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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 juin 2015
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI, relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre (n° 2822).
PAR Mme Corinne Erhel
Députée
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Voir le numéro : 2822.
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 5
I. LA RÉAFFECTATION DES FRÉQUENCES DE LA BANDE 700 MHZ S’INSCRIT DANS UN MOUVEMENT INTERNATIONAL 7
A. UNE DÉCISION CONFORME AUX ORIENTATIONS INTERNATIONALES 7
B. UN MOUVEMENT ENGAGÉ AU SEIN DE L’UNION EUROPÉENNE 8
C. LE CALENDRIER FRANÇAIS DE LIBÉRATION DE LA BANDE 9
II. LA LIBÉRATION DE LA BANDE 700 MHZ, UN ENJEU POUR LES TÉLÉCOMS 11
A. FAIRE FACE À L’AUGMENTATION DU TRAFIC MOBILE ET À L’APPARITION DE NOUVEAUX USAGES 11
B. LA NÉCESSITÉ D’ASSURER UNE RÉGULATION COHÉRENTE 13
III. LA LIBÉRATION DE LA BANDE 700 MHZ, UN DÉFI POUR L’AUDIOVISUEL 17
TRAVAUX DE LA COMMISSION 23
Article 8 : (article L. 41-2 du code des postes et des communications électroniques) Financement du coût des réaménagements résultant de la réaffectation de la bande 700 MHz 27
Article additionnel après l’article 8 (article L. 42-2 du code des postes et des communications électroniques) : Prise en compte de l’aménagement du territoire pour toute réaffectation d’une bande de fréquences précédemment utilisée pour la diffusion de la TNT 27
Article 9 (article L. 43 du code des postes et des communications électroniques) : Extension à la bande 700 MHz de la taxe destinée au financement de la résorption des brouillages causés par la mise en service des stations radioélectriques 27
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 29
Dès le printemps 2013, le Président de la République, M. François Hollande, avait annoncé son intention d’attribuer au secteur des télécommunications la bande de fréquences 694-790 mégahertz, dite « bande 700 MHz », aujourd’hui affectée à la diffusion de la télévision numérique terrestre. Cette décision avait été rapidement confirmée par Mme Fleur Pellerin, alors Ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique, lors d’un colloque de l’Agence nationale des fréquences (ANFR) organisé le 27 juin 2013.
Deux ans après ces annonces, la proposition de loi n° 2822 relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre, déposée par le groupe socialiste, républicain et citoyen le 28 mai 2015 sur le Bureau de l’Assemblée nationale, entend organiser la libération progressive de cette bande de fréquences.
Pour ce faire, la proposition de loi modifie, d’une part, la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, afin de confier au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) les moyens de déclencher les opérations techniques nécessaires à la libération de la bande 700 MHz, et, d’autre part, le code des postes et des communications électroniques afin de préciser le cadre juridique applicable aux opérateurs de télécommunications.
La commission des affaires économiques s’est saisie pour avis des articles 8 et 9 de la proposition de loi, qui modifient le code des postes et des communications électroniques.
Votre rapporteure s’est dès l’origine investie sur les enjeux liés à la réaffectation de la bande (1). Elle est bien évidemment convaincue de la nécessité de permettre au secteur des télécoms d’assurer rapidement aux quatre opérateurs mobiles la capacité de répondre à l’augmentation continue du trafic mobile. Celui-ci devrait ainsi être multiplié par dix entre 2014 et 2019, notamment en raison de la consommation de plus en plus importante de vidéos, dont la part dans le trafic global des mobiles devrait passer de 55 % en 2014 à 72 % en 2019 (2).
La réaffectation de la bande 700 MHz aux télécoms permettra donc d’assurer les besoins croissants en spectre des services mobiles du fait de l’explosion du trafic des données sur l’Internet mobile (3).
Dans le même temps, elle sera l’occasion de poursuivre la modernisation de la télévision numérique terrestre (TNT), le changement de normes de diffusion accompagnant cette réaffectation ayant pour objet, à terme, d’assurer à tous une réception de la télévision en haute définition.
Néanmoins, comme votre rapporteure le souligne depuis deux ans, cette réaffectation doit préserver l’équilibre économique de tous les acteurs, et s’accompagner d’un dispositif d’information et de soutien technique et financier à destination des téléspectateurs. En effet, la libération de la bande 700 MHz emporte de lourdes conséquences pour les acteurs de l’audiovisuel, mais également pour les Français, dont certains ne disposent pas du matériel adéquat. Le changement d’affectation se fera en effet à la faveur d’une bascule technologique vers la norme vidéo MPEG-4 et de l’arrêt de deux multiplex de diffusion, et ce dès avril 2016.
Recherche de l’équilibre entre intérêt de la filière télécoms, préservation des acteurs de l’audiovisuel, protection des citoyens, aménagement du territoire et valorisation du patrimoine de l’État devront être au cœur du processus de réaffectation de cette bande. Ce n’est qu’à cette condition que chacun coopérera pour la réussite de cette évolution technologique, essentielle à la poursuite de la relance de la croissance et de l’emploi.
Les fréquences radioélectriques appartiennent au domaine public de l’État. La gestion de ce patrimoine incombe à l’Agence nationale des fréquences, établissement public de l’État à caractère administratif placé sous l’autorité du ministre chargé des communications électroniques.
Conformément au tableau national de répartition des bandes de fréquences, la bande de fréquences 694-790 MHz est actuellement attribuée au Conseil supérieur de l’audiovisuel pour le service de radiodiffusion. Le conseil a autorisé dans cette bande de fréquences, comme dans le reste de la bande 470-790 MHz, les chaînes de la TNT à diffuser sur six multiplex R1 à R6, ainsi que les deux multiplex R7 et R8 déployés depuis le 12 décembre 2012 (4).
