N° 2941
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 juillet 2015.
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la modernisation du droit de l’outre-mer (n° 2910),
PAR M. Yves Blein,
Député
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Voir les numéros :
Assemblée nationale : 2910, 2949
Sénat : 422, 522, 523 et T.A. 120 (2014-2015).
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 5
I. UNE EXTENSION OPPORTUNE DU DISPOSITIF DES OBSERVATOIRES DES PRIX ET DU « BOUCLIER QUALITÉ-PRIX » À DEUX NOUVELLES COLLECTIVITÉS ULTRAMARINES 6
A. LA DIFFUSION DES OBSERVATOIRES DES PRIX À SAINT-MARTIN ET SAINT-BARTHÉLEMY 6
B. L’EXTENSION DU BOUCLIER « QUALITÉ-PRIX » À SAINT-MARTIN 7
II. UNE PRISE EN COMPTE DES BESOINS SPÉCIFIQUES DE LA GUYANE ET DE MAYOTTE EN MATIÈRES FONCIÈRE ET D’AMÉNAGEMENT 8
III. UNE NOUVELLE PROLONGATION DE LA DURÉE DE VIE DES AGENCES QUI NE RÈGLE PAS LE PROBLÈME DE LA GESTION DE LA ZONE DES CINQUANTE PAS GÉOMÉTRIQUES 8
TRAVAUX DE LA COMMISSION 11
Chapitre premier – Dispositions relatives à l’économie 17
Section 1 : Des observatoires des marges, des prix et des revenus 17
Article 1er (articles L. 410-5, L. 910-1 A et L. 910-1 C du code de commerce) : Création d’un observatoire des prix, des marges et des revenus à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin et extension du « bouclier qualité-prix » à Saint-Martin 17
Section 4 : De l’applicabilité du code du travail à Mayotte 19
Article 4 ter : (titre IX de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, article L. 320-56-1 et article L. 821-1 du code du travail applicable à Mayotte [nouveaux]) Mesures d’adaptation de la loi relative à l’économie sociale et solidaire à Mayotte 20
Chapitre II – Dispositions relatives à la maîtrise foncière et à l’aménagement 21
Section 1 : Établissements publics fonciers et d’aménagement 21
Article 5 (section 3 du chapitre Ier du titre II du livre II et article L. 321-36-1 à L. 321-36-7 [nouveaux] du code de l’urbanisme) : Consécration légale de l’établissement public d’aménagement de Guyane (EPAG) et création de l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte 21
Article 5 bis (article L. 272-1 du code forestier) : Exonération pour les forêts des collectivités territoriales de Guyane des frais de garderie et d’administration normalement versés à l’ONF 23
Section 1 bis : Aménagement foncier 24
Article 6 (annexe III de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public) : Coordination 24
Article 7 (article 2 de l’ordonnance n° 2011-1068 du 8 septembre 2011 relative aux établissements publics fonciers, aux établissements publics d’aménagement de l’État et à l’Agence foncière et technique de la région parisienne) : Suppression de l’obligation de scinder en deux entités l’établissement public d’aménagement de Guyane 24
Section 2 : Agences des cinquante pas géométriques 26
Article additionnel avant l’article 8 (nouveau) : (article L. 5112-1 du code général de la propriété des personnes publiques) Création d’un délai pour la délimitation, par décret en Conseil d’État, des différents secteurs de la zone des cinquante pas géométriques 26
Article 8 : (article 4 de la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d’outre-mer) Prolongation de l’activité des agences des cinquante pas géométriques 27
Article 8 bis : (article L. 5112-5 et L. 5112-6 du code général de la propriété des personnes publiques) Report d’un an du délai de dépôt des demandes de cession-régularisation 30
Article additionnel après l’article 8 bis (nouveau) (article L. 5112-5 et L. 5112-6 du code général de la propriété des personnes publiques) : Interdiction de la cession de terrains situés dans une zone dangereuse 31
Article 8 ter : Demande de rapport sur la situation des agences des cinquante pas géométriques 32
Article additionnel après l’article 8 ter (nouveau) : Conditions du transfert des terrains vers les collectivités territoriales 33
Article additionnel après l’article 8 ter (nouveau) : Demande de rapport 34
Chapitre V – Dispositions relatives à la sécurité et à la sûreté 35
Section 1 : Dispositions modifiant le code de la sécurité intérieure 35
Article 20 (article L. 642-1 du code de la sécurité intérieure) : Abrogation de la mention du répertoire local des entreprises à Mayotte 35
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 37
« Il n’y a pas un outre-mer, mais des outre-mer »
Le temps de répondre, 2002
Depuis 2012, le Gouvernement s’est emparé des enjeux auxquels sont confrontées les collectivités ultramarines, et a fait des outre-mer l’une de ses priorités. Cela s’est d’abord traduit par la nomination d’un ministre des outre-mer de plein exercice, tandis que la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer (dite « loi Lurel ») a été l’une des premières lois promulguées sous la XIVe législature.
Aujourd’hui, le présent projet de loi vise à réformer le cadre législatif applicable aux outre-mer, afin de le rendre plus efficace et de l’adapter aux spécificités des collectivités ultramarines. Il comporte des dispositions de nature très variée, qui touchent au développement économique et social, aux transports, à l’aménagement du territoire, à la fonction publique, à la sécurité, à la défense ou encore aux collectivités territoriales. Certaines concernent toutes les collectivités d’outre-mer, d’autres sont spécifiques à certaines d’entre elles.
Plusieurs voix ont regretté, à raison, le fait que ce texte ne rénove pas suffisamment le droit des outre-mer. Néanmoins, il comprend de nombreuses mesures importantes et utiles, et a le mérite de prendre en compte la singularité de chacune des collectivités ultramarines.
Présenté en Conseil des ministres par Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer, le 29 avril 2015 et déposé sur le Bureau du Sénat le même jour le projet de loi, sur lequel le Gouvernement a décidé d’engager la procédure accélérée, a été largement enrichi par nos collègues sénateurs. Le nombre d’articles s’élève ainsi à 49 aujourd’hui, contre 27 initialement.
À l’Assemblée nationale, comme au Sénat, le projet de loi a été renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. La commission des affaires économiques a tenu à s’en saisir pour avis, manifestant ainsi, une fois encore, son intérêt pour les questions liées aux outre-mer et sa volonté de jouer un rôle actif dans les évolutions et les adaptations législatives nécessaires aux collectivités ultramarines. C’est d’ailleurs notre commission qui avait été saisie du projet de loi « Lurel » de 2012, qu’Ericka Bareigts, rapporteure, avait contribué à enrichir. Par la suite, nous avons également été saisis du projet de loi n° 2013-922 du 17 octobre 2013 visant à prolonger la durée de vie des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométrique, et à faciliter la reconstitution des titres de propriété, dont notre collègue M. Serge Letchimy était rapporteur.
La commission des affaires économiques s’est saisie des articles 1er, 4 ter, 5, 5 bis, 6 à 8 ter et 20 du présent texte. Trois sujets principaux se dégagent de ces dispositions. En premier lieu, le texte prévoit l’extension à de nouvelles collectivités des observatoires des prix, des marges et des revenus et du « bouclier qualité-prix », tous deux créés par la loi « Lurel ». Ensuite, il inscrit dans la loi la création d’un établissement public disposant d’un cumul de compétences de portage foncier et d’aménagement en Guyane et à Mayotte. Enfin, le projet de loi initial prolonge de trois années, au maximum, la durée de vie des Agences des cinquante pas géométriques en Martinique et en Guadeloupe.
Ce texte s’inscrit donc dans une démarche d’adaptation nécessaire du droit applicable aux outre-mer. Après avoir auditionné de nombreux acteurs intéressés par les dispositions dont la commission des affaires économiques est saisie, votre rapporteur a acquis la conviction qu’il conviendrait d’adopter un avis favorable à leur adoption. Certaines d’entre elles devront toutefois être complétées pour en renforcer l’efficacité.
I. UNE EXTENSION OPPORTUNE DU DISPOSITIF DES OBSERVATOIRES DES PRIX ET DU « BOUCLIER QUALITÉ-PRIX » À DEUX NOUVELLES COLLECTIVITÉS ULTRAMARINES
La loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, dite loi « Lurel », avait consacré dans la loi les observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) et créé le dispositif du bouclier « qualité-prix ». Le présent projet de loi propose d’étendre l’application de ces dispositifs à Saint-Barthélemy et Saint-Martin.
