N° 1802 - Rapport de M. Boinali Said sur le projet de loi autorisant la ratification de l’accord entre la République française et la République fédérative du Brésil en matière de sécurité sociale (n°1503)




N
° 1802

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 février 2014

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification de l’accord entre la République française et la République fédérative du Brésil en matière de sécurité sociale,

PAR M. Boinali Saïd

Député

——

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 1503

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I – LE BRÉSIL EST UN PARTENAIRE ÉCONOMIQUE DE PREMIER PLAN POUR LA FRANCE 7

A. UNE ÉCONOMIE AUX ATOUTS CONSIDÉRABLES, ENCORE EN DEÇÀ DE SON POTENTIEL 7

B. LE PREMIER PARTENAIRE COMMERCIAL DE LA FRANCE EN AMÉRIQUE LATINE 8

II – L’ACCORD DE SÉCURITÉ SOCIALE FACILITERA LES ÉCHANGES DE TRAVAILLEURS ENTRE LES DEUX PAYS 11

A. LA NÉCESSITÉ D’UN ACCORD POUR DENSIFIER NOS ÉCHANGES 11

B. UN ACCORD DE SÉCURITÉ SOCIALE CLASSIQUE 13

C. COMPLÉTÉ PAR UN ACCORD D’APPLICATION 17

CONCLUSION 19

ANNEXE 1 - AUDITIONS : 21

EXAMEN EN COMMISSION 23

ANNEXE - TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 25

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La France est d’ores et déjà liée par un accord de sécurité sociale à de nombreux pays d’Amérique latine, parmi lesquels notamment l’Argentine (accord du 1er novembre 2012), le Chili (accord du 1er novembre 2001). Le projet de loi de ratification de l’accord signé le 6 décembre 2006 avec l’Uruguay a été adopté en première lecture au Sénat le 17 avril 2013. L’Equateur a enfin sollicité une convention du même type avec la France. Notre commission est aujourd’hui saisie d’un accord similaire conclu entre notre pays et le Brésil. Ces accords traduisent le même souci de renforcer les relations économiques entre la France et les grandes économies d’Amérique latine, dont le ministre des Affaires étrangère a fait l’une des priorités de la législature, et d’améliorer l’attractivité de notre territoire en facilitant la mobilité professionnelle.

Il n’existait jusqu’ici aucun accord de sécurité sociale entre la France et le Brésil, si bien que, sauf dérogations accordées ponctuellement, les travailleurs français exerçant leur activité au Brésil et les Brésiliens travaillant en France étaient soumis, conformément aux règles internes des deux pays, à la législation du pays d’accueil. Sur le modèle de la quarantaine d’accords bilatéraux de sécurité sociale déjà conclus par la France, l’accord qui nous est soumis pose le principe de l’assujettissement à la législation du pays où l’activité est exercée mais permet des exceptions à ce principe, particulièrement utiles pour les salariés dont la mobilité est de relativement courte durée. Il pose aussi les règles de coordination des régimes.

Après avoir présenté la situation économique du Brésil et rappelé l’ancienneté et la densité des relations économiques franco-brésiliennes, votre Rapporteur détaillera les stipulations de l’accord, au demeurant classique.

I – LE BRÉSIL EST UN PARTENAIRE ÉCONOMIQUE DE PREMIER PLAN POUR LA FRANCE

L’économie brésilienne, malgré des atouts considérables, est encore en deçà de son potentiel économique. S’y ajoute depuis quatre ans un phase conjoncturelle difficile, marquée par l’inflation et la baisse du taux de croissance.

Le Brésil est doté de ressources naturelles abondantes (pétrole, gaz, minerais, potentiel hydro-électrique) associées à des secteurs industriels dynamiques (agro-alimentaire, biocarburants, aéronautique) qui laissent augurer d’un avenir prometteur. Première économie d’Amérique latine, le Brésil s’est donné comme priorité l’accélération de sa croissance et la réduction des inégalités. Cette stratégie lui permet de jouir d’un image positive auprès de la communauté d’affaires internationales et lui a conféré une bonne résilience aux chocs externes et internes au cours de la crise économique mondiale initiée en 2008.

