui définit plus précisément encore les cas dans lesquels l’atteinte au secret des sources sera possible, en mettant en place un système de protection graduée de ce secret.
Le texte adopté par la Commission prévoit qu’une atteinte au secret des sources ne sera possible que pour quatre motifs :
— la prévention ou la répression d’un crime (1° du II) ;
— la prévention d’un délit d’atteinte à la personne humaine puni d’au moins sept ans d’emprisonnement (2° du II) ;
— la prévention d’un délit prévu aux titres Ier et II du livre IV du code pénal puni de dix ans d’emprisonnement (3° du II) ;
— la répression d’un délit mentionné aux 2° et 3° (4° du IV).
S’il permet – comme le projet de loi initial – une atteinte au secret des sources pour tous les crimes, le texte adopté par la Commission prévoit pour les délits des critères de seuil de peine encourue qui permettront de définir précisément à partir de quel niveau de gravité d’infraction l’atteinte devient possible. Pour les délits d’atteinte à la personne humaine – tels que les violences, les agressions sexuelles ou encore les vols avec violences –, ce seuil sera fixé à au moins sept ans d’emprisonnement.
L’article adopté prévoit que les atteintes au secret des sources seront également possibles pour les délits prévus aux titres Ier et II du livre IV du code pénal, à condition qu’ils soient punis de dix ans d’emprisonnement. Cette formulation inclut les plus graves des délits d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, mais aussi des délits terroristes que le texte initial du projet de loi ne couvrait pas, en particulier la participation à une association de malfaiteurs à visée terroriste. Le tableau ci-dessous donne la liste de ces délits, tous punis de dix ans d’emprisonnement, pour lesquels le texte adopté par la Commission prévoit que les atteintes au secret des sources seront possibles.
DÉLITS PRÉVUS AUX TITRES IER ET II DU LIVRE IV DU CODE PÉNAL
PUNIS DE DIX ANS D’EMPRISONNEMENT
Article du code pénal |
Intitulé de l’infraction |
411-5 |
Intelligences avec une puissance étrangère de nature à porter atteinte aux intérêts nationaux |
411-7 |
Fait de recueillir, en vue de les livrer à une puissance étrangère, des informations de nature à porter atteinte aux intérêts nationaux |
411-8 |
Fait d’exercer pour une puissance étrangère des activités de rassemblement d’informations de nature à porter atteinte aux intérêts nationaux |
413-1 |
Provocation à la trahison des militaires français |
413-13, al 3 |
Révélation volontaire des informations personnelles des agents de spécialisés dans le renseignement lorsqu’elle a causé la mort d’un agent |
414-1, al. 2 |
Entrave au fonctionnement de l’armée en cas d’état de siège ou d’urgence |
421-2-4 |
Corruption en vue de faciliter la commission d’actes terroristes |
421-5, al. 1 |
Participation à une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste |
Enfin, le texte adopté par la Commission subordonne les atteintes justifiées par la répression d’une infraction à des conditions supplémentaires par rapport à celles exigées pour la prévention d’une infraction. Ainsi, une atteinte au secret des sources pour réprimer un délit ne sera possible que « lorsque celui-ci est d’une particulière gravité en raison des circonstances de sa commission, de la vulnérabilité de la ou des victimes ou de la qualité de l’auteur du délit, lorsque l’atteinte est justifiée par la nécessité de faire cesser le délit ou lorsqu’il existe un risque particulièrement élevé de renouvellement de celui-ci » (4° du II). Le juge des libertés et de la détention saisi d’une demande tendant à autoriser un acte d’enquête portant atteinte au secret des sources pour réprimer un délit devra, en fonction des circonstances de l’espèce et au regard des critères légaux, justifier dans sa décision la particulière gravité de l’infraction qui rend nécessaire l’atteinte au secret des sources.
En outre, tant pour la répression des crimes que pour celle des délits, l’atteinte au secret des sources ne pourra être autorisée que si elle constitue « l’unique moyen d’obtenir les informations recherchées ».
Ainsi, le texte adopté par la Commission définit les cas dans lesquels l’atteinte au secret des sources sera possible avec précision et de façon stricte, en conciliant de manière équilibrée le droit à la liberté d’expression avec la nécessaire efficacité de la procédure pénale.
d. Une définition complétée et précisée de l’immunité pénale instaurée au profit des journalistes pour le délit de recel de violation du secret professionnel ou du secret de l’enquête ou de l’instruction
La loi du 4 janvier 2010 précitée n’avait pas modifié la possibilité de poursuivre un journaliste pour le délit de recel de violation d’un secret, ce qui permettait, d’une façon détournée, de faire pression sur celui-ci pour qu’il révèle ses sources, en le menaçant de le poursuivre pour ce délit. Dans son texte initial, le IV du nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881 institue, sous certaines conditions, une immunité pénale des journalistes pour la détention de documents issus d’une infraction de violation d’un secret ou d’atteinte à l’intimité de la vie privée. Cette immunité est une avancée importante pour la liberté de la presse, car elle permettra d’éviter un contournement des nouvelles garanties que la loi prévoit pour protéger le secret des sources.
La Commission a adopté un amendement de votre rapporteure réécrivant le paragraphe qui crée cette immunité, avec le texte suivant :
« La détention par une personne mentionnée au I de documents, d’images ou d’enregistrements sonores ou audiovisuels, quel qu’en soit le support, provenant du délit de violation du secret professionnel ou du secret de l’enquête ou de l’instruction ou du délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée ne peut constituer le délit de recel prévu par l’article 321-1 du code pénal ou le délit prévu par l’article 226-2 du même code, lorsque ces documents, images ou enregistrements sonores ou audiovisuels contiennent des informations dont la diffusion au public constitue un but légitime dans une société démocratique. »
Le texte adopté par la Commission précise et améliore la rédaction de ce paragraphe, sur trois points.
Tout d’abord, l’application de l’immunité est étendue à la détention d’images ou d’enregistrements sonores ou audiovisuels, le terme « documents » retenu par le projet de loi pouvant être interprété comme s’appliquant exclusivement aux documents écrits (86). Cette modification permet de sécuriser le champ d’application de l’immunité, en mettant en évidence sans ambiguïté le fait que les images photographiques et les enregistrements sonores et audiovisuels font bien partie des pièces pouvant être couvertes par cette immunité.
En deuxième lieu, la liste des délits concernés par l’immunité est complétée par le délit prévu à l’article 226-2 du code pénal, qui est la qualification sous laquelle sont engagées les poursuites pour recel du délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée.
Enfin, le texte adopté par la Commission substitue au critère retenu par le projet de loi pour bénéficier de l’immunité – la condition que la diffusion de l’information issue d’une infraction détenue par le journaliste présente un caractère d’intérêt général – la condition que la diffusion de cette information constitue un but légitime dans une société démocratique.
En effet, le critère de l’intérêt général des informations apparaît trop restrictif, en obligeant le juge à se prononcer sur la légitimité de la publication au regard d’un critère d’intérêt général nécessairement difficile à évaluer. Le critère retenu par le texte adopté par la Commission permet de protéger davantage la liberté d’expression, tout en respectant le principe constitutionnel d’égalité devant la loi en subordonnant le bénéfice de l’immunité à des conditions strictes et précises.
*
* *
La Commission examine d’abord l’amendement CL63 de Mme la rapporteure.
Mme la rapporteure. La protection du secret des sources n’est pas une prérogative de la profession de journaliste mais une condition de la liberté de la presse : dès lors, il ne faut pas laisser entendre que la protection du secret des sources serait liée à la qualité de « journaliste » ou aux conditions d’exercice de cette profession.
La Commission adopte cet amendement.
Elle est saisie ensuite de deux amendements identiques, CL64 de Mme la rapporteure et CL1 de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation.
M. Michel Pouzol, rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation. L’extension de la protection aux collaborateurs de la rédaction est bienvenue mais ne doit pas créer de confusion : un collaborateur de la rédaction n’est pas nécessairement un journaliste.
La Commission adopte ces amendements.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL62 de Mme la rapporteure et CL2 de la commission des Affaires culturelles.
Mme la rapporteure. Cet amendement étend la protection du secret des sources à la situation du journaliste qui ne travaille pas pour le compte d’une entreprise de presse, mais qui est rétribué en droits d’auteur, ou qui travaille pour une publication éditée par une structure associative, par exemple l’UFC-Que Choisir.
L’amendement CL2 est retiré.
La Commission adopte l’amendement CL62.
Elle examine ensuite, en discussion commune, l’amendement CL61 de Mme la rapporteure et les amendements identiques CL23 de la commission des Affaires culturelles et CL28 de M. Sergio Coronado.
Mme la rapporteure. Il s’agit d’élargir la protection aux personnes exerçant des fonctions de direction de la publication ou de la rédaction.
Les amendements CL23 et CL28 sont retirés.
La Commission adopte l’amendement CL61.
Elle est saisie alors, en discussion commune, des amendements CL60 de Mme la rapporteure, faisant l’objet du sous-amendement CL78 de M. Michel Pouzol, CL25 rectifié de la commission des Affaires culturelles, et CL3 de la commission des Affaires culturelles.
Mme la rapporteure. Cet amendement étend la protection du secret des sources aux collaborateurs occasionnels, c’est-à-dire notamment aux stagiaires et aux correspondants locaux.
M. le rapporteur pour avis. Je précise que le sous-amendement CL78, que je présente sous mon nom, est identique à l’amendement CL3, qui a été voté par la commission des Affaires culturelles. Il s’agit de préciser que les archives de l’enquête peuvent être stockées ailleurs qu’au sein de la rédaction, notamment sur des serveurs.
L’amendement CL25 rectifié vise à élargir le public visé : le terme de salarié paraît trop réducteur.
M. Noël Mamère. Je soutiens les amendements présentés par M. le rapporteur pour avis : il ne faut pas seulement protéger les journalistes appartenant à une rédaction, mais au-delà tous ceux qui contribuent à la diffusion de l’information. C’est tout à fait l’esprit de la loi.
Mme la rapporteure. Je suis défavorable à ces amendements et au sous-amendement : l’extension proposée poserait un problème de sécurité juridique, car on ne pourrait savoir avec certitude quelles personnes sont protégées par la loi. Un rattachement minimal et objectif à la rédaction de l’entreprise de presse est nécessaire pour faire bénéficier une personne de la protection légale ; sans cela, la solidité des enquêtes judiciaires serait excessivement fragilisée.
Quant à l’amendement CL25 rectifié, l’exigence d’un « lien de subordination » me paraît injustifiée : ce n’est pas à mon sens le cas du pigiste ou du correspondant local. Je demande donc plutôt le retrait de cet amendement.
M. Noël Mamère. Comment peut-on imaginer ne pas protéger les sources d’un pigiste ? La presse est en crise et fait appel, non seulement à des pigistes, mais aussi à des stagiaires, dans des conditions qui frisent quelquefois le hors-jeu en matière de droit du travail. Tous ceux-là contribuent à la diffusion de l’information, cherchent des sources… Ce n’est donc pas le journaliste qui doit être protégé, mais les sources dont il est porteur – qu’il soit ou pas porteur d’une carte de presse ; en Belgique, je le disais, il peut même être bénévole ! De plus en plus souvent, les journaux demandent à leurs lecteurs de prendre des photos, et ainsi de devenir correspondants : ceux-ci font alors un travail d’information, et doivent être protégés à ce titre.
Mme la rapporteure. Les pigistes sont évidemment protégés par le projet de loi, de même que les stagiaires et les correspondants locaux.
L’amendement CL25 rectifié est retiré.
La Commission rejette le sous-amendement CL78.
Puis elle adopte l’amendement CL60.
En conséquence, l’amendement CL3 tombe.
La Commission est saisie de l’amendement CL4 de la commission des Affaires culturelles.
M. le rapporteur pour avis. La rédaction actuelle du projet de loi ne prend en considération que les informateurs ; or il s’avère que les archives d’une investigation doivent être tenues aussi secrètes que l’identité des informateurs des journalistes.
Mme la rapporteure. C’est là un amendement de précision tout à fait utile.
La Commission adopte cet amendement.
Puis elle en vient à l’amendement CL27 de M. Sergio Coronado.
M. Noël Mamère. Cet amendement vise à élargir la protection des sources aux auteurs de livres d’enquête, aux documentaristes et aux blogueurs : ils ont tous montré leur importance pour la révélation d’affaires concernant l’État de droit et la République.
Mme la rapporteure. L’amendement CL62 déjà adopté par la Commission permet d’inclure les auteurs de livres. En revanche, compte tenu de la diversité des blogs, qui le plus souvent ne sont pas journalistiques du tout, il paraît difficile d’inclure les blogueurs sans exiger un rattachement minimal à un journal ou à une entreprise d’édition. Cela ferait peser un aléa excessif sur la sécurité juridique des enquêtes.
La Commission rejette cet amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, l’amendement CL59 de Mme la rapporteure, faisant l’objet de deux sous-amendements de M. Michel Pouzol, CL76 et CL77, et l’amendement CL38 de M. Georges Fenech.
Mme la rapporteure. L’amendement CL59 que je propose devrait lever les inquiétudes des personnes que nous avons auditionnées.
M. Georges Fenech. Mon amendement, qui s’inspire des règles suédoises, va beaucoup plus loin que le texte du Gouvernement, en supprimant la notion de « relation habituelle » : la rédaction actuelle continue en effet d’autoriser toutes les mesures d’enquête ou d’instruction destinées à identifier directement l’informateur du journaliste, dès lors qu’ils n’entretiennent pas ensemble de relation « habituelle » ; or la mise en cause des informateurs est une façon de contourner la protection du secret des sources.
Mme la rapporteure. Il me semble préférable de nous en tenir à l’amendement que je propose. J’émets donc un avis défavorable à l’amendement CL38.
Suivant l’avis de Mme la rapporteure, la Commission adopte le sous-amendement CL76.
Puis, suivant l’avis de Mme la rapporteure, elle rejette le sous-amendement CL77.
Elle adopte alors l’amendement CL59 sous-amendé.
En conséquence, l’amendement CL38 tombe, de même que les amendements CL15, CL5 et CL6, tous de la commission des Affaires culturelles.
La Commission est saisie alors, en discussion commune, des amendements CL58 de Mme la rapporteure, CL39 de M. Georges Fenech et CL7 de la commission des Affaires culturelles.
L’amendement CL58 fait l’objet de deux sous-amendements de M. Michel Pouzol, CL73 et CL74.