La question des prix en outre-mer constitue un des principaux problèmes auxquels font face l’ensemble des collectivités d’outre-mer. En 2010, une étude de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) (1) montrait ainsi que les prix des produits alimentaires sont plus élevés de 34 % à 49 % en outre-mer par rapport à l’hexagone. Cette situation appelle une réponse à la fois générale et spécifique à chaque collectivité.
La consécration dans la loi des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) par la loi « Lurel » a été assurément bénéfique (2). Dans les collectivités concernées, l’OPMR a amélioré l’information sur les prix, dissuadé les abus et encouragé une baisse effective des prix de certains produits. À titre d’exemple, l’OPMR de Guyane mène actuellement une étude sur le coût d’usage d’un véhicule automobile, qui constitue un des enjeux centraux de la vie chère dans cette collectivité. Cette étude vise à présenter un état des lieux, puis, compte tenu des constats opérés, d’identifier, parmi les différents postes de dépenses liés à l’usage d’un véhicule, les facteurs de blocage et de majoration ou de minoration des prix et tarifs pratiqués. Enfin, il s’agira d’apprécier si ces écarts sont abusifs afin de permettre à l’OPMR de faire des propositions susceptibles de réduire le budget automobile des ménages.
Ce modèle de l’observatoire constitue donc une solution tant générale, puisque potentiellement applicable à toutes les collectivités ultramarines, que spécifique à chacune d’entre elles. Le présent projet de loi propose utilement la création d’un observatoire à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, comme le souhaitent d’ailleurs les élus locaux.
Le bouclier « qualité-prix », également institué par loi « Lurel » de 2012, a constitué une avancée indéniable dans la lutte contre la vie chère dans les outre-mer. Ce dispositif fonctionne sur la base d’une négociation annuelle entre le représentant de l’État et les organisations professionnelles du secteur du commerce d’un accord de modération du prix global d’une liste de produits de consommation courante (le « panier »).
Ses effets positifs sont incontestables. À titre d’illustration, le prix global du panier a baissé en Guadeloupe de 14,5 % en 2015 contre 11,5 % en 2014 ; à Saint-Pierre-et-Miquelon, cette baisse est de 12,33 % et de 9,65 % en Martinique. En moyenne sur l’ensemble des territoires, l’effort de baisse des prix atteint 12,61 % en 2015 selon le ministère des outre-mer. En outre, un effort a été fait sur la qualité des produits, notamment à Mayotte où a été créé un « panier santé » et en Martinique, avec le « panier de fruits et légumes ».
Dans cette optique, le présent texte propose son application à Saint-Martin. Ce progrès permettra, en outre, de donner une base légale et d’assurer l’effectivité d’une initiative ad hoc prise par le représentant de l’État dans cette collectivité, qui vise à convenir avec les acteurs locaux d’une modération des prix de certains produits. Cette initiative témoigne d’ailleurs du besoin d’un tel mécanisme dans cette collectivité.
II. UNE PRISE EN COMPTE DES BESOINS SPÉCIFIQUES DE LA GUYANE ET DE MAYOTTE EN MATIÈRES FONCIÈRE ET D’AMÉNAGEMENT
La Guyane et Mayotte sont confrontées à de nombreux défis spécifiques en ce qui concerne le foncier et l’aménagement, dans un contexte où l’expansion démographique aggrave le problème posé par le manque de logements. La population guyanaise, plus forte aujourd’hui de 230 000 habitants, pourrait ainsi atteindre 570 000 habitants en 2040, quand celle de Mayotte augmente de 3 % environ chaque année selon l’INSEE.
Afin de répondre à ces besoins spécifiques et d’assurer la cohérence et l’efficacité de la stratégie foncière et d’aménagement, le présent projet de loi propose que la règle selon laquelle un établissement public ne peut disposer à la fois de compétences en matière de portage foncier et d’aménagement ne s’applique pas en Guyane et à Mayotte. Il prévoit, en ce sens, la consécration dans la loi de l’établissement public foncier et d’aménagement en Guyane, d’une part, et sa création à Mayotte, d’autre part. Votre rapporteur soutient cette solution.
III. UNE NOUVELLE PROLONGATION DE LA DURÉE DE VIE DES AGENCES QUI NE RÈGLE PAS LE PROBLÈME DE LA GESTION DE LA ZONE DES CINQUANTE PAS GÉOMÉTRIQUES
En vertu de l’article L. 5111-2 du code général de la propriété des personnes publiques, la réserve domaniale dite des « cinquante pas géométriques » est constituée à La Réunion, en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane, par une bande de terrain qui présente une largeur de 81,20 mètres comptée à partir de la limite du rivage de la mer. Elle correspond à cinquante pas du roi, devenus les pas géométriques, chaque pas représentant une longueur de cinq pieds, soit environ 1,64 mètre.
La création d’une telle bande autour du littoral remonte à l’époque coloniale et l’on en trouve la trace dans des documents datés du XVIIe siècle. Elle servait alors à la défense des îles et à leur ravitaillement. Après une période d’appropriations personnelles des îles, les îles des Antilles sont devenues la propriété de l’État à la fin du XVIIe siècle. La zone des cinquante pas du roi a donc été incorporée au domaine de la Couronne, devenant ainsi inaliénable et imprescriptible conformément à l’Édit de Moulins pris par le roi de France Charles IX en février 1566. Pour autant, l’occupation sans titre de parcelles situées dans la zone des cinquante pas s’est poursuivie et, comme le rappelle un rapport de l’Inspection générale de l’administration et du conseil général des ponts et chaussées (3), « l’abolition de l’esclavage a naturellement conduit les travailleurs des plantations à se diriger vers les terres disponibles de la montagne ou du littoral afin de s’y établir ».
Ces zones appartiennent aujourd’hui au domaine public de l’État, après avoir fait partie de son domaine privé. Elles ont fait l’objet d’un découpage entre zones urbaines, zones naturelles et forêt domaniale depuis la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d’outre-mer. Elles ont également fait l’objet de différentes tentatives pour régulariser, autant que faire se peut, la situation des milliers de nos compatriotes qui habitent sur des parcelles ne leur appartenant pas, ou dont la propriété est difficile à prouver, ou encore implantés en zone rouge au sens du plan de prévention des risques naturels (PPRN).
La loi du 30 décembre 1996 précitée visait à apporter une solution pérenne à la gestion des zones des cinquante pas géométriques ainsi qu’à ses occupants. Elle a créé les deux agences des cinquante pas de Martinique et de Guadeloupe, qui ont effectué un travail que votre rapporteur tient à saluer, sans pour autant parvenir à la régularisation massive de la situation des occupants.
Face au défi persistant que constituent ces régularisations, le texte prévoit la prolongation de la durée de vie des Agences des cinquante pas de Guadeloupe et de Martinique de trois ans, soit jusqu’au 31 décembre 2018. Cette disposition, assurément nécessaire, n’est toutefois pas à la hauteur des enjeux. En effet, elle opte pour une prolongation trop courte de la durée de vie des agences, qui ne permet pas de disposer du temps nécessaire à la préparation du transfert effectif de leurs compétences et de leurs propriétés aux collectivités territoriales. C’est pour cette raison que votre rapporteur propose d’étendre leur durée de vie afin de mettre à profit le laps de temps nécessaire, qui serait fixé à cinq ans au maximum, pour préparer le transfert de leurs missions vers le Conseil régional de la Guadeloupe et la collectivité territoriale de Martinique, qui devra intervenir au plus tard le 1er janvier 2021.
Sous réserve de ces modifications, votre rapporteur émet un avis favorable à l’adoption des articles dont la commission des affaires économiques est saisie.
Lors de sa réunion du mardi 7 juillet 2015, la Commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Yves Blein, les articles 1er, 4 ter, 5, 5 bis, 6, 7, 8, 8 bis, 8 ter et 20 du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la modernisation du droit de l’outre-mer (n° 2910).
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* *
M. le président François Brottes. La commission des lois, saisie au fond sur ce projet de loi, se réunissant dans une heure et demie, il conviendrait, si nous voulons que notre travail soit utile, que notre rapporteur pour avis puisse lui présenter et nos réflexions et les amendements que nous pourrions adopter.
