N° 1864
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 avril 2014.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, relatif à l’économie sociale et solidaire,
PAR Mme Fanélie CARREY-CONTE,
Députée.
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Voir les numéros :
Sénat : 805 (2012-2013), 69, 70, 84, 85 et T.A. 29 (2013-2014).
Assemblée nationale : 1536, 1830,1835, 1862 et 1864
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 5
I. UNE LOI FONDATRICE POUR L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE 9
A. UNE RECONNAISSANCE PORTEUSE D’UN NOUVEL ÉLAN 9
B. UN MODÈLE ÉCONOMIQUE EN PLEIN ESSOR 11
C. UN DÉVELOPPEMENT À ACCOMPAGNER 13
1. Une sécurisation de l’environnement juridique de l’ESS 13
2. L’orientation de nouveaux financements en direction des entreprises du secteur 15
II. LA SAISINE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES 17
A. LE CHAMP DE L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE (ESS) 17
1. Les entreprises de l’ESS 17
a. Article 1er : définition de l’économie sociale et solidaire 17
b. Article 2 : définition de l’utilité sociale 19
2. L’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » 20
a. La réforme nécessaire de l’agrément solidaire 20
b. Les conditions d’obtention de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » 22
c. La mise en œuvre du nouvel agrément 25
B. LES ACHETEURS PUBLICS ET L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE 25
1. Extension du champ des marchés réservés 27
2. Promotion des achats publics socialement responsables et des clauses sociales dans les marchés publics 28
a. Instauration de schémas de promotion des achats publics socialement responsables 28
b. Organisation de la promotion des clauses sociales dans les marchés publics au niveau régional 29
C. LES DISPOSITIONS EN FAVEUR DE LA TRANSMISSION D’ENTREPRISES AUX SALARIÉS 30
1. L’instauration d’une information régulière des salariés sur la reprise d’entreprise 31
2. Une information privilégiée des salariés en cas de cession de fonds de commerce ou de parts sociales 31
a. Cession de fonds de commerce 31
b. Cession de parts sociales, actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital 33
c. Entrée en vigueur 33
D. LES DISPOSITIONS RELATIVES À L’EMPLOI ET À L’INSERTION PAR L’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE 34
1. Éligibilité des SCIC aux contrats d’accompagnement dans l’emploi et aux emplois d’avenir 34
2. Reconnaissance du statut d’entrepreneur salarié associé d’une coopérative d’activité et d’emploi 36
a. Un nouveau titre du code du travail consacré aux entrepreneurs salariés associés des coopératives d’activité et d’emploi 38
b. Coordinations dans le code de la sécurité sociale 41
3. Utilisation du chèque emploi associatif par les fondations 42
4. Recours par les éco-organismes aux entreprises agréées « entreprise solidaire d’utilité sociale » 42
E. LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX MUTUELLES ET ORGANISMES D’ASSURANCE : MISE EN œUVRE DE LA COASSURANCE 44
TRAVAUX DE LA COMMISSION 51
Article 1erDéfinition de l’économie sociale et solidaire 65
Article 2 Définition de l’utilité sociale 67
Avant l’article 7 67
Article 7 Réforme de l’agrément solidaire 67
Article 9 A Extension du champ des marchés réservés 68
Article 9 Promotion des achats publics socialement responsables et des clauses sociales dans les marchés publics 68
Article 11 A Information régulière des salariés sur la reprise d’entreprise 69
Article 11 Information des salariés en cas de cession du fonds de commerce 69
Article 12 Information des salariés en cas de cession de parts sociales, actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital 71
Article 22 Éligibilité des sociétés coopératives d’intérêt collectif aux contrats d’accompagnement dans l’emploi 71
Article 33 Statut des entrepreneurs salariés associés des coopératives d’activité et d’emploi 71
Article 34 Opérations de coassurance 72
Après l’article 34 72
Article 45 Utilisation du chèque emploi associatif par les fondations 73
Article 49 Recours par les éco-organismes aux entreprises agréées « entreprise solidaire d’utilité sociale » 74
Article 52 Entrée en vigueur du nouvel agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » 75
Article 53 Entrée en vigueur des procédures d’information des salariés prévues par les articles 11 et 12 75
ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 77
Pour la première fois, un texte de loi va définir ce qu’est l’économie sociale et solidaire (ESS), réinventant ainsi dans notre pays les termes d’une politique publique de soutien à ce secteur et à son développement.
Les enjeux sont majeurs.
Il s’agit de reconnaître la valeur d’un « mode d’entreprendre » et de principes de gestion reflétant des préoccupations qui ne sont pas celles de l’économie capitalistique classique, mais qui incarnent des modèles de développement durable, dans lesquels le projet – et non le profit – est l’objectif premier de l’entreprise, dans lesquels la personne prime sur le capital, dans lesquels la démocratisation de la sphère économique a une grande importance.
Il s’agit de reconnaître l’apport majeur des projets portés par les femmes et les hommes qui font vivre ce secteur, dans des domaines d’activité variés, mais à chaque fois tous essentiels à la cohésion sociale et territoriale de notre pays.
Il s’agit enfin de reconnaître l’importance de l’innovation sociale et la nécessité de promouvoir des modèles économiques alternatifs, de leur assurer l’accès à des financements et de sécuriser leur environnement juridique afin qu’ils puissent faire leurs preuves et trouver les moyens de leur développement.
Longtemps qualifiée, de manière impropre et restrictive, de « tiers secteur » ou d’économie de la réparation, l’ESS prend aujourd’hui une nouvelle dimension. L’économie sociale et solidaire emploie 2,4 millions de salariés en France et représente environ 10 % du PIB. Elle se déploie aussi bien dans des secteurs traditionnels tels que les services dans les domaines de la santé, du handicap, de l’insertion professionnelle où les besoins sont toujours très importants, que dans des secteurs répondant à des attentes nouvelles où la demande est croissante (économie circulaire, transition énergétique, alimentation en circuits courts, etc).
Le présent projet de loi vise ainsi à accompagner et à faciliter la montée en puissance de l’ESS à la fois, symboliquement, en lui façonnant un cadre juridique spécifique et en favorisant sa structuration, mais aussi très concrètement, en lui donnant de nouveaux outils de développement, que ce soit sur un plan juridique ou financier.
Pour l’ensemble de ces raisons, la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, saisie des articles 1er, 2, 7, 9A, 9, 11A, 11, 12, 22, 33, 34, 45, 49, 52 et 53, a donné, lors de sa réunion du 9 avril 2014, un avis favorable au présent projet de loi, et a adopté plusieurs amendements visant à améliorer certaines de ses dispositions.
À l’article 1er, qui définit le périmètre de l’économie sociale et solidaire, la Commission a souhaité renforcer les principes de gestion applicables aux entreprises de l’ESS :
– en précisant que la notion de bénéfices s’entend des bénéfices distribuables et non des seuls bénéfices de l’exercice, lorsqu’il est indiqué que la majorité de ces bénéfices doit être consacrée à l’objectif de maintien ou de développement de l’activité (a) du 3° du I) ;
– en fixant les conditions et limites de l’incorporation au capital des sommes prélevées sur les réserves (b) du 3° du I) ;
– en affirmant clairement le caractère obligatoire de la réserve statutaire imposée aux sociétés commerciales (c) du 2° du II) ;
– en interdisant aux sociétés commerciales, non seulement de racheter des actions ou des parts sociales, mais également d’amortir le capital ou de procéder à une réduction du capital non motivée par des pertes (id).
Au même article, la Commission a également souhaité prévoir plus explicitement un contrôle de la conformité des statuts des sociétés commerciales aux critères prévus par la loi lors de leur dépôt au greffe du tribunal de commerce (2° du III).
À l’article 2, qui définit l’utilité sociale, la Commission des affaires sociales a proposé une nouvelle rédaction du 2° visant, tout d’abord, à mettre en avant la lutte contre les inégalités, à citer ensuite parmi ces inégalités les inégalités culturelles et à introduire enfin comme possible objet social des entreprises recherchant une utilité sociale l’éducation à la citoyenneté, en mentionnant à ce titre l’éducation populaire.
À l’article 7, qui rénove l’agrément solidaire, la Commission a complété la liste des bénéficiaires de plein droit de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » (ESUS) par la mention des organismes d’accueil communautaire et d’activité solidaires (OACAS), dont font notamment partie les communautés Emmaüs.
À l’article 9, relatif à la commande publique, la Commission, partant du constat qu’il était nécessaire non seulement de favoriser le développement des clauses sociales mais aussi d’enrichir leur contenu et de veiller à leur réelle efficacité en termes d’insertion des publics en difficulté, a adopté un amendement visant à faire de la qualité des mesures proposées dans le cadre des clauses sociales un critère d’attribution des marchés publics ayant recours à de telles clauses.
La Commission des affaires sociales n’a pas souhaité modifier les articles 11 A à 12 relatifs à la reprise d’entreprise par les salariés. La rédaction issue du Sénat lui a en effet paru équilibrée et propre à assurer à la fois la pérennité de petites et moyennes entreprises susceptibles, en l’absence d’un tel dispositif, de ne pas trouver de repreneur, à favoriser l’entreprenariat des salariés, que ce soit sous une forme collective ou individuelle, et donc, in fine, à contribuer à la préservation de l’activité et de l’emploi sur les territoires. La Commission a, en conséquence, rejeté un certain nombre d’amendements ayant pour objectif d’amoindrir la portée de ces dispositions.
À l’article 33, la Commission a adopté un amendement de précision visant à garantir que l’ensemble du nouveau titre inséré dans le code du travail relatif aux entrepreneurs salariés associés d’une coopérative d’activité et d’emploi est bien applicable à tous les entrepreneurs salariés, que ceux-ci soient ou non associés de la coopérative.
À l’article 49, la Commission des affaires sociales a souhaité élargir les missions des éco-organismes à la prévention des déchets, secteur où les entreprises de l’ESS sont les plus actives, rejoignant ainsi une initiative également portée par le rapporteur pour avis de la commission du développement durable. Elle a également tenu à ne pas limiter le bénéfice de cet article aux seules entreprises agréées de plein droit, considérant que cette restriction était susceptible d’introduire, indirectement, une inégalité de traitement entre entreprises bénéficiant de l’agrément ESUS.
Enfin, elle a donné un avis favorable, sans proposer de modifications, aux articles 22 (éligibilité des SCIC aux contrats d’accompagnement dans l’emploi et aux emplois d’avenir), 34 (opérations de co-assurance), 45 (utilisation du chèque emploi associatif par les fondations), 52 (délai de mise en œuvre du nouvel agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale ») et 53 (délai de mise en œuvre des dispositions des articles 11 et 12 sur la reprise d’entreprise).
En réunissant pour la première fois dans un même texte les principes et valeurs communes aux acteurs « historiques » de l’ESS que sont les associations, les fondations, les coopératives et les mutuelles, le présent projet de loi répond à une demande ancienne et constante des acteurs de l’économie sociale et solidaire de voir leurs spécificités reconnues.
En effet, en dépit de leur diversité sectorielle et statutaire, ces acteurs traditionnels sont liés par un élément d’unité essentiel : leur manière d’entreprendre, caractérisée par l’absence de recherche exclusive du profit, une gouvernance démocratique, l’impartageabilité des réserves, et une gestion propre à assurer la pérennité de l’entreprise.
Ces dernières années, au-delà des acteurs historiques, des sociétés commerciales capitalistes « classiques » ont souhaité se rapprocher de ces principes de gestion, tout en construisant leurs projets d’entreprise dans une perspective d’utilité sociale.
Aperçu historique de l’économie sociale et solidaire
Si l’on trouve la trace de formes d’organisations économiques « sociales et solidaires » en France dès le Moyen-âge, avec, par exemple, la création au XIIIe siècle en Franche-Comté des premières « fruitières », ancêtres des coopératives laitières, l’essor de l’économie sociale et solidaire en France et, plus généralement, dans les pays occidentaux, remonte essentiellement au XIXe siècle.
Ce dernier a en effet vu l’affirmation du mouvement coopératif et l’émergence des mutuelles dans le but d’apporter une réponse collective à des besoins non satisfaits par l’économie capitaliste. L’État accompagne ces évolutions, au travers notamment de la loi sur les sociétés de secours mutuel de 1850, ou encore de la loi sur la liberté d’association de 1901.
Ainsi, ces modèles d’organisations, constitués initialement de manière empirique, sont peu à peu dotés de régimes juridiques ad-hoc.
L’étape suivante du développement de l’ESS date du milieu du XXe siècle avec l’adoption de l’ordonnance de 1945 portant statut de la mutualité et de la loi de 1947 sur la coopération.
Les années 1970 et 1980 ont ensuite vu une diversification des structures de l’économie sociale et solidaire ainsi qu’un investissement dans de nouveaux pans du champ économique et social avec le développement de l’insertion par l’activité économique, de la finance solidaire ou encore du commerce équitable.
Parallèlement, le secteur cherche à se fédérer et à obtenir une reconnaissance des pouvoirs publics. En 1980, est élaborée sous l’égide du comité national de liaison des activités mutualistes, coopératives et associatives (ancêtre du CEGES) la charte de l’économie sociale. En 1981, est créée pour la première fois une délégation interministérielle à l’économie sociale, alors placée sous l’autorité du premier ministre. Les premières chambres régionales de l’économie sociale et solidaire apparaissent au début des années 1990. En 2002, on assiste aux premières élections de conseillers prud’homaux de l’ESS. 10 ans plus tard est créé un ministère de l’économie sociale et solidaire.
Aujourd’hui, de plus en plus d’entreprises commerciales se réclamant de l’« entreprenariat social » empruntent certains modes de production ou de gouvernance au secteur de l’économie sociale et solidaire ou revendiquent une priorité donnée à l’« utilité sociale » dans leur projet entrepreneurial, sans toutefois adopter totalement le modèle de l’ESS.
Si, comme le souligne l’exposé des motifs du projet de loi, l’apparition constante de nouveaux acteurs au sein de l’économie sociale et solidaire témoigne de sa capacité d’innovation permanente, ces évolutions récentes aux marges de l’ESS appellent néanmoins un encadrement et une définition claire de ce que ce secteur recouvre, afin de pouvoir reconnaître pleinement la place qu’il occupe dans l’économie française et lui donner les moyens de son expansion.
* « Identité, histoire et activités de l’économie sociale et solidaire », site internet de la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire (CRESS) de Franche-Comté.
Le présent projet de loi acte dès lors une vision dite « inclusive » de l’économie sociale et solidaire, en permettant, aux côtés des organisations statutaires historiques, aux sociétés commerciales qui respectent les principes, les objectifs et le mode d’entreprendre de l’ESS de se prévaloir de la qualité d’entreprises de l’économie sociale et solidaire et de bénéficier, le cas échéant, de financements spécifiques.
Cette vision élargie s’inscrit néanmoins dans un cadre très défini. La définition prévue à l’article 1er du présent projet de loi détermine en effet des critères très précis à respecter pour prétendre à la qualité d’entreprise de l’ESS, et notamment des critères de gestion visant à garantir la primauté du développement de long terme de l’entreprise sur sa rentabilité immédiate. Ces critères, qui devront trouver une traduction tangible dans les statuts des sociétés commerciales souhaitant être reconnues comme entreprises de l’ESS, reflètent les « trois exigences fondamentales » de ce secteur, rappelées dans l’exposé des motifs du texte :
– la gestion en commun de la structure, associant ses participants sur le principe « une personne, une voix » ;
– le consentement à une limitation de la lucrativité de l’activité, au nom de la poursuite d’objectifs sociaux, de prévoyance et de mutualisation ;
– l’absence de spéculation sur les parts sociales de l’entreprise.
Des critères de gestion très stricts, qui pourraient néanmoins être renforcés afin de supprimer tout risque de dilution du capital, sont ainsi prévus par l’article 1er du projet de loi qui exige en outre des sociétés commerciales qu’elles adhèrent aux principes communs de profitabilité limitée et de gouvernance démocratique et qu’elles recherchent une utilité sociale, celle-ci étant définie à l’article 2. L’extension du champ de l’ESS ne saurait donc être interprétée comme une perte d’identité, mais plutôt comme un moyen de diffusion de son modèle économique en-dehors de ses structures traditionnelles.
Cette évolution apparaît d’autant plus opportune que la crise économique que nous traversons depuis plusieurs années a mis à jour les failles de l’économie capitalistique classique et renforcé la demande en faveur d’un renouveau des modèles entrepreneuriaux traditionnels permettant de replacer l’Homme, et non plus le capital, au cœur des projets d’entreprise.
Alors que son efficacité économique est souvent méconnue ou sous-estimée, le secteur de l’économie sociale et solidaire a cependant fait la preuve de sa solidité et de sa capacité à concilier performance économique et richesse sociale ces dix dernières années.
CROISSANCE DE L’EMPLOI DANS L’ÉCONOMIE SOCIALE ET LE SECTEUR PRIVÉ 2000-2010
Source : ACOSS-URSSAF - Traitement Recherches et Solidarités, cité dans « Économie sociale et solidaire : de quoi parle-t-on ? » (www.economie.gouv.fr)
Comme le souligne le graphique qui précède, en période de croissance nulle, les structures de l’ESS n’ont pas détruit d’emplois et en ont même créés. Sur les dix dernières années, l’ESS comptabilise 440 000 emplois nouveaux, soit une croissance de 23 %, alors que l’ensemble de l’emploi privé n’a progressé que de 7 % dans le même temps.
Les entreprises de l’ESS ont ainsi plutôt mieux résisté à la crise que leurs homologues de l’économie traditionnelle, notamment grâce à leurs principes de gestion reposant sur une lucrativité limitée et un réinvestissement du capital dans le maintien et le développement de l’entreprise. En créant des emplois pour l’essentiel non délocalisables, l’économie sociale et solidaire a en outre contribué également à revitaliser des zones désertées par l’activité économique, notamment industrielle.
Ces bons résultats viennent conforter la politique du Gouvernement en faveur de l’économie sociale et solidaire, qui consiste à la fois à « balayer les idées reçues sur l’économie mais aussi changer d’échelle » ainsi que l’exprimait Benoît Hamon en conclusion des travaux du Centre d’analyse stratégique consacrés à l’entrepreneuriat social en France (1). L’objectif : démontrer qu’il est possible de concilier compétitivité et richesse sociale et attirer dans le giron de l’ESS des entreprises jusque-là restées en marge de ce secteur, bien que désireuses d’adopter un modèle de développement conforme à ses principes.
Ce changement d’échelle est nécessaire à l’heure où montent en puissance au sein de la société des aspirations nouvelles en faveur d’une plus grande maîtrise de l’activité économique et d’une orientation de celle-ci vers une meilleure satisfaction des besoins de long terme de la population : assurer la primauté des projets sur les profits, ancrer les emplois sur les territoires, inscrire l’entreprise dans une perspective de développement durable. En proposant des outils juridiques et financiers pour contribuer au développement des structures de l’ESS, le présent texte devrait ainsi promouvoir une plus grande « biodiversité économique » (2) que tant de nos concitoyens, acteurs, bénéficiaires, partenaires, financeurs de l’économie sociale et solidaire appellent de leurs vœux.
L’économie sociale et solidaire en chiffres
En France, le secteur de l’ESS représente environ 10 % du PIB et emploie 2,3 millions de salariés (soit 12,5 % des emplois privés), répartis dans 217 000 établissements employeurs (9 % des établissements employeurs).
Les entreprises de l’ESS distribuent chaque année plus de 50,5 milliards d’euros de masse salariale, soit environ 10 % de l’emploi salarié et de la masse salariale versée annuellement par les entreprises privées. À titre de comparaison, c’est 2,5 fois le poids de la masse salariale du secteur de l’hébergement et de la restauration et 1,5 fois plus d’emplois que le secteur de la construction.
Après avoir créé près de 440 000 emplois nouveaux, pour la plupart non délocalisables, ces dix dernières années, les besoins en recrutements du secteur sont estimés à 600 000 emplois d’ici 2020.
La taille moyenne d’un établissement de l’ESS, calculée en équivalents temps plein (ETP), est supérieure à celle d’un établissement employeur du privé : 8,8 ETP contre 6,8. Le poids de l’ESS est par ailleurs plus important dans les entreprises de plus de 20 salariés, le secteur représentant même 17,5 % de celles de 50 à 249 salariés.