Mme la rapporteure. Les amendements CL58, CL39 et CL7 visent le même objectif : trouver une définition à la fois précise et équilibrée des motifs pouvant justifier une atteinte au secret des sources. Chacun convient que la définition donnée par la loi de 2010 n’était pas assez précise ; le projet de loi l’améliore. Les auditions nous ont toutefois montré la nécessité d’éliminer toute incertitude juridique et donc de la reformuler encore. L’amendement CL58 me paraît proposer une définition à la fois plus précise et plus restrictive que les amendements CL39 et CL7.
En effet, l’amendement CL7 ne résout pas la question de l’imprécision de la notion d’atteinte « grave », qui n’est pas définie par le projet de loi. Quant aux actes terroristes, mon amendement permet d’inclure les délits terroristes punis de dix ans d’emprisonnement. L’amendement CL39 propose de limiter les atteintes au secret des sources à la prévention des atteintes graves à l’intégrité des personnes, sur le modèle de la loi belge ; mais cette formulation ne définit pas non plus ce qu’est une atteinte grave, et elle se limite à la prévention. Or la répression d’atteintes graves peut constituer un motif légitime de levée du secret des sources : ainsi, la CEDH l’a acceptée dans une affaire de pédophilie.
Mon amendement CL58 définit de façon très précise les infractions pour lesquelles il serait possible de porter atteinte au secret des sources. Cette rédaction lève toutes les ambiguïtés possibles. Elle prévoit, en outre, des conditions plus restrictives pour la répression que pour la prévention de ces infractions, et permet, je crois, d’atteindre un juste équilibre entre la liberté de la presse et les impératifs de la sécurité publique.
M. Alain Tourret. Le 4° de votre amendement ne laisse-t-il pas largement ouvert le champ des interprétations ? Cela me semble dangereux.
M. Noël Mamère. Sans entrer dans le détail – je comprends la demande de précision de notre collègue –, je voudrais souligner que cet amendement CL58 est celui qui change tout et apporte un véritable progrès à la façon dont nous protégeons les sources des journalistes, en faisant disparaître du texte les « intérêts fondamentaux de la nation ».
Mme Colette Capdevielle. Les auditions ont toutes montré que le projet de loi était trop flou sur ce point. Cet amendement apporte toutes les précisions nécessaires en définissant précisément les infractions concernées. Cela fera disparaître les différences d’appréciation, qui pouvaient être grandes.
M. Yann Galut. Je me félicite moi aussi de cette nouvelle rédaction. S’agissant toutefois de la répression, qu’en dit la CEDH ? La levée du secret des sources pour réprimer une infraction paraît ici très bien encadrée, mais, sur le plan des principes, on peut s’interroger : l’avis de la CEDH peut éclairer notre débat.
Mme la rapporteure. La CEDH admet prévention et répression.
Monsieur Tourret, l’alinéa 4° concerne la répression et non la prévention : il renvoie aux délits déjà mentionnés et exige pour la levée du secret des conditions particulières de gravité liées aux circonstances de l’infraction. Il reviendra au juge d’argumenter en ce sens.
M. le rapporteur pour avis. Ce sujet forme le cœur de la loi. La commission des Affaires culturelles et de l’éducation a adopté un amendement qui avait déjà été déposé en 2008, lors de l’examen en première lecture du projet de loi sur le secret des sources : la loi belge, qui a fortement inspiré nos travaux, définit les atteintes de façon plus précise et plus restrictive que celle qui est ici proposée, et l’amendement CL7 ne fait donc plus référence à la répression mais seulement à la prévention. Les deux sous-amendements CL73 et CL74 tendent à modifier l’amendement de Mme la rapporteure pour supprimer cette référence à la répression.
Nous comprenons bien la logique de levée du secret des sources pour la prévention d’une infraction, mais nous trouvons très étonnant que l’on conserve la notion de répression : nous pourrions donc, dans certaines conditions, faire des journalistes des auxiliaires de police ? Cela revient aussi à penser que les journalistes disposent de moyens d’investigation dont la police et la justice ne disposeraient pas : ce serait inquiétant !
M. Sébastien Huyghe. On peut se féliciter des précisions apportées par cet amendement. Mais la suppression des « intérêts fondamentaux de la nation » me semble poser un problème d’importance. Nous voterons donc contre cet amendement.
M. Noël Mamère. Je voudrais appuyer les arguments développés par M. le rapporteur pour avis : conserver cette notion de répression nuira beaucoup à l’image de ce texte aux yeux des journalistes. C’est la question du statut de l’informateur qui est posée.
Mme la rapporteure. Je précise que le titre Ier du livre IV du code pénal comprend certains délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, à condition qu’ils soient punis de dix ans d’emprisonnement.
La Commission rejette successivement les sous-amendements CL73 et CL74.
Puis elle adopte l’amendement CL58.
En conséquence, les amendements CL39 et CL7 tombent.
La Commission adopte ensuite les amendements de conséquence identiques CL57 de Mme la rapporteure et CL26 de la commission des Affaires culturelles.
La Commission est saisie de l’amendement CL56 de Mme la rapporteure, faisant l’objet d’un sous-amendement CL75 de M. Michel Pouzol.
Mme la rapporteure. Le projet de loi institue une immunité pénale des journalistes pour certains délits : cet amendement propose d’élargir cette immunité à la détention d’images ou d’enregistrements sonores ou audiovisuels – le terme « document » retenu par le projet de loi pouvant être interprété comme s’appliquant exclusivement aux documents écrits –, d’autre part de compléter la liste des délits concernés. Enfin, l’amendement substitue au critère initialement retenu pour bénéficier de l’immunité la condition que la diffusion de l’information constitue un « but légitime dans une société démocratique » – formule utilisée par la CEDH.
M. le rapporteur pour avis. Le sous-amendement CL75 précise que les sources protégées peuvent être stockées chez un hébergeur, c’est-à-dire totalement détachées de la personne du journaliste ou de la rédaction.
Mme la rapporteure. Avis défavorable : le projet de loi s’applique d’ores et déjà aux documents qu’il détient juridiquement, qu’elle qu’en soit la forme physique. Si la précision apportée par l’amendement pourrait à première vue sembler intéressante, elle pourrait cependant permettre un raisonnement a contrario excluant la protection du secret des sources aux situations non mentionnées par la loi.
La Commission rejette le sous-amendement CL75.
Puis elle adopte l’amendement CL56.
En conséquence, les amendements CL17, CL29 et CL30 tombent.
La Commission adopte alors l’article 1ermodifié.
Article 2
(Titre XXXIV du livre IV et art. 706-183 à 706-187 [nouveaux] du code de procédure pénale)
Renforcement des règles de procédure pénale encadrant les atteintes
au secret des sources des journalistes
L’article 2 du projet de loi a pour objet de renforcer les règles de procédure pénale encadrant les atteintes au secret des sources des journalistes, en prévoyant des garanties procédurales appropriées pour les prévenir.
Il insère dans le code de procédure pénale, à la fin du livre IV « De quelques procédures particulières », un nouveau titre XXXIV intitulé « Dispositions relatives à la protection du secret des sources des journalistes » comprenant cinq nouveaux articles numérotés 706-183 à 706-187. Par cohérence avec les modifications adoptées à l’article 1er, la Commission a adopté un amendement de votre rapporteure supprimant les termes « des journalistes » dans cet intitulé, afin de mettre davantage en évidence le fait que la protection du secret des sources n’est pas une prérogative de la profession de journaliste, mais une condition de la liberté de la presse (87). Ce nouveau titre XXXIV est, en conséquence, intitulé « Dispositions relatives à la protection du secret des sources ».
L’article 706-183 affirme le caractère exceptionnel des atteintes au secret des sources dans le cadre d’une procédure pénale. L’article 706-184 confère une portée générale au droit des personnes titulaires du droit à la protection du secret des sources entendues par l’autorité judiciaire ou par un service enquêteur de ne pas révéler leurs sources. L’article 706-185 définit les conditions de fond et de forme permettant de déroger au principe de la prohibition des atteintes au secret des sources. L’article 706-186 renforce les garanties entourant les perquisitions dans les locaux des entreprises de presse ou au domicile d’un journaliste. Enfin, l’article 706-187 interdit de transcrire des écoutes téléphoniques et de conserver des documents saisis lors d’une perquisition ou obtenus à la suite d’une réquisition, lorsqu’ils ont pour effet de porter atteinte au secret des sources.
— Affirmation du caractère exceptionnel des atteintes au secret des sources dans le cadre d’une procédure pénale (article 706-183 du code de procédure pénale)
L’article 706-183 introduit les dispositions visant à renforcer l’encadrement procédural des atteintes au secret des sources des journalistes en affirmant, dans son premier alinéa, le principe selon lequel « [i]l ne peut être porté atteinte au secret des sources des journalistes au cours d’une procédure pénale qu’à titre exceptionnel, dans les conditions et selon les modalités prévues par les dispositions du présent titre ». La précision selon laquelle les atteintes au secret des sources des journalistes ne sont possibles, dans le cadre d’une procédure pénale, « qu’à titre exceptionnel », a pour objet de renforcer la force du principe de prohibition de ces atteintes et de mettre en évidence le caractère exceptionnel des dérogations pouvant être apportées au principe.
Le second alinéa de l’article 706-183 renvoie, pour la définition des informations protégées au titre du secret des sources et de la notion de journaliste, à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 tel qu’il est réécrit par l’article 1er (88).
La Commission a, sur l’initiative de votre rapporteure, apporté trois modifications à cet article 706-183. Premièrement, elle a précisé que toutes les atteintes au secret des sources étaient encadrées par ce nouveau titre du code de procédure pénale, qu’elles soient directes ou indirectes. Deuxièmement, elle a supprimé les termes « des journalistes », pour ne viser que les « atteintes au secret des sources ». Troisièmement, elle a précisé le second alinéa pour renvoyer à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 pour la définition des « personnes titulaires du droit à la protection du secret des sources » – et non plus de la « notion de journaliste » –, ainsi que pour celle de la « notion d’atteinte directe ou indirecte au secret des sources ».
— Attribution d’une portée générale au droit des personnes titulaires du droit à la protection du secret des sources de ne pas révéler leurs sources (article 706-184 du code de procédure pénale)
L’article 706-184 donne au droit du journaliste entendu par l’autorité judiciaire ou par un service enquêteur de ne pas révéler ses sources une portée générale : « Tout journaliste entendu, au cours de l’enquête de police judiciaire ou d’une instruction ou devant une juridiction de jugement, en tant que témoin ou personne suspectée ou poursuivie, sur des informations recueillies dans l’exercice de son activité est libre de ne pas en révéler l’origine ». Sur l’initiative de la rapporteure, ce droit a été rendu applicable, au-delà des seuls journalistes, à « toute personne mentionnée au I de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse », c’est-à-dire à toutes les personnes titulaires du droit à la protection du secret des sources.
Certes, aujourd’hui, l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 comporte une disposition générale aux termes de laquelle l’atteinte au secret des sources des journalistes « ne peut en aucun cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources ». Mais cette règle n’est déclinée, dans le code de procédure pénale, que dans les cas où le journaliste est entendu comme témoin par le juge d’instruction, le tribunal correctionnel ou la cour d’assises (articles 109, 326 et 437). En revanche, aucune disposition du code de procédure pénale ne reconnaît le droit pour le journaliste de ne pas révéler ses sources lorsqu’il est entendu comme témoin par un service d’enquête, ni, surtout, lorsqu’il est entendu en étant suspecté d’avoir commis une infraction ou poursuivi pour une infraction.
Donnant corps, dans le code de procédure pénale, à la règle énoncée par le dernier alinéa du II du nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881, selon laquelle une personne titulaire du droit à la protection du secret des sources « ne peut en aucun cas être obligée de révéler ses sources » (89), l’article 706-184 renforce la garantie de l’effectivité du droit de ces personnes de ne pas révéler leurs sources, en prévoyant expressément que ce droit s’applique aussi bien devant l’autorité judiciaire que devant un service enquêteur, et que l’audition ou l’interrogatoire ait lieu avec le statut de témoin ou avec celui de personne suspectée ou poursuivie.
Sur l’initiative de votre rapporteure, la commission des Lois a complété l’article 706-184 par un alinéa prévoyant l’information, avant le début de toute audition ou de tout interrogatoire, de la personne titulaire du droit à la protection du secret des sources de son droit à ne pas révéler ses sources. Cet ajout renforcera l’effectivité du droit, désormais de portée générale, à ne pas révéler ses sources. De la même façon qu’une personne placée en garde à vue se voit notifier ses droits – droits de voir un médecin, de faire prévenir un proche et d’être assistée par un avocat –, les titulaires du droit à la protection du secret des sources devront être systématiquement informés de leur droit de ne pas révéler leurs sources.
— Définition des conditions de fond et de forme requises pour déroger au principe de la prohibition des atteintes au secret des sources dans le cadre d’une procédure pénale (article 706-185 du code de procédure pénale)
L’article 706-185 a pour objet de définir les conditions de fond et de forme requises pour déroger au principe de la prohibition des atteintes directes ou indirectes au secret des sources dans le cadre d’une procédure pénale.
● Les conditions de fond des atteintes au secret des sources
Les conditions de fond pouvant justifier une atteinte au secret des sources dans le cadre d’une procédure pénale sont définies au premier alinéa de cet article.
Dans le texte initial du projet de loi, ces conditions – qui reprenaient celles prévues au nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881 – étaient ainsi rédigées :
« Aucun acte d’enquête ou d’instruction ne peut avoir pour objet de porter atteinte au secret des sources d’un journaliste, au moyen d’investigations portant sur sa personne ou sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec lui, peut détenir des renseignements permettant d’identifier ces sources, sauf s’il est justifié par la prévention ou la répression soit d’un crime soit d’un délit constituant une atteinte grave à la personne ou aux intérêts fondamentaux de la Nation et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but poursuivi. »
Ce premier alinéa prohibait ainsi, par principe, les atteintes au secret des sources d’un journaliste, qu’elles soient directes – lorsqu’elles sont réalisées au moyen d’investigations portant sur la personne même du journaliste – ou indirectes – lorsqu’elles sont réalisées au moyen d’investigations portant sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec lui, peut détenir des renseignements permettant d’identifier ces sources. Les motifs permettant de déroger à cette prohibition étaient la prévention ou la répression d’un crime, d’un délit constituant une atteinte grave à la personne ou d’un délit constituant une atteinte grave aux intérêts fondamentaux de la Nation. La dérogation n’est possible que si elle respecte les principes de nécessité et de proportionnalité au but poursuivi. Ces conditions de fond étant strictement identiques à celles prévues par le nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881 tel qu’il était réécrit par l’article 1er du projet de loi, elles n’appellent pas d’autres commentaires de la part de votre rapporteure que ceux qu’elle a formulés sur cet article 1er (90).
