N° 1737
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 29 janvier 2014
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification de la convention n° 187 de l’Organisation internationale du travail relative au cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail,
PAR Mme Pascale BOISTARD
Députée
——
ET
ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Voir les numéros :
Sénat : 375 (2011-2012), 304, 305 et T.A. 83 (2012-2013).
Assemblée nationale : 674.
SOMMAIRE
___
Pages
INTRODUCTION 5
I. UN CADRE INTERNATIONAL DE PROMOTION DE LA SÉCURITÉ ET DE LA SANTÉ AU TRAVAIL : UNE AMBITION PORTÉE PAR L’ORGANISATION INTERNATIONALE DU TRAVAIL ET SOUTENUE PAR LA FRANCE 7
A. L’AMÉLIORATION DES CONDITIONS DE TRAVAIL EST UN OBJECTIF CONSTANT DE L’OIT 7
1. L’OIT a adopté depuis sa création un ensemble cohérent de textes visant à renforcer la prévention des risques professionnels 7
2. Que viennent compléter de nombreux outils techniques mis au point par le Bureau international du Travail 8
B. LE COÛT HUMAIN ET ÉCONOMIQUE DES ACCIDENTS DU TRAVAIL DEMEURE SIGNIFICATIVEMENT ÉLEVÉ 10
1. Malgré de notables efforts des pays membres de l’OIT… 10
2. … l’amélioration des conditions de travail semble avoir atteint un palier 11
II. UN NOUVEL INSTRUMENT FONDÉ SUR UNE MÉTHODE ORIGINALE 13
A. UNE MÉTHODE NOVATRICE : « L’APPROCHE INTÉGRÉE » 13
1. Une démarche qui complète l’action normative par un échange de bonnes pratiques et un appui technique 13
2. Une méthode non prescriptive et pragmatique 13
B. LA CONVENTION N° 187 FOURNIT UN CADRE PROMOTIONNEL EFFICACE DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ AU TRAVAIL 14
1. Un cadre large reprenant les principales dispositions des textes majeurs régissant la sécurité et la santé au travail au plan international 14
2. Les objectifs de la convention 16
3. L’obligation d’établir une politique nationale de sécurité et santé au travail 16
4. L’état d’avancement de la ratification 18
III. UN SOCLE NORMATIF QUI S’INSCRIT PLEINEMENT DANS LE CADRE EUROPÉEN ET L’ACTION GOUVERNEMENTALE 21
A. LES DISPOSITIONS COMMUNAUTAIRES EN MATIÈRE DE SANTÉ ET DE SÉCURITÉ AU TRAVAIL 21
1. La stratégie de santé et de sécurité au travail 2002-2006 : un bilan positif 21
2. La stratégie 2007-2012 : améliorer la qualité et la productivité au travail 22
B. LES DISPOSITIONS NATIONALES 23
1. Le Plan santé au travail 2005-2009 : un effet positif sur la maîtrise des accidents du travail et maladies professionnelles 23
2. Le Plan santé au travail 2010-2014 : favoriser la performance économique et sociale des entreprises 25
ANNEXE 1 : AUDITIONS 27
EXAMEN EN COMMISSION 29
ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 31
La Conférence générale de l’Organisation internationale du Travail (OIT) a, le 31 mai 2006 à Genève, adopté la convention (n° 187) concernant le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail. La ratification de cette convention est soumise à l’autorisation du Parlement par le présent projet de loi.
Il s’agit de l’aboutissement d’un processus initié en novembre 2000 sous l’impulsion du conseil d’administration du Bureau international du Travail (BIT), lorsque celui-ci a décidé d’expérimenter une approche dite « intégrée » des activités normatives de l’OIT, en retenant comme premier sujet celui de la sécurité et de la santé au travail.
La France a soutenu cette initiative, qui présente l’avantage de compléter l’approche normative classique par des outils d’évaluation et d’accompagnement plus adaptés à la diversité des situations économiques et sociales des États membres de l’OIT.
On peut donc fonder l’espoir que cette méthode, plus souple et pragmatique, conduira à une amélioration graduée mais tangible des conditions de travail au niveau international.
I. UN CADRE INTERNATIONAL DE PROMOTION DE LA SÉCURITÉ ET DE LA SANTÉ AU TRAVAIL : UNE AMBITION PORTÉE PAR L’ORGANISATION INTERNATIONALE DU TRAVAIL ET SOUTENUE PAR LA FRANCE
1. L’OIT a adopté depuis sa création un ensemble cohérent de textes visant à renforcer la prévention des risques professionnels
La Constitution de l’Organisation internationale du Travail (OIT) établit le principe selon lequel les travailleurs doivent être protégés contre les maladies en général, les maladies professionnelles et les accidents qui résultent de leur emploi.
La promotion de conditions de travail décentes, sûres et salubres a été un objectif permanent de l’action de l’OIT depuis sa création. Au cours des quatre-vingt-dix dernières années, l’OIT a ainsi élaboré un ensemble conséquent d’instruments internationaux et de documents d’orientation destinés à assister les États dans le renforcement de leurs capacités à prévenir et gérer les risques et les dangers sur le lieu de travail.
L’action de l’OIT passe principalement par l’adoption de normes internationales, prenant la forme de conventions ou de recommandations.
Il existe essentiellement trois types de conventions en matière de sécurité et de santé au travail : des conventions générales, d’autres relatives à des branches d’activités particulières et, enfin, d’autres destinées à la prise en compte de risques spécifiques. Les États membres qui ratifient une convention ont l’obligation d’en appliquer les dispositions. Le contrôle des normes s’effectue par la voie de rapports d’application, que le Bureau international du travail (BIT) sollicite auprès des gouvernements et de leurs administrations.
