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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 avril 2014.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, autorisant l’approbation de l’accord relatif à l’hébergement et au fonctionnement du centre de sécurité Galileo,
PAR Mme Pascale BOISTARD
Députée
——
ET
ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Voir le numéro :
Assemblée nationale : 1846.
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Pages
INTRODUCTION 5
I. LE SYSTÈME GALILEO, UN PROGRAMME SCIENTIFIQUE ET INDUSTRIEL MAJEUR POUR L’EUROPE 7
A. LES ORIGINES DU PROGRAMME 7
1. Le constat : le géopositionnement est un marché doublement stratégique, sur le plan économique comme sur le plan militaire 7
2. Le lancement des programmes Galileo et EGNOS 8
B. LE DÉPLOIEMENT DU SYSTÈME GALILEO 8
C. UN ENJEU ESSENTIEL : LA SÉCURITÉ, EN PARTICULIER POUR LE « SERVICE PUBLIC RÉGLEMENTÉ » 9
D. LA RÉPARTITION TERRITORIALE DES IMPLANTATIONS GALILEO 10
A. LES ENGAGEMENTS MATÉRIELS DES PARTIES 13
B. DES PRIVILÈGES ET IMMUNITÉS HABITUELS POUR UNE IMPLANTATION INTERNATIONALE 14
C. UN CAHIER DES CHARGES ANNEXÉ POUR PRÉCISER LES ENGAGEMENTS TECHNIQUES 16
Le programme Galileo vise à doter l’Europe d’un dispositif indépendant de géopositionnement par satellite, qui sera complémentaire du GPS américain et des systèmes comparables que les autres grandes puissances déploient ou vont déployer. C’est l’un de ces quelques grands programmes qui peuvent incarner, pour ses citoyens, une Europe concrète et tournée vers l’avenir. C’est d’ailleurs le premier grand projet européen civil d’infrastructure et sa dimension, sa nouveauté et son importance stratégique en font un test de la coopération institutionnelle et industrielle au niveau européen. Il est aussi à noter que Galileo n’est pas seulement destiné à des usages civils ; il sera de fait le premier outil européen au service de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) de l’Union européenne, ainsi que des politiques régaliennes de ses États membres.
Au regard de son engagement européen aussi bien que de son statut international et militaire, la France se devait de s’impliquer dans Galileo. Dans le cadre de la répartition des différentes implantations liées à ce programme, notre pays a proposé et obtenu que le principal centre qui s’occupera de la sécurité du système, particulièrement essentielle pour ses usages régaliens, soit installé sur son sol, à Saint-Germain-en-Laye (un centre de sécurité de secours, cette redondance étant nécessaire pour une installation aussi critique, étant prévu au Royaume-Uni).
Le présent accord, passé avec la Commission européenne et l’agence européenne de supervision de Galileo, précise les conditions matérielles et juridiques de l’installation de ce Centre de sécurité. Ses stipulations ne posent pas de difficultés particulières, car ce sont celles que l’on trouve habituellement dans les « accords de siège » relatifs aux implantations sur notre sol d’organisations internationales ou européennes et d’organes qui leur sont rattachés.
1. Le constat : le géopositionnement est un marché doublement stratégique, sur le plan économique comme sur le plan militaire
Il n’est nul besoin d’insister sur le rôle qu’a pris en quelques années dans notre vie quotidienne le géopositionnement par satellite, plus communément connue sous l’acronyme d’origine américaine GPS (Global Positioning System). L’utilisation du GPS ne cesse de s’étendre et on conçoit mal, désormais, comment certains moyens de transport (aviation et navigation) pourraient y renoncer. Il est également à noter que le GPS, outre des données précises de positionnement, donne aussi des données précises de temps qui sont utiles pour certaines tâches (synchronisation de réseaux).
