N° 1866
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 avril 2014.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE
SUR LA PROPOSITION DE LOI DE MME VIRGINIE DUBY-MULLER (n° 966)
relative à la déclaration de domiciliation,
PAR Mme Virginie DUBY-MULLER
Députée
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SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 5
I. LA DÉCLARATION DE DOMICILIATION, UNE FORMALITÉ POUR SIMPLIFIER LA VIE DES CITOYENS 7
A. UNE DÉMARCHE COURANTE DANS DE NOMBREUSES DÉMOCRATIES EUROPÉENNES 7
B. UNE OBLIGATION PRÉVUE PAR LE DROIT LOCAL ALSACIEN-MOSELLAN ET RELATIVEMENT TOMBÉE EN DÉSUÉTUDE 9
C. UNE FORMALITÉ QUI EXISTE D’ORES ET DÉJÀ POUR CERTAINES CATÉGORIES DE POPULATION 10
D. UNE ABSENCE DE SANCTION QUI NE REMET PAS EN CAUSE LA LIBERTÉ D’ALLER ET VENIR DES CITOYENS 12
1. L’accomplissement d’une formalité nécessaire à un objectif d’intérêt général ne porte pas atteinte à la liberté d’aller et venir 12
2. L’obligation de déclaration d’un changement de domicile non assortie de sanctions est nécessaire à la poursuite d’objectifs d’intérêt général 13
3. La nécessité de préciser les finalités et les objectifs d’intérêt général d’un registre domiciliaire 14
E. UNE DÉMARCHE DE SIMPLIFICATION DES FORMALITÉS EFFECTUÉES PAR LES CITOYENS 16
1. Le régime de preuve de domiciliation n’est plus adapté à la demande des citoyens dans une société de l’information 16
2. Un moyen de relancer l’inscription et la participation aux élections 18
II. LE REGISTRE DE DOMICILIATION, UNE AVANCÉE POUR LA GESTION DES COMMUNES ET DE LEURS SERVICES 19
A. POUR CONNAÎTRE PRÉCISÉMENT LA POPULATION INSTALLÉE SUR LE TERRITOIRE DE LA COMMUNE 19
B. POUR PLANIFIER LES ÉQUIPEMENTS ET SERVICES NÉCESSAIRES AUX CITOYENS 21
C. POUR PERMETTRE UNE RÉPARTITION PLUS JUSTE DES DOTATIONS DE L’ÉTAT 22
Article 1er(art. 103 à 105 du code civil) : Mise en place d’une déclaration de domiciliation en mairie 31
Article 2 : Délai de trois ans laissé aux personnes ayant déjà établi leur domicile au sein d’une commune pour procéder à la déclaration de domiciliation 40
Article 3 : Suppression du régime de déclaration et de fichier domiciliaires en vigueur dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin 41
Article 4 : Utilisation du recensement des personnes domiciliées pour déterminer la population communale 43
Article 5 : Habilitation du pouvoir réglementaire à fixer les modalités d’application du présent texte 44
Article 6 : Entrée en vigueur du présent texte 45
Article 7 : Gage 45
Mesdames, Messieurs,
La présente proposition de loi vise à mettre en place un régime de déclaration de domicile en mairie des habitants installés sur le territoire de la commune. En modernisant notre mode de détermination de la domiciliation des personnes, ce nouveau régime permettra de constituer des registres de population communale, permettant d’améliorer le service rendu à la population, de mieux planifier la mise en place de services publics et de rendre plus juste l’attribution des dotations de l’État.
La culture juridique française et l’importance donnée à la protection de la vie privée, mais aussi les enseignements de l’Histoire, ont fait que notre pays a toujours regardé avec circonspection tout fichage général de la population. En ne prévoyant que des fichiers communaux, le présent texte prend en compte cette histoire, mais aussi la demande de simplification des démarches dans une société connectée.
La révélation, au milieu des années 1970, d’un projet gouvernemental dénommé SAFARI, visant à identifier chaque citoyen par un numéro et d’interconnecter tous les fichiers de l’administration créa une vive émotion dans l’opinion publique. De ces craintes naquit un projet de loi examiné par le Parlement en 1977 pour devenir l’actuelle loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Parmi les principes fixés par cette loi figure l’obligation de ne collecter des données à caractère personnel que pour des « finalités déterminées, explicites et légitimes » et de les utiliser de manière proportionnée à ces finalités.
Cependant, parmi les démocraties voisines, l’obligation de s’inscrire auprès des autorités municipales lorsqu’on emménage sur le territoire d’une commune, afin qu’elles disposent d’un fichier permettant de connaître précisément la population établie sur le territoire communal, n’est pas jugée comme attentatoire à la vie privée ou à la liberté d’aller et venir : ainsi dans le cadre de la réforme de l’État, l’Italie va passer d’un système de fichiers municipaux à un répertoire unique national en 2015 (1). Si sa mise en œuvre est partiellement tombée en désuétude, une telle obligation de déclaration domiciliaire existe toujours dans le droit local applicable en Alsace-Moselle.
La présente proposition de loi n’a pas vocation à mettre en place un fichier national et universel de la population : elle vise avant tout à fournir une réponse concrète à deux besoins clairement identifiés.
Du point de vue des usagers, il est nécessaire aujourd’hui de simplifier les démarches liées à un changement de domicile : les principes fixés en 1803 par le code civil ne sont plus adaptés à une société connectée, où 11 % de la population déménage chaque année et doit bénéficier dès son installation des services fournis par les communes, sans avoir à multiplier les démarches administratives et les contrôles de pièces justificatives peu probantes. En organisant une inscription unique mutualisée, il serait également possible d’améliorer le système d’inscription sur les listes électorales. Les auditions menées par votre rapporteure ont montré que les Français sont favorables à une évolution des règles juridiques permettant une simplification des démarches administratives encore considérées comme lourdes et bureaucratiques.
Dans le même temps, la programmation et la planification des équipements et des services à rendre à la population, comme la juste répartition des dotations de l’État, exigent que l’on réfléchisse aux modes de détermination de la « population légale », basée sur des recensements et des enquêtes partielles, actuellement utilisée comme référence pour déterminer les besoins et les financements dont peut bénéficier une commune.
L’obligation de s’inscrire en mairie pour fixer son domicile dans la commune, non assortie de sanctions, et ainsi la constitution d’un registre municipal des personnes installées sur le territoire de la commune, permettant de déterminer la population installée, apparaissent comme une réponse simple à ces problèmes et une source d’économie : il est en effet envisageable d’alimenter par une même saisie tous les fichiers municipaux nécessitant de déclarer son domicile, à commencer par la liste électorale.
Cette évolution nécessitera un délai de mise en place des ressources informatiques nécessaires ; c’est pourquoi la présente proposition de loi ne serait pleinement en vigueur qu’à l’horizon 2018.
Avant d’être l’occasion de constituer un fichier de la population établie sur le territoire d’une commune, la déclaration de domiciliation constitue un progrès dans la simplification des démarches administratives devant être remplies par nos concitoyens.
Comme le montre le document de travail du Sénat rédigé en 2004 (2) qui a étudié les législations applicables dans onze pays européens, « l’analyse des dispositions applicables en Allemagne, en Autriche, en Belgique, au Danemark, en Espagne, en Italie, aux Pays-Bas, au Portugal, au Royaume-Uni, en Suède et en Suisse montre que la déclaration domiciliaire constitue une obligation très répandue en Europe et qu’elle est assortie de sanctions.
La déclaration domiciliaire résulte de l’obligation faite aux communes de presque tous les pays européens de tenir le registre de leurs habitants.
À l’exception du Portugal et du Royaume-Uni, tous les pays étudiés disposent de registres locaux de population. Ces registres sont tenus par les services municipaux, sauf en Suède, où c’est l’administration fiscale qui les gère. En règle générale, les registres locaux de population fonctionnent en réseau informatisé et alimentent un fichier national.
La tenue de ces registres locaux oblige les résidents à déclarer leur changement de domicile, dans un délai variable selon les pays, mais le plus souvent de l’ordre de huit jours.
Le non-respect de l’obligation de déclaration domiciliaire constitue une infraction, de nature administrative, voire pénale. Quelle qu’en soit la nature, cette infraction est punie d’une amende.
En outre, l’inscription au registre de la population détermine de nombreux droits et obligations, tels le droit de vote ou la perception de prestations sociales, de sorte que les sanctions expresses peuvent être considérées comme superflues. »
Le document de travail du Sénat en conclut alors que « l’absence de déclaration domiciliaire en France apparaît donc comme une exception, tandis que la généralisation des registres locaux de population à l’étranger s’explique par l’importance des compétences des communes, notamment en matière sociale. »
Les fichiers de population en Europe : le cas de la Suisse
En Suisse, l’obligation de déclaration domiciliaire résulte des lois cantonales sur le contrôle de la population, qui sont développées par des règlements municipaux, car ce contrôle relève de la compétence des cantons et des communes. Cependant, une loi fédérale sur l’harmonisation des registres des habitants et d’autres registres officiels de personnes du 23 juin 2006, entrée en vigueur en 2009, a mis en place des normes minimales applicables à l’ensemble des registres de population. Même si la Confédération suisse ne peut réglementer directement l’obligation de déclaration domiciliaire, elle a compétence pour légiférer sur l’harmonisation et la tenue des registres officiels, afin de rationaliser la collecte des données statistiques.
Chaque commune dispose donc d’un service chargé de tenir un registre de tous les habitants et d’en assurer la mise à jour. Les données enregistrées portent principalement sur l’identité, l’état civil, le numéro d’assuré social, la nationalité, la date d’arrivée dans la commune et la date de départ, l’adresse, mais aussi « l’appartenance à une communauté religieuse reconnue ».
Toute personne qui emménage est tenue de se déclarer à sa nouvelle commune de résidence. Par la suite, elle a l’obligation de communiquer tout changement d’identité, d’état civil ou d’adresse au sein de la commune. Elle a également l’obligation de communiquer son départ.
Le nouvel arrivant s’acquitte de l’obligation de déclaration domiciliaire en se présentant en personne au bureau du contrôle des habitants, muni de son acte d’origine (c’est-à-dire du document établissant sa commune d’origine) et de pièces justifiant son état civil et sa situation de famille. Il doit laisser en dépôt son acte d’origine, et parfois d’autres documents, qui lui sont restitués lors de son départ de la commune. Il peut également faire cette déclaration pour le compte des enfants mineurs dont il est le représentant légal. La plupart des règlements l’autorisent à accomplir la formalité pour son conjoint.
Le délai dans lequel la déclaration de changement de domicile doit être effectuée est désormais quatorze jours. Les employeurs, les bailleurs et logeurs, mais aussi la Poste suisse, sont dans l’obligation de communiquer sur demande les renseignements utiles sur les personnes qui n’auraient pas procédé à cette déclaration.
La loi fédérale prévoit un échange de données entre communes et cantons lors du départ ou de l’arrivée d’habitants, et définit le contenu minimal du registre des habitants sur l’ensemble du territoire : identificateur fédéral de l’assurance-vieillesse, numéro et nom de la commune, identificateur de logement et de bâtiment, nom, prénom, adresse, date de naissance, commune d’origine pour les nationaux, sexe, état civil, nationalité, type de permis pour les étrangers, nature de la résidence dans la commune (principale ou secondaire), commune où est située la résidence principale, date d’arrivée dans la commune et lieu de provenance, date de départ de la commune et lieu de destination, date de déménagement à l’intérieur de la commune, droit de vote, date de décès.
Le non-respect de l’obligation de déclaration domiciliaire constitue une contravention punissable d’une amende dont le montant varie selon les cantons et les communes. Exceptionnellement, les contrevenants sont passibles d’une peine privative de liberté.