On peut noter l’existence de champions brésiliens dans des secteurs stratégiques tels que le pétrole (Petrobras), le secteur minier (Vale), le génie civil (Odebrecht), ou les agro-carburants (ETH energeia). Le Brésil attend en outre des investisseurs étrangers des transferts de technologie et un appui dans sa quête de maîtrise technologique, d’expertise et de souveraineté économique.

Enfin, depuis dix ans, le Brésil a rééquilibré ses échanges commerciaux, en s’orientatn vers de nouveaux marchés d’exportation, tels que la Chine, deuxième partenaire commercial brésilien (15 % des parts de marché), après l’Union européenne (22%) et devant les Etats-Unis (9 %).

Cependant, la croissance brésilienne, proche de 1 % en 2012 et 2013, semble marquer le pas depuis 2010 (1). Le Brésil est confronté à une inflation difficile à maîtriser et une dévaluation du Real.

L’agro-négoce, qui bénéficie d’un soutien important de l’Etat brésilien, contribue seul au maintien du PIB et de la balance commerciale (2) – dont le déficit aurait été de - 80 milliards de dollars en 2013 sans l’apport du secteur. Ces résultats révèlent un mouvement de spécialisation et de désindustrialisation à l’œuvre au Brésil, dont l’économie tend de plus en plus à reposer sur l’exportation de matières premières agricoles non transformées, vers un nombre limité de clients (en premier lieu la Chine (3)). Cette tendance à la perte de valeur ajoutée des exportations n’est pas sans faire peser des risques sur l’économie dans son ensemble, malgré des mesures à tendance protectionniste (augmentation des droits de douane, licences d’importation).

Le Brésil doit faire face à des faiblesses structurelles qui grèvent son développement économique : coûts de production élevés, déficit chronique d’infrastructures et de personnel qualifié. Pour y remédier, le Gouvernement brésilien a lancé en 2011 le Programme d’accélération de la croissance (2011-2014) dont l’objectif est de remédier à ces faiblesses structurelles (construction de logements, infrastructures énergétiques et de transport, formation, aménagements en vue des grands évènements sportifs de 2014).

Lors de sa visite officielle à Brasilia, le 12 décembre 2013, le président de la République, François Hollande, et son homologue brésilienne Dilma Rousseff ont pris l’engagement commun de doubler les échanges commerciaux à l’horizon 2020.

Les échanges commerciaux entre nos deux pays avaient déjà doublé depuis 2003. Et si l’année 2013 a été marquée par un ralentissement des échanges dû à la forte baisse des importations françaises en provenance du Brésil, ce dernier demeure le premier partenaire commercial de la France en Amérique latine (4).

Selon les chiffres transmis par la Direction du Trésor, la dynamique de progression des importations du Brésil avait enregistré une pause en 2012 après avoir connu une augmentation en moyenne annuelle de 13,6 % entre 2000 et 2011, avec notamment des croissances record en 2010 (de 42 %, record mondial) et 2011 (24,5 %, soit la sixième progression mondiale). Nos exportations vers le Brésil progressent deux fois plus vite que vers le reste du monde, de près de 6 % en moyenne annuelle entre 2000 et 2012 (contre 2,4 % en moyenne mondiale). Elles ont augmenté de 40 % en 2010, 11 % en 2011 et de 16 % en 2012. Sur les 7 premiers mois 2013, le Brésil est à nouveau le pays dont la croissance des importations est la plus élevée au monde. Les exportations françaises vers le Brésil ont connu une progression favorable, de près de 7 %, nettement supérieure à la performance enregistrée vers le reste du monde (- 1,7 %). En 2013, la part de marché de la France au Brésil poursuit sa remontée entamée en 2012, pour s’établir à 2,7 %. La France est ainsi le dixième fournisseur du Brésil, et le troisième au plan communautaire, après l’Allemagne (8,4 % de part de marché) et l’Italie (2,8 %).

