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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 juin 2015
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI relatif au droit des étrangers en France,
par M. Kader ARIF
Député
Voir les numéros :
Assemblée nationale : 2183, 2916, 2923.
SOMMAIRE
___
Pages
INTRODUCTION 7
I. L’IMMIGRATION ÉCONOMIQUE ET ÉTUDIANTE : DES PARTS INÉGALES DANS DES FLUX CONNAISSANT UNE LÉGÈRE HAUSSE 9
A. L’IMMIGRATION LÉGALE EN FRANCE 9
1. Une légère augmentation dans l’ensemble 9
a. Les primo-délivrances de titres de séjour 9
b. Les titres de séjour en cours de validité 12
c. Les principales nationalités 13
2. L’immigration professionnelle 14
a. Une évolution qui reflète la conjoncture économique et les orientations des politiques migratoires 14
b. Une part très limitée des flux migratoires en France 16
c. Les principales nationalités représentées 16
d. Des stratégies de mobilité majoritairement temporaire 16
3. L’immigration étudiante 17
a. Un rebond depuis 2013 17
b. Les principaux pays d’origine des étudiants étrangers 18
c. Pour l’essentiel, une mobilité étudiante non pérenne 18
B. LA FRANCE, 3E PAYS AU MONDE ET 1ER PAYS NON-ANGLOPHONE POUR L’ACCUEIL DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS : UN RANG À CONFORTER 19
1. Des flux croissants au plan international 19
a. L’augmentation de la mobilité étudiante 19
b. Des bénéfices partagés 20
c. Une position à défendre 20
2. Des atouts considérables en France, mais aussi des freins 22
C. ATTIRER DES « TALENTS » ÉTRANGERS : DES DISPOSITIFS PERFECTIBLES EN MATIÈRE DE DROIT AU SÉJOUR 22
1. La création d’une multitude de titres spécifiques, par strates successives 23
2. Un bilan contrasté 24
II. SIMPLIFIER ET SÉCURISER LES PARCOURS, RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ DE LA FRANCE POUR LES ÉTUDIANTS ET LES « TALENTS » ÉTRANGERS 27
A. LA CRÉATION DE NOUVEAUX TITRES DE SÉJOUR PLURIANNUELS 27
1. La généralisation de la pluriannualité 27
a. Un changement de logique pour les cartes de séjour 27
b. Les exceptions prévues à l’article 11 28
2. Les effets attendus 29
a. Des parcours plus cohérents et mieux sécurisés 29
b. Des passages moins fréquents en préfecture 29
c. Des modalités de contrôle revues 31
B. ATTIRER DAVANTAGE LES « TALENTS » ÉTRANGERS 31
1. Le « passeport talent », un nouveau titre de séjour pluriannuel 32
2. Des conditions plus favorables pour les « talents » étrangers 32
3. L’impact attendu 33
C. LES MESURES BÉNÉFICIANT AUX ÉTUDIANTS ÉTRANGERS 33
1. La possibilité de bénéficier de cartes de séjour pluriannuelles avant l’entrée en master 33
2. Un accès clarifié et facilité à l’emploi pour des étudiants titulaires d’un diplôme au moins équivalent au grade de master 34
D. ACCOMPAGNER ET PROLONGER LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI RELATIVES AU DROIT AU SÉJOUR 35
1. Veiller à ce que des mesures d’application suffisamment simples et lisibles soient adoptées 35
2. Consentir des efforts de communication dans la durée pour promouvoir les nouveaux titres de séjour pluriannuels 36
3. Poursuivre les efforts engagés en matière de délivrance des visas pour études et de circulation 36
4. Améliorer l’accueil au plan matériel 37
5. Développer davantage des programmes ciblés d’invitation et « d’attractivité » 38
Article 4 (art. L. 311-1 et L. 211-2-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Documents ouvrant droit au séjour de plus de trois mois 51
Article 5 (art. L. 311-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Autorisation provisoire de séjour délivrée à l’étudiant titulaire d’un diplôme au moins équivalent au grade de master 51
Article 6 (art. L. 313-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Durée de validité de la carte de séjour pluriannuelle 51
Article 7 (art. L. 313-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Conditions de première délivrance de la carte de séjour temporaire et de certaines cartes pluriannuelles 51
Article 8 (art. L. 313-5-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Modalités de contrôle du maintien du droit au séjour du titulaire d’une carte de séjour temporaire ou d’une carte pluriannuelle 51
Article 9 (art. L. 313-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Carte de séjour temporaire autorisant l’exercice d’une activité professionnelle 51
Article 10 (art. L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Conditions de délivrance de la carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale » 52
Article 11 (chapitre III du titre Ier du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Carte de séjour pluriannuelle 52
Article 12 (art. L. 5221-2 du code du travail) : Limitation de l’obligation d’obtention d’une autorisation de travail aux seuls séjours professionnels d’une durée supérieure à trois mois 52
ANNEXE - LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 53
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi relatif au droit des étrangers en France répond à trois objectifs principaux : améliorer les parcours d’accueil et d’intégration des ressortissants étrangers en situation régulière ; renforcer l’attractivité de la France par une réforme du droit au séjour ; lutter plus efficacement contre l’immigration irrégulière.
La Commission des affaires étrangères, soucieuse de l’attractivité de la France, qui conditionne son rayonnement, son influence et sa place dans le monde, s’est naturellement intéressée aux dispositions relatives à l’accueil des étudiants et des « talents » étrangers. Ces dispositions n’étant pas séparables de celles relatives à la création de nouveaux titres de séjour pluriannuels, la Commission s’est saisie, par cohérence, de l’ensemble formé par les articles 4 à 12 du présent projet de loi.
La présentation de ces mesures par le Gouvernement fait notamment suite aux constats et aux préconisations du rapport de M. Matthias Fekl, alors parlementaire en mission auprès du ministre de l’intérieur, sur la sécurisation des parcours des ressortissants étrangers en France, et du rapport d’une mission inter-inspections de 2013 relative à l’accueil des « talents » internationaux. Le projet de loi s’inscrit aussi dans le prolongement d’un débat sur l’immigration étudiante et professionnelle organisé au Sénat en avril 2013, puis à l’Assemblée nationale au mois de juin suivant. Il en était ressorti en particulier la nécessité d’une évolution du cadre normatif en matière de droit au séjour.
Avant de présenter les principales dispositions dont la Commission s’est saisie, ainsi que les mesures qui paraissent nécessaires pour les accompagner et les prolonger, votre Rapporteur reviendra sur les principaux constats qu’appellent la situation de l’immigration économique et étudiante en France et la concurrence de plus en plus vive qui se développe en la matière au plan international.
I. L’IMMIGRATION ÉCONOMIQUE ET ÉTUDIANTE : DES PARTS INÉGALES DANS DES FLUX CONNAISSANT UNE LÉGÈRE HAUSSE
Le nombre de premiers titres de séjour délivrés en France métropolitaine (cartes de séjour et visas de long séjour valant titre de séjour, VLS-TS) à des ressortissants de pays tiers tend désormais vers un niveau d’un peu plus de 200 000 par an :
– les primo-délivrances de titres de séjour ont sensiblement augmenté en 2008 et 2009, passant de 171 907 titres en 2007 à 194 410 en 2009 ;
– les années 2011 et 2012 ont ensuite été marquées par un infléchissement de 1,8 %, autour de 193 000 titres ;
– les primo-délivrances de titres de séjour ont de nouveau augmenté en 2013, de 6,6 %, cette nouvelle évolution résultant principalement de la mise en œuvre de la circulaire du 28 novembre 2012 sur l’admission exceptionnelle au séjour, selon les explications fournies par la direction générale des étrangers en France (DGEF) ;
– en 2014, les estimations disponibles font état d’une moindre augmentation, limitée à 1,9 %, essentiellement pour les motifs d’admission économique et humanitaire au séjour.
Source : AGDREF / DSED
ADMISSION AU SÉJOUR DES RESSORTISSANTS DE PAYS TIERS
À L'UNION EUROPÉENNE, À L'ESPACE ÉCONOMIQUE EUROPÉEN, À LA SUISSE (MÉTROPOLE)
Motifs |
Catégories |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 (estimé) |
Economique |
1 - Compétences et talents |
5 |
183 |
368 |
319 |
289 |
286 |
251 |
230 |
2 - Actif non salarié |
360 |
225 |
98 |
121 |
121 |
169 |
140 |
155 | |
3 - Scientifique |
1 531 |
1 926 |
2 242 |
2 268 |
2 073 |
2 691 |
3 036 |
3 630 | |
4 - Artiste |
263 |
286 |
183 |
181 |
173 |
160 |
146 |
170 | |
5 - Salarié |
5 879 |
11 718 |
14 244 |
13 738 |
13 559 |
11 201 |
12 881 |
13 820 | |
6 - Saisonnier ou temporaire |
3 713 |
7 014 |
3 050 |
1 653 |
1 619 |
1 506 |
1 346 |
1 560 | |
Total Economique |
11 751 |
21 352 |
20 185 |
18 280 |
17 834 |
16 013 |
17 800 |
19 565 | |
Familial |
1 - Famille de Français |
49 767 |
48 833 |
53 170 |
49 838 |
48 952 |
52 070 |
50 245 |
51 065 |
2 - Membre de famille |
18 950 |
17 304 |
15 171 |
15 678 |
14 809 |
16 581 |
23 127 |
22 905 | |
3 - Liens personnels et familiaux |
18 820 |
17 328 |
17 374 |
17 666 |
17 411 |
18 519 |
20 342 |
18 395 | |
Total Familial |
87 537 |
83 465 |
85 715 |
83 182 |
81 172 |
87 170 |
93 714 |
92 365 | |
Étudiants |
Total Etudiants |
46 663 |
52 163 |
58 586 |
65 281 |
64 928 |
58 857 |
62 815 |
62 200 |
Divers |
1 - Visiteur |
5 241 |
4 475 |
5 877 |
6 152 |
6 309 |
6 389 |
6 716 |
6 570 |
2 - Etranger entré mineur |
2 935 |
3 015 |
3 365 |
3 704 |
3 918 |
4 762 |
4 993 |
5 300 | |
3 - Rente accident du travail |
75 |
98 |
123 |
70 |
45 |
39 |
24 |
20 | |
4 - Ancien combattant |
199 |
193 |
225 |
153 |
141 |
154 |
257 |
190 | |
5 - Retraité ou pensionné |
1 645 |
1 398 |
1 200 |
906 |
544 |
573 |
547 |
670 | |
6 - Motifs divers |
416 |
488 |
553 |
587 |
676 |
707 |
611 |
630 | |
Total Divers |
10 511 |
9 667 |
11 343 |
11 572 |
11 633 |
12 624 |
13 148 |
13 380 | |
Humanitaire |
1 - Réfugié et apatride |
9 253 |
10 742 |
10 764 |
10 073 |
9 715 |
10 000 |
9 936 |
11 050 |
2 - Asile territorial /protection subsidiaire |
520 |
753 |
1 797 |
1 759 |
1 618 |
2 024 |
1 956 |
2 455 | |
3 - Etranger malade |
5 672 |
5 733 |
5 965 |
6 325 |
6 122 |
6 396 |
5 986 |
6 800 | |
4 - Victime de la traite des êtres humains |
18 |
55 |
63 |
32 |
36 |
38 |
55 | ||
Total Humanitaire |
15 445 |
17 246 |
18 581 |
18 220 |
17 487 |
18 456 |
17 916 |
20 360 | |
TOTAL |
171 907 |
183 893 |
194 410 |
196 535 |
193 054 |
193 120 |
205 393 |
207 870 |
Si l’on raisonne selon les principaux motifs de délivrance des titres de séjour, en dépit de variations parfois importantes en la matière, on observe que l’immigration familiale reste globalement à l’origine d’un peu moins de la moitié des flux entrants, suivie par l’immigration étudiante (environ 30 %) ; l’admission au séjour pour motif économique ne représente qu’environ 10 % du total, au même niveau que l’immigration pour motif humanitaire.
