N° 1736
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 29 janvier 2014.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI autorisant la ratification de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique,
PAR Mme Françoise IMBERT
Députée
——
ET
ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Voir le numéro :
Assemblée nationale : 1026.
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 5
I. UN INSTRUMENT JURIDIQUEMENT CONTRAIGNANT CONTRE LA VIOLENCE À L’ÉGARD DES FEMMES ET LA VIOLENCE DOMESTIQUE 7
A. DES ACTES RÉPANDUS ET PARTICULIÈREMENT GRAVES 7
1. Des violences fondées sur le genre 7
2. Des violences fréquemment tues et méconnues, mais hélas répandues 10
B. UNE CONVENTION QUI PARACHÈVE LE TRAVAIL ENGAGÉ DANS LE CADRE DU CONSEIL DE L’EUROPE 11
a. Le premier instrument juridique contraignant dans ce domaine au plan européen… 13
b. Mais aussi au plan mondial… 14
c. Un cadre juridique complet 15
d. Une impulsion supplémentaire 16
II. LES PRINCIPALES STIPULATIONS DE LA CONVENTION 19
A. LES OBLIGATIONS À LA CHARGE DES PARTIES 19
a. Mener des politiques globales et coordonnées 19
b. Les « 3P » : prévention, protection, poursuites 20
B. UN MÉCANISME INTERNATIONAL DE SUIVI 25
C. AUTRES STIPULATIONS 27
CONCLUSION 29
EXAMEN EN COMMISSION 31
ANNEXE 1 : ETAT DES SIGNATURES ET DES RATIFICATIONS AU 23 JANVIER 2014 35
ANNEXE 2 : LISTE DES ENTRETIENS ET DES AUDITIONS DE LA RAPPORTEURE 37
ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 39
La convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, dont le présent projet de loi tend à autoriser la ratification par la France, a été adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 7 avril 2011. Elle a ensuite été ouverte à la signature le 11 mai 2011 à Istanbul.
Cette convention est le premier instrument international combinant les trois caractéristiques suivantes : il s’agit d’un instrument juridiquement contraignant, qui détaille l’ensemble des mesures nécessaires pour lutter efficacement contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, et qui est par ailleurs ouvert, potentiellement, à tous les pays, en dépit de sa dimension initialement paneuropéenne.
Ce texte novateur permettra d’améliorer la connaissance des violences commises à l’égard des femmes – et ainsi de mieux évaluer les politiques publiques dans ce domaine –, de renforcer la prévention, la protection et l’aide aux victimes, de même que les poursuites et les sanctions contre les auteurs des violences, et enfin de pousser à l’adoption de politiques globales et coordonnées.
L’entrée en vigueur de la convention est conditionnée à sa ratification par 10 Etats, dont au moins 8 membres du Conseil de l’Europe. Jusqu’à présent, la convention a été signée par 32 Etats, dont seulement 8 l’ont ratifiée. La France, qui a participé à l’élaboration de la convention et fait partie de ses premiers signataires, doit maintenant contribuer à son entrée en vigueur en la ratifiant rapidement.
I. UN INSTRUMENT JURIDIQUEMENT CONTRAIGNANT CONTRE LA VIOLENCE À L’ÉGARD DES FEMMES ET LA VIOLENCE DOMESTIQUE
Le a) de l’article 3 définit la violence à l’égard des femmes comme désignant « tous les actes de violence fondés sur le genre qui entraînent, ou sont susceptibles d’entraîner pour les femmes, des dommages ou souffrances de nature physique, sexuelle, psychologique ou économique, y compris la menace de se livrer à de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou privée ».
La présente convention reprend ainsi la définition figurant à l’article 1er de la Déclaration des Nations Unies sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, adoptée en 1993, en la complétant par une référence à la dimension économique potentielle des dommages ou souffrances (1), ainsi que par une référence explicite à la notion de « genre ». Celle-ci est définie par le c) de l’article 3 comme désignant « les rôles, les comportements, les activités et les attributions socialement construits qu’une société donnée considère comme appropriés pour les femmes et les hommes ».
Il résulte principalement de cette référence au « genre » une prise en compte accrue de la nécessité de faire une priorité de la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, en s’attaquant aux racines mentales et sociétales de la discrimination. Le Préambule y voit en effet la cause structurelle de la violence à l’égard des femmes.
Tel est l’objet de l’article 12, qui demande aux Parties de prendre « les mesures nécessaires pour promouvoir les changements dans les modes de comportement socio-culturels des femmes et des hommes en vue d’éradiquer les préjugés, les coutumes, les traditions et toute autre pratique fondés sur l’idée de l’infériorité des femmes ou sur un rôle stéréotypé des femmes et des hommes », obligation générale qui trouve notamment une traduction concrète dans le domaine de l’éducation, à l’article 14.
La violence domestique, quant à elle, est définie par le b) de l’article 3 comme désignant « tous les actes de violence physique, sexuelle, psychologique ou économique qui surviennent au sein de la famille ou du foyer ou entre des anciens ou actuels conjoints ou partenaires, indépendamment du fait que l’auteur de l’infraction partage ou a partagé le même domicile que la victime ».
Comme le précise le « Rapport explicatif » accompagnant la convention (2), la violence domestique coïncide principalement avec deux types de violence : la violence entre partenaires intimes, que la relation soit en cours ou qu’elle ait pris fin ; la violence intergénérationnelle, en particulier entre parents et enfants.
On notera que le deuxième alinéa de l’article 2, relatif au champ d’application de la convention, encourage les Etats parties à appliquer le texte à « toutes les victimes de violence domestique ». Comme le précise le « Rapport explicatif », il faut comprendre que cette stipulation « encourage les Parties à appliquer également cette convention à la violence domestique commise à l’encontre des hommes et des enfants », les Parties demeurant libres de décider d’étendre l’applicabilité de la convention à ces victimes.
Au demeurant, les travaux du Comité préparatoire ad hoc (3) montrent que le champ d’application de la convention est le fruit d’un compromis entre une majorité de délégués favorables à une convention traitant de toutes les formes de violence à l’égard des femmes et une minorité estimant que la convention devait privilégier la violence domestique et être ainsi applicable à l’ensemble des victimes, quel que soit leur sexe. D’où le champ d’application qui vient d’être présenté, et le titre de la convention, qui peut paraître surprenant – « convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique » –, la violence domestique paraissant, à première vue, incluse dans le champ de la violence à l’égard des femmes.
Qu’il s’agisse de violence à l’égard des femmes, en général, ou de violence dite domestique, les actes concernés présentent, à l’évidence, une particulière gravité.
Le chapitre V de la convention, relatif au « Droit matériel », fait ainsi référence aux formes suivantes de violence à l’égard des femmes :
– la violence physique et psychologique, y compris le harcèlement ;
– les violences sexuelles, incluant l’agression sexuelle, le viol et le harcèlement ;
– les mariages forcés ;
– les mutilations génitales féminines ;
– l’avortement ou la stérilisation forcés ;
– les crimes dits « d’honneur », généralement commis contre des membres féminins de la famille ou de la communauté, au sens large du terme, qui sont considérés comme ayant enfreint les règles communes, notamment en matière de comportement sexuel.
On pourra noter par ailleurs que le a) de l’article 3 caractérise la violence à l’égard des femmes comme « une violation des droits de l’homme ».