Le texte se situe dans le prolongement de la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer, dite loi contre la vie chère. Il a été examiné au fond par la commission des lois du Sénat ; peut-être est-ce la raison pour laquelle c’est aussi la commission des lois qui en est chargée à l’Assemblée nationale, cela bien que la commission des affaires économiques ait l’habitude de traiter des questions ultramarines, et de bien le faire.
M. Yves Blein rapporteur pour avis. Le présent projet de loi, s’inscrit, en effet, dans la logique des textes adoptés depuis le début de la législature, en particulier la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer, dite loi Lurel, l’une des premières lois promulguées sous la XIVe législature. Aujourd’hui, il s’agit de moderniser le cadre législatif applicable aux outre-mer afin de le rendre plus efficace et d’améliorer son adaptation aux spécificités des différentes collectivités ultramarines à travers diverses dispositions touchant au développement économique et social, aux transports, à l’aménagement du territoire, à la fonction publique, à la sécurité, à la défense ou encore aux collectivités territoriales.
Présenté en conseil des ministres le 29 avril 2015 par Mme Pau-Langevin, ministre des outre-mer, le projet de loi a été largement enrichi par nos collègues sénateurs qui ont porté le nombre de ses articles de 27 initialement à 49. À l’Assemblée nationale, comme au Sénat, c’est la commission des lois qui en a été saisie au fond. La commission des affaires économiques s’est saisie pour avis, manifestant ainsi, une fois encore, son fort intérêt pour les questions liées aux outre-mer et sa volonté de jouer un rôle actif dans les évolutions et les adaptations législatives nécessaires aux collectivités ultramarines. Elle avait d’ailleurs été saisie de la loi Lurel de 2012, que la rapporteure Ericka Bareigts avait contribué à enrichir.
La commission des affaires économiques s’est saisie de dix articles.
En ce qui concerne les dispositions de nature économique, le présent texte étend à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin des dispositions essentielles de la loi Lurel, d’une part, en créant un observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, et, d’autre part, en étendant à Saint-Martin le dispositif des accords annuels de modération des prix, dit « bouclier qualité prix ».
L’article 4 ter, introduit par le Sénat en séance publique, vise à assurer l’application effective, à laquelle je suis particulièrement attaché, de la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire à Mayotte, en l’absence de l’ordonnance prévue par cette loi, alors que le délai d’habilitation de neuf mois est aujourd’hui dépassé.
S’agissant des dispositions relatives à la maîtrise foncière et à l’aménagement, l’article 5, vise, d’une part, à consacrer dans la loi le cumul dérogatoire des compétences foncières et d’aménagement de l’établissement public d’aménagement de Guyane (EPAG) et, d’autre part, à créer un établissement public disposant également de ce cumul de compétences à Mayotte. Les articles 6 et 7 en tirent les conséquences législatives.
L’article 5 bis, créé par le Sénat en séance publique, vise à exonérer les forêts des collectivités territoriales en Guyane des frais de garderie et d’administration normalement dus à l’ONF, dans le but principal d’enclencher une dynamique de création de forêts communales.
Pour ce qui est de l’article 8, il s’intéresse aux agences de la zone des cinquante pas géométriques. Deux agences sont compétentes en Martinique et en Guadeloupe pour la mise en valeur des espaces urbains et secteurs occupés par une urbanisation diffuse au sein des zones des cinquante pas géométriques. Ces deux agences ont pour principale mission d’accompagner le processus de régularisation de la situation foncière des occupants sans titre de ces zones, qui font partie du domaine public maritime de l’État. Face au défi persistant que constitue cette mission, le texte prolonge leur durée d’activité de trois ans, soit jusqu’au 31 décembre 2018.
L’article 8 bis repousse, quant à lui, d’un an, soit jusqu’au 1er janvier 2017, la date butoir pour le dépôt des demandes de cession-régularisation des constructions dans cette zone. En outre, l’article 8 ter impose au Gouvernement de remettre au Parlement, avant le 31 décembre 2017, un rapport d’audit sur la situation sociale, économique et financière de ces agences dans le but de préparer les conditions du transfert de leurs compétences.
Enfin, l’article 20 supprime, au sein du code de la sécurité intérieure, la mention du « répertoire local des entreprises » à Mayotte, devenue obsolète en raison de l’existence du registre du commerce et des sociétés dans ce département.
Comme l’ont révélé les auditions que j’ai pu mener, à Paris et par téléphone, ces dispositions constituent des avancées pour les collectivités ultramarines, et j’invite la commission des affaires économiques à émettre un avis favorable à l’adoption des articles dont elle s’est saisie pour avis.
S’agissant de la question particulière des agences des cinquante pas géométriques de Guadeloupe et de Martinique, le texte qui nous est soumis manque peut-être un peu d’ambition. Il prévoit, en effet, une prolongation trop courte de la durée de vie des agences, qui ne permet pas de disposer du temps nécessaire à la préparation du transfert de leurs compétences vers les collectivités territoriales. C’est pourquoi je vous proposerai plusieurs amendements, que j’ai le plaisir de cosigner avec M. Letchimy. Nos propositions sont d’ailleurs désormais soutenues par le Gouvernement, qui a déposé des amendements allant dans le même sens devant la commission des lois.
M. Serge Letchimy. Je vais être très clair : ce texte n’a pas la dimension emblématique d’un texte de développement économique, mais il est important en ce qu’il permet de régler toute une série de problèmes très épars et complexes qui existent depuis de nombreuses années et n’ont jamais clairement été réglés. Le Sénat l’a enrichi et nous allons tâcher de faire de même.
La loi Lurel porte certes ses fruits, puisqu’elle permet de stabiliser les prix outre-mer, dont les écarts avec la métropole s’établissent entre 30 % et 60 %, ce qui aggrave anormalement la situation de vie chère. Reste que c’est la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, dite LODEOM, qui définit toutes les modalités de financement à travers des mesures fiscales ou d’accompagnement financier pour les projets structurants. Or cette loi arrive à terme en 2017, et si nous ne commençons pas à travailler maintenant à ce qu’elle pourrait devenir, nous risquons d’être confrontés à un vide juridique, singulièrement en ce qui concerne les entreprises. Il serait bon que la commission des affaires économiques puisse demander officiellement au Gouvernement s’il considère qu’on peut reprendre ce texte, le faire évoluer vers un modèle économique capable de nous faire gagner la bataille du chômage et de la croissance partagée. Mais pour cela, il faut s’y prendre deux ans avant le terme, et non pas deux jours. Monsieur le président, je sais votre attachement à l’outre-mer égal à celui du développement économique de la France, et j’insiste : personne ne peut laisser croire que le texte que nous examinons porte sur le fond des questions économiques. Il n’est que d’adaptation, de régulation et d’organisation.
Avec le rapporteur pour avis, nous avons présenté plusieurs amendements sur certaines dispositions dont la commission des affaires économiques s’est saisie. Certains sont tombés sous le coup de l’article 40 de la Constitution, notamment ceux abordant la question, très importante pour nous, des cinquante pas géométriques. Pourriez-vous, Monsieur le président, intervenir auprès du Gouvernement pour qu’il les reprenne en vue du débat en séance publique, en particulier ceux qui concernent la loi relative à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer ? L’un de ces amendements déclarés irrecevables prévoyait l’obligation, pour les communes tenues à l’élaboration d’un programme local de l’habitat, de mettre en place un plan local de lutte contre l’habitat indigne, considérant qu’en Martinique, sept communes sur trente-quatre seulement ont établi ces plans.
Les cinquante pas géométriques sont une histoire vieille de 450 ans, à laquelle se mêlent celles de la République, de la colonisation, de la structure agraire et foncière de la Martinique, avec leur lot de blessures et d’injustices. Je rappelle qu’il s’agit d’une bande de 81,20 mètres le long des rivages de Martinique et de Guadeloupe. C’est là qu’est installé le très petit peuple, extrêmement pauvre, dans des quartiers ou des bourgs populaires, sur des terrains très convoités par une catégorie de population, ce qui crée des affrontements terribles. C’est là aussi que niche l’espérance en matière de développement économique, car comment une île pourrait-elle se développer sans accès à la mer et sans port ?