Motifs d'admission |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 (estimé) |
Evolution 2013-2014 |
A. Economique |
20 185 |
18 280 |
17 834 |
16 013 |
17 800 |
19 565 |
+9,7% |
B. Familial |
85 715 |
83 182 |
81 172 |
87 170 |
93 714 |
92 365 |
-0,9% |
C. Etudiants |
58 586 |
65 281 |
64 928 |
58 857 |
62 815 |
62 200 |
-0,7% |
D. Divers |
11 343 |
11 572 |
11 633 |
12 624 |
13 148 |
13 380 |
+3,3% |
E. Humanitaire |
18 581 |
18 220 |
17 487 |
18 456 |
17 916 |
20 360 |
+16,8% |
Total |
194 410 |
196 535 |
193 054 |
193 120 |
205 393 |
207 870 |
+1,9% |
Source : AGDREF / DSED
Si l’on essaie maintenant d’apprécier la situation dans une perspective internationale, il faut observer que la part des flux migratoires rapportés à la population française reste faible par rapport à la moyenne de l’OCDE.
PART DES FLUX MIGRATOIRES RAPPORTÉS À LA POPULATION EN 2010
Source : Ministère de l’intérieur, « Les données de l’immigration professionnelle et étudiante », document préparatoire au débat au Parlement, avril 2013.
Malgré l'élargissement de l’Union européenne et la fin des périodes transitoires prévues pour les ressortissants des nouveaux Etats membres, ce qui a entraîné la suppression de l'obligation de détenir un titre de séjour, le stock de titres détenus continue à croître régulièrement (+ 14 % en 7 ans), les sorties ne compensant pas les entrées régulières sur le territoire.
STOCK DE TITRES ET AUTORISATIONS PROVISOIRES DE SÉJOUR
EN COURS DE VALIDITÉ PAR DURÉE (FRANCE MÉTROPOLITAINE ET PAYS TIERS)
Durée/Année |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 (*) |
Total Récépissés et autorisations provisoires de séjour |
140 269 |
148 079 |
157 175 |
160 158 |
171 169 |
161 415 |
177 418 |
Total Titres durée validité < ou = 1 an |
435 857 |
473 833 |
444 538 |
457 987 |
510 103 |
535 738 |
541 235 |
Total Titres durée validité > 1 an |
1 706 502 |
1 751 208 |
1 749 169 |
1 759 232 |
1 772 785 |
1 826 157 |
1 888 071 |
TOTAL |
2 282 628 |
2 373 120 |
2 350 882 |
2 377 377 |
2 454 057 |
2 523 310 |
2 603 519 |
Source : DGEF – DSED ; (*) Hors Croatie en 2013 (3 205 personnes).
Aux côtés des ressortissants chinois, les migrants originaires des pays du Maghreb (marocains, algériens et tunisiens) étaient de loin les nationalités les plus représentées pour la délivrance de premiers titres de séjour en 2014. Les autres nationalités d’origine sont nettement moins dynamiques que ce quatuor de tête. Avec environ 7 000 titres délivrés, le cinquième pays d’origine (les Etats-Unis) était ainsi deux fois moins représenté que les deux pays précédents.
Estimé |
motifs |
|||||
Nationalité |
Economique |
Familial |
Etudiants |
Divers |
Humanitaire |
Total |
MAROCAINE |
1 914 |
14 592 |
7 707 |
1 113 |
289 |
25 615 |
ALGERIENNE |
714 |
18 805 |
3 440 |
1 637 |
782 |
25 378 |
CHINOISE |
1 057 |
2 733 |
10 258 |
824 |
339 |
15 211 |
TUNISIENNE |
1 430 |
8 677 |
3 323 |
435 |
147 |
14 012 |
AMERICAINE (USA) |
1 941 |
1 034 |
2 824 |
1 260 |
1 |
7 060 |
TURQUE |
499 |
3 598 |
1 008 |
553 |
551 |
6 209 |
BRESILIENNE |
727 |
1 203 |
2 882 |
453 |
23 |
5 288 |
IVOIRIENNE |
211 |
2 841 |
1 307 |
253 |
634 |
5 246 |
SENEGALAISE |
509 |
2 623 |
1 614 |
161 |
305 |
5 212 |
RUSSE |
433 |
1 550 |
1 274 |
593 |
1 207 |
5 057 |
Source : DGEF-DSED
En termes de stock de titres en cours de validité, les dix premières nationalités représentaient 70,3 % du total en 2014, malgré une légère tendance à la baisse depuis 4 ans. Là aussi, en termes de stock, il faut noter une augmentation importante du nombre de ressortissants chinois.
STOCK DE TITRES ET AUTORISATIONS PROVISOIRES DE SÉJOUR EN COURS DE VALIDITÉ PAR NATIONALITÉ (PAYS TIERS)
|
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
Algérie |
584 350 |
578 109 |
562 545 |
571 469 |
579 607 |
576 384 |
Maroc |
465 923 |
463 157 |
470 568 |
476 267 |
483 817 |
490 411 |
Tunisie |
174 836 |
177 184 |
185 098 |
190 878 |
197 401 |
203 729 |
Turquie |
191 647 |
191 041 |
193 244 |
196 028 |
199 550 |
201 375 |
Chine (Hong-Kong inclus) |
72 476 |
77 412 |
88 207 |
92 987 |
98 245 |
101 539 |
Mali |
57 808 |
61 322 |
64 806 |
67 532 |
71 472 |
74 375 |
Sénégal |
54 409 |
55 539 |
59 049 |
61 120 |
63 586 |
65 717 |
Congo, République démocratique du |
45 219 |
47 235 |
50 238 |
54 241 |
58 058 |
61 688 |
Côte d'Ivoire |
38 137 |
38 803 |
42 064 |
44 107 |
46 081 |
48 736 |
Cameroun |
39 654 |
40 990 |
43 318 |
45 223 |
47 007 |
48 707 |
% |
73,4% |
72,8% |
71,7% |
71,3% |
70,8% |
70,3% |
Total |
2 350 882 |
2 377 377 |
2 454 195 |
2 523 424 |
2 606 724 |
2 664 037 |
Source : AGDREF / DSED
Dans la mesure où les dispositions du projet de loi relatives aux titres de séjour visent en particulier à attirer davantage d’étudiants étrangers, mais aussi de « talents » internationaux, appelés à venir en France pour exercer une activité économique, il paraît nécessaire de présenter plus en détail la situation de l’immigration étudiante et celle de l’immigration professionnelle, afin de mieux appréhender les enjeux de ces dispositions et leurs conséquences potentielles sur les flux migratoires existants.
a. Une évolution qui reflète la conjoncture économique et les orientations des politiques migratoires
L’évolution de l’immigration professionnelle, dont il faut d’abord rappeler qu’elle est d’un volume restreint par rapport aux autres flux, est particulièrement sensible à la conjoncture économique et aux orientations des politiques migratoires.
Après avoir connu une hausse importante entre 2007 et 2008, le total des titres de séjour à caractère professionnel délivrés a connu un recul significatif en raison de la contraction de l’activité économique générale et des conséquences de la crise sur les besoins des entreprises. Le nombre de ces titres de séjour a ainsi diminué de 10,2 % entre 2011 et 2012 (avec 16 013 titres délivrés).
Un rebond de 11,2 % en 2013 (17 800 titres délivrés), puis de 9,7 % en 2014 (19 565 titres) a ensuite été enregistré. Selon la direction générale des étrangers en France, cette évolution peut s’expliquer par deux effets cumulés :
– l’augmentation du nombre d’étudiants ayant sollicité une carte de séjour « salarié » à l’issue de leurs études afin d’exercer une première activité professionnelle, suite à l’abrogation de la circulaire du 31 mai 2011 relative à la maîtrise de l’immigration professionnelle, qui durcissait les conditions d’accès au travail des étudiants étrangers ;
– les effets de la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d’examen des demandes d’admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière.
Si l’on entre davantage dans le détail des titres à caractère professionnel, la délivrance des titres « salarié » a augmenté de 15 % entre 2012 et 2013, tandis que le nombre des autres titres continuait à baisser : de 12,2 % pour les bénéficiaires des cartes « compétences et talents », de 8,8 % pour les artistes et de 10,6 % pour les saisonniers et les travailleurs temporaires.
Entre 2013 et 2014, le nombre des titres de séjour à caractère professionnel a augmenté pour tous les motifs, excepté pour les bénéficiaires des cartes « compétences et talents » (-9,6 %). La hausse est de 5,4 % pour les titres « salarié », de 17,1 % pour les artistes et de 5,6 % pour les saisonniers et travailleurs temporaires.
Il faut noter que le changement de statut des étudiants – vers un titre de séjour « salarié » – représente une part importante de l’immigration professionnelle. Le nombre de ces changements de statut s’élevait à 6 753 en 2011 et à 7 485 en 2012. La circulaire du 31 mai 2011, qui avait pour objet de réduire l’immigration professionnelle, visait en particulier à rendre plus difficile le changement de statut des étudiants diplômés.
Le tableau ci-dessous présente l’évolution et la répartition des titres de séjour à caractère professionnel en cours de validité.
TITRES VALIDES AU 31 DÉCEMBRE DE L’ANNÉE
Source : Ministère de l’intérieur, « Les données de l’immigration professionnelle et étudiante », avril 2013.
Avec 19 565 titres délivrés en 2014 (estimation provisoire), l'immigration professionnelle en provenance des pays tiers ne représentait que 9,2 % du total des flux migratoires.
Là aussi, une rapide comparaison internationale permet de mieux apprécier la situation de la France. En 2013, l'accueil de migrants professionnels s’élevait à 141 668 personnes en Pologne, à 108 552 personnes au Royaume-Uni, à 80 726 personnes en Italie et à 50 171 personnes en Espagne (1).
En 2014, les premières délivrances de titres de séjour à caractère professionnel concernaient d’abord des ressortissants américains (1 941 titres délivrés), marocains (1 914), tunisiens (1 430) et chinois (1 057), suivis des ressortissants algériens (714).
En termes de stock de titres en cours de validité, sur 113 100 bénéficiaires en 2014, les cinq principaux pays d’origine étaient le Maroc (18 169 titres), la Chine (9 419), la Tunisie (9 036), l’Algérie (8 188) et le Mali (7 154), suivis du Sénégal (4 403), de l’Inde (4 042), des Etats-Unis (3 947), de la Turquie (3 091), du Cameroun (2 429) et de la Russie (2 338).
Le graphique ci-dessous présente l’évolution des primo-arrivants à titre salarié, qui représentent 70 % de l’immigration économique en 2014. Au bout de dix ans, 60 % d’entre eux ne sont plus présents. Contrairement à certaines idées reçues, l’immigration professionnelle ne constitue donc pas majoritairement une immigration d’installation en France. Elle s’inscrit davantage dans une logique de mobilité temporaire, à la différence de l’immigration familiale et humanitaire, de nature plus pérenne.
Source AGDREF / DSED
L'immigration étudiante, qui fait comme l’immigration professionnelle l’objet de dispositions spécifiques dans ce projet de loi, représente en volume le deuxième motif d'immigration en France, après les motifs familiaux. Le nombre des primo-délivrances de titres de séjour aux étudiants s’élevait à 62 815 en 2013, soit environ 30,5 % du total. Les estimations pour 2014 sont d’un niveau équivalent, avec 62 200 titres délivrés.
A titre de comparaison, l'immigration étudiante représentait 183 197 personnes au Royaume-Uni en 2013, 45 955 en Allemagne, 27 083 en Italie et 26 415 en Espagne (données Eurostat).
De même que la délivrance des titres de séjour à caractère professionnel, l’immigration étudiante a connu des évolutions contrastées dans la période récente, principalement en raison des orientations de la politique migratoire :
– un pic autour de 65 000 titres en 2010 et 2011 ;
– une chute brutale de 9,4 % en 2012 ;
– un rebond de 6,7 % en 2013 et de 1 % en 2014, avec 62 200 titres délivrés l’année dernière, sur la base d’une première estimation. Le niveau antérieur au « trou d’air » de 2011 a donc quasiment été retrouvé.