Dans le canton de Genève par exemple, l’article 12 de la loi sur le séjour et l’établissement des confédérés du 28 août 2008 prévoit une amende maximale de 1 000 francs suisses (soit 820 euros) envers la personne séjournant dans le canton sans avoir respecté « l’obligation de s’annoncer » ou avoir mis à jour sa déclaration ; dans le canton de Vaud, l’article 24 de la loi sur le contrôle des habitants du 9 mai 1983 prévoit une contravention maximale de 2 000 francs suisses (soit 1 640 euros).
Si l’inscription domiciliaire et la constitution de fichiers de population ne font actuellement pas partie du droit positif en France, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, le droit local issu de la période d’annexion par l’Empire allemand prévoit toujours une obligation de déclaration domiciliaire, tombée cependant partiellement en désuétude du fait de l’absence de régime de sanction.
En application du décret de l’Assemblée nationale constituante du 22 décembre 1789 (3), chargeant « les administrations de département […] de toutes les parties de cette administration, notamment de celles qui sont relatives, […] 9° au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques », les autorités allemandes ont édicté en 1883 trois ordonnances, prises par les présidents des trois districts alsaciens et lorrains (4), obligeant toute personne qui change de domicile à faire une déclaration de départ à la police (ou à la mairie, s’il n’existe pas de commissariat de police) du lieu qu’elle quitte et une déclaration d’arrivée à la police de la localité de son nouvel établissement. Ces déclarations sont ensuite consignées dans un registre spécial.
Cette législation établit les obligations suivantes pour les particuliers : toute personne louant une chambre sans exercer la profession d’hôtelier, d’aubergiste ou de loueur de maison garnie, doit déclarer à la police locale l’arrivée et le départ de ses locataires ; par ailleurs, les chefs de famille doivent déclarer dans les vingt-quatre heures l’arrivée et le départ de toute personne composant le ménage.
Selon l’étude de législation comparée établie par le Sénat en 2004 (5), le régime de sanctions pénales spécifiques applicables à ces obligations a été abrogé par le décret du 25 novembre 1919 relatif au maintien provisoire en Alsace et en Lorraine de certaines dispositions pénales actuellement en vigueur. Celles-ci pourraient en théorie relever de l’article R. 610-5 du code pénal, qui dispose que « la violation des interdictions ou le manquement aux obligations édictés par les décrets et arrêtés de police sont punis de l’amende prévue pour les contraventions de la première classe », soit 38 euros au plus.
Ces ordonnances ont été modifiées par des décisions préfectorales du 5 décembre 1929 et du 18 septembre 1937. Cette réglementation relative à la tenue d’un fichier domiciliaire est toujours en vigueur.
Dans les faits, en l’absence de sanctions effectives, et malgré l’attachement des élus locaux à l’existence d’un fichier de la population, cette pratique est tombée partiellement en désuétude, de sorte que les communes ne peuvent guère mettre à jour leurs fichiers domiciliaires. Selon une étude du conseil général de la Moselle du 23 mars 2005, cette réglementation est de moins en moins appliquée. Selon la Commission nationale de l’informatique et des libertés (6), la moitié des communes concernées auraient renoncé à le mettre à jour ; notamment les grandes villes telles que Strasbourg, Mulhouse et Metz ont supprimé ce type de fichier.
Interrogé périodiquement par les parlementaires (7), le Gouvernement a constaté l’absence d’application systématique de ce régime et s’interroge sur sa compatibilité avec le principe constitutionnel de liberté d’aller et de venir et avec la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
En conséquence, l’article 3 de la présente proposition de loi propose d’abroger ce régime de droit local, afin que les dispositions prévues par l’article 1er s’appliquent pleinement et effectivement dans les trois départements d’Alsace-Moselle.
Si la tenue d’un registre national et exhaustif de la population ne fait pas partie des traditions juridiques françaises, certaines catégories de personnes sont contraintes par la loi d’effectuer une déclaration de domiciliation.
Une telle obligation pesait jusqu’en 2006 sur les étrangers : le décret n° 47-2410 du 31 décembre 1947 relatif à la déclaration par les étrangers de leur changement de résidence effective habituelle et permanente imposait à tout étranger, séjournant en France en vertu d’une autorisation de séjour, à déclarer son changement de résidence au commissariat de police ou, à défaut de commissariat, à la mairie « dans les huit jours de son arrivée ». Ce régime a été aboli par le décret n° 2006-1378 du 14 novembre 2006 relatif à la partie réglementaire du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
L’inscription sur un registre communal est encore aujourd’hui imposée aux gens du voyage par l’article 7 de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe, qui prévoit que « toute personne qui sollicite la délivrance d’un titre de circulation prévu aux articles précédents est tenue de faire connaître la commune à laquelle elle souhaite être rattachée. Le rattachement est prononcé par le préfet ou le sous-préfet après avis motivé du maire. ».
Ce rattachement est ordonné par le préfet ou le sous-préfet. L’article 8 de la loi de 1969 fixe une limite à ce choix : le nombre de personnes détentrices d’un titre de circulation ne doit pas dépasser 3 % de la population municipale ; si tel était le cas, la personne concernée devrait choisir une autre commune de rattachement. Pour assurer l’unité des familles notamment, il est prévu que le préfet peut autoriser une dérogation à ce plafond de rattachement. Ce rattachement à une commune produit tout ou partie des effets attachés au domicile, notamment pour permettre la célébration du mariage, l’inscription sur les listes électorales, l’accomplissement des obligations fiscales et celles prévues par les législations de sécurité sociale et la législation sur l’aide aux travailleurs sans emploi ainsi que l’obligation du service national.
Saisi de la loi précitée dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a jugé que « l’obligation de rattachement à une commune imposé aux personnes dépourvues de domicile ou de résidence fixe depuis plus de six mois est destinée à remédier à l’impossibilité, pour elles, de satisfaire aux conditions requises pour jouir de certains droits ou de remplir certains devoirs ; que cette obligation ne restreint ni la liberté de déplacement des intéressés, ni leur liberté de choisir un mode de logement fixe ou mobile, ni celle de décider du lieu de leur installation temporaire ; qu’elle ne restreint pas leur faculté de déterminer un domicile ou un lieu de résidence fixe pendant plus de six mois ; qu’elle n’emporte pas davantage obligation de résider dans la commune dont le rattachement est prononcé par l’autorité administrative ; que, par suite, les griefs tirés de ce que les articles 7 à 10 de la loi du 3 janvier 1969 porteraient atteinte à la liberté d’aller et de venir et au droit au respect de la vie privée doivent être écartés » (8).
Enfin, le second alinéa de l’article 102 du code civil, complété et modifié par l’ordonnance n° 58-923 du 7 octobre 1958, impose aux « bateliers et autres personnes vivant à bord d’un bateau de navigation intérieure immatriculé en France, qui n’ont pas le domicile correspondant à leur principal établissement ou un domicile légal, à choisir un domicile dans l’une des communes dont le nom figure sur une liste établie par arrêté ». Le batelier n’ayant, par définition, aucune demeure fixe, la loi lui assigne un domicile de droit en un point déterminé où il pourra exercer ses droits et où les tiers pourront valablement l’assigner.
1. L’accomplissement d’une formalité nécessaire à un objectif d’intérêt général ne porte pas atteinte à la liberté d’aller et venir
Dans les nombreuses réponses ministérielles relatives à l’avenir du dispositif de déclaration domiciliaire prévu par le droit local alsacien-mosellan, le Gouvernement a exprimé ses doutes sur le fait que les déclarations domiciliaires soient « compatibles avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel consacrant la liberté d’aller et venir » (9).
Cependant, on ne peut que remarquer que le Conseil, dégageant la liberté d’aller et venir comme une liberté constitutionnelle, considère qu’il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, « la sauvegarde des fins d’intérêt général ayant valeur constitutionnelle » (10) comme le maintien de l’ordre public, et, d’autre part, l’exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figure la liberté d’aller et venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (11). Ainsi les mesures de police administrative susceptibles d’affecter l’exercice des libertés constitutionnellement garanties, comme la liberté d’aller et venir, doivent être justifiées par un intérêt général.
Examinant la mise en place de fichier d’attestation d’accueil des étrangers, le Conseil constitutionnel a ainsi estimé que « la finalité des traitements automatisés de données nominatives que les maires peuvent instituer en leur qualité d’agents de l’État, en vertu de la disposition critiquée, est la lutte contre l’immigration irrégulière ; que cette finalité participe de la sauvegarde de l’ordre public qui est une exigence de valeur constitutionnelle ; que la loi renvoie à un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, le soin de fixer les garanties des personnes qui pourront faire l’objet du traitement automatisé, dans le respect de la loi du 6 janvier 1978 susvisée : qu’eu égard aux motifs qu’elle fixe pour la consultation des données nominatives, comme aux restrictions et précautions dont elle assortit leur traitement, notamment en prévoyant la limitation de la durée de leur conservation, la loi déférée opère, entre le respect de la vie privée et la sauvegarde de l’ordre public, une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée. » (12)
De la même manière, comme on l’a indiqué précédemment, lors de son examen de l’obligation d’inscription des gens du voyage dans une commune de rattachement, le Conseil constitutionnel a jugé que « cette obligation ne restreint ni la liberté de déplacement des intéressés, ni leur liberté de choisir un mode de logement fixe ou mobile, ni celle de décider du lieu de leur installation temporaire » pour estimer qu’il ne met pas en cause la liberté d’aller et venir des assujettis à cette formalité (13).
2. L’obligation de déclaration d’un changement de domicile non assortie de sanctions est nécessaire à la poursuite d’objectifs d’intérêt général
Cependant, si l’on estimait que l’obligation d’inscription sur le registre communal de domiciliation portait atteinte à une liberté publique, cette contrainte limitée par l’absence de sanction resterait justifiée par la poursuite d’objectifs d’intérêt général.
Si l’article 1er de la présente proposition de loi prévoit une obligation de déclarer tout établissement ou transfert de domicile auprès des services municipaux, il ne prévoit ni régime de sanction en cas d’absence d’exécution de cette formalité, ni délai pour effectuer cette déclaration.
Cependant, en modifiant les règles de preuve de domiciliation prévues par l’article 104 du code civil, cet article fait du « récépissé de déclaration de domicile » l’unique justification de domicile à produire pour l’accomplissement de toute formalité administrative. L’absence de déclaration empêcherait ainsi de bénéficier des services fournis au public nécessitant de prouver sa domiciliation.
L’étude précitée du Sénat (14) montre que l’obligation de déclaration domiciliaire existant dans les pays européens proches est généralement assortie d’un régime de sanctions reposant sur une peine d’amende ; seule la loi relative aux registres municipaux de la population aux Pays-Bas prévoit que le non-respect des opérations de déclaration est punissable également d’une peine de prison d’au plus six mois.
La Cour européenne des droits de l’homme a eu l’occasion d’examiner la comptabilité du régime russe d’enregistrement de la résidence (15) et a conclu que la condamnation à une amende et l’expulsion d’un ressortissant étranger séjournant en infraction avec ce régime de déclaration de domicile violaient le droit à la liberté de circulation, tel que le garantit l’article 2 du Protocole n° 4 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 16 septembre 1968 non pas en tant que tel, mais parce qu’il n’était pas prévu par la loi ; la Cour ne s’est ainsi pas prononcée sur la question de savoir si l’obligation d’enregistrement était nécessaire dans une société démocratique (16).
À rebours d’un tel exemple, le régime proposé par l’article 1er du présent texte apparaît ainsi respectueux du droit à la liberté d’aller et venir des personnes, car il repose avant tout sur une démarche incitative de simplification des démarches administratives postérieures et non sur un régime répressif, et conforme aux principes européens de défense des droits de l’homme, car il serait mis en place par un texte législatif poursuivant le double objectif d’intérêt général de simplification des démarches administratives et d’amélioration des conditions de gestion et de financement des collectivités territoriales.