Certaines conventions, telles que la convention (n° 167) sur la sécurité et la santé dans la construction, 1988, ou la convention (n° 176) sur la sécurité et la santé dans les mines, 1995, portent spécifiquement sur le secteur industriel. Cependant, leur portée peut aussi être assez large. L’une des plus remarquables est la convention de 1981 (n° 155) sur la sécurité et la santé au travail, et le Protocole de 2002 qui l’accompagne, qui se réfère au besoin de formuler et de mettre en œuvre des politiques nationales de santé et sécurité au travail axées sur la prévention des lésions et des maladies professionnelles. Elle prône aussi une révision régulière des politiques et des programmes nationaux en reconnaissance du fait que les changements technologiques et sociaux interviennent à un rythme incroyablement rapide. Doivent également être mentionnées la convention de 1947 (n° 81) sur l’inspection du travail, l’une des conventions les plus largement ratifiées, et la convention de 1969 (n° 129) sur l’inspection du travail en matière agricole.
Conventions de l’OIT relatives à la sécurité et à la santé au travail
Convention (nº 81) sur l’inspection du travail, 1947
Convention (nº 115) sur la protection contre les radiations, 1960
Convention (nº 120) sur l’hygiène (commerce et bureaux), 1964
Convention (nº 121) sur les prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles, 1964
Convention (nº 129) sur l’inspection du travail (agriculture), 1969
Convention (nº 139) sur le cancer professionnel, 1974
Convention (nº 148) sur le milieu de travail (pollution de l’air, bruit et vibrations), 1977
Convention (nº 152) sur la sécurité et l’hygiène dans les manutentions portuaires, 1979
Convention (nº 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981
Convention (nº 161) sur les services de santé au travail, 1985
Convention (nº 162) sur l’amiante, 1986
Convention (nº 167) sur la sécurité et la santé dans la construction, 1988
Convention (nº 170) sur les produits chimiques, 1990
Convention (nº 174) sur la prévention des accidents industriels majeurs, 1993
Convention (nº 176) sur la sécurité et la santé dans les mines, 1995
Convention (nº 184) sur la sécurité et la santé dans l’agriculture, 2001
Source : Organisation internationale du Travail.
Aux conventions s’ajoutent les recommandations, qui n’appellent pas de ratification, et visent à orienter la politique, la législation et la pratique nationales. Enfin, le BIT publie régulièrement des protocoles et directives pratiques pour accompagner la mise en œuvre des conventions.
Les instruments de l’OIT relatifs à la sécurité et la santé au travail incluent ainsi au total 19 conventions, 26 recommandations, 2 protocoles et 37 recueils de directives pratiques.
2. Que viennent compléter de nombreux outils techniques mis au point par le Bureau international du Travail
La démarche du BIT dépasse la simple édiction de normes internationales, elle consiste tout à la fois à :
– promouvoir la ratification et l’application des conventions de l’OIT relatives aux maladies professionnelles ;
– renforcer les alliances internationales en faveur de la prévention des maladies professionnelles avec d’autres institutions telles que l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la Commission internationale de la santé au travail (CIST), l’Association internationale de l’inspection du travail (AIIT) et l’Association internationale de la sécurité sociale (AISS) ;
– soutenir les initiatives des États Membres pour consolider leurs capacités de prévention et de reconnaissance des maladies professionnelles ;
– encourager les échanges de bonnes pratiques de prévention des maladies professionnelles, aux niveaux national et international.
Pour apporter son concours aux États membres de l’OIT, le BIT a donc mis au point de nombreux outils techniques permettant de renforcer les systèmes nationaux de veille sanitaire, d’améliorer les critères de diagnostic, l’enregistrement et la déclaration des maladies professionnelles ainsi que les conditions de travail, au moyen de mesures de prévention et de contrôle.
Ces outils comprennent notamment le Recueil de directives pratiques du BIT sur l’enregistrement et la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles (1), les Principes techniques et éthiques de la surveillance de la santé des travailleurs (2), ou encore le manuel de Prévention du stress au travail (3). On peut citer plus récemment le kit pédagogique dit « SOLVE » visant à intégrer les problématiques de santé publique au sein des politiques de sécurité au travail (4).
L’OIT a également développé des outils de formation tels que le « Système intégré de formation des inspecteurs du travail » et a tenu des ateliers de formation d’inspecteurs dans de nombreux pays, tels que l’Afrique du Sud, la Croatie, Cuba, l’Égypte, l’Éthiopie, Fidji, la République démocratique populaire du Lao, l’ex-République yougoslave de Macédoine, le Mexique, la République de Moldavie, le Monténégro, l’Ouzbékistan, la Roumanie, l’Ukraine et le Viet Nam.
Enfin, des instructions relatives aux critères de diagnostic, ainsi qu’à l’enregistrement et à la déclaration des maladies professionnelles sont en cours d’élaboration, en collaboration avec l’Organisation mondiale de la santé, des organismes professionnels, et des organisations d’employeurs et de travailleurs.
Le BIT a mené en 2009 une étude d’ensemble relative à la convention (n° 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, dont les résultats montrent que tous les pays membres de l’OIT disposent aujourd’hui d’instruments juridiques et techniques visant à prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles, bien qu’il existe des différences importantes entre les pays quant à l’exhaustivité, le degré de technicité, la mise en œuvre et la capacité de contrôle de l’application de ces instruments.
Ainsi, de nombreux pays, notamment parmi les pays en voie de développement, sont en train d’actualiser leurs politiques nationales de santé et de sécurité au travail. On note également des réformes en vue d’améliorer les systèmes de réglementation et leur bonne mise en œuvre, qui sont déterminants en matière de prévention des maladies professionnelles. D’autres pays ont mis l’accent sur des questions émergentes, comme le stress lié au travail et les troubles musculo-squelettiques, en apportant de l’aide aux petites et moyennes entreprises (PME) et en s’engageant dans la promotion des bonnes pratiques.
Par ailleurs, les ratifications des conventions de l’OIT se multiplient, ce qui constitue un bon indicateur de cet engagement grandissant.