La Recommandation 1450 adoptée par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, le 3 avril 2000, voyait même dans la violence à l’égard des femmes une « violation générale de leurs droits en tant que personne : le droit à la vie, à la sécurité, à la dignité et à l’intégrité physique et mentale ». Etre à l’abri de la violence est en effet le premier des droits humains et la condition des autres : quelle peut être la jouissance des droits individuels et des libertés fondamentales lorsque la dignité, la sécurité et l’intégrité physique et mentale sont compromises ?
Comme l’indique le même a) de l’article 3, la violence à l’égard des femmes doit aussi être comprise comme « une forme de discrimination » à leur égard.
L’établissement d’un lien entre discrimination et violence à l’égard des femmes n’est pas une novation. Il était déjà reconnu dans le cadre de la convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, dite convention CEDAW, adoptée en 1979. La violence à l’égard des femmes n’était certes pas explicitement intégrée, à l’origine, dans le champ d’application de cette convention, mais le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, chargé de suivre la mise en œuvre de la CEDAW, a estimé par la suite que la violence fondée sur le sexe (4) constituait une forme de discrimination interdite par la convention (5).
Elle correspond en effet à « une violence exercée contre une femme ou qui touche spécialement la femme », analyse que reprend en des termes quasiment identiques le d) de l’article 3 de la présente convention : « le terme « violence à l’égard des femmes fondée sur le genre » désigne toute violence faite à l’égard d’une femme parce qu’elle est une femme ou affectant les femmes de manière disproportionnée ».
De fait, bien qu’une partie des formes de violence entrant dans le champ de la convention puisse également toucher les hommes, comme votre Rapporteure l’a indiqué précédemment, certaines d’entre elles sont spécifiques aux femmes, notamment les mutilations génitales féminines, et toutes concernent de manière disproportionnée les femmes. En 2012, par exemple, ce sont 148 femmes et 26 hommes qui ont été tués, en France, par leur partenaire ou ancien partenaire de vie.
Par ailleurs, la violence à l’égard des femmes et la violence domestique alimentent les situations d’inégalité, en rabaissant leurs victimes et en les plaçant dans une situation de soumission. Les violences commises en lien avec le genre sont donc non seulement la conséquence d’une vision profondément inégalitaire des rapports entre les femmes et les hommes, mais aussi une des causes de leur inégalité de fait. Il est ainsi indiqué dans le Préambule que « la violence à l’égard des femmes est un des mécanismes sociaux cruciaux par lesquels les femmes sont maintenues dans une position de subordination par rapport aux hommes ».
Des statistiques précises et actualisées font encore souvent défaut pour évaluer précisément l’étendue et l’évolution de la violence commise à l’égard des femmes et de la violence domestique. L’article 11 de la présente convention demande ainsi, à juste titre, d’engager des efforts en matière de collecte de données et de recherche.
En France, la dernière grande étude quantitative, l’enquête nationale sur les violences faites aux femmes en France (ENVEFF), date ainsi de 2000, les connaissances reposant depuis sur des travaux de moindre ampleur. Il est prévu qu’une nouvelle étude, intitulée « Violences et rapports de genre » (VIRAGE), soit réalisée à partir de 2015. Elle devrait permettre de disposer, à l’horizon 2016-2017, de données précises et actualisées sur l’ensemble des violences subies par les femmes et les hommes dans leurs différentes sphères de vie – publique, privée, professionnelle ou encore étudiante.
A ce relatif état de pénurie statistique, s’ajoutent aussi la loi du silence et, souvent, une forme de honte chez les victimes. Selon l’étude d’impact jointe au présent projet de loi, le taux de plainte est ainsi compris entre moins de 2 % – pour les violences sexuelles à l’intérieur du ménage – et environ 20 % – pour les violences avec blessures physiques visibles.
Malgré cet état lacunaire des données, les éléments disponibles laissent penser que la violence à l’égard des femmes constitue un phénomène de grande ampleur. Il s’agit probablement de la violation des droits humains la plus répandue sur le continent européen.
L’enquête nationale sur les violences faites aux femmes en France (ENVEFF), qui constitue encore la base de référence dans notre pays, a suscité un choc lorsqu’elle a montré que 10 % des femmes étaient victimes de violences, et qu’une femme mourait tous les deux jours et demi sous les coups de son conjoint, compagnon ou ancien conjoint ou compagnon. Cette enquête a également montré que 8 % des femmes interrogées se trouvaient en situation de harcèlement psychologique. On observe par ailleurs que tous les âges et tous les milieux sociaux sont globalement concernés.
Les enquêtes réalisées par la suite dans le cadre de l’observatoire de la délinquance ont confirmé la gravité et la fréquence de ces violences. Comme votre Rapporteure l’a précédemment indiqué, 148 femmes ont ainsi été tuées par leur partenaire ou ancien partenaire de vie en 2012. L’année précédente, selon l’étude d’impact, les morts violentes dans le cadre du couple représentaient 17 % des homicides et violences volontaires. Et sur deux années, en partant d’enquêtes réalisées par l’INSEE, des projections montrent que le nombre des victimes pourrait s’élever à environ 400 000 pour les violences physiques ou sexuelles commises par le conjoint, et à environ 150 000 pour les violences physiques ou sexuelles commises par un ex-conjoint.
Au plan européen, bien qu’aucune étude d’ensemble n’existe aujourd’hui, le « Rapport explicatif » joint à la convention estime qu’entre un cinquième et un quart des femmes sont victimes de violences physiques au moins une fois dans leur vie d’adulte, et que plus d’un dixième d’entre elles subissent des sévices sexuels impliquant l’usage de la force. Par ailleurs, comme le rappelait l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe dans sa recommandation 1450 (2000), relative à la violence à l’encontre des femmes en Europe, on estime que la seule violence domestique tue ou blesse grièvement chaque année en Europe plus de femmes que le cancer ou les accidents de la route. Enfin, si l’on inclut toutes les formes de violences, y compris le harcèlement, la proportion des victimes de violence à l’égard des femmes s’élève à environ 45 %.
Le Conseil de l’Europe, dans le cadre de sa mission de protection et de promotion des droits de l’homme à l’échelle paneuropéenne, s’est saisi dès les années 1990 de la question des violences à l’égard des femmes.
Parmi les initiatives lancées dans ce cadre, on peut citer en particulier :
– la 3e Conférence ministérielle européenne sur l’égalité entre les femmes et les hommes, qui était consacrée, en 1993, aux « Stratégies pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes dans la société : médias et autres moyens » ;
– l’adoption, en 2002, de la Recommandation Rec(2002)5 du Comité des Ministres aux Etats membres sur la protection des femmes contre la violence, qui a constitué une première étape dans le lancement d’une action paneuropéenne dans ce domaine ;
– la création, en 2005, d’une « Task Force » chargée d’évaluer les progrès accomplis au niveau national et d’établir des instruments destinés à quantifier les développements observés au niveau paneuropéen, en vue de formuler des propositions d’action ;
– la réalisation, de 2006 à 2008, d’une campagne paneuropéenne pour combattre la violence contre les femmes, y compris la violence domestique, dont le Conseil de l’Europe considère qu’elle a permis de faire évoluer les politiques nationales, tout en mettant en lumière la nécessité de normes internationales juridiquement contraignantes.
Dans son rapport final de 2008, la Task Force précitée a en effet recommandé l’adoption d’un instrument global et contraignant afin de prévenir et de combattre toutes les formes de violence à l’égard des femmes. La « Task Force » a estimé que si des progrès avaient été accomplis, la législation n’était pas toujours mise en œuvre, que les services d’aide aux victimes étaient par ailleurs souvent absents ou disposaient de moyens insuffisants, et enfin qu’il existait de fortes disparités entre les Etats membres en matière de protection.