Selon les explications apportées par la direction générale des étrangers en France, la récente reprise de l’immigration étudiante peut notamment s’expliquer par les effets de l’abrogation de la circulaire dite « Guéant » du 31 mai 2011 et des mesures de facilitation engagées depuis 2012, notamment en faveur du travail des étudiants étrangers.
En 2014, les trois principaux pays d’origine des étudiants étaient la Chine (10 258 premiers titres délivrés), le Maroc (7 707) et l’Algérie (3 440), devant la Tunisie (3 323), le Brésil (2 882) et les Etats-Unis (2 824). Il faut noter que les étudiants originaires de l’Union européenne ne sont pas comptabilisés dans ces flux.
En termes de stock de titres, les trois principales nationalités représentées sont identiques : la Chine (30 773 titres), le Maroc (24 439) et l’Algérie (12 100) ; en revanche, viennent ensuite le Sénégal (7 226), la Tunisie (7 147) et le Cameroun (3 883), suivis du Vietnam (3 663), de la Côte d’Ivoire (3 621), de la Guinée (3 015) et de la Russie (2 745).
Comme le montre le graphique ci-dessous, l’accueil d’étudiants étrangers ne sert pas de vecteur à une immigration d’installation significative.
Source : AGDREF / DSED
Parmi les étrangers entrés comme étudiants en 2004, seuls 20 % sont toujours présents dix ans plus tard et semblent s’installer durablement en France, soit qu’ils s’y sont mariés, soit qu’ils y ont trouvé un emploi. Selon la direction générale des étrangers en France, ce sont principalement des étudiants issus des continents européen et africain qui s’installent en France.
B. LA FRANCE, 3E PAYS AU MONDE ET 1ER PAYS NON-ANGLOPHONE POUR L’ACCUEIL DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS : UN RANG À CONFORTER
Selon l’UNESCO, au moins quatre millions d’étudiants sont partis à l’étranger en 2012 afin de poursuivre leurs études, contre deux millions en 2000, et ce chiffre devrait encore doubler d’ici à 2020. Cette augmentation de la mobilité étudiante dans le monde s’accompagne d’un durcissement de la concurrence pour attirer des étudiants aux profils souvent similaires et venant des mêmes pays cibles.
La plupart des pays ont développé des stratégies pour augmenter le nombre d’étudiants qu’ils accueillent. La Pologne et la Chine ont, par exemple, créé une agence de promotion de leur enseignement supérieur à l’international, tandis que Singapour, le Qatar et la Malaisie ambitionnent de devenir un « hub » au plan régional. De manière générale, on observe aussi que les pays émergents consacrent une part croissante de leur budget à la formation pour répondre aux besoins de leur économie.
Les Chinois, les Indiens et les Coréens, suivis par les Allemands et les Saoudiens, sont aujourd’hui les étudiants les plus nombreux à partir à l’étranger (2). En 2012, la Chine comptait ainsi près de 700 000 étudiants en mobilité internationale, dont 30,3 % aux Etats-Unis, 13,9 % au Japon, 12,6 % en Australie et 11,1 % au Royaume-Uni. L’Asie était alors à l’origine de 49,3 % des étudiants internationaux et l’Europe de 23,6 %, tandis que l’Afrique ne représentait que 10,5 % du total, les Amériques 8,3 %, le Moyen-Orient 7,5 % et l’Océanie 0,8 %.
En 2012, les dix premiers pays d’accueil des étudiants étrangers étaient les Etats-Unis (18,6 %), le Royaume-Uni (10,7 %), la France (6,8 %), qui est donc remontée sur le podium, l’Australie (6,3 %), l’Allemagne (5,2 %), la Russie (4,4 %), le Japon (3,8 %), le Canada (3 %), la Chine (2,2 %) et enfin l’Italie (2 %).
La France a naturellement tout intérêt à s’insérer au mieux dans la circulation internationale des étudiants. La présence de nombreux étudiants étrangers est un atout essentiel pour la vitalité et le rayonnement de l’enseignement supérieur et de la recherche, mais aussi pour le développement de l’économie grâce à l’apport de compétences que ces étudiants représentent et aux effets de réseau. Avec le phénomène des migrations de retour, les liens qui se sont tissés favorisent ensuite les échanges commerciaux et les investissements. Par ailleurs, l’accueil d’étudiants étrangers constitue évidemment un atout pour notre influence au plan international et pour la francophonie.
Malgré les risques de « fuite des cerveaux », qui doivent être pris en compte dans le cadre de notre politique de coopération au développement, les mobilités étudiantes constituent souvent des avantages décisifs pour le développement des pays d’origine, les envois de fonds, les migrations retour et les effets de réseau favorisant l’insertion dans les échanges commerciaux et les flux de capitaux internationaux. De fait, la plupart des pays considèrent que l’acquisition d’une formation et d’une expérience professionnelle par leurs élites à l’étranger est un facteur bénéfique pour l’avenir.
Au plan économique, une étude réalisée en 2014 par Campus France et l’institut BVA auprès d’un échantillon de 4 200 étudiants considérés comme représentatifs fait apparaître un bilan globalement favorable pour notre pays. Le coût des étudiants étrangers pour le budget de l’Etat a pu être évalué à moins de 3 milliards d’euros, le coût réel étant d’ailleurs probablement inférieur car il s’agit d’un coût marginal et non total, tandis que l’apport des étudiants étrangers accueillis en France pourrait dépasser 4,5 milliards d’euros en consommation quotidienne de biens et de services, en frais d’inscription et de scolarité, en dépenses de transport et en dépenses de membres de leurs familles et de proches qui viennent leur rendre visite. L’étude relève aussi que la majorité de ces étudiants deviennent ensuite des consommateurs et des prescripteurs de produits français, d’études poursuivies en France, de relations avec des entreprises françaises et de tourisme dans notre pays.
Durant l’année universitaire 2013-2014, la France a accueilli environ 295 000 étudiants étrangers. De 2008 à 2012, le total a augmenté d’environ 11,4 %. Selon le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, les ressortissants étrangers représentaient alors 12,1 % du total des étudiants et 41,4 % des doctorants en France, la part des étrangers augmentant tout au long des cursus.
Près d’un étudiant étranger sur deux en France est originaire du continent africain, environ 20 % sont issus d’Asie, tandis qu’un pourcentage presque égal vient de l’Union européenne. Le Maroc, la Chine et l’Algérie sont de loin les trois premiers pays d’origine.
Source : MENESR-DGESIP-DGRI-SIES
Campus France, « L’essentiel des chiffres clefs », septembre 2014
Si les effectifs d’étudiants étrangers sont stables dans les universités – ils n’ont augmenté que de 1,7 % depuis 2009, ils augmentent en revanche dans les autres formations, notamment celles d’ingénieurs et dans les écoles de commerce – la hausse y est de 21 % par rapport à 2009.
Au total, la France accueille aujourd’hui à peu près quatre fois plus d’étudiants internationaux qu’elle n’en envoie à l’étranger. Selon l’UNESCO, avec 62 416 étudiants inscrits à l’étranger, notre pays se trouvait en 2012 au 6e rang des pays d’origine des étudiants en mobilité internationale. De 2008 à 2012, le nombre d’étudiants internationaux français a crû de 36,3 %, soit environ trois fois plus que l’augmentation du nombre d’étudiants étrangers en France au cours de la même période.
La concurrence croissante pour l’accueil des étudiants au plan international et la mise en place de véritables stratégies d’attractivité dans de nombreux pays interdisent de se contenter de situations que l’on croirait – à tort – acquises. Une véritable politique volontariste d’accueil des étudiants étrangers est à l’évidence une nécessité.
Selon une étude réalisée en 2013 par TNS Sofres pour Campus France, notre pays constituait le premier choix pour 77 % des étudiants étrangers présents en France, mais 45 % avaient tout de même hésité avec d’autres pays.
Les quatre premiers facteurs de choix mis en évidence par cette étude sont la qualité des formations dispensées en France, la connaissance préalable de la langue française, la réputation des établissements et des enseignants en France, ainsi que la valeur des diplômes français.
Il faut noter que l’intérêt culturel de la France, l’opportunité d’apprendre ou d’améliorer son français et, surtout, le coût des études ne viennent que dans un second temps. Seule une minorité, comprise entre 22 et 33 % des étudiants selon les cohortes suivies, cite le coût des études comme un facteur déterminant, quand plus de 50 % voient dans la qualité des formations un élément de choix essentiel.
Selon cette même étude, environ 90 % des anciens étudiants étrangers sont satisfaits de leur séjour en France. Il existe néanmoins d’importants motifs d’insatisfaction : la possibilité de travailler en France après ses études (seulement 45 % d’étudiants satisfaits en la matière), le coût du logement (43 %), les procédures administratives à suivre (45 %) et l’offre de logement (51 %).
L’attractivité à l’égard des étrangers à fort potentiel répond aux mêmes problématiques que l’accueil des étudiants internationaux : il existe un choix croissant de destinations en concurrence pour l’accueil des « talents » ; par ailleurs, les autres économies développées se sont également engagées dans des politiques visant à renforcer leur propre attractivité vis-à-vis de ces publics.
La facilité et la lisibilité des démarches à effectuer pour séjourner et travailler en France, dimensions qui se trouvent au cœur du présent projet de loi, sont des facteurs essentiels en matière d’attractivité, bien que d’autres éléments entrent bien sûr en compte, notamment le dynamisme économique général du pays, la qualité des infrastructures et des services publics, ainsi que la possibilité d’obtenir rapidement et simplement un visa d’entrée.
En ce qui concerne les titres de séjour, plusieurs dispositifs dérogatoires ont été progressivement instaurés, sans véritable cohérence d’ensemble, pour attirer en France des catégories spécifiques de ressortissants étrangers.
Outre la carte de séjour temporaire portant la mention « travailleur saisonnier », d’une durée maximale de trois ans, qui permet à un étranger de venir en France pour effectuer certains types de travaux (notamment dans le domaine agricole ou encore dans l’hôtellerie-restauration) dans la limite de six mois par an, plusieurs dérogations au principe général d’annualité du titre de séjour délivré aux primo-arrivants ont été introduites pour favoriser l’accueil de certains « talents » :
– la carte de séjour temporaire portant la mention « salarié en mission », d’une durée de trois ans, qui est remise à un ressortissant étranger venant en France pour apporter son expertise dans le cadre d’une mobilité internationale « intra-groupe » (entre établissements d’une même entreprise ou du même groupe international) ;
– la carte de séjour temporaire portant la mention « compétences et talents », destinée à un étranger venant réaliser en France un projet professionnel et disposant de compétences spécifiques et reconnues dans son domaine d’activité, qui peut être notamment d'ordre économique, culturel, sportif, intellectuel ou scientifique ;
– la « carte bleue européenne » d’une durée maximale de trois ans, créée dans le cadre de la transposition de la directive « travailleurs hautement qualifiés » et destinée au ressortissant étranger diplômé (de niveau équivalent à la licence) ou bénéficiant de cinq années d’expérience professionnelle, qui dispose par ailleurs d’un contrat de travail d’au moins un an, assorti d’une rémunération mensuelle au moins égale à une fois et demie le salaire moyen annuel de référence.
Dans certains cas, si un titre pluriannuel n’est pas accessible en primo-délivrance, il peut l’être en renouvellement d’un premier titre d’un an accordé pour le même motif ou d'un visa délivré pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois :
– la carte de séjour temporaire portant la mention « scientifique-chercheur » peut ainsi être accordée pour une durée de deux à quatre ans à l’étranger venant en France pour réaliser des travaux de recherches ou pour dispenser un enseignement de niveau universitaire dans le cadre d’une convention passée avec un établissement français d’enseignement ou de recherche ;
– de même, la carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » peut être accordée pour une durée comprise entre deux et quatre ans aux étudiants étrangers admis à suivre une formation en vue d’obtenir un diplôme au moins équivalent au master, à l’issue d’une première année de séjour en France ou lors de la demande de renouvellement d’un titre de séjour.