Nous avons proposé au Gouvernement, puisque l’État ne peut gérer cela à 8 000 kilomètres de distance, d’en prendre la charge sur place. Il faut en finir ! Nous avons vécu tous les transferts de l’État, mais j’en ai vu l’intelligente perfidie : c’est bien beau de prendre en charge les collèges et les lycées, mais si vous n’êtes pas assez vigilant, très vite, vous vous faites avoir ! Avec Yves Blein, nous avons donc demandé – et je sais que vous nous soutiendrez dans cette démarche – que la gestion de ces terrains nous soit transférée avec les moyens nécessaires au règlement de cet enjeu incroyablement compliqué. De fait, l’État a échoué à tenir ses engagements de rétrocéder ces terrains à leurs occupants modestes installés là depuis quarante à soixante ans à un rythme cohérent, et l’Agence des cinquante pas géométriques est devenue un monstre du Loch Ness réapparaissant tous les deux ans pour prolongation. L’État doit donc évaluer et assumer les moyens financiers et techniques attachés aux transferts de compétences vers les collectivités de Martinique de Guadeloupe, pour leur permettre de gérer ces espaces vitaux pour ces territoires.
Enfin, du point de vue de la démographie, certaines régions se dépeuplent et d’autres connaissent des évolutions positives : la Guyane gagne 7 % de population par an et la Réunion va atteindre le million d’habitants bientôt ; par contre, en quatre ou cinq ans, la Martinique a perdu 16 000 habitants, comme la Guadeloupe. En 2030, la part des personnes âgées de plus de 60 ans représentera 36 % de la population en Martinique. Cela posera un vrai problème économique. Il ne faut pas reproduire les erreurs du passé, telle celle qui a consisté, dans les années 60, à créer le Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer (BUMIDOM) qui a éventré la démographie de ces pays en envoyant ici, pour des raisons louables sans doute, des gens pour être employés dans les postes et les hôpitaux. Ces personnes, à l’époque âgées de vingt ou vingt-cinq ans, ont exprimé leur fécondité en métropole au détriment de leurs départements d’origine. Aujourd’hui, le solde migratoire de ces derniers est déficitaire, avec un taux de natalité incroyablement faible.
À cela s’ajoute le phénomène de la migration des jeunes étudiants qui partent suivre ailleurs des cursus qui n’existent pas localement et ne reviennent pas, faisant ainsi le bonheur des entreprises extérieures. La perte des cerveaux, ainsi combinée à la perte démographique, aboutit à une catastrophe : la perte de PIB, qui est aujourd’hui de 1,6 point, va encore augmenter d’un point.
Pour ces raisons, je ne partage pas le point de vue du Gouvernement de réformer à la marge le statut de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM). Celle-ci ne doit pas se contenter d’envoyer des gens par avion pour deux jours ou le temps d’une formation ; elle doit absolument prendre en main la migration de retour. Les jeunes doivent revenir de Paris et s’investir dans des projets locaux pour développer les territoires ultramarins.
M. le président François Brottes. Si vous souhaitez exprimer votre fécondité sous forme d’amendements sur des sujets qui vous tiennent à cœur, je vous suggère de déposer dès à présent, avec le rapporteur, des amendements d’appel – demandes de rapport ou d’expérimentation –, qui ne risqueront pas de tomber sous le coup de l’article 40 et vous garantiront un dialogue avec le Gouvernement.
Mme Frédérique Massat. Notre commission a coutume de travailler sur les textes relatifs à l’outre-mer. Elle a notamment été saisie au fond de la proposition de loi relative aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer, dont notre collègue Serge Letchimy était le rapporteur et qui a été adoptée à l’unanimité. En 2013, nous avons déjà prolongé la durée de vie des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone des cinquante pas géométriques, qui réapparaissent aujourd’hui dans le texte et pour lesquelles un travail important reste à faire. Nous avons également œuvré à la loi relative à la régulation économique des outre-mer, promulguée en novembre 2012.
Il est vrai que cette problématique ne saurait concerner nos seuls collègues ultramarins. À cet égard, d’ailleurs, on peut saluer le choix d’un rapporteur métropolitain. Toute la République est concernée, pas seulement ses territoires outre-mer. À ce titre, nous accompagnerons Serge Letchimy dans ses demandes auprès du Gouvernement. Quant à ce texte, s’il n’est pas fondamental et ne constitue pas une révolution, au moins permet-il de pratiquer des ajustements nécessaires et d’avancer encore un peu plus.
Chapitre premier
Dispositions relatives à l’économie
Section 1
Des observatoires des marges, des prix et des revenus
Article 1er
(articles L. 410-5, L. 910-1 A et L. 910-1 C du code de commerce)
Création d’un observatoire des prix, des marges et des revenus
à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin et extension du « bouclier qualité-prix » à Saint-Martin
A. LE DROIT EN VIGUEUR
1. Les observatoires des prix, des marges et des revenus
Les six premiers observatoires des prix et des revenus furent créés par le décret n° 2007-662 du 2 mai 2007, qui leur confiait la mission « d’analyser le niveau et la structure des prix et des revenus et de fournir aux pouvoirs publics une information régulière sur leur évolution » en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Ces observatoires réunissent des élus locaux, des représentants des chambres consulaires et des organisations syndicales, des personnalités qualifiées à raison de leur connaissance en matière de formation des prix et des revenus, ainsi que des associations de consommateurs. Ils ont vocation à être des enceintes de rencontre entre les principaux acteurs de la vie économique locale, tant publics que privés. Afin de renforcer leur autonomie, le décret n° 2010-763 du 6 juillet 2010 a prévu qu’ils ne sont désormais plus présidés par le représentant de l’État mais par un magistrat des chambres régionales des comptes.
La loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer dite « Lurel », a consacré ensuite l’existence, le fonctionnement et les missions des observatoires, désormais au nombre de sept avec la création de celui de Wallis-et-Futuna, au sein du code de commerce, au titre Ier A du livre IX. Elle a par ailleurs étendu leurs missions en leur confiant l’observation des marges et en les transformant en conséquence en observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR). En outre, elle a chargé ces observatoires de rendre un avis public préalable à l’ouverture des négociations annuelles entre le représentant de l’État et les organisations professionnelles du secteur du commerce de détail dans le cadre des accords de modération du prix de produits de grande consommation, dits « bouclier qualité-prix », créés par cette même loi.
2. Les accords de modération des prix de produits de grande consommation
Ce dispositif du « bouclier qualité-prix » est applicable, en vertu de l’article 15 de loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna, soit dans les mêmes collectivités que les OPMR. Il consiste, en application de l’article L. 410-5 du code de commerce, en une négociation annuelle entre le représentant de l’État et les organisations professionnelles du secteur du commerce de détail, et leurs fournisseurs, d’un accord de modération du prix global d’une liste limitative de produits de consommation courante.
En cas de réussite des négociations, l’accord est rendu public par arrêté préfectoral. En l’absence d’accord un mois après l’ouverture des négociations, le représentant de l’État arrête, sur la base des négociations et des prix les plus bas pratiqués dans le secteur économique concerné, le prix global de la liste des produits.
B. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI
Le présent article, non modifié par le Sénat, propose d’étendre le modèle de l’OPMR à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, ainsi que d’étendre le dispositif du « bouclier qualité-prix » à Saint Martin.
Les 2° et 3° du présent tendent à modifier respectivement les articles L. 910-1 A et L. 910-1 C du code de commerce, créés par la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012, afin de créer un OPMR à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin. En outre, ces dispositions opèrent une clarification rédactionnelle des articles précités du code du commerce en substituant à l’énumération des cinq départements d’outre-mer le renvoi aux collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution.
Si ces dispositions étaient adoptées, toutes les collectivités territoriales relevant des articles 73 et 74 disposeraient donc d’un OPMR, à l’exception de la Polynésie française.
Le 1° du présent article vise à modifier le I de l’article L. 410-5 du code de commerce, qui a également été créé par la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012, afin d’étendre le « bouclier qualité-prix » à Saint-Martin. Il opère, en outre, la même clarification rédactionnelle concernant les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution que pour les observatoires, en substituant à la fastidieuse énumération des différentes collectivités concernées le renvoi, aux collectivités relevant de l’article 73, d’une part, ainsi qu’à Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon et Saint-Martin, d’autre part.