L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a en outre adopté plusieurs résolutions et recommandations en matière de violence à l’égard des femmes, notamment la résolution 1247 (2011) sur les mutilations sexuelles féminines, la recommandation 1582 (2002) sur la violence domestique à l’encontre des femmes, la résolution 1327 (2003) sur les crimes dits « d’honneur », la recommandation 1723 (2005) sur les mariages forcés et les mariages d’enfants, la résolution 1512 (2006) intitulée « les Parlements unis pour combattre la violence domestique contre les femmes », la résolution 1654 (2009) sur les féminicides, ou encore la résolution 1691 (2009) sur le viol des femmes, y compris le viol marital.
C’est dans le prolongement de ces différentes initiatives et en réponse aux recommandations de la « Task Force » que le Comité des Ministres a décidé de créer un comité multidisciplinaire ad hoc pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (dit CAHVIO), qui a été chargé d’élaborer des normes juridiquement contraignantes en la matière. La présente convention est directement issue de ses travaux.
Que ce soit dans le cadre du Conseil de l’Europe ou dans celui de l’Union européenne, il n’existe aujourd’hui aucun instrument juridique en vigueur qui ait une portée semblable à celle de la convention dont il est à présent demandé au Parlement d’autoriser la ratification.
– Dans le cadre du Conseil de l’Europe, tout d’abord, la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales comprend certes des stipulations utiles pour lutter contre la violence à l’égard des femmes – notamment la reconnaissance du droit à la vie, du droit à la liberté et à la sûreté ou encore l’interdiction de la discrimination –, et il en est de même pour plusieurs protocoles additionnels. Le protocole n°7 garantit ainsi le droit à l’égalité entre époux, et le protocole n°12 comporte une clause générale de non-discrimination. Mais il s’agit seulement de stipulations éparses dans des instruments juridiques ne visant pas spécifiquement la violence à l’égard des femmes ou la violence domestique.
La Recommandation Rec(2002)5 du Comité des Ministres aux Etats membres du Conseil de l’Europe sur la protection des femmes contre la violence, précédemment citée, propose en revanche une véritable stratégie globale et coordonnée, visant toutes les formes de violence fondée sur le genre. Il reste que cet instrument juridique n’est pas juridiquement contraignant et qu’il ne prévoit pas de mécanisme permettant de veiller à la bonne application des neuf recommandations qu’il comporte. Comme l’indique le rapport final de la « Task Force » précitée, la Recommandation Rec(2002)5 constitue avant tout une « excellente base pour la formulation d’un instrument juridiquement contraignant dans le domaine de la protection des femmes contre la violence ».
– L’Union européenne, pour sa part, s’est certes engagée dans la lutte contre la discrimination entre les femmes et les hommes dans un certain nombre de domaines, tels que l’emploi et les activités professionnelles, la sécurité sociale et l’accès aux biens et services, mais sans élaborer d’instrument juridiquement contraignant pour la protection des femmes contre la violence, malgré plusieurs appels du Parlement européen en faveur d’une directive européenne dans ce domaine (6).
On notera au demeurant que si le 4e plan interministériel français de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, portant sur la période 2014-2016, fait référence à cet appel au sein du Parlement européen en faveur d’une directive, il ne mentionne qu’un soutien de la France à l’élaboration d’une communication de la Commission européenne sur la lutte contre les violences faites aux femmes dans l’Union, et défend l’idée d’une reprise, dans un texte unique, des dispositions figurant déjà dans des directives européennes en vigueur, dans la perspective d’une simple « codification ».
La présente convention se distingue également, par sa plus grande portée, des autres instruments juridiques en vigueur dans le monde.
– Si l’on se place d’abord dans un cadre régional, il faut reconnaître que la convention d’Istanbul n’est pas la première convention adoptée dans le domaine de la lutte contre la violence faite aux femmes. Dès 1994, l’Organisation des Etats américains a en effet adopté une convention juridiquement contraignante sur la prévention, la sanction et l’éradication de la violence contre la femme, dite « convention de Belém do Pará ». En 2003, l’Union africaine a par ailleurs adopté un Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, relatif aux droits des femmes en Afrique, instrument lui aussi contraignant, qui appelle notamment à la protection des femmes contre la violence, dans la vie publique comme dans la vie privée, sans être exclusivement consacré à cette question.
Mais la convention d’Istanbul se distingue de ces deux instruments précédents par la vocation universaliste qui lui est propre. Bien qu’il s’agisse d’un instrument d’origine régionale, adopté dans le cadre du Conseil de l’Europe, la convention d’Istanbul est d’emblée ouverte aux Etats non membres ayant participé à son élaboration – Canada, Etats-Unis, Japon, Mexique, Saint-Siège –, mais aussi potentiellement à tout autre pays du monde, pourvu que les Etats parties y consentent.
– Ensuite, si l’on considère à présent les instruments internationaux à vocation universelle qui ont été adoptés en matière de lutte contre la violence à l’égard des femmes, on observe que la présente convention se distingue d’eux en ce qu’elle est le premier texte qui soit juridiquement contraignant.
Dans le cadre des Nations Unies, plusieurs déclarations ou résolutions ont certes été adoptées en matière de violence à l’égard des femmes, mais sans qu’elles aient une portée contraignante. Il s’agit en particulier de la Déclaration des Nations Unies sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, adoptée en 1993, de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, adoptés lors de la 4e conférence mondiale sur les femmes, en 1995, et de la résolution de 2005 de la Commission des droits de l’homme sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes.
La convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la CEDAW, adoptée en 1979 par l’Assemblée générale des Nations Unies, a quant à elle une portée contraignante, ses parties s’engageant notamment à prendre toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes, y compris de la part d’acteurs privés. Mais elle ne concerne ni directement ni spécifiquement la violence à l’égard des femmes : comme votre Rapporteure l’a précédemment indiqué, c’est le comité CEDAW qui a étendu, dans un second temps, le champ d’application de cette convention à de tels actes, dans la mesure où ils peuvent aussi être considérés comme une forme de discrimination.
Un autre aspect conférant une véritable valeur ajoutée à la convention d’Istanbul est le souci d’exhaustivité qui a manifestement inspiré sa rédaction.
– Tout d’abord, à la différence des dispositions généralement adoptées jusque-là au plan national, notamment en France, où le législateur a procédé par « strates » successives, la convention traite de la violence à l’égard des femmes et de la violence domestique dans toutes leurs dimensions. En témoigne le large ensemble d’infractions que la convention d’Istanbul tend à incriminer et que votre Rapporteure a déjà eu l’occasion de présenter.
– Ensuite, la présente convention a pour mérite d’envisager la réponse qui doit être apportée dans une perspective globale, mêlant la prévention de la violence, la lutte contre des mentalités rétrogrades et contre une culture de la tolérance et du déni, la protection et l’aide aux victimes, ainsi que les poursuites, les sanctions et le suivi pour les auteurs des actes de violence. Elle insiste en outre sur la nécessité d’assurer une bonne coordination entre les différents acteurs concernés.
Le tableau ci-dessous récapitule les principales obligations mises à la charge des Etats.