Les échanges commerciaux franco-brésiliens au premier semestre 2013 ont enregistré un net ralentissement (- 5 %), après la croissance de près de 10 % observée en 2012, où nos échanges bilatéraux avec le Brésil ont atteint 8,8 milliards d’euros, avec un solde excédentaire pour la France de 404 millions d’euros, le premier depuis 2002. Ainsi, nos échanges commerciaux bilatéraux reculent de 5% - contre - 3% pour ceux de la France avec le reste du monde - malgré des exportations françaises vers le Brésil qui progressent. C’est inférieur à la croissance des échanges internationaux du Brésil sur la même période (+ 2 %), qui bien que modeste est restée correctement orientée. Avec la forte baisse de nos importations en provenance du Brésil, le solde de nos échanges bilatéraux est multiplié par plus de quatre au premier semestre 2013 par rapport à la même période 2012. L’excédent de nos échanges commerciaux avec le Brésil, de près de 1 milliard d’euros, en fait le neuvième partenaire de notre commerce extérieur.

Nos exportations demeurent dynamiques, quand les importations en provenance du Brésil connaissent une baisse généralisée. Nos principales exportations portent sur l’aéronautique, la pharmacie, l’automobile (équipements et véhicules) et la chimie. Premier poste d’exportation vers le Brésil avec plus du quart du total, le secteur des matériels de transport enregistre une baisse en raison du recul des ventes aéronautiques. Le reste de la progression de nos exportations de 150 millions d’euros au premier semestre (à 2,4 milliards d’euros) est à mettre à l’actif de la pharmacie, des produits chimiques et du travail des métaux. Nos importations sont dominées par les matières premières, agricoles et minérales (soja, minerai de fer, pétrole brut, pâte à papier, jus d’orange concentré congelé et café). Elles enregistrent une forte baisse en 2013, de 18 %, due principalement au recul de la filière soja et du pétrole brut.

En matière d’investissements, la France figure parmi les pays qui investissent le plus au Brésil, (3,2 milliards d’euros en flux en 2010, soit plus que ce que nous faisons en Chine et en Russie cumulées).

Les grandes entreprises françaises poursuivent leur développement au Brésil. Près de 600 entreprises françaises sont présentes au Brésil pour près de 500 000 emplois. Toutes les entreprises du CAC 40 hors BTP y sont implantées. Concernant les petites et moyennes entreprises, avec près de 30 000 Français installés au Brésil, on peut avancer un chiffre de 200 à 300 personnes, probablement au maximum, pour quantifier la population d’entrepreneurs français indépendants au Brésil. Cela représenterait 1 % de la population française (y compris binationaux) estimée au Brésil.

Les investissements croisés entre la France et le Brésil sont par ailleurs à encourager du côté brésilien. L’Agence française pour les investissements internationaux, dans son rapport annuel de 2012, relève que si l’internationalisation des entreprises brésiliennes se poursuit, les investissements brésiliens en Europe sont encore limités. La France est cependant la deuxième destination des projets brésiliens en Europe (25 % des projets), derrière le Royaume-Uni (37 % des projets).

Une vingtaine de groupes brésiliens sont déjà présents en France, parmi lesquelles Natura Europa SAS (parfums et cosmétiques), Alpargatas France (textile et habillement), Moy Park France (agroalimentaire) ou encore Embraer (aéronautique), où ils emploient plus de 1 300 salariés. Trois nouveaux investissements brésiliens créateurs d’emploi ont été décidés en 2012. Il s’agit de centres de décisions, correspondant à des primo-implantation d’entreprises brésiliennes en France.

Si les investissements directs génèrent des emplois dans les zones d’implantation des entreprises, ils s’accompagnent très souvent, au moins dans un premier temps, de l’arrivée de personnels issus de la maison-mère. C’est en particulier pour eux que l’accord bilatéral de sécurité sociale qui est l’objet du présent projet de loi sera précieux. Il constituera un atout de plus pour la France, alors que la concurrence internationale, et en particulier européenne, est forte pour attirer ces investissements.