Dans le domaine civil, le nombre de récepteurs GPS croît donc fortement : à partir d’un montant de déjà 20 milliards d’euros en 2005, on prévoit une multiplication par cinq tous les dix ans du marché mondial des applications et équipements GPS ou équivalents, qualifiés de « systèmes globaux de navigation par satellite » (GNSS).
Mais il y a aussi et même, avant tout, au moins chronologiquement, des enjeux militaires considérables. Le système GPS a d’abord été développé par le Pentagone et son usage se généralise dans les forces armées des pays alliés des États-Unis. D’ailleurs, jusqu’en 2000, les États-Unis dégradaient volontairement la précision du signal accessible au public du système GPS, afin de privilégier son usage militaire ; ils y ont renoncé compte tenu des enjeux économiques et de la perspective de création de systèmes concurrents comme Galileo.
Dans ce double contexte d’enjeux économiques et stratégiques massifs, il n’est pas étonnant que les principales puissances aient développé des systèmes GNSS concurrents du GPS ou l’envisagent :
– le dispositif russe GLONASS ;
– le dispositif chinois COMPASS, dont la couverture est pour le moment limitée à la Chine, mais qui vise une couverture mondiale ;
– le dispositif japonais QZSS, en cours de déploiement ;
– le projet indien IRNSS ;
– et naturellement Galileo.
L’Union européenne a pris conscience dans le courant des années 1990 de l’enjeu stratégique d’un tel système, vu son caractère vital à terme pour l’indépendance militaire et technologique, donc fondamentalement politique, de l’Europe.
Il faut aussi observer que le développement de dispositifs concurrents du GPS américain, tels que Galileo, ne répond pas seulement à des préoccupations stratégiques et économiques. Techniquement, ces dispositifs sont également complémentaires : la redondance des systèmes améliore leurs performances et apporte de la sécurité.
La stratégie de l’Union européenne en matière de géopositionnement par satellite comprend en fait deux programmes, dont les décisions de lancement ont été prises respectivement en 1998 et 1999 :
– le programme EGNOS (European Geostationary Navigation Overlay Service) est entièrement déployé et opérationnel depuis début 2010. Il est conçu comme un complément au système américain GPS : il s’agit, à l’aide d’une quarantaine de stations au sol, de diffuser des « données de correction » qui rendent plus précis le signal GPS reçu sur le continent européen. Ce système est surtout utile pour l’aviation et des systèmes similaires ont été mis en place par les États-Unis et le Japon pour leurs aires géographiques respectives ;
– Galileo, dont le développement est en cours depuis 2004.
L’objectif de Galileo est de doter l’Europe d’un système de positionnement et de datation européen autonome, sûr et robuste, de couverture mondiale, interopérable avec le système GPS existant (un accord a été signé à cette fin avec les États-Unis en 2004) et comprenant une garantie de continuité de service (aujourd’hui non assurée par le GPS).
Le projet est contrôlé par l’Union européenne et financé sur fonds publics civils. En effet, à la suite de l’échec des négociations du projet de contrat de concession début 2007, il a été décidé de réorienter le projet et de déployer le système dans le cadre d’un financement entièrement public. L’Union a donc mis en place fin 2007 le cadre politique et financier nécessaire au déploiement du système : attribution d’un budget de 3,4 milliards d’euros sur 2007-2013 et adoption de règles claires concernant la gouvernance et les marchés.
Au total, c’est près de 13 milliards d’euros (dont 7 milliards viennent d’être décidé par l’Union pour compléter le déploiement du système et les premières années d’exploitation et maintenance) d’argent public (essentiellement communautaire) qui auront été consacrés au développement et au déploiement d’EGNOS et Galileo entre 1998 et 2020.
La maîtrise d’ouvrage de Galileo est confiée à la Commission européenne et la maîtrise d’œuvre à l’Agence spatiale européenne. Les États membres sont associés à la gestion du projet au travers d’un comité des programmes. Une autorité européenne spécifique a été créée pour superviser la future exploitation du système : la GSA (European GNSS Supervisory Authority). Cette GSA aura notamment à assurer l’homologation du système en matière de sécurité, à contribuer à la commercialisation des systèmes, à promouvoir les applications et services dérivés et à organiser la certification de ses composantes par les organismes appropriés.