Enfin, la carte de résident de dix ans peut être délivrée à l'étranger qui apporte une contribution économique exceptionnelle à la France en s’engageant à créer ou sauvegarder au moins 50 emplois sur le territoire français ou à y effectuer un investissement d’au moins 10 millions d’euros, personnellement ou par l’intermédiaire d’une société qu’il dirige ou dont il détient au moins 30 % du capital.
Dans le cadre de la mise en œuvre de politiques visant à renforcer l’attractivité du territoire, la situation de l’emploi a en outre été rendue non opposable à certaines catégories d’étrangers, notamment : les « salariés en mission » ; les titulaires de la « carte bleue européenne » ; les étudiants étrangers de niveau master recrutés après avoir bénéficié d’une autorisation provisoire au séjour (APS) en vue de chercher un emploi dans le cadre d’une première expérience professionnelle en France.
La carte « compétences et talents » permet par ailleurs à son titulaire d'exercer toute activité professionnelle de son choix, dans le cadre du projet au vu duquel la carte a été attribuée.
Comme le soulignait à juste titre le document préparatoire au débat de 2013 sur l’immigration étudiante et professionnelle, le foisonnement des titres de séjour à vocation professionnelle et leurs durées de validité variables rendent peu lisible la politique migratoire française.
Les titres de séjour spécifiquement créés pour renforcer l’attractivité de la France à l’égard des « talents » étrangers, qu’ils soient d’ordre économique, scientifique, éducatif, culturel, artistique ou encore sportif, ont connu des succès très variables. Hormis les dispositifs prévus pour les salariés en mission et les scientifiques et chercheurs, ils sont restés largement confidentiels.
– La carte « salarié en mission » offre un support juridique adapté pour faciliter certaines formes de mobilité internationale. Ce titre correspond manifestement à des attentes réelles des entreprises au regard du nombre de délivrances : 2 750 en 2012 et 2 415 en 2013.
La carte de séjour portant la mention « scientifique-chercheur » a quant à elle été délivrée en 2013 à 1 681 ressortissants étrangers pour une durée pluriannuelle, en hausse notable par rapport à 2012 – 1 305 titres pluriannuels avaient alors été accordés. Ce résultat peut donc paraître satisfaisant.
– En revanche, la « carte bleue européenne », créée dans le cadre de la transposition d’une directive, n’a été attribuée qu’à 127 ressortissants étrangers en 2012 et à 371 en 2013.
La carte « compétences et talents » est par ailleurs un échec manifeste. En dépit d’efforts de promotion au moment de sa création, la délivrance de ce titre est restée particulièrement marginale. Elle n’a concerné que 287 ressortissants étrangers (et 113 conjoints) en 2012, et 252 en 2013.
Enfin, la carte de résident délivrée pour contribution économique exceptionnelle connaît encore moins de succès – on ne comptait que 4 bénéficiaires en 2012 et 2 en 2013.
Dans un rapport d’avril 2013 sur l’accueil des talents étrangers, une mission commune à quatre services d’inspection – inspection générale des affaires étrangères, inspection générale de l’administration, inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, inspection générale des finances – concluait qu’une telle multiplication de dispositifs spécifiques constituait un facteur d’inefficacité à trois titres :
– il n’existe pas d’offre claire, lisible et simple pour les candidats à la mobilité internationale en France ;
– les services consulaires ne sont pas toujours en mesure d’informer de manière satisfaisante les publics concernés ;
– enfin, des mesures aussi excessivement dérogatoires et ne concernant qu’un nombre si limité de personnes par an ne sont, en vérité, que « des dispositifs homéopathiques et contreproductifs, dont aucune montée en puissance ne peut être assurée sur le long terme ».
II. SIMPLIFIER ET SÉCURISER LES PARCOURS, RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ DE LA FRANCE POUR LES ÉTUDIANTS ET LES « TALENTS » ÉTRANGERS
L’article 11 du projet de loi crée trois nouvelles cartes de séjour pluriannuelles : une carte dite « générale » d’une durée de quatre ans, sauf exceptions, qui sera accessible au plus grand nombre ; une carte dite « passeport talent » pour plusieurs catégories de ressortissants étrangers à l’égard desquels il a semblé nécessaire de renforcer spécifiquement l’attractivité de la France ; une carte portant la mention « travailleur saisonnier » dont les caractéristiques sont adaptées à ce public (3).
Comme le rappelle l’étude d’impact, le droit au séjour repose aujourd’hui sur le principe général d’une validité maximale d’un an des cartes de séjour temporaires (4), lesquelles sont renouvelables chaque année si les conditions spécifiques à chaque catégorie sont respectées.
Alors que la pluriannualité des cartes de séjour temporaires n’a été instaurée jusqu’à présent qu’à titre dérogatoire, pour certaines catégories qui relèvent principalement de l’immigration professionnelle et qui sont présentées dans la première partie de ce rapport, le présent projet de loi permettra de changer de paradigme en généralisant cette pluriannualité.
La carte de séjour pluriannuelle dite « générale », distincte des deux autres cartes précédemment mentionnées, sera désormais délivrée au terme d’une première année de séjour régulier sur le territoire français, sous couvert d’une carte de séjour temporaire d’une durée d’un an ou d’un visa de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS).
La carte de séjour pluriannuelle dite « générale » sera délivrée si l’étranger continue à remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire. La délivrance de la carte sera également conditionnée à l’assiduité et au sérieux de sa participation aux formations prescrites dans le cadre du nouveau contrat personnalisé d’accueil et d’intégration qui est prévu à l’article 1er du projet de loi, ainsi qu’à l’absence de rejet des valeurs de la République.
Cette carte de séjour pluriannuelle sera renouvelable de plein droit si l’étranger continue à remplir les conditions de délivrance. En cas de changement de statut, c’est-à-dire si l’étranger fait valoir un autre motif que celui sur lequel est fondée la carte de séjour dont il est jusque-là titulaire, une carte de séjour temporaire d’une durée d’un an pourra lui être accordée, si les conditions de délivrance de cette carte sont remplies. Il ne pourra solliciter de nouveau une carte de séjour pluriannuelle qu’à l’expiration de la validité de cette carte de séjour temporaire.
Tous les étrangers seront concernés, à l’exception de quatre catégories : les simples visiteurs, les stagiaires et les travailleurs temporaires, dont le séjour est par nature limité, ainsi que les victimes de la traite des êtres humains, engagées dans une procédure spécifique qui mène à la délivrance d’une carte de résident (5).
L’article 11 prévoit par ailleurs plusieurs dérogations à la durée générale de quatre ans de la nouvelle carte de séjour pluriannuelle :
– les étudiants étrangers se verront délivrer un titre dont la durée sera adaptée à celle de leur cursus d’études, dans la limite de quatre années ;
– les étrangers admis au séjour pour suivre des soins, dans le cadre de la procédure dite « étrangers malades », bénéficieront d’une carte de séjour pluriannuelle sur la base de la durée prévisible des soins (6), dans la même limite de quatre ans ;
– enfin, les conjoints de Français, les parents d’enfants français et les étrangers admis au séjour en raison de leurs liens personnels et familiaux en France disposeront d’une carte de séjour pluriannuelle d’une durée de validité limitée à deux ans.
L’étude d’impact justifie la dérogation prévue à l’égard de ces trois dernières catégories de ressortissants étrangers par des considérations de lutte contre les fraudes et, en ce qui concerne spécifiquement les conjoints de Français et les parents d’enfants français, par la possibilité qui leur est ouverte de solliciter une carte de résident au terme de trois années de séjour régulier, au lieu de la durée de cinq ans de droit commun.
La création de la carte de séjour pluriannuelle dite « générale », destinée au plus grand nombre, permettra de rendre plus stables et plus cohérents les parcours actuels, pour lesquels le terme de « jeu de l’oie administratif et juridique », utilisé par l’un des interlocuteurs de votre Rapporteur, ne paraît pas entièrement usurpé.
La généralisation des titres de séjour pluriannuels conférera tout d’abord plus de lisibilité et de sécurité juridique aux conditions de séjour en France des étrangers en situation régulière, qui seront moins nombreux à devoir solliciter chaque année le renouvellement de leur titre.
La nouvelle carte pluriannuelle constituera ensuite un chaînon intermédiaire entre l’obtention d’un premier titre annuel et l’accès à la carte de résident de dix ans, à laquelle il n’est en général possible de prétendre qu’au terme de cinq années de séjour en France. Le projet de loi ne reporte pas l’accès à la carte de résident, dont les conditions d’attribution ne sont pas modifiées, mais propose un titre d’une durée significative en attendant que cette carte d’une durée de validité plus longue encore puisse être délivrée.
Un véritable parcours d’immigration, fondé sur la progressivité du droit au séjour, pourra ainsi être construit. Ce parcours reposera dans un premier temps sur une carte de séjour temporaire d’une durée d’un an, ensuite sur un titre pluriannuel de quatre ans en règle générale, et enfin sur la possibilité d’accéder à une carte de résident valable dix ans, voire à durée indéterminée.
En réduisant significativement la fréquence des démarches liées au renouvellement des titres de séjour, la création de la nouvelle carte devrait permettre d’améliorer les conditions d’accueil des étrangers en préfecture, dont le rapport de M. Matthias Fekl, alors parlementaire en mission auprès du ministre de l’intérieur, avait montré en 2013 les difficultés particulières et les conséquences pour l’image de la France.
Par ailleurs, l’examen annuel des conditions de séjour qui est actuellement imposé par l’obligation de renouveler, chaque année, la plupart des cartes de séjour temporaires paraît d’autant moins justifié que le taux de refus des renouvellements ne dépasserait pas 1 % selon l’étude d’impact.
Ce document évalue à 30 % la diminution des passages annuels en préfecture qui devrait résulter de la généralisation de la carte de séjour pluriannuelle, soit environ 800 000 visites, compte tenu du nombre d’étrangers éligibles et des passages en préfecture liés aux procédures de renouvellement des titres.
Le nombre des passages en préfecture des ressortissants étrangers est aujourd’hui estimé à environ 5 millions par an, dont la moitié concernerait le renouvellement des titres de séjour – pour près de 750 000 titres par an, au moins trois passages étant en moyenne nécessaires pour chaque titre à renouveler (7). Sur ces 750 000 renouvellements annuels de titres de séjour, on estime que 500 000 concernent des cartes de séjour temporaires annuelles.
Malgré le principe de la durée de validité annuelle de la carte de séjour temporaire, il convient de noter que l'ensemble des titres de séjour d'une durée de validité supérieure à un an représente déjà environ les trois quarts du total des titres en cours de validité détenus. Le tableau ci-dessous l’illustre.
STOCK DE TITRES ET AUTORISATIONS PROVISOIRES DE SÉJOUR EN COURS DE VALIDITÉ PAR DURÉE DE TITRE (PAYS TIERS, MÉTROPOLE)
Selon la durée |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
Récépissés et autorisations provisoires de séjour |
157 175 |
160 158 |
171 169 |
161 415 |
177 418 |
175 993 |
Titres durée validité < ou = 1 an |
444 538 |
457 987 |
510 241 |
535 852 |
541 235 |
556 083 |
Titres durée validité > 1 an |
1 749 169 |
1 759 232 |
1 772 785 |
1 826 157 |
1 888 071 |
1 931 961 |
Total |
2 350 882 |
2 377 377 |
2 454 195 |
2 523 424 |
2 606 724 |
2 664 037 |
Source : AGDREF / DSED
En dernier lieu, les effets positifs de la généralisation de la carte de séjour pluriannuelle ne concerneront pas seulement les étrangers en situation régulière, mais aussi les services préfectoraux qui devraient être en mesure de redéployer des effectifs de l’accueil en guichet, grâce à la diminution de la fréquentation, vers des procédures plus élaborées de contrôle et de lutte contre la fraude.