Prévention |
– faire évoluer les comportements et faire reculer les stéréotypes de genre qui font accepter la violence à l’égard des femmes ; – former les professionnels en relation avec les victimes ; – sensibiliser aux différentes formes de violence et à leurs conséquences sur les personnes ; – inclure dans les programmes, à tous les niveaux, un enseignement sur les questions d’égalité ; – associer les organisations non gouvernementales, les médias et le secteur privé pour toucher le public. |
Protection |
– veiller à ce que les besoins des victimes, notamment en matière de sécurité, soient au centre de toutes les mesures ; – garantir l’accès à des services de soutien spécialisé, en particulier en matière d’assistance médicale et d’accompagnement psychologique et juridique ; – offrir un nombre suffisant de centres d’hébergement et un numéro d’aide d’urgence gratuit, disponible 24h/24 et 7 jours sur 7. |
Poursuites |
– ériger en infraction pénale, punie comme il se doit, la violence à l’égard des femmes ; – veiller à ce que les excuses fondées sur la culture, la tradition, la religion ou « l’honneur » du groupe ne soient pas acceptées ; – éviter que les enquêtes et les procédures judiciaires ne causent de nouveaux traumatismes pour les victimes ; – veiller à ce que les services répressifs apportent une réponse adaptée en cas de danger pour les femmes. |
– Par ailleurs, la convention ne se contente généralement pas d’énoncer des principes généraux. Au contraire, elle va souvent très loin dans le détail, comme votre Rapporteure aura l’occasion de le montrer lorsqu’elle présentera les principales stipulations du texte. C’est d’autant plus vrai que la convention s’accompagne d’un épais « Rapport explicatif » (7), qui fournit des éléments permettant d'éclairer précisément l'objet et la finalité de la Convention, et de mieux appréhender la portée de ses stipulations.
Enfin, bien que des efforts aient déjà été engagés, parfois de manière significative, dans le domaine de la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, un autre mérite de la convention d’Istanbul est qu’elle vient conforter ce processus.
En France, par exemple, la loi du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France a ainsi permis de renforcer l’état du droit en transposant par anticipation des obligations nouvelles issues de la convention d’Istanbul. Le code pénal a en particulier été modifié afin d’incriminer le fait de tromper autrui dans le but de le forcer à conclure un mariage, ainsi que la tentative d’interruption de grossesse sans le consentement de la personne intéressée ; par ailleurs, le code de procédure pénale prévoit désormais que la victime d’une infraction doit être informée en cas d’évasion de son auteur. Afin de compléter la transposition de la convention d’Istanbul, le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, le 28 janvier dernier, prévoit en outre de mettre fin, sauf exception demandée par la victime, au recours à la procédure de médiation pénale dans les cas de violences commises au sein du couple ; il tend aussi à créer un stage de responsabilisation auquel les auteurs de violences au sein du couple pourront être astreints.
Quant aux pays membres du Conseil de l’Europe qui seraient moins avancés que la France dans le domaine de la lutte contre la violence à l’égard des femmes, la ratification et l’entrée en vigueur de la présente convention devraient bien sûr permettre de renforcer plus substantiellement encore l’état du droit et d’améliorer les pratiques. Le rapport final de la « Task Force » précédemment évoquée par votre Rapporteur avait, en effet, mis en lumière le caractère souvent incomplet des dispositions adoptées sur le continent européen, ainsi que le caractère inégal de leur mise en œuvre. Le soin apporté lors de la rédaction de la convention d’Istanbul pour offrir un cadre juridique exhaustif à tous égards devrait jouer un rôle précieux pour améliorer la situation, et la mise en place d’un mécanisme international de suivi fort et indépendant – votre Rapporteure reviendra sur ce point – devrait contribuer à garantir l’effectivité des obligations issues de la convention.
Enfin, en dehors du cadre paneuropéen, la convention d’Istanbul peut également jouer un rôle utile pour promouvoir la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, dont il faut malheureusement reconnaître qu’elle ne constitue pas toujours une priorité, et pour améliorer concrètement les dispositifs nationaux, lorsqu’ils existent. Un premier levier peut consister à inciter d’autres pays à adhérer à la convention, au-delà des frontières du Conseil de l’Europe, comme la France a notamment eu l’occasion de le faire lors du premier forum mondial des femmes francophones, organisé en mars dernier à Paris. Quant aux pays qui n’envisageraient pas d’adhérer à la convention, celle-ci est malgré tout susceptible de constituer un levier utile à plus d’un titre : d’une part comme outil diplomatique au service d’une sorte de « pédagogie » par l’exemple en matière de violence à l’égard des femmes et de violence domestique ; d’autre part en tant que modèle normatif, la convention d’Istanbul offrant le standard le plus élevé qui soit à l’heure actuelle dans le monde.
II. LES PRINCIPALES STIPULATIONS DE LA CONVENTION
Votre Rapporteure n’estime pas nécessaire de présenter plus en détail le chapitre I, relatif aux buts de la convention, à son champ d’application, aux définitions des principaux concepts, aux liens entre la question de l’égalité et celle de la violence à l’égard des femmes, ainsi qu’à la nécessité de prendre en compte la dimension de « genre », ces différents aspects ayant déjà été abordés dans la première partie de ce rapport.
On pourra toutefois insister sur le fait, que conformément à l’article 5, les obligations de l’Etat en matière de lutte contre la violence à l’égard des femmes ne se limitent pas aux actes commis par ses agents – et donc très classiquement susceptibles d’engager en droit international sa responsabilité ; les Parties doivent aussi prendre toutes les mesures nécessaires « pour prévenir, enquêter sur, punir, et accorder une réparation pour les actes de violence couverts par le champ d’application de la présente convention commis par des acteurs non étatiques ».
La convention fait référence au devoir d’agir, en la matière, avec la « diligence voulue », principe figurant déjà dans plusieurs instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, ainsi que dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Comme l’indique le « Rapport explicatif » joint à la convention, ce principe n’impose pas une obligation de résultats, mais une obligation de moyens.
Les chapitres II à VIII de la convention ont pour objet de préciser les obligations à la charge des Etats parties.
Le chapitre II de la convention traite tout d’abord des politiques dites « intégrées » et de la collecte des données.
L’article 7 demande ainsi de mettre en œuvre des politiques nationales comprenant toutes les mesures pertinentes pour apporter une réponse globale à la violence contre les femmes et pour assurer une coordination effective entre tous les acteurs concernés.
L’article 8 vise à garantir l’allocation de ressources financières et humaines appropriées.
L’article 9, relatif aux ONG et à la société civile, a pour objet de reconnaître, d’encourager et de soutenir leur action, souvent essentielle dans la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes.
L’article 10 demande l’établissement d’un ou de plusieurs organes officiels responsables d’assurer la coordination, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des politiques et des mesures prises dans le champ d’application de la convention (8). Afin que ces organes puissent remplir leur mission, ils doivent être tenus informés des activités de coopération internationale, objet du chapitre VIII de la convention.
L’article 11 engage les Parties à soutenir la collecte régulière de données statistiques et la recherche, activités qui sont indispensables pour mieux connaître l’étendue, les formes et les causes de la violence à l’égard des femmes, ainsi que pour mieux évaluer les politiques publiques. Les données collectées devront être fournies au groupe d’experts chargé de suivre la mise en œuvre de la convention, et mises à la disposition du public.
– Le chapitre III traite de la prévention sous ses différentes formes.
L’article 12 fait obligation aux Parties de :
– favoriser l’éradication des comportements reposant sur l’idée de l’infériorité des femmes ou sur un rôle stéréotypé des femmes et des hommes ;
– prévenir toutes les formes de violence couvertes par la convention ;
– prendre en considération les besoins spécifiques des personnes particulièrement vulnérables et faire du respect des droits de l’homme une priorité en matière de prévention ;
– encourager les hommes et les garçons à contribuer activement à la prévention des violences ;
– veiller à ce que la culture, la coutume, la religion, la tradition ou « l’honneur » ne soient pas considérés comme des justifications possibles des violences ;
– promouvoir des programmes et des activités visant spécifiquement l’autonomisation des femmes.