Outre la Polynésie française, Saint-Barthélemy serait donc la seule collectivité ultramarine relevant des articles 73 et 74 de la Constitution dans laquelle ce dispositif ne s’applique pas. Le Gouvernement justifie le choix de ne pas étendre le « bouclier qualité-prix » à Saint-Barthélemy par l’étroitesse de l’offre de distribution, constituée d’un supermarché et de commerces de proximité.
C. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
Votre commission a suivi l’avis du rapporteur en estimant que la création de ces deux observatoires est très souhaitable pour deux raisons. En premier lieu, le bilan des différents OPMR est très satisfaisant ; ils ont efficacement rempli leur mission d’observation des prix et ont contribué à la prévention des abus et à la baisse des prix de certains produits. En second lieu, les différents acteurs politiques et économiques des deux collectivités ont exprimé le souhait de disposer d’un tel observatoire. À cet égard, les particularités économiques qui caractérisent Saint-Barthélemy et Saint-Martin plaident pour la création de deux observatoires ad hoc distincts de celui de Guadeloupe.
Votre commission est convaincue de l’utilité de l’application du bouclier « qualité-prix » à Saint-Martin, dans le cadre d’une démarche partenariale du représentant de l’État avec les trois principales enseignes locales de distribution. Cette application permettrait d’ailleurs de pérenniser et d’institutionnaliser l’initiative déjà prise par le représentant de l’État dans cette collectivité consistant dans des accords ad hoc portant sur la baisse de prix de produits de consommation courante constituant un « chariot-type ». Elle renforcerait utilement les prérogatives du représentant de l’État dans les négociations en lui donnant un pouvoir ultime de contrainte.
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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1ersans modification.
Section 4
De l’applicabilité du code du travail à Mayotte
Article 4 ter
(titre IX de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, article L. 320-56-1 et article L. 821-1 du code du travail applicable à Mayotte [nouveaux])
Mesures d’adaptation de la loi relative à l’économie sociale et solidaire et du code du travail applicable à Mayotte
A. LE DROIT EN VIGUEUR
L’article 96 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire (dite loi « ESS ») habilitait le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, dans les matières relevant du domaine de la loi, les mesures permettant de procéder aux adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières des départements et régions d’outre-mer et du département de Mayotte dans les conditions prévues à l’article 73 de la Constitution.
Cette ordonnance n’a pas été publiée alors que le délai d’habilitation, qui était de neuf mois à compter de la promulgation de la loi, est aujourd’hui dépassé.
B. LES APPORTS DU SÉNAT
Le présent article, introduit par le Sénat en séance publique, à l’initiative du sénateur Thani Mohamed Soilihi, a pour objet de permettre l’application effective de ladite loi en adaptant certaines dispositions de son titre IX, ainsi que des dispositions du code du travail applicable à Mayotte.
C. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
Votre rapporteur, qui est très attaché à la loi « ESS », regrette vivement que le Gouvernement n’ait pas publié l’ordonnance dans les délais impartis, comme c’est trop souvent le cas en ce qui concerne les outre-mer. Il entend également les arguments du Gouvernement, qui soutient qu’en cas de renouvellement de l’habilitation, l’ordonnance à venir serait plus complète.
Toutefois, en l’absence d’engagement formel du Gouvernement sur la durée nécessaire de l’habilitation pour publier l’ordonnance dans les temps, le rapporteur n’estime pas utile de modifier les dispositions du présent article.
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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 4 ter sans modification.
Chapitre II
Dispositions relatives à la maîtrise foncière et à l’aménagement
Section 1
Établissements publics fonciers et d’aménagement
Article 5
(section 3 du chapitre Ier du titre II du livre II et article L. 321-36-1 à L. 321-36-7 [nouveaux] du code de l’urbanisme)
Consécration légale de l’établissement public d’aménagement de Guyane (EPAG) et création de l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte
A. LE DROIT EN VIGUEUR
L’Établissement public d’aménagement en Guyane (l’EPAG) a été créé en application du décret n° 96-954 du 31 octobre 1996. Il s’agit d’un établissement public de l’État à caractère industriel et commercial, doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Il exerce une triple activité. En premier lieu, il dispose de compétences en matière d’aménagement ; il peut procéder à des acquisitions foncières, à des travaux d’aménagement, et à des ventes de charges foncières. En outre, il constitue un établissement public foncier et met donc en œuvre une stratégie foncière ayant en priorité pour objet de mettre en œuvre une politique locale de l’habitat et de lutter contre l’habitat insalubre. Enfin, il peut procéder à l’aménagement d’espaces ruraux en l’absence d’aménageurs spécifiques.
La création de cet établissement, dont le cumul de compétences déroge au droit commun, qui distingue les établissements publics fonciers des établissements d’aménagement, constituait une réponse à la situation spécifique de la Guyane. L’objectif était en effet de répondre efficacement à la nécessité de mettre en œuvre une stratégie foncière cohérente tant en matière agricole que d’habitat, dans un contexte où les enjeux démographiques sont déterminants.
B. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI
Le présent article a pour objet d’insérer, au sein de la section III du chapitre Ier du titre II du livre III du code de l’urbanisme, consacré aux établissements publics fonciers et d’aménagement, des dispositions relatives, d’une part, à l’EPAG, et, d’autre part, à la création de l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte.
Il modifie l’intitulé de la section 3 qui régit actuellement l’Agence foncière et technique de la région parisienne (AFTRP) pour l’élargir aux « Établissements publics fonciers et d’aménagement de l’État ». Cette section, est divisée en deux sous-sections, la première étant consacrée à l’AFTRP, composée des articles L.321-29 à L. 321-36, et la seconde aux « dispositions particulières aux établissements publics de l’État en Guyane et à Mayotte », comportant les articles L. 321-36-1 à L. 321-36-7. Ces derniers établissements relèveraient donc du même régime que l’AFTRP, sous réserve des dispositions de la seconde sous-section.
Dans la version initiale du projet de loi, l’article L. 321-36-1 donne à l’État la faculté de créer, par décret en Conseil d’État, des établissements publics fonciers et d’aménagement à Mayotte et en Guyane.
La création de l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte répondrait, selon le Gouvernement, aux besoins de Mayotte, similaires à ceux de la Guyane, en matière d’accès au foncier aménagé à des fins d’urbanisation et agricole. Il permettrait de valoriser les ressources foncières disponibles de l’île, principalement en faveur du logement, afin de faire face à une démographie également en forte hausse.
C. LE PRINCIPAL CHANGEMENT APPORTÉ PAR LE SÉNAT
Au Sénat, plusieurs amendements ont été adoptés, tant en commission qu’en séance, afin de conférer un caractère obligatoire, et non plus facultatif, à la création de ces établissements.
D. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
Votre rapporteur estime que les dispositions du présent article vont dans le bon sens et constituent une réponse utile aux défis spécifiques auxquels font face la Guyane et Mayotte notamment en matières démographique et d’habitat.
Il lui est en effet apparu que le cumul dérogatoire des compétences de portage foncier et d’aménagement peut garantir, dans un contexte tendu, une continuité porteuse d’efficience entre ces deux types de mission. En outre, malgré des difficultés financières jusqu’en 2009, l’EPAG semble aujourd’hui être en mesure de fournir un travail efficace, comme l’ont montré les auditions menées par votre rapporteur. Pour les mêmes raisons, la création d’un établissement public similaire à Mayotte pourrait constituer une première réponse aux défis démographiques et de l’habitat.
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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 sans modification.
Article 5 bis
(article L. 272-1 du code forestier)
Exonération pour les forêts des collectivités territoriales de Guyane des frais de garderie et d’administration normalement versés à l’ONF
L’article L. 272-1 du code forestier exempte la Guyane de l’application de certaines dispositions du livre II du même code relatif aux bois et forêts relevant du régime forestier.
Le présent article, introduit par le Sénat en séance publique, à l’initiative du groupe socialiste et républicain, vise à compléter cet article par la référence au 2° de l’article L. 223-1 dudit code, relatif aux frais de garderie et d’administration versés par les collectivités et autres personnes morales à l’Office national des forêts (ONF).