Tout acte d’enquête ou d’instruction ayant pour objet de porter atteinte au secret des sources des journalistes sera soumis à ces conditions, qu’il s’agisse d’une audition, d’une perquisition, d’une réquisition, de la mise en place d’une filature ou encore d’interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications (écoutes téléphoniques ou interception de messages écrits envoyés par téléphonie ou courrier électronique).
Par cohérence avec les modifications qu’elle a votées à l’article 1er du projet de loi, la Commission a adopté une nouvelle rédaction de ce premier alinéa de l’article 706-185 reprenant la définition plus précise et plus stricte des motifs d’atteinte au secret des sources. Ainsi, le texte adopté par la commission des Lois prévoit quatre motifs d’atteinte au secret des sources des journalistes : la prévention ou la répression d’un crime (1°), la prévention d’un délit d’atteinte à la personne humaine puni d’au moins sept ans d’emprisonnement (2°), la prévention d’un délit prévu aux titres Ier et II du livre IV du code pénal puni de dix ans d’emprisonnement (3°) et la répression d’un délit mentionné aux 2° et 3°, sous réserve, dans ce dernier cas, qu’il soit d’une particulière gravité (4°). En outre, il subordonne les atteintes justifiées par la répression d’une infraction à des conditions supplémentaires par rapport à celles exigées pour la prévention d’une infraction, puisque, dans ce cas, l’atteinte au secret des sources ne pourra être autorisée que si elle constitue « l’unique moyen d’obtenir les informations recherchées » (91).
● Les conditions de forme des atteintes au secret des sources
Le dernier alinéa de l’article 706-185 définit, quant à lui, les conditions de forme requises pour porter atteinte au secret des sources :
« À peine de nullité, l’acte doit être préalablement autorisé par ordonnance spécialement motivée au regard des conditions prévues par le présent article prise par le juge des libertés et de la détention saisi, selon les cas, par requête motivée du procureur de la République ou par ordonnance motivée du juge d’instruction. »
Compte tenu de l’importance de la protection du secret des sources des journalistes pour l’exercice effectif de la liberté d’expression, des garanties procédurales particulières sont nécessaires pour prévenir les atteintes injustifiées à ce secret. En effet, la découverte d’une source est toujours préjudiciable à la liberté d’expression, même si elle est ultérieurement sanctionnée par une annulation de procédure, car elle affaiblit la confiance que peuvent avoir toutes les sources potentielles dans la confidentialité de leurs révélations à des journalistes et les dissuade de s’adresser à la presse. Même lorsqu’une recherche de source par la justice ou la police est, a posteriori, déclarée irrégulière, « le mal est fait », pour reprendre des termes employés par plusieurs personnes entendues par votre rapporteure. Or, si la loi du 4 janvier 2010 avait bien subordonné les atteintes au secret des sources des journalistes à des conditions de fond – certes, insuffisamment précises (92) –, elle n’avait, en revanche, prévu aucune garantie procédurale destinée à assurer un contrôle a priori du respect de ces conditions.
Tirant les leçons de cette insuffisance de la loi du 4 janvier 2010, la CNCDH a proposé, dans son avis du 25 avril 2013, de mieux prévenir les violations du secret des sources des journalistes en prévoyant dans la loi que « les actes d’enquête ou d’instruction qui auraient pour objet direct ou indirect (…) la découverte de la source d’information d’un journaliste ne soient possibles qu’après l’autorisation d’un juge indépendant et impartial », qui serait le juge des libertés et de la détention (93).
Le Gouvernement a suivi cette recommandation, en subordonnant tout acte d’enquête ou d’instruction ayant pour objet de porter atteinte au secret des sources d’un journaliste à une autorisation préalable, prise par ordonnance spécialement motivée, du juge des libertés et de la détention, lequel devra avoir été saisi par requête motivée du procureur de la République ou par ordonnance motivée du juge d’instruction.
À l’appui de cette attribution au juge des libertés et de la détention de la compétence pour décider de toute atteinte au secret des sources d’un journaliste, que ce soit dans le cadre d’une enquête de police menée sous l’autorité du ministère public ou d’une information judiciaire menée par un juge d’instruction, le Gouvernement a fait valoir, dans l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, qu’« elle permet[trait] que, dans tous les cas, ce soit à un juge du siège distinct du magistrat (du siège ou du parquet) qui mène les investigations d’apprécier s’il peut être, et s’il doit être, porté atteinte au secret des sources » (94).
Votre rapporteure ajoutera que la double exigence de motivation prévue par le texte du projet de loi – motivation de la saisine du juge des libertés et de la détention, d’une part, et motivation spéciale de sa décision par ce juge, d’autre part – est une garantie supplémentaire dans l’optique de la prévention maximale des atteintes injustifiées au secret des sources des journalistes.
Le texte de l’article 706-185 prévoit que les conditions procédurales auxquelles sont subordonnées les atteintes au secret des sources d’un journaliste sont requises à peine de nullité. La nullité a pour effet de faire disparaître du dossier de la procédure non seulement les résultats des actes d’enquête ou d’instruction irrégulièrement réalisés, mais aussi, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, tous les éléments de preuve dont les actes irréguliers étaient le « support nécessaire ». La nullité assurera une sanction a posteriori des actes de procédure qui auront été accomplis en violation du droit à la protection du secret des sources des journalistes, mais jouera aussi un rôle de prévention des atteintes, en dissuadant les magistrats et les enquêteurs de prendre le risque de fragiliser leurs investigations par des atteintes au secret accomplies en dehors des cas permis par la loi.
Au cours des auditions menées par votre rapporteure, toutes les personnes et organisations entendues, à la seule exception de l’Union syndicale des magistrats (USM), ont approuvé la disposition prévoyant l’intervention du juge des libertés et de la détention, y voyant une avancée importante de nature à prévenir les atteintes injustifiées au secret des sources des journalistes. L’opposition de l’USM à la compétence du juge des libertés et de la détention s’est fondée sur deux arguments principaux. D’une part, dans le cadre de l’instruction, l’atteinte au secret des sources deviendrait le seul acte d’investigation que le juge d’instruction ne saurait accomplir de son propre chef, en devant solliciter une autorisation d’un autre magistrat du siège. D’autre part, cette disposition manifesterait une défiance injustifiée à l’égard de l’ensemble des magistrats – tous gardiens de la liberté individuelle, qu’ils appartiennent au siège ou au parquet – en leur faisant, d’une certaine façon, porter la responsabilité des errements constatés sous l’empire de la loi du 4 janvier 2010 alors qu’ils étaient imputables à l’insuffisante précision des termes de la loi.
Certes, l’attribution au juge des libertés et de la détention de la compétence pour décider d’un acte d’instruction est une innovation. Aujourd’hui, le juge d’instruction peut décider lui-même de procéder à tout acte d’instruction qu’il estime nécessaire, y compris les actes qui peuvent être les plus attentatoires aux libertés individuelles, tels que des perquisitions de nuit dans les cas où elles sont permises par la loi ou des perquisitions dans un cabinet d’avocats ou les locaux d’une entreprise de presse. La seule décision que le juge d’instruction ne peut pas prendre seul est, depuis la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, le placement en détention provisoire. Cependant, le placement en détention provisoire n’est pas un acte d’instruction, mais une mesure de sûreté.
Mais, pour votre rapporteure, l’attribution au juge des libertés et de la détention de la compétence pour décider des atteintes au secret des sources des journalistes ne doit pas être perçue comme un acte de défiance vis-à-vis des décisions pouvant être prises par les magistrats, mais comme la manifestation de l’importance fondamentale accordée par le législateur au secret des sources des journalistes. Tout comme la liberté d’aller et venir et le droit à la sûreté, que la compétence du juge des libertés et de la détention pour décider du placement en détention provisoire protège, la liberté d’expression est une liberté si fondamentale dans une société démocratique que le législateur se doit d’instituer les garanties les plus fortes pour prévenir les atteintes injustifiées qu’elle pourrait subir. Le fait de prévoir un « regard extérieur » pour cette décision d’une particulière gravité pour la liberté d’expression est donc une garantie nécessaire et totalement justifiée par l’objectif de prévention des atteintes irrégulières au secret des sources des journalistes.
En dernier lieu, votre rapporteure indiquera que certaines des personnes qu’elle a entendues ont estimé que la subordination à une autorisation préalable du juge des libertés et de la détention des actes d’enquête ou d’instruction ayant pour objet de porter atteinte au secret des sources des journalistes était insuffisante, et que la loi devrait soumettre à la même exigence les actes ayant pour effet de porter atteinte à ce secret. Pour votre rapporteure, une telle disposition serait sans doute excessive, car elle risquerait de remettre en cause des actes d’enquête qui, de façon incidente ou involontaire, ont mis à jour les sources d’un journaliste. Par exemple, si une perquisition réalisée dans le véhicule personnel d’un journaliste suspecté d’une infraction sans lien avec son activité journalistique, éventuellement en ignorant que cette personne était journaliste, révèle ses sources sur un dossier sur lequel il travaille, cette perquisition n’a, par définition, pas pu être autorisée préalablement. Il serait, dans ces conditions, excessif et injustifié que toute la perquisition puisse être annulée pour cette raison.
— Renforcement des garanties entourant les perquisitions dans les locaux des entreprises de presse ou au domicile d’un journaliste (article 706-186 du code de procédure pénale)
Comme votre rapporteure l’a déjà indiqué précédemment, la loi du 4 janvier 2010 avait renforcé l’encadrement des perquisitions effectuées dans les locaux des entreprises de presse ou au domicile d’un journaliste (95). L’article 706-186 complète cet encadrement pour tenir compte des nouvelles garanties procédurales instituées par le projet de loi en matière de protection du secret des sources des journalistes.
Le premier alinéa de l’article 706-186 rend applicables aux perquisitions effectuées dans les locaux d’une entreprise de presse ou au domicile d’un journaliste les règles prévues par l’article 706-185, lorsque ces perquisitions ont pour objet de porter atteinte au secret des sources d’un journaliste. Alors que l’article 56-2 prévoit que les perquisitions dans les locaux d’une entreprise de presse ou au domicile d’un journaliste doivent être précédées d’une décision écrite et motivée d’un magistrat, qui peut donc être un magistrat du siège ou du parquet selon le cadre d’enquête, le présent alinéa relève le niveau d’exigence procédurale pour les perquisitions ayant pour objet de porter atteinte au secret des sources d’un journaliste, en les subordonnant à « une ordonnance du juge des libertés et de la détention motivée par référence aux dispositions de l’article 706-185 ».
Le second alinéa de l’article 706-186 confie au président de la chambre de l’instruction la compétence attribuée par l’article 56-2 au juge des libertés et de la détention pour se prononcer sur l’opposition formulée à l’encontre de la saisie d’un document ou d’un objet. En effet, les septième à onzième alinéas de l’article 56-2 prévoient un droit d’opposition à la saisie d’un document ou d’un objet, lorsque la personne visée par la perquisition estimerait que cette saisie porte atteinte au secret de ses sources. Dans ce cas, le document est placé sous scellé et la décision d’autoriser sa saisie appartient au juge des libertés et de la détention, qui doit statuer dans un délai de cinq jours par une ordonnance motivée non susceptible de recours. Comme la compétence du juge des libertés et de la détention pour autoriser les actes d’enquête ou d’instruction ayant pour objet de porter atteinte au secret des sources des journalistes, l’objectif de la procédure prévue à l’article 56-2 pour statuer sur l’opposition à la saisie est de permettre un regard extérieur sur le risque d’atteinte injustifiée au secret des sources des journalistes que pourrait comporter la saisie.
Par cohérence avec l’attribution au juge des libertés et de la détention de la compétence pour autoriser les actes d’enquête ou d’instruction ayant pour objet de porter atteinte au secret des sources des journalistes, le second alinéa du nouvel article 706-186 confie à une autre autorité judiciaire que celle qui a autorisé la perquisition, en l’espèce au président de la chambre de l’instruction, la responsabilité de statuer sur l’opposition à la saisie d’un document ou objet.
— Interdiction de transcrire des écoutes téléphoniques et de conserver des documents saisis lors d’une perquisition ou obtenus à la suite d’une réquisition, lorsqu’ils ont pour effet de porter atteinte au secret des sources (article 706-187 du code de procédure pénale)
Dans le texte initial du projet de loi, l’article 706-187 avait pour objet d’interdire la transcription des interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications permettant d’identifier une source. Il dispose : « À peine de nullité, ne peuvent être transcrites, à l’occasion d’une interception de correspondances émises par la voie des télécommunications, les correspondances avec un journaliste permettant d’identifier une source si les conditions prévues par le premier alinéa de l’article 706-185 ne sont pas remplies. »
Il reprenait les dispositions de l’actuel dernier alinéa de l’article 100-5 du code de procédure pénale, relatif aux interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications, qui était ainsi rédigé : « À peine de nullité, ne peuvent être transcrites les correspondances avec un journaliste permettant d’identifier une source en violation de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. » (96)
Comme tous les actes d’enquête ou d’instruction, les interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications – qu’il s’agisse d’écoutes téléphoniques ou de l’interception de messages écrits envoyés par téléphonie ou courrier électronique – ayant pour objet de porter atteinte au secret des sources des journalistes seront soumises, à peine de nullité, à une autorisation préalable et motivée du juge des libertés et de la détention, en application de l’article 706-185 du code de procédure pénale.
Cependant, le nouvel article 706-187 du code de procédure pénale va au-delà de l’encadrement des interceptions de correspondances qui auraient pour objet de porter atteinte au secret des sources des journalistes, déjà assuré par l’application de l’article 706-185. Cet article a pour but d’encadrer la transcription des interceptions de correspondances qui, alors qu’elles n’avaient pas pour objet même de découvrir la source d’un journaliste et n’ont pas fait l’objet d’une autorisation a priori du juge des libertés et de la détention, permettent d’identifier une source. Dans ce cas, l’article 706-187 du code de procédure pénale subordonne cette transcription au respect des conditions de fond prévues au premier alinéa de l’article 706-185. Pour pouvoir être transcrites, ces interceptions devront être justifiées par la prévention ou la répression d’un crime, d’un délit constituant une atteinte grave à la personne ou d’un délit constituant une atteinte grave aux intérêts fondamentaux de la Nation, et respecter les principes de nécessité et de proportionnalité au but poursuivi. En revanche, les conditions de forme prévues au second alinéa de l’article 706-185, c’est-à-dire l’autorisation préalable et motivée du juge des libertés et de la détention, ne seront naturellement pas applicables, dans la mesure où l’objectif initial des interceptions n’était pas de porter atteinte au secret des sources d’un journaliste.