L’économie sociale occupe enfin une place majeure dans plusieurs secteurs essentiels, comme le soulignent les chiffres suivants :
– 9 personnes handicapées sur 10 sont prises en charge par des établissements de l’économie sociale ;
– 68 % des services d’aide au domicile aux personnes dépendantes sont portés par des entreprises de l’économie sociale ;
– 30 % des hôpitaux sont gérés par l’économie sociale ;
– 60 % des dépôts bancaires se font dans les banques de l’économie sociale et solidaire ;
– 38 millions de Français sont protégés par des mutuelles de santé ;
– 1 voiture sur 2 est assurée par une mutuelle d’assurance.
L’ESS est ainsi particulièrement présente dans les domaines :
– de l’assurance, où elle emploie 46 % des salariés du secteur ;
– de l’hébergement médico-social (55 % des salariés),
– des activités récréatives, sportives et de loisir (57 %),
– de l’action sociale sans hébergement (69 %).
Source : www.economie.gouv.fr ; avis présenté par Patrick Lenancker et Jean-Marc Roirant au nom du Conseil économique, social et environnemental « Entreprendre autrement : l’économie sociale et solidaire », janvier 2013 ; Observatoire national de l’ESS.
Au-delà d’une reconnaissance de l’économie sociale et solidaire, les acteurs du secteur attendent d’une nouvelle politique publique en faveur de l’ESS qu’elle apporte des réponses diversifiées et adaptées aux différentes structures qui la compose afin de leur permettre de « jouer à armes égales avec les autres acteurs de l’économie classique » (3). Ainsi, la valorisation du rôle joué par l’ESS dans notre économie, longtemps sous-estimé, implique également de lui donner les moyens de son développement, en levant un certain nombre de freins juridiques et financiers à son expansion.
Si la définition de l’économie sociale et solidaire proposée par le présent projet de loi vise à unifier et rassembler le secteur de l’ESS, la diversité de ses composantes appelle néanmoins des réponses diversifiées aux enjeux qui apparaissent pour chacune d’entre elles.
Plusieurs dispositions du texte concernent ainsi spécifiquement les structures coopératives. Le projet de loi propose une nouvelle définition de la coopérative, réaffirmant, d’une part, sa qualité de société de personnes au sein de laquelle les décisions sont prises démocratiquement sur le principe « une personne, une voix » et, d’autre part, ses principes de gestion et sa finalité « au service de ses sociétaires ». Toutefois, afin d’attirer de nouveaux membres, le projet de loi admet que la coopérative puisse comprendre un nombre limité de tiers non sociétaires pouvant bénéficier de ses services. De même, afin de diversifier la nature des apports possibles tant en travail, conseil, locaux ou compétences, il est prévu que la coopérative puisse accueillir des associés non-coopérateurs. Enfin, figurent également dans le texte diverses mesures visant à faciliter au quotidien la gestion de la coopérative en permettant par exemple le vote à distance, ou bien encore la radiation d’associés ayant perdu les qualités requises pour être membre de la coopérative sans avoir à recourir à la procédure d’exclusion plus lourde.
Dans le même ordre d’idée, le texte prévoit un certain nombre de mesures ponctuelles visant à donner un « coup de pouce » au développement de certaines structures coopératives telles que :
– les sociétés coopératives et participatives (SCOP). Le projet de loi crée ainsi un statut transitoire de SCOP d’amorçage permettant de dissocier, pendant une durée limitée dans le temps, la majorité en capital de la majorité en voix : l’objectif est de permettre un apport de fonds extérieurs indispensable à la création ou à la reprise d’entreprises de plus grande taille que celles qui y sont recensées actuellement. Le texte rend également possible la constitution de groupes de SCOP, permettant la constitution d’entités ayant la taille critique pour être compétitives sur des marchés plus importants ;
– les coopératives d’activité et d’emploi (CAE). L’introduction dans la loi de 1947 d’une définition de la CAE et la reconnaissance, dans le code du travail, du statut d’entrepreneur salarié associé de CAE visent à sécuriser l’environnement juridiques de ces structures qui constituent aujourd’hui une alternative innovante et protectrice à la création individuelle d’entreprise ;
– les sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC). Les SCIC portent des projets de développement économique locaux au service de l’intérêt général. L’objectif poursuivi par le projet de loi est de faciliter la constitution de SCIC, notamment en autorisant les collectivités territoriales à détenir jusqu’à 50 % du capital de la SCIC, en permettant la constitution de SCIC sous la forme de société par actions simplifiée (SAS) et en rendant possible la création de SCIC avec des producteurs de biens et de services non salariés (exploitants agricoles, professionnels libéraux de santé). Le projet de loi ouvre également la possibilité aux SCIC de recruter des salariés par le biais de contrats aidés auxquels elles n’avaient précédemment pas accès : les contrats d’accompagnement dans l’emploi et les emplois d’avenir.
On signalera, pour le champ associatif, que le projet de loi vise à donner une définition législative de la subvention afin de sécuriser les relations entre les associations et les acteurs publics.
S’agissant des mutuelles, le projet de loi propose une modernisation de leur cadre institutionnel et juridique, notamment en créant une nouvelle union mutualiste, structure à majorité mutualiste mais ouverte aux autres composantes de l’économie sociale et solidaire, dans le but de mieux structurer le développement et le financement des activités sanitaires, sociales et culturelles, et en rendant possible les opérations de co-assurance entre structures régies par des codes différents (code de la mutualité, code de la sécurité sociale et code des assurances).
Si les entreprises de l’ESS présentent des spécificités capitalistiques originales, les principes de gestion qu’elles appliquent en font des structures robustes et viables sur longue période. Pour autant, ce mode d’entreprendre est souvent méconnu des circuits traditionnels de financement. La définition des entreprises de l’ESS mais également la réforme de l’agrément solidaire permettront aux investisseurs, privés comme publics, de mieux identifier les entreprises du secteur susceptibles de bénéficier des fonds de l’épargne solidaire (4) et contribueront donc à drainer de nouveaux financements en direction de l’économie sociale et solidaire.
Ainsi, avec la rénovation de l’agrément solidaire, le projet de loi vise à mieux diriger vers les structures de l’ESS qui ont besoin de financements pour viabiliser des projets à forte utilité sociale les fonds issus de l’épargne salariale dont l’utilisation est aujourd’hui peu ou mal contrôlée. Il entend également moderniser ou créer de nouveaux outils de financement dédiés, tels que les titres associatifs ou les certificats mutualistes. Il prévoit enfin la mise en place de mécanismes de suivi statistique de l’activité économique et des conditions de financement, notamment bancaires, des entreprises de l’ESS.
Au-delà des améliorations aux circuits de financement apportées par le projet de loi, le secteur de l’économie sociale et solidaire devrait en outre bénéficier d’un renforcement des soutiens publics en sa faveur.
Rappelons pour mémoire que la Caisse des dépôts et consignations (CDC) remplit déjà pour le compte de l’État une mission de financement de l’économie sociale et solidaire ; elle gère ainsi un certain nombre de dispositifs tels que les prêts accordés dans le cadre du dispositif NACRE – Nouvel accompagnement à la création et à la reprise d’entreprise (création d’entreprises par des chômeurs ou des allocataires de minima sociaux), le fonds de cohésion sociale et l’action « financement de l’économie sociale et solidaire » du programme des investissements d’avenir. La CDC intervient également dans le secteur pour son propre compte à hauteur d’environ 45 millions d’euros par an (5).
La Banque publique d’investissement (BPI), groupe public au service du financement et du développement des entreprises créé par la loi du 31 décembre 2012, a elle aussi pour mission de participer au développement de l’économie sociale et solidaire. OSEO, CDC-Entreprises et le Fonds stratégique d’investissement, regroupés aujourd’hui au sein de BPI-France, ont ainsi financé l’économie sociale et solidaire à hauteur d’environ 95 millions d’euros en 2012.
Le Gouvernement a en outre annoncé la mise en place de nouveaux dispositifs de financement, qui devraient voir le jour dès cette année :
– la création de « fonds de fonds », c’est-à-dire de fonds de fonds d’investissement en fonds propres et quasi fonds-propres. La BPI devrait participer à un ou plusieurs fonds, portés par des investisseurs privés spécialisés dans le financement des entreprises de l’ESS et des entreprises à forte utilité sociale, pour une capacité totale de plusieurs dizaines de millions d’euros ;
– la création d’un prêt participatif et solidaire délégué à des banques partenaires et aux réseaux de financement de l’ESS venant en complément de prêts bancaires. 50 millions d’euros devraient être mobilisés par BPI-France dans ce cadre ;
– le développement du « crowfunding » avec la mise en place d’un portail numérique visant à fédérer par le biais d’internet de nombreux petits investisseurs dans le but de financer notamment des entreprises relevant de l’économie sociale et solidaire ;
– la création d’un fonds pour l’innovation sociale, cofinancé par l’État et les régions et doté initialement de 20 millions d’euros (part État), afin de financer sous forme d’avances remboursables des projets socialement innovants correspondant à des besoins sociaux non satisfaits par le marché ou les politiques publiques. Ce fonds sera également géré par BPI-France.
L’article 1er définit pour la première fois le périmètre de l’économie sociale et solidaire (ESS) et précise les conditions dans lesquelles une entreprise peut faire publiquement état de sa qualité d’entreprise de l’ESS.
La définition proposée s’attache non pas à la reconnaissance de secteurs d’activités en tant que tels, mais bien de modes d’entreprendre spécifiques. Elle repose sur une vision dite « inclusive » de l’économie sociale et solidaire en ce qu’elle intègre à la fois :
– les organisations « historiques » de l’ESS, c’est-à-dire les entreprises qui relèvent de l’un des quatre statuts traditionnels de l’économie sociale et solidaire, à savoir les coopératives, les mutuelles, les fondations et les associations ;
Les organismes historiques de l’économie sociale et solidaire
On considère qu’appartiennent traditionnellement à l’économie sociale et solidaire les organisations suivantes :
– les associations, qui relèvent de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ;
– les coopératives, qui sont régies par la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération ;
– les mutuelles et sociétés d’assurance mutuelles, qui relèvent respectivement du code de la mutualité et du code des assurances ;
– les fondations, définies par les articles 18 et suivants de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat.
En dépit de leur diversité d’activités et de modes d’intervention, ces organisations ont en commun un certain nombre de principes, inscrits dans leurs statuts, qui permet de les rassembler au sein de l’ESS. Ce sont :
– des entreprises dont la finalité n’est pas la lucrativité ou le profit individuel, et dans lesquelles une partie importante du résultat est investie dans les projets ;
– des sociétés assurant la primauté de la personne sur le capital, valorisant la propriété collective et impartageable de l’entreprise ;
– des sociétés assurant le partage du pouvoir dans l’entreprise, une gouvernance démocratique.
– et les entreprises qui, tout en n’appartenant pas à l’une des catégories précitées, se fixent des objectifs et adoptent un mode de fonctionnement conformes aux principes de l’économie sociale et solidaire.
Aussi, aux termes du II du présent article, l’économie sociale et solidaire comprend-t-elle les personnes morales de droit privé qui ont une activité économique (de production, de distribution, d’échange ou de consommation de biens et de services) et qui relèvent de l’un des quatre statuts traditionnels de l’ESS (1°) ou bien qui sont des sociétés commerciales qui respectent les trois conditions suivantes (2°) :
– leur « mode d’entreprendre » est conforme au « mode d’entreprendre » qui caractérise l’économie sociale et solidaire décrit au I du présent article (a)) ;
Le « mode d’entreprendre » de l’économie sociale et solidaire se caractérise par trois critères cumulatifs :
– la poursuite d’un but autre que le seul partage des bénéfices (I 1°). Rappelons ainsi, à titre d’exemple, qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 1er juillet 1901, l’association est « la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que partager des bénéfices ». A contrario, l’article 1832 du code civil se réfère directement à la notion de bénéfice pour définir l’objectif d’une société : celle-ci est en effet « instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter ». Les sociétés commerciales devront donc dépasser leur objectif initial pour prouver leur appartenance à l’ESS ;
– une gouvernance démocratique prévue par les statuts, qui permette la participation de toutes les parties prenantes (I 2°). Dans le cadre d’une société commerciale, où l’apport en capital ne peut être totalement déconnecté de l’expression au sein des instances dirigeantes, la présente condition doit néanmoins permettre d’aboutir à une « co-construction » de la politique de l’entreprise. Celle-ci pourra par exemple se traduire par l’association des salariés à la gouvernance (représentation au conseil d’administration, élection des dirigeants), par la limitation des droits de vote de tous les actionnaires afin de prévoir l’expression des parties prenantes ou encore par l’attribution d’actions de préférence permettant d’attribuer des droits particuliers à certaines personnes ;
– une gestion conforme aux principes suivants (I 3°) :
• la majorité des bénéfices (50 % ou plus) doit être réinvestie dans l’entreprise (a)) ;
• les réserves obligatoires (c’est-à-dire les réserves légales, dont la réserve comptable de 5 % et la réserve statutaire de 20 % instituée par la présente loi) sont impartageables et indistribuables (b)).
– elles recherchent une « utilité sociale » au sens de l’article 2 de la présente loi (b)) ;
– elles appliquent un certain nombre de principes de gestion spécifiques à l’économie sociale et solidaire (c)). Ces principes se traduisent concrètement par trois conditions cumulatives, introduites par le Sénat en première lecture afin de s’assurer que le capital investi est bien consacré au développement et à la pérennité de l’entreprise :
● la création d’une réserve statutaire obligatoire au moins égale à 20 % des bénéfices de l’exercice (diminués, le cas échéant, des pertes antérieures) ;
● l’affectation au report bénéficiaire ainsi qu’aux réserves obligatoires d’au moins 50 % des bénéfices de l’exercice (diminués, le cas échéant, des pertes antérieures) ;
● l’interdiction du rachat d’actions ou de parts sociales, sauf dans certains cas particuliers prévus par décret.
On soulignera que les sociétés commerciales doivent en outre être immatriculées au registre du commerce et des sociétés avec la mention de la qualité d’entreprise de l’ESS (III 2°). Bien que cette dernière formalité soit de nature déclarative, il appartiendra néanmoins au greffe du tribunal de commerce de vérifier la conformité des statuts déposés aux conditions prévues au présent article ainsi que l’a souligné le rapporteur pour avis de la commission des Lois du Sénat, M. Alain Anziani, lors de l’examen du texte en séance en première lecture.
À cet égard, si votre rapporteure reconnaît la définition inclusive de l’ESS consacrée par le projet de loi, et estime que dès lors les sociétés commerciales qui respecteront les principes de l’économie sociale et solidaire devront être traitées comme les organismes relevant des statuts historiques de l’ESS, il n’en demeure pas moins indispensable que la conformité de leurs statuts aux dispositions légales soit vérifiée lors de leur dépôt initial au tribunal de commerce, et à l’occasion de chaque modification. En cas de non-respect des statuts dans la gestion quotidienne de l’entreprise, il appartiendra en revanche aux associés et aux parties prenantes ainsi que, le cas échéant, aux chambres régionales de l’ESS (CRESS), dont le projet de loi reconnaît la capacité à ester en justice, d’intervenir.
L’article 2 détermine les conditions dans lesquelles une entreprise est considérée comme « recherchant une utilité sociale » au sens de la présente loi. Cette définition de l’objet social d’une entreprise comme visant à satisfaire un « objectif d’utilité sociale » contribue :
– d’une part, comme indiqué précédemment, à identifier l’un des critères que doivent respecter les sociétés commerciales pour faire partie de l’économie sociale et solidaire et faire publiquement état de cette appartenance (article 1er, II, 2°, b)) ;
– et, d’autre part, comme nous le verrons plus loin, à distinguer les entreprises de l’ESS, quels que soient leurs statuts (historiques ou sociétés commerciales), qui sont susceptibles de bénéficier de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » (article 7, article L. 3332-17-1 du code du travail, I, 2°).
Le présent article définit trois critères permettant de caractériser la recherche d’une utilité sociale, dont un au moins doit être rempli pour satisfaire à l’objectif d’utilité sociale. Notons toutefois d’emblée que le dernier critère cité n’est pas considéré comme un critère autonome mais qu’il doit s’inscrire dans le cadre d’une activité elle-même liée à l’un des deux premiers critères. Ainsi, l’objet social de l’entreprise peut être :
– soit d’apporter un soutien aux personnes en situation de fragilité (1°), quelle que soit l’origine de cette fragilité (situation économique ou sociale ou situation personnelle – état de santé, besoins d’accompagnement social ou médico-social, etc) et quel que soit le lien entre l’entreprise et la personne concernée (salarié, usager, client, membre, bénéficiaire) ;
– soit de contribuer à la préservation et au développement de la cohésion sociale (2°) en œuvrant au renforcement du lien social ou de la cohésion territoriale ou encore en luttant contre les inégalités ;
– soit, enfin, de concourir au développement durable, au sens strictement environnemental du terme, sous réserve que cet objectif s’inscrive par ailleurs dans le cadre d’une activité mentionnée au 1° ou au 2° (3°).
L’article 7 du projet de loi vise à rénover, afin de le rendre plus sélectif (cf encadré infra) l’agrément solidaire défini à l’article L. 3332-17-1 du code du travail, dont la dénomination sera désormais : « agrément ‘entreprise solidaire recherchant une utilité sociale’ ».
Historique et évolution de l’agrément solidaire
• Le concept d’« entreprise solidaire » agréée par l’État a été introduit par la loi du 19 février 2001 sur l’épargne salariale dont l’objectif était d’améliorer et d’étendre les dispositifs d’épargne salariale, de mettre en place de nouveaux outils et d’encourager l’orientation de cette épargne vers l’économie solidaire. L’article 19 de la loi a ainsi défini les entreprises solidaires ainsi que les fonds solidaires et instauré un encouragement fiscal à la souscription de tels fonds.
L’entreprise solidaire a ensuite été redéfinie par la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008, dans le but de faciliter l’obtention de l’agrément « entreprise solidaire ». L’article 20 de la loi a en outre prévu une obligation pour les règlements de plans d’épargne salariale de proposer aux salariés d’investir dans des fonds communs de placement d’entreprise solidaires.
Ainsi, conformément au décret du 18 mars 2009, sont désormais considérées comme entreprises solidaires les entreprises dont les titres de capital, lorsqu’ils existent, ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé et qui :
– soit emploient à hauteur de 30 % au moins des salariés des personnes en contrats aidés ou en situation d’insertion professionnelle,
– soit revêtent une forme juridique spécifique (association, coopérative, mutuelle, institution de prévoyance ou société dont les dirigeants sont élus par les salariés, les adhérents ou les sociétaires) et respectent des critères de politique salariale limitant les écarts de rémunération (la moyenne des sommes versées aux cinq salariés ou dirigeants les mieux rémunérés ne doit pas excéder cinq fois la rémunération annuelle perçue par un salarié à temps complet sur la base de la durée légale du travail et du salaire minimum de croissance).
Sont également assimilés aux entreprises solidaires les organismes dont l’actif est composé pour au moins 35 % de titres émis par des entreprises solidaires ou les établissements de crédit dont 80 % de l’ensemble des prêts et des investissements sont effectués en faveur des entreprises solidaires.
Enfin, les structures d’insertion par l’activité économique et les entreprises adaptées conventionnées par l’État bénéficient d’un agrément de plein droit.
L’agrément est accordé pour une durée de deux ans pour une première demande et de cinq ans en cas de renouvellement.
Outre une dimension de reconnaissance et de valorisation de l’activité de ces entreprises, l’agrément offre un avantage en termes de diversification des financements puisqu’il permet notamment de bénéficier de fonds solidaires gérés par des sociétés spécialisées dans l’épargne salariale. D’après l’étude d’impact du projet de loi, l’encours des fonds communs de placement d’entreprise (FCPE) « solidaires » s’établissait au 30 juin 2012 à 2,6 milliards d’euros. Au total, l’épargne salariale investie dans les entreprises solidaires représenterait la moitié de l’épargne solidaire en France
• Un recensement des agréments solidaires délivrés par les directions régionales de l’économie, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l’emploi (Direccte) a été lancé début 2013 à l’initiative du ministère délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation afin d’établir un bilan de la mise en œuvre de l’agrément.
Avec un taux de réponse de près de 70 %, cette enquête met en évidence plusieurs éléments intéressants.
Sur 1 375 structures ayant reçu pendant la période 2011-2012 un agrément par l’État en tant qu’entreprises solidaires, on dénombrait :
- 819 associations ;
- 279 coopératives ;
- 62 mutuelles ;
- 9 institutions de prévoyance ;
- et 206 sociétés commerciales.