Il exonère ainsi les forêts des collectivités territoriales de Guyane des frais de garderie et d’administration normalement dus à l’ONF, dans le but d’encourager la création de forêts communales. Le rapport d’information fait au nom de la délégation sénatoriale à l’outre-mer sur les Domaines public et privé de l’État outre-mer (4), rendu public le 18 juin 2015, préconise une telle exonération, à tout le moins à titre temporaire.
Votre rapporteur a tenu à solliciter l’avis des principaux acteurs concernés par cette question, que ce soit les élus de Guyane, l’ONF ou le Gouvernement. En l’absence de chiffrage clair par le Gouvernement de l’impact de cette mesure sur les ressources de l’ONF et dans l’attente d’informations qu’il souhaite obtenir avant la séance publique, il ne s’est pas opposé à l’adoption de cet article et a été suivi par votre commission.
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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 bis sans modification.
Section 1 bis
Aménagement foncier
Article 6
(annexe III de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public)
Coordination
L’annexe III de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public fixe la liste des établissements et entreprises publics exclus du champ d’application de l’ensemble des dispositions du titre II de ladite loi portant sur la démocratisation des conseils d’administration ou de surveillance.
Le présent article tend à compléter cette annexe afin d’y ajouter les établissements publics fonciers et d’aménagement de Guyane et de Mayotte, définis au sein de la nouvelle sous-section 2 de la section 3 du chapitre Ier du titre II du livre III du code de l’urbanisme. Cette insertion est en cohérence avec la mention des établissements publics d’aménagement, définis à l’article L. 321-14 du code de l’urbanisme, et des établissements publics fonciers de l’État, mentionnés à l’article L. 321-1 du même code, au sein de cette annexe.
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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 6 sans modification.
Article 7
(article 2 de l’ordonnance n° 2011-1068 du 8 septembre 2011 relative aux établissements publics fonciers, aux établissements publics d’aménagement de l’État et à l’Agence foncière et technique de la région parisienne)
Suppression de l’obligation de scinder en deux entités l’établissement public d’aménagement de Guyane
A. LE DROIT EN VIGUEUR
La loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale a opéré, en son article 94, une distinction entre, d’une part, les établissements publics d’aménagement, compétents pour les opérations d’aménagement prévues par le code de l’urbanisme et les acquisitions foncières nécessaires aux opérations qu’ils réalisent, et les établissements publics fonciers, qui peuvent procéder à des acquisitions foncières et des opérations immobilières et foncières de nature à faciliter l’aménagement ultérieur des terrains.
Dans cette logique, l’article 25 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite « Grenelle 2 », a habilité le Gouvernement à « clarifier les dispositions relatives aux établissements publics fonciers et d’aménagement et mieux distinguer le cadre juridique qui leur est applicable (…) ». Sur le fondement de cette disposition, l’ordonnance n° 2011-1068 du 8 septembre 2011 relative aux établissements publics fonciers, aux établissements publics d’aménagement de l’État et à l’Agence foncière et technique de la région parisienne, a distingué les compétences propres des établissements publics d’aménagement, d’un côté, et des établissements publics fonciers, de l’autre, et simplifié leur gouvernance. Elle prévoyait que les décrets de création des établissements publics d’aménagement et des établissements publics fonciers de l’État existants devaient être mis en conformité avec ces nouvelles dispositions, dans un délai de deux ans à compter de la date de publication de l’ordonnance. Ce délai a été repoussé au 31 décembre 2014 par l’article 172 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.
Le second alinéa du II de l’article 2 de l’ordonnance n° 2011-1068 du 8 septembre 2011 exempte provisoirement l’établissement public d’aménagement en Guyane (EPAG) de ses dispositions. L’EPG peut donc continuer à cumuler des compétences de portage foncier et d’aménagement jusqu’au 1er janvier 2016. Toutefois, à cette date, l’EPAG devrait, en l’état du droit, être scindé en deux établissements.
B. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI
Le présent article, adopté sans modification au Sénat, supprime le second alinéa du II de l’article 2 de l’ordonnance afin d’abroger, en cohérence avec l’article 5 du présent projet de loi, l’obligation de scinder l’EPAG en deux établissements distincts au 1er janvier 2016. L’objet de cette suppression est de pérenniser le cumul dérogatoire des compétences de portage foncier et d’aménagement par l’EPAG, en application de la section 3, modifiée par le présent projet de loi, du chapitre Ier du titre II du livre II du code de l’urbanisme.
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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 7 sans modification.
Section 2
Agences des cinquante pas géométriques
Article additionnel avant l’article 8 (nouveau)
(article L. 5112-1 du code général de la propriété des personnes publiques)
Création d’un délai pour la délimitation, par décret en Conseil d’État, des différents secteurs de la zone des cinquante pas géométriques
L’insertion de ce nouvel article a été proposée par votre rapporteur.
À l’intérieur de la zone des cinquante pas géométriques, le pouvoir réglementaire est chargé, en vertu de l’article L. 5112-1 du code général de la propriété des personnes publiques, de délimiter, d’une part, les espaces urbains et les secteurs occupés par une urbanisation diffuse, sur lesquels les agences des cinquante pas géométriques ont compétence et, d’autre part, les espaces naturels. Toutefois, cette délimitation est incomplète.
Dès lors, cet amendement vise à faire face au problème et propose de s’assurer que l’État procède effectivement à cette délimitation, par décret en Conseil d’État, au plus tard le 1er janvier 2019, après avis des collectivités territoriales ou de leurs groupements. Il s’agit là d’une condition au futur transfert de compétences et de propriété des agences vers les collectivités territoriales.
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La Commission est saisie de l’amendement CE1 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Devant la délimitation encore incomplète aujourd’hui des zones à l’intérieur des cinquante pas géométriques, cet amendement prévoit que l’État procède à cette délimitation par décret en Conseil d’État, au plus tard le 1er janvier 2019, après avis des collectivités territoriales ou de leurs groupements.
M. le président François Brottes. Je croyais ce problème résolu, notamment grâce à M. Letchimy. Sur ce qui apparaît comme un feuilleton inépuisable, ainsi qu’une très belle histoire que notre collègue a eu maintes occasions de nous raconter, il existe une littérature considérable.
La Commission adopte l’amendement.
Article 8
(article 4 de la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d’outre-mer)
Prolongation de l’activité des agences des cinquante pas géométriques
A. LE DROIT EN VIGUEUR
1. Les zones des cinquante pas géométriques
En vertu de l’article L. 5111-2 du code général de la propriété des personnes publiques, la réserve domaniale dite des « cinquante pas géométriques » est constituée par une bande de terrain, dans les départements de La Réunion, de Guadeloupe, de Martinique et de Guyane, qui présente une largeur de 81,20 mètres comptée à partir de la limite du rivage de la mer.
Destinées initialement, dès le XVIIe siècle à faciliter la défense des îles des Antilles, ces zones contribuent aujourd’hui à la protection du littoral. Depuis la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, elles font à nouveau partie du domaine public maritime de l’État. En principe, elles bénéficient par conséquent des garanties d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité. Toutefois, elles font l’objet, depuis le XVIIIe siècle d’une occupation de personnes ne disposant pas de titre de propriété. Ces occupations sans titre, qui se sont largement développées au fil du temps et qui cachent des situations très disparates, posent aujourd’hui un problème persistant et particulièrement lourd à gérer dans les Antilles, d’autant qu’il est également lié à des problèmes de précarité voire de sécurité publique. On estime qu’il existerait à l’heure actuelle au moins 12 000 occupations sans titre en Guadeloupe, soit 16 % de la surface de la zone, et 15 000 occupations en Martinique, soit 38 % de la surface de la zone.
Face à cette situation, la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996, a autorisé l’État à céder aux particuliers certains terrains des zones des cinquante pas géométriques de Guadeloupe et de Martinique occupés sans titre. Elle a ainsi prévu que les terrains peuvent être déclassés aux fins de cession à titre onéreux aux occupants qui y ont édifié ou fait édifier avant le 1er janvier 1995, ou à leurs ayants droit, des constructions affectées à l’exploitation d’établissements à usage professionnel (article L. 5112-5 du code général de la propriété des personnes publiques) ou à usage d’habitation (article L. 5112-6 du même code). Ces terrains doivent être situés dans les espaces urbains et les secteurs occupés par une urbanisation diffuse, délimités par voie réglementaire conformément aux articles L. 5112-1 et L. 5112-2 dudit code.