Pour votre rapporteure, cette solution concilie efficacement la protection du secret des sources des journalistes – dont la garantie doit être aussi forte que possible, y compris lorsque la découverte d’une source a lieu de façon incidente – avec le souci de l’efficacité des enquêtes, qui ne devraient pas être fragilisées lorsqu’aucun manquement délibéré aux règles de procédure n’a été commis.
Sur l’initiative de votre rapporteure, la Commission a adopté un amendement réécrivant intégralement l’article 706-187, afin d’inclure dans son champ d’application, non seulement la transcription des écoutes téléphoniques, mais aussi la conservation des documents saisis lors d’une perquisition ou obtenus à la suite d’une réquisition, lorsqu’ils ont pour effet de porter atteinte au secret des sources. Dans le texte adopté par la Commission, l’article 706-187 est ainsi rédigé : « À peine de nullité, lorsqu’ils constituent une atteinte directe ou indirecte au secret des sources, les documents, images ou enregistrements sonores ou audiovisuels saisis au cours d’une perquisition ou obtenus à la suite d’une réquisition ne peuvent être conservés dans le dossier de la procédure, et les correspondances émises par la voie des télécommunications ayant fait l’objet d’une interception ne peuvent être transcrites, que si les conditions prévues par le premier alinéa de l’article 706-185 sont remplies ». Cette modification renforce encore la protection du secret des sources, en excluant la conservation dans un dossier de procédure de toute pièce ayant pour effet de porter atteinte au secret des sources, dès lors que les conditions de fond pouvant justifier une telle atteinte ne sont pas remplies.
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La Commission adopte successivement les amendements de cohérence CL55 et CL46 de Mme la rapporteure.
La Commission adopte également l’amendement de conséquence CL65 de Mme la rapporteure. En conséquence, l’amendement CL18 de la commission des Affaires culturelles tombe.
La Commission adopte ensuite l’amendement de conséquence CL66 de Mme la rapporteure. En conséquence, l’amendement CL8 de la commission des Affaires culturelles tombe.
La Commission adopte l’amendement de conséquence CL67 de Mme la rapporteure. En conséquence, l’amendement CL19 de la commission des Affaires culturelles tombe.
La Commission en vient à l’amendement CL47 de Mme la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement prévoit que son droit à ne pas révéler ses sources est notifié à toute personne concernée avant le début d’une audition ou d’un interrogatoire : c’est la conséquence logique de la consécration du droit absolu pour le journaliste de ne pas révéler ses sources.
La Commission adopte cet amendement.
Elle est saisie de l’amendement de conséquence CL54 de Mme la rapporteure qui fait l’objet des sous-amendements CL71 et CL72 de M. Michel Pouzol.
Suivant l’avis de Mme la rapporteure, la Commission rejette les sous-amendements.
Puis elle adopte l’amendement.
En conséquence, les amendements CL20, CL9, CL10 et CL11, tous de la commission des Affaires culturelles, tombent.
La Commission examine ensuite l’amendement CL40 de M. Sergio Coronado.
M. Noël Mamère. Cet amendement tend à permettre aux journalistes qui s’estiment victimes d’une atteinte au secret de leurs sources de faire appel de la décision du JLD – lorsqu’ils en ont connaissance. Cette dernière précision a été ajoutée à la suite de la discussion en commission des Affaires culturelles.
Mme la rapporteure. Les garanties procédurales prévues par le projet de loi nous paraissent suffisantes. L’ajout d’une possibilité d’appel serait superflu, et surtout inadapté dans le cadre d’une procédure de perquisition qui doit pouvoir être exécutée dans des délais brefs, sous peine d’être totalement inefficace.
La Commission rejette cet amendement.
La Commission adopte alors l’amendement de conséquence CL68 de Mme la rapporteure. En conséquence, l’amendement CL12 de la commission des Affaires culturelles tombe.
Puis elle en vient à l’amendement CL41 de M. Sergio Coronado.
M. Noël Mamère. Dans le même esprit, il s’agit de permettre à un journaliste qui s’estime victime d’atteinte au secret de ses sources de saisir le JLD.
Mme la rapporteure. Avis défavorable : cet amendement est bien trop flou et de toute façon superflu. La sanction de l’atteinte au secret des sources réside dans la possibilité de demander l’annulation de la procédure.
La Commission rejette cet amendement.
La Commission est saisie de l’amendement CL53 de Mme la rapporteure.
Mme la rapporteure. C’est un amendement de cohérence avec la nouvelle rédaction de l’article 2 : il s’agit de protéger le secret des sources d’un journaliste quel que soit le support.
La Commission adopte cet amendement.
En conséquence, l’amendement CL13 de la commission des Affaires culturelles tombe.
La Commission adopte alors l’article 2 modifié.
La Commission est saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 2.
Elle examine d’abord de l’amendement CL43 de Mme Colette Capdevielle.
Mme Colette Capdevielle. La question des perquisitions au bureau ou au domicile d’un détenteur d’une source protégée devrait être traitée avec le même soin que la perquisition dans un cabinet ou au domicile d’un avocat, en tenant compte des particularités de chacune de ces professions. Or le projet de loi ne répond que partiellement à cette préoccupation.
La loi actuelle prévoit une procédure particulière, et notamment que « la personne présente lors de la perquisition en application de l’article 57 du présent code peut s’opposer à la saisie d’un document ou de tout objet si elle estime que cette saisie serait irrégulière. Le document ou l’objet doit alors être placé sous scellé fermé […] ». Ces personnes sont soit l’intéressé, soit la personne qu’il a désignée et à défaut deux « témoins ».
Cet amendement vise à préciser qui peuvent être ces personnes.
Mme la rapporteure. C’est là une excellente idée, et quelque chose que l’on nous a souvent demandé. Toutefois, il n’y a pas d’organisation de la profession et il est dès lors difficile de prévoir dans la loi une représentation par des personnes dont le statut n’existe pas encore. Je propose donc le retrait de cet amendement, afin de le retravailler d’ici à la discussion en séance publique.
M. Noël Mamère. Je soutiens cet amendement. Il n’est pas nécessaire de préciser dans la loi qui assiste à la perquisition : ce peut très bien être une personne déléguée par la rédaction, par exemple, le cas échéant.
Mme la rapporteure. Dans le cas d’une procédure pénale, il est nécessaire que cette personne soit désignée précisément. Différentes solutions sont possibles, mais il n’y a pas aujourd’hui de consensus.
L’amendement CL43 est retiré.
La Commission examine ensuite les amendements identiques CL22 de la commission des Affaires culturelles et CL31 de M. Sergio Coronado.
M. le rapporteur pour avis. L’affaire des « fadettes » du Monde a montré toute l’importance des données de connexion : cet amendement propose donc que leur remise soit assimilée à une interception de correspondance.
M. Noël Mamère. Les données de connexion donnent énormément d’informations : il est donc absolument nécessaire de les protéger.
Mme la rapporteure. En proposant de redéfinir le champ d’application des règles du code de procédure pénale concernant les écoutes téléphoniques, ces amendements vont au-delà du champ du présent projet de loi : il faudrait un travail de concertation avec l’ensemble des acteurs de la procédure pénale.
La Commission rejette ces amendements.
Elle est saisie de l’amendement CL32 de M. Sergio Coronado.
M. Noël Mamère. Cet amendement vise à ajouter les journalistes et entreprises de presse à la liste des personnes faisant l’objet d’une procédure spéciale pour les interceptions de correspondance.
Mme la rapporteure. Cette modification serait redondante avec des dispositions déjà prévues par le projet de loi : l’amendement est satisfait.
La Commission rejette cet amendement.
Article 2 bis (nouveau)
(art. L. 1351-1 du code de la santé publique)
Harmonisation des statuts de lanceur d’alerte
Issu de l’adoption par la commission des Lois d’un amendement de M. Noël Mamère, l’article 2 bis a pour objet d’harmoniser le statut de lanceur d’alerte en matière de santé publique ou d’environnement, issu de la loi n° 2013-316 du 16 avril 2013 relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte, avec celui du lanceur d’alerte qui relate des faits constitutifs d’un crime ou d’un délit, prévu par l’article 35 de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.
La loi du 16 avril 2013 a créé un statut protecteur des personnes qui diffusent une information sur l’existence d’un risque grave pour la santé publique ou pour l’environnement. Afin de protéger la situation professionnelle de ces « lanceurs d’alerte » en matière sanitaire ou environnementale, cette loi a introduit dans le code du travail un article L. 1351-1 qui interdit à un employeur de prendre toute mesure de sanction ou toute mesure discriminatoire à l’encontre d’une personne qui a « relaté ou témoigné, de bonne foi, soit à son employeur, soit aux autorités judiciaires ou administratives de faits relatifs à un risque grave pour la santé publique ou l’environnement dont elle aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ».
La loi du 6 décembre 2013 a, quant à elle, créé dans le code du travail un article L. 1132-3-3 instituant une protection de toute personne qui a « relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont [elle] aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ». Comme l’article L. 1351-1 en matière sanitaire ou environnementale, cet article interdit non seulement toute sanction ou mesure discriminatoire, mais aussi le licenciement, et mentionne parmi les mesures discriminatoires interdites celles susceptibles d’être prises en matière d’intéressement ou de distribution d’actions. Par ailleurs, à la différence de l’article L. 1351-1, l’article L. 1132-3-3 ne définit pas l’autorité à laquelle le signalement ou le témoignage doit être fait pour que joue la protection à laquelle a droit le lanceur d’alerte. Dans le cours de la navette, le Sénat avait entendu limiter le champ d’application de l’article aux témoignages adressés aux autorités judiciaires ou administratives, mais l’Assemblée nationale avait supprimé cette limitation, sur l’initiative du rapporteur du projet de loi, M. Yann Galut, qui avait fait valoir que « les lanceurs d’alerte doivent être protégés y compris s’ils se sont adressés à un média, sous réserve que soit remplie la condition de bonne foi du témoignage » (97). Le salarié qui informe un journaliste de faits constitutifs d’une infraction dont il a connaissance dans l’exercice de ses fonctions bénéficie donc, sans ambiguïté possible, de la protection de l’article L. 1132-3-3 du code du travail.
L’article adopté par la Commission procède à une harmonisation du statut de lanceur d’alerte prévu à l’article L. 1351-1 du code du travail en matière sanitaire ou environnementale sur celui prévu à l’article L. 1132-3-3 du même code en matière d’infraction pénale. Ainsi, alors que l’article L. 1351-1 n’interdit actuellement que les sanctions et les mesures discriminatoires, le 1° de l’article interdit également le licenciement qui serait motivé par le fait qu’un salarié a alerté sur un risque grave pour la santé ou l’environnement. Dans la liste indicative des mesures discriminatoires interdites, le 2° ajoute les mesures d’intéressement et de distribution d’actions. Enfin, le 3° ajoute la possibilité que le témoignage sur le risque sanitaire ou environnemental soit adressé à un « journaliste au sens du I de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 ».
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La Commission est saisie de l’amendement CL33 de M. Sergio Coronado.
M. Noël Mamère. Il ne s’agit pas ici de redéfinir le statut des lanceurs d’alerte, mais de mieux les protéger. Ce n’est pas un cavalier législatif : les lanceurs d’alerte entrent dans le champ de ce projet de loi, de la même façon que Mme la garde des Sceaux a intégré au projet de loi l’extension du droit de visite des lieux de privation de liberté.
Mme la rapporteure. C’est une modification de cohérence avec l’article 35 de la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Avis favorable.
M. Yann Galut. Merci !
La Commission adopte cet amendement.
Article 3
(art. 326, 100-5, 109 et 437 du code de procédure pénale)
Modifications de coordination avec l’instauration d’un droit général
pour les titulaires du droit à la protection du secret des sources
de ne pas révéler leurs sources
Par coordination avec les modifications opérées à l’article 2 du projet de loi, qui crée dans le code de procédure pénale un nouvel article 706-184 qui confère au droit du journaliste et de toute personne titulaire du droit à la protection du secret des sources – collaborateur de la rédaction et directeur de la publication ou de la rédaction – entendu par l’autorité judiciaire ou par un service enquêteur de ne pas révéler ses sources une portée générale (98), l’article 3 supprime les dispositions qui prévoyaient le droit pour le journaliste entendu comme témoin par le juge d’instruction, le tribunal correctionnel ou la cour d’assises de ne pas révéler ses sources.
Le I de l’article modifie l’article 326 du code de procédure pénale, relatif à l’obligation pour le témoin cité à comparaître devant la cour d’assises de se présenter et de témoigner après avoir prêté serment. Le deuxième alinéa de cet article dispose que « [l]’obligation de déposer s’applique sous réserve des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal et de la faculté, pour tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l’exercice de son activité, de ne pas en révéler l’origine ». La fin de cet alinéa, qui prévoit la faculté pour le journaliste entendu comme témoin de ne pas révéler l’origine des informations recueillies dans l’exercice de son activité, est supprimée.
Le II abroge le deuxième alinéa de l’article 109 et le deuxième alinéa de l’article 437, qui prévoient dans des termes similaires le droit pour le journaliste entendu comme témoin, respectivement par le juge d’instruction et le tribunal correctionnel, de ne pas révéler l’origine des informations recueillies dans l’exercice de son activité.
Le II abroge également le dernier alinéa de l’article 100-5 du code de procédure pénale qui prohibait la transcription des interceptions de communications commises en violation de la protection du secret des sources des journalistes, dont le contenu est repris par le nouvel article 706-187 du même code (99).
La Commission adopte l’article 3 sans modification.
Article 4
(art. 226-4, 226-15, 432-8 et 432-9 du code pénal)
Aggravation des délits de violation de domicile et de violation
du secret des correspondance et d'intrusion dans un fichier informatique
en cas d’intention de porter atteinte au secret des sources
L’article 4 a pour objet d’assurer la sanction pénale des atteintes au secret des sources qui seraient réalisées en dehors du cadre légal, en prévoyant une aggravation des délits de violation de domicile, de violation du secret des correspondances et d'intrusion dans un fichier informatique en cas d’intention de porter atteinte à ce secret.
Dans le texte initial du projet de loi, deux délits étaient concernés par l’instauration de la nouvelle circonstance aggravante d’intention de porter atteinte au secret des sources des journalistes : le délit de violation de domicile réprimé par l’article 226-4 du code pénal (1° de l’article), d’une part, et le délit de violation du secret des correspondances réprimé par l’article 226-15 du même code (2°), d’autre part. Ces deux délits font l’objet d’une aggravation lorsqu’ils sont commis par une personne dépositaire de l’autorité publique (articles 432-8 et 432-9 du code pénal) : l’article 4 du projet de loi aggrave également les peines encourues pour ces deux délits en cas d’intention de porter atteinte au secret des sources (3° et 4°).