La simplification des procédures ne doit pas ouvrir la voie à un risque accru de fraudes. Outre le renforcement des contrôles envisageable lors de la première délivrance puis à l’occasion du renouvellement de la carte de séjour pluriannuelle, grâce aux possibilités de redéploiement des moyens qui viennent d’être évoquées, le projet de loi comporte les dispositions suivantes :
– son article 8 précise que l’étranger titulaire d’une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle doit pouvoir justifier à tout moment qu’il continue à satisfaire aux conditions fixées pour la délivrance de cette carte ; l’autorité administrative pourra procéder aux contrôles nécessaires et convoquer l’étranger ;
– le même article permet de retirer la carte de séjour ou de refuser son renouvellement si l’étranger concerné cesse de remplir l’une des conditions exigées pour l’octroi du titre, fait obstacle aux contrôles ou ne défère pas aux convocations ;
– l’article 25 permet à l’autorité administrative de consulter de très nombreux acteurs susceptibles de transmettre des informations utiles aux vérifications (administrations fiscales ou chargées du travail et de l’emploi ; autorités dépositaires des actes d’état civil ; organismes de sécurité sociale ; collectivités territoriales ; chambres consulaires ; établissements scolaires et d’enseignement supérieur ; fournisseurs d’énergie, de télécommunications et d’accès internet ; établissements de soins publics et privés ; établissements bancaires et organismes financiers ; entreprises de transport des personnes ; greffes des tribunaux de commerce), sans que s’y oppose le secret professionnel autre que le secret médical.
Prenant acte du succès très hétérogène et globalement limité des titres de séjour actuellement destinés à l’accueil des « talents » étrangers (8), l’article 11 du projet de loi créé un nouveau titre de séjour pluriannuel dédié à ce type de public.
Une carte de séjour pluriannuelle spécifique, portant la mention « passeport talent », sera ainsi instaurée aux côtés de la carte de séjour pluriannuelle dite « générale » et de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « travailleur saisonnier ». Elle s’en distinguera par des conditions plus favorables que celles prévues pour les autres ressortissants étrangers, afin d’attirer à terme un plus grand nombre de « talents » en France.
L’article 11 du projet de loi crée une nouvelle carte de séjour pluriannuelle, d’une durée maximale de quatre ans, renouvelable, qui rassemble sous une même ombrelle plusieurs titres existants. Cette rationalisation des dispositifs était l’une des recommandations de la mission inter-inspections précédemment mentionnée.
La carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent » reprend et fusionne les catégories de titres suivantes : scientifique-chercheur, profession artistique et culturelle, salarié en mission, « carte bleue européenne » et contribution économique exceptionnelle. Elle comprend par ailleurs trois autres motifs de séjour : étudiant exerçant une activité professionnelle salariée et ayant obtenu en France un diplôme au moins équivalent au grade de master ou recruté dans une jeune entreprise innovante et exerçant une activité salariée ; créateur d’entreprise ; mandataire social.
Parmi les catégories de titres de séjour reprises dans le cadre de cette nouvelle carte, certaines conditions de délivrance seront modifiées. Selon l’étude d’impact, les critères applicables aux étrangers apportant une contribution économique exceptionnelle seront ainsi révisés par décret en Conseil d’Etat pour viser un public d’investisseurs plus large.
La carte « passeport talent » permettra d’accéder à un titre pluriannuel dans des conditions plus favorables que celles prévues pour la carte de séjour pluriannuelle dite « générale ». Alors que celle-ci ne sera délivrée qu’après un premier document de séjour, l’accès au « passeport talent » sera possible dès la première admission au séjour du ressortissant étranger. L’étude d’impact précise que l’examen de la demande de carte « passeport talent » se fera dès la demande de visa. Une fois en France, l’étranger se présentera dans les trois mois à la préfecture pour obtenir la délivrance de sa carte, sur présentation des pièces justificatives.
Le régime spécifique au nouveau « passeport talent » prévoit par ailleurs une dispense d’autorisation de travail pour l’activité professionnelle salariée ayant conduit à la délivrance de la carte.
Enfin, les membres de la famille du titulaire, à savoir le conjoint marié et les enfants mineurs, bénéficieront d’un régime dérogatoire au regroupement familial. Ils pourront venir en France en même temps que le bénéficiaire de la carte « passeport talent » et obtenir une carte de séjour pluriannuelle de même durée portant la mention « passeport talent (famille) ». Elle permettra d’exercer une activité professionnelle.
Ce nouveau dispositif destiné aux « talents » étrangers devrait être plus lisible que les titres existant déjà, grâce à l’étiquette commune et plus significative de « passeport talent », et donc plus facile à promouvoir à l’étranger. On peut donc espérer que cette évolution permettra de renforcer de manière effective l’attractivité de la France.
Alors qu’environ 6 000 personnes bénéficient aujourd’hui des différents titres de séjour spécifiquement créés dans le cadre de la politique d’attractivité à l’égard des « talents » étrangers, l’étude d’impact fixe l’objectif d’au moins 10 000 bénéficiaires par an, ce qui représenterait déjà un progrès notable.
Dans la continuité des mesures déjà mises en œuvre afin de rétablir et de renforcer l’attractivité de la France pour les étudiants étrangers, notamment l’abrogation de la circulaire dite « Guéant » de 2011 et l’adoption de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, le projet de loi comporte deux mesures susceptibles d’avoir un impact positif en la matière :
– la généralisation de la pluriannualité pour l’ensemble des étudiants ;
– la clarification et la facilitation du changement de statut pour les diplômés.
L’article L. 313-4 du CESEDA permet déjà aux étudiants admis à suivre une formation en vue de l'obtention d'un diplôme au moins équivalent au master de solliciter le renouvellement de leur carte de séjour pour une durée comprise entre un et quatre ans. En 2013, 13 998 titres de séjour pluriannuels ont ainsi été délivrés, en renouvellement, à des étudiants étrangers pour suivre une formation équivalente au grade de master.
Le présent projet de loi permet à l’ensemble des étudiants de bénéficier de cartes de séjour pluriannuelles lors du renouvellement d’un premier titre. Comme votre Rapporteur a eu l’occasion de le préciser plus haut, la validité de la carte de séjour pluriannuelle sera modulée en fonction de la durée du cursus des étudiants. C’est donc au niveau des formations doctorales que cette mesure, très attendue par le monde universitaire, produira le plus d’effets.
2. Un accès clarifié et facilité à l’emploi pour des étudiants titulaires d’un diplôme au moins équivalent au grade de master
Les étudiants étrangers ayant obtenu un diplôme équivalent au grade de master bénéficient de règles spécifiques leur permettant d’accéder à un emploi en France. Il serait en effet dommageable que l’économie française soit privée des compétences de diplômés ayant accompli leurs études dans notre pays. On détournerait également de la France des étudiants brillants en cherchant à les empêcher d’y travailler à l’issue de leur parcours. C’est pourtant ce qu’avait entrepris la circulaire dite « Guéant » de 2011, depuis lors abrogée et remplacée par des dispositions plus favorables.
L’article L. 311-11 du CESEDA permet aujourd’hui aux étudiants étrangers ayant achevé avec succès, dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national, un cycle de formation conduisant à un diplôme au moins équivalent au master de bénéficier d’une autorisation provisoire de séjour (APS) d'une durée de validité de douze mois, non renouvelable, pour compléter leur formation par une première expérience professionnelle, sans limitation à un seul emploi ou à un seul employeur.
Les titulaires d’une telle APS sont autorisés à chercher et à exercer un emploi en relation avec leur formation et assorti d'une rémunération supérieure à un seuil déterminé par décret (1,5 SMIC). A l'issue de cette période de douze mois, s’ils sont pourvus d'un emploi ou titulaires d'une promesse d'embauche, satisfaisant aux conditions rappelées ci-dessus, ils sont autorisés à séjourner en France pour exercer leur activité professionnelle, sans que la situation de l'emploi leur soit opposable.
Comme le montre le tableau ci-dessous, qui présente le nombre des changements de statut des étudiants étrangers depuis 2006, ce dispositif progresse. Depuis cette date, les changements de statut pour motif économique ont déjà été multipliés par trois.
CHANGEMENT DE STATUT D’ÉTUDIANTS VERS UN AUTRE TYPE DE CARTE DE SÉJOUR
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 | |
Etudiant vers « économique » |
5 383 |
8 252 |
11 283 |
8 428 |
8 905 |
9 513 |
11 214 |
10 849 |
14 928 |
Etudiant vers « familial » |
6 353 |
5 898 |
5 235 |
4 812 |
4 495 |
4 448 |
5 008 |
4 544 |
4 217 |
Etudiant vers Autres |
1 451 |
1 244 |
1 016 |
812 |
727 |
947 |
878 |
747 |
756 |
Source : AGDREF – DGEF (DSED) France entière - Pays tiers
L’article 5 du projet de loi permet de ne plus limiter à l’exercice d’une activité salariée ces dispositions relatives au changement de statut. Elles pourront s’appliquer, dans les mêmes conditions, aux étudiants souhaitant créer une entreprise dans un domaine correspondant à leur formation.
L’article 9, alinéa 7, clarifie par ailleurs la situation des étudiants étrangers qui trouvent un emploi dès la fin de leurs études, sans solliciter l’APS prévue par l’article L. 311-11 du CESEDA. Là encore, la situation de l’emploi ne sera pas opposable si ces étudiants souhaitent exercer un emploi en relation avec leur formation et assorti d’une rémunération supérieure à un seuil déterminé par décret en Conseil d’Etat.
L’échec de la carte « compétences et talents », créée par la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, doit conduire à porter la plus grande attention aux mesures d’application qui seront adoptées pour mettre en œuvre les nouveaux titres de séjour pluriannuels, ainsi qu’aux efforts de communication interne et externe nécessaires dans la durée pour donner une visibilité suffisante à ces nouveaux titres.
Par ailleurs, le renforcement de l’attractivité de la France à l’égard des « talents » et des étudiants étrangers ne saurait se limiter à la seule question du droit au séjour. C’est un impératif qui nécessite aussi une action déterminée pour faciliter l’octroi des visas, dès la demande d’entrée sur le territoire national, pour améliorer les conditions matérielles d’accueil en France et pour renforcer les programmes ciblés d’invitation et « d’attractivité » qui existent déjà.
Afin d’améliorer l’attractivité de notre pays et de favoriser des parcours plus simples et plus cohérents pour les étrangers en situation régulière, le projet de loi a pour objectif principal de remédier à la complexité et à l’absence de lisibilité des dispositifs en vigueur.
Cette exigence de simplicité est tempérée par la prise en compte des spécificités des publics visés, ce qui conduit à créer pour les « talents » étrangers un titre de séjour distinct de la carte pluriannuelle dite « générale » et de la carte destinée aux travailleurs saisonniers, mais aussi à prévoir des règles différentes pour les 9 catégories de bénéficiaires du « passeport talent ». Il faut également souligner que la généralisation du principe de pluriannualité ne s’accompagnera pas non plus de son universalisation, certaines catégories d’étrangers demeurant exclues de son bénéfice, tandis la durée de quatre ans qui est retenue en principe sera modulée dans un certain nombre de cas.
Le travail réalisé chaque année au sein de la Commission des affaires étrangères à l’occasion de la préparation et de l’examen de l’avis relatif à la mission budgétaire « Immigration, Asile et Intégration » offre un cadre naturel pour veiller à ce qu’un degré plus grand de complexité ne vienne pas restreindre la portée des dispositions figurant dans le projet de loi. Il conviendra d’examiner en détail les décrets d’application et les circulaires qui seront adoptés pour mettre en œuvre ces différentes mesures. Il est impératif de veiller à préserver les objectifs de simplification et de lisibilité qui inspirent la présente réforme des titres de séjour.
2. Consentir des efforts de communication dans la durée pour promouvoir les nouveaux titres de séjour pluriannuels
Pour que l’attractivité de la France à l’égard des étudiants et des « talents » étrangers soit renforcée de manière effective, il faudra tout mettre en œuvre pour que les nouveaux titres de séjour rencontrent bien le public auquel ils sont destinés. Le rapport inter-inspections de 2013 sur l’accueil des « talents » recommandait ainsi des efforts particuliers de communication au sein de l’administration et à l’égard des étrangers concernés. Ces efforts de communication doivent s’inscrire dans la durée pour accompagner la mise en œuvre de la réforme, à la différence de ce que l’on a pu observer lorsque la carte « compétences et talents » a été créée.