S’il a été jugé difficile de mesurer, pour tous les secteurs d’activité de ces entreprises, si leur action répondait réellement à un objectif « solidaire » (du moins dans son acception première de « solidarité en faveur de personnes vulnérables »), il a néanmoins été observé une représentation non négligeable de secteurs d’activité dans lesquels les modèles solidaires sont peu répandus (bâtiment : 109 entités ; activités financières : 18 entités). Ce constat laisse supposer que certaines entreprises retenues ne répondent pas nécessairement à des exigences sociales précises, ni en termes d’utilité sociale ou de solidarité, ni en termes d’impact social.
Ce constat a par ailleurs été corroboré par une analyse plus qualitative menée par les Direccte et les acteurs spécialisés dans le financement solidaire laissant apparaître que dans nombre de cas, l’agrément solidaire n’était pas délivré sur la base de critères statutaires mais de critères relevant plus d’exigences liées à la « responsabilité sociale des entreprises » (RSE), tels que la qualité du dialogue social, le respect de normes de transparence et de bonne gouvernance, la mise en œuvre de bonnes pratiques environnementales, etc.
Or, une telle lecture des dispositions légales et réglementaires est évidemment contraire à l’objectif initial du dispositif, et, du point de vue de la collecte d’épargne solidaire, représente un risque important de dilution des moyens accordés au-delà de ce que constitue le champ du « solidaire ».
Le présent article propose ainsi une réécriture complète de l’article L. 3332-17-1 du code du travail visant notamment à :
– limiter l’éligibilité à l’agrément aux seules entreprises respectant les critères de l’économie sociale et solidaire prévus à l’article 1er, que l’agrément soit délivré sous conditions ou de plein droit ;
– et à renforcer les conditions exigées pour prétendre à l’agrément.
On notera que cette réécriture conserve néanmoins un certain nombre d’éléments figurant dans la définition actuelle de l’agrément solidaire tels que :
– l’existence de bénéficiaires de plein droit, dont la liste pourrait cependant être amenée à évoluer en raison de l’exigence nouvelle du respect des critères de l’article 1er ;
– le principe de l’assimilation de certains organismes contribuant au financement du secteur de l’ESS aux entreprises agréées. Cette assimilation permet à ces organismes, tels France Active, de bénéficier de l’épargne salariale collectée par les fonds solidaires (FCPE solidaires) et à ces fonds solidaires de répondre à l’exigence fixée à l’article L. 214-164 du code monétaire et financier de détenir entre 5 et 10 % de titres émis par des entreprises bénéficiant de l’agrément solidaire. Ainsi, sous réserve que 35 % de leur actif soit composé de titres émis par des entreprises de l’économie sociale et solidaire, au sens de l’article 1er, dont les 5/7èmes au moins doivent être émis par des entreprises bénéficiant de l’agrément (cf infra), ces organismes de financement peuvent bénéficier de l’épargne salariale collectée par les fonds solidaires grâce au statut d’entreprises assimilées qui leur permet de rentrer dans le quota de 10 %. Parallèlement, les gestionnaires de fonds solidaires peuvent, par le biais de ces organismes, remplir le quota qui leur est imposé, tout en garantissant une bonne rentabilité globale aux plans d’épargne souscrits par les salariés. Il s’agit donc d’un dispositif mutuellement profitable.
● L’article L. 3332-17-1 prévoit désormais que, parmi les entreprises de l’ESS relevant des dispositions de l’article 1er, peuvent prétendre à l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » celles qui respectent les cinq conditions suivantes (I) :
– rechercher une utilité sociale au sens de l’article 2 de la loi (1°) ;
– avoir leur compte de résultat ou leur rentabilité financière affecté « de manière significative » par la charge induite par l’objectif d’utilité sociale qu’elles poursuivent (2°). D’après les informations fournies à votre rapporteure, le décret en Conseil d’État auquel renvoie le V du présent article devrait permettre de préciser ce qui est entendu par là sans nécessairement imposer la fixation de ratios de rentabilité interne ou financière.
Deux cas de figure pourraient ainsi être distingués : d’une part, pour les entités dont le modèle économique est clairement marqué par une rentabilité structurellement faible ou nulle (c’est le cas de nombreuses associations à très forte utilité sociale du type association de réinsertion, d’hébergement d’urgence, etc) auprès desquelles les financeurs acceptent de percevoir une rémunération modérée sur longue période, le critère retenu pourrait précisément être celui du niveau de rémunération exigé par les financeurs, qui devrait donc être inférieur à un plafond annuel (6) ; d’autre part, pour les entités dont le modèle économique, tout en étant marqué par la recherche d’un impact social fort, est néanmoins compatible avec un développement rapide financé par les excédents dégagés sur leur activité, un faisceau de critères pourrait être pris en compte afin d’apprécier l’impact social de l’activité, la part que celle-ci occupe dans le compte de résultat étant ensuite mesurée en pourcentage des charges d’exploitation : on pourrait ainsi considérer que les charges d’exploitation directement ou indirectement imputables à l’activité à fort impact social devraient, par exemple, représenter au moins 50 % de l’ensemble des charges ;
– mener une politique salariale limitant les écarts de rémunération (3°) de telle sorte que a) la moyenne des sommes versées aux cinq salariés ou dirigeants les mieux rémunérés (7) n’excède pas un plafond fixé à sept fois la rémunération d’un salarié à temps complet payé au SMIC et que b) les sommes versées au salarié ou dirigeant le mieux rémunéré (8) n’excèdent pas un plafond fixé à dix fois la rémunération d’un salarié à temps complet payé au SMIC ;
– ne pas être des entreprises cotées (4°) ;
– inscrire les conditions mentionnées aux 1° (utilité sociale) et 3° (politique salariale) dans leurs statuts (5°).
● Le II de l’article L. 3332-17-1 dresse quant à lui la liste des bénéficiaires de plein droit de l’agrément, liste qui était jusqu’à présent fixée au seul niveau réglementaire. Si cette liste évolue peu vis-à-vis du droit existant, rappelons que les entreprises qui y figurent devront néanmoins désormais satisfaire aux critères de l’ESS définis à l’article 1er de la présente loi, ainsi qu’à la condition prévue au 4° du I du présent article (pas de titres de capital négociés sur les marchés réglementés).
12 catégories de bénéficiaires sont ainsi détaillées. Les quatre premières catégories citées ainsi que les régies de quartier (8°) font partie des structures d’insertion par l’activité économique déjà visées aujourd’hui par l’article R. 3332-21-3 du code du travail (9), au même titre que les organismes d’insertion sociale relevant de l’article L. 121-2 du code de l’action sociale et des familles (10), les services de l’aide sociale à l’enfance (article L. 222-5 du même code), les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (article L. 345-1 du même code), qui sont désormais mentionnés aux 5°, 6° et 7° du présent II. Enfin, il convient d’ajouter à ces structures les entreprises adaptées et les centres de distribution de travail à domicile également visés par l’article R. 3332-21-3, ainsi que, par assimilation, les établissements et services d’aide par le travail (ESAT), respectivement mentionnés aux 9°, 10° et 11° de ce même II.
Seule catégorie nouvelle de bénéficiaires de plein droit : les organismes concourant aux objectifs de la politique d’aide au logement (organismes agréés mentionnés aux articles L. 365-2 et L. 365-4 du code de la construction et de l’habitation), dont la mention au 12° a été ajouté par un amendement adopté en première lecture au Sénat sur proposition de la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, Mme Christiane Demontès. Comme le souligne le rapport présenté par cette dernière, les acteurs du logement et de l’hébergement des personnes défavorisées (par exemple SNL, Habitat et Humanisme, le Chênelet, Habitats Solidaires) agréés au titre de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion du 25 mars 2009 font l’objet de dispositions très strictes. Ces structures doivent en effet être gérées et administrées à titre bénévole par des personnes n’ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l’exploitation et elles ne peuvent procéder à aucune distribution directe ou indirecte de bénéfice.
● Le III du présent article reprend le principe d’assimilation aux entreprises agréées des organismes dont l’actif est composé pour au moins 35 % de titres émis par des entreprises solidaires ou des établissements de crédit dont 80 % de l’ensemble des prêts et des investissements sont effectués en faveur des entreprises solidaires (dernier alinéa de l’article L. 3332-17-1 dans sa rédaction en vigueur). Ces dispositions sont néanmoins adaptées aux évolutions prévues par la présente loi, tant en ce qui concerne le périmètre de l’économie sociale et solidaire que celui de l’agrément. Ainsi, il est désormais prévu :
– pour les organismes de financement, que 35 % de leur actif soit composé de titres émis par des entreprises de l’ESS au sens de l’article 1er, dont les 5/7èmes au moins doivent être émis par des entreprises bénéficiant de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » ;
– pour les établissements de crédit, 80 % de l’ensemble des prêts et investissements doivent être effectués en faveur d’entreprises de l’ESS bénéficiant de l’agrément.
● Enfin, les IV et V du présent article prévoient, d’une part, la délivrance de l’agrément par « l’autorité compétente » (en l’occurrence la Direccte) et, d’autre part, le renvoi à un décret en Conseil d’État pour définir les conditions d’application de l’article. Ce décret devra notamment expliciter la notion d’ « affectation significative » du compte résultat, critère mentionné du 2° du I.
L’article 52 du présent texte prévoit un délai de deux ans, pendant lequel les entreprises qui bénéficient de l’actuel agrément solidaire sont réputées bénéficier du nouvel agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » soit pour la durée restante de validité de l’agrément si celle-ci est supérieure à deux ans, soit pour une durée de deux ans dans le cas contraire. Ce délai devra être mis à profit par les entreprises qui satisfont aux critères en vigueur de l’agrément pour modifier le cas échéant leurs statuts afin de remplir les conditions désormais exigées par l’article 7 dans l’objectif de continuer à bénéficier des droits attachés à l’agrément.
Le présent projet de loi comprend deux dispositions relatives à la commande publique dont la première (l’article 9A) a été introduite par le Sénat lors de l’examen du texte en première lecture. Ces dispositions visent, d’une part, à étendre le champ des marchés réservés et, d’autre part, à promouvoir les achats publics responsables et les clauses sociales des marchés publics.
On constate en effet aujourd’hui que la commande publique constitue un levier insuffisamment utilisé pour favoriser l’activité des entreprises de l’économie sociale et solidaire. Les dispositions prévues par le projet de loi sont donc nécessaires : seront-elles suffisantes ? Comme l’ont souligné, lors des auditions, de nombreux acteurs de l’ESS, c’est une évolution de la conception des clauses sociales et de leur mise en œuvre dans le cadre des marchés publics qui est aujourd’hui attendue afin de leur donner un véritable essor mais également de renforcer leur efficacité sur l’insertion professionnelle des publics en difficulté. Si les clauses sociales doivent se développer sur le plan quantitatif, elles doivent également être améliorées sur le plan qualitatif. À cet égard, faire de la qualité des mesures d’insertion proposées dans le cadre des clauses sociales un critère d’attribution des marchés publics pourrait contribuer grandement à la réussite des dispositifs portés par ces clauses, qui n’est pas aujourd’hui à la hauteur des attentes.
Il convient toutefois de souligner que cette question dépasse quelque peu le cadre du présent texte dont le calendrier d’examen entre par ailleurs en conflit avec le calendrier de transposition des nouvelles directives européennes relatives aux marchés publics publiées au Journal officiel de l’Union européenne du 28 mars 2014 (11). Cette transposition, qui doit en outre se traduire par une refonte complète du droit de la commande publique (12), pourrait également être l’occasion de compléter les mesures existantes en faveur des entreprises et des publics susceptibles de bénéficier des clauses sociales. Votre rapporteure note à cet égard que la directive 2014/24/UE prévoit explicitement dans son article 67 qu’afin de choisir l’offre économiquement la plus avantageuse les pouvoirs adjudicateurs doivent tenir compte des « aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux liés à l’objet du marché » dans la détermination du rapport qualité/prix, les « caractéristiques sociales » faisant partie de la qualité (13).
L’article 9A du présent texte, issu d’un amendement de la commission des affaires sociales du Sénat, vise à transposer l’article 20 de la directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics dans le champ de l’ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics. Notons d’emblée qu’il s’agit là d’une transposition partielle, les dispositions du code des marchés publics ne pouvant quant à elles être modifiées par voie législative eu égard à la nature réglementaire de ce code.
L’objectif poursuivi au travers de cet article est d’élargir le champ des marchés réservés, l’article 20 de la directive 2014/24/UE prévoyant en effet que les États membres peuvent désormais « réserver le droit de participer aux procédures de passation de marchés publics à des ateliers protégés et à des opérateurs économiques dont l’objet principal est l’intégration sociale et professionnelle de personnes handicapées ou défavorisées (…) à condition qu’au moins 30 % du personnel de ces ateliers [ou] opérateurs économiques (…) soient des travailleurs handicapés ou défavorisés ». Rappelons à cet égard que l’article 19 de l’ordonnance du 16 juin 2005 prévoit déjà que certains marchés ou lots de marchés peuvent être réservés à des entreprises adaptées ou à des établissements et services d’aide par le travail, lorsque la majorité des travailleurs concernés sont des travailleurs handicapés qui, en raison de la nature ou de la gravité de leurs déficiences, ne peuvent exercer une activité professionnelle dans des conditions normales. L’innovation principale de la directive consiste donc à ouvrir le champ des marchés réservés aux structures ayant pour objectif l’insertion professionnelle des travailleurs défavorisés, tout en abaissant la part de travailleurs handicapés ou défavorisés requise dans les effectifs pour permettre à ces structures d’accéder aux marchés.
Définition du travailleur défavorisé au niveau européen
La directive 2014/24/UE ne donne pas de définition du travailleur défavorisé. Cette notion est toutefois définie en détail par le règlement (CE) 2204/2002 de la commission du 12 décembre 2002 concernant l’application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d’État à l’emploi.
Aux termes de l’article 2 de ce règlement, est ainsi considéré comme « travailleur défavorisé » toute personne appartenant à une catégorie qui éprouve des difficultés à entrer sur le marché du travail sans assistance. Le règlement cite à cet égard plusieurs critères susceptibles de caractériser cette situation tels que le fait d’être :
– une personne sans emploi de moins de 25 ans ou ayant terminé sa formation depuis plus de deux ans ;
– un chômeur de longue durée ;
– un adulte isolé avec enfants à charge ;
– une personne sans qualification sans emploi ou sur le point de perdre son emploi ;
– une personne de plus de 50 ans sans emploi ou sur le point de perdre son emploi.
Dans la mesure où le dispositif des marchés réservés en vigueur aujourd’hui en France devra être adapté aux dispositions de la directive 2014/24/UE (14), votre rapporteure approuve la disposition introduite au Sénat. Elle insiste néanmoins sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un dispositif ayant vocation à se substituer aux classes sociales, mais que ces deux « outils » doivent bien être utilisés de concert. Elle souligne également qu’une attention devra être portée afin que l’utilisation des marchés réservés ne contrevienne pas à l’objectif d’insertion des personnes en difficultés dans des entreprises n’ayant pas pour vocation première l’insertion.
2. Promotion des achats publics socialement responsables et des clauses sociales dans les marchés publics
Les dispositions du I de l’article 9 du présent projet de loi s’inscrivent quant à elles dans la lignée de la circulaire du 3 décembre 2008 (15) au travers de laquelle l’État s’est engagé à prendre en compte dans tous les volets de son action la dimension sociale de la politique de développement durable, « dont la promotion de l’insertion des personnes éloignées de l’emploi est un élément essentiel ». L’État entend ainsi utiliser ses propres moyens de fonctionnement pour renforcer et favoriser l’émergence de modes de production et de consommation plus durables : la circulaire rappelle à cet égard que l’État consacre annuellement à son fonctionnement courant plus de quinze milliards d’euros dont dix milliards pour les achats courants et cinq milliards pour les achats dits métiers.
Cette politique d’exemplarité dans les achats de l’État doit se traduire dans chaque administration par l’élaboration de « plans administration exemplaire », dont les dispositions sont censées assurer la prise en compte des objectifs de développement durable dans le fonctionnement des services et des établissements publics rattachés. Chaque plan doit comporter un certain nombre d’actions communes destinées notamment à réaliser l’objectif de 10 % d’achats publics socialement responsables dans les achats courants de l’État et de ses établissements publics dans les secteurs comportant au moins 50 % de main-d’œuvre. Votre rapporteure considère à cet égard qu’il serait utile d’établir un premier bilan des mesures prises dans ce cadre et de leur efficacité, l’échéance initiale prévue par la circulaire pour atteindre cet objectif étant 2012.
L’article 9 propose de généraliser la politique d’achats publics socialement responsables à l’ensemble des personnes publiques de statut législatif. Sont ainsi visés les organismes « dont le statut est de nature législative » mentionnés :
– soit au 2° de l’article 2 du code des marchés publics, c’est-à-dire les collectivités territoriales et les établissements publics locaux,
– soit aux articles 3et 4 de l’ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics qui visent, notamment, les organismes de droit privé ou de droit public dotés de la personnalité juridique créés pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial et contrôlés ou financés par un pouvoir adjudicateur soumis au code des marchés publics ou à l’ordonnance précitée, les entreprises publiques exerçant une activité d’opérateur de réseaux, ainsi qu’un certain nombre d’institutions telles que la Banque de France ou la Caisse des dépôts et consignations.
Lorsque le montant total annuel de leurs achats est supérieur à un montant fixé par décret, montant dont le niveau devrait être déterminé afin de cibler les acheteurs publics les plus importants (en particulier les grandes collectivités locales : grandes villes, agglomérations, départements, régions), les acteurs précités seront tenus d’élaborer un schéma de promotion des achats socialement responsables destiné à fixer des objectifs à caractère social à retenir dans le cadre des marchés publics et ce, dans le but de concourir à l’intégration sociale et professionnelle des travailleurs handicapés ou défavorisés. Ces schémas, qui seront des documents publics, devront également prévoir les modalités de mise en œuvre des objectifs ainsi fixés et de suivi de leur réalisation.
Le II de l’article 9, introduit en première lecture par le Sénat sur la proposition de la commission des affaires sociales, prévoit quant à lui la conclusion au niveau régional de conventions destinées à favoriser le développement des clauses sociales dans les marchés publics. Ces conventions seront ainsi conclues entre le préfet de région et un ou plusieurs organismes facilitateurs, mais les acteurs mentionnés au I implantés dans la région pourront également être parties à la convention. Un amendement de M. Roland Courteau a en outre été adopté en séance afin de citer précisément parmi les facilitateurs des clauses sociales les maisons de l’emploi (MDE) et les plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi (PLIE) et leur ainsi octroyer une « priorité » dans la participation à ces conventions.
Rappelons que les facilitateurs de clauses sociales interviennent afin de favoriser le développement des politiques d’insertion dans le cadre de la commande publique. Ils servent ainsi d’intermédiaire entre les donneurs d’ordre, les titulaires de marchés, les personnes éloignées de l’emploi, le service public de l’emploi et les acteurs de l’insertion par l’activité économique. Leur rôle peut ainsi consister, concrètement, à aider un maître d’ouvrage public à bien définir la clause sociale qu’il souhaite insérer dans son marché, puis à suivre son exécution. D’après l’observatoire économique de l’achat public, les facilitateurs seraient aujourd’hui 273 sur le territoire national, employés à près de 90 % par des PLIE et des MDE (16).
Le titre II du présent projet de loi contient des dispositions visant à faciliter la transmission des petites et moyennes entreprises (PME) à leurs salariés. Il comprend trois articles :
– l’article 11A, introduit au Sénat en première lecture sur proposition de la commission des affaires économiques, institue un dispositif général d’information des salariés sur la reprise d’entreprise ;
– l’article 11 prévoit une information spécifique des salariés en cas de cession du fonds de commerce afin de leur permettre de présenter une offre ;
– l’article 12 prévoit des dispositions similaires en cas de cession de parts sociales, actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital d’une société.