2. Les deux agences des cinquante pas géométriques
Comme évoqué précédemment, en application de l’article L. 5112-1 du code général de la propriété des personnes publiques, « l’autorité compétente délimite, après consultation des communes, à l’intérieur de la zone des cinquante pas géométriques, d’une part, les espaces urbains et les secteurs occupés par une urbanisation diffuse, d’autre part, les espaces naturels ». En Guadeloupe, d’une part, et en Martinique, d’autre part, une agence est compétente pour la mise en valeur des « espaces urbains et secteurs occupés par une urbanisation diffuse » des zones des cinquante pas. À l’inverse, les espaces naturels sont remis en gestion au Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, ou aux collectivités territoriales, en vertu de l’article L. 5112-8 du même code.
Ces deux agences sont régies par le décret n° 98-1 081 du 30 novembre 1998 pris pour l’application des articles 4 à 7 de la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d’outre-mer. Leur rôle d’accompagner activement le processus de régularisation des occupations sans titre. À titre secondaire, elles peuvent réaliser des travaux d’aménagement de voies d’accès, de réseaux d’eau potable et d’assainissement (article 5 de ladite loi).
Lors de leur création par la loi n° 96-1241 précitée, il était prévu que ces agences cessent leur activité en 2006. Ce délai a ensuite été prorogé à trois reprises : jusqu’en 2011 par la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer, puis jusqu’en 2013 par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement et enfin jusqu’au 1er janvier 2016 par la loi n° 2013-922 du 17 octobre 2013 visant à prolonger la durée de vie des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques.
B. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI
Face au défi persistant que constitue la régularisation foncière dans la zone des cinquante pas géométriques, le présent article, non modifié par le Sénat, propose de proroger leur durée de vie de trois ans, soit jusqu’au 31 décembre 2018 au maximum.
Cette prolongation est nécessaire dans un contexte où le processus de régularisation doit s’accélérer et où le transfert immédiat des compétences des agences vers les collectivités territoriales serait prématuré, en l’absence de véritable état des lieux.
Les deux agences de Guadeloupe et de Martinique déploient des efforts très importants pour assurer leur mission d’accompagnement du processus de régularisation et d’aménagement foncier, comme l’ont révélé les auditions qu’a conduites votre rapporteur. Elles assistent les demandeurs dans la démarche du dépôt de dossier puis lors de son instruction. Toutefois, l’efficacité de la procédure de régularisation n’est pas satisfaisante ; en Guadeloupe, 9 % des dossiers reçus par l’agence ont abouti à une cession effective, contre 13,4 % en Martinique selon l’étude d’impact annexée au présent projet de loi. Dans un contexte où les constructions illicites se poursuivent, le défi apparaît difficilement surmontable. De nombreux obstacles font échec à une régularisation plus massive des constructions, notamment l’excessive complexité de la procédure de régularisation, la difficulté pour les personnes concernées de démontrer la légitimité de leur demande, la pauvreté d’une grande partie des demandeurs, et enfin le problème de la présence de constructions dans des zones inconstructibles au titre des plans de prévention des risques naturels qui ne peuvent pas être régularisées.
Face à cette situation, et en l’absence de solutions alternatives à court terme, il est nécessaire de prolonger la durée de vie des agences comme le propose le présent projet de loi. Toutefois, cette démarche doit s’accompagner de la recherche d’une solution à moyen terme, qui est seulement esquissée dans l’exposé des motifs du projet de loi. Ce dernier précise en effet que « cette période devra être mise à profit pour conclure un accord avec les collectivités territoriales concernées (déclassement de la zone à leur profit et reprise des missions des agences par des organismes locaux) ».
C. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
Après avoir auditionné et s’être entretenu avec les acteurs compétents, votre rapporteur a acquis la conviction que le texte, tel qu’il vous est présenté, manque peut-être d’ambition. Il prévoit en effet une prolongation trop courte de la durée de vie des agences, qui ne permet pas de disposer du temps nécessaire à la préparation du transfert de leurs compétences vers les collectivités territoriales. Ce transfert n’est en outre pas prévu par le texte, alors même que les agences devaient constituer une solution transitoire et que les différents acteurs impliqués s’accordent sur le besoin de transférer les compétences des agences vers les collectivités territoriales.
C’est pour ces raisons que votre rapporteur a proposé une démarche alternative, exprimée à travers plusieurs amendements déposés aux articles 8 (amendement CE2), 8 bis (amendement CE3) et après l’article 8 ter (amendement CE5).
L’amendement présenté par votre rapporteur prévoit que la durée de vie des agences pourra être prolongée au maximum jusqu’au 1er janvier 2021, soit une prolongation de leur durée de vie potentielle de cinq ans au lieu de trois. Par ailleurs, il prévoit qu’un décret en Conseil d’État précise les conditions de leur dissolution et prononce le cas échéant le transfert des éléments d’actif et de passif ainsi que des droits et obligations des agences.
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La Commission est saisie de l’amendement CE2 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Le projet de loi prévoit de prolonger la durée de vie des agences de trois ans, jusqu’au 31 décembre 2018. Cette prolongation apparaît trop courte et conduirait sans doute à des renouvellements. Une période plus longue doit permettre de dégager le temps nécessaire à la préparation du transfert effectif des compétences des agences vers les collectivités territoriales, ainsi que le prévoient les amendements suivants. En prolongeant l’activité de ces agences de cinq ans, les conditions seraient créées pour repenser la gestion des zones des cinquante pas.
Un décret en Conseil d’État précisera les conditions de la dissolution des agences. Ce décret prononcera, le cas échéant, le transfert des éléments d’actif et de passif ainsi que des droits et obligations des agences, le tout dans un esprit de concertation entre agences et collectivités territoriales, qui doivent être fortement impliquées.
M. le président François Brottes. Si le texte prévoit une durée ne pouvant excéder le 1er janvier 2021, il n’est pas pour autant obligatoire de maintenir la situation jusqu’à cette date.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 modifié.
Article 8 bis
(article L. 5112-5 et L. 5112-6 du code général de la propriété des personnes publiques)
Report d’un an du délai de dépôt des demandes de cession-régularisation
A. LE DROIT EN VIGUEUR
En l’état du droit, les demandes de cession-régularisation faites en application des articles L. 5112-5 et L. 5112-6 précités du code général de la propriété des personnes publiques, doivent être déposées avant le 1er janvier 2016.
B. LES APPORTS DU SÉNAT
Le présent article, introduit par le Sénat en séance publique, repousse d’un an le délai de dépôt des demandes de cession des terrains, en modifiant les articles L. 5112-5 et L. 5112-6 précités. Les demandes de cession-régularisation des terrains concernés pourront donc être déposées jusqu’au 1er janvier 2017, au lieu du 1er janvier 2016.
C. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
Votre rapporteur considère que le report du délai est nécessaire afin de donner l’opportunité aux personnes qui pourraient prétendre à une régularisation d’une construction à usage professionnel ou d’habitation de déposer un dossier de demande, surtout en ce qui concerne les constructions à usage d’habitation relevant de l’article L. 5112-6 précité.
Il convient en effet de prendre en compte la réalité de la situation des personnes concernées. En premier lieu, de nombreuses personnes habitant dans ces zones souffrent d’un manque d’information sur la possibilité de faire cette démarche. En outre, beaucoup d’entre elles ne mesurent pas la nécessité de faire une demande de régularisation, éprouvent une défiance à l’égard des démarches administratives ou ne s’en estiment tout simplement pas capables.
Votre commission a jugé utile, en cohérence avec la prolongation de la durée de vie des agences jusqu’au 1er janvier 2021 (au maximum), de repousser le délai de dépôt au-delà de ce que propose le texte du Sénat. Elle a donc adopté l’amendement CE3 de votre rapporteur prolongeant le délai jusqu’au 1er janvier 2020.
Toutefois, ce report du délai de dépôt des demandes ne sera utile que s’il s’accompagne d’un renforcement de l’effort d’information des personnes concernées, non seulement par les Agences – qui font déjà un travail efficace – mais également par les autres acteurs impliqués dans la gestion de la zone.
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La Commission examine l’amendement CE3 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’amendement précédent.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 bis modifié.