La réaffectation de la bande 700 MHz au secteur des télécommunications, qui constitue un changement d’usage du spectre, est rendue possible grâce à des négociations internationales qui ont débuté en 2012. En effet, lors de la Conférence mondiale des radiocommunications (CMR-12) qui s’est tenue à Genève au début de l’année 2012, il a été décidé que la bande 700 MHz pourrait recevoir une attribution mobile en région 1 au sens de la CMR (5) et celle-ci a été identifiée pour les télécommunications mobiles internationales (IMT). La CMR-2015, qui se tiendra en novembre prochain, entérinera cette décision et rien ne s’oppose aujourd’hui à enclencher le processus de réallocation de la bande.
Les annonces du Président de la République en 2013 ont en effet amené l’Agence nationale des fréquences à mener au sein de la Conférence européenne des administrations des postes et télécommunications et de l’Union internationale des télécommunications des démarches de concertation, permettant à terme l’élaboration d’un cadre européen et national pour l’usage de cette bande. Les conditions techniques d’utilisation du service mobile dans la bande 700 MHz sont ainsi déjà stabilisées, avant même la tenue de la CMR-15.
Parallèlement, reprenant les préconisations du rapport remis par M. Pascal Lamy à la Commission européenne le 1er septembre dernier (6), le RSPG (Radio Spectrum Policy Group), qui est un organe consultatif regroupant toutes les agences de fréquences de l’Union européenne, recommande que tous les États membres aient attribué la bande 700 MHz aux services de haut débit mobile avant 2020. En mars 2015, une décision définissant les conditions techniques d’utilisation de la bande 700 MHz par les services mobiles a été adoptée dans le cadre de la CEPT. Dix-neuf pays se sont d’ores et déjà engagés à l’appliquer. Comme le souligne l’ANFR, « l’harmonisation européenne vise à mettre en place un écosystème favorable à l’utilisation de la bande 700 MHz pour les services mobiles, avec des terminaux mobiles capables d’utiliser la bande et une itinérance sur l’ensemble du territoire européen. Cette harmonisation doit également protéger les réseaux mobiles vis-à-vis des émissions de télévision de forte puissance diffusées depuis des pays voisins. (7) »
Outre la France, plusieurs pays européens ont déjà annoncé leur intention d’affecter cette bande aux services mobiles.
L’Allemagne a déjà engagé des procédures de cession de la bande et les enchères se déroulent en ce moment même. Le régulateur (BNetzA) conduit également la procédure de mise aux enchères pour les bandes 900 MHz et 1 800 MHz dont les autorisations arrivaient à échéance en 2016, ainsi que pour la bande de fréquences 1 452-1 492 MHz récemment harmonisée pour le mobile haut débit en Europe.
Le Royaume-Uni a récemment achevé une consultation approfondie relative aux conditions de transfert de la bande 700 MHz et un fonds de 600 millions de livres sterling a été annoncé par le gouvernement afin de couvrir les dépenses de communication et de changement de fréquences nécessaires pour libérer cette bande.
Aux Pays-Bas, les autorisations existantes dans la bande 700 MHz s’achèvent en 2017, ce qui ouvre la voie à une réaffectation de la bande au secteur des télécommunications. Si les modalités de libération de la bande n’ont pas été annoncées, le gouvernement a laissé entendre que la procédure d’enchères pourrait être enclenchée en 2019.
En Suède, le gouvernement a décidé, en février 2014, de mettre fin à la diffusion de la TNT dans la bande 700 MHz le 31 mars 2017. L’usage ultérieur de la bande sera réservé à d’autres services que la diffusion audiovisuelle, notamment au haut débit mobile pour une meilleure desserte des zones rurales.
En Finlande, le gouvernement a décidé, en 2012, que la bande 700 MHz serait utilisée pour le haut débit mobile à partir du 1er janvier 2017.
Il est nécessaire que l’ensemble des États membres de l’Union européenne engagent le mouvement à des dates relativement proches, et ce afin de bénéficier pleinement de l’émergence d’un marché unique numérique que la Commission souhaite promouvoir dans le cadre de sa stratégie numérique présentée le 6 mai dernier (8). Par ailleurs, une grande diversité dans les dates d’attribution de la bande 700 MHz aux mobiles en Europe aurait des conséquences défavorables car elle conduirait à des brouillages entre télévision et réseaux mobiles dans les zones frontalières. Ces questions devraient notamment, dans le cadre de la préparation d’un nouveau programme pluriannuel sur les politiques dans le domaine du spectre radioélectrique (RSPP), amener la Commission européenne à négocier avec le Conseil et le Parlement européen afin de fixer une date limite pour le transfert de la bande au haut débit mobile dans l’Union européenne.
La France est donc en avance au sein de l’Union européenne. Le 10 décembre 2014, le Gouvernement a précisé le calendrier de libération de la bande des 700 MHz, confirmé par un arrêté du 6 janvier 2015.
Cet arrêté fixe les principales échéances du calendrier visant à la réaffectation de fréquences de la bande 700 MHz au profit de l’ARCEP. Il prévoit que les fréquences 703-733 MHz et 758-788 MHz seront affectées à l’ARCEP et libérées progressivement par le CSA entre le 1er décembre 2015 et le 30 juin 2019.
De manière plus concrète, l’attribution des fréquences aux opérateurs mobiles de télécommunications se déroulera en décembre 2015 à l’issue d’une procédure de mise aux enchères lancée par l’ARCEP à l’automne 2015 sur la base d’un cahier des charges rendu public à la fin du mois de juillet 2015.
Une fois la procédure des enchères terminée, le transfert effectif des fréquences aura lieu entre le 1er octobre 2017 et le 30 juin 2019, à l’exception de quelques zones où ces derniers pourraient les utiliser dès avril 2016 – ceci concerne essentiellement l’Île-de-France.