II – L’ACCORD DE SÉCURITÉ SOCIALE FACILITERA LES ÉCHANGES DE TRAVAILLEURS ENTRE LES DEUX PAYS

Il n’existe à ce jour aucun instrument juridique bilatéral avec le Brésil en matière de sécurité sociale. La situation des travailleurs au regard de la sécurité sociale en France, comme au Brésil, relève uniquement du droit interne de chaque Etat : les travailleurs doivent être nécessairement affiliés au régime de sécurité sociale de l’Etat où ils exercent leur activité. En outre, l’absence de coordination entre les régimes des deux Etats ne permet pas la prise en compte des périodes d’assurance accomplies dans l’autre Etat ni le calcul de pensions coordonnées.

Cette situation, véritable anomalie au regard de l’intensité croissante des relations économiques et commerciales entre nos deux pays, est préjudiciable aussi bien aux salariés qu’aux entrepreneurs.

Elle est d’autant plus surprenante que les principaux Etats d’Amérique latine disposent désormais d’une convention de sécurité sociale avec la France (5). Cet accord viendra également compléter le réseau conventionnel avec les grands émergents (6), pays qui ont à la fois un important potentiel de développement et une population française expatriée non négligeable.

Initiée par la Partie brésilienne, qui souhaitait initialement conclure un accord avec la Guyane française, la négociation de l’accord en matière de sécurité sociale avec la France a fait l’objet de deux sessions, du 24 au 26 novembre 2010 à Brasilia puis du 1er au 3 mars 2011 à Paris. Un important et fructueux travail de finalisation et d’ajustements, par échanges indirects, s’est ensuite poursuivi et a abouti à la signature de l’accord, le 15 décembre 2011 à Brasilia lors du déplacement du Premier ministre français au Brésil. Une troisième session de négociation du 22 au 26 août 2011, a permis d’entamer la négociation de l’Accord d’application qui a été signé le 22 avril 2013, à Paris.

Le Parlement brésilien a autorisé la ratification de cet accord le 17 janvier 2014 (7). Il revient donc à la Partie française de ratifier au plus vite cet accord.

Les avantages que les travailleurs français et brésiliens expatriés pourront tirer de cet accord sont nombreux. Les exemples présentés dans l’encadré ci-dessous illustrent les modifications introduites par l’accord.

Effets de l’accord de sécurité sociale pour les salariés

Détachement : une entreprise française envoie un de ses salariés au Brésil pour une durée de 12 mois afin de mettre en place une nouvelle chaîne de production dans son établissement. L’employeur souhaite que l’intéressé continue de cotiser au régime français de protection sociale durant son activité au Brésil. Du côté français, l’intéressé peut être maintenu au régime français, les cotisations continuent d’être versées en France comme si l’activité était exercée en France. Sans l’accord franco brésilien, l’employeur aurait dû verser en plus des cotisations françaises des cotisations sociales au Brésil au titre de l’activité dans ce pays. L’employeur aurait donc cotisé deux fois. Avec l’accord, le salarié pourra être détaché dans le cadre de la convention, les cotisations continueront à être payées en France, mais aucune cotisation ne sera versée au Brésil. De plus, si la famille accompagne le travailleur au Brésil, les allocations familiales et, le cas échéant, l’allocation de naissance et d’adoption de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) pourront être versées.

Maladie - prestations en espèces : une personne, après avoir travaillé au Brésil pendant 10 ans, arrive en France et reprend une activité professionnelle. Elle est victime d’un accident de la circulation trois mois après la reprise de son travail en France. Sans l’accord franco brésilien, seule la législation française serait appliquée, l’intéressé ne pourrait pas prétendre à des prestations en espèces de l’assurance maladie (délai de carence de 6 mois). Avec l’accord franco brésilien (article 23), il pourra être fait appel aux périodes d’assurance accomplies au Brésil pour ouvrir les droits aux prestations en espèces de l’assurance maladie du régime français.