L’examen de ces articles au Sénat a donné lieu à des débats fournis tant sur le principe que sur les modalités prévues dans le cadre de ce nouveau droit d’information des salariés. Votre rapporteure tient néanmoins à souligner que si les dispositions proposées visent bien à renforcer la capacité des salariés à reprendre leur entreprise, notamment dans un cadre collectif, y compris désormais lorsque celle-ci n’est pas en difficulté, elles n’instaurent pas de « droit de préférence » pour ces derniers, et, d’un strict point de vue juridique, elles ne constituent en aucun cas une menace pour le droit de propriété ou la liberté d’entreprendre. En revanche, elles proposent concrètement une réponse de bon sens au cas des milliers d’entreprises viables qui ne trouvent pas de repreneurs chaque année dans notre pays. Dans la situation économique actuelle, aucune piste susceptible de permettre le maintien de l’activité et de l’emploi sur nos territoires ne doit en effet être écartée. On soulignera à cet égard que, lors des auditions, le MEDEF n’a pas manifesté d’hostilité vis-à-vis de ce dispositif et que l’ensemble des organisations représentatives des salariés s’y sont montrés favorables.
L’article 11 A institue un dispositif d’information des salariés sur la reprise d’entreprise dans toutes les sociétés de moins de 250 salariés soumises au livre II du code de commerce (sociétés commerciales et groupements d’intérêt économique).
Il appartiendra ainsi désormais à l’employeur de dispenser, directement ou indirectement, cette information tous les trois ans. Devront être abordés à cette occasion : les conditions juridiques de la reprise d’entreprise, ses avantages et ses difficultés, les dispositifs d’aide existants. Le contenu exact de l’information ainsi que ses modalités seront déterminés par décret, en fonction de la taille des entreprises.
2. Une information privilégiée des salariés en cas de cession de fonds de commerce ou de parts sociales
Les articles 11 et 12 visent à instaurer un délai permettant aux salariés de présenter une offre en cas de cession d’un fonds de commerce (articles L. 141-23 à L. 141-30 du code de commerce) ou de vente de parts sociales, actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital (articles L. 239-6 à L. 239-15 du même code).
L’article 11 introduit deux nouvelles sections au sein du chapitre Ier du titre IV du livre Ier du code de commerce, la première concerne les entreprises de moins de 50 salariés et la seconde celles de 50 à 249 salariés.
● Les articles L. 141-23 à L. 141-26 du code de commerce déterminent les dispositions applicables dans les entreprises de moins de cinquante salariés, qui n’ont pas l’obligation de mettre en place un comité d’entreprise.
Dans ces entreprises, le texte prévoit que, lorsque le propriétaire du fonds de commerce veut le céder, les salariés en sont informés deux mois avant la cession afin de leur permettre de présenter une offre d’acquisition (article L. 141-23). Le délai court à compter de cette notification mais la cession peut intervenir à tout moment dès lors que chaque salarié a fait connaître au propriétaire sa décision de ne pas présenter d’offre. En revanche, toute cession intervenue en méconnaissance des dispositions relatives à l’information des salariés et au délai qui leur est laissé pour se prononcer peut être annulée à la demande d’un salarié (17).
En contrepartie de cette information, les salariés sont tenus à une obligation de discrétion s’agissant des informations reçues (article L. 141-24).
Lorsque la cession n’est pas intervenue dans un délai de deux ans après l’expiration du délai de deux mois prévu à l’article L. 141-23, tout nouveau projet de cession doit être à nouveau être soumis à la procédure prévue par la présente section (article L. 141-25).
Il convient de noter que les successions, les liquidations du régime matrimonial, les cessions à un conjoint, ascendant ou descendant ne sont pas soumises à ce dispositif, de même que les procédures régies par le livre VI du code de commerce (sauvegarde, redressement, liquidations judiciaires).
Enfin, on signalera que le Sénat a introduit lors de l’examen du texte en séance une nouvelle disposition relative à l’accompagnement dont peuvent bénéficier les salariés dans le cadre de cette procédure. L’article L. 141-23-1 prévoit ainsi qu’à leur demande, les salariés peuvent se faire assister par un représentant des chambres consulaires territorialement compétentes « en lien avec les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire » ou par toute personne par eux désignée. Les conditions d’application de ces dispositions seront définies par décret.
● Les articles L. 141-27 à L. 141-30 du code de commerce prévoient quant à eux les dispositions applicables dans les entreprises de plus de 50 et de moins de 250 salariés, qui disposent d’un comité d’entreprise (CE). Rappelons à cet égard que, dans ces entreprises, le CE doit être informé et consulté en cas de cession du fonds de commerce. En effet, aux termes de l’article L. 2323-19 du code du travail, « le comité d’entreprise est informé et consulté sur les modifications de l’organisation économique ou juridique de l’entreprise, notamment en cas de fusion, de cession, de modification importante des structures de production de l’entreprise ».
L’article L. 141-27 prévoit en conséquence que l’information sur la cession du fonds est donnée concomitamment au CE et aux salariés. L’exploitant du fond doit ainsi porter à la connaissance des salariés la notification de la cession et leur indiquer qu’ils peuvent présenter une offre, parallèlement à l’information et à la consultation du comité d’entreprise prévue à l’article L. 2323-19. Le texte ne fixant pas de délai spécifique, il convient de se reporter aux dispositions applicables au comité d’entreprise. À cet égard, l’article L.2323-3 du code du travail précise que, dans l’exercice de ses attributions consultatives, définies aux articles L. 2323-6 à L. 2323-60, le comité d’entreprise « dispose d’un délai d’examen suffisant. Sauf dispositions législatives spéciales, un accord entre l’employeur et le comité d’entreprise ou, le cas échéant, le comité central d’entreprise, adopté à la majorité des membres titulaires élus du comité, ou, à défaut d’accord, un décret en Conseil d’État fixe les délais dans lesquels les avis du comité d’entreprise sont rendus ». Ces délais ne peuvent être inférieurs à quinze jours. À défaut d’accord entre l’employeur et le comité d’entreprise, l’article R. 2323-1-1 les fixe à un mois, sauf en cas d’intervention d’un expert, auquel cas ils sont portés à deux mois (18). Enfin, notons que la commission des affaires sociales du Sénat a également souhaité préciser qu’en l’absence de CE ou de délégué du personnel, un délai de deux mois s’appliquerait, comme dans le dispositif prévu pour les entreprises de moins de 50 salariés.
Les autres dispositions sont elles aussi identiques à celles prévues pour les entreprises de moins de 50 salariés.
L’article 12 prévoit en cas de cession de parts sociales, actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital des dispositions identiques à celles de l’article 11. Il introduit ainsi deux nouvelles sections au sein du chapitre X du titre III du livre III du code de commerce :
– la première comprend les articles L. 239-6 à L. 239-10, qui prévoient les dispositions relatives aux entreprises de moins de 50 salariés. Celles-ci reprennent les dispositions des articles L. 141-23 à L. 141-26 du code de commerce introduites à l’article 11. Elles prévoient cependant en sus des dispositions spécifiques aux cas des sociétés soumises à une réglementation particulière prescrivant que tout ou partie de son capital soit détenu par un ou plusieurs associés répondant à certaines conditions, notamment en termes de qualification professionnelle (article L. 239-8). C’est par exemple le cas des certaines sociétés d’exercice libéral (SEL) pour lesquelles une partie du capital doit obligatoirement être détenue par un associé exerçant la profession qui est l’objet de la SEL (médecin, avocat, expert-comptable, etc) ;
– la seconde comprend les articles L. 239-11 à L. 239-15, qui s’appliquent aux entreprises employant de 50 à 249 salariés et disposant d’un comité d’entreprise. Les dispositions prévues sont identiques à celles introduites par l’article 11 aux articles L. 141-27 à L. 141-30 du code de commerce, auxquelles il convient d’ajouter une disposition identique à celle prévue à l’article L. 239-8 précité.
L’article 53 du présent projet de loi prévoit un délai d’un mois à compter de la promulgation de la loi pour l’application des dispositions prévues par les articles 11 et 12, ces derniers étant censés s’appliquer aux « cessions conclues trois mois au moins » après cette date.
L’article 22 du présent projet de loi vise à étendre aux sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) la possibilité de recruter des salariés en contrats d’accès à l’emploi (CAE) et en emplois d’avenir.
Le présent article modifie ainsi :
– d’une part, l’article L. 5134-21 du code du travail qui dresse la liste des employeurs éligibles au CUI-CAE afin d’y insérer la mention des SCIC (I) ;
– et, d’autre part, l’article L. 5134-111 du même code, afin de procéder à une insertion identique dans la liste des organismes susceptibles de recourir à des emplois d’avenir (II 1°) (19).
Contrat d’accompagnement dans l’emploi et emploi d’avenir
• Le contrat unique d’insertion - contrat d’accompagnement dans l’emploi (CUI-CAE) constitue la déclinaison, pour le secteur non-marchand, du « contrat unique d’insertion » (CUI). Le CUI-CAE ou CAE a pour objet de faciliter l’insertion professionnelle des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières d’accès à l’emploi.
Il s’agit d’un contrat de travail de droit privé, soit à durée déterminée, soit à durée indéterminée portant sur des emplois visant à satisfaire des besoins collectifs non satisfaits. Il ne peut être conclu pour pourvoir des emplois dans les services de l’État.
La conclusion de CAE ouvre droit pour l’employeur à l’attribution d’une aide à l’insertion professionnelle. La demande d’aide indique les modalités d’orientation et d’accompagnement professionnel de la personne sans emploi recrutée dans le cadre du contrat et prévoit des actions de formation professionnelle et de validation des acquis de l’expérience (VAE) nécessaires à la réalisation de son projet professionnel : actions de remobilisation vers l’emploi, aide à la prise de poste, élaboration du projet professionnel et appui à sa réalisation, actions d’adaptation au poste de travail, remise à niveau, formation qualifiante, etc.
Les embauches réalisées en CAE donnent en outre droit à l’exonération :
- des cotisations à la charge de l’employeur au titre des assurances sociales et des allocations familiales, pendant la durée d’attribution de l’aide à l’insertion professionnelle ;
- de la taxe sur les salaires ;
- de la taxe d’apprentissage ;
- des participations dues par les employeurs au titre de l’effort de construction.
• Les emplois d’avenir ont été créés par la loi du 26 octobre 2012 afin de proposer des solutions d’emploi aux jeunes sans emploi peu ou pas qualifiés et de leur permettre d’accéder à une qualification et à une insertion professionnelle durable.
Peuvent être recrutés en emploi d’avenir les jeunes sans emploi de 16 à 25 ans et les personnes bénéficiant de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) de moins de 30 ans, sans emploi, à la date de la signature du contrat, qui :
- soit ne détiennent aucun diplôme du système de formation initiale ;
- soit sont titulaires uniquement d’un diplôme ou d’un titre à finalité professionnelle enregistré au répertoire national des certifications professionnelles et classé au niveau V de la nomenclature interministérielle des niveaux de formation (BEP ou CAP), et totalisent une durée de 6 mois minimum de recherche d’emploi au cours des 12 derniers mois ;
- soit, à titre exceptionnel, s’ils résident dans une zone urbaine sensible (ZUS), dans une zone de revitalisation rurale (ZRR) ou dans un DOM, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, ont atteint au plus le niveau du 1er cycle de l’enseignement supérieur (jusqu’au niveau bac+3), et totalisent une durée de 12 mois minimum de recherche d’emploi au cours des 18 derniers mois.
Les emplois d’avenir sont développés dans des activités présentant un caractère d’utilité sociale ou environnementale ou ayant un fort potentiel de création d’emplois et susceptibles d’offrir des perspectives de recrutements durables.
La conclusion d’un emploi d’avenir ouvre droit à une aide à l’insertion professionnelle attribuée au vu des engagements pris par l’employeur, notamment en matière de formation du titulaire de l’emploi d’avenir. Ces engagements sont formalisés et mentionnés dans le dossier d’engagement et de suivi établi entre l’employeur, le salarié et le prescripteur de l’aide. L’employeur désigne un tuteur dont les nom et fonctions doivent figurer dans le dossier d’engagement et la demande d’aide : ce dernier doit, notamment, assurer un suivi régulier du salarié pendant toute la période sur laquelle porte l’aide, en lien avec le prescripteur en charge du suivi personnalisé du jeune. L’exécution des engagements de l’employeur, notamment en matière de formation, est examinée par le prescripteur à chaque échéance annuelle. En cas de non-respect de ces engagements, l’aide fait l’objet d’un remboursement. Par ailleurs, la décision d’attribution d’une nouvelle aide à l’insertion professionnelle est subordonnée au contrôle du respect par l’employeur des engagements qu’il avait souscrits au titre d’une embauche antérieure en emploi d’avenir.
Les employeurs potentiels sont :
- les organismes de droit privé à but non lucratif ;
- les collectivités territoriales et leurs groupements ;
- les autres personnes morales de droit public, à l’exception de l’État ;
- les groupements d’employeurs mentionnés à l’article L. 1253‑1 du code du travail qui organisent des parcours d’insertion et de qualification ;
- les structures d’insertion par l’activité économique mentionnées à l’article L. 5132‑4 du code du travail ;
- les personnes morales de droit privé chargées de la gestion d’un service public.
Par exception, peuvent également être concernés des employeurs ne relevant pas des catégories précitées, dès lors qu’ils proposent une perspective de qualification et d’insertion professionnelle durable et qu’ils appartiennent à un secteur d’activité présentant un fort potentiel de création d’emplois ou offrant des perspectives de développement d’activités nouvelles (dont la liste est fixée par arrêté du préfet de région).
Les emplois d’avenir sont conclus sous la forme d’un CUI-CAE lorsqu’ils sont créés par des employeurs relevant du secteur non-marchand. Le montant de l’aide accordée pour ces derniers est fixé à 75 % du taux horaire brut du SMIC.
Les coopératives d’activité et d’emploi (CAE), dont le projet de loi, au travers des articles 32 et 33, assure désormais la reconnaissance du modèle économique, constituent des structures innovantes au service du développement collectif des activités entrepreneuriales. Ces structures souffrent néanmoins de l’absence de régime juridique de leurs salariés qui sont également entrepreneurs et associés de la coopérative. Or, ce vide juridique risque d’entraver l’essor de ce nouveau mode d’exercice d’une activité professionnelle et des créations d’emplois dont il est porteur. C’est pourquoi le présent projet de loi se fixe comme triple objectif de reconnaître légalement les coopératives d’activité et d’emploi, de sécuriser le statut des entrepreneurs en leur sein et d’encadrer les règles d’utilisation de ce nouveau régime juridique.
Les coopératives d’activité et d’emploi (CAE)
• Historique et statut
Le concept de la CAE est né dans les années 1980 lorsque des chômeurs désireux de se lancer dans la création d’entreprise se sont aperçu du nombre important de difficultés rencontrées dans la réalisation de leurs projets, et ce quel que soit leur savoir-faire réel. L’écueil principal de leur projet tenait en effet à l’impossibilité pour eux de gérer à la fois les aspects techniques, commerciaux et administratifs tout en bâtissant le cœur de leur activité. D’où l’idée de créer une structure juridique susceptible de servir collectivement de support et de limiter les risques inhérents à la création d’entreprise (pas de création d’une entité juridique autonome, pas de perte des droits sociaux pour les entrepreneurs, pas d'isolement).
Les premières coopératives d’activités et d’emploi sont ainsi nées au milieu des années 1990 à Lyon et Toulouse. Le choix de l’organisation en SCOP est apparu le plus cohérent avec les valeurs d’une telle structure, et permettait – à terme – d’associer les entrepreneurs au capital et à la gouvernance de la coopérative, les rendant ainsi pleinement responsables du fonctionnement de leur structure commune.
• Organisation
Les CAE accueillent tout porteur de projet qui produit en son sein des biens et des services pour un marché. Elle est une entreprise multi-activités de l'économie marchande, et donc une société de droit commercial (SA ou SARL) de forme coopérative, SCOP ou SCIC. Mais elle est d'abord une entreprise d'accompagnement et de mutualisation qui vise une nouvelle forme d’organisation du travail. Elle comprend deux grandes fonctions systématiquement présentes :
– l’accompagnement individuel des entrepreneurs,
– l’offre de services mutualisés, qui comprend notamment toute la gestion financière, sociale et administrative.
Le financement de ces fonctions est assuré par la contribution coopérative des entrepreneurs (généralement 7 à 12 % de leur marge brute, plafonnée), et par des financements publics destinés à l’accompagnement à la création et aux premiers développements de l’entreprise.
L’accompagnement du porteur de projet se déroule en trois phases :
– la phase de test de l’activité permet de valider le projet de création au regard du marché et de sa faisabilité. La personne bénéficie alors d’un accompagnement individuel et collectif, d’évaluations, de formations, et de différents travaux de groupe pour permettre son apprentissage et son intégration. Un premier contrat « transitoire » est signé, qui peut prendre la forme d’un contrat d’appui au projet d’entreprise (CAPE) d’une durée comprise entre 3 et 18 mois. L’entrepreneur réalise ses premiers devis, contrats et facturations, mais il conserve son statut initial (par exemple de demandeur d’emploi) et les droits qui y sont associés (allocations notamment) ;
– la phase de développement, celle où l’activité permet de dégager un revenu, voit le porteur de projet devenir entrepreneur salarié en signant un contrat avec la CAE. Ce contrat est conclu à temps complet ou partiel, suivant la marge dégagée par l’entrepreneur et ses choix de vie. Le salaire de l’entrepreneur est fixé en fonction de son chiffre d'affaires (réalisé comme prévisionnel) et des charges directes propres à son activité, dans des conditions définies par la coopérative pour tous ses entrepreneurs. L’entrepreneur salarié verse une contribution coopérative pour subvenir aux charges de services communs mutualisées. L'entrepreneur-salarié est alors responsable de son activité professionnelle, de sa politique commerciale et de l’organisation de son travail. Son salaire et les prélèvements sociaux et fiscaux afférents proviennent de sa seule activité. S'il quitte la CAE, il devient propriétaire de son activité et de sa clientèle. En tant que salarié, il doit néanmoins respecter le cadre juridique, social et financier défini avec la CAE, celle-ci restant in fine responsable devant les tiers. Il bénéficie en contrepartie des dispositions sociales existantes dans l'entreprise. Les relations qu’il entretient avec elle relèvent du droit du travail. Chaque CAE définit les conditions d'exercice de l'entrepreneur salarié, ses responsabilités et ses conditions d'encadrement. Elle établit pour cela les documents internes nécessaires (règlement intérieur, fiches de poste, document unique, etc) ;
– la phase de pérennisation est également celle du sociétariat, aboutissement naturel d’une démarche progressive d’appropriation de l’entreprise qui traduit, au-delà de la gestion de sa propre activité, le souhait de participer au fonctionnement de la coopérative et à son développement. Ainsi, lorsque l’activité s’avère viable et que l’entrepreneur décide de la pérenniser au sein de la coopérative, il peut devenir associé et entre au capital.
• Chiffres
70 % des nouveaux entrepreneurs sont demandeurs d’emploi à leur arrivée dans la coopérative, et 20 % bénéficient du revenu de solidarité active (RSA). Si le niveau de formation des entrepreneurs accompagnés par une CAE est plus élevé que la moyenne nationale (49 % sont de niveaux I à III, contre 28 % de niveaux V et VI), leurs parcours de vie ou leurs parcours professionnels ont souvent été marqués par des ruptures.
On dénombrait au 31 décembre 2012 135 implantations de coopératives d’activité et d’emploi en activité dont 91 entreprises autonomes et 44 établissements secondaires. 90 % des CAE sont des SCOP et 10 % des SCIC.
Les CAE rassemblent aujourd’hui 5 000 salariés, et ce nombre croît de 15 à 20 % par an depuis 2006, essentiellement en interne dans les CAE existantes. Il faut y ajouter environ 1 500 personnes en contrat d'accompagnement transitoire.
Près de 3 000 porteurs de projets ont intégré une CAE en 2012 : 71 % d'entre eux étaient demandeurs d’emploi, mais le nombre d’auto-entrepreneurs croît fortement depuis 2010 (plus de 10 % dans certaines CAE).
Le chiffre d'affaires global des CAE a franchi le cap des 100 millions d’euros en 2012, en croissance de 15 à 20 % par an. 20 % des coopératives ont un chiffre d’affaires qui dépasse 1,5 million d’euros HT.
Source : « Entreprendre pour soi, réussir ensemble : les CAE », document des sociétés coopératives et participatives (Les Scop), janvier 2014.