L’article 13 demande la réalisation d’actions coordonnées de sensibilisation aux violences entrant dans le champ d’application de la convention, mais aussi d’actions d’information sur les mesures de prévention qui existent.
L’article 14 favorise des actions de prévention en milieu scolaire et éducatif, dans les structures sportives, culturelles et de loisirs, ainsi que dans les médias.
L’article 15 prévoit des actions de formation pour les personnels professionnels intervenant dans le champ d’application de la convention, y compris des formations au travail coopératif et interinstitutionnel.
L’article 16 demande aux Parties d’établir ou de soutenir des programmes visant à apprendre aux auteurs de violence domestique à changer de comportement, ainsi que des programmes de traitement destinés à prévenir la récidive.
L’article 17 vise à ce que le secteur privé, les médias et le secteur des technologies de l’information et de la communication participent aux efforts de prévention.
– Le chapitre IV prévoit des mesures de protection des victimes et de soutien.
L’article 18 énonce plusieurs obligations générales, notamment celles consistant à protéger les victimes contre la récidive, à veiller à une coopération effective entre les différents intervenants, à éviter que la volonté d’engager des poursuites ou de témoigner contre l’auteur de l’infraction ne soit en réalité une condition du soutien qui est apporté, ou encore à fournir une assistance consulaire si nécessaire.
L’article 19 demande aux Parties de faire en sorte que les victimes puissent bénéficier en temps utile d’une information adéquate sur les services de soutien et les mesures juridiques disponibles.
L’article 20 précise que les victimes doivent avoir accès, si nécessaire, à des services de soutien généraux (conseil juridique et psychologique, assistance financière, logement, éducation, formation, assistance en matière de recherche d’emploi, services de santé et services sociaux).
L’article 21 requiert que les victimes soient informées des possibilités de porter plainte, à titre individuel ou collectif, dans le cadre de mécanismes régionaux ou internationaux.
L’article 22 prévoit que les victimes doivent également avoir accès à des services de soutien spécialisés, géographiquement répartis de manière adéquate.
L’article 23 stipule que les Parties sont tenues de veiller à ce qu’il existe des refuges facilement accessibles et en nombre suffisant, offrant aux victimes un logement sûr et une aide pour se rétablir.
L’article 24 précise que des permanences téléphoniques gratuites doivent être accessibles, 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, pour fournir des conseils.
L’article 25 oblige les Parties à mettre en place, en nombre suffisant, des centres d’aide d’urgence accessibles aux victimes de viols et de violences sexuelles.
L’article 26 demande que les services et l’assistance fournis aux victimes prennent aussi en compte les droits et les besoins des enfants témoins.
L’article 27 a pour but d’encourager toute personne témoin d’un acte de violence visé par la convention, ou ayant de sérieuses raisons de croire qu’un tel pourrait être commis, à le signaler.
L’article 28 exige des Parties qu’elles veillent à ce que les règles de confidentialité auxquelles certains professionnels sont tenus ne les empêchent pas de faire des signalements s’ils ont des motifs raisonnables de croire qu’un acte grave de violence a été commis et, cumulativement, que de nouveaux actes graves de violence sont à craindre.
– Le chapitre V comporte de nombreuses dispositions de droit matériel, afin d’éviter d’éventuelles lacunes au plan national.
L’article 29 garantit le droit des victimes à exercer un recours contre l’auteur de l’infraction et à obtenir réparation lorsque les autorités étatiques n’ont pas pris les mesures de prévention ou de protection nécessaires.
L’article 30 établit que les victimes doivent être en mesure de demander à l’auteur de l’infraction une indemnisation du préjudice subi ou, à défaut, à l’Etat, si le préjudice n’est pas couvert et en cas d’atteintes graves à l’intégrité corporelle ou à la santé.
L’article 31 demande que les actes de violence couverts par la convention soient pris en considération pour l’octroi des droits de garde et de visite, et que la prise en compte des droits parentaux de l’auteur de l’infraction ne compromette pas la sécurité de la victime ou des enfants.
L’article 32 impose de veiller à ce que les procédures relatives aux mariages forcés ne constituent pas une charge financière ou administrative excessive pour les victimes.
Les articles 33 à 39 demandent l’établissement des infractions pénales suivantes : la violence psychologique, le harcèlement, les actes de violence sexuelle, les mariages forcés, les mutilations génitales féminines, ainsi que l’avortement et la stérilisation forcés.
L’article 40 demande que le harcèlement sexuel puisse faire l’objet d’une sanction, en laissant ouverte la possibilité que celle-ci ne soit pas nécessairement de nature pénale, certaines législations nationales considérant par exemple le harcèlement sexuel comme relevant du droit du travail.
L’article 41 établit des infractions supplémentaires se rapportant à la tentative de commettre des infractions définies par la convention et à la complicité en vue de leur commission.
L’article 42 rappelle, en ce qui concerne les procédures pénales, que la culture, la coutume, la religion, la tradition ou « l’honneur » ne doivent pas servir à justifier des actes de violence couverts par la convention. De tels actes étant parfois commis par des enfants n’ayant pas atteint l’âge de la majorité pénale, à l’instigation d’adultes, la responsabilité pénale des instigateurs est également rappelée.
L’article 43 établit le principe selon lequel la nature de la relation entre la victime et l’auteur de l’infraction ne doit pas conduire à écarter certaines infractions. A titre d’exemple, on peut rappeler que le viol dans le cadre du mariage n’a pas toujours été reconnu.
L’article 44 précise les critères selon lesquels les Parties doivent établir leur compétence à l’égard des infractions établies conformément à la convention.
L’article 45 exige que les infractions visées par la convention soient passibles de « sanctions effectives, proportionnées et dissuasives ».
L’article 46 précise les circonstances qui doivent pouvoir être considérées comme aggravantes au moment de la détermination des peines.
L’article 47 demande qu’il soit possible de prendre en compte, au moment de l’appréciation de la peine, les condamnations définitives prononcées dans un autre Etat partie.
L’article 48 interdit, pour les formes de violence couvertes par la convention, toute obligation de recourir aux modes dits « alternatifs » de résolution des conflits, notamment la médiation et la conciliation, et demande la prise en considération de la capacité financière de l’auteur de l’infraction.
– Le chapitre VI est relatif aux enquêtes, aux poursuites, au droit procédural et aux mesures de protection.
L’article 49 vise à faire en sorte que le traitement de la violence entrant dans le champ d’application de la convention fasse l’objet d’un niveau de priorité pertinent, en demandant que les enquêtes et les procédures judiciaires soient réalisées de manière effective et sans retard injustifié.
L’article 50 requiert des Parties qu’elles prennent les mesures nécessaires pour que leurs services répressifs fournissent une protection adéquate et immédiate aux victimes, et que ces mêmes services engagent rapidement et de manière appropriée les mesures de prévention nécessaires.
L’article 51 rappelle la nécessité, pour tous les services compétents, d’assurer une évaluation et une gestion efficaces des risques, de manière coordonnée, et en prenant notamment en compte la possession d’armes à feu ou l’accès à de telles armes.
L’article 52 demande que les autorités compétentes puissent ordonner à l’auteur des violences de quitter le domicile de la victime ou de la personne en situation de danger immédiat, afin de la protéger – au lieu que ce soit à elle de devoir quitter les lieux.