Invalidité : une personne a exercé une activité salariée en France pendant 10 ans. Puis, elle part au Brésil où elle travaille pendant 20 ans. A l’âge de 55 ans, à la suite d’un accident cardiaque, elle est reconnue invalide à 70 %. Elle formule une demande de pension d’invalidité auprès de l’institution brésilienne et ses droits sont examinés dans le cadre de l’accord. Sans l’accord franco brésilien, l’intéressé serait considéré comme non affilié à un régime de sécurité sociale. Avec l’accord franco brésilien, les périodes d’assurance accomplies au Brésil ouvriront droit à pension d’invalidité du régime français, comme si toutes les périodes d’assurance avaient été accomplies en France en proratisant cette pension en fonction des périodes accomplies en France et au Brésil. Du côté brésilien l’intéressé pourra bénéficier d’une pension brésilienne qui continuera à lui être servie même s’il vient résider en France.

Retraite : une personne née en 1955, qui a exercé une activité professionnelle en France et au Brésil, souhaite demander la liquidation de sa retraite française à 62 ans. Elle a travaillé en France, pendant 21,5 ans avant de partir au Brésil où elle travaille depuis 20 ans. Sans application de l’accord franco brésilien, il ne pourrait être tenu compte pour la détermination du taux de liquidation de la pension que des périodes en France. Le taux de liquidation de la pension française serait donc, à 62 ans compte tenu de la génération de l’intéressé, de 37,5 % (les 166 trimestres ne sont pas accomplis, application du taux minimum compte tenu de l’année de naissance). Avec l’application de l’accord, il pourra être fait appel aux périodes d’assurance accomplies au Brésil. Par ailleurs l’intéressé pourra bénéficier d’une pension brésilienne rémunérant ses périodes d’assurance au Brésil.

De plus en plus de nos ressortissants sont donc susceptibles de bénéficier des stipulations de l’accord de sécurité sociale. Pour mémoire, le Brésil compte près de 20 500 inscrits au registre des Français établis hors de France (il y a 30 000 Français résidents au Brésil selon la police fédérale). La communauté brésilienne en France est estimée à 25 000 personnes (dont 2 000 personnes enregistrées).

Par ailleurs, l’accord renforce l’attractivité de la France pour les entreprises brésiliennes et devrait donc favoriser la réalisation d’un certain nombre d’investissements créateurs d’emplois. Les entreprises des deux pays étaient très favorables à la négociation d’un tel accord. En effet, les employeurs brésiliens ne seront plus soumis à double cotisation en matière d’assurance vieillesse pour leurs salariés qui exercent leur activité en France : mis à part les cas de détachement, ils ne cotiseront plus qu’au régime français, l’obligation de cotiser au Brésil ne leur étant plus applicable.

Certes, afin de faciliter l’installation d’entreprises brésiliennes en France, des dérogations à la règle de l’assujettissement à la législation de l’Etat de travail peuvent être ponctuellement accordées. Mais l’existence d’une base juridique incontestable est largement préférable à l’octroi de dérogations au coup par coup.

Le détachement se traduit par une perte de recettes pour les caisses de sécurité sociale du pays d’exercice de l’activité. Un certain nombre de travailleurs salariés brésiliens pourront en effet ne pas être affiliés au régime français pour l’ensemble des risques, à condition toutefois de posséder une couverture complète de soins de santé. En contrepartie, les Français envoyés par leur entreprise au Brésil passeront sous le régime du détachement, ce qui implique un gain pour la sécurité sociale française.

Contrairement à la pratique habituelle en matière de conventions de sécurité sociale, cet accord a été signé au niveau des Républiques, et non sous forme intergouvernementale. L’organisation institutionnelle du Brésil explique la demande spécifique de la Partie brésilienne qui ne pouvait signer cet Accord qu’au niveau présidentiel. Cette qualification de l’Accord n’engendre aucun impact ou changement particulier, à l’exception du renforcement de son caractère solennel.

Pour le reste la convention franco-brésilienne de sécurité sociale ne déroge pas au canevas classique suivi par les conventions existantes. Elle peut être rapprochée de la convention uruguayenne qui n’est pas encore entrée en vigueur mais sera prochainement soumis à notre commission.