S’agissant du volet interne de communication, le rapport de 2013 soulignait la nécessité de faire passer de manière très explicite les deux messages suivants. Tout d’abord, « la France veut attirer les talents dans le cadre d’une compétition mondiale : les administrations françaises ont donc un devoir de compétitivité et se doivent d’être les VRP efficaces d[es] [nouveaux] titre[s]». Ensuite, « la relation avec les « publics attractivité » est une relation fondée sur la confiance et l’offre d’un service : l’attention doit être consacrée à la qualité de l’accueil et de l’accompagnement offerts à ces publics, et non à un pointillisme administratif excessif ». On ne saurait mieux dire.
Le rapport précité envisageait par ailleurs deux volets distincts pour la communication externe relative aux nouveaux titres de séjour : à l’adresse des publics ciblés, valoriser l’existence de titres uniques et simplifiés, favorisant des parcours plus simples et plus cohérents, avec une vraie visibilité à la clef sur plusieurs années ; à destination des partenaires (universités, entreprises, fonds d’investissement, établissements culturels, etc.), valoriser leur engagement et les retombées positives pour leur propre activité.
Outre les mesures destinées à sécuriser et à simplifier les parcours au titre du droit au séjour, il importe de faciliter dans un premier temps l’accès au territoire national pour les publics visés. Il faut noter que le nombre de visas délivrés a été porté de 2,3 millions en 2012 à 2,8 millions en 2014, ce qui constitue une progression significative. Le taux de refus est passé de 9,66 à 9,72 % sur la même période.
Comme l’a souligné dans son dernier avis budgétaire le rapporteur de la Commission sur les crédits de « l’Action extérieure de l’Etat », M. Philippe Baumel, le taux de refus des visas pour études a certes connu de manière générale un certain recul, mais les évolutions demeurent variables selon les pays, et les taux de refus restent plus élevés que sur l’ensemble des visas. Ces évolutions hétérogènes justifieraient probablement un suivi plus fin et plus systématique des pratiques des postes consulaires afin d’apporter des recadrages si nécessaire.
La question de la facilitation des visas de circulation, notamment destinés aux hommes d’affaires ou aux cadres étrangers, pour permettre plusieurs entrées en France sur une longue durée, a par ailleurs fait l’objet en 2014 d’un engagement du Président de la République dans le cadre de la stratégie de renforcement de l’attractivité du territoire. Ces visas de circulation ont vocation à être délivrés dans un délai particulièrement bref et pour une durée plus étendue, jusqu’à 5 ans. Des instructions ont été données en 2013 et réitérées en 2015 afin de sécuriser ainsi les possibilités d’accéder au territoire. On observe que la part des visas de circulation a déjà légèrement progressé entre 2013 et 2014, passant de 28,2 à 30,6 % des visas court séjour délivrés.
Le rapport inter-inspections de 2013 mettait notamment l’accent sur « l’opposition entre les efforts que fait la France pour accueillir les talents étrangers et le souvenir que tout étranger qui vient en France garde de l’accueil déplorable devant nos guichets administratifs ». Afin de maximiser les effets que l’on peut attendre de la généralisation du principe de pluriannualité des cartes de séjour, et en vue d’aller au-delà des seules retombées mécaniques de la réforme, il conviendrait de poursuivre les efforts déjà engagés pour améliorer les conditions d’accueil en guichet.
S’agissant plus spécifiquement des étudiants étrangers, les actions d’accompagnement conduites dans le cadre de Campus France présentent évidemment un intérêt particulier. Les efforts pour mettre en place des guichets uniques d’accueil ne peuvent qu’aller dans le bon sens, de même que le développement d’offres adaptées de services d’accueil et d’information – tels que des « hotlines » ou encore un accueil à l’aéroport, comme le font certaines universités étrangères, notamment au Canada.
Par ailleurs, comme l’observait la mission inter-inspections de 2013, environ 80 % des étudiants étrangers sont accueillis en France à titre individuel, sans que leur mobilité fasse l’objet d’une convention entre établissements, ce qui ne favorise pas l’implication des universités dans la qualité de l’accueil et de l’accompagnement en France. A cet égard, la mobilité encadrée pourrait mériter d’être renforcée.
Distincts des dispositifs dédiés à la mobilité étudiante, d’autres programmes favorisant une présence plus courte, mais génératrice d’externalités positives très fortes pour la France, dans le cadre de repérages individuels et d’une mise en réseau active, mériteraient aussi un soutien plus affirmé.
Il s’agit notamment du programme d’invitation des personnalités d’avenir, mis en place par le ministère des affaires étrangères en 1989 à destination de personnalités encore jeunes mais identifiées comme appelées à exercer une influence croissante dans leur pays. Ce programme ambitieux, car sur-mesure, ne compte qu’environ 1 500 bénéficiaires depuis sa création. Sa contribution à la mise en œuvre d’une politique d’attractivité efficace à l’égard des élites étrangères justifierait un net renforcement.
Un infléchissement vers le repérage de personnalités non encore établies, à l’image du programme américain « Young Leaders », pourrait également être utile. Il est en effet crucial d’intensifier les efforts pour repérer les potentiels et développer des liens indispensables à l’influence et au rayonnement de la France dans tous les domaines, en particulier dans la zone Afrique du Nord et Moyen-Orient (ANMO).
D’autres initiatives mériteraient par ailleurs des moyens renforcés, telles que les programmes CultureLab (pour le monde de la culture), LabCitoyen (autour des thématiques des droits de l’homme) et SafirLab (dans la zone ANMO), qui ont été développés dans le cadre de l’Institut français afin de renouveler le cercle des interlocuteurs de la France, en constituant à la fois des observatoires et des pépinières de talents pour l’avenir.
Les articles 4 à 12 du présent projet de loi, relatifs au droit au séjour en France, permettront de renforcer la cohérence et la lisibilité des parcours des étrangers en situation régulière sur notre territoire, de simplifier leurs démarches et de désengorger les préfectures chargées de les accueillir, tout en clarifiant et facilitant l’accès à l’emploi en France des étudiants titulaires d’un diplôme au moins équivalent au grade de master.
Conjugués à d’autres mesures destinées à les accompagner et à les prolonger, notamment en matière de communication, de délivrance des visas, d’amélioration des conditions matérielles d’accueil et de renforcement de programmes certes courts, mais ciblés, d’invitation en France, ces articles du projet de loi pourront utilement contribuer au renforcement de l’attractivité de notre pays à l’égard des étudiants et des « talents » étrangers.
La commission examine pour avis, sur le rapport de M. Kader Arif, les articles 4 à 12 du projet de loi relatif au droit des étrangers en France (n° 2183), au cours de sa séance du mercredi 30 juin 2015.
M. Paul Giacobbi, président. Nous allons examiner pour avis les articles 4 à 12 du projet de loi relatif au droit des étrangers en France. Le texte sera examiné au fond par la Commission des lois à partir de demain et, d’ores et déjà, je souhaite beaucoup de plaisir au rapporteur... Pour notre part, nous nous sommes notamment saisis des dispositions relatives à la carte de séjour pluriannuelle, qui ont un impact sur l’accueil des étudiants et des talents étrangers. Sur cet important sujet, votre serviteur avait rédigé, il y a de nombreuses années, un rapport que personne n’a lu mais qui n’était pas fondamentalement idiot. (Sourires.)
M. Kader Arif, rapporteur pour avis. Il n’a pas été forcément très simple d’élaborer ce rapport puisque je n’ai été nommé rapporteur que la semaine dernière. Dans ce laps de temps très court, j’ai auditionné un collectif d’associations, puis des représentants du ministère de l’intérieur et du ministère des affaires étrangères.
Les articles 4 à 12 du projet de loi ont pour objet de modifier la délivrance des titres de séjour afin de sécuriser davantage et de rendre plus cohérents les parcours des étrangers en situation régulière. Dans le même temps, il s’agit de renforcer l’attractivité de la France à l’égard des étudiants étrangers, en particulier des plus diplômés, ainsi qu’à l’égard des talents internationaux. C’était d’ailleurs l’objet du Conseil stratégique de l’attractivité qui s’est tenu le 17 février 2014, sous la présidence de M. François Hollande.
Bien que la notion de « talents » ne soit nulle part définie précisément dans le projet de loi, ni d’ailleurs dans l’exposé des motifs ou dans l’étude d’impact…
M. Paul Giacobbi, président. Elle ne l’est que dans l’Evangile !
M. le rapporteur pour avis. … On peut dire qu’il s’agit de ressortissants étrangers à haut potentiel, dont le séjour en France peut apporter une contribution particulière à notre pays. Neuf catégories sont visées : jeune diplômé qualifié ; investisseur ; créateur d’entreprise ; mandataire social ; chercheur ; travailleur hautement qualifié ; salarié en mission ; artiste ; étranger ayant une renommée internationale dans un domaine scientifique, littéraire, intellectuel, éducatif ou sportif.
M. Thierry Mariani. Quel article les concerne ?
M. le rapporteur pour avis. L’article 11. C’est principalement en raison de ces dispositions relatives à l’attractivité de la France au plan international que nous nous sommes saisis d’une partie du projet de loi. Par cohérence, il fallait examiner aussi la question de la généralisation des cartes de séjour pluriannuelles. La simplification et la facilitation des conditions de séjour en France, pour les étrangers en situation régulière, constituent l’un des principaux piliers des décisions qui ont été prises lors du Conseil stratégique de l’attractivité précédemment évoqué.
Ce projet de loi s’appuie notamment sur les constats et les recommandations d’un rapport remis en 2013 par M. Matthias Fekl, qui était alors parlementaire en mission auprès du ministre de l’intérieur. Il s’inscrit aussi dans la continuité d’un autre rapport de 2013, celui d’une mission réunissant quatre grands corps d’inspections qui ont travaillé conjointement sur l’accueil des talents internationaux.
Le rapport de M. Matthias Fekl insistait en particulier sur les points suivants : la courte durée des titres de séjour est pénalisante pour les ressortissants étrangers, contraints de multiplier chaque année les démarches pour renouveler leur titre ; cette situation n’est pas favorable à l’objectif d’intégration ; elle est également dommageable pour l’administration elle-même, les préfectures étant engorgées et n’offrant pas des conditions d’accueil dignes de ce nom. D’où l’utilité de mettre en place des titres pluriannuels et de repenser les contrôles.
Le rapport interinspections de 2013 a mis l’accent, quant à lui, sur l’inadaptation des mesures en vigueur pour favoriser l’attractivité de la France à l’égard des étudiants et des talents étrangers. Le système actuel repose sur une kyrielle de titres dérogatoires, dont certains n’ont jamais trouvé leur public. Si la carte de séjour portant la mention « scientifique-chercheur » est réellement utilisée, la carte de résident pour « contribution économique exceptionnelle » n’a été accordée que quatre fois en 2012 et deux fois en 2013. Surtout, l’une des dispositions phares de la loi de 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, la carte « compétences et talents », n’est délivrée que très marginalement : elle l’a été à 287 étrangers et à 113 conjoints en 2012, et les chiffres de 2013 sont encore moins bons.
Je voudrais compléter ce constat en vous présentant rapidement les principaux faits saillants qui caractérisent les flux migratoires en France : d’abord leur évolution et leur décomposition selon les grands motifs d’immigration ; ensuite la situation de l’immigration professionnelle et de l’immigration étudiante.
L’immigration légale connaît des fluctuations conjoncturelles qui sont en grande partie déterminées par l’évolution de la situation économique et par les inflexions des politiques migratoires. Les flux sont globalement en légère hausse et tendent vers un niveau un peu supérieur à 200 000 premiers titres de séjour délivrés par an, comparable à celui de la fin des années 2000.
Si l’on raisonne selon les principaux motifs de délivrance des titres, on observe que l’immigration familiale reste à l’origine d’à peu près la moitié des flux entrants. Elle est suivie par l’immigration étudiante, qui représente environ 30 % du total, avec quelque 60 000 titres délivrés chaque année. L’immigration pour motif économique représente moins de 10 % de l’immigration légale, tout comme l’immigration pour motif humanitaire.