L’article 53 a pour objet de garantir l’adoption rapide et efficace d’ordonnances d’injonction ou de protection en faveur des victimes.
L’article 54 limite l’admissibilité des preuves relatives aux antécédents et à la conduite de la victime en matière sexuelle.
L’article 55 demande aux Parties de veiller, pour plusieurs infractions, d’une part à ce que les enquêtes et les poursuites ne dépendent pas uniquement d’une dénonciation ou d’une plainte de la victime, d’autre part à ce que les procédures engagées puissent se poursuivre même si la victime se rétracte, et enfin de manière générale à ce que les services de soutien et de défense puissent apporter leur aide aux victimes.
L’article 56 demande aux Parties de veiller à protéger les droits et les intérêts des victimes à tout moment lors des enquêtes et des procédures judiciaires, notamment en les prévenant lorsque l’auteur de l’infraction s’évade ou est libéré, s’il peut en résulter un danger, et en aménageant les procédures afin d’éviter de nouveaux traumatismes.
L’article 57 impose à chaque Partie l’obligation de prévoir un droit à une aide juridique gratuite, dans les conditions prévues par le droit interne.
L’article 58 reporte le point de départ du délai de prescription pour un certain nombre d’infractions, notamment les violences sexuelles, le mariage forcé et les mutilations génitales, afin de permettre la mise en œuvre efficace des poursuites une fois que la victime est devenue majeure.
– Le chapitre VII vise à prendre en compte des difficultés spécifiques auxquelles peuvent être exposées des femmes migrantes ou demandeuses d’asile et par ailleurs victimes de violences.
L’article 59 vise à garantir que le risque de perdre son titre de séjour ou de faire l’objet d’une procédure d’expulsion ne constitue pas un obstacle supplémentaire pour les victimes qui décideraient de mettre un terme à une relation ou à un mariage les exposant à des violences, ou bien pour les victimes d’un mariage forcé.
L’article 60 demande la prise en compte de la violence fondée sur le genre dans le cadre de l’application de la convention de 1951 sur le statut des réfugiés.
L’article 61 vise à garantir le non refoulement des victimes vers un pays où leur vie serait en péril ou dans lequel elles pourraient être victimes de tortures ou de peines ou traitements inhumains ou dégradants.
– Le chapitre VIII traite de la coopération internationale.
L’article 62 en fait une obligation générale, qu’il s’agisse de prévenir, de combattre ou de poursuivre toute forme de violence entrant dans le champ d’application de la convention, de protéger ou d’assister les victimes, de mener des enquêtes ou des procédures concernant les infractions établies conformément à la convention, ou encore d’appliquer les jugements civils et pénaux pertinents.
Le même article demande aux Parties de permettre aux victimes d’une infraction établie conformément à la convention et commise sur le territoire d’une Partie autre que celui de l’Etat où elles résident de porter plainte auprès des autorités compétentes de l’Etat de résidence.
Il permet aussi de considérer la convention comme base légale pour accorder la coopération judiciaire à une Partie en l’absence de traité spécifique.
Enfin, il encourage les Parties à intégrer la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique dans leurs programmes d’assistance au développement au profit d’Etats tiers.
L’article 63 encourage les Parties à transmettre sans délai des informations utiles pour assurer la protection des personnes susceptibles de courir un risque immédiat.
L’article 64 vise à améliorer l’efficacité des échanges d’information en demandant notamment à la Partie requise de communiquer à la Partie requérante le résultat final de l’action exercée.
L’article 65 demande que les données soient conservées et utilisées conformément à la convention du Conseil de l’Europe pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel.
Le chapitre IX établit un mécanisme visant à garantir la mise en œuvre effective de la convention. Ce mécanisme fait intervenir un organe technique constitué d’experts, ainsi qu’un organe politique composé de représentants des Parties à la convention, tout en appelant par ailleurs à un suivi parlementaire.
L’article 66 instaure un Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, dit « GREVIO », dont les membres seront élus pour 4 ans par le Comité des Parties parmi des candidats désignés par ces dernières. Choisis pour leur expertise, ils devront siéger à titre individuel, de manière indépendante et impartiale.
L’article 68 précise que les Parties remettront au Secrétaire général du Conseil de l’Europe, sur la base d’un questionnaire établi par le GREVIO et pour examen par cette instance, des rapports sur les mesures adoptées afin de mettre en œuvre la convention. Si les informations communiquées ne sont pas suffisantes ou si une situation précise nécessite une attention immédiate, le GREVIO pourra effectuer une visite dans le pays concerné.
Le GREVIO pourra également se voir remettre des informations par des institutions nationales de protection des droits de l’homme, par des ONG, par la société civile, par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, par son Assemblée parlementaire, ainsi que par d’autres organes spécialisés du Conseil de l’Europe ou instaurés par d’autres instruments internationaux.
A la différence de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, mais aussi de la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) (9), la présente convention ne prévoit pas le recueil direct de plaintes individuelles. En revanche, les plaintes présentées devant d’autres organes, notamment le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe ou des organes spécialisés instaurés par d’autres instruments internationaux (10), seront mises à la disposition du GREVIO, de même que les suites qui leur sont données.
A partir des informations reçues, le GREVIO élaborera un rapport public sur la mise en œuvre de la convention, qui sera transmis pour commentaire à la Partie concernée. Ce rapport pourra comporter des suggestions et propositions pour remédier aux difficultés identifiées.
L’article 69 permet en outre au GREVIO d’adopter des recommandations générales sur la mise en œuvre de la convention.
L’article 67 précise que le Comité des Parties est composé des représentants des Parties à la convention.
L’alinéa 12 de l’article 68 confère un rôle plus politique à cet organe en l’autorisant à adopter des recommandations indiquant les mesures à prendre par la Partie concernée afin de mettre en œuvre les conclusions du GREVIO. Le Comité des Parties pourra également demander la transmission d’informations sur la mise en œuvre de ses propres recommandations, si nécessaire en fixant une date butoir.
L’article 70 prévoit par ailleurs un troisième niveau de suivi.
– Tout d’abord, les Parlements nationaux sont invités à participer au suivi des mesures prises pour la mise en œuvre de la convention.
– Ensuite, il est prévu que les Parties devront leur soumettre les rapports du GREVIO sur l’application de la convention.
– Enfin, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe est appelée à établir un bilan régulier.
Le chapitre X, relatif aux relations avec les autres instruments internationaux, n’appelle pas d’observations particulières. Il vise à garantir une coexistence harmonieuse avec d’autres traités ou instruments traitant de matières couvertes par la présente convention.
Le chapitre XI a pour objet de définir les modalités d’amendement à la convention. L’article 72 précise ainsi que les amendements pourront être adoptés par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, à la majorité des deux tiers des voix exprimées et à la majorité des représentants ayant le droit de siéger.
Le Comité des Ministres devra préalablement consulter les Parties à la convention qui ne sont pas membres du Conseil de l’Europe, et leur assentiment sera nécessaire pour que tout amendement ainsi adopté puisse entrer en vigueur. Leur acceptation sera signifiée au Secrétaire général du Conseil de l’Europe.
Le chapitre XII contient les habituelles clauses finales.
L’article 73, relatif aux effets de la convention, précise qu’elle ne saurait être interprétée de manière à restreindre une protection plus favorable qui serait assurée par des dispositions de droit interne ou par d’autres instruments internationaux contraignants.
L’article 74 traite du règlement des différends. S’il n’est pas fait référence à la Cour internationale de Justice, c’est que plusieurs Etats ayant participé à l’élaboration de la convention n’acceptaient pas sa compétence obligatoire et ne souhaitaient pas le faire en ce qui concerne cette convention.