Depuis 2000, ce sont 13 nouveaux pays (Antigua-et-Barbuda, Belgique, Bulgarie, Colombie, Luxembourg, Monténégro, Niger, Pologne, Serbie, Seychelles, Turquie, Ukraine et Zimbabwe) qui ont ratifié la convention (n° 161), ce qui correspond à plus d’un tiers de toutes les ratifications depuis l’adoption de cette convention en 1985. Depuis que le conseil d’administration du BIT a adopté le Plan d’action visant à promouvoir la ratification et la mise en œuvre effective des instruments relatifs à la sécurité et à la santé au travail en 2010(5), la convention (n°155) et son protocole de 2002 ont été ratifiés par 17 autres pays, la convention (n° 187) a été ratifiée par 25 pays et 18 pays ont ratifié d’autres conventions récentes intéressant la santé et la sécurité au travail.
La plupart des États Membres de l’OIT ont enfin signé « l’Agenda du travail décent » et sont en train de déployer des programmes par pays visant à promouvoir le travail décent, beaucoup d’entre eux soulignant la nécessité de développer la sécurité et la santé au travail.
Les dernières estimations du BIT indiquent qu’au niveau mondial le nombre d’accidents du travail mortels et non mortels et des maladies professionnelles ne semble pas avoir baissé de manière significative ces dix dernières années.
Malgré les efforts mondiaux déployés pour assurer en pratique des conditions de travail décentes, sûres et salubres aux salariés, on estime que chaque année plus de 2 millions d’accidents mortels et 330 millions d’accidents du travail continuent à se produire.
Le coût humain et économique en est considérable. Non seulement l’impact des lésions et des décès est immense en termes de souffrances humaines, mais leurs conséquences économiques sont non négligeables, pour les individus, les entreprises et les pouvoirs publics. Les maladies professionnelles appauvrissent les travailleurs et leur famille, réduisent la productivité et la capacité de travail, et entraînent une augmentation vertigineuse des dépenses de santé.
D’après les estimations du BIT, les accidents du travail et les maladies professionnelles font perdre chaque année 4 % du produit intérieur brut mondial, soit à peu près l’équivalent de 2 800 milliards de dollars, en coûts directs et indirects imputables aux accidents du travail et aux maladies professionnelles. Le coût des maladies liées au travail a été évalué à au moins 145 milliards d’euros par an dans l’Union européenne. En France, les pouvoirs publics estiment que, pour l’ensemble de la période 2001-2020, l’indemnisation des victimes de maladies imputables à l’amiante sera comprise entre 27 et 37 milliards d’euros, soit l’équivalent de 1,3 à 1,9 milliard d’euros par an. Aux États-Unis, les compagnies d’assurance auraient déboursé 21,6 milliards de dollars pour indemniser les cas d’exposition à l’amiante sur la période 1990-2000.
Une analyse plus détaillée des statistiques montre également que, malgré une diminution continue du nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles dans les pays industrialisés, tel n’est pas le cas dans les pays faisant face à une industrialisation rapide ou dans ceux ne disposant pas de ressources économiques et techniques suffisantes pour maintenir des systèmes nationaux efficaces de sécurité et santé au travail.
La mondialisation économique, les progrès technologiques, ont sans doute été un élément majeur dans les changements en cours du monde du travail dans les pays en voie de développement. Dans les pays développés, même si l’intégration des exigences de santé et sécurité au travail dans les politiques des grandes entreprises, en particulier des multinationales, est désormais une tendance bien établie, des efforts importants demeurent nécessaires pour aider les petites et moyennes entreprises (PME) ainsi que l’économie informelle à mettre au moins en œuvre des mesures élémentaires de prévention et de protection.
Il est donc nécessaire de poursuivre la promotion de réglementations protectrices en matière de conditions de travail.
Or, si les outils traditionnels de prévention et de maîtrise des dangers et des risques sont toujours efficaces lorsqu’ils sont correctement appliqués, ils doivent être complétés par des stratégies de prévention destinées à anticiper, à identifier, à évaluer et à maîtriser les risques générés par un monde du travail en constante évolution.
La méthode normative classique, privilégiée jusqu’ici, semble s’essouffler et pourrait utilement être complétée par d’autres instruments. C’est l’esprit de la nouvelle convention (n° 187) établissant un cadre promotionnel en matière de sécurité et de santé au travail adoptée en 2006, avec le soutien actif de la France.
1. Une démarche qui complète l’action normative par un échange de bonnes pratiques et un appui technique
L’OIT a déjà déployé des efforts importants pour combler le déficit et les déséquilibres de l’économie mondialisée sur le plan social par de nouveaux modes de régulation. Elle s’expose cependant au grief de n’avoir pas toujours réussi à en assurer le respect universel.
C’est pourquoi, outre les normes précédemment évoquées, qui constituent un système de régulation juridique classique, l’OIT a adopté une nouvelle approche, dite approche intégrée, dont l’objectif est d’améliorer l’efficacité de leur mise en œuvre. Il s’agit, sur des thématiques précises, d’utiliser toutes les ressources et tous les moyens nécessaires pour obtenir l’amélioration recherchée : les normes internationales du travail continueront d’être l’instrument moteur et privilégié par l’OIT, mais sa politique s’appuiera également sur un ensemble de techniques beaucoup plus large et ouvert, comme l’échange de bonnes pratiques et l’assistance technique.
La santé et la sécurité au travail a été le premier thème retenu par l’OIT dans le cadre de cette approche.
Ayant très tôt soutenu cette démarche, la France a, dès le mois de juin 2003, promu le principe de l’élaboration d’un instrument établissant un cadre promotionnel en matière de sécurité et de santé au travail. Selon une procédure peu courante à l’OIT, le Secrétariat du Bureau international du travail a chargé un groupe tripartite réunissant des représentants des gouvernements, des travailleurs et des employeurs d’ébaucher les grandes lignes de la future stratégie, avant de commencer à élaborer sa propre proposition. La France a participé activement à la conception du plan d’action.
À l’issue de la 91ème session de la Conférence internationale du travail en 2003, une stratégie globale portant sur la sécurité et santé au travail a été adoptée. Cette stratégie prévoyait notamment l’élaboration d’un nouvel instrument établissant un cadre promotionnel dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail. Ce dernier a été adopté lors de la Conférence internationale du travail de 2006.