Concomitamment, la norme de compression MPEG-4 pour la diffusion de la TNT sera généralisée dans la nuit du 5 au 6 avril 2016, avec pour conséquence l’arrêt de la diffusion en MPEG-2, et la fermeture de deux multiplex.
Votre rapporteure a exposé à de nombreuses reprises combien la libération de nouvelles fréquences à destination des services mobiles était une condition à l’accueil de nouvelles applications et à l’apparition de nouveaux services au service des citoyens et des entreprises.
Le trafic mobile ne cesse d’augmenter. Selon l’étude annuelle de Cisco, « le développement des objets connectés et de terminaux mobiles toujours plus puissants, associé à de plus larges possibilités d’accès à des réseaux cellulaires rapides, constituent des facteurs clefs de la croissance significative du trafic mobile. En 2014, 93 % du trafic mondial de données mobiles correspondait à des flux « intelligents », c’est-à-dire dotés de fonctionnalités informatiques-multimédias avancées et utilisant au moins une connectivité 3G, ce taux étant appelé à grimper pour atteindre 99 % d’ici 2019. […] Du point de vue des réseaux mobiles mondiaux, en France, la 3G a supplanté la 2G en 2013. À l’horizon 2019, les réseaux 3G prendront en charge 30,7 % des connexions/appareils mobiles françaises ; les réseaux 4G assureront, quant à eux, 37.8 % des connexions et génèreront 81 % du trafic. (9) ».
De plus, les prévisions de croissance du trafic mondial de données mobiles révèlent que celui-ci, qui atteignait 30 exaoctets (10) en 2014, devrait atteindre 292 exaoctets d’ici 2019, ce qui représente :
– 292 fois la totalité du trafic mobile et fixe sur IP généré en l’an 2000 ;
– 65 000 milliards d’images, soit l’équivalent de 23 images par jour et par personne dans le monde entier pendant un an ;
– 6 000 milliards de clips vidéos, à raison de deux clips par jour et par personne dans le monde pendant un an.
En France, l’étude de Cisco indique que le trafic de données mobiles atteindra 249,5 pétaoctets (11) par mois en 2019, l’équivalent de 62 millions de DVD chaque mois, soit une hausse de 31,7 pétaoctets par mois par rapport à 2014.
L’augmentation croissante du trafic mobile s’explique par l’augmentation du nombre d’utilisateurs au niveau mondial, et par la multiplication des connexions mobiles, essentiellement en raison de l’essor des objets connectés. Ainsi, le nombre de dispositifs intelligents portables dans le monde devrait être multiplié par cinq, atteignant le chiffre de 578 millions unités d’ici 2019, contre 109 millions en 2014. En France, le nombre de ces objets s’élèvera à 16,7 millions d’ici 2019, contre 3,1 millions en 2014.
Or, le développement de ces nouvelles applications est intimement lié à la poursuite du déploiement de la 4G. En France, le trafic 4G sera multiplié par 17 entre 2014 et 2019. Les connexions 4G représenteront 37,8 % des connexions mobiles totales et 81 % du trafic total de données mobiles. Lors de son audition devant la commission des affaires économiques, le 7 avril 2015, M. Stéphane Richard, président-directeur général d’Orange, avait confirmé cette évolution en indiquant que « le trafic de données sur les réseaux mobiles double en volume tous les dix-huit mois en raison de la pénétration des smartphones, de l’arrivée des tablettes et du développement des usages […] En 2000, on prenait dans le monde 1 milliard de photographies par an : on en prend aujourd’hui 1 milliard par jour, lesquelles sont massivement partagées sur les réseaux sociaux – 250 000 sont échangées sur Facebook par minute. Cette révolution des usages est encore appelée à s’amplifier. »
En l’état actuel, certains opérateurs de téléphonie mobile assurent pourtant disposer de suffisamment de ressources spectrales pour garantir un service de qualité pendant les cinq à dix prochaines années. Il s’agit néanmoins d’anticiper l’évolution des usages, afin de ne pas freiner l’innovation en raison d’un embouteillage sur les fréquences existantes.
Comme votre rapporteure l’a déjà souligné, alors que la reprise de la croissance de l’économie française frémit à peine, le numérique constitue un puissant vecteur de croissance et d’emplois. La conversion numérique de la société bouleverse tous les secteurs de l’économie, et modifie en profondeur nos modes de vie, de communication, de production et de consommation. La révolution numérique génère des craintes, comme en témoignent les tensions apparues dans le secteur du transport de voyageurs ou du tourisme. Si certaines inquiétudes peuvent paraître fondées en raison du caractère disruptif des changements apportés par l’essor de l’économie numérique, l’entrée pleine et entière dans cette nouvelle ère est pourtant le moyen de placer à nouveau notre pays sur la voie de la création de richesses et d’améliorer la vie de chacun : la e-santé, qui ne cessera de s’améliorer avec l’invention de nouveaux objets connectés, modifiera en profondeur la prise en charge médicale et le suivi de la santé humaine, et permet déjà de répondre en partie à la problématique des déserts médicaux. De même, la e-éducation et l’essor de l’accès à la connaissance, la création des industries de demain et l’apparition de métiers jamais imaginés, l’essor de la robotique et des imprimantes 3D, la construction des villes intelligentes, tous ces bouleversements s’accompagneront d’un accroissement du trafic mobile.
Le 5 février 2015, le président du CSA, M. Olivier Schrameck, indiquait devant la commission des affaires culturelles du Sénat que le Gouvernement espérait obtenir des ressources d’un montant de 2,1 milliards d’euros à l’issue de la procédure d’enchères. Ce montant important devait initialement garantir l’équilibre financier de la loi de programmation militaire, et ainsi contribuer au financement des opérations militaires de la France visant à assurer la paix. Le projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019, qui vient d’être adopté par l’Assemblée nationale, réduit la part de ces « ressources exceptionnelles » dans le financement de la loi de programmation militaire, dont les ressources deviennent essentiellement budgétaires. Cette évolution, essentiellement due à une question de calendrier, ne modifie en rien la destination finale du produit des fréquences, qui indirectement permettra de financer l’effort des soldats français.