L’objet principal des coopératives d’activité et d’emploi, dont la définition est introduite par l’article 33 à l’article 26-41 de la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, est « l’appui à la création et au développement d’activités économiques par des entrepreneurs personnes physiques ». Les CAE ne sont cependant assimilables ni à des couveuses ni à des pépinières d’entreprises, en raison à la fois de leur statut de coopérative et de la vocation qu’ont les entrepreneurs de continuer à développer leur activité en leur sein en devenant associés (20), d’où leur « triple statut » d’entrepreneurs, salariés, associés de la coopérative d’activité et d’emploi.
Cette spécificité juridique est elle aussi reconnue par le projet de loi à l’article 33, qui introduit des dispositions relatives à ces salariés d’un type particulier au sein d’un nouveau titre III inséré dans le livre III de la septième partie du code du travail (I), ainsi qu’au sein du code de la sécurité sociale (II).
a. Un nouveau titre du code du travail consacré aux entrepreneurs salariés associés des coopératives d’activité et d’emploi
Le nouveau titre III du livre III de la septième partie du code du travail comprend deux chapitres (« Dispositions générales » et « Mise en œuvre ») et dix articles, qui ont fait l’objet d’un certain nombre de modifications au Sénat, introduites pour la plupart par la rapporteure de la commission des affaires sociales, Mme Christiane Demontès, en vue, d’une part, de clarifier certains points et éviter les a contrario (21) et, d’autre part, de distinguer clairement les deux phases du contrat du salarié de la CAE : celle où il est uniquement entrepreneur salarié et celle où il devient associé.
● Au sein du chapitre Ier qui fixe les dispositions générales, l’article L. 7331-1 dispose tout d’abord que le code du travail est applicable aux entrepreneurs salariés associés d’une CAE, sous réserve des dispositions spécifiques prévues au titre III. Notons à cet égard qu’en dépit des amendements adoptés par le Sénat, le présent article ne vise que les entrepreneurs salariés associés : or le code du travail a bien vocation à s’appliquer à l’ensemble des entrepreneurs salariés que ceux-ci soient ou non associés de la coopérative.
L’article L. 7331-2 définit ensuite ce qu’est un entrepreneur salarié et quels sont les éléments du contrat qui le lie à la coopérative d’activité et d’emploi. Aux termes du 1°, l’entrepreneur salarié est ainsi celui qui « crée et développe une activité économique en bénéficiant d’un accompagnement individualisé et de services mutualisés mis en œuvre par la coopérative en vue d’en devenir associé. » Le contrat qui le lie à la CAE, mentionné au 2°, est un contrat sui generis, établi par écrit, qui précise :
– les objectifs à atteindre et les obligations d’activité minimale de l’entrepreneur salarié (a)) ;
– les moyens mis en œuvre par la coopérative pour contribuer au développement de l’activité de celui-ci (b)) ;
– les modalités de calcul de la contribution de l’entrepreneur salarié aux services communs de la coopérative (c)) ;
– les éléments de rémunération de l’entrepreneur salarié composé d’une part fixe et d’une part variable déterminée en fonction du chiffre d’affaires réalisé par l’intéressé (d)) ;
– la mention des statuts de la coopérative (e)) ;
– les conditions dans lesquelles sont garantis les droits de l’entrepreneur salarié sur sa propre clientèle ainsi que ses droits de propriété intellectuelle (f)).
L’article L. 7331-3 détermine quant à lui le délai dans lequel l’entrepreneur salarié devient associé de la coopérative d’activité et d’emploi, étant entendu que les conditions requises pour devenir associé sont définies par les statuts. Ce délai est fixé à 36 mois mais peut être minoré, le cas échéant, de la durée du contrat d’appui au projet d’entreprise pour la création ou la reprise d’une activité économique (CAPE) prévu à l’article L. 127-1 du code de commerce (22), ou de tout autre contrat conclu avec la coopérative en amont du contrat mentionné à l’article L. 7331-2. D’après les informations fournies à votre rapporteure, le recours au CAPE dans la phase de test de l’activité devrait à l’avenir se développer, alors qu’aujourd’hui, il n’est pas répandu dans toutes les coopératives. En effet, il importe que, dans cette phase délicate du projet, où l’activité ne génère que peu ou pas de revenus, l’entrepreneur salarié puisse s’appuyer sur un dispositif tel que le CAPE. Enfin, aux termes du dernier alinéa du présent article, si l’entrepreneur salarié ne devient pas associé dans le délai imparti – soit que le projet d’activité s’avère un échec, soit que l’entrepreneur salarié ne souhaite pas rester au sein de la coopérative d’activité et d’emploi – son contrat prend fin.
Le contrat d’appui au projet d’entreprise (CAPE)
Instauré par la loi pour l’initiative économique du 1er août 2003, le contrat d’appui au projet d’entreprise (CAPE) est un contrat par lequel une personne morale, telle qu’une société ou une association, s’engage à fournir aide et assistance pendant la phase préparatoire et éventuellement le début de l’activité d’un porteur de projet désireux de créer ou reprendre une entreprise. Ce dernier peut être un demandeur d’emploi indemnisé au titre de l’assurance chômage ou une personne bénéficiaire d’un minimum social, tel que le revenu de solidarité active ou l’allocation parent isolé.
Le contrat d’appui au projet d’entreprise est obligatoirement conclu par écrit, pour une durée maximale de douze mois, renouvelable deux fois. Pendant cette période, le bénéficiaire du CAPE s’engage à suivre un programme de préparation à la création ou à la reprise et à la gestion d’entreprise.
Le contrat ainsi conclu comprend notamment :
- les modalités de calcul ou le montant forfaitaire de la rétribution de la personne morale responsable de l’appui ainsi que leur évolution éventuelle au cours de l’exécution du contrat ;
- les conditions dans lesquelles, une fois l’activité lancée, le bénéficiaire du contrat s’acquitte auprès de la personne morale responsable de l’appui du règlement des sommes correspondant au montant des cotisations et contributions sociales versées par celle-ci pour son compte en application du deuxième alinéa de l’article L. 5142-1 du code du travail ;
- le cas échéant, les modalités de calcul et de versement ainsi que le montant de la rémunération du bénéficiaire du contrat avant le lancement de son activité, lorsqu’il a été convenu d’une rémunération.
Enfin, les dispositions du code du travail relatives à l’hygiène, la sécurité et aux conditions de travail ainsi que les règles relatives aux services de santé au travail et aux travailleurs privés d’emploi, à l’affiliation aux assurances sociales du régime général de sécurité sociale et à la couverture obligatoire au titre des accidents du travail sont applicables au bénéficiaire du CAPE.
● S’agissant de la mise en œuvre du contrat (chapitre II), l’article L. 7332-1 prévoit tout d’abord une période d’essai de huit mois renouvelable une fois (23), qui peut cependant s’imputer sur la durée du CAPE lorsqu’un tel contrat a été conclu.
L’article L. 7332-2 prévoit ensuite que la coopérative d’activité et d’emploi est soumise aux dispositions du code du travail relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés ainsi qu’à la santé et à la sécurité au travail lorsqu’elle fixe elle-même les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail de l’entrepreneur salarié ou lorsque celles-ci sont soumises à son accord. Dans tous les cas néanmoins, les entrepreneurs salariés bénéficient de tous les avantages accordés aux salariés par la législation sociale, notamment en matière de congés payés.
L’article L. 7332-3 détermine quant à lui les modalités de rémunération de l’entrepreneur salarié associé, qui seront en outre précisées par décret en Conseil d’État, de même que les modalités du versement de cette rémunération et les modalités de déclaration auprès des organismes sociaux.
Le présent article précise que la rémunération de l’entrepreneur salarié associé est fonction du chiffre d’affaires généré par l’activité, déduction faite des charges liées et de la contribution au financement des services mutualisés de la coopérative dont il doit s’acquitter. Afin d’établir cette rémunération, la coopérative fournit à l’entrepreneur salarié associé un état des comptes faisant apparaître le détail des charges et des produits liés à son activité.
L’article L. 7332-5 prévoit les conditions d’application aux entrepreneurs salariés associés de la garantie des rémunérations en cas de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire : celle-ci s’applique pour les rémunérations de toute nature dues au titre des quatre-vingt-dix derniers jours de travail.
L’article L. 7332-6 précise que la coopérative d’activité et d’emploi est responsable des engagements pris à l’égard des tiers dans le cadre de l’activité économique développée par l’entrepreneur salarié associé. En effet, dès lors que les contrats sont conclus au nom de la coopérative, elle seule est engagée juridiquement sur le plan civil à l’égard des tiers.
L’article L. 7332-8 prévoit logiquement la compétence du conseil de prud’hommes pour connaître des litiges nés du contrat liant l’entrepreneur salarié associé à la coopérative d’activité et d’emploi, toute clause attributive de juridiction différente étant réputée nulle.
Enfin, l’article L. 7332-9, inséré dans le texte sur la proposition de la commission des affaires sociales du Sénat, dispose que le chapitre II est applicable aux entrepreneurs salariés qui ne sont pas encore associés de la coopérative d’activité et d’emploi.
Le II de l’article 33 introduit au sein du code de la sécurité sociale un certain nombre de précisions résultant de la reconnaissance, dans le code du travail, du statut des entrepreneurs salariés associés des coopératives d’activité et d’emploi.
● Le 1° complète ainsi l’article L. 311-3 qui dresse liste des professions particulières concernées par l’obligation générale d’affiliation aux assurances sociales du régime général prévue par l’article L. 311-2 ; y est insérée la mention des entrepreneurs salariés et des entrepreneurs salariés associés des CAE.
● Le 2° modifie ensuite l’article L. 412-8 afin d’étendre aux mêmes les dispositions relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles prévues aux articles L. 411-1 et suivants.
Le chèque emploi associatif (CEA) est un dispositif prévu à l’article L. 1272-1 du code du travail permettant à une association qui emploie un salarié de s’acquitter au travers d’un même document à la fois du paiement de ses salaires et de l’accomplissement des formalités obligatoires liées à l’embauche. Ainsi, le chèque emploi associatif dispense concrètement l’association de déclaration d’embauche, d’établissement d’un contrat de travail, d’inscription sur le registre unique du personnel et des déclarations au titre de la médecine du travail (article L. 1272-4 du code du travail). Il simplifie par ailleurs l’établissement et le versement des cotisations sociales (assurance maladie, assurance chômage, retraite et prévoyance) et dispense de l’édition du bulletin de paie destiné au salarié (article L. 1272-2).
Le recours à ce dispositif est néanmoins soumis à un certain nombre de conditions :
– l’association doit avoir employé au plus neuf personnes au cours des douze derniers mois (24) ;
– elle doit posséder un numéro d’immatriculation Siret ;
– elle doit avoir l’accord du salarié (25).
L’article 45 du présent projet de loi a pour objectif d’étendre ce dispositif aux fondations. Dans cette perspective, il complète l’article L. 1272-1 précité afin d’inclure ces dernières dans la liste des bénéficiaires du CEA, avec la même réserve que pour les associations s’agissant de leurs effectifs (1°) (26).
4. Recours par les éco-organismes aux entreprises agréées « entreprise solidaire d’utilité sociale »
Dans le cadre de la responsabilité élargie des producteurs (REP), qui impose aux fabricants nationaux, aux importateurs et aux distributeurs (pour les produits de leurs propres marques) de prendre en charge la collecte sélective puis le recyclage ou le traitement des déchets issus des produits qu’ils commercialisent, la loi a mis en place un outil collectif permettant à ces derniers de remplir leurs obligations à ce titre. Les éco-organismes sont ainsi des structures à but non lucratif auxquels les producteurs soumis à la REP transfèrent leurs obligations de collecte, de tri et de recyclage ; le financement et la gouvernance des éco-organismes sont assurés par les producteurs eux-mêmes, mais les éco-organismes doivent néanmoins être agréés par les pouvoirs publics sur la base d’un cahier de charges qui définit leurs missions et leurs modalités d’action.
Concrètement, les éco-organismes coordonnent des réseaux de collecte et confient à des prestataires l’enlèvement et le traitement des déchets. Parmi ces prestataires figurent notamment les entreprises de l’économie sociale et solidaire. Certains cahiers des charges, comme celui de la filière des déchets d’ameublement, prévoient ainsi que le développement des relations avec les structures de l’ESS, notamment dans le cadre de la mise en œuvre des actions nécessaires à la réalisation de l’objectif national de réutilisation, fait partie des conditions à respecter pour être agréé. L’éco-organisme doit ainsi faciliter l’accès au gisement de déchets d’éléments d’ameublement aux structures de l’économie sociale et solidaire ; il doit également présenter chaque année un plan d’action détaillé des moyens qu’il compte mettre en œuvre afin de favoriser la réutilisation et le réemploi en prenant en compte les besoins des structures de l’ESS. Un objectif chiffré de 50 % d’augmentation de l’activité de réutilisation des structures de l’économie sociale et solidaire (mesuré en tonnage à la fin de l’agrément) est même assigné à l’éco-organisme qui doit en conséquence garantir à ces structures « un gisement de qualité et en quantités suffisantes » (27).
Le présent projet de loi propose d’aller plus loin dans l’approfondissement des liens entre les structures de l’économie sociale et solidaire et les éco-organismes en renvoyant aux cahiers des charges de ces derniers le soin de définir « les conditions et les limites dans lesquelles est favorisé le recours » aux entreprises bénéficiant de l’agrément de plein de droit « entreprise solidaire d’utilité sociale » en vertu du II de l’article L. 3332-17- du code du travail.
Tel est l’objet de l’article 49 qui modifie en conséquence le II de l’article L. 541-10 du code de l’environnement qui définit, entre autres, le contenu des cahiers des charges des éco-organismes. Deux nouveaux alinéas (4° et 5°) sont ainsi insérés dans la liste des points à prévoir dans le cadre des cahiers des charges :
– le premier (4°) reprend les dispositions précitées visant à favoriser l’intervention des entreprises solidaires d’utilité sociale agréées de plein droit (dont font partie les structures d’insertion par l’activité économique, très actives dans le secteur) dans la réalisation des missions des éco-organismes ;
– le second (5°) vise, plus généralement, à introduire dans les cahiers des charges des éco-organismes l’obligation de favoriser les modes de gestion des déchets à proximité des points de production qui soutiennent ainsi l’emploi sur les territoires.
Votre rapporteure approuve l’introduction de ces nouvelles dispositions, tout en considérant que, tant dans une perspective environnementale que sociale, l’accent devrait également être mis sur la prévention des déchets, secteur dans lequel les entreprises de l’ESS sont également très actives.
A. LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX MUTUELLES ET ORGANISMES D’ASSURANCE : MISE EN œUVRE DE LA COASSURANCE
L’article 1er de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013 vise à encourager la généralisation de la couverture complémentaire des frais de santé des salariés. Les partenaires sociaux se sont en effet engagés à ce que les branches professionnelles ouvrent des négociations « en vue de permettre aux salariés qui ne bénéficient pas encore d’une couverture collective à adhésion obligatoire en matière de remboursements complémentaires de frais de santé au niveau de leur branche ou de leur entreprise, d’accéder à une telle couverture » d’ici le 1er janvier 2016.
Dans ce contexte, les trois principales familles d’organismes assureurs dans le domaine de l’assurance de personne (mutuelles régies par le code de la mutualité, institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale et sociétés d’assurance régies par le code des assurances) vont être amenées à investir davantage le champ de la protection sociale dite « collective » (28), le cas échéant en ayant recours à des opérations de coassurance. Ces opérations sont toutefois rendues délicates par la diversité des régimes juridiques applicables à ces trois familles.
Définition de la coassurance
La coassurance est un contrat par lequel deux ou plusieurs assureurs se partagent la couverture d’un risque selon des proportions déterminées, chacun des co-assureurs s’engageant directement pour sa part envers l’assuré et percevant la partie des primes correspondant à son taux d’engagement dans la couverture du risque. Logiquement, la coassurance est utilisée pour couvrir de gros risques qu’un seul assureur ne saurait assumer seul.
Le souscripteur dispose quant à lui d’un interlocuteur unique, désigné par les co-assureurs, dénommé « apériteur ». Celui-ci établit la police et la gère au nom de tous les assureurs. Il perçoit normalement la totalité de la prime et verse les prestations. Il se retourne vers chacun des co-assureurs à concurrence de leurs quotes-parts respectives. Les assureurs ne sont pas solidaires.
À noter que la notion de coassurance n’est ni définie ni réglementée par le code des assurances, qui mentionne seulement, dans son article L. 352-1, les opérations de coassurance faisant intervenir des assureurs situés sur le territoire d’autres États européens.
C’est pourquoi, afin de faciliter la co-assurance entre des organismes régis (ou non) par des codes distincts (code de la mutualité, code de la sécurité sociale, code des assurances), l’article 34 du présent projet de loi prévoit une harmonisation des régimes juridiques susceptibles de s’appliquer aux contrats collectifs à adhésion obligatoire mis en œuvre dans le cadre de l’entreprise. Cette harmonisation ne vise donc que les opérations collectives à adhésion obligatoire, relevant de l’article 2 de la loi du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques, dite loi « Évin » (29).
Le présent article modifie ainsi le code de la sécurité sociale (I), le code de la mutualité (II) et le code des assurances (III) afin d’aligner les dispositions relatives à l’encadrement des contrats d’assurance, et ce de manière à rendre possibles, sans risque juridique, les opérations de coassurance.
● Au I, les dispositions prévues par le chapitre II du titre III du livre IX du code de la sécurité sociale pour les institutions de prévoyance sont complétées par trois nouveaux articles dans la section 1 (1°) et un nouvel article dans la section 2 (2°).
Au 1°, l’article L. 932-13-1 introduit de nouvelles dispositions relatives aux opérations collectives à adhésion obligatoire effectuées par ces institutions, prévoyant explicitement la possibilité pour elles de conclure des contrats de coassurance entre elles ou avec des mutuelles ou des entreprises d’assurance. Il précise que la garantie porte sur la même durée et le même contrat collectif pour chacun des organismes assureurs et que chacun d’eux assume une part proportionnelle de la garantie, prévue dans le contrat (I).
La désignation d’un apériteur est également expressément prévue, dont les co-assureurs déterminent les missions. L’apériteur assume le rôle d’interlocuteur unique du souscripteur, il négocie le contrat, encaisse les cotisations et verse les prestations (II).
Les articles L. 932-13-3 et L. 932-13-4 visent quant à eux à transposer dans le code de la sécurité sociale, en les adaptant, certaines règles du code des assurances (30). L’article L. 932-13-3 précise ainsi que, dans le cadre des opérations collectives à adhésion obligatoire, la prescription est interrompue par la désignation d’experts ou par l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception. Cette dernière est envoyée soit par l’institution de prévoyance à l’adhérent (c’est-à-dire l’entreprise) en ce qui concerne le paiement de la cotisation, soit par le membre participant (c’est-à-dire le salarié) à l’institution de prévoyance en ce qui concerne le règlement de la prestation. L’article L. 932-13-4 indique quant à lui que la durée et les modalités de la prescription ne peuvent être aménagées par voie conventionnelle.
Au 2°, l’article L. 932-22-1 étend aux opérations collectives à adhésion facultative et aux opérations individuelles les dispositions qui précèdent. Il précise toutefois que le délai de prescription, concernant le paiement de la cotisation d’une opération collective à adhésion facultative, peut aussi être interrompu par l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception au membre participant lui-même, c’est-à-dire au salarié de l’entreprise.
Enfin, des dispositions de coordination sont introduites au sein de l’article L. 932-23, qui prévoit l’application, sauf exceptions, aux contrats d’assurance-vie et de capitalisation de la plupart des articles du code des assurances relatifs à ces opérations, l’objectif étant de réduire le champ de ces exceptions (3°).
● Au II, le présent article modifie le titre II du livre II du code de la mutualité relatif aux opérations d’assurance, de réassurance et de capitalisation réalisées par des mutuelles ou des unions de mutuelles.
L’article L. 221-4 est complété par un alinéa précisant les modalités d’information du souscripteur dans le cadre des opérations collectives à adhésion obligatoire (1°).
L’article L. 221-8-1 prévoit que la garantie subsiste en cas de procédure collective, mais que la portion de cotisation restante est restituée au débiteur en cas de résiliation de l’adhésion (2°).
L’article L. 221-11 précise que la prescription est portée à cinq ans en ce qui concerne l’incapacité de travail (3°).
L’article L. 221-14 est complété par un nouvel alinéa relatif à la nullité de la garantie en cas de fausse déclaration, afin de préciser que cette disposition ne s'applique pas en cas d'adhésion obligatoire (4°).