3. La nécessité de préciser les finalités et les objectifs d’intérêt général d’un registre domiciliaire
Le cadre constitutionnel du droit des traitements de données à caractère personnel est désormais bien établi. Le Conseil constitutionnel s’assure du respect de la vie privée, en application de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (17). Il appartient au législateur, en vertu de l’article 34 de la Constitution, de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques. Il lui incombe notamment d’assurer la conciliation entre, d’une part, la sauvegarde de l’ordre public et la recherche des auteurs d’infractions, toutes deux nécessaires à la protection de principes et de droits de valeur constitutionnelle et, d’autre part, les autres droits et libertés constitutionnellement protégés (18) .
Dans sa décision du 22 mars 2012 sur la loi relative à la protection de l’identité, le Conseil constitutionnel a précisé la nature du contrôle exercé en matière de traitement de données à caractère personnel : « la liberté proclamée par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 implique le droit au respect de la vie privée ; que, par suite, la collecte, l’enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d’intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif » (19) .
Examinant récemment le projet de création d’un registre national de crédit aux particuliers (20), le Conseil a ainsi relevé que le registre était « destiné à recueillir et à conserver pendant plusieurs années des données précises et détaillées relatives à un grand nombre de personnes physiques débitrices », qu’il peut « être consulté à de très nombreuses reprises et dans des circonstances très diverses », que les établissements et organismes financiers seraient autorisés « à utiliser les informations collectées lors de la consultation du registre dans des systèmes de traitement automatisé de données » et que « le législateur n’a pas limité le nombre de personnes employées par ces établissements et organismes susceptibles d’être autorisées à consulter le registre », pour conclure « qu’eu égard à la nature des données enregistrées, à l’ampleur du traitement, à la fréquence de son utilisation, au grand nombre de personnes susceptibles d’y avoir accès et à l’insuffisance des garanties relatives à l’accès au registre », l’atteinte au droit au respect de la vie privée ne pouvait pas être regardée comme proportionnée au but d’intérêt général poursuivi par le législateur. En conséquence, cette disposition a été déclarée contraire à la Constitution.
Au regard de ce cadre, l’article 1er de la présente proposition de loi apporte plusieurs garanties :
– il ne prévoit pas la création d’un fichier national unique regroupant les informations nominatives de l’ensemble de la population, mais de 36 767 fichiers communaux (21) n’ayant pas à être interconnectés par des liens forts ;
– la gestion des registres, le droit d’accès et de rectification des personnes devront s’effectuer dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ;
– l’accès aux données nominatives sera limité aux agents chargés de la mise à jour du fichier et la diffusion de ces données à des personnes non autorisées à y accéder ou leur détournement sont passibles des peines prévues aux articles 226-16 à 226-24 du code pénal, soit cinq ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende.
Un amendement présenté par votre rapporteure a pour objectif de définir précisément et limitativement les finalités pour lesquelles ces données pourront être utilisées, afin de garantir que ce registre ne serve qu’à des objectifs d’intérêt général comme la planification des investissements, l’organisation des services rendus aux citoyens, la détermination de la population légale des communes et la répartition des dotations de l’État.
1. Le régime de preuve de domiciliation n’est plus adapté à la demande des citoyens dans une société de l’information
Attester de son domicile apparaît de plus en plus compliqué pour nos concitoyens, dans une période où la population est de plus en plus mobile : l’Insee estime que 11 % des Français déménagent chaque année (22) ; selon un baromètre Ifop cité par Le Figaro le 11 mars 2014 (23), 11 % des foyers français ont déménagé l’an dernier, et 16 % envisagent de changer de logement en 2014.
Depuis plusieurs années, des mécanismes ont été mis en place pour faciliter les démarches de nos concitoyens :
– le service public du changement d’adresse, mis en place par l’ordonnance n° 2005-395 du 28 avril 2005, permet aux personnes ayant déménagé de signifier aux administrations de l’État, aux collectivités territoriales, aux organismes gérant des régimes de protection sociale, aux personnes morales chargées de la fourniture de services postaux, de communications électroniques, d’électricité, de gaz ou d’eau ou chargées d’une mission de service public choisies sur une liste son changement d’adresse ; un tiers des personnes qui déménagent y auraient recours (24) ;
– le projet « dites-le nous une fois » : en application de l’article 4 de la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens, une ordonnance devrait permettre d’harmoniser les définitions, données et références utilisées lors des relations entre les administrations et le public, en vue de permettre les échanges d’informations ou de données et de donner accès aux informations ou aux données du public à tout organisme autorisé à en connaître ;
– le « traitement Charade » proposé commercialement par la Poste, qui identifie les anciennes adresses des personnes qui viennent de déménager et permet de connaître les habitants ayant quitté la commune ;
– les dispositions de l’article 6 modifié du décret n° 2000-1277 du 26 décembre 2000 portant simplification de formalités administratives et suppression de la fiche d’état civil (25) qui prévoient que les personnes physiques souhaitant accomplir des formalités administratives peuvent, sauf exceptions, déclarer leur domicile sans avoir à produire de pièce justificative. Par ailleurs, dans les cas qui font exception à l’absence d’obligation de production de telles pièces justificatives (26), les pièces justificatives comportant un dispositif technique en assurant l’authenticité (27) ne peuvent être refusées par les services chargés de l’instruction de ces procédures.
Cependant, votre rapporteure constate que ces dispositions rendent parfois malaisées la fourniture d’une preuve de domiciliation : les traditionnelles factures d’eau, d’électricité ou de téléphone sont de plus en plus souvent dématérialisées par les opérateurs et ne sont pas disponibles lors de l’emménagement ; de plus, elles ne comportent que le nom du titulaire de l’abonnement, et non de ceux des autres membres du foyer.
Aussi dans la majorité des cas, la domiciliation des usagers repose avant tout sur une déclaration plutôt que sur la fourniture d’une preuve, comme prévu par les articles 104 et 105 du code civil (28). Seule la confiance dans la bonne foi des personnes permet de prendre en compte leur nouvelle adresse de manière pratique.
Aussi le 2° de l’article 1er de la présente proposition de loi propose-t-il de modifier les règles de preuve de domiciliation prévues par l’article 104 du code civil en disposant que l’accomplissement de la déclaration de domiciliation donne lieu à la remise d’un récépissé par les services municipaux.
Ce « récépissé de déclaration de domicile » constituerait à l’avenir « l’unique justification de domicile à produire pour l’accomplissement de toute formalité » administrative. Les demandes d’attestation sur l’honneur de domicile, de fourniture de facture d’eau, d’électricité ou de téléphone, seraient dès lors remplacées par la production de ce seul récépissé.
Ainsi, afin de simplifier la preuve de domiciliation de nos concitoyens, l’inscription sur le registre de domiciliation de la commune ou de l’arrondissement serait désormais la seule formalité essentielle pour effectuer les démarches administratives nécessitant de justifier de son domicile.
L’article 2 de la proposition de loi prévoit que les personnes ayant établi leur domicile avant l’entrée en vigueur du présent texte – fixée au 1er janvier 2015 par l’article 6 – disposeraient d’un délai de trois ans, soit du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, pour procéder à la déclaration de domiciliation auprès des services municipaux.
Une note d’analyse du Centre d’analyse stratégique de mars 2007 (29) évaluait à 91 % le taux d’inscription sur les listes électorales, taux stable depuis le début des années 1980.
Cependant, à l’absence d’inscription, phénomène très étudié auquel la loi n° 97-1027 du 10 novembre 1997 a entendu lutter en permettant l’inscription d’office des personnes atteignant l’âge de dix-huit ans, s’ajoute un développement de la « mal inscription » évaluée à 28 % selon une étude réalisée dans une cité de Saint-Denis (30). Les déménagements fréquents, le partage des familles recomposées entre plusieurs résidences, l’inscription des étudiants dans la commune du domicile familial expliquent cet écart.
Aussi la présente proposition de loi permet d’apporter une réponse qui ne repose pas sur l’inscription d’office dans la commune de résidence – car il reste loisible de voter dans une autre commune, notamment où l’on est contribuable – mais sur une inscription mutualisée dans le registre de domiciliation et sur les listes électorales.
L’inscription unique sur le registre de domiciliation pourrait ainsi être mutualisée avec l’inscription sur d’autres fichiers détenus par les services communaux, et notamment sur les listes électorales, sans pour autant nécessiter de fusionner ces différents fichiers (31), ce qui permettrait de limiter les cas de non inscription ou de mal inscription sur les listes électorales.
Si la mise en place d’une déclaration de domicile pourrait ainsi simplifier la vie de nos concitoyens, elle permettra aussi d’améliorer les modalités de financement et de gestion des communes et des services communaux, en donnant une vision plus exacte de la population qui est établie sur le territoire communal.
La connaissance de sa population est un enjeu majeur pour les autorités communales et aujourd’hui un objectif majeur du recensement de la population.
L’article 156 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité fixe comme premier objectif du recensement de la population la publication tous les ans des chiffres des populations légales : population municipale, population comptée à part et population totale. Ces chiffres sont calculés pour la France, toutes ses communes et circonscriptions administratives. La responsabilité du calcul des populations légales est confiée à l’Insee.
La définition des populations légales a été déterminée par le décret n° 2003-485 du 5 juin 2003.
La population municipale comprend les personnes ayant leur résidence habituelle sur le territoire de la commune. Elle inclut les personnes sans abri ou résidant habituellement dans des habitations mobiles recensées sur le territoire de la commune ainsi que les détenus dans les établissements pénitentiaires de la commune. C’est la population statistique comparable à la population sans double compte des précédents recensements.
La population comptée à part comprend certaines personnes dont la résidence habituelle est dans une autre commune mais qui gardent un lien de résidence avec la commune. Elle comprend, par exemple, les élèves ou étudiants majeurs qui logent pour leurs études dans une autre commune mais dont la résidence familiale est située sur le territoire de la commune ou les personnes résidant dans une maison de retraite située dans une autre commune mais qui ont conservé une résidence familiale sur le territoire de la commune.
La population totale est la somme de la population municipale et de la population comptée à part.
Les populations légales de toutes les collectivités territoriales et de toutes les circonscriptions administratives sont établies annuellement et authentifiées par décret.
Près de 350 articles de lois ou de codes se réfèrent à la population de chaque circonscription administrative. Ils concernent l’organisation des communes comme la vie quotidienne : les dotations de l’État aux communes, le nombre de conseillers municipaux, les conditions d’implantation des pharmacies, la constitution de communautés d’agglomération, les barèmes de certaines taxes (publicité, jeux, spectacles, débitants de boissons...), etc.
Depuis 2004, les modalités de recensement ont évolué (32) :
– les communes de 10 000 habitants ou plus font l’objet tous les ans une enquête par sondage auprès de 8 % des adresses répertoriées ; le principe du calcul consiste à faire la somme des observations des cinq dernières années, puis à en déduire la commune tout entière en se référant au nombre de logements du milieu de la période, connu par le répertoire d’immeubles localisés (Ril).
– les communes de moins de 10 000 habitants font l’objet d’une enquête de recensement exhaustif tous les cinq ans, à raison d’un cinquième des communes chaque année ; l’Insee détermine les populations légales par extrapolation ou interpolation des résultats obtenus par l’enquête de recensement la plus récente. Ces calculs consistent, pour l’extrapolation, à prolonger des tendances observées en s’appuyant sur le nombre de logements fourni par la taxe d’habitation, et, pour l’interpolation, à établir les chiffres intermédiaires entre deux années dont on connaît les populations.
Cependant, les résultats obtenus par ces méthodes vont l’objet de critiques récurrentes.
Les communes frontalières font souvent valoir qu’un certain nombre de résidents étrangers vivent à l’année dans une résidence présentée comme secondaire et, dans les faits, doivent bénéficier des services municipaux, occasionnant autant de charges pour les communes.
D’autres communes – une dizaine par an selon le directeur général de l’Insee (33) – contestent les chiffres de population légale, tels qu’établis par les enquêtes de l’Insee. Par exemple, le maire de Grigny en Essonne, M. Philippe Rio, dénonce ainsi des erreurs dans le recensement de ses habitants, à l’origine d’importantes pertes de dotations publiques.