L’article 1er, qui définit, comme de coutume, les termes de l’accord, suit le modèle classique et n’appelle pas de remarque particulière.

Le champ d’application matériel de l’accord, c’est-à-dire les risques auxquels il s’applique, est fixé par l’article 2. Il s’agit des risques maladie-maternité, vieillesse et accidents du travail, invalidité et décès. En France, sont exclues du champ de l’accord les prestations à caractère non contributif. Selon la même logique, au Brésil, sont exclues les prestations à caractère social versées à titre transitoire ou complémentaire qui sont exclusivement financées par l’Etat. Comme le prévoit l’article 4 de l’annexe de l’accord, certaines prestations non contributives de solidarité nationale ne sont pas exportables (l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’allocation supplémentaire d’invalidité et l’allocation aux adultes handicapés en France, leur équivalent au Brésil, ne sont pas exportables).

L’article 3 de l’accord détermine son champ d’application personnel. Les personnes visées sont toutes les personnes, quelle que soit leur nationalité, qui sont ou ont été soumises aux différentes législations entrant dans le champ d’application matériel de l’accord. Leurs ayants droit bénéficient également des stipulations de l’accord.

L’article 4 énonce le principe qui fonde tous les accords de sécurité sociale auxquels la France est partie, celui de l’égalité de traitement : toute personne qui a été soumise à la législation sociale française et qui vit au Brésil et toute personne qui a été soumise à la législation sociale brésilienne et qui vit en France bénéficie du même traitement que, respectivement, un Brésilien vivant au Brésil et un Français vivant en France.

En application de l’article 5, et comme toujours dans les accords de ce type, les personnes qui travaillent dans un Etat sont, en principe, soumises uniquement à la législation de cet Etat en ce qui concerne leur affiliation aux régimes sociaux qui sont obligatoires dans les deux Etats.

Il existe néanmoins une série de dérogations à ce principe :

– en application de l’article 8, les travailleurs salariés détachés demeurent placés sous les législations de leur pays d’origine, si la durée prévisible du détachement ne dépasse pas deux ans (8) ; cette durée n’est pas reconductible et un salarié ne pourra à nouveau bénéficier de ces stipulations qu’après un délai minimum d’un an ou au titre d’une autre activité. L’article 14 vise à garantir que les personnes bénéficiant d’un maintien d’affiliation à la sécurité sociale d’origine, ainsi que leurs ayants droits, bénéficient bien d’une couverture complète et satisfaisante.  Cette couverture peut-être une couverture publique ou privée dans le cas du détaché brésilien. Dans le cas du détaché français, c’est le maintien à la sécurité sociale française qui assurera cette couverture ;

– l’article 9 précise que les droits du personnel roulant ou navigant d’une entreprise de transports nationaux relèvent de la législation applicable dans l’Etat de son siège social ;

– conformément à l’article 10, les personnes travaillant en mer à bord d’un navire qui bat le pavillon d’un Etat contractant sont considérées comme exerçant leur activité dans cet Etat, mais si elles sont salariées et rémunérées par un employeur ayant son siège ou son domicile dans l’autre Etat, et si elles y résident, elles relèvent des régimes sociaux de leur Etat de résidence ;

– très classiquement, l’article 11 exclut du champ de l’accord les personnels diplomatiques et consulaires, tandis que les autres personnels employés par un Etat sur le territoire de l’autre Etat contractant sont soumis uniquement à la législation de l’Etat qui les emploie.

Enfin, comme c’est toujours le cas dans ce type d’accords, l’article 12 permet aux autorités compétentes de prévoir, d’un commun accord, d’autres dérogations aux règles d’assujettissement, à condition que les intéressés aient donné leur accord et soient in fine soumis à la législation de l’un ou l’autre des Etats contractants. Cette possibilité permettra, par exemple, de régler la situation de salariés dont la durée de détachement dépasserait finalement deux ans.