L’approche intégrée peut être critiquée pour son caractère peu prescriptif, ou déclaratoire. Cela nous ramène à la question lancinante de savoir si, pour être universellement respectées, ces règles du jeu ne devraient pas avoir le même statut que les règles contraignantes qui conditionnent l’ouverture des marchés. Il s’agit autrement dit de se demander si les disciplines du commerce multilatéral que régissent les accords de l’Organisation mondiale du commerce devraient faire place à ce qu’on a appelé des « clauses sociales ».
De fait, cette méthode a le mérite de sortir de l’impasse du débat relatif aux clauses sociales du commerce multilatéral, en soutenant concrètement l’amélioration progressive des conditions de travail, sans passer par des normes sociales internationales, sur lesquelles pèse le soupçon du protectionnisme de la part des pays développés.
Elle n’est de plus pas exclusive d’un effort continu pour améliorer la cohérence du système multilatéral en matière de protection des travailleurs. On peut rappeler à ce titre qu’un « projet de résolution concernant la cohérence du système multilatéral » fut déposé par la Suisse avec le soutien de la France et de l’Afrique du Sud, une vingtaine de jours avant la Conférence internationale du travail, en mai 2011. (6)
L’intention de ce texte était d’engager le débat, quelques mois avant le G20 de Cannes, sur la cohérence du système multinational en matière de respect du droit du travail. Malgré son échec immédiat, cette tentative n’a pas été sans laisser quelques traces dans la déclaration finale du G20. Le paragraphe 5 de ce texte est un savant compromis entre l’engagement de respecter les principes et droits fondamentaux (mais pas celui de ratifier les conventions correspondantes) et les encouragements prodigués à l’OIT de continuer à promouvoir la ratification et l’application desdites conventions. On trouve enfin un appel à davantage de cohérence entre l’OMC, l’OIT, l’OCDE et les institutions financières internationales.
B. LA CONVENTION N° 187 FOURNIT UN CADRE PROMOTIONNEL EFFICACE DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ AU TRAVAIL
1. Un cadre large reprenant les principales dispositions des textes majeurs régissant la sécurité et la santé au travail au plan international
Les stratégies nationales en matière de santé et de sécurité au travail, peuvent, et doivent, si elles veulent aboutir à des résultats concrets, s’adapter aux différentes réalités sociales et politiques des États membres de l’OIT.
C’est pourquoi la convention n° 187 fixe un cadre relativement large, qui a vocation à servir de point d’appui pour construire et faire progresser les politiques de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail des salariés.
Le contenu de cette convention, plus promotionnelle que contraignante, s’appuie sur deux stratégies complémentaires. D’une part, l’établissement, le maintien et le développement d’une culture de prévention en matière de risques professionnels. D’autre part, la mise en place, au niveau national, d’une méthode de gestion des systèmes de sécurité et de santé au travail.
Le Préambule de la convention n° 187 mentionne et rappelle les droits fondamentaux des travailleurs en matière de protection de leur intégrité physique et mentale au travail, en reprenant les principales dispositions des textes majeurs régissant la sécurité et la santé au travail au plan international à savoir :
– le paragraphe III g de la Déclaration de Philadelphie, aux termes duquel l’OIT s’oblige à seconder la mise en œuvre de programmes nationaux visant à la réalisation d’une protection adéquate de la vie et de la santé des travailleurs ;
– la convention n° 155 et la recommandation n° 164 concernant la sécurité et la santé des travailleurs et le milieu de travail, adoptées le 22 juin 1981.
Le Préambule réaffirme également l’importance de promouvoir, de façon continue, une culture de prévention nationale en matière de santé et de sécurité au travail.
L’article 1er comporte une série de définitions précisant les contours du cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail, dont les principales composantes sont les suivantes :
– une « politique nationale », terme qui renvoie à l’article 4 de la convention (n° 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981. Aux termes de cet article, « tout membre de l’OIT devra, à la lumière des conditions et de la pratique nationales et en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives, définir, mettre en application et réexaminer périodiquement une politique nationale cohérente en matière de sécurité, de santé des travailleurs et de milieu de travail. Cette politique aura pour objet de prévenir les accidents et les atteintes à la santé qui résultent du travail, sont liés au travail ou surviennent au cours du travail, en réduisant au minimum les causes des risques inhérents au milieu de travail, dans la mesure où cela est raisonnable et pratiquement réalisable » ;
– un « système national de sécurité et de santé au travail », qui désigne l’infrastructure institutionnelle qui constitue le cadre principal de mise en œuvre de la politique nationale et des programmes nationaux de sécurité et de santé au travail ;
– un « programme national de sécurité et de santé au travail », qui désigne tout programme national qui inclut des objectifs à atteindre selon un calendrier prédéterminé, des priorités, des moyens d’action établis en vue d’améliorer la sécurité et la santé au travail ainsi que des moyens permettant d’en évaluer les progrès ;
– une « culture de prévention nationale en matière de sécurité et de santé », qui désigne une culture où le droit à un milieu de travail sûr et salubre est respecté à tous les niveaux, où le gouvernement, les employeurs et les travailleurs s’emploient activement à assurer un milieu de travail sûr et salubre au moyen d’un système de droits, de responsabilités et d’obligations définis et où le principe de prévention se voit accorder la plus haute priorité.
L’article 2 précise ensuite les objectifs de la convention, qui sont au nombre de trois.
En premier lieu, la convention dispose que tout membre de l’OIT qui ratifie la présente convention doit promouvoir l’amélioration continue de la sécurité et de la santé au travail pour prévenir les lésions et maladies professionnelles et les décès imputables au travail par le développement, en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives, d’une politique nationale, d’un système national et d’un programme national.
On ne peut que souligner le caractère particulièrement général, voire incantatoire, de cette formulation, qui a cependant le mérite de rappeler que toute politique nationale de prévention des risques professionnels doit impérativement s’effectuer sous la forme d’un accord tripartite entre les employeurs, les salariés et les pouvoirs publics.