L’Insee prend en compte ces critiques et réalise parfois des enquêtes complémentaires. En outre, des réflexions sont en cours sur l’utilisation de données provenant des fichiers détenus par d’autres administrations, des fichiers fiscaux ou du répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS) institué par l’article 138 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 créant l’article L. 114-12-1 du code de la sécurité sociale, permettant d’affiner les résultats tirés des enquêtes de terrain.
Si l’Insee pourrait prendre en compte les chiffres tirés des registres de domiciliation, il a rappelé qu’un règlement européen lui imposait désormais la réalisation d’une enquête exhaustive décennale (34). Il observe également que l’utilisation des fichiers de domiciliation pose un problème de doubles comptes, les personnes déménageant à l’étranger négligeant de se désinscrire : le recensement effectué en Allemagne en 2011, le premier depuis la réunification, a montré que ce pays comptait 1,5 million d’habitants de moins qu’estimé et sensiblement moins d’étrangers : la population allemande a été revue à 80,2 millions d’habitants au 9 mai 2011, contre une précédente estimation à 81,7 millions d’habitants.
Aussi l’article 1er de la proposition de loi prévoit de réécrire l’article 105 du code civil afin de prévoir les modalités de tenues par les services communaux d’un registre recensant les personnes ayant déclaré établir leur domicile sur le territoire de la commune ou de l’arrondissement.
Les informations nominatives seraient l’identité des personnes (noms et prénoms), leur date de naissance et leur adresse, ainsi que celles « des personnes qui composent leur foyer » – permettant par là même à une personne d’effectuer la déclaration pour l’ensemble des membres de son foyer.
La gestion de ces données nominatives s’effectuerait dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Les personnes intéressées disposeraient ainsi d’un droit d’accès et de rectification des données nominatives les concernant, mais non d’un droit d’opposition à figurer au sein de ce fichier.
Ces données ne seraient ni communicables ni transmissibles à des tiers ; la diffusion à des personnes autres que celles chargées de la gestion du registre seraient punies des peines prévues par les articles 226-16 à 226-24 du code pénal réprimant les atteintes aux droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques, soit cinq ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende.
Les communes doivent réaliser des investissements nécessitant de pouvoir planifier à moyen terme l’importance et la répartition de la population qui va devoir bénéficier de ces services publics.
Ainsi, la construction d’un ensemble scolaire nécessite de pouvoir anticiper sur une durée d’utilisation de cet équipement le nombre d’enfants en âge d’être scolarisés.
Par exemple, selon le maire de Grigny M. Philippe Rio (35), 644 enfants, pourtant scolarisés dans les écoles de la ville, n’apparaissent pas dans les chiffres de la population légale issus des recensements de l’Insee, soit environ 17 % des effectifs.
Une fois constitués, les fichiers de domiciliation communale pourraient permettre aux élus de connaître, de manière anonyme, la répartition exacte par tranche d’âge des populations présentes ainsi que les évolutions constatées en temps réel, permettant ainsi de mieux mesurer les besoins présents et futurs des habitants et de prévoir les services à la population.
La population légale établie par l’Insee et authentifiée par décret est un critère essentiel d’attribution des dotations de l’État ; elle conditionne aussi souvent l’accès à certains régimes de subventions.
La dotation globale de fonctionnement (DGF) est la principale dotation globale et libre d’emploi destinée à pourvoir aux charges de fonctionnement des collectivités territoriales. La répartition de la DGF tient compte de critères légaux qui correspondent aux caractéristiques physico-financières de la commune, et de compensations et garanties notamment liées à la réforme de la fiscalité locale.
Conformément à la loi n° 93-1436 du 31 décembre 1993 portant réforme de la dotation globale de fonctionnement et modifiant le code des communes et le code général des impôts et au décret n° 94-366 du 10 mai 1994, la DGF des communes est composée d’une dotation forfaitaire (articles L. 2334-7 à L. 2334-12 du code général des collectivités territoriales) et d’une dotation d’aménagement (articles L. 2334-13 et L. 2334-14 du même code).
La dotation forfaitaire des communes, qui a atteint 13,269 milliards d’euros en 2013 se décompose elle-même en cinq parts :
– une dotation de base qui varie de 64,46 euros à 128,93 euros par habitant en fonction de la strate démographique des communes ;
– une part proportionnelle à la superficie égale à 3,22 euros par hectare en 2013 ;
– une part « compensations » correspondant à l’ancienne compensation « part salaires » de la taxe professionnelle ainsi qu’à la compensation des baisses de dotation de compensation de la taxe professionnelle supportées par certaines communes entre 1998 et 2001 ;
– un complément de garantie qui connaît en 2013 un écrêtement moyen de 2,24 %, représentant un montant d’environ 110 millions d’euros ;
– enfin une dotation « parcs nationaux et naturels marins ».
L’article L. 2334-2 du code général des collectivités territoriales dispose que la population prise en compte pour le calcul de la DGF est la population Insee, annualisée chaque année, majorée, sauf disposition particulière, d’un habitant par résidence secondaire et d’un habitant par place de caravane située sur une aire d’accueil des gens du voyage.
La population est celle déterminée en fin d’année précédente, établie en référence aux enquêtes effectuées deux années auparavant, ce qui engendre un décalage de trois ans entre la réalité de la variation de la population constatée par l’Insee et sa prise en compte dans l’attribution des dotations.
Selon les chiffres communiqués à votre rapporteure par la direction générale des collectivités locales (36), sur un montant global de 40 milliards d’euros de DGF, 12,5 milliards correspondent aux dotations de base des communes, établissements publics de coopération intercommunale et départements attribués selon le seul critère de la population (37). À cela s’ajoutent 6,9 milliards de dotations pour lesquelles la population est un critère d’attribution parmi d’autres (38). En outre, la population intervient dans le calcul du potentiel financier, qui permet de bénéficier de certains versements. Enfin, l’appartenance à certaines strates démographiques ouvre le bénéfice de certaines dotations comme celles composant la dotation d’équipement des territoires ruraux.
Aujourd’hui certaines communes s’estiment lésées par ce mode de calcul. Ainsi, par exemple, le maire de Grigny estime que la sous-estimation de 4 000 habitants de sa population minore chaque année de 1,5 million d’euros les dotations que lui verse l’État (39), alors que ses charges correspondent à celle d’une commune de 30 000 habitants.
Ce mode de calcul est également particulièrement dommageable à certaines communes frontalières, devant supporter les charges liées à une forte population de travailleurs frontaliers tout en ne bénéficiant pas des ressources correspondantes.
Si les résidents secondaires sont pris en compte dans l’attribution de la DGF, cela ne l’est que de manière minorée, pour un habitant supplémentaire par foyer. Cette minoration n’est pas sans conséquence dans certaines zones frontalières, où les facilités de transport permettent à des personnes travaillant à l’étranger de déclarer leur résidence en France comme secondaire, alors même qu’ils l’occupent à l’année, par crainte de perdre le bénéfice des régimes sociaux et fiscaux dont ils bénéficient en étant officiellement résidents de l’autre côté de la frontière.
De la même manière, ces personnes ne sont pas prises en compte dans l’attribution des « fonds frontaliers ». Depuis l’accord fiscal signé à Genève le 29 janvier 1973 entre le gouvernement français et le Conseil fédéral suisse, sur chaque salaire de travailleur frontalier imposé à la source, le canton de Genève rétrocède 3,5 % de la masse salariale aux départements de l’Ain et de la Haute-Savoie. 60 % de ces fonds sont ensuite reversés aux communes au prorata du nombre de frontaliers installés sur leur territoire. Ces fonds ont représenté 217 millions d’euros en 2013 (40). N’étant pas déclaré comme domicilié et travailleur frontalier, les « faux résidents secondaires » ne font pas bénéficier leur commune de résidence de cette compensation.
C’est pourquoi l’article 4 de la présente proposition de loi prévoit qu’à compter de l’attribution des dotations pour l’année 2018, les chiffres déduits du registre des personnes domiciliées servent de base à la détermination de la population légale de chaque commune, en lieu et place de la population majorée DGF prévue par l’article L. 2334-2 du code général des collectivités territoriales.
Lors de sa séance du mercredi 9 avril 2014, la Commission procède à l’examen de la proposition de loi, sur le rapport de Mme Virginie Duby-Muller.
Après l’exposé de la rapporteure, une discussion générale s’engage.
M. Philippe Gosselin. Nous constatons bien dans nos communes que l’article 104 du code civil n’est pas appliqué. La proportion de la population déménageant chaque année est variable selon les endroits, mais tous les maires, y compris ceux de petites localités, savent bien qu’il est parfois difficile de connaître certains habitants qui ne se manifestent pas auprès des services publics, n’ont pas d’enfants scolarisés, ne se rendent pas à la mairie, etc.
Sur les listes électorales également, certaines personnes qui ne se sont pas réinscrites ailleurs devraient néanmoins être radiées. Le flottement qui peut exister à ce niveau fausse les chiffres de la participation.
Les municipalités ont assurément besoin d’avoir une connaissance plus fine de la population afin de mieux apprécier les besoins en services publics, les créations de crèches, les ouvertures de classes. Cette connaissance présente aussi un intérêt pour le calcul des dotations.
Comme je l’avais décrit, sous la précédente législature, dans un rapport d’information sur la nouvelle méthode de recensement de la population, les villes de plus de 10 000 habitants font désormais l’objet d’un recensement par sondage, tandis que les communes de moins de 10 000 habitants conservent une enquête de recensement classique réalisée tous les cinq ans. La proposition de loi permettra de remédier à nombre de difficultés soulevées par cette nouvelle méthode.
Mais, en tant qu’ancien membre de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés), je me dois de souligner le danger que représenterait la constitution d’un grand fichier national des individus façon Big Brother. Il conviendra d’ajuster le dispositif avec finesse.
Je suis néanmoins tout à fait favorable à ce texte, sachant que nous devrons examiner avec soin le décret d’application prévu à l’article 5.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Ce texte visant à instituer une obligation de déclaration de domiciliation auprès des communes pose divers problèmes.
La création d’un fichier communal partagé ou interconnecté soulève des questions d’ordre juridique et d’ordre technique.
D’un point de vue juridique, la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés dispose que la constitution de tout fichier doit répondre à une finalité précise. Un fichier ne saurait être utilisé à divers effets. Or la variété des usages possibles de ces registres, tout comme la multiplicité des destinataires – prestataires et groupements de communes, entre autres –, ne garantissent ni la confidentialité des données ni leur sécurité. Même si l’amendement CL3 de la rapporteure en décrit certains usages et traitements potentiels, il n’en demeure pas moins qu’aucune finalité explicite n’est précisée
Le texte contrevient ainsi à l’esprit et à la lettre de l’article 6 de la loi précitée, qui pose des obligations et des contraintes différentes selon le choix de traitement et d’utilisation de cette base de données. Soit il s’agit de fichiers locaux, dont les données sont échangeables entre communes, auquel cas il convient de préciser les destinataires explicitement désignés pour en obtenir régulièrement communication ainsi que les tiers autorisés ayant qualité pour les recevoir de façon ponctuelle et motivée. Soit il s’agit de fichiers locaux interconnectés dans une base nationale, ce qui suppose un système d’information commun aux communes, ainsi que la gestion et la mise en place des systèmes, des logiciels et de la formation des utilisateurs autorisés à accéder aux données. Dans les deux cas, nous considérons que la mise en place de cette déclaration de domiciliation et la constitution de fichiers auront nécessairement un coût important, notamment en termes d’ETP (équivalents temps plein) dans les mairies, sans garantie significative d’une amélioration des performances dans les missions statistiques dévolues à l’INSEE.
Il est prétendu que l’absence de déclaration de domiciliation ne sera pas soumise à sanction. Mais le récépissé de déclaration sera indispensable pour le raccordement aux différents réseaux, l’inscription sur les listes électorales, l’inscription des enfants à la crèche, à l’école, à des activités périscolaires ou culturelles. La privation de l’accès à des biens et services d’intérêt général est une sanction qui ne dit pas son nom ! Si tel n’était pas le cas, d’ailleurs, la déclaration de domiciliation resterait facultative et cette proposition de loi deviendrait inutile.