La constellation Galileo sera constituée de trente satellites permettant d’assurer une couverture optimale du globe, meilleure que celle du GPS actuel. Un réseau de stations au sol réparties sur la surface de la Terre (exclusivement sur des territoires de l’Union pour des raisons de souveraineté et de sécurité) contrôlera le système.
Le déploiement opérationnel est en cours : le lancement en 2011-2012 de quatre satellites a permis d’effectuer les premiers points de navigation de Galileo en mars 2013, que ce soit en combiné avec GPS et en autonome. Une phase de validation du système a suivi. La prochaine étape majeure est le lancement des premiers satellites fabriqués par l’industriel allemand OHB. Elle était attendue pour septembre 2013 et est désormais prévue mi-2014. Les satellites suivants sont en cours de fabrication. L’objectif est une exploitation opérationnelle à l’horizon 2017.
Galileo fournira quatre services :
– un service ouvert, disponible gratuitement ;
– un service commercial, qui offrira des prestations payantes à plus grande valeur ajoutée ;
– un service de recherche et secours ;
– un « service public réglementé » (Public Regulated Service-PRS), crypté et accessible aux autorités publiques en toutes circonstances, qui constituera un outil essentiel pour la gestion des crises et les activités gouvernementales. Bien que Galileo soit un programme civil, il n’est prévu aucune exclusion dans les usages gouvernementaux du PRS, qui pourront donc s’étendre non seulement à tous les services en charge de la sécurité, mais aussi à la défense.
Galileo constitue en conséquence une infrastructure stratégique nécessitant la mise en œuvre de mesures de sécurisation spécifiques, à l’instar de ce qui existe pour le GPS. L’Union et ses États Membres devront être en mesure de contrôler l’utilisation de l’information, de refuser l’accès aux signaux à des utilisateurs mal intentionnés, de garantir la disponibilité du service PRS pour les utilisateurs gouvernementaux autorisés et de protéger les installations critiques du système. Le succès de Galileo et en particulier du PRS dépendra de la confiance que les États utilisateurs, ainsi que leurs principaux alliés, auront dans la sécurité du système.
Ceci suppose, notamment pour la gestion des clés d’accès au service PRS crypté, une organisation de sécurité appropriée, au niveau européen, sous le contrôle du Service européen d’action extérieure (SEAE). Un dispositif a donc été adopté en 2004 (et est en cours d’actualisation) pour les situations de crise, durant lesquelles les décisions seront prises par le SEAE. Galileo apparaît donc bien comme le premier outil européen au service de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) de l’Union européenne.
Comme pour tout programme européen majeur, les implantations des organismes liés à Galileo sont réparties dans différents États membres :
– l’autorité de supervision (GSA) à Prague ;
– les deux centres de contrôle (GCC-Galileo Control Centres) en Allemagne (Oberpfaffenhoffen) et en Italie (Fucino) ;
– le futur Galileo Service Centre (GSC) à Madrid ;
– pour des raisons cette fois techniques et non politiques, les stations automatiques au sol sur l’ensemble du territoire de l’Union, avec en particulier sept stations – nécessaires pour la couverture mondiale – dans l’Outre-mer français (Nouvelle-Calédonie, Kerguelen, La Réunion, Guyane, Tahiti, Saint- Pierre-et-Miquelon, Wallis) ;
– enfin, le Centre de surveillance de la sécurité de Galileo (CSSG) ou Galileo Security Monitoring Centre (GSMC en anglais), placé sous l’autorité de la GSA, sera constitué de deux entités placées sur deux sites distincts ; un centre principal situé en France à Saint-Germain-en-Laye sur la base militaire du Quartier général des Loges ; un centre de secours en Grande-Bretagne à Swanwick.