Dans tous les cas, l’aggravation porte exclusivement sur les peines d’amende encourues, mais pas sur les peines d’emprisonnement. Lorsque la peine d’amende encourue est de 15 000 euros, le projet de loi la porte à 30 000 euros en cas de circonstance aggravante d’intention de porter atteinte au secret des sources : c’est le cas pour le délit de violation de domicile commis par un particulier (1°). Lorsque la peine d’amende encourue est de 30 000 euros (cas du délit de violation du secret des correspondances commis par un particulier, 2°) ou de 45 000 euros (cas des deux délits aggravés par la qualité de l’auteur de l’infraction, 3° et 4°), elle est portée à 75 000 euros si le délit a été commis dans l’intention de porter atteinte au secret des sources d’un journaliste.
Dans l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, le Gouvernement a justifié le fait de créer des circonstances aggravantes à des délits existants, plutôt que d’instituer un délit autonome d’atteinte au secret des sources des journalistes, par le fait « qu’il n’existe aucun précédent dans lequel le simple non-respect d’une règle de procédure pénale constitue en lui-même et à lui seul un délit » et que les délits susceptibles d’être reprochés aux autorités policières ou judiciaires – tels que la détention arbitraire ou l’atteinte au secret des correspondances – sont « des délits susceptibles d’être reprochés à n’importe quelle personne », même si leurs peines sont généralement aggravées par la qualité de l’auteur. Le Gouvernement a estimé que la solution retenue permettait de « concilier la nécessité de montrer la gravité qui résulte d’une atteinte par les autorités publiques aux secrets des sources avec la volonté de ne pas procéder à une inflation pénale » (100).
La solution consistant à prévoir des circonstances aggravantes plutôt qu’un délit autonome avait été recommandée par la CNCDH dans son avis du 25 avril 2013. Celle-ci, après avoir rappelé qu’elle avait, dans plusieurs de ses avis, « demandé une désescalade dans l’échelle des peines », avait considéré que « l’absence de nouvelle incrimination s’inscrirait dans cette tendance » (101).
La solution retenue par le projet de loi a été majoritairement approuvée par les personnes entendues par votre rapporteure, même si certaines ont fait valoir qu’elles auraient estimé préférable d’instaurer un délit autonome. À l’appui de cette solution, elles ont indiqué que la création de circonstances aggravantes à des délits existants créait un risque d’omission de certains comportements répréhensibles susceptibles d’être mis en œuvre pour découvrir les sources d’un journaliste, tels que le délit d’intrusion dans un fichier informatique réprimé par l’article 323-1 du code pénal (102), pour lequel la CNCDH avait préconisé l’application de la circonstance aggravante (103). Certaines personnes ont également souligné que la recherche des sources d’un journaliste peut s’effectuer par des moyens qui ne constituent pas des délits, tels qu’une surveillance visuelle ou une filature, pour lesquels il n’est donc pas possible de créer de circonstances aggravantes.
La Commission a approuvé la solution consistant à ne pas créer de nouveaux délits, mais à prévoir une circonstance aggravante en cas d’intention de porter atteinte au secret des sources. Elle a apporté, sur l’initiative de votre rapporteure, une modification rédactionnelle à la définition de cette circonstance aggravante destinée à conforter le respect par cette disposition nouvelle du principe de la légalité des délits et des peines. Ainsi, la circonstance aggravante sera définie comme « l’intention de porter une atteinte directe ou indirecte au secret des sources prévue aux I et II de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ». En outre, suivant la proposition de la CNCDH, elle a adopté un amendement de votre rapporteure rendant la nouvelle circonstance aggravante au délit d’intrusion dans un fichier informatique prévu par l’article 323-1 du code pénal.
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L’amendement CL21 est retiré.
La Commission adopte alors l’amendement de conséquence CL51 de Mme la rapporteure.
Elle en vient ensuite à l’amendement CL52 de Mme la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement étend la circonstance aggravante de violation du secret des sources au délit d’intrusion dans un fichier informatique prévu par l’article 323-1 du code pénal.
La Commission adopte cet amendement.
Puis la Commission adopte l’article 4 modifié.
Article 5
(art. 719 du code de procédure pénale)
Possibilité pour les parlementaires visitant certains lieux privatifs de liberté
d’être accompagnés par un ou plusieurs journalistes
L’article 5 du projet de loi a pour objet de permettre aux parlementaires visitant certains lieux privatifs de liberté d’être accompagnés par un ou plusieurs journalistes. Dans le texte initial du projet de loi, cette possibilité était limitée aux établissements pénitentiaires. La Commission a étendu cette possibilité aux centres éducatifs fermés, aux centres de rétention et aux zones d’attente.
L’étude d’impact accompagnant le projet de loi souligne que « cet objectif est sans rapport avec la question spécifique de la protection du secret des sources des journalistes », ce qui a été relevé par la majorité des personnes entendues par votre rapporteure. Néanmoins, le présent projet de loi, qui traite des conditions d’exercice de la profession de journaliste, est apparu comme un vecteur approprié pour porter cette modification destinée à « prendre en compte des demandes récurrentes de nombreux parlementaires » et justifiée par « le souci d’une ouverture de la prison, en tant qu’institution républicaine » (104).
Depuis la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, les députés et les sénateurs ont le droit de visiter sont autorisés à visiter à tout moment les locaux de garde à vue, les centres de rétention, les zones d’attente et les établissements pénitentiaires, en application de l’article 719 du code de procédure pénale (105). La loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire a étendu ce droit aux députés européens. Comme le souligne l’étude d’impact précitée, cette disposition confère aux parlementaires « une mission générale de contrôle de ces lieux », en leur permettant de les visiter « à tout moment y compris de manière inopinée et sans avoir à recueillir au préalable l’autorisation du chef d’établissement » (106).
Depuis quelques années, et en particulier depuis les travaux en 2000 de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la situation dans les prisons françaises (107), la prison s’est largement ouverte aux visites de personnes qui n’y travaillent pas quotidiennement. Les interventions du Médiateur de la République puis du Défenseur des droits, ainsi que la création du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, ont permis d’améliorer le contrôle des lieux privatifs de liberté. Cependant, elle demeure un lieu encore mal connu de la majorité de nos concitoyens et fait l’objet de beaucoup de préjugés éloignés de la réalité
– préjugés pouvant aller de la croyance dans la totale insalubrité de tout le parc pénitentiaire à l’illusion de la « prison quatre étoiles ».
Actuellement, les journalistes peuvent, sur autorisation préalable, réaliser des reportages en prison, dans des conditions définies par des dispositions réglementaires du code de procédure pénale (108). Cependant, cette exigence d’une autorisation préalable et le fait que l’administration pénitentiaire a le choix des lieux qu’elle montre aux journalistes ne sont pas satisfaisants pour la liberté de l’information. Si, évidemment, des règles de sécurité doivent encadrer les visites des journalistes dans les établissements pénitentiaires, afin de ne pas permettre la révélation d’informations qui pourraient nuire à la sécurité des établissements et à la sécurité publique, les reportages des journalistes dans les établissements pénitentiaires doivent pouvoir s’effectuer dans des conditions leur permettant, sur ce sujet d’intérêt général, d’informer librement les citoyens sur la réalité des conditions de détention dans notre pays.
C’est la raison pour laquelle l’article 5 du projet de loi complète l’article 719 du code de procédure pénale par un alinéa prévoyant que « [l]orsqu’ils visitent un établissement pénitentiaire, [les parlementaires] peuvent être accompagnés par un ou plusieurs journalistes, titulaires de la carte d’identité professionnelle mentionnée à l’article L. 7111-6 du code du travail et habilités dans des conditions fixées par décret ».
Lors des auditions menées par votre rapporteure, certaines personnes ont souhaité que ce droit nouveau pour les journalistes ne soit pas limité aux seuls établissements pénitentiaires, mais applicable à tous les lieux que les parlementaires sont autorisés par la loi à visiter : locaux de garde à vue, centres de rétention, zones d’attente, établissements pénitentiaires et, depuis la loi n° 2013-869 du 27 septembre 2013 (109), les lieux d’hospitalisation psychiatrique sans consentement.
La Commission a adopté plusieurs amendements ayant pour objet d’étendre le champ d’application de ce droit des parlementaires à être accompagnés par un ou plusieurs journalistes, mais aussi d’étendre le droit de visite des parlementaires.
Tout d’abord, la Commission a adopté un amendement de Mme Colette Capdevielle étendant le droit de visite des parlementaires aux centres éducatifs fermés. En effet, le droit de visite de ces centres par les parlementaires est aujourd’hui limité par l’article 35 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante aux centres de leur département. Le 1° du I de l’article 5 adopté par la Commission complète le premier alinéa de l’article 719 du code de procédure pénale pour permettre aux parlementaires de visiter tous les centres éducatifs fermés.
Ensuite, la Commission a, sur l’initiative de votre rapporteure, déplacé du code de procédure pénale vers le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) le droit de visite des parlementaires dans les centres de rétention et les zones d’attente, en créant un nouvel article L. 111-9-1 inséré dans les dispositions générales de ce code (II de l’article 5). En effet, les dispositions du code de procédure pénale ne s’appliquent plus que rarement aux étrangers en situation irrégulière, qui pour beaucoup ne sont pas sous le coup d’une infraction pénale. Il est donc plus cohérent de faire figurer ces dispositions dans le CESEDA, car c’est le code que connaissent et consultent spontanément les intervenants présents dans les lieux de rétention. En second lieu, le nouvel article L. 111-9-1 étend le droit de visite des parlementaires aux locaux de rétention administrative (110), qui ne sont pas mentionnés dans le champ de l’article 719 aujourd’hui, et aux locaux de retenue des étrangers prévus à l’article L. 611-1-1 du CESEDA depuis la loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour. Cette extension est justifiée par la nécessité de permettre aux parlementaires d’assumer pleinement leur mission générale de contrôle des lieux privatifs de liberté.
Enfin, la Commission a, sur l’initiative de votre rapporteure, rendu le droit pour les journalistes d’accompagner les parlementaires applicable non seulement aux établissements pénitentiaires, mais encore aux centres éducatifs fermés, aux centres de rétention et aux zones d’attente (2° du I et II).
En revanche, votre rapporteure n’a pas proposé à la Commission d’étendre ce droit d’accompagnement des journalistes aux locaux de garde à vue, aux locaux de rétention administrative et aux locaux de retenue des étrangers. En effet, ces locaux situés dans les services de police et les unités de gendarmerie sont avant tout des lieux d’enquête, dans lesquels la présence impromptue de journalistes pourrait poser des difficultés importantes en termes de sécurité et de respect du secret de l’enquête. Votre rapporteure n’a pas davantage proposé d’étendre ce droit d’accompagnement aux lieux d’hospitalisation psychiatrique sans consentement, car il s’agit avant tout de lieux de soins n’accueillant pas uniquement des patients hospitalisés sous contrainte, mais aussi des patients ne faisant l’objet d’aucune mesure de contrainte. S’il est souhaitable que les parlementaires puissent exercer un contrôle de ces lieux, comme le permet désormais la loi n° 2013-869 du 27 septembre 2013 précitée, et s’il est également nécessaire que des journalistes puissent être autorisés à y accéder pour y réaliser des reportages permettant d’informer les citoyens, il n’apparaît, en revanche, pas opportun que les visites inopinées des parlementaires puissent se dérouler en présence de journalistes.
Pour pouvoir accompagner un parlementaire dans un de ces lieux privatifs de liberté, les journalistes devront être titulaires de la carte de presse, condition prévue pour disposer d’une garantie de la réalité de leur activité journalistique. La définition des journalistes qui, en application de l’article 5 du projet de loi, pourront accompagner les parlementaires lors de leurs visites d’établissements pénitentiaires, est donc plus restrictive que celle retenue par l’article 1er pour l’application des règles relatives à la protection du secret des sources.
Le texte initial du projet de loi prévoyait que les journalistes devraient être habilités dans des conditions prévues par décret. Pour votre rapporteure, la mention d’une habilitation des journalistes pouvant accompagner les parlementaires dans leurs visites de lieux privatifs de liberté n’était pas nécessaire, car la détention de la carte de presse est une garantie suffisante de la nature journalistique et du sérieux de l’activité de la personne. Pour cette raison, la Commission a, sur l’initiative de votre rapporteure, supprimé l’exigence d’une habilitation des journalistes.
En revanche, le texte adopté par la Commission a prévu que les conditions de l’accompagnement devront être prévues par décret. En particulier, le projet de loi prévoyant que le parlementaire pourra être accompagné par « un ou plusieurs journalistes », le décret devra fixer le nombre maximal de journalistes pouvant participer à la visite.
Par ailleurs, certaines des personnes entendues se sont inquiétées des règles qui seraient appliquées s’agissant de l’utilisation, par les photographes et les journalistes de radio ou de télévision, de leurs matériels. Elles ont fait part de leur crainte de ne pas pouvoir utiliser librement leurs outils de travail et, par conséquent, de ne pas pouvoir informer le public comme elles estiment devoir le faire.
Sur l’initiative de M. Noël Mamère, la Commission a complété l’article 719 du code de procédure pénale par une phrase prévoyant que les journalistes « ont le droit de filmer, d’enregistrer et de photographier à l’intérieur de l’établissement ». Insérée dans l’article 719 du code de procédure pénale, cette précision sera applicable aux visites dans les établissements pénitentiaires et les centres éducatifs fermés. En revanche, le droit de visite des parlementaires dans les centres de rétention et les zones d’attente ayant été déplacé du code de procédure pénale vers le CESEDA, la précision apportée par l’amendement n’y sera pas applicable.
Pour votre rapporteure, le décret encadrant les visites des journalistes accompagnant des parlementaires devra également définir les conditions d’application du droit à filmer, enregistrer et photographier, en conciliant la liberté d’informer avec le respect du droit à l’image des personnels et des personnes privées de liberté, d’une part, et avec la nécessité de préserver la sécurité des lieux visités, d’autre part. Cependant, la préservation de la sécurité ne devrait permettre d’apporter à la liberté des journalistes de photographier, filmer et enregistrer au sein des établissements visités que des restrictions strictement proportionnées et nécessaires.
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* *
La Commission examine d’abord l’amendement CL42 de Mme Capdevielle, faisant l’objet d’un sous-amendement CL69 de Mme la rapporteure.