Par ailleurs, tout membre doit prendre des mesures actives en vue de réaliser progressivement un milieu de travail sûr et salubre au moyen d’un système national, c’est-à-dire d’une structure institutionnelle clairement identifiée, et de programmes nationaux de sécurité et de santé au travail, définissant des objectifs précis, assortis de moyens et modalités d’évaluation qui tiennent compte des principes énoncés dans les instruments de l’OIT pertinents pour le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail.
Enfin, tout membre doit, en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives, considérer périodiquement quelles mesures pourraient être prises pour ratifier les conventions pertinentes de l’OIT relatives à la sécurité et à la santé au travail.
L’article 3 précise le contenu attendu de la politique nationale visant à prévenir les accidents et les atteintes à la santé liés au travail en réduisant au minimum les causes des risques inhérents au milieu de travail. Cette politique doit comprendre :
– un objectif : la promotion et la progression du droit des travailleurs à un milieu de travail sûr et salubre ;
– une méthode : la consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives ;
– des domaines d’action : l’évaluation des risques et dangers, la lutte à la source contre ceux-ci, le développement d’une culture de prévention (information, consultation, formation).
L’article 4 prévoit l’obligation pour les États membres de l’OIT, d’établir, maintenir, développer progressivement et réexaminer périodiquement un système national de sécurité et de santé au travail, en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives.
Ce système doit inclure impérativement :
– la législation, les accords collectifs le cas échéant, et tout autre instrument pertinent en matière de sécurité et de santé au travail ;
– une autorité ou un organisme, ou des autorités ou des organismes, responsables aux fins de la sécurité et de la santé au travail, désignés conformément à la législation et à la pratique nationales ;
– des mécanismes visant à assurer le respect de la législation nationale, y compris des systèmes d’inspection ;
– des mesures pour promouvoir, au niveau de l’établissement, la coopération entre la direction, les travailleurs et leurs représentants, en tant qu’élément essentiel de prévention en milieu de travail.
Par ailleurs, et s’il y a lieu, le système national de sécurité et de santé au travail peut inclure :
– un organe tripartite consultatif national ou des organes tripartites consultatifs nationaux compétents en matière de sécurité et de santé au travail ; des services d’information et des services consultatifs en matière de sécurité et de santé au travail ; l’offre d’une formation en matière de sécurité et de santé au travail ; des services de santé au travail conformément à la législation et à la pratique nationales ; la recherche en matière de sécurité et de santé au travail ; un mécanisme de collecte et d’analyse des données sur les lésions et maladies professionnelles tenant compte des instruments pertinents de l’OIT ; des dispositions en vue d’une collaboration avec les régimes d’assurance ou de sécurité sociale couvrant les lésions et maladies professionnelles ; des mécanismes de soutien pour l’amélioration progressive des conditions de sécurité et de santé au travail dans les micro-entreprises, les petites et moyennes entreprises et l’économie informelle.
L’article 5 définit le contenu attendu du programme national qui doit comprendre :
– des objectifs en termes d’amélioration de la santé et de la sécurité au travail à réaliser selon un calendrier prédéterminé ;
– des priorités et des moyens d’action en vue de la réalisation de ces objectifs ;
– des mécanismes permettant d’évaluer les améliorations observées.
Enfin, les dispositions finales de la convention précisent que la convention ne porte révision d’aucune convention ou recommandation internationale du travail (article 6), organisent la communication des ratifications au directeur général du Bureau international du travail (BIT), et à l’organe exécutif de l’OIT (article 7), précisent les conditions d’entrée en vigueur de la convention (article 8), de dénonciation et de reconduction (article 9), la communication aux membres de l’organisation de ces décisions (article 10), ainsi que la communication au secrétaire général des Nations unies de ces informations (article 11). Elles prévoient que le conseil d’administration du BIT présentera à la Conférence générale, chaque fois qu’il le jugera nécessaire, un rapport sur l’application de la convention et examinera s’il convient de proposer sa révision (article 12). Elles précisent les modalités de révision (article 13) et que les versions française et anglaise de la convention font également foi (article 14).
La convention est assortie d’une recommandation n° 197 qui prévoit la mise à jour régulière d’un profil national qui dresse un bilan de la situation existante ainsi que les progrès accomplis et rassemble des données statistiques précises. Cette recommandation fixe également le principe d’une coopération technique internationale dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail dans le but d’aider les pays, en particulier les pays en développement, ainsi que d’un échange d’informations sur les politiques nationales.
Le profil est un résumé de la situation au regard de la sécurité et de la santé au travail et comprend des données sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ainsi qu’un inventaire de tous les outils et ressources disponibles dans un pays pour mettre en œuvre une stratégie en la matière. Une fois rempli, le profil peut être utilisé non seulement comme une base pour identifier les priorités d’action mais aussi comme un outil pour mesurer les progrès au fil du temps grâce à une mise à jour régulière. C’est donc une première étape essentielle pour construire un véritable programme national de sécurité et santé au travail.
Conformément à son article 8, la convention n°187 sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail est entrée en vigueur 12 mois après l’enregistrement par le Directeur général des ratifications par deux Etats membres, soit le 20 février 2009. À ce jour, la convention a été ratifiée dans 25 États membres de l’Organisation internationale du travail. Le Japon et la Corée du sud sont les premiers pays à avoir ratifié la convention. Au nombre de ces États, on ne compte que 10 États membres de l’Union européenne dont l’Allemagne, la Grande-Bretagne et l’Espagne. Il est à noter que la Russie et le Canada ont ratifié la convention, et quelques pays en développement (Cuba, Moldavie, Niger, Togo, Maurice). On constate l’absence de nombre de pays émergents comme la Chine, le Brésil, l’Inde, les pays d’Asie du Sud-est (à l’exception de la Malaisie et de Singapour) ou la Turquie, mais aussi celle des États-Unis. Il est regrettable que la France, qui est le deuxième État de l’OIT à avoir ratifié le plus grand nombre de conventions et qui a milité au sein de cette organisation en faveur de cette convention, ait attendu près de six ans avant de solliciter des assemblées parlementaires l’autorisation de procéder à sa ratification, quels qu’en aient été les motifs.