Dans un contexte de contraction économique pour les opérateurs de télécommunications, il est essentiel que le Gouvernement et le régulateur garantissent, au regard de leurs attributions respectives, un cadre stable, prévisible et équitable à l’ensemble des acteurs, afin de contribuer à l’apaisement d’un secteur encore sous tension. M. Stéphane Richard, président-directeur général d’Orange, avait ainsi indiqué devant votre commission que « Orange sera candidat à l’acquisition de ces fréquences. Nous espérons que l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) établira des règles équitables pour tous – je tiens à faire passer ce message à la représentation nationale : en effet, ce n’est pas parce que, il y a deux ou trois ans, des opérateurs ont choisi de ne pas se porter candidat à l’appel d’offres sur la bande des 800 MHz – des fréquences basses qui ont un grand intérêt – qu’il faudrait leur consentir aujourd’hui un avantage particulier. Je ne pense pas être le seul de la profession à penser cela. Pour peu que les conditions soient équitables, Orange participera aux enchères sur la bande des 700 MHz en vue d’obtenir, comme le groupe l’a toujours tenté, la plus belle partie du spectre. »
Il est vrai que les mois qui ont suivi l’affectation des dernières bandes de fréquences au secteur télécom n’ont pas contribué à l’apaisement des relations au sein de la filière.
Pour rappel, afin d’accueillir les technologies 4G et d’absorber la hausse du trafic, deux nouvelles bandes de fréquences avaient été identifiées en Europe. En France, elles ont été affectées de la manière suivante :
– la bande 790 – 862 MHz (dite « 800 MHz »), issue du premier dividende numérique, libérée par l’arrêt de la diffusion hertzienne terrestre analogique de la télévision, affectée aux services mobiles à partir du 1er décembre 2011 ;
– la bande 2500–2690 MHz (dite « 2,6 GHz FDD (12) »), dont la libération par le ministère de la Défense, région par région, a été menée entre 2010 et 2014.
S’agissant de l’attribution de la bande 2,6 GHz FDD, les quatre opérateurs ont candidaté et obtenu des fréquences : Free Mobile et Orange France ont obtenu une quantité de fréquences de 20 MHz duplex ; Bouygues Telecom et SFR ont obtenu une quantité de fréquences de 15 MHz duplex. L’ensemble des fréquences de la bande 2,6 GHz a ainsi été attribué, pour un montant total de 936 millions d’euros (13).
S’agissant de l’attribution des fréquences de la bande 800 MHz, les quatre opérateurs se sont portés candidats mais Free Mobile n’a pas obtenu de fréquences. Les trois autres opérateurs ont chacun obtenu 10 MHz duplex, tandis que Free Mobile n’a obtenu que la possibilité de bénéficier d’un accueil en itinérance dans la bande 800 MHz, pour la couverture de la zone de déploiement prioritaire. L’attribution des fréquences de la bande 800 MHz a permis une forte valorisation du domaine public hertzien, avec un montant de 2 639 millions d’euros (14).
Les suites de cette procédure appellent plusieurs remarques.
Premièrement, la libération de la bande 700 MHz, des fréquences basses dites « en or » en raison de leurs caractéristiques physiques de propagation radioélectrique plus robustes que celles des fréquences plus hautes (15), intervient peu de temps après la libération de la bande 800 MHz, également considérée comme abritant des fréquences « en or ». Selon les opérateurs, il leur avait clairement été indiqué au moment de la procédure d’enchères sur la bande 800 MHz que d’autres fréquences basses ne seraient pas mises sur le marché avant de nombreuses années. D’après eux, le montant des enchères aurait pu être moins élevé s’il leur avait été possible d’envisager l’obtention rapide de nouvelles fréquences basses. Si votre rapporteure ne remet pas en cause le calendrier retenu par le Gouvernement pour la réaffectation de la bande 700 MHz, elle rappelle la nécessité de donner de la visibilité aux acteurs économiques. À ce titre, l’article 2 de la proposition de loi consacre l’affectation de la bande 470-694 mégahertz au Conseil supérieur de l’audiovisuel pour la diffusion de services de télévision par voie hertzienne terrestre, au moins jusqu’au 31 décembre 2030.
Deuxièmement, la signature d’un contrat d’itinérance entre Orange et Free, ainsi que l’acceptation de la demande de refarming formulée par Bouygues Telecom, c’est-à-dire de réutilisation de la bande 1 800 MHz par des technologies autres que le GSM, quelques mois seulement après la clôture de la procédure d’enchères, ont jeté le trouble sur le pilotage de la régulation du secteur. Comme le soulignait le rapport que votre rapporteure avait cosigné avec Mme Laure de La Raudière sur l’impact de la régulation sur la filière télécoms (16), certains acteurs n’hésitaient pas à évoquer une « dérégulation ».
Aujourd’hui, le secteur semble plus confiant dans la capacité des acteurs à renouer avec une croissance de long terme. Il est indispensable de conforter cette évolution. Les opérateurs sont engagés dans des programmes d’investissements lourds, dans le cadre du déploiement du très haut débit et de l’amélioration de la couverture mobile sur l’ensemble du territoire (17). Les obligations qui pèsent sur les opérateurs, confortées par le récent accord qu’ils ont signé avec l’État (18) à la suite des annonces du Premier ministre, M. Manuel Valls, lors du Comité interministériel aux ruralités du 13 mars dernier, ne pourront être respectées qu’à la condition qu’ils soient en mesure de déployer sereinement leurs réseaux.