Cette double localisation a fait l’objet d’une proposition conjointe franco-britannique. Au regard de ce qui a été dit supra sur les enjeux de souveraineté qui s’attachent à Galileo et en particulier à son service PRS destiné aux autorités publiques, on ne s’étonnera pas de l’intérêt porté par les deux principales puissances militaires de l’Union à la gestion de la sécurité du système.
L’accord qui est l’objet du présent rapport est relatif à l’implantation française du centre de sécurité Galileo.
Au regard de ce qui a été dit supra du caractère stratégique du programme Galileo, y compris pour des usages de sécurité et de défense, le Centre de surveillance de la sécurité (CSSG) constitue l’une des infrastructures majeures de ce programme. Il aura pour tâches :
– la gestion globale de la sécurité du système ;
– la gestion des accès au « service public réglementé » destiné aux autorités gouvernementales, qui reposera sur des clefs de chiffrement ;
– la mise en œuvre des instructions émanant du Conseil de l’Union européenne en situation de crise ;
– enfin, une mission d’expertise sur les questions de sécurité.
Comme on l’a dit, l’implantation du CSSG a été l’objet d’une offre conjointe franco-britannique dont est issu le présent accord, relatif à l’installation du segment principal du Centre sur le territoire français. Suite à cette offre, présentée en novembre 2009, des négociations en vue de la signature d’un accord unique entre la France, le Royaume-Uni et la Commission européenne, relatif à l’implantation de deux parties du Centre ont débuté en novembre 2011.
Cependant, ces négociations ont été compliquées par des divergences d’analyse juridique, qui ont amené à disjoindre la négociation des accords concernant les segments français et britannique du CSSG.
En effet, la Commission européenne plaidait pour ne donner au futur accord qu’un statut d’« arrangement administratif », mais le gouvernement français a fait valoir qu’au regard de son contenu – interministériel et comprenant des dispositions impliquant une ratification parlementaire –, il devait avoir un statut d’accord international.
Ce statut entraînait plusieurs conséquences :
– un accord international ne pouvant être conclu qu’entre sujets de droit international, les signataires ne pouvaient en principe être que la France et l’Union européenne, représentée par la Commission, car cette dernière n’a pas la personnalité internationale et ne peut donc pas signer un accord international pour son propre compte ;
– dès lors se posait la question du respect de l’article 218 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui régit la conclusion des accords internationaux de l’Union. Cet article détermine les prérogatives des différentes institutions européennes : si la Commission est chargée de négocier, c’est le Conseil qui autorise l’ouverture des négociations de ces accords, autorise leur signature et adopte la décision portant conclusion des accords, dans certains cas après approbation du Parlement européen. C’est pourquoi, en général, la France n’accepte pas que la Commission puisse engager l’Union sans habilitation du Conseil. Elle a toutefois admis, dans le cas présent, la compétence propre de la Commission en se fondant sur deux dispositions combinées de droit européen : le Protocole n° 7 sur les privilèges et immunités, dont l’article 18 stipule que « les institutions de l’Union agissent de concert avec les autorités responsables des États membres intéressés » pour l’application des règles concernant ces privilèges et immunités, qui sont l’objet essentiel du présent accord ; l’article 12 du règlement (CE) n° 683/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 9 juillet 2008, relatif à la poursuite de la mise en œuvre des programmes européens de radionavigation par satellite, lequel consacre la responsabilité de la Commission dans la gestion du programme Galileo ;
– enfin, la nécessité de bénéficier du statut de sujet de droit international posait également problème quant à l’association à la signature du présent accord de l’autorité de supervision de Galileo, la GSA, qui n’est pas une organisation internationale. Les autorités françaises ont finalement accepté que la GSA soit signataire du présent accord, sous réserve d’une lettre précisant que cette participation à la signature n’était pas une nécessité juridique mais une simple courtoisie.
Le présent accord a finalement été signé le 12 juin 2013.
Il a été complété par la signature d’une convention de site entre le ministère de la défense et la GSA, qui prévoit une mise à disposition effective des locaux français du CSSG et un déploiement des personnels de la GSA dès le mois de septembre 2013.
Quant à l’accord relatif au site de réserve au Royaume-Uni, il a été signé entre le ce pays et la Commission européenne le 29 juillet 2013.
Les stipulations du présent accord correspondent à celles que l’on attend dans un « accord de siège » relatif à l’implantation en France d’une structure internationale :
– des engagements quant aux moyens mis à disposition et aux responsabilités, d’une part de la France, d’autre part de l’organisation internationale concernée ;
– des « privilèges et immunités » concédés à cette dernière et à ses personnels.
Après deux articles liminaires consacrés aux définitions et à l’objet du présent accord, son article 3 précise bien que le CSSG est hébergé sur deux sites différents : un centre principal à Saint-Germain-en-Laye (France) et un centre de secours à Swanwick (Royaume-Uni).
Les articles 4 et 5 délimitent les rôles respectifs du Gouvernement, pour la France, et de la Commission européenne et de la GSA, pour l’Union, dans le fonctionnement du site français du CSSG :
– la France met à disposition, à ses frais, l’infrastructure, dont elle reste propriétaire, et prend en charge l’entretien du gros œuvre ;
– elle s’engage sur un « objectif » de mise à disposition opérationnelle à compter du 15 septembre 2013 ;
– l’éventualité d’une augmentation de l’emprise du Centre est prévue, dans la limite de 20 % ; elle serait financée par la Commission ;
– enfin, le financement et la mise en place des équipements opérationnels relèvent de la Commission européenne, en coordination avec la GSA ; quant au fonctionnement courant, il est du ressort de la GSA.
L’article 6 garantit le droit exclusif de la GSA d’utiliser l’infrastructure du Centre. La sécurité relève toutefois de la France, étant rappelé que le Centre est implanté à l’intérieur d’une base militaire, le Quartier général des Loges.
D’après l’étude d’impact et les informations fournies à votre rapporteure par le ministère des affaires étrangères :
– la construction du CSSG a mobilisé 4,3 millions d’euros de crédits publics, en provenance du budget du Centre national des études spatiales (CNES) à hauteur de 3,3 millions d’euros et de celui du ministère de l’écologie, et du développement durable et de l’énergie pour le reste. Le coût d’entretien du bâtiment, propriété de l’État, est évalué à 30 000 euros par an sur trente ans ;
– cette construction a été achevée dans le respect du calendrier et conformément au cahier des charges établis par les instances européennes. Le bâtiment a été réceptionné durant l’été 2013 et mis à la disposition de la GSA par le ministère de la défense début septembre 2013. Se déroule actuellement et jusqu’à 2015 la phase de déploiement et de validation des équipements techniques, en vue d’une mise en service opérationnelle en 2016.
En application de l’accord, la GSA prendra à sa charge les frais liés à l’exploitation du Centre et versera notamment au ministère de la défense une somme forfaitaire de 40 000 euros par an en contrepartie des prestations assurées par le Quartier général de Loges au profit du Centre, lesquelles sont définies dans le cahier des charges annexé à l’accord (voir infra).
Celui-ci sera exploité par environ trente agents de la GSA ou sous contrat, sans compter les prestations de fonctionnement et d’entretien courant. Le volume des contrats qui en découlent – à la charge de l’Union et qui pourraient notamment profiter à des entreprises régionales – est évalué à environ 2 millions d’euros par an.
Les articles 7 à 19 sont relatifs aux privilèges et immunités de l’agence et de son personnel.
L’article 7 renvoie au Protocole sur les privilèges et immunités de l’Union européenne, qui constitue le protocole n° 7 parmi ceux annexés aux traités européens. Ce protocole garantit aux institutions européennes, à leurs membres et à leurs personnels diverses protections et exemptions qui sont classiques en droit international.
Les articles suivants se bornent à appliquer les dispositions du Protocole n° 7 au cas du CSSG et de ses agents, sans prévoir d’avantages allant plus loin.
L’article 8 dispose ainsi que les locaux du CSSG sont inviolables : ils ne pourront être perquisitionnés, réquisitionnés ou expropriés. En contrepartie, la GSA, chargée de l’exploitation du Centre, devra veiller à ce qu’ils ne puissent servir de refuge à des personnes ayant maille à partir avec la police ou la justice françaises (ce qui ne devrait pas poser de problème dans la mesure ou l’entrée de ces locaux sera certainement très contrôlée). L’article 9 dote le CSSG des mêmes privilèges qu’une représentation diplomatique pour ses communications et l’article 10 prévoit que le drapeau européen pourra âtre arboré.
Les articles 11 à 16 déterminent le régime fiscal et social du Centre et de ses personnels :
– le Centre et ses achats seront exonérés de tous impôts directs et indirects (TVA) et de droits de douane ;
– les salaires versés aux personnels du CSSG seront exonérés de tous impôts et charges sociales français ;
– de manière générale, ces personnels, s’ils s’installent en France du fait de leur affectation au Centre (ceci ne valant donc pas pour ceux déjà résidents français à ce moment), bénéficieront du statut fiscal de non-résident pour les impôts directs (sur le revenu, la fortune et les successions) : ils conserveront leur domicile fiscal dans leur pays d’origine et c’est là qu’ils seront assujettis à ces impôts ;
– ils seront également assujettis à un impôt au profit de l’Union européenne, qui devrait être celui applicable aux fonctionnaires européens (voir encadré infra), et au régime de sécurité sociale de ces derniers.
L’impôt européen sur les salaires des fonctionnaires de l’Union
Cet impôt a été établi par un règlement de 1968. Il est prélevé sur les salaires des fonctionnaires européens au bénéfice du budget de l’Union.
Il s’agit d’un impôt progressif, avec, après application de divers exonérations et abattements (exonération des prestations à caractère familial et social, abattements de 10 % pour frais professionnels et pour les enfants à charge), 14 tranches d’imposition et un taux maximal d’imposition, sur la dernière tranche, de 45 %. S’y ajoute, de 2014 à 2023, un « prélèvement de solidarité » de 6 %.
Les articles 17 à 20 traitent des autres « privilèges et immunités » des personnels du Centre, ainsi que des experts nationaux détachés, comprenant notamment la délivrance de droit de titres de séjour spéciaux et une immunité de juridiction limitée aux actes accomplis en leur qualité officielle. Il est également rappelé que ces privilèges et immunités ne sont accordés que « dans l’intérêt » de l’Union européenne et de la GSA et que l’immunité de juridiction doit être levée (sur demande des autorités françaises) dès lors que ce n’est pas contraire à cet intérêt.
L’article 21 précise que l’accord est régi par le droit de l’Union et, à défaut de dispositions pertinentes de ce dernier, par le droit français.
Enfin, les articles 22 à 24 comprennent les habituelles dispositions finales, relatives notamment à l’entrée en vigueur de l’accord. Il est prévu que celui-ci s’applique jusqu’en 2030 et peut être tacitement reconduit pour des périodes de vingt ans.
Par ailleurs, l’article 23 annexe à l’accord un cahier des charges, qui est donc également soumis à l’approbation de l’Assemblée nationale. Ce document précise notamment les équipements du Centre, la surface de ses locaux, les normes de construction applicables ou encore les services de proximité et de sécurité qui seront fournis au Centre par le Quartier général des Loges (bénéfice du dispositif général de sécurité de l’emprise ; eau et électricité ; accès aux infrastructures sportives et de restauration collective en place, ainsi qu’à des salles de réunion…).
Votre rapporteure vous invite à adopter le présent projet de loi, de sorte que l’accord sur le Centre de sécurité Galileo puisse être ratifié, car :
– le programme Galileo est l’un de ces trop rares grands programmes dans lesquels l’Europe s’incarne ;
– ce programme vise non seulement à assurer la présence de l’Europe dans un secteur économique à très haut contenu technologique et à forte croissance, mais aussi dans un secteur essentiel pour son indépendance politique et militaire ;
– pour la France, l’implantation sur son sol du Centre de sécurité Galileo, qui veillera notamment au bon fonctionnement du service crypté destiné aux autorités publiques, constitue un corollaire de son statut international et de sa situation de principale puissance militaire de l’Union aux côtés du Royaume-Uni, autre pays d’implantation de ce centre ;
– cette implantation, même si elle mobilise des moyens assez modestes, aura des retombées positives sur notre économie.
La commission examine, sur le rapport de Mme Pascale Boistard, le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord relatif à l’hébergement et au fonctionnement du centre de sécurité Galileo (n° 1846), au cours de sa séance du mercredi 30 avril 2014. Un débat a lieu après l’exposé de la rapporteure.
M. Jacques Myard. Je me félicite que le projet Galileo prenne enfin corps. Il y a une nécessité absolue d’indépendance française et européenne par rapport au GPS américain. J’aurai deux questions. La première est d’ordre pratique : combien de satellites sont à ce jour dans le ciel ? La deuxième est fondamentale : quelle sera précisément l’indépendance de Galileo par rapport au système américain ? Dans le passé, lorsque les Européens ont envisagé de mettre ce projet en œuvre, des notes verbales fortes ont été adressées à Bruxelles par les Américains très opposés au projet. Ils auraient alors exigé et obtenu un accès à la partie militaire cryptée. S’il n’est pas étonnant de voir quels sont les deux pays qui se sont portés candidats pour héberger le centre de sécurité, il faut avoir à l’esprit que les Britanniques ne sont pas vraiment indépendants des Etats-Unis et que le Royaume-Uni est parfois une banlieue américaine.
Enfin, je souligne que cet accord est un monstre juridique. Je n’ai jamais vu quelque chose comme l’article 21, lequel prévoit l’application du droit européen et à défaut du droit national, ce qui sera une source évidente de divergences d’interprétation.
Mme Estelle Grelier. Je souscris à la présentation qui été faite par la rapporteure. Sur le plan budgétaire, je veux souligner le fait que pour la première fois, dans le cadre du nouveau cadre financier pluriannuel, la dépense pour Galileo est budgétée sur une ligne dédiée alors que le projet était jusqu’à présent financé sur les reliquats d’autres programmes.
Mme Pascale Boistard, rapporteure. Concernant l’état du projet Galileo, quatre satellites ont été lancés et à terme il y en aura trente. Plusieurs nouveaux satellites doivent être lancés en milieu d’année. Il faut y ajouter les stations au sol dont sept sont en Outre-mer (Guyane, Tahiti, Réunion, Wallis…).
Concernant la complémentarité avec les Américains, M. Myard a fait référence à l’accord de 2004. On peut regretter qu’il n’y ait pas d’indépendance totale mais avant il n’y en avait aucune. On peut se féliciter que le site principal de sécurité soit à Saint-Germain-en-Laye (le Royaume-Uni hébergeant le site secondaire) et se réjouir de ce qu’avec Galileo, en termes d’indépendance, l’Europe avance ; cet état d’esprit a d’ailleurs pu être constaté à nouveau dans les rapports de l’Europe avec les Etats-Unis s’agissant des données personnelles.
Suivant les conclusions de la rapporteure, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 1846).
TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION
Article unique
(sans modification)
Est autorisée l’approbation de l’accord relatif à l’hébergement et au fonctionnement du centre de sécurité Galileo (ensemble une annexe), signé à Paris le 12 juin 2013 et dont le texte est annexé à la présente loi.
NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n°1846).