État d’avancement de la ratification de la convention n° 187 sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail au 1er janvier 2014
Pays |
Date de ratification |
Allemagne |
21 juil. 2010 |
Autriche |
20 mai 2011 |
Bosnie-Herzégovine |
09 mars 2010 |
Canada |
13 juin 2011 |
Chili |
27 avr. 2011 |
Chypre |
14 mai 2009 |
Corée, République de |
20 févr. 2008 |
Cuba |
05 août 2008 |
Danemark |
28 janv. 2009 |
Espagne |
05 mai 2009 |
Ex-République yougoslave de Macédoine |
03 oct. 2012 |
Finlande |
26 juin 2008 |
Japon |
24 juil. 2007 |
07 juin 2012 | |
Maurice |
19 nov. 2012 |
Moldova, République de |
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En matière de santé et de sécurité au travail, l’Union européenne a établi un corpus juridique solide couvrant la plupart des risques, qui s’appuie sur une vingtaines de directives européennes et sur la mise en place de stratégies pluriannuelles de santé et de sécurité au travail, en complément des outils normatifs classiques.
La directive-cadre européenne relative à la sécurité et la santé au travail (directive 89/391/CEE) constitue le socle juridique fondamental de promotion de l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs en Europe.
En effet, son champ d’application couvre tous les secteurs d’activité, privés ou publics et ne comporte que peu d’exceptions. Elle garantit des conditions minimales de sécurité et de santé à travers l'Europe tout en autorisant les États membres à maintenir ou à mettre en place des mesures plus strictes. Cette directive, complétée par 23 autres directives dans le champ de la santé et de la sécurité au travail, vise à fournir aux travailleurs une protection adéquate sans imposer la définition d’une stratégie nationale.
Le Commission européenne a également mis en place des outils dont l’esprit s’inspire de la méthode du BIT, dite de l’approche intégrée, précédemment évoquée. La Commission estime en effet que la politique en matière de santé et sécurité au travail n’est pas seulement une question de lois et de règlements. Pour obtenir une amélioration mesurable des conditions de travail et une réduction des accidents du travail et des maladies professionnelles, il est nécessaire de les associer à un éventail d’autres instruments, tels le dialogue social, les bonnes pratiques, la sensibilisation ou la responsabilité sociale des entreprises.
Cette approche a pris la forme de stratégies communautaires pour la sécurité et la santé au travail. Elles ne revêtent pas un caractère obligatoire mais sont fortement incitatives et interviennent en complément des outils normatifs classiques.
Conçue pour prendre en compte l’ensemble des évolutions liées aux mutations affectant la composition de la population active (féminisation et vieillissement), les nouvelles formes d’emplois (augmentation du travail temporaire et horaires atypiques concourant à l’aggravation des facteurs de risques encourus par les travailleurs concernés) et les risques sur le lieu de travail (émergence de nouvelles formes de maladies dues au stress et à la violence au travail, en forte augmentation), la stratégie de santé et de sécurité au travail pour les années 2002-2006 ambitionnait de consolider la culture de la prévention des risques, de veiller à une meilleure application du droit existant, d’adopter une approche globale du bien-être au travail.
Pour parvenir à réaliser ces objectifs, la Commission avait retenu trois grands axes stratégiques consistant :
– à favoriser l’intégration des problématiques de sécurité et de santé sur les lieux de travail dans le champ des autres politiques communautaires ;
– à faire subir au cadre juridique les adaptations nécessaires ;
– à soutenir toutes les démarches de progrès, en particulier dans le champ des actions non normatives telles l’élaboration de meilleures pratiques, le développement de la concertation sociale et de la responsabilité sociale des entreprises à travers la promotion d’initiatives de labellisation et de certification en santé et sécurité au travail.
La mise en œuvre de cette première stratégie pour la période 2002-2006 a surtout déterminé l’adoption de textes majeurs visant à la réduction des risques chimiques et physiques.
Pour ce qui concerne les risques chimiques l’adoption, le 27 mars 2003, de la directive 2003/18 sur la protection des travailleurs exposés à l’amiante constitue ainsi un progrès décisif. Ce texte prévoit notamment l’interdiction de fabriquer des matériaux ou des produits contenant de l’amiante, l’abaissement de la valeur limite d’exposition professionnelle à cette substance, l’élargissement du champ d’application de cette législation à des catégories de travailleurs qui en étaient auparavant exclus. L’adoption du règlement REACH sur l’enregistrement, l’évaluation, l’autorisation et les restrictions des substances chimiques, entré en vigueur au premier juin 2007, répond également à un objectif de la stratégie communautaire de santé et de sécurité au travail.
Concernant le domaine de la prévention des risques physiques, une série de directives ont été adoptées visant à protéger les travailleurs contre toutes les catégories de risques physiques connus. On peut citer notamment la lutte contre l’exposition aux vibrations mécaniques (directive 2002/44/CE), au bruit (directive 2003/10/CE), aux champs électromagnétiques (directive 2004/40/CE) et aux rayonnements optiques artificiels (directive 2006/25/CE).
La nouvelle stratégie 2007-2012 affiche un nouvel objectif de réduction de 25 % du taux d’incidence des accidents du travail pour l’ensemble de l’Union Européenne. La France, qui connaît une évolution favorable concernant la diminution des accidents du travail souscrit pleinement à la promotion de cet objectif.
À la différence de la stratégie 2002-2006, la nouvelle stratégie ne propose pas de nouvelle législation sur les principaux facteurs de risques, notamment les risques émergents tels que le stress et la violence au travail ou encore l’exposition combinée à des agents chimiques ou physiques, troubles musculo-squelettiques. L’accent a été mis sur la nécessité d’accélérer le processus de transposition des normes européennes de sécurité et de santé au travail déjà adoptées.