Enfin, le 5° introduit un nouvel article L. 227-1 qui prévoit explicitement que les mutuelles ou unions de mutuelles peuvent conclure des contrats de coassurance entre elles ou avec des institutions de prévoyance ou des entreprises d’assurance. Il reprend les modalités prévues précédemment pour les institutions de prévoyance (cf supra I), mais précise également que le salarié de l’entreprise ayant souscrit un tel contrat de coassurance devient membre participant de chaque mutuelle ou union partie au contrat.
● Au III, est inséré dans le titre IV du livre Ier du code des assurances, relatif aux assurances de groupe, un chapitre V consacré aux opérations collectives à adhésion obligatoire comprenant huit nouveaux articles.
L’article L. 145-1 définit ce qu’est une opération collective à adhésion obligatoire (un contrat d’assurance de groupe (31) pour lequel les salariés sont obligatoirement adhérents au contrat) et adapte l’utilisation des termes relevant des règles générales du code des assurances relatives aux assurances au cas particulier de ces contrats. Ainsi, dans le cadre des opérations collectives à adhésion obligatoire, l’employeur est désigné comme le souscripteur (celui qui signe le contrat) et le salarié est l’adhérent. L’assuré est, selon les cas, l’employeur uniquement ou simultanément l’employeur et le salarié, voire le salarié seul ou le bénéficiaire.
L’article L. 145-2 prévoit la possibilité de conclure un contrat de coassurance entre plusieurs entreprises d’assurance ou avec des mutuelles ou institutions de prévoyance. Il reprend les modalités déjà prévues à l’article L. 932-13-2 du code de la sécurité sociale pour les institutions de prévoyance (I) et à l’article L. 227-1 du code de la mutualité pour les mutuelles (II).
L’article L. 145-3 dispose que la notice, remise à l’adhérent, relative aux garanties et formalités en cas de sinistre, doit l’informer sur les clauses susceptibles de limiter la mise en œuvre de la garantie (clauses de nullité, de déchéance, d’exclusion ou de limitation de garantie, délais de prescription). Cette disposition figure déjà aux articles L. 932-6 du code de la sécurité sociale et L. 221-6 du code de la mutualité.
L’article L. 145-4 exclut l’application automatique d’une nullité du contrat en cas de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, lorsque l’adhésion au contrat résulte d’une obligation prévue par une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel.
L’article L. 145-5 introduit une nuance dans l’application de l’article L. 113-3 aux contrats collectifs à adhésion obligatoire afin de préciser que les frais de poursuite et de recouvrement ne peuvent être imputés qu’à l’employeur. Il exclut également la suspension de la garantie ou la résiliation du contrat lorsque l’adhésion au contrat résulte d’une obligation prévue dans une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel (32).
L’article L. 145-6 prévoit quant à lui que la garantie subsiste en cas de procédure collective, mais que la portion de cotisation restante est restituée au débiteur en cas de résiliation de l’adhésion, disposition déjà prévue par les deux autres codes.
L’article L. 145-7 instaure une possibilité de résiliation du contrat tous les ans pour les deux parties. Cette possibilité est prévue à l’article L. 221-10 du code de la mutualité pour les opérations menées par les mutuelles et à l’article L. 932-12 du code de la sécurité sociale pour celles menées par les institutions de prévoyance.
L’article L. 145-8 prévoit que, dans les règles de prescription, les actions de l’assuré concernent les actions menées aussi bien par l’employeur que par le salarié ou par le bénéficiaire. Il porte en outre à cinq ans la prescription en ce qui concerne l’incapacité de travail, par cohérence avec les dispositions prévues par les deux autres codes.
● Enfin, le IV du présent article précise que les dispositions qu’il prévoit ne sont pas applicables aux contrats en cours.
Votre rapporteure approuve les dispositions du présent article qui sont de nature à contribuer à une amélioration de la couverture santé des Français, et à permettre aux mutuelles de se conformer plus facilement aux nouvelles obligations induites par la loi de sécurisation de l’emploi. Elle note cependant que si pour garantir l’accès à la complémentaire santé de tous les salariés, l’accent a été mis sur la protection sociale complémentaire collective à adhésion obligatoire, il convient également de ne pas négliger la question des contrats collectifs à adhésion facultative. En effet, compte tenu de la multiplication de situations « transitionnelles » au cours d’une carrière professionnelle (périodes de chômage, contrats précaires) et aussi du coût pour l’entreprise des solutions « à adhésion obligatoire » (33), des schémas intermédiaires émergent, sous la forme de contrats collectifs à adhésion facultative, afin d’offrir aux salariés, mais aussi aux chômeurs et aux retraités, dans un cadre de mutualisation souvent organisé et structuré en lien avec une entreprise ou une branche, un certain degré de protection sociale complémentaire. Il peut être préférable et plus avantageux pour les personnes concernées d’organiser une telle mutualisation dans un cadre collectif. Étendre le dispositif prévu au présent article aux contrats collectifs à adhésion facultative constituerait donc également une avancée positive, sous réserve d’un accord entre les trois principales familles d’organismes assureurs sur les modalités à retenir.
Par ailleurs, comme le soulignait Yves Daunis, dans son rapport n° 84 présenté au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi à l’occasion de son examen en première lecture au Sénat, la mise en œuvre de contrats de coassurance ne sera pas sans conséquence sur la gouvernance des mutuelles. En effet, comme le souligne le rapporteur du Sénat, « lorsque plusieurs mutuelles participent à la mise en place d’un contrat de coassurance, le salarié assuré par le contrat devient membre participant de chacune des mutuelles ou unions parties au contrat, conformément aux principes mutualistes et à celui du partage des risques entre les différents organismes ». C’est pourquoi, afin d’éviter des contraintes trop lourdes pour les petites mutuelles ou que celles-ci renoncent à participer à ces opérations, une rationalisation de l’exercice des droits politiques attachés à la souscription du contrat (désignation d’un seul organisme où ces droits seraient exercés) pourrait être envisagée.
La Commission des affaires sociales examine la proposition de loi au cours de sa séance du mercredi 9 avril 2014.
Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. Pour cette reprise de nos travaux, nous examinons ce matin ce qui, je crois, est un beau texte : le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, adopté en première lecture en novembre dernier au Sénat.
Ce projet de loi était particulièrement attendu par les acteurs du secteur, puisqu’il était débattu depuis plusieurs années. Il faut souligner qu’il s’inscrit dans un contexte international important. Ces dernières années, en effet, des lois sur l’économie sociale et solidaire (ESS) et son développement ont notamment été adoptées en Espagne, au Portugal, au Québec, et dans plusieurs pays d’Amérique latine.
À noter également que plusieurs parlementaires de notre commission sont particulièrement investis sur les questions relatives à l’ESS. Je pense à Christophe Cavard, rapporteur pour avis de ce texte à la commission des lois, et à Francis Vercamer, qui a rédigé un rapport sur le sujet il y a quelques années.
L’économie sociale et solidaire est un mode d’entreprendre qui, selon moi, est au cœur de cet autre modèle de développement que nous appelons de nos vœux : elle est un modèle dans lequel le projet – et non le profit – est l’objectif premier de l’entreprise, où la personne prime sur le capital, où la démocratisation de la sphère économique a une grande importance. C’est un mode d’entreprendre qui a le souci du durable, dans sa gestion comme dans son rapport au territoire.
Au-delà de ces valeurs, l’économie sociale et solidaire a aussi un poids économique primordial : 10 % des salariés français travaillent dans ce secteur qui continue de recruter malgré la crise, les emplois créés étant souvent, en outre, non délocalisables.
Avant d’en venir à la présentation détaillée de quelques dispositions du texte, je voudrais évoquer deux enjeux auxquels répond, selon moi, ce projet de loi.
Le premier est la redéfinition d’une politique publique de l’ESS. En effet, ces dernières années, aucune politique cohérente et globale n’avait été conçue et menée en direction de cette économie, non plus qu’une stratégie de développement. Avec ce texte, nous posons les bases de ce que doit être demain cette stratégie et cette politique publique.
Le second enjeu est de faire franchir à l’ESS une nouvelle étape, de lui permettre de ne pas demeurer marginale, de ne pas être cantonnée à un supplément d’âme au modèle capitaliste dominant.
Le projet de loi comporte 53 articles : il traite de la question de la reconnaissance du secteur et de son organisation ; il rassemble plusieurs leviers pour son développement ; il comporte, enfin, des dispositions spécifiques aux différentes « familles » de l’ESS.
Si ce texte a été renvoyé au fond à la commission des affaires économiques, qui a désigné Yves Blein rapporteur, il faut noter que ce projet de loi a suscité un engouement majeur au sein des autres commissions de l’Assemblée, puisqu’elles s’en sont toutes saisies, à l’exception de la commission de la défense. La commission des affaires sociales s’est principalement saisie des premiers articles qui définissent le périmètre de l’ESS, sur ceux traitant des marchés publics, sur les dispositions relatives à la transmission d’entreprise, sur les questions liées au droit du travail, et sur la coassurance.
Il s’agit d’un périmètre assez technique, et c’est pourquoi le débat dans l’hémicycle complétera utilement cette séance de commission, en permettant d’aller au bout des nombreux débats et des nombreuses dispositions présentées dans ce texte important.
Concernant les premiers articles consacrés à la définition du champ de l’économie sociale et solidaire et à la structuration des politiques qui y concourent, le choix retenu est celui d’une vision inclusive : en plus des acteurs statutaires – associations, coopératives, mutuelles, fondations –, il est donné la possibilité aux sociétés commerciales ne relevant pas d’un statut historique de l’économie sociale de faire publiquement état de leur qualité d’entreprise de l’ESS, sous réserve de certaines conditions relatives au but qu’elles poursuivent, à leur gouvernance, à l’utilisation qu’elles font des bénéfices pour le développement des activités, à la mise en réserve, à l’encadrement de la répartition des bénéfices, à la poursuite d’un objectif d’utilité sociale.
La nouvelle définition de l’ESS et la valorisation de ce mode d’entreprendre doit en permettre le changement d’échelle, tout en garantissant la cohérence et la fiabilité du nouvel ensemble.
À cet égard, il importe, selon moi, de bien montrer que, même si toutes les entreprises qui feront état de leur qualité d’entreprise de l’ESS seront considérées de manière identique, nous n’assimilons pas complètement les organisations dites « statutaires » et les sociétés commerciales, que les statuts demeurent porteurs de sens, que le choix de l’entreprenariat collectif – dont la spécificité doit demeurer – est différent de celui de l’entrepreneuriat individuel.
Il importe également de nous assurer que les sociétés commerciales qui vont entrer dans le périmètre de l’ESS en respectent bien les principes, en particulier les règles autour de l’encadrement de la distribution des bénéfices. Cette question fera l’objet d’amendements que je présenterai dans un instant.
L’article 7 propose une révision de l’agrément « entreprise solidaire », qui permet aux entreprises éligibles de bénéficier des fonds solidaires gérés par des sociétés spécialisées dans l’épargne salariale.
Concernant les marchés publics, la commission va devoir donner son avis sur deux articles.
L’article 9A, issu d’un amendement de la commission des affaires sociales du Sénat, vise à transposer l’article 20 de la directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics. L’objectif est d’élargir le champ des marchés réservés, notamment aux travailleurs défavorisés, en plus des travailleurs en situation de handicap.
L’article 9 prévoit l’adoption par les acheteurs publics d’un schéma de promotion des achats publics socialement responsables. Ces schémas devront déterminer des objectifs annuels à atteindre en matière de marchés, intégrant des clauses sociales. Nous reviendrons tout à l’heure sur la dimension qualitative de ces clauses.
Concernant la transmission d’entreprises, je serai brève. Ce sujet a en effet fait couler beaucoup d’encre et provoqué beaucoup de débats lors du passage au Sénat, ce que je déplore car la focalisation autour de ces dispositions a, pour partie, éclipsé le débat autour du reste du texte.
Ces dispositions sont les suivantes :
L’article 11A, introduit au Sénat, institue un dispositif d’information des salariés sur la reprise d’entreprise dans toutes les sociétés de moins de 250 salariés.
L’article 11 instaure, en cas de cession d’un fonds de commerce, une notification obligatoire aux salariés afin de leur permettre de présenter une offre de reprise. En effet, aujourd’hui, de nombreuses entreprises cessent leur activité faute de repreneurs. Grâce à cette disposition, dans toutes les entreprises de moins de 250 salariés, le chef d’entreprise aura l’obligation d’informer préalablement ses salariés de son intention de céder. Dans ce contexte, les salariés auront l’opportunité, s’ils le souhaitent, de proposer une offre de reprise, individuelle ou collective, pour préserver la viabilité de l’entreprise et assurer la pérennité de l’activité et de l’emploi. Ce nouveau droit ne remet pas en cause la liberté de l’entrepreneur de vendre au prix qu’il souhaite et à qui il souhaite en cas de meilleure offre tierce.
L’article 12 prévoit la même disposition en cas de cession de parts sociales, actions ou valeurs mobilières, donnant accès à la majorité du capital.
Concernant les questions liées au droit du travail, les articles sur lesquels nous sommes saisis concernent principalement les coopératives d’activités et d’emploi (CAE).
Les articles 32 et 33 sont ainsi consacrés aux CAE, structures innovantes au service du développement collectif des activités entrepreneuriales. Ces structures souffrent aujourd’hui de l’absence de régime juridique de leurs salariés qui sont également entrepreneurs et associés de la coopérative, ce qui risque d’entraver l’essor de ce nouveau mode d’exercice d’une activité professionnelle et des créations d’emplois dont il est porteur. Ces articles ont donc pour objectif de reconnaître légalement les CAE, de sécuriser le statut des entrepreneurs salariés en leur sein et d’encadrer les règles d’utilisation de ce nouveau régime juridique.
Enfin, et j’ai conscience de ne pas avoir été exhaustive, l’article 49 prévoit l’ajout, dans le cahier des charges des éco-organismes, des conditions dans lesquelles est favorisé le recours aux entreprises d’insertion faisant partie de l’ESS, et la territorialisation des emplois induits par la gestion des déchets. Je rappelle que les éco-organismes sont des structures à but non lucratif auxquels les producteurs soumis à la responsabilité élargie des producteurs transfèrent leurs obligations de collecte, de tri et de recyclage.
En conclusion, ce texte est fondateur pour l’économie sociale et solidaire : il donne à ce secteur les moyens, les leviers de son développement. Je vous propose de l’affiner, d’améliorer encore les articles dont nous sommes saisis, en adoptant les amendements que je vais défendre. Je vous invite donc à émettre un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi, dans l’attente de son passage en commission saisie au fond la semaine prochaine, et du débat en séance à compter du 28 avril.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Vous avez souligné à juste titre, madame la rapporteure, que Francis Vercamer avait remis un rapport l’économie sociale et solidaire en avril 2010.
Mme Mme Kheira Bouziane. Je tiens à remercier Mme la rapporteure Fanélie Carrey-Conte pour le travail réalisé. L’économie sociale et solidaire concerne chacun d’entre nous, sur quelque territoire que ce soit.
Pour la première fois, un texte va définir les fondements et les périmètres d’un secteur, dont le rôle ne peut être nié.
Grâce aux associations, aux fondations, aux entreprises et chantiers d’insertion, aux coopératives ou encore aux mutuelles, ce secteur crée de nombreux emplois non délocalisables, ancrés dans la vie des territoires, tout en conciliant performance économique, innovation et utilité sociale.
L’économie sociale et solidaire est souvent assimilée – à tort – à l’économie de réparation. Elle peut l’être, mais elle ne l’est pas exclusivement. Elle constitue une nouvelle façon d’entreprendre, une alternative à l’économie de marché ; elle valorise l’engagement personnel, la solidarité et les valeurs humanistes.
Ce texte était attendu par l’ensemble des acteurs qui saluent l’effort réel de concertation qui a prévalu à sa rédaction.
Les entités qui se consacrent à l’économie sociale et solidaire ne recherchent pas le seul partage des bénéfices, et elles instaurent dans leurs statuts une gouvernance démocratique pour un projet aux retombées sociales bénéfiques.
Tout en fixant de grands principes, ce texte apporte des solutions concrètes aux réalités et besoins du secteur. Les apports des acteurs historiques – mutuelles, coopératives ou associations – sont reconnus. De même, les évolutions les plus récentes de l’entrepreneuriat social sont prises en compte sous de nouvelles formes juridiques. Le présent projet de loi élargit également le périmètre de l’économie sociale aux autres formes juridiques d’entreprise dont les objectifs sont voisins des entreprises de l’ESS.
Pour favoriser la création d’activité par les demandeurs d’emploi, le texte institue une nouvelle forme de coopérative, la coopérative d’activités et d’emploi, comme l’a mentionné la rapporteure. Elle a également abordé le volet « reprises d’entreprise », sur lequel je ne reviendrai donc pas.
Trois leviers d’action nouveaux sont mis en place afin de développer l’économie sociale et solidaire dans les territoires : les pôles territoriaux de coopération économique ; les contrats de développement territorial pour les collectivités du Grand Paris ; la participation renforcée des collectivités locales dans le capital des sociétés coopératives d’intérêt collectif.
Il faut, en outre, noter des avancées en termes de financement pour l’économie sociale et solidaire. En effet, les entreprises du secteur pourront jouir de financements de la banque publique d’investissement (BPI).
De nouveaux instruments financiers sont mis en place : le titre associatif, le certificat mutualiste et le titre fondatif.
L’agrément « entreprises solidaires », qui devient l’agrément « entreprises solidaires d’utilité sociale », est désormais plus largement ouvert.
Le régime juridique des différentes composantes de l’économie sociale et solidaire est modernisé et simplifié.
Les mutuelles pourront désormais s’associer entre elles.
Le statut des 8 000 coopératives est rendu plus attractif, notamment par l’actualisation des dispositions applicables aux coopératives de commerçants, aux coopératives d’artisans, aux coopératives agricoles et aux sociétés coopératives participatives (SCOP).
Une nouvelle catégorie d’union mutualiste est créée.
Les salariés de coopératives d’activités et d’emploi attendent un cadre juridique sécurisé. Ce projet de loi le permet.
En conclusion, face à la triple crise économique, écologique et démocratique, ce texte dense tend à répondre aux difficultés.
La commission des affaires sociales est saisie sur les premiers articles qui définissent le périmètre de l’ESS, sur les questions liées au droit du travail, et sur la coassurance. Sans remettre en cause l’équilibre général des articles, elle présentera une série d’amendements qui clarifient et sécurisent juridiquement certaines dispositions relatives aux articles ayant un lien direct ou indirect avec le code du travail.
Reconnaître le secteur, le moderniser, développer son financement : tels sont les objectifs de ce projet de loi. Ce faisant, il concrétise l’engagement pris par le Président de la République de reconnaître la réelle place de l’économie sociale et solidaire.
Comme l’a affirmé Benoît Hamon, qui a porté ce texte : « Plus qu’un projet, un signe, plus qu’un projet, un souffle solidaire de gauche vers la gauche ».
Mme Isabelle Le Callennec. Ce projet de loi qui vous tient particulièrement à cœur, madame la rapporteure, a en effet été porté par Benoît Hamon et adopté au Sénat le 7 novembre dernier.
Nous ignorons aujourd’hui qui va reprendre le flambeau, si un secrétaire d’État sera nommé et de quel ministère il dépendra – cela traduira la volonté du Gouvernement de poursuivre son soutien à l’économie sociale et solidaire.
La commission des affaires sociales est sollicitée pour avis sur quelques articles.
Vous l’avez rappelé : l’ESS désigne un ensemble d’entreprises organisées sous forme de coopératives, de mutuelles, d’associations ou de fondations, un ensemble pour le moins très hétérogène.
En France, cette économie représente environ 10 % du PIB. Pas moins de 200 000 entreprises et structures sont concernées par cette loi, ainsi que 2,35 millions de salariés.
Le projet de loi a pour objectif affiché de développer l’ESS en clarifiant ses principes d’organisation et ses critères de reconnaissance. Il vise à assouplir son encadrement administratif et financier.
Si, globalement, le groupe UMP accueille avec bienveillance ce texte, plusieurs dispositions risquent néanmoins d’animer nos débats.
D’abord, on risque de tourner le dos au choc de simplification.
Vous institutionnalisez ce qui existe déjà : le conseil supérieur de l’ESS, les chambres régionales, les pôles territoriaux de coopération économique... Cela n’est pas sans présenter un certain nombre de risques – empilement de structures, complexification des procédures –, à l’inverse de la simplification attendue par tous, ce qui pourrait engendrer une dépense publique supplémentaire.