Si l’esprit de ce texte peut répondre à des difficultés spécifiques – notamment celles que posent les faux résidents des communes des régions frontalières –, les dispositions semblent cependant disproportionnées et laissent planer de vastes incertitudes juridiques et techniques.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. À cet égard, pour reprendre l’un des éléments évoqués par Mme Chapdelaine, il nous faudra vérifier que le texte ne tombe pas sous le coup de l’article 40 de la Constitution en créant des charges pour les communes. Je saisirai le président de la commission des Finances à ce sujet conformément à la pratique initiée par mon prédécesseur, M. Jean-Luc Warsmann.
M. Jacques Bompard. Si, en tant que maire, je trouve la proposition de loi intéressante, le caractère facultatif de la déclaration lui ôte une grande partie de son intérêt. La redistribution sociale, dont notre pays est le champion du monde, est entachée par de nombreuses escroqueries aux organismes sociaux. Un registre de la population communale serait un instrument de lutte contre ces escroqueries. On opposera à une telle initiative l’argument des libertés, mais trop de liberté tue la liberté ! La liberté du truand détruit la liberté des honnêtes gens !
Bref, ce texte va dans la bonne direction mais ne va pas assez loin. En l’état, je crains qu’il ne serve à rien, sinon à provoquer de nouvelles dépenses pour des collectivités locales qui sont déjà soumises à bien des charges inutiles !
M. Daniel Gibbes. Les dispositions de ce texte, auquel je suis favorable, sont peut-être encore plus pertinentes pour les outre-mer que pour l’hexagone. Je regrette que Mme Chapdelaine n’ait pas pris cet aspect en compte dans son propos. L’adressage est chez nous un véritable casse-tête et il rend le recensement inefficace. La proposition de loi permettrait de résoudre en partie ce problème. À Saint-Martin, dit-on par plaisanterie, les boîtes postales sont nombreuses sur les arbres ! En outre, la frontière entre la partie néerlandaise et la partie française de l’île est ouverte et certains résidents de la partie néerlandaise viennent inscrire leurs enfants à l’école du côté français. Ce texte offrira un cadre législatif plus efficace et plus clair que ce qui existe aujourd’hui. Il permettrait aussi, comme l’a souligné Philippe Gosselin, le « nettoyage » des listes électorales.
M. Hugues Fourage. Je discerne mal l’intérêt d’une telle proposition de loi. Les dispositions en vigueur offrent déjà une certaine souplesse. Le code civil prévoit la possibilité d’une déclaration de changement de domicile en mairie, dont résultera la preuve de l’intention.
Sans doute la volonté d’affiner la connaissance de la population est-elle louable, mais il peut exister aussi des intentions malignes de contrôle des populations, en contradiction avec les principes républicains.
Le dispositif proposé n’ajoute rien au régime actuel dans la mesure où il ne prévoit pas de sanction. Quelle sera, dans ces conditions, l’effectivité de la règle de droit ?
L’article 2, quant à lui, fait obligation aux personnes déjà établies dans une commune de déclarer leur domiciliation dans les trois années après la date d’entrée en vigueur du texte. On le sait, beaucoup de nos concitoyens ne s’inscrivent pas sur les listes électorales. Quid de ceux qui n’iront pas faire cette déclaration à la mairie, sachant que le récépissé sera un sésame pour nombre de services ? Enfin, le texte est muet sur ce qu’il adviendra si une mairie refuse une déclaration.
M. Philippe Gosselin. Nous pourrons l’amender sur ce point.
M. Hugues Fourage. Quand on voit les possibilités qu’exploitent certaines municipalités, je crains pour les libertés publiques !
Je trouve préférable la procédure existante qui permet aux municipalités de demander une analyse de leur DGF. S’agissant de la planification des investissements, veut-on laisser entendre que les élus municipaux ne connaissent pas leurs administrés et leur territoire ? Le dispositif proposé me semble disproportionné !
Sur le plan pratique, il provoquerait un surcroît de travail considérable pour les services de l’état civil. L’initiative risque de se traduire, non pas par un choc de simplification, mais par un choc de complication pour nos concitoyens.
M. Gilbert Collard. Jusqu’à quand va-t-on fatiguer les textes pour rien ? Voilà encore une proposition de loi qui n’est accompagnée d’aucune sanction. C’est ainsi que l’on use la législation tout en compliquant la vie des Français. Viendra un moment où les textes n’auront plus aucun sens. Du point de vue de la philosophie du droit, cette décadence de l’écrit législatif est très grave.
Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Des dispositifs similaires existent déjà dans de nombreux pays et ne posent pas de problèmes majeurs. J’entends bien les inquiétudes qui se sont exprimées et les interrogations quant aux difficultés d’application, mais je rappelle qu’il ne s’agit nullement de constituer un fichier national. Les fichiers communaux que nous proposons feront éventuellement l’objet d’interconnexions pour permettre des mises à jour régulières, sans quoi ils perdraient tout intérêt. Tout le dispositif devra respecter les conditions fixées par la loi « Informatique et libertés » et édictées par la CNIL, dont nous avons d’ailleurs auditionné les représentants.
Les finalités de ces fichiers sont en effet énumérées de façon précise par mon amendement CL3, madame Chapdelaine, de manière à répondre aux exigences que vous rappeliez.
Quant à la question des charges nouvelles qui seraient la conséquence de la proposition de loi, monsieur le président, il apparaît qu’il s’agit seulement de coûts de gestion ; dès lors le texte ne risque pas de tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution.
Enfin, même s’il n’est pas prévu de sanction, la mesure revêt un caractère contraignant dès lors que la déclaration donne lieu à la remise d’un récépissé sans lequel la personne ne peut effectuer différentes démarches administratives – inscription des enfants à l’école, à la crèche, etc.
J’ai bien entendu, monsieur Gibbes, ce que le dispositif pourrait apporter aux collectivités d’outre-mer.
Vous avez, parlé, monsieur Fourage, d’« intentions malignes de contrôle des populations ». L’histoire de notre pays nous a en effet appris à nous méfier des risques que peuvent présenter les fichiers de personnes. Mais le texte renvoie aux sanctions prévues par le code pénal en cas de détournement des fichiers communaux.
Il est du reste paradoxal de se réclamer, comme vous le faites, des grands principes républicains tout en réclamant que l’on prévoie une sanction pour les personnes qui ne font pas cette déclaration.
M. Hugues Fourage. Je ne réclame rien !
Mme la rapporteure. Enfin, le dispositif a pour autre avantage de permettre de dresser un état des lieux précis de la population et, partant, d’améliorer l’investissement en matière de services publics.
La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.
Article 1er
(art. 103 à 105 du code civil)
Mise en place d’une déclaration de domiciliation en mairie
Le présent article propose de réécrire les articles 103 à 105 du code civil, relatifs au changement de domicile des personnes, afin de les remplacer par un mécanisme de déclaration en mairie avec délivrance d’un récépissé.
A. LES DISPOSITIONS EN VIGUEUR RÉGISSANT LE DOMICILE AU SEIN DU CODE CIVIL
1. La notion de domicile
Aux termes de l’article 102 du code civil, « le domicile de tout Français quant à l’exercice de ses droits civils est au lieu où il a son principal établissement ».
En conséquence, toute personne ne peut avoir légalement qu’un seul domicile, au lieu du principal établissement. Cependant, en certaines matières, notamment électorale, commerciale et fiscale, le législateur a prévu que les modalités de détermination du domicile pourraient obéir à des règles propres.
La détermination du lieu de ce principal établissement d’une personne est essentiellement une question de fait qui est laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond (41). Dès lors, la doctrine (42) juge extrêmement difficile de dégager les éléments constitutifs de la notion de principal établissement puisque cette question ne peut être résolue par les tribunaux que d’après les circonstances particulières à chaque espèce. C’est l’intéressé, en choisissant son activité, son mode de vie, qui détermine, en même temps, son domicile, lui-même d’ailleurs souvent confondu avec la résidence. Le principal établissement est donc le centre des affaires, des activités, des intérêts de la personne. Il peut s’agir tout simplement de la résidence, du lieu où elle a tissé des relations de famille, de celui de l’exercice de ses fonctions et de ses intérêts matériels, ou encore, du lieu où l’intéressé exerce certains droits, par exemple, celui où il vote, ou, enfin, de celui où il remplit certaines obligations, par exemple, celui où il paie ses impôts. Mais tout ceci ne constitue généralement que des indices laissés au pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond, à défaut de manifestation expresse ou tacite de volonté de l’intéressé. En effet, en plus de cet élément matériel, la détermination du domicile volontaire comporte un élément intentionnel qui apparaît nettement en cas de changement de domicile.
Le domicile est ainsi une notion distincte de celle de « résidence habituelle », qui se définit aussi comme le lieu où l’intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre habituel de ses intérêts et qui est notamment utilisée en matière de droit international privé (43).
La jurisprudence attache une grande importance à l’habitation réelle en un lieu déterminé, car il est bien évident que le fait de résider à un endroit donné constitue déjà, en soi, un fait susceptible de révéler l’intention d’une personne d’y fixer son principal établissement. Ainsi, ont été retenus comme des indices révélant l’intention d’une personne de fixer son domicile en un lieu déterminé, le fait d’occuper une propriété importante pendant la majeure partie de l’année (44) ou encore, le fait d’avoir aménagé un appartement avec un certain confort (45). En revanche, lorsque l’intéressé habite à l’hôtel, cette résidence, quelle que soit sa durée, n’a ici aucune valeur, car elle ne présente pas une stabilité suffisante (46). Enfin, un lieu de détention ne saurait constituer le principal établissement d’un détenu au sens de l’article 102 du code civil (47).
Pour rechercher quel est le principal établissement d’une personne, les tribunaux tiennent compte également des relations de famille que cette personne peut avoir en un lieu déterminé. Ainsi, par exemple, pour découvrir entre plusieurs résidences laquelle constitue le domicile, la jurisprudence s’attachera au fait qu’en tel endroit, l’intéressé a installé sa famille (48).
Le fait de posséder des intérêts matériels importants en un lieu donné constitue un indice qui, très souvent, a une influence prépondérante, car les tribunaux estiment, à juste titre, que la personne a fréquemment son principal établissement au lieu même où elle est appelée à avoir le centre de ses intérêts pécuniaires. Ainsi a-t-il été jugé qu’une personne a son principal établissement à l’endroit où elle exerce sa profession (49).
La jurisprudence prend souvent en considération le lieu où une personne a le siège de sa fortune : notamment, a-t-il été décidé que, lorsqu’une personne possède en Argentine les principaux éléments de sa fortune, on ne peut considérer qu’elle a son domicile en France bien qu’elle y ait vécu la majeure partie de son existence dans un immeuble lui appartenant (50).
Le fait d’être inscrit sur les listes électorales dans une circonscription administrative donnée est souvent retenu par les tribunaux pour attester la volonté de l’intéressé de fixer en ce lieu son principal établissement (51), à condition que cette inscription se trouve confirmée par une habitation réelle au même endroit (52)
En revanche, des liens matériels et moraux, pécuniaires et sentimentaux avec une commune ne caractérisent pas le domicile réel. Le paiement des impôts en un lieu donné est un indice qui, confirmé par d’autres, permet aux tribunaux de retenir ce lieu comme étant le domicile de l’intéressé (53).
Selon la doctrine, l’examen de la jurisprudence fait apparaître une double constatation : le juge attache une grande importance au fait de l’habitation, surtout lorsque l’intéressé y séjourne depuis de longues années, tandis que le fait d’exercer en un lieu déterminé certains droits civils et politiques paraît être souvent une circonstance secondaire à laquelle la jurisprudence ne s’attache que pour confirmer d’autres indices concordants.