De plus, certains objectifs ont été abandonnés, qui constituent des sujets de préoccupation majeurs en matière de santé et sécurité au travail, en particulier ce qui concerne les facteurs de risques liés au développement des nouvelles formes de travail - travail à temps partiel, travail temporaire, travail de nuit, horaires atypiques, ainsi que l’amélioration de la pluridisciplinarité des services de santé au travail, exclusivement traités par la stratégie sous l’angle des services externes de prévention, alors que la directive cadre de 1989 accorde une place toute aussi grande aux services internes de médecine du travail.
Une place très significative est accordée aux mesures de sensibilisation à la sécurité et à la santé au travail, au moyen du développement d’instruments non contraignants et de mesures non normatives (recueil, capitalisation, diffusion et transfert de bonnes pratiques). La stratégie concentre à cet effet une part importante de ses objectifs sur les PME en préconisant par exemple des mesures d’incitation financières directes ou indirectes à la prévention, à l’instar des réductions de cotisations sociales ou des primes d’assurance en fonction des investissements réalisés dans l’amélioration du milieu de travail et de la réduction des accidents.
Elle encourage enfin les États à poursuivre leurs efforts de mise en œuvre de leurs propres stratégies nationales de santé et de sécurité au travail.
La France s’est, d’emblée, inscrite dans cette démarche en bâtissant une stratégie pluriannuelle à l’invitation de la Commission, dès la publication de la première stratégie communautaire pour les années 2002-2006.
1. Le Plan santé au travail 2005-2009 : un effet positif sur la maîtrise des accidents du travail et maladies professionnelles
Le premier Plan santé au travail a couvert la période 2005-2009 et poursuivait l’objectif d’éliminer les risques inhérents aux activités dangereuses ou insalubres. Il s’agissait du premier plan d’action, d’envergure nationale, proposant une démarche globale et intégrée. Inscrivant résolument la France dans la stratégie européenne de santé et de sécurité au travail, il a enrichi l’approche traditionnelle de la matière, plutôt centrée sur la réglementation des accidents du travail et des maladies professionnelles, et la question de l’aptitude médicale à exercer un emploi.
La création, en septembre 2005, de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET), qui a pour mission d’évaluer les risques sanitaires liés au travail, notamment ceux liés à l’exposition des travailleurs à certains produits et substances susceptibles de comporter un danger pour l’homme, en a constitué le principal apport (7).
La deuxième grande réussite du Plan santé au travail 2005-2009 réside dans une réelle sensibilisation du monde du travail à cette thématique.
Enfin, la volonté de renforcer le pilotage de la santé au travail, qui s’est traduite par la création du Conseil d’orientation sur les conditions de travail (COCT) placé auprès du ministre en charge du travail, qui a pour mission principale de participer à l’élaboration de la politique nationale en matière de protection et de promotion de la santé et de la sécurité au travail. À ce titre, il est consulté sur tout projet de texte, législatif ou réglementaire, ou d’orientation des politiques publiques (plans nationaux) dans ses domaines de compétence, et formule des recommandations en matière de conditions de travail et de prévention des risques professionnels. Le maillage territorial n’était pas oublié puisque, comme le relevait le rapport, étaient mis en place une instance consultative régionale de concertation, le Comité régional de prévention des risques professionnels (CRPRP), relayant et complétant la politique nationale de prévention des risques professionnels, impulsée par le COCT, et la mise en place de cellules régionales d’appui pluridisciplinaires au sein des directions régionales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (8), afin de renforcer l’effectivité du contrôle territorial du travail.
Le Plan santé au travail 2005-2009 a eu un effet positif sur la maîtrise des accidents du travail et maladies professionnelles.
Tout d’abord, il a permis de renforcer les moyens d’intervention de l’inspection du travail et de donner de la visibilité à cette thématique (le nombre d’enquêtes conduites par l’inspection du travail a été multiplié par deux entre 2006 et 2008, passant de 142 enquêtes au titre des maladies professionnelles en 2006 à 319 en 2008, et de 3 006 enquêtes suite à un accident du travail en 2006 à 6 130 en 2008) ».
Par ailleurs, en ce qui concerne l’évolution des accidents du travail entre 2005 et 2008, les statistiques de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) indiquent une diminution du nombre d’accidents du travail avec arrêt, qui s’accompagne d’un recul des accidents graves et d’une reprise de la baisse des décès après les augmentations de 2006 et 2007. L’indice de fréquence des accidents du travail, qui représente le nombre d’accidents de travail pour mille salariés, dénote une baisse de 3,5 % en 2008 de la fréquence des accidents du travail (38 accidents pour 1000 salariés).
2. Le Plan santé au travail 2010-2014 : favoriser la performance économique et sociale des entreprises
Le deuxième Plan santé au travail couvre la période 2010-2014. Afin d’approfondir la gouvernance de la politique dédiée à la santé au travail, un comité de pilotage national a été mis en place, qui permet d’assurer le suivi annuel des actions qu’il poursuit et de définir, si nécessaire, des orientations annuelles.
Trois priorités ont été dégagées par les pouvoirs publics :
– favoriser les synergies entre les acteurs et la cohérence des actions sur le territoire ;
– fédérer et mobiliser tous les acteurs de la prévention pour que la santé au travail et l’amélioration des conditions de travail deviennent un atout favorisant la performance économique et sociale des entreprises comme élément fort de notre modèle social ;
– mobiliser tant les acteurs nationaux que locaux, en particulier les petites et moyennes entreprises.
Le plan est structuré autour de quatre grands axes déclinés en 14 objectifs et 36 actions.
Le premier axe vise à améliorer la connaissance en santé au travail, vise à structurer davantage l’ensemble de la recherche et de la formation en matière de santé au travail. La création de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail s’inscrit pleinement dans cet objectif.