Article additionnel après l’article 8 bis (nouveau)
(article L. 5112-5 et L. 5112-6 du code général de la propriété des personnes publiques)
Interdiction de la cession de terrains situés dans une zone dangereuse
Votre commission a estimé que si le processus de régularisation des constructions sans titre qui remplissent les conditions légales doit être poursuivi, il est également nécessaire d’exclure toute régularisation lorsque la construction est située dans une zone dangereuse.
Dans cette optique, elle a adopté un amendement de votre rapporteur qui précise le champ d’application des articles L. 5112-5 et L. 5112-6 du code général de la propriété des personnes publiques en excluant la régularisation des locaux professionnels et des habitations situés dans des zones à risque naturel menaçant gravement des vies humaines.
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La Commission discute de l’amendement CE4 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Cet amendement tend à préciser que la cession du terrain ne peut être effectuée lorsque la construction est située dans une zone exposée à un risque naturel prévisible menaçant gravement des vies humaines.
M. le président François Brottes. Les cessions de terrain concernent aussi bien des particuliers que des collectivités publiques. Il me semble qu’interdire aussi strictement la cession de ces terrains, quel que soit l’acheteur et l’usage, est excessif. Ces espaces naturels et protégés peuvent être gérés par une entité qui, demain, voudra les récupérer. Si la loi interdit toute cession, cela risque de bloquer toute évolution.
M. Serge Letchimy. La remarque est juste mais, de façon générale, lorsque l’on parle des agences, il s’agit de cessions privées de terrains déjà occupés, en application de la loi du 30 décembre 1996. Certains terrains, il est vrai, sont dits dangereux, et ceux qui sont occupés ne peuvent être rachetés que par les seules collectivités. Cet amendement peut être amendé mais il est inutile de mentionner les collectivités.
M. le président François Brottes. Je propose de rectifier cet amendement en ajoutant, après les mots : « La cession du terrain », les mots : « à des personnes privées ».
La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.
Article 8 ter
Demande de rapport sur la situation des agences des cinquante pas géométriques
Le présent article, introduit par le Sénat en séance publique, impose au Gouvernement de remettre au Parlement, avant le 31 décembre 2017, un rapport d’audit sur la situation sociale, économique et financière des agences des cinquante pas géométriques.
Il s’inscrit dans la logique de la dissolution à venir des agences, qui suppose de disposer, en amont, des informations nécessaires au transfert de leurs compétences et de leurs actifs et passifs. Le présent rapport, s’il ne saurait suffire à préparer ces transferts, présente l’intérêt d’informer la représentation nationale, et donc les citoyens, sur la situation des agences.
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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 ter sans modification.
Article additionnel après l’article 8 ter (nouveau)
Conditions du transfert des terrains vers les collectivités territoriales
L’insertion de ce nouvel article a été proposée par votre rapporteur. Cet amendement constitue la concrétisation de la démarche que défend votre rapporteur.
Il précise les conditions du transfert de propriété des terrains des agences vers le Conseil régional de la Guadeloupe et la collectivité territoriale de Martinique, en affirmant que ce transfert s’opère à titre gratuit et que les deux collectivités sont substituées à l’État dans l’ensemble des droits et obligations afférents aux biens qui lui sont transférées. Il fixe en outre la date de ce transfert au 1er janvier 2021 au plus tard.
Par ailleurs, il prévoit qu’en vue de ce transfert, l’État et le Conseil régional de la Guadeloupe, d’une part, et l’État et la collectivité territoriale de Martinique, d’autre part, adoptent, au plus tard le 1er janvier 2018, un document stratégique d’aménagement et de mise en valeur de la zone des cinquante pas géométriques pour chaque territoire.
Enfin, pour préparer au mieux le transfert, cet amendement dispose que le représentant de l’État procède, au plus tard le 1er janvier 2020, à l’évaluation de l’état des cessions et des enjeux d’aménagement qui y sont liés ainsi qu’aux charges liées à ce transfert afin d’établir un bilan de l’activité de chacune des deux agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques.
La commission a apporté son entier soutien à la position du rapporteur.
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La Commission est saisie de l’amendement CE5 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Il s’agit de prévoir le transfert au plus tard le 1er janvier 2021, et après consultation des collectivités concernées, des espaces gérés par les agences des cinquante pas géométriques de Guadeloupe et de Martinique vers le conseil régional de la Guadeloupe et la collectivité territoriale de Martinique, par arrêté du représentant de l’État.
Il prévoit, en outre, que ce transfert s’opère à titre gratuit, et qu’à la date de celui-ci, la région de Guadeloupe et la collectivité territoriale de Martinique sont substituées à l’État dans l’ensemble des droits et obligations afférents aux biens qui leur sont transférés.
Enfin, il propose, pour préparer ce transfert, que le représentant de l’État procède, au plus tard au 1er janvier 2020, à l’évaluation de l’état des cessions et des enjeux d’aménagement qui y sont rattachés ainsi qu’aux charges liées à ce transfert afin d’établir un bilan de l’activité de chacune des deux agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques.
La Commission adopte l’amendement.
Article additionnel après l’article 8 ter (nouveau)
Demande de rapport
Votre rapporteur a présenté un amendement CE6.
Cet amendement prévoit que le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport portant sur l’obligation, pour les communes des régions et des départements d’outre-mer, d’élaborer un plan communal de lutte contre l’habitat indigne (PCLHI) ou un plan intercommunal de lutte contre l’habitat insalubre (PILHI), ainsi que sur les contenus de ces plans.
La commission s’est en effet inquiétée de l’absence de tels plans dans de nombreuses communes, en l’absence de contrainte légale. Elle a rappelé son attachement à la lutte contre l’habitat indigne.
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La Commission étudie l’amendement CE6 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. L’objet de cet amendement est de créer les conditions du débat en séance. Il prévoit que, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport portant sur l’obligation, pour les communes des régions et départements d’outre-mer, d’élaborer un plan communal de lutte contre l’habitat indigne (PCCHI) ou un plan intercommunal de lutte contre l’habitat indigne (PILHI), ainsi que sur les contenus de ces plans.
La Commission adopte l’amendement.
Chapitre V
Dispositions relatives à la sécurité et à la sûreté
Section 1
Dispositions modifiant le code de la sécurité intérieure
Article 20
(article L. 642-1 du code de la sécurité intérieure)
Abrogation de la mention du répertoire local des entreprises à Mayotte
L’article L. 642-1 du code de la sécurité intérieure comprend des dispositions qui visent à adapter l’application du livre VI, relatif aux activités privées de sécurité, dudit code à Mayotte. Son 3° précise que pour l’application de ces dispositions à Mayotte, la notion de « répertoire local des entreprises » doit se substituer à celui de « registre du commerce et des sociétés ».
Cette dernière disposition est devenue obsolète. En effet, en vertu de la loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relative au département de Mayotte, les dispositions législatives et réglementaires de droit commun s’appliquent à Mayotte, sauf dispositions spécifiques. Les dispositions portant sur le registre du commerce et des sociétés ne faisant pas l’objet de dispositions particulières, celui-ci est dès lors devenu pleinement applicable dans ce territoire.
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La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 20 sans modification.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
Cabinet de Mme la Ministre des Outre-Mer
– M. Laurent Cabrera, conseiller pour les affaires juridiques et institutionnelles
– M. Matthieu Denis-Vienot, conseiller en charge des affaires politiques et parlementaires
Observatoire des prix, des marges et des revenus
– M. Patrick Lumaret, chef de la section économique et financière du bureau de la vie économique, de l'emploi et de la formation de la sous-direction des politiques publiques
– M. Jean-Michel Kandé, chargé de mission « concurrence et prix »
– M. Jean-Luc Maron, président de l’Observatoire des prix, des marges et des revenus de Guadeloupe (par audioconférence)
Agences des cinquante pas géométriques
– M. Yves-Michel Daunar, directeur de l’Agence des cinquante pas géométriques de la Martinique
– Mme Myriam Roch-Bergopsom, directrice de l’Agence des cinquante pas géométriques de Guadeloupe
Établissement public d’aménagement de Guyane (EPAG)
– M. Jack Arthaud, directeur général
M. Serge Letchimy, député, et président du conseil régional de la Martinique
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