L’article 13 précise que, sauf si l’un d’eux exerce une activité professionnelle, les ayants-droits des salariés concernés par l’accord sont soumis à la même législation que ces derniers.

L’article 15 fixe les règles d’assimilation des faits dans le cadre de l’ouverture des droits à prestation. Classiquement, il est précisé que la situation constatée sous la législation d’une des Parties contractantes permet d’ouvrir des droits dans l’autre.

L’article 16 applique ce même principe au calcul des pensions de vieillesse : les périodes d’assurance effectuées dans une des Parties sont prises en compte dans l’acquisition, le recouvrement et le maintien des pensions dans l’autre. Il en est ainsi notamment des régimes spéciaux, à condition que les périodes travaillées dans l’autre pays l’aient été dans des conditions comparables.

L’article 17 traduit une volonté brésilienne de fixer dans l’accord les modalités selon lesquelles seront comptabilisées les périodes d’assurance brésiliennes quand un assuré aura effectué une carrière dans plusieurs régimes de prévoyance sociale brésilien (il existe 1 200 régimes différents au Brésil). Cet article précise comment le régime de prévoyance prévu par l’accord centralisera et totalisera ces périodes brésiliennes aux fins de communication à la France, il prévoit le mode de compensation entre régimes brésiliens et précise enfin que le montant total ne pourra pas être inférieur au montant du minimum garanti (équivalent du minimum vieillesse français).

L’article 18 dispose que, pour les fonctionnaires, les règles relatives à la totalisation des périodes d’assurance prévues au 1°, 2° et 3° de l’article 16 de l’accord ne s’appliquent pas pour l’ouverture des droits aux prestations. En revanche pour la détermination du taux de  liquidation de la  pension on prendra en compte ces périodes. Cet article est le pendant de la règle applicable en droit interne ou les périodes effectuées dans un autre régime ne comptent pas pour la levée de la clause de stage (15 avant la réforme de 2010 et 2 ans actuellement) mais comptent au moment de la fixation du taux de la liquidation du droit à pension.

Les articles 21 à 24 fixent les modalités de détermination des droits à prestation en cas d’invalidité, d’accident du travail ou de maladie professionnelle, de maladie, maternité ou paternité. Il est précisé que les travailleurs qui demeurent soumis à la législation française peuvent bénéficier des prestations familiales pour les enfants qui les accompagnent au Brésil.

Quant aux prestations, elles doivent être versées, dans la monnaie de l’un des deux Etats (article 31), au bénéficiaire qui vit dans l’autre Etat comme s’il vivait dans le premier. S’il vit dans un Etat tiers, lui seront appliquées les mêmes règles qu’à un ressortissant de l’Etat débiteur. L’accord permet donc de lever, lorsqu’elle existe, la clause de résidence.

Les stipulations de l’accord relatives, notamment, à la protection des données échangées dans le cadre de l’accord, à la langue de communication, à la commission mixte chargée de suivre l’application de l’accord, à la coopération administrative ne requièrent pas de commentaires particuliers.

L’article 30, relatif à la lutte contre la fraude, prévoit des échanges d’information entre administrations compétentes, notamment en vue d’évaluer le respect par l’intéressé des conditions de ressources ouvrant droit à certaines prestations.

Concernant les dispositions transitoires, l’article 36 instaure une rétroactivité limitée. Si l’accord ne crée aucune ouverture de droit aux prestations pour toute période antérieure à son entrée en vigueur, les périodes cotisées antérieurement pourront être prises en compte pour déterminer les droits à prestation. En revanche, cette rétroactivité ne s’applique pas aux droits liquidés sous forme d’un capital ou d’un remboursement de cotisations. Concernant le détachement, aucune rétroactivité ne s’applique ; cependant, les salariés envoyés dans un des Etats contractants pourront être réputés détachés au sens de l’accord à la date d’entrée en vigueur de celui-ci.

L’article 37 est une disposition classique des accords de sécurité sociale  permettant la liquidation de droits à prestation déterminés antérieurement à l’entrée en vigueur de l’accord.