À ce titre, votre rapporteure s’interroge sur le maintien dans le corpus juridique de l’article L. 2231‑8‑1 du code des transports, créé par l’article 18 de la loi n°2014‑872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire. Cet article, qui établit la priorité des communications ferroviaires dans la bande 900 MHz, complexifie les opérations de couverture des réseaux ferrés. Personne ne nie l’importance de protéger ces communications, qui constituent un élément-clé de la sécurité ferroviaire. Le « GSM-R » est le standard européen de télécommunications ferroviaires permettant de relier les trains aux systèmes de régulation, ainsi que les équipes à bord à celles au sol. Ces communications permettent de contrôler en partie automatiquement la vitesse des trains sur le réseau ou de bloquer instantanément le trafic en cas d’accident. Il s’agit donc de trouver une solution équilibrée.
La libération de la bande 700 MHz soulève des enjeux d’importance pour le secteur des télécommunications, et oblige les pouvoirs publics à garantir un environnement juridique stable et clair afin de réussir cette transition. Plus largement, il est indispensable d’adopter une démarche fondée sur la recherche d’un équilibre, car les acteurs de l’audiovisuel sont également confrontés à un défi majeur.
La libération de la bande 700 MHz et la généralisation de la norme de compression MPEG-4 pour la diffusion de la TNT, qui s’accompagne de l’arrêt de la diffusion en MPEG-2 et de celui de deux multiplex, entraînent de lourdes conséquences pour le secteur de l’audiovisuel.
Les diffuseurs et les éditeurs ont vu la part du spectre affectée à la diffusion de la télévision se réduire rapidement au cours des dernières années.
Alors que se poursuit le déploiement des six nouvelles chaînes en haute définition (HD) lancées en décembre 2012 sur les multiplex appelés R7 et R8, la libération de la bande 700 MHz rend nécessaire l’extinction de deux multiplex nationaux. Pour l’heure, les multiplex R5 et R8 sont ciblés. De manière concrète, il sera demandé aux éditeurs et aux diffuseurs d’éteindre une partie des équipements récemment déployés, ou parfois à déployer sur l’ensemble du territoire.
Dans le même temps, les multiplex devront être recomposés, ce qui entraînera d’intenses négociations entre les éditeurs. Pour certaines chaînes, il sera nécessaire de changer de multiplex de diffusion. Pour les chaînes diffusées sur les deux multiplex arrêtés, il leur faudra assurer la gestion de la fin anticipée des contrats de diffusion. La réduction du nombre de multiplex est permise par l’arrêt de la norme de compression MEPG-2 et le passage au tout MPEG-4.
Ce grand soir aura lieu dans la nuit du 5 au 6 avril 2016, et aura aussi des conséquences pour les téléspectateurs.
S’agissant de l’arrêt du passage au tout MPEG-4, il n’y aura aucun impact pour les foyers disposant d’un adaptateur TNT intégré à leur téléviseur ou externe. Pour les autres, il conviendra d’adapter le récepteur par l’achat d’un adaptateur externe, dont certains modèles sont vendus à partir de 25 euros.
S’agissant de la recomposition des multiplex, il faudra procéder à une opération de « recherche et mémorisation des chaînes » permettant de récupérer les chaînes dès lors que le récepteur est compatible MPEG-4. Pour près de 100 000 foyers, des risques de brouillage existent et il conviendra d’adapter la réception par une réorientation de l’antenne ou un changement du mode de réception. En Île-de-France, la libération anticipée des fréquences génèrera des brouillages affectant également plus de 10 000 foyers.
Par la suite, la campagne de réaménagements se déroulera région par région, selon le calendrier établi par le CSA, entre octobre 2017 et le 30 juin 2019.
Votre rapporteure considère que toute politique publique doit être accompagnée d’une étude d’impact précise, permettant d’anticiper et d’accompagner des évolutions parfois difficiles à appréhender, tant par les acteurs économiques que par les citoyens.
En l’espèce, la libération de la bande 700 MHz touche tant les téléspectateurs que les éditeurs et les diffuseurs.
S’agissant des téléspectateurs, le Gouvernement a annoncé la mise en place d’un programme d’accompagnement dont les principaux contours devraient être proposés par voie d’amendement gouvernemental lors de l’examen de la proposition de loi par la commission des affaires culturelles. D’après les informations portées à la connaissance de votre rapporteure, le programme d’accompagnement des téléspectateurs envisagé sera organisé autour de l’Agence nationale des fréquences (ANFR) et comportera, comme lors du passage au tout numérique, un volet « aides » et un volet « communication ». L’agence gèrera ainsi les aides aux téléspectateurs, le centre d’appels, le site Internet et la communication à l’égard des professionnels et du grand public.
Grands axes du plan d’accompagnement
i) aide à l’équipement
L’aide l’équipement permettra aux foyers dépendants exclusivement de la TNT et non encore équipés de faire l’acquisition d’un adaptateur compatible avec la norme de compression MPEG-4. D’un montant maximal de 25 €, elle devrait être versée sous conditions de ressources. Le nombre de foyers susceptibles d’être éligibles à cette aide a été estimé à près de 250 000 foyers.
ii) aides à la réception
Il s’agit d’aides versées sans condition de ressources, permettant d’assurer la continuité de la réception de la télévision à l’occasion des réaménagements de fréquences prévus en 2016 pour l’Île-de-France et entre fin 2017 et mi 2019 pour les autres régions, soit :
- l’aide à la réorientation de l’antenne, d’un montant maximal de 120 euros par foyer, pour laquelle environ 450 000 foyers seraient éligibles ;
- l’aide au passage à un mode réception alternatif (satellite,...), d’un montant maximal de 250 euros par foyer, pour laquelle environ 190 000 foyers seraient éligibles.
iii) assistance technique
Les prestations d’assistance technique pour certaines personnes, notamment les personnes âgées ou handicapées, recouvrent une aide aux branchements et une aide aux réglages des appareils. Lors du passage au tout numérique, de telles prestations avaient occasionné une dépense totale de 8 millions d’euros.