Mme Colette Capdevielle. Cet amendement tend à étendre le droit de visite des lieux de privation de liberté déjà reconnu aux parlementaires : ceux-ci pourraient désormais visiter également les centres éducatifs fermés.
Mme la rapporteure. Avis favorable, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement, qui vise – en lien avec l’amendement CL70 – à inscrire dans le CESEDA (code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) plutôt que dans le code de procédure pénale la possibilité pour les parlementaires de visiter les centres de rétention et les zones d’attente.
La Commission adopte le sous-amendement CL69.
Puis elle adopte l’amendement CL42 ainsi sous-amendé.
La Commission examine alors, en discussion commune, les amendements CL34 de M. Sergio Coronado, CL50 de Mme la rapporteure, et les amendements identiques CL24 de la commission des Affaires culturelles et CL35 de M. Sergio Coronado.
M. Noël Mamère. Cet amendement vise à permettre aux journalistes d’accompagner les parlementaires dans les centres de rétention et les zones d’attente mais également dans les locaux de garde à vue. Le citoyen doit pouvoir savoir ce qui se passe dans ces lieux de privation de liberté ; les parlementaires et les journalistes doivent les en informer. Bien sûr, nous n’ignorons pas les obstacles qu’il a fallu vaincre pour imposer que les avocats puissent accéder à ces locaux dès la première heure de garde à vue…
Mme la rapporteure. J’approuve l’extension de ce droit aux centres de rétention, aux zones d’attente et aux centres éducatifs fermés, mais je désapprouve son extension aux locaux de garde à vue, lieux d’enquête où la présence impromptue de journalistes pourrait poser des problèmes de sécurité et de respect du secret de l’enquête. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.
L’amendement CL34 est retiré.
La Commission adopte l’amendement CL50.
En conséquence, les amendements CL24 et CL35 tombent.
La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CL49 de Mme la rapporteure et l’amendement CL44 de Mme Colette Capdevielle.
Mme la rapporteure. Il s’agit de supprimer la mention d’une habilitation des journalistes.
L’amendement est adopté.
En conséquence, l’amendement CL44 tombe.
La Commission est saisie de l’amendement CL36 de M. Sergio Coronado.
M. Noël Mamère. Il s’agit de permettre aux journalistes de faire leur travail, c’est-à-dire de filmer et d’enregistrer – sous certaines conditions bien sûr : ils ne peuvent être simplement des figurants, accompagnateurs de parlementaires.
Mme la rapporteure. Avis favorable : le décret qui définira les conditions dans lesquelles se déroule la visite des journalistes accompagnant les parlementaires devra préciser les conditions dans lesquels il sera possible de filmer ou d’enregistrer.
M. Sébastien Huyghe. Nous voterons contre cet amendement.
La Commission adopte cet amendement.
Suivant l’avis défavorable de Mme la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL37 de M. Sergio Coronado.
La Commission adopte l’amendement de cohérence CL70 de Mme la rapporteure.
Puis elle adopte l’article 5 modifié.
Article 6
Application territoriale de la loi
L’article 6 a pour objet de définir les conditions d’application territoriale de la loi qui sera issue du présent projet de loi. Il prévoit que la loi s’appliquera sur l’ensemble du territoire de la République.
La Commission adopte l’article 6 sans modification.
La Commission adopte l’amendement de conséquence CL48 de Mme la rapporteure.
M. Sébastien Huyghe. Ce texte comporte des avancées, mais il suscite aussi des interrogations : nous nous abstiendrons.
La Commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.
*
* *
En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi renforçant la protection du secret des sources des journalistes (n° 1127), dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.
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Dispositions en vigueur ___ |
Texte du projet de loi ___ |
Texte adopté par la Commission ___ |
Projet de loi renforçant la protection du secret des sources des journalistes |
Projet de loi renforçant la protection du secret des sources amendement CL48 | |
Article 1er |
Article 1er | |
Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse |
L’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est remplacé par les dispositions suivantes : |
(Alinéa sans modification) |
Art. 2. – Le secret des sources des journalistes est protégé dans l'exercice de leur mission d'information du public. |
« Art. 2. – I. – Afin de garantir l’exercice de leur mission d’information du public dans une société démocratique, le secret des sources des journalistes est protégé et il ne peut y être porté atteinte que dans les conditions prévues par la loi. |
« Art. 2. – I. – Afin de garantir l’information du public dans une société démocratique, le secret des sources est protégé … amendement CL63 |
Est considérée comme journaliste au sens du premier alinéa toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d'informations et leur diffusion au public. |
« Est considéré comme journaliste pour l’application du présent article : |
A droit à la protection du secret des sources : amendement CL64 |
« 1° Toute personne qui, dans l’exercice de sa profession pour le compte d’une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou d’une ou plusieurs agences de presse, pratique le recueil d’informations et leur diffusion au public ; |
« 1° Toute personne qui, dans l’exercice de sa profession de journaliste pour le compte d’une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou d'édition, d’une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques ou d’une ou … amendements identiques CL64 et CL1 | |
« 1° bis Toute personne qui exerce des fonctions de direction de la publication ou de la rédaction pour le compte de l’une des entreprises, publications ou agences mentionnées au 1° ; » amendement CL61 | ||
« 2° Le collaborateur de la rédaction, soit toute personne qui, dans l’exercice de sa profession comme salariée dans une des entreprises mentionnées au 1°, est amenée, par sa fonction au sein de la rédaction, à prendre connaissance d’informations permettant d’identifier une source et ce, à travers la collecte, le traitement éditorial, la production ou la diffusion de ces mêmes informations. |
« 2° Le collaborateur de la rédaction, soit toute personne qui, par sa fonction au sein de la rédaction dans une des entreprises, publications ou agences mentionnées au 1°, est amenée à prendre connaissance d’informations permettant de découvrir une source … amendements CL60 et CL4 | |
Il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi. Cette atteinte ne peut en aucun cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources. |
||
Est considéré comme une atteinte indirecte au secret des sources au sens du troisième alinéa le fait de chercher à découvrir les sources d'un journaliste au moyen d'investigations portant sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec un journaliste, peut détenir des renseignements permettant d'identifier ces sources. |
« II. – Constitue une atteinte au secret des sources d’un journaliste le fait de chercher à découvrir ses sources au moyen d’investigations portant sur sa personne ou sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec lui, peut détenir des renseignements permettant d’identifier ces sources. |
« II. – Constitue une atteinte directe au secret des sources le fait de chercher à découvrir une source au moyen d’investigations portant sur une des personnes mentionnées au I. Constitue une atteinte indirecte au secret des sources le fait de chercher à découvrir une source au moyen d’investigations portant sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec une des personnes mentionnées au I, peut détenir des renseignements permettant de découvrir cette source. » amendement CL59 |
« Il ne peut être porté atteinte au secret des sources que si cette atteinte est justifiée par la prévention ou la répression soit d’un crime soit d’un délit constituant une atteinte grave à la personne ou aux intérêts fondamentaux de la Nation et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi. |
« Il ne peut être porté directement ou indirectement atteinte au secret des sources que si cette atteinte est justifiée : | |
« 1° Par la prévention ou la répression d’un crime ; | ||
« 2° Par la prévention d’un délit d’atteinte à la personne humaine puni d’au moins sept ans d’emprisonnement ; | ||
« 3° Par la prévention d’un délit prévu aux titres Ier et II du livre IV du code pénal puni de dix ans d’emprisonnement ; | ||
« 4° Par la répression d’un délit mentionné aux 2° et 3°, lorsque celui-ci est d’une particulière gravité en raison des circonstances de sa commission, de la vulnérabilité de la ou des victimes ou de la qualité de l’auteur du délit, lorsque l’atteinte est justifiée par la nécessité de faire cesser le délit ou lorsqu’il existe un risque particulièrement élevé de renouvellement de celui-ci. | ||
« Les mesures portant atteinte au secret des sources envisagées doivent être strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi. Dans le cas où l’atteinte au secret des sources est justifiée par la répression d’un crime ou d’un délit, les mesures envisagées ne peuvent être autorisées que si elles constituent l’unique moyen d’obtenir les informations recherchées. » amendement CL58 | ||
« Toutefois, un journaliste ne peut en aucun cas être obligé de révéler ses sources. |
« Toutefois, une personne mentionnée au I ne peut en aucun cas être obligée de révéler ses sources. amendements identiques | |
« III. – Il ne peut être porté atteinte au secret des sources au cours d’une enquête de police judiciaire ou d’une instruction que sur décision d’un juge, dans les conditions et selon les modalités prévues par les articles 706-183 à 706-187 du code de procédure pénale. |
« III. – (Sans modification) | |
« IV. – La détention par un journaliste de documents provenant du délit de violation du secret professionnel ou du secret de l’enquête ou de l’instruction ou du délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée ne peut constituer le délit de recel prévu par l’article 321-1 du code pénal lorsque ces documents contiennent des informations dont la diffusion au public constitue un but légitime en raison de leur intérêt général. » |
« IV. – La détention par une personne mentionnée au I de documents, d’images ou d’enregistrements sonores ou audiovisuels, quel qu'en soit le support, provenant du délit de violation du secret professionnel ou du secret de l’enquête ou de l’instruction ou du délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée ne peut constituer le délit de recel prévu par l’article 321-1 du code pénal ou le délit prévu par l’article 226-2 du même code, lorsque ces documents, images ou enregistrements sonores ou audiovisuels contiennent des informations dont la diffusion au public constitue un but légitime dans une société démocratique. » amendement CL56 | |
Article 2 |
Article 2 | |
Après l’article 706-182 du code de procédure pénale, il est inséré un titre XXXIV ainsi rédigé : |
(Alinéa sans modification) | |
« Titre XXXIV |
(Alinéa sans modification) | |
« Dispositions relatives à la protection du secret des sources des journalistes |
… des sources amendement CL55 | |
« Art. 706-183. – Il ne peut être porté atteinte au secret des sources des journalistes au cours d’une procédure pénale qu’à titre exceptionnel, dans les conditions et selon les modalités prévues par les dispositions du présent titre. |
« Art. 706-183. – Il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources au cours … amendements CL46 et CL65 | |
« Pour l’application de ces dispositions, les informations protégées au titre du secret des sources et la notion de journaliste sont celles définies par l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. |
… des sources, les personnes titulaires du droit à la protection du secret des sources et la notion d'atteinte directe ou indirecte au secret des sources sont celles … amendement CL66 | |
« Art. 706-184. – Tout journaliste entendu, au cours de l’enquête de police judiciaire ou d’une instruction ou devant une juridiction de jugement, en tant que témoin ou personne suspectée ou poursuivie, sur des informations recueillies dans l’exercice de son activité est libre de ne pas en révéler l’origine. |
« Art. 706-184. – Toute personne mentionnée au I de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, lorsqu'elle est entendue, au cours … amendement CL67 | |
« Avant le début de toute audition ou de tout interrogatoire, elle est informée de son droit à ne pas révéler ses sources. » amendement CL47 | ||
« Art. 706-185. – Aucun acte d’enquête ou d’instruction ne peut avoir pour objet de porter atteinte au secret des sources d’un journaliste, au moyen d’investigations portant sur sa personne ou sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec lui, peut détenir des renseignements permettant d’identifier ces sources, sauf s’il est justifié par la prévention ou la répression soit d’un crime soit d’un délit constituant une atteinte grave à la personne ou aux intérêts fondamentaux de la Nation et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but poursuivi. |
« Art. 706-185. – Aucun acte d’enquête ou d’instruction ne peut avoir pour objet de porter directement ou indirectement atteinte au secret des sources, sauf s’il est justifié : | |
« 1° Par la prévention ou la répression d’un crime ; | ||
« 2° Par la prévention d’un délit d’atteinte à la personne humaine puni d’au moins sept ans d’emprisonnement ; | ||
« 3° Par la prévention d’un délit prévu aux titres Ier et II du livre IV du code pénal puni de dix ans d’emprisonnement ; | ||
« 4° Par la répression d’un délit mentionné aux 2° et 3°, lorsque celui-ci est d’une particulière gravité en raison des circonstances de sa commission, de la vulnérabilité de la ou des victimes ou de la qualité de l’auteur du délit, lorsque l’atteinte est justifiée par la nécessité de faire cesser le délit ou lorsqu’il existe un risque particulièrement élevé de renouvellement de celui-ci. | ||
« Les mesures portant atteinte au secret des sources envisagées doivent être strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi. Dans le cas où l’atteinte au secret des sources est justifiée par la répression d’un crime ou d’un délit, les mesures envisagées ne peuvent être autorisées que si elles constituent l’unique moyen d’obtenir les informations recherchées. » amendement CL54 | ||
« À peine de nullité, l’acte doit être préalablement autorisé par ordonnance spécialement motivée au regard des conditions prévues par le présent article prise par le juge des libertés et de la détention saisi, selon les cas, par requête motivée du procureur de la République ou par ordonnance motivée du juge d’instruction. |
(Alinéa sans modification) | |
Code de procédure pénale Art. 56-2. – Cf annexe |
« Art. 706-186. – Lorsqu’elles ont pour objet de porter atteinte au secret des sources d’un journaliste, les perquisitions prévues à l’article 56-2 doivent être préalablement autorisées par une ordonnance du juge des libertés et de la détention motivée par référence aux dispositions de l’article 706-185. |
« Art. 706-186. – Lorsqu’elles ont pour objet de porter atteinte au secret des sources, les perquisitions … amendement CL68 |
« En cas d’opposition à la saisie conformément aux dispositions du septième alinéa de l’article 56-2, les attributions confiées au juge des libertés et de la détention en application de cet alinéa et des alinéas huit à onze sont exercées par le président de la chambre de l’instruction. » |
(Alinéa sans modification) | |
« Art. 706-187. – À peine de nullité, ne peuvent être transcrites, à l’occasion d’une interception de correspondances émises par la voie des télécommunications, les correspondances avec un journaliste permettant d’identifier une source si les conditions prévues par le premier alinéa de l’article 706-185 ne sont pas remplies. » |
« Art. 706-187. – À peine de nullité, lorsqu'ils constituent une atteinte directe ou indirecte au secret des sources, les documents, images ou enregistrements sonores ou audiovisuels saisis au cours d’une perquisition ou obtenus à la suite d'une réquisition ne peuvent être conservés dans le dossier de la procédure, et les correspondances émises par la voie des télécommunications ayant fait l'objet d'une interception ne peuvent être transcrites, que si les conditions prévues par le premier alinéa de l’article 706-185 sont remplies. » amendement CL53 | |
Article 2 bis (nouveau) | ||
Code de la santé publique |
L’article L. 1351-1 du code de la santé publique est ainsi modifié : | |
Art. L. 1351-1. – Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, ni être sanctionnée ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de traitement, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, soit à son employeur, soit aux autorités judiciaires ou administratives de faits relatifs à un risque grave pour la santé publique ou l'environnement dont elle aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions. |
1° Au premier alinéa, après le mot « sanctionnée », est inséré le mot : « , licenciée » ; | |