Le deuxième axe traduit la volonté de mettre en œuvre une politique de prévention des risques beaucoup plus ciblée sur :
– des risques prioritaires tels que le risque chimique, les risques psychosociaux, les troubles musculo-squelettiques qui connaissent une évolution inquiétante, ou encore les risques émergents liés aux nanotechnologies ;
– des secteurs prioritaires, comme le bâtiment ou le secteur agricole et forestier, qui concentrent le plus fort taux d’accidents du travail ;
– des publics particuliers, soit parce qu’ils sont fragiles, soit parce qu’ils sont soumis à des conditions de travail spécifiques (nouveaux embauchés, seniors, saisonniers).
Le troisième axe vise à encourager les démarches de prévention des risques dans les entreprises, notamment les PME et les TPE. Il met l’accent sur la diffusion des connaissances et des bonnes pratiques auprès des entreprises et des travailleurs qui doivent être de véritables relais de l’action des pouvoirs publics. À ce titre, la création du site internet « travailler-mieux » est un véritable progrès qui permet d’appuyer les actions de l’inspection du travail et aux salariés et employeurs de s’approprier la réglementation en matière de santé et sécurité au travail.
Le quatrième et dernier axe entend renforcer la coordination et la mobilisation de tous les acteurs. Une instance de pilotage et une instance de suivi (Comité permanent du Conseil d’orientation sur les conditions de travail ont été créées. Elles sont réunies deux fois par an pour se prononcer sur les orientations et l’état d’avancement du Plan, à partir des indicateurs fournis par tous les partenaires nationaux et régionaux.
Le deuxième Plan santé au travail arrive à terme en 2014. Des réflexions sont en cours depuis la conférence sociale des 20 et 21 juin 2013, associant les partenaires sociaux, sous l’égide du Conseil d’orientation sur les conditions de travail, afin d’en dresser le bilan et les voies d’amélioration.
La convention n° 187 s’inscrit pleinement dans le cadre du droit communautaire et de l’action gouvernementale. Son entrée en vigueur n’aura donc pas d’impact sur l’ordonnancement juridique actuel en droit français.
Dans ce contexte, la France ne peut qu’émettre un avis favorable à la ratification de la convention n° 187 concernant le cadre promotionnel pour la santé et la sécurité au travail, à la conception de laquelle elle a, dès l’origine, prêté un concours très actif et qui lui fournira un point d’appui complémentaire dans la construction du futur Plan santé au travail pour la période 2015-2019.
Néant
La commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 29 janvier 2014 à 9 heures 45.
Après l’exposé de la rapporteure, un débat a lieu.
Mme Danielle Auroi. Je vous remercie pour ce rapport. J’aurais des commentaires plus que des questions. Il est souligné dans ce texte la nécessité de l’action communautaire. Quand on voit les effets de la directive sur le détachement des travailleurs, notamment dans les transports et le secteur agricole, on se dit que cette convention ne peut qu’inciter les entreprises à être plus respectueuse des droits des travailleurs et à en prendre conscience du droit au travail. Même si j’ai une confiance limitée dans les bonnes pratiques, je pense au Rana Plaza, cela va dans le bon sens. Concernant la deuxième convention, relative au travail maritime, nous avons déjà travaillé sur les conditions de travail et notamment la question des bateaux en fin de vie, avec des taux de mortalité très élevés notamment en Asie. On ne peut qu’espérer une prise de conscience de ce qu’est le prix de la vie des gens.
M. Jean-Paul Bacquet. C’est un excellent rapport. J’apprécie que vous ayez insisté sur le dumping social. Mais vous n’avez pas assez rappelé que les accidents du travail touchent en priorité les travailleurs les plus fragiles, les moins qualifiés. Ces accidents ont un coût pour la collectivité. Mais combien d’entreprises refusent de robotiser et de faire de la prévention car cela coûte cher et – argument très entendu en ces temps – cela détruit de l’emploi. Vous n’avez pas évoqué non plus le fait que le nombre d’accidents du travail est supérieur aux chiffres des déclarations : beaucoup d’accidents du travail ne sont pas déclarés comme tels mais comme des arrêts maladie et il faut encore ajouter ceux qui touchent les travailleurs clandestins.
M. Jacques Myard. La fin de votre intervention m’interpelle. Car effectivement, le manque de sécurité est un facteur de compétitivité par dumping social. Mais est-on prêt à prendre des sanctions, à appliquer au sein de l’Union européenne un principe de réciprocité qui est la base de la raison dans le droit international et à bloquer les importations ?
Mme Pascale Boistard, rapporteure. La France est le neuvième pays européen à ratifier cette convention. La question de la réciprocité est de celles qui ont été soulignées dans beaucoup de rapports. Je pense notamment au rapport de la commission d’enquête relative aux causes du projet de fermeture de l'usine Goodyear d'Amiens-Nord et à ses conséquences économiques que j’ai remis en décembre dernier, dans lequel je pointais les difficultés tenant au dumping social et fiscal. Des harmonisations sont nécessaires, tant pour les salariés que pour introduire des règles de concurrence plus loyale, positives à la fois en termes de dynamiques économiques que de protection des salariés.
Par ailleurs, un certain nombre de maladies sont reconnues comme maladies professionnelles, mais d’autres s’intègrent plus difficilement dans notre système actuel, notamment les risques psychosociaux. Les malades ont des difficultés à les faire reconnaître, malgré le travail de l’Inspection du travail sur le sujet. Cela doit nous amener d’ailleurs à une réflexion sur la pérennisation et le renforcement de notre Inspection du travail et sur la question de la formation professionnelle des salariés en matière de prévention des risques professionnels.
Les non-déclarations d’accidents du travail et le travail clandestin ne sont effectivement pas traités ici mais font partie des sujets de réflexions à l’étude en vue de la prochaine Conférence internationale du travail qui aura lieu en juin prochain.
Enfin, vous avez raison, les bonnes pratiques n’ont pas vocation à se subtituer aux normes ; il ne s’agit pas de les remettre en cause, mais de les compléter pour les actualiser.
Suivant les conclusions de la rapporteure, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 674).
TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Article unique
(Non modifié)
Est autorisée la ratification de la convention sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail, 2006, adoptée le 15 juin 2006, dont le texte est annexé à la présente loi.
NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n°674).