Votre rapporteure tient à attirer l’attention sur le nombre de foyers pouvant être concernés par des difficultés de réception suite au passage au MPEG-4 et à l’arrêt de deux multiplex. En effet, au cours de ses auditions, plusieurs évaluations lui ont été transmises, allant de 5 % à 15 % des foyers. Cette disparité s’explique notamment par des méthodes de calcul différentes. Il semblerait que les évaluations basses ne prennent en compte que les récepteurs principaux, et pas les récepteurs secondaires. Or, les téléviseurs installés dans des cuisines, des chambres ou des pièces secondaires sont souvent d’anciens modèles incompatibles avec la norme MPEG-4. Par ailleurs, certaines chaînes, en raison de leur thématique, sont principalement regardées sur des postes secondaires.
De plus, il sera indispensable de débuter la campagne d’information des téléspectateurs suffisamment tôt, afin de leur permettre de vérifier leurs équipements et de s’adapter en conséquence. Il semblerait en effet que les stocks d’adaptateurs ne soient pas suffisants pour couvrir l’ensemble des demandes. Selon certains éditeurs et diffuseurs, la date du 5 avril est trop rapprochée. Ils craignent en effet une baisse mécanique des audiences et du chiffre d’affaires des chaînes TNT si les équipements non compatibles ne sont pas renouvelés. L’opération est réalisable dans le calendrier envisagé mais il est nécessaire d’anticiper et d’informer le plus en amont tant les professionnels que les citoyens.
S’agissant des éditeurs, quelques économies d’échelle devraient être réalisées notamment en raison de l’arrêt d’une double diffusion en format standard (SD) et en haute définition. Toutefois, ces économies de débit ne se répercuteront pas intégralement sur les coûts de diffusion, et ce pour plusieurs raisons :
– le coût annuel unitaire des multiplex pourrait augmenter compte tenu de la moindre mutualisation des coûts fixes de diffusion liée au passage de huit à six multiplex ;
– l’extinction du MPEG-2 engendrera mécaniquement un mouvement d’une part importante des chaînes vers la haute définition. Or, une chaîne gratuite SD qui passerait à la haute définition pourrait voir son débit augmenter de 20 %.
Au-delà, la rupture des contrats de diffusion qui résultera de l’arrêt de deux multiplex comporte un fort risque indemnitaire. Les éditeurs contraints de migrer d’un multiplex à un autre du fait de la recomposition des multiplex pourraient, en effet, être amenés à rompre des relations contractuelles, soit directement soit, de façon indirecte, par l’intermédiaire du multiplex dont ils faisaient partie à l’origine. Ils pourraient alors se voir astreints, directement ou par une responsabilité indirecte mais solidaire – au nom de leur opérateur de multiplex –, au paiement d’indemnités contractuelles, susceptibles d’être regardées comme constitutives d’un préjudice de nature à ouvrir droit à indemnisation – sauf disposition contractuelle particulière qu’il n’est pas possible à votre rapporteure de connaître. Le coût potentiel de ces éventuelles indemnités n’est pas facile à évaluer.
L’arrêt anticipé des émetteurs assurant la diffusion des deux multiplex R5 et R8 pourrait aussi s’accompagner d’une demande de règlement de pénalités de rupture de contrat par les opérateurs de diffusion (Itas-TIM, TDF et Towercast, suivant les plaques d’émission). Si l’extinction anticipée de la diffusion analogique n’avait donné lieu à aucune demande de versement d’indemnités contractuelles des diffuseurs aux chaînes, il est impossible de prévoir la réalité des préjudices qui pourraient naître de l’arrêt anticipé de certains émetteurs.
Au cours de ses auditions, il a été indiqué à votre rapporteure que le montant des indemnités pourrait s’élever :
– à 35 millions d’euros pour le multiplex R5, c’est-à-dire le montant global des sommes restant à verser en avril 2016, date d’arrêt du multiplex, jusqu’aux termes des contrats de diffusion, à répartir au tiers entre les Groupes France Télévisions, TF1 et M6 ;
– à 60 millions d’euros pour le multiplex R8, c’est-à-dire le montant global des sommes restant à verser en avril 2016, date d’arrêt du multiplex, jusqu’aux termes des contrats de diffusion, à répartir pour deux tiers au Groupe NextradioTV et un tiers au Groupe M6.
Pour l’heure, aucun dispositif d’indemnisation publique n’est prévu par la proposition de loi. Si la situation n’évolue pas au cours de la navette parlementaire, les opérateurs pourraient être fondés à demander réparation devant les tribunaux, selon les mécanismes classiques de responsabilité du fait des lois. Depuis l’arrêt du Conseil d’État du 14 janvier 1938 « Société anonyme des produits laitiers La Fleurette », la responsabilité de l’État peut en effet être engagée sur ce fondement (19).
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La libération de la bande 700 MHz et sa réaffectation au secteur des télécommunications constitue un enjeu majeur pour le développement de l’innovation numérique et l’apparition de nouveaux usages à même de relancer la croissance et l’emploi. Elle constitue également un défi technique et technologique, adressé aux acteurs de l’audiovisuel qui doivent poursuivre la modernisation de la télévision numérique terrestre.
Au cours de l’examen de la présente proposition de loi par la commission des affaires économiques, votre rapporteure a proposé de consacrer, dans le code des postes et des communications électroniques, la nécessité de prendre particulièrement en compte l’aménagement du territoire dans le cadre d’une procédure d’attribution de fréquences aux opérateurs mobiles.