2° Après le mot : « traitement », sont insérés les mots : « , de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions » ; | ||
3° Après le mot : « employeur », sont insérés les mots : « , soit à un journaliste, au sens du I de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ». amendement CL33 | ||
Toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit. |
||
En cas de litige relatif à l'application des deux premiers alinéas, dès lors que la personne établit des faits qui permettent de présumer qu'elle a relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits relatifs à un danger pour la santé publique ou l'environnement, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. |
||
Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse Art. 2. – Cf. supra art. 1er |
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Code de procédure pénale |
Article 3 |
Article 3 |
Art. 326. – Lorsqu'un témoin cité ne comparaît pas, la cour peut, sur réquisitions du ministère public ou même d'office, ordonner que ce témoin soit immédiatement amené par la force publique devant la cour pour y être entendu, ou renvoyer l'affaire à la prochaine session. |
(Sans modification) | |
Dans tous les cas, le témoin qui ne comparaît pas ou qui refuse soit de prêter serment, soit de faire sa déposition peut, sur réquisitions du ministère public, être condamné par la cour à une amende de 3 750 euros. L'obligation de déposer s'applique sous réserve des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal et de la faculté, pour tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité, de ne pas en révéler l'origine. |
I. – Au deuxième alinéa de l’article 326 du code de procédure pénale, les mots de la dernière phrase après le mot : « pénal » sont supprimés. |
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Art.100-5. – Le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire commis par lui transcrit la correspondance utile à la manifestation de la vérité. Il en est dressé procès-verbal. Cette transcription est versée au dossier. |
||
Les correspondances en langue étrangère sont transcrites en français avec l'assistance d'un interprète requis à cette fin. |
||
A peine de nullité, ne peuvent être transcrites les correspondances avec un avocat relevant de l'exercice des droits de la défense. |
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A peine de nullité, ne peuvent être transcrites les correspondances avec un journaliste permettant d'identifier une source en violation de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. |
II. – Sont abrogés le dernier alinéa de l’article 100-5 et le deuxième alinéa des articles 109 et 437 du même code. |
|
Art.109. – Toute personne citée pour être entendue comme témoin est tenue de comparaître, de prêter serment et de déposer sous réserve des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal. |
||
Tout journaliste, entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité, est libre de ne pas en révéler l'origine. |
||
Si le témoin ne comparaît pas ou refuse de comparaître, le juge d'instruction peut, sur les réquisitions du procureur de la République, l'y contraindre par la force publique. |
||
Art.437. – Toute personne citée pour être entendue comme témoin est tenue de comparaître, de prêter serment et de déposer sous réserve des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal. |
||
Tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité est libre de ne pas en révéler l'origine. |
||
Article 4 |
Article 4 | |
Code pénal |
Le code pénal est ainsi modifié : |
(Alinéa sans modification) |
Art. 226-4. – L'introduction ou le maintien dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. |
1° L’article 226-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé : |
1° (Alinéa sans modification) |
« Lorsque les faits prévus au premier alinéa ont été commis dans l’intention de porter atteinte au secret des sources d’un journaliste, l’amende est portée à 30 000 €. » ; |
« Lorsque les faits prévus au premier alinéa ont été commis dans l’intention de porter une atteinte directe ou indirecte au secret des sources prévue aux I et II de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l’amende … amendement CL51 | |
Art. 226-15. – Le fait, commis de mauvaise foi, d'ouvrir, de supprimer, de retarder ou de détourner des correspondances arrivées ou non à destination et adressées à des tiers, ou d'en prendre frauduleusement connaissance, est puni d'un an d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende. |
2° L’article 226-15 est complété par un alinéa ainsi rédigé : |
2° (Alinéa sans modification) |
Est puni des mêmes peines le fait, commis de mauvaise foi, d'intercepter, de détourner, d'utiliser ou de divulguer des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie électronique ou de procéder à l'installation d'appareils conçus pour réaliser de telles interceptions. |
||
« Lorsque les faits prévus aux deux alinéas précédents ont été commis dans l’intention de porter atteinte au secret des sources d’un journaliste, l’amende est portée à 75 000 €. » ; |
« Lorsque les faits prévus aux deux alinéas précédents ont été commis dans l’intention de porter une atteinte directe ou indirecte au secret des sources prévue aux I et II de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l’amende … amendement CL51 | |
Art. 323-1. – Le fait d'accéder ou de se maintenir, frauduleusement, dans tout ou partie d'un système de traitement automatisé de données est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende. |
« 2° bis L’article 323-1 est complété par deux alinéas ainsi rédigés : | |
Lorsqu'il en est résulté soit la suppression ou la modification de données contenues dans le système, soit une altération du fonctionnement de ce système, la peine est de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende. |
||
Lorsque les infractions prévues aux deux premiers alinéas ont été commises à l'encontre d'un système de traitement automatisé de données à caractère personnel mis en œuvre par l'Etat, la peine est portée à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 € d'amende. |
||
« Lorsque les faits prévus au premier alinéa ont été commis dans l’intention de porter une atteinte directe ou indirecte au secret des sources prévue aux I et II de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l’amende est portée à 75 000 €. | ||
« Lorsque les faits prévus au troisième alinéa ont été commis dans l’intention de porter une atteinte directe ou indirecte au secret des sources prévue aux I et II de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l’amende est portée à 150 000 €. » ; amendement CL52 | ||
Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse Art. 2. – Cf. supra art. 1er |
||
Code pénal Art. 432-8. – Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, agissant dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, de s'introduire ou de tenter de s'introduire dans le domicile d'autrui contre le gré de celui-ci hors les cas prévus par la loi est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30000 euros d'amende. |
3° L’article 432-8 est complété par un alinéa ainsi rédigé : |
|
« Lorsque les faits prévus au premier alinéa ont été commis dans l’intention de porter atteinte au secret des sources d’un journaliste, l’amende est portée à 75 000 €. » ; |
« Lorsque les faits prévus au premier alinéa ont été commis dans l’intention de porter une atteinte directe ou indirecte au secret des sources prévue aux I et II de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l’amende … amendement CL51 | |
Art. 432-9. – Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, agissant dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, d'ordonner, de commettre ou de faciliter, hors les cas prévus par la loi, le détournement, la suppression ou l'ouverture de correspondances ou la révélation du contenu de ces correspondances, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende. |
4° L’article 432-9 est complété par un alinéa ainsi rédigé : |
4° (Alinéa sans modification) |
Est puni des mêmes peines le fait, par une personne visée à l'alinéa précédent ou un agent d'un exploitant de réseaux ouverts au public de communications électroniques ou d'un fournisseur de services de télécommunications, agissant dans l'exercice de ses fonctions, d'ordonner, de commettre ou de faciliter, hors les cas prévus par la loi, l'interception ou le détournement des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie des télécommunications, l'utilisation ou la divulgation de leur contenu. |
||
« Lorsque les faits prévus aux deux alinéas précédents ont été commis dans l’intention de porter atteinte au secret des sources d’un journaliste, l’amende est portée à 75 000 €. » |
« Lorsque les faits prévus aux deux alinéas précédents ont été commis dans l’intention de porter une atteinte directe ou indirecte au secret des sources prévue aux I et II de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l’amende … amendement CL51 | |
Code de procédure pénale |
Article 5 |
Article 5 |
L’article 719 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé : |
L’article 719 du code de procédure pénale est ainsi modifié : | |
Art. 719. – Les députés et les sénateurs ainsi que les représentants au Parlement européen élus en France sont autorisés à visiter à tout moment les locaux de garde à vue, les centres de rétention, les zones d'attente et les établissements pénitentiaires. |
1° A la fin du premier alinéa, « les mots : « les centres de rétention, les zones d’attente » sont supprimés et les mots : « et les établissements pénitentiaires » sont remplacés par les mots : « , les établissements pénitentiaires et les centres éducatifs fermés visés à l’article 33 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante » ; | |
Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante Art. 33. – Cf. annexe |
2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé : amendement CL42 | |
« Lorsqu’ils visitent un établissement pénitentiaire, ils peuvent être accompagnés par un ou plusieurs journalistes, titulaires de la carte d’identité professionnelle mentionnée à l’article L. 7111-6 du code du travail et habilités dans des conditions fixées par décret. » |
« Lorsqu’ils visitent un établissement pénitentiaire ou un centre éducatif fermé, ils peuvent … … travail, dans des conditions fixées par décret. Les journalistes ont le droit de filmer, d’enregistrer et de photographier à l’intérieur de l’établissement. amendements CL50, CL49 et CL36 | |
II. – Après l’article L. 111-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 111-9-1 ainsi rédigé : | ||
Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile Art. L. 611-1-1. – Cf. annexe |
« Art. L. 111-9-1. – Les députés et les sénateurs, ainsi que les représentants au Parlement européen élus en France, sont autorisés à visiter à tout moment les zones d’attente, les centres et locaux de rétention et les locaux de retenue mentionnés à l'article L. 611-1-1. | |
Code du travail Art. L. 7111-6. – Cf. annexe |
Lorsqu'ils visitent une zone d'attente ou un centre de rétention, ils peuvent être accompagnés par un ou plusieurs journalistes titulaires de la carte d’identité professionnelle mentionnée à l’article L. 7111-6 du code du travail, dans des conditions fixées par décret. » amendement CL70 | |
Article 6 |
Article 6 | |
La présente loi est applicable sur l’ensemble du territoire de la République. |
(Sans modification) |
Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile 126
Art. L. 611-1-1.
Code de procédure pénale 128
Art. 56-2.
Code du travail 129
Art. L. 7111-6.
Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante 129
Art. 33.
Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
Art. L. 611-1-1. – I. – Si, à l’occasion d’un contrôle effectué en application de l’article L. 611-1 du présent code, des articles 78-1,78-2,78-2-1 et 78-2-2 du code de procédure pénale ou de l’article 67 quater du code des douanes, il apparaît qu’un étranger n’est pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France, il peut être conduit dans un local de police ou de gendarmerie et y être retenu par un officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français. Dans ce cas, l’officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, un agent de police judiciaire met l’étranger en mesure de fournir par tout moyen les pièces et documents requis et procède, s’il y a lieu, aux opérations de vérification nécessaires. Le procureur de la République est informé dès le début de la retenue.
L’officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, un agent de police judiciaire informe aussitôt l’étranger, dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend, des motifs de son placement en retenue et de la durée maximale de la mesure ainsi que du fait qu’il bénéficie :
1° Du droit d’être assisté par un interprète ;
2° Du droit d’être assisté par un avocat désigné par lui ou commis d’office par le bâtonnier, qui est alors informé de cette demande par tous moyens et sans délai. Dès son arrivée, l’avocat peut communiquer pendant trente minutes avec la personne retenue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l’entretien. L’étranger peut demander que l’avocat assiste à ses auditions. Dans ce cas, la première audition, sauf si elle porte uniquement sur les éléments d’identité, ne peut débuter sans la présence de l’avocat avant l’expiration d’un délai d’une heure suivant l’information adressée à celui-ci. Toutefois, les opérations de vérification ne nécessitant pas la présence de l’étranger peuvent être effectuées dès le début de la retenue. Au cours des auditions, l’avocat peut prendre des notes. A la fin de la retenue, l’avocat peut, à sa demande, consulter le procès-verbal établi en application du treizième alinéa du présent I ainsi que le certificat médical y étant, le cas échéant, annexé et formuler des observations écrites également annexées ;
3° Du droit d’être examiné par un médecin désigné par l’officier de police judiciaire. Le médecin se prononce sur l’aptitude au maintien de la personne en retenue et procède à toutes constatations utiles ;
4° Du droit de prévenir à tout moment sa famille et toute personne de son choix et de prendre tout contact utile afin d’assurer l’information et, le cas échéant, la prise en charge des enfants dont il assure normalement la garde, qu’ils l’aient ou non accompagné lors de son placement en retenue. Si des circonstances particulières l’exigent, l’officier de police judiciaire prévient lui-même la famille et la personne choisie. En tant que de besoin, il informe le procureur de la République aux fins d’instruction dans l’intérêt des enfants ;
5° Du droit d’avertir ou de faire avertir les autorités consulaires de son pays.
Lorsque l’étranger ne parle pas le français, il est fait application de l’article L. 111-7.
L’étranger ne peut être retenu que pour le temps strictement exigé par l’examen de son droit de circulation ou de séjour et, le cas échéant, le prononcé et la notification des décisions administratives applicables. La retenue ne peut excéder seize heures à compter du début du contrôle mentionné au premier alinéa du présent I. Le procureur de la République peut mettre fin à la retenue à tout moment.
Les mesures de contrainte exercées sur l’étranger sont strictement proportionnées à la nécessité des opérations de vérification et de son maintien à la disposition de l’officier de police judiciaire. L’étranger ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s’il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite.
Durant la retenue, lorsque sa participation aux opérations de vérification n’est pas nécessaire, l’étranger ne peut être placé dans une pièce occupée simultanément par une ou plusieurs personnes gardées à vue.
Si l’étranger ne fournit pas d’éléments permettant d’apprécier son droit de circulation ou de séjour, les opérations de vérification peuvent donner lieu, après information du procureur de la République, à la prise d’empreintes digitales ou de photographies lorsque celle-ci constitue l’unique moyen d’établir la situation de cette personne.
L’officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, un agent de police judiciaire mentionne, dans un procès-verbal, les motifs qui ont justifié le contrôle, ainsi que la vérification du droit de circulation ou de séjour et les conditions dans lesquelles la personne a été présentée devant lui, informée de ses droits et mise en mesure de les exercer. Il précise le jour et l’heure du début et de la fin de la retenue et la durée de celle-ci et, le cas échéant, la prise d’empreintes digitales ou de photographies. Il y annexe le certificat médical établi à l’issue de l’examen éventuellement pratiqué.
Ce procès-verbal est présenté à la signature de l’étranger intéressé. Celui-ci est informé de la possibilité de ne pas signer ledit procès-verbal. S’il refuse de le signer, mention est faite du refus et des motifs de celui-ci.
Le procès-verbal est transmis au procureur de la République, copie en ayant été remise à la personne intéressée. Les mentions de chaque procès-verbal concernant l’identité de la personne, le jour et l’heure du début et de la fin de la retenue et la durée de celle-ci figurent également sur un registre spécial, tenu à cet effet dans le local de police ou de gendarmerie.