Pour le domicile commercial, pour déterminer le lieu du principal établissement, il faut chercher, non pas le domicile d’habitation, mais l’endroit de l’activité professionnelle principale, et entre plusieurs établissements commerciaux appartenant à la même personne celui qui est le principal. Les juges du fond apprécient souverainement les éléments qui leur seront fournis. Ainsi ils peuvent considérer que le domicile secondaire de nature commerciale n’a plus ce caractère du fait de la cessation de toute exploitation. Pour les personnes morales, le domicile est au siège social fixé par les statuts. En cas de transfert du siège social réalisé avant la date d’une assignation, c’est le juge du nouveau siège qui doit être saisi.
2. L’existence d’un régime déclaratif de changement de domicile
L’article 103 du code civil prévoit actuellement que « le changement de domicile s’opère par le fait d’une habitation réelle dans un autre lieu ou à l’intention d’y fixer son principal établissement ».
Dans certains actes de la vie courante, une personne peut ainsi être amenée à se déclarer elle-même domiciliée à tel endroit. En principe, cette manifestation de volonté peut être retenue par les tribunaux pour décider que cette personne a eu l’intention de fixer en ce lieu son principal établissement (54). Ainsi, par exemple, a-t-il été jugé qu’une déclaration faite à la mairie, sans réunir cependant les conditions exigées par l’article 104 du code civil pour faire la preuve du changement de domicile, atteste la volonté de l’intéressé de fixer son principal établissement sur le territoire de la commune (55).
Dans ce cadre, les juges du fond apprécient souverainement les faits constitutifs du changement de domicile. Aussi le domicile principal se conserve tant que l’intention d’en adopter un nouveau n’est pas établie. Mais l’intention seule de changer de domicile n’opère pas transfert de celui-ci si elle n’est pas suivie d’une habitation de fait réelle.
En cas de déclaration de changement de domicile tardivement souscrite à la seule mairie du lieu où l’intéressé se prétend domicilié, sans qu’ait été effectuée une déclaration à la mairie du lieu qu’il quittait, les juges du fond peuvent décider que le changement de domicile n’est pas établi. Car, aux termes de l’article 104 du code civil, « la preuve de l’intention résulte d’une déclaration expresse faite, tant à la municipalité du lieu que l’on quitte, qu’à celle du lieu où l’on a transféré son domicile ». La preuve de l’habitation réelle résulte de circonstances dont le juge est le souverain appréciateur.
Les circonstances doivent ainsi à la fois témoigner de l’abandon complet de l’ancien domicile et de l’adoption définitive du nouveau.
Ce régime de l’article 104 du code civil implique ainsi une simple déclaration en mairie. Cependant, il reste essentiellement utilisé à des fins probatoires, lorsqu’une personne est confrontée à une contestation de sa domiciliation.
3. Le recours aux circonstances en l’absence de déclaration expresse
En l’absence d’accomplissement des formalités permettant de déterminer l’élection d’un domicile légal, l’article 105 du code civil prévoit que « la preuve de l’intention dépendra des circonstances ». C’est ainsi au juge du fond de déterminer, le cas échéant, quel est le domicile réel d’une personne.
Ainsi, à défaut de déclaration expresse, l’intention d’un changement de domicile dépend des circonstances qui doivent témoigner à la fois de l’abandon complet de l’ancienne résidence et de l’adoption définitive de la nouvelle (56). Le juge du fond doit faire connaître les circonstances qui lui paraissent démontrer l’intention de changer de domicile de la personne considérée (57).
Il reste, en conséquence, que sont à prouver pour établir le changement de domicile :
– le fait de l’habitation réelle dans un lieu nouveau ;
– l’intention d’y fixer son principal établissement : à défaut de la preuve prévue par la loi, tout mode de preuve est possible.
L’habitation réelle dans un autre lieu est une condition nécessaire. L’intention seule de changer de domicile, même lorsqu’elle est manifestée par la double déclaration mentionnée à l’article 104 du code civil, n’opère point translation du domicile, tant qu’elle n’est pas suivie du fait d’une habitation réelle dans le lieu du domicile déclaré, car « l’intention qui n’est point accompagnée de fait ne peut indiquer qu’un projet sans issue » (58). La jurisprudence, à juste titre, se montre très rigoureuse sur ce point. Elle ne se contente pas d’un transfert de résidence purement formel ; elle exige une habitation réelle (59). Ainsi, par exemple, a-t-il été jugé qu’une personne ne peut pas être considérée comme ayant transféré son domicile dans une maison lorsqu’elle s’est bornée à louer ce local et que – sans jamais y habiter – elle s’est contentée d’y déposer des meubles et de clouer la porte une fois le dépôt effectué (60). En revanche, pour opérer un changement de domicile, il n’est pas indispensable que la fixation de la nouvelle habitation ait déjà duré depuis un certain temps : le transfert a lieu immédiatement dès que sont réunies les conditions exigées par la loi.
Toutefois, la continuité de l’habitation au lieu du nouveau domicile est un indice pour les tribunaux qui y voient souvent la preuve que l’intéressé a eu l’intention de fixer son principal établissement à sa nouvelle résidence (61). Le changement de résidence, en soi, ne saurait à lui seul faire la preuve de l’intention de fixer en un autre lieu le principal établissement ; la Cour de cassation n’a pas manqué de rappeler que « s’il appartient au juge du fond de déterminer et d’apprécier les circonstances desquelles résulte la preuve de cette intention, il ne saurait, toutefois, faire ressortir exclusivement cette preuve, soit de faits qui ne sont que la conséquence directe de la résidence que la loi permet de maintenir distincte du domicile, soit de l’usage des droits qu’elle rattache à la résidence même » (62).
Pour le cas d’un citoyen étranger vivant en France, le fait de ne plus avoir de domicile à l’étranger implique nécessairement son intention de fixer son principal établissement en France (63).
4. La possibilité d’élire un domicile légal
En application de l’article 111 du code civil, il reste cependant loisible aux personnes, d’élire dans le cadre d’un acte, pour un jugement ou pour l’instruction d’un procès un domicile légal différent de leur domicile réel pour l’exécution de cet acte ou procédure et des procédures subséquentes. Dans ce cadre, « les significations, demandes et poursuites relatives à cet acte, pourront être faites au domicile convenu, et, sous réserve des dispositions de l’article 48 du code de procédure civile, devant le juge de ce domicile » (64).
5. L’imposition d’un domicile légal
Pour certaines catégories de personnes, le législateur a prévu l’imposition d’un domicile légal ou l’obligation d’élire domicile dans une liste restreinte de communes.
Ainsi les mineurs sont domiciliés chez les parents avec lesquels ils résident (65) ; le majeur en tutelle est domicilié chez son tuteur (66) ; les préposés logés au domicile de leur employeur y auront leur domicile (67).
Les personnes ne disposant pas de domicile fixe relèvent de régimes distincts leur permettant ou leur imposant un domicile légal.
Ainsi les bateliers doivent élire domicile dans une commune choisie sur une liste fixée par arrêté ministériel (68), ou se voir imposer comme domicile le siège de l’entreprise qui exploite le bateau (69).
De la même manière, les gens du voyage doivent être domiciliés au sein d’une commune de rattachement, auprès de laquelle ils peuvent bénéficier de tout ou partie des effets attachés au domicile (70).
Par ailleurs, les articles L. 264-1 à L. 264-5 du code de l’action sociale et des familles (71) permettent aux personnes sans domicile stable d’élire domicile auprès d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale ou d’un organisme agréé, pour une durée limitée et renouvelable de droit, afin de pouvoir bénéficier des prestations et exercer leurs droits civiques.
B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE PRÉSENT ARTICLE
L’article 1er réécrit les articles 103, 104 et 105 du code civil afin de remplacer le régime de changement de domicile existant, reposant sur la modification de l’habitation réelle accompagnée de la volonté de fixer son principal établissement au sein d’une autre commune, par un régime déclaratif du changement de domicile auprès des services municipaux.
Si la déclaration de domiciliation serait obligatoire, mais le fait de ne pas accomplir cette nouvelle formalité ne serait pas sanctionnée. Toutefois, l’absence de déclaration et de récépissé de celle-ci empêcherait l’accomplissement de l’ensemble des formalités administratives nécessitant de justifier de son domicile.
1. L’obligation de déclaration d’établissement ou de transfert du domicile
La nouvelle rédaction proposée pour l’article 103 du code civil établit une obligation pour la personne qui « établit ou transfère son domicile » d’en faire la déclaration auprès de la mairie de la commune concernée ou de la mairie d’arrondissement à Paris, Lyon et Marseille.
De la même manière, le changement de domicile au sein de la même commune ou du même arrondissement doit faire l’objet d’une déclaration aux services municipaux.
Si cette rédaction créée une obligation de déclaration, elle ne prévoit ni régime de sanction en cas d’absence d’exécution de cette formalité, ni délai pour effectuer cette déclaration.
Les services municipaux récipiendaires de la déclaration de domiciliation devraient en informer, le cas échéant, la commune ou l’arrondissement où la personne était précédemment domiciliée, aux fins de radiation de cette inscription dans leur registre de domiciliation.
2. La mise en place d’un justificatif unique de domicile
Le 2° du présent article modifie les règles de preuve de domiciliation prévues par l’article 104 du code civil en disposant que l’accomplissement de la déclaration de domiciliation donne lieu à la remise d’un récépissé par les services municipaux.
Ce « récépissé de déclaration de domicile » constituerait « l’unique justification de domicile à produire pour l’accomplissement de toute formalité » administrative. Les demandes d’attestation de domicile, de fourniture de facture d’eau, d’électricité ou de téléphone, seraient ainsi remplacées par la production de ce seul récépissé.
Ces dispositions viendraient remplacer celle prévues par l’article 6 modifié du décret n° 2000-1277 du 26 décembre 2000 portant simplification de formalités administratives et suppression de la fiche d’état civil (72) qui prévoient que les personnes physiques souhaitant accomplir des formalités administratives (à l’exception de la délivrance d’un certificat de nationalité française, de l’obtention d’un titre d’identité, de voyage, de séjour, d’un certificat d’immatriculation d’un véhicule ou de la délivrance d’une attestation d’accueil ou en vue de l’inscription volontaire sur les listes électorales ou sur les fichiers d’immatriculation consulaire, ainsi que de l’inscription dans les établissements scolaires et les établissements d’enseignement supérieur) peuvent déclarer leur domicile sans avoir à produire de pièce justificative. Par ailleurs, dans les cas qui font exception à l’absence d’obligation de production de telles pièces justificatives (73), les pièces justificatives comportant un dispositif technique en assurant l’authenticité ne peuvent être refusées par les services chargés de l’instruction de ces procédures.
Ainsi, de manière pratique, l’inscription sur le registre de domiciliation de la commune ou de l’arrondissement serait la formalité essentielle pour pouvoir par la suite effectuer les démarches administratives nécessitant de justifier de son domicile.
3. La tenue d’un registre des personnes domiciliées sur le territoire communal
La réécriture proposée de l’article 105 du code civil prévoit les modalités de tenues par les services communaux d’un registre recensant les personnes ayant déclaré établir leur domicile sur le territoire de la commune ou de l’arrondissement.
Ce registre serait tenu par la mairie de la commune ou de l’arrondissement.
Les informations nominatives seraient l’identité des personnes (noms et prénoms), leur date de naissance et leur adresse, ainsi que « des personnes qui composent leur foyer » – permettant par là même à une personne d’effectuer la déclaration pour l’ensemble des membres de son foyer.
La gestion de ces données nominatives s’effectuerait dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Les personnes intéressées disposeraient ainsi d’un droit d’accès et de rectification des données nominatives les concernant, mais non d’un droit d’opposition à figurer au sein de ce fichier.
Ces données ne seraient ni communicables ni transmissibles à des tiers ; la diffusion à des personnes autres que celles chargées de la gestion du registre seraient punies des peines prévues par les articles 226-16 à 226-24 du code pénal réprimant les atteintes aux droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques, soit cinq ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende.