La loi n° 2009‑1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, dite loi « Pintat », avait imposé la prise en compte « des impératifs d’aménagement numérique du territoire » pour la libération de la bande 800 MHz dans le cadre du passage au tout numérique et de l’abandon de la télévision analogique. La commission des affaires économiques, suivant l’avis de votre rapporteure, a donc décidé de proposer de généraliser cette disposition, tant dans le cadre de la libération de la bande 700 MHz que dans le cas éventuel d’une future libération d’une bande de fréquences. Votre rapporteure souhaite que la commission des affaires culturelles approuve cette initiative lors de sa réunion du 17 juin prochain.
Lors de sa réunion du mercredi 10 juin 2015, la commission des affaires économiques a examiné pour avis la proposition de loi relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre (n° 2822), sur le rapport de Mme Corinne Erhel.
Mme Frédérique Massat, présidente. Mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui, pour avis, la proposition de loi relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre, dont notre commission s’est saisie pour avis, en ses articles 8 et 9. Mme Corinne Erhel a été désignée comme rapporteure pour avis.
Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis. La proposition de loi du groupe Socialiste, républicain et citoyen que nous examinons aujourd’hui pour avis vise à encadrer le transfert vers les opérateurs de téléphonie mobile des fréquences 694 MHz-790 MHz, dite « bande 700 MHz », actuellement utilisée par les services de télévision. Ce changement d’affectation se fera à la faveur d’une bascule technologique vers la norme vidéo MPEG-4 et de l’arrêt de deux multiplex de diffusion.
L’article 8 prévoit la prise en charge par les opérateurs de télécommunications du coût des réaménagements résultant du transfert des fréquences de la bande 700 MHz.
Quant à l’article 9, il vise à étendre à cette bande la taxe instituée – pour la bande 800 MHz – pour le recueil et le traitement des réclamations des usagers de services de communication audiovisuelle relatives aux brouillages causés par la mise en service des stations radioélectriques.
L’attribution du spectre, qui constitue un bien public, et sa gestion dans le temps, sont un enjeu hautement stratégique aussi bien pour les télécoms que pour la télévision.
Ce texte a vocation à répondre à deux problématiques majeures : d’une part, moderniser la télévision numérique terrestre et développer la télévision en haute définition, tout en garantissant son accès universel et gratuit ; d’autre part, donner aux opérateurs de téléphonie mobile les moyens de faire face à la croissance exponentielle des données échangées.
Il définit ainsi le cadre juridique qui permettra, selon le calendrier arrêté aujourd’hui, de généraliser le recours à la norme MPEG-4, donc la diffusion en haute définition, dès le 6 avril 2016 et de libérer ainsi progressivement les fréquences de la bande 700 MHz. Les fréquences concernées devraient être mises aux enchères à l’automne 2015 sur la base d’un cahier des charges publié par l’ARCEP fin juillet. Leur attribution devrait intervenir à la fin de l’année 2015, leur libération progressive et leur réaffectation aux opérateurs mobiles entre octobre 2017 et juin 2019. En Île-de-France, ce transfert pourrait être anticipé.
Les articles 1er à 7, qui modifient la loi de 1986 relative à la liberté de communication et relèvent de la compétence exclusive de la commission des affaires culturelles, donnent au CSA les moyens d’engager la libération de la bande, tout en apportant un certain nombre de garanties aux acteurs de l’audiovisuel et aux téléspectateurs. Afin de garantir à ces derniers un service continu, il sera essentiel de mettre en place le plus en amont possible un dispositif d’accompagnement permettant notamment aux foyers les plus modestes de bénéficier d’un soutien financier, dans la mesure où il sera nécessaire d’adapter les téléviseurs les plus anciens.
Sur les aspects dont nous sommes saisis, le calendrier, certes restreint, semble toutefois s’inscrire dans une vision d’équilibre entre les différents besoins à court terme des quatre opérateurs mobiles. Ces besoins ne vont cesser de croître. Le trafic mobile, en constante augmentation, devrait ainsi être multiplié par dix entre 2014 et 2019, notamment en raison de la consommation de plus en plus importante de vidéos, dont la part dans le trafic global des mobiles devrait passer de 55 % en 2014 à 72 % en 2019. Au-delà, les perspectives considérables de développement de services et d’applications mobiles innovants à destination de la population et des entreprises sont à même de relancer la croissance et l’emploi.
Alors que la libération de nouvelles fréquences est nécessaire pour accompagner cette croissance, un mouvement international s’est engagé en ce sens. Au niveau européen, la bande dite « 700 MHz » a été identifiée pour répondre à ces besoins dans le cadre du programme politique pluriannuel en matière de spectre radioélectrique de mars 2012. Le processus français s’inscrit dans cette dynamique internationale et européenne.
Par ailleurs, l’affectation de la bande 700 MHz aux opérateurs permettra de dégager des ressources non négligeables qui viendront abonder le budget de l’État et, indirectement, financer l’engagement militaire de la France. Si, comme vous le savez, l’actualisation de la loi de programmation militaire a consacré la budgétisation du financement de la défense, elle prévoyait initialement un financement par des ressources exceptionnelles dont le résultat des enchères de ces fréquences fait partie. Nul ne doute que le produit de ces enchères des fréquences permettra à la défense d’équilibrer son budget.
Avant de conclure, je vous indique que je proposerai à la Commission d’adopter un article additionnel visant à inscrire dans le code des postes et des communications électroniques la nécessité de prendre particulièrement en compte les impératifs d’aménagement du territoire dans le cadre d’une procédure d’attribution des fréquences aux opérateurs mobiles, tant dans le cas qui nous occupe aujourd’hui que dans celui, éventuel, de la future libération d’une bande de fréquences. L’aménagement du territoire est en effet une préoccupation constante de notre Commission.