Si elle n’est suivie à l’égard de l’étranger qui a été retenu d’aucune procédure d’enquête ou d’exécution adressée à l’autorité judiciaire ou n’a donné lieu à aucune décision administrative, la vérification du droit de circulation ou de séjour ne peut donner lieu à une mise en mémoire sur fichiers et le procès-verbal, ainsi que toutes les pièces se rapportant à la vérification sont détruits dans un délai de six mois à compter de la fin de la retenue, sous le contrôle du procureur de la République.
Les prescriptions énumérées au présent article sont imposées à peine de nullité, sous réserve des dispositions de l’article L. 552-13.
II. – Lorsqu’un étranger, retenu en application de l’article 78-3 du code de procédure pénale, n’est pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France, le I du présent article s’applique et la durée de la retenue effectuée en application de ce même article 78-3 s’impute sur celle de la retenue pour vérification du droit de séjour.
III. – S’il apparaît, au cours de la retenue de l’étranger, que celui-ci doit faire l’objet d’un placement en garde à vue conformément aux articles 62 et suivants du code de procédure pénale, la durée de la retenue s’impute sur celle de la garde à vue.
Art.56-2. – Les perquisitions dans les locaux d’une entreprise de presse, d’une entreprise de communication audiovisuelle, d’une entreprise de communication au public en ligne, d’une agence de presse, dans les véhicules professionnels de ces entreprises ou agences ou au domicile d’un journaliste lorsque les investigations sont liées à son activité professionnelle ne peuvent être effectuées que par un magistrat.
Ces perquisitions sont réalisées sur décision écrite et motivée du magistrat qui indique la nature de l’infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, ainsi que les raisons justifiant la perquisition et l’objet de celle-ci. Le contenu de cette décision est porté dès le début de la perquisition à la connaissance de la personne présente en application de l’article 57.
Le magistrat et la personne présente en application de l’article 57 ont seuls le droit de prendre connaissance des documents ou des objets découverts lors de la perquisition préalablement à leur éventuelle saisie. Aucune saisie ne peut concerner des documents ou des objets relatifs à d’autres infractions que celles mentionnées dans cette décision.
Ces dispositions sont édictées à peine de nullité.
Le magistrat qui effectue la perquisition veille à ce que les investigations conduites respectent le libre exercice de la profession de journaliste, ne portent pas atteinte au secret des sources en violation de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et ne constituent pas un obstacle ou n’entraînent pas un retard injustifié à la diffusion de l’information.
La personne présente lors de la perquisition en application de l’article 57 du présent code peut s’opposer à la saisie d’un document ou de tout objet si elle estime que cette saisie serait irrégulière au regard de l’alinéa précédent. Le document ou l’objet doit alors être placé sous scellé fermé. Ces opérations font l’objet d’un procès-verbal mentionnant les objections de la personne, qui n’est pas joint au dossier de la procédure. Si d’autres documents ou objets ont été saisis au cours de la perquisition sans soulever de contestation, ce procès-verbal est distinct de celui prévu par l’article 57. Ce procès-verbal ainsi que le document ou l’objet placé sous scellé fermé sont transmis sans délai au juge des libertés et de la détention, avec l’original ou une copie du dossier de la procédure.
Dans les cinq jours de la réception de ces pièces, le juge des libertés et de la détention statue sur la contestation par ordonnance motivée non susceptible de recours.
À cette fin, il entend le magistrat qui a procédé à la perquisition et, le cas échéant, le procureur de la République, ainsi que la personne en présence de qui la perquisition a été effectuée. Il peut ouvrir le scellé en présence de ces personnes. Si le journaliste au domicile duquel la perquisition a été réalisée n’était pas présent lorsque celle-ci a été effectuée, notamment s’il a été fait application du deuxième alinéa de l’article 57, le journaliste peut se présenter devant le juge des libertés et de la détention pour être entendu par ce magistrat et assister, si elle a lieu, à l’ouverture du scellé.
S’il estime qu’il n’y a pas lieu à saisir le document ou l’objet, le juge des libertés et de la détention ordonne sa restitution immédiate, ainsi que la destruction du procès-verbal des opérations et, le cas échéant, la cancellation de toute référence à ce document, à son contenu ou à cet objet qui figurerait dans le dossier de la procédure.
Dans le cas contraire, il ordonne le versement du scellé et du procès-verbal au dossier de la procédure. Cette décision n’exclut pas la possibilité ultérieure pour les parties de demander la nullité de la saisie devant, selon les cas, la juridiction de jugement ou la chambre de l’instruction.
Art. L. 7111-6. – Le journaliste professionnel dispose d’une carte d’identité professionnelle dont les conditions de délivrance, la durée de validité, les conditions et les formes dans lesquelles elle peut être annulée sont déterminées par décret en Conseil d’État.
L’ancien journaliste professionnel peut bénéficier d’une carte d’identité de journaliste professionnel honoraire dans des conditions déterminées par ce même décret.
Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante
Art. 33. – Les centres éducatifs fermés sont des établissements publics ou des établissements privés habilités dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, dans lesquels les mineurs sont placés en application d’un contrôle judiciaire ou d’un sursis avec mise à l’épreuve ou d’un placement à l’extérieur ou à la suite d’une libération conditionnelle. Au sein de ces centres, les mineurs font l’objet des mesures de surveillance et de contrôle permettant d’assurer un suivi éducatif et pédagogique renforcé et adapté à leur personnalité. La violation des obligations auxquelles le mineur est astreint en vertu des mesures qui ont entraîné son placement dans le centre peut entraîner, selon le cas, le placement en détention provisoire ou l’emprisonnement du mineur.
L’habilitation prévue à l’alinéa précédent ne peut être délivrée qu’aux établissements offrant une éducation et une sécurité adaptées à la mission des centres ainsi que la continuité du service.
À l’issue du placement en centre éducatif fermé ou, en cas de révocation du contrôle judiciaire ou du sursis avec mise à l’épreuve, à la fin de la mise en détention, le juge des enfants prend toute mesure permettant d’assurer la continuité de la prise en charge éducative du mineur en vue de sa réinsertion durable dans la société.
PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE
• Ministère de la Justice
— Mme Catherine Sorita-Minard, sous-directrice de la justice pénale spécialisée à la direction des affaires criminelles et des grâces
— M. Francis Le Gunehec, chef du bureau de la législation pénale générale
• Commission nationale informatique et libertés (CNIL)
— M. Edouard Geffray, secrétaire général
— M. Geoffroy Sigrist, attaché parlementaire
• Commission nationale consultative des droits de l’homme
— Mme Christine Lazerges, présidente
— M. Jean-Yves Monfort, conseiller à la chambre criminelle de la Cour de cassation, président de la Commission supérieure de la carte des journalistes
• Table ronde de représentants de titres de la presse quotidienne nationale
Le Monde
— M. Franck Johannès, journaliste en charge des questions de justice
— Mme Cécile Prieur, rédactrice en chef
Libération
— M. Nicolas Demorand, président du directoire
— M. Fabrice Rousselot, directeur de la rédaction
La Croix
— Mme Dominique Quinio, directrice
— Mme Sabine Madeleine, directrice juridique du Groupe Bayard
L’Equipe
— M. Fabrice Jouhaud, directeur de la rédaction
— M. Basile Ader, avocat du groupe Amaury
• Table ronde de représentants de titres de la presse hebdomadaire ou mensuelle nationale
Le Nouvel Observateur
— M. Renaud Dély, directeur de la rédaction
L’Express
— M. Éric Pelletier, journaliste
Le Point
— Mme Mélanie Delattre, journaliste
— M. Christophe Labbé, journaliste
Paris Match
— M. François de Labarre, chef du service politique
— M. Pascal Rostain, photographe
Les Inrockuptibles
— M. Geoffrey Le Guilcher, journaliste
• Table ronde de représentants de sites de presse en ligne
Mediapart
— M. Edwy Plenel, directeur de publication, secrétaire général du Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (SPIIL)
— M. François Bonnet, directeur éditorial
Rue 89
— M. Pascal Riché, directeur de la rédaction
• Table ronde de représentants de chaînes de télévision généralistes
TF1
— M. Nicolas Charbonneau, directeur adjoint de l’information
— M. Philippe Moncorps, directeur juridique de l’information et des affaires judiciaires
France Télévisions
— M. Hervé Brusini, directeur des rédactions de Francetv.info
— M. Dominique Verdheillan, grand reporter
— M. Stéphane Bijoux, directeur pour la diversité de l’information
Canal Plus
— M. Gilles Delafon, responsable de l’information
• Table ronde de représentants de chaînes d’information
BFM TV
— M. Hervé Béroud, directeur de la rédaction
— Mme Delphine Groll, consultante à APC (Affaires Publiques Consultants)
I TÉLÉ
— M. Lucas Menget, rédacteur en chef de l’information
LCI
— Mme Anne de Coudenhove, directrice de la rédaction
— M. Philippe Moncorps, directeur juridique de l’information et des affaires judiciaires à TF1
LCP
— M. Jean-Pierre Gratien, directeur de l’information
• Table ronde de représentants de radios généralistes
Radio France
— M. Philippe Val, directeur de France Inter
— M. Pierre-Marie Christin, directeur de France Info
RTL
— Mme Catherine Mangin, directrice de la rédaction
— M. Charles-Emmanuel Bon, directeur du développement
— M. Mathieu Delahousse, journaliste
RMC
— M. Franck Lanoux, directeur général
— M. Aurélien Pozzana, consultant
Europe 1
— M. Nicolas Escoulan, directeur adjoint de la rédaction
— M. Alain Acco, chef du service Police-Justice
• Table ronde de représentants d’écoles de journalisme
Centre de formation des journalistes de Paris
— Mme Julie Joly, directrice
École supérieure de journalisme de Lille
— M. Pierre Savary, directeur
• Syndicat national des journalistes
— Mme Dominique Pradalié, secrétaire générale
— M. Philippe Piot, journaliste
• Syndicat national de la presse et de la communication CFE-CGC
— M. Jean-Jacques Cordival, président de la Fédération CGC des Médias
— Mme Jeanne Assouly, grand reporter à France 2
• Syndicat des journalistes-CFTC
— M. Gilles Pouzin, secrétaire général
• Syndicat national des journalistes-CGT
— M. Michel Diard, membre du bureau national et du comité national
• Syndicat général des journalistes-FO
— M. Denis Lemoine, secrétaire général
— M. Tristan Malle, membre du bureau national
• Union syndicale des journalistes – CFDT
— Mme Isabelle Bordes, secrétaire générale adjointe CFDT Journalistes et commissaire nationale de la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP)
— M. Jean-François Cullafroz, trésorier national adjoint CFDT Journalistes
— M. Dominique Martin, conseiller national CFDT Journalistes, membre du bureau national du Syndicat national de l’Écrit CFDT
— Mme Joëlle Garrus, conseillère nationale CFDT Journalistes, déléguée syndicale CFDT à l’Agence France-presse
— M. Christophe Pauly, conseiller national CFDT Journalistes, secrétaire général Syndicat national des médias CFDT, membre du bureau national de la fédération Communication-culture-conseil CFDT
• Syndicat de la Presse Quotidienne Régionale
— M. Jean Viansson Ponté, président
— Mme Haude d’Harcourt, chargée des relations avec les pouvoirs publics
• Syndicat de la Presse Quotidienne Nationale
— M. Denis Bouchez, directeur
— Mme Marielle Quemener, responsable des affaires juridiques et sociales
• Fédération nationale de la presse d’information spécialisée- FNPS
— M. Christian Bruneau, président
— Mme Catherine Chagniot, directrice déléguée
— M. Boris Bizic, directeur du service juridique
• Fédération Française des Agences de presse
— Mme Kathleen Grosset, présidente
— Mme Florence Braka, directrice générale
— M. Arnaud Hamelin, président d’honneur
• Fédération de la Presse Périodique Régionale (FPPR)
— M. Bruno Hocquart de Turtot, directeur
— M. Bernard Bienvenu, président du groupe HCR – Hebdomadaires catholiques régionaux
• Fédération nationale des Agences de Presse Photos et informations - FNAPPI
— M. Mete Zihnioglu, président de la FNAPPI, directeur de Sipa Press
— M. Patrick Weiss, vice-président de la FNAPPI, directeur de Visual Press Agency
• Reporters sans frontières (RSF)
— M. Christophe Deloire, secrétaire général
— Mme Prisca Orsonneau, juriste
• Association des anciens journalistes du Monde
— M. Serge Marti, président
• Association de la presse judiciaire
— M. Pierre-Antoine Souchard, président
— M. Jean-Philippe Deniau, vice président
• Société des lecteurs du Monde
— M. Christian Martin, président
— M. Jean Martin, administrateur, avocat
• Union syndicale des magistrats
— M. Christophe Régnard, président
— M. Richard Samas-Santafé, secrétaire national
• Syndicat de la magistrature
— Mme Françoise Martres, présidente
— M. Éric Bocciarelli, secrétaire général
• FO magistrats
— Mme Béatrice Brugère, secrétaire générale adjointe
• Avocats :
— Me Luc Brossollet, avocat au barreau de Paris, spécialiste du droit de la presse
— Me Olivier d’Antin, avocat au barreau de Paris, spécialiste du droit de la presse
— Me Cédric Michalski, avocat au barreau de Mulhouse, chargé d’enseignement au centre universitaire d’enseignement du journalisme de Strasbourg
• Universitaires :
— Mme Roselyne Letteron, professeur de droit public à l’Université de Paris IV-La Sorbonne
— M. Jean-Marie Charon, ingénieur de recherches au CNRS
• Personnalités qualifiées :
— M. Henri Leclerc, président honoraire de la Ligue des droits de l’Homme
— M. Louis-Marie Horeau, rédacteur en chef du Canard Enchaîné
— M. Hubert Coudurier, directeur de l’information au Télégramme
DÉPLACEMENT DE LA RAPPORTEURE À RENNES
— M. Bertrand Gobin, président du Club de la Presse de Bretagne
— M. Patrick Baert, directeur régional de l’AFP Rennes
— M. Alain Peudenier, rédacteur en chef de jour à Ouest France
— M. Alain le Bloas, reporter au Télégramme
— M. Sylvain Delfaut, délégué régional Bretagne pour le Syndicat National des Radios Libres (SNRL)
— M. Alain Rodaix, rédacteur en chef à France 3 Bretagne
— M. Benoît Canto, éditeur, président de l’Association de la Presse Hebdomadaire d’Information de Bretagne (APHIB)
— M. Maurice Thuriau, journaliste à RCF Alpha
© Assemblée nationale