La mise en place de ces fichiers, ainsi que des dispositifs d’échanges d’information entre commune de départ et commune d’établissement d’un nouveau domicile, et les dispositions destinées à en assurer la confidentialité devraient faire l’objet d’un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
*
* *
La Commission est saisie de l’amendement CL1 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Nous proposons qu’en cas de décès dans une commune autre que la commune de résidence, la mairie du lieu de décès informe la commune de domiciliation afin que celle-ci puisse radier la personne décédée de son registre communal.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cette obligation existe déjà dans la loi. Le service de l’état civil qui établit l’acte de décès d’une personne est tenu d’informer la commune de résidence de cette personne.
M. Hugues Fourage. Il ne s’agit de rien d’autre que des mentions marginales dans les registres d’état civil.
Mme la rapporteure. Mais ce ne sont pas des registres de domiciliation.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Lorsque l’on fait une déclaration de décès, on doit indiquer le domicile de la personne décédée. La mention du domicile figure ensuite dans le registre des transcriptions de décès. Il en va de même, d’ailleurs, pour les actes de naissance.
M. Philippe Gosselin. En effet, les services de l’état civil de la commune de naissance ou de décès adresse copie de l’acte à la commune de résidence des parents dans le cas de la naissance, du défunt dans le cas du décès. Cette procédure donne lieu, dans un registre spécial, à un acte de transcription de naissance ou de décès. Peut-être la disposition est-elle redondante avec les textes existants, mais il faut l’envisager comme une partie du nouveau dispositif. Dès lors, l’amendement est peut-être nécessaire malgré tout.
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CL2 du même auteur.
Mme la rapporteure. Il s’agit d’un amendement de cohérence et de précision prévoyant l’obligation, pour les personnes qui s’expatrient, de se faire radier du registre communal, afin d’éviter les doubles comptes.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CL3 du même auteur.
Mme la rapporteure. Il s’agit de mentionner de manière explicite et précise les finalités pour lesquelles peuvent être utilisées les données recueillies dans les registres communaux, comme l’exigent les principes édictés par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978.
Les données nominatives ne pourraient être utilisées que pour la fourniture de prestations et de services communaux par les services de la commune, ou par ceux de l’intercommunalité ou d’un prestataire de la commune ou de l’intercommunalité après autorisation du conseil municipal.
Une fois rendues anonymes, ces données pourraient être utilisées à des fins statistiques, pour déterminer la population légale, et pour optimiser l’organisation et la planification des investissements locaux.
En application du dernier alinéa de l’article 1er, les conditions de mise en œuvre de ces exploitations de données devront être précisées par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle rejette l’article 1er.
Article 2
Délai de trois ans laissé aux personnes ayant déjà établi leur domicile au sein d’une commune pour procéder à la déclaration de domiciliation
Le présent article prévoit que les personnes ayant établi leur domicile avant l’entrée en vigueur du présent texte – fixée au 1er janvier 2015 par l’article 6 – disposeraient d’un délai de trois ans, soit du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, pour procéder à la déclaration de domiciliation auprès des services municipaux.
Cependant, en pratique, la nécessité d’effectuer une démarche administrative imposant d’établir son domicile devrait contraindre la plupart des citoyens à effectuer cette démarche dans les mois suivants l’entrée en vigueur du présent texte.
Par ailleurs, comme pour la déclaration de changement de domicile, cette prescription légale ne serait assortie d’aucune sanction en cas d’absence d’accomplissement.
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La Commission rejette l’article 2.
Article 3
Suppression du régime de déclaration et de fichier domiciliaires en vigueur dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin
Cet article prévoit que les dispositions relatives à la déclaration et au fichier domiciliaires applicables dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle seraient supprimées et remplacées par les dispositions issues de la présente proposition de loi.
1. Le régime obligatoire de déclaration de domicile applicable en Alsace-Moselle
Dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, le droit local issu de la période d’annexion par l’Empire allemand prévoit toujours une obligation de déclaration domiciliaire, tombée cependant partiellement en désuétude du fait de l’absence de régime de sanction.
En application d’un décret de l’Assemblée nationale constituante du 22 décembre 1789 (74), les autorités allemandes ont édicté en 1883 trois ordonnances, prises par les présidents des trois districts alsaciens et lorrains (75).
Elles obligent toute personne qui change de domicile à faire une déclaration de départ à la police (ou à la mairie, s’il n’existe pas de commissariat de police) du lieu qu’elle quitte et une déclaration d’arrivée à la police de la localité de son nouvel établissement. Ces déclarations sont ensuite consignées dans un registre spécial.
Cette législation établit les obligations suivantes pour les particuliers : toute personne louant une chambre sans exercer la profession d’hôtelier, d’aubergiste ou de loueur de maison garnie, doit déclarer à la police locale l’arrivée et le départ de ses locataires ; par ailleurs, les chefs de famille doivent déclarer dans les vingt-quatre heures l’arrivée et le départ de toute personne composant le ménage.
Selon l’étude de législation comparée établie par le Sénat en 2004 (76), le régime de sanctions pénales spécifiques applicables à ces obligations a été abrogé par le décret du 25 novembre 1919 relatif au maintien provisoire en Alsace et en Lorraine de certaines dispositions pénales actuellement en vigueur. Celles-ci pourraient en théorie relever de l’article R. 610-5 du code pénal, qui dispose que « la violation des interdictions ou le manquement aux obligations édictés par les décrets et arrêtés de police sont punis de l’amende prévue pour les contraventions de la première classe », soit 38 euros au plus.
Ces ordonnances ont été modifiées par des décisions préfectorales du 5 décembre 1929 et du 18 septembre 1937. Cette réglementation relative à la tenue d’un fichier domiciliaire est toujours en vigueur.
2. Un régime aujourd’hui désuet
Dans les faits, en l’absence de sanctions effectives, et malgré l’attachement des élus locaux à l’existence d’un fichier de la population, cette pratique est tombée partiellement en désuétude, de sorte que les communes ne peuvent guère mettre à jour leurs fichiers domiciliaires. Selon une étude du conseil général de la Moselle du 23 mars 2005, cette réglementation est de moins en moins appliquée. Selon la Commission nationale de l’informatique et des libertés (77), la moitié des communes concernées auraient renoncé à le mettre à jour ; notamment les grandes villes telles que Strasbourg, Mulhouse et Metz ont supprimé ce type de fichier.
Interrogé périodiquement par les parlementaires (78), le Gouvernement constate l’absence d’application systématique de ce régime et s’interroge sur sa compatibilité avec le principe constitutionnel de liberté d’aller et de venir et avec la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
3. Le retour dans le droit commun
Aussi, le présent article propose-t-il d’abroger ce régime de droit local, afin que les dispositions prévues par l’article 1er de la présente proposition de loi relatives à l’obligation de déclaration de domicile et à la tenue d’un registre de domiciliation s’appliquent pleinement dans les trois départements d’Alsace-Moselle.
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La Commission rejette l’article 3.
Article 4
Utilisation du recensement des personnes domiciliées
pour déterminer la population communale
Cet article prévoit qu’à compter de 2018, la population légale de chaque commune – soit « le nombre de personnes ayant leur résidence habituelle sur le territoire d’une commune » – sera déterminée à partir du nombre de personnes ayant déclaré être domiciliées dans cette commune.
Le recensement de la population permet d’établir le nombre d’habitants légal de chaque commune française. Ce nombre est indispensable à l’application de 351 articles législatifs de 28 codes différents. En particulier, la population communale ainsi déterminée permet le calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF), de la dotation de solidarité urbaine (DSU) et d’autres fonds de péréquation d’une commune, du nombre de conseillers municipaux et des indemnités versées aux maires et adjoints au maire.
Ce nombre est également nécessaire à la gestion des communes pour la détermination du mode de scrutin, les implantations d’officines de pharmacie et des débits de tabac, les barèmes de certaines taxes (la publicité, les jeux, les spectacles, les débits de boissons), la réglementation de l’affichage urbain, etc.
Depuis 2004, les modalités de recensement ont évolué :
– les communes de moins de 10 000 habitants font l’objet d’une enquête de recensement exhaustif tous les cinq ans, à raison d’un cinquième des communes chaque année, selon un calendrier publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Ces groupes, établis par décret, ont été constitués sur des critères exclusivement statistiques ;
– les communes de 10 000 habitants ou plus font l’objet tous les ans une enquête par sondage auprès de 8 % des adresses répertoriées.
Cependant, les résultats obtenus par ces méthodes vont l’objet de critiques récurrentes.
Les communes frontalières font souvent valoir qu’un certain nombre de résidents étrangers vivent à l’année dans une résidence présentée comme secondaire et, dans les faits, doivent bénéficier des services municipaux, occasionnant autant de charges pour les communes.
D’autres communes – une dizaine par an selon le directeur général de l’Insee (79) – contestent les chiffres de population légale, tels qu’établis par les enquêtes de l’Insee. Par exemple, le maire de Grigny en Essonne, M. Philippe Rio, dénonce ainsi des erreurs dans le recensement de ses habitants, à l’origine d’importantes pertes de dotations publiques. Selon lui (80), 644 enfants, pourtant scolarisés dans les écoles de la ville, n’apparaissent pas dans les chiffres de la population légale issus des recensements de l’Insee. « Grigny compterait ainsi 26 860 habitants selon l’Insee (chiffres réajustés en octobre 2012), 29 393 selon l’administration fiscale, ou encore 29 500 d’après l’assurance maladie ». Une mission d’expertise financière menée en 2010 par un cabinet sur les dotations perçues par la ville cette année-là conclurait que la sous-estimation des écoliers dans les recensements représente environ 17 % des effectifs. Extrapolé sur le nombre total d’habitants, cela donnerait une population de 30 500 habitants. Le maire estime ainsi perdre chaque année environ 1,5 million d’euros de dotations. L’Insee a accepté de réaliser une enquête supplémentaire, qui a notamment conclu que le nombre d’occupants moyens des logements multifamiliaux avait été sous-estimé.
Aussi pour remédier à de telles situations, le présent article propose que les chiffres tirés du registre des personnes domiciliées servent de base à la détermination de la population légale de chaque commune.
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* *
La Commission rejette l’article 4.
Article 5
Habilitation du pouvoir réglementaire
à fixer les modalités d’application du présent texte
De manière classique, le présent article confie au pouvoir réglementaire la tâche de préciser, par décret en Conseil d’État, les modalités d’application des principes législatifs fixés par le présent texte.
En application du dernier alinéa de l’article 1er, les dispositions réglementaires régissant les modalités de recueil, de transmission et d’utilisation des données nominatives contenues dans les registres de domiciliation seraient prises après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
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La Commission rejette l’article 5.
Article 6
Entrée en vigueur du présent texte
Le présent article prévoit l’entrée en vigueur de la loi résultant de l’adoption définitive de la présente proposition de loi le 1er janvier 2015, vingt mois après le dépôt de cette proposition.
À compter de cette date, les registres de domiciliation mis en place par les communes devraient être opérationnels et permettre de délivrer aux citoyens les récépissés valant preuve de domiciliation.
En application de l’article 2 de la présente proposition de loi, les personnes ayant d’ores et déjà établi leur domicile sur le territoire d’une commune disposeront alors d’un délai de trois ans, jusqu’au 31 décembre 2017, pour effectuer leur déclaration de domicile auprès des services municipaux.
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La Commission rejette l’article 6.
Cet article vise, conformément à l’usage destiné à satisfaire aux exigences de l’article 40 de la Constitution pour le dépôt d’une proposition de loi, à prévoir un gage : en l’espèce, la compensation, à due concurrence, des charges éventuelles pour les communes qui résulteraient de l’application de la loi issue de la présente proposition de loi par une majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cependant, dans l’esprit de votre rapporteure, les éventuels frais de gestion qui résulteraient de la création et de la mise à jour des registres de domiciliation seraient marginaux, compte tenu du fait que différents services communaux doivent actuellement recueillir séparément ces informations, que ce soit notamment pour l’inscription sur les listes électorales, l’inscription des enfants en crèche, au service de restauration scolaire et aux activités périscolaires, ou l’accès au service d’aide sociale.