La combinaison des articles 75 et 76 élargit la portée de la présente convention au-delà de sa dimension régionale originelle. La convention est en effet ouverte aux Etats non membres du Conseil de l’Europe ayant participé à son élaboration, ainsi que potentiellement à tout autre Etat, avec l’accord des Parties.
L’article 77 permet à un Etat partie d’exclure certains territoires de l’application de la convention. Comme l’indique le « Rapport explicatif », une raison valable peut être l’existence de systèmes juridiques différents applicables aux questions visées par la convention.
Les articles 78 et 79 encadrent les possibilités de réserve :
– aucune réserve n’est en principe admise aux stipulations de la convention, à l’exception toutefois d’une liste limitative de sept articles, correspondant aux mesures pour lesquelles un accord n’a pas pu être trouvé au moment de la rédaction de la convention ;
– les réserves ne sont valables que pour une période de cinq ans, renouvelable ;
– avant tout renouvellement des réserves ou sur demande, les Parties doivent fournir au GREVIO des explications sur les motifs qui les justifient.
La France, pour sa part, a décidé de faire deux réserves :
– la première porte sur plusieurs clauses relatives à la compétence des juridictions nationales, d’une part dans la mesure où le code pénal ne donne pas compétence aux juridictions françaises en ce qui concerne les infractions commises à l’étranger, par des non ressortissants, au préjudice de personnes étrangères, et d’autre part parce qu’il demande que les faits soient aussi incriminés par la loi locale, en ce qui concerne les délits, exception faite de certains d’entre eux, commis en matière de mœurs à l’égard de mineurs, et que les poursuites soient précédées d’une plainte de la victime ou de ses ayants droits ou d’une dénonciation officielle par l’autorité du pays où les faits ont été commis ;
– La seconde réserve vise à limiter l’application du report du point de départ de la prescription pour certaines infractions, prévu par l’article 58, notamment en raison des difficultés matérielles qui pourraient alors surgir.
L’article 80 est relatif au mode de dénonciation de la convention.
L’article 81 énumère les notifications auxquelles le Secrétaire général du Conseil de l’Europe devra procéder, en sa qualité de dépositaire de la convention,
La convention comporte enfin une annexe, relative aux privilèges et immunités dont bénéficient les membres du GREVIO et les autres membres des délégations chargées d’effectuer des visites dans les Etats parties, conformément à l’article 66.
La France, qui est engagée de longue date dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes et contre la violence domestique, au plan national comme au plan international, qui a par ailleurs participé à l’élaboration de la présente convention, en 2011, et qui a même déjà veillé à la transposer en droit interne (11), se doit désormais de procéder à sa ratification.
D’une part, parce que la convention, en elle-même, est un instrument exemplaire :
– elle vise à offrir, à tous égards, un cadre juridique complet contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique ;
– elle prévoit un mécanisme solide et indépendant, même s’il n’est pas juridictionnel, pour suivre la mise en œuvre des obligations incombant aux Etats ;
– elle impose à ces derniers d’agir avec la « diligence voulue » dans les différents domaines visés par la convention, ce qui met à leur charge une obligation de moyens.
D’autre part, parce qu’en raison de son ouverture au-delà des frontières du Conseil de l’Europe qui l’a vu naître, mais aussi du fait de son utilisation potentielle en tant que modèle normatif au plan international, la convention d’Istanbul peut susciter un effet d’entraînement évidemment souhaitable.
Pour toutes ces raisons, même si sa ratification ne devrait pas bouleverser l’ordre juridique en France, puisqu’il est déjà très largement conforme aux exigences de la convention, on peut raisonnablement espérer, à terme, que cet instrument juridique nouveau permette d’améliorer l’état du droit, les pratiques et les comportements privés sur le continent européen et au-delà.
Or, à l’heure actuelle, les conditions prévues pour son entrée en vigueur ne sont pas remplies. Alors que la convention d’Istanbul doit avoir été ratifiée par 10 Etats, dont au moins 8 appartenant au Conseil de l’Europe, ils ne sont pour l’instant que 8 en tout à l’avoir fait.
La France, qui se signale dans le monde par les valeurs universelles dont elle se fait l’avocat, doit aussi donner l’exemple en apportant son soutien à cette convention. Notre pays s’honorerait en comptant parmi les premiers Etats à la ratifier, et à faire partie de ceux qui lui permettront d’entrer enfin en vigueur.
La commission examine le présent projet de loi au cours de sa séance du mercredi 29 janvier 2014, à 9 heures 45.
Après l’exposé de la rapporteure, un débat a lieu.
M. Jacques Myard. Cette convention est intéressante, mais je voudrais savoir si le Gouvernement français a prévu d’émettre des réserves. Au regard de notre législation, je ne le pense pas. Qu’en est-il des autres Etats ? L’article 78 permet de le faire dans de nombreux cas, qui ne me paraissent d’ailleurs pas tous évidents.
M. François Loncle. Je voudrais féliciter notre rapporteure et rappeler, en ma qualité de membre de la délégation française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, que cette institution rassemble 47 pays, c'est-à-dire toute l’Europe moins la Biélorussie. Elle réalise un travail considérable en matière de démocratie et de droits de l’homme, notamment en ce qui concerne les violences faites aux femmes, les violences domestiques, et les violences à l’égard des enfants. Je suis donc très heureux que cette convention soit présentée devant notre Commission en vue de sa ratification prochaine.
Jacques Myard a raison d’évoquer la question des réserves éventuelles d’autres pays, certains d’entre eux connaissant des pratiques contre lesquelles nous devons continuer à lutter, afin d’assurer une protection maximale des droits des femmes et des enfants.
Mme Danielle Auroi. Je voudrais remercier la rapporteure pour son travail, avant d’insister sur l’exemplarité de cette convention, qu’elle a d’ailleurs mise en lumière. La convention vise de manière très précise, dans leurs différents aspects, les violences faites aux femmes, ainsi que les violences domestiques.
C’est un sujet sur lequel le Parlement européen, où j’ai eu la chance de siéger pendant quelques années, à la commission FEMM, fait aussi un travail considérable. Il a notamment beaucoup travaillé sur le trafic des êtres humains – il faut rappeler, en effet, que le mariage forcé existe encore.
En adoptant ce projet de loi, nous montrerons que la France est consciente du problème, dont notre pays est loin d’être exempt.
M. André Schneider. Je félicite la rapporteure et m’associe à ce qu’a dit François Loncle. Comme lui, je siège à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Nous devrions d’ailleurs y être en ce moment, mais nous souhaitions être avec vous ce matin pour cette convention. Les disparités sont effectivement considérables entre les pays, mais le combat est le même partout. C’est pourquoi nous soutenons le travail fait par le Conseil de l’Europe.
Mme Catherine Coutelle. Je voudrais d’abord remercier la rapporteure, qui a bien voulu m’entendre en ma qualité de présidente de la délégation aux droits des femmes.
Cette convention est importante. La loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, que nous avons adoptée hier en séance, a ainsi complété notre droit en introduisant des éléments correspondant à ce que demande cette convention, notamment le droit d’avoir des papiers pour les femmes quittant le domicile conjugal en raison des violences qu’elles subissent. La rupture de vie commune les expose au risque que leur titre de séjour ne soit pas renouvelé, ce qui pourrait conduire à une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Notre législation intègre ainsi, au fur et à mesure, des éléments qui sont d’une très grande importance.