Moyennant cet ajout, je vous engage à émettre un avis favorable aux articles 8 et 9 de cette proposition de loi.
Mme Jeanine Dubié. Je partage la préoccupation exprimée par Mme la rapporteure au sujet de l’aménagement du territoire. C’est pourquoi je souhaiterais que soit encouragée l’extension, au-delà de la région Île-de-France, de la diffusion de la chaîne France 24. Celle-ci est la propriété de France Médias Monde et a l’État pour actionnaire principal. Elle devrait donc, en tant que chaîne publique, être diffusée sur l’ensemble du territoire national.
M. Yannick Moreau. Même si j’ai bien compris que ce n’était pas l’objet de la saisine pour avis de notre Commission, je souhaiterais souligner combien il est difficile, en l’état actuel des choses, pour certains de nos concitoyens, notamment en Vendée, de bénéficier d’une réception de bonne qualité de la télévision numérique terrestre. Que l’on envisage une nouvelle évolution technologique alors même la technologie actuelle ne donne pas satisfaction les laissera sans doute perplexes.
Mme la rapporteure pour avis. Madame Dubié, je me ferai l’écho de votre demande auprès de la commission des affaires culturelles afin d’obtenir de la ministre de la Culture une réponse claire que nous puissions intégrer à notre rapport pour avis.
Monsieur Moreau, il est vrai qu’il existe, dans certaines parties du territoire national, des difficultés de réception. J’en ferai part à la commission des affaires culturelles, qui doit auditionner le Conseil supérieur de l’audiovisuel. Cependant, le passage à un codage vidéo de type MPEG-4 améliorera la qualité de la diffusion, qui se fera en haute définition. Quoi qu’il en soit, la question de l’aménagement du territoire et de l’égal accès de tous les citoyens à la technologie est pour moi primordiale. C’est pourquoi je proposerai dans quelques instants à la commission d’adopter un amendement visant à préciser que l’aménagement du territoire doit être pris en compte dans le cadre de toute procédure d’attribution de fréquences.
M. Yannick Moreau. C’est une question complexe : tout le monde se renvoie la balle.
La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi dont elle est saisie pour avis.
Article 8
(article L. 41-2 du code des postes et des communications électroniques)
Financement du coût des réaménagements résultant de la réaffectation de la bande 700 MHz
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8.
Article additionnel après l’article 8
(article L. 42-2 du code des postes et des communications électroniques)
Prise en compte de l’aménagement du territoire pour toute réaffectation d’une bande de fréquences précédemment utilisée pour
la diffusion de la TNT
La Commission examine l’amendement CE1 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Ainsi que je l’ai indiqué, nous vous proposons, par cet amendement, d’inscrire dans la loi l’obligation de prendre en compte l’aménagement du territoire pour toute nouvelle affectation d’une bande de fréquences attribuée à l’audiovisuel.
La Commission adopte l’amendement.
Article 9
(article L. 43 du code des postes et des communications électroniques)
Extension à la bande 700 MHz de la taxe destinée au financement
de la résorption des brouillages causés par la mise en service des stations radioélectriques
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 9.
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Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
(par ordre chronologique)
Agence nationale des fréquences (ANFR)
M. Gilles Brégant, directeur général
M. Jean Marc Salmon, directeur général adjoint
Mme Isabelle Hautbois, responsable de la communication et des relations institutionnelles
Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP)
M. Benoit Loutrel, directeur général
M. Stéphane Lhermitte, directeur des affaires économiques et de la prospective
M. Romain Delassus, conseiller du président
Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA)
M. Nicolas Curien, membre du collège et président du groupe de travail fréquences hertziennes
M. Michel Combot, directeur général adjoint
M. Julien Mourlon, directeur des médias télévisuels
Groupe NUMERICABLE-SFR
M. Jérôme Yomtov, directeur général
Mme Marie-Georges Boulay, directrice de la réglementation
M. Pascal Pouillet, directeur des affaires publiques, de la santé et de l'environnement
TF1
M. Jean-Michel Counillon, secrétaire général
GROUPE M6
Mme Marie Grau-Chevallereau, Directeur des études réglementaires
ARTE France
M. Olivier Guillemot, directeur de la gestion et de la coordination
Lagardère Active
Mme Anne Fauconnier, Secrétaire général du Pôle Radio/TV
Mme Cécile Durand-Girard, Directrice des Affaires Réglementaires et des Relations Institutionnelles du Pôle Radio/TV
NRJ GROUP
M. Hugues Martinet, directeur de la diffusion TNT de towerCast
M. Leonidas Kalogeropoulos, conseil de NRJ Group – towerCast
ITAS TIM
M. Gilles Bastard, président
M. Jean-Claude Duffaud, directeur général
M. Frédéric Denizet, directeur des opérations
Télédiffusion de France (TDF)
M. Arnaud Lucaussy, directeur de la réglementation et des affaires publiques
CANAL PLUS
M. Denis Minoux, directeur des moyens de diffusion
M. Mathieu Debusschere, chargé de mission à la direction des relations extérieures
Association des Chaînes Indépendantes (ACI)
M. Damien Bernet, directeur général adjoint de NextRadioTV
M. Aurélien Pozzana, directeur d’APC
Bouygues Telecom
M. Didier Casas, secrétaire général
M. Anthony Colombani, chargé de mission auprès du secrétaire général
M. Hervé de Tournadre, directeur Fréquences
FREE
M. Laurent Laganier, directeur des affaires publiques
Mme Ombeline Bartin, responsable des relations institutionnelles
Groupe ORANGE
Mme Florence Chinaud, directrice des relations institutionnelles
M. Jean Mahé, directeur de la réglementation de l’audiovisuel et des contenus
M. Laurentino Lavezzi, directeur des affaires publiques
© Assemblée nationale