Après avoir baissé de 10 % entre 2011 et 2012, l’immigration économique a connu un rebond d’environ 10 % en 2013 puis en 2014. Cette évolution résulte principalement de l’augmentation du nombre d’étudiants ayant changé de statut pour exercer une première activité professionnelle en France, à la suite de l’abrogation de la circulaire dite Guéant de 2011. Cette hausse est aussi liée aux effets d’une circulaire de 2012 relative aux conditions d’examen des demandes d’admission au séjour déposées par des ressortissants en situation irrégulière.
Contrairement à certaines idées reçues, l’immigration professionnelle et l’immigration étudiante ne constituent pas majoritairement des formes d’immigration d’installation en France. Au bout de dix ans, 60 % des étrangers arrivés avec un titre de salarié ne sont plus sur le territoire. De même, parmi les étrangers arrivés comme étudiants, seuls 20 % sont encore présents dix ans plus tard. Il faut avoir ces faits en tête quand on parle d’accueil des étudiants et des talents étrangers. L’immigration étudiante n’est pas un vecteur important d’immigration pérenne en France ; il s’agit plutôt d’une mobilité temporaire.
L’augmentation de la circulation des étudiants au plan international est un phénomène particulièrement massif. Selon l’Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), le nombre d’étudiants partis à l’étranger afin de poursuivre leurs études a doublé depuis l’an 2000 : il est passé de 2 à 4 millions, et ce chiffre devrait encore doubler d’ici à 2020.
L’augmentation de la mobilité étudiante s’accompagne d’un accroissement de la concurrence pour attirer des profils souvent similaires et venant des mêmes pays cibles. La plupart des pays ont développé des stratégies pour augmenter le nombre d’étudiants qu’ils accueillent. Chacun connaît les effets positifs qui en résultent pour le secteur de la recherche, pour l’enseignement supérieur, pour le développement de l’économie en général, grâce à l’afflux de compétences, mais aussi pour l’influence et le rayonnement d’un pays.
La France est le troisième pays au monde pour l’accueil des étudiants étrangers, après les États-Unis et le Royaume-Uni. Nous accueillons 6,8 % des étudiants en mobilité internationale, alors que les États-Unis en reçoivent 18,6 %. La France est surtout le premier pays d’accueil non anglophone, ce dont il faut se réjouir. Les étudiants étrangers ne choisissent pas notre pays pour l’apprentissage de la langue mais en raison de la qualité des diplômes et de l’enseignement français. Si on s’intéresse à l’origine géographique des étudiants étrangers en France, on constate qu’un sur deux est issu du continent africain ; 20 % viennent d’Asie et en particulier de Chine ; quelque 20 % arrivent d’un autre pays de l’Union européenne.
Dans ce contexte de concurrence toujours plus vive au plan international pour l’accueil des étudiants et des talents étrangers, nous avons besoin de dispositifs plus efficaces, plus lisibles et plus cohérents pour renforcer l’attractivité de la France et pour mieux sécuriser les parcours.
J’en viens donc aux principales dispositions dont nous nous sommes saisis pour avis.
Trois nouvelles cartes de séjour, de nature pluriannuelle, seront créées : une carte dite « générale », d’une durée de quatre ans et accessible au plus grand nombre, sauf quelques exceptions ; une carte dite « passeport talent », destinée à des publics spécifiques, à l’égard desquels il a semblé nécessaire de renforcer notre attractivité ; enfin, une carte portant la mention « travailleur saisonnier » dont les caractéristiques sont adaptées.
La généralisation du caractère pluriannuel des cartes de séjour représente un changement profond de logique. Le principe général qui prévaut actuellement est celui d’une validité annuelle des cartes de séjour, renouvelables si les conditions spécifiques à chaque titre sont respectées. La délivrance de titres pluriannuels permettra de réduire la fréquence des passages en préfecture – dont le nombre actuel est de 5 millions par an – et d’améliorer l’accueil aux guichets. Selon l’étude d’impact, on pourrait observer une diminution de 30 % des passages annuels en préfecture.
La nouvelle carte pluriannuelle constituera une sorte de chaînon intermédiaire, aujourd’hui manquant, entre l’obtention d’un premier titre de séjour, de validité annuelle, et l’accès à la carte de résident de dix ans, à laquelle il n’est possible de prétendre, en règle générale, qu’au terme de cinq années de séjour en France. Un véritable parcours d’immigration, fondé sur la progressivité du droit au séjour, pourra donc être construit.
D’une durée de droit commun de quatre ans, la carte pluriannuelle aura une validité adaptée au cursus d’études pour les étudiants, dans la limite de quatre ans ; sa durée sera également alignée sur la durée prévisible des soins pour les étrangers malades ; elle sera enfin de deux ans pour les conjoints de Français, les parents d’enfants français et les étrangers admis au séjour en raison de leurs liens personnels et familiaux, pour des raisons sur lesquelles je pourrai revenir si vous le souhaitez.
Avec la réduction du nombre de passages en préfecture et la fin de l’examen annuel des conditions de séjour, évolutions qui sont directement liées au caractère pluriannuel de la carte, les modalités de contrôle seront revues. La simplification des procédures et des démarches administratives ne doit pas se traduire par un accroissement des fraudes. L’étranger pourra être appelé à justifier à tout moment qu’il continue à satisfaire aux conditions fixées pour la délivrance de sa carte de séjour. L’article 8 permet de retirer la carte ou de refuser son renouvellement non seulement si l’étranger cesse de remplir l’une des conditions exigées, mais également s’il fait obstacle aux contrôles ou s’il ne défère pas aux convocations. Enfin, l’article 25 permettra de consulter un très grand nombre de services susceptibles de transmettre des informations utiles aux vérifications.
Outre ces dispositions générales, qui concernent une grande majorité d’étrangers en situation régulière, le projet de loi comporte des mesures spécifiques pour les talents internationaux. Les différents titres qui leur sont applicables, et qui sont à la fois très hétérogènes et très inégalement utilisés, seront fusionnés en une seule carte pluriannuelle dite « passeport talent », dont le périmètre sera un peu élargi par rapport aux catégories actuelles. Des conditions plus favorables sont également aménagées pour ces talents étrangers : ils pourront accéder à la carte pluriannuelle dès leur première admission au séjour, et non après l’obtention d’un premier document. Ils seront dispensés d’autorisation de travail pour l’activité professionnelle salariée ayant conduit à la délivrance de la carte. Enfin, les membres de leur famille bénéficieront d’un régime dérogatoire au regroupement familial.
En ce qui concerne les étudiants étrangers, le projet de loi comporte plusieurs dispositions très utiles. Les étudiants bénéficieront tout d’abord de la carte pluriannuelle dite « générale », alors qu’ils n’ont aujourd’hui accès à un titre pluriannuel qu’à partir du niveau master. Leur changement de statut, d’une carte d’étudiant vers une activité professionnelle, sera par ailleurs clarifié et facilité. Les étudiants de niveau master pourront ainsi chercher et exercer non seulement un emploi en relation avec leur formation et assorti d’un certain niveau de rémunération, mais aussi créer une entreprise.
Ces dispositions vont globalement dans le bon sens, qu’il s’agisse de la généralisation de la carte pluriannuelle, du « passeport talent » ou des mesures destinées aux étudiants étrangers. Je crois néanmoins utile d’insister, en conclusion, sur la nécessité d’accompagner et de compléter la réforme sur un certain nombre de points qui ne relèvent pas nécessairement du domaine législatif, mais qui sont pourtant essentiels.
Tout d’abord, l’échec complet de la carte « compétences et talents », créée par la loi de 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, conduit à porter la plus grande attention aux mesures d’application qui seront adoptées, sous la forme de décrets et de circulaires. Il sera impératif de veiller à préserver les objectifs de simplification et de lisibilité qui inspirent ce projet de loi.
En second lieu, il faudra consentir des efforts de communication dans la durée pour promouvoir les nouveaux titres de séjour pluriannuels. Cela n’a pas toujours été le cas dans le passé. Des messages bien précis seront nécessaires à la fois au plan interne, pour les administrations françaises, et au plan externe, à l’adresse des publics concernés mais aussi des partenaires – universités, entreprises ou établissements culturels. Signalons que des efforts ont été accomplis en faveur des étudiants, en particulier par Campus France.
Ensuite, la question de l’attractivité du territoire ne se résume pas aux titres de séjour. Il convient aussi de faciliter l’accès à la France pour les publics concernés. Cela passe notamment par le développement des visas de circulation, délivrés plus rapidement et pour des durées plus longues. Il faudra aussi continuer à examiner avec attention l’évolution des taux de refus des visas pour études.
Quatrièmement, il faut se mobiliser pour améliorer les conditions d’accueil des étrangers, en particulier les talents et les étudiants. Cela concerne aussi bien l’accueil en préfecture, l’accompagnement des étudiants par Campus France, que le développement des mobilités encadrées faisant l’objet de conventions entre établissements. Le logement suscite des remarques négatives à l’égard de notre pays, tant en ce qui concerne l’offre que le coût.
En dernier lieu, je suggère de réfléchir à un renforcement des programmes ciblés d’invitation et d’attractivité de courte durée pour des publics ciblés. Je pense au programme d’invitation des personnalités d’avenir qui a été mis en place dès 1989 par le ministère des affaires étrangères, ainsi qu’aux programmes développés dans le cadre de l’Institut français. Nous continuons à être largement en retard par rapport à d’autres pays, au-delà même des États-Unis. Nous avons encore des lacunes dans l’identification des potentiels et dans le développement de liens humains qui sont particulièrement utiles pour assurer l’influence et le rayonnement de notre pays dans le monde.
Au sein de cette commission, il me semble que nous pourrions créer une mission d’information pour étudier ce qui se fait ailleurs, en particulier dans les pays les plus actifs en matière d’accueil d’étudiants.
M. Paul Giacobbi, président. À vous entendre, monsieur le rapporteur, si un étranger parvient à comprendre la législation et la réglementation applicables, cela signifie que son intelligence est hors du commun, ce qui devrait lui valoir autorisation à séjourner dans notre pays, auquel sa présence ne pourrait qu’être bénéfique.
Nous avons effectivement une stratégie d’accueil des étudiants. Pour prendre un cas que je connais bien, le nombre d’étudiants indiens a augmenté de manière spectaculaire au cours des dernières années. Nombre d’écoles de très haut niveau – comparables à l’École polytechnique ou à celle des Hautes Études commerciales (HEC) avec lesquelles elles ont parfois des liens directs pour des doubles diplômes – s’étonnaient parfois de difficultés liées à des réglementations incompatibles avec de tels cursus universitaires, notamment en matière de stages. Les nouvelles dispositions permettront de pallier ces difficultés.
M. Gwenegan Bui. Je ne sais si les étrangers sauront mieux lire et comprendre les subtilités de notre droit, mais il faut noter le progrès qu’incarne cette carte pluriannuelle, source de stabilité pour ses bénéficiaires et d’efficacité pour l’administration : la baisse du nombre de visites dans les préfectures permettra d’améliorer les contrôles.
Notre pays a intérêt à accueillir des jeunes, notamment des étudiants. Or il n’est pas un membre de notre commission qui n’ait été interpellé, lors d’un déplacement ou un autre à l’étranger, sur les difficultés que rencontrent ces étudiants, en raison de la complexité de nos textes. Je me réjouis de l’adoption de mesures qui leur permettront de venir plus nombreux, même si de grands progrès restent à accomplir. Dans son rapport sur cinquante ans de relations entre la France et la Chine, notre collègue Michel Destot évoquait déjà cette question de l’amélioration de l’accueil comme l’une des conditions de la venue en France d’un nombre croissant d’étudiants chinois. Monsieur le rapporteur, vous venez de mettre le doigt sur l’une de nos faiblesses : l’insuffisance des capacités d’hébergement. Comment pourrions-nous progresser encore afin que ces étudiants, une fois rentrés chez eux, deviennent des ambassadeurs de notre pays, de notre langue mais aussi de notre hospitalité ?