A la page 3 de l’exposé des motifs, il est précisé qu’il existe un « lien entre la réalisation de l’égalité entre les sexes et l’éradication de la violence à l’égard des femmes ». Il n’est jamais trop tôt pour l’apprendre « l’ABCD de l’égalité », qui n’est rien d’autre que l’apprentissage du respect entre les garçons et les filles dès l’école. Les tromperies qui circulent en ce moment ne sont qu’un pur scandale. Nous devrons, au demeurant, renforcer l’accès à l’égalité, une fois la convention ratifiée. Aujourd’hui, en France, une femme meurt tous les deux jours et demi sous les coups de son conjoint. Cette convention est une étape importante.
J’ai une question à poser : quand ce texte viendra-t-il dans l’hémicycle ?
M. Michel Vauzelle, président. Nous n’avons pas encore de date.
Mme Françoise Imbert, rapporteure. Monsieur Myard, certains États ont manifesté des réticences à l’égard de cette convention, notamment en ce qui concerne la référence au genre. S’agissant des réserves, je pourrai vous faire parvenir un récapitulatif complet.
M. Jacques Myard. Il y a des possibilités de faire des réserves qui sont scandaleuses. Notamment celle qui pourrait être faite à l’article 55, pour interrompre les poursuites dès lors qu’une victime renonce à sa plainte.
Mme Françoise Imbert, rapporteure. La France, quant à elle, a fait valoir deux réserves.
La première, relative à la compétence extraterritoriale, concerne l’article 44. Le code pénal ne donne pas compétence aux juridictions françaises en ce qui concerne les infractions commises à l’étranger, par des non-ressortissants, au préjudice de personnes étrangères. Par ailleurs, en ce qui concerne les délits, la compétence des juridictions françaises est subordonnée à une double condition : les faits doivent être incriminés par la loi locale et les poursuites doivent être précédées d’une plainte de la victime ou de ses ayants droits, ou d’une dénonciation officielle par l’autorité du pays où les faits ont été commis. Il faut toutefois rappeler que certains délits en matière de mœurs à l’égard des mineurs ne sont pas soumis au principe de double incrimination.
La seconde réserve vise à limiter l’application du report du point de départ de la prescription pour certaines infractions, prévu par l’article 58, notamment en raison des difficultés matérielles qui pourraient alors surgir.
Monsieur Loncle, vous avez rappelé à juste titre le travail fait par le Conseil de l’Europe. Je participe régulièrement, pour ma part, à des travaux sur les violences sexuelles à l’encontre des enfants. C’est un sujet extrêmement difficile, mais nous essayons tout de même de mettre en place une législation commune.
Je tiens à remercier Mme Auroi et M. Schneider pour leur soutien.
Enfin, merci à Madame Coutelle d’avoir accepté d’être auditionnée et d’avoir rappelé, dans son intervention, la loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que « l’ABCD de l’égalité ». Il reste encore beaucoup de chemin à faire.
Suivant les conclusions de la rapporteure, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 1026).
ETAT DES SIGNATURES ET DES RATIFICATIONS
Etats membres du Conseil de l'Europe :
|
Signature |
Ratification |
Entrée en vigueur |
R. |
D. |
T. |
Albanie |
19/12/2011 |
4/2/2013 |
|
|
|
|
Allemagne |
11/5/2011 |
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X |
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|
Andorre |
22/2/2013 |
|
|
|
|
|
Arménie |
|
|
|
|
|
|
Autriche |
11/5/2011 |
14/11/2013 |
|
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|
|
Azerbaïdjan |
|
|
|
|
|
|
Belgique |
11/9/2012 |
|
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|
|
Bosnie-Herzégovine |
8/3/2013 |
7/11/2013 |
|
|
|
|
Bulgarie |
|
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|
|
|
|
Chypre |
|
|
|
|
|
|
Croatie |
22/1/2013 |
|
|
|
|
|
Danemark |
11/10/2013 |
|
|
|
|
|
Espagne |
11/5/2011 r |
|
|
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|
Estonie |
|
|
|
|
|
|
Finlande |
11/5/2011 |
|
|
|
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|
France |
11/5/2011 |
|
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|
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Géorgie |
|
|
|
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Grèce |
11/5/2011 |
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|
Hongrie |
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|
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|
Irlande |
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|
|
|
|
|
Islande |
11/5/2011 |
|
|
|
|
|
Italie |
27/9/2012 |
10/9/2013 |
|
|
|
|
Lettonie |
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|
L'ex-République yougoslave de Macédoine |
8/7/2011 |
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|
Liechtenstein |
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|
|
|
Lituanie |
7/6/2013 |
|
|
|
X |
|
Luxembourg |
11/5/2011 |
|
|
|
|
|
Malte |
21/5/2012 |
|
|
X |
|
|
Moldova |
|
|
|
|
|
|
Monaco |
20/9/2012 |
|
|
|
|
|
|
Signature |
Ratification |
Entrée en vigueur |
R. |
D. |
T. |
Monténégro |
11/5/2011 |
22/4/2013 |
|
|
|
|
Norvège |
7/7/2011 |
|
|
|
|
|
Pays-Bas |
14/11/2012 |
|
|
|
|
|
Pologne |
18/12/2012 |
|
|
X |
X |
|
Portugal |
11/5/2011 |
5/2/2013 |
|
|
|
|
République tchèque |
||||||
Roumanie |
|
|
|
|
|
|
Royaume-Uni |
8/6/2012 |
|
|
|
|
|
Russie |
|
|
|
|
|
|
Saint-Marin |
|
|
|
|
|
|
Serbie |
4/4/2012 |
21/11/2013 |
|
X |
|
|
Slovaquie |
11/5/2011 |
|
|
|
|
|
Slovénie |
8/9/2011 |
|
|
|
|
|
Suède |
11/5/2011 |
|
|
|
|
|
Suisse |
11/9/2013 |
|
|
|
|
|
Turquie |
11/5/2011 |
14/3/2012 |
|
|
|
|
Ukraine |
7/11/2011 |
|
|
|
|
|
Non membres du Conseil de l'Europe :
|
Signature |
Ratification |
Entrée en vigueur |
R. |
D. |
T. |
Canada |
|
|
|
|
|
|
Etats-Unis d'Amérique |
|
|
|
|
|
|
Japon |
|
|
|
|
|
|
Mexique |
|
|
|
|
|
|
Saint-Siège |
|
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|
Organisations internationales :
|
Signature |
Ratification |
Entrée en vigueur |
R. |
D. |
T. |
Union européenne |
|
|
|
|
|
|
Nombre total de signatures non suivies de ratifications : |
24 |
Nombre total de ratifications/adhésions : |
8 |
Renvois :
R.: Réserves - D.: Déclarations - T.: Application territoriale.
LISTE DES ENTRETIENS ET DES AUDITIONS DE LA RAPPORTEURE
– Mme Catherine Coutelle, députée, présidente de la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale (le 21 janvier 2014) ;
– Mme Nicole Ameline, députée, présidente du Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (le 21 janvier 2014) ;
– M. Gilles Bon-Maury, conseiller en charge de l'accès aux droits, de la lutte contre les violences faites aux femmes et de la lutte contre les violences et les discriminations commises à raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre, et Mme Shéraz Gasri, conseillère diplomatique au cabinet de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes et porte-parole du Gouvernement (le 21 janvier 2014).
TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Article unique
(Non modifié)
Est autorisée la ratification de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (ensemble une annexe), signée à Istanbul le 11 mai 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi
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NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n°1026).