C’est pourquoi de nombreuses mairies proposent aux nouveaux arrivants de s’inscrire volontairement sur un fichier d’accueil ou alimentent celui-ci avec les informations reçues par l’intermédiaire du service public du changement d'adresse mis en place par l’ordonnance n° 2005-395 du 28 avril 2005 (81).
Aussi la centralisation des démarches administratives liées au changement d’adresse devrait permettre de simplifier les démarches et d’en réduire notablement les coûts par mutualisation, une même inscription pouvant servir à alimenter le registre domiciliaire et les autres fichiers détenus par la commune, aboutissant à une diminution des charges administratives supportées par les communes.
Enfin, la connaissance plus fine des caractéristiques de la population installée sur leur territoire devrait permettre aux communes de planifier et de programmer les investissements à réaliser pour fournir les services publics nécessaires à la population avec une plus grande efficacité, ce qui permettra d’optimiser la répartition des dotations de l’État comme la dépense publique des communes.
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* *
La Commission rejette l’article 7.
Tous les articles ayant été rejetés, il n’y a pas lieu pour la Commission de se prononcer sur l’ensemble de la proposition de loi, qui est ainsi rejetée.
*
* *
En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande de rejeter la proposition de loi de Mme Virginie Duby-Muller et plusieurs de ses collègues relative à la déclaration de domiciliation (n° 966).
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Dispositions en vigueur ___ |
Texte de la proposition de loi ___ |
Texte adopté par la Commission ___ |
Proposition de loi relative à la déclaration de domiciliation |
Proposition de loi relative à la déclaration de domiciliation | |
Article 1er |
Article 1er | |
Le titre IIIème du livre Ier du code civil est ainsi modifié : |
Rejeté | |
Code civil |
1° L’article 103 est ainsi rédigé : |
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Art. 103. – Le changement de domicile s'opérera par le fait d'une habitation réelle dans un autre lieu, joint à l'intention d'y fixer son principal établissement. |
« Art. 103. – Toute personne qui établit ou transfère son domicile dans une commune ou dans un arrondissement de Paris, Lyon ou Marseille doit en faire la déclaration auprès des services de la mairie de cette commune ou de cet arrondissement. |
|
« Les services de la mairie qui recueillent la déclaration en informent, le cas échéant, les services de la mairie de la commune ou de l’arrondissement de Paris, Lyon ou Marseille où la personne était domiciliée auparavant. |
||
« Doit également être déclaré tout changement de domicile au sein de la même commune ou du même arrondissement. » |
||
2° L’article 104 est ainsi rédigé : |
||
Art. 104. – La preuve de l'intention résultera d'une déclaration expresse, faite tant à la municipalité du lieu que l'on quittera, qu'à celle du lieu où on aura transféré son domicile. |
« Art. 104. – Un récépissé de déclaration de domicile est remis au déclarant par les services de la mairie de la commune ou de l’arrondissement de Paris, Lyon ou Marseille qui enregistrent la déclaration. Il constitue l’unique justification de domicile à produire pour l’accomplissement de toute formalité. » |
|
3° L’article 105 est ainsi rédigé : |
||
Art. 105. – À défaut de déclaration expresse, la preuve de l'intention dépendra des circonstances. |
« Art. 105. – Dans chaque mairie sont recueillis les éléments relatifs à l’identité, à la date de naissance et à l’adresse des personnes venues déclarer avoir établi leur domicile sur le territoire de la commune ou, pour Paris, Lyon et Marseille, de l’arrondissement, ainsi que des personnes qui composent leur foyer. |
|
Code pénal Art. 226-16 à 226-24. – Cf. annexe |
« Les registres nominatifs créés au titre du recueil d’informations visé au premier alinéa sont tenus dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Le droit d’accès et de correction des données nominatives est assuré conformément aux dispositions de la loi précitée. Ces données nominatives ne peuvent être consultées que par les agents chargés de la mise en œuvre de ce recueil. La diffusion de ces données à des personnes non autorisées à y accéder ou leur détournement sont passibles des peines prévues aux articles 226-16 à 226-24 du code pénal. |
|
« Ces informations sont recueillies, transmises et utilisées dans des conditions garantissant leur confidentialité et selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. » |
||
Article 2 |
Article 2 | |
Code civil Art. 103. – Cf. supra art 1er |
Les personnes ayant déjà établi leur domicile dans une commune à la date d’entrée en vigueur de la présente loi disposent de trois années à compter de cette date pour effectuer la déclaration prévue à l’article 103 du code civil. |
Rejeté |
Article 3 |
Article 3 | |
La présente loi annule et remplace les dispositions relatives à la déclaration et au fichier domiciliaires applicables dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. |
Rejeté | |
Article 4 |
Article 4 | |
Art. 105. – Cf. supra art 1er |
À compter du 1er janvier 2018, le nombre de personnes ayant leur résidence habituelle sur le territoire d’une commune est le nombre de personnes qui y sont domiciliées, calculé à partir des éléments recueillis en application de l’article 105 du code civil. |
Rejeté |
Article 5 |
Article 5 | |
Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application de la présente loi. |
Rejeté | |
Article 6 |
Article 6 | |
La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2015. |
Rejeté | |
Article 7 |
Article 7 | |
Les charges qui pourraient résulter pour les communes de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une majoration de la dotation globale de fonctionnement, et, corrélativement pour l’État, par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. |
Rejeté |
Code pénal
Art. 226-16 à 226-24
Art. 226-16. – Le fait, y compris par négligence, de procéder ou de faire procéder à des traitements de données à caractère personnel sans qu’aient été respectées les formalités préalables à leur mise en œuvre prévues par la loi est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende.
Est puni des mêmes peines le fait, y compris par négligence, de procéder ou de faire procéder à un traitement qui a fait l’objet de l’une des mesures prévues au 2° du I de l’article 45 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
Article 226-16-1-A. – Lorsqu’il a été procédé ou fait procéder à un traitement de données à caractère personnel dans les conditions prévues par le I ou le II de l’article 24 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, le fait de ne pas respecter, y compris par négligence, les normes simplifiées ou d’exonération établies à cet effet par la Commission nationale de l’informatique et des libertés est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende.
Art. 226-16-1. – Le fait, hors les cas où le traitement a été autorisé dans les conditions prévues par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, de procéder ou faire procéder à un traitement de données à caractère personnel incluant parmi les données sur lesquelles il porte le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende.
Art. 226-17. – Le fait de procéder ou de faire procéder à un traitement de données à caractère personnel sans mettre en œuvre les mesures prescrites à l’article 34 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende.
Art. 226-17-1. – Le fait pour un fournisseur de services de communications électroniques de ne pas procéder à la notification d’une violation de données à caractère personnel à la Commission nationale de l’informatique et des libertés ou à l’intéressé, en méconnaissance des dispositions du II de l’article 34 bis de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende.
Art. 226-18. – Le fait de collecter des données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende.
Art. 226-18-1. – Le fait de procéder à un traitement de données à caractère personnel concernant une personne physique malgré l’opposition de cette personne, lorsque ce traitement répond à des fins de prospection, notamment commerciale, ou lorsque cette opposition est fondée sur des motifs légitimes, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende.
Art. 226-19. – Le fait, hors les cas prévus par la loi, de mettre ou de conserver en mémoire informatisée, sans le consentement exprès de l’intéressé, des données à caractère personnel qui, directement ou indirectement, font apparaître les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses, ou les appartenances syndicales des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à l’orientation ou identité sexuelle de celles-ci, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende.
Est puni des mêmes peines le fait, hors les cas prévus par la loi, de mettre ou de conserver en mémoire informatisée des données à caractère personnel concernant des infractions, des condamnations ou des mesures de sûreté.
Art. 226-19-1. – En cas de traitement de données à caractère personnel ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende le fait de procéder à un traitement :
1° Sans avoir préalablement informé individuellement les personnes sur le compte desquelles des données à caractère personnel sont recueillies ou transmises de leur droit d’accès, de rectification et d’opposition, de la nature des données transmises et des destinataires de celles-ci ;
2° Malgré l’opposition de la personne concernée ou, lorsqu’il est prévu par la loi, en l’absence du consentement éclairé et exprès de la personne, ou s’il s’agit d’une personne décédée, malgré le refus exprimé par celle-ci de son vivant.
Art. 226-20. – Le fait de conserver des données à caractère personnel au-delà de la durée prévue par la loi ou le règlement, par la demande d’autorisation ou d’avis, ou par la déclaration préalable adressée à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende, sauf si cette conservation est effectuée à des fins historiques, statistiques ou scientifiques dans les conditions prévues par la loi.
Est puni des mêmes peines le fait, hors les cas prévus par la loi, de traiter à des fins autres qu’historiques, statistiques ou scientifiques des données à caractère personnel conservées au-delà de la durée mentionnée au premier alinéa.
Art. 226-21. – Le fait, par toute personne détentrice de données à caractère personnel à l’occasion de leur enregistrement, de leur classement, de leur transmission ou de toute autre forme de traitement, de détourner ces informations de leur finalité telle que définie par la disposition législative, l’acte réglementaire ou la décision de la Commission nationale de l’informatique et des libertés autorisant le traitement automatisé, ou par les déclarations préalables à la mise en œuvre de ce traitement, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende.
Art. 226-22. – Le fait, par toute personne qui a recueilli, à l’occasion de leur enregistrement, de leur classement, de leur transmission ou d’une autre forme de traitement, des données à caractère personnel dont la divulgation aurait pour effet de porter atteinte à la considération de l’intéressé ou à l’intimité de sa vie privée, de porter, sans autorisation de l’intéressé, ces données à la connaissance d’un tiers qui n’a pas qualité pour les recevoir est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende.
La divulgation prévue à l’alinéa précédent est punie de trois ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende lorsqu’elle a été commise par imprudence ou négligence.
Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, la poursuite ne peut être exercée que sur plainte de la victime, de son représentant légal ou de ses ayants droit.
Art. 226-22-1. – Le fait, hors les cas prévus par la loi, de procéder ou de faire procéder à un transfert de données à caractère personnel faisant l’objet ou destinées à faire l’objet d’un traitement vers un État n’appartenant pas à la Communauté européenne en violation des mesures prises par la Commission des Communautés européennes ou par la Commission nationale de l’informatique et des libertés mentionnées à l’article 70 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende.
Art. 226-22-2. – Dans les cas prévus aux articles 226-16 à 226-22-1, l’effacement de tout ou partie des données à caractère personnel faisant l’objet du traitement ayant donné lieu à l’infraction peut être ordonné. Les membres et les agents de la Commission nationale de l’informatique et des libertés sont habilités à constater l’effacement de ces données.
Art. 226-23. – Les dispositions de l’article 226-19 sont applicables aux traitements non automatisés de données à caractère personnel dont la mise en œuvre ne se limite pas à l’exercice d’activités exclusivement personnelles.
Art. 226-24. – Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article 121-2, des infractions définies à la présente section encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues par l’article 131-38, les peines prévues par les 2° à 5° et 7° à 9° de l’article 131-39.
L’interdiction mentionnée au 2° de l’article 131-39 porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise.
PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE
Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL)
– M. Édouard Geffray, secrétaire général
– M. Paul Hebert, directeur-adjoint de la conformité
– Mme Tiphaine Inglebert, conseillère pour les questions parlementaires et institutionnelles
Institut national de la statistique et des études économiques (Insee)
– M. Jean-Luc Tavernier, directeur général
– M. Stéphane Lollivier, directeur du programme répertoires et logements
Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP)
– M. Nicolas Conso, chef du service innovation et service aux usagers
Direction générale des collectivités locales (DGCL)
– M. Stanislas Bourron, adjoint au directeur général
– M. Martin Lesage, adjoint au chef du bureau des concours financiers de l’État