À quoi va servir le conseil de la coopération ? Le conseil supérieur ne traite-t-il pas déjà de la coopération ? Quel va être le coût de la conférence régionale de l’ESS tous les deux ans ?
Deuxième point de vigilance : la définition, pour le moins restrictive, du secteur risque d’en atténuer la portée.
Les articles 1er et 7 qui déterminent et le champ de l’ESS et les modalités d’obtention de l’agrément nous inquiètent.
Pour mémoire, les sociétés commerciales souhaitant intégrer l’économie sociale et solidaire devront prévoir, premièrement, le prélèvement d’une fraction au moins égale à 20 % des bénéfices, affecté à la formation d’un fonds de réserve ; deuxièmement, le prélèvement d’une fraction au moins égale à 50 % des bénéfices, affecté au report bénéficiaire ainsi qu’aux réserves obligatoires ; troisièmement, l’interdiction du rachat par la société d’actions ou de parts sociales.
Les conditions limitatives mises en place dans le texte risquent d’exclure du secteur – et donc des allégements fiscaux correspondants ! – un grand nombre de petites entreprises qui opèrent dans le secteur des services à la personne.
Même un auto-entrepreneur ne pourra pas prétendre appartenir à l’économie sociale et solidaire du fait de ces exigences irréalistes !
Troisième point : le droit d’information des salariés continue de poser question.
Les articles 11 et 12 prévoient un droit d’information des salariés en cas de projet de cession, afin de leur permettre de présenter une offre de reprise. Nous nous demandons ce qu’un tel dispositif fait dans ce texte. Sur le fond, il est parfaitement légitime que les salariés ne découvrent pas dans la presse la cession de leur entreprise – nous connaissons tous dans nos circonscriptions des situations dramatiques. Néanmoins, comme lors de l’examen de la loi Florange, nous craignons que ces dispositions soient contre-productives, car elles ajoutent des contraintes administratives aux chefs d’entreprise, elles risquent de décourager les investisseurs et, surtout, de contrarier certains projets de cession.
Cela étant posé, l’UMP ne s’oppose pas, par principe, à ce texte – notre parti ne s’oppose d’ailleurs jamais par principe. Nous souhaitons simplement que cette loi soit utile aux acteurs de l’ESS dans leur gestion quotidienne et qu’elle permette de soutenir l’emploi durable.
Il faut garder à l’esprit que les choses risquent d’être difficiles dans les années à venir pour certaines structures. Je pense en particulier aux associations qui peinent à pérenniser les financements de leurs activités du fait de leur forte dépendance aux subventions des collectivités locales – qui, toutes, revoient aujourd’hui leurs priorités. Au demeurant, la baisse de 10 milliards de dotations de l’État aux collectivités locales, annoncée par le Premier ministre hier, n’est pas de nature à rassurer ces associations.
Peut-on se fier au dossier de presse qui présente le texte aux journalistes ? Il annonce un soutien financier de 500 millions d’euros de la BPI à ce secteur, 80 millions sur l’enveloppe des investissements d’avenir et 20 millions via la création d’un fonds d’innovation sociale. Permettez-nous de ne croire que ce que nous voyons… et de nous interroger sur le fléchage de ces fonds, s’ils sont confirmés.
Vous l’aurez compris, notre groupe attendra la conclusion des travaux de la commission des affaires économiques, saisie au fond, avant de se prononcer en séance.
M. Francis Vercamer. Ce projet de loi arrive à l’Assemblée après un long chemin dont j’ai pu mesurer le parcours, ainsi que les premières avancées, puisque les travaux d’élaboration de ce texte ont commencé après que j’ai rendu, au Premier ministre de l’époque, en avril 2010, un rapport sur les moyens de développement de l’ESS.
Toutes les familles de l’ESS, tous les acteurs, qui s’étaient retrouvés et avaient été très largement consultés dans le cadre de l’élaboration de ce rapport, ont ensuite travaillé au sein du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, pour bâtir ce qui était alors l’ambition d’une loi-cadre de reconnaissance et de développement de l’ESS.
Ce projet est un texte que j’avais recommandé, de même que j’avais souhaité qu’un service spécifique de Bercy prenne en charge les enjeux de ce secteur.
C’est ce texte dont nous commençons l’examen aujourd’hui, après le Sénat. Je le dis sincèrement : c’est un texte d’importance, parce qu’il se fait l’écho de la place occupée par l’économie sociale et solidaire dans notre économie ; il donne – enfin – une définition de l’ESS ; il tient compte des évolutions de ce secteur, notamment de la place des entreprises sociales ; enfin, il ouvre un vrai champ de prérogatives à l’innovation sociale.
Ainsi, ce texte essaie de redonner du sens à notre économie.
Je veux toutefois formuler deux réserves et une interrogation en forme d’appel à la vigilance.
L’un des angles d’approche du rapport que j’avais rédigé il y a quatre ans consistait à ne pas opposer économie sociale et solidaire, d’un côté, et économie « classique » de l’autre. En effet, l’une et l’autre ont à gagner de leur coexistence et de leur enrichissement mutuel au sein de notre système économique. En outre, si nous souhaitons que l’ESS diffuse ses valeurs et pratiques plus largement dans notre société, il est souhaitable d’éviter les occasions d’affrontements entre les acteurs de ces deux modes d’entreprendre.
Or, c’est un risque qui est pris aujourd’hui avec un texte qui, de la loi-cadre envisagée initialement, est devenu un texte fourni, au point parfois d’en devenir fourre-tout. J’en veux pour preuve les dispositions sur l’information des salariés dans le cadre d’une reprise d’entreprise, qui selon moi n’ont rien à voir avec ce texte.
Autant je pense que nous sommes confrontés à un vrai sujet, à savoir la disparition, faute de repreneurs, d’entreprises saines qui ont un potentiel d’activité et de développement, et pour lesquelles la reprise par leurs salariés est une voie possible de pérennité, autant je pense que les mesures prévues aux articles 11 et 12 n’ont pas leur place dans ce projet de loi.
Dans mon rapport, j’avais évoqué la création d’une SCOP pour la reprise d’entreprise. Le texte prévoit une information, un droit des salariés, ce qui risque de fragiliser le processus de cession et donc de faire « capoter » la reprise.
En outre, cette mesure brouille le message de ce projet de loi consacré à l’ESS.
Par ailleurs, le texte définit le périmètre de l’ESS. C’est un préalable indispensable pour déterminer avec précision la diversité des acteurs potentiellement concernés par les dispositions.
Mais il s’agit aussi, avec l’article 1er, d’inclure tous les acteurs de l’ESS, quels que soient leurs statuts, des acteurs traditionnels – coopératives, associations, fondations, mutuelles – aux acteurs plus récents, avec les entreprises sociales.
Néanmoins, on mesure encore une fois la difficulté à établir une définition exhaustive du périmètre de l’ESS, dès lors qu’en sont exclus des acteurs qui s’en réclament, en particulier les entreprises de services à la personne.
Enfin, j’aimerais être sûr que le projet de loi répond bien au besoin de stabilité financière que manifestent régulièrement les associations.
Cela est vrai pour les petites associations, mais également pour les associations plus structurées qui gèrent des établissements sociaux ou médico-sociaux, et qui ont besoin d’une stabilité, d’une visibilité de leurs ressources pour se projeter dans l’avenir, ce que ne permet pas nécessairement le principe d’annualité budgétaire.
On a pu évoquer par le passé des mécanismes de contractualisation des financements pour éviter cet écueil de l’instabilité du contexte financier. Dans ce projet de loi, je ne vois pas de mesure tendant à répondre à cette préoccupation.
En conclusion, le groupe UDI émet un avis favorable sur ce texte, dans l’attente – comme le fait le groupe UMP – des conclusions des autres commissions.
M. Thierry Braillard. Quelque 21 000 coopératives, plus de 1 million d’associations et de mutuelles, ainsi qu’un nombre croissant d’entreprises solidaires irriguent la vie économique et sociale de notre pays. Elles contribuent au développement de nos territoires, à la réduction des inégalités sociales ou territoriales. C’est un fait : l’économie sociale et solidaire représente 2 millions d’emplois et 10 % du PIB.
Favoriser l’essor de ce secteur par le biais d’un ensemble de mesures structurantes, conférant un cadre juridique simple et protecteur, facilitant l’accès au financement de ses acteurs, constitue donc un enjeu essentiel pour l’emploi et la croissance dans notre pays, mais aussi pour la solidarité, la justice et l’équité entre les citoyens et entre les territoires.
C’est pourquoi le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste accueille favorablement ce projet de loi dont l’objet est de permettre ce changement d’échelle de l’économie sociale et solidaire.
Source d’emplois non délocalisables, conciliant performance économique, progrès social, préservation de l’environnement et développement local, l’économie sociale et solidaire, dans le contexte actuel, ne manque pas d’atouts.
D’une manière générale, si les structures se réclamant de l’économie sociale et solidaire ont mieux résisté à la crise que les entreprises traditionnelles, certaines ont été affectées par la baisse des crédits. En effet, entre 2007 et 2012, l’État s’est nettement désengagé, comme le reflète symboliquement la suppression en 2010, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), de la délégation interministérielle à l’innovation, à l’expérimentation sociale et à l’économie sociale.
Grâce à ce texte, l’économie sociale et solidaire va bénéficier d’un cadre législatif et réglementaire modernisé, assorti de ressources pérennisées, et constituera ainsi un levier incontournable du redressement économique de notre pays.
Deux mots sur les articles.
Tout d’abord, les dispositions de l’article 45, qui étendent aux fondations de moins de 9 salariés le bénéfice du chèque emploi associatif, permettant ainsi de simplifier les déclarations et le paiement des cotisations et contributions au régime de sécurité sociale, constituent un point positif dans le cadre de la recherche de clarification et de simplification.
Les articles 11 et 12, qui prévoient d’informer les salariés lorsque le dirigeant décide de céder l’entreprise, sont bienvenus. Je rappelle en effet que cette disposition était prévue par une directive européenne du 12 mars 2001, que la France n’a jamais transposée. Elle le fait aujourd’hui grâce à ce texte. Ces articles permettent en outre aux salariés, parallèlement à l’information qui leur est donnée, de proposer, s’ils le souhaitent, une offre de reprise. Nous savons tous qu’une entreprise reprise par les salariés a souvent plus de chance de perdurer qu’une entreprise reprise par un tiers. Je rappelle les chiffres figurant dans le rapport : 75 % des entreprises reprises par les salariés existent toujours cinq ans après la cession, contre 60 % de celles transmises à un tiers. Dans ma région, le cas des Atelières est un magnifique exemple de la reprise par les salariés d’une entreprise en difficulté.
En conclusion, je dirai que la formation professionnelle, l’encadrement et la préparation des salariés à une possible reprise de leur entreprise constituent un véritable chantier à développer.
M. Gilles Lurton. Nous sommes notamment saisis de l’article 1er qui pose le principe de l’économie sociale et solidaire et la reconnaissance de son développement. Après avoir été longtemps considéré comme marginal, ce secteur couvre aujourd’hui un très large panel de l’activité économique et permet à un grand nombre de personnes exclues du marché du travail de retrouver un emploi. De fait, 440 000 personnes ont pu retravailler grâce à l’économie sociale et solidaire ces dix dernières années et, selon les estimations, cela pourrait représenter 620 000 emplois d’ici à 2020.
Pour ma part, je considère que l’article 11, qui a focalisé les débats au Sénat, risque de compliquer la transmission des entreprises. En réalité, à chaque fois que nous votons un texte – je pense à celui sur la pénibilité ou encore à la loi Florange –, nous ajoutons un article qui vient complexifier la situation pour les entreprises ! Ne nous étonnons pas alors si notre pays compte 3 300 000 demandeurs d’emploi !
M. Dominique Tian. Les articles 11 et 12 de ce texte introduisent des contraintes inacceptables en prévoyant que l’employeur doit informer tous les trois ans les salariés des possibilités de cession. Cette durée est totalement inappropriée, sans compter que le texte ne définit pas le type d’information à fournir. En outre, sachant que des accords peuvent exister entre des entreprises intéressées, pourquoi donner des informations aux salariés dont vous indiquez qu’ils seront obligés d’être discrets ? Chacun sait que, dans le monde des affaires, la discrétion n’est pas toujours partagée…
Toujours selon ces articles, il faudra informer les salariés deux mois avant la cession afin de leur permettre de présenter une offre d’acquisition. Tout cela n’a aucun intérêt, sauf à fragiliser les entreprises françaises désireuses d’assurer une transmission normale. Sans compter la proposition de loi du groupe socialiste qui vise à donner des pouvoirs totalement délirants à l’inspecteur du travail !
En conclusion, ce projet de loi ne fait que reprendre le « texte Florange », censuré par le Conseil constitutionnel, qui s’était inquiété de la mise sous tutelle des chefs d’entreprise.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Tian, ce projet de loi a été rédigé avant l’avis du Conseil constitutionnel sur la loi Florange !
Mme la rapporteure. Madame Bouziane, je vous remercie d’avoir souligné que ce texte, porté à l’origine par Benoît Hamon, a fait l’objet d’une importante concertation avec l’ensemble des acteurs dans sa phase préparatoire, mais également d’un important travail d’auditions avec les rapporteurs pour avis et le rapporteur de la commission saisie au fond. Au sein du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, les représentants des différentes familles historiques de l’ESS travaillent à ce projet de loi depuis des années.
Madame Le Callennec, les chambres régionales d’économie sociale et solidaire, le Conseil supérieur de l’ESS et le Conseil supérieur de la coopération existent déjà. Ce projet de loi n’entraîne donc pas de dépenses nouvelles : il précise le cadre juridique et redéfinit les missions de ces organismes.
Par ailleurs, sur la définition du périmètre à l’article 1er et l’agrément solidaire à l’article 7, je dois vous dire que nous assumons une forme de complexité. En effet, nous n’ignorons pas que des sociétés commerciales à but lucratif instrumentalisent, par le biais du green washing ou du social washing, l’engouement actuel pour la responsabilité sociale des entreprises. Le prix Pinocchio rappelle de manière édifiante que certaines d’entre elles, sous couvert de communications autour de la notion d’« éthique », ne font en réalité que mettre en œuvre des pratiques contraires aux objectifs de développement durable et de solidarité.
Monsieur Vercamer, la volonté de « polliniser » l’économie a été maintes fois affirmée par Benoît Hamon. Au surplus, le texte prévoit que les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) organisent les rapports entre les entreprises de l’ESS et les sociétés commerciales traditionnelles. Vous ne pouvez pas vous inquiéter du cloisonnement entre ESS et économie classique et, dans le même temps, regretter que les articles 11 et 12 créent des ponts entre les PME et les sociétés sous forme de société coopérative participative (SCOP). Ces articles permettent précisément d’éviter la fermeture de milliers de PME chaque année faute de repreneur, tout en jetant des ponts entre les futures entreprises de l’ESS et les PME traditionnelles.
Monsieur Braillard, je vous remercie d’avoir évoqué le chèque emploi associatif. Je le redis : l’enjeu majeur pour nous est d’éviter la fermeture de PME qui ne trouvent pas de repreneur. Ce dispositif est destiné aux entreprises saines, et non aux entreprises en difficulté. Il existe déjà une information similaire du comité d’entreprise pour les entreprises de plus de 50 salariés et cela n’a rien à voir avec la loi Florange ! Le propriétaire de l’entreprise reste libre de choisir l’offre de reprise. Ce texte est donc loin de porter atteinte à la liberté d’entreprise ou au droit de propriété !
La Commission en vient à l’examen des articles.
Article 1er
Définition de l’économie sociale et solidaire
La Commission est saisie de l’amendement AS10 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement vise à préciser la notion de bénéfices, afin que son interprétation ne soit pas limitée aux seuls bénéfices de l’exercice. L’objectif est d’éviter, d’une part, qu’en cas d’exercice déficitaire, les entreprises de l’ESS puissent distribuer jusqu’à la totalité du report à nouveau bénéficiaire ; d’autre part, qu’en cas d’exercice bénéficiaire, elles puissent distribuer à l’exercice suivant, en plus de la moitié des bénéfices de l’exercice, la totalité du report à nouveau de l’exercice bénéficiaire.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement AS11 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement vise à répondre aux préoccupations exprimées par de nombreux acteurs de l’économie sociale et solidaire quant à l’absence d’interdiction d’incorporation des réserves au capital dans les critères de gestion imposés aux entreprises de l’ESS.
L’incorporation des réserves au capital étant autorisée, sous certaines conditions et dans certaines limites, pour les coopératives et les SCOP, il apparaît cependant délicat de l’interdire purement et simplement.
Ainsi, le présent amendement vise à prévoir un dispositif équivalent à celui applicable aux coopératives et aux SCOP, afin d’encadrer strictement les conditions dans lesquelles les entreprises de l’ESS peuvent incorporer au capital des sommes prélevées sur les réserves, sans pour autant en interdire le principe.
La Commission adopte l’amendement.
Elle en vient à l’amendement AS12 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement vise à affirmer clairement le caractère obligatoire de la réserve statutaire prévue à l’alinéa 13 en modifiant son intitulé.
La Commission adopte l’amendement.
Elle est saisie de l’amendement AS13 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Le présent amendement vise à compléter le champ de l’interdiction prévue à l’alinéa 15.
En effet, le rachat d’actions ou de parts sociales n’est pas l’unique moyen de liquider le capital investi. Il est également possible d’amortir le capital ou de procéder à une réduction du capital non motivée par les pertes.
Ainsi, l’amendement prévoit d’interdire ces deux opérations aux sociétés commerciales souhaitant faire partie de l’économie sociale et solidaire.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine l’amendement AS9 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement vise à prévoir un contrôle de la conformité des statuts des entreprises commerciales se réclamant de l’économie sociale et solidaire.
Il est proposé de compléter les dispositions de l’alinéa 18, en précisant qu’un contrôle de la conformité des statuts de l’entreprise aux critères établis par la loi doit être opéré. Ce contrôle devra être réalisé lors du dépôt des statuts au greffe du tribunal de commerce.
La Commission adopte l’amendement.
Elle est saisie de l’amendement AS1 de M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. Il s’agit d’un amendement d’appel. Il vise à intégrer dans le périmètre de l’ESS le secteur des services à la personne, même si celui-ci ne répond pas strictement aux critères de la loi en termes de gouvernance. L’activité des entreprises de ce secteur est en effet reconnue d’utilité sociale.
Mme la rapporteure. Aux termes de ce projet de loi, l’économie sociale et solidaire est, non pas un secteur d’activité, mais un mode d’entreprendre, assortis de critères en termes de gouvernance, de gestion, d’encadrement des bénéfices, etc.
De la même manière que seuls les acteurs de l’insertion par l’activité économique (IAE) répondant aux critères entrent dans le périmètre de l’économie sociale et solidaire, toutes les entreprises du secteur des services à la personne n’entrent pas dans le champ de l’ESS dans la mesure où certaines d’entre elles ont comme objectif premier la recherche du profit.
Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 1ermodifié.
Article 2
Définition de l’utilité sociale
La Commission est saisie de l’amendement AS14 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement vise à mettre en avant, dans les missions susceptibles d’être assurées par les entreprises considérées comme recherchant une utilité sociale, la lutte contre les exclusions et les inégalités sanitaires, sociales, économiques et culturelles, l’éducation à la citoyenneté, notamment par l’éducation populaire, la préservation et le développement du lien social.
M. Arnaud Richard. Pourquoi inclure l’éducation populaire dans le champ de l’économie sociale et solidaire ? Ce serait tout à fait nouveau.
Mme la rapporteure. L’éducation populaire existe depuis fort longtemps : vous connaissez tous cet acteur historique qu’en est la Fédération Léo Lagrange. Ce que je propose n’a rien de révolutionnaire : nous réparons plutôt une injustice en la mentionnant expressément dans ce texte.
La Commission adopte l’amendement AS14.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 ainsi modifié.
La Commission examine l’amendement AS15 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement tend à intituler cette section « L’agrément "entreprise solidaire d’utilité sociale" », de façon qu’il soit bien clair qu’on ne crée pas un nouveau type d’entreprise. On ne fait que redéfinir un agrément.
La Commission adopte l’amendement.
Article 7
Réforme de l’agrément solidaire
La Commission en vient à l’amendement AS16 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement vise à inclure dans la liste des entreprises bénéficiant de droit de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » les organismes d’accueil communautaire et d’activités solidaires (OACAS), dont 90 % sont constitués des communautés Emmaüs.
La Commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS 24 de la rapporteure.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 7 modifié.
Article 9 A
Extension du champ des marchés réservés
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 9 A sans modification.
Article 9
Promotion des achats publics socialement responsables et des clauses sociales dans les marchés publics
La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS22 de la rapporteure.
Puis elle examine l’amendement AS17 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Les clauses sociales sont sous-utilisées dans le cadre des marchés publics, alors qu’elles pourraient constituer un puissant levier d’insertion dans l’emploi pour les publics en difficulté. En outre, même lorsque de telles clauses sont prévues, les conditions dans lesquelles elles sont mises en œuvre ne sont pas assez contrôlées, notamment l’efficacité des mesures prises par l’entreprise retenue pour accompagner les personnes éloignées de l’emploi et assurer effectivement le succès de leur insertion professionnelle. Si l’adoption de schémas de promotion des achats publics responsables et la conclusion de conventions au niveau régional devraient aider au développement de ces clauses sociales, nous estimons nécessaire d’insister sur leur dimension qualitative et d’en renforcer le suivi, en faisant de ce critère un élément d’appréciation pour le pouvoir adjudicateur.
Mme Isabelle Le Callennec. Tel que rédigé, l’amendement ne répond pas à votre légitime préoccupation. Il n’est question que de tenir compte de la qualité des actions de promotion de l’emploi des personnes rencontrant des difficultés particulières d’insertion.
Mme Monique Iborra. Pourquoi ne pas mentionner expressément l’objectif d’insertion professionnelle au lieu de se contenter de parler de « promotion de l’emploi » ? Qu’entend-on d’ailleurs exactement par là ? Les principaux acteurs en ce domaine sont les maisons de l’emploi.
Mme la rapporteure. Il nous semblait important d’ouvrir le débat, au moins par un amendement d’appel, sur l’aspect qualitatif des clauses sociales. Nous avons repris la formulation actuelle du code des marchés publics à ce sujet. Si je suis disposée à ce que nous retravaillions ensemble la rédaction de cet amendement d’ici à l’examen du texte en séance publique, j’aimerais toutefois qu’il soit adopté aujourd’hui, de façon que la commission des affaires économiques, saisie au fond, puisse en débattre.
Mme Monique Iborra. Il faut que puisse être vérifiée l’insertion professionnelle des personnes placées en situation d’emploi grâce à ces clauses sociales.
Mme la rapporteure. Nous reverrons la rédaction de cet amendement, tout en sachant que, contraints par le formalisme juridique du code des marchés publics lui-même, nous ne pourrons peut-être pas exprimer notre souhait exactement comme nous le voudrions.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 9 modifié.
Article 11 A
Information régulière des salariés sur la reprise d’entreprise
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 A sans modification.
Article 11
Information des salariés en cas de cession du fonds de commerce
La Commission examine, en présentation commune, les amendements AS4 et AS5 de M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. Je défendrai en même temps mes amendements AS4 et AS5 à l’article 11, et AS6 et AS7 à l’article 12, qui répondent à une même logique. Tels qu’actuellement rédigés, ces deux articles organisent de fait une concurrence entre salariés et repreneurs potentiels lors de la cession d’une entreprise, en prévoyant que les premiers sont spécifiquement informés, de façon à leur permettre de pouvoir présenter une offre. Ces dispositions n’ont rien à voir avec l’économie sociale et solidaire.
Je propose, pour ma part, qu’il soit précisé que tout ceci ne vaut que dans le cas où une entreprise ne trouve pas de repreneur, ce qui, hélas, arrive souvent pour les plus petites des PME. Tel est l’objet de ces quatre amendements.
M. Dominique Tian. M. Vercamer a raison, la procédure proposée peut se justifier s’il n’y a pas de repreneur. Mais s’il y en a un ou plusieurs, le chef d’entreprise doit rester libre de son choix. Il pourrait être dramatique, voire contre-productif, de mettre en concurrence une offre de reprise par les salariés et celle d’un autre repreneur. Je voterai donc ces amendements.
Mme la rapporteure. Ce point a été longuement débattu lors de l’examen du texte au Sénat. Ces articles n’opposent en rien économie sociale et solidaire et économie classique. Nous sommes ici dans le cas typique de « pollinisation » entre les deux secteurs que vous appeliez de vos vœux. Les salariés ne sont nullement obligés de reprendre l’entreprise sous une forme relevant de l’économie sociale et solidaire – les reprises à titre individuel ne sont pas exclues. Notre objectif est d’éviter que des milliers de PME saines ne ferment chaque année, faute de repreneur. Mais les chefs d’entreprise ne seront nullement tenus de retenir telle offre plutôt que telle autre.
M. Dominique Tian. Si.
Mme la rapporteure. N’inventez pas ce qui ne figure pas dans le texte. Aucune restriction n’est apportée à la liberté d’entreprendre ni aucune atteinte portée au droit de propriété. Le chef d’entreprise reste totalement libre de son choix.
M. Dominique Tian. Heureusement !
Mme la rapporteure. Restreindre le champ d’application de la mesure au cas où l’entreprise ne trouve pas de repreneur limiterait les chances de succès de la reprise et rapprocherait du dispositif prévu en cas de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires, alors que sont ici visées les entreprises en bonne santé.
Il faut dédramatiser et surtout ne pas proférer de mensonges.
M. Dominique Tian. Vous m’accusez de mentir ?
Mme la rapporteure. Vous dites des choses fausses. Les articles 11 et 12 visent à prévenir les difficultés et à faciliter la transmission à leurs salariés de PME saines qui, autrement, fermeraient.
M. Dominique Tian. Madame la rapporteure, est-ce parce que vous n’avez pas voté hier la confiance au Gouvernement que vous êtes troublée au point de nous accuser ainsi à tort ? Nous ne mentons pas, nous exprimons seulement une opinion différente, comme vous-même l’avez fait hier…
Mme la présidente Catherine Lemorton. La rapporteure a simplement dit que ce que vous craignez ne figure pas dans la loi.
Mme Isabelle Le Callennec. Je n’ai nulle part lu que ces propositions ne concernaient que les entreprises en bonne santé. On risquerait donc de se retrouver dans le cas de la loi Florange, censurée par le juge constitutionnel.
Mme la rapporteure. Prenons l’exemple de l’article 12 : l’alinéa 20 prévoit expressément que les dispositions visées ne s’appliquent pas « aux sociétés faisant l’objet d’une procédure de conciliation, de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires (…) ». Les mêmes dispositions figurent dans l’article 11.
M. Francis Vercamer. Lors d’une cession d’entreprise, les négociations sont toujours serrées. Il suffit que les salariés soient informés des différentes offres ou des discussions qui ont lieu avec le ou les repreneurs pour que la concurrence s’en trouve faussée et que cela risque de faire échouer l’opération. On l’a encore vu récemment dans le cas de SFR : la divulgation de certaines informations autour des offres de Bouygues et de Numéricable a posé des problèmes. Nous avons eu le même souci avec La Redoute. Je ne suis pas sûr qu’il soit bon, ni pour les entreprises ni pour les salariés, que ceux-ci soient informés des offres de reprise deux mois avant que n’intervienne effectivement la cession. C’est pourquoi je propose, comme je l’avais d’ailleurs préconisé dans mon rapport, que le dispositif envisagé ne vaille que dans le cas où aucun repreneur ne s’est manifesté.
Mme la rapporteure. La procédure prévue existe déjà pour les entreprises de plus de 50 salariés, dans lesquelles le comité d’entreprise doit nécessairement être informé. Pourquoi risquerait-elle de faire échouer les négociations dans les entreprises plus petites ?
La Commission rejette successivement les amendements AS4 et AS5.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 sans modification.
Article 12
Information des salariés en cas de cession de parts sociales, actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital
Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Vercamer, vos amendements AS6 et AS7 ont donc déjà été défendus.
Sur avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette successivement les amendements AS6 et AS7.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 12 sans modification.
Article 22
Éligibilité des sociétés coopératives d’intérêt collectif aux contrats d’accompagnement dans l’emploi
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 22 sans modification.
Article 33
Statut des entrepreneurs salariés associés des coopératives d’activité
et d’emploi
La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS21 de la rapporteure.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 33 ainsi modifié.
Article 34
Opérations de coassurance
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 34 sans modification.
La Commission examine l’amendement AS8 de M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. Cet amendement vise à régler un problème que des salariés m’ont à plusieurs reprises signalé dans ma circonscription. La loi oblige désormais les entreprises à proposer une mutuelle à l’ensemble de leurs salariés. Or, la plupart des mutuelles sont familiales et certains conjoints sont déjà affiliés à une mutuelle, qu’ils ne peuvent quitter, si bien que la famille se trouve payer deux cotisations pour des prestations identiques. Où serait alors l’avantage social ? Je propose donc que lorsque l’un des conjoints est obligé d’adhérer à une mutuelle dans son entreprise, l’autre puisse, dans un délai de deux mois, résilier le contrat auquel il a pu lui-même souscrire.
Mme la rapporteure. Le sujet a déjà été débattu lors de l’examen de la loi de sécurisation de l’emploi, puisque l’accord national interprofessionnel prévoyait la généralisation des complémentaires santé. Tel qu’actuellement rédigé, votre amendement imposerait dans tous les cas au conjoint de résilier son contrat, même si par exemple sa mutuelle était plus avantageuse. Cette obligation ne saurait être systématique.
Par ailleurs, votre amendement devrait être satisfait par les décrets d’application de la loi de sécurisation de l’emploi, en cours d’élaboration et qui traiteront de cette question de la double affiliation des conjoints et ayants droit.
Enfin, votre amendement pourrait être considéré comme un cavalier, n’ayant que peu à voir avec l’économie sociale et solidaire. En effet, parmi les complémentaires santé, on compte, outre des mutuelles, des sociétés d’assurance, des institutions de prévoyance…
Pour toutes ces raisons, j’y suis défavorable.
M. Francis Vercamer. Mon amendement indique que le conjoint « dispose », s’il le souhaite, « d’un délai de deux mois » pour résilier son contrat de mutuelle. Il n’en a nullement l’obligation. Lorsque le Président de la République a souhaité que les complémentaires santé soient généralisées, il n’était pas dans son esprit, je le pense, d’obliger deux conjoints à souscrire chacun un contrat.
Pour le reste, je veux bien admettre que mon amendement constituerait un cavalier mais les articles 11 et 12 n’ont eux-mêmes rien à voir avec l’économie sociale et solidaire.
Mme la rapporteure. Nous ne partageons pas la même analyse sur ce point. Et, je le redis, tel que rédigé, votre amendement pourrait être interprété comme une obligation.
La Commission rejette l’amendement. (Protestations parmi les commissaires UMP)
Plusieurs députés du groupe UMP. Nous contestons les résultats du vote.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Leonetti, pourriez-vous répéter à haute voix ce que vous venez de dire tout bas ?
M. Jean Leonetti. Je vous demandais, madame la présidente, de ne pas vous départir de la neutralité que devrait vous dicter votre fonction de présidente de notre commission.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Ce n’est pas ce que vous avez dit.
M. Jean Leonetti. Il est anti-démocratique de revenir sur un vote.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Je ne suis absolument pas revenue sur un vote. De ma place, au centre, je vois parfaitement qui vote pour et qui vote contre.
M. Jean Leonetti. En tout cas, pour ce qui est de vos propos et de votre attitude, vous ne vous situez pas au centre, mais nettement à gauche !
M. Christian Paul. Nous examinons un texte important, sur lequel le Parlement travaille depuis de longs mois. Nous sommes toujours parvenus à préserver notre commission des turbulences extérieures, y compris les lendemains d’élections. Continuons de le faire. Il y va de la qualité de notre travail.
Article 45
Utilisation du chèque emploi associatif par les fondations
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 45 sans modification.
Article 49
Recours par les éco-organismes aux entreprises agréées
« entreprise solidaire d’utilité sociale »
La Commission examine l’amendement AS18 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. L’article L 541-10 du code de l’environnement, qui dresse la liste des obligations des éco-organismes dans les filières dites « à responsabilité élargie du producteur », ne vise que la gestion des déchets. Nous proposons que le champ soit étendu à la prévention des déchets.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement AS23 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement tend à ouvrir le champ de l’article 49 à l’ensemble des entreprises de l’économie sociale et solidaire bénéficiant de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale », et non, comme actuellement prévu, aux seules entreprises bénéficiant de l’agrément de plein droit.
Mme Isabelle Le Callennec. C’est contradictoire avec la réponse que vous avez faite tout à l’heure à M. Vercamer au sujet des entreprises du secteur des services à la personne. Vous lui avez rétorqué que l’économie sociale et solidaire ne visait pas des secteurs spécifiques d’activité, mais se définissait par des types de structure précis.
Mme la rapporteure. Il n’y a aucune contradiction. Nous disons seulement que dans le large champ d’activité de la gestion et du traitement des déchets, où œuvrent des entreprises de tous types, il faut chercher à favoriser le recours aux entreprises du secteur de l’économie sociale et solidaire. Nous ne disons pas que toutes les entreprises de traitement des déchets relèvent de ce secteur.
Mme Isabelle Le Callennec. Pourquoi n’avoir pas adopté la même approche dans le secteur des services à la personne ?
Mme la rapporteure. Parce qu’il n’y existe pas de réglementation de la même nature que celle qui existe pour le cahier des charges des éco-organismes.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine l’amendement AS19 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. C’est un amendement de cohérence.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 49 modifié.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Leonetti, avant que vous ne quittiez la salle puisque telle semble être votre intention, je vous précise que lors du vote sur l’article additionnel après l’article 34, il y a eu 12 voix pour à droite et 17 voix contre à gauche.
M. Jean Leonetti. J’ai écouté hier avec intérêt le Premier ministre dire qu’il fallait respecter l’opposition et essayer de faire avancer, ensemble, un certain nombre de grands projets pour la France. Madame la présidente, alors que votre rôle de présidente de cette commission vous impose un devoir de neutralité, en particulier dans le décompte des voix, vous ne regardez se lever que les mains de la majorité. Vous ne tournez même pas les yeux vers les rangs de l’opposition. Pourquoi continuerions-nous à lever la main puisque vous nous ignorez ?
Mme la présidente Catherine Lemorton. Je regarde des deux côtés. Tout à l’heure, lors du vote sur un amendement de M. Vercamer, je n’ai vu aucune main se lever dans les rangs de l’opposition et l’ai même souligné.
Article 52
Entrée en vigueur du nouvel agrément
« entreprise solidaire d’utilité sociale »
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 52 sans modification.
Article 53
Entrée en vigueur des procédures d’information des salariés
prévues par les articles 11 et 12
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 53 sans modification.
ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
(par ordre chronologique)
Listes des auditions menÉes par la rapporteure pour avis
Ø Coopérer pour entreprendre – M. Dominique Babilotte, président-directeur général
Ø Table ronde des syndicats représentatifs de salariés :
– Confédération générale du travail (CGT) – MM. Pierre-Yves Chanu et Marc Beugin, conseillers confédéraux
– Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) – Mme Christine Diebold, déléguée nationale au secteur développement et dialogue social, et Mme Francine Didier, chargée d’études économiques et développement durable au service économie
– Force ouvrière (FO) – Mme Anne Baltazar, secrétaire confédérale, et M. Christophe Couillard, chargé de mission
– Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – M. Gilles Gathellier, responsable politique
Ø Confédération générale des Scop (CG Scop) - M. Alix Margado, délégué CSIC pour l’innovation, et M. Lionel Orsi, directeur du service juridique
Ø Emmaüs France – Mme Valérie Fayard, déléguée générale adjointe, en charge du pôle appui et développement
Ø Agence pour le développement de l’économie locale (ADEL) – Mme Madeleine Hersent, présidente
Collectif Femm’ESS – Mme Scarlett Wilson, membre du collectif, enseignante à Panthéon Sorbonne Paris 1, Mme Nicole Alix, membre du collectif, et Mme Élisa Braley, membre du collectif
Ø Croix Rouge française – M. Frank Delaval, directeur de cabinet du président et du directeur général, directeur de l’action sociale, M. Jean Gouzy, adjoint au directeur financier, et M. Samuel Attemene, chargé de mission à la direction financière
Liste des auditions communes avec M. Yves Blein, rapporteur
pour la commission des affaires Économiques saisie au fond
Ø Mouvement des entrepreneurs sociaux (MOUVES) – M. André Dupon, président, Mme Anne-Cécile Mailfert, directrice du plaidoyer, et M. Jacques Dasnoy
Ø Conseil national des chambres régionales de l’économie sociale (CNCRES) – M. Jean-Louis Cabrespines, président, Mme Marie-Martine Lips, vice-présidente, et Mme Nadia Roberge, déléguée générale
Ø Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) – M. François Asselin, président de la CGPME Poitou-Charentes, et M. Lionel Vignaud, juriste à la direction des affaires économiques, juridiques et fiscales
Ø Conseil des entreprises, employeurs et groupements d’économie sociale (CEGES) – M. Jean-Louis Cabrespines, président, et M. Emmanuel Verny, délégué général
Ø Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA) – M. François Moutot, directeur général, et Mme Béatrice Saillard, directeur du département des relations institutionnelles
Ø Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES) – M. Sébastien Darrigrand, délégué général
Ø Conseil national de l’insertion par l’activité économique (CNIAE) – Mme Christiane Demontès, présidente
Ø Fondation de France – M. Francis Charhon, directeur général
Ø Groupement des entreprises mutuelles d’assurance (GEMA) – M. Jean-Luc de Boissieu, secrétaire général
Ø Conférence permanente des coordinations associatives (CPCA) – Mme Nadia Bellaoui, présidente
Ø Groupement national de la coopération (coop.fr) – Mme Caroline Naett, secrétaire générale
Ø Association des fondations de l’économie sociale (ASFONDES) – M. Jean-Philippe Poulnot, président
Ø Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF)
Ø Finansol – M. Frédéric Tiberghien, président, et Mme Laurine Prévost, responsable relations institutionnelles et partenariats
Ø Table ronde :
– M. Michel Abhervé, Professeur associé à l’université de Paris Est Marne-la-Vallée, blog Alter Eco
– Mme Françoise Bernon, déléguée générale du Labo de l’économie sociale et solidaire (think tank)
– Mme Danièle Demoustier, ex-enseignant chercheur, IEP Grenoble – ESS, personnalité qualifiée au sein du Conseil supérieur de l’ESS
– M. Jean-Louis Laville, professeur au Conservatoire national des arts et métiers
Ø Confédération générale des SCOP (CG Scop) – M. Patrick Lenancker, président, et Mme Patricia Lexcellent, déléguée générale
Ø Mouvement des entreprises de France (MEDEF) – M. Thibault Lanxade, président du pôle entreprenariat et croissance
Ø Association France Active – M. Christian Sautter, président
Ø Table ronde – Secteur sanitaire et social, handicap, insertion :
– Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS) – MM. Aurélien Ducloux et Alexis Goursolas, chargés de mission
– Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (UNIOPS) – M. Dominique Balmary, président, et Mme Christèle Lafaye, conseillère technique Europe & vie associative
– Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI), Mme Bérengère Chatellier et Mme Véronique Quet
Ø Conseil économique, social et environnemental (CESE) – M. Jean-Marc Roirant, président groupe ESS
Ø Banque publique d’investissement (Bpifrance) – Mme Laure Reinhart, directrice des partenariats et des écosystèmes innovants
Ø Ministère des affaires sociales – M. Jérôme Faure, chef de la Mission innovation, expérimentation sociale et économie sociale
Ø FONDA, fabrique associative – M. Yannick Blanc, président
Ø Table ronde – Emploi, insertion professionnelle, formation
– Coorace – Fédération nationale de l’économie sociale et solidaire –M. Pierre Langlade, président
– Comité national des entreprises d’insertion (CNEI) – M. Olivier Dupuis, secrétaire général, et M. Rachid Cherfaoui, administrateur
– Fédération nationale des Unions régionales des organismes de formation (UROF) – M. Michel Clezio, président
Ø Avise, Agence d’ingénierie et de service pour entreprendre autrement – M. Hugues Sibille, président
Ø Fédération des établissements. hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs (FEHAP) – M. David Causse, coordonnateur du pôle santé-social, et M. Jean-Baptiste Boudin-Lestienne, responsable de la communication, des relations institutionnelles et du développement