L’article 25 prévoit que l’accord de sécurité sociale est complété par un accord d’application. Signé le 22 avril 2013 au niveau intergouvernemental, il détermine les modalités d’application de chaque article de l’accord, précise les circuits d’échange de formulaires adaptés entre les différents organismes de sécurité sociale français et brésiliens (circuits directs ou via les organismes de liaison de chacun des Etats). Ces dispositions permettent la circulation de l’information afin de prendre en compte les droits des travailleurs concernés.

Le titre I de l’accord d’application précise les dispositions générales, il y est notamment question de la définition des termes (article 1), de la précision des organismes de liaison (article 2) et des institutions compétentes (article 3), et liste les prestations non contributives de solidarité nationale qui ne peuvent être exportées (article 4).

Le titre II précise les « dispositions relatives à la législation applicable » ; il s’agit essentiellement des modalités de mise en œuvre de la procédure de détachement (article 5) (les certificats à fournir et le circuit à suivre) et de la situation particulière des gens de mer/personnel navigant ou roulant (article 6). Ces dérogations sont accordées par le Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale pour la partie française (CLEISS) et l’Instituto Nacional do Seguro Social (INSS) pour la partie brésilienne (article 7).

Le titre III, consacré aux prestations en espèces, entre dans le détail du processus des traitements des demandes de prestations et des notifications de décisions (article 8), notamment le circuit à suivre. Par ailleurs, la règle de totalisation des périodes d’assurance est également précisée (article 9). La nature des prestations familiales versées aux personnes qui bénéficient d’un détachement est précisée : il s’agit des allocations familiales et de la prime à la naissance ou à l’adoption pour la France (article 10). Enfin, l’article 11 dispose que le paiement des prestations s’effectue directement sur le territoire de résidence de l’assuré.

Le titre IV, intitulé « dispositions diverses », sécurise la coopération administrative entre les deux Etats. Il s’agit du contrôle administratif et médical (article 13), des règles précisant le cumul des prestations (article14), de la transmission des données statistiques (article15) et des échanges électroniques d’informations et de documents (article 16), dont les informations relatives aux décès (article 17) – pour le versement des prestations de vieillesse. Enfin, sont listés les éléments à transmettre au sein des différents formulaires (article18), actuellement en cours d’élaboration par le CLEISS.

Le titre V aborde enfin les dispositions transitoires et d’entrée en vigueur (article 19 à 21).

La mise en œuvre de l’accord de sécurité sociale (coordination inter-régimes et détachement via des formulaires complétés par les intéressés) sera confiée aux institutions compétentes et les organismes de liaison de chacun des deux Etats. Pour la France, il s’agit respectivement des caisses de sécurité sociale et du Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale (CLEISS). Le CLEISS est l’institution pivot chargée de contribuer à la bonne application des instruments de coordination dont les conventions bilatélales de sécurité sociale. Il assure les traductions, sert d’intermédiaire avec les institutions étrangères et entre celles-ci et les particuliers et les entreprises. Il est financé par les régimes de sécurité sociale, tandis que les caisses nationales  assurent la gestion de la coordination au quotidien (versement des prestations). Pour le Brésil, l’organisme de liaison, désigné à l’article 2 de l’accord, est l’Instituto Nacional do Seguro Social (INSS).

CONCLUSION

Tout en ne présentant pas de différence notable par rapport aux nombreux accords bilatéraux de sécurité sociale déjà en vigueur, l’accord entre la France et le Brésil est particulièrement utile, étant donné l’importance des liens commerciaux et d’investissements qui existent déjà entre les deux pays, et les perspectives de leur renforcement.

Votre Rapporteur est donc bien sûr favorable à cet accord et vous recommande d’en autoriser l’approbation.

ANNEXE 1

AUDITIONS :

Néant

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mardi 18 février à 17 heures.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 1503).

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification de l’accord entre la République française et la République fédérative du Brésil en matière de sécurité sociale (ensemble un accord d’application signé à Paris le 22 avril 2013), signé à Brasilia le 15 décembre 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n°1503).

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