M. Thierry Mariani. Ayant été élu au siècle dernier, j’ai été cinq fois rapporteur de textes sur l’immigration, et j’avoue que je suis désespéré de notre manière d’aborder ces sujets, toutes majorités confondues. En tant que député de la onzième circonscription des Français de l'étranger, qui couvre l’Europe de l'Est, l’Asie et le Pacifique, je peux établir des comparaisons à chaque voyage. Notre droit de l’immigration est d’une complexité hallucinante, au point que je n’arrive plus à savoir combien il existe de cartes. Si j’ai bien compris – et je ne vous fais pas de reproches –, vous en avez créé quatre supplémentaires. Dans d’autres pays, il n’y a que quatre régimes : étudiant, investisseur, travailleur, personne qui sollicite un regroupement familial.
Pour les étudiants, de grands progrès ont été faits grâce à Campus France qui a créé des antennes un peu partout – j’ai récemment visité celle de Wuhan en Chine – avec des gens qui font le maximum pour informer les jeunes. Mais je ne suis pas d’accord avec mon collègue Gwenegan Bui quand il se demande ce que nous pourrions faire de plus pour les accueillir. Un pays comme l’Australie ne se pose pas une telle question pour attirer les meilleurs étudiants. Dans sa balance des paiements, l’éducation représente le deuxième ou troisième poste : l’Australie facture très cher les études et ne se préoccupe pas de savoir s’il y a ou non des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) pour les étudiants. Aux États-Unis, en Australie ou en Grande-Bretagne, les études ont un prix. En France, c’est gratuit. Les personnels de Campus France me disent qu’ils doivent quasiment s’expliquer sur cette gratuité qui paraît presque louche aux yeux d’un public qui considère que qui est gratuit n’a pas de valeur. Arrêtons de nous demander ce que nous pouvons faire de plus !
Parlons de la carte « compétences et talents », créée par une loi dont j’étais le rapporteur. Elle a été un échec, dites-vous. Vous vous trompez : elle a été un super-échec ! La mesure me semblait intelligente, mais le diable se niche parfois dans les détails : les modalités pratiques étaient renvoyées à un décret qui a prévu des obligations aussi hallucinantes qu’inapplicables.
Pour illustrer mon propos, je vais prendre l’exemple d’investisseurs russes. Mon épouse étant originaire de Russie, je vais assez souvent dans ce pays, où j’ai eu l’occasion de vanter les mérites de la carte « compétences et talents » à des investisseurs de ma connaissance. Au bout d’un an et demi ou deux ans, ils me l’ont rendue. L’un d’eux possède la première société russe de construction de locomotives et il a passé un accord avec Alstom. En France, il emploie une quarantaine de personnes dans une petite propriété qu’il a rachetée à Elton John ! Pour bénéficier de cette carte, il devait présenter un projet d’intégration. Ensuite, tous les ans, il devait expliquer qu’il avait toujours des talents, et aller faire la queue à la préfecture pour qu’on lui délivre le document. Vous imaginez ces chefs d’entreprise qui emploient parfois des milliers de personnes faire la queue à cinq heures du matin, au milieu de quatre cents personnes ? Dans certains pays, l’ambassadeur vient lui-même à mon domicile m’apporter les papiers entourés d’un ruban, m’a dit l’un d’eux.
Le décret a démoli cette disposition, et je suis même surpris qu’il reste autant de cartes « compétences et talents » : pour ceux qui peuvent y prétendre, il est dix fois plus simple d’aller voir le consul et d’obtenir une carte de circulation de trois ans qui suffira à leurs besoins.
S’agissant de l’excellent programme « Personnalités d'avenir » du ministère des affaires étrangères, je regrette que ses moyens soient en constante diminution depuis des années, sachant que le mouvement a commencé sous la droite. Ce programme constitue pourtant une manière innovante d’assurer la promotion de la France auprès des futures élites des pays visés.
Pour résumer, je suis consterné par la complexité de nos dispositifs, surtout quand je les compare à ceux de pays où il n’existe que trois ou quatre cartes. Monsieur le rapporteur, prenez garde à notre don pour les complications administratives. Nous sommes mauvais quand il s’agit d’attirer les investisseurs – comparez avec le Portugal, Malte ou la Grande-Bretagne ! – et les gens de qualité. En France, les services de TRACFIN (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins) questionnent souvent les investisseurs sur l’origine de leurs capitaux ; en Grande-Bretagne, on se contente de leur dire merci. Résultat : dans ma circonscription, mes interlocuteurs sont dégoûtés par les complexités administratives qui leur sont imposées par les gouvernements français successifs, qu’ils soient de gauche ou de droite.
Dans l’espace Schengen, dont nous venons de parler avec le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, règne une véritable concurrence. Nous devons nous efforcer d’attirer chez nous les meilleurs, c'est-à-dire – et j’espère que je ne vais choquer personne – ceux qui ont le plus les moyens d’investir, donc de créer des emplois. Observons les pratiques de certains pays comme Malte ou le Portugal. Je vous souhaite bonne chance.
N'ayant pas lu en détail le reste du texte et étant l’unique représentant du groupe UMP, je ne peux pas encore vous donner notre position.
M. Paul Giacobbi, président. Notre rapporteur a évoqué l’idée de créer une mission sur l’attractivité de la France. Nous la soumettrons lors de la prochaine réunion du bureau de notre commission.
Je signale au passage à M. Mariani, au cas où cela lui aurait échappé, que son groupe a changé de nom et s’appelle maintenant Les Républicains… (Sourires.)
M. Jean-Louis Destans. Pour avoir moi-même exercé quelques fonctions à l’étranger, j’ai pu mesurer concrètement la complexité et le manque de lisibilité de nos procédures. Vous avez rappelé, monsieur le rapporteur, combien les définitions étaient compliquées, multiples. Pour faciliter et accélérer la délivrance des visas, nous avons procédé à l’externalisation de certains services consulaires : en fait, les queues ne se forment plus devant les consulats mais ailleurs. Comment vont s’articuler toutes les structures concernées – services du consulat, externalisés ou issus de la mécanique Schengen, et Campus France – pour gérer les demandes de tous ces étudiants ? Tout en sachant cette question relève du quai d’Orsay et du ministère de l’intérieur, j’aimerais savoir si l’on a déjà réfléchi à une organisation qui permettrait de faciliter les flux, de gagner du temps et d’améliorer la lisibilité du dispositif.
M. le rapporteur pour avis. « Comment améliorer l’accueil des étudiants étrangers ? », demandez-vous, Monsieur Bui. Malgré les efforts déployés par Campus France, nous sommes en retard sur certains pays qui ont développé de véritables stratégies. La Pologne et la Chine ont créé une agence de promotion de l’enseignement supérieur à l’international. Singapour, le Qatar et la Malaisie souhaitent devenir des plateformes régionales. La Chine, l’Inde, la Corée du Sud, l’Allemagne et l’Arabie Saoudite facilitent cette mobilité internationale et montent en puissance.
Pour mesurer les progrès qui nous restent à faire, prenons l’exemple du Québec, territoire francophone. Les étudiants français qui souhaitent intégrer une université québécoise ont accès, via des numéros de téléphone dédiés, à des interlocuteurs qui les guident dans leurs démarches d’inscription et de recherche de logement, et qui leur fournissent toutes sortes d’informations utiles. Une fois arrivé à Montréal, l’étudiant est accueilli dès l’aéroport par une personne de l’université où il s’est inscrit. Pour le moment, nous ne savons pas faire ce genre de choses. D’où l’idée de cette mission de réflexion évoquée tout à l’heure avec Jean-Pierre Dufau.
Améliorer l’accueil des étudiants étrangers peut consister, par exemple, à leur délivrer un titre de séjour bien avant leur arrivée sur le territoire national. Si leur parcours administratif était bouclé dès le mois de mars, ils pourraient se consacrer plus tôt à la recherche d’un logement. Actuellement, certains obtiennent leurs papiers en juin ou juillet, peinent à trouver un logement quelle que soit la ville universitaire, arrivent un mois ou deux après le début des cours et finissent par redoubler, ce qui pose des problèmes de renouvellement du titre. Pour remédier à ce genre de situation et parvenir à une délivrance plus rapide des titres, les services des deux ministères concernés – celui des affaires étrangères et celui de l’intérieur – doivent continuer à renforcer leur concertation.
Nous devons aussi mener une réflexion sur le logement des étudiants étrangers, l’un des points qui suscitent le plus de remarques négatives : l’offre est insuffisante et le coût est assez désespérant, pas seulement à Paris où les loyers atteignent des sommets. Il y a aussi beaucoup à faire pour améliorer la circulation de l’information entre l’État et les collectivités locales qui accueillent de nombreux étudiants. Quand j’étais élu à Toulouse, deuxième ville étudiante de France, j’ai souvent constaté que personne n’était informé des initiatives prises au plus près du terrain ; de même, certaines actions menées au plan national n’avaient pas forcément de traductions locales.
Soulignons qu’en cette matière aussi, il existe un certain déséquilibre entre les universités et les grandes écoles. Ces dernières travaillent avec leurs réseaux, elles ont des capacités d’accueil et des facilités dont ne disposent pas forcément les universités.
Avant de partir, M. Mariani a rappelé quelques réalités avec beaucoup de sincérité. Le projet de loi répond en partie à ses préoccupations, notamment grâce aux dispositions concernant la généralisation de la carte pluriannuelle, le « passeport talent » ou les mesures destinées aux étudiants étrangers. Ces derniers bénéficieront de la carte pluriannuelle dite « générale » alors qu’ils n’ont actuellement accès à un titre pluriannuel qu’à partir du niveau master.
Jean-Louis Destans m’a interrogé sur l’articulation entre les différentes structures concernées par la gestion des demandes de tous ces étudiants. Tout dépendra des messages transmis par les ministères, et des décrets et circulaires d’application. Pour l’heure, je ne peux pas répondre de manière plus précise.
La Commission en vient à l’examen des articles dont elle est saisie.
M. Paul Giacobbi, président. Puisqu’aucun amendement n’a été déposé, nous allons passer directement aux votes sur les articles dont nous sommes saisis.
Article 4
(art. L. 311-1 et L. 211-2-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Documents ouvrant droit au séjour de plus de trois mois
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.
Article 5
(art. L. 311-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Autorisation provisoire de séjour délivrée à l’étudiant titulaire d’un diplôme au moins équivalent au grade de master
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.
Article 6
(art. L. 313-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Durée de validité de la carte de séjour pluriannuelle
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.
Article 7
(art. L. 313-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Conditions de première délivrance de la carte de séjour temporaire et de certaines cartes pluriannuelles
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.
Article 8
(art. L. 313-5-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Modalités de contrôle du maintien du droit au séjour du titulaire d’une carte de séjour temporaire ou d’une carte pluriannuelle
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.
Article 9
(art. L. 313-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Carte de séjour temporaire autorisant l’exercice d’une activité professionnelle
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.
Article 10
(art. L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Conditions de délivrance de la carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale »
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.
Article 11
(chapitre III du titre Ier du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Carte de séjour pluriannuelle
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.
Article 12
(art. L. 5221-2 du code du travail)
Limitation de l’obligation d’obtention d’une autorisation de travail aux seuls séjours professionnels d’une durée supérieure à trois mois
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, sans modification.
ANNEXE
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR
(Par ordre chronologique) :
– Mme Nathalie Ferré, maître de conférences en droit privé à l’Université Paris 13, directrice adjointe de l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (IRIS), présidente honoraire du Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) ;
– Ministère de l’intérieur (direction générale des étrangers en France) : M. Benoît Brocart, directeur de l’immigration, M. Jean de Croone, adjoint au directeur de l'immigration, M. Christophe Marot, sous-directeur du séjour et du travail ;
– Cabinet du ministre des affaires étrangères : Mme Anne-Françoise Tissier, conseillère pour les affaires consulaires et juridiques, M. Christophe Musitelli, conseiller diplomatie culturelle et d’influence, M. Grégoire Chauvière Le Drian, conseiller développement et commerce extérieur.
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