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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 mai 2014
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE relative à la nomination des dirigeants de la SNCF (n° 1877).
PAR M. Gilles SAVARY
Député
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Voir les numéros : 1877 et 1999.
SOMMAIRE
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Pages
Article 1er(tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution) : Avis public des commissions parlementaires sur la nomination des dirigeants de la nouvelle SNCF 10
Article 2 : Entrée en vigueur 11
AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 13
Le projet de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 16 octobre 2013 (n° 1468) tend à instituer un groupe public ferroviaire réunissant trois établissements : l’actuelle Société nationale des chemins de fer français renommée SNCF Mobilités, l’actuel Réseau ferré de France rebaptisé SNCF Réseau et un nouvel établissement voué à coiffer l’ensemble de la structure, simplement désigné sous le nom de SNCF. Cet ensemble de trois entités juridiquement et économiquement coordonnées viendrait remplacer les deux établissements publics industriels et commerciaux distingués par la loi n° 97-135 du 13 février 1997. Ce projet de loi a été renvoyé au fond à la commission du développement durable, qui a procédé à son examen les 27 et 28 mai 2014.
Les travaux préparatoires diligentés par la commission du développement durable avaient cependant pointé une lacune dans le projet gouvernemental. Alors que l’article 13 de la Constitution et ses textes d’application organisent un contrôle parlementaire des désignations aux « emplois ou fonctions (…) pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du président de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée », et que ce mécanisme trouve précisément à s’opérer aujourd’hui pour la nomination des dirigeants de la Société nationale des chemins de fer français et de Réseau ferré de France, les incidences de la transformation des structures juridiques de ces entreprises n’étaient pas prises en compte. La réforme ferroviaire aurait ainsi abouti à la disparition du contrôle parlementaire sur la nomination des dirigeants du nouvel ensemble.
Cette perspective, qui résultait davantage d’un oubli que d’une volonté délibérée d’exclusion du Parlement, ne pouvait être acceptée. Il convient de faire en sorte que les commissions compétentes en matière de transport de l’Assemblée nationale et du Sénat conservent leurs prérogatives au regard des trois établissements publics ferroviaires qui naîtront de la réforme. Ceci suppose de faire évoluer les deux textes qui organisent le contrôle parlementaire des nominations de dirigeants d’organismes publics : d’une part la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, qui désigne les commissions permanentes compétentes pour procéder aux nominations, et d’autre part la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010, relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, qui fixe la liste des emplois ou fonctions concernés.
Le premier texte est une loi ordinaire, qui peut donc être modifié au moyen de toute autre loi ordinaire. La commission du développement durable a donc d’ores et déjà inscrit dans le projet de loi de réforme ferroviaire un nouvel article 9 bis établissant sa compétence en la matière.
Le second texte, en revanche, est une loi organique. Il suppose donc une procédure particulière, plus solennelle. La Constitution exige des délais d’examen par les assemblées plus longs en cas d’engagement par le Gouvernement de la procédure accélérée, ainsi qu’une majorité absolue de l’Assemblée nationale si celle-ci devait faire valoir son dernier mot. Quant au Règlement de l’Assemblée nationale, il confère à la commission des lois la compétence de l’examen des dispositions organiques. Surtout, il n’était pas loisible au rapporteur du projet de loi de proposer un amendement de nature organique : un texte ad hoc devait impérativement être déposé.
Telle est la raison d’être de la présente proposition de loi organique, cosignée par les présidents des commissions du développement durable et des lois, par le rapporteur de la commission du développement durable sur le projet de loi, et par les membres socialistes de cette même commission.
On notera avec intérêt ses singularités par rapport aux prescriptions contenues aujourd’hui dans la loi organique du 23 juillet 2010.
En premier lieu, la proposition de loi organique coordonne le droit existant avec les ambitions de la réforme ferroviaire, en tirant les conséquences de la future disparition de la Société nationale des chemins de fer français et de Réseau ferré de France. Ces deux établissements publics, par ailleurs renommés, seront coiffés d’un EPIC de tête – la SNCF – destiné à abriter les instances de direction du groupe : un directoire et un conseil de surveillance. C’est donc lui, et lui seul, qui doit faire l’objet d’une prescription de nature organique.
En second lieu, le projet de loi déposé par le Gouvernement prévoit un mécanisme original aux termes duquel « la nomination en qualité de président du directoire emporte nomination au sein du conseil d’administration de SNCF Mobilités et désignation en qualité de président de ce conseil d’administration », tandis que « la nomination en qualité de vice-président du directoire emporte nomination au sein du conseil d’administration de SNCF Réseau et désignation en qualité de président de ce conseil d’administration ». Ces deux dirigeants sont désignés par décret du Président de la République. Dans la mesure où la présidence du conseil d’administration d’un établissement public ne sera, dans un cas comme dans l’autre, que la conséquence automatique de la nomination au directoire, c’est sur cette dernière qu’il convient d’ordonner un avis public des commissions parlementaires. Ainsi donc, et contrairement à toutes les autres lignes du tableau annexé à la loi organique du 23 juillet 2010, plusieurs dirigeants d’une même entreprise seront assujettis au contrôle parlementaire.
En troisième lieu, la proposition de loi ne se borne pas à une coordination, à maintenir l’audition des présidents de la Société nationale des chemins de fer français et de Réseau ferré de France respectivement devenus président et vice-président du directoire de la SNCF. Elle tire également les conséquences de l’architecture institutionnelle dressée par le projet de loi gouvernemental, qui institue un conseil de surveillance et qui dote son président de pouvoirs exécutifs. Ainsi, ce conseil de surveillance exerce des prérogatives essentielles à la bonne marche de l’entreprise, notamment en ce qu’il autorise « les engagements financiers et les conventions passées entre la SNCF et SNCF Réseau ou SNCF Mobilités ». Son président jouera, en outre, le rôle important de départiteur en cas de désaccord au sein du directoire, dont il devient par conséquent de facto le troisième membre. Il est donc cohérent que la loi organique commande une supervision parlementaire de sa nomination.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2013-677 DC du 14 novembre 2013, a censuré la volonté du Parlement de soumettre à son contrôle la nomination du président de l'Institut national de l'audiovisuel au motif que les fonctions de ce dernier n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 13 de la Constitution, qui exige de celles-ci une importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation. Nul ne saurait sérieusement contester que la direction du groupe public ferroviaire national, et notamment la fonction de départiteur en cas de divergence d’opinion entre les deux membres de son directoire, revêt une importance considérable tant pour la vie économique que pour la vie sociale de la Nation. Son inscription dans la loi organique du 23 juillet 2010 apparaît, de ce point de vue, insusceptible de censure par le juge constitutionnel – auquel la loi sera automatiquement déférée conformément à l’article 61 de la Constitution.
Lors de sa réunion du mercredi 28 mai 2014, la commission a examiné pour avis la proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de la SNCF, sur le rapport de M. Gilles Savary (n° 1991).
M. le président Jean-Paul Chanteguet. La proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de la SNCF, dont notre commission s’est saisie pour avis, fait l’objet de deux amendements. La discussion générale étant commune avec le projet de loi portant réforme ferroviaire, nous passons directement à l’examen des amendements.
M. Gilles Savary, rapporteur pour avis. Pour tenir compte de la nouvelle organisation de la direction de la SNCF prévue dans le projet de loi n° 1468 portant réforme ferroviaire, la proposition qui vous est soumise pour avis tend à compléter le tableau annexé à la loi organique du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, pour inclure dans la liste des personnalités ainsi nommées le président du conseil de surveillance, le président et le vice-président du directoire de la SNCF.
M. Martial Saddier. N’étant pas d’accord avec le projet de loi portant réforme ferroviaire, je ne peux souscrire à la proposition de loi organique. Mais je comprends le souci de cohérence qui la sous-tend.
Il est indiqué, à l’article 2, que la loi organique entrera en vigueur le 1er décembre 2014 ; quand notre commission sera-t-elle appelée à se prononcer sur ces nominations ? Par ailleurs, quelle serait, selon le Gouvernement, la personnalité apte à exercer les fonctions de président du conseil de surveillance de la SNCF dans sa nouvelle configuration ?
M. le rapporteur pour avis. Il est prévu à l’article 9 du projet de loi portant réforme ferroviaire que le nouvel établissement public SNCF issu de la loi sera créé le 1er décembre 2014. Nous auditionnerons donc les personnalités dont la nomination sera proposée, probablement à l’hiver ou au printemps 2015.
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Ce serait une forme d’irrespect du Gouvernement à l’égard du Parlement, qui ne s’est pas encore prononcé sur le projet de loi portant réforme ferroviaire, que d’avancer maintenant le nom d’une personnalité considérée apte à remplir les fonctions de président du conseil de surveillance de la future SNCF. Pour autant, bien entendu, nous y réfléchissons.
Article 1er
(tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution)
Avis public des commissions parlementaires sur la nomination des dirigeants de la nouvelle SNCF
L’article 1er de la proposition de loi modifie le tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010, relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, afin de tenir compte des conséquences de la réforme ferroviaire actuellement débattue par l’Assemblée nationale.
L’avis public des commissions parlementaires préalable aux nominations par le Président de la République des présidents de la Société nationale des chemins de fer français et de Réseau ferré de France est remplacé par un avis public sur les nominations du président et du vice-président du directoire du nouvel EPIC « La SNCF », qui exerceront, après la réforme, des fonctions similaires. Un troisième avis public est inséré sur la nomination du président du conseil de surveillance, qui est appelé à exercer des fonctions exécutives en cas de désaccord entre les membres du directoire.
Ce dispositif organique est complété par l’article 9 bis du projet de loi de réforme ferroviaire, introduit par la commission du développement durable lors de son examen du 28 mai 2014, qui dispose que les commissions parlementaires compétentes sont celles chargées des transports.
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La Commission est saisie de l’amendement de suppression CD1 de M. Martial Saddier.
M. Martial Saddier. Nous regrettons que le projet de loi ordinaire ne simplifie le système ferroviaire ni ne clarifie le rôle des acteurs, et qu’il échoue à préparer l'ouverture à la concurrence définie au niveau européen.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la Commission rejette l’amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1ersans modification.
L’article 2 de la proposition de loi fixe au 1er décembre 2014 l’entrée en vigueur de la présente proposition de loi organique, date correspondant à la création du nouvel établissement public dénommé « SNCF », prévue au I de l’article 9 du projet de loi portant réforme ferroviaire. Les nouveaux dirigeants pourront donc être nommés au plus tôt après la création de ces structures, étant entendu que la Société nationale des chemins de fer français et Réseau ferré de France ne deviendront respectivement SNCF Mobilités et SNCF Réseau qu’un mois plus tard, au 1er janvier 2015.
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Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la Commission rejette l’amendement de suppression CD2 de M. Martial Saddier.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 sans modification.
M. le secrétaire d’État. Les propos de M. Dominique Bussereau ayant beaucoup inquiété le monde ferroviaire, je tiens à souligner que nous mettrons en place, d’ici à la séance publique, un dispositif immuable. Nous ferons tout pour solidifier cette grande réforme et éviter qu’elle ne soit victime d’une alternance politique malheureuse.
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La Commission émet un avis favorable à l’adoption sans modification de l’ensemble de la proposition de loi organique.
AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION
Les amendements déposés en Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sont consultables sur le site internet de l’Assemblée